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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP

Faculté des Sciences juridiques et politiques


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LICENCE III - 21/22, SEMESTRE 3

DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

TRAVAUX DIRIGES

MEMBRES DE L’ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE


Chargé du cours : Pr Patrice Samuel Aristide BADJI
Coordonnateur : Mme Nogaye NDOUR NIANG
Membres
M. Samba DABO
M. Christian Ousmane DIOUF
M. Ibrahima MALE
M. Bira Lô NIANG

Les fiches de travaux dirigés (TD) sont élaborées dans la perspective de vous donner le plus
d‘informations sur des questions qui ne peuvent pas être approfondies dans le cadre du cours qui
vous est dispensé.
Les TD ont pour objectif principal, le renforcement du cours magistral. En même temps, ils servent
à entraîner l‘étudiant à mener une réflexion personnelle et à prendre position sur une question
ponctuelle de droit. L‘équipe pédagogique vous invite donc vivement à lire sérieusement les
documents annexés (arrêts et articles de doctrine) et à faire les recherches proposées. Ce travail
personnel vous permettra d‘améliorer vos connaissances en procédure civile et votre maîtrise des
différentes méthodologies juridiques (cas pratiques, dissertation juridique et commentaire textes).
Les fiches, lorsqu‘elles sont correctement exploitées, devraient vous permettre de saisir les notions
fondamentales de la procédure civile (théorie de l‘action et théorie de l‘instance, pour l‘essentiel,
plus exactement). L‘objectif pédagogique serait ainsi atteint car ni le cours, ni les travaux dirigés
n‘ont cette prétention de vous amener à une parfaite maîtrise de la matière en Licence 3.

1
SEANCE I

Thème : Les sources de la procédure civile


Travail à faire
Exercice 1.
Sujet : Note écrite: Les innovations introduites dans la loi n°2020-14 modifiant la loi n°2017-24
du 28 juin 2017 portant création , organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce et
des chambres commerciales d'Appel.
Exercice 2. Dissertation
Sujet : La portée abrogatoire des Actes uniformes relatifs aux modes alternatifs de règlement des
différends
Références de lecture
Législation
Acte uniforme du 23 novembre 2017 relatif à la médiation, entré en vigueur le 16 mars 2018
Loi n° 2020-14 modifiant la loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerces et des chambres d’appel, JO n° 7299 bis du 08 avril
2020.
Loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux
de commerces et des chambres d’appel JO n° 7023 du samedi 1er juillet 2017.
Doctrine
ARBACHI (D), « La supranationalité de l‘Organisation pour l‘Harmonisation en Afrique du Droit
des Affaires », Revue burkinabé de droit, n° 37, 1er semestre 2000.
G. ALPA, « La circulation des modèles de résolution extrajudiciaire des conflits », RIDC, 1993,
pp. 755 et s.
B. LE BARS, « La réforme du droit de l'arbitrage, un nouveau pas vers un pragmatisme en marche
», JCP E n° 6, 10 Février 2011, 1108.
BEGUIN, J. ORTSCHEIDT et Ch. SERAGLINI Ch, « Un second souffle pour l'arbitrage interne,
à propos du décret du 13 janvier 2011 », JCP G n° 11, 14 Mars 2011, p. 322.
J. El-Hakim, « Les modes alternatifs de règlement des conflits dans le droit des contrats », RIDC,
1997, pp. 347-357.
G. BLOCK, « La sanction attachée au non-respect d‘une clause de conciliation ou de médiation
obligatoire », Mélanges Martin, 2004, Bruylant/LGDJ, p. 71 et s.
J. J.-L CORREA, « La médiation et la conciliation en droit sénégalais : libres propos sur un texte
réglementaire », Bull. Droit économique, Université LAVAL, n° 2, 2017, pp. 1-16.
N. DIOUF, « L’adoption de l’Acte uniforme relatif à la médiation : une nouvelle avancée vers
l’unification du droit dans l’espace OHADA et un nouveau recul des lois nationales ?», Mélange
en l’honneur de Jacques MESTRE LGDJ 2019.
Ch. JARROSSON, « Les modes alternatifs de règlement des conflits: présentation générale », RID
comp., 1997.325.
Ch. JARROSSON et P. PELLERIN, P, « Le droit français de l‘arbitrage après le décret du 13
janvier 2011 », Revue de l’arbitrage, 2011, n° 1, janvier-mars, p. 5.
E. GAILLARD et P. LAPASSE, « Le nouveau droit français de l'arbitrage interne et international
», Recueil Dalloz, 20 janvier 2011, p. 175.
E. GAILLARD et P. De LAPASSE, « Commentaire analytique du décret du 13 janvier 2011
portant réforme du droit français de l'arbitrage », Cahiers de l’arbitrage, 2011, n° 2, p. 263.
J. C. GOLDSMITH, « Les modes de règlement amiable des différends (RAD) », Rev. dr. aff. int.,
1996, p. 222.
A. D. KOTSAP MEKONTSO, « Le principe « compétence-compétence » dans la procédure de
médiation OHADA », in Bull. ERSUME de pratique professionnelle, n° 004, Chron., 2017, pp. 4
et s.

2
E. LOQUIN, « La réforme du droit français interne et international de l'arbitrage », RTD Com.
2011 p. 255.
MARTOR (B), PILKINGTON (N), SELLERS (D), THOUVENOT (M), Le droit uniforme
africain des affaires issu de l'OHADA, Litec, 2004, 344 pages.
F. NAMMOUR, Droit et pratique d'arbitrage interne et international, Beyrouth, 3eéd. Delta, 2009.
POUGOUE (P.-G), Présentation générale et procédure en OHADA, Coll. Droit uniforme, PUA,
Yaoundé, 1998, 90 pages.
RENOUX (T-S), « Le droit au recours juridictionnel », JCP 1993. I. 3675.
TOURE (P. A.), La réforme de l'organisation judiciaire du Sénégal, CREDILA –L‘Harmattan
(Sénégal), 2016, 436 pages
VINCENT (J), GUINCHARD (S), Procédure civile, 26e éd., Dalloz, Paris, 2001, 1154 pages.
Documents à lire
N. DIOUF, « L’adoption de l’Acte uniforme relatif à la médiation : une nouvelle avancée vers
l’unification du droit dans l’espace OHADA et un nouveau recul des lois nationales ?», Mélange
en l’honneur de Jacques MESTRE LGDJ 2019.
CORRÉA (J. L.), « La médiation et la conciliation en droit sénégalais : libres propos sur un texte
réglementaire », BDE (2017) 2 PP : 1 à 16.
1. Introduction
Honoré de Balzac disait « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Cet aphorisme,
qui peut paraitre exagéré, démesuré, trouve aujourd’hui tout son sens dans un contexte d’évitement
du juge étatique et de promotion de la justice privée. La médiatisation de l’État, c’est-à-dire son
éloignement de la sphère de production normative qui a comme corollaire son émasculation, se
traduit par une norme juridique se caractérisant par le flou, le mou et le doux, pour reprendre les
mots de Catherine Thibierge1.
L’émergence des pouvoirs privés économiques, qui ont quelque peu supplanté les pouvoirs publics
dans leurs fonctions régaliennes de production et de sanction de la norme, a entrainé l’éviction de
l’État et de ses démembrements de la sanction de la violation de la règle de droit 2 . Un tel constat
se manifeste à travers une privatisation du contentieux des affaires avec le développement des
codes de conduite, de l’arbitrage, de la médiation et de la conciliation. À reprendre Balzac, les
milieux d’affaires préfèrent un arrangement, c’est à dire une convention tendant à régler une
situation juridique.
Cette description de la privatisation du contentieux des affaires s’inscrit dans une perspective
unitaire dictée, voire imposée, par la mondialisation de l’économie. Mais qui dit mondialisation de
l’économie doit penser aussi la mondialisation du droit3. Mais celle-ci prend les contours et les
textures des catégories juridiques issues de la Common Law. Ainsi, le développement des procédés
extra- judiciaires de règlement des différends d’affaires, leur actualité ne sont que l’illustration
d’un monde dominé par la pensée néo-libérale et ses catégories juridiques intrinsèques.
Dans ce contexte, l’adoption par le Sénégal d’une nouvelle réglementation sur le droit de la
médiation et de la conciliation ne saurait surprendre. Le décret n° 2014- 16534 du 24 décembre
2014 dont nous tenterons la glose et l’exégèse des dispositions saillantes est une sorte de
parachèvement de l’organisation de la justice privée au Sénégal.
S’il faut se réjouir de l’adoption d’un texte qui, comme l’annonce l’exposé des motifs, contribue à
« l’instauration d’un climat des affaires favorable à l’investissement à travers un environnement
juridique et judiciaire des affaires sûr et efficace » il ne serait pas inutile de faire ressortir les mérites
et démérites d’une telle entreprise. À parcourir le texte, on est saisi par plusieurs sentiments
satisfactoires. D’abord, un sentiment très théorique de voir le Sénégal se doter d’un texte sur la
médiation et la conciliation. Ensuite, un sentiment plus pratique de voir les pouvoirs publics
répondre à un impérieux besoin de célérité, de rapidité et de confidentialité des hommes d’affaires.
En effet, le décret 2014-1653 est essentiellement destiné à la médiation et à la conciliation des
différends d’affaires, même si le texte semble ne pas vouloir se prêter à une interprétation aussi

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restrictive. Une telle option est d’ailleurs critiquable si l’on sait que l’Afrique est une terre
ancestrale de pratique de la médiation et de la conciliation avec le symbole fort de l’arbre à palabre,
elles seraient d’ailleurs une caractéristique essentielle du droit traditionnel qui a offert une
résistance victorieuse au droit moderne 5 . Mais le texte du décret semble ne chercher à contenter
que les hommes d’affaires, le quidam attendra, pour prendre son mal en patience, il se contentera
de la justice de proximité promue par les Maisons de justice installées sur l’essentiel du territoire
national.
En adoptant ce décret, le Sénégal s’engage dans la voie de la promotion des techniques d’évitement
du juge étatique auxquelles participent les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC).
Ces derniers concernent, restrictivement, la médiation, la conciliation, la transaction, à l’exception
de l’arbitrage 6 défini comme un mode conventionnel de règlement d’un différend par des arbitres
investis d’un pouvoir juridictionnel ou contraignant par les parties pour trancher un litige bien
déterminé. En effet, la doctrine est partagée sur le contenu des MARC, ceux
qui en excluent l’arbitrage se fondent sur le caractère contraignant de la sentence arbitrale
contrairement à l’accord de médiation et à l’accord de conciliation, proposé aux parties. Au sens
du décret, la médiation est tout processus consensuel et structuré par lequel un tiers dit médiateur
aide les parties à trouver un accord, dit accord de médiation, en vue de la résolution amiable de leur
différend.
Quant à la conciliation, il s’agit d’un processus consensuel ou structuré par lequel deux ou plusieurs
parties tentent, à l’appui des propositions et avis d’un tiers dit conciliateur, de parvenir à un accord,
dit accord de conciliation, en vue de la résolution amiable de leur différend7. À s’en tenir à ces
définitions, il n’existerait qu’une différence de degrés entre la médiation et la conciliation résidant
dans la participation plus active du tiers dans la conciliation que dans la médiation. Mais dans les
deux cas, le tiers aide les parties à trancher non pas un conflit encore moins un litige mais seulement
un différend, c’est-à-dire « toute contestation entre deux ou plusieurs personnes provenant d’avis
ou d’intérêts différents8. »
En faisant fi des querelles doctrinales sur la portée véritable des MARC, remarquons que leur
avènement et leur actualité sont la manifestation de phénomènes plus denses dont les plus
significatifs ont trait, d’une part, à nos systèmes judiciaires africains peu efficients et efficaces,
d’autre part, à une déjuridicisation, une désétatisation partant une privatisation du contentieux des
affaires. La déjudiciarisation du contentieux des affaires a pris forme d’abord avec l’adoption d’une
série de décrets portant sur l’arbitrage datant, pour la plupart, de l’année 1998. Mais depuis
l’avènement de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA),
une pléiade de textes a été adoptée. Il s’agit du titre IV du Traité OHADA portant sur l’arbitrage
et de l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage. Ce droit matériel consacrant respectivement
l’arbitrage institutionnel CCJA et valant lex arbitri pour les arbitrages dont le siège du tribunal
arbitral se trouve dans l’un des Etats parties de l’OHADA est complété par le règlement de
procédure de la CCJA. D’un point de vue très théorique, le décret 2014-1653, avec les organes
qu’il crée, traduit une passion du droit 9 et des institutions de la part des autorités
étatiques. Autrement, comment comprendre ces nouveaux textes et ces nouvelles institutions
venant se juxtaposer à d’autres déjà existant. Un effort de rationalisation est ici possible ne
remettant pas en cause la pertinence ni l’acuité des problèmes et des instruments chargés de les
prendre en charge. De peu, on peut faire de tout, mais aussi rien10.
Avec le décret 2014-1653, la charpente de l’œuvre d’évitement du juge est solide parce que bien
pensée et construite. Après avoir façonné l’arbitrage, c’est au tour de la médiation et de la
conciliation d’être pensée. Mais on doit se poser la question de savoir si l’idée de la médiation et
de la conciliation que reflète le texte est conforme aux attentes en la matière, est- ce l’idéal dans un
contexte africain et sénégalais ? À lire le texte, la raison tangue entre ce qui est proclamé et ce qui
devrait l’être, ce qui est dit et qui devrait être dit autrement, ce qui est fait et qui n’aurait pas dû

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être fait. Dès lors, la médiation et la conciliation entre l’idéel (I) et l’idéal (II) tels seront les deux
axes de notre contribution.

La médiation et la conciliation en droit sénégalais : l’idéel


Le texte du décret procède à une organisation générale de la médiation et de la conciliation (1.1)
qui permet de révéler le rôle des personnes impliquées (1.2).

L’organisation générale de la médiation et de la conciliation


La médiation et la conciliation sont fondées sur des principes organisationnels (1) et des
organes opérationnels (2).

Les principes organisationnels Plusieurs principes fondent la médiation et la conciliation en droit


sénégalais. L’autonomie de la volonté11, la confidentialité12, l’indépendance, la neutralité et
l’impartialité des médiateurs et conciliateurs13.
La médiation et la conciliation trouvent un fondement très théorique dans l’autonomie de la volonté
des parties. En effet, celles-ci peuvent décider librement de soumettre leur litige au règlement
amiable de personnes tierces. Mais il est curieux de voir dans un texte de loi une référence à un
principe aussi théorique que mythique comme l’autonomie de la volonté. En matière contractuelle,
E. Gounot14, G. Rouhette15, E. Savaux16, ont fini de démontrer en quoi cette théorie faussement
présentée comme étant kantienne avait eu pour effet de pervertir le fondement du contrat. Il
semblerait qu’au lieu d’autonomie de la volonté, le législateur aurait meilleure idée de parler de la
liberté des parties, qui en est une des illustrations.
La confidentialité est aussi un des fondements principiels de la médiation et de la conciliation.
Étant une justice privée loin des exigences légales de publicité des débats, parce que la justice est
rendue au nom du peuple, la médiation et la conciliation mettent en exergue l’obligation de
confidentialité. Elle a un champ d’application très large. Il s’agit d’abord de la protection des
documents utilisés lors d’une procédure de médiation ou de conciliation. Ils ne peuvent pas être
utilisés dans une autre procédure (judiciaire ou arbitrale) à des fins de preuve. Le médiateur et le
conciliateur sont soumis aussi à l’obligation de confidentialité. Ils ne peuvent faire état, sauf accord
des parties, des éléments concernant le dossier tels que la volonté de recourir à la médiation et à la
conciliation, l’existence de celle-ci, les déclarations et aveux faits par une partie lors de la
procédure etc.
Le législateur sanctionne la violation de l’obligation de confidentialité par l’octroi de dommages
et intérêts à la partie qui en est victime. En effet, même s’il pèse sur le médiateur et le conciliateur
une obligation de confidentialité, la sanction de la violation de cette obligation n’est pas
expressément prévue par le texte du décret. Mais on peut affirmer, en se fondant sur les
principes généraux du droit de la responsabilité civile17, que le médiateur ou le conciliateur qui
viole son obligation de confidentialité engage sa responsabilité civile.
Le troisième fondement principiel de la médiation et de la conciliation est l’indépendance, la
neutralité et l’impartialité du médiateur ou conciliateur. L’article 6 du décret affirme que « le
médiateur ou le conciliateur doit être indépendant, neutre et impartial à l’égard des parties ». Ainsi
le médiateur ou conciliateur doit faire une déclaration d’indépendance, de neutralité et
d’impartialité avant d’entrer en fonction. Ces exigences-là sont au cœur de tous les modes privés
de résolution des différends, que deviendrait la médiation ou conciliation sans le respect de ces
standards ?
En arbitrage international, ces exigences prennent la dénomination générale d’obligation de
révélation. Elle a également pour fonction de préserver la confiance légitime des parties dans
l'indépendance des arbitres. D'une part, l'arbitre doit révéler les faits susceptibles de créer dans
l'esprit des parties un doute sur son indépendance. Le juge sanctionnera tout silence gardé sur de
tels faits au titre de la violation de l'obligation de révélation. D'autre part, si le fait est révélé, il

5
appartient au juge d'appui ou à l'institution d'arbitrage, saisi par la partie prise de doute, de vérifier
si ce fait justifie la récusation de l'arbitre 18 . Le texte sénégalais aurait pu s’approprier cette
évolution notionnelle19 en l’appliquant à la médiation et à la conciliation.
Les organes opérationnels
Le décret crée principalement un organe : le Comité national de médiation et de conciliation, placé
sous l’autorité du ministre de la justice. Le CNMC est administré par un secrétaire exécutif et
supervisé par un Conseil de direction.
S’agissant d’abord du Comité national de médiation, il a plusieurs attributions dont les plus
remarquables sont la fixation de la procédure d’agrément ou de retrait définitif du titre de médiateur
et de conciliateur ; établir la liste des médiateurs et des conciliateurs ; formuler des
recommandations sur les matières objet de médiation et de conciliation ; il établit son règlement de
médiation et de conciliation ; un manuel de procédure ; un règlement intérieur et une charte du
médiateur et du conciliateur, entre autres attributions20.
L’administration du Comité national de médiation et de conciliation est assurée par un secrétaire
exécutif. Ce dernier, assisté par un personnel qu’il choisit, est nommé, sur proposition du CNMC,
par le ministre de la justice. Le secrétaire exécutif à plusieurs fonctions : recevoir les demandes de
nomination des médiateurs et conciliateurs ; proposer des médiateurs et conciliateurs aux parties ;
s’assurer du bon déroulement des procédures de médiation et de conciliation ; en plus des tâches
administratives attendues de tout organe administratif classique.
La supervision du secrétaire exécutif est assurée par le Comité de direction, organe à la composition
hétéroclite de onze (11) membres dont deux magistrats, deux représentants du secteur privé, deux
représentants des organismes de médiation et de conciliation habilités par les pouvoirs publics, un
économiste, un administrateur de société, un représentant des Universités, un représentant de la
chambre des notaires, un représentant de l’ordre des avocats21. Les membres sont désignés par le
ministre de la justice suite à une proposition motivée de leurs corps respectifs pour un mandat de
trois ans renouvelable une fois. Le président du Comité est choisi parmi les membres et nommé
par le ministre de la justice. Les membres et le président perçoivent une indemnité de session.
Ces différents organes sont au service de la médiation et de la conciliation pour ne pas dire au
service du médiateur et du conciliateur, les personnes impliquées dans le processus, à côté des
parties.

Les personnes impliquées : le médiateur et le conciliateur


Deux éléments vont ici retenir notre attention. Il s’agit de la désignation (1) et de la mission (2) du
médiateur ou du conciliateur.

La désignation du médiateur ou du conciliateur


En la matière, il faut distinguer selon qu’il s’agisse d’une médiation ou d’une conciliation
extrajudiciaire ou judiciaire. Dans le cas de la médiation ou de la conciliation extrajudiciaire, deux
cas de figures doivent être relevés. La médiation ou la conciliation ad hoc, la médiation ou la
conciliation institutionnelle. Dans le premier cas, les parties sont libres de choisir, comme dans les
procédures arbitrales, le médiateur ou le conciliateur. Toute personne de leur choix peut officier
comme médiateur ou conciliateur, à condition, cependant, de respecter certaines conditions
générales22. Il s’agit de la capacité civile, de l’absence d’interdiction pénale, mais surtout avoir la
qualification requise pour le type de différend en question, présenter des garanties d’indépendance,
de neutralité et d’impartialité.
Un léger vent de dirigisme est perceptible dans la nomination du médiateur ou du conciliateur ad
hoc, procédé, qui, comparé à ce qui se fait en matière d’arbitrage international, est hors du temps.
La médiation ou la conciliation ad hoc devrait être laissée à l’entière liberté des parties. C’est leur
différend, libre à elles de choisir qui leur convient et d’assumer le résultat de la médiation ou de la
conciliation.

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Une telle position serait indéfendable lorsqu’il s’agit d’une médiation ou d’une conciliation
institutionnelle. Dans ce cas, les parties choisiront le médiateur ou le conciliateur sur la liste des
médiateurs et conciliateur tenue par l’institution les accueillant.
Dans le cas de la médiation ou de la conciliation judiciaire, le juge compétent nomme un médiateur
ou un conciliateur agrée par le Comité national de médiation ou de conciliation. Ils peuvent être
choisis par les parties ou choisis d’office par le juge. Le nombre de médiateur ou de conciliateur
est limité à un (1) parce que contrairement à l’arbitrage, le médiateur et conciliateur ne rendent pas
une sentence contraignante. Exceptionnellement, cependant, en raison de la complexité de
l’affaire, ils peuvent être deux ou plusieurs.
Les conditions de nomination et de sélection du médiateur ou du conciliateur sont clairement
définies de même que les missions qu’il va devoir assumer.

1.2.2 La mission du médiateur ou du conciliateur


Le médiateur ou le conciliateur aide les parties à trouver une solution amiable à leur différend. Le
médiateur a un rôle moins actif que le conciliateur, qui lui peut faire des propositions et émettre un
avis sur le conflit, suggérer une solution afin de faciliter la conclusion d’un accord de conciliation.
Mais dans les deux cas, ils doivent aider les parties à trouver des solutions conformes à l’ordre
public et aux bonnes mœurs. Pour ce faire, ils doivent être objectif, avoir le sens de l’équité et de
la justice.
Il n’est pas ici question de droit applicable parce que le médiateur ou conciliateur n’est pas, comme
l’arbitre, un juge privé, c’est un facilitateur qui veille à ce que l’accord trouvé par les parties soit
fondé en droit ou ex aequo et bono. L’accord doit aussi être conforme à l’ordre public et aux bonnes
mœurs. Il agit ici en véritable amiable compositeur.
Donner pour mission à un médiateur ou un conciliateur de résoudre les litiges qui découlent ou qui
s’inscrivent dans des relations conflictuelles ouvre la voie à une solution de pacification. Le
médiateur ou le conciliateur « doit chercher la solution pour l’avenir ; il ne s’agit pas de trancher
un problème passé, mais d’en résoudre un soulevé entre personnes qui doivent continuer à vivre
ensemble »23. En vérité, le médiateur ou le conciliateur règle moins qu’il ne fait disparaitre une
situation conflictuelle en rétablissant un dialogue rompu entre les parties24 ; il est un tiers qui n’est
pas concerné par le différend, mais peut communiquer avec les protagonistes en établissant les
conditions et les moyens d’un dialogue pour parvenir à un accord sur les points de désaccord.
Dans son organisation, la médiation et la conciliation reflètent l’idée claire que le législateur se fait
des modes de règlement des conflits. Mais en plus ou au-delà de l’idée, un idéal doit être poursuivi.

La médiation et la conciliation en droit sénégalais : l’idéal


L’organisation de la médiation et de la conciliation souffre d’une définition trop ambitieuse de son
champ d’application rationae materiae (2.1) mais aussi d’une absence de volonté d’unification
définitive de la médiation et de la conciliation au Sénégal (2.2).

La redéfinition du champ d’application rationae materiae


Telle qu’envisagée par le décret, la médiation ou la conciliation s’applique à toutes les matières formulation
peut avoir le mérite de prendre en compte la variété des différends pouvant être soumis à la médiation ou à
la conciliation, elle ne répond pas des objectifs visés par le décret, d’où la nécessité de définir de façon
précise les différends pouvant faire l’objet de médiation ou de conciliation (2.1.2).
tout différend, quelle que soit la matière26 et quelle qu’en soit la source27 peut faire l’objet de
médiation ou de conciliation. De lege lata, l’on ne saurait, sans trahir la lettre du texte, circonscrire
le champ d’application du décret à quelques matières seulement. Par conséquent, tous les différends
que ce soit en matière civile, commerciale et financière, en matière de relation individuelle de
travail, en matière de divorce, de filiation, de succession, en matière pénale pourraient être soumis
à la médiation ou à la conciliation.

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Une telle conception heurte de front le principe général selon lequel les MARC28 ne sont admis
que dans les matières où les individus ont la libre disposition de leurs droits. Il existe en effet des
matières qui relèvent des lois de police dont le règlement des différends ne peut en aucun cas être
laissé au bon vouloir des parties. La mise en œuvre de ce principe aboutirait, logiquement, à
l’éviction de certaines matières. L’usage de
formulation peut avoir le mérite de prendre en compte la variété des différends pouvant être soumis
à la médiation ou à la conciliation, elle ne répond pas des objectifs visés par le décret, d’où la
nécessité de définir de façon précise les différends pouvant faire l’objet de médiation ou de
conciliation (2.1.2).

La définition nébuleuse du champ d’application rationae materiae


Aux termes de l’article 3 al. 1er 25 « sauf dispositions contraires, tout différend peut faire l’objet
de médiation ou de conciliation ». À en croire la formule de cette disposition, on a l’impression
que tout différend, quelle que soit la matière26 et quelle qu’en soit la source27 peut faire l’objet de
médiation ou de conciliation. De lege lata, l’on ne saurait, sans trahir la lettre du texte, circonscrire
le champ d’application du décret à quelques matières seulement. Par conséquent, tous les différends
que ce soit en matière civile, commerciale et financière, en matière de relation individuelle de
travail, en matière de divorce, de filiation, de succession, en matière pénale pourraient être soumis
à la médiation ou à la conciliation.
Une telle conception heurte de front le principe général selon lequel les MARC28 ne sont admis
que dans les matières où les individus ont la libre disposition de leurs droits. Il existe en effet des
matières qui relèvent des lois de police dont le règlement des différends ne peut en aucun cas être
laissé au bon vouloir des parties. La mise en œuvre de ce principe aboutirait, logiquement, à
l’éviction de certaines matières. L’usage de l’expression « sauf dispositions contraires » trouve alors
tout son sens. Il s’agit, en effet, de l’ensemble des règles et principes qui interdisent ou qui font
obstacle au recours à la médiation ou à la conciliation dans certaines matières.
Il en est ainsi de la matière pénale qui constitue la matière de souveraineté29 par excellence. Le
recours à une justice privée dans ce domaine n’est en principe pas possible ; le règlement des
différends dans cette matière étant entièrement contrôlé par le ministère public. Le recours à la
médiation et à la conciliation ne peut donc pas relever de la volonté des parties, mais de
l’appréciation du magistrat 30 (du parquet) en charge de l’affaire. Même s’il existe d’autres
institutions31 de médiation et de conciliation en matière pénale, la mise en œuvre est entièrement
contrôlée par le Procureur de la république32 et la procédure conforme aux conditions fixées par
le Code de procédure pénale33.
Il en est de même de la matière sociale. Précisons d’emblée que le recours à l’arbitrage dans ce
domaine n’est pas possible. Mais autant la position est catégorique concernant l’arbitrage des litiges
individuels de travail, autant elle doit être nuancée lorsqu’il s’agit de la médiation et de la
conciliation des mêmes litiges. Le principe est admis en droit sénégalais34 ; le véritable problème
serait plutôt le recours à un organe autre que le juge et l’inspecteur du travail pour le règlement
amiable des différends.
Relativement à la conciliation effectuée par le juge à l’occasion d’un conflit individuel de travail,
il s’agit plus d’une exigence procédurale 35 que d’un choix délibéré des parties de recourir à la
conciliation. Le juge est tenu de tenter une conciliation avant d’entamer la phase contentieuse.
C’est le même principe qui s’applique en matière de divorce contentieux, la conciliation est un
préalable obligatoire36 qui s’impose aussi bien au juge qu’aux parties.
En outre, le Code du travail prévoit, lors d’un différend individuel de travail, la possibilité de
demander à l’inspecteur du travail, à son délégué ou à son suppléant de régler le différend à

8
l’amiable 37 . Cependant, est-il possible, en dehors des personnes visées par le législateur, de
confier le règlement amiable du différend à d’autres organes ? La saisine de l’inspecteur est certes
volontaire, mais il ne nous semble pas permis de recourir à d’autres organes ou à des particuliers
pour le règlement amiable des litiges individuels de travail.
Quant à l’État et ses démembrements, il convient d’abord de préciser que l’implication de
l’administration publique n’est pas un critère suffisant pour écarter l’application des règles de droit
privé. La prise en compte de la finalité poursuivie telle que résultant de la distinction entre service
public administratif et service public industriel et commercial serait déterminant de
l’assujettissement des différends impliquant l’administration à la médiation ou à la conciliation.
Dès lors, lorsque le critère de finalité renvoie à l’application des règles civiles ou commerciales, le
différend devrait pouvoir être soumis à la médiation ou à la conciliation38. Par contre, s’il s’agit
d’un service public administratif, il résulte de l’article 1er de loi 91-14 du 11 février 1991 instituant
un Médiateur de la République que la mission de médiation des réclamations concernant le
fonctionnement des administrations de l’Etat est entièrement dévolue au Médiateur de
République39.
En faisant une analyse par exclusion, le champ d’application du décret se trouve rétrécit telle une
peau de chagrin. La systématisation des matières substantiellement soumise aux MARC
permet de limiter la portée de l’article 3 al.1 aux matières civiles, commerciales et financières tel
qu’il ressort des motifs du décret. Il appartient au législateur, afin d’éviter toute contrariété dans la
formulation du texte, de définir avec précision les différends susceptibles d’être soumis à la
médiation ou à la conciliation.

La nécessité de préciser les différends susceptibles d’être soumis à la médiation ou à la conciliation


« Qui trop embrasse, mal étreint40 » dit- on. Plus qu’un simple dicton, cette expression « exprime
» la nécessité de circonscrire le domaine d’intervention de l’individu pour une plus grande
efficience et une efficacité avérée dans son action. Ce besoin se fait davantage sentir lorsqu’il s’agit
d’un domaine où le dysfonctionnement du service public de la justice a rendu nécessaire le recours
aux MARC. Même s’il résulte de la glose de l’article 3 al. 1er un semblant de délimitation du
champ d’application ratione materiae, la formule « tout différend » reflète une certaine générosité,
pour ne pas dire une certaine paresse dans la détermination du champ d’application du décret.
L’histoire semble se répéter. Certes, le contexte est différent, mais le législateur OHADA,
relativement à l’Acte uniforme sur l’arbitrage, avait utilisé une formule semblable à celle du décret
2014-1653 pour déterminer le champ d’application rationae materiae de l’arbitrage 41 . Les
critiques soulevées contre cette option des rédacteurs de l’acte uniforme trouvent toute leur
pertinence dans notre contexte. En effet, aucune précision n’a été faite quant aux matières arbitrales
et quant aux personnes habilité à compromettre ; le seul critère d’arbitrabilité étant la libre
disposition des droits 42 . Au-delà des critiques, la formule de l’article 2 al. 1er a le mérite d’avoir
précisé le critère d’arbitrabilité des différends. A faire du droit comparé, le droit suisse43, retient
comme critère de l’arbitrabilité, la patrimonialité du différend. Cet exemple aurait valablement pu
inspirer le législateur.
Pourtant, dans l’exposé des motifs, le décret vise à accorder une place importante à la médiation et
à la conciliation dans les matières civiles commerciales et financières. L’objectif étant « d’accorder
une plus grande importance aux modes alternatifs de règlement des différends qui privilégient le
règlement à l’amiable des différends» 44 . Dès lors, on pourrait penser que le décret vise à
promouvoir la médiation et la conciliation dans ces matières « afin d’améliorer l’environnement
des affaires et de faire du Sénégal un pays attractif aux investissements ». Ainsi, il ressort des
motifs du décret une indication sur les types de différends que le décret entend soumettre à la
médiation et à la conciliation.

9
Relativement au champ d’application rationae personae, il n’y a guère de difficultés. La recours à
la médiation ou à la conciliation dépend de la volonté des parties, peu importe leur statut. L’alinéa
5 de l’article 3 ne dispose-t-il pas que « Sauf dispositions contraires, les personnes morales de droit
public peuvent être parties à une médiation ou conciliation. » Il est clair, que même si l’on peut
déterminer,
À travers une analyse substantielle de l’article 3 al. 1er et 5, les matières susceptibles d’être
soumises à la médiation ou à la conciliation, les rédacteurs du décret aurait dû, à défaut d’une
énumération des matières, préciser le critère (de patrimonialité par exemple) d’application. Cette
démarche serait plus conforme à la volonté des pouvoirs publics de désengorger le service public
de la justice et de promouvoir les modes alternatifs de règlement des différends. Où l’on regrettera
que le législateur se soit plus préoccupé de la promotion des investissements que de la nécessité
d’unifier le système de la médiation et de la conciliation.

L’unification du droit de la médiation et de la conciliation


À lire le décret, on a l’impression que les initiateurs manquent d’ambition, si ce n’est qu’ils ont été
pris par la volonté de satisfaire la lubie des bailleurs de fonds. Autrement, on ne saurait comprendre
comment les pouvoirs publics n’ont pas pu profiter de cette aubaine pour procéder à une double
unification des organes de médiation ou de conciliation
(1) mais aussi des règlements de procédure divers en la matière (2).

L’unification des organes de médiation et de conciliation


Le développement et l’actualité relatifs aux modes alternatifs de règlement des conflits au
Sénégal45- particulièrement la médiation et la conciliation-imposent de grands efforts de réflexion
sur leur cohérence, leur efficacité et leur efficience. Le texte du décret a la particularité d’instituer
un Comité national de médiation et de conciliation, placé sous l’autorité du Ministre de la Justice
et investi de plusieurs missions. Ce nouvel organe dont la cohérence ne fait pas de doute envisagée
du point de vue intrinsèque du décret, soulève néanmoins des difficultés d’articulation avec les
institutions existant déjà. Il y a, par suite, une multitude d’organes intervenant en matière règlement
des différends, ce qui ne milite point en faveur d’une cohérence des MARC.
Dans ce contexte, le décret de 2014 se présentait comme une opportunité heureuse afin de procéder
à une unification des organes de la médiation et de la conciliation; les préoccupations du moment
exigeant qu’un minimum de rationalité préside désormais aux pratiques de la médiation et de la
conciliation46.
En effet, en la matière, il eut été utile de penser l’articulation avec l’organe permanent de médiation
qu’est le Médiateur de la République47. Ce dernier a certes une compétence rationae materiae
bien définie48 mais un renforcement de ses compétences aurait eu un effet plus méritoire que la
dispersion des compétences à laquelle participe le décret de 2014. Ce d’autant plus que ce texte
admet que les personnes morales de droit public puissent être parties à une médiation ou une
conciliation49. Ainsi, le pari de l’unification serait gagné dans l’usage de cette pratique ancestrale
qu’est la médiation50.
Outre le Médiateur de la République, le décret de 2014 offrait l’opportunité d’une mise en
cohérence avec le n° 2007-1253 relatif aux maisons de justice, à la médiation et à la conciliation.
Les maisons de justice ont compétence, entre autres, pour accueillir des activités de médiation et
de conciliation, notamment celles qui sont mises en œuvre à l’initiative des parties, du Procureur
de la République ou du juge, dans les conditions prévues aux articles 32, 451, 570 du Code de
procédure pénale et 7, 7 bis, 7 ter, 21, 30 du Code de procédure civile 51 . Aujourd’hui, les
statistiques élogieuses de cas soumis et résolus par les soins des maisons de justice sont
édifiantes52. Dès lors, était-il nécessaire, à côté d’elles, d’instituer d’autres organes intervenant

10
dans le cadre de la médiation et de la conciliation ? Nous pensons qu’il aurait fallu renforcer les
attributions et les moyens des maisons de justice.
À étudier les procédures pénale et civile relativement à la médiation et la conciliation, elles révèlent
la prise en compte exprès de ces dernières par le législateur. En effet, la médiation pénale est prévue
et organisée par les dispositions des articles 32, 451 et 570 du Code de procédure pénale sénégalais.
Le Procureur de la République peut procéder lui-même à la médiation pénale ou déléguer tout ou
partie de la tâche à un médiateur pénal tenu à une obligation de neutralité et de secret 53 . Sans
prendre partie dans le débat doctrinal quant à la qualification de la médiation pénale54, il serait
d’une bonne administration de la justice d’en confier l’office à un autre organe que le Procureur de
la République. Une reconsidération de son office en la matière consisterait à lui permettre de ne
veiller que sur le respect par les médiateurs désignés de l’ordre public et des bonnes mœurs.
En matière civile, le Code de procédure civile, en ses articles 7 et 30, organise la conciliation. Cette
dernière peut être à l’initiative du juge ou des parties. La conciliation est ou peut être, selon les cas,
un préalable important à plusieurs procès civils. En matière familiale, également, la conciliation
est pratiquée 55 . Précisons qu’en outre, dans certaines matières du relatives au droit de la famille
notamment le mariage, la filiation, les successions, les donations, les testaments, la loi sénégalaise
donne pouvoir au chef de village ou au délégué de quartier de concilier les parties56.
La matière sociale n’est pas en reste, notamment avec l’intervention de l’inspecteur du travail et
de la sécurité sociale en qualité de conciliateur dans les litiges individuels de travail. Cette
procédure de conciliation est organisée par les dispositions des articles L.141 et
L.142 du Code du travail du Sénégal. Le juge social, en cas d’insuccès de la conciliation initiée
devant l’inspecteur régional du travail et dès réception du dossier constitué sur le différend, doit
citer les parties à comparaitre devant lui, en conciliation, dans un délai qui ne peut excéder douze
jours57. Ou l’on constate qu’en matière sociale, aussi l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale
que le juge social a des attributions légales en matière de médiation des différends individuels de
travail.
Le droit OHADA, prévoit également des procédures de médiation dans deux disciplines que sont
les procédures collectives d’apurement du passif et. S’agissant de l’Acte uniforme sur les
procédures collectives d’apurement du passif, l’article 5-1 prévoit une procédure de conciliation
pour les personnes concernées qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne
sont pas encore en état de cessation des paiements 58 . Quant aux procédures simplifiées de
recouvrement de créances59, il est prévu une tentative de conciliation de la part du juge compétent
saisi d’une opposition.
La conciliation prévue par ces deux Actes uniformes aurait pu être mise en œuvre par les organes
prévus par le décret 2014- 1653, ce d’autant plus que ce texte vise, notamment, les différends
commerciaux et financiers.
La multitude et la diversité des formes et des organes de médiation et de conciliation judiciaire ou
extrajudiciaire entrainent une certaine incohérence dans la pratique de ces MARC. Il y a dès lors
une nécessité d’unifier ces organes afin de gagner en efficacité et en efficience. L’un des objectifs
du décret 2014-1653 est de désengorger les juridictions sénégalaises par la justice alternative afin
de corriger les lenteurs et la lourdeur de la justice étatique. Le constat de l’importance permanente
de l’office du juge étatique en matière de médiation et surtout de conciliation risque d’annihiler la
volonté première du législateur. Afin que cela n’arrive, il sera préférable de confier ces tâches de
médiation et de conciliation à un organe unique et permettre au magistrat de ne veiller qu’au
respect des principes fondamentaux, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Cette unification des
organes doit également s’accompagner d’une unification du règlement de procédure.

L’unification du règlement de procédure


L’un des intérêts du décret 2014-1653 est qu’il s’accompagne d’un arrêté portant règlement de
procédure de médiation et de conciliation. Ce texte s’applique en cas de médiation ou de

11
conciliation ad hoc ou en l’absence de règlement de médiation ou de conciliation de l’institution
choisie par les parties. Ce règlement s’applique également à la médiation et à la conciliation
judiciaire 60 . Cependant, l’opportunité d’un règlement de procédure de médiation et conciliation
se pose. Comme l’arbitrage, les parties auraient pu avoir la latitude de déterminer les règles
procédurales organisant l’instance, sauf le respect des principes fondamentaux du for62.
Le risque majeur ici encouru avec la détermination préalable de la procédure est la dénaturation
d’un MARC apprécié pour ses qualités intrinsèques de souplesse procédurale et d’indépendance
des parties.
Ce règlement de procédure vient ainsi s’ajouter au dispositif légal. Ainsi, à côté des règles de
procédure civile et pénale, de la procédure de règlement amiable des litiges individuel de travail,
existe désormais un règlement de médiation et de conciliation élaboré par le Comité national. S’il
est vrai que la démarche est innovante en soit, elle ne permet pourtant pas, contrairement à ce qui
est annoncé, de désengorger le système judiciaire ; les tribunaux et certains organes conservent
leurs attributions classiques en la matière. L’on assiste ainsi à une multiplication des institutions
investies des mêmes missions, mais obéissant chacune à une procédure propre. Un exemple patent
pourrait être tiré de l’harmonisation de la procédure des Maisons de justice avec la procédure
pratiquée devant les juridictions étatiques. En effet, la procédure appliquée se rapporte à celle
prévue par le Code de procédure civile (pour la matière civile) et le code de procédure pénale (pour
la matière pénale63 ). Les pouvoirs publics auraient pu profiter de cette réforme du système
judiciaire soit pour renforcer le dispositif existant64 soit pour élaborer une procédure cohérente
inspirée de l’existant, mais totalement libérée de l’influence des procédures judiciaires jugées trop
contraignantes65.
Plus qu’un choix, l’unification des procédures est une nécessité guidée par le souci de cohérence
et d’efficacité. Cette efficacité suppose l'accès du justiciable à la procédure sans obligation d'utiliser
un représentant légal, tout en ayant la possibilité de se faire représenter s'il le souhaite. Il implique
également la gratuité ou le faible coût de la procédure, la fixation de courts délais entre la saisine
du médiateur et sa décision. L’unification commande aussi la nécessité de faire une description des
types de litige pouvant être soumis à médiation ; les règles relatives à la saisine de cet organe ; le
coût éventuel de la procédure pour les parties ; les règles sur lesquelles se fondent les décisions de
l'organe (code de conduite, dispositions légales, etc.) ; les modalités de prise de décision66 ; la
valeur juridique de la décision67.
En s’engageant dans la promotion des MARC, le Sénégal opte pour un changement de paradigme
quant à la conception du procès. Mais une vague impression de non aboutissement de l’idée, de la
volonté, est décelable à la lecture du texte. Afin d’apporter des remèdes à notre conception romaine
du procès et à ses tares, la promotion des MARC, principalement dans des domaines ayant trait aux
affaires, aurait eu le mérite de participer à la correction des apories de notre système judiciaire68,
qui vit, à tout le moins, une crise d’adolescence69. Avec le décret 2014-1653, on assiste à la
promotion d’une justice privée qui échappe, en partie, au contrôle du juge étatique.
S’il faut saluer la vague réformatrice qui pourrait être amenée à transformer en profondeur le
traitement du contentieux et le droit processuel, l’éclatement70 des règles de procédure applicables
aux MARC dans plusieurs textes ne rend pas aisé le recours à ces modes de règlement de différends.
La grande souplesse de la médiation et de la conciliation serait de façonner une justice privée,
silence, participative, « déritualisée», enfin humaine. Mais pour honorer cette promesse cette forme
de justice doit reposer sur un ensemble concordant d’organes, de procédures et principes qui en
constituent à la fois le fondement et le fil d’Ariane.

12
SEANCE II

Thème : L’action en justice


Travail à faire
Exercice 1. Note écrite
Sujet : La représentation en justice
Exercice 2 : Commentez les articles 143 et 144 de la loi 2021-25 sur les prix et la protection du
consommateur
Article 143.
Les associations de défense des consommateurs visées à l’article 142 de la présente loi, peuvent
exercer les droits reconnus aux parties civiles en ce qui concerne les faits constituant une infraction
relevant de la présente loi et portant préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont
pour objet de défendre.
Article 144
Les associations de défense des consommateurs agissant dans les conditions précisées à l’article
143 de la présente loi, peuvent demander en justice, toute mesure destinée à faire cesser la violation
des droits des consommateurs prévus par la présente loi et à en obtenir réparation.

Références de lecture

GLENN (P.), « A propos de la maxime « nul ne plaide par procureur », RTD civ., 1988, p. 59.

GUINCHARD (S.), « Une class action à la française ? », D. 2005, chron. p. 2180.

LECLERC (M.), Les class actions, du droit américain au droit européen Propos illustrés par le
droit de la concurrence, Thèse Université Paris-dauphine, 2011.

ZAROIL (S.), « L’action de groupe à l’épreuve du droit français », HAL Id: dumas-02291087
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02291087, 2019.

FRICERO (N.), La représentation devant toutes les juridictions », Justice et cassation – 200801,
03/11/2021.

13
SEANCE III
Thème : La compétence juridictionnelle
Note introductive. En procédure civile sénégalais, la compétence juridictionnelle est l'aptitude
d'une juridiction étatique de l'ordre judiciaire sénégalais à connaître d'un litige ou d'une situation
de droit privé en matière civile. La détermination de la juridiction compétente est le préalable
nécessaire à la saisine du juge civil, et à l'examen de l'affaire sur le fond. L'incompétence du juge
saisi entache la décision rendue d'un vice, et contraint les parties à devoir reprendre l'instance
devant un autre juge.
Les règles de compétence permettent de déterminer, au sein de l'organisation juridictionnelle, la
juridiction compétente selon son ordre (matière administrative, pénale, civile ou commerciale), son
degré (premier degré, second degré ou cassation), sa nature et le lieu de son siège. La compétence
d'une juridiction est qualifiée d'après la matière de l'affaire dont elle est saisie (compétence
matérielle) et le lieu de rattachement géographique de l'affaire (compétence territoriale).
La compétence matérielle d'une juridiction désigne l'ensemble des matières pour lesquelles la
juridiction est apte à statuer. La compétence territoriale désigne le secteur géographique pour lequel
la juridiction saisie est apte à statuer.

Travail à faire
Exercice 1. Note écrite
Sujet : Les conflits de compétence entre les juridictions nationales et la CCJA
Exercice 2. Commentez l’arrêt de la CCJA du 26 avril 2018

Audience publique du 26 avril 2018


Pourvoi : n° 155/2017/PC du 28/09/2017
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son
audience publique du 26 avril 2018 ….
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour sous le n°155/2017/PC du 28 septembre 2017 et
formé par Maître Bello Sophie, Avocat à la Cour à Abidjan, y demeurant au Plateau, Paris-Village,
résidence Esculape 2, Bâtiment B2, 22 BP 436 Abidjan 22, pour le compte de Gnare Kadiatou,
Samailan Abdourahimoune, Karakodjo Ely, Karakodjo Seydou, Moumouni Miko, Ramateck
Amadou, Seme Amadou, Arama Issa, Yahaya Laouli, Mahamadou Illiassou, Karakodjo Mamadou,
résidant tous à Adjamé, Côte d’Ivoire, dans la cause qui les oppose à l’Entreprise Industrielle de
Bâtiments et Divers dite EIB, dont le siège social se trouve à Abidjan, Treichville, avenue Nanan
Yamousso, 03 BP 1696 Abidjan 03, et Haïdar Moustapha, gérant de la susdite entreprise,
demeurant au siège social de celle-ci, ayant tous deux pour conseil Maître KOFFI BROU Jonas,
Avocat à la Cour à Abidjan, y demeurant Plateau avenu Chardy, 04 BP 2759 Abidjan 04, en
annulation de l’arrêt n° 406/2017 du 9 juin 2017 rendu par la Chambre judiciaire de la Cour
Suprême de Côte d’Ivoire dont le dispositif est le suivant :
« Rejette le pourvoi formé par Gnare Kadiatou, Samailan Abdourahimoune, Karakodjo Ely,
Karakodjo Seydou, Moumouni Miko, Ramateck Amadou, Seme Amadou, Arama Issa, Yahaya
Laouli, Mahamadou Illiassou et Karakodjo Mamadou, en cassation de l’arrêt n°836 rendu le 21
juin 2013 par la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan
ainsi que sur la minute de l’arrêt entrepris (…) » ;
Les demandeurs invoquent au soutien de leur recours le moyen unique d’annulation tel qu’il figure
à la requête annexée au présent arrêt ;

14
Sur le rapport de monsieur le second Vice-président César Apollinaire ONDO MVE ;
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que, Directeur Général de l’Entreprise
Industrielle de Bâtiments et Divers, en abrégé EIB, Haïdar Moustapha a donné à bail à usage
professionnel des locaux aux requérants, au terme d’un accord verbal ; que l’accusant d’avoir
augmenté unilatéralement le montant du loyer, les preneurs ont attrait le bailleur devant le juge des
loyers du tribunal de première instance d’Abidjan Plateau ; que par ordonnance n°4525 du 23
octobre 2012 RG 7426/2012, confirmée en appel, le juge les a déboutés de leur demande en
révision du montant du loyer ; que les preneurs se sont pourvus en cassation contre l’arrêt
confirmatif n°836 du 21 juin 2013 de la Cour d’Appel d’Abidjan ; que par arrêt dont recours, la
Cour Suprême de Côte d’Ivoire a rejeté ledit recours;
Sur la recevabilité du recours
Vu l’article 18 du Traité de l’OHADA ;
Attendu qu’aux termes du texte susvisé, « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence
d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la
concernant, méconnu la compétence de la Cour commune de justice et d’arbitrage peut saisir cette
dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée… » ;
Attendu qu’en l’espèce, il est établi que ce sont les demandeurs eux-mêmes qui ont saisi la Cour
Suprême de Côte d’Ivoire devant laquelle ils n’ont présenté aucun déclinatoire de compétence ;
qu’il y a lieu de relever d’office que les conditions exigées par l’article 18 du Traité précité ne sont
pas réunies et, par conséquent, de déclarer le recours en annulation irrecevable ;
Attendu que les demandeurs succombant, seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le recours irrecevable ;
Condamne les demandeurs aux dépens.

Références de lectures

DOC. 1 : ARTICLE 14 DU TRAITE DE L’OHADA ADOPTE LE 17/10/2008 AU QUEBEC


(CANADA) : « La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage assure l'interprétation et l'application
communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des actes uniformes et des
décisions.
La Cour peut être consultée par tout Etat Partie ou par le Conseil des ministres sur toute question
entrant dans le champ de l'alinéa précédent. La même faculté de solliciter l'avis consultatif de la
Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application de l'article 13 ci-dessus.
Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les
juridictions d'Appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à
l'application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des
décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par
toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux.
En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond ».
DOC. 2 CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR SUPREME DU 25 FEVRIER 2009 – PAPA
MACTAR SARR C/ ELTON OIL COMPANY S.A.
LA COUR, APRES EN AVOIR DELIBERÉ CONFORMÉMENT A LA LOI ; SUR LA
COMPÉTENCE
Attendu que la société défenderesse a soulevé l‘incompétence de la Cour de céans au motif que la
Cour d‘Appel s‘est prononcée sur la compétence du Tribunal du Travail relativement à la

15
révocation d‘un Directeur général s‘une société commerciale, en appliquant l‘article 426 de l‘Acte
Uniforme sur les sociétés commerciales ;
Attendu que le droit du travail n‘a pas encore fait l‘objet d‘Acte Uniforme ;
Attendu que le litige découlant d‘un contrat de travail relève de la compétence des juridictions
sociales ;
Attendu que les juridictions de fond ont été saisies d‘une requête d‘un Directeur général de la
société se prévalant d‘un contrat de travail ; que l‘action d‘un salarié contre une société, fût-il
dirigeant de celle-ci, relève de la compétence exclusive des juridictions sociales ;
SUR LA RECEVABILITÉ DU POURVOI
Attendu que la société ELTON a conclu à l‘irrecevabilité du pourvoi et à la déchéance du requérant
aux motifs d‘une part que le procès-verbal de comparution mentionne le nom de P.M SARR mais
porte la signature de son conseil et que, d‘autre part le pourvoi a été notifié au conseil de la
défenderesse en lieu et place du domicile réel ;
Attendu d‘autre part, que les dispositions spéciales en matière sociale de la loi organique n° 92-25
susvisée ne prescrivent pas la signature du procès-verbal de comparution sous peine
d‘irrecevabilité et, d‘autre part la notification du pourvoi au domicile élu a permis d‘assurer le
respect des droits de la défense ;
D‘où il suit que le pourvoi est recevable ;
Attendu selon l‘arrêt attaqué, que le jugement du 25 avril 2007, le Tribunal du travail hors classe
de Dakar a dit et jugé que Pape Mactar SARR et la société ETLTON étaient liés par un contrat de
travail au sens de l‘article 1er du Code du travail, déclaré le licenciement abusif et condamné
ELTON OIL à lui payer diverses sommes d‘argent ;
Que l‘arrêt infirmatif attaqué dont est formé pourvoi, la Cour d‘Appel a déclaré le Tribunal du
travail incompétent
SUR LE PREMIER MOYEN TIRE DE LA DÉNATURATION DES FAITS ET D’UNE
CONTRADICTION DE MOTIFS
Attendu que le requérant reproche à la cour d‘Appel d‘avoir, d‘une part considéré qu‘il avait saisi
le Tribunal du travail « pour faire valoir ses prétentions en sa qualité d‘administrateur » et d‘autre
part relevé « qu‘aucune des parties n‘a contesté l‘existence d‘un contrat de travail… à la suite de
l‘approbation du Conseil d‘Administration… » et a ainsi dénaturé les faits et s‘est contredite dans
ses motifs ;
Mais attendu, d‘une part que le grief de dénaturation des faits ne peut porter que sur un écrit et que,
d‘autre part la contradiction alléguée concerne, non les énonciations des faits constatés par la Cour
d‘Appel, mais les conséquences juridiques qu‘elle en a tirées ;
D‘où il suit que ce moyen est irrecevable ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN TIRÉ DE LA VIOLATION DES ARTICLES L2 ET L229 DU
CODE DU TRAVAIL ET 11 DU CONTRAT DE TRAVAIL DU 13 DÉCEMBRE 2002 JOINT
EN ANNEXE
Vu les articles L2 et L229 du Code du travail, 11 du contrat de travail du 13 décembre 2002 ;
Attendu qu‘aux termes des textes susvisés, le statut juridique de l‘employeur ou de l‘employé est
sans effet pour la détermination de la qualité de travailleur ; que la compétence des juridictions
sociales est exclusive lorsque le litige concerne un contrat de travail ;
Attendu que pour rejeter l‘application du Code du travail, la Cour d‘Appel après avoir constaté
l‘existence non contestée d‘un contrat de travail approuvé par le Conseil d‘Administration, lui a
dénié toute validité.
Attendu qu‘en statuant ainsi, alors que les parties ont, sans équivoque, inscrit leurs rapports sous
l‘égide du droit du travail, et que le contrat de travail approuvé par le Conseil d‘Administration se
réfère au Code du travail et à la Convention collective interprofessionnelle, les juges d‘appel ont
violé par refus d‘application, les textes de lois susvisés ;
PAR CES MOTIFS

16
CASSE et ANNULE l‘arrêt n° 472 rendu le 06 novembre 2007 par la Deuxième Chambre sociale
de la Cour d‘Appel de Dakar.
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d‘Appel de Kaolack pour y être statué à nouveau.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Chambre sociale de la Cour suprême, en son audience publique
ordinaire tenue les jour, mois et an que dessus et où étaient présents […].
DOC. 3 : C.C.J.A, ARRET N° 013/2012 DU 08 MARS 2012, POURVOI N° 043/2009/PC DU 29
AVRIL 2009
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A.) de l'Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (O.HA.DA), Première Chambre, a rendu l'Arrêt suivant en son
audience publique du 08 mars 2012 où étaient présents :
Messieurs :
Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Juge, rapporteur Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 29 avril 2009, sous le n° 043/2009/PC et
formé par Maître Doudou NDOYE, Avocat au Barreau du Sénégal, 18, Rue Raffenel à Dakar,
agissant au nom et pour le compte de la Société ELTON OIL COMPANY, dans la cause l'opposant
à Monsieur PAPA MACTAR SARR, demeurant à Dakar (Sénégal), quartier Amadies zone 18,
parcelle n° 14, ayant pour conseil Maître Coumba SEYE Ndiaye, Avocat au barreau de Dakar, 68
Rue Wagane DIOUF. X Amadou Assane NDOYE à Dakar,
En cassation contre l‘Arrêt n° 45 rendu le 25 février 2009 par la Cour Suprême du Sénégal, dont
le dispositif est ainsi énoncé :
« Casse et annule l'arrêt n°472 rendu le 06 novembre 2007 par la deuxième chambre sociale de la
Cour d'Appel de Dakar Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Kaolack pour y
être statué à nouveau ».
Attendu que le défendeur, Papa Mactar SARR, soulève in limine litis l'incompétence de la Cour
de céans, telle qu'elle figure au mémoire en réponse annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA ;
Vu les dispositions des articles 13, 14, 15, 16, 17 et l8 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit
des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de I'OHADA;
Attendu que par contrat à durée indéterminée en date du 28 Janvier 2000, Monsieur PAPA
MACTAR SARR avait été recruté et nommé Directeur Général de la Société d'interventions
Financières (SIFI) ; Que l'un des volets de sa mission dans cette société étant de dégager des
stratégies de développement et d'imaginer des projets, SARR avait proposé au Conseil
d'Administration de la SIFI qui l'a accepté lors de sa réunion du 27 juin 2000, la création d'une
société de distribution pétrolière ; Qu'immédiatement après, une réunion du Conseil
d'Administration en date du 28 juillet 2000 avait désigné SARR Directeur Général de la future
société Elton et membre de son Conseil d'Administration, cumulativement avec ses fonctions de
Directeur Général de la SIFI; que conséquemment, le salaire de SARR avait été revu à la hausse à
compter du 1er janvier 2001 ;
Que par acte notarié à Dakar le 28 décembre 2000, avait été reconnue l'existence juridique de la
société ELTON OIL COMPANY S.A (ci-après Elton), dont le capital était détenu à 80% par la
SIFI, 15% par SARR lui-même et 5% par Madame Ndèye Soukeyna NDAO ; que le 09 décembre
2002, le Conseil d'administration de Elton avait décidé de mettre fin au cumul des deux fonctions
de Directeur Général de SARR qui devrait désormais se consacrer exclusivement à la fonction de
Directeur Général de Elton, mais conservant l'intégralité de son salaire de fonction et les avantages
inhérents ; qu'après avoir exercé pendant deux ans et demi les fonctions de Directeur Général de
Elton du 28 juillet 2000 au l3 décembre 2002, SARR signa un « contrat de travail » le 13 décembre
2002 avec Elton représentée par le Président du Conseil d'Administration, Monsieur Souleymane
KANE ;

17
Que le 04 Août 2006, la réunion du Conseil d'Administration à laquelle avait participé Monsieur
SARR, décida « de mettre, à dater de ce jour, un terme au mandat de Directeur Général confié à
Monsieur Papa Mactar SARR ; » ;
Attendu que dans sa déclaration faite au cours de cette même réunion du Conseil d'Administration
que sa « révocation et la rupture unilatérale du contrat en question relève de l'infraction de
licenciement abusif et des sanctions qui s'y rapportent dont celle de l’obligation à indemniser la
victime », SARR saisit le Tribunal du Travail de Dakar pour faire juger que sa révocation constituait
un licenciement abusif et lui allouer en conséquence une réparation totale de deux milliards trois
cent millions cinq cent quatre-vingt-quinze mille huit cent quatre-vingt-seize (2.300.595.896)
FCFA ;
Que la juridiction prud'homale de Dakar retint sa compétence sur l'exception d'incompétence
soulevée in limine litis par Elton ; fit droit à cette demande par Jugement n° 266 du 25 avril 2007
et condamna Elton à payer à SARR diverses sommes dont le montant total se chiffra à cinq cent
soixante-quatre millions cent vingt-neuf mille cinquante-trois et soixante-seize centimes
(564.129.053,76) FCFA ;
Que sur appel de Elton, la Cour d'appel de Dakar, par Arrêt n° 472 du 06 novembre 2007,
considérant que SARR n'ayant pas eu la qualité du salarié prévu par l'article 2 du code du travail
exerçant un emploi effectif distinct et dissociable des fonctions de Directeur général prescrit par
l'article 426 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique (AUSCGIE), déclara le Tribunal du travail incompétent ; infirma en toutes ses
dispositions le Jugement n°266 du 25 avril 2007 du Tribunal du Travail de Dakar ; renvoya
Monsieur Papa Mactar SARR à mieux se pourvoir ;
Que sur le pourvoi en cassation formé par SARR, la Cour Suprême du Sénégal, estimant que le
droit du travail n'ayant pas encore fait l'objet d'un Acte Uniforme de I'OHADA et qu'en
conséquence le litige découlant d'un contrat de travail ne peut relever que de la compétence des
juridictions sociales, a rendu l'Arrêt n° 45 du 25 février 2009 sus énoncé, objet du présent recours
devant la Cour de céans.
SUR L'EXCEPTION D'INCOMPETENCE
Attendu que SARR soutient :
Qu‘il était lié à Elton par un contrat de travail à durée indéterminée ; qu‘il est stipulé dans ce contrat
que celui-ci est régi par le Code du Travail du Sénégal. les textes réglementaires pris en son
application et la Convention Collective Nationale interprofessionnelle du Sénégal du 27 mai 1962
; que ce contrat contient également une clause attributive de compétence aux juridictions
sociales du Sénégal pour connaitre de tous litiges nés de son exécution ou de sa rupture ;
qu'il n'existe pas d'Acte uniforme en matière sociale et corrélativement, la Cour de céans est
manifestement incompétente en vertu de 1'article 17 du Traité OHADA, le présent litige étant un
litige social ;
Attendu que la présente espèce opposant Elton à SARR relève de l'interprétation de l'article 426 de
l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupement d'intérêt économique (AUSCCIE)
et de l'application des articles 486 al. 1, 489, 492 et 493 du même Acte ;
Attendu que le principe de révocabilité ad nutum du Directeur général d'une Société Anonyme,
édicté par l'article 492 de l'AUSCGIE et transcrit dans l'article 18 al. 3 des statuts de la société
Elton, est un principe d'ordre public ;
Attendu qu'en signant un contrat avec Elton pour garantir la stabilité d'un mandat qu'il exerçait déjà
depuis plus de deux ans, SARR a procédé à un pacte qui n'avait pour finalité ou pour effet que de
restreindre ou d'entraver la révocation ad nutum du Directeur Général de la S.A Elton qu'il était, et
se ménager ainsi un préavis contraire au principe de la révocabilité ad nutum ;
Attendu qu'un tel contrat, qui ne correspond à aucun emploi effectif exercé cumulativement avec
la fonction de Directeur général, distinct du mandat de Directeur général de Société Anonyme au
sens de l‘article 426 susvisé et conclu dans le seul objectif de contourner la rigueur d'un principe
d'ordre public, ne revêt aucune valeur juridique ;

18
Attendu qu'au demeurant, SARR ne peut se prévaloir sans se contredire dans ses conclusions en
additionnelle et réplique du 1er mars 2007 devant le Tribunal de travail de Dakar, d'une part, d'un
contrat de travail à durée indéterminée signé entre la Société Elton et lui en application des
dispositions des articles 426 et 489 de l'Acte uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales
et, d'autre part, s'exonérer de l'application à son litige avec Elton de cet Acte uniforme ;
Que dans ces conditions, ct en vertu des dispositions de l'article 14 du Traité OHADA, la Cour de
céans est fondée à retenir sa compétence pour en connaître ; que la Cour Suprême du Sénégal, en
se déclarant compétente, a procédé à une interprétation erronée et une fausse application des
dispositions susvisées ;
Attendu que pour ces motifs, il y a lieu, conformément à l'article 18 al. 3 du Traité OHADA, de
décider que la Cour Suprême du Sénégal s'est déclarée compétente à tort et qu'en conséquence,
1'arrêt n° 45 qu'elle a rendu le 25 février 2009 doit être réputé nul et non avenu, sans qu'il soit
nécessaire de s'attarder sur le moyen du pourvoi ;
Attendu que Papa Mactar SARR ayant succombé, il doit être condamné aux dépens ; PAR CES
MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable le pourvoi formé le 29 avril 2009 par la Société anonyme Elton ; Dit et juge que
la Cour Suprême du Sénégal s'est déclarée compétente à tort ;
En conséquence, déclare nul et non avenu l'Arrêt n°45 rendu le 25 février 2009 par la Cour Suprême
du Sénégal ;
Condamne Monsieur Papa Mactar SARR aux dépens ;

DOC. 4 : ORGANISATION POUR L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES


AFFAIRES (OHADA)
---------
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
---------
Troisième chambre
---------
Audience publique : 28 avril 2016 Pourvoi : n° 135/2013/PC du 18/10/2013
Affaire : Société Fûts Métalliques de l‘Ouest Africain (FUMOA) (Conseils : SCP MAME
ADAMA GUEYE & Associés, Avocats à la cour) c/ Monsieur Sultanali ESMAIL (Conseils :
Maître Boukounta Diallo, et Cabinet Docteur Cheick DIOP, Avocats à la cour)
Arrêt N° 083/2016 du 28 avril 2016
La Cour Commune de Justice et d‘Arbitrage (CCJA) de l‘Organisation pour l‘harmonisation en
Afrique du droit des affaires (OHADA), troisième chambre, a rendu l‘Arrêt suivant en son audience
publique du 28 avril 2016 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge rapporteur
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Fodé KANTE, Juge et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la cour de céans le 18 octobre 2013 sous le n°135/2013/PC,
formé par la SCPA MAME ADAMA GUEYE & ASSOCIES, avocats à la Cour, 28 rue AMADOU
ASSANE NDOYE à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la société des Fûts Métalliques
de l‘Ouest Africain (FUMOA), dont le siège social est au km 4, boulevard du Centenaire de la
Commune de Dakar, BP 1349, dans la cause l‘opposant à monsieur Sultanali ESMAIL, domicilié
à la rue OKM, Villa n°203, Ouakam, Dakar, ayant pour conseils maître Boukounta DIALLO,
avocat près la cour, 5, place de l‘Indépendance, immeuble Air Afrique, 3è étage à Dakar et cabinet
du Docteur Cheick DIOP, avocats au barreau de Côte d‘Ivoire, sis au plateau, 40, avenue Lamblin,

19
BP 1328, Abidjan 17, en cassation de l‘arrêt contradictoire n°454 rendu le 04 juin 2013 par la
chambre sociale de la cour d‘appel de Dakar, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ; En la
Forme
Reçoit les appels ;
Rejette la demande d’irrecevabilité ; Au Fond
Déclare le tribunal du travail compétent ;
Infirme partiellement Statuant à nouveau
Dit que les parties sont liées par un contrat de travail à durée indéterminée ;
Dit que le licenciement est abusif ;
Condamne FUMOA à payer à SULTANALI ESMAIL la somme de 200 000 000 (deux cent millions)
de francs à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
Condamne FUMOA à lui payer la somme de 106.384.895 francs à titre d’indemnité compensatrice
de préavis ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus » ;
La requérante invoque à l‘appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu‘ils figurent à
la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l‘harmonisation du droit des affaires en Afrique
(OHADA) ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d‘Arbitrage de
l‘OHADA ;
Attendu qu‘il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 1er septembre 1995, monsieur
Sultanali ESMAIL est engagé en qualité de directeur administratif et financier par la société
Allpack à Abidjan, filiale de la société IPS (WA)- « West Africa », groupe de société ;
Qu‘il a exercé ses fonctions jusqu‘à la date du 1er janvier 1998 ; qu‘en 1989, l‘IPS lui a confié
plusieurs mandats sociaux pour assurer la direction générale de plusieurs sociétés situées en Côte
d‘Ivoire cumulativement avec son contrat de travail ; qu‘ainsi la société IPS lui a confié le 1er
juillet 2004, la direction générale de deux sociétés au Sénégal (FUMOA et COFISAC) ; que le 1er
juillet 2004, il a conclu avec la société FUMOA un contrat de travail à durée indéterminée, lui
conférant la qualité de directeur des opérations commerciales et industrielles de la société FUMOA
; que par délibération du conseil d‘administration de FUMOA en date du 17 septembre 2007,
monsieur Sultanali ESMAIL a été révoqué de ses fonctions de directeur général de ladite société ;
que par lettre du 18 octobre 2007, le directeur général de FUMOA lui a notifié son « licenciement
pour motif économique lié à une réorganisation intérieure, à savoir la suppression du poste de
Directeur des opérations industrielles et commerciales » ; que monsieur Sultanali ESMAIL a alors
saisi le tribunal du travail de Dakar d‘une action en paiement des indemnités légales de rupture ;
que par jugement en date du 29 décembre 2009, ledit tribunal a fait droit à sa requête en déclarant
son licenciement abusif et en condamnant FUMOA à lui payer la somme de 190.728,1 CFA à
titre de reliquat de l‘indemnité
de licenciement et à celle de 150.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour licenciement
abusif ; que sur appel de FUMOA et COFISAC et sur appel incident de Sultanali ESMAIL, la
chambre sociale de la cour d‘appel de Dakar a rendu l‘arrêt n° 454 en date du 04 juin 2013 dont
pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour de céans :
Attendu que Sultanali ESMAIL soulève, in limine litis l‘incompétence de la Cour Commune de
Justice et d‘Arbitrage à connaitre du présent litige ;
Attendu qu‘il résulte des dispositions de l‘article 14 alinéa 3 du traité relatif à l‘harmonisation du
droit des affaires en Afrique que « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce
sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions d’appel des Etats parties dans
toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des
Règlements prévus au Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se

20
prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute
juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Attendu qu‘il résulte des pièces du dossier de la procédure que les conditions énumérées aux
dispositions sus énoncées de l‘article 14 alinéas 3 et 4 du Traité, ne sont pas réunies ; qu‘en effet,
en l‘espèce, les juges du fond appréciant, souverainement les faits à eux soumis, dont notamment
le contrat de travail à durée indéterminée, le procès-verbal de réunion du 19 septembre 2007 portant
réorganisation de la société FUMOA et la lettre du 18 octobre 2007 portant licenciement de
monsieur Sultanali ESMAIL pour motif économique, en ont déduit que « le contrat de travail existe
pleinement
» et ont retenu la compétence du juge social en écartant l‘application, alléguée par la recourante,
des dispositions des articles 420, 438 et 489 de l‘Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d‘intérêt économique, au profit des dispositions du code du travail
; qu‘en l‘état, le droit social n‘étant pas régi par un Acte uniforme, il y a lieu de se déclarer
incompétent pour connaitre du présent recours ; Attendu que la société FUMOA qui a succombé
doit être condamnée aux dépens ; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Se déclare incompétente ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ainsi qu‘elles aviseront ; Condamne la société FUMOA
aux dépens.
DOC. 6 : DJIBRIL ABACHI, LA SUPRANATIONALITE DE L’ORGANISATION POUR
L’HARMONISATION EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES (OHADA), REVUE
BURKINABE DE DROIT N° 37 1ER SEMESTRE 2000) […]
II-La supranationalité judiciaire
Partant de l‘idée que toute harmonisation du droit serait vaine sinon vidée de son sens si les
juridictions nationales pouvaient avoir chacune sa propre compréhension des actes uniformes, ou
même du traité, l‘acte fondamental de l‘OHADA répond au souci de sauvegarder la logique du
système en instituant une « Cour commune de justice et d‘arbitrage ». « Un droit uniforme appelle
une jurisprudence uniforme » disait M. De LAFOND.23 Les compétences de cette juridiction
mettent parfaitement en exergue la spécificité de son caractère supranational (A). Cette
supranationalité qui s‘est traduite par la dévolution de certaines attributions traditionnelles des
juridictions suprêmes nationales à la juridiction commune n‘est pas sans soulever des difficultés
qu‘il convient d‘examiner. (B)
A-Compétence de la cour commune de justice et d’arbitrage
La Cour commune de justice et d‘arbitrage, composée de sept juges élus par le Conseil de ministres
de l‘OHADA a pour attributions fondamentales le règlement du contentieux né de l‘interprétation
du traité de l‘OHADA ou de l‘application des actes uniformes. Elle intervient également en matière
d‘arbitrage sans être elle-même une juridiction arbitrable.24 De ces attributions, celle relative à
l‘application des actes uniformes retiendra particulièrement notre attention dans le cadre de cette
analyse portant sur la supranationalité de l‘institution. C‘est en effet à l‘égard du contentieux né de
l‘application des actes uniformes que l‘on appréhende mieux la suprématie de son autorité sur les
juridictions nationales. Il faut relever cependant que la CCJA peut intervenir à titre consultatif pour
l‘interprétation des actes uniformes.25 Mais les discussions que peut soulever cette question au
regard du débat sur la supranationalité ne nous paraissent pas fondamentales. En retenant ainsi la
dimension supranationale de la fonction contentieuse comme point focal d‘analyse, on peut mettre
en exergue la
spécificité de l‘ordonnancement judiciaire de l‘OHADA (1è) avant de démontrer par la suite, que
cette supranationalité, à l‘instar de celle de l‘organe politique de l‘OHADA, ne laissera pas pour
autant dans l‘inactivité totale, les juridictions suprêmes des Etats en matière de droit des affaires.
(2è)
1è)-La supranationalité dans la fonction contentieuse
En tant que juridiction de cassation la CCJA est régie par une procédure particulière. Lorsqu‘elle
casse une décision d‘une juridiction nationale du fond elle ne renvoie pas. Elle évoque et statue au

21
fond. Ses arrêts ont autorité de chose jugée et force exécutoire dans les Etats parties au même titre
que les décisions des juridictions nationales.
Les juridictions nationales de cassation se voient ainsi déchargées de leur compétence
traditionnelle en matière de droit des affaires. Mais pour mieux rendre compte de la dimension
supranationale de la CCJA il convient d‘apporter deux précisions :
-d‘une part les juridictions nationales de cassation lorsqu‘elles sont saisies doivent suspendre
l‘examen de la question qui leur est soumise si leur incompétence est soulevée par un plaideur.
L‘article 16 du traité est assez explicite à cet égard : « La saisine de la Cour commune de justice
et d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale
contre la décision attaquée ». « Une telle procédure ne peut reprendre qu’après arrêt de la Cour
commune de justice et d’arbitrage se déclarant incompétente pour connaître de l’affaire ».
- d‘autre part, si elles s‘obstinaient malgré tout à rendre une décision, celle-ci serait « nulle et non
avenue » si la Cour commune venait à les déclarer incompétentes.26
A la lumière de ce dispositif, il apparaît que si les juridictions nationales ont au premier et second
degré du contentieux la liberté d‘interprétation des actes uniformes, le rôle unificateur de la CCJA
devrait garantir aux plaideurs une certaine sécurité juridique. L‘expertise des juges s‘y prête, et
leur éloignement de leur milieu social et politique apparaît comme source supplémentaire
d‘indépendance dans une société où les contraintes socio-politiques perturbent souvent le
fonctionnement normal de la justice. Ces avantages ne doivent pas faire oublier les craintes
légitimes des plaideurs au regard de la procédure de la CCJA. D‘aucuns redoutent qu‘elle soit une
source de dilatoire et de lenteur supplémentaire de la justice dans le contentieux relatif au droit des
affaires. On s‘inquiète parfois de l‘éventualité d‘une floraison d‘un contentieux sur le conflit de
compétence entre les juridictions nationales de cassation et la CCJA.
On pourrait également s‘interroger avec raison sur la pertinence de la manière dont le traité en son
article 18 envisage le règlement du conflit de compétence entre les juridictions nationales de
cassation et la Cour commune Tout donne à penser que dans l‘esprit des rédacteurs du traité une
résistance des juridictions nationales de cassation peut et doit être envisagée. Sinon, on ne voit pas
pourquoi une Cour suprême persisterait à trancher alors que son incompétence est soulevée par un
des plaideurs, et rendre sa décision, sachant que la Cour commune est saisie de la question. Même
si une décision confirmant la compétence de la juridiction nationale était rendue après que cette
dernière, en méconnaissance de l‘exception d‘incompétence soulevée a déjà tranché le litige qui
lui est soumis, la question de la validité de sa décision reste posée.
On peut comprendre cependant la formule modérée du traité au regard de la sanction qu‘appelle
une résistance des juridictions nationales à la compétence de la Cour commune, puisqu‘il n‘y a pas
d‘autres mécanismes de sanction. Mais on ne voit pas raisonnablement pourquoi les juridictions
nationales qui n‘ont en principe aucun intérêt direct dans le procès s‘insurgeraient contre la
croyance légitime d‘un plaideur à leur incompétence27. Le procès en matière de droit des affaires
est avant tout l‘affaire des parties et non celle du juge. On pourrait cependant parfaitement
concevoir que celui-ci puisse vouloir faire justice à l‘une des parties dans l‘hypothèse où il apparaît
à ses yeux que l‘exception d‘incompétence soulevée ne l‘a été que dans un but purement dilatoire.
Il est d‘ailleurs à craindre que la saisine de la Cour ne soit faite le plus souvent qu‘à des fins
dilatoires, quand on sait que malgré cette apparence de transfert de compétence, la pratique pourrait
bien conférer aux juridictions nationales un rôle prépondérant, là où elles sont censées conserver
des fonctions résiduelles.
2è)- La fonction résiduelle des juridictions nationales de cassation.
Si le traité est clair sur le transfert de compétence des juridictions nationales de cassation au profit
de la CCJA pour tout ce qui est du contentieux découlant de l‘application du droit harmonisé des
affaires, en pratique ce transfert ne peut s‘opérer que par la volonté des plaideurs ou des juridictions
nationales. Certes les articles 14 et suivants du traité de l‘OHADA prescrivent la compétence de la
Cour commune ; mais cette juridiction ne peut se saisir d‘office d‘une affaire. Elle doit être saisie
soit par une partie, par voie de saisine directe en cassation, soit sur renvoi d‘une juridiction

22
nationale saisie et se déclarant incompétente, soit à l‘initiative d‘un défendeur ayant soulevé
l‘incompétence d‘une juridiction nationale. Cette dernière pouvant du reste adopter deux attitudes
dans ce dernier cas de figure : surseoir à statuer jusqu‘à la décision de la Cour commune se
prononçant sur sa compétence ou refuser de surseoir à l‘examen de l‘affaire au risque de voir sa
décision déclarée nulle et non avenue dans l‘hypothèse où sa compétence est refusée. Quid de
l‘efficacité de la décision rendue dans ces conditions, si la compétence venait à être confirmée par
la Cour commune. ? Il suffit donc que dans un contentieux impliquant l‘application du droit
harmonisé, les plaideurs portent leur recours en cassation devant les juridictions nationales et que
celles-ci se reconnaissent compétentes, pour que le litige prenne une dimension nationale; comme
s‘il s‘agissait d‘appliquer le droit interne. Depuis deux ans que les actes uniformes sont entrés en
vigueur la Cour commune n‘a encore rendu aucune décision. On pourrait parfaitement se demander
si la pratique n‘a pas choisi de préférer la voie des juridictions nationales au détriment de la Cour
commune. Certes deux ans ne suffisent pas toujours pour épuiser le contentieux devant les juges
du fond. Il en faut encore davantage pour mesurer l‘engouement pour la Cour commune. Mais l‘on
sait après avoir entendu la voix des avocats, que certains voient déjà dans le fait de devoir plaider
à ABIDJAN, une source supplémentaire de complication et d‘aggravation du coût de la justice,
même si le contentieux en cassation devant la Cour commune reste une procédure essentiellement
sur pièce. Cette incertitude dont l‘issue dépendra surtout de l‘attachement des juridictions et des
praticiens du droit à la construction et l‘homogénéité d‘un droit harmonisé est doublée d‘une autre
qui elle est d‘ordre technique. C‘est celle liée à la détermination de la compétence rationae materiae
des juridictions nationales s‘agissant du droit des affaires.
B-Problématique du transfert de compétence à la Cour commune
L‘article 14 qui fixe la compétence ratione materiae de la Cour commune vise entre autres les
questions touchant à l‘interprétation et l‘application des actes uniformes. Mais cette précision ne
suffit pas à lever toute équivoque sur les limites du contentieux relevant exclusivement de la cour
commune et celui relevant des juridictions nationales. La confusion découle des limites mêmes du
droit des affaires. En effet les litiges susceptibles d‘être portés devant les juridictions n‘impliquent
pas nécessairement une seule norme. Un plaideur peut parfaitement invoquer à la fois un acte
uniforme et une autre disposition de droit interne, relative aux matières définies comme relevant
du droit des affaires ou non. Le droit uniforme peut même être invoqué de façon subsidiaire.
Devrait-on dans ce cas de figure décider que le recours en cassation doit nécessairement être porté
devant la Cour commune ou doit-on au nom de la subsidiarité du droit harmonisé reconnaître la
compétence à la juridiction nationale de cassation ? L‘hypothèse pratique peut être traduite par un
recours en cassation comportant plusieurs moyens et dont l‘un s‘appuie sur un acte uniforme. Bien
plus, on peut s‘interroger sur la compétence de la Cour commune lorsqu‘une matière est régie à la
fois par une loi nationale et un acte uniforme, dans les termes, non contraires. L‘exemple se
présenterait facilement pour les pays disposant d‘une législation récente en matière de droit des
affaires.
C‘est le cas au Niger où le nouveau code de commerce, spécialement les derniers livres adoptés (le
livre III et IV) tiennent largement compte de ce qui n‘était à l‘époque de leur élaboration que des
projets d‘actes uniformes. En pareille hypothèse les plaideurs disposent finalement d‘une option
entre le droit interne sur la base duquel ils peuvent fonder leurs moyens et introduire leur recours
devant la Cour suprême ou le droit harmonisé qui peut servir d‘appui pour justifier la compétence
de la CCJA. Il faut rappeler ici que le traité n‘interdit pas aux législateurs nationaux de légiférer
en matière de droit des affaires, il s‘oppose seulement à la contrariété entre les normes de droit
interne et celle du droit communautaire qui restent prépondérantes en cas de conflit.
C‘est dire qu‘il y a encore à parfaire les règles de compétence entre les juridictions internes de
cassation et la Cour commune. Ce qui peut être fait par des dispositions clarifiant davantage les
solutions qui doivent prévaloir dans les situations que nous évoquions ici.
SEANCE IV
Thème : L’instance civile

23
Note introductive. L‘instance est le rapport de droit dont l‘objet est le règlement d‘un litige.
Autrement dit, l‘instance ne se confond pas avec le litige ; celui-ci forme la matière de l‘instance
et préexiste à l‘instance. Plus exactement, l‘instance est le rapport de droit qui va se nouer à propos
d‘un litige. Ce litige sera en instance dès qu‘il est présent devant le juge.
L‘instance peut être appréhendée de deux manières : du point de vue de ses éléments constitutifs
(c‘est la théorie de l‘instance) et du point de vue de ses modalités (c‘est le régime de l‘instance).
Travail à faire
Exercice 1. Note écrite
Sujet : La mise en état en droit judiciaire sénégalais
Exercice 2. Commentez les articles 1-4 à 1-6 du décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 modifiant
le Code de procédure civile JORS n° 6052 du 22 juin 2002
Article 1-4. : - Les parties fixent l’objet du litige par l’acte introductif d’instance et par les
conclusions en défense.
Une fois l’instance liée, elles ne peuvent modifier les éléments du débat par l’introduction de
demandes nouvelles, sauf si celles-ci se rattachent à la demande initiale par un lien suffisant.
Le juge ne peut ni statuer sur des choses non demandées, ni omettre de statuer sur des choses
demandées, ni adjuger plus qu’il n’a été demandé.
Article 1-5. : - Les parties apportent à l’appui de leurs prétentions les faits propres à les fonder et
prouvent conformément à la loi les faits qui sont contestés.
Le juge ne peut introduire dans le débat des faits qui ne résultent pas des conclusions des parties.
Article 1-6. : - Le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont
applicables.
Il doit, après avoir provoqué les explications des parties, soulever d’office les moyens de pur droit,
quel que soit le fondement juridique invoqué par celles-ci.
Il doit donner ou restituer aux faits leur exacte qualification.
Références de lecture

DIOUF (Nd.), BA (A.) et SAMB (I.)


« Regards sur le décret n° 2001-1151 du 31 décembre 2001 modifiant le Code de procédure civile
», R.S.D.A., n° 5, 2005, pp. 241 et s.
TOURE (P. A.)
« Le décret n° 2013-1071 du 6 août 2013 modifiant le décret n° 64-572 du 30 juillet 1964 portant
code de procédure civile : entre l‘accélération de la cadence judiciaire et la préservation des droits
des parties au procès », Rev. EDJA, n°102, juillet-août- septembre 2014, pp. 49 et s.
Document à lire
Décret 2001-1151 du 31 décembre 2001 modifiant le Code de procédure civile JORS n° 6052
du 22 juin 2002
RAPPORT DE PRESENTATION
L’évolution actuelle du droit judiciaire et les exigences du règlement des différends appellent des
réformes constantes de la procédure civile. Depuis l’avènement du décret n° 86-060 du 13 janvier
1986, qui avait modifié près d’un quart des 846 articles du Code de Procédure civile, seules
quelques petites retouches ont été faites, en décembre 1988 et en décembre 1992.
Des innovations et des améliorations techniques importantes doivent être apportées à la procédure
civile, pour lui permettre de remplir davantage son objet qui est de donner aux justiciables des
règles claires et efficaces pour la mise en œuvre de la reconnaissance ou de la constitution de leurs
droits, à travers le système juridictionnel de notre pays.
L’économie des principales dispositions est la suivante :
Les principes directeurs du procès.
Après trente années d’application du Code de Procédure civile, il a paru nécessaire de fixer les
principes directeurs du procès civil.

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C’est ainsi qu’il est ajouté à l’article premier du Code de Procédure civile les articles 1.1 à 1.6.
Seules les parties introduisent l’instance. Inversement, le juge ne peut en principe se saisir lui-
même et le procès demeure la “ chose ” des parties, le juge ne pouvant introduire dans le débat des
faits qui ne résultent pas des conclusions des parties (article 1.5). L’exigence d’un intérêt légitime
et d’une qualité à agir, conditions de l’existence du droit d’agir, résulte désormais d’une disposition
expresse (article 1.2).
La requête conjointe est régie par des dispositions ajoutées à l’article 32. Procédant d’une autre
logique que l’assignation, elle suppose un accord des parties qui soumettent ensemble leur litige
au juge en lui précisant l’étendue de leur désaccord. Elle vaut conclusions. Les mentions qu’elle
doit comporter sont prescrites à peine d’irrecevabilité ; étant l’œuvre commune des parties, la
sanction de l’inobservation de ses mentions par la nullité serait inappropriée. Les dispositions de
l’article 33 sont modifiées afin que l’assignation, au fond comme en référé, joue pleinement son
rôle de fondement du débat contradictoire. L’assignation, à peine de nullité, comportera, outre
l’exposé de la demande, les moyens de fait et de droit à l’appui et, en annexe, la liste des pièces
justificatives. Fin de non-recevoir Il est désormais créé un titre VI bis et la fin de non-recevoir y
figure expressément comme moyen tendant à faire déclarer irrecevable la demande de l’adversaire
(article 129 bis et 129 ter). Lorsqu’une fin de non-recevoir a un caractère d’ordre public, elle doit
être soulevée d’office par le juge (art. 129 ter). Appel contre les jugements rendus par les tribunaux
départementaux.

Il est ajouté un sixième alinéa à l’article 17, et c’est ainsi qu’en matière civile, commerciale et de
statut personnel, l’appel peut également être interjeté par exploit d’huissier dans les formes prévues
par l’article 266.
Juge de la mise en état.
Pour mettre un terme aux lenteurs inhérentes à la mise en état des affaires et à l’encombrement
anormal des rôles des tribunaux, au détriment de l’intérêt de la plupart des justiciables, il est devenu
impérieux d’instituer le juge de la mise en état auprès de ces juridictions de base à l’instar de ce
qui existe à la Cour d’Appel de Dakar (article 54.2).
La mission fondamentale du juge de la mise en état est de contôler l’instruction de l’affaire, c’est-
à-dire, non point de diriger lui-même cette instruction comme pourrait le faire un juge instructeur
en matière pénale, mais d’exercer sur elle une sorte de tutelle en collaboration avec les avocats de
la cause.
A cette fin, le juge de la mise en état est investi d’un certain nombre de pouvoirs :
1. un pouvoir de régulation procédurale destiné à éviter les atermoiements ;
2. un pouvoir d’information consistant à veiller à ce que l’instruction soit complétement et
efficacement achevée au jour de l’audience des plaidoiries ;
3. enfin un pouvoir de juridiction sur certains des incidents qui pourraient se produire en cours
d’instance.
Au niveau des cours d’appel, cette mission est confiée au conseiller de la mise en état.
Un délai est imparti à l’appelant pour le dépôt de ses conclusions. Celles-ci doivent, à peine de
radiation, obéir à certaines formes et être accompagnées d’un bordereau récapitulatif des pièces
invoquées à l’appui des prétentions.
L’exécution provisoire.
Il est ajouté un second alinéa à l’article 86 qui réglemente l’exécution provisoire. Les juges ont
désormais l’obligation de constater l’urgence et le péril en la demeure. L’exécution provisoire doit
être motivée. Le respect de ces nouvelles dispositons par les premiers juges aura certainement pour
effet de réduire sensiblement les nombreuses procédures de défenses à exécution provisoire
pendantes devant les juridictions d’appel.
L’exception d’incompétence.
Trois articles (114.1 à 114.3) viennent compléter l’article 114.

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Les dispositions de l’article 115 sont modifiées, ainsi que celles de l’article 116. Cinq articles
(116.5 à 116.9), formant un nouveau paragraphe 3, sont consacrés à la “ décision sur la compétence
”.
Désormais, dans les affaires en état d’être jugées, le tribunal, saisi d’une exception d’incompétence,
qui se déclare compétent, statue par un seul et même jugement sur la compétence et sur le fond
sous réserve des dispositions relatives aux articles 54.1 - 54.26.
Par ailleurs, tout jugement rendu sur la compétence par les premiers juges, peut faire l’objet d’un
recours porté devant la juridiction d’appel. La décision rendue sur contredit s’impose aux parties
et à la juridiction désignée.
Le renvoi.
Le renvoi d’une juridiction à une autre est mieux réglementé ; c’est l’objet de l’article 116.10 du
paragraphe 4 intitulé “ des exceptions de litispendance et de connexité ”.
La Péremption
Les dispositions des articles 240 à 244 sont modifiées : la péremption, sur l’instance, opère
désormais comme en matière de prescription.
Des référés.
Le titre XX contenait les articles 247 à 252. Certains ont été modifiés et remplacés par de nouvelles
dispositions. C’est ainsi que le référé-provision, les référés justifiés par l’existence d’un différend,
d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite font leur apparition.
Le juge des référés est devenu compétent pour prononcer des condamnations à des astreintes ou
pour les liquider à titre provisoire. Il statue également sur les dépens.
Interdiction du sursis à exécution des décisions exécutoires de droit.
Quand elle est attachée de plein droit à une décision, l’exécution provisoire ne peut plus être arrêtée
sur le fondement des dispositions de l’article 820-10 que viennent compléter, à cette fin, deux
alinéas qui permettent cependant au premier président de la Cour d’Appel et au président du
tribunal régional, lorsqu’il leur apparaît que cette décision est entachée d’une erreur manifeste de
droit ou d’un excès de pouvoir du premier juge ou d’une violation délibérée des droits de la défense,
de subordonner son exécution immédiate à la constitution d’une garantie.
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu la Constitution, notamment en ses articles 43 et 76 ;
Vu le Code de Procédure civile ;
Vu le décret n° 84-1194 du 20-10-1984 fixant la composition des cours d’Appel, des tribunaux
régionaux et départementaux ;
Vu le décret n° 2000-269 du 5 avril 2000 portant répartition des services de l’Etat et du contrôle
des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la
Présidence de la République, la Primature et les ministères ;
Le Conseil d’Etat entendu en sa séance du 30 janvier 2001 ;
Sur le rapport du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
DECRETE :
Article premier. - Il est ajouté après l’article premier du Code de Procédure civile les dispositions
suivantes :
Article 1-1. : - Les parties introduisent l’instance sous réserve des cas où la loi en dispose
autrement.
Elles conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent ; elles doivent notamment
accomplir les actes de procédure dans les délais et formes requis. Elles peuvent mettre fin à
l’instance avant son extinction par l’effet d’un jugement ou en vertu de la loi.
Article 1-2. : - Tous ceux qui justifient d’un intérêt légitime peuvent, en prenant l’initiative d’une
demande, obtenir du juge une décision sur le fond de leur prétention, sous réserve des cas où la loi
subordonne le droit d’agir à des conditions spéciales ou attribue ce droit aux seules personnes
qu’elle qualifie pour élever une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

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Le droit d’agir s’éteint par le désistement d’action, l’acquiescement, la transaction, la prescription,
la chose définitivement jugée et, pour les actions non transmissibles, par le décès d’une partie.
Article 1-3. : - Lorsque le droit d’agir appartient à une personne morale ou à une personne physique
dépourvue de la capacité d’ester en justice, il est exercé par le représentant de l’une ou de l’autre.
La procédure est sanctionnée par la nullité pour irrégularité de fond toutes les fois que la demande
est introduite par une personne dépourvue de la capacité d’exercice ou du pouvoir d’assurer la
représentation en justice du titulaire du droit d’agir.
Article 1-4. : - Les parties fixent l’objet du litige par l’acte introductif d’instance et par les
conclusions en défense.
Une fois l’instance liée, elles ne peuvent modifier les éléments du débat par l’introduction de
demandes nouvelles, sauf si celles-ci se rattachent à la demande initiale par un lien suffisant.
Le juge ne peut ni statuer sur des choses non demandées, ni omettre de statuer sur des choses
demandées, ni adjuger plus qu’il n’a été demandé.
Article 1-5. : - Les parties apportent à l’appui de leurs prétentions les faits propres à les fonder et
prouvent conformément à la loi les faits qui sont contestés.
Le juge ne peut introduire dans le débat des faits qui ne résultent pas des conclusions des parties.
Article 1-6. : - Le juge doit trancher le litige
conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit, après avoir provoqué les explications des parties, soulever d’office les moyens de pur droit,
quel que soit le fondement juridique invoqué par celles-ci.
Il doit donner ou restituer aux faits leur exacte qualification.
Art. 2. - L’article 17 du Code de Procédure civile est complété par un sixième alinéa ainsi conçu :
En matière civile, commerciale et de statut personnel, l’appel pourra également être interjeté par
exploit d’huissier dans les formes prévues par l’article 266 du présent code.
Art. 3. - L’article 32 du Code de Procédure civile est complété par un cinquième alinéa ainsi conçu :
En cas de saisine de la juridiction par requête conjointe, celle-ci, outre l’exposé des prétentions
respectives des parties , les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens
respectifs, contient, à peine d’irrecevabilité :
1° pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu
de naissance de chacun des requérants ;
2° pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les
représente légalement ;
3° l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
4° l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ;
5° la date et la signature des parties.
Le requête conjointe vaut conclusions.
Art. 4. - L’article 33 du Code de Procédure civile est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes :
Article 33. : - L’assignation est notifiée conformément aux articles 822 et suivants ; elle contient,
à peine de nullité, outre les mentions prévues par l’article 821 :
1° l’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, la date et l’heure de
l’audience ;
2° l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée, ces pièces étant énumérées sur un
bordereau qui lui est annexé ;
4° l’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit
rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L’assignation vaut conclusions.
Art. 5. - L’article 54 du Code de Procédure civile est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes :
Article 54 : - Le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au

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secrétariat du greffe, au plus tard l’avant-veille de l’audience, du second original de l’assignation
ou d’une copie de la requête.
Le président du tribunal distribue les affaires entre les chambres de la manière qu’il trouve la plus
convenable pour le service et l’accélération des procédures.
Il fixe la date à laquelle l’affaire sera appelée par la chambre qu’il désigne.
Art. 6. - Il est ajouté après l’article 54 du Code de Procédure civile les dispositions suivantes :
Article 54-1. : - La chambre saisie juge les affaires qui, d’après les explications des avocats et au
vu des conclusions échangées et des pièces communiquées, lui paraissent prêtes à être jugées sur
le fond.
Elle juge également à l’audience les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparait pas si elles
sont en état d’être jugées sur le fond à moins qu’elle n’ordonne la réassignation.
Article 54-2. : - Toutes les affaires dont la chambre est saisie et qui ne sont pas jugées sur le siège
pour une raison quelconque, sont renvoyées à date fixe, à l’audience du juge de la mise en état
rattaché à la chambre pour être mises en état d’être jugées conformément aux dispositions ci-après
sauf si le tribunal ordonne la réassignation.
Article 54-3. : - Au début de chaque année judiciaire, les premiers présidents des cours d’appel et
les présidents des tribunaux régionaux et départementaux nomment par ordonnance un ou plusieurs
conseillers ou juges de la mise en état rattachés à une chambre de la cour ou du tribunal, ainsi que
leurs suppléants qui pourront être choisis parmi les membres des autres chambres.
Plusieurs magistrats peuvent être chargés de la mise en état dans une même chambre.
Les premiers présidents des cours d’appel, les présidents des tribunaux et les présidents de chambre
peuvent exercer ces fonctions.
Article 54-4. : - Le juge de la mise en état veille au déroulement loyal de la procédure, spécialement
à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
Article 54-5. : - Le juge de la mise en état peut entendre les avocats et leur faire toutes
communications utiles. Il peut également, si besoin est, leur adresser des injonctions.
Article 54-6. : - Le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure , les délais nécessaires à
l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, après avoir
provoqué l’avis des parties.
Il peut accorder des prorogations de délai.
Il peut également renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en vue de faciliter le règlement du
litige.
Article 54-7. : - Il peut inviter les parties à répondre aux moyens sur lesquels elles n’auraient pas
conclu.
Il peut également les inviter à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du
litige.
Il peut se faire communiquer l’original des pièces versées aux débats ou en demander la remise en
copie.
Article 54-8. : - Il procède aux jonctions et disjonctions d’instance.
Article 54-9. : - Il peut, même d’office, entendre les parties.
L’audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne
se présente pas.
Article 54-10. : - Le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des
parties.
Article 54-11. : - Il constate l’extinction de l’instance.
Article 54 - 12. : - Le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la
communication, à l’obtention et à la production des pièces.
Article 54-13. - Lorsqu’il est saisi, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul
compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° statuer sur les exceptions de procédure ;
2° allouer une provision pour le procès ;

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3° accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement
contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution
d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 86 et suivants du Code de Procédure civile ;
4° ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception notamment des
saisies conservatoires, des autorisations d’inscriptions d’hypothèques et nantissements
provisoires ;
5° ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction légalement admissible.
Article 54-14. : - Il peut statuer sur les dépens.
Article 54-15. : - Les mesures prises par le juge de la mise en état font l’objet d’une simple mention
au dossier ; avis en est aussitôt donné aux avocats.
Toutefois, dans les cas prévus aux articles 54-11 à 54-13 du présent code, le juge de la mise en état
statue par ordonnance motivée sous réserve des règles particulières aux mesures d’instruction.
Article 54-16. : - L’ordonnance est rendue immédiatement s’il y a lieu, les parties entendues ou
appelées.
En cas d’urgence une partie peut, par notification ou signification, inviter l’autre à se présenter
devant le juge, aux jour, heure et lieu fixés par celui-ci.
Article 54-17. : - Les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de
la chose jugée.
Article 54-18. : - Les ordonnances du juge de la mise en état ne sont susceptibles ni d’opposition,
ni de contredit.
Elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement sur le fond.
Toutefois, elles sont susceptibles d’appel dans les cas et conditions prévus en matière d’expertise
ou de sursis à statuer.
Elles le sont également, dans les 15 jours à compter de leur signification :
1° lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance ou lorsqu’elles constatent son extinction ;
2° lorsqu’elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation
de corps ;
3° lorsque, dans le cas où le montant de la demande est supérieur aux taux de compétence en dernier
ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l’existence
de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
4° lorsqu’elles statuent sur une exception d’incompétence, de litispendance ou de connexité.
Dans les cas où l’appel est prévu, il est porté devant la juridiction d’appel qui statue impérativement
dans le mois de sa saisine.
Lorsque l’appel porte sur une ordonnance ayant statué sur la compétence, la juridiction d’appel qui
infirme désigne, s’il y a lieu, la juridiction compétente.
Article 54 -19. : - Le juge de la mise en état contrôle l’exécution des mesures d’instruction qu’il
ordonne.
Article 54-20. : - Dès l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée, l’instance poursuit son cours
à la diligence du juge de la mise en état.
Article 54-21. : - Si l’une des parties n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai
imparti, le renvoi devant le tribunal et la clôture de l’instruction peuvent être décidés par le juge
d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de
refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours.
Article 54-22. : - Si les parties s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais
impartis, le juge de la mise en état peut d’office, après avis à elles donné, prendre une ordonnance
de radiation motivée non susceptible de recours.
Copie de cette ordonnance est notifiée à chacune des parties par simple lettre adressée à leur
domicile réel ou élu.
Article 54-23. : - Lorsque l’affaire est en état, le juge rend une ordonnance de clôture. Il renvoie
l’affaire pour être jugée devant la chambre à laquelle il est rattaché.

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Article 54-24. : - La clôture de l’instruction, dans les cas prévus aux articles 54-21, 54-22 et 54-23
ci-dessus, est prononcée par une ordonnance qui ne peut être frappé d’aucun recours. Copie de
cette ordonnance est délivrée aux parties.
Article 54-25. : - Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée, ni aucune
pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
Sont cependant recevables, les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux
loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des
débats, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.
Sont également recevables, les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-
ci se trouvait au moment de son interruption.
Article 54- 26. - L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave
dûment justifiée depuis qu’elle a été rendue.
Il ne peut être formé d’appel en cause après l’ordonnance de clôture.
Ni la constitution d’avocat postérieurement à la clôture, ni le déport ne constituent en soi, une cause
de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formé après la clôture de l’instruction, l’ordonnance
n’est révoquée que si la chambre saisie ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L’ordonnance de clôture peut être revoquée d’office ou à la demande des parties, soit par
ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit après l’ouverture des débats, par décision du
tribunal.
Art. 7. - L’article 86 du Code de procédure civile est complété par un second alinéa ainsi conçu :
L’urgence et le péril en la demeure doivent être expressément caractérisés et le jugement dûment
motivé à cet effet par le tribunal.
Art. 8. - Il est ajouté après l’article 114 du Code de Procédure civile les dispositions suivantes :
Article 114-1. - Est nulle toute convention ayant pour objet ou pour effet de déroger aux règles de
compétence d’attribution.
Article 114-2. - Les parties peuvent valablement modifier les règles de compétence territoriale,
sauf s’il s’agit de règles d’ordre public telles que celles qui ont leur source dans l’organisation des
voies de recours.
Article 114-3. - En matière contentieuse, le tribunal peut relever d’office son incompétence
territoriale si le litige est relatif à l’état des personnes ou si le défendeur ne comparaît pas. Il relève
d’office son incompétence territoriale si une règle d’ordre public est violée , notamment lorsque la
règle trouve sa source dans l’organisation des voies de recours.
En matière gracieuse, le tribunal peut relever d’office son incompétence territoriale.
Art. 9. - L’article 115 du Code de Procèdure civile est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes :
Article 115. - Dans les affaires en état d’être jugées, le
tribunal saisi d’une exception d’incompétence, qui se déclare compétent, statue par un seul et même
jugement sur la compétence et sur le fond sous réserve des dispositions relatives aux articles 54-1
à 54-26.
Art. 10. - L’article 116 du Code de Procédure civile est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes
Article 116. - L’exceprion d’incompétence n’est ni réservée ni jointe au principal lorsque l’affaire
n’est pas en état d’être jugée au fond.
Art. 11. - Il est ajouté après l’article 116-4 du Code de Procèdure civile un paragraphe 3 intitulé de
la décision sur la compétence et comportant les dispositions suivantes :
Article 116 -5. - Si le tribunal n’a statué que sur la comptétence, son jugement pourra être attaqué
par la voie du contredit devant la juridiction d’appel compétente.
Dans les affaires qui ne sont pas en état d’être jugées, si le tribunal se déclare compétent, l’instance
est suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour faire contredit et, en cas de contredit, jusqu’à la
décision de la juridiction qui en est saisie.

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Le contredit doit être élevé, à peine de forclusion, dans les quinze jours à compter du prononcé du
jugement par acte extra judiciaire notifié à la partie adverse et au greffier en chef de la juridiction
qui a rendu le jugement.
Le contredit doit être motivé à d’irrecevabilité.
Le greffier en chef de la juridiction qui a rendu le jugement transmet simultanément au greffier en
chef de la juridiction d’appel le dossier de l’affaire avec le contredit et une copie du jugement.
Dans le délai visé à l’alinéa 2 et sous la même sanction, la partie qui a élevé le contredit doit
solliciter du premier président ou du président de la juridiction d’appel l’autorisation de servir
assignation à la partie adverse, à l’audience la plus prochaine.
A l’audience fixée, l’affaire doit être retenu séance tenante pour être plaidée, à moins que le
demandeur au contredit ne dépose des conclusions. Dans ce cas, la juridiction saisie donne à la
partie adverse un délai de quinze jours pour répondre aux conclusions du demandeur.
La juriduction d’appel doit statuer dans le délai d’un mois à compter de la première audience. Elle
désigne expressément la juridiction compétente.
La décision rendue sur contredit s’impose aux parties et à la juridiction désignée.
Le contredit n’est pas recevable contre les ordonnances de référé.
Article 116-6. - Si le tribunal a statué à la fois sur la comptétence et sur le fond, sa décision peut
être attaquée par la voie de l’appel.
Article 116-7. - L’appel portera sur la compétence et sur le fond au cas où la décision est rendu en
premier ressort.
En cas d’infirmation de la décision sur la compétence, la juridiction d’appel statue sur le fond sauf
si elle n’est pas juge d’appel du tribunal qu’elle estime compétent.
Article 116-8. - L’appel portera seulement sur le chef de compétence lorsque le jugement sur le
fond est rendu en premier et dernier ressort.
En cas d’infirmation de la décision sur la compétence, la juridiction d’appel désigne la juridiction
qu’elle estime compétente.
Article 116 - 9. : - La juridiction ainsi désignée est saisie à la requête de la partie la plus diligente.
Art. 12. : - Il est ajouté après l’article 116-9 un paragraphe 4 intitulé des exceptions de litispendance
et de connexité et comportant les dispositions suivantes :
Article 116 - 10. : - Si une demande est pendante devant deux juridictions, également compétentes
pour en connaître, le renvoi peut être demandé.
Si les deux juridictions sont du même degré, le renvoi est demandé au tribunal saisi en dernier lieu.
Si les deux juridictions sont de degré différent, le renvoi est demandé à la juridiction de degré
inférieur.
S’il existe entre deux demandes pendantes devant deux juridictions, un lien de connexité, le renvoi
peut être demandé à l’une des juridictions en tout état de cause.
Si les juridictions sont de degré différent, le renvoi est nécessairement demandé à la juridiction de
degré inférieur.
Dans tous les cas, le juge de la mise en état de la juridiction de renvoi fixé un délai dans lequel les
parties doivent se mettre en état.
Art. 13. : - Il est ajouté après l’article 129 du Code de Procédure civile un titre VI bis intitulé des
fins de non-recevoir et comportant les dispositions suivantes :
Article 129 bis. : - Toute personne contre laquelle est dirigée une demande peut en contester la
recevabilité en opposant une fin de non recevoir.
Lorsque la demande est déclarée irrecevable, le juge ne peut pas examiner la prétention au fond.
La fin de non-recevoir peut être opposée notamment pour défaut d’intérêt, de qualité ou pour
extinction du droit d’agir.
Article 129 ter. :- Sous réserve des dispositions de l’article 129 du présent code, la fin de non-
recevoir peut être opposée en tout état de cause. Le juge peut condamner à des dommages et intérêts
celui qui se serait abstenu, dans une intention dilatoire, de la soulever plutôt.
Une fin de non-recevoir ayant un caractère d’ordre public doit être soulevée d’office par le juge.

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Art. 14. : - Les articles 240 à 244 du titre XVIII du livre II du code de Procédure civile sont abrogés
et remplacés par les dispositions suivantes :
Article 240. : - L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant
deux ans.
Article 241. : - Le délai de péremption court contre l’Etat, les établissements publics et toutes autres
personnes, même mineures, sauf leur recours contre les administrateurs et tuteurs.
L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle - ci n’a lieu que pour un
temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces deniers cas, un nouveau délai
court à compter de ce temps ou de la survenance de cet événement.
Article 242. : - La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties.
Elle peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du
délai de péremption.
La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
La péremption est de droit.
Elle ne peut être relevée d’office par le juge
Article 243 : - La péremption n’éteint pas l’action. Elle emporte seulement extinction de l’instance
sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir.
Les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance.
Article 244 : - La péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la
chose jugée même s’il n’a pas été notifié.
Art. 15. : - Les articles 247 à 252 du code de Procédure civile sont abrogés et remplacés par les
dispositions suivantes :
Article 247. : - Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal peut à titre provisoire, ordonner
en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie
l’existence d’un différend.
Article 248. : - Le juge des référés peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire
les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage
imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Article 249. : - Dans tous les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable,
le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation
même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Article 250. : - Le juge des référés peut prononcer des condamnations à des astreintes. Il peut les
liquider à titre provisoire. Il statue sur les dépens.
Article 251. : - La demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet par
le président du tribunal ou par le juge qui le remplace aux jour et heure indiqués par le tribunal.
Si néanmoins le cas requiert célérité, le président du tribunal ou celui qui le remplace peut permettre
d’assigner, soit à l’audience, soit en son hôtel, à l’heure indiquée, même les jours de fête, et dans
ce cas, l’assignation ne peut être donnée qu’en vertu de l’ordonnance qui commet un huissier à cet
effet.
Article 252. - L’ordonnance de référé n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée. Elle peut
être modifiée ou rapportée en référé en cas de circonstances nouvelles.
Article 252-1. - L’ordonnance de référé est exécutoire par
provision.
Le juge peut toutefois subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie dans les
conditions prévues aux articles 87 à 90 du présent code.
En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute et même
avant enregistrement.
Les minutes des ordonnances de référés sont déposées au greffe.
Article 252-2. - Il peut en être référé au président du tribunal pour statuer sur toutes les difficultés
d’exécution des décisions de justice et autres titres exécutoires.

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La décision du juge des référés peut être assortie de la clause sans nouveau référé qui fait défense
de se pourvoir en référé s’il n’en est accordé l’autorisation par ordonnance à pied de requête du
président du tribunal en cas de circonstances nouvelles dûment justifiées.
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.
L’appel est jugé d’urgence.
Article 252-3. - Les dispositions du présent titre sont applicables devant le président du tribunal
départemental dans les limites de la compétence d’attribution de cette juridiction.
Art. 16. - L’alinéa 2 de l’article 216 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes.
Article 261 alinéa 2. - L’appel d’un jugement interlocutoire peut être interjeté avant le jugement
définitif ; il en est de même des jugements qui auraient accordé une provision.
Art. 17. - L’alinéa 1 de l’article 278 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :
Article 278 alinéa 1. - Toutefois en cas d’appel d’un jugement interlocutoire, la juridiction d’appel
doit statuer au plus tard dans le mois de la date à laquelle elle a été saisie. Sa décision, si elle est
rendue par défaut, est réputée contradictoire à l’égard de
l’appelant.
Art. 18. - L’article 280 bis du Code de Procédure civile est abrogé et remplacé par les dispositions
suivantes.
Article 280 bis. - Le conseiller de la mise en état, ou le magistrat exerçant ces fonctions, instruit
les affaires soumises à la cour d’appel dans les formes et conditions prévues à l’article 54 du présent
code.
Les affaires sont distribuées entre les chambres par le
premier président de la cour d’appel qui procède comme il est dit aux articles 54 alinéa 2 et 262.
Le conseiller de la mise en état statue sur la recevabilité de l’appel.
L’appelant doit, dans les trois mois de l’acte d’appel, déposer ses conclusions communiquées aux
intimés, à moins que le conseiller de la mise en état ne lui ait imparti un délai plus court.
Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et
de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée. Elles comprennent en outre l’indication
des pièces invoquées. A cet effet, un bordereau récapitulatif leur est annexé.
A défaut, l’affaire est radiée du rôle par une décision non susceptible de recours. La radiation prive
l’appel de tout effet suspensif, hors les cas où l’exécution provisoire est interdite par la loi.
L’affaire est rétablie soit sur le dépôt des conclusions de l’appelant, l’appel restant privé de tout
effet suspensif, soit sur l’initiative de l’intimé qui peut demander que la clôture soit ordonnée et
l’affaire renvoyée à l’audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance.
Les parties doivent reprendre dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens
précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures.
A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statuera que sur les dernières
conclusions déposées.
Lorsqu’il est saisi, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour suspendre l’exécution
provisoire des jugements qualifiés à tort en dernier ressort ou pour ordonner l’exécution provisoire,
qui, demandée, n’a pas été accordée en première instance.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état rendues dans l’exercice de ses attributions
conformément à l’alinéa 1 ci-dessus ne sont susceptibles de recours qu’avec l’arrêt sur le fond.
Toutefois elles peuvent être déférées à la Cour par simple requête dans les quinze jours de leur
prononcé lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance ou de constater son extinction.
Il en est de même lorsqu’elles prescrivent des mesures provisoires.
Art. 19. - : L’article 820-10 du Code de Procédure civile est complété par un deuxième et un
troisième alinéas ainsi conçus :
Les dispositions qui précédent ne peuvent justifier le sursis à l’exécution des décisions exécutoires
de droit.

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Toutefois, lorsqu’il apparaît que l’exécution immédiate est susceptible d’ entraîner des troubles
particulièrement intolérables en raison d’une erreur de droit manifeste ou d’un excès de pouvoir
du premier juge ou d’une violation délibérée des droits de la défense, le premier président de la
cour d’appel ou le président du tribunal régional, exclusivement, peuvent, par une ordonnance
motivée, subordonner cette exécution à la constitution d’une garantie suffisante pour répondre de
toutes restitutions ou réparations.
Art. 20. - Sont abrogés les alinéas 2 et 4 de l’article 45, les alinéas 1er et 2 de l’article 47, l’alinéa
5 de l’article 129 ainsi que les articles 46, 48, 49, 50, 51, 53, 276 et 280 ter.
Art. 21. - Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice est chargé de l’exécution du présent décret
qui sera publié au Journal officiel.

Fait à Dakar, le 31 décembre 2001

Président de la république Premier ministre


Abdoulaye WADE Mame Madio BOYE

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