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UNIVERSITE DE GOMA
UNIGOM
Faculté de Droit

DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS


TOME III. Questions spéciales de procédure civile

Par

Professeur Télesphore KAVUNDJA MANENO


Docteur en droit judiciaire de l’Université Catholique de Louvain (U.C.L.)
Ancien juge au tribunal de grande instance de Bukavu
Avocat honoraire au Barreau de Bruxelles
Président honoraire de la sous commission de droit judiciaire de la Commission
Permanente de Réforme du Droit Congolais
Expert international en réforme de la justice

Professeur Fidèle ZEGBE ZEGS


Docteur en droit de l'université de Gand (Belgique)
Avocat au Barreau de Bruxelles
Avocat près la Cour d'appel de Kinshasa/Gombe

Avec la collaboration de Eric KATUSELE


Chef de travaux à la Faculté de Droit de l'Université de Goma
Avocat près la Cour d'appel de Goma

Janvier 2016
3ème édition
2

INTRODUCTION

OBJET, CARACTERISTIQUES ET SOURCES


DE LA PROCEDURE CIVILE

La « procédure civile» stricto sensu, fait partie d’une classification du droit plus vaste que
l’on appelle le droit judiciaire privé. Outre l’étude proprement dite des matières relevant de la
« procédure civile » telle qu’organisée par le Décret du 7 mars 1960 (nous y reviendrons), le
droit judiciaire comprend aussi l’étude des principes généraux de l'organisation et compétence
judiciaires que nous n’allons pas examiner dans le cadre de cet enseignement.

Il convient d'abord de définir le droit judiciaire avant de situer la procédure civile dans les
différentes branches de droit judiciaire. Certains auteurs définissent le droit judiciaire comme
étant l’ensemble des règles relatives à la solution du litige par le juge ainsi que les règles de
procédure1. Cette définition ne concerne que la procédure civile et n'englobe pas les autres
branches du droit judiciaire. Le professeur Cyr Cambier considère que le droit judiciaire
comprend l'ensemble des normes et des principes qui régissent l'administration de la justice
par les cours et tribunaux2. Dans ce sens, le droit judiciaire porte sur l'organisation, les
attributions et les compétences de ces diverses institutions; il fixe les procédures, les sûretés et
les contraintes qui règlent et assurent l'accomplissement de leur oeuvre.

Nous proposons une définition qui semble simple et pratique: le droit judiciaire est
l'ensemble des lois, des règles relatives à l'organisation et compétences judiciaires et aux
procédures judiciaires (procédure pénale, procédure civile et les voies d'exécution). Cette
définition est intéressante dès lors qu'elle regroupe les différentes branches du droit judiciaire
qui sont l’organisation et compétence judiciaires, la procédure civile, la procédure pénale et
les voies d’exécution. L'organisation et compétence judiciaires est l’ensemble des règles,
des lois relatives à l’organisation, fonctionnement et compétences des cours et tribunaux
(juridictions judiciaires et juridictionnelles). Elle comprend donc les principes régissant
l’organisation de la justice en général et ceux relatifs aux compétences des cours et tribunaux
tant nationaux qu’internationaux (compétences matérielles, compétence territoriale et
personnelle).

Les procédures judiciaires englobent la procédure civile, la procédure pénale et les voies
d'exécution. La procédure civile que beaucoup appellent droit judiciaire privé3 est l'ensemble
1
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 4, p. 2.
2
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil. Tome I. Fonction et organisation judiciaires, Bruxelles, éd. Maison Ferdinand
Larcier, 1974, p.9
3
Notamment G. CLOSSET MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009; L.
CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris,
éd. Ellipses, 2006; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Précis de droit judiciaire. Tome I. Les institutions judiciaires:
organisation et éléments de compétence, Bruxelles, éd. Larcier, 2010; J. HERON et Th. LE BARTS, Droit
judiciaire privé, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 2006; A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La
3

des règles de procédure à suivre entre l'examen du litige porté devant une juridiction (ou autre
institution) jusqu'à l'exécution de la décision définitive vidant ledit litige (ou jugement ou
arrêt). Elle englobe aussi l'administration de la preuve en matière de droit privé, la
conciliation, la médiation et l'arbitrage. De manière plus explicite, on peut définir la
procédure civile comme étant la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice,
y défendre, y intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter 4. La
procédure pénale que l'on peut appeler droit judiciaire répressif ou droit judiciaire pénale est
l'ensemble des règles de procédure à suivre depuis la commission de l’infraction pénale
jusqu’à l’exécution du jugement ou arrêt. Elle englobe également l'administration de la preuve
en matière pénale. Les voies d'exécution quant elles sont toutes les règles de procédure
relatives à l'exécution de jugements ou arrêts (y compris les saisies).

Il convient de préciser que certains auteurs 5 utilisent parfois l'expression droit processuel
pour désigner le droit judiciaire. Comme son nom l'indique, processuel vient du mot procès,
autrement dit c'est l'ensemble des lois, règles, mécanismes mis en place pour le déroulement
du procès depuis sa préparation, son commencement jusqu'à son exécution. C'est
pratiquement le droit judiciaire.

Le droit judiciaire privé dépasse largement la notion de procédure civile. Dans certains Etats
comme en Belgique ou en France, il y a un Code judiciaire qui traite à la fois des matières
relevant de l’organisation judiciaire (certains aspects qui ont trait à l'administration de la
justice) que de la procédure civile. Ce n’est pas encore le cas en République démocratique du
Congo même si certains auteurs se sont déjà penchés sur le « droit judiciaire congolais6 ».
Mais peut-être qu’un jour, le législateur congolais décidera de faire pareil. En attendant, cet
enseignement s’attèlera à examiner les principes généraux qui « guident » la procédure civile,
la « naissance et la vie de l’instance judiciaire », les voies de recours, les voies d’exécution et
de sûreté et l’arbitrage. Il est dommage que le législateur congolais n’ait pas (ou pas encore)
pensé à la médiation qui est aussi un mode de résolution des différends et que beaucoup de
justiciables pourraient préférer.

I. Objet: Que faut-il entendre par la notion de procédure civile ?

Par « procédure civile », on entend l’ensemble des formalités qu’une personne doit accomplir
et suivre devant les juridictions de l'ordre judiciaire en matière civile, commerciale ou sociale
procédure judiciaire contentieuse du droit privé, Kinshasa, éd. PUC, 2012; MATADI NENGA GAMANDA, Droit
judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006.
4
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 1, p. 15; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Précis de droit judiciaire. Tome 1. Les institutions judiciaires et éléments
de compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 9, p. 21.
5
Notamment S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7éme éd. Dalloz,
2013; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012; L. CADIET, J. NORMAND et S.
AMRAMI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010.
6
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais, t. I, Le pouvoir, l'organisation, et la compétence judiciaire,
Kinshasa, Bruxelles, Université Lovanium et Maison Fernand Larcier, 1970, 340 p ; MATADI NENGA
GAMANDA, Droit judiciaire privé, Académie-Bruylant Louvain-la–Neuve, 2006, 735 p ; Th. NGOY, Le
droit judiciaire congolais au regard de la constitution de la transition, Université protestante au Congo, avril
2004.
4

pour qu’un différend d’ordre juridique qu’elle soumet à la justice puisse être examiné. Pour ce
faire, elle doit introduire ce différend ou cette affaire en justice, la mettre en état d’être jugée
et, après être entendue en personne ou via son avocat, obtenir de la justice la décision ou le
jugement qui tranche le litige.

Alors que la compétence judiciaire est le pouvoir du juge de connaître la cause qui lui est
soumise, la procédure civile est, comme nous l’avons relevé plus haut, toute formalité qui
touche à l’introduction de l’instance judiciaire, à l’instance elle-même, aux voies de recours,
aux voies d’exécution et de sûreté, à l’arbitrage etc. Elle comporte également les procédures
particulières qui ne sont généralement pas retenues dans le programme des cours de la faculté
de Droit de cette université (vente d'immeubles, partages et licitations ou le règlement
collectif des dettes.).

Ainsi entendue et pour souscrire à la définition qu’en donne A. Rubbens, stricto sensu, « la
procédure civile » s’entend de « l'ensemble des règles de droit qui sont imposées aux parties
aux fins de soumettre à une juridiction leurs prétentions de droit civil et d'en soutenir le bien-
fondé, et qui sont imposées aux juges pour les éclairer sur les faits leur soumis et sur le droit
qui s'y applique, afin de dire le droit et d'en déduire la décision conséquente »7. Mais quelles
sont les caractéristiques de la procédure civile ?

II. Principes qui guident la procédure civile: incidence


des règles du procès équitable

Il n’existe pas un seul système judiciaire dans le monde. Au contraire, en matière de


procédure civile, plusieurs systèmes judiciaires ont cours dans le monde, mais pour cet
enseignement, nous nous intéresserons aux principes essentiels qui caractérisent la procédure
civile en droit congolais. En principe, la procédure civile est, en grande partie, influencée par
les exigences du procès équitable qui veut que toute personne ait droit à ce que sa cause soit
entendue de façon équitable, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal
indépendant et impartial, lequel tribunal est établi par la loi, qui décidera du bien-fondé du
litige qui lui est soumis. Cela suppose qu’il faut non seulement avoir un accès concret et
effectif à un tribunal, mais en plus, il faut qu’il n’y ait pas d’obstacles d’ordre financier ou
juridique qui empêche le justiciable d’avoir un procès équitable.

Le droit à un procès équitable constitue l’élément moteur, le pivot du droit judiciaire


moderne. Par procès équitable, il faut entendre le procès équilibré entre toutes les parties 8. Le
mot équitable est relatif à équité. L'équité vient du mot latin "equus" qui signifie équilibre.
C'est la justice fondée sur l'égalité ou le devoir de rendre chacun le sien ou encore le principe
qui commande de traiter également des choses égales 9. Le procès équitable repose sur les
garanties qui tendent à faire régner l’idéal de justice. Pour apprécier le caractère adéquat et
7
A. RUBBENS, Le droit judiciaire zaïrois, tome II, PUZ, Kinshasa 1978, p. 11.
8
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n°
225, pp. 524-528.
9
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p.367.
5

équitable d’une procédure, il convient de prendre en considération l’ensemble de celle-ci ainsi


que la gravité de son enjeu pour le justiciable10.

La doctrine moderne la plus avisée est d’avis qu’il existe un modèle universel de
procès équitable11 étant donné qu’il est construit et même façonné par la jurisprudence du
Comité des Droits de l’homme de l’ONU (appliquant l’art. 14, §1 er du Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg (article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’homme).

Ces deux juridictions supranationales, à travers leurs instruments juridiques sur le


procès équitable, l'article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et
l’article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ont beaucoup contribué
au rapprochement des procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité maintenue, à la
construction d’un fond commun procédural qui s’impose à tous les Etats soumis à l’emprise
de ces instruments internationaux. Véritable socle de standards d’une bonne justice, le procès
équitable contribue déjà à un modèle des procès, quel que soit d’ailleurs le type de
contentieux (notamment civil, commercial, social, pénal, administratif, constitutionnel et
disciplinaire) et quel que soit le pays12.

Le droit à un procès équitable implique notamment le droit d’accès à un tribunal (1) ;


le droit à un tribunal indépendant et impartial (2), le droit à comparaître dans la langue de son
choix (3), le droit à la publicité des débats (4), le droit d’être jugé dans un délai raisonnable
(5) et le droit à l’égalité des armes (6).

10
CEDH, 11 janvier 2005, Blucher c/ Tchéquie, § 65.
11
S.GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n°
223, p. 521-535 ; S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges
Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p. 210 ; F. FERRAND et MOUSSA, « le projet de
l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure civile transnationale : vers une
procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses
états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp. 199-228 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd.
Montchrestien, 2012, n° 162, p.177,
12
S. GUINCHARD et alii, op. cit., n° 224, p. 522.
6

1. Le droit d’accès à un tribunal (juge)

Le droit d’accès à un tribunal est prévu par l’article 19 de la Constitution congolaise


du 18 février 2006, l’article 7 de la Charte Africaine de Droits de l’Homme et des Peuples et
par l’article 14, § 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

Ce droit implique le droit à un juge au sens strict, le droit d’un recours et le droit à un
bon juge. Il est défini comme étant le droit pour toute personne physique ou morale ou
étrangère, d’accéder à la justice pour y faire valoir ses droits. Il s’agit d’un principe
fondamental dans le sens où il comporte une valeur qui est celle de toujours pouvoir
s’adresser à un tribunal pour trancher une contestation juridique et empêcher ainsi le recours à
la vengeance. C’est aussi un principe essentiel au fonctionnement de l’Etat de droit. L’Etat de
droit est un Etat qui doit respecter la loi et ne commettre aucun abus vis-vis de ses habitants
et des étrangers se trouvant sur son territoire.

Concernant le tribunal, trois conditions doivent être réunies pour qu’une institution
soit qualifiée de tribunal : le tribunal doit être créé par la loi, le tribunal doit être indépendant
et impartial et respecter les principes fondamentaux de procédure, le tribunal doit trancher
les prétentions selon les règles de droit13. Cette condition reflète le principe de l'Etat de droit.
Si une institution ne remplit pas cette condition, ce n'est pas un tribunal, c'est donc autre
chose. Le mot " doit être créé par la loi" signifie non seulement la base légale de l'existence
même du tribunal mais aussi la composition du siège dans l'affaire.

Dans une affaire examinée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, un
condamné à mort souhaitait que la Cour constitutionnelle de son pays puisse examiner les
irrégularités qu’il prétendait avoir été commises au cours de son procès pénal ; or, il ne
disposait pas de moyens financiers suffisants lui permettant de faire face aux dépenses à
engager devant l’organe constitutionnel ; le Comité juge successivement que l’article 2, §3 du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques oblige l’Etat partie à faire en sorte
que le recours à la Cour constitutionnelle soit disponible et efficace en matière de violation
des droits fondamentaux et que ce droit à un recours soit conforme aux garanties énoncées
dans l’article 14, §1er, ce qui, en l’espèce, obligeait l’Etat à fournir au requérant une assistance
judiciaire, si l’intérêt de la justice l’exige, ce qui était le cas la nature de la condamnation à
mort14.

Mais, l'application de ce principe en RDC n'est pas simple. Comme le souligne le


rapport de la Fondation OSISA de juillet 2013 sur le fonctionnement de la Justice en RDC:
"Véritable sous-continent de 2.345.000 kilomètres carré et plus de 70.000.000
d’habitants, la RDC ne compte guère que 230 juridictions et offices de parquet, soit une
juridiction et office de parquet pour environ 10.196 kilomètres carré et 285.714 habitants.
Le nombre d’institutions judiciaires disponibles dans ce pays est très bas au regard
des besoins et des standards internationaux en la matière estimés, selon le ministre de

13
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 67, p.89 ; S. GUINCHARD (sous
direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2009-2010, n° 211.04, p.512.
14
Décision du 3 novembre 1989, affaire n° 286/1987, M.G.P. et S.P. contre Trinité et Tobago, A/45/40, Vol.
2., p. 177 ; 26 mars 1990, affaire n° 275/1988, S.E.C. contre Argentine, A/45/40, vol. II, p. 179.
7

la Justice et des droits humains, à une institution judiciaire pour 3000 kilomètre carré.
Dans la pratique, l’insuffisance des institutions judiciaires en RDC se traduit dans la vie
de la majeure partie de la population par une sorte de vide judiciaire. Pour ne citer que cet
exemple, selon Marc Dubois, ancien coordonnateur du projet relatif à la restauration de la
justice au Congo (REJUSCO), il a fallu que ce programme financé par notamment par la
Commission européenne organise des audiences foraines pour que « certaines populations
qui n’avaient plus vu un juge depuis l’époque coloniale » puissent porter leurs affaires devant
la justice"15.

De manière générale, les sièges de toutes les juridictions sont situés aux chefs-lieux des
circonscriptions administratives. Il s’en suit beaucoup de difficultés d’accès auxdites
juridictions par les populations habitant loin de ces chefs-lieux. Dans la province du Nord
Kivu, par exemple, tant le siège de la Cour d’appel que celui du tribunal de grande
instance de Goma sont situés à Goma. Comme on peut le deviner, il n’est pas facile aux
populations de Walikale, Masisi et Rutshuru situées respectivement à 250, 100 et 60
kilomètres d’accéder à cette juridiction. Une situation similaire prévaut au Katanga où
Lukonzolwa est séparé du siège du parquet compétent, le parquet de Kipushi d’environ
496 kilomètres16.

Pour pallier à ces difficultés et dans le souci de rapprocher la justice des justiciables,
les articles 45 et 46 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoient que "S’ils
l’estiment nécessaire pour la bonne administration de la justice, les cours et tribunaux
peuvent siéger dans toutes les localités de leur ressort". .Le ministre de la Justice peut établir,
pour toutes les juridictions, des sièges secondaires dans la même localité ou les localités de
leurs ressorts autres que celles où sont établis leurs sièges ordinaires. Dans ce cas, il
détermine le nombre et la périodicité des sessions qui y seront tenues et y affecte un greffier
chargé de recevoir des actes de procédure. Le greffier peut être chargé d’exercer ses
fonctions auprès de toutes les juridictions dont le siège principal ou secondaire est établi
dans la même localité.

Enfin, la RDC compte actuellement 3500 magistrats, or il faut au moins 10.000


magistrats pour permettre aux juridictions de mieux fonctionner. Il y a donc urgence
d'engager au moins 7.000 magistrats.

2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial

Cette garantie est affirmée à l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de


l’Homme du 10 décembre 1948 et par les articles 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples. Aussi l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques, et l’article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme disent
que : « Toute personne a droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». C’est la

15
KIFWABALA TEKILAZAYA, D. FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur de la justice et
l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa, Kinshasa, Open Society
Foundations, juillet 2013, p. 127.
16
Ibidem.
8

garantie la plus importante d’une bonne justice 17. En effet, le juge doit être impartial, les
parties doivent se défendre et prouver ce qu’elles avancent. Il y va de la notion même de
tribunal et lorsque ce minimum n’est pas réuni, il n’existe qu’un simulacre de justice 18.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (se fondant à l’art. 14, §1 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques) a affirmé, haut et fort que « le droit à être
jugé par un tribunal indépendant et impartial est un droit absolu qui ne souffre d’aucune
exception »19. La Cour Européenne des Droits de l’Homme se fondant à l’article 6, § 1 er de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme, estime que pour établir si un tribunal peut
passer pour indépendant, il faut notamment prendre en compte le mode de désignation des
juges, la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions
extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence d’indépendance 20. En conséquence,
la juridiction contestée doit apparaître indépendante des pouvoirs exécutif ou législatif dans
chacune des trois phases de la procédure, à savoir l’instruction, le procès et le verdict 21.

Concernant l’impartialité, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (au regard de


l’article 14, § 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) a estimé que
l’impartialité du tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées préconçues au sujet de
l’affaire dont ils sont saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à favoriser les intérêts de l’une
des parties22. L'impartialité est la pierre angulaire du procès équitable.

3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix

Ce droit est prévu à l’article 18 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006. Lorsque


le justiciable n’est pas en mesure de comprendre la langue utilisée par le tribunal (s’il n’y a
pas d’interprète), cela peut constituer un obstacle à un procès équitable. Ainsi, l’ignorance de
la langue utilisée par le tribunal devait conduire la juridiction à prévoir la présence d’un
interprète et la traduction des principaux éléments écrits du procès.

Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU (article 14 du Pacte International relatif


aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966) a considéré que l’obligation de rédiger
les actes de procédure en français n’enfreint pas la garantie d’un procès équitable dans la
mesure où le requérant connaissait cette langue, pour une requête devant le tribunal
administratif rédigée en breton23.

17
S. GUINCHARD et alii, op. cit. n° 332, p. 819.
18
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p. 177.
19
Décision du 28 octobre 1992, Affaire Miguel Gonzalez del Rico contre Pérou, n° 263/1987, Rapport du
Comité A/48/40, partie 1, p. 200 et partie 2, p. 20.
20
CEDH, 1 er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 38 ; CEDH, 9 novembre 2006, Scilor-Lormines c/
France, § 59.
21
CEDH, 12 mai 2005, Ocalan c/ Turquie, § 114.
22
Décision du 23 octobre 1992, Affaire n° 387 / 1989, Arvo Karttunen c/ Finlande, A / 48 / 40, Partie I, p. 201
et Partie II, p. 134.
23
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, 8 novembre 1989, RUDH, 1991, 167.
9

4. Le droit à la publicité des débats

Ce droit est prévu à l’article 20 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 qui


déclare: « Les audiences des cours et tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne
soit jugée dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce cas, le tribunal
ordonne le huis clos ». Il est aussi proclamé par l’article 10 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’homme de l’ONU, l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques ainsi que l’article 6, §1er de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le but de cette mesure est d'éviter l'arbitraire en permettant aux parties et à l'opinion publique
de suivre la marche du procès et de contrôler ainsi l'activité des cours et des tribunaux. Sauf
pour les mesures telles que les enquêtes, les expertises, les causes dont la loi prescrit
l'instruction en chambre du conseil (exemple lorsqu'elles ont trait à l'intimité de la vie
familiale, aux bonnes mœurs ou lorsque cela concerne la protection de la vie privée) et
l'interrogatoire des parties, encore que si l'instruction est faite à l'audience, elle est publique, la
règle est que les audiences sont publiques.

Ce droit signifie que le procès doit être public. En effet, il est une exigence qui est
essentielle à la vie de la démocratie par l’existence d’une justice transparente, c’est le
caractère public des débats, des audiences24. L’oralité renforce la publicité. D’où l’adage :
" justice is no only to be done, but to be seen to be done" ce qui se traduit par: " la justice ne
doit pas seulement être rendue, il faut aussi que chacun puisse voir qu’elle est rendue ».

Ainsi, l’impartialité du tribunal et la publicité de la procédure sont des aspects importants du


droit à un procès équitable25. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice,
la publicité des débats aide à atteindre le but du procès équitable, dont la garantie compte
parmi les principes de toute société démocratique 26. Il y a méconnaissance du droit à une
audience publique lorsque le justiciable ne reçoit la citation que quatre jours après la tenue de
l’audience, de sorte qu’il a été privé de l’opportunité d’y assister 27. La publicité des audiences
est un principe garanti à la fois par la Constitution sous réserve de quelques cas de huis clos.

5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable

Ce droit est prévu à l’article 19 alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février


2006. Les articles 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et 6, §1
de la Convention Européenne des Droits de l’homme stipulent que la durée des procédures
doit s’inscrire dans « un délai raisonnable ». L’art. 7, 1.d. de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples va dans le même sens.

24
P. KAYSER, « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile », Mélanges Hébraud, Paris,
éd. Dalloz, 1981, p. 515.
25
Comité des droits de l’homme de l’ONU, 23 octobre 1992, affaire n° 387/ 1989, Arvo Kartturnen c/
Finlande, A / 48/ 40, Partie I, p. 201 et Partie II, p. 134; F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de
la jurisprudence strasbourgeoise en 2010", JLMB, 2011, p. 396.
26
CEDH, 15 décembre 2005, Hurter c/ Suisse, Unanimité, § 26.
27
CEDH, 15 mars 2005, Yakovlev c/ Russie, Unanimité, § 22.
10

Selon une règle connue par la plupart des systèmes juridiques, si la justice est retardée,
il n’y a pas de justice : « justice delayed, justice denied ». Le principe de célérité est surtout
pris en considération en procédure pénale. Dans cette matière, il est en effet nécessaire
d’indemniser rapidement les victimes, sans, le cas échéant, laisser le suspect en détention
provisoire trop longtemps. Par ailleurs, plus le temps passe, plus il est difficile d’apporter les
preuves et plus la défense peut être difficile. L'absence injustifiée de décision par la
juridiction saisie pour une période particulièrement prolongée peut, par la force des choses,
s'assimiler à un déni de justice28.

Les critères du délai raisonnable tiennent compte de la complexité de l’affaire, du


comportement du requérant et celui des autorités compétentes 29. La Cour Européenne des
Droits de l’Homme, se fondant à l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de
l’Homme a considéré que, même en présence d’une affaire complexe, un délai de près de dix
ans entre la mise à l’instruction et le jugement de première instance était excessif 30. De même,
le maintien de poursuites pénales contre une personne pendant plus de quinze ans est a priori
déraisonnable et ne saurait être qu’exceptionnellement justifié, même s’il ne ressort ni des
faits de l’espèce ni des allégations de l’inculpé qu’il y aurait eu de la part des autorités des
périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées dans la conduite de l’affaire 31. Enfin, une
période de trente-et-un mois de latente ne peut être considérée comme raisonnable, de même
que la charge de travail de cette juridiction ne peut être considérée comme excuse du retard
encouru32. Cette position a été suivie par les juridictions nationales. Ainsi, des délais,
respectivement de sept ans, de cinq ans et demi, de cinq ans et six ans, pour trancher des
affaires soumises au Conseil d’Etat, sans qu’il soit établi que la complexité de ces affaires
serait la cause du retard dans le prononcé des arrêts, dépassent le délai raisonnable 33.

L’Etat est responsable de la durée anormale d’une remise qui avait fait quinze mois 34,
ou encore de la période d’inactivité entre l’introduction d’un pourvoi en cassation jusqu'à
l’adoption de la décision définitive par la cour suprême pour une durée de deux ans et demi35.

6. Le droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire)

Ce droit a un lien avec l’égalité devant la loi. Le lien entre les deux a d’ailleurs été fait
par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU, dans plusieurs constatations 36. Ce principe
peut être défini comme étant l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable
28
F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2012", JLMB,
2013, p. 243.
29
A. VALERY, « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’homme ? », in Le procès équitable et la protection jurisprudentielle du citoyen, Colloque de
Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 91 et suivantes; CEDH, 8 janvier 2013,
Bucur et Toma c/Roumanie, , unanimité, § 148.
30
CEDH, 15 juillet 2005, Lerov c/ Belgique, unanimité, § 27.
31
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, unanimité, § 51.
32
CEDH, 10 octobre 2013, Dimitrijoski c/ Macédoine, unanimité, §, 22.
33
Tribunal civil de Bruxelles (4 ème chambre), 23 mars 2007, S.A.I c/Etat belge, ministre de l’Intérieur.
34
CEDH, 28 avril 2005, Robyns de Schneidaver c/ Belgique, Unanimité, §20.
35
CEDH, 8 novembre 2005, Wojda c/ Pologne, Unanimité, §16.
11

de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net
désavantage par rapport à son adversaire. Il signifie que le justiciable doit disposer des mêmes
armes juridiques, des mêmes moyens (arguments) à présenter devant le juge que la partie
adverse ou l’organe de la loi. D’où le mot « égalité des armes » autrement dit, on doit avoir
les armes égales. Ainsi, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a considéré que le refus
du président du tribunal d’accorder un renvoi pour permettre à l’auteur de bénéficier des
services d’un défenseur… soulève des questions d’équité et d’égalité devant les tribunaux, la
violation est alors prononcée au nom de l’inégalité des armes37.

L’égalité des armes et des moyens c’est aussi d’avoir le temps et les facilités
nécessaires pour préparer sa défense, temps et facilités qui sont un corollaire du principe de
l’égalité des moyens. Le principe de l’égalité des armes « représente un élément de la notion
plus large du procès équitable qui englobe aussi le droit fondamental au caractère
contradictoire de l’instance »38. Le droit à un procès équitable contradictoire implique par
principe, pour une partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces
produites par l’autre, ainsi que d’en discuter 39. Aussi, le fait que le parquet près la juridiction
d’appel bénéficie d’un droit d’appel dont le délai est supérieur à celui du prévenu, conjugué à
l’impossibilité pour le prévenu d’interjeter appel incident une fois son délai de recours expiré,
place ce dernier dans une position de net désavantage par rapport au ministère public,
contrairement au principe de l’égalité des armes40.

Enfin, la Cour Européenne des Droits de l’homme a condamné la présence du


ministère public au délibéré de la Cour de cassation alors que le (demandeur) n’a pas été
autorisé à y assister. Cette pratique viole l’égalité des armes 41 étant donné qu’elle a favorisé le
ministère public. De même, il y a violation à l'égalité des armes au cours d'un procès lorsque
le ministère public est le dernier à prendre la parole sans que les parties ne puissent pas avoir
la possibilité de lui répondre.

36
Constatations du 30 mars 1989, affaire B. de B. c/ Pays-Bas, A/44/40, p. 298 et affaire n° 223/1987,
Robinson c/ Jamaïque, A/44/40, p. 250.
37
Constations du 30 mars 1989, affaire 223/1987, Robinson c/ Jamaïque, A/44/40, partie I, p. 250.
38
CEDH, 23 juin 1993, Ruez Mateos c/ Espagne, série A, n° 262, §63 ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner
c/Autriche, série A, n° 262, §63; CEDH, 5 septembre 2013, Wyssenbach c/Suisse, §35, unanimité.
39
CEDH, 24 février 1995, Mc Michaël c/ Royaume Uni, série A, n° 307-B, Dalloz, 1995, p. 449, note
Huyette ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner c/ Autriche, série A, n° 282, Rec. 1997-VII, Vol. 56, p. 2496 ;;
CEDH, 31 octobre 2006, Aksoy c/ Turquie, §21 ; CEDH, 31 octobre 2006, Gunez Curum c/ Turquie,
Unanimité, §21; E. BARADUC, « Le juge civil de cassation, le moyen relevé d’office et le principe de la
contradiction », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd.
Montchrestien, 2004, p.6, §5 ; D. VANDERMEERSCH, " La place du ministère public dans l'instance en
cassation, ", Revue de droit pénal et criminologie, 2009, pp. 780-792.
40
F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2006 », in JLMB,
2007, p. 261.
41
CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, série A, n° 214-A ; CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/
Belgique et Lobo Machado c/ Portugal, Rec. 1996-I, Vol. 3, 210 ; AJDA, 1996, 1013, obs. Flauss ; RTD civ.
1996, 1028, obs. Marguenaud ; CEDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, D. 2001, p. 2611 et note R. Drago, p.
2619 ; CEDH, 10 octobre 2002, Theraube c/ France ; Procédures, février 2003, n° 50, obs. S. Deygas ; CEDH,
14 novembre 2006, Assad c/ France, unanimité, § 35 ; Voyez F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au
sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2005 », in J.L.M.B, 2006, pp. 417-418.
12

Le principe du contradictoire est le cœur des principes de l’égalité des armes et des droits de
la défense. Il devrait exister dans toutes les procédures (civile, pénale, administrative,
disciplinaire et constitutionnel). En procédure civile, ce principe signifie au minimum que
toute personne doit avoir été appelée, c’est-à-dire mise en mesure de se défendre. Chacune
des parties doit connaître les pièces du dossier et les discuter 42. Il s’agit de protéger les parties
et aussi de s’orienter vers une solution du litige.

En droit judiciaire privé, les droits de la défense se confondent avec le droit à la libre
contradiction. Cela signifie qu'une partie ne peut être valablement jugée sans avoir été
entendue ou mise en état d'être entendue, et sans connaître exactement la demande de son
adversaire, les moyens de faits et de droit qu’elle compte présenter devant le juge ainsi que les
pièces de la procédure qu’elle compte déposer dans le dossier.

Si, au cours de la procédure, le juge soulève d'office une exception que les parties n'avaient
pas invoquée devant lui ou s’il modifie par exemple d'office la qualification juridique des
faits, chaque partie doit pouvoir présenter ses observations par rapport à cette exception
d’office ou cette qualification des faits.

A ce sujet, le législateur, à travers le Code de Procédure civile, a prévu que chaque partie doit
non seulement recevoir communication de tous les documents invoqués, mais aussi et surtout
disposer du temps nécessaire pour répondre aux moyens que son ou ses adversaires
invoquent. De même, les parties doivent aussi collaborer dans l'administration de la preuve et
faire en sorte que la cause soit instruite de manière complète et correcte.

Le juge lui-même est tenu de respecter ces principes : ainsi les mesures d'instruction décidées
d'office seront-elles exécutées contradictoirement. Le cas échéant, il rouvrira les débats s'il
envisage d'appliquer une ou plusieurs règles juridiques dont les parties n'ont pas débattu
devant lui.

Tous les éléments relevés montrent que le droit à un procès équitable est le cœur et le
poumon de tout procès. Etant donné qu’ils constituent un modèle universel de procès
équitable, ils devraient donc être intégrés dans l’arsenal juridique de tous les Etats du monde
aspirant à l’Etat de droit et l’Etat démocratique. Mais en droit congolais, ce principe
s’applique de manière peu satisfaisante parce que beaucoup de justiciables se plaignent de ne
pas avoir droit à un procès équitable. Les raisons sont aussi bien structurelles que non
structurelles et ce n’est pas le lieu d’en faire un procès. En effet, il ne suffit pas de prévoir,
dans le Code de procédure civile, que toute personne a droit à un procès équitable pour qu’il
en soit ainsi dans la pratique, encore faut-il que cette personne puisse non seulement avoir
accès de manière effective et concrète à un tribunal 43, ce qui implique, comme nous l’avons
relevé plus haut, l'absence d'obstacles financiers ou juridiques entravant cet accès à la justice
mais également le droit à un juge indépendant et impartial44.

42
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 242, p. 249-251.
43
Lire à ce sujet, à titre d’exemple, ce qu’en dit la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans
CEDH, 21 février 1975, Golden/Royaume Uni, série A, n° 18, § 36.
44
Idem, CEDH, 1er octobre 1982, Piersack/Belgique, série A, n°53, §30.
13

III. Caractéristiques des règles de la procédure civile

1. Le principe dispositif

Selon le principe dispositif, le procès civil est « la chose des parties ». Cela revient à dire que
le demandeur doit libeller, dans l'acte introductif d'instance, ses prétentions ainsi qu’un exposé
des faits sur lesquels il fonde lesdites prétentions.

Cela permet au défendeur de préparer sa défense et, entre autres, d’opposer au demandeur des
exceptions, des fins de non-recevoir ou des défenses au fond, chacune des parties appuyant les
développements juridiques de sa thèse sur les faits qui, à son estime, la justifient. Chaque
partie apportera ainsi la preuve des faits qu'elle allègue.

En cours d'instance, les parties pourront, sous réserve de l'ordre public, transiger, se désister
de l’instance ou de l’action. Cela veut dire que ce sont les parties qui fixent l'objet et la cause
du litige qu'elles soumettent au juge : dans une large mesure, la direction du procès leur est
abandonnée en manière telle que le juge ne peut statuer sur des choses non demandées (on
dira, dans ce cas, qu'il statue « ultra petita ») et ce, même si la loi qui accorde un droit à l'une
des parties est d'ordre public. Mais, parfois, dans des cas exceptionnels, le juge peut se fonder
sur des faits qui, bien que non invoqués par les parties, sont « notoires » ou constituent des «
règles d’expérience commune »45. Mais le juge ne peut pas, de lui-même, susciter des
contestations que les parties n’ont soulevées ou développées.

Cependant, de nos jours, il joue un rôle de plus en plus actif dans le déroulement du procès 46
même si « le litige est la chose des parties ». Le procès et sa conduite ne sont plus, de ce point
de vue, que l’affaire des parties qui peuvent en faire ce qu’elles veulent. Le rôle central du
juge dans le procès est entièrement justifié car, si conformément au principe dispositif, les
parties ont la maîtrise de l'introduction de l'action en justice et du litige qu'elles configurent,
l'action de la justice se concrétisant dans l'instance ou plus globalement dans le procès, se
déroule sous la direction du juge participant d'un service public et engageant la responsabilité
de l'Etat lorsque, pour ne pas avoir réglé normalement le déroulement de l'instance, il statue
en dehors du délai raisonnable.

De même, le juge a le pouvoir d’ordonner d’office certaines mesures d’instruction destinées


à apporter la preuve de faits ou d’actes contestés, ou encore de prendre un certain nombre de
mesures dans la conduite de l’instance. Ces mesures ne constituent pas, à proprement parler,
des actes de juridiction, mais elles ont une incidence sur le cours du procès (par exemple,
décider qu'une affaire sera remise et non pas renvoyée au rôle). A titre d’exemple, dans une
affaire ayant trait à une succession ab intestat, Monsieur J. Mbomba Flore, sans être assisté
d’un conseil, avait été chargé par ses frères et sœurs de les représenter en justice pour suivre
45
Ainsi, à titre d’exemple, un Arrêt de la Cour de cassation belge a arrêté « qu’il est d’expérience notoire
que la pluie diminue fortement le pouvoir d’adhérence d’une chaussée asphaltée »Voy. Cass., 28 juin 1971, Pas.,
I, 1063.
46
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 5, p. 19
14

et récupérer tous les biens et droits de leur défunt père Mbomba Beti, décédé le 30/12/2005 à
Gbadolite. Mais, dans sa requête introductive d’instance, il avait sollicité du Tribunal de
Grande Instance de cette ville, non pas de le désigner comme liquidateur comme le prévoit
l’art. 795 Alinéa 1er de la loi n°87/010 du 01/08/1987 portant Code de la famille mais plutôt
de le confirmer comme successeur de leur père sur base de la lettre de ses frères daté du
19/04/2006. Après avoir constaté que la formule utilisée dans le procès-verbal du conseil de
famille n'était pas juste, le juge renvoya la cause contradictoirement à une audience ultérieure
pour permettre à la partie requérante de corriger cette anomalie et d'en faire une nouvelle. Ce
n’est qu’après avoir fourni un document conformé à ce que prévoit la loi que la cause fut
instruite et jugée47.
Par ailleurs, le jugement doit être motivé. En effet, l’article 21 de la Constitution du
18/02/2006 telle que modifiée en janvier 2011 prévoit que « tout jugement est écrit et motivé.
Il est prononcé en audience publique ». Le défaut de motivation d’un jugement peut entraîner
sa réformation. Le droit de former un recours contre un jugement est garanti à tous. Il est
exercé dans les conditions fixées par la loi.

2. Procédure accusatoire

En droit congolais, la procédure civile est « accusatoire », par opposition à la procédure


« inquisitoire » qui caractérise plutôt la procédure pénale. En effet, chaque partie « accuse »
l'autre et doit faire le nécessaire pour que le juge soit convaincu du bien-fondé de ses
prétentions. Lorsque un magistrat – assis ou debout – prend l'initiative du procès et des
différentes étapes de son déroulement, on dit que la procédure est « inquisitoire ». C’est le cas
pour la procédure pénale congolaise.

Toutefois, dans certains domaines, le juge peut jouer un rôle actif notamment en ce qui
concerne l'administration de la preuve, ou encore la conduite de l'instance, ce qui ne constitue
pas, à proprement parler, des actes de juridiction. Mais cela a incontestablement une incidence
sur le cours du procès (par exemple, décider qu'une affaire sera remise et non pas renvoyée au
rôle général).

3. Procédure écrite et orale

En RDC, la procédure est à la fois écrite (assignation, requête, conclusions) et orale


(comparution volontaire, audience et plaidoiries). On peut aussi, au moment de plaider une
affaire, renoncer au développement oral des arguments contenus dans l’écrit pour déposer les
conclusions sur le banc. En procédure civile, en principe l'écrit est de rigueur. En effet, il
arrive qu'un certain laps de temps s'écoule entre le moment où il a été plaidé dans une affaire
et le moment où le jugement sera rendu. Dans son délibéré, c'est donc essentiellement aux
pièces écrites de la procédure et notamment aux conclusions que le magistrat aura égard.

47
Tribunal de grande Instance de Gbadolite, 26 juillet 2006, R .C. 527, Jean MBOBA FLORE, Inédit.
15

4. Interdiction du déni de justice

Il y a déni de justice lorsque le juge refuse de juger ou dépasse le délai raisonnable pour juger
une affaire, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence, de l'obscurité ou de
l'insuffisance de la loi. Le juge qui commet un déni de justice est donc celui qui s'abstient de
juger. Pour cela, il est civilement et disciplinairement responsable. Il ne s’agit pas de celui qui
rend un jugement inexact ou mauvais, mais bien du juge qui s’abstient de juger. S’il ne
découvre dans la loi aucune solution au litige qui lui est soumis, il lui appartient de statuer
selon la solution qui lui paraît la plus équitable, mais il doit nécessairement se prononcer. En
effet, le rôle primordial du juge est de mettre fin à un litige, de dire le droit à l'occasion d'une
contestation. Il doit donc juger de l’affaire qui lui est soumise et non commettre un déni de
justice. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons la prise à partie.

Dans le même ordre d'idée, la chose jugée est considérée comme étant la vérité, même si cette
vérité judiciaire ne coïncide pas avec la vérité objective.

IV. SOURCES DE LA PROCEDURE CIVILE

Nous examinerons les sources suivantes : Les Conventions internationales d’entraide


judiciaire (1) la loi (2), de la jurisprudence (3), les principes généraux de droit (4), la coutume
(5) l’équité (6) ainsi que la doctrine (7).

1. Les Conventions internationales d’entraide judiciaire

L’objet de ces conventions est d’assurer le règlement des conflits qui peuvent surgir entre les
règles judiciaires applicables dans différents pays. Ces conventions permettent notamment de
résoudre les conflits de compétence entre les juridictions d'Etats différents, et d'assurer la
reconnaissance et l’exécution effective de ces décisions à l'étranger (Nous pensons ici par
exemple aux Conventions instituant la CEPGL de 1976). Elles permettent aussi l’extradition
des auteurs des infractions entre la RDC et un certain nombre d’Etats avec lesquels elle a
signé des conventions d’extradition48.

2. Loi

Au sens juridique, c'est le texte voté au Parlement49. Nous pouvons définir en général la loi
comme étant l’expression de la volonté populaire coulée sous forme des textes juridiques,
élaborée par un organe compétent (Assemblée Nationale ou le Sénat ou Parlement provincial)
et prévoyant des sanctions ou non en cas de sa violation. L’expression de la volonté populaire
se manifeste par les élus du peuple, et l’organe compétent dont il est question c’est le
parlement. La loi constitue une source de procédure civile car c’est par la loi que les règles de
procédure judiciaires sont élaborées. Ainsi, les articles 122, point 6 et 153 alinéa 5 de la
48
Voyez not le Décret du 12 avril 1886 sur l’extradition ainsi que différentes Conventions d’extradition
que la RDC a signées avec certains Etats. Voir ces Conventions et les Etats concernés dans les Codes
Larciers de la République Démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, Édition 2003, p.
386.
49
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p. 560.
16

Constitution du 18 février 2006 dit que la loi fixe l'organisation et le fonctionnement du


pouvoir judiciaire.

Nous soulignerons que c'est par la loi que notamment, les tribunaux de commerce ont été
créés en 2001, les juridictions militaires ainsi que les tribunaux du travail en 2002, les
tribunaux pour enfants le 10 janvier 2009, la procédure devant la Cour de cassation le 19
février 2013, les juridictions de l'ordre judiciaire le 11 avril 2013, la Cour constitutionnelle le
15 octobre 2013. C'est aussi par la loi qu'un nouveau statut des magistrats a vu le jour le 10
octobre 2006 ainsi que le Conseil supérieur de la magistrature le 05 août 2008.

Pour la procédure civile, c’est le Décret du 7 mars 1960 faisant office d'une loi qui prévoit le
Code de procédure civile, lequel comporte sept titres distincts. Le titre premier traite
successivement des assignations, de la comparution des parties et du défaut, du jugement, des
exceptions et des nullités, des enquêtes, des expertises, des visites des lieux, de la
comparution personnelle des parties et de leur interrogatoire et du serment. Le deuxième titre
contient les dispositions relatives aux voies de recours. Sont ainsi réglementés l'opposition,
l'appel, la tierce opposition et la requête civile. Le troisième titre concerne les dispositions
relatives aux voies d'exécution et de sûreté, notamment la saisie-arrêt, la saisie-exécution, la
saisie conservatoire et les dispositions générales. Le quatrième titre traite des frais de justice.
Le cinquième a trait à l'arbitrage, spécialement la convention d'arbitrage et les arbitres, la
procédure devant les arbitres, la sentence arbitrale et l'exécution de celle-ci ainsi que les voies
de recours. Enfin, le sixième titre contient les dispositions générales et le titre VII les
dispositions finales.

3. La coutume

C’est l’ensemble des usages, des pratiques qui à force d’être répétés, dans une société
bien déterminée ont acquis une force obligatoire. Précisons qu’il serait difficile de trouver une
coutume unique dans toute l’étendue du territoire national étant donné qu’elle change selon
les villages, clans, tribus ou ethnies. Cette coutume doit donc être appréciée en tenant compte
du lieu où elle devrait être appliquée car c’est la coutume locale que les cours et tribunaux
sont appelés à appliquer pour trancher les litiges.

C'est d'ailleurs l'esprit de l'article 10 alinéas 2 et 3 de loi organique n°13/011-B du 11


avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui dispose: " (...), Le tribunal de paix siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a
lieu de faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des
notables du lieu désigné par le président de la juridiction". Les articles 17 et 77 du Code de
procédure pénale vont dans le même sens car ils prévoient que l'officier du ministère public
peut imposer au témoin, avant de déposer, la forme du serment d'après les coutumes locales.
L'article 25 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières (Décret du 17 mars 1938)
dit que les règles de procédure sont pour diverses juridictions, les règles coutumières du
ressort. Enfin, l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative
17

aux principes à suivre dans les décisions judiciaires 50 dit que quand la matière n’est pas
prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont
de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes
locales. En ce cas, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes (entendez les
congolais) ou non indigènes, choisis parmi les notables les plus capables. Bref, tous ces textes
montrent clairement que la coutume à appliquer est celle du ressort, autrement dit la coutume
locale.

Exemple : la coutume des Bashi de Bukavu (Province du Sud-Kivu) ou des Nandes ou


Bahundes du Nord-Kivu est différente de celle de Mongo de la Province de l’Equateur ou des
Lunda du Katanga, etc. Cela signifie concrètement lorsqu'un justiciable ou avocat a une
procédure judiciaire devant les juridictions du Katanga, il ne peut pas invoquer la coutume de
Bashi de Bukavu mais celle du Katanga (lieu de la procédure) et si cette procédure se passe à
Kalemie, l'on appliquera la coutume de batabwa qui est la coutume locale. Par exemple, si la
procédure se passe à Kisangani et les justiciables sont des Baluba de la province du Kasaï
Oriental, la juridiction saisie de cette procédure pourrait requérir l'expertise des Baluba se
trouvant à Kisangani qui connaissent bien la coutume des Baluba afin qu'elle soit appliquée si
l'affaire querellée concernait les étapes coutumières du mariage. Si l'affaire concerne le conflit
collectif de terre régi par la coutume, dans ce cas, on appliquera la coutume locale.

Par ailleurs, en matière de filiation ou de droit de la famille ; pour un justiciable se trouvant au


Bas-Congo, c’est la coutume matriarcat qui sera appliquée tout comme à Mweka chez les
kuba du Kasaï Occidental, mais par exemple dans la province de l’Equateur ou chez les lulua
du Kasaï Occidental et les baluba de Mbuji-Mayi et de Mwene-Ditu au Kasaï Oriental, c’est
le patriarcat qui sera appliqué. A titre illustratif, tous les jugements rendus dans la province du
Bas-Congo en matière coutumière sont basés sur l’application de la coutume matriarcat et la
Cour suprême de justice est du même avis au vu de sa jurisprudence51.

La force, le fondement juridique de la coutume reposent sur les dispositions de


l’article 153 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006, les articles 10, 95, 96, 108, 110,
116 et 118 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. En effet, à titre illustratif,
l’article 153 alinéa 4 de la Constitution déclare : « Les cours et tribunaux, civils et militaires
(…) appliquent les lois et la coutume pour autant que celle-ci soit conforme à l’ordre public
ou aux bonnes mœurs ». Aussi, l'article 10 alinéas 2 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que le tribunal de paix siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a lieu de
faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des notables du
lieu désigné par le président de la juridiction.

50
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp. 188-
189.
51
N. KILOMBA NGOZI MALA, Le règlement des conflits fonciers régis par la coutume en droit congolais,
Kinshasa, éd. Mgr Noël Mala, 2008, p.93.
18

L'article 95 de la même loi organique dit : " La Cour de cassation connaît des pourvois
en cassation pour violation des traités internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de la
coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et
tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire". L'article 116 de la loi organique susvisée
dit : "La Cour de cassation connaît des pourvois en cassation pour violation des traités
internationaux dûment ratifiés, des lois et de la coutume contre les arrêts et jugements rendus
en dernier ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire en matière civile, commerciale et
sociale". Et l’article 108 de la même loi organique déclare : « (...), les tribunaux répressifs
saisis de l’action publique prononcent d’office les dommages intérêts et réparations, qui
peuvent être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux ».

Aussi, l’article 118 de loi organique précitée affirme : « Si une contestation doit être
tranchée suivant la coutume, les cours et tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle
soit conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En cas d’absence de coutume
ou lorsque celle-ci n’est pas conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, les
cours et tribunaux s’inspirent des principes généraux du droit". Les articles 17 et 77 du Code
de procédure pénale prévoit que l'officier du ministère public peut imposer au témoin, avant
de déposer, la forme du serment d'après les coutumes locales.

De même, le règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice 52 prévoit des


experts en coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Aussi, il est tenu au
siège des cours et tribunaux un tableau des consultants coutumiers. En cas d’enquête sur la
coutume, les présidents des cours et tribunaux peuvent désigner un consultant coutumier
parmi les experts inscrits à ce tableau ou les personnes possédant une expérience éprouvée en
la matière. Les présidents des cours et tribunaux prennent une ordonnance de taxation suivant
le tarif fixé par le ministre de la Justice 53. L’article 86 de la loi organique n° 06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats 54 prévoit les juges assesseurs auprès des tribunaux
de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci font application de la coutume. La circulaire
du Procureur général de la République n°2/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des parquets
oblige les officiers du ministère public à se mettre au courant des traditions locales.

L’article 18 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières (Décret du 17 mars
1938) prévoient que « les tribunaux indigènes (coutumières) appliquent les coutumes, pour
autant qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public universel. Toutefois, lorsque des
dispositions légales ou règlementaires ont eu pour but de substituer d’autres règles à la
coutume indigène (locales), les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions ». En ce qui
concerne l’ordre public universel dont il est question ici, le tribunal de première instance
d’Elisabethville (Lubumbashi) a estimé qu’il s’agit de l’ordre public international et non de

52
Article 19 de l’ordonnance 0166 du premier président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant
le règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in JORZ, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746 .
53
Article 21 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
54
JORDC, n° spécial, 25 octobre 2006, p.21.
19

l’ordre public interne du droit écrit congolais 55. L'article 25 des décrets coordonnés sur les
juridictions coutumières (Décret du 17 mars 1938) dit que les règles de procédure sont pour
diverses juridictions, les règles coutumières du ressort.

Enfin, l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative aux


principes à suivre dans les décisions judiciaires 56 dit que quand la matière n’est pas prévue par
un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la
compétence des tribunaux du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes locales.
En ce cas, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes (entendez les congolais)
ou non indigènes, choisis parmi les notables les plus capables. Il convient de noter que la
Cour Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit, entre autres, la
coutume internationale.

Tous ces textes montrent que la coutume est une source indispensable dans la
procédure civile en République démocratique du Congo. Toutefois, il ressort de l’esprit de ces
textes, pour que la coutume soit appliquée par les cours et tribunaux, les conditions suivantes
doivent être respectées :

- Elle doit être conforme aux lois, c’est-à-dire si une coutume est à l’encontre de la loi, elle
ne sera applicable par les cours et tribunaux. Ainsi, lorsque la loi ou les règlements ont prévu
d’autres règles en lieu et place de la coutume, ce sont ces dispositions légales ou
règlementaires qui s’appliquent. Exemple: une coutume qui reconnait un second mariage
contracté avant la dissolution d'un premier mariage monogamique est contraire à la loi 57, il en
est de même de la coutume qui permet à une femme d'avoir plusieurs maris; comme ce deux
coutumes sont contraires à la loi, elles ne peuvent pas être appliquées par les cours et
tribunaux. Une coutume qui en cas de décès du père, permet de confier la tutelle des enfants
soit à son frère, soit au frère de la mère est conforme à la loi, donc elle sera applicable 58.

- Elle doit être conforme à l’ordre public. L'ordre public est défini comme étant une norme
impérative dont les individus ne peuvent s'écarter ni dans leur comportement ni dans leur
convention59. L'ordre public de l'Etat doit être entendu comme l'ordre nécessaire dans le cadre
de l'Etat. Cet ordre public se trouve exprimé dans la Constitution de la RDC du 18 février
2006 (préambule et différents droits fondamentaux: articles 11 à 67), la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et différents traités internationaux ratifiés par la RDC. Il
s'agit donc de tous les droits fondamentaux des citoyens. Tenant compte de sens, la coutume
appliquée doit être conforme à l'ordre public c’est-à-dire que la coutume ne peut permettre ce
que cet ordre public interdit. Exemple : La coutume qui permet de soumettre des sévices à une
femme qui vient de perdre son mari ; cette coutume n’est pas conforme à l’ordre public car la
55
Tribunal de Ière Instance Elisabethville, 8 octobre 1913, in Jurisprudence du Congo, 1921, p. 327.
56
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp. 188 et
189.
57
Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa, 20 avril 1979, RC 2/158, RJZ, 1987, p. 111.
58
Tribunal de territoire d'Ilebo, 25 mars 1963, jugement n°288, RJB, 1973, p.231; Tribunal de Secteur des
Pende, 09 janvier 1968, n°9, RJZ, 1973, p. 241; Tribunal de ville de Kananga, jugement n°415/394/66, RJZ, 1973,
p. 240.
59
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, 644.
20

torture, les sévices sont des infractions prévues et punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du
Code pénal congolais, livre II). La coutume sera subordonnée à cet ordre et non un ordre qui
serait limitée à une province. L'idée de base est que l'ordre public national doit l'emporter sur
les différentes coutumes provinciales ou locales60.

- Elle doit être conforme aux bonnes mœurs. Celles-ci constituent l'ensemble de règles
imposées par une certaine morale sociale, reçue en un temps et en lieu donnés, qui en
parallèle avec l'ordre public, constitue une norme par référence à la quelle les comportements
sont appréciés61. En langage simple, les bonnes mœurs signifient les règles morales, le savoir
vivre. Exemple: le fait que deux amants consomment des rapports sexuels en pleine réunion
au vu de tout le monde ou dans la salle des cours à l'université en présence d'autres étudiants
ou d'autres personnes; cela n'est pas conforme aux bonnes mœurs. Autre exemple: le fait pour
une personne de se promener nue dans la ville en exhibant son sexe, cela n'est pas conforme
aux bonnes mœurs. Cela signifie que si une coutume est contraire aux bonnes mœurs, elle ne
sera pas appliquée par les cours et tribunaux.

La coutume constitue une source de procédure civile car les juridictions peuvent s’y
référer à condition qu’elle soit conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. La
coutume peut jouer un rôle important pour les règles de procédure civile dans l’hypothèse où
le législateur ne prend pas de disposition légale dans une matière déterminée.

4. La jurisprudence

C’est l’ensemble des décisions, jugements ou arrêts rendus par les cours et tribunaux. Il
s’agit simplement de l’ensemble des solutions apportées par les décisions constantes de
justice dans l’application du droit (lorsqu’il y a lieu à interprétation de loi, lorsqu’il ya
ambiguïté ou obscurité, etc.) ou même dans la création du droit lui-même (quand il faut
compléter la loi, suppléer une règle qui fait défaut) 62. C'est donc l'ensemble de décisions
suffisamment concordantes rendues par les hautes juridictions sur une question précise du droit.

C’est par la voie de la jurisprudence que les usages, les principes généraux du droit et les
solutions d’équité ont été admis d’une manière stable et précise en droit congolais. En effet,
certaines juridictions, tels que la Cour de cassation, le Conseil d’Etat et la Cour
constitutionnelle, eu égard à leur prestige et leur notoriété, jouissent d’une autorité reconnue.
Aussi, lorsqu’elles définissent une règle jurisprudentielle, les juridictions inférieures se
trouvent « moralement dans l’obligation » d’appliquer cette règle. Ce pouvoir qu’incarnent
les hautes juridictions est le garant et l’instrument de la démocratie s’il conserve une
indépendance certaine, et s’il prend soin de bien motiver ses décisions pour éviter tout risque
d’arbitraire63. La Cour Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit,
entre autres et, en pratique de façon subsidiaire, les décisions juridictionnelles.
60
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé, Kinshasa,
éd. PUF, 2012, p. 213.
61
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p.120.
62
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit
et Idées Nouvelles, 2006, n°17, p.35.
63
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 28, p.25.
21

La jurisprudence peut être source de droit judiciaire à condition qu’elle soit constante
car, en ce cas, elle fait partie du droit et l’on ne peut pas s’en écarter sans mettre en cause la
sécurité juridique, qui est un facteur du maintien de l’ordre et de la paix sociale64. Il y a lieu
de noter qu’un seul arrêt de cassation peut fixer d’une manière constante et définitive la
jurisprudence, surtout lorsqu’il s’agit d’un arrêt de principe.

La jurisprudence constitue une source de procédure civile dans la mesure où les


juridictions inférieures peuvent se référer aux juridictions supérieures, la façon dont elles ont
jugé une affaire donnée qui a de similitude avec celle soumise devant le juge inférieur. Partant
de cela, la jurisprudence est une source de procédure civile.

A n’en point douter, la jurisprudence joue un rôle important comme source de droit en
procédure civile. Les décisions rendues en matière de procédure civile sont nombreuses.
Malheureusement, elles ne sont pas toutes publiées compte tenu des difficultés de parution de
certaines revues juridiques.

5. Les principes généraux de droit

Le Premier avocat général honoraire de la République démocratique du Congo, Nkata


Bayoko les définit comme étant des règles de droit non écrites, dérivant de l’esprit des lois et
des principes auxquels obéit généralement le législateur, lesquelles règles s’appliquent aux
contestations en l’absence de textes de lois régissant la matière 65. Pour le Bâtonnier Matadi
Nenga Gamanda, ce sont des propositions premières non écrites, normatives et juridiques qui
fondent, à côté d’autres sources de droit l’unité du système juridique 66. De manière simple,
nous pensons que ce sont des solutions juridiques admises en droit par la jurisprudence en
l'absence de règles écrites telles que notamment les lois et qui se conforment aux lois. Les
principes généraux du droit doivent être distingués des principes ou règles ou adages qui ne
sont pas reconnus comme principes généraux de droit.

Leur force juridique vient de l’article 118 alinéa 2 de la loi organique n° 13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui déclare : « En cas d’absence de coutume ou lorsque celle-ci n’est pas conforme
aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs, les cours et tribunaux s’inspirent des
principes généraux du droit ». Leur force juridique vient également de l’ordonnance
législative du 14 mai 1886 qui a toujours force de loi. Cette ordonnance prévoit de juger les
contestations d’après « les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité »,

64
E. LUZOLO BAMBI LESSA et N. A. BAYONA BA MEYA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, édition PUC,
2011, p. 59.
65
NKATA BAYOKO, De la violation des principes généraux du droit au moyen de cassation, Kinshasa, éd. Kinsel,
2003, p. 20.
66
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit
et Idées Nouvelles, 2006, n°21, p.41.
22

pour suppléer aux silences de la loi, d’un décret ou d’un règlement 67. L’expression « coutumes
locales » signifie les usages locaux dans tel ou tel domaine du droit68.

Voici quelques exemples des principes généraux de droit:


- Pas d’intérêt, pas d’action ou pas d’action sans intérêt ;
- Le criminel (pénal) tient le civil en état;
- Nemo judex in re sua: Personne ne juge sa propre cause;
- Actori incumbit probatio: la preuve incombe au demandeur (à celui qui agit);
- Res judicita pro veritate habetur: la chose jugée est tenue pour vérité;
- Electa una via, non datur recursus ad alteram: lorsqu'on est engagé dans une voie, le
renoncement n'a pas d'incidence;
- Non bis in idem: Nul ne peut être poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits auxquels
il a déjà été condamné ou acquitté;
- L'autorité de la chose jugée;
- L'interdiction de se faire justice à soi-même;
- Le droit à un procès équitable;
- Le double degré de juridiction;
- Actor sequitur forum rei: le demandeur doit porter son action devant le tribunal du
défendeur;
- L'obligation pour le juge de vider sa saisine;
- Nul ne plaide par procureur;
- Le juge saisi d'une question préjudicielle doit sursoir à statuer en attendant que la question
soit tranchée;
- Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude;
- Nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui.

Mais d'autres ne sont pas reconnus comme principes généraux de droit. C'est le cas
notamment de:
- L'unité du droit;
- La bonne foi dans le procès;
- L'égalité de traitement d'actes similaires;
- Toute personne est présumée être de bonne foi jusqu'à la preuve du contraire;
- L'indivisibilité des moyens de preuve;
- "Copie vaut original";
- Qui peut le plus peut moins69.

Il convient de préciser que la loi prime sur les principes généraux du droit. En d'autres
termes, les principes généraux du droit peuvent s'appliquer à côté de la loi mais pas contre la

67
A. RUBBENS, op. cit. p. 41 ; Ordonnance de l’administrateur général du Congo, in Bulletin officiel, 1886, pp
188 et 189.
68
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit
et Idées Nouvelles, 2006, n°16, p.34.
69
A. BOSSUYT, " Les principes généraux du droit dans la jurisprudence de la Cour de cassation", in Journal des
Tribunaux, 2005, n°50-52, p.733.
23

loi; de la sorte, ils ne peuvent être appliqués par le juge dans une cause déterminée lorsque
cette application serait inconciliable avec la volonté du législateur. Cela signifie qu'ils ont un
caractère supplétif, ils ne peuvent donc être invoqués ou n’être d’application qu’en l’absence
d’une loi spécifique qui régit la matière.

Aussi, lorsqu’un principe général du droit est coulé sous forme de loi dans la suite, il n’est
plus à considérer comme un principe général du droit mais plutôt un principe légal. Dans ce
cas, il complète la loi et est hiérarchiquement supérieur aux ordonnances, décrets, arrêtés,
édits, etc. De même, lorsqu'un principe général de droit est prévu dans la Constitution, il cesse
d'être un principe général de droit mais il devient plutôt un principe constitutionnel. Par
conséquent, il devient hiérarchiquement supérieur à la loi 70. C'est le cas notamment de
principes la responsabilité pénale est individuelle et nul n'est censé ignoré la loi qui étaient
auparavant les principes généraux de droit mais comme ils sont actuellement prévus par les
articles 17 alinéa 8 et 62 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006, ils sont devenus
principes constitutionnels.

Jusqu'à une certaine époque (période coloniale), on pouvait dans certaines mesures
invoquer les dispositions du Code belge par exemple en droit congolais en tant que principes
généraux de droit à condition qu’il y ait silence de la loi et de la coutume ou celle-ci n’est pas
conforme aux lois et à l’ordre public. Mais depuis l'indépendance de la RDC, il n'est plus
nécessaire de continuer de se référer au Code belge en tant que « principes généraux de
droit ». En effet, l’ordonnance législative réglant cette question date de 1886 lorsque le Congo
était la propriété privée du Roi Léopold II de Belgique. Or aujourd’hui, la République
démocratique du Congo est indépendante, et le droit judiciaire a beaucoup évolué, les cours et
tribunaux internationaux qui n’existaient pas à l’époque sont une réalité, et contribuent à
dégager les normes universelles du procès équitable.

Aussi, la jurisprudence de la Cour suprême de justice est très abondante et donne


quelques arrêts de principe qui peuvent combler le silence d'une loi dans une matière bien
déterminée. C'est pourquoi, on ne peut plus invoquer aujourd'hui le droit belge en RDC en
tant que principes généraux de droit. La seule possibilité de s'inspirer du droit belge serait
lorsque la disposition légale belge a été transposée en RDC et son interprétation pose
problème d'applicabilité (comme le Code de procédure pénale date du 6 août 1959 et le Code
de procédure civile du 7 mars 1960, soit 10 mois ou 3 mois avant l'indépendance de la RDC,
selon le cas); dans ces conditions, on peut voir le sens téléologique ou l'esprit de ladite loi en
Belgique afin de faciliter une bonne application de la dite loi en RDC. Dans ce cas d'espèce, il
ne s'agirait donc plus de principes généraux de droit dès lors que la loi existe déjà.

Comme le note si bien M. Mukadi Bonyi dans son ouvrage sur la procédure civile, « bien que
reproduit actuellement en tête du code civil, on admet que ce texte s'applique en réalité à
toutes les branches du droit. Le Code de procédure civile de 1960 est sans doute beaucoup
plus complet que les dispositions légales antérieures, mais on ne peut nullement le comparer

70
A. BOSSUYT, "Les principes généraux du droit dans la jurisprudence de la Cour de cassation", in Journal des
Tribunaux, 2005, n°57, p.735.
24

aux textes de procédure civile belge »71. Cela ne veut pas dire que le juge congolais applique
les principes généraux du droit belge même si, parfois (souvent), les principes généraux
congolais se confondent avec ceux du droit belge, mais il s’agit bien des principes généraux
dégagés par le juge congolais, ce n’est qu’à défaut qu’il faudra examiner si la disposition
légale est inspirée du texte adopté par le droit belge 72. En effet, depuis l’indépendance de la
RDC à ce jour, il y a eu suffisamment de cas que pour résoudre les litiges soumis au juge en
se référant aux décisions déjà rendues dans le passé dans des situations similaires.

Pour éviter tout mal entendu, nous pensons qu’à l’avenir, l’on devrait abroger ladite
ordonnance législative et prévoir comme « principes généraux de droit », notamment les
normes universelles du procès équitable (droit à un juge indépendant et impartial, droit d’être
jugé dans un délai raisonnable etc.). D’ailleurs, les principes généraux du droit tendent à
devenir de plus en plus communs à tous les pays qui se réclament d’un Etat de droit. C’est
dans ce sens que la doctrine moderne reconnaît par exemple que le principe d’impartialité
constitue un principe général de droit 73 et paraît aujourd’hui comme étant un principe de
procédure universelle74. Mais en RDC, le principe d'impartialité n'est pas un principe général
du droit car c'est un principe légal étant donné qu'il est prévu par les articles 49 et suivants de
la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et par les articles 6 à 13 de la Résolution
n°001/2011 du 26 mail 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats.

Pour plus de sécurité juridique, il serait mieux de ne retenir que les principes généraux de
droit approuvés par les hautes juridictions (Cour de cassation, Conseil d'Etat, Cour
constitutionnelle) et les juridictions internationales (le tribunal de la Communauté de
Développement de l'Afrique Australe, la Cour de Justice du Marché Commun de l'Afrique
Orientale et Australe, la Cour Commune de Justice d'Arbitrage de l'OHADA, la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de la Haye et le Comité des
Droits de l’Homme de l’ONU). Et d'ailleurs, la Cour Internationale de Justice de la Haye

71
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, éd. Batena Ntambua, Kinshasa,
1999, p. 16. Lire aussi KALONGO MBIKAYI et BUKA eka NGOY, « Le juge zaïrois et l’interprétation
des principes généraux du droit national », in Revue zaïroise de droit, n° spécial 1971, pp. 31 – 41.
72
LUKUSA NASABAYO, Droit judiciaire congolais, Harmattan, février 2010, 116 p. Cette étude
constate les limites du droit congolais et explique la manière dont ces lacunes sont comblées par le
recours au droit comparé, notamment au droit belge et au droit français, ce dernier étant devenu la
référence privilégiée de la jurisprudence congolaise dans ce domaine. L'auteur dévoile les causes de
nombre des contradictions constatées du fait des divergences pouvant exister entre les droits belges et
français tous les deux appliqués. Il note le rôle de l'argent dans la survenance de nombre des notions
étudiées et ses conséquences.

73
B. QUIRINY, « Actualité du principe général d’impartialité administrative », in Revue du Droit Public et la
Science Politique en France et à l’étranger, 2006, pp. 376-389.
74
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p. 177.
25

s'inspire des différentes sources de droit, entre autres, des principes généraux de droit
reconnus par les nations civilisées et l'équité si les Etats concernés en sont d'accord 75.

Les principes généraux du droit constituent une source de procédure civile car les
juridictions peuvent s’y inspirer.

6. L’équité

Le mot équité vient du latin "equus" qui signifie équilibre. On peut la définir comme étant la
solution éprouvée comme juste par la communauté à laquelle appartient le juge; c'est donc le
sens humain de la pondération et de la conscience sociale du juge; autrement dit le bon sens du
juge. L'article 155 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que le Conseil d’Etat
se prononce en équité en tenant compte de toutes les circonstances d’intérêt public ou privé.
De même la Cour Internationale de Justice de la Haye, peut, avec l'accord des parties, se
référer à l'équité. Aussi, l’ordonnance de l’administrateur général du Congo du 14 mai 1886
permet également aux cours et tribunaux, en cas de silence de la loi, de recourir à l’équité,
c’est-à-dire au sens personnel de la justice et de l’ordre social. Lorsque le texte de la loi, les
principes généraux du droit, la coutume locale, les usages et la pratique judiciaires feront
défaut, les tribunaux se réfèrent à l'équité qui est également source de droit et à laquelle
renvoie l'ordonnance de 1886 précitée. A ce sujet, la Cour d'appel de Bandundu a jugé "lorsque
le montant postulé par une partie au procès semble manifestement exorbitant et en dehors de
critère d'appréciation, la Cour le ramera selon le bons sens et l'équité"76.

L’on précisera que l’équité jouera un rôle purement supplétif, c’est-à-dire chaque fois
que législateur n’aura pris aucune disposition légale dans une matière 77 et cette équité n’est
pas à confondre avec les normes du procès équitable. Mais le juge doit être prudent pour cette
source qui ne lui permet pas de faire ce que le législateur a entendu lui interdire car ce bon
sens, qui n’est pas la chose la mieux partagée du monde, échappe à une analyse qualitative et
quantitative ; il n’est pas observable comme le serait une loi, un principe général du droit,
préalablement énoncé et ayant son existence en dehors du juge.

Comme nous pouvons le constater, la notion d’équité échappe donc au droit entendu
comme science et dont l’objet, le droit, relève nécessairement de l’observation et de
l’objectivité78. C’est pourquoi, une décision judiciaire qui se réfère uniquement à l’équité pour
justifier une décision n’est pas motivée. Et d’ailleurs, la Cour de cassation française avait
affirmé que l’équité n’est pas une source de droit 79. Enfin, il est nécessaire de préciser que le
droit de la famille romano-germanique à laquelle appartient la RDC (comme la Belgique et la
75
L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010, n° 59, p.
236.
76
Cour d'appel de Bandundu, 14 mai 2010, RPA 1249, MP et partie civile Bennie Luwayi c/ Bethy Kayembe, in H.
MASANI MATSHI et P. NAMWISI KASEMVULA, Les arrêts de la Cour d'appel de Bandundu (2009 à 2010), 2011,
pp.139-142.
77
Article 1er de l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886, in Bulletin Officiel, 1886,
pp.188-189.
78
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit
et Idées Nouvelles, 2006, n °26, p.47.
26

France) accorde moins d’importance à l’équité en tant que source de droit par rapport au droit
Anglo-Saxon ou le Common Law (comme l'Angleterre, les Etats-Unis et les anciennes
colonies britanniques, entre autres la Tanzanie, l'Ouganda, etc.) mais c’est celui-ci qui a
tendance à influencer les juridictions internationales tels que la Cour Européenne des Droits
de l’Homme de Strasbourg, la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de
La Haye et le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU.

7. Les usages

Ils sont prévus par l'article 108 de la loi organique n°13/011 du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire qui déclare :
« (...), les tribunaux répressifs saisis de l’action publique prononcent d’office les dommages
intérêts et réparations, qui peuvent être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages
locaux". Ils peuvent être définis comme étant des pratiques applicables devant les juridictions
bien déterminées. Dans ce sens, ce sont des pratiques judiciaires ayant acquis force de droit,
complémentaire à la loi. En effet, l’on ne doit pas oublier l’importance de la pratique
judiciaire qui crée des procédés que la loi n’avait point prévus mais qui varient suivant les
tribunaux établis dans les différents ressorts des cours d’appel. Ces usages peuvent être une
explication des textes trop incomplets ou flous. Il y en a qui sont « praeter legem », c’est-à-
dire qui vont au-delà de la pensée du législateur, et ceux qui sont « contra legem» ; c'est-à-dire
contraires à la loi. Ces derniers ne peuvent pas être appliqués. Mais les usages ne
l’emporteront pas sur la règle légale s’ils sont en contradiction avec elle, encore que la loi a
souvent adopté certains usages qui s’étaient imposés en les « coulant » dans des textes
juridiques80. Il y a ainsi la pratique judiciaire qui crée des procédés que la loi n'avait pas
prévus mais qui varient suivant les tribunaux établis dans les différents ressorts des cours
d'Appel. Au Congo, la coutume locale issue du droit coutumier peut suppléer, en plus des
usages et pratiques judiciaires, les lacunes de la loi (Décret du 7 mars 1960) et ce, en vertu de
l'ordonnance du 14 mai 1886.

8. La doctrine

C’est l’ensemble des écrits, des savants de droit, des professeurs, des chercheurs et
praticiens de droit. Elle guide le législateur et le juge dans la formation du droit. Le plus
souvent la doctrine est par ses écrits une source d’inspiration indirecte. Par ses travaux, la
doctrine œuvre à la cohérence du droit judiciaire et facilite sa compréhension en analysant la
jurisprudence et en exposant les fondements et finalités des règles de droit. La doctrine peut
être aussi une source d’inspiration directe lorsque les juridictions s’y réfèrent ou lorsque le
législateur demande à des auteurs de participer à des commissions de réforme 81. La Cour
Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit, entre autres la doctrine
des auteurs les plus qualifiés.

79
Cassation française, ch. sociale, 4 décembre 1996, Bulletins des arrêts de la Cour de cassation en matière
civile, V, n° 421 ; JCP, 1997, I, 4064, n° 11, obs. Cadiet, RTDciv., 1998, 221, obs. Molfessis.
80
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena Ntambua, 1999, p.2.
81
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°20, p.12.
27

La doctrine constitue une source de procédure civile car les tribunaux peuvent s’y référer
pour suppléer au silence de la loi ou en cas de l’absence de jurisprudence sur un point précis
de droit ou lorsqu’ils veulent renforcer la motivation de leurs jugements.

La doctrine commentant le Décret du 7 mars 1960 portant code de procédure civile est fort
limitée. Outre l’ouvrage de Messieurs Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala précité, celui
de Matadi Nenga Gamanda, Droit judiciaire privé et de A. Rubbens, Le droit judiciaire
zaïrois, tome II, PUZ, Kinshasa 1978, les ouvrages des professeurs ou des praticiens de droit
en la matière peuvent constituer une source de droit et venir en complément aux autres
sources précitées.

V. Les actes de procédure

1. Notions

Pour qu’un justiciable puisse saisir la justice contre un autre afin que celle-ci examine sa
cause, il pose un certain nombre d’actes. De même, certains fonctionnaires de l’administration
de la justice ainsi que le juge saisi de l’affaire posent aussi des actes de procédure civile. C’est
l’ensemble de ces actes que l'on appelle « actes de procédure ».

Ce n’est pas qu’en procédure civile on n’utilise pas l’oralité mais l’avantage de l’écrit est que
les règles sont consignées dans un instrumentum, ce qui constitue une garantie e sécurité par
rapport à l’oralité. Mais celle-ci intervient aussi pour, par exemple, éclairer la religion du
juge, déclarer que l’on veut saisir le juge par une intervention volontaire. Cet acte de
procédure ne peut être régulièrement accompli que par une personne capable et disposant du
pouvoir de ce faire.

2. Les différentes sortes d’actes de procédure

On distingue quatre catégories d'actes de procédure : les exploits d’huissier, les actes des
greffiers, les actes des parties et les actes des juges. Décortiquons chacune de ces catégories
d’actes de procédure.

a) Les exploits d'huissier de justice

En principe, par exploits d'huissier, on renvoie à tous les actes de procédure qui,
conformément au Code de procédure civile, nécessitent l'intervention d'un huissier de justice
pour qu’ils soient valables. Toutefois, en droit congolais, le Code prévoit que certains exploits
qui, en principe, relèvent de la compétence d’un huissier de justice puissent être instrumentés
par un greffier. Cela revient à dire que ces actes entrent à la fois dans les fonctions de
l'huissier et du greffier de justice. La raison est simple : au Congo, les principes de procédure
civile ont été adaptés à la situation du pays qui ne possède pas (encore) un personnel
judiciaire suffisant et qualifié pour remplir les fonctions d’huissier ou de greffier de justice.
Sous d’autres cieux (en Belgique ou en France notamment), les huissiers sont des
indépendants organisés dans un système corporatif à part tandis que les greffiers sont des
fonctionnaires de l’administration de la justice.
28

Suivant leur objet spécial, les exploits prennent chacun une dénomination particulière.
L'exploit peut en effet porter les dénominations suivantes:

l° « assignation » ou « ajournement », s'il tend à l'introduction de l'action en justice et à la


comparution de l'adversaire devant le tribunal pour lui permettre de se défendre contre cette
action ;

2° « commandement » si le requérant, par l'intermédiaire d'un huissier, intime à une autre


personne de déférer à un ordre ou à une défense procédant d'un jugement ou éventuellement
d'un acte notarié exécutoire ;

3° « procès-verbal », lorsque l'huissier rapporte et décrit les opérations auxquelles il a procédé


lui-même au nom du requérant en vertu d'un ordre du juge ;

4° « sommation », lorsque l'huissier agissant à la demande du requérant met en demeure une


autre personne de faire ou de ne pas faire quelque chose.

b) La rédaction des actes

En général, les exploits sont rédigés par l'huissier sur les indications données par les parties ou
leurs Conseils. Il en est ainsi dans tous les cas, en France et en Belgique. Au Congo, l'article 2
du Code de procédure civile précise : « l'assignation est rédigée par le greffier ». L'huissier ne
peut donc pas intervenir dans la rédaction de l'ajournement. Toutefois, la loi est muette en ce
qui concerne les autres exploits. On admet, encore que la jurisprudence n'ait pas eu l'occasion
de se prononcer jusqu'à présent là dessus, qu'il appartient également au greffier seul de rédiger
les autres exploits, sauf en ce qui concerne le procès-verbal de saisie qui est effectué par
l'huissier seul. L'exploit est un acte authentique puisqu'il émane d'un fonctionnaire ayant
qualité pour donner l'authenticité aux actes qui entrent dans ses attributions légales. Les
mentions qu'il contient vaudront jusqu'à preuve littérale contraire alors qu'en Belgique, elles
vaudront jusqu'à inscription de faux.
29

c) Enonciations ou mentions qui doivent figurer dans les exploits

Le Code de procédure civile énumère les mentions qui doivent obligatoirement figurer dans
les exploits. Le législateur a prévu uniquement les énonciations qui doivent nécessairement
figurer dans l'assignation (art.2). Mais il est admis que ces règles ont une portée générale et
qu'elles doivent être étendues à tous les exploits. Les différentes énonciations que doit porter
l'exploit sont :

la date, la désignation du requérant, la désignation du destinataire désignation et la signature


de l'huissier ou du greffier. Ces mentions sont communes à tous les exploits, mais leur
contenu varie quelque peu suivant l'objet de l'exploit. Aussi, les envisagerons-nous
séparément lors de l'examen de chacun des exploits. L'exploit doit encore exposer l'objet du
litige ainsi que l’exposé des faits et les moyens de droit que l’on compte soumettre au juge.

3. Les actes des greffiers

En dehors de la rédaction et de la signification des exploits attribués au greffier, ce dernier est


aussi chargé de :

l) dresser acte de ce qui est prononcé ou dicté par le juge ou par les parties au cours de
l'audience (CPC, art. 15). L'acte de procédure qui contient ces déclarations porte le nom de
« feuille d'audience » ou le « plumitif » ;

2) recueillir les déclarations des parties en dehors de l'audience lorsque celles-ci veulent faire
opposition à un jugement ou arrêt rendu par défaut (CPC, art. 63) ou d'interjeter appel d'un
jugement (CPC, art. 68). Le greffier doit consigner ces déclarations dans les actes de
procédure qu’on appelle « acte d'opposition » ou « acte d’appel» suivant le recours introduit;

3) dresser certains actes de procédure dénommés « procès-verbaux » chaque fois que la loi
lui confie ce soin : audition des témoins au cours de l'enquête (CPC, art. 34) ; visite des lieux
(CPC, art. 48) ; comparution personnelle des parties (CPC, art. 54) ; rapport d'expertise si les
experts ne savent pas écrire (CPC, art. 42) ;

4) dresser acte des déclarations du juge en dehors de l'audience chaque fois que la loi lui en
fait obligation. Quoique authentiques, ces actes ne doivent cependant être signifiés. Toute
partie au procès peut en obtenir des grosses, expéditions, extraits ou copies certifiées
conformes qui seront délivrés par le greffier sur simple demande.

4. Actes des parties

a) La requête

Le législateur a prévu qu’un demandeur peut accomplir lui-même certains actes de procédure
sans passer par l'intermédiaire de l'huissier ou du greffier. Il peut en effet, au moyen d'une
« requête », réclamer directement de l'autorité judiciaire une décision relevant de sa
compétence. Le Code de procédure civile ne prévoit pas les mentions que doit
30

obligatoirement contenir la requête comme il le fait pour les exploits d'huissier. Aussi, le
justiciable pourra-t-il s'adresser directement au juge, même par une simple lettre ordinaire ;
mais la requête ne peut être employée que de façon exceptionnelle et uniquement dans les cas
que le législateur détermine. La requête devra être portée à la connaissance de l'adversaire par
exploit lorsque la loi l'exige.

b) Les conclusions

Au cours de la procédure, une partie pourra faire connaître les arguments qu'elle développe à
l'appui de son action ou de sa défense par un acte écrit appelé « conclusions » qu'elle rédigera
elle-même ou par l'intermédiaire de son fondé de pouvoir spécial (avocat, mandataire) sans
devoir solliciter l'intervention d'un fonctionnaire judiciaire, greffier ou huissier. Ces actes
seront signifiés entre parties par l'intermédiaire du greffe, mais sans formalités particulières, la
loi n'en prévoyant pas.

5. Les actes des juges

a) Actes de procédure

La loi réserve parfois au juge le soin de dresser un acte de procédure. Exemple, en matière de
divorce, le juge constate la non conciliation des parties, éventuellement le défaut de l'une
d'elles et autorise le requérant à poursuivre la procédure. Il acte cette constatation dans un
procès-verbal (Code de la Famille, art. 562).

b) Actes juridictionnels

La mission primordiale du juge consiste essentiellement à trancher, par une décision


judiciaire, les différents litiges que les personnes physiques ou morales lui soumettent. Dans
ce cas, le juge « dit le droit » et rend un « jugement « (décision d'un tribunal) ou « arrêt »
(décision d'une cour). Ces jugements ou arrêts constituent des « actes juridictionnels ». On a
souvent hésité à ranger l'acte juridictionnel parmi les actes de procédure. En effet, ces actes
ont leurs règles propres et échappent au régime des actes de procédure au sens strict du terme,
en ce qui concerne leur élaboration , les mentions obligatoires qui doivent y figurer et la mise
en oeuvre des sanctions attachées aux irrégularités qu'ils contiennent. En effet, les actes de
procédure irréguliers peuvent être frappés de nullité. Il n'en est pas de même des actes
juridictionnels qui ne peuvent être attaqués que par une voie de recours (opposition, appel) et
dont la nullité ne pourra être constatée qu'à cette occasion.

c) Les décisions gracieuses

A côté de son pouvoir juridictionnel, le juge intervient en matière gracieuse lorsqu'il ne


départage pas un conflit entre deux plaideurs mais prend une mesure à la demande d'une
personne. Dans ce cas, il ordonne, il décide, il autorise mais sans qu'un autre plaideur ne soit
appelé à contredire. En matière de juridiction gracieuse, il n'y a ni litige, ni adversaire. Le juge
peut agir chaque fois que la loi lui donne le pouvoir de vérifier la régularité, la sincérité ou le
contrôle d'un acte. Il serait vain de vouloir dresser un inventaire complet des attributions du
31

juge en matière gracieuse, tant elles sont multiples et variées. Le juge autorise, ordonne ou
refuse la mesure demandée par celui qui a introduit la requête au moyen d'un acte appelé
« ordonnance » dont le caractère diffère de l'acte juridictionnel. En effet, les ordonnances ne
peuvent être attaquées par les voies de recours ordinaires (opposition, appel) ou
extraordinaires (cassation, tierce opposition); mais elles peuvent être attaquées en nullité si
elles sont irrégulières.

d) Les actes d'administration

Certains actes du juge tendent à assurer le bon fonctionnement du service de la justice. On les
appelle des actes de pure administration judiciaire. C'est notamment le cas des décisions
relatives à la distribution des affaires entre les différentes chambres du tribunal, de la
désignation d'un huissier parmi les agents de l'ordre judiciaire, de la fixation du jour où un
litige sera appelé devant le tribunal, de l'inscription de certains auxiliaires de la justice, tels les
experts ou les agréés sur les listes dressées par le tribunal, de la remise d'une cause à une
audience ultérieure, de la décision de biffure d'une affaire du rôle etc. Ces actes ne peuvent
pas normalement être rangés dans les actes de procédure. Ils ont un caractère administratif. Ils
ne peuvent pas être attaqués par les voies de recours.
32

PREMIERE PARTIE:
LA PROCEDURE ANTERIEURE A L'AUDIENCE

CHAPITRE I :
QUE FAIRE POUR RESOUDRE UN LITIGE ?

SECTION 1: LE LITIGE
Le litige est une contestation d'ordre juridique soumise à une juridiction 82. Au sens strict,
une contestation surgit lorsqu'une prétention se heurte à la résistance de celui à l'encontre de
qui elle est formulée; le litige, également dénommé différend, se transforme en procès lorsque
le désaccord juridique est porté devant un juge appelé à le trancher de manière impartiale; il
est à distinguer du conflit qui ne se meut pas sur le seul terrain du droit, comme un conflit
collectif du travail ou un conflit conjugal.

SECTION 2 : MÉCANISMES DE RÉSOLUTION


EXTRAJUDICIAIRE DU LITIGE

§ 1. La conciliation

C’est un mode de règlement des différends grâce auquel les parties en présence
s’entendent directement pour mettre fin à leur litige, au besoin avec l’aide d’un tiers, le
conciliateur, une personne digne de confiance qui pourrait rechercher avec toutes les parties
les termes d’un accord pour mettre fin au litige. En effet, la recherche d’une solution
transactionnelle est une préoccupation légitime. Tout le monde peut y trouver son compte : le
justiciable d’abord qui évitera les frais d’un procès, et la justice ensuite dont on veut espérer
qu’elle sera moins surchargée. La sagesse populaire n’enseigne-t-elle pas qu’un « mauvais
arrangement vaut mieux qu’un bon procès » ?

Le mécanisme de conciliation a surtout existé dans l’Afrique traditionnelle 83. En effet, la


justice y était une occasion de réconciliation plutôt qu’un moment de division. La justice était

82
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1 Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 2, p. 12.
83
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-Neuve, 25
juin 2005, pp. 610-611 ; K. MBAYE et Y. NDIAYE (sous direction), Encyclopédie juridique de l’Afrique, vol. IV,
Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, Paris, éd. Les nouvelles éditions africaines, 1982, pp.
42-44 ; A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Kinshasa, éd. Larcier et
Université Lovanium, 1970, pp. 11-12 ; S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples : une rectification institutionnelle du concept spécificité africaine en matière de droits de l’homme »,
in RTDH, 2004, pp. 762-763 ; BALANDA MIKUIN LELIEL, « Les tribunaux de paix au Zaïre-fonctionnement-
procédure et compétence », in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1984, n° 1-3, p. 44.
33

rendue par les chefs de village, assistés des anciens et, à un niveau supérieur, par les chefs des
cantons entourés des notables84.

Ce juge de l’Afrique traditionnelle apparaissait plutôt comme un conciliateur soucieux


de distribuer équitablement le blâme et la louange. C’est pourquoi le but recherché n’était pas
tellement de punir que de régler le différend en restaurant l’harmonie des rapports sociaux 85.
Ainsi dans les juridictions coutumières congolaises, quelques vieux juges ont encore gardé le
souci de ne jamais renvoyer les parties en ennemis où un vainqueur arrogant provoque la
rancune d'un vaincu humilié; c'est la belle tradition du tribunal africain où les parties rentrent
réconciliées, acquiesçant à la sagesse des juges, satisfaites non simplement d'avoir obtenu
leurs droits mais encore d'être rentrées dans l'ordre juridique et de pouvoir sans honte ni
orgueil se donner l'accolade86. Ce qui est significatif dans les sociétés traditionnelles africaines
est qu’à la fin du litige, de manière générale, les parties une fois leur litige réglé par la
palabre, sont conviées à faire un geste symbolique de réconciliation ; ce peut être le fait de
partager une noix de cola, de boire le vin traditionnel de banane « Kasigisi » ou le vin de
palme « masanga ya mbila » ou « pombe ya ngazi » l’un après l’autre dans une même
calebasse, ou plus simplement de se serrer la main.

Lorsque les conflits opposaient les individus des clans différents, si les litiges ne
prenaient pas encore la dimension d’une guerre clanique, « les sages » s’employaient par la
persuasion à lui trouver, en accord avec l’ensemble de la collectivité, une issue pacifique 87.
Ainsi, dans une tribu du Soudan, lorsque survenait un grave différend interne tel un meurtre, il
était possible de dédommager la famille de la victime en lui offrant du bétail. Le chef de la
tribu approchait les deux familles, accomplissait des rites de purification et de réconciliation,
faisait admettre à la famille victime un certain nombre de bêtes en compensation du dommage
et évitait ainsi les représailles 88. Comme on peut le remarquer, le chef ne tranchait pas le litige
mais il facilitait une réconciliation entre parties.

Bref, dans l’Afrique traditionnelle, il n’y avait pas de juridictions légalement instituées
et organisées comme celles d’aujourd’hui car ce sont les autorités coutumières 89 qui
organisaient le fonctionnement de la justice. Celles-ci ne se référaient pas à une loi préétablie
pour trouver le tribunal compétent selon la matière ou pour trouver les éléments de solution,
mais se basant sur la coutume ancestrale, elles cherchaient avant tout à rapprocher les
positions des parties en litige. Leur rôle était plus de préserver les équilibres sociaux que de

84
A. MOYRAND, « Destruction et reconstruction d’un appareil judiciaire : le cas du Tchad », in J. DU BOIS DE
GAUDUSSON et G. CONAC (sous-direction), La justice en Afrique, Paris, la Documentation française, 1990, p.
46.
85
P.F. GONIDEC, Les droits africains-Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1968, p. 195.
86
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé, Kinshasa,
éd. PUF, 2012, n° 154, p. 141.
87
L.A. DEGUENON et B. HOUNDEKANDJI, La participation des juges populaires à l’administration de la justice
en République populaire du Bénin, mémoire de fin de formation des cadres supérieurs A1 de la magistrature,
Centre de formation administrative et de perfectionnement de Cotonou, Université nationale du Bénin,
1982-1984, p. 7.
88
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 27, p. 40.
89
Le Mwami, le Roi ou Empereur.
34

donner raison l’un contre l’autre. Ces « juges » saisis se comportaient alors en véritables
conciliateurs, remplissant une fonction maïeutique, aidant les parties à trouver une solution du
litige90.

Comme on le voit, la conciliation a joué un rôle positif dans le règlement des litiges en
Afrique traditionnelle et c'est pourquoi, il serait intéressant de l'intégrer en procédure civile
voire même la procédure pénale. Nous pensons que dans certaines matières civiles
(notamment, conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume, divorce,
succession non conflictuelle, libéralités) et pénales comme les "petites infractions"
(notamment, tapage nocturne, adultère, violation de domicile, injures publiques, coups et
blessures volontaires simples, etc.), le législateur pourrait en charger un non magistrat,
particulièrement les notables du lieu ou les anciens juges coutumiers (après avoir suivi une
formation appropriée) du pouvoir d’y procéder. La conciliation présente de nombreux
avantages : elle coûte moins cher qu’un procès, elle ne laisse pas de rancœurs et la décision
est exécutée plus facilement parce qu’elle est acceptée par toutes les parties.

En encourageant la conciliation, l’on se conformerait ainsi à la tradition africaine qui


veut que seule une réconciliation pourra lui donner l’impression que le litige a pris fin parce
qu’il n’y a eu ni gagnant ni perdant étant donné que la justice de l’Afrique traditionnelle était
essentiellement conciliatoire et « non contentieuse »91. De la sorte, l’accord de conciliation
pourrait être facilement accepté par les parties d’autant plus que la conciliation reflète la
cohésion, l’harmonie au sein de la communauté. Une fois cette conciliation convenue, les
parties pourraient signer un procès verbal soit elles-mêmes ou soit en présence d’un
conciliateur neutre, qui devrait être déposé au tribunal afin qu’il soit coulé en jugement. Cela
désengorgerait sans doute les cours et tribunaux. Les jugements ainsi prononcés refléteraient
l’adhésion et l’acceptation de toutes les parties et auraient « l’imperium » de la formule
exécutoire comme les autres arrêts et jugements. En procédant ainsi, la justice jouera son rôle
de restaurateur de la paix sociale.

§ 2. La médiation

A la différence de la conciliation, dans la médiation, le tiers qu'on appelle le médiateur est


là pour aider les parties à appliquer leurs propres valeurs aux faits, mais il doit user d'un
pouvoir d'un large pouvoir de créativité pour arriver à obtenir un accord. Il n'a pas besoin de
savoir qui a raison ou qui a tort, l'essentiel c'est qu'il se concentre sur les remèdes possibles
pour la solution du litige.

La médiation est appliquée devant les tribunaux pour enfants lorsque les faits commis par ces
derniers ne sont pas graves. En effet, lorsque les faits en cause sont bénins et que l'enfant en
conflit avec la loi n'est pas récidiviste, le président du tribunal pour enfants défère d'office la
90
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-Neuve, 25
juin 2005, pp. 611-612.
91
KEBA MBAYE et Youssoupha NDIAYE, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, in
Encyclopédie juridique de l’Afrique, Vol. IV, Paris, éd. Les Nouvelles éditions africaines, 1982, p. 43.
35

cause au comité de médiation dans les quarante-huit heures de sa saisine 92. Le Comité de
médiation statue en toute indépendance et fait rapport au président du tribunal pour enfants
sur les conclusions de la médiation dans les trente jours à dater de la réception du dossier.
Passé ce délai, le comité de médiation est dessaisi d'office. Lorsque la médiation aboutit, elle
met fin à la procédure engagée devant le juge. Le compromis signé par les différentes parties,
est revêtu, sans délai, de la formule exécutoire par le président du tribunal pour enfants. En
cas d'échec, la procédure judiciaire reprend son cours. L'acte de médiation est exonéré de tous
frais93.

En adaptant la procédure de médiation des tribunaux pour enfants aux autres juridictions de
l'ordre judiciaire, on évitera l'arriéré judiciaire, ce qui pourrait favoriser une bonne distribution
de la justice dans le délai normal. En ce sens, la justice jouera son rôle de restaurateur de la
paix sociale.

§ 3. Apport des associations culturelles ou églises

Depuis quelques années, les églises ont tendance de jouer le rôle de conciliateur ou
médiateur pour trouver solution du litige opposant deux membres de la même église ou des
églises différentes. Certaines médiations ou conciliations aboutissent (dans ce cas le litige
trouve une solution à l'amiable) d'autres échouent (dans ce cas, les parties peuvent saisir les
juridictions).

SECTION 3 : SAISINE D'UNE JURIDICTION


Le demandeur peut se décider de saisir le tribunal pour que son litige soit tranché. Dans ce
cas, il introduit une demande introductive d'instance. Celui qui prend cette initiative est appelé
demandeur principal, il exerce l'action principale; la demande principale détermine la
compétence du tribunal et définit le pouvoir juridictionnel du juge. Dès qu'une demande de
droit privé est introduite au greffe, elle est portée au rôle général des causes civiles; le greffier
lui donne un numéro d'ordre et indique l'audience à laquelle la cause pourra être appelée. C'est
la juridiction saisie qui devra examiner si les conditions de l'action en justice sont réunies.

92
Articles 135 à 136 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25
mai 2009, pp. 23-33.
93
Articles 140 à 142 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25
mai 2009, pp. 23-33.
36

CHAPITRE II: L'ACTION EN JUSTICE

SECTION 1: DÉFINITION
C’est le pouvoir légal reconnu aux personnes de s’adresser à la justice pour obtenir le
respect de leurs droits et de leurs intérêts légitimes 94. Dans la conception moderne, l'action en
justice est le pouvoir légal de soumettre une prétention à un juge pour l'obliger à l'entendre et
à dire si cette prétention est bien ou mal fondée en droit. Dans toute société civile organisée, il
existe des voies et moyens permettant à des citoyens de recouvrer leurs droits lorsque ceux-ci
sont violés ou méconnus. C’est ce que l’on appelle « l’action en justice ».

Pour le défendeur, l'action est le droit de contester la recevabilité ou le fond de cette


prétention. L'accès à la justice est libre, mais l'abus du droit d'agir, comme celui du droit de se
défendre (demande ou défense téméraire ou vexatoire) ou celui de pratiquer saisie
conservatoire ou exécution est, comme nous le verrons, sanctionné par l'allocation de
dommages et intérêts. En effet, ce qui est interdit, ce sont les initiatives méchantes ou
essentiellement dilatoires, par exemple le fait de saisir un bien de grande valeur pour se faire
rembourser d'une créance peu importante, lorsque d'autres biens existent ou encore le fait
d'abuser des voies de recours pour différer une exécution qui s'avère inéluctable.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre l'action et la demande : cette dernière est l'exercice, la
mise en œuvre de la première, par la partie qui saisit le juge d'une prétention. L'action est la
faculté de saisir la justice ; la demande est le fait de la saisir effectivement ou, si l’on veut,
c'est l'action effectivement exercée.

La notion d’action en justice traduit la possibilité, commune à toutes les procédures,


de transformer par un procès une situation litigieuse ou plus largement une difficulté
juridique95. Elle est commune à tous les contentieux mais il existe autant de formes d’actions
que de types de litiges. C’est par l’action en justice que s’opère la demande en justice.

SECTION 2 : CONDITIONS POUR QU'UNE ACTION


EN JUSTICE SOIT DÉCLARÉE RECEVABLE
La doctrine classique posait quatre conditions d’existence de l’action en justice à
savoir : l’existence du droit, l’intérêt à agir, la qualité pour agir et la capacité. La condition de
l’existence du droit qui s’expliquait par la conception classique de l’action n’est plus requise :
l’existence du droit substantiel relève de l’examen du bien fondé de la demande et non de
94
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15ème éd. Montchrestien, 2012, n° 541, p. 419; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 351, pp. 235-236 ; A. HERAUD et A. MAURIN,
Institutions judiciaires, Paris, 5ème éd. Sirey, 2005, p. 144 ; G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile,
Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2005, p. 15 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 69, p.43 ;
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 149, p.153 ; J. HERON et Th. LE BARTS, Droit judiciaire
privé, Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 56, p.57.
95
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 284, p.283.
37

l’existence de l’action96. De même, l’on relève volontiers qu’actuellement la capacité n’est pas
une condition de l’action, mais bien plutôt une condition de régularité de l’exercice de celle-
ci, donc une condition de régularité de l’instance. Dès lors, les deux conditions de l’action en
justice sont : l’intérêt à agir et la qualité pour agir97.

En effet, si toute personne a droit d’accès général au juge, toutes les demandes ne peuvent,
pourtant, être présentées au juge. Seules celles qui comportent une véritable présentation
juridique peuvent être tranchées par un juge. Il s’agit aussi de limiter l’encombrement des
tribunaux en filtrant les affaires qui répondent aux normes juridiques. Bref, si le demandeur
n’a pas qualité pour agir en justice, l’action sera déclarée irrecevable. De même, la sanction
sera la même (irrecevabilité) s’il n’a pas un intérêt à agir dans la cause 98. C’est ce que traduit
l’adage, « pas d’action sans intérêt » ou il n’y a pas d’action sans intérêt ». Examinons
chacune de ces conditions.

§ 1. L’intérêt à agir

C’est le but recherché, poursuivi par le justiciable. C’est donc l’avantage ou l’utilité de
la prétention à la supposer fondée99. « L’intérêt est la mesure des actions. Pas d’intérêt, pas
d’action » ou encore « pas d’action sans intérêt ». L'intérêt désigne donc le profit, l'utilité ou
l'avantage que l'action est susceptible de procurer au plaideur. La personne a intérêt à agir si
la demande formée est susceptible de modifier, en l'améliorant, sa condition juridique. Plus
précisément, a intérêt à agir la personne qui souffre d'un "mal" auquel l'exercice de l'action
peut apporter un "remède". Cet adage se justifie par la nécessité d’éviter les contestations
inutiles, par le souci de ne pas encombrer les juridictions, et éviter que le tribunal ne devienne
le siège des questions théoriques ou pour délibérer sur des questions purement académiques.
La personne doit justifier que la saisine de la juridiction est faite en vue d’obtenir un
avantage100. Si l’exercice de l’action n’est pas susceptible de procurer un avantage à celui qui
l’exerce, il est normal que la demande soit déclarée irrecevable et rejetée sans qu’il soit
nécessaire d’en apprécier le bien fondé101.

96
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 350, p. 235; O. STAES, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 71, p. 45.
97
S. GUINCHARD, F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2009, p. 40 ; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2009, n° 351, p. 235 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd.
Ellipses, 2006, n° 71, p.45 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, éd. Sirey, 2006, n° 151, p. 155 ; J. HERON et Th.
LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Montchrestien, 2006, n° 58, p.58.
98
Sur ces questions, lire notamment G. CLOSSET-MARCHAL, « Les droits de la défense et les voies de
recours », in Les perversions du droit de la défense, Bruxelles, Kluwer-Bruylant, 2000, pp. 46 et s.
99
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 309, p. 300; O. STAES, Droit
judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°73, p.46.
100
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2009-2010, n° 101.10,
p. 4; M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, Paris, éd. Gualino, 2005, n° 122, p. 104.
101
E.JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 309, p. 300; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2009, n° 352, p. 236.
38

I. Caractères de l'intérêt

L’intérêt a trois caractères (conditions) :


• L’intérêt doit être moral ou pécuniaire (moral, lorsqu’il est fondé sur un dommage
subi dans son honneur et pécuniaire lorsqu’il est susceptible d’être évalué en
argent) ;

• L’intérêt doit être légitime (celui qui agit doit avoir un intérêt personnel et direct.
Cette exigence signifie qu'une personne ne peut agir en justice que dans la mesure
où la violation du droit l'atteint dans ses intérêts propres et où la violation du droit
l'atteint dans ses intérêts propres et où le résultat de l'action lui profitera
personnellement) :

Exemple : l’action en divorce appartient aux époux.

• L’intérêt doit être né et actuel (au moment même où la demande est formée et non
dans le futur car le rôle du juge est de trancher les litiges déjà nés. Un intérêt
éventuel ne suffit pas pour ouvrir droit à une action. L'appréciation de l'intérêt se fait
au moment de la demande).

II. L'intérêt des personnes morales

Les personnes morales sont celles qui sont revêtues de la personnalité juridique (A.S.B.L.,
S.A.R.L, S.P.R.L., S.C.S.).

Les personnes morales de droit public et de droit privé sont mises sur le même pied que les
personnes physiques, et peuvent agir en justice, quand elles y ont un intérêt personnel et
direct.

En effet, une association dûment constituée peut obtenir la réparation du préjudice causé à
l'ensemble de ses membres ou à son but associatif.

III. L'intérêt des associations de fait

Les associations de fait sont des groupements d'individus unis par un ou plusieurs buts
communs mais qui n'empruntent pas l'une des formes prévues par la loi pour jouir de la
personnalité juridique.

Par exemple, un « comité » de quartier peut vouloir bénéficier de la personnalité juridique


(notamment, pour pouvoir ester en justice) et se constituera alors en A.S.B.L.

Lorsqu'une association de fait, dépourvue de la personnalité juridique, veut intenter une action
en justice, l'action doit être intentée à la requête de tous ses membres, mais ceux-ci ont le
loisir de se faire représenter par un mandataire. La règle « nul ne plaide par procureur » (qui
veut que, à peine de nullité, il faut indiquer dans l'acte introductif d'instance les « nom,
prénom et domicile du demandeur ») signifie simplement que les parties sont obligées
d'indiquer dans les actes de procédure qui les concerne leur identité à côté de celle du
39

mandataire et, le cas échéant, d'établir le mandat. Ce qui signifie que le mandataire « ad
litem » doit fournir le nom de son mandant et le cas échéant de tous ses mandants.

§ 2. La qualité pour agir

I. Notions

C’est le pouvoir en vertu duquel une personne exerce l’action en justice. C’est le titre
juridique en vertu duquel une personne demanderesse ou défenderesse peut figurer
valablement dans un procès en vertu duquel elle est investie du pouvoir de faire juger le litige
par le juge. En d’autres termes, c’est le titre juridique conférant le droit d’agir, c’est-à-dire le
droit de solliciter du juge qu’il examine le bien fondé d’une prétention 102. La qualité à agir
désigne le titulaire de l’action. La personne qui agit et qui a un intérêt personnel, né et actuel a
qualité pour agir103. La notion de qualité à agir sert donc à restreindre ou à élargir le champ
des personnes pouvant agir en justice. Cette qualité est reconnue au titulaire du droit litigieux,
à ses héritiers légaux ou testamentaires et à son conseil (avocat ou défenseur judiciaire).

II. La qualité, titre en vertu duquel une personne dispose du droit d'agir en justice

Il faut dire que, dans la pratique judiciaire, la qualité et l’intérêt personnel se confondent
parfois. La qualité, c’est le titre juridique qui confère à une personne le pouvoir de soumettre
son litige à une juridiction. Elle se confond fréquemment avec l'intérêt personnel et direct à
agir lorsque l'action tend à la reconnaissance d'un droit subjectif et qu'elle est exercée par le
titulaire de ce droit qui, de ce fait, a qualité pour agir.

Cependant, la qualité revêt une dimension particulière dans les actions dites attitrées, c'est-à-
dire celles pour lesquelles l'intérêt à agir ne suffit pas, seules certaines personnes étant
habilitées à agir. C'est ainsi par exemple que seuls les époux peuvent agir en divorce, que seul
le mari de la mère, la mère de l'enfant disposent de l'action en désaveu de paternité. C'est la
raison pour laquelle on considère que la qualité, c’est le titre juridique en vertu duquel une
personne agit en justice.

III. La qualité, pouvoir en vertu duquel une personne forme une demande en justice

Comme cela vient d’être souligné, le droit d'agir en justice est distinct du droit substantiel en
litige, et il est possible qu’il n’y ait pas de coïncidence entre les titulaires de l'un et de l'autre.
Tel est notamment le cas lorsque l'action est exercée par un représentant, que celui-ci soit
imposé par la loi (le tuteur d'un mineur) ou désigné par la justice (le curateur d'une faillite) ou
encore qu'il s'agisse d'un mandataire librement désigné par le titulaire du droit104

102
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 363, p. 243 ; S. GUINCHARD
(sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2009-2010, n° 102.10, p.13 ; O.
STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°82, p.50.
103
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 316, p.305.
104
Lorsque l'action est exercée par un mandataire, ce dernier ne peut se présenter comme agissant en
son nom personnel, mais est au contraire tenu de révéler l'identité de son mandant. Il s’agit de
l’application de l’adage « Nul ne plaide par procureur » qui exige, à peine de nullité, que l’exploit
40

CHAPITRE III: LA DEMANDE EN JUSTICE

SECTION 1: DÉFINITION DE LA DEMANDE EN JUSTICE


La demande en justice est l'action effectivement exercée, soumise à la justice par l'un des
modes d'introduction de l'instance ou par voie des conclusions. La demande en justice est dès
lors l’acte de procédure par lequel on saisit effectivement le juge et à travers lequel des
prétentions juridiques lui sont soumises. Alors que l’action en justice est la faculté de saisir la
justice, la demande est le fait de la saisir de manière effective.

Comme pour l’action en justice, analysons chacun des éléments constitutifs de la demande en
justice.

SECTION 2 : LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS


DE LA DEMANDE EN JUSTICE
La demande en justice requiert qu’il y ait d’une part un ou des sujet(s) actifs et, d’autre part,
un ou des sujet(s) passif(s) : les parties au procès, par opposition aux tierces personnes mais
qui peuvent, le cas échéant, devenir aussi parties au procès, en cas d'intervention volontaire ou
forcée.

Par ailleurs, la demande requiert non seulement qu’il y ait un objet et une cause, mais elle
doit, en outre, être introduite devant le juge compétent pour connaître de l’affaire. Examinons
chacun de ces éléments.

§ 1. L'objet de la demande

L'objet de la demande est la prétention de celui qui l'introduit en justice, c’est ce qu'il réclame,
ce qu'il souhaite voir décider par le juge. Ce sera, par exemple, le paiement d'une somme
d'argent, la résolution d'un contrat, le divorce, le paiement des dommages et intérêts, le
paiement d’une pension alimentaire, etc. Il s'agit de l'avantage moral, social ou économique
que le demandeur recherche.

Le juge doit qualifier juridiquement cet objet si les parties ne l'ont pas fait ou si elles ont
proposé une qualification qui est inexacte en recherchant la volonté réelle de la partie
demanderesse. Ce que recherche cette partie, c'est en effet un résultat concret et non une
qualification juridique. Toutefois, à moins il y soit expressément autorisé par un texte légal, il
est interdit au juge de statuer infra ou ultra petita. Il ne peut modifier l'objet de la demande
soit en l'amplifiant, soit en substituant une prétention à une autre, soit encore en réduisant
l'objet de la demande qui n'est pas contesté par le défendeur. Ainsi violerait-il le principe

introductif d’instance indique les noms, prénom et domicile du demandeur. Si le titulaire du droit est
une personne morale, la décision d'agir en justice relèvera de son organe compétent qui incarne
véritablement la personne m orale.
41

dispositif en octroyant un avantage non sollicité par l'une des parties (et ce quand bien même
la matière serait d'ordre public). Par ailleurs, l'objet doit être possible A défaut d'objet, ou si
celui-ci cesse d'exister, la demande est irrecevable faute d'intérêt.

Enfin, l'objet de la demande ne doit pas être contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs.
L’objet de la demande peut tendre à des mesures provisoires soit à faire prendre, sans lier le
juge du fond, les mesures nécessaires pour diminuer les inconvénients qui résulteraient de la
longueur de la procédure. La compétence en matière provisoire est attribuée soit aux
présidents des juridictions en urgence et sur requête ou au juge du fond lui-même.

La demande peut également comporter un objet subsidiaire, soit celui qui n'est postulé qu'à
titre de position de repli, pour le cas où l’objet de la demande présenté à titre principal serait
rejeté. Ainsi, le demandeur peut solliciter à titre principal la résolution d'un contrat et à titre
subsidiaire des dommages intérêts pour mauvaise exécution de celui-ci.

§ 2. La cause de la demande

La cause de la demande, c’est l'ensemble des faits que le demandeur allègue devant le juge
afin que ce dernier, appliquant la règle juridique prévue par le Code de la Procédure civile en
la matière, puisse prononcer la condamnation sollicitée et déclarer la demande recevable et
fondée. Ainsi entendue, la cause de la demande ce sont les faits générateurs de droit invoqués
par le demandeur à l'appui de sa prétention.

En principe, en vertu du principe que « jus novit curia » (le juge connaît le droit applicable),
la partie qui s'adresse au juge n'est tenue ni de qualifier en droit les faits qu'elle allègue ni
d'indiquer les normes juridiques que le juge doit appliquer pour dire la demande recevable et
fondée, mais cette règle n’empêche pas le demandeur d’indiquer lui-même, dans l’acte
introductif d’instance, la règle juridique qui sert de fondement à ses prétentions.

§ 3. Les parties ou sujets de la demande

La demande en justice comporte normalement un ou plusieurs sujet(s) actif(s) qu’on appelle


le(s) demandeur(s) et un ou plusieurs sujet(s) passif(s) qu’on désigne sous le nom de
défendeur(s), lesquels constituent les parties à l'instance.

L'on peut ainsi opposer les parties aux tiers à la procédure, qui ne sont pas parties à la cause.
La notion de tiers à la procédure est importante à plusieurs égards, notamment pour
déterminer l'étendue de l'autorité de la chose jugée, quelles personnes peuvent être appelées
ou agir en intervention ou encore qui sont les titulaires de la tierce opposition.

En règle générale, on considère que sont seules parties à la cause, la partie demanderesse, la
partie défenderesse ainsi que les parties intervenantes, volontaires ou forcées. Le tiers est
celui qui n’a pas été présent au procès ou qui n’y a pas été représenté, par mandataire ou
autrement. Le tiers doit être demeuré complètement étranger à la cause, c’est-à-dire qu’il ne
peut avoir été partie au litige à quelque titre que ce soit fût-ce comme intervenant volontaire
ou forcé.
42

Lorsque la demande est introduite, dans les cas expressément autorisés par la loi, par requête
unilatérale, la procédure ne comprend toutefois qu'une seule partie, le demandeur. Même si la
demande est dirigée contre une personne déterminée, celle-ci, qui n'est pas appelée à
comparaître, demeure un tiers à la procédure et elle fera normalement diligence pour mettre à
néant la décision qui l’a condamnée.

SECTION 3: DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE DEMANDES EN JUSTICE

§ 1. La demande introductive d'instance

En droit congolais, la demande introductive d'instance peut prendre trois formes différentes :
l'assignation (I), la comparution volontaire (II) et la requête (III).

I. Assignation

L'assignation est un exploit de l'huissier ou du greffier par lequel ce fonctionnaire porte à la


connaissance d'une personne, l'action en justice formée contre elle par une autre personne et la
somme de se présenter devant le juge après l'écoulement d'un délai déterminé. L'assignation
est donc un acte de procédure qui introduit l'instance judiciaire et forme ainsi le contrat
judiciaire. Elle constitue l'exploit introductif d'instance. Celui qui engage l'action en justice,
par le moyen de la demande, s'appelle « le requérant » ou « demandeur » Il requiert ou
demande quelque chose au tribunal. Celui contre lequel l'action est engagée s'appelle « le
cité » ou « le défendeur » parce qu'il est appelé à comparaître devant le tribunal et qu'il va
user, s'il échet, de nombreux moyens de défense que la loi met à sa disposition pour faire
rejeter l'action. Dans la pratique, on emploie régulièrement les mots « demandeur » et
« défendeur ». Toutefois, dans la rédaction de l'acte introductif, les praticiens du droit font
plutôt usage, sans qu'il existe quelque obligation que ce soit, des expressions user des mots
« requérant » ou »cité ».

1. Les mentions de l'assignation

Les mentions que doit contenir l'assignation pour être valable sont énumérées par l'article 2 du
Code de procédure civile.

a) Les mentions relatives au requérant

Lorsque le requérant est une personne physique agissant personnellement, l'exploit doit
mentionner ses noms, profession et domicile. Cette indication est très importante parce que le
cité doit savoir qui lui intente un procès 3. Dès lors, une inexactitude ou une omission dans la
désignation du requérant ne vicie pas l'assignation pour autant qu'aucune confusion n'en
résulte et que le cité ne soit pas entravé dans sa défense'. Le requérant peut être une personne
physique agissant par l'intermédiaire d'un représentant légal ou conventionnel. En effet, il
existe certaines personnes que la loi répute incapables d'ester en justice. Citons, parmi celles-
ci : le mineur qui ne peut être assigné que par l'intermédiaire de ses père et mère ou tuteur 5 ;
43

l'interdit qui doit introduire une demande via son tuteur (Code de la famille, art. 303) ; les
prodigues, les faibles d'esprit, les handicapés et infirmes, qui ne peuvent agir que par
l'intermédiaire de leur curateur (Code de la famille, art. 310) ; les faillis, par l'intermédiaire de
leur curateur ; dans certains cas, les femmes mariées, qui ne peuvent introduire de demande
sans l'autorisation de leur mari.

En outre, l'assignation peut être introduite par un mandataire conventionnel. L'article 2 alinéa
2 du Code de procédure civile réglemente cette situation : « Lorsque le demandeur n'agit pas
en nom personnel, l'assignation doit mentionner en outre sa qualité ». C'est dire que lorsque le
demandeur n'agit pas en nom personnel, il faut non seulement mentionner les noms,
profession et domicile de la personne qui le représente mais encore les noms, profession et
domicile du demandeur lui-même. La doctrine et la jurisprudence ont déjà consacré le
principe que le nom du titulaire du droit doit figurer dans tous les actes de la procédure à côté
de celui du mandataire. Ce dernier ne peut pas introduire l'action en son nom personnel sans
mentionner le nom de la personne pour laquelle il agit. C'est ce qu'exprime la maxime : « Nul
ne plaide par procureur ».

Par la maxime « nul ne plaide par procureur », le mot « plaider » ne veut pas dire plaider
devant un juge mais signifie « assigner une personne en justice », cette interdiction existant
cependant pour tous les actes de procédure qui peuvent intervenir au cours du procès. On s'est
parfois demandé s'il fallait appliquer la maxime étant donné que celle-ci n'est pas inscrite dans
un texte légal et on en a déduit qu'elle serait dépourvue de toute force obligatoire. En réalité,
l'adage « nul ne plaide par procureur » doit être observé car la jurisprudence en a consacré le
principe et, depuis l'article 2, alinéa 2 du décret du 7 mars 1960, cette règle prétorienne est
devenue légalement obligatoire. Elle est d'ailleurs justifiée car il serait injuste que la personne
qui est assignée en justice ignore le véritable titulaire du droit qui intente réellement le procès
sous le couvert du mandataire. En vertu de cette maxime, un plaideur ne peut se faire le maître
d'un procès dans lequel il n'a pas d'intérêt et masquer sous son nom des personnalités dont la
capacité juridique échapperait à tout contrôle. On peut donc se rendre compte de l'importance
de la règle et de son utilité.

Pour les personnes morales de droit privé, par exemple, les sociétés, groupements,
associations quelconques, une difficulté peut naître car, pour assigner sous sa dénomination
propre, le groupement doit posséder la personnalité civile ou personnalité juridique. Dans ce
cas, il pourra donc agir en justice en indiquant simplement sa dénomination sociale, ainsi que
son domicile ou résidence, c'est-à-dire son siège social ou son siège d'opération. Au contraire,
si le groupement n'a pas la personnalité juridique, la demande en justice doit être introduite
par tous les associés et leurs noms, profession et domicile doivent être mentionnés dans
l'exploit. En effet, lorsque une association est dépourvue de personnalité civile, ses biens sont
soumis à l'indivision, chaque associé dispose d'une partie de l'avoir sans que les tiers puissent
pour autant en déterminer l'importance. Dans les groupements qui possèdent la personnalité
juridique, les noms des associés peuvent être facilement connus du cité puisque les statuts ont
été publiés. Il n'en est pas de même des groupements sans personnalité où les associés sont
inconnus ce qui entraîne pour le cité l'impossibilité de savoir qui lui intente un procès.
44

Toutefois, une société ou association quelconque possédant la personnalité juridique ne peut


assigner que par le canal du ou des représentants prévus dans ses statuts. L'assignation doit
alors mentionner le nom de la société ainsi que les nom, profession et domicile de ceux qui la
représentent de façon à permettre à la personne citée de vérifier s'ils ont bien qualité pour la
représenter. Les statuts des sociétés commerciales prévoient généralement que la société
pourra agir en justice par l'intermédiaire de son conseil d'administration ou de gérance, qui est
en droit lui-même de déléguer ce pouvoir à l'administrateur délégué ou à un des gérants. Il
suffit que le cité soit dûment averti de la personne morale qui l'assigne et ne puisse douter de
sa qualité ou de celle des personnes qui la représentent.

Il a parfois été décidé par les tribunaux que l'assignation reste valable bien que les noms,
domicile et profession exacts du ou des représentants de la société n'ont pas été mentionnés,
mais à la condition que le cité n'ait pu se tromper sur la personne du représentant et qu'il n'en
est résulté ni confusion, ni entrave pour sa défense.

S'agissant de personnes morales de droit public, on relèvera, pour l'Etat, que les dispositions
constitutionnelles ne prévoient pas quelles sont les personnes physiques qui peuvent assigner
en son nom. Cette lacune est comblée par des dispositions réglementaires qui énoncent que
l'Etat assigne par l'intermédiaire du Ministre ayant dans ses attributions la justice. Les entités
décentralisées et les administrations publiques dotées de la personnalité juridique assigneront
par l'intermédiaire de la personne désignée dans la loi ou les statuts qui les ont créées et qui
ont ainsi pouvoir de représenter l'entité administrative.

b) Les mentions relatives au défendeur ou au cité

Au cas où le défendeur est une personne physique, l'assignation contient ses noms et demeure
(art. 2 CPC). Les détails sont moins complets que ceux qui sont requis par la loi pour
déterminer le requérant car il va de soi que ce dernier aura parfois de la peine à se procurer
des renseignements quant au domicile légal de son adversaire, par exemple. Toutefois, il faut
que le juge saisi du procès puisse identifier la partie qui est citée à comparaître. L'erreur dans
la qualification du défendeur ne viciera pas l'assignation si ce dernier n'a soulevé aucune
objection ou si elle ne lui a pas porté préjudice. Dès lors, il faut que le défendeur puisse être
suffisamment déterminé pour ne pas être confondu avec une autre personne. La jurisprudence
s'est parfois montrée difficile à cet égard, en exigeant que le prénom du cité figure dans
l'exploit introductif alors que la loi ne l'exige même pas pour le requérant. Cette décision est
critiquable car elle va au-delà des exigences légales même si l'absence de prénom du cité a
compromis ses droits de la défense.

Dans le cas où le défendeur est une personne morale publique ou privée, il ne faudra pas
nécessairement détailler la composition du Conseil d'administration. Pour l'Etat, il suffira de
l'assigner en la personne du Ministre responsable qui a dans ses attributions la matière du
litige. Pour les sociétés, il faut que le requérant indique dans l’assignation le représentant légal
habilité par les statuts à agir en justice au nom de la personne morale, il mentionnera aussi
l'adresse de la société, son siège social, succursale ou siège d'exploitation. Il en est de même
pour les établissements publics.
45

Toutefois, il est impossible d'assigner un groupement qui n'a pas la personnalité juridique car
on ne peut mettre en cause une personne qui n'existe pas légalement. Dans ce cas il faudra
directement citer devant le tribunal la ou les personnes auxquelles on reproche la
méconnaissance ou la violation d'un droit. Il a été jugé qu'une « succession » ne peut être
assignée comme telle, n'étant pas une personne morale capable d'assigner en justice.

Les incapables devront toujours être assignés via la personne de leurs représentants légaux
mais la qualité du défendeur lui-même devra être indiquée (art. 2, al. 2, CPC). Il en est de
même si l'assignation est dirigée contre le mandataire conventionnel.

c) Objet et moyens de la demande

Le requérant doit énoncer sommairement dans son assignation l'objet et les moyens de la
demande. On distingue dans l'assignation deux parties : les motifs qui constituent l'exposé des
faits de la cause, la façon dont les événements se sont produits et qui ont amené le requérant à
introduire une action judiciaire ; le dispositif qui est le libellé de la demande proprement dite,
la partie de l'exploit dans laquelle son objet est exposé.

On les appelle les moyens, les motifs de la demande, c'est-à-dire les différents arguments de
fait et de droit qui justifient l'introduction de la demande. Les moyens ne doivent pas être
confondus avec la cause de la demande qui est constituée par la base légale ou
conventionnelle sur laquelle le requérant s'appuie pour étayer la méconnaissance ou la
violation d'un droit existant dans son chef.

L'objet et les moyens de la demande doivent être énoncés sommairement, ce qui veut dire que
l'énonciation doit être assez claire pour mettre le défendeur à même de préparer sa défense dès
qu'il est assigné; il faut et il suffit qu'il sache ce qu'on lui demande. Toutefois, le libellé de
l'assignation pourra être précisé ultérieurement en cours d'instance.

Néanmoins, l'énoncé doit être précis car l'assignation présente une importance capitale. Nous
verrons ultérieurement que les demandes incidentes, c'est-à-dire celles qui n'ont pas été
comprises dans l'assignation et qui sont introduites en cours d'instance par le demandeur ne
sont admises que sous certaines conditions bien déterminées. Mais les exigences de la loi sont
tempérées par le caractère non formaliste du droit congolais. En cette matière tout
particulièrement, le tribunal doit tenir compte du fait que le plaideur est souvent peu lettré et
qu'il ne dispose pas toujours de spécialistes pour l'éclairer. En droit congolais, si la demande
formulée dans le dispositif est peu précise, on estime que l'assignation est néanmoins valable
si les motifs et l'objet sont suffis ' ment clairs. Cependant, il arrive que la jurisprudence rejette
comme telles les des assignations pour insuffisance des moyens développés par le requérant.
Il en irait de même en cas d'absence totale d'indication des moyens car le cité serait dans
l'impossibilité de connaître sur quoi se fonde la demande.

d) Indication du tribunal où la demande est portée


46

L'assignation doit indiquer le Tribunal du lieu où la demande est portée. En effet, le


demandeur ne peut se borner à dire qu'il assigne devant le tribunal compétent, mais doit
indiquer de quel Tribunal il s'agit et à quel endroit il se trouve.

Cependant, un formalisme exagéré n'est pas indiqué et des erreurs peuvent être admises à
condition qu'aucune équivoque ne puisse se produire dans l'esprit du cité. Ainsi, si
l'assignation mentionne Pangoma au lieu de Gbadolite comme siège du tribunal de grande
instance, l'irrégularité peut constituer une simple erreur matérielle si la partie défenderesse a
comparu à l'audience pour laquelle elle a été assignée.

e) Lieu, jour et heure de la comparution

Ces mentions sont exigées par l'article 2 du Code de procédure civile. Il faut en effet que le
défendeur sache où il doit comparaître et quand. Mais une erreur matérielle dans la date de
comparution n'invalide pas l'assignation si le cité n'a pu se tromper sur la date réelle pour
laquelle il était assigné. La citation porte « mardi 15 mai » au lieu de « mardi 17 mai » alors
que les audiences régulières du tribunal avaient lieu le mardi et que le 15 était un dimanche.
De même, l'omission de la mention de l'heure d'audience n'est pas une cause de nullité de
l'assignation lorsque l'assigné comparaissant en temps utile pour y répondre ne peut invoquer
que cette lacune lui a fait grief.

f) Date de l'exploit d'assignation

Contrairement aux dispositions légales antérieures, l'article 2 du Code de procédure civile ne


fait pas figurer la date de l'exploit parmi les mentions que doit contenir l'assignation.
Cependant, l'article 5 du même code relève : « l'original et la copie de l'exploit sont datés ».
Cela prouve que le législateur a considéré qu'une assignation n'est pas valable si elle ne
mentionne pas la date. Jugé que viole l'article 5 alinéa 2 du Code de procédure civile, une
Cour d'appel qui rejette l'exception de nullité de l'exploit introductif d'instance soulevée dans
les conclusions d'appel et basée sur le fait que ni l'original ni la copie dudit exploit ne sont
datés.

La date est extrêmement importante car elle indique à quel moment le requérant a formé sa
demande. Les effets de la demande rétroagissent au moment où le requérant l'a formée. Aussi,
les intérêts des sommes auxquelles le défendeur est condamné sont calculés depuis le jour où
l'action a été introduite ce qui constitue une différence essentielle puisque certains jugements
n'interviennent que plusieurs mois après l'introduction de l'instance. Lorsque la date fait
défaut, l'exploit n'est pas nécessairement nul s'il y a possibilité de la retrouver au moyen des
autres mentions de l'assignation. C'est la théorie des équipollents. La date est posée par le
greffier ou l'huissier au jour de la signification.

II. Comparution volontaire des parties

L'article 12 du Code de procédure civile édicte que les parties peuvent toujours se présenter
volontairement devant le juge. Dans ce cas, elles sont d'accord de soumettre leur différend au
47

tribunal. Elles s'entendent sur ce point bien déterminé. Si elles ne sont pas d’accord sur ce
point, l'action en justice ne peut être portée devant les tribunaux que par nouvel un acte de
procédure comme l'assignation.

L'attention doit être attirée sur le mot « volontairement » car, l'assignation somme la partie
défenderesse de comparaître devant le tribunal. Si, répondant à l'assignation, le défendeur est
présent devant le tribunal au jour fixé pour l’exploit, on ne peut pas dire qu'il y ait
comparution volontaire. Pour que celle-ci existe, il faut que le défendeur soit d'accord de se
présenter devant le juge sans y avoir été contraint par un acte de procédure quelconque.

Le juge peut statuer en dernier ressort, c'est-à-dire les parties renonçant à l'appel au moment
où elles soumettent leur litige au tribunal. Cette hypothèse se produit rarement dans la
pratique procédurale. Toutefois, le juge doit avoir une base pour trancher le conflit. Il faut
qu'il sache exactement ce que veut le demandeur et les arguments que le défendeur désire
faire valoir en réponse. Il est donc normal que le législateur précise : "la déclaration des
parties qui demandent jugement est actée par le greffier. Elle est signée par les parties ou
mention est faite qu'elles ne peuvent signer (art. 12 al. 2 du CPC).

Dans la pratique, on emploie souvent la comparution volontaire après que l'assignation ait été
signifiée et lorsqu'il est constaté que l'exploit introductif est entaché d'un vice qui peut le faire
déclarer non valable par le juge. La partie défenderesse accepte parfois à l'audience
d'introduction de la cause, de comparaître volontairement. On s'est souvent demandé si la
comparution volontaire du défendeur couvrait les irrégularités de l'assignation. En d'autres
termes, lorsqu'il accepte de comparaître volontairement, le défendeur entend-t-il oui ou non
couvrir les irrégularités de l'exploit introductif ? On a estimé qu'il y aurait lieu de rechercher
dans chaque cas si elles ont entendu ou non maintenir celle-ci bien que l'on puisse prétendre
que la comparution volontaire remplace l'assignation.

Dans la pratique, on estime que, à moins que le vice soit tel que l'acte de procédure doit être
considéré comme inexistant, le tribunal aura toujours tendance à admettre que le vice a été
couvert par la comparution du défendeur en vertu du principe que les omissions ou erreurs de
procédure ne doivent être admises que si elles violent ou portent atteinte aux droits de la
défense.

Ajoutons qu'il n'est pas indispensable que les parties comparaissent en personne. Elles
peuvent évidemment comparaître par l'intermédiaire de leur avocat ou d'un mandataire agréé.
Dans ce cas, les avocats ou mandataires signeront les déclarations faites au nom de la partie,
déclarations qui auront été actées par le greffier. La cour suprême de justice considère, avec
raison, qu'à défaut pour les parties d'avoir fait une déclaration signée par elles et actée par le
greffier de comparaître volontairement, la comparution volontaire n'est pas légalement établie,
sur base de l'article 12 du code de procédure civile.
48

III. Requête

La requête est l'acte par lequel un justiciable réclame directement d'une autorité judiciaire une
décision de sa compétence. Dans certains cas, la loi prévoit que le tribunal pourra être saisi de
l'action en justice au moyen d'une requête et non d'une assignation. Il arrive aussi que le
législateur laisse à la partie qui désire introduire une instance en justice, le choix de présenter
sa demande, soit sous forme d'une requête, soit sous forme d'une assignation.

Relevons notamment :

1° la demande en déclaration d'absence (article 184 et s. CF) ;


2° l'interdiction (article 300 et s. CF) ;
3° la mise sous curatelle (art. 310-315 CF) ;
4° l’action en déclaration de faillite (article 4 du décret du 27 juillet 1934 sur les faillites).

Dans tous ces cas, la requête doit être adressée au tribunal et après procédure contentieuse, le
défendeur étant appelé et entendu dans ses moyens de défense, la juridiction sanctionne
l'action en justice par un jugement.
Cependant, il arrive que le législateur prévoie que la requête doit être introduite entre les
mains du Président du Tribunal de paix ou de grande instance, voire de la cour d'appel. Dans
cette hypothèse, la requête n'est plus une forme de la demande en justice ; elle ne saisit plus le
tribunal et a uniquement pour but d'obtenir du président une faveur, une autorisation
d'accomplir une procédure déterminée. Dans ce cas, le président prend la décision sans que le
défendeur soit appelé à contredire (juridiction gracieuse) et rendra non plus un jugement, mais
une ordonnance. Par après, et une fois la mesure ordonnée par le président, le requérant va
devoir lancer assignation pour faire trancher la contestation.

§ 2. Les demandes incidentes

I. La demande additionnelle

1. Définition

Les demandes additionnelles sont celles qui constituent le prolongement immédiat de la


demande introductive d'instance, qui la complètent par une réclamation accessoire ou qui
l'étendent pour tenir compte des faits survenus depuis l’assignation tout en constituant une
conséquence de ceux qui y ont été invoqués. Il s’agit des demandes virtuellement comprises
dans la demande originaire.

La demande additionnelle porte donc sur des réclamations qui sont implicitement comprises
dans les termes de l'acte introductif d'instance et ce, même si le fait sur lequel elle est fondée
se produit au cours de l'instance elle-même. On peut par exemple citer l'échéance de
nouveaux termes de loyers qui n'étaient pas encore dus au moment de l'introduction de
l'instance.
49

2. Conditions de recevabilité

Les demandes additionnelles peuvent être introduites en tout état de cause jusqu’à la clôture
des débats, même par défaut et en degré d'appel. Même défaillant, le défendeur doit savoir
que le montant de la demande additionnelle s'ajoutera à celui de la demande initiale et c'est
pourquoi elle est recevable en tout état de cause.
La demande additionnelle est introduite par voie de conclusions.

II. La demande nouvelle

1. Définition

La demande nouvelle est celle par laquelle le demandeur étend ou modifie sa demande
originaire ou encore la qualifie autrement.

On peut, en cours d'instance, modifier la demande telle qu'elle avait été originairement
formulée. Cela permet l'introduction de demandes distinctes de la demande initiale, à laquelle
elles s'ajoutent ou se substituent. Cependant, la demande nouvelle ne peut être utilisée que
pour modifier l'objet ou la qualification de la demande initiale et non pour formaliser une
demande contre une partie à la cause en une autre qualité. Il ne faut pas confondre la demande
nouvelle et les moyens nouveaux et cette distinction est parfois très délicate à faire.

Dans la pratique, la question de savoir s'il y a moyen nouveau ou demande nouvelle est
parfois malaisée à résoudre. C'est une question que le tribunal appréciera 56. En fait, aucune
disposition légale n'interdit de présenter une demande nouvelle en cours d'instance. Toutefois,
l'article 77 du Code de procédure civile dispose : « il ne peut être formé en degré d'appel,
aucune nouvelle demande ». La jurisprudence a admis que cette disposition légale s'applique
également en première instance et que le demandeur ne pouvait modifier l'objet et la cause de
sa demande originaire.

2. Conditions de recevabilité

La demande nouvelle est autorisée moyennant deux conditions:

a) La demande nouvelle doit être fondée sur un fait ou


un acte invoqué dans l’assignation ou dans la requête

Lorsque la demande modifiée ou élargie repose sur les mêmes faits que ceux invoqués dans
l’assignation, il n'est pas exigé que la demande nouvelle soit fondée exclusivement sur un fait
invoqué dans l'acte introductif d'instance. Ainsi, une demande d'exécution d'un contrat peut-
elle être transformée en une demande de résolution de celui-ci. La réclamation de dommages
et intérêts pour faute contractuelle peut également être modifiée en une même réclamation
fondée sur une responsabilité délictuelle.
50

b) La demande nouvelle doit être introduite par conclusions


à un moment où la procédure est contradictoire

Cela revient à dire qu’elle ne peut donc être introduite lorsque la partie adverse fait défaut. Il
s'agit de respecter les droits de la défense du défendeur défaillant.

3. La demande nouvelle en degré d'appel

Il faut retenir que la demande nouvelle est recevable en degré d'appel, mais elle n’est pas
recevable en cas de procédure sur requête unilatérale. Cela veut dire que la demande étendue
ou modifiée doit avoir été portée devant le premier juge de sorte qu'on ne peut, pour la
première fois en degré d'appel, demander une condamnation contre une partie contre laquelle
aucune demande n'a été formulée en première instance.

La demande nouvelle est introduite par voie de conclusions.

III. La demande accessoire

La demande accessoire est une demande introduite en cours d'instance et qui ne constitue
qu'un accessoire de la demande introductive parce qu'elle est virtuellement comprise dans
celle-ci. La demande accessoire peut aussi procéder d'une cause postérieure à l'assignation. La
demande accessoire suit le sort de la demande principale.

IV. La demande provisionnelle

La demande provisionnelle est celle dans laquelle le demandeur se contente de ne réclamer


condamnation que pour une partie des sommes postulées dans l'exploit introductif d'instance.
Elle est une demande incidente accessoire qui n'est pas nouvelle puisqu’étant virtuellement
comprise dans la demande originelle.

§ 3. La demande reconventionnelle

I. Définition

La demande reconventionnelle est la demande incidente qui émane du défendeur quel qu’il
soit (originaire, sur intervention, voire même sur reconvention) contre un demandeur
(originaire, sur reconvention ou sur intervention) et qui « tend à faire prononcer une
condamnation à charge du demandeur ».
La demande reconventionnelle est toujours formulée par le défendeur au cours de l'instance et
constitue une véritable attaque du défendeur qui, en même temps qu'il oppose ses moyens de
défense, intente une action judiciaire à son adversaire. La demande reconventionnelle étant
une action en justice tout comme l'action principale, le défendeur prend le nom de
« demandeur sur reconvention » tandis que le demandeur principal devient « défendeur sur
reconvention ».
51

II. Conditions de recevabilité

Au premier degré d’instance, la demande reconventionnelle n’est assortie d’aucune condition


de recevabilité particulière. Elle est soumise aux seules exigences d’une demande principale
ou originaire en justice. Elle ne doit par conséquent pas présenter de lien de connexité avec la
demande principale. Elle est recevable jusqu’à la clôture des débats. Mais si le juge constate
qu’elle est de nature à retarder le jugement de la cause principale, il peut ordonner la
dissociation des procédures.

Quoiqu’il en soit, la demande reconventionnelle devra répondre aux conditions suivantes :

1° la demande reconventionnelle ne peut sortir du cadre des débats tel qu'il a été tracé par la
demande principale dans l’acte introductif d'instance.

2° Elle doit se présenter comme une défense tendant à anéantir partiellement ou totalement la
demande principale.

3° Elle ne peut avoir pour effet de retarder l'action principale. Ce serait le cas si la demande
principale est claire et présente un caractère d'urgence alors que la demande reconventionnelle
va réclamer une instruction prolongée. Dans ce cas, le juge peut rejeter purement et
simplement la demande reconventionnelle.

Dans la pratique les cours et tribunaux décident généralement que si la demande


reconventionnelle réclame une instruction plus longue que la demande principale, il y a lieu
de disjoindre la demande reconventionnelle qui sera sanctionnée par un jugement subséquent.

4° Seul, le défendeur peut introduire une demande reconventionnelle. C'est ce qui se traduit
par l'adage : « reconvention sur reconvention ne vaut »". Le demandeur ne pourrait donc pas
répondre à son tour par une autre demande reconventionnelle, ce qui n'empêche pas toutefois
le demandeur de se défendre par tous moyens à l'action qui lui est intentée comme il le ferait
dans le cas où le défendeur aurait préféré introduire l'action reconventionnelle par voie
principale.

5° L'action reconventionnelle suit le sort de l'action principale à laquelle elle est attachée. En
conséquence, si l'action principale n'est pas recevable, l'action reconventionnelle non plus ne
sera pas recevable même si intrinsèquement et prise à part, elle l'est. Le défendeur devra donc
introduire une demande au moyen d'une assignation. Il va de soi qu'au point de vue du fond,
la demande reconventionnelle peut être déclarée fondée alors que la demande principale est
rejetée et vice-versa.

III. Demandes reconventionnelles particulières

Certaines demandes reconventionnelles ne doivent pas répondre aux conditions prescrites


pour les demandes reconventionnelles ordinaires. Ainsi en est-il de :
52

1. La demande reconventionnelle tendant à réduire


la demande principale par compensation

Lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une
compensation qui éteint les deux dettes jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. La
demande reconventionnelle fondée sur la compensation peut être formée « ex dispari causa »
c'est-à-dire s'établir hors du cadre de l'action principale et basée sur une autre cause ou un
autre objet que celle-ci. Si elle réclame instruction, le juge peut surseoir à statuer sur la
demande principale et non nécessairement rendre son jugement au principal et disjoindre la
demande reconventionnelle.

2. La demande reconventionnelle pour action téméraire et vexatoire

Toute personne a libre accès à la justice et chacun peut saisir la justice pour une action même
fantaisiste et farfelue. Toutefois, il ne faut pas abuser de ce droit car, cette liberté trouve un
contrepoids dans l'avantage accordé au défendeur de réclamer les dommages-intérêts à
l'auteur d'une action qui abuse du droit d'agir en justice. Une demande en justice peut dès lors
être introduite par le défendeur, dans la même instance judiciaire et c’est cela qu’on appelle
une demande reconventionnelle. En général, les cours et tribunaux accueillent favorablement
ce genre de demande et allouent des dommages-intérêts au défendeur, pour autant qu’il
établisse que la partie demanderesse a fait preuve de mauvaise foi ou a agi avec légèreté en
introduisant la demande principale en justice. Ce genre de mauvaise foi ou cette grossière
légèreté est généralement assimiler au dol.

Ainsi, et pour prendre un exemple tiré du droit comparé, la Cour de cassation de la Belgique a
déjà arrêté, dans une espèce, qu’« une procédure peut revêtir un caractère vexatoire non
seulement lorsqu’une partie est animée de l’intention de nuire à une autre, mais aussi
lorsqu’elle exerce son droit d’agir en justice d’une manière qui excède manifestement les
limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente »105.

Il a encore été jugé que « le fait d’agir en justice constitue l’exercice d’un droit. Il dégénère
en acte illicite et, partant, donne lieu à des dommages et intérêts s’il est accompli avec
témérité, malice ou mauvaise foi. La témérité pourra se déduire de la légèreté avec laquelle
l’action aura été exercée et dont se serait gardé tout homme normalement prudent et réfléchi,
alors même que l’action aurait été intentée de bonne foi, mais d’une erreur d’appréciation à
ce point évidente qu’elle devrait être aperçue et évitée. »106

On dit, dans ce cas, que les dommages et intérêts ont été alloués pour un procès téméraire et
vexatoire. Cela revient à dire que c’est la demande principale en justice qui a été initiée avec
légèreté, mauvaise foi ou insouciance.

105
Cass. 31/10/2003, www.juridat.be, n° JC03 AV4_1 ou J.T., 2004, p. 135 ; Lire aussi Civ. Gand,
6/02/2003, T.G.R., 2003, liv. 2, p. 109.
106
Bruxelles, 12/10/2001, A.J.T, 2001-2002, p. 740, note Ballon, J.L.M.B, 2002, p. 718.
53

IV. La demande reconventionnelle en degré d’appel

La demande reconventionnelle peut être formée pour la première fois en degré d’appel, mais
pour cela, elle doit être fondée sur un fait ou un acte invoqué dans l’assignation ou constituer
une défense à l’action principale. C’est pour assurer une égalité de traitement entre l’appelant
et l’intimé. La demande reconventionnelle est introduite par voie de conclusions.

§ 4. Les demandes en intervention

I. Notions

1. Définition

La demande en intervention est celle par laquelle un tiers à la procédure sollicite soit de
pouvoir y participer volontairement (l’intervention est alors volontaire) soit par laquelle une
partie à la procédure sollicite la mise à la cause d'un tiers (l’intervention est dans ce cas
forcée).

L’intervention tend ainsi soit à sauvegarder des intérêts de l’intervenant ou de l’une des
parties (on dit dans ce cas que l’intervention est conservatoire) soit à faire prononcer une
condamnation ou ordonner une garantie (on dit, dans ce cas, qu’elle est agressive).

Le Code de procédure civile est muet à son égard. Mais la faculté d'intervention repose sur
une nécessité non seulement de pratique judiciaire mais encore d'équité ; elle est fondée sur
une tradition constante. Aussi, les tribunaux congolais ont-ils considéré que le droit d'un tiers
d'intervenir dans un procès pendant entre d'autres personnes ou le droit pour les parties
litigantes de faire intervenir ce tiers découle des principes généraux du droit.

Il faut retenir que les demandes en intervention concernent toutes les demandes formées en
cours d’instance par des parties déjà à la cause mais qui ne peuvent être qualifiées de
demandes additionnelle, nouvelle ou reconventionnelle. Le régime des demandes en
intervention s’applique par exemple aux demandes incidentes formées entre deux
codéfendeurs ou encore par le demandeur originaire contre une partie appelée en intervention
par le défendeur.

Entre des personnes déjà parties à la cause, l’intervention peut avoir lieu par voie de
conclusions.

2. Régime

Comme nous l’avons relevé au début de ces notes, la procédure civile est une affaire des
parties en litige. Un juge ne peut, d'office, ordonner la mise en cause d'un tiers dans l’affaire.
Le cas échéant, il ordonnera la dissociation des procédures.
54

L'intervention est admise devant les juridictions civiles et commerciales, quelle que soit la
forme de la procédure mais elle ne peut, en principe, retarder le jugement de la cause
principale.

II. L’intervention volontaire

1. Notions

L'intervention volontaire est le fait d'une personne qui, de sa propre initiative, se mêle à une
instance qu'elle n'a pas introduite ou qui n'est pas dirigée contre elle, soit pour faire déclarer
que le droit litigieux lui appartient, soit pour s'assurer de la conservation de ses droits qui
pourraient être compromis par le résultat de l'instance.

L'intervention est conservatoire lorsque son auteur ne réclame aucune condamnation à son
profit et se contente de prendre fait et cause pour une des parties au litige principal. Dans ce
cas, le tiers tente de sauvegarder ses propres intérêts qui pourraient être compromis si la partie
dont il épouse la cause est déboutée ou condamnée.
L'intervenant ne prétend pas à un droit propre et ne soumet aucune prétention personnelle au
juge. Il fait ainsi l'économie d'une tierce opposition, recours qu'il pourrait introduire contre la
décision à laquelle il ne serait pas partie, si elle lui était préjudiciable.

L’intervention est agressive lorsque l'intervenant volontaire, tierce partie à la cause, utilise
l'instance déjà engagée entre d'autres parties pour solliciter, à l'encontre de ces dernières, la
reconnaissance et la protection de ses droits.

2. Sortes d’intervention volontaire

Il faut opérer une distinction selon que l'initiative du tiers est agressive ou conservatoire. Dans
les deux cas toutefois, la demande en intervention doit présenter un rapport de connexité avec
la demande principale.

a) L'intervention volontaire conservatoire

Pour qu’une intervention volontaire soit déclarée recevable, l’intervenant doit justifier de sa
qualité et d'un intérêt légitime, direct et personnel, matériel ou moral. L'intérêt en question ne
doit pas être né et actuel. La sauvegarde d'un droit conditionnel, éventuel ou non encore
exigible est suffisante.

Le tiers qui intervient à titre conservatoire ne peut que se joindre aux conclusions d'un
plaideur pour lequel il prend fait et cause : tout au plus peut-il invoquer des moyens différents,
mais sans sortir des limites du débat. Il est, comme cette partie, demandeur ou défendeur.

En cas de désistement, d'acquiescement ou lorsque la demande principale est déclarée


irrecevable, l'intervention conservatoire est également irrecevable car elle est un accessoire de
la demande principale.
55

b) L'intervention volontaire agressive

L'intervenant volontaire « agressif » réclame un droit propre, distinct de celui des parties en
cause : il est un véritable demandeur en justice et doit justifier des conditions classiques de
recevabilité de son action : intérêt et qualité.

C’est que, l'intervention volontaire agressive se greffe sur la demande principale. En


conséquence, si celle-ci est nulle, ou si elle se heurte à une exception péremptoire ou à une fin
de non recevoir, l'intervention tombe. Il n'en sera autrement que si l'irrecevabilité de la
demande principale tient à des motifs personnels à son auteur, par exemple le défaut de
qualité ou si elle disparaît par suite d'une décision prise par les parties à la cause principale
(désistement ou acquiescement).

3. Procédure

L'intervention volontaire est possible jusqu'à la clôture des débats, à condition que ces
derniers soient acceptés dans l'état où ils se trouvent par l'intervenant volontaire. Il ne peut,
par exemple, revenir sur les mesures d'instruction déjà ordonnées ou même effectuées. Elle
contient les moyens de faits et de droit qui fondent l’intervention et elle s’introduit par voie
d’assignation.

III. L’intervention forcée

1. Notions

Les parties à un procès ont le droit d'y appeler une partie qui n'y figure pas. On dit, dans ce
cas, que l'intervention est forcée. Elle consiste à faire intervenir, dans la cause déjà sous
examen, un tiers. Le tiers ainsi cité est un défendeur qui a les mêmes droits qu'une partie
originaire.

L'intervention forcée conservatoire prend généralement le nom d'appel en déclaration de


jugement ou d’arrêt communs. Aucune condamnation n'est postulée contre le tiers mis en
cause. La personne appelée est uniquement invitée à assister aux débats, à suivre les
errements de la procédure et à faire valoir ses moyens. Ayant été présente à la cause, elle ne
pourra recourir à la tierce opposition et le jugement lui sera pleinement opposable. Il aura à
son égard l'autorité de la chose jugée. La déclaration de jugement commun est admise par la
jurisprudence congolaise comme principe général de droit. L'intervention volontaire ou
forcée, s'introduit par une assignation. C'est à tort qu'il a parfois été jugé que de simples
conclusions verbales ou écrites sont suffisantes.

Dans le cas de l’intervention forcée agressive, ce n'est pas la condamnation du tiers qui est
recherchée. Il s’agit d’un appel en garantie. En effet, toute personne qui a droit à garantie
contractuelle en vertu de la loi (contrats de vente, d'entreprise, bail, etc) peut appeler son
garant en garantie dans l'instance où sont en litige les droits qui donnent lieu à celle-ci.
L'avantage de l'appel en garantie est que le garanti met immédiatement son garant en cause,
56

de sorte que c'est à l'issue d'un unique procès que les responsabilités seront établies et les
condamnations prononcées.

2. Recevabilité

Comme nous l’avons indiqué plus haut, l’intervention forcée doit avoir lieu avant toute
défense au fond, afin que la partie mise en cause puisse se défendre utilement et faire valoir
ses observations.

3. Sortes d'intervention forcée

Comme pour l’intervention volontaire, on distingue l'intervention forcée conservatoire et


l’intervention forcée agressive.

a) L'intervention forcée conservatoire

L'appel en déclaration de jugement commun est admis dès qu'une partie a intérêt à rendre
opposable à un tiers la décision qui interviendra. Ce tiers est toute personne qui pourrait
former tierce opposition contre cette décision.

Les personnes mises en cause ont le droit de conclure de manière indépendante et de soulever
contre les parties originaires tous les moyens qui leur sont propres. Le tiers doit être appelé à
la cause à un moment où il peut encore utilement présenter ses observations et défenses. En
aucun cas, on ne saurait admettre un appel en déclaration de jugement commun postérieur à la
décision définitive dans le but de faire déclarer que celle-ci sera opposable au tiers.

b) L'intervention forcée agressive

L'intervention forcée agressive ne sera pas recevable chaque fois que les droits de la défense
de l’intervenant forcé pourraient être mis en péril, les actes d’instruction déjà ordonnés ne
pouvant notamment nuire aux droits de la défense.

4. Procédure

Sauf comparution volontaire, l'appel en intervention forcée s'effectue par voie d’assignation.
Toutefois, entre parties déjà présentes à la cause, à quelque titre que ce soit, l'intervention
forcée peut se faire par voies de conclusions.

§ 5. Les effets de la demande

La demande a divers effets. Entre les parties au procès, elle crée le contrat judiciaire, un
rapport de droit intéressant à la fois le juge et les parties.
57

I. Les effets à l’égard des parties

La demande crée entre les parties un lien d’instance qui se superpose au rapport juridique
litigieux qui se déroule entre les parties. Elle engendre des droits et des obligations aussi bien
à l’égard de chacune des parties que vis-à-vis du juge.

II. Les effets à l'égard du juge

La demande ouvre l'instance et opère la saisine du juge 107. Dès cet instant, il doit statuer, à
peine de déni de justice, sur tous les chefs de la demande contenus dans l’assignation. Devant
par ailleurs respecter le principe dispositif, le juge ne peut accorder que ce qui a été demandé.
Il ne peut statuer « ultra petita ».

III. Les effets par rapport au fond de la cause

La demande produit un certain nombre d'effets à l’égard du fond du droit. Elle met le débiteur
en demeure, transfère les risques à sa charge, fait courir les intérêts judiciaires, interrompt la
prescription qui court à partir de l’assignation et ce, jusqu’au jugement ou à l’arrêt mettant fin
au litige. Elle interrompt la prescription pour la demande qu'elle introduit ainsi que pour la
demande dont l'objet est virtuellement compris dans l’acte introductif d’instance, mais ce
dernier n’interrompt pas la prescription des éventuelles demandes nouvelles que le demandeur
forme en cours d’instance. L'interruption de prescription est cependant non avenue s'il y a
nullité de forme, désistement ou en cas de rejet de la demande.

107
Le juge est saisi de la cause dès la signification de l’assignation pour autant qu’elle ait été inscrite au
rôle général antérieurement à l’audience indiquée dans l’assignation.
58

CHAPITRE IV :
SIGNIFICATIONS DES ACTES DE PROCEDURE

SECTION 1 : NOTIONS
La signification consiste à porter un acte judiciaire, rédigé dans les formes prévues par la loi,
à la connaissance d'une personne par voie d’huissier ou de greffier de justice. La signification
est dès lors la remise, par un huissier ou un greffier de justice, au signifié, de l'original ou le
cas échéant d'une copie de l’exploit d’un acte de procédure. Un exploit se dit de tout acte
authentique (instrumentum) dressé par un huissier ou un greffier de justice dans l'exercice de
son ministère.

En droit congolais, le Code de Procédure civile a confié la charge de cette formalité à titre
principal à l'huissier de justice et, à titre subsidiaire, au greffier de justice. Etant donné qu’au
Congo, le corps des huissiers de justice n’est pas encore organisé, dans la pratique, c’est
généralement le greffier qui procède à la signification au même titre que l'huissier de justice.
Dans cette hypothèse, après l’avoir rédigé, le greffier remettra l’acte judiciaire (l’exploit) à
l’huissier de justice pour qu’il le signifie. A peine de nullité, ce dernier, avant ce faire, devra y
mettre son nom afin que son destinataire sache qui a instrumenté l’acte ; il y ajoutera aussi la
date de la signification et devra le signer108.

L'exploit, après sa rédaction par le greffier, sera remis par ce dernier à l'huissier qui le
complétera en y ajoutant la date, son nom et matricule, s’il échet, puis le signera. L'acte de
procédure aura d'abord été établi en deux exemplaires au moins : un original et une copie.
L'original sera remis au requérant par l'huissier après que le destinataire sera supposé en avoir
eu connaissance d'après les conditions prescrites par la loi. Il sera déposé, le cas échéant, au
tribunal par le requérant au moment où il sera nécessaire d'en faire état. La copie sera remise
au destinataire. Si l'acte est destiné à plusieurs personnes, il faudra établir autant de copies
qu'il existe de destinataires. Cette copie est un véritable original car c'est la seule pièce que la
personne à qui la signification est faite ait entre les mains.

Les règles relatives aux formalités de la signification des exploits sont énoncées aux articles 3
à 8 du Code de procédure civile. Le législateur les a édictées à propos de l'assignation qui
n'est qu'une des espèces d'exploits. Mais ces dispositions légales sont applicables à tous les
exploits.

Il faut observer que la partie elle-même ne pourrait signifier un exploit pour lequel la loi exige
l'intervention de l'huissier ou du greffier. La signification, dans cette hypothèse, ne pourrait
produire aucun effet juridique.

108
Si c’est le greffier lui-même qui signifie l’exploit, il devra respecter les mêmes mentions que
l’huissier de justice. Nous y reviendrons.
59

SECTION 2: PRINCIPES GÉNÉRAUX


L'assignation est signifiée par un huissier, elle peut l'être aussi par le greffier (art. 3 CPC).
Seul le greffier de la juridiction qui doit connaître de la demande a qualité pour signifier. En
fait, le justiciable n'entre en contact qu'avec le greffier. S'il arrive que le plaideur remette
directement l'exploit à l'huissier dans certains greffes importants, il s'agit d'une pratique en
marge de la loi. C'est le greffier qui choisit l'huissier. Ce système paraît préférable car les
huissiers occasionnels n'ont pas les qualifications requises, ni les connaissances nécessaires
pour signifier les exploits. C’est le greffier qui connaît généralement les instructions
administratives et qui donnera à l'huissier toutes les directives voulues.

L'assignation doit être signée par le greffier ou l'huissier. Il s'agit là d'une formalité essentielle
dont l'absence entraîne la nullité, l'acte ne présentant plus aucun caractère authentique.
L'huissier ou le greffier devra également dater l'acte et indiquer son nom et qualité, avant de le
signifier. Il faut, en effet, que le plaideur sache si l'exploit a été signifié par le greffier ou par
l'huissier et en toute hypothèse, quel est le nom du fonctionnaire qui a procédé à la
signification et qui porte ainsi la responsabilité des erreurs éventuelles qui auront été
commises.

Aucune signification ne peut être faite dans un lieu non ouvert au public, soit avant six heures
du matin et après dix heures du soir, soit un jour férié légal, si ce n'est en cas d'urgence et en
vertu d'une permission du juge (art. 196 CPC).

SECTION 3: MODES DE SIGNIFICATION DE L'EXPLOIT


L'assignation peut être signifiée soit à la personne, soit au domicile du défendeur (art.3 CPC).

§ 1. Signification à personne

La façon normale pour l'huissier de signifier l'exploit est de le remettre au cité en personne,
mais cela n'est possible que si l'huissier connaît le cité. Il peut, par exemple, le rencontrer dans
la rue ou au palais de justice. L'huissier ou le greffier pourrait même convoquer le cité au
palais et lui remettre l'assignation directement, encore que cette pratique n'a pas été prévue par
le législateur. Il est tenu dans tous les cas d'observer les convenances et d'éviter de causer du
scandale lors de cette signification.

Lorsque l'exploit introductif d'instance est remis à la personne, l'huissier ou le greffier


indiquera au bas de l'assignation « parlant à lui-même ».

§ 2. Signification à domicile ou à résidence

I. Le cité est une personne physique

L'huissier peut signifier l'exploit au domicile du cité s'il ne le connaît pas ou ne le rencontre
pas car la signification à personne est toujours préférée.
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Il a déjà été jugé que ne constitue pas un domicile au sens de la loi, un bar qui, par sa
destination, est ouvert et accessible au public.

Notons par ailleurs que l'huissier peut signifier à la résidence à défaut de domicile (art.3 al.2
CPC). Dès lors, deux cas peuvent se présenter :

- le cité est à son domicile ou à sa résidence : l'huissier lui remettra l'exploit et il peut le faire
même s'il ne connaît pas le cité. Il s'enquerra d'abord de son identité, mentionnera alors dans
l'assignation: « remis à Monsieur X, cité, étant à son domicile ou à sa résidence et y parlant à
lui-même ».

- 1e cité est absent : dans ce cas, l'huissier remettra l'exploit aux personnes suivantes qu'il y
rencontrera : aux parents ou alliés et à défaut de parents, au maîtres 31 ou serviteurs.

L'huissier indiquera toujours le nom de la personne à qui il parle et sa qualité : exemple : «


Monsieur ou Madame X, domestique du cité ». Si l'huissier ne trouve ni parent, ni allié, ni
maître, ni domestique, il devra s'adresser à un voisin. L'ordre successif de signification est
obligatoire.

C'est ainsi que la Cour suprême de justice a déjà arrêté qu'est irrégulière, l'assignation faite
aux locataires sans que l'exploit constate au préalable l'absence de parents, alliés, maîtres ou
serviteurs ainsi que l'exige l'article 4 alinéa 1 du Code de procédure civile.

Bien que pareille signification soit irrégulière, il a été jugé que le juge doit chercher à savoir si
les parties n'ont pas eu connaissance d'une telle signification qui deviendrait régulière si elles
s'y sont référées pour faire appel ou former toute autre voie de recours.

L'huissier apposera sur l'exploit d'assignation la mention suivante : « et n'ayant trouvé ni


parent, ni allié, ni maître, ni domestique, j'ai, huissier soussigné, remis le présent exploit à
Monsieur ou Madame X, voisin ou voisine qui se chargera de remettre le pli au cité et signe
avec nous le présent exploit ». Le voisin est une personne de l'un ou l'autre sexe habitant le
voisinage ; on choisira de préférence un tiers en bons rapports avec le signifié. Le voisin doit
signer l'original de l'exploit (art.4 CPC).

Le refus du cité de recevoir l'exploit qui lui est offert par l'huissier n'empêche pas la
signification d'être valable ; de même, le refus du parent, allié ou serviteur trouvé au domicile
par l'huissier n'oblige pas celui-ci à s'adresser à une autre personne pour procéder à la
signification.

Jugé en ce sens que le refus de l'épouse de signer l'exploit - quand bien même il ne
contiendrait qu'un extrait de l'arrêt attaqué - est indifférent quant à sa validité.

L'article 4 du Code de procédure civile prévoit qu'à défaut de voisin, l'exploit peut être remis
dans « une circonscription au chef de cette circonscription ou au chef de sa subdivision
coutumière ». L'huissier ou le greffier peut également s'il ne trouve ni parent, ni allié, ni
maître, ni domestique, ni voisin, remettre le pli au bourgmestre de la commune où réside le
signifié comme cela vient d’être (art.4, al.2 CPC). Il appartient dès lors au bourgmestre de la
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commune, après signature de l'original, de prendre les mesures utiles et nécessaires pour que
l'assignation parvienne au cité. Mais, il arrive que le voisin, le chef ou le bourgmestre refusent
de signer l'exploit ou n'acceptent pas de recevoir la copie destinée au cité, la copie est, dans ce
cas, remise au juge qui avise « au moyen de la faire parvenir a cité » (art.4 al.2 CPC). Dans ce
cas, l'huissier ou le greffier indiquera dans l'exploit les motifs pour lesquels la copie n'a pas
été remise (art. 5, CPC).

En réalité, cette dernière disposition est peu employée dans la pratique. Or, le Juge peut
autoriser la remise à un ami, un fondé de pouvoirs, un employeur; et à toutes personnes qui, à
raison de leurs bons rapports avec le cité et de l'intérêt qu'elles lui portent, ne manqueront pas
de l'aviser rapidement de l'existence de l'exploit.

La signification au bourgmestre de la Commune est une innovation du Code de procédure


civile. En effet, avant sa promulgation, si le voisin ne voulait pas signer, l'huissier devait
immédiatement remettre la copie au juge. Mais, comme indiqué supra, il n'a pas été fait un
usage fréquent de la signification au bourgmestre de la commune.

II. Le cité est une personne morale

Il faut faire une distinction entre l'Etat, les administrations et établissements publics ou privés,
les sociétés civiles ou commerciales et les faillites. L'article 8 al. 1 du Code de procédure
civile dispose que l'Etat peut être assigné en la personne ou dans les bureaux du Président de
la République ou du gouverneur de la Province où siège le tribunal qui doit connaître de la
demande. Dans la pratique cependant, la République est assignée, en toutes matières, au
service du contentieux du gouvernement au Ministère de la Justice. Mais le requérant peut
toujours assigner l'Etat en la personne du Ministre responsable ou en s'adressant au
gouverneur de la province où siège le tribunal qui doit connaître de la demande.

Les administrations et établissements qui jouissent de la personnalité juridique sont assignés


en leurs bureaux, dans le lieu où se trouve leur siège en la personne ou au bureau de leur
préposé dans les autres lieux (art. 8 al. 2° CPC). Cela revient à dire que l'établissement ou
l'administration qui a la personnalité juridique sera assignée séparément sans que l'Etat entre
en cause ; dans le cas contraire, l'Etat sera directement assigné. Le seul critère est donc de
savoir si l'organisme public que l'on veut assigner a ou n'a pas la personnalité civile. Les
administrations et établissements visés par l'article 8,2° du Code de procédure civile pourront
donc être assignés, soit dans le lieu où se trouve leur siège, c'est-à-dire dans tous et chacun
des nombreux bureaux que les administrations peuvent parfois comporter, dans le bureau d'un
préposé quelconque, soit dans tous les autres lieux. Le législateur s'est montré
particulièrement large et en fait, l'huissier ou le greffier pourra remettre l'exploit à toute
personne qu'il rencontrera et connaîtra comme préposé de l'administration ou de
l'établissement en cause et ce, même au domicile ou à l'habitation d'un des préposés
quelconque.

L'article 8 al. 3° du Code de procédure civile dispose que les sociétés qui jouissent de la
personnalité juridique seront assignées a leur siège social, à leur succursale, à leur siège
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d'opération ou s'il n'y a pas de siège, en la personne ou au domicile de l'un des associés. Une
société peut avoir son siège social dans une ville et une succursale ou siège d'exploitation
dans endroits de la République. En effet, de nombreuses sociétés congolaises ont leur siège
social à Kinshasa et des succursales dans d’autres villes de la République (Lubumbashi,
Kisangani, Gbadolite, Goma, etc.). D'autres ont un siège administratif dans un pays étranger
et une succursale dans une ville du Congo. L'intention du législateur est de laisser le choix au
requérant entre le siège social, les succursales è les sièges d'exploita. Les mots « qui jouissent
de la personnalité civile » ont une très grande importance car la disposition légale inscrite à
l'article 8, 3° du CPC ne s'appliquent pas aux groupements sans personnalité juridique.
L'huissier ou le greffier devra donc, pour ces groupements parler à la personne ou au domicile
de chacun des membres de l'association.

Les faillites seront assignées en la personne ou au domicile de leur curateur (art. 8, 4° CPC).
Celui-ci est désigné par le tribunal dans le jugement déclaratif de faillite. Il représente le failli
dans les actions mobilières ou immobilières tant en demandant qu'en défendant.

§ 3. Signification à domicile élu

La signification des exploits peut parfois se faire à domicile élu. L'article 168 du Code de la
famille dispose en effet que « toute personne peut élire domicile pour l'exécution d'un, de
plusieurs ou de tous actes ». L'élection doit être expresse et ne peut se faire que par écrit. Le
même article ajoute : « toutes significations, demandes et poursuites pour l'exécution d'un acte
pour lequel domicile a été élu, pourront être faites à ce domicile et devant le juge de ce
domicile ». Par les mots « significations » et « demandes » on entend notamment l'assignation
qui peut donc être faite au domicile élu par une personne déterminée.

De toute façon, la signification à domicile élu n'est possible que si le cité a constitué un
mandataire chargé de recevoir l'exploit. En effet, le domicile élu suppose que, l'assignation
sera transmise au cité par celui chez qui élection a été faite. Si le domicile n'est pas élu chez
une personne déterminée, il n'est pas possible que l'assignation parvienne finalement au cité
qui pourrait ainsi ne pas en avoir connaissance. Il y aurait là un abus possible, abus que le
législateur n'a certainement pas voulu protéger. C'est ainsi qu'est nulle, la signification au
cabinet d'un avocat si la partie n'y a pas expressément et par écrit élu domicile. En outre,
l'existence du domicile élu n'empêche jamais le requérant de faire signifier l'assignation au
domicile réel. Le requérant a donc le choix entre le domicile réel et le domicile élu.

Etant donné que le domicile élu remplace le domicile réel, ne viole pas l'article 2 du Code de
procédure devant la cour suprême de justice, le demandeur dont l'assignation n'est pas
conforme à la loi.

§ 4. Signification par messager

Conformément à l’article 6 du CPC, l’assignation peut aussi être signifiée par l’envoi d’une
copie de l’exploit, sous pli fermé mais à découvert, soit recommandé à la poste avec avis de
réception, soit remis par un messager ordinaire contre récépissé, daté et signé par le défendeur
63

ou par une des personnes mentionnées à l’article 4, avec indication de ses rapports de parenté,
d’alliance, de sujétion ou de voisinage avec le défendeur. Même dans le cas où le récépissé
n’est pas signé par la personne qui a reçu le pli ou si le récépissé ne porte pas qu’elle est une
de celles auxquelles le pli pouvait être remis, ou s’il existe des doutes quant à sa qualité pour
le recevoir, l’assignation sera néanmoins valable si, des déclarations assermentées du
messager ou d’autres éléments de preuve, le juge tire la conviction que le pli a été remis
conformément à la loi. La date de la remise peut être établie par les mêmes moyens,
lorsqu’elle n’a pas été portée sur le récépissé ou est contestée.

§ 5. Signification à l'étranger

Il se peut que le requérant ne connaisse pas le domicile du cité au Congo et ce, malgré toutes
les investigations auxquelles il s'est livré, mais qu'il sache ou apprenne que le cité a fixé son
domicile ou sa résidence à l'étranger, c'est-à-dire en dehors du territoire congolais. Dans ce
cas, le législateur a prévu que une procédure particulière portée à l'article 7 alinéa premier du
Code de procédure civile et que l'on appelle « édit et missive » puisse permettre au requérant
de saisir la justice au Congo. Edit parce que la loi exige qu'une copie de l'assignation soit
affichée à la porte principale du tribunal où la demande est portée. Missive parce que la loi
demande en outre que la copie de l'exploit soit adressée au domicile ou à la résidence
étrangers sous pli fermé mais à découvert, recommandé à la poste. Cette formalité d'affichage
n'est pas prescrite à peine de nullité. C'est ainsi que lorsque le défendeur n'a ni domicile ni
résidence connus au Congo mais a un domicile ou une résidence connus à l'étranger, l'exploit
de signification commandement reçu suivant accusé de réception portant le sceau postal de la
localité du signifié ainsi que sa propre signature est régulier et suffisant dès lors qu'aucune
preuve d'un préjudice n'est établie du seul fait de l'omission de la formalité d'affichage.

Selon la jurisprudence, en cas de signification par édit et missive, la date de l'exploit est celle
à laquelle l'huissier accomplit les formalités substantielles de l'affichage et de l'envoi d'un
double de l'exploit par voie postale. La signification par édit et missive ne constitue jamais
une signification à personne même s'il est prouvé que l'envoi du pli recommandé au domicile
à l'étranger du cité a touché ce dernier personnellement. Il y a signification à personne dans le
seul cas où l'huissier remet l'assignation en parlant à la personne elle-même.

Enfin, la personne vivant à l'étranger et assignée au Congo est fortement protégée contre
l'exécution des jugements rendus par les tribunaux congolais et vis-à-vis desquels elle n'aurait
pu se défendre faute d'avoir été avisée de l’assignation en justice. En effet, le requérant devra
solliciter de la justice étrangère, l'exequatur d'une décision judiciaire rendue au Congo avant
de pouvoir procéder à son exécution contre une personne résidant à l'étranger.

§ 6. Signification à domicile inconnu

Il peut arriver que le requérant, malgré toutes les recherches commandées par la bonne foi et
la prudence, ne trouve pas le domicile du cité, ni au Congo, ni à l'étranger. Dans ce cas, il
pourra alors demander à l'huissier ou au greffier d'agir de la façon suivante :
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- afficher une copie de l'exploit à la porte principale du tribunal où la demande est


portée (art.. 7, al. 2, CPC) ;

- faire publier l'extrait de l'assignation dans un journal officiel (art.7, al. 2, CPC).
L'assignation ne doit pas être entièrement publiée, mais un extrait contenant les noms,
profession et demeure du requérant, la date de la comparution, l'indication du tribunal
où la demande est portée ainsi que le dispositif. Les motifs ne doivent pas être publiés
pour éviter des frais au requérant, l'essentiel étant que le cité soit averti qu'une
assignation est lancée contre lui.

Dans la pratique actuelle, les significations à domicile inconnu sont particulièrement difficiles
à réaliser vu le retard considérable mis par le journal officiel à publier les extraits
d'assignation qui sont adressés à ses services à Kinshasa.
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CHAPITRE V : LES DÉLAIS DE PROCÉDURE

SECTION 1 : NOTIONS

§ 1. Principes généraux

Les délais établis pour l’accomplissement des actes de procédure sont soumis aux règles
énoncées dans le Code de Procédure civile. Ces délais ont pour objet d’enfermer l’activité
procédurale des plaideurs dans un espace de temps déterminé. Il convient de les distinguer des
délais de prescription, qui touchent au fond du droit et tendent à consolider des situations de
fait ou éteindre des situations de droit.

Le « délai » est dès lors une période de temps au cours de laquelle la loi, l'usage, le juge ou les
parties permettent, prescrivent ou défendent de faire quelque chose ou à l'expiration de
laquelle la loi ou les parties déclarent éteint un droit ou une obligation. Le délai a dès lors une
grande importance en matière de procédure car il arrive que si un acte n'est pas accompli dans
le temps prescrit par la loi, il peut être rejeté comme non valable et sans que le tribunal puisse
même discuter du bien fondé de l'acte. Par ailleurs, il faut laisser à toute personne assignée en
justice, la possibilité de se tracer une ligne de défense, de réunir les éléments nécessaires pour
mettre l'action en échec, de se choisir éventuellement un avocat, de comparaître en justice. En
procédure civile, le délai est donc un laps de temps que les parties doivent laisser écouler ou
une période bien déterminée pendant laquelle elles doivent nécessairement accomplir tel acte
bien précis si elles veulent sauvegarder leurs droits.

Il importe également de ne pas confondre les délais de procédure avec les délais préfix ou de
forclusion qui affectent l’existence et l’exercice du droit d’action et sont sanctionnés par une
exception s’apparentant aux fins de non-recevoir.

§ 2. Délais d'assignation et de distance

Le délai d'assignation est celui qui est donné normalement au cité pour comparaître devant le
tribunal lorsqu'il réside dans le lieu où siège ce tribunal. L'article 9, alinéa premier du Code de
procédure civile dispose : « Le délai d'assignation est de huit jours francs entre l'assignation et
la comparution.. ». L'alinéa 2 du même article précise : « Le délai d'assignation pour les
personnes qui n’ont ni domicile, ni résidence en République Démocratique du Congo est de
trois mois ». Ainsi, il existe deux catégories de délais d'assignation : l'une pour les personnes
habitant le Congo, l'autre pour les personnes résidant à l'étranger ou n'ayant ni domicile, ni
résidence connus.

Les délais d'assignation ne sont pas prescrits à peine de nullité; ils ne sont pas d'ordre public.
Leur inobservation n'empêche pas la saisine du tribunal ; celui-ci peut régulariser la procédure
en renvoyant la cause à une date ultérieure. Le délai d'assignation est augmenté à raison des
distances .Cela signifie que plus le cité réside loin du siège du tribunal, plus long est le délai
66

pour lui permettre de comparaître. Le délai qui s'ajoute au délai ordinaire à raison de la
distance porte le nom de « délai de distance ». Si le cité réside au Congo, l'article 9 alinéa
premier prévoit que le délai d'assignation est prolongé d'un jour par cent kilomètres de
distance. Il s’agit de 100 kilomètres pleins, c’est-à-dire, il n'y a pas d'augmentation du délai
pour les fractions qui s'y ajoutent.

La question qui se pose est celle de savoir s’il faut calculer la distance suivant la longueur de
la voie à parcourir entre la résidence du cité et le lieu où siège le Tribunal devant lequel il doit
se rendre ou faut-il suivre plutôt la longueur d'une ligne idéale entre deux points entre lesquels
il n'existe aucun moyen de communication ? La jurisprudence a généralement estimé qu'il
fallait adopter la longueur la plus directe de la voie à parcourir sans sortir du pays 46. On
discute aussi du point de savoir si, pour déterminer la voie la plus courte, on doit tenir compte
de la voie aérienne. Il est préférable de compter les délais de distance en prenant comme base
les voies de communication (route - chemin de fer - voies navigables) et en ajoutant un jour
s'il le faut en cas d'hésitation. Mais même pour cela, il arrive que des difficultés naissent dans
la détermination des délais.

En effet, il se peut que l'huissier ait signifié l'assignation en parlant au cité à un endroit
différent de sa résidence ou de son domicile. Faut-il, dans ce cas, considérer que la
détermination du délai se fait en prenant comme base la résidence du cité à ou le lieu de
notification ? L'article 197 du Code de procédure civile répond à cette : « le délai applicable
est toujours déterminé d'après le lieu de notification ou de la signification même si celui à qui
la signification est faite n'y a ni son domicile, ni sa résidence ». Dans le cas de signification
par voie postale, « le lieu à envisager pour le calcul du délai est le lieu de destination ».

Il n'existe pas de délai de distance à ajouter aux délais d'assignation prévus pour les personnes
domiciliées ou résidant en dehors de la RDC ou qui n'ont aucun domicile ni résidence connus.
Pour ces personnes, le délai de trois mois est fixe et il n'y a pas lieu d'ajouter les délais de
distance. En effet, l'article 9 alinéa 3 du Code de procédure civile dispose que « lorsqu'une
assignation à un défendeur domicilié hors de la République est remise à sa personne dans ce
territoire, elle n'emporte que le délai ordinaire ».

Toutefois, ces délais peuvent être abrégés. Dans les cas qui requièrent célérité, le Président de
la juridiction compétente peut permettre d'assigner à bref délai (art. 10 du CPC). On admet
que l'abréviation des délais s'applique à tous les délais ordinaires, de distance, et à ceux
prévus pour les significations à l'étranger. Il est impossible d'énumérer les cas qui requièrent
célérité. Le requérant devant obtenir la permission du président du tribunal avant de lancer
l'assignation, celui-ci appréciera suivant les motifs invoqués par le requérant s'il y a lieu ou
non d'abréger les délais, s'il y a célérité ou non. Le mot « célérité » s'entend d'une situation
urgente et qui est telle qu'un dommage irréparable serait causé à l'une des parties ou aux deux
si l'on devait attendre l'écoulement des délais légaux ». Il faut donc une urgence objective et
non subjective c'est-à-dire que le juge ne pourrait pas simplement faire droit à la volonté d'une
partie d'obtenir une réponse rapide, d'un simple caprice pour mettre le cité dans une situation
difficile dans la défense de ses intérêts. Le requérant qui n'obtient pas l'autorisation d'assigner
67

à bref délai n'a pas le droit d'interjeter appel de la décision du juge car il s'agit là d'un acte de
juridiction gracieuse, le président du tribunal accordant ou refusant l'autorisation sans
consulter la partie citée et sans l'avoir entendue. Si lors de la comparution à l'audience, après
que le requérant a obtenu le bref délai, il apparaît que le cité a des arguments à faire valoir et
notamment qu'il n'a pas eu la possibilité de préparer sa défense, une remise sera accordée.

SECTION 2 : CLASSIFICATION
On rencontre deux catégories principales de délais : le délai minimum et le délai de rigueur.
Le délai minimum est celui qu'une partie au procès doit laisser écouler avant de pouvoir faire
quelque chose. Dans ce cas, rien n'empêche la partie d'accepter ou de prévoir un délai plus
long. Ainsi, celui qui veut assigner une personne en justice doit attendre huit jours entre la
date de la signification de l'exploit introductif d'instance et la comparution devant le tribunal.
Mais rien n'empêcherait le requérant d'attendre 15 jours ou plus avant de faire fixer la
comparution, le délai de 8 jours étant un délai minimum. Le délai de rigueur est celui que la
partie qui veut introduire un acte de procédure doit respecter sous peine de perdre tous ses
avantages. Il en va ainsi du délai pour interjeter appel d'un jugement qui est de 30 jours. Si
l'acte d'appel est introduit le 31ème jour, il n'est pas valable.

Les lois de procédure prévoient en général certaines distinctions dans les délais suivant qu'ils
sont qualifiés de « francs » ou « non francs » ou qu'ils sont « fixes » ou susceptibles
d'augmentation ou de diminution à raison de la distance qui sépare l'une des parties du siège
du tribunal ; ce qui nécessite plus ou moins de temps pour introduire un acte ou préparer une
défense.

SECTION 3: LA COMPUTATION DES DÉLAIS

§ 1. Mode de calcul des délais

La computation ou la supputation d'un délai est le calcul de la durée de ce délai. Le calcul des
délais s’opère conformément à l’art. 195 du Code de Procédure civile. Il s’opère suivant les
règles ci-après :

- Le délai se compte de minuit à minuit. Il est calculé depuis le lendemain du jour de l’acte ou
de l’événement qui y donne cours (dies a quo). Il comprend tous les jours, y compris les
samedi, dimanche et jours fériés légaux. Le dies a quo est dès lors le point de départ du calcul
du délai.

- A moins que la loi en ait disposé autrement, le délai d’opposition, d’appel et de pourvoi en
cassation court à partir de la signification de la décision.

- Le jour de l’échéance (dies ad quem) est compris dans le délai. Toutefois, lorsque ce jour est
un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, le jour de l’échéance est reporté au plus
prochain jour ouvrable. Cela revient à dire que le jour de l'échéance (dies a quem) est compté
dans le délai si celui-ci n'est pas qualifié de franc (article 195, al.1 CPC). A titre d'exemple,
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l'article 67 du Code de procédure civile prévoit que le délai pour interjeter appel d'un
jugement est de 30 jours. Ce délai n'est pas qualifié de « franc » par la loi. En conséquence, le
« dies a quo » n'est pas compris mais le « dies ad quem » l'est. Supposons que le délai
commence à courir le 25 janvier. Il vient à échéance le 24 février. Le dernier jour pour
introduire l'acte sera le 24 février.

- Lorsque le dernier jour prévu pour accomplir un acte de procédure est un jour férié légal, le
délai est prorogé jusqu'au plus prochain ouvrable (article 195, al.2 CPC). Les jours fériés sont
des jours de fête, civiles ou religieuses, fixés par la loi. En vertu de l'article 104 du Code du
travail, la liste et le régime des jours fériés sont déterminés par Décret du Président de la
République pris sur la proposition du Ministre du travail et de la prévoyance sociale.
Signalons que le dimanche est un jour de repos hebdomadaire dans les établissements publics
ou privés, les jours suivants sont fériés à titre d’indication : le premier janvier (Nouvel An), le
4 janvier (martyrs de l'indépendance), le premier mai (fête du travail), le 30 juin (anniversaire
de l'indépendance), le 25 décembre (Noël), etc. Ne sont pas visés par la prorogation, les jours
chômés qui sont ceux pendant lesquels le travail est suspendu pour certaines entreprises à la
suite d'usages ou de conventions collectives ou pour toutes les entreprises en vertu d'une loi
ou d'un règlement.

- Lorsque le délai légal expire un jour où le greffe est fermé, l'acte y est valablement reçu le
plus prochain jour de l'ouverture de ce greffe (article 195, al. 3 CPC). Il arrive en effet que le
greffe soit fermé en dehors des jours fériés légaux, par exemple à l'occasion de la visite d'un
Ministre ou du Chef de l’Etat, ou encore d'une journée « ville morte ».

Le délai qui est fixé par jour se compte de jour à jour. Le délai qui est fixé par mois ou par
année se compte de quantième à veille de quantième selon le calendrier grégorien (article 195,
al. 4°CPC).

§ 2. Adaptations et modification des délais

Il existe des délais fixes et des délais susceptibles d'augmentation à raison de la distance
comme nous l’avons indiqué plus haut (article 195 al. 7 CPC). C'est ainsi que pour les
personnes qui résident au Congo, l'article 9 alinéa premier du Code de procédure civil prévoit
que le délai d'assignation est prolongé d'un jour par cent kilomètres de distance. En revanche,
pour les personnes qui n'ont ni domicile, ni résidence au Congo, la même disposition institue
un délai d'assignation de trois mois.

L'article 10 du Code de procédure civile envisage la possibilité de réduction du délai


d'assignation dans les cas qui requièrent célérité. La décision abréviative du délai est prise par
le président de la juridiction compétente par voie d'ordonnance rendue sur requête et non
susceptible de voie de recours.
69

SECTION 4 : SANCTIONS DE L’INOBSERVATION


DES DÉLAIS DE PROCÉDURE
Il convient de distinguer les irrégularités de forme de la nullité des actes de procédure en
général.

§ 1. De la sanction des irrégularités de forme

Les irrégularités de forme peuvent être sanctionnées de plusieurs manières. Indépendamment


d'éventuelles sanctions disciplinaires, le greffier ou l'huissier qui a dressé et signifié l'acte à la
requête d'une partie peut, conformément au droit commun, être condamné à des dommages-
intérêts envers la partie à qui sa négligence aurait porté préjudice. L'Etat pourra également
être considéré comme responsable de la faute ou de la négligence commise par l'un de ses
préposés que sont l'huissier ou le greffier. Mais la sanction essentielle sera assurément la
nullité de l'acte puisque celui-ci n'est pas conforme aux prescriptions légales.

§ 2. Nullité des actes de procédure en général

La nullité est une sanction redoutable que tous les avocats et les défenseurs judiciaires
craignent. En effet, elle a pour résultat la suppression de l'acte nul qui est décrétée par le
tribunal qui constate l'irrégularité. La suppression est totale si l'acte est entièrement nul. Elle
est partielle s'il n'est nul qu'en partie. On en déduit que la partie qui a accompli ou signifié
l'acte frappé de nullité n'a d'autre solution que de le refaire si la loi n'interdit pas de le
recommencer.

Le premier résultat de la nullité aboutit à un retard quant à l'issue du procès puisqu'il est
nécessaire avant d'aborder le fond du litige même, de recommencer la procédure vicieuse,
après que le tribunal ait prononcé la nullité de l'acte incriminé. Ensuite, le plaideur dont le
droit est incontestable et qui a, de ce fait, toutes les chances d'obtenir gain de cause
relativement au litige porté en justice, verra ce droit définitivement compromis ou en tout cas
dans l'impossibilité d'être judiciairement sanctionné si l'acte annulé ne peut être recommencé
en raison de l'écoulement des délais de rigueur prévus par la loi ou en cas de prescription.
C’est pourquoi, dans la pratique, considère-t-on qu’il n’y a pas de nullité sans texte ou qu’il
n’y a pas de nullité sans grief.

Le législateur congolais a en effet consacré ces règles à travers l’article 28 du CPC en


énonçant que : « aucune irrégularité d'exploit ou d'acte de procédure n'entraîne leur nullité que
si elle nuit aux intérêts de la partie adverse ». Cela revient à dire que celui qui invoque la
nullité doit prouver le grief que lui cause l'irrégularité. Le préjudice doit émaner de cette
irrégularité. Les juges de fond apprécient souverainement l'existence d'un grief. Examinons
cela de plus près.
70

I. Pas de nullité sans texte

Suivant le principe « pas de nullité sans texte », un acte de procédure est entaché de nullité
d’une part, toutes les fois que l'omission ou l'irrégularité porte sur une formalité substantielle
même en l'absence d'un texte ayant édicté cette sanction et, d’autre part, lorsque l'omission ou
l'irrégularité porte sur une formalité accessoire mais uniquement dans le cas où la formalité a
été prescrite par le législateur « à peine de nullité ».

II. Pas de nullité sans grief

Suivant cette règle, il n'y aurait pas de nullité si l'omission ou l'irrégularité des formes ne porte
pas de préjudice à la partie adverse. Le prononcé de la nullité est ainsi subordonné à
l'existence d'un grief dans le chef de la partie adverse. Si le juge constate que l'irrégularité ne
nuit pas aux intérêts de la personne à qui l'acte est signifié ou à qui on l'oppose, il ne pourra
prononcer la nullité même si celle-ci est prévue par un texte. C'est ce principe que l'on traduit
par la maxime « pas de nullité sans grief » ou « nullité sans grief n'opère rien ».
71

CHAPITRE VI : LES DEFENSES EN JUSTICE

Par l’expression « défenses », il faut entendre les moyens que le défendeur oppose à la
demande dirigée contre lui par le demandeur en justice. On en distingue trois catégories : les
défenses au fond (section 1), les exceptions (section 2) et les fins de non recevoir (section 3).

SECTION 1 : LES DÉFENSES AU FOND


La défense au fond consiste dans la contestation, par le défendeur, du fondement de la
demande dirigée contre lui, ou, en tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée,
après examen du fond du droit, la prétention de l’adversaire.

La défense au fond fait appel à des dispositions de droit matériel, soit que l'exactitude des
faits invoqués soit contestée, soit que l'existence même de la prétention soit niée ou minimisée
pour des raisons de fait ou de droit.

Les défenses au fond peuvent, en principe, être invoquées aux divers stades de la procédure et
pour la première fois en degré d'appel. Lorsqu'elles intéressent l'ordre public ou des
dispositions impératives, elles peuvent même être invoquées pour la première fois devant la
Cour suprême de justice. Si elles sont étrangères à l'ordre public, ou à des dispositions
impératives, elles ne peuvent être soulevées devant la Cour suprême que si elles ont été
soumises au juge du fond ou si celui-ci en a lui-même fait application car, celle-ci ne peut
censurer que ce qui a été ou aurait dû être résolu par le juge du fond. Les défenses sont
développées, en principe, par voie de conclusions.

SECTION 2: LES EXCEPTIONS


Les exceptions sont prévues aux articles 26-28 du CPC. On les appelle aussi les « incidents »
de procédure. L'exception est un moyen de défense à portée limitée et temporaire, qui
n’engage pas le débat sur le fond du litige et qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière
ou à en suspendre le cours. Elle n'interdit pas, par elle-même, que le demandeur puisse
réintroduire la demande. Lorsqu'elle est invoquée devant le juge et qu’elle abouti, il n'y a
chose jugée que sur celle-ci et non pas sur la demande elle-même, à moins qu’elle touche à
l’ordre public.

Par ailleurs, ces exceptions doivent être soulevées avant toute défense au fond ou « in limite
litis », c’est-à-dire dans le premier acte de procédure du défendeur même si cet acte propose
également d'autres moyens de défenses. Face à ces exceptions, le juge a le choix : soit il statue
sans délai sur l'exception, soit il la joint au fond de la demande et ne prononce qu'un seul
jugement.

En règle générale, on trouve les exceptions dilatoires et les fins de non procéder ainsi que les
exceptions péremptoires. L'exception dilatoire ainsi que les fins de non procéder tendent à
72

retarder la procédure engagée par l'adversaire tandis que l'exception péremptoire tend à
l'anéantir. Mais le tribunal peut toujours joindre les exceptions et déclinatoires au principal et
ordonner aux parties de conclure à toutes fins.

La loi prévoit que si au jour de la première comparution, le défendeur demande à lancer un


appel en garantie, le juge lui accordera un délai suffisant à raison de la distance du domicile
du garant. L'assignation donnée au garant est libellée sans qu'il soit besoin de lui notifier le
jugement qui ordonne sa mise en cause.

Si la mise en cause n'a pas été demandée à la première comparution, ou si l'assignation n'a
pas été faite dans le délai fixé, il est procédé, sans délai, au jugement de l'action principale,
sauf à statuer séparément sur la demande en garantie. Aucune irrégularité d'exploit ou d'acte
de procédure n'entraîne leur nullité que si elle nuit aux intérêts de la partie adverse.
Examinons-les attentivement.

§ 1. Les exceptions dilatoires et les fins de non procéder

Les exceptions dilatoires visent simplement à suspendre la procédure en différant le cours


normal de l’instance. Citons, à titre d’exemples, l'exception dilatoire d'appel en garantie ou
celle du défaut de communication des pièces. On peut également y ajouter l’exception de
surséance à statuer fondée sur l’application de l’adage « le criminel tient le civil en état ».

Les fins de non procéder permettent au défendeur de solliciter du juge que la procédure soit
temporairement suspendue jusqu’à ce que le demandeur ait procédé soit à la régularisation de
la procédure (par exemple lorsqu’il a oublié de mentionner dans l’acte introductif d’instance
son numéro de registre de commerce ou encore une médiation contractuellement prévue).
Chaque fois que le défendeur estime qu'un acte de procédure intervenu pour mettre l'action en
justice en mouvement ou en cours d'instance est irrégulier, il dispose d'une exception que l'on
dénomme « exception de nullité de procédure ».

Le moyen tiré de la nullité d'un acte de procédure constitue une exception puisqu'il crée un
obstacle temporaire à l'examen du fond de la demande. En effet, le Tribunal devra, au
préalable, trancher le point de savoir si l'irrégularité existe et dans l'affirmative, si elle est de
nature à entraîner la nullité. Si le Tribunal prononce la nullité, le demandeur devra
recommencer l'acte irrégulier, ce qui retardera l'examen du fond de la demande, mais ne
l'exclura pas. Mais le défendeur devra invoquer la nullité avant toute défense au fond s'il ne
veut pas que celle-ci soit déclarée couverte.

Le tribunal refusera de faire droit à l'exception de nullité chaque fois qu'il estimera que
l'irrégularité qui entache l'acte de procédure ne nuit point à la partie adverse à moins qu'il ne
s'agisse d'une nullité substantielle.
73

Il est particulièrement difficile de relever les différentes irrégularités qui pourraient donner
ouverture à une exception de nullité de la part du défendeur. Les irrégularités les plus
courantes et sur lesquelles la jurisprudence reste divisée sont notamment :

1) l'omission d'une des mentions que doit contenir l'assignation ;

2) le caractère incomplet ou insuffisant des mentions que la loi exige dans la rédaction de
l’acte introductif d'instance. A cet égard, il faut retenir que l'obscurité des motifs de
l'assignation peut donner ouverture, pour le défendeur, à « l'exception obscuri libelli » ;

3) la signification imparfaite de l'assignation.

L'exception de nullité peut être invoquée pour d'autres actes de procédure, notamment ceux
relatifs à l'opposition ou à l'appel. La question de savoir si l'irrégularité porte ou non grief à la
partie adverse est appréciée souverainement dans chaque cas d’espèce par les tribunaux.

§ 2. Les exceptions péremptoires

Les exceptions péremptoires visent à anéantir l'instance. Ce sont essentiellement les nullités
qui sont des irrégularités affectant un acte de la procédure, les déclinatoires de juridiction
ainsi que certaines formalités spécifiques prévues par la loi (la tentative de conciliation
obligatoire avant de prononcer le divorce). On peut également y ajouter les déclinatoires de
compétence qui sont des exceptions péremptoires en ce sens qu’ils constituent des moyens de
défense tirés de l'incompétence territoriale ou matérielle d'un juge, qui font ajourner la
discussion sur le fond de la demande et tendent à obtenir le renvoi de la cause devant le
magistrat compétent. Les exceptions de connexité et de litispendance sont également des
exceptions péremptoires.

Signalons enfin (nous y reviendrons éventuellement lors de la prochaine édition de ce cours)


les exceptions suivantes :

- Le désistement, comme l'acquiescement qui éteignent l'instance. Le désistement est


l’abandon, la renonciation à un acte de procédure, à une instance ou à une action. Il est sans
effet sur le fond du droit et n'est pas un obstacle à l'intentement ultérieur de la même action.

- Le désistement d'action est l'abandon du pouvoir d'agir et comporte la renonciation non


seulement à la procédure entamée mais également au droit d’agir en justice relativement à la
prétention.

- La récusation est le droit accordé à un plaideur de faire écarter du siège, pour le jugement de
son procès, un juge dont l’impartialité à son égard peut légalement être suspectée. Il s’agit
d’un incident grave qui ne peut être invoqué que pour des motifs sérieux. C’est une mesure
individuelle, dirigée nommément contre un ou plusieurs des juges appelés à connaître du
procès et considérés individuellement.
74

Lorsque la « récusation » vise la totalité des magistrats d'un tribunal, on se trouve


en présence d'une demande de dessaisissement.

- Il y a lieu à dessaisissement ou renvoi pour cause de suspicion légitime lorsqu’il existe des
raisons suffisantes de mettre en doute l’impartialité d’une juridiction dans son intégralité.

- Le désaveu tend à faire décider qu'un mandataire « ad litem » (avocat ou autre) n'avait pas
reçu mandat de la partie au nom de laquelle il a agi ou a excédé les limites du mandat qu'il
avait reçu. Le désaveu est principal ou incident selon qu'il est formé en dehors de l'instance à
laquelle appartient l'acte qui en est l'objet, ou au cours de cette instance.

SECTION 3 : LES FINS DE NON-RECEVOIR


Les fins de non-recevoir sont des moyens de défense hybrides en ce sens qu'ils produisent le
même effet définitif qu'une défense au fond, mais se rapprochent des exceptions en ce que les
parties qui les opposent n'abordent pas le fond du litige. Elles constituent des moyens qui
tendent à faire décider que le demandeur n'a pas-ou n'a plus d'action, qu'il ne dispose pas - ou
a perdu-le pouvoir légal d'obtenir une décision sur le fond de sa prétention. En droit judiciaire
privé congolais, Michel Nzangi Batutu a consacré un ouvrage sur ce moyen de défense que
sont les fins de non recevoir109. Il s'agit essentiellement de l’exception de chose jugée, du non
respect d’un délai déterminé ou de forclusion, du défaut d'intérêt ou de qualité pour agir et
enfin de la prescription.

Alors que la fin de non-recevoir consiste à dénier le droit d'agir à l'adversaire, l'exception
péremptoire tend simplement à obtenir l'annulation d'une procédure irrégulière. La fin de non-
recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée peut être invoquée devant le juge du fond, en tout
état de cause, même pour la première fois en degré d'appel, mais elle ne peut être soulevée
d’office par le juge.

Les fins de non recevoir n'ont pas été énumérées ni organisées par le Code de procédure
civile, mais, comme nous l’avons indiqué, elles peuvent être notamment la prescription de
l'action, écoulement d’un délai, le défaut de qualité, le moyen tiré de l'adage « nul ne plaide
par procureur », la novelleté de la demande, le défaut de capacité, l'autorité de la chose jugée.

109
M. NZANGI BATUTU, Les fins de non-recevoir en droit judiciaire privé congolais, CDPS, Kinshasa,
2007.
75

DEUXIEME PARTIE: LA PROCEDURE A L'AUDIENCE

CHAPITRE I : L’INSTANCE

SECTION 1 : LA MISE AU RÔLE ET LE DOSSIER DE LA PROCÉDURE

§ 1. Le rôle général

I. Notions

Il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre où toutes les causes sont répertoriées
sous un numéro d'ordre. L'inscription de la cause à ce rôle général doit avoir lieu au plus tard
la veille du jour de l'audience pour laquelle l’assignation a été donnée.

Lorsque la cause est introduite par requête, la mise au rôle se fait au moment où le greffe
reçoit la requête, moyennant le paiement préalable des droits de rôle.

Lorsque la cause est introduite par comparution volontaire, la mise au rôle se fait dès que le
juge a acté la comparution des parties.

Le rôle général est un document authentique, qui est coté et paraphé par un magistrat.
L'inscription au rôle général, qui suppose le paiement d'un droit, parfait la saisine du tribunal :
l’assignation non inscrite dans le délai légal est de nul effet. La cause ou le dossier reçoit un
numéro d'ordre, qui lui servira de référence.

II. Radiation du rôle

La radiation du rôle, qui éteint l'instance et ne peut avoir lieu que de l'accord des parties, est
également prévue par le Code. Toute cause rayée du rôle général ne peut y être ramenée que
par une nouvelle assignation, sauf le droit des parties de comparaître volontairement. La
radiation du rôle a des effets moins étendus que le désistement d'instance. Elle éteint celle-ci.

§ 2. Le dossier de la procédure

Dès l'inscription au rôle d'une nouvelle cause, le greffier ouvre un dossier « de la procédure ».
Ce dossier permettra de retracer l'historique de la procédure depuis l'introduction de l'affaire
devant le tribunal jusqu'à la décision qui dessaisit le juge. Il permet aux magistrats du siège et
du Parquet de prendre connaissance avant l'audience des éléments des causes qui sont fixées.
Le dossier contient notamment l'acte introductif d'instance, les significations, conclusions,
procès-verbaux d'audience, et tous les actes établis par le juge, ainsi que les rapports
d'expertise, l'avis du Ministère public, la copie certifiée conforme des décisions rendues, etc.
76

Le dossier de la procédure suit l'affaire devant le juge qui en est saisi et, en cas de recours, est
transmis au greffe de la juridiction supérieure.

SECTION 2 : LA COMPARUTION ET LA REPRÉSENTATION


DES PARTIES À L’INSTANCE

§ 1. Notions générales

Le tribunal étant saisi de l'action en justice par l'assignation (éventuellement par la requête ou
la comparution personnelle des parties), le procès va pouvoir commencer. Après sa mise au
rôle pour le jour déterminé dans l'assignation en vue de la comparution des parties, le tribunal
siégera et le greffier appellera la cause en même temps que toutes celles qui sont fixées ce
jour là. Le greffier ou le juge chargé de l'audience énumère les causes suivant leur numéro
d'ordre figurant sur le rôle. Il appellera le nom de la ou des parties demanderesses, du ou des
défendeurs. A l’appel de la cause, plusieurs situations peuvent se présenter :

- Le demandeur ne répond pas à l'appel de son nom mais le défendeur répond ;


- Le défendeur ne répond pas à l'appel tandis que le demandeur répond ; 3
- Le demandeur et le défendeur répondent tous à l'appel de leur nom ;
- Ni le demandeur, ni le défendeur ne répondent.

Dans les deux premiers cas, le procès va se juger « par défaut ». Dans le troisième cas, le
procès sera déclaré « contradictoire » les deux parties présentant chacune leurs moyens à
l'appui de la thèse qu'elles défendent. Dans le quatrième cas, le tribunal prononcera d'office la
biffure de l'affaire puisqu'aucune des deux parties ne comparaît.
Arrêtons-nous un moment sur le procès contradictoire avant d’examiner le procès par défaut.

§ 2. Le procès contradictoire

I. L’instruction du litige

Pour ce qui est de la comparution des parties, toute personne peut se défendre elle-même en
justice devant toute instance judiciaire. Elle a aussi le droit de se faire assister ou, dans les cas
prévus par la loi, de se faire représenter devant les tribunaux.

L'article 5 de l'ordonnance-loi organique du Barreau n° 79-08 du 28 septembre 1979 dispose


en effet que « les membres du Barreau peuvent plaider et conclure devant toutes les
juridictions, sauf exceptions établies par la loi ». Ce qui veut dire que cette loi accorde aux
avocats le monopole de l'assistance en justice.

En matière civile, l'avocat peut d'ailleurs représenter la partie devant toutes les juridictions et
ce, sans devoir faire état d'une procuration. En effet, l'article 14 du Code de procédure civile
permet à la partie de comparaître « par un avocat, porteur de pièces », c'est-à-dire porteur de
l'assignation et du dossier composé des pièces qui seront soumises au tribunal par le
justiciable à l'appui de sa demande. Toutefois, dans la pratique judiciaire, l'avocat est cru sur
77

parole lorsqu'il prétend comparaître au nom d une partie que celle-ci soit demanderesse ou
défenderesse et les tribunaux ne lui demanderont jamais de démontrer qu'il est porteur de
pièces.

Les défenseurs judiciaires jouissent des mêmes droits que les avocats mais ne peuvent
représenter la partie devant toutes les juridictions. Leur pouvoir de représentation est limité
aux tribunaux de paix et tribunaux de grande instance (ordonnance-loi n° 79/08 du
28/09/1979, art. 123).

La cour suprême de justice considère qu'a été implicitement abrogé pour cause du monopole
reconnu aux avocats et aux défenseurs judiciaires, l'alinéa 2 de la partie de 14 du code de
procédure civile qui admet, dans certaines conditions, la représentation des parties par un
fondé de pouvoir agréé dans chaque cas par le Tribunal.

La loi qui accorde le monopole de la représentation devant les juridictions aux seuls membres
du Barreau ou du corps des défenseurs judiciaires consacre le principe « nul ne plaide par
procureur)». Viole ce principe, le jugement qui admet la représentation d'une partie par le fils
de cette dernière, porteur d'une procuration spéciale, mais qui n'est ni avocat ni défenseur
judiciaire.

La procuration donnée par la mère de la victime d'un accident de roulage pour la représenter
en justice ne permet pas au mandataire de représenter aussi la veuve et les enfants.

Le juge peut interdire à la partie de présenter elle-même ses conclusions et défenses si la


passion ou l'inexpérience l'empêche de s'exprimer avec la décence.

II. L’audience d’introduction

L’audience d’une affaire civile (ou même pénale) ne se décrit pas. Elle ne s’enseigne pas. Elle
se vit. Dans un palais de justice, il faut en effet pousser la porte d’une chambre d’un tribunal
où une affaire est fixée et s’installer dans le public pour observer et s’imprégner de cette
ambiance particulière où se jugent les faiblesses, les querelles, les incompréhensions, des
hommes et des femmes. De cet « imbroglio », à travers la loi plus ou moins sévèrement
appliquée, le juge doit trancher le litige tout en respectant le droit de chaque partie au procès.

Au regard des faits de la cause, chaque partie cherchera dans la loi ce qui peut l’aider à
argumenter et à étayer ses moyens pour convaincre le juge saisit du litige. A notre humble
avis et pour autant que les maux qui rongent actuellement la justice congolaise soient résolus,
une défense parfois technique, puisée dans le respect du droit et de la procédure, constituera
un des meilleurs remparts contre l’injustice.

En principe, en première instance, toutes les affaires sont introduites « à jour fixe ». Ainsi,
comme indiqué plus haut, au jour fixé par l’assignation, le greffier fait, à l'ouverture de
l'audience, l'appel des causes dans l'ordre de leur inscription au rôle général. Normalement,
même si, dans la pratique de beaucoup de juridictions congolaises, à l’audience d’introduction
78

l’affaire est remise au mois pour permettre aux parties de mettre le dossier en état d’être
plaidé (cette mise en état judicaire n’est pas formellement organisée par le législateur comme
c’est le cas par exemple en droit judicaire belge), les causes qui n'appellent que des débats
succincts et qui sont en état d'être jugées, il peut être statué sans dépôt de conclusions. Les
pièces et les éventuelles conclusions peuvent être communiquées jusqu'à la clôture des débats.

Il est ainsi possible d'obtenir dès la première audience :

- de plaider, si l'affaire est simple et que l'adversaire est présent ;


- de prendre jugement par défaut si l'adversaire est absent ;
- d'obtenir une remise « à date fixe », qui permettra éventuellement de prendre défaut
ultérieurement.

En cas d'accord des parties, à notre avis, cette procédure doit, en principe, être admise. S'il
s'avère toutefois que, nonobstant l'accord des parties, les débats ne sont pas succincts, il
appartient au juge de renvoyer l'affaire au rôle général ou au mois pour sa mise en état.

III. La communication des dossiers

Les parties sont obligées de se communiquer réciproquement au moins trois jours avant
l'audience des documents dont elles veulent faire état. Doivent dès lors être rejetés des débats
des documents qui n'ont pas été communiqués à la partie adverse. La partie à qui un document
dont il est usé en justice n'a pas été préalablement communiqué dispose de l'exception de
communication des pièces. En effet, en application du principe contradictoire, chacun des
plaideurs est tenu de communiquer à l'autre toutes et chacune des pièces qu'il entend utiliser
au cours de
l'instance. Cette règle s'étend aux pièces qui sont utilisées au cours des opérations d'expertise,
aux notes et mémoires déposés à la suite des plaidoiries.

Les pièces communiquées deviennent communes aux parties, chacune d'elles pouvant les
invoquer au mieux de ses intérêts. Il ne peut être fait état des pièces non valablement
communiquées. L'expression « avant l'audience » signifie l'audience à laquelle l'affaire est
plaidée et non l'audience d'introduction à laquelle l'affaire est appelée pour la première fois.

La loi prévoit que la communication des pièces se fait entre parties via leurs conseils, soit
directement, soit par la voie du greffe. Lorsque la communication se fait par l'intermédiaire du
greffe, il est préférable de remettre au greffier les documents et de lui faire signer un
inventaire pour éviter la disparition des pièces. Par ailleurs, avant de les communiquer, les
pièces doivent être inventoriées. En outre, celles qui sont communiquées tardivement ou non
communiquées, sont écartées des débats. Le juge ne peut y avoir égard, sauf accord des
parties. Il est bien dommage que le Code de procédure civile soit muet quant au délai imparti
pour la communication des pièces.
79

IV. Conclusions et plaidoiries

Dans les causes qui ne sont pas retenues à l'audience d'introduction, les parties doivent
conclure. Les conclusions sont des écrits sous seing privé, signés soit par la partie soit par son
conseil, soumis au juge au cours des débats et dans lesquels les parties exposent leurs
prétentions ainsi que les moyens de droit et de fait qu'elles invoquent à l'appui de celles-ci.

Les conclusions reprennent en les précisant les faits invoqués et l'objet de la demande. Elles
comprennent en général quatre parties :
- l'identification précise des parties la cause ;
- l'exposé des faits ;
- les prétentions et les moyens de fait et de droit ;
- le dispositif, qui est le résumé des prétentions de la partie qui les a rédigées. Le
dispositif reprend précisément ce qui est demandé au juge.

L'original signé des conclusions est déposé au greffe pour être joint au dossier de procédure.
Le dépôt des conclusions au greffe vaut signification. Seul ce dépôt de celles-ci produit les
effets de la signification. Les conclusions doivent en outre être adressées en copie à la partie
adverse ou à son avocat. Entre parties, aucune règle ne régit le mode de communication ou
d’envoi des Conclusions, mais comme indiqué, elles devront être déposées au greffe.

Lorsque les parties ont toutes deux comparu au premier appel de la cause et que le litige a été
renvoyé à une audience ultérieure pour permettre la communication des pièces, c’est la partie
demanderesse qui va communiquer son dossier au défendeur ou à chacun d'eux s'ils sont
plusieurs. Le défendeur va alors répondre aux moyens invoqués dans l'assignation. Il le fera
par le développement écrit ou verbal des moyens qu'il invoque en réponse aux prétentions du
demandeur. Celui-ci pourra répondre à son tour et son adversaire pourra à nouveau répliquer
s'il le désire. Les parties peuvent ainsi se répondre mutuellement et indéfiniment sauf si le
tribunal s'estime suffisamment éclairé et décide de clôturer les débats. Le développement
verbal ou écrit de l'argumentation de parties en cours d'instance s'appelle, comme nous
l’avons indiqué plus haut, des « conclusions ».

L'article 15 du Code de procédure civile prévoit que « les parties sont entendues
contradictoirement. Elles peuvent prendre des conclusions écrites ». Mais l'exposé des motifs
indique clairement que les parties ont toujours le droit de prendre des conclusions orales et
que le greffier, en vertu des devoirs de sa charge, doit les acter à la feuille d'audience. Lorsque
les parties ont échangé leurs conclusions écrites et qu'elles estiment l'affaire en état en ce sens
que tous les arguments qu'elles désirent faire valoir ont été invoqués, la cause est fixée pour
plaidoiries, c'est-à-dire le développement verbal de leurs conclusions. Si les conclusions
prises sont verbales, la partie fait acter le résumé de ses moyens par le greffier puis passe à la
plaidoirie en les développant de façon telle que le tribunal les comprenne bien et soit au fait
de la cause. Si l'une des parties tarde trop à mettre l'affaire en état, l'autre peut toujours
demander au tribunal de retenir l'affaire et il appartient au juge de décider si l'une des parties
80

emploie des moyens dilatoires. Le jour de l'audience fixé pour les plaidoiries, les parties
déposent leurs conclusions écrites si elles les ont rédigées. Ces conclusions sont visées par le
greffier ou le juge car la date du dépôt des conclusions peut avoir une très grande importance.
Elles déposent également leurs dossiers qui seront versés dans le dossier de la cause ouvert
par le greffier.

Des conclusions déposées au greffe après le délai doivent être rejetées pour ne pas violer le
principe du contradictoire.

Quant aux plaidoiries, celles-ci sont un moment particulier du procès. Certains praticiens
l’appréhendent, d’autres en raffolent. Lorsque, en tant que praticien, le juge vous accorde la
parole en tant qu’avocat ou défenseur judiciaire, il faut savoir que ce que vous allez dire est
important, mais la façon de le dire aussi est tout autant. A vrai dire, tout se joue dans les cinq
premières minutes.

Il faut garder à l’esprit que vos interlocuteurs, votre auditoire vous regardent et vous écoutent.
Ils voient vos gestes, entendent votre voix et écoutent le contenu de votre message. Leur
cerveau évalue votre prestation et se livre à une analyse de cohérence. S'ils concluent que vos
gestes, le ton et le débit de votre voix ne concordent pas avec votre discours, vous perdrez leur
attention et votre crédibilité ! Même si les arguments contenus dans les conclusions écrites
sont pertinents, cela ne suffit pas toujours, encore faut-il convaincre les juges que l’on a raison
en explicitant oralement ce que l’on a écrit !

Les plaidoiries sont pour le profane, la quintessence du travail d'avocat. En réalité ce n'est
plus le cas aujourd'hui car, avant de pouvoir plaider une affaire, l'avocat fournit un gros travail
d'étude et de recherches, ainsi qu'un suivi important du client. Mais il est vrai que les
plaidoiries restent un moment important du dossier, tant objectivement que subjectivement.
En effet, pour le client, les plaidoiries sont fondamentales, elles permettent de présenter son
vécu, la réalité de sa situation, de réagir à l'attitude de l'autre partie si cela est nécessaire.

Pour le tribunal, les plaidoiries présentent le dossier, lui en donnent une image, lui permettent,
le cas échéant, un échange éclaircissant des points que les écrits n'avaient pas pu faire
apparaître. Et il est possible oralement de dire des choses que l'on ne peut écrire, de l'ordre
souvent du ressenti. En outre, plaider c'est aussi l'occasion pour les dossiers très complexes,
de présenter les choses différemment de sorte que le juge ait plusieurs éclairages, mais
surtout, c'est selon le type d'audience que changent les plaidoiries et il faut un vrai rapport de
confiance entre l'avocat et son client.

Il faut dire que si dans un divorce au fond par exemple, on plaide sur la base des arguments
échangés préalablement, sans surprise, il en va différemment des audiences de non
conciliation, de référé, ou d'enfants naturels. Là c’est l'échange qui créé la plaidoirie et si l'on
a un canevas avant de partir du cabinet, il faut l'adapter en fonction de la situation, des
réactions des uns et des autres, pour bien faire comprendre la position du client. C'est un
81

exercice qui nécessite une grande concentration et une connaissance parfaite de son dossier et
de la matière pour ne pas se faire surprendre. C'est un moment d'adrénaline ou il ne faut
jamais se départir du respect du client, des personnes présentes et demeurer concentrer.

Pour le client présent c'est un moment fort et douloureux, il a besoin de l'aide et du soutien de
son avocat et cela joue fortement sur le moral de ceux qui sont concernés.

Être un plaideur, c'est aussi en avoir conscience et savoir s'adapter au besoin particulier de
chaque client, de chaque dossier tout en gardant sa combativité.

V. Clôture des débats et délibéré

Lorsque les parties ont été entendues, le juge prononce la clôture des débats et prend la cause
en délibéré. La cause est en état d'être jugée. Dès que le délibéré a commencé, il est interdit de
déposer de nouvelles conclusions ou de procéder à des devoirs d'instruction. Le juge déclare
que les débats sont clos et qu'il prend l'affaire en délibéré. Il peut rendre son jugement
immédiatement après l'avis du Ministère public s'il y a lieu ou il annonce la date à laquelle il
rendra son jugement en audience publique.

Dans la pratique, le juge demandera l'avis du Ministère public qui va requérir s'il estime utile
la communication des dossiers pour donner ensuite un avis écrit. Dans ce cas, le juge ne fixera
pas la date à 1aquelle il rendra son jugement. Il avisera simplement qu'il statuera après avis du
Ministère public et ultérieurement. Il profitera alors d'une audience pour entende l'avis du
Ministère public et prendre l'affaire en délibéré pour rendre son jugement.

En principe, le délai endéans lequel le juge doit prononcer son jugement est fixé par l'Arrêté
portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets. Le jugement doit intervenir, au
plus tard, dans les quinze jours en matière du droit privé, fiscal, administratif et du travail (art.
38). Dans la pratique, cette disposition n'est pas respectée par les cours et tribunaux congolais.
Mais, si le juge tarde trop, il pourra recevoir sur plainte de l'une ou l'autre des parties, les
observations de la juridiction supérieure qui possède le droit de surveillance sur la juridiction
inférieure. Si le juge refuse de rendre jugement, il commet « déni de justice ». Il peut être
poursuivi suivant la procédure de la « prise à partie ».

VI. Réouverture des débats

Le juge peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner la réouverture des débats, soit d'office soit à la
demande des parties ou de l'une d'elles. Dans certains cas, le juge doit ordonner la réouverture
des débats.

1. A la demande d'une partie

Pour que la réouverture des débats ait lieu à la demande d'une partie, il faut que celle-ci ait
comparu-donc qu'elle n'ait pas été défaillante-et que soit découvert une pièce ou un fait
nouveau et capital susceptible d'influencer la décision. Ni la découverte tardive d'un
82

document, ni la consultation d'un nouvel Avocat ou d’n défenseur judiciaire ne constituent des
motifs suffisants pour solliciter la réouverture des débats.

2. Ordonnée d'office par le juge

Le juge peut, en cours de délibéré, estimer n'être pas assez informé ou éclairé sur la cause et
dans ce cas, rouvrir les débats en sollicitant des parties qu'elles s'expliquent plus avant sur tel
ou tel autre point qu'il précise dans le jugement de réouverture des débats. Cette décision
d’ordonner la réouverture des débats est susceptible d’appel.

Après la réouverture des débats, le cas échéant, le Ministère public donnera à nouveau son
avis. L'affaire sera ensuite à nouveau mise en délibéré. Les nouveaux débats sont toutefois
strictement limités à la question faisant l’objet de la réouverture des débats. Lors de la
réouverture, le siège doit être composé par les juges qui ont assisté aux audiences antérieures.
A défaut, les plaidoiries doivent être complètement reprises.

VII. Communication au ministère public

1. Notions

En matière civile, le ministère public a toujours la faculté d'examiner le dossier d'une affaire
et d'émettre son avis à l'audience sur les bancs. Dans certains cas, la communication de la
cause doit obligatoirement lui être faite. Il faut garder à l’esprit que le ministère public n'est
pas partie au procès : il intervient pour assister le juge, lui faire connaître son avis qui,
toutefois, ne le lie pas. Il assiste à toutes les audiences de la Cour de cassation, des cours
d'appel, des tribunaux de grande instance, des tribunaux de commerce, des tribunaux de
travail, des tribunaux pour enfants et des tribunaux de paix110. L’avis du ministère public est
obligatoire ou facultatif. En effet, dans de nombreux cas, cet avis est obligatoire sur la cause
préalablement au délibéré.

2. Les causes communicables

Dans de nombreuses situations, la communication du dossier au Parquet s’impose. Il en est


ainsi dans les causes suivantes111 :
a) les causes concernant l’Etat, les provinces, les entités territoriales décentralisées, les
établissements et les entreprises publiques. L'obligation de communiquer ces litiges pour avis
vient de ce que le ministère public doit étroitement surveiller les intérêts des personnes
publiques afin que celles-ci ne soient pas lésées à l'occasion d'une action en justice dirigée
contre elles. Le ministère public aura donc obligation d'éclairer le tribunal chaque fois qu'un
justiciable, s'estimant lésé dans ses droits civils, assigne une personne publique en réparation
du préjudice qui lui a été causé.

110
Article 66 in fine de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement, et
compétences de juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 11 avril 2013.
111
Article 69 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement, et
compétences de juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 11 avril 2013.
83

b) les procédures relatives à l’absence des personnes, aux actes de l’état civil, à l’ouverture,
à l’organisation et au fonctionnement des tutelles, la mise sous conseil judiciaire ainsi que les
litiges relatifs aux successions. La loi cite les procédures relatives à l'absence des personnes,
aux actes de l'état civil, à l'ouverture, à l'organisation et au fonctionnement des tutelles ainsi
que la mise sous conseil judiciaire et les litiges relatifs aux successions. Il n'a pas paru
nécessaire au législateur congolais de reprendre tous les litiges en matière de mariage, divorce
ou filiation puisque pour ceux-ci le Code prévoit que le ministère public doit obligatoirement
donner son avis.

c) les demandes qui intéressent les mineurs, les interdits et les personnes placées sous
curatelle ou qui concernent l’administration du patrimoine des faillis. La loi cite les mineurs,
interdits et personnes placées sous curatelle; les demandes qui intéressent les mineurs, les
interdits, les femmes mariées non autorisées par leur conjoint et les demandes qui concernent
l'administration du patrimoine des faillis.

d) les déclinatoires sur incompétence, litispendance ou connexité et les renvois des


juridictions. La communication au ministère public ici est obligatoire car les règles de
compétence ratione materiae sont d'ordre public. Si le litige fait naître une question de
compétence territoriale, le ministère public devra donner un avis car si l'on peut parfois
déroger à ces règles, le parquet devra nécessairement examiner si cette dérogation est
autorisée compte tenu de ce qu'elles peuvent, dans certains cas, être d'ordre public. Il en est de
même des conflits à raison de la litispendance et de la connexité qui touchent à l'ordre public.

e) les actions civiles introduites en raison d’un délit de presse. Elles peuvent mettre en jeu
l'honneur ou la considération des personnes et à ce titre, appartiennent à l'ordre public.

f) les récusations, prises à partie, règlement des juges, requêtes civiles et faux incidents civils.
Ces procédures particulières relèvent nécessairement de l'ordre public puisqu'elles se
rapportent soit à la composition du tribunal (récusation) soit au déni de justice, au dol ou à la
concussion commise par un juge à l'occasion d'un litige qu'il doit trancher (prise à partie), soit
parce qu'il s'agit d'un conflit de compétence interne (règlement de juges), d'une voie de
recours extraordinaire (requête civile) ou de la contestation civile portant sur un acte
authentique argué de faux (faux incident civil).

Les procédures de prise à partie et de règlement de juge doivent toujours être jugées devant la
Cour de cassation et, devant cette juridiction, l'avis du ministère public est toujours
obligatoire.

g) les procédures en matière de faillite ou de concordat judiciaire. La législation sur le


concordat judiciaire et les faillites démontre que la loi a chargé le ministère public de
contrôler la liquidation des faillites, de suivre de près cette procédure et la gestion du curateur
chargé de réaliser l'actif du failli et de procéder au paiement des créanciers qui ont été
reconnus. Il est donc normal que le ministère public assiste à toutes les audiences qui
concernent la faillite et donne son avis dans toutes les actions judiciaires que le curateur
84

intente au nom du failli. Il en est de même pour toutes les opérations relatives au concordat
préalable ou postérieur à la faillite.

h) les contestations relatives au droit du travail et au régime de la sécurité sociale des


travailleurs. Les dispositions légales relatives au droit du travail sont pratiquement toutes
d'ordre public. Elles sont impératives, le législateur s'étant depuis quelques années fortement
immiscé dans les relations entre employeurs et travailleurs. Aussi, le ministère public a-t-il
pour obligation de veiller au respect de ces règles puisque l'ordre public peut être en péril dans
presque toutes les contestations de cette matière dont la complexité se manifeste à travers de
nombreux litiges. Quant aux règles de la sécurité sociale, elles sont toutes impératives.

i) les causes mues par les personnes qui sont admises soit comme indigentes, soit comme
inaptes à ester ou à se défendre en justice chaque fois que l’assistance judiciaire a été
accordée. Le ministère public pourra agir par voie d'action principale soit en demandant soit
en défendant pour toute personne physique lésée qui serait inapte à ester en justice ou à
pourvoir à sa défense. Le ministère public pourra se décharger de cette tâche en faisant
désigner par le Président de la juridiction qui sera saisie du litige, un avocat ou un défenseur
judiciaire chargé d'assister ces personnes en justice. Il est dès lors normal que, lorsqu'en raison
de l'importance des pouvoirs de sa charge, le ministère public abandonne l'assistance des
inaptes ou des indigents, il puisse surveiller le déroulement du procès et donne son avis quelle
que soit la nature du litige

L’avis du ministère public est donné par écrit dans les trente jours après que la cause lui ait
été communiquée, à moins qu’en raison des circonstances de l’affaire, il puisse être émis
verbalement sur les bancs ; dans ce cas, l’avis est acté à la feuille d’audience. Aussi, si l’avis
n’est pas donné dans ce délai, le chef de la juridiction fait obligation au chef d’office de
ramener le dossier en l’état et la cause est prise en délibéré. La décision rendue mentionne que
l’avis du ministère public n’a pas été donné dans le délai112.

Après avoir passé ces différents éléments du procès contradictoire en revue, il convient à
présent de se pencher sur le procès par défaut. Son importance nécessite que nous puissions
l’étudier de manière exhaustive.

112
Article 69 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement, et
compétences de juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 11 avril 2013.
85

CHAPITRE II:
L'INSTRUCTION DE PROCEDURE PAR DÉFAUT

SECTION 1 : NOTION DE DÉFAUT


Alors que le jugement contradictoire est celui qui est rendu après que les parties aient fait
valoir leurs moyens en déposant leurs conclusions, en comparaissant et en plaidant, le
jugement par défaut est celui qui est rendu alors qu'une partie n'a pas comparu, pas conclu ou
pas plaidé.

Le défaut peut se produire dans le chef du demandeur et dans celui du défendeur. La nature du
jugement se détermine par l’état de la procédure ainsi que par les caractères fixés par la loi et
non par la qualification qu’il lui est donné par le juge ou par les parties. Il en résulte que le
juge qui qualifie sa décision de jugement ou arrêt contradictoire, réputé contradictoire ou par
défaut n’en modifie pas la véritable nature.

En droit congolais, le défaut n'est pas considéré comme une attitude pouvant être sanctionnée,
bien que l'on estime que bon nombre de défauts traduisent en réalité une manœuvre dilatoire.
A vrai dire, le défaut reste l'exercice normal d'un droit, ce qui explique d'ailleurs que
l'opposition est une voie de recours ordinaire (ainsi par exemple, une partie peut être à
l’audience et volontairement choisir de faire défaut. C’est son droit). En aucun cas, il ne peut
se déduire du défaut d'une des parties qu'elle acquiesce à la prétention de l'autre. C’est
d’ailleurs pour cela que la partie défaillante qui fait opposition ne doit nullement expliquer les
raisons de son absence à l'audience, mais bien faire valoir dans son acte d’opposition les
motifs de fond qu'elle invoque (au civil, une opposition qui n’est pas motivée sera rejetée pour
défaut de motivation). Du reste, le défaut est considéré comme une contestation de la
recevabilité et du fondement de la demande.

SECTION 2 : LA PROCÉDURE PAR DÉFAUT


Comme nous l’avons relevé supra, le défaut peut se produire aussi bien dans le chef du
demandeur que dans celui du défendeur.

§ 1. Le défaut du demandeur

Lorsqu'il constate que le demandeur n'est pas présent ou représenté, le défendeur peut prendre
ses « avantages ». Il pourra demander au juge soit le défaut-congé, soit la constatation du
défaut et la remise pour le profit à une date ultérieure, soit encore un jugement sur le fond du
litige.
86

I. Le défaut-congé

A ce sujet, l’article 17 du CPC dispose que : « Si le demandeur ne comparaît pas, le défendeur


peut demander défaut-congé sans qu'il soit statué au fond. Cette décision éteint l'instance. La
prescription demeure toutefois interrompue par l'assignation » (CPC, art.17). Dans ce cas, il
suffira au demandeur de réintroduire une nouvelle assignation, de la faire enrôler et de
comparaître. Il sera alors plaidé sur l'action en justice contradictoirement. Le défaut-congé va
produire certaines conséquences qui sont prévues par l'article 17 du Code de procédure civile :

- l'instance est éteinte, ce qui signifie que le demandeur ne perd pas ses droits mais qu'il doit
introduire une nouvelle action instance s'il veut voir statuer sur sa demande en justice.

Jugé que l'arrêt de défaut-congé éteint l'instance et que par cet arrêt, la Cour d'appel vide sa
saisine. Il faut donc à l'appelant originaire de former un nouvel appel, s'il se trouve encore
dans le délai, pour relancer la cause mais non se contenter de la notification du premier appel
suivie de l'assignation à comparaître sur cet appel. L'extinction de l'instance a également pour
effet d'empêcher le demandeur d'utiliser les voies de recours : opposition et appel ;

- la prescription demeure interrompue par l'assignation. Il s'agit là d'un effet bénéfique pour le
demandeur. S i le défendeur prend défaut-congé, le demandeur ne perdra pas ses droits même
si l'action a été introduite à une date proche de l'expiration du délai. Il aura donc tout le temps
voulu pour la réintroduire sans voir ses droits définitivement compromis par la prescription.

Il importe donc de relever que la procédure de défaut-congé, sanctionnant la non comparution


du demandeur, n'est pas conditionnée par la communication des pièces entre parties. Par
ailleurs, il existe une différence entre le défaut-congé et la biffure. Celle-ci est une pratique
des Cours et tribunaux sanctionnant la non comparution des parties dûment appelées au
procès. Elle est une simple mesure administrative qui n'emporte pas, comme le défaut-congé,
une péremption d'instance ; elle ne nécessite pas un nouvel appel ni une nouvelle consignation
de frais pour ramener la cause au rôle.

II. Constatation du défaut et profit ultérieur

Dans cette hypothèse, le défendeur va plus loin car, le défaut du demandeur l'a surpris. Il
demandera dès lors au tribunal de prendre acte du défaut et sollicitera une remise de la cause
pour plaider au fond. C'est ce qu'on appelle « remise pour le profit ». Si le défendeur n’est pas
un procédurier et qu'il a intérêt à introduire une demande reconventionnelle par exemple, il
peut consentir, lors de l'audience de remise et si le demandeur y est présent, à rabattre le
défaut c'est-à-dire, de renoncer au défaut qu'il avait fait acter lors de l'audience précédente. Le
procès devient alors contradictoire.

III. Demande de jugement

Dans ce cas, le défendeur va faire vider le litige et le demandeur n'aura d'autre choix que
d'utiliser les voies de recours prévues par la loi, c'est-à-dire, l'opposition, voire directement
87

appel. 0n dit, dans ce cas, qu’il y a défaut profit joint. En général, le tribunal se contentera de
dire dans son jugement que l’action du demandeur n'est pas fondée.

§ 2. Le défaut du défendeur

I. Le défaut de comparaître

L’alinéa 2 de l’article 17 du CPC porte que : « si le défendeur ne comparaît pas, il est fait
défaut et les conclusions du demandeur sont adjugées si elles se trouvent et bien vérifiées »
(CPC, art. 17 al.2).

Le demandeur pourra solliciter du tribunal d'acter le défaut et en tirera profit. Mais il a surtout
intérêt à postuler un jugement au fond pour obtenir que l'action en justice soit tranchée.
Cependant, le législateur a obligé le juge à n'allouer le profit que si les conclusions du
demander sont justes et bien vérifiées. C'est dire que le juge doit se substituer au défendeur
pour vérifier le fondement de la demande. Dans ce cas, si le défendeur est condamné, il peut
faire opposition. Il n'en sera pas de même si le demandeur, après avoir requis le défaut du
défendeur, voit son action déclarer non fondée ou non recevable. La seule solution qui lui
reste, c'est d'interjeter appel du jugement.

II. Défaut faute de conclure

L'article 19 du Code de procédure civile dispose que : « Lorsqu'après avoir comparu, le


défendeur ne se présente plus ou s'abstient de conclure, le demandeur peut poursuivre
l'instance après sommation faite au défendeur. Cette sommation reproduit le présent article.
Après un délai de quinze jours francs à partir de la sommation, le demandeur peut requérir
qu'il soit statué sur sa demande : le jugement est réputé contradictoire ».

De cette disposition légale, il en ressort d’une part que le demandeur ne peut sommer que
lorsque le défendeur, après avoir comparu, a cessé de se présenter ou se s’abstient de conclure
et, d’autre part, la sommation se fait par voie d'huissier. La sommation a pour finalité d’éviter
des retards dans l'instruction de la cause. Elle ne constitue pas une violation de l'article 15 du
Code de procédure civile qui énonce que les parties sont entendues contradictoirement.

Mais il faut retenir que le demandeur n'est pas obligé d'employer la procédure prévue par
l'article 19 du Code de procédure civile. Il peut toujours requérir le défaut faute de
comparaître même si le défendeur cesse de comparaître après l'avoir fait ou s'il s'abstient de
conclure. Il a donc le choix de solliciter le défaut ou d'accomplir les formalités nécessaires
pour rendre le jugement contradictoire.

III. Le défaut en cas de pluralité de défendeurs

Lorsqu’il y a plusieurs défendeurs dont certains comparaissent et d'autres non, le Code de


procédure civile prévoit que le tribunal, à la demande d'une des parties comparantes, peut
remettre l'affaire à une date qu'il fixe. Il est fait mention au plumitif de l'audience tant de la
non comparution des parties absentes que de la date de la remise. Le greffier avise toutes les
88

parties, par lettre recommandée à la poste, de la date de la remise, en leur signalant que le
jugement à intervenir ne sera pas susceptible d'opposition. Il est statué par un seul jugement
réputé contradictoire entre toutes les parties, y compris celles qui, après avoir comparu, ne
comparaîtraient plus (CPC, art. 18).

Le jugement est ainsi réputé contradictoire parce que, comme cela ressort de l'exposé des
motifs de la loi, cette procédure « est destinée tant à prévenir les complications de procédure
et les risques de décisions contradictoires que d'éviter les défauts purement dilatoires ». En
effet, si l'un des défendeurs est jugé par défaut et l'autre contradictoirement, il y a peu de
chance que la décision à leur égard respectif soit rendue en même temps. Le défaut réclame
généralement une instruction moins longue que le procès contradictoire. Dès lors, le juge peut
être différent et les jugements rendus différemment, les conceptions pouvant varier d'un
magistrat à l'autre. C'est ce que le législateur a voulu éviter.
89

TROSIEME PARTIE : LA PREUVE EN MATIERE CIVILE

CHAPITRE I: NOTIONS

SECTION 1: DÉFINITION
Prouver, au sens courant du mot, c'est faire apparaître quelque chose comme vrai et
certain. C'est établir la réalité d'un fait ou d'une assertion. Dans le domaine du droit, prouver,
c'est établir le fondement d'une prétention, c'est faire la démonstration de sur quoi l'on se
fonde pour faire valoir un droit113. La preuve est la démonstration, dans les formes admises
par la loi, de la vérité d'un fait ou d'un acte juridique, qui est affirmé par l'une des parties et
nié par l'autre.

On s'accorde généralement pour dire que la preuve se situe sur le plan judiciaire. Et de
fait, celui qu'il faut convaincre en dernière analyse c'est le juge. Dans le langage des
tribunaux, le mot preuve désigne la production d'éléments susceptibles d'entraîner la
conviction du juge. C'est en ce sens qu'on parle de la charge de la preuve.

Le droit de la preuve est défini comme étant le droit de toute partie au procès de, d'une
part, produire les preuves dont elle dispose et, d'autre part, solliciter que les preuves dont elle
ne dispose pas soient rassemblées, par l'exécution des mesures d'instruction adéquates. On
peut admettre qu'il s'agit d'un avatar du principe du procès équitable. En effet, la cause n'est
pas entendue équitablement lorsqu'une partie est privée de son droit à la preuve114.

SECTION 2: QUALITÉ DE PREUVES ADMISSIBLES EN JUSTICE


Toutes les preuves peuvent être présentées en justice mais certaines d'entre elles
peuvent être rejetées par le juge étant donné qu'elles sont illégales ou déloyales. En effet,
l'arbre empoisonné ne peut donner que des fruits toxiques, la preuve illégale ne peut
engendrer que des modes de preuves illégaux. Or, tous les éléments de preuve qui se fondent
sur l'instrument de preuve illicite devaient être écartés par voie de conséquence et tout ce qui

113
R. MOUGENOT et D. MOUGENOT, La preuve, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2002, n° 2, p. 63.
114
J. VAN COMPERNOLLE, "L'incidence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme sur
l'administration de la preuve dans le procès civil", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête
de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n° 14, pp. 7 et s.
90

en découle115. Les preuves irrégulières sont nulles car l'irrégularité commise entache la
fiabilité de la preuve116. Ainsi donc, une preuve obtenue lors de vol est irrégulière et doit être
écartée par la justice117.

SECTION 3: LA CHARGE DE LA PREUVE


La charge de la preuve est la nécessité pour chacune des parties de fonder, par des
moyens de preuve légalement admis, la conviction du juge quant à l'exactitude des faits
concluants sous peine de perdre le procès. La charge de la preuve désigne celle des parties
qui, faute de preuve, doit perdre son procès; l'incertitude ou de le doute subsistant à la suite de
la production d'une preuve doivent être retenus au détriment de celui qui a la charge de cette
preuve.

En effet, il ne suffit pas d’attraire une personne en justice pour obtenir gain de cause. Pour
convaincre le juge du bien fondé de sa cause, le demandeur doit apporter la preuve de ses
allégations, d’où l’adage « actori incumbit probatio » (la preuve incombe à celui qui agit). En
effet, toute partie a la charge de prouver les faits qu'elle allègue. Toute partie qui avance un
fait doit en apporter la preuve. Celui qui devrait prouver et qui a échoué perd le procès, celui
réclame la réparation d'un dommage doit apporter la preuve de ce dommage; en conséquence
l'incertitude ou le doute subsistant à la suite de la production d'une preuve doivent être retenus
au détriment de celui qui a la charge de cette preuve.

Les règles relatives au fardeau de la preuve s'appliquent également en matière de


l'environnement électronique118. Cette preuve peut être établie de plusieurs manières que nous
allons examiner dans les lignes qui suivent.
L'étude des modes de preuves admis et de la force de chacun d'eux relève du droit des
obligations (nous y renvoyons). Le tribunal jugera donc le différend dont il est saisi selon les

115
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2.
Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.5, p. 467.
116
Voyez N. COLETTE-BASECQZ, "Les dernières évolutions concernant les preuves irrégulières en matière
pénale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis,
2013, pp.9 et s.; N. COLETTE-BASECQZ et N. BLAISE, Manuel de droit pénal général, Limal, 2 ème éd. Anthémis,
2013, p.417.
117
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.6, p. 471.
118
H. JACQUEMIN, "Preuve et services de confiance dans l'environnement numérique", J.-HENROTTE et F.
JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, p. 42.
91

règles de preuve applicables à la nature du litige. Mais, comme nous venons de l’indiquer, la
charge de la preuve incombe à celui qui l’allègue. Diverses règles de droit judiciaire privé
président à la charge et à l'administration de la preuve.

Il convient de préciser qu'en matière civile, aucun plaideur ne peut se retrancher dans le
silence et l'abstention, sous le prétexte que la charge de la preuve incombe à son adversaire,
s'il dispose d'éléments dont ce dernier pourrait se prévaloir. Ainsi, chacune des parties a la
charge de prouver les faits qu'elle allègue et les parties doivent collaborer loyalement au
déroulement du procès et à l'administration de la preuve, en apportant aux débats les éléments
de preuve qui seraient en leur possession, le tout sous le contrôle du juge. Il s'agit d'un devoir
collaboration à l'administration de la preuve. Ainsi aucune des parties ne peut se retrancher
derrière le fait qu'elle ne supporte pas la charge de la preuve pour refuser de produire les
éléments de preuve dont elle dispose et qui sont utiles à la solution du litige.

Cependant, l'obligation de collaborer à l'administration de la preuve doit être soumise à


certaines conditions sous peine de dégénérer en un droit d'inquisition. Elle ne portera dès lors
que sur les faits ou documents précis et pertinents dont la connaissance est utile à la solution
du litige119. A titre d'exemple, la preuve de la communication des pièces, qui dans un débat
loyal, de devrait pas générer de difficultés, est, dans la pratique, une cause fréquente
d'incident, faute de rigueur. En effet, chaque avocat qui communique des pièces, doit
normalement les inventorier et les coter qu'il verse aux débats et dont il remet une copie au
tribunal; ainsi les parties adverses et le juge sont à même de s'assurer de la réalité de la
communication des pièces.

En vertu du caractère accusatoire de la procédure civile, il appartient au demandeur de


proposer les preuves dont il entend faire état pour démontrer la réalité des faits et des actes sur
lesquels il fonde sa demande. Le mot "demandeur" concerne le demandeur d'instance
originaire et le demandeur " de demande reconventionnelle". Chaque partie, dès lors qu'elle
est "demandeur", doit apporter le preuve de ce qu'elle allègue. De même, le défendeur à
l'instance a la qualité de demandeur au sens de la preuve à l'égard des exceptions qu'il soulève
119
G. DE LEVAL, "Les techniques d'approche de la vérité judiciaire en matière civile", in G. DE LEVAL (sous
direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, volume 126, Liège,
éd. Anthémis, 2011, pp. 42-43.
92

en défense. C'est ce qu'exprime l'adage Reus in excipiendo fit actor, lequel est le pendant de
l'adage « actori incumbit probatio »120. Le juge a le pouvoir et le devoir d'en apprécier la
force probante. La valeur probante d'une preuve est son aptitude à empoter la conviction du
juge. C'est son caractère convainquant, la crédibilité, la confiance, le crédit que le juge peut
lui accorder en conscience.

SECTION 4: RÔLES RESPECTIFS DU JUGE ET DES PARTIES


Le droit judiciaire moderne reconnaît au juge un rôle actif dans l'administration de la
preuve. Il n'est plus inactif comme dans le passé puisqu'il intervient notamment pour s'assurer
du respect de la contradiction ou pour trancher les incidents liés à la communication des
pièces. Il peut aussi être sollicité pour ordonner une mesure d'instruction lorsque les parties ne
disposent pas d'un élément de preuve directement probant. Mais le juge peut également
intervenir de son propre chef. Il dispose aujourd'hui d'une marge d'initiative importante, en
particulier pour concourir à l'établissement de la vérité des faits litigieux. Il peut solliciter la
production d'éléments de preuve complémentaire ou ordonner d'office toutes les mesures
d'instruction s'il s'estime insuffisamment éclairé. Il n'est tenu par les offres de preuves
formulées par les parties lorsqu'elles s'avèrent insuffisantes. En outre, le juge peut exécuter
lui-même la procédure de réception des preuves (descente sur les lieux, interrogatoire des
témoins ou des parties). On s'éloigne fort du modèle accusatoire, dans lequel l'administration
de la preuve repose presque intégralement sur les parties. C'est pourquoi, la doctrine pense
que la procédure civile présente aujourd'hui les traits marqués de caractère inquisitoire 121.

C'est ce sens que le juge peut ordonner toutes les mesures d'instruction qui apparaissent
utiles et apprécie l'opportunité d'une mesure d'instruction, en cas de désaccord des parties. En
revanche, lorsque les parties sont unanimes, le juge est tenu par l'accord procédural122.
Les parties déterminent en principe librement les pièces qu'elles entendent produire au vu de
leur stratégie contentieuse, pourvu que ces pièces soient recevables, loyales et opérantes et
qu'elles soient spontanément communiquées à la partie adverse pour lui permettre d'y
répondre. C'est par la production régulière de preuves que les parties satisfont à la charge de
120
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 71-72, p. 41.
121
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 118, p. 66.
122
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.11, p. 480.
93

la preuve qui pèse sur elles, qu'elles renversent ainsi cette charge en imposant à l'adversaire de
prouver l'inverse ou d'établir le caractère erroné ou insuffisant de leurs preuves123.

123
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 105, p. 58.
94

CHAPITRE II : PRINCIPES GENERAUX DE PREUVES

Les modes de preuves doivent être conformes à certains principes généraux, propres à la
matière, tendant à moraliser l'administration de la preuve. Il s'agit essentiellement du principe
de loyauté de la preuve (section 1) et de l'interdiction de constituer une preuve à soi-même
(section 2).

SECTION 1: LA LOYAUTÉ DE LA PREUVE


La notion de loyauté renvoie à des idées de sincérité, de franchise ou de droiture. La
personne loyale est celle qui ne dissimule pas ses intentions et ne cherche pas à tromper
l'autre. La loyauté renvoie à l'obligation positive de se comporter de manière découverte à
l'égard de son adversaire, et emporte en contrepoids l'obligation négative de ne pas agir de
manière sournoise124. L'exigence de loyauté dans l'administration de la preuve interdit que
soient utilisés des éléments de preuves par des procédés déloyaux ou portant atteinte à des
droits essentiels. En principe, il n'est pas aisé de décrire précisément ce qu'est un
comportement loyal. Mieux vaut souvent exposer que sont les comportements déloyaux que
de tenter de déterminer en quoi consiste la loyauté. Les preuves sont déloyales lorsqu'elles
extorquées ou lorsqu'elles violent un droit jugé fondamental.

Les preuves extorquées sont celles qui permettent à une partie de se procurer des preuves
par surprise, en trompant son adversaire ou pire, contre sa volonté. C'est le cas d'abord des
éléments de preuve obtenus frauduleusement ou de façon illicite. Cela vise, par exemple, les
documents obtenus par violence, ruse ou au moyen d'un piège tendu à l'adversaire ou par vol.

Les preuves obtenues en violation d'un droit fondamental sont celles qui portent atteinte à
l'intimité privée et au secret professionnel. Par exemple, les parties au litige ne peuvent
communiquer sur des documents couvets par le secret médical. Des tels documents ne
peuvent être divulgués puisqu'ils ont été obtenues en violation du secret médical, lequel
interdisait qu'ils soient communiqués à des tiers. C'est le cas d'un document attestant que tel
justiciable est porteur de VIH Sida.

124
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 161, p. 91.
95

SECTION 2: PREUVE À SOI-MÊME


Les éléments que la partie tenue de faire la preuve s'est constituée à elle-même sont
suspects. Instinctivement ils suscitent une certaine défiance. Ils sont l'oeuvre même de celui
dont ils servent les intérêts. En ce sens, ils sont dépourvus de toute objectivité et donc d'une
sincérité incertaine. Ce cette défiance instinctive, on tire généralement un principe énoncé
sous forme de maxime: "nul ne peut se constituer de preuve à lui-même". Ce principe n'est
affirmé par aucun texte mais il s'applique en tant que principe général de droit. C'est le cas du
conflit immobilier entre X et Y. Etant donné que X est conservateur des titres fonciers, il peut
pas produire devant le tribunal comme preuve un certificat d'enregistrement signé par lui
même, et qui lui reconnaît la propriété de la maison querellée.
96

CHAPITRE III :
DIFFERNTES PREUVES EN MATIERE CIVILE

SECTION 1: GÉNÉRALITÉS
En matière civile, certains modes de preuve sont exclus des débats étant donné que la
procédure civile est plus formaliste125. Cela s'explique par le fait que la procédure civile vise
à établir l'existence d'actes juridiques dont la preuve peut être préconstituée, contrairement à
la procédure pénale. De même, les règles relatives à la preuve en matière civile se trouvent,
pour l'essentiel dans le Code civil congolais Livre III (Code des obligations) et le Code de
procédure civile. On peut y ajouter des règles propres à certaines branches du droit qui sont
éparpillées dans d'autres législations: droit commercial, social, droit des assurances, etc.

Enfin, en matière civile, les preuves sont hiérarchisées, on peut les classer en trois
catégories: la première catégorie des preuves, la deuxième catégorie des preuves et les
preuves liées aux mesures d'instruction. Comme ces preuves sont préconstituées en matière
civile, nous pensons qu'au sens large, il s'agit du système de la preuve légale car seuls
certains modes de preuves sont admis et la loi fixe la force probante de ces dives modes de
preuves et les hiérarchise. Il y a preuve légale quand la loi détermine les procédés de preuve,
précise la valeur probante de chacun de ceux-ci et réglemente les conditions de leur
recevabilité126. Cela ne signifie pas que le juge soit totalement dépourvu de pouvoir
d'appréciation.

Dans la perspective du contentieux judiciaire, ce que l'on dénomme "preuves


préconstituées" désigne des éléments dont les parties au litige disposent dès avant que celui-
ci ne débute. Elles s'opposent aux preuves constituées à l'occasion du procès que les parties
réunissent spécialement à l'occasion de celui-ci pour y faire triompher leurs prétentions.
Certains éléments de preuve sont spécialement constitués dans le cadre et à l'occasion du
procès (expertise, témoignage, etc.). D'autres l'ont été auparavant. C'est le cas essentiellement
des actes juridiques au sens instrumentum, c'est-à-dire de la preuve littérale ou par écrit. Mais
c'est également le cas de l'aveu.
125
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de la
vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n° 2, p. 125.
126
G. DE LEVAL, "Les techniques d'approche de la vérité judiciaire en matière civile", in G. DE LEVAL (sous
direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, volume 126, Liège,
éd. Anthémis, 2011, n° 1, p. 29.
97

Mais il est certains éléments dont la preuve ne peut se faire qu'au moyen d'un nombre
limité de modes de preuve. C'est le cas, par exemple, des conventions légalement formées
entre les parties. En outre, certaines preuves s'imposent au juge qui ne peut
discrétionnairement les écarter et estimer ne pas être convaincu par elles. C'est le cas
notamment des écrits authentiques (authentifiés par le notaire). Nous examinerons la
première catégorie des preuves (section1), la deuxième catégorie des preuves (section 2) et
les preuves liées aux mesures d'instruction (section 3).

SECTION 2: PREMIÈRE CATÉGORIE DES PREUVES


Au premier plan, viennent l'écrit préconstitué et l'aveu que l'on pourrait qualifier de modes
de preuve parfaits, en ce sens qu'ils sont, en principe, toujours admissibles et qu'il s'imposent
au juge d'une manière absolue, hors le cas de mensonge et fraude et sous réserve de problème
d'interprétation, c'est-à-dire du sens qu'il convient de donner aux mots.

I. La preuve littérale

1. Notions

On l'appelle aussi preuve par écrit comprenant les actes authentiques reçus par des
officiers publics auxquels la loi confère à cet effet une compétence spéciale et les actes sous
seing privé rédigés par des simples particuliers sous la garantie de leur signature. Un acte sous
seing privé est un écrit établi par les particuliers et signé par eux. Il est donc composé de deux
éléments: l'écrit et la signature.

La signature est la seule condition commune à tous les actes sous seing privé, auxquelles
elle donne leur nom. Elle est nécessaire à la perfection d'un acte juridique, et elle est
suffisante pour faire d'un écrit une preuve littérale. A défaut de signature, l'écrit est dénué de
la valeur probante qui s'attache aux actes sous seing privé. La signature identifie celui qui
l'appose et manifeste son consentement. Elle doit en principe reproduire dans la mesure du
possible le nom et prénom de celui qui l'a apposée et être lisible. Elle ne doit pas être
constituée seulement d'initiales, lesquelles constituent simplement un paraphe. Elle ne peut
être constituée d'une simple croix, ou d'un signe. La signature doit figurer au pied de l'acte car
98

c'est là qu'elle est la plus à même de remplir son rôle: manifester que son auteur approuve le
contenu de l'acte qui précède127.

La signature peut être de type traditionnel ou électronique. La signature électronique est un


ensemble de données électroniques pouvant être imputé à une personne déterminée et
établissant le maintien de l'intégrité du contenu de l'acte 128. Elle s'entend également comme
étant des données sous forme électronique, qui sont jointes ou associés logiquement à d'autres
données sous forme électronique et que le signataire utilise pour signer129.

Cependant pour que la signature électronique soit assimilée à la signature manuscrite, elle soit
satisfaire aux conditions suivantes:
- elle doit être liée uniquement au signataire;
- elle doit permettre l'identification du signataire;
- elle doit être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif;
- elle doit être liée aux données aux quelles elle se rapporte de telle sorte que toute
modification ultérieure des données soit détectée130.

Une signature électronique remplissant ces conditions constitue une signature valable sur un
acte sous seing privé et est présumé remplir les mêmes fonctions qu'une signature
traditionnelle. En conséquence, un courrier électronique au sein duquel figure le nom de
l'expéditeur comme dans un courrier ordinaire ne suffit pas à le qualifier d'écrit signé
électroniquement. Celui-ci n'aura donc de valeur que de commencement de preuve par écrit 131.

Sont des écrits: des documents traditionnels sur papier, en ce compris les photocopies et
télécopies, mais aussi des documents électronique (textes créés avec traitement de texte,
127
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 302-306, pp. 165-167.
128
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologise", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 7, p. 166.
129
H. JACQUEMIN, "Preuve et services de confiance dans l'environnement numérique", in J.-HENROTTE et F.
JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, Volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 22, p.
69.
130
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 2, p. 167.
131
K. ROSIER, "Quelques aspects de l'influence des technologies sur l'évolution du droit social", in J.-HENROTTE
et F. JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, Volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
16, p. 140.
99

courriels, SMS, tweets, textes sur pages web)132. Sont aussi concernés, les clés USB, les CD-
Rom, les DVD, les cartes à mémoire ou les disques durs d'ordinateur ainsi que les courriels133.
Dans l'environnement numérique, l'écrit signifie un support durable. Il doit remplir trois
fonctions: lisibilité, pérennité et intégrité. Il constitue donc un équivalent fonctionnel de
l'écrit134. Comme on le voit, la notion d'écrit n'implique pas nécessairement qu'une écriture
soit appliquée sur papier. Ainsi en est-il d'un support tel qu'un courrier électronique ou d'un
SMS, par exemple. Ces documents peuvent être considérés comme un écrit dans le cadre du
contentieux de droit social135.

L'acte authentique est celui qui a été reçu par un officier public ayant le droit
d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé avec les formalités requises. L'authenticité
d'un acte résulte donc de la qualité d'officier public et de la compétence de celui qui l'a dressé,
et du respect de certaines conditions de rédaction et de forme. Dans les actes authentiques,
on range dans cette catégorie l'acte de notoriété (établi chez le notaire). Les actes authentiques
dressées par les notaires, sont dénommés actes notariés. L'acte authentique est la pièce
centrale de l'organisation de preuves en matière civile. Peuvent aussi constituer acte
authentique, les jugements prononcés par les cours et tribunaux (il s'agit des jugements
antérieurs rendus et qui ne sont susceptibles de recours), les actes d'état civil établis par les
officiers de l'état civil (exemple: acte de mariage établi à la commune), etc. Certains pays
comme la France136 et l'Italie137 ont déjà prévu l'acte notarié électronique.

132
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 2, p. 165.
133
H. JACQUEMIN, "Preuve et services de confiance dans l'environnement numérique", in J.-HENROTTE et F.
JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, Volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 22, p.
67.
134
H. JACQUEMIN, "Preuve et services de confiance dans l'environnement numérique", in J.-HENROTTE et F.
JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, Volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 22, p.
66; M. DEMOULIN, "La notion de support durable dans les contrats à distance: une contrefaçon de l'écrit ?", in
R. E.D. C., 2000, p. 375.
135
K. ROSIER, "Quelques aspects de l'influence des technologies sur l'évolution du droit social", in J.-HENROTTE
et F. JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, Volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
15, p. 139.
136
Voyez, article 1317 du Code civil, tel que modifié par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000, et le décret n°
2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les
notaires.

137
Voyez la loi n° 59 du 15 mars 1997.
100

L'écrit permet d'atteindre un niveau de sécurité très élevé et, partant, d'éviter les
contestations en cas de litige survenant en cours d'exécution du contrat. L'écrit, pour peu qu'il
soit établi et conservé selon certaines règles, est bien plus fiable que le témoignage. Comme
l'affirme l'adage latin, verba volant, scripta manent (les paroles s'envolent, les écrits restent)
En matière civile, pour être recevable et bénéficier de la force probante, l'écrit doit être signé.
Mais l'écrit non signé peut constituer au moins une présomption138.

2. Valeur probante

L'écrit jouit d'une force probante élevée. La force probante d'un acte est comprise comme
le degré, l'intensité quant à la preuve que la loi lui reconnaît et qui s'impose au juge: acte
faisant preuve jusqu'à inscription de faux, jusqu'à preuve du contraire, quelle que preuve
contraire, commencement de preuve. C'est l'intensité avec laquelle un mode de preuve lie le
juge et les parties139. La force probante d'un acte, c'est la foi due à cet acte en tant qu'il est
retenu comme preuve par la loi140. La valeur probante d'un acte est son aptitude à emporter la
conviction du juge. C'est la crédibilité, la confiance, le crédit, le sérieux que le juge peut lui
accorder en conscience141.

En principe, seul l'original d'un acte sous seing privé a la valeur d'une preuve littérale, c'est
dire que les simples copies n'ont pas cette valeur. Entre parties, l'acte sous seing privé possède
une force probante élevée dans la mesure où le pouvoir d'appréciation du juge est
extrêmement réduit: une fois passé le préalable de la reconnaissance, on présume que l'écrit
émane du signataire et que celui-ci a adhéré à son contenu. Quelle que soit son contenu, le
juge ne peut décider de ne pas tenir compte de ce que l'acte prescrit 142. Pour que l'acte sous
seing privé puisse avoir une valeur probante, il faut que les parties (demandeurs et
défendeurs) se reconnaissent être signataires. A l'égard des tiers, l'acte sous seing privé
possède une force probante moindre143.

138
H. JACQUEMIN et L. KERZMANN, "La preuve en matière commerciale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La
preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, pp.97-98.
139
D. MOUGENOT, "La preuve", Rép. not., Tome IV, Livre II, Bruxelles, 4éme éd. Larcier, 2012, n° 14-2, pp. 84-
85; N. VERHEYDEN-JEANMART, La preuve, Bruxelles, éd. Larcier, 1991, n° 397 et s., p. 195.
140
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome III, Bruxelles, 3 ème éd. Bruylant, 1967, n° 757, p.
749.
141
F. DUMON, "De la motivation des jugements et arrêts de la foi due aux actes", Journal des Tribunaux, 1978,
n°35, pp. 486-487.
142
H. JACQUEMIN et L. KERZMANN, "La preuve en matière commerciale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La
preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, p.82.
101

Si, au cours d'un procès, une partie se voit opposer un acte qu'on lui attribue, elle peut
dénier son écriture ou sa signature, ou si l'acte est attribué à un tiers, ne pas reconnaître
l'écriture de celui-ci. Ce dernier cas de figure est fréquent en matière de succession (surtout
dans la culture congolaise où le prend pas toutes les précautions d'usage), lorsqu'un testament
olographe est versé aux débats. En cas de contestation des parties, il est utile de procéder à la
vérification d'écriture.

L'acte sous seing privé électronique a la même valeur probante qu'un texte sous seing privé
traditionnel144. La valeur probante d'un écrit signé électroniquement est tributaire des garanties
qui entoureront la signature électronique. En effet, une signature électronique avancée
réalisée sur la base d'un certificat qualifié et conçue au moyen d'un dispositif sécurisé de
création de signature électronique, est assimilée à une signature manuscrite 145. Un acte signé
de cette manière est donc recevable chaque fois que la loi exige une preuve écrite par acte
sous seing privé. Le juge ne peut pas rejeter une signature pour le seul motif qu'elle est
électronique ou qu'elle ne répond pas aux conditions de sécurité les plus exigeantes 146. Pour
s'assurer que l'écrit électronique est bien l'oeuvre du signataire apparent, il suffit au juge de
vérifier qu'un tel procédé de signature électronique a bien été employé. Si c'est le cas, on doit
présumer que l'acte émane effectivement du signataire désigné, sauf au juge à démontrer que
la présomption doit être renversée147. Un écrit dépourvu de signature n'a pas la force probante
d'un acte sous seing privé mais il pourra, le cas échéant, être utilisé à titre de commencement
de preuve par écrit ou comme présomption148.

143
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 373, p. 198.
144
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 2, p. 163.
145
K. ROSIER, "Quelques aspects de l'influence des technologies sur l'évolution du droit social", in J.-HENROTTE
et F. JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
17, p. 140.
146
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 8, p. 167.
147
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 362, p. 194.
148
K. ROSIER, "Quelques aspects de l'influence des technologies sur l'évolution du droit social", in J.-HENROTTE
et F. JONGEN (sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
18, p. 140; D. GOBERT et E. MONTERO, "L'ouverture de la preuve littérale aux écrits sous forme électronique",
in Journal des Tribunaux, 2001, p. 128.
102

L'écrit requis conformément à la loi a pour but d'éviter les contestations en offrant un mode
de preuve efficace. Plus précisément, l'écrit a une prééminence par rapport aux témoignages
et les présomptions. Cela se justifie par le fait que l'écrit garantit la lisibilité, la pérennité et,
même si cette fonction est plus que contestée, l'intégrité des informations 149 (permet de révéler
les altérations). Ni les présomptions ni les témoignages n'apportent des garanties similaires 150.

Les actes authentiques jouissent d'une force probante renforcée par rapport à celle dont
bénéficient les actes sous seing privé. En effet, l'exactitude d'un certain nombre d'éléments qui
y sont relatés ne peut être contestée qu'au moyen d'une procédure particulière: l'inscription de
faux151. Cela signifie que les actes authentiques ont une valeur probante devant le juge à
moins de prouver que ce sont des faux.

En matière commerciale, la force probante des livres de commerce n'est jamais absolue 152.
Elle pourra notamment être combattue par le commerçant qui démontre avoir commis une
erreur de fait dans l'établissement de sa comptabilité ou qui établit avoir été victime d'un dol à
cet égard. De même, des mentions contraires dans une même comptabilité s'annulent et il n'y
a dès lors lieu de recourir à d'autres moyens de preuve153.

Si la comptabilité est régulière, elle pourra être admise par le juge à titre de preuve
complémentaire. A notre estime, la comptabilité irrégulière ne vaut que comme présomption.
En pratique, la valeur probante que le juge accordera aux présomptions sera normalement
inférieure à celle qu'il pourrait attribuer à une comptabilité régulière. La régularité de la
comptabilité sera présumée, si aucun élément ne permet de mettre en doute que les livres de
commerce ont été tenus régulièrement.

149
H. JACQUEMIN, Le formalisme contractuel. Mécanismes de protection de la partie faible, Bruxelles, éd.
Larcier, 2010, n° 73 et s., pp. 121 et s.
150
N. VERHEYDEN-JEANMART, La preuve, Bruxelles, éd. Larcier, 1991, n° 235, pp. 117-118.
151
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 250, p. 140.
152
N. VERHEYDEN-JEANMART, La preuve, Bruxelles, éd. Larcier, 1991, n° 658, p. 300.
153
H. JACQUEMIN et L. KERZMANN, "La preuve en matière commerciale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La
preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 23, p.102.
103

Les achats et les ventes pourront se prouver au moyen d'une facture acceptée, sans
préjudice des autres modes de preuve admis par la loi commerciale154.

II. L'aveu

1. Notions

C'est une déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à
produire contre elle des conséquences juridiques. Elle tire sa force de l'idée suivante: "si
quelqu'un avoue un fait qui lui est défavorable, c'est, avec une très grande probabilité, parce
que cela correspond à la réalité". Auparavant, l'aveu était considéré comme la reine des
preuves mais aujourd'hui cette conception a évolué.

2. Espèces de l'aveu

a) L'aveu judiciaire

C'est celui qui est fait devant le juge (soit dans un acte de procédure tel qu'une citation ou
des conclusions, soit lors de l'interrogatoire des parties, soit à l'audience) et au cours de
l'instance (dans le procès même où il est invoqué) relative à la prétention dont l'aveu est
l'objet. Il se prouve par les pièces de procédure. On peut le trouver dans les conclusions, dans
le procès verbal de comparution des parties, procès verbal d'audience, dans les énonciations
d'un jugement.

L'aveu judiciaire est indivisible et irrévocable. L'aveu judiciaire est indivisible parce que un
fait reconnu parmi d'autres ne peut donc pas être appréhendé isolément par le juge, qui ne
peut pas retenir certains faits avoués et en écarter d'autres. L'aveu judiciaire est irrévocable
parce qu'il ne permet pas à l'auteur d'un aveu de revenir sur celui-ci.

b) L'aveu extrajudiciaire

C'est celui qui n'est pas fait en justice. C'est toute espèce d'aveu ne remplissant les
conditions de l'aveu judiciaire, par exemple l'aveu fait avant le procès, telle qu'une déclaration
faite à un huissier en réponse à une sommation, devant le notaire ou devant l'expert judiciaire.
L'aveu extrajudiciaire est plus difficile à rapporter que celle de l'aveu judiciaire mais, une fois

154
H. JACQUEMIN et L. KERZMANN, "La preuve en matière commerciale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La
preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 25, p.103.
104

admis par le juge, les deux ont la même valeur probante. Cet aveu ne pose pas de problème
s'il est écrit. Sa preuve résultera de cet écrit sans que l'on puisse exiger l'application des règles
propres à la preuve par écrit. Par contre, si cet aveu extrajudiciaire est oral, il sera difficile de
le prouver, à moins de recourir au témoignage.

L'aveu extrajudiciaire est divisible et révocable. La divisibilité de l'aveu extrajudiciaire


signifie que le juge peut ne retenir que d'une partie de celui-ci. Elle signifie également que le
juge peut être convaincu par certains aspects de la déclaration et pas par d'autres. La
révocabilité de l'aveu extrajudiciaire signifie que l'auteur de l'aveu peut revenir sur ce qu'il a
avait avoué.

3. Nature et caractères de l'aveu

- L'aveu est un acte unilatéral;


- L'aveu est une déclaration volontaire. On doit écarter les aveux obtenus par des procédés
illicites;
- L'aveu n'est opposable qu'à celui qui avoue. Les effets de l'aveu sont strictement limités à
son auteur.

4. Forme de l'aveu

La loi ne formule aucune condition quant à sa validité. Il peut dès lors, selon les principes
généraux de droit, être oral ou écrit, exprès ou tacite. L'exécution spontanée de ses obligations
par le débiteur constitue un exemple d'aveu tacite 155. On parle dans ce cas d'aveu en action156.
L'aveu est exprès lorsqu'il est formulé comme tel, soit par écrit soit verbalement. En soi,
l'aveu écrit n'a pas plus de force probante que l'aveu verbal.

5. Conditions et éléments constitutifs de l'aveu

L'aveu doit émaner de son auteur, s'il émane d'un tiers, il ne constitue en principe qu'un
témoignage. Il ne peut émaner que d'une personne capable. Ainsi, le représentant d'un mineur
ne peut avouer au nom de ce dernier. De même, la déclaration du représentant légal d'une
personne sous tutelle ne peut constituer un aveu opposable à cette dernière.

155
N. VERHEYDEN-JEANMART, La preuve, Bruxelles, éd. Larcier, 1991, n° 707, p. 314;
156
D. MOUGENOT, "La preuve", Rép. not., Tome IV, Livre II, Bruxelles, 4éme éd. Larcier, 2012, n° 271, p. 360.
105

L'aveu est la manifestation d'une volonté de reconnaître pour exact un fait. Comme toute
manifestation de volonté, il doit être libre, volontaire et intègre, fait consciemment et être
univoque. L'aveu est dénué de toute valeur s'il a été surpris par dol, fait par erreur ou extorqué
par la violence.

L'aveu doit être fait consciemment, c'est-à-dire en pleine connaissance de l'usage qui pourra
en être fait. Autrement dit, l'avuant doit savoir que ses déclarations pourront être utilisées
contre lui pour qu'elles soient dotées d'une certaine force probante. L'aveu doit émaner de
celui auquel on l'oppose. En conséquence, l'aveu fait par l'un des colitigants ne lie pas les
autres. Par exemple, l'aveu fait par l'un des coïndivisaires contre lesquels est dirigé l'instance
ne peut être opposé aux autres. De même, l'aveu fait par un sous-traitant et son assureur ne
peut être opposé au fabricant d'un produit dont la défectuosité est discutée157.

En outre, la déclaration susceptible de constituer un aveu doit être exempte d'ambiguïté. C'est
pourquoi, elle doit être en principe expresse. L'absence de contestation d'une allégation
adverse, si elle peut être retenue à titre d'indice ou de présomption par le juge, ne constitue
pas un aveu implicite de son bien-fondé.
Enfin, la déclaration doit porter sur un fait et non sur un élément de droit ou une
qualification juridique. C'est ainsi que l'aveu doit être univoque. Il ne peut donc être déduit
d'un simple silence, lequel est équivoque.

6. Objet de l'aveu

L'aveu extrajudiciaire peut, en principe, être employé pour faire preuve de n'importe quel
fait juridique, par exemple l'existence d'un contrat, une faute génératrice de responsabilité,
l'existence d'une cause réelle et sérieuse à un licenciement de travail, l'implication d'un animal
dans la survenance d'un sinistre.

7. Admissibilité de l'aveu

Mode de preuve autonome, distinct de tous les autres, l'aveu est en principe admissible en
toutes matières, même lorsque les preuves par témoins et par présomptions ne peuvent être
reçues.
- L'aveu ne peut porter sur les droits indisponibles;
157
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 185, p. 109.
106

- L'aveu ne peut se substituer à l'inscription en faux. L'aveu n'est pas admis pour prouver dans
un acte authentique. Cela provient du fait qu'en cette matière, la seule preuve contraire admise
est l'inscription en faux

8. Valeur probante

C'est l'étendue de leur force probante que l'aveu judiciaire et l'aveu extrajudiciaire diffèrent
le plus. En effet, la force probante de l'aveu judiciaire est particulièrement élevée, en quelque
sorte absolue158. L'aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l'a fait. Il est donc présumé
que ce qui est avoué est vrai. L'aveu judiciaire est indivisible et irrévocable.

L'aveu extrajudiciaire a les mêmes effets, si ce n'est que le juge doit vérifier si la
déclaration n'a pas été obtenue par surprise, si elle a été volontaire, si son contenu est
suffisamment explicite, en d'autres termes si la reconnaissance revêt tous les caractères d'un
aveu159.

L'aveu extrajudiciaire n'est pas toujours recevable comme mode de preuve et est doté d'une
faible force probante et est, en outre divisible et révocable. La divisibilité de l'aveu
extrajudiciaire signifie que le juge peut ne retenir que d'une partie de celui-ci. Elle signifie
également que le juge peut être convaincu par certains aspects de la déclaration et pas par
d'autres. La révocabilité de l'aveu extrajudiciaire signifie que l'auteur de l'aveu peut revenir
sur ce qu'il a avait avoué. L'aveu extrajudiciaire ne constitue qu'un mode de preuve imparfait,
qui n'a d'autre valeur que celle d'une présomption abandonnée à l'appréciation souveraine des
juges du fond.

En tout état de cause, l'aveu extrajudiciaire ne lie pas le juge qui dispose du pouvoir d'en
apprécier la valeur probante. Le juge a la plus grande liberté pour déterminer s'il s'estime ou
non convaincu de la véracité et de la réalité des faits reconnus, même lorsque l'aveu est

158
P. VAN OMMESLAGHE, "Evolution récente de la jurisprudence et la doctrine en matière d'aveu", La preuve,
Actes de colloque organisé les 12 et 13 mars 1987 à l'Université catholique de Louvain, p.18; L. KERZMANN,"Le
point sur l'aveu en matière civile, in La preuve. Questions spéciales, Formation permanente Commission
Université Palais, vol. 99, Liège, éd. Anthémis, 2008, pp. 171 et s.

159
N. VERHEYDEN-JEANMART, La preuve, Bruxelles, éd. Larcier, 1991, n° 767, p. 337; P. VAN OMMESLAGHE,
"Evolution récente de la jurisprudence et la doctrine en matière d'aveu", La preuve, Actes de colloque organisé
les 12 et 13 mars 1987 à l'Université catholique de Louvain, p.15; D. MOUGENOT, "La preuve", Rép. not., Tome
IV, Livre II, Bruxelles, 4éme éd. Larcier, 2012, n° 288, p. 340.
107

consigné par écrit. Il s'agit donc d'un mode de preuve imparfait. Ce faisant, on ne lui retirerait
aucun pouvoir relatif à l'application des règles de droit ou la qualification des actes en
admettant que l'aveu extrajudiciaire puisse porter sur des éléments de droit160.

SECTION 3: DEUXIÈME CATÉGORIE DES PREUVES


Ce sont des preuves dont leur admissibilité est limitée en matière civile et n'emportent
pas nécessairement la décision du juge.

§ 1. La preuve par témoignage

I. Notions

Elle découle des déclarations faites au cours d'enquêtes par des témoins entendus sous la
foi du serment, lesquels témoins relatent ce qu'ils ont vu ou entendus. Ce mode de preuve
suppose donc l'audition de personnes qui ont assisté à une scène, viennent relater ce qu'elles
ont constaté et en certifier l'existence car "les témoins sont les yeux et les oreilles de la
justice"161.

II. Forme du témoignage: l'enquête

L'enquête est la procédure qui permet de recueillir les témoignages à l'aide desquels sera
établie la vérité des faits allégués par une partie et contestés par l'autre. Elle ne peut être
utilisée que lorsque la preuve par témoins est admise au regard des règles de preuve en droit
civil.

Les faits dont une partie demande à faire la preuve par témoins sont articulés de manière
précise et succincte. Si les faits sont pertinents et qu’ils soient déniés, la preuve en peut être
ordonnée à condition qu’elle ne soit pas défendue par la loi. Le juge peut aussi ordonner
d’office la preuve des faits qui lui paraissent concluants si la loi ne le défend pas 162.

Le jugement qui ordonne la preuve contient:


1° l’objet du litige et les faits à prouver ;

160
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 192-196, 560, pp. 113-115 et 277.
161
R. MOUGENOT et D. MOUGENOT, La preuve, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2002, n° 213, p. 272.
162
Article 29 du Code de procédure civile.
108

2° le lieu, jour et heure où les enquêtes sont tenues. Si des témoins sont trop éloignés, il peut
être ordonné qu’ils soient entendus par un juge commis par un tribunal désigné à cet effet, aux
lieux, jour et heure fixés par ce tribunal163. La preuve contraire est de droit164.

La preuve peut également être sollicitée par une partie. Dans ce dernier cas, celle-ci doit
offrir de rapporter par l'audition de un ou plusieurs témoins la preuve de un ou plusieurs faits
précis et pertinents et susceptibles de preuve contraire, le juge autorisant ou non l’enquête.

III. Mécanisme d'assignation des témoins

Les témoins sont assignés dans les formes et délais ordinaires des assignations.
L’assignation détermine les lieux, jour et heure où se tiendra l’enquête et indique l’objet de
celle-ci, sans mentionner les faits dont la preuve est ordonnée. Les parties peuvent aussi
inviter les témoins à se présenter volontairement à l’enquête165.

IV. Audition des témoins

Les témoins sont entendus séparément, en présence des parties si elles comparaissent.
Chaque témoin avant d’être entendu déclare ses nom, profession, âge, s’il est parent ou allié
de l’une des parties, à quel degré, s’il est au service de l’une d’elles. Dans la pratique, le
témoin décline son identité, son nom, postnom et prénom, lieu et date de naissance,
profession, collectivité, territoire et province d'origine, adresse. Le témoin prête serment à
peine de nullité. Le serment est ainsi conçu : « Je jure de dire toute la vérité, rien que la
vérité». Le juge peut, au cours des enquêtes, soit d’office, soit à la demande de l’une des
parties, confronter ou réentendre les témoins. Il peut aussi, dans les mêmes conditions, décider
avant le parachèvement de l’enquête contraire qu’il y a lieu à confrontation ou à une nouvelle
audition des témoins des deux enquêtes. Il fixe jour et heure à ces fins, à moins qu’il n’y
procède séance tenante166.

L'audition du témoin est réalisée par le juge, sans que les parties puissent interpeller le
témoin directement. Le droit congolais ne connaît pas le mécanisme anglo-américain de la
cross examination dans lequel chacune des parties peut interroger les témoins produits par son

163
Article 30 du Code de procédure civile.
164
Article 31 du Code de procédure civile.
165
Article 32 du Code de procédure civile.
166
Article 33 du Code de procédure civile.
109

adversaire. Le juge commence par interroger le témoin sur son degré de parenté et d'alliance
avec les parties et lui pose toutes les questions utiles pour établir son degré d'indépendance
par rapport aux parties.

Le juge pose au témoin toutes les questions qu'il juge utiles, soit d'office soit sur
proposition des parties. Le rôle du juge ne se borne pas à enregistrer les déclarations des
témoins: il doit s'efforcer de découvrir la vérité. Il a donc un rôle actif en vue de faire
apparaître les lacunes, contradictions, hésitations ou manque de sérieux des déclarations des
témoins.
Le témoin dépose sans qu’il lui soit permis de ne lire aucun projet écrit. Cela signifie qu'il
ne peut préparer sa déposition par écrit. Sa déposition est consignée dans un procès-verbal
tenu par le greffier : elle lui est lue et il lui est demandé s’il y persiste et s’il requiert taxe. La
déposition est signée par le témoin, le juge et le greffier. Si le témoin ne veut ou ne peut
signer, il en est fait mention dans le procès-verbal. Celui-ci indique aussi la taxe allouée par le
juge167.

Comme on le voit, la déposition du témoin est consignée dans un procès-verbal per écrit. Il
est d'usage que le juge dicte au greffier les déclarations à consigner. Cette pratique de dicter
au greffier les déclarations à acter nous semble lourde et risque de faire perdre les éléments
utiles de cette déclaration. C'est pourquoi, nous pensons qu'on devrait utiliser les techniques
modernes qui permettent un enregistrement aisé des déclarations du témoin.

L'article 34 alinéa 2 du Code de procédure civile dit que la déposition du témoin est
consignée dans un procès-verbal tenu par le greffier : elle lui est lue et il lui est demandé s’il y
persiste et s’il requiert taxe. Cela signifie que la déclaration est relue au témoin, qui peut la
modifier. Ensuite la déclaration est signée par le témoin, le juge et le greffier.

Si une seule audience ne suffit pas à l'audition des témoins, l'enquête peut être mise en
continuation. La date est communiquée aux témoins présents. Les absents sont convoqués
conformément à la loi.

167
Article 34 du Code de procédure civile.
110

L'article 34 in fine du Code de procédure civile prévoit que la déposition est signée par le
témoin, le juge et le greffier. Si le témoin ne veut ou ne peut signer, il en est fait mention dans
le procès-verbal. Celui-ci indique aussi la taxe allouée par le juge. Cela signifie que le procès-
verbal est signé par le juge et le greffier et par les parties qui le veulent ou le peuvent. Les
parties ne signent donc pas la déposition du témoin mais elles signent le procès-verbal de
l'enquête.

Cet article signifie également que la partie qui demande l'audition d'un témoin doit
consigner entre les mains du greffier un montant suffisant pour couvrir la taxe et les frais de
déplacement des témoins. Toutefois, les témoins peuvent renoncer à réclamer le
remboursement de leurs frais de déplacement. La partie qui renonce en défaut de verser la
provision est présumée renoncer à l'enquête. Dans la pratique, l'enquête est souvent reportée si
la provision n'est pas consignée pour la date prévue.

V. Refus de témoigner

En règle, le témoin convoqué est obligé de faire une déclaration. Il ne pourrait s'y
soustraire qu'en invoquant un motif légitime. Il ne pourrait s'y soustraire qu'en invoquant un
motif légitime. Le refus de témoigner de prêter serment tout comme le refus de témoigner est
sanctionné par une amende. Le témoin qui ne donne pas de suite à une convocation ou qui
comparaît mais refuse de témoigner ou de déposer s'expose à une amende. A cet égard, les
témoins défaillants peuvent être condamnés à une amende qui ne peut excéder 10.000 francs;
ils sont éventuellement réassignés à leurs frais. Si les témoins réassignés sont encore
défaillants, ils peuvent être condamnés à une nouvelle amende qui n’excède pas 50.000 francs
et le juge peut décerner contre eux un mandat d’amener 168. Le mensonge sous serment est
passible de sanctions pénales. Ainsi, l'article 128 du Code pénal congolais livre II punit le
faux témoignage (mensonge) devant les tribunaux d'une peine qui peut s'élever à 5 ans
d'emprisonnement.

Si le témoin justifie qu’il n’a pu se présenter au jour indiqué, il est déchargé par le juge de
l’amende et des frais de réassignation. Si le témoin est dans l’impossibilité de se présenter au
jour indiqué, le juge peut lui accorder délai ou recevoir sa déposition sur place169.

168
Article 35 du Code de procédure civile.
169
Articles 36 et 37 du Code de procédure civile.
111

VI. Admissibilité du témoignage

1. Admissibilité quant aux faits à prouver

L'enquête doit permettre de rapporter la preuve des faits pertinents et précis.

a) Les faits doivent être pertinents

Par faits pertinents, il faut entendre des faits de nature à constituer une preuve de la
demande formulée ou susceptible de donner un éclairage particulier à d'autres faits cotés et
admis à preuve. Cette précision vaut d'ailleurs pour toutes les mesures d'instruction et sera
répétée pour l'expertise. Cela signifie que les faits dont on propose à la solution du litige
doivent être utiles à la solution du litige. Le juge exerce le contrôle de la pertinence; il rejette
la preuve de faits qui seraient impropres à exercer une influence sur la décision. Le juge
apprécie souverainement l'opportunité de l'enquête. Il ne peut toutefois se borner à rejeter la
demande d'enquête en relevant que les faits allégués ne sont pas prouvés ou que la partie qui
sollicite l'enquête ne fournit pas un commencement de preuve. Il s'agirait d'une violation du
droit à la preuve de la partie qui sollicite les enquêtes170.

Il est intéressant de noter qu'en procédure anglo-américaine et en arbitrage international,


l'audition des témoins est précédée de la rédaction d'attestations écrites 171. Celles-ci permettent
de procéder à un tri et de vérifier quels témoins méritent d'être interrogés et les points sur
lesquels l'audition devra porter. En ce sens, les juges peuvent refuser d'ordonner une enquête
lorsqu'ils estiment suffisamment éclairés par les faits de la cause ou par ce que les faits
allégués sont dores et déjà démentis par les éléments de la cause, notamment par des
présomptions. L'enquête est inutile lorsque le fait à prouver est déjà contredit par d'autres
éléments du dossier.

En revanche, le juge ne peut déclarer un fait non établi, alors que la partie qui supporte la
charge de la preuve avait offert de la prouver par témoins. En agissant ainsi, il méconnaîtrait
le droit de cette partie d'apporter la preuve du fait allégué. L'appréciation que le juge porte sur
la pertinence du fait est souveraine.

170
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.26, p. 495.
171
P. HOLLANDER, "L'importance des preuves orales dans la procédure arbitrale", Journal des tribunaux, 2011,
n° 3, pp. 41 et s.
112

b) Les faits doivent être précis et permettre la preuve contraire

Par faits précis, il faut attendre des faits matérialisés avec précision dans le temps et dans
l'espace, relatifs à des éléments concrets que les témoins sont en mesure de confirmer ou
d'infirmer parce qu'ils les ont appréhendés d'une façon quelconque, et qui sont susceptibles
d'être contestés de la même manière.

La libre contradiction est à la base d'une bonne administration de la justice. La décision


d'ordonner une enquête autorise de droit une enquête contraire. Celle-ci permettra au
défendeur de rectifier les allégations de son adversaire ou de nuancer la force probante des
dépositions recueillies lors de l'enquête directe. Cela suppose que le faits dont la preuve est
offerte soient non seulement pertinents mais également suffisamment précis, à défaut de quoi
il serait pratiquement impossible d'en supporter la preuve contraire. De même qu'en ce qui
concerne la pertinence, le juge apprécie souverainement le caractère de précision des faits
dont la preuve est offerte.

2. Admissibilité quant à ce que sait le témoin

a) Le témoignage direct

Lorsque le témoignage porte sur ce que le témoin a personnellement vu et entendu, on se


trouve en présence d'un témoignage direct. La recevabilité d'un tel témoignage ne soulève pas
aucune difficulté.
113

b) Le témoignage indirect

Lorsque le témoin rapporte ce qu'il entendu dire par autrui, il s'agit du témoignage indirect.
Ce témoignage est plus fragile que le témoignage direct. Il ne faudrait pas s'étonner que le
juge se montre plus rigoureux, voire même méfiant à son égard.

3. Admissibilité quant à la qualité du témoin

Une partie ne peut être entendue comme témoin, donc sous serment, dans une procédure qui
la concerne. La mesure adéquate dans ce cas est la comparution personnelle des parties. De
même, les mineurs (enfants de moins de 18 ans) ne peuvent pas être entendus sous serment.
Leur audition peut cependant être recueillie à titre de simple renseignement. En effet, il
convient d'éviter que les enfants soient contraints de prendre parti dans les litiges qui opposent
leurs parents. Cette interdiction ne fait pas obstacle à ce que le témoignage d'un enfant soit
reçu à propose de faits dont il été personnellement victime. Rien ne s'oppose également à ce
qu'un enfant majeur soit entendu, dans le cadre d'un litige qui oppose ses parents. Toutefois,
l'article 12 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (signée à New York
le 20 novembre 2009) reconnaît le droit à l'audition d'un enfant capable de discernement. Les
dispositions pertinentes de cette Convention ont été transposées en droit interne dans la loi
n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant créant le tribunal pour enfants 172.
Désormais, l'audition des mineurs est régie par cette loi mais cette audition n'est pas une
véritable audition des témoins. Enfin, les descendants ne peuvent être entendus dans les
causes où leurs ascendants ont des intérêts opposés. Dans le cas extrême, ils peuvent être
entendus à titre de renseignement.

4. Libre appréciation des témoignages par le juge

Le juge peut ordonner une enquête d'office 173; il lui est loisible de poser des questions qu'il
croit utiles à la manifestation de la vérité. Une fais les témoignages recueillis, il appartient au
juge d'en apprécier la valeur probante.

172
JORDC, n°spécial, 25 mai 2009, pp. 3-47.
173
Article 29 in fine du Code de procédure civile.
114

VII. Valeur probante

Le témoignage n'a aucune force probante particulière, il ne lie pas le juge 174. Il n'a pas de
force probante légale. Aussi, appartient-il au juge de déterminer la valeur probante qu'il
entend accorder au témoignage, en exerçant un pouvoir d'appréciation. Ici encore, le juge
jouit d'un pouvoir souverain. C'est donc le juge qui apprécie la valeur qui peut être donnée au
témoignage, du fait des liens éventuels du témoin avec l'une des parties. Il tiendra valablement
compte des aptitudes physiques ou psychiques des témoins. Le juge peut fonder sa conviction
sur un seul témoignage. Il choisit certains témoignages plutôt que d'autres si les premiers lui
semblent plus fiables ou s'il soupçonne les seconds de partialité. Il n'y a pas d'indivisibilité
dans cette matière: le juge peut ne retenir qu'une partie d'un témoignage 175. Le juge doit tout
au plus respecter la foi due aux actes, c'est-à-dire qu'il ne peut faire dire au témoin ce qu'il n'as
pas dit.

Le témoignage peut être contesté par les autres parties par toutes les voies de droit, qui
peuvent apporter d'autres moyens de preuve, et le juge est libre de choisir le mode de preuve
qui lui semble le plus convaincant. Ce n'est pas parce qu'un fait a été déclaré pertinent
qu'après enquête, il doit être considéré comme prouvé. Le témoin ne peut se substituer au juge
et estimer lui-même que son témoignage est inadéquat.

La preuve par témoins a montré au fil du temps ses limites. La mémoire des témoins n'est
plus infaillible et tend à s'estomper. Leur impartialité n'est pas non plus sans reproche. Il n'est
pas rare de profiter de l'indigence des témoins ou de les encourager à la boisson pour acheter
leur complaisance. Des contradictions entre témoignages peut aussi être source de problèmes.
C'est pourquoi, le juge doit apprécier cette preuve avec prudence.

VIII. Propositions pour une réforme

Actuellement, les déclarations écrites, même sous serment, ne constituent pas des
témoignages mais des présomptions. Nous pensons que l'on devrait initier une réforme qui

174
D. MOUGENOT, "L'administration de la preuve et les mesures d'instruction", in H. BOULABAH et F. GEORGES
(sous direction), Actualités en droit judiciaire, CUP, volume 143, Bruxelles, éd. Larcier, 2013, n° 15 et 19, pp.
322, 326; D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2.
Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.39, p. 507.
175
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.39, p. 507.
115

aurait pour but de limiter autant que possible le recours à la procédure d'enquête classique. Il
s'agirait de prévoir dans le Code de procédure civile les témoignages écrits, de telle manière
que l'utilisation des enquêtes devienne marginale. A ce sujet, l'on devrait prévoir lorsque la
preuve testimoniale est admissible, le juge pourrait recevoir de tiers des déclarations, sous
forme d'attestation, de nature à éclairer sur les faits litigieux dont ils ont personnellement
connaissance.

Les règles de réception de ces attestations devraient être produites par les parties ou à la
demande du juge. Le juge devrait communiquer aux parties celles qui lui sont directement
adressées, de façon à ce qu'elles puissent faire l'objet d'un débat contradictoire. Ces
attestations devraient mentionner les noms, postnoms et prénom, lieu et date de naissance,
domicile, profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec
les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec
elles. Ces attestations devraient indiquer en outre qu'elles sont établies en vue de leur
production en justice et que leur auteur a connaissance qu'une fausse attestation de leur part
les expose à des sanctions pénales. Elles devraient être écrites, datées et signées de la main de
leurs auteurs. Ceux-ci devraient annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel
justifiant de son identité et comportant leur signature.

Le juge devrait écarter une attestation qui ne répond pas aux conditions de forme fixées par
la loi. Mais la rédaction d'une attestation ne devrait pas exclure que son auteur puisse être
ultérieurement entendu dans le cadre d'une procédure d'enquête classique. En effet, le
témoignage écrit garantirait moins que la procédure classique la sincérité et la spontanéité des
témoins. En cas de contradiction entre attestation et témoignage, il n'existerait pas de motif
juridique pour faire primer l'un sur l'autre: ils devraient avoir la même (absence de) force
probante et leur valeur probante (leur caractère convaincant) devrait être souverainement
apprécié par le juge.

La France a fait sa réforme dans ce sens en prévoyant ces éléments aux articles 200 à 203
du Code de procédure civile français. De même, la Belgique a, depuis le 16 juillet 2012,
116

introduit dans les articles 961/1 à 961/3 du Code judiciaire belge, la transposition littérale des
articles 200 à 203 du Code de procédure civile français176.

§ 2. Les présomptions

I. Notions

Ce sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu.
Le mot présomption peut désigner le raisonnement au terme duquel on estime la preuve
établie, mais aussi les indices qui servent de point de départ au raisonnement 177. La preuve par
présomption a été longtemps tenue en suspicion en raison de son caractère aléatoire et
dangereux, mais aujourd'hui, on aurait plutôt tendance à dire que les indices sont plus sûrs
que les témoignages car les faits ne mentent pas. Au surplus, les progrès de la science et de la
technique permettent dans certains domaines d'aboutir à une certitude beaucoup plus grande
que celle qui résulte de tout autre procédé de preuve.

II. Conditions d'admissibilité

Pour qu'elles soient admises, les preuves doivent être graves, précises et concordantes. Il
n'est pas nécessaire que soient réunis plusieurs indices: un seul suffit pour emporter la
conviction du juge s'il lui paraît suffisamment probant. Si le juge retient plusieurs indices qui
s'épaulent, ils doivent être concordants. Il ne faudrait pas qu'ils soient sans lien entre eux.
L'appréciation du juge est, à cet égard, souveraine. Il lui appartient de mesurer la portée des
éléments soumis à son appréciation et d'en tirer les déductions que, selon lui, ils autorisent.

Peuvent par exemple, constituer des indices, des rapports d'expertise officieux ou établis
dans une autre instance (différente de celle où l'instance est pendante), des constats d'huissier,
des photographies, des enregistrements audio ou vidéo, des factures, des relevés
automatiques, des listings informatiques, des actes de notoriété, des études scientifiques, des

176
Pour plus de détails sur ce mécanisme, voyez D. MOUGENOT, "La loi du 16 juillet 2012 modifiant le Code civil
et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui gouvernent le procès civil", in Journal des Tribunaux,
2012, pp. 633 et s.; A. HOC, "Les attestations écrites dans le Code judiciaire", in Journal des Tribunaux, 2013, pp.
277 et s.; D. PIRE, "La procédure de production d'attestations dans le Code judiciaire, in Revue trimestrielle de
droit de la famille, 2013, pp. 45 et s.; A. HOC et D. MOUGENOT, "Les attestations écrites", in La preuve dans le
procès civil, Actes du colloque du Centre Interuniversitaire de Droit judiciaire du 20 mars 2014, Bruges, éd. La
Charte, 2015, pp. 99 et s.

177
R. MOUGENOT et D. MOUGENOT, La preuve, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2002, n° 231, p. 282.
117

rapports de police, des articles de presse, des livres, mais aussi le comportement d'une partie à
l'instance ou hors instance.

III. Preuves résultant de la technologie moderne

Elles peuvent constituer des présomptions. Elles sont très variées. Il convient de les
analyser de manière succincte.

1. Les films et photos

a) Notions

Si l'on exerce la photographie d'un document qui est assimilable à une photocopie, les
films et photographies ne peuvent normalement servir qu'à prouver des faits. Sur le plan
juridique, les photos et fils constituent des présomptions de l'homme. Comme les faits, même
en matière civile, peuvent être prouvés par toutes voies de droit, il n'existe pas d'objection de
principe à la production en justice de photographies ou de films. Toutefois, le débat ne se
placera pas uniquement sur le terrain de la valeur probante de ces mécanismes, mais aussi de
leur admissibilité. Il se peut, en effet, que ces preuves soient écartées, non pas parce qu'elles
ne prouvent rien, mais parce qu'elles violent la loi ou le droit au respect de la vie privée 178.
Ces éléments peuvent servir de preuve en matière de divorce. C'est le cas de film-vidéo.

b) Valeur probante de films et photos

La valeur probante de photographies ou de films est, comme toujours en matière de


présomptions, appréciés souverainement par le juge. Celui-ci veillera à écarter les documents
soupçonnés de trucage. Il se méfiera des impressions fallacieuses résultant de l'angle de prise
de vues ou de l'éclairage employé. Le développement de logiciels de traitement d'image
(photoshop ou autre) a encore accru les possibilités de retoucher une photographie. Le juge
s'interrogera sur la date à laquelle les épreuves ont été réalisées.

L'appréciation souveraine du juge du fond a cependant ses limites. Il ne pourrait donner à


une photographie une interprétation inconciliable avec son contenu.

178
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 19, p. 176.
118

2. Les téléphones

En principe, une conversation téléphonique en elle-même n'est d'aucun secours sur le plan
des preuves. Il en est de même l'emploi du sémaphone, mobilophone ou GSM, aiphone.
Cependant, il peut arriver qu'une conversation ou SMS179 ou message texto soit enregistré,
dans ce cas cela peut constituer des présomptions comme moyen de preuve. Lorsque l'origine
et le contenu du SMS ne font pas l'objet de discussion, ce type de message peut constituer un
commencement de preuve par écrit180.

3. Les enregistrements magnétiques

Le son, et spécialement la voix humaine, peuvent être enregistrés sur disque, sur fil et sur le
ruban. Toute la doctrine est d'avis qu'ils constituent des présomptions 181. Mais celles-ci sont
laissées à l'appréciation souveraine du juge.

4. Les transferts électroniques de fonds

L'ordinateur fait partie de la vie de tous les jours. Dans l'état actuel de la législation, et
abstraction faite de dérogations conventionnelles, il est difficile de considérer les documents
issus de ces appareils, à l'occasion de transferts de fonds, comme autre chose que des
présomptions.

5. Les messages électroniques ou le mail ou courrier électronique

Ils sont rangés dans les présomptions182. Leur valeur probante dépendra des circonstances.
Dès lors les messages électroniques peuvent être admis parmi les écrits non signés. On peut
accepter le courriel électronique comme preuve lorsque l'existence et le contenu de ces
messages ne sont pas contestés. En revanche, en cas de contestation, un courriel électronique
est dépourvu de valeur probante, lorsqu'il a transité par un serveur interne du système
informatique de la personne qui l'invoque, de telle sorte que celle-ci avait tout pouvoir de

179
D. GOBERT et E. MONETRO, "L'ouverture de la preuve littérale aux écrits sous forme électronique", Journal
des tribunaux, 2001, p. 128.
180
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 17, p. 173.
181
M. FONTAINE, " La preuve des actes juridiques et les techniques nouvelles", in La preuve, Colloque
Université catholique de Louvain, 1987, p.27; R. ABRAHAMS, " La preuve civile par magnétophone", in Journal
des tribunaux, 1963, p. 585.
182
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 17, p. 173.
119

manipuler l'horloge du système ainsi que les journaux des opérations effectuées par le
système183.

183
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologies", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au
carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 17, p. 174.
120

6. La preuve du contenu d'un site web

Les constats du contenu du site web doivent respecter les exigences techniques précis, à
peine de quoi ils risquent d'être écartés. Ces constats ont la même valeur probante que les
autres constats d'huissier dressés à la requête des particuliers. Ils valent comme simples
renseignements, sans préjudice toutefois de la valeur morale qui s'attache à l'intervention d'un
huissier de justice.

7. La preuve par le son

Les enregistrements magnétiques peuvent être supplantés par les enregistrements


numériques, qui peuvent être stockés sur tout support numérique (disque dur, CD, DVD, clé
USB ou flash, etc.). Le procédé n'a toutefois que peu d'incidence sur la valeur juridique des
enregistrements. De tels enregistrements pouvaient être considérés comme des
présomptions184. Ainsi, un aveu verbal qui a fait l'objet d'enregistrement, doit être considéré
comme présomption de l'homme susceptible de prouver l'aveu lui-même185.

La valeur probante de l'enregistrement fait l'objet d'importantes réserves en raison des


dangers de trucage, altérations, découpages, suppression de passages ou surimpressions. Ces
dangers n'ont fait que croître avec le développement de l'informatique, qui permet le
traitement du son aussi bien de l'image. Il faut évidemment être attentif aux critiques
éventuelles de celui dont la voix a été enregistrée et, s'il y a lieu, recourir à une expertise 186.

184
P. VAN OMMESLAGHE, "Les obligations. Examen de jurisprudence (1974-1982)", Revue critique de
jurisprudence belge, 1988, p. 172; D. MATTHYS, "La vie privée et le droit de la preuve en matière civile", in
Annales de droit de Louvain, 1984, p. 392; P. VAN OMMESLAGHE (coordination), Incidence de nouvelles
technologie de la communication sur le droit commun des obligations, Formation permanente Université-Palais,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 19, pp. 1et s., note 46.
185
D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologie", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au carrefour
de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 24, p. 181.
186
M. FONTAINE, "La preuve des actes juridiques et les techniques nouvelles", in La preuve, Colloque Université
catholique de Louvain, 1987, p. 28; D. MATTHYS, "La vie privée et le droit de la preuve en matière civile", in
Annales de droit de Louvain, 1984, p. 394; D. MOUGENOT, "La preuve et les nouvelles technologie", in B.
FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd. Anthémis, 2013, n° 24, p.
185.
121

IV. Valeur probante

Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation. En matière civile, le juge ne doit
admettre que les présomptions graves, précises et concordantes 187. Il s'agit d'une grade fiabilité
des indices retenus par le juge pour former sa conviction et justifier sa décision. Le juge
apprécie les indices invoqués par les parties pour former sa conviction quant à la réalité la
plus probable des faits.

L'appréciation du juge suppose une comparaison des éléments produites aux présomptions,
raisonnement qui lui sont proposées et qui ne lui sont pas proposées, qu'il peut opposer ou
combiner pour déterminer ce qui lui paraît être la vérité des faits. C'est le raisonnement du
juge, démontrant la forte probabilité du fait inconnu, qui permet ce cheminement. Une
présomption ne peut être retenue qu'en considération d'éléments régulièrement débattus à
l'instance et à condition qu'elle ne soit pas contredite par des éléments de preuve directe
(pourvu qu'ils convainquent le juge, puisque leur valeur probante est elle aussi
souverainement appréciée par ce dernier). Il en résulte en tout cas que le juge doit motiver sa
décision pour justifier et expliciter le raisonnement qui l'é déterminée 188. En pratique, le juge
accorde aux présomptions une valeur probante supérieure à celle de témoignage.

SECTION 4: PREUVES LIÉES AUX MESURES D'INSTRUCTION


Les mesures d'instruction sont les mesures ordonnées par le juge d'office ou autorisées sur
la demande d'une partie afin de recueillir les éléments nécessaires à la l'information du juge
sur les faits dont dépend la solution du litige. En principe, la production des preuves devant le
juge relève de l'initiative des parties. Chaque partie a l'obligation de prouver les faits qu'elle
allègue et supporte donc la responsabilité d'apporter au débat les éléments de preuve utiles
pour conforter sa thèse. Toutefois, les parties peuvent demander au juge d'organiser des
mesures d'instruction pour récolter les preuves dont elles ne disposent pas. C'est une facette
du droit de la preuve qui est lui-même une manifestation du droit à un procès équitable. De
manière générale, le juge apprécie l'opportunité d'organiser une mesure d'instruction quelle
qu'elle soit. Nous examinerons l'expertise judiciaire (§ 1), la descente sur les lieux (§ 2) et la
comparution personnelle des parties (§ 2).
187
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément tome
IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1775, p. 885.
188
A. AYNES et X. VUITTON, Droit de la preuve. Principes et mise en oeuvre processuelle, Paris, éd. LexisNexis,
2013, n° 642-643, 560, pp. 303-304.
122

§ 1. L'expertise judiciaire

Les experts sont prévus par les articles 39 à 45 du Code de procédure civile.

I. Généralités

1. Définition

L'expertise judiciaire est une mesure d'instruction par laquelle le juge demande à un tiers
spécialisé dans un domaine technique déterminé un avis sur les éléments de fait du litige.
Cette mesure d'instruction est destinée à aider le juge dans l'appréciation du fait par le recours
à un spécialiste: l'expert. L'expertise n'est pas destinée à suppléer la carence des parties dans
l'administration de la preuve mais à éclairer le juge sur une question de fait, purement
technique qui requiert des investigations189. L'expert est un auxiliaire du juge intervenant pour
suppléer l'ignorance de celui-ci sur des questions de fait en lui fournissant une opinion limitée
l'appréciation des faits.

L'expertise s'est développée en corrélation avec les progrès des sciences exactes et des
sciences humaines. Le recours à l'expertise est très fréquent, vu la technophilie de la société
moderne et la tentation est parfois grande pour le tribunal de se décharger sur l'expert de
l'appréciation de questions délicates. L'apport de l'expert est double:
- d'une part, par ses investigations, il va compléter les faits du dossier;
- d'autre part, en sa qualité de technicien, il va donner un avais, qui pourra éclairer le juge sur
l'appréciation qu'il convient de faire de ces éléments de fait.

A une époque où les sciences et la technique tiennent dans la vie une place de plus en plus
grande, il faut s'attendre à ce que les tribunaux soient contraints d'ordonner un nombre
croissant d'expertises faisant appel à des spécialistes ayant une compétence technique que le
juge n'a pas: ingénieurs, architectes, médecins, chimistes, comptables, informaticiens, etc. Il
est fréquent que les magistrats doivent recourir à des spécialistes dans le cours d'un procès :
architecte, ingénieur, comptable, médecin, etc. L'expertise ne peut porter que sur des
constatations ou des questions d’ordre technique.

189
J. -P. LACROIX-ANDRIVET, "Mesures d'instruction-droit interne", in S. GUINCHARD (sous direction), Droit et
pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 342.250, p. 1056.
123

2. Raisons d'être de l'expertise

L'expert a pour mission principale de venir au secours du juge qui ne dispose pas des
connaissances techniques nécessaires pour comprendre certains aspects du litige qui lui est
soumis. L'expert de donne qu'un avis. Il comble l'ignorance du juge, il l'éclaire.

3. Inconvénients de l'expertise

L'expertise a un impact négatif sur le déroulement de la procédure. Elle en accroit la charge


financière pour le justiciable. Elle ralentit le procès, parfois de plusieurs années. Enfin, elle
aboutit fréquemment, dans les faits, à une véritable délégation du pouvoir de juger. En effet,
le juge ne dispose pas des compétences nécessaires pour apprécier le bien-fondé de l'avis de
l'expert, de telle sorte que, lorsque la conclusion du rapport d'expertise est déterminante pour
l'issue du litige, le jugement n'est en réalité que la transposition en termes juridiques de l'avis
du technicien.

4. Caractère facultatif de l'expertise

L'expertise est toujours une mesure facultative et ne constitue en règle jamais une obligation
pour le juge. Il peut y recourir d'office s'il estime nécessaire ou sur demande des parties.
L'utilité de l'expertise doit être appréciée en tenant compte du pouvoir qu'a le juge d'ordonner
une mesure d'instruction plus rapide et moins coûteuse. L'expertise est une mesure
d'instruction plus lourde, en temps et argent. Dès lors, le demandeur doit justifier sa demande
d'expertise. Il ne doit pas s'appuyer sur les droits évidents, sans quoi l'expertise n'aurait aucun
intérêt, mais il doit à tout le moins produire un commencement de preuve. Il est inopportun de
désigner un expert si l'expertise n'apportera rien sur le fond des débats ou si les résultats d'une
mesure d'instruction antérieurement exécutée sont suffisants pour permettre au juge de
trancher les questions litigieuses ou lorsqu'au vu des circonstances du litige, l'expert ne sera
plus en mesure de faire aucune constatation utile. Par ailleurs, le juge devra motiver son choix
de recourir à l'expertise.
124

Les parties pourraient-elles néanmoins contraindre le juge à organiser une expertise qu'il
estime inutile ? La réponse est délicate car l'expertise se situe aux confins de deux principes
tout aussi importants de la procédure moderne: le principe de dispositif, en vertu duquel les
parties fixent les limites du litige et déterminent donc librement les questions qu'elles
soumettent au juge, et le respect du délai raisonnable, qui investit le juge de la responsabilité
d'éviter toute mesure ralentissant indument la procédure.

Il est clair que, en dehors de toute hypothèse d'accord des parties, le juge apprécie
souverainement l'opportunité de l'expertise. Il a l'obligation de rejeter une expertise inutile,
pour éviter toute prolongation anormale de la procédure 190. Par ailleurs, le juge peut refuser de
faire droit à la demande d'expertise d'une partie demanderesse qui ne collabore pas loyalement
à la charge de la preuve, en n'étayant pas la faute qu'elle reproche à la partie défenderesse et
en négligeant de répondre aux moyens de défenses avancés 191. En revanche, en cas d'accord
des parties sur le principe d'une expertise, la réponse est controversée. En effet, si les parties
sont prêtes à assurer le recours à une procédure lente et couteuse, le juge ne peut que
s'incliner. Dans le même sens, lorsque l'expert réalise que le coût de l'expertise risque de
devenir disproportionné par rapport à l'enjeu du litige et interpelle les parties à ce sujet, il doit
néanmoins poursuivre son travail si les parties, clairement informées du problème, estiment
de commun accord que l'expertise doit aller jusqu'à son terme.

II. Désignation de l'expert par un jugement avant dire droit

Lorsqu’il y a lieu à expertise, elle est ordonnée par un jugement qui désigne le nom des
experts et la mission précise qui leur est confiée et qui impartit un délai pour le dépôt du
rapport. Il n’est nommé qu’un expert à moins que le juge n’estime nécessaire d’en nommer
trois. Le juge choisit le ou les experts à moins que les parties n’en conviennent à
l’audience192.

Lors de la désignation de l'expert, le juge se réfère souvent à une liste officieuse établie par
la juridiction ou choisit, en dehors de cette liste, une personne à la quelle il reconnaît des
compétences particulières et en laquelle il a confiance. Dans le choix de l'expert, le juge tente

190
CEDH, 13 avril 2006, Sandoc c/Croatie, § 30.
191
O. MIGNOLET, "L'expertise et la vérité dans le procès civil", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la
difficile quête de la vérité judiciaire, CUP, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n° 17, p. 70.
192
Article 39 du Code de procédure civile.
125

de cerner au mieux les compétences et qualités attendues de la personne qui sera désignée, en
fonction de la mission qui lui est confiée. En toute hypothèse, l'expert ne peut être qu'une
personne physique, qui maîtrise son domaine technique et la langue de la procédure.

L'interprétation de l'article 39 du Code de procédure civile montre que l'expert est désigné
par un jugement. Il s'agit du juge siégeant au fond de l'affaire pendante qui se prononce par
un jugement avant dire droit. A cet égard, le juge du fond peut ordonner une expertise, soit
après avoir statué sur les droits des parties (ce qui est très rare en pratique), pour préciser une
question technique (la détermination du dommage de la victime d'un accident de circulation
par exemple), soit à titre de mesure avant dire droit (ce qui est le cas dans la pratique), pour
permettre précisément d'apprécier le caractère des revendications des parties.

La désignation d'un expert par un jugement avant dire droit (de type préparatoire) peut avoir
lieu à tout moment de la procédure. En outre, le juge du fond peut aussi régler la situation des
parties, en fonction de l'évolution de l'expertise. De même, le juge du fond a la compétence de
trancher tous les incidents survenus en cours d'expertise. Le jugement ordonnant l'expertise ne
dessaisit pas totalement le juge. Celui-ci demeure compétent pour contrôler l'expertise,
trancher toutes les difficultés qui pourraient naître durant son exécution et taxer les honoraires
de l'expert. Par ailleurs, le contrôle de l'expertise est réalisé par le juge.

Le jugement avant dire droit portant désignation de l'expert n'a pas autorité de chose jugée
quant au fond du litige: le juge qui ordonne une mesure d'instruction ne dit rien concernant les
droits et obligations des parties. Le juge est toutefois lié par sa décision concernant
l'admissibilité d'un mode de preuve. Il ne pourra remettre en cause cette décision que si les
éléments nouveaux la rendent sans objet ou si une partie y fait obstacle et rend impossible
l'exécution de cette mesure.

Même si la loi ne le dit pas, il est de pratique constante que l'expert prête serment lors de la
présentation de son expertise et non à chaque audience. Nous pensons que lorsque l’expert
refuse d’obtempérer à la réquisition ou de prêter serment, il pourra, en vertu de l’article 52 du
Code de procédure pénale être condamné à un mois d’emprisonnement et une amende, ou
l’une de ces peines seulement.
126

L'expertise est ordonnée, soit d'office, soit à la demande d'une des parties, par le juge en
vue de la solution d’un litige porté devant lui. Le jugement avant dire droit qui ordonne
l'expertise comporte au moins :
- l'indication des circonstances qui rendent nécessaires l'expertise et la désignation éventuelle
de plusieurs experts ;
- l'indication de l'identité de l'expert ou des experts désignés ;
- une description précise de la mission précise qui leur est confiée ;
- un délai impartit pour le dépôt du rapport.

Selon l'article 39 du Code de procédure civile, le juge peut par jugement avant dire droit,
nommer qu'un expert à moins que le juge n'estime nécessaire d'en nommer trois. A cet égard,
le juge doit indiquer dans son jugement avant dire droit, quelles sont les circonstances qui
rendent nécessaire la désignation de trois experts. Dans le même ordre d'idées, nous
soulignerons que le juge ne désignera trois experts que s'il estime nécessaire. Généralement,
cela ne se produite que lorsque la complexité de l'affaire le justifie.

Lorsque le juge a désigné trois experts, le tribunal peut leur confier une mission unique, soit
avec des missions spécifiques pour chaque expert. Lorsque la mission est unique, les experts
forment un collège. En effet, selon l'article 42 du Code de procédure civile, les experts ne
forment qu’un seul avis à la pluralité des voix et ne dressent qu’un seul rapport. Ils indiquent
néanmoins, en cas d’avis différents, les motifs des divers avis, sans faire connaître l’avis
personnel de chacun d’eux. Le rapport est signé par tous les experts, sauf empêchement
constaté par le greffier au moment du dépôt de ce rapport. Cela n'empêche pas qu'une
répartition des tâches peut être effectuée au sein du collège, surtout si les trois experts ont des
spécialités différentes. Il est même admis qu'un expert procède seul à certaines investigations,
pour autant que celles-ci aient un caractère accessoire193.

Le juge doit notamment, dans son appréciation de l'opportunité à l'expertise, se laisser par
le principe d'économie de procédure c'est-à-dire que le juge limite le choix de la mesure
d'instruction à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en privilégiant la mesure la plus
simple, la plus rapide et la moins onéreuse.

193
Voyez en ce sens, J. VAN COMPRENOLLE, "La désignation, la mission et la fonction de l'expert, in L'expertise,
Bruxelles, éd. Facultés universitaires Saint-Louis, 1994, n°4, pp. 105 et s.
127

III. Statut de l'expert judiciaire

L'expert est un auxiliaire de justice occasionnel investit par le juge de la mission de


procéder à des constatations ou de donner un avis d'ordre technique. L'expert judiciaire est
une personne qualifiée en raison de ses connaissances qui, sans être son mandataire, est
désignée par le juge pour lui donner en toute indépendance et impartialité un avis d'ordre
technique en vue de l'exercice de la mission dont ce juge est saisi 194. L’expert est un homme
de l’art, un spécialiste auquel le juge a recours « dans le cas où se pose une question d’ordre
technique ». Il n'est donc ni partie, ni tires à la procédure. Il doit être choisi parmi les
personnes d’expérience dans un domaine concerné par un procès. En effet, les procès
soulèvent fréquemment des questions de nature technique qui, pour être tranchées, exigent des
connaissances spécialisées que le juge ne possède pas nécessairement. Par exemple : apprécier
la valeur d’un immeuble, chiffrer le degré d’invalidité d’une victime d’accident de circulation,
etc. Pour être éclairé, le juge fera appel aux connaissances d’un technicien du domaine bien
déterminé appelé « expert ».

L'expert n'est pas ni le mandataire des parties, ni le mandataire du juge qui l'a désigné; il
est indépendant par rapport à celui-ci et il exécute sa mission en conscience et avec probité,
selon les règles propres à sa discipline ou à sa technique. Il n'est pas mis sous la tutelle par le
juge. Il n'exerce pas une fonction judiciaire au sens de l'article 149 de la Constitution du 18
février 2006. Il ne se trouve pas dans une situation statutaire, car il est libre de refuser la
mission qui lui est confiée. L'expert est tenu au respect du secret professionnel même vis-à-vis
du juge qui l'a mandaté pour tout ce qui ne se rattache pas directement à sa mission technique.
Autrement dit, ce secret n'est toutefois pas opposable au juge qui l'a désigné, pour les points
qui rentrent dans le cadre de la mission, sans quoi, l'expertise n'aurait évidemment aucune
utilité.

Technicien, l'expert n'est pas officier public, même s'il exerce une tâche d'utilité publique.
En effet, il ne prend pas part à l'exercice de la puissance publique. Il n'existe aucun lien
contractuel entre les parties et l'expert judiciaire. En principe, toute personne peut être
désignée comme expert, pour autant qu'elle dispose des compétences techniques nécessaires.

194
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.44, p. 512.
128

Technicien, l'expert n'est pas le juge. C'est le juge qui décide et lui seul, l'expert n'a pas à
s'immiscer dans ces fonctions; si tel est le cas, le rapport d'expertise et tout ce qui en est la
suite devrait être écarté des débats. Il a pour mission de procéder à un examen et de donner un
avis d’ordre technique. Il n’est pas chargé de résoudre un litige, il n'a pas à affirmer que
l'infraction a été commise mais il ne fait qu’émettre un avis qui ne lie pas le juge, toujours
maître de la décision finale195. Mais les conclusions de l’expert peuvent utilement éclairer le
juge et lui permettre de mieux comprendre le problème technique pour en tirer ensuite les
conséquences juridiques qui s’imposent196. Dans tous les cas, l’expert doit se cantonner à sa
mission factuelle et ne pas chercher à donner une interprétation juridique des questions
posées197.

L'expert n'est pas enfin un témoin. Alors que le témoin relate ce qu'il a vu ou entendu des
faits auxquels il a assisté, l'expert qui ne connaît l'affaire qu'après coup, a pour mission de
procéder à un examen et de donner un avis d'ordre technique. Cette demande d'avis est justifié
par les compétences scientifiques ou techniques particulières de l'expert, ce qui suppose qu'il
soit objectif et respecte la présomption d'innocence.

L'expert est donc "le conseiller technique du juge". Le juge demande à l'expert de
l'instruire sur des faits dont il ne pourrait, livré à lui-même, à défaut des connaissances
exigées, saisir la possibilité, le sens et la portée. D'où l'expertise est le complément de
l'expérience personnelle du juge: elle est l'instrument de meilleure information et meilleure
justice. L'expert est un facteur de sécurité judiciaire. Par conséquent, le juge ne peut lui
confier ni les tâches qu'il pourrait exécuter lui-même, ni surtout le soin de dire le droit, c'est-à-
dire de dégager les conséquences juridiques des faits constatés ou appréciés. Le juge ne peut
non plus lui confier en principe une mission d'instruction. Le juge ne peut en aucun cas
déléguer son pouvoir de décision. Il ne peut donc charger l'expert de se prononcer sur des
points de droit. Ce qu'il convient d'attribuer à l'expert, ce sont des missions d'ordre
scientifique ou technique pour être appréciés par le juge 198. Le juge apprécie souverainement
195
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16ème éd. Cujas, 2011, n° 203, pp. 164-167 ; B. BOULOC, Procédure
pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 766, p. 737; S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale,
Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, p. 242.
196
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 482, p. 369.
197
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.545; J.P. SCARANO, op. cit, n° 328, p. 227.
198
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.44, p. 512; M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET,
129

la valeur qui s'attache aux constatations et déductions de l'expert. Mais le juge ne peut
s'écarter des conclusions de l'expert sans motiver sa décision.

L'expert est indépendant et impartial. Il est indépendant des parties et du tribunal. Il ne


peut donc être lié à l'une des parties par rapport contractuel ou u lien de subordination. Il n'est
partie au procès. Le simple fait qu'il participe à certaines audiences n'y change rien: il est
entendu en sa qualité d'auxiliaire de la justice. L'expert se doit d'être impartial. Même si
actuellement, le Code de procédure civile et l'article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire ne prévoient pas la récusation de l'expert judiciaire, celui-ci doit présenter à tout le
moins la qualité d'impartialité car si celle-ci faisait défaut, l'avis donné par l'expert serait
complètement partial, faussé et par conséquent contestable. En Belgique, l'expert peut être
récusé aux mêmes conditions que le juge 199. Il serait souhaitable que la RDC aille dans ce
sens.

IV. Déroulement de la procédure de l'expertise judiciaire

1. Début de la mission de l'expert

Dans la quinzaine de l’information que le greffier lui aura donnée de sa désignation,


l’expert avisera, par lettre recommandée à la poste, chacune des parties des lieux, jour et
heure où il commencera ses opérations. Les parties pourront comparaître aux opérations
d’expertise volontairement et sans formalité200.

L'article 40 alinéa 1 du Code de procédure civile précise que la décision désignant l'expert
est notifiée d'office par le greffier. L'expertise commencera selon les lieux, jour et heure fixés
par l'expert, ce n'est qu'après cette formalité que l'expertise pourra démarrer automatiquement.

Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier, 2012, p.1211.


199
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.60, pp. 526-528; D. MOUGENOT, "L'administration de la
preuve et les mesures d'instruction", in H. BOULABAH et F. GEORGES (sous direction), Actualités en droit
judiciaire, CUP, volume 143, Bruxelles, éd. Larcier, 2013, n° 27, pp. 303 et s.; O. MIGNOLET, "L'expertise et la
vérité dans le procès civil", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire,
CUP, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n° 35-36, pp. 87-88; C. DE BOE, "De la récusation et du
remplacement de l'expert", in Journal des Tribunaux, 2007, pp. 812 et s.; J. VAN COMPRENOLLE, "La
désignation, la mission et la fonction de l'expert, in L'expertise, Bruxelles, éd. Facultés universitaires Saint-Louis,
1994, n°34, pp. 105 et s.
200
Article 40 du Code de procédure civile.
130

La fixation des réunions d'expertise est laissée à l'initiative de l'expert, les parties peuvent
comparaître volontairement et sans formalité. Cela signifie qu'il n'est pas nécessaire d'envoyer
les assignations.

2. Caractère contradictoire de l'expertise

Contrairement à l'expertise pénale concernant l'action publique, l'expertise civile est


fondamentalement contradictoire. L'expertise pénale est contradictoire lorsqu'elle est relative
à la phase du jugement. Le caractère contradictoire de l'expertise civile est sous-jacente durant
tout le déroulement de la procédure. Elle se marque notamment par l'obligation de l'expert
d'aviser les parties le lieux, jour et heure où les opérations pourront se dérouler. En effet,
lorsque l'expertise débute, même à l'initiative d'une partie, l'expertise doit ultérieurement se
dérouler de manière contradictoire dès que possible. De même, selon les termes de l'article 40
alinéa 2 du Code de procédure civile, les parties pourront comparaître aux opérations
d'expertise volontairement et sans formalité. L'expert doit soumettre son rapport aux parties
avant de le déposer au tribunal pour leur permettre de préparer le débat contradictoire au
tribunal. S'il s'agit d'une pièce détenue par lui, l'expert doit également la communiquer aux
parties avant de déposer son rapport et il ne suffit pas que cette pièce ait pu être
ultérieurement discutée dans le débat judiciaire.

Toutefois il est admis que le principe du contradictoire doit céder lorsqu'il entre en conflit
avec un autre principe équivalent ou supérieur. Il en va ainsi pour le secret médical 201, et dans
une certaine mesure, pour le respect par une partie de son intimité ou le secret des affaires 202.
Le secret des affaires couvre la matière de protection des droits de propriété intellectuelle, le
savoir faire, les données qui présentent un intérêt d'un point de vue concurrentiel, en raison de
leur caractère stratégique203.

201
P. LURQUIN, Traité de l'expertise en toutes matières, Bruxelles, éd. Bruylant, 1985, n°142; O. MIGNOLET,
"L'expertise et la vérité dans le procès civil", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de la
vérité judiciaire, CUP, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n°52-55, pp. 102-106.
202
O. MIGNOLET, "L'expertise et la vérité dans le procès civil", in G. DE LEVAL (sous direction ), La preuve et la
difficile quête de la vérité judiciaire, CUP, volume 126, Liège, éd. Anthémis, 2011, n°56-62, pp. 106-116.
203
J.-P. BUYLE, "Le secret des affaires; du droit à l'intimité au secret professionnel ?", in Liber Amicorum Guy
Horsmans, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, pp. 102 et s.
131

3. Remplacement de l'expert

Si l’expert reste en défaut de fixer le lieu, jour et heure pour le commencement de ses
opérations, les parties s’accorderont pour en nommer un autre à sa place ; sinon la nomination
en sera faite sur requête présentée au tribunal par la partie la plus diligente. Autrement dit, il
faut déposer une requête au tribunal par la partie la plus diligente. Ainsi, l’expert qui, ayant
fixé lieu, jour et heure pour l’expertise, ne remplit pas sa mission, pourra être condamné par le
tribunal qui l’avait commis, à tous les frais frustratoires, et même à des dommages-intérêts,
s’il échet204. L'article 41 alinéa 1 du Code de procédure civile sous entend que remplacement
de l'expert peut être le résultat d'une indisponibilité de l'expert (maladie...) ou mauvaise
exécution de la mission. Il peut s'imposer au début de mission, parce que l'expert n'a pu
l'accepter, ou en cours de mission, parce que celle-ci ne peut se poursuivre dans de bonnes
conditions.

4. Rapports d'expert

A l'issue de leurs travaux, les experts déposent l'original de leur rapport daté et signé au
greffe du tribunal qui les a désignés. Les experts ne forment qu’un seul avis à la pluralité des
voix et ne dressent qu’un seul rapport. Ils indiquent néanmoins, en cas d’avis différents, les
motifs des divers avis, sans faire connaître l’avis personnel de chacun d’eux. Le rapport est
signé par tous les experts, sauf empêchement constaté par le greffier au moment du dépôt de
ce rapport. S’ils ne savent pas tous écrire, le rapport est écrit et signé par le greffier. La
signature des experts est précédée du serment : « je jure que j’ai rempli mon travail en
honneur et conscience, avec exactitude et probité»205.

Au rapport, doivent être annexés:


- les pièces pertinentes adressées par les parties;
- les notes et déclarations des parties;
- les échanges de correspondance entre experts et parties;
- les résultats des investigations des experts ou de leurs collaborateurs;
- les documents sur lesquels ils se fondent pour émettre leurs conclusions (documentation
technique, contenu de normes techniques, recommandations d'organismes officiels, etc.);
- les photos, plans, etc.

204
Article 41 du Code de procédure civile.
205
Article 42 du Code de procédure civile.
132

Les conclusions de l'expert doivent être motivées. L'expert ne peut se borner à exprimer son
opinion personnelle de manière péremptoire, même s'il peut faire état de son expérience
personnelle. Il devra se fonder sur les constats réalisés et, le cas échéant, sur la documentation
technique publiée. Enfin, le premier destinataire du rapport est le juge et non les parties. C'est
pourquoi, le rapport doit donc être rédigé de manière compréhensible pour un profane.

L'expert doit rendre compréhensible pour ses interlocuteurs, et en premier lieu pour le juge
qui l'a désigné, les documents techniques, le raisonnement et le langage particulier dont il fait
usage. Quel que soit le type de documents auquel il se référera (graphiques, croquis,
photographies, films, enregistrements sonores, visuels et/ou audiovisuels), l'expert devra
toujours garder à l'esprit que le juge qui l'a désigné devra ensuite exprimer la motivation
technique de sa décision à l'aide de phrases écrites 206. Car c'est finalement le juge qui doit
appliquer le droit au fait, c'est-à- dire juger. Le juge qui ne comprend pas le rapport
d'expertise n'aura d'autre recours que de convoquer l'expert à l'audience pour obtenir les
explications nécessaires. Une telle procédure peut être évitée si l'expert s'exprime dans un
langage clair et cohérent.

Le rapport de l'expert doit répondre à l'ensemble des questions posées par le jugement
avant dire droit qui a ordonné l'expertise. Il doit contenir l'avis de l'expert sur chacune des
questions qui lui ont été soumises, mais il doit aussi décrire les opérations auxquelles il a été
procédé, en mentionnant la présence ou la convocation des parties, de leur conseil et, le cas
échéant des tiers; le rapport doit également indiquer les observations des parties ou du
ministère public.

Lorsque l'expert ne convainc pas du tout et que le juge ne peut espérer de plus amples
éclaircissements de sa part, il peut aller jusqu'à faire recommencer les opérations par un autre
expert. Ainsi, si les juges ne trouvent point dans le rapport les éclaircissements suffisants, ils
peuvent ordonner d’office une nouvelle expertise. Le juge appréciera souverainement si les
éléments qui lui sont présentés justifient ou non la désignation d'un autre expert. Les juges

206
J.-BERAUDO, "Les modes d'expression de l'expert", in Les experts: auxiliaires ou substituts du juge ?,
Colloque du 5 décembre 2008, sous la direction de P. SARRAILHE, Centre français de droit comparé, volume 12,
Paris, éd. Société de législation comparée, 2009, pp. 64 et s.
133

peuvent aussi entendre les experts à l’audience à titre de renseignements et sans autre
formalité. Les experts sont convoqués par le greffier par lettre recommandée à la poste 207.

De même, en cas de sortie caractérisée du cadre de la mission de l'expert, le juge devra


écarter le rapport et, le cas, échéant, ordonner une nouvelle mesure d'expertise. En effet, si le
non-respect de la mission est généralisé, il n'est plus possible d'ajouter crédit aux conclusions
de l'expert.

Toutefois, il n'est pas indiqué d'ordonner une nouvelle expertise chaque fois qu'une partie
n'est pas d'accord avec le rapport de l'expert. Une nouvelle désignation ne justifie que si un
élément nouveau est survenu ou si l'expert a commis une faute manifeste.

5. Rémunération de l'expert

Le Code de procédure civile est muet sur cette question. L'état de frais de l'expert peut
contenir: le tarif horaire, les frais de déplacement, les frais de séjour, les frais généraux, les
montant payés par les tiers, l'imputation des montants libérés. Apparemment, c'est la partie
qui a requis l'expertise ou qui l'a poursuivie qui devrait supporter les frais de l'expertise. Au
cas où cela serait délicat en pratique, c'est la partie succombante au procès qui supporterait les
frais. Cela nous semble cohérent dans la mesure où les frais d'expertise font partie des dépens.
Or, en matière civile, c'est la partie qui a succombé au procès qui supporte les frais et dépens
de l'instance.

6. Tentative de conciliation

Le juge peut désigner des arbitres rapporteurs qui auront pour mission d’entendre les
parties, de les concilier si faire se peut, sinon de donner leur avis208. L’expert peut tenter de
concilier les parties. En cas de conciliation, celle-ci est constatée et précisée par un procès-
verbal signé par les parties et par l’expert. L’expert dépose le procès-verbal de conciliation au
greffe de la juridiction ayant ordonné l’expertise209.

L'interprétation de l'article 45 du Code de procédure civile montre que l'expert est tenu de
concilier les parties. Ce point fait également partie de sa mission, même si le jugement avant
207
Article 43 du Code de procédure civile.

208
Article 44 du Code de procédure civile.
209
Article 45 du Code de procédure civile.
134

dire droit de sa désignation ne l'a pas prévu. La conciliation est une forme de alternative au
règlement des conflits. Dans son rôle de conciliateur, l'expert ne contribue pas à éclairer le
juge sur un aspect (factuel et technique) du litige. Si sa mission de conciliation aboutit à un
accord des parties, l'expert participe en fait directement à la résolution du litige. Toutefois,
l'absence de tentative de conciliation n'est pas sanctionnée de manière particulière par la loi.

Si la conciliation aboutit, l'accord des parties doit être constaté par écrit (procès-verbal). Les
parties peuvent faire entériner l'accord par le juge. L'expert adresse au juge un constat de
conciliation, les pièces et notes des parties et son état de frais et honoraires. Il fait de même à
l'égard des parties et de leur conseil. L'expert doit restituer aux parties les pièces originales de
leur dossier. Il est en effet inutile que l'expert ou le tribunal conserve ces documents. Il n'est
pas précisé dans le Code de procédure civile que la conciliation a un caractère confidentiel. Il
est regrettable parce que la confidentialité est un élément important pour faciliter la
négociation entre les parties. Elles se sentiront plus à l'aise si elles savent que leurs propos ne
pourront pas être utilisés contre elles dans la suite de la procédure.

7. Valeur probante du rapport d'expert

L'expert de donne qu'un avis. Aussi bien, lorsque le juge éclairé par l'expert et tous les
éléments de preuve, estime connaître le fait matériel de la cause, il n'est pas tenu de suivre
l'opinion de l'expert si sa conviction s'y oppose. Effet, le juge du fond apprécie
souverainement en fait la valeur probante du rapport d'expertise, pour autant qu'il ne viole pas
la foi due à ce rapport. La liberté réelle du juge soit d'entériner, soit de rejeter, totalement ou
partiellement, le rapport d'expertise s'accompagne de l'obligation de motivation suffisante et
correcte du jugement210. Cette motivation est suffisante lorsque le juge répond aux griefs
articulés contre le rapport en reprenant les conclusions définitives de ce rapport, qui
rencontrent les objections formulées.

C'est ainsi qu'en cas de contestation, il n'est pas exceptionnel que le juge ne tienne pas
compte du rapport, ne retienne pas l'intégralité des conclusions de l'expert ou construise son
propre raisonnement en prélevant de manière sélective certains éléments des rapports
techniques versées au dossier211.

210
G. CLOSSET-MARCHAL, "Considérations générales sur l'expertise, in L'expertise, Bruxelles, éd. Facultés
universitaires Saint-Louis, 1994, n°15, pp. 9 et s.
135

Il convient toutefois de préciser que plus le rapport donne une apparence de certitude, plus
les probabilités que le juge l'entérine (approuve, confirme) sans discussion sont élevées.

Enfin même si l'expert n'est pas un officier ministériel, ses constatations matérielles sont
assorties de la force probante authentique212. A titre illustratif, lorsque le test ADN est réalisé
en matière de recherche de paternité, on peut par exemple prélever la salive du père ou ses
cheveux et la comparer avec celle d'un enfant présumé être celui de personne prélevée.
L'examen peut confirmer ou pas que l'enfant est celui du père à 99, 99%. Ces techniques sont
d'une très grande fiabilité car elles permettent de s'approcher très finement de la vérité
biologique213.
Et pourtant les constats réalisés par un huissier de justice, qui est un officier ministériel, ne
valent qu'à titre de simples renseignements, même lorsqu'il est commis par le juge 214. Cet
enseignement ne vaut en tout cas qu'entre parties. A l'égard des tiers, les constats de l'expert
ne constituent que des présomptions. En outre, l'avis technique de l'expert relatif aux faits
qu'il a constaté ne lie pas le juge215.

§ 2. La descente sur les lieux

I. Principe

Il est parfois utile que l'ensemble du tribunal ou l'un des juges se transporte sur les lieux
litigieux pour les examiner (par exemple, en matière de troubles du voisinage ou de troubles
de jouissance en matière de bail ou autre). L’article 46 du Code de procédure civile dispose à
cet effet que "Le tribunal peut décider de se transporter sur les lieux ou commettre un des
juges qui a participé au jugement pour l'accomplissement de cette mesure. Le jugement fixe le
jour et l'heure de la visite. Il vaut sommation de comparaître, sans qu'il soit besoin de

211
L. DUMOULIN, "Les experts judiciaires: droit, science et enjeux professionnels", in Preuve scientifique, preuve
juridique, Bruxelles, éd. Larcier, 2012, p. 322.
212
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.78, p. 540.
213
O. LECLERC, Le juge et l'expert. Contribution à l'étude des rapports entre le droit et la science, Bibliothèque
de droit privé, T. 443, Paris, éd. LGDJ, 2005, n°143, pp. 116-117.

214
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire. Tome 1. Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 430, p. 331.
215
D. MOUGENOT, "Les mesures d'instruction", in G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel
de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.78, p. 540.
136

signification lorsqu''il est rendu en présence des parties". Cette disposition autorise le juge à
se rendre sur les lieux du litige s'il estime que c'est utile pour visualiser les éléments qui font
problème.

Si l'objet de la visite exige des connaissances qui lui sont étrangères, le juge ordonne que
les gens de l'art, qu'il nomme par le même jugement, feront la visite avec lui et donneront
leur avis. Le jugement peut être prononcé sur les lieux sans désemparer et n'est susceptible ni
d'opposition ni d'appel. Le juge qui tient une enquête peut, s’il échet, entendre les témoins ou
certains d’entre eux au cours d’une descente sur les lieux. La comparution personnelle des
parties lors d’une descente sur les lieux peut également être ordonnée par le juge. Le juge
peut également se faire accompagner d’un expert durant la vue des lieux.

Le juge est accompagné d'un greffier, qui dressera un procès-verbal de cette mesure
d'instruction. Ce procès-verbal relatant la vue des lieux est un acte authentique, comme tout
acte de procédure dressé par le juge et le greffier. Le juge ne peut procéder à une vue des
lieux que dans son ressort territorial. Autrement, il est tenu de recourir au mécanisme de la
commission rogatoire.

II. Procédure

Lors de la descente sur les lieux, le juge est accompagné d'un greffier, qui dressera procès-
verbal des opérations accomplies et des constatations faites au cours de la visite. La minute de
ce procès-verbal est versée au dossier de la procédure et est signé par le juge, les parties et
leurs avocats ainsi que par le greffier216.

Comme pour l'enquête, l'expertise et l'interrogatoire des parties, la partie demanderesse doit
consigner au greffe une provision suffisante pour les frais nécessaires à la descente pour une
vue des lieux. Le jugement avant dire droit fixe le jour et l’heure de la visite. Il vaut
sommation de comparaître, sans qu’il soit besoin de signification lorsqu’il est rendu en
présence des parties217.

La vue des lieux peut être combinée avec une audition de témoins ou une comparution
personnelle des parties. Tout comme en matière de comparution personnelle, le juge qui a
opéré la descente sur les lieux doit siéger pour la suite de la procédure.
216
Article 48 du Code de procédure civile.
217
Article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile.
137

Si l’objet de la visite exige des connaissances qui lui sont étrangères, le juge ordonne que
les gens de l’art, qu’il nomme par le même jugement, feront la visite avec lui et donneront
leur avis. Le jugement peut être prononcé sur les lieux sans désemparer 218. L'interprétation de
l'article 47 du Code de procédure civile signifie que le juge peut se faire accompagner d'un
expert durant la descente sur les lieux. Cette mesure d'instruction particulière peut constituer
une alternative à l'expertise dans les cas les plus simples.

Pour le juge, cette mesure présente l'intérêt de visualiser les éléments de fait du litige et de
poser sur place toutes les questions utiles à l'expert. En revanche, elle demande une
disponibilité importante du magistrat et du greffier ainsi que la possibilité d'être organisée à
délai assez rapproché, à peine de perdre une partie de son utilité. Si à l'issue de descente sur
les lieux, le juge demande à l'expert de dresser une note écrite de synthèse, il ne s'agit pas d'un
rapport d'expertise et les conditions de forme qui gouvernent celui-ci ne sont donc pas
applicables.

Le procès-verbal de la visite dressé par le greffier est signé par le juge et le greffier. Il est
également signé par l’expert, dont la signature est précédée du serment prévu à l’expert. Si
l’expert ne peut ou ne veut signer, il en est fait mention219.

§ 3. La comparution personnelle des parties et leur interrogatoire

Le juge peut, même d'office, ordonner la comparution personnelle des parties ou de l'une
d'elles. Cette mesure d'instruction, qui permet le dialogue entre le juge et les parties tend aussi
à provoquer des aveux judiciaires. Cette mesure n’est toutefois assortie d’aucune sanction
physique ou pécuniaire, toute personne pouvant organiser sa défense comme elle l’entend, et,
partant, elle ne peut être assortie d’astreinte. La décision ordonnant la comparution
personnelle n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel.

La comparution personnelle a lieu en audience publique ou en chambre du conseil, devant


les juges qui l'ont ordonnée ou devant le juge désigné dans la décision. La partie est entendue,
tant en présence qu’en l’absence des autres parties. Les avocats des parties peuvent y assister
et, après l'interrogatoire, demander au juge de poser les questions qu'ils estiment utiles.

218
Article 47 du Code de procédure civile.
219
Article 48 du Code de procédure civile.
138

Les parties ne prêtent pas serment et, pour le reste, sont entendues conformément à la
procédure prévue pour l'audition des témoins. Le juge qui tient une enquête peut, au cours de
celle-ci, confronter avec les témoins la partie présente ou dont il ordonne la comparution
personnelle.

Si des parties sont trop éloignées, le juge peut ordonner qu'elles seront entendues, ensemble
ou séparément, par un juge commis par un tribunal désigné à cet effet, aux lieu, jour et heure
fixés par ce tribunal. Il peut aussi ordonner la comparution personnelle des incapables, de
ceux qui les assistent ou de leurs représentants légaux.

De même, il peut ordonner la comparution des personnes morales. Celles-ci comparaissent,


soit par un de leurs préposés muni d'une procuration spéciale, soit par un membre de leur
organe de gestion désigné par celui-ci ou ayant qualité pour représenter la personne morale en
vertu de la loi ou des statuts. Il peut également ordonner la comparution des administrations
publiques. Celles-ci comparaissent en la personne d'un agent habilité par la loi pour les
représenter ou muni d'un pouvoir spécial.

De la même manière, il peut aussi ordonner la comparution d'administrateurs et d'agents


nommément désignés par lui pour être interrogés tant sur les faits qui leurs sont personnels
que sur ceux qu''ils ont con nus en raison de leurs fonctions.

Enfin, si l'une des parties ne comparaît pas ou refuse de répondre, le juge peut en tirer toute
conséquence de droit, et nota m ment considérer que l'absence ou le refus équivaut à un
commencement de preuve par écrit.
139

QUATRIEME PARTIE: LES INCIDENTS A L'INSTANCE

CHAPITRE I: LES INCIDENTS DE COMPETENCE


DES JURIDICTIONS

Ils analyseront les notions préliminaires de compétence judiciaire (section 1),


l'incompétence de la juridiction saisie (section 2), la prorogation de compétence (section 3), la
litispendance (section 4), la connexité (section 5), l'indivisibilité (section 6), le conflit de
juridictions ou règlement des juges (section 7), le conflit d'attribution (section 8) et les
règles particulières de compétences en matière civile, commerciale, sociale et de la famille
(section 9).

SECTION 1: NOTIONS PRÉLIMINAIRES DE COMPÉTENCE JUDICIAIRE


Nous rappelons que les règles de compétence matérielle (en toutes matières: civile,
commerciale, sociale et de la famille, pénale et administrative) sont d'ordre public. Du
caractère d'ordre public de règles de compétence matérielle, il résulte que:

- le juge doit vérifier d'office s'il est compétent;

- la violation d'une règle de compétence matérielle peut être soulevée à tout moment et
attaquée s'il échet (avant les questions de fond) devant la juridiction directement supérieure
voire devant la Cour de cassation;

- l'examen de compétence matérielle précède celui de la régularité de la procédure c'est-à-dire


que le tribunal appelé à juger une affaire doit d'abord vérifier s'il est compétent matériellement
avant de vérifier la procédure de saisine et ledit tribunal ne peut pas dire dans un jugement
avant droit de joindre l'exception au fond (ce qui est malheureusement fréquent dans la
pratique judiciaire en RDC). Le juge doit donc, au vu de l'acte qui le saisit (citation,
assignation, comparution volontaire, décision de renvoi ou acte formant recours), vérifier sa
compétence matérielle et territoriale avant l'examen au fond. Si l'instruction des éléments de
la cause à l'audience par exemple révèle que les faits excèdent la compétence du juge saisi,
celui-ci doit se déclarer incompétent.

En matière civile, commerciale, sociale et de la famille, les règles de compétence territoriale


ne sont pas en principe d'ordre public car les parties peuvent y déroger en déterminant de
commun accord le tribunal territorialement compétent.
140

La compétence d'une juridiction s'apprécie en règle au moment de l'introduction de la


demande (au moment où une affaire est portée devant la juridiction) et la juridiction doit s'en
tenir aux seuls faits dont elle est saisie.

SECTION 2: L'INCOMPÉTENCE DE LA JURIDICTION SAISIE


Elle est généralement invoquée au moyen d'une exception que l'on appelle l'exception
d'incompétence, parce que ce moyen tend à faire ajourner la discussion sur le fond en raison
de l'incompétence du juge, ou encore, un déclinatoire de compétence, parce que son objet
immédiat est de décliner la compétence du tribunal saisi 220. Le déclinatoire de compétence ou
l'exception d'incompétence est l'acte par lequel une partie dénie la compétence d'un tribunal 221.

L'exception d'incompétence peut être soulevée par les parties à l'instance (tout au moins le
défendeur), d'office par la juridiction saisie de la demande et sous certaines réserves par le
ministère public, surtout lorsque exception est d'ordre public (compétence matérielle en toutes
matières et toutes circonstances en matière pénale). Lorsque l'exception de compétence résulte
d'une règle d'ordre public, comme la compétence matérielle (en matière pénale ou en matière
civile, commerciale, sociale et de la famille) ou la compétence territoriale en matière pénale;
elle peut être soulevée à tout moment de la procédure, même pour la première fois en appel
voire même en cassation.

En matière de droit privé (civile, commerciale, sociale et de la famille), celui qui voudrait
soulever l'incompétence territoriale de la juridiction saisie doit le faire dès le début du procès,
in limine litis (dès le commencement du procès) car on l'on veut éviter les manœuvres
dilatoires qui consisteraient à attendre que l'instruction du litige soit avancée pour invoquer
ensuite l'incompétence et gagner du temps. C'est pour cette raison que le déclinatoire de
compétence, au même titre que les autres exceptions, doit être présenté avant toute défense au
fond.

La juridiction saisie doit se prononcer de façon expresse par un jugement sur le moyen
d'incompétence. Si le tribunal estime qu'il est compétent, il peut dans un jugement statuant sur
la compétence (différent du jugement au fond), se déclarer compétent et pourra plus tard
statuer au fond dans un autre jugement après avoir épuisé tous les éléments de fait et de droit
liés au fond. Si le tribunal estime qu'il est incompétent, il ne peut se prononcer que sur cette
compétence. Et si l'une des parties relève appel contre cette décision et que le juge d'appel
confirme la décision du premier juge, la partie concernée doit introduire son action devant le
juge compétent. Aussitôt que le jugement d'incompétence est prononcé, la décision ainsi
rendue a pour effet d'entrainer le dessaisissement du tribunal concerné.

Nous pensons qu'il est de bonne administration de la justice de prévoir dans une loi que
lorsque l'exception d'incompétence est soulevée qu'on y réponde dans un jugement sur ce
point et interdire la jonction de cette exception au fond. Cette manière a l'avantage de faire
220
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°625, p.675.
221
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p. 759.
141

gagner du temps de procédure. Malheureusement dans la pratique, beaucoup de juges ont la


fâcheuse habitude de joindre l'exception d'incompétence au fond et cela a comme
conséquence de retarder l'issue du jugement sur la compétence. Et lorsque le tribunal arrive à
la conclusion qu'il est incompétent, le justiciable est obligé de reprendre toute la procédure
devant autre juridiction avec le risque que le jugement sur le fond ne soit rendu dans un délai
raisonnable. Ce qui pourrait constituer la violation du droit à un procès équitable.

SECTION 3: LA PROROGATION DE COMPÉTENCE

§ 1. Notions

La Prorogation de compétence peut s'appeler aussi l'extension de compétence ou encore les


dérogations aux règles de compétence. Proroger la compétence d'une juridiction, c'est lui
donner le pouvoir de juger une affaire ou un litige dont, par application des règles ordinaires
de sa compétence, elle (il) n'aurait pas dût connaître. La prorogation de compétence s'analyse
donc en une dérogation aux règles normales de la compétence; elle a pour but d'assouplir ces
règles en vue, soit de contribuer, dans l'intérêt général, à une meilleure administration de la
justice, soit de donner satisfaction à l'intérêt particulier ou aux commodités de plaideurs qui
désirent porter leur litige devant une juridiction autre que celle qu'indique la loi de
compétence222. Définie comme une extension de compétence d'une juridiction, la prorogation
de compétence, territoriale ou matérielle, ne peut, en procédure pénale, qu'être légalement
prévue, toute prorogation conventionnelle étant exclue à raison de l'ordre public qui s'attache
à la compétence223.

En clair, la prorogation de compétence opère de manière profonde en ce qu'elle permet à


un juge de pouvoir connaître d'une demande qui, parfois même en vertu de règles d'ordre
public, n'aurait pas pu lui être soumise à titre principal 224. C'est donc le fait qu'une juridiction,
a priori incompétente, matériellement ou territorialement, va pouvoir connaître régulièrement
d'un litige ou d'une partie de litige qui, normalement, échappait à sa compétence 225. Ainsi
compte tenu des besoins pressants de simplicité, d'opportunité et de la saine administration de
la justice, la rigidité des règles de compétence peut être amenée à subir des assouplissements
adaptés à ces nécessités.

§ 2. Sortes de prorogation de compétence

En considérant sa source même, on a pu soutenir qu'il existe trois sortes de prorogation de


compétence: la prorogation légale (I), la prorogation judiciaire (II) et la prorogation volontaire
ou conventionnelle (III).

222
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 532, p. 582.
223
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale, Kinshasa,
Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier S.A, 1965, n° 87, p. 112.
224
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 80, p. 55.
225
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 14.5, p.271.
142

I. La prorogation légale de compétence

C'est celle qui en vertu de laquelle c'est de la loi elle-même qu'une juridiction reçoit
compétence pour connaître d'une demande ou d'une question dont, en vertu des règles
ordinaires de la compétence, elle n'aurait pas dût connaître. En d'autres termes, c'est
l'extension par l'effet de la loi du pouvoir d'une juridiction au delà des limites normales de ce
pouvoir.

La notion de compétence légale doit être entendue dans un sens et avec une portée très
relatifs: elle sert seulement à caractériser les dérogations et extensions que le législateur a
estimé nécessaire ou utile d'édicter par rapport aux règles ordinaires et normales de
compétence; c'est par contraste avec ces règles, qui constituent en quelque sorte les règles de
principe, qu'a été élaborée et que se définit la notion de prorogation légale.

La dérogation aux règles ordinaires de la compétence que réalise la prorogation de légale


de compétence a pour résultat, en effet, d'opérer, eu égard à plusieurs demandes ou infractions
qui auraient dû normalement être jugées par des juridictions différentes, une concentration des
pouvoirs juridictionnels au sein d'une seule et même juridiction: ce qui permet tout à la fois
d'améliorer l'administration de la justice, de réaliser une économie de temps et de frais
judiciaires, et surtout d'échapper au risque de décisions inconciliables ou contradictoires. La
prorogation légale existe en matière pénale et civile.

1. La prorogation légale de compétence en raison de la connexité ou de litispendance

La connexité elle est le fondement de prorogation légale de compétence car lorsque deux
affaires sont connexes, étant jointes, elles seront jugées en même temps par une seule
juridiction dont, à l'égard de l'une d'elles, la compétence s'est ainsi trouvée prorogée. C'est
aussi le cas de la litispendance et l'indivisibilité (nous y reviendrons).

A cet égard, par l'effet de connexité, litispendance et indivisibilité, une juridiction peut
connaître différentes affaires auxquelles elle n'aurait pas dût connaître. Ainsi, l'article 102 de
la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que lorsque deux tribunaux
compétents se trouvent saisis des mêmes faits, le tribunal de rang le moins élevé décline sa
compétence. Par ce déclinatoire de compétence de la juridiction la moins élevée, sa
compétence est prorogée à la juridiction élevée qui connaîtra désormais l'affaire. Dans ce cas,
il y a prorogation légale de compétence étant donné que c'est la loi elle-même qui a réglé cette
éventualité.

2. La prorogation légale de compétence en raison de compétence territoriale

Dans une telle hypothèse, une juridiction déjà saisie de certains dossiers voit sa compétence
étendue à d'autres dossiers de procédure dont elle n'aurait normalement pas pu connaître en
raison de son incompétence territoriale, afin qu'une même juridiction puisse connaître de tous
143

les faits qui présentent entre eux un lien étroit, dans l'intérêt d'une bonne administration de la
justice.

En matière civile, l'article 130 de la loi organique susvisée dit que le juge du domicile ou
de la résidence du défendeur est seul compétent pour connaître de la cause, sauf les
exceptions établies par des dispositions spéciales. S’il y a plusieurs défendeurs, la cause est
portée au choix du demandeur, devant le juge du domicile ou de la résidence de l’un d’eux. La
prorogation légale de compétence s'explique par le fait que le choix du demandeur va
entrainer tous les autres défendeurs à suivre l'unique juridiction saisie qui sera désormais
compétente territorialement.

L'article 136 alinéa 3 de la même loi organique précitée dit que si l’immeuble est situé
dans différents ressorts, la compétence est fixée par la partie de l’immeuble dont la superficie
est la plus étendue. Néanmoins, le demandeur peut assigner devant le juge dans le ressort
duquel est située une partie quelconque de l’immeuble, pourvu que, en même temps, le
défendeur y ait sont domicile ou sa résidence 226. Le tribunal territorialement compétent pour
connaître la succession sur les immeubles est celui où ceux-ci se trouvent pour la plupart 227.
La prorogation légale de compétence s'explique par le fait que le choix du demandeur va
entrainer tous les autres défendeurs à suivre l'unique juridiction saisie qui sera désormais
compétente territorialement.

3. La prorogation légale de compétence en raison


d'extension de la compétence matérielle

L'intérêt d'une bonne administration de la justice a commandé de prévoir des dérogations


aux règles de compétence ordinaire.

En matière civile, l'article 141 de la même loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
prévoit que les demandes reconventionnelles 228 n’exercent, quant à la compétence, aucune
influence sur l’action originaire. Nonobstant les prescriptions relatives à leurs compétences
matérielle et territoriale, les tribunaux connaissent de toutes les demandes reconventionnelles,
quels qu’en soient la nature et le montant. Nous pensons que le montant total de cette
demande ne doit pas dépasser la compétence matérielle du tribunal saisi de l'action originaire.
Par exemple, le tribunal de paix saisi de l'action originaire, le montant total de la demande
reconventionnelle introduite, ne doit pas avoir la valeur dépassant 5.000 $ qui est le
maximum de la compétence matérielle de cette juridiction. Comme on le voit, sur demande
reconventionnelle, le juge compétent matériellement et territorialement pour connaître de la
demande principale, voit sa compétence prorogée pour cette demande que le défendeur
formule en cours d'instance.

226
Article 136 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
227
Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, 15 août 1987, RC 1781, inédit.
228
Une demande reconventionnelle est celle formée par le défendeur qui, non content de présenter les
moyens de défense, attaque à son tour et soumet au tribunal un chef de demande.
144

Enfin, les articles 142 à 144 de la loi organique susvisée prévoient que les demandes
fondées sur le caractère vexatoire et téméraire d’une action sont portées devant le tribunal
saisi de cette action. Le juge compétent pour statuer sur la demande principale connaît de tous
les incidents et devoirs d’instruction auxquels donne lieu cette demande. Cependant une
juridiction spécialisée, saisie d'une demande principale, ne peut connaître d'une demande
incidente que si celle-ci rentre dans sa compétence matérielle. Lorsqu'une demande incidente
ne relève pas, par sa valeur ou sa nature, de cette juridiction, cette dernière est obligée de s'en
dessaisir et de la renvoyer devant une juridiction compétente 229. Le juge devant lequel la
demande originaire est pendante connaît des demandes en garantie230.

Bien que l'hypothèse de l'intervention231 ne soit pas prévue par la loi organique susvisée,
nous pensons que le juge saisi de la demande principale et compétent pour en connaître, verra
sa compétence automatiquement prorogée pour connaître de toute demande en intervention
formée devant lui pourvu qu'elle ne dépasse pas la compétence matérielle de la juridiction
saisie.

4. La prorogation légale de compétence en raison de la compétence personnelle

Elle n'existe qu'en matière pénale, c'est pourquoi, elle ne sera pas analysée en procédure
civile.

II. La prorogation judiciaire de compétence

C'est celle qui en vertu de laquelle une juridiction est, par suite du renvoi qui lui est fait par
une autre juridiction, saisie d'une affaire pour laquelle elle n'avait pas normalement
compétence. De manière simple, c'est l'extension du pouvoir de dire le droit d'une juridiction
résultant de la décision d'une autre juridiction régulièrement habilitée, à cet effet, par une
disposition légale. Elle suppose, en fait la saisine d'une juridiction qui, selon les règles
ordinaires de compétence, n'est pas compétente mais le devient à la suite du renvoi décidé par
une autre juridiction généralement supérieure. Il convient de souligner que cette forme de
prorogation de compétence a pour effet de provoquer uniquement une dérogation à la
compétence territoriale d'un tribunal ou d'une Cour.

En principe, cette prorogation est une simple variante de la prorogation légale puisque c'est
toujours en application de la loi qu'une juridiction a le pouvoir d'en désigner une autre, qui
n'est pas normalement compétente et elle existe en matière civile et pénale. Mais pour des
raisons pédagogiques, nous retiendrons cette prorogation de compétence. A cet égard, il y a
prorogation judiciaire de compétence en cas de renvoi pour cause de suspicion légitime et
pour cause de sûreté de l’Etat. Les articles 60 et 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
229
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 167, p. 105.
230
Article 144 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
231
C'est une demande incidente entraînant la mise à la cause d'un tiers. Ce tiers peut venir volontairement à la
cause (intervention volontaire) ou y être attrait par une partie (intervention forcée).
145

judiciaire réservent aux tribunaux le pouvoir d’ordonner le renvoi, en la forme d’un jugement
ou d’un arrêt en déterminant la « nouvelle juridiction compétente ».

Cette procédure vise à garantir l’impartialité d’une juridiction en détournant un prévenu ou


une partie au procès de son « juge naturel » et désigner la juridiction de renvoi qui deviendra
désormais compétente territorialement du fait de ce renvoi. Etant donné que c'est une
juridiction supérieure qui détermine sur base de l'article 60 de la loi organique susvisée la
juridiction qui sera désormais compétente, c'est pourquoi, il y a dans ce cas prorogation
judiciaire de compétence. Cette procédure détourne le justiciable de son « juge naturel »
territorialement, c’est pourquoi il y a dans ce cas prorogation de compétence. Et comme c'est
une juridiction qui a déterminé la juridiction compétente en l'espèce, il y a donc prorogation
judiciaire de compétence.

De même l'article 37 alinéas 3 et 4 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013


relative à la procédure devant la Cour de cassation prévoit si après cassation il reste quelque
litige à juger, la Cour renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement
composée ou à une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne. Dans le cas
où la décision entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à la juridiction
compétente qu’elle désigne. Cela signifie que c'est la décision judiciaire (arrêt) de la Cour de
cassation qui saisit la juridiction de renvoi même si celle-ci n'était pas au départ compétente
territorialement. C'est pourquoi, c'est une prorogation judiciaire de compétence car c'est l'arrêt
de la Cour de cassation qui rend la juridiction désignée compétente.

Enfin, par jugement motivé, une juridiction peut commettre un de ses membres ou un
juge appartenant à une autre juridiction en vue d'effectuer des devoirs bien précis, notamment
l'audition de témoins. Il convient de souligner qu'ici la prorogation judiciaire est limitée car la
juridiction sollicitée ne juge pas le fond de l'affaire mais se limite à accomplir des devoirs
bien précis. Comme cette commission rogatoire est sollicitée par un jugement (décision
judiciaire), c'est pourquoi, il y a dans ce cas prorogation judiciaire.

III. La prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence

Elle existe uniquement en matière civile et pas en matière pénale. Cette prorogation est
celle qui en vertu de laquelle ce sont les plaideurs eux-mêmes qui, d'un commun accord,
exprès ou tacite, décident de porter leur litige devant une juridiction qui, selon les règles
légales, n'avait point compétence territoriale. Ainsi, l'accord des parties peut désigner de façon
claire et précise la juridiction à laquelle les parties entendent que soient soumis les litiges qui
pourraient les opposer. A cet effet, l'article 150 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que le tribunal du lieu du travail est seul compétent, sauf dérogation légale
ou celle intervenue à la suite d’accords des parties ou d’accords internationaux 232. Autrement
dit, les parties peuvent valablement et de commun accord déférer une cause devant un tribunal

232
Article 150 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
146

autre que celui territorialement compétent 233. Comme les parties peuvent se convenir la
juridiction compétente territorialement, c'est pourquoi, il y a prorogation volontaire ou
conventionnelle.

Cette prorogation de compétence concerne en principe la compétence territoriale et non la


compétence matérielle étant donné que celle-ci est fixée par une loi et est d'ordre public. Cela
signifie qu'avant d'envisager la prorogation volontaire ou conventionnelle, la juridiction doit
d'abord avoir la compétence matérielle concernée. La prorogation volontaire ou
conventionnelle ne permet pas par exemple aux plaideurs de saisir le tribunal de grande
instance à la place du tribunal de commerce ou du tribunal de travail étant donné que ce deux
tribunaux n'ont pas les mêmes compétences matérielles, et surtout que les règles de
compétence matérielle sont d'ordre public. Même si il est admis que les juridictions de droit
commun (comme le tribunal de grande instance) ont la plénitude de juridiction (ont la
compétence tant que la loi n'a pas confié à une autre juridiction cette compétence), cela ne
peut pas justifier une prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence au détriment
d'une juridiction spécialisée (comme le tribunal de commerce ou le tribunal du travail). Cela
signifie que les parties ne peuvent pas y déroger. En d'autres termes, au nom de prorogation
volontaire ou conventionnelle de compétence, les parties ne peuvent pas se convenir de
désigner une juridiction qui serait compétente matériellement alors que la loi ne lui pas confié
cette compétence. Par exemple, les parties ne peuvent pas convenir que pour tel cas de la
compétence du tribunal de paix, leur cause ne sera examinée que par le tribunal de grande
instance ou du tribunal de commerce.

De même, l'incompétence du juge quant à la l'ordre de juridiction étant absolue et d'ordre


public, il n'est pas possible de convenir valablement de saisir en cas de litige une juridiction
d'un autre ordre que celle compétente. Par exemple, se convenir de saisir le tribunal
administratif au lieu du tribunal de grande instance. Dans la pratique, cela ne se fait pas
d'ailleurs pas, sauf erreur possible des parties quant à la juridiction désignée dans leur
convention. Mais, si elle est incompétente au profit d'une juridiction d'un autre ordre, la
juridiction saisie doit se déclarer incompétente. Il n'est pas possible de déroger aux règles de
compétente des juridictions de l'ordre judiciaire ou, inversement, de convenir de saisir une
juridiction de l'ordre administratif à la place d'une juridiction civile de l'ordre judiciaire.

En sus, la prorogation volontaire ou conventionnelle ne permet pas aux plaideurs de


déroger ou de modifier le mécanisme le principe de double degré de juridiction 234. Ainsi, les
parties ne peuvent pas convenir que leur affaire ne sera traitée qu'à la juridiction du second
degré et non du premier car ce principe tend à assurer une bonne administration de la justice
et à garantir le fonctionnement harmonieux des cours et tribunaux. Les parties ne peuvent pas
non plus soit supprimer dans leur convention le second degré de juridiction, soit en créer un

233
Cour suprême de justice, 15 juin 1983, RC 434, inédit.
234
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 578-584, pp.
633-639; S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 141.31, p.273.
147

troisième degré de juridiction ou soit supprimer les voies de recours prévues par la loi étant
donné que celles-ci étant liées à l'organisation judiciaire, il s'agit des règles d'ordre public.

Au surplus, la prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence ne permet pas aux


parties de convenir de saisir les juridictions de droit commun au lieu de juridictions
spécialisées. Ainsi, il n'est pas possible de prévoir que le tribunal de grande instance sera
compétent pour connaître d'un litige relevant de la compétence exclusive du tribunal de
commerce ou du tribunal de travail. Inversement, il ne peut être dérogé à la compétence
exclusive du tribunal de grande instance au profit d'une juridiction spécialisée. On ne peut par
exemple, convenir de saisir le tribunal de commerce ou le tribunal de travail au lieu du
tribunal de grande instance. Dans le même ordre d'idées, on ne peut convenir de saisir le
tribunal de travail au lieu du tribunal de commerce étant donné que chaque juridiction a une
compétence exclusive dans les matières entant dans ses compétences.

Aussi, la prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence ne permet pas aux


parties de déroger concernant la modicité de la situation économique d'une partie, les litiges
relatifs aux auxiliaires de la justice dans l'exercice de leurs professions, la centralisation de
certains contentieux et l'efficacité de la preuve d'un droit immobilier. Ainsi, la situation
économique d'une partie peut justifier aussi l'interdiction de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence territoriale d'une juridiction. Cela se passe souvent dans les
contrats d'adhésion où la volonté de la partie la plus forte s'impose à la partie la plus faible qui
ne fait que signer la convention sans possibilité d'en discuter les clauses contenues. C'est
souvent le cas en matière d'assurance et de contrat de travail où d'ailleurs la loi elle-même
proscrit de pareille prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence afin de protéger
les faibles que sont l'assuré et le travailleur235.

S'agissant des auxiliaires de la justice, tels que les avocats, les défenseurs judiciaires et les
officiers ministériels; il existe aussi une interdiction de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence pour les litiges qui peuvent survenir lors du recouvrement de
leurs honoraires et de la mise en oeuvre de leur éventuelle responsabilité civile en cas de
dommage causé par leurs actes. Dans cette hypothèse, la juridiction compétente, du point de
vue territoriale, reste celle devant laquelle cet auxiliaire de justice a exercé son ministère. Il
n'est donc pas admis de faire une prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence
dans ce cas236.

En matière de la succession et de faillite, la compétence territoriale d'une juridiction est


qualifiée d'ordre public et ne peut donc pas faire l'objet de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence237.

235
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
236
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
237
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
148

Aussi, les règles de compétence territoriale d'une juridiction à propos de la situation des
immeubles sont d'ordre public. Les parties ne peuvent pas donc, de leur propre gré, proroger
une telle compétence au profit d'une juridiction de leur propre choix pour les intérêts
particuliers238.

Bref, à la différence de la compétence matérielle qui procède spécifiquement de


considérations d'ordre public, la détermination de la compétence territoriale en matière civile
est essentiellement commandée par des considérations d'intérêt privé. Et c'est pourquoi, les
plaideurs doivent s'entendre pour écarter la règle légale et conclure une convention de
prorogation attribuant la compétence territoriale à une juridiction désignée d'un commun
accord. Cela signifie qu'il est autorisé aux particuliers d'y déroger en convenant que leur litige
sera connu par les cours et tribunaux de tel lieu plutôt que de tel autre car en matière civile les
règles de compétence territoriale sont édictées dans le seul but de protéger les intérêts privés
des plaideurs.

SECTION 4: LA LITISPENDANCE

§ 1. Notions de litispendance

La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l'ordre judiciaire n'a pas défini la litispendance. Sa définition
varie selon qu'il s'agit de la matière civile ou pénale. Ainsi, en matière civile, nous pensons
qu'il y a litispendance toutes les fois que les demandes sont formées sur le même objet, pour
la même cause, entre les mêmes parties agissant en même qualité, devant deux tribunaux
différents compétents pour en connaître et appelé à statuer au premier degré de juridiction.
De manière concrète, il y a litispendance lorsque deux ou plusieurs juridictions compétentes
se trouvent saisies au premier degré à la fois des mêmes faits (identiques) intéressant les
mêmes personnes. C'est donc une situation exceptionnelle où deux ou plusieurs juridictions
distinctes, de même degré, et également compétentes, sont saisies simultanément d'un même
litige. Autrement dit, identité d’affaires (même objet et même cause) et des parties agissant en
même qualité239.

La litispendance exige qu’il y ait saisine des tribunaux différents pour des faits identiques.
Exemple : un même litige de bail (même objet, même cause) concernant les mêmes parties
porté à la fois devant deux tribunaux de grande instance qui sont compétents. Autres
exemples : un demandeur saisit successivement deux tribunaux différents, ou encore ce qui
est fréquent, une situation litigieuse met en cause les intérêts de plusieurs personnes qui
ensuite agissent séparément devant des tribunaux différents qui sont compétents.

238
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
239
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.171-142.175, p.292 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009,
n° 287, p. 191-192 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd Ellipses, 2006, n° 158, p. 90 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101.
149

Le règlement de litispendance tend à prévenir une contrariété de jugements rendus par les
juridictions de l’ordre judiciaire. Il convient de souligner qu’en pratique, cet incident est assez
rare. Pour la litispendance, l’intérêt des plaideurs et celui d’une bonne administration de la
justice exigent donc que, dans toute la mesure du possible, les différentes demandes soient
réunies devant une seule et même juridiction qui pourra en connaître.

§ 2. Situations qui peuvent créer la litispendance

On songe, en premier lieu, au cas d'ignorance de l'existence d'une procédure déjà


engagée. Ainsi par exemple, les héritiers ignorent l'existence d'une action introduite par leur
auteur devant le tribunal du lieu d'exécution d'une convention et engagent, à leur tour, la
même demande devant le juge du domicile du défendeur 240 ou l'hypothèse d'actions croisées
lorsque chaque partie est à la fois demandeur et défendeur 241 ou une situation litigieuse met en
cause les intérêts de plusieurs personnes qui ensuite agissent séparément devant des tribunaux
différents ou enfin, l'éventualité d'un demandeur qui saisit successivement deux tribunaux
différents.

C'est le cas aussi d'une demande qui est portée, à titre principal, devant un juge et une
demande identique est formulée, à titre reconventionnel, devant un autre juge qui voit sa
compétence prorogée pour en connaître. Il peut s'agir enfin d'une demande en obtention d'une
pension alimentaire pour enfant mineur, introduite à titre principal devant le juge du tribunal
de paix et comme demande reconventionnelle devant le tribunal pour enfants.

§ 3. Conditions

Il ressort de ces notions que la litispendance présuppose la concurrence des


juridictions sur le même procès et exige dès lors des conditions suivantes:
- identité d'objet;
- identité de litige (même cause);
- identité des parties;
- causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents;
- juridictions appelés à statuer au premier degré de juridiction.

Ces conditions doivent être cumulativement réunies, les unes ayant trait à l'objet, aux
litiges (causes), parties, aux demandes, les autres aux juridictions. Il convient de les examiner
séparément.

I. Identité d'objet

L'objet est ce qui est réclamé. Les prétentions soumises aux deux juridictions doivent avoir
le même objet (une seule suffit à caractériser la litispendance). Il est toutefois admis qu'il peut
y avoir litispendance entre deux demandes de montants différents, dès lors qu'elles sont

240
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 99, p.65.
241
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 208, p. 192.
150

formées entre les mêmes parties, et reposent sur le même fait générateur 242. Sur ce critère, il
n'y a pas de litispendance entre une demande au fond en dommage-intérêts et une demande
de provision formée devant le juge siégeant dans les mesures provisoires urgentes. La
litispendance suppose que les deux demandes aient le même fondement juridique. Cette
identité n'existe pas entre une demande en diffamation intentée contre l'auteur d'un ouvrage
devant le tribunal de grande instance de Brazzaville et l'action en responsabilité quasi
délictuelle contre le même auteur engagé devant le tribunal de grande instance de
Kinshasa/Gombe.

II. Identité de litige (même cause)

La cause étant le fondement, il faut que les deux demandes pendantes devant les
juridictions différentes procèdent des mêmes faits, de la même cause. Ainsi cette identité fait
défaut entre l'action en divorce et celle en conversion de la pension alimentaire ou entre des
demandes en divorce qui se fondent sur des causes différentes ou entre des demandes en
obtention de dommages et intérêts, l'une basée sur la responsabilité contractuelle et l'autre sur
la responsabilité délictuelle.

III. Identité de parties

Il y a litispendance lorsqu'il existe l'identité de parties agissant en même qualité. Ainsi,


il y a litispendance entre la demande formée par une personne décédée en cours de procédure
et celle formée devant une autre juridiction contre le même défendeur pour le même objet par
son héritier, agissant en cette qualité. A défaut d’identité des parties à l’instance, la
litispendance ne peut être retenue, même s’il serait prétendu qu’une partie à un procès n’est
qu’aux droits de l’autre dans le procès parallèle 243. Ainsi, il n'y a pas de litispendance, mais
éventuellement connexité, si les parties ne sont pas rigoureusement les mêmes.

IV. Causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents

Le mot "causes pendantes devant les juridictions différentes" est souligné avec
insistance à l'article 145 alinéa 1 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. Deux
éléments sont à retenir ici: causes pendantes et juridictions différentes. Concernant le mot
"causes pendantes", il signifie que l'affaire est instance devant une juridiction. Comme la loi
le dit, il faut que les causes soient pendantes, c'est-à-dire non terminées par un jugement
définitif. Un jugement définitif dessaisit en effet la juridiction qui l'a rendu, même s'il est
susceptible de recours. Ce serait alors un problème d'autorité de la chose jugée qu'aurait à
trancher en second, mais pas une question de litispendance. La litispendance ne peut
davantage être invoquée lorsqu'une des instances a pris fin en raison de désistement, d'une

242
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.173, p.292.
243
Cour d'appel de Kinshasa, 28 février 1967, RJC, 1968, n° 2, p. 199.
151

irrecevabilité, d'une péremption d'instance, d'une caducité ou d'un acquiescement par


exemple.

Concernant le mot "juridictions différentes", il suppose que deux juridictions


différentes (distinctes) mais de même nature aient été saisies. Le mot "juridictions
différentes" inséré à articles 145 alinéa 1 de la loi organique susvisée signifie aussi que ces
juridictions sont organiquement indépendantes du même ordre de juridiction et en principe du
premier degré de juridiction. Ainsi, il ne peut y avoir de litispendance entre deux formations
ou sections ou chambres ou juges d'une même juridiction car la question se règlerait alors par
une jonction des procédures ou règlement sur la distribution de causes décidée par le président
de juridiction.

Aussi, par nature, en raison même de l’absence d’identité d’objet, il ne saurait y avoir
de litispendance entre un litige relevant de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire
et un litige relevant de la juridiction de l'ordre administratif car cette question se réglerait par
le conflit d'attribution qui est de la compétence de la Cour constitutionnelle 244. La
litispendance ne concerne pas le conflit de deux juridictions toutes saisies au second degré, il
y aura dans ce cas le conflit de juridictions ou règlement de juges qui est de la compétence de
la Cour de cassation245.

Bien que la loi ne le précise pas, la litispendance ne peut se rencontrer qu'entre


juridictions de l'ordre judiciaire congolais. Ainsi, il n'y a pas de litispendance lorsque les
affaires identiques sont portées devant une juridiction congolaise et une juridiction étrangère
(sous réserve des dispositions contenues dans des traités) ou devant une juridiction judiciaire
et devant un arbitre ou encore devant une juridiction civile et une juridiction répressive
(pénale). L'article 145 alinéa 1er de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire exige pour
qu’il ait litispendance, des causes pendantes devant les juridictions différentes de même
nature. Tel n’est pas le cas d’une action civile pendante à la fois devant les juridictions civile
et pénale246.

Enfin, la litispendance ne peut avoir lieu que lorsque le même litige est porté devant
deux juridictions également compétentes. Cela signifie que les juridictions saisies doivent être
réellement et valablement en concours, c'est-à-dire être parfaitement compétentes 247. La
litispendance existe donc lorsqu’une demande déjà soumise à un tribunal compétent est portée
devant un autre tribunal également compétent 248. Si l'une des juridictions saisie est
incompétente, matériellement ou territorialement ou personnellement, ce n'est pas une
244
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; articles 65 et 66 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18
octobre 2013.
245
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février
2013.
246
CSJ, 2 avril 1977, RP 152, Bull. 1978, p. 30.
247
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97, p.64.
152

exception de litispendance qui doit être présentée, mais une exception d'incompétence devant
la juridiction estimée incompétente. Mais la litispendance pourrait être invoquée ensuite, si la
juridiction se déclare compétente et si sa décision n'est pas contestée, ou encore si le renvoi
pour incompétence est ordonné devant une juridiction différente de celle saisie de l'autre
litige.

V. Juridictions appelées à statuer au premier degré de juridiction

En principe, la litispendance n'opère pas entre le premier degré et le deuxième degré


de juridiction, puisque les deux litiges doivent se présenter au premier degré de juridiction. Il
n'y a pas en principe de litispendance entre une demande portée devant un juge appelé à
statuer au premier degré de juridiction et un recours porté devant une juridiction d'appel 249.
Cependant en RDC250 tout comme en France251, la loi a prévu une éventualité où une
juridiction saisie au premier degré est en concours avec une juridiction saisie au degré d'appel.
Ce cas constitue une exception au principe selon lequel la litispendance n'opère pas entre le
premier degré et le deuxième degré de juridiction.

En effet, l'article 145, alinéa 1, points 2 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11avril


2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit le cas où les deux juridictions saisies simultanément du même litige sont de
même degré, c'est alors la juridiction saisie la première qui est préférée; c'est-à-dire que la
juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de celle saisie la première. Si une
des juridictions est de degré différent, en vertu de l'article 145, alinéa 1, point 1 de la même
loi organique, la juridiction saisie au degré d'appel est préférée à la juridiction saisie au
premier ressort; c'est-à-dire que la juridiction inférieure doit se dessaisir au profit de la
juridiction d'appel. En Belgique cette éventualité n'existe pas car la litispendance ne concerne
que deux juridiction saisies au premier degré de juridiction252.

§ 4. Règlement de l'incident de litispendance

L'article 145 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire dit qu'en cas de
litispendance, les causes pendantes devant les juridictions différentes sont renvoyées par l’une
d’elles à l’autre selon les règles et dans l’ordre ci-après :

- la juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier


ressort ;
- la juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une disposition d’ordre
intérieur est préférée aux autres juridictions ;
248
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p. 833;
D. MOUGENOT, Principes de droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, p.158.
249
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97, p.64.
250
Article 145 alinéa 1, 1° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
251
Article 102 du Nouveau Code de procédure civile.
252
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97, p.64.
153

- la juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions.


Il convient d'examiner brièvement chacune de ces solutions.

I. La juridiction saisie au degré d’appel est préférée


à la juridiction saisie en premier ressort

Cette hypothèse concerne lorsque l'une des juridictions saisies est du degré d'appel et
l'autre du premier degré. Comme nous l'avons souligné, ce cas constitue une exception au
principe selon lequel la litispendance n'opère pas entre le premier degré et le deuxième degré
de juridiction. Cette hypothèse exclut donc la litispendance lorsque les deux juridictions
saisies sont du degré d'appel car il s'agira du règlement de juges ou le conflit de juridictions
qui est de la compétence de la Cour de cassation253.

En principe, la litispendance est concevable lorsqu'il s'agit de deux tribunaux différents


compétents pour en connaître et appelé à statuer au premier degré de juridiction.
Contrairement au législateur belge254, le législateur congolais255 a imaginé l'éventualité où une
juridiction est saisie au degré d'appel et une autre juridiction est saisie au premier degré. Dans
ce cas, la juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier
ressort. En conséquence, la juridiction saisie en premier ressort doit se dessaisir au profit de la
juridiction saisie au degré d'appel. Cela signifie qu'une juridiction d'appel ne peut décliner sa
compétence au profit de la juridiction du premier degré.

253
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février
2013.
254
Article 29 du Code judiciaire belge.
255
Article 145 alinéa 1, 1° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
154

La loi n'a rien dit concernant les parties qui peuvent soulever l'exception de
litispendance. Mais nous pensons que cette exception peut être soulevée par les parties, en
pratique le défendeur; elle peut également, comme l'exception d'incompétence, être relevée
d'office par la juridiction saisie au degré d'appel ou alors la juridiction saisie au premier
ressort ou cette dernière juridiction peut décliner sa compétence au profit de l'autre. Le
ministère public peut aussi saisir l'une des juridictions car l'article 68 in fine de la loi
organique précitée permet au ministère public d'agir d'office chaque fois que l'intérêt public
exige son concours. Or la litispendance exigerait le concours du ministère public dans le but
au veiller à l'application de la loi.

II. La juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une
disposition d’ordre intérieur est préférée aux autres juridictions

Cette hypothèse ne concerne que deux juridictions saisies au premier degré. La loi n’a
pas précisé ce qu’il faut entendre par disposition intérieure. Nous pensons que par disposition
d'ordre intérieur, on vise une simple mesure d'administration judiciaire, telle que notamment
une remise, décision de jonction au fond d'un incident, les décisions relatives à la distribution
des affaires entre les diverses chambres ou sections ou formations du tribunal, la décision
ordonnant la réouverture des débats, etc. La disposition d'ordre intérieur n’est pas synonyme
de « jugement préparatoire ». Est considéré comme jugement préparatoire, la décision qui
met les litiges en état de recevoir une solution sans terminer l'instance.

L'introduction dans la loi de mots "une décision autre qu'une disposition d'ordre
intérieur est préféré aux autres juridictions" a pour but de laisser la cause au tribunal devant
lequel la procédure a déjà « avancé ». Ainsi, le tribunal qui a ordonné des mesures probatoires
doit donc être préféré à celui qui s’est borné à ordonner une remise ou qui a statué sur une
demande de récusation256 et n'a pas encore abordé le fond de l'affaire. Cela signifie que la
juridiction qui s'est borné à rendre une disposition d'ordre intérieure peut décliner sa
compétence au profit de la juridiction qui a rendu une décision qui anticipe sur l'affaire ou qui
a avancé dans la procédure. Cette exception de litispendance peut être soulevée par les
parties, en pratique le défendeur; elle peut également, comme l'exception d'incompétence, être
relevée d'office par l'une ou l'autre juridiction saisie.

III. La juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions

Cette hypothèse ne concerne également que deux juridictions saisies au premier degré.
Par juridiction saisie, il faut entendre la juridiction valablement saisie et compétente. Par
juridiction saisie la première, il faut entendre celle saisie avant l'autre, l’élément de référence
est la date de saisine. En effet, s’il faut prendre ici la date de saisine au sens rigoureux du mot,
c’est- à- dire le jour pour lequel le défendeur (ou le prévenu) est assigné (ou cité), on pourra
toutefois tenir compte, pour départager le conflit entre juridictions qui auraient fixé au même
jour, en considérant la date à laquelle l’affaire a été introduite ou à laquelle fixation a été
256
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Kinshasa, éd. Ferd. Larcier
et Université Lovanium, 1970, n° 290, p. 316.
155

demandée. Par exemple, si l'une des juridictions a été saisie le 12 janvier 2016 et l'autre le 13
janvier 2016, la juridiction saisie la première est celle du 12 janvier 2016. Si les deux
juridictions ont été saisies à la même date mais l'une à 9 h et l'autre à 14h, la juridiction saisie
la première est celle de 9 h.

Comme nous pouvons le constater, la juridiction compétente en matière de litispendance


varie suivant le moment de la saisine et c'est la juridiction saisie la première qui est
compétente. C'est ainsi que la Cour d'appel d'Elisabethville (Lubumbashi) a jugé que bien
qu'une demande devant un tribunal soit plus étendue et comprend d'autres créances que celle
qui fait l'objet de la demande introduite actuellement, s'il y a identité de parties, de cause et
d'objet entre le différend soumis au tribunal saisi le premier et celui sur lequel le second juge
saisi en second lieu est appelé à se prononcer, il y a litispendance, qui rend la demande non
recevable par le juge qui a été saisi en dernier lieu257.

§ 5. Moment de soulever l'incident de litispendance

La loi n'a rien dit concernant le moment où l'on peut soulever l'exception de
litispendance. Mais nous pensons que selon les termes généraux de l'article 145 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire, cette exception doit être soulevée in limine litis (c'est-à-
dire dès qu'on a connaissance), soit avant toute fin de non recevoir ou défense au fond. Il
serait aussi logique d'admettre que l'exception de litispendance puisse être soulevée en tout
état de cause (c'est-à-dire avant la prise en délibéré de la cause) et dans la mesure du possible
avant l'examen au fond. L'essentiel est que cette exception soit soulevée le plus tôt possible
pour ne pas retarder la procédure.
L’exception de litispendance peut être soulevée par la partie ou par le juge d’office de
la juridiction saisie au premier ressort ou de la juridiction qui a rendu sur l'affaire une
disposition d'ordre intérieur ou alors de la juridiction saisie en second lieu peut décliner sa
compétence au profit de l'autre. La raison de ce pouvoir accordé au juge de se saisir d'office,
bien que l’exception de litispendance soit d’ordre privé, est qu’il faut protéger l’autorité de la
chose jugée, laquelle peut être mise à mal par des décisions contradictoires. Cela suppose
nécessairement que le juge ait été informé par les parties de la litispendance ou qu'il ait
constaté la chose. Le juge peut user des pouvoirs que lui confère la loi pour ordonner au
besoin la communication des actes de procédure. Le juge doit encore préalablement inviter les
parties à présenter leurs observations avant de relever d'office la litispendance.

257
App., Elisabethville, 5 juin 1915, RDC 1915, p. 37, cité par R. LUKOO MUSUBAO, La jurisprudence congolaise
en procédure civile, T. I, Kinshasa, éd. On s'en souviendra, 2010, p. 260.
156

§ 6. Décision réglant l'incident de litispendance

Alors que le conflit d’attribution est de la compétence de la Cour constitutionnelle 258,


le règlement des juges ou le conflit de juridictions est de la compétence de la Cour de
cassation259, l'appréciation de l'existence de la litispendance, la jonction et le renvoi relèvent
des pouvoirs du seul juge du fond devant lequel l'exception est soulevée. Ce n'est pas donc la
juridiction supérieure aux deux juridictions qui doit trancher mais l'une de deux juridictions
saisies qui renvoie à l'autre. Cela se justifie par le fait que l'article 145 alinéa 1 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire utilise les termes "les causes pendantes devant les
juridictions différentes sont renvoyées par l'une d'elles à l'autre".

La litispendance peut être demandée par l'une des parties au moyen d'une exception de
procédure. Elle ne peut l'être que devant la juridiction saisie au premier ressort si les deux
juridictions ne sont pas de même degré (article 145, alinéa 1, point 1 de la loi organique
susvisée) ou devant la juridiction qui a rendu sur l'affaire une disposition d'ordre intérieur
(article 145, alinéa 1, point 2 de la même loi organique) s'il existe une juridiction qui a rendu
sur l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur ou devant la juridiction
saisie en second lieu (article 145, alinéa 1, point 3 de la même loi organique). L'exception
serait irrecevable devant la juridiction saisie au degré d'appel ou devant la juridiction qui a
rendu sur l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur ou la juridiction
saisie la première.

Avant que la juridiction ne statue sur la litispendance, le ministère public doit donner
son avis260. S'il constate la litispendance, le juge saisi au premier ressort lorsque les
juridictions concernées sont de degré différent, le juge qui a rendu sur l'affaire une disposition
d'ordre intérieur lorsqu'il existe une juridiction qui a rendu sur l'affaire une disposition autre
qu'une disposition d'ordre intérieur ou le juge saisi en second lieu lorsque les juridictions
concernées sont de même degré, doit se dessaisir au profit de l'autre juridiction. Le renvoi est
opéré directement du greffe d'une juridiction à l'autre comme en matière d'incompétence.

La décision de renvoi ou de déclinatoire de compétence s'impose à l'autre juridiction


et aux parties: l'une de juridiction sera obligatoirement dessaisie et l'autre sera obligatoirement
compétente et ne pourra plus vérifier la régularité de sa compétence. La litispendance cesse
dès que l’une de deux juridictions est dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit

258
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026
du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
259
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février
2013.
260
Article 69 alinéa 1, 4° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
157

par un désistement, soit un déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de


l'autre, soit par le renvoi.

En cas de litispendance, une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les
pièces de la procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause est renvoyée 261. Cela
signifie que le transfert du dossier se fait de greffe à greffe et la cause est inscrite d'office et
sans frais au rôle de la juridiction de renvoi.

La loi ne dit rien concernant la nature, ni la portée de la décision du juge au fond sur la
litispendance; en toute logique, il s'agit d'un jugement soit de déclinatoire de compétence, soit
de renvoi. Cela semble très évident car l'on exige l'avis du ministère public. En tout état de
cause, il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre intérieur car celle-ci n'exige pas l'avis du ministère
public.

La loi n'a rien dit si un tel jugement est susceptible d'appel. Nous estimons que pour la
bonne administration de la justice, rien ne justifie le recours contre le décision de règlement
de l'incident de litispendance d'autant plus que les parties auront la possibilité de recours après
que la juridiction désignée ait vidé le litige en statuant au fond de demandes ou faits
originaires.

SECTION 5: LA CONNEXITÉ

§ 1. Notions

Elle est prévue par les articles 99 à 106 et 146 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. La connexité est en droit judiciaire, une notion fondamentale et cependant assez
imprécise, laissée à l'appréciation des magistrats, en l'absence de toute définition légale. Le
concept se différencie de celui de litispendance mais il se présente comme une sorte de résidu
de la litispendance262. Tandis qu’il y a litispendance lorsque les deux tribunaux sont saisis de
litiges identiques, la connexité suppose deux litiges différents portant sur les questions
communes263. De même, la litispendance exige que les deux juridictions soient compétentes
mais pour la connexité, elle peut se produire entre des juridictions qui ne sont pas
nécessairement compétentes pour connaître de toutes les demandes 264. Pour la connexité, l’on
a affaire à des demandes distinctes mais apparentées (rapport si étroit qu’il y a intérêt à les
instruire et juger ensemble pour éviter des solutions inconciliables ou contrariété des
jugements). En clair, pour la connexité; l'on a à faire à deux tribunaux différents, tous deux
compétents et sont saisis de demandes qui sont différentes mais qui soulèvent l'une et l'autre
des questions ayant entre elles des rapports étroits265.
261
Article 145 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
262
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541, p.589.
263
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p.834.
264
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1. Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, éd. Larcier, 2014, n° 539, p. 420.
265
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p.833.
158

La loi n'a pas défini la connexité. Nous pensons que c'est le lien ou le rapport entre
deux prétentions qui se complètent ou ont entre elles un rapport de cause à effet. Ceci rend
souhaitable de les apprécier et juger ensemble non seulement pour éviter d'éventuelles
contrariétés de décision, mais encore parce que l'appréciation de l'une peut avoir un effet sur
celle de l'autre266. En général, la connexité vise le cas où deux affaires distinctes pendantes
devant deux juridictions compétentes du même ordre présentent entre elles un lien de
connexité, c’est-à-dire des rapports étroits qui justifient qu’elles soient dans l’intérêt de la
justice instruites et jugées ensemble; cela permet de gagner du temps et surtout d'éviter des
décisions inconciliables ou contradictoires. Si l'appréciation de la connexité est largement
discrétionnaire, elle doit cependant être contenue. Il ne suffit pas que les prétentions
juridiques apparentées soient émises, il faut encore la crainte de décisions divergentes
éventuelles, nuisibles à la bonne administration de la justice 267. Mais le sens de la connexité
varie selon qu'il s'agit de la matière civile ou pénale.

En matière civile, les demandes en justice peuvent être traitées comme connexes
lorsqu'elles sont liées entre elles par un rapport étroit qu'il y a lieu à les instruire et juger en
même temps afin d'éviter des solutions qui seraient susceptibles d'être incompatibles si les
causes étaient jugées séparément. C'est surtout lorsque les instances présentent entre elles une
corrélation telle que la solution de l'une doit influer sur la solution de l'autre, de telle sorte que
si elles étaient jugées séparément, il risquerait d'en résulter une contrariété de décisions 268.
En pareil cas, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en
l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.

Il y a donc connexité dès que deux demandes distinctes sont suffisamment


interdépendantes pour qu’il soit raisonnable de les joindre. Il appartiendra ainsi aux parties de
solliciter la jonction et au juge de l’accorder. La connexité suppose un lien entre deux affaires;
et, en raison de ce lien, apparaît utile ou préférable de les instruire et juger ensemble, parce
que la solution d'une des affaires peut influer sur l'autre de sorte que l'on ne peut aboutir, à les
juger séparément, à des décisions contradictoires ou du moins peu cohérentes entre elles 269.
Par exemple, il y a connexité, lorsqu'après une collision d'automobiles, chacun des
conducteurs prétend mettre en cause la responsabilité de l'autre.

Les causes sont dites connexes au sens de l’article 146 de la loi organique n°13/011-B
du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire, s’il y a danger que les jugements rendus en les causes n’aboutissent à des

266
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.130, p. 289.
267
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome II. La compétence, Bruxelles, éd. Larcier, 1981, p.116.
268
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2009, n° 292, p. 195.
269
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.131, p. 289 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009,
n° 292, p. 195 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101 ; O.STAES, Droit
judiciaire privé, Paris, é. Ellipses, 2006, n° 158, p.91 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 3
ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112 et 1015, pp. 100 et 807-809 ; H. BOULARBAH, Droit judiciaire privé,
Tome 1, support du cours, Faculté de Droit, U.L.B., Bruxelles, 2005-2006, n° 343, p. 190.
159

solutions inconciliables ou tout au moins contradictoires au concret. Exemple : demandes en


exécution forcée et résiliation du contrat. Les causes peuvent être connexes bien que les
plaideurs sont engagés par des contrats distincts, ceux-ci étant cependant de même nature et
ayant la même portée270. C'est surtout le cas de plusieurs travailleurs qui ont été licenciés dans
un seul acte pour les mêmes motifs. En matière civile, la connexité justifiera le regroupement,
la jonction de plusieurs demandes en une seule procédure.

Ce regroupement est effectué par une seule procédure conformément à un ordre de


préférence légal et au prix-le cas échéant-de dérogations au droit commun de la compétence
du juge identifié comme étant celui qui peut connaître des diverses demandes connexes. En ce
cas, la jonction est ordonnée par la juridiction saisie à la demande d’une partie 271.

§ 2. Conditions

Il est difficile de déterminer un critère précis de la connexité mais nous pensons que les
éléments suivants doivent réunis:
- un lien entre deux affaires;
- saisine de deux juridictions différentes et compétentes;
- intérêt pour une bonne administration de la justice de les instruire et les juger ensemble.

I. Le lien entre deux affaires

Le lien entre deux affaires peut être divers. Ce lien peut tenir de l'identité partielle des
parties (pas totalement sinon, il y aurait litispendance), à l'identité de la cause et d'objet. Par
exemple, les actions engagées par un ancien employeur contre ses anciens salariés pour
concurrence déloyale et celle contre le nouvel employeur. Le plus souvent, le lien entre les
affaires tient aux faits de l'espèce qui sont à l'origine du litige. Ainsi, sont connexes l'action en
contrefaçon et l'action en nullité ou déchéance du brevet portée par le défendeur devant une
autre juridiction272.

II. Saisine de deux juridictions différentes et compétentes

Le renvoi pour connexité suppose que deux juridictions différentes et compétentes


aient été saisies. Ces juridictions peuvent être de même rang (deux juridictions du premier
degré) ou de rang différent (une juridiction du premier degré et une du degré d'appel), de
même nature (les deux juridictions sont de droit commun ou ordinaire) ou de nature différente
(une juridiction de droit commun ou ordinaire et juridiction spécialisée) mais obligatoirement
du même ordre (les deux juridictions doivent être de l'ordre judiciaire). Ainsi, comme pour la
litispendance, il n'y a pas connexité lorsque les deux juridictions saisies sont du degré d'appel
car il s'agira du règlement de juges ou le conflit de juridictions qui est de la compétence de la
Cour de cassation273.

270
Cour d'appel de Kinshasa, 16 février 1971, RJC, 1971, n° 3, p. 250.
271
Cour d'appel de Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, 1967, n° 2, p. 181.
272
Cour d'appel de Lyon, 18 janvier 1956, Annales de la propriété industrielle, 1956, 79.
160

Aussi, par nature différente, il ne saurait y avoir connexité entre un litige relevant de la
compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire et un litige relevant de la juridiction de
l'ordre administratif car cette question se réglerait par le conflit d'attribution qui est de la
compétence de la Cour constitutionnelle274. Il n'y a point de connexité entre un litige porté
devant une juridiction de l'ordre judiciaire et un litige soumis à l'arbitrage, entre les demandes
portées l'une devant une juridiction civile et l'autre devant une juridiction répressive ou encore
entre le juge national et un juge étranger 275. Mais la connexité existe entre une affaire portée
au premier degré de juridiction et une affaire pendante au degré d'appel.

Il ne peut y avoir connexité entre deux formations ou sections ou chambres ou juges d'une
même juridiction car cette question relève sans formalité du président de juridiction. Sa
décision est une mesure d'administration judiciaire. C'est ainsi qu'à la Cour de cassation, s’il y
a lieu de statuer par un seul et même arrêt sur plusieurs affaires pendantes devant des
chambres différentes, le Premier président désigne par ordonnance, soit d’office, soit à la
demande du Procureur général, soit à la demande des parties, la chambre qui en connaîtra. Le
greffier notifie cette ordonnance aux parties et au Procureur général 276. Enfin, il ne peut y
avoir connexité entre une affaire au provisoire devant le président de juridiction et une affaire
au fond introduite devant le même tribunal car la question se règlerait alors sans formalité par
une jonction des procédures ou règlement sur la distribution de causes décidée par le président
de juridiction. Sa décision est une mesure d'administration judiciaire.

III. L'intérêt pour une bonne administration de la justice


de les instruire et les juger ensemble

En matière civile, l'intérêt des plaideurs et celui de la bonne administration de la justice


exigent que, dans toute la mesure du possible, les différentes demandes soient réunies,
instruites et jugées devant une seule et même juridiction. Cet intérêt doit résulter sinon une
nécessité absolue (ce qui est rare en pratique), du moins un intérêt rationnel à les juger
ensemble parce que la décision sur l'une des affaires peut influer sur la solution de l'autre ou,
a fortiori, parce que les décisions rendues séparément peuvent être inconciliables. Cet intérêt
d'une bonne justice de juger les affaires ensemble est évident par exemple entre la demande en
exécution forcée d'un contrat et la demande en résiliation ou en nullité du même contrat. Il est
encore évident que l'action principale en dommages et intérêts ou en revendication d'un bien

273
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février
2013.
274
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; articles 65 et 66 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18
octobre 2013.
275
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 108, p.70.
276
Article 18 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
161

et la demande en garantie contre l'assureur ou toute autre personne qui devrait sa garantie
doivent être jugées ensemble277.

§ 3. Règlement de l'incident de la connexité

L’article 146 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire organise le traitement de
la connexité de la manière suivante :

- Les demandes qui sont pendantes devant un tribunal de paix peuvent, à la requête
de l’une des parties, être jointes à des demandes connexes pendantes devant le
tribunal de grande instance. La juridiction ainsi saisie statue en premier ressort ;
- Lorsque les demandes pendantes devant les juridictions différentes de même rang
sont connexes, elles peuvent, à la demande de l’une des parties, être renvoyées à
celle de ces juridictions qui a déjà rendu une décision autre qu’une disposition
d’ordre intérieur, sinon, à la juridiction saisie la première ;
- Dans ce cas, lorsque les parties ne sont pas les mêmes dans toutes les actions
connexes et que la juridiction de renvoi a déjà rendu un jugement qui ne la
dessaisit pas, le renvoi à cette juridiction ne peut être prononcé si le plaideur qui
n’a pas été partie à ce jugement s’y oppose. Cela signifie que si les parties en
cause dans l'affaire connexe ne sont pas les mêmes que celles en cause devant le
tribunal qui veut se dessaisir, le plaideur qui n'a pas été à la cause devant le
tribunal de renvoi lequel a pris une décision autre qu'une disposition d'ordre
intérieur, peut s'opposer à la demande de renvoi.;
- Les décisions de renvoi sont en dernier ressort ;
- La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle est
saisie. Une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la
procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée.

La solution préconisée est que la jonction des causes soit ordonnée par la juridiction saisie
à la demande d'une partie278.

§ 4. Moment de soulever l'incident de la connexité

La loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de


l'ordre judiciaire n'a pas précisé le moment où l'on peut soulever l'exception de connexité.
Mais il est de principe que l’exception de connexité n’est pas d’ordre public et ne peut être
soulevée in limine litis (c'est-à-dire avant l'examen du fond) par la partie en sollicitant le
renvoi devant le tribunal compétent. En clair, elle peut être soulevée en tout état de cause. Il
est d'ailleurs nécessaire qu'il ait été conclu au fond pour apprécier s'il y a connexité. La loi n'a
pas prévu le cas où l'exception peut être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une
277
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.133, p. 290.
278
Cour d'appel de Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, n° 2, p. 181.
162

intention dilatoire dans le but de retarder le plus longtemps possible la procédure. Cela peut
avoir le risque de permettre aux parties d'en abuser en laissant volontairement passer du temps
dans une intention dilatoire avant de soulever l'exception de connexité. C'est pourquoi, nous
pensons que la connexité devrait être soulevée in limine litis (c'est-à-dire avant l'examen du
fond) comme pour la litispendance.

Contrairement à la litispendance, le tribunal ne peut en aucune manière soulever


l'exception d'office; ce tribunal (le juge) devant lequel l'exception est soulevée par la partie,
apprécie lui-même souverainement l'existence d'une connexité. Cette exception peut en
principe être soulevée devant l'une ou l'autre des juridictions distinctes saisies des litiges
connexes. L'exception n'a pas à être soulevée nécessairement devant la juridiction saisie en
second lieu ou devant la juridiction qui a déjà rendu une décision autre qu'une disposition
d'ordre intérieur (article 146 alinéa 2 de la loi organique susvisée). Toutefois, lorsque les
juridictions sont de degré différent, la connexité ne peut être soulevée que devant la
juridiction inférieure.

On admet encore bien que la loi ne le précise pas, que s'il existe un lien de connexité entre
une juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée ou aussi une juridiction
d'exception, c'est devant la juridiction spécialisée ou juridiction d'exception que le renvoi pour
connexité doit être demandé afin que l'affaire soit renvoyée à la juridiction de droit commun,
sauf si l'une des demandes relève de la compétence exclusive d'une des juridictions. Dans ce
cas, c'est la juridiction dont la compétence n'est pas exclusive qui doit se dessaisir279.

§ 5. Concours entre deux juridictions spécialisées en matière de droit privé

Cette hypothèse concerne le concours entre le tribunal de commerce et le tribunal de


travail. La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, tout comme la loi portant organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce et celle relative aux tribunaux de travail n'ont pas
envisagé cette hypothèse. En réalité, il est en principe inconcevable que les deux juridictions
soient saisies à la fois des mêmes faits étant donné que leurs compétences matérielles sont
totalement différentes. Les juridictions de commerce sont compétentes pour connaître le
contentieux commercial (faillite des sociétés commerciales, litiges entre les commerçants,
etc.) et les juridictions de travail s'occupent du contentieux social (litiges entre employeur et
employé ou la sécurité sociale). Au cas où les deux juridictions seraient en concours, chacune
des juridictions sera compétente de la matière que la loi lui a confiée. Autrement dit, il y aura
deux procédures distinctes. Et en cas d'appel de deux décisions, la Cour d'appel pourrait
ordonner la jonction pour connexité.

279
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.141, p. 290.
163

§ 6. Concours entre une juridiction de droit commun


ou ordinaire et une juridiction spécialisée

I. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire


et le tribunal de commerce ou le tribunal de travail

Cette hypothèse n'a pas été envisagée par la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire.
Mais nous pensons que lorsque les deux demandes ou chefs de demande unis par un lien de
connexité relèvent respectivement l'un de la compétence de la juridiction de droit commun ou
ordinaire, l'autre du tribunal de commerce ou du travail, la prorogation légale qu'engendre la
connexité a pour résultat de donner compétence à la juridiction de droit commun ou ordinaire
à l'effet de connaître de la demande ou chef de demande qui ressortissait à la compétence
matérielle du tribunal de commerce ou de travail.

En d’autres termes, lorsqu’il existe le concours les deux juridictions, l’une ordinaire,
l'autre du tribunal de commerce ou du travail, quand il s’agit d’une action comportant des
chefs distincts mais unis par les liens de connexité si étroits qu’on risquerait, en les jugeant
séparément, de leur donner des solutions inconciliables, la juridiction ordinaire doit, par
l’effet d’une prorogation légale, prévaloir sur le tribunal de commerce ou du travail et rester
saisie de toute l’affaire280. La connexité permet d'abord la jonction de causes, qui par voie de
conséquence, entraine la prorogation de compétence dans la mesure où l’on déroge aux règles
ordinaires de compétence.

Cette solution se justifie par le principe selon lequel les juridictions spécialisées ne
peuvent connaître que des demandes pour lesquelles la compétence leur est attribuée
expressément par la loi. C'est pourquoi, d'ailleurs, le renvoi ne peut être fait devant le tribunal
de commerce ou du travail, puisque chacune de ces juridiction n'a pas compétence à l'égard de
la demande ou chef de demande connexe qui relève de la compétence de la juridiction de droit
commun ou ordinaire. Le renvoi devra être fait devant le tribunal de grande instance qui, sur
demande ou chef de demande qui était de la compétence de tribunal de commerce ou du
travail, trouve compétence dans l'effet de prorogation légale de compétence que produit la
connexité à son profit.

Toutefois cette solution n'est pas applicable lorsque la demande connexe dont est saisie le
tribunal de commerce ou du travail concerne une matière pour laquelle l'une de ces
juridictions a une compétence matérielle exclusive. Ainsi, le tribunal de droit commun ou
ordinaire ne peut, en vertu de la prorogation de compétence qui résulte de la connexité,
connaître d'une demande ou chef de demande qui relève de la compétence matérielle
exclusive d'une juridiction déterminée: le tribunal de commerce ou le tribunal de travail.

280
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 548, pp. 596-
597.
164

II. Concours entre une juridiction de droit commun


ou ordinaire et le tribunal pour enfants

Dans ce cas de figure, la loi a prévu la disjonction de causes. En effet, l'article 112 de la
loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant dit que lorsque le fait commis
par l'enfant est connexe à celui qui peut donner lieu à une poursuite contre un adulte, les
poursuites sont disjointes et l'enfant est poursuivi devant le juge pour enfants 281. Cela signifie
concrètement si les enfants en conflit avec la loi et les majeurs sont auteurs et complices ou
coauteurs d'une même infraction ou les infractions commises sont connexes, les tribunaux
pour enfants seront seuls compétents pour juger les mineurs, tandis que les majeurs seront
justiciables des juridictions ordinaires ou de droit commun (tribunaux de paix ou de grande
instance selon la compétence de la matière ou autre); dans ce cas; des infractions connexes ou
indivisibles seront reparties entre deux juridictions, dans la mesure où cela ne nuit pas à
l'instruction judiciaire. Le même raisonnement est applicable en matière civile et de la famille.

§ 7. Décision réglant l'incident de connexité

Alors que le conflit d’attribution est de la compétence de la Cour constitutionnelle 282,


le règlement des juges ou le conflit de juridictions est de la compétence de la Cour de
cassation283, l'appréciation de l'existence de la connexité, la jonction et le renvoi relèvent des
pouvoirs du seul juge du fond devant lequel l'exception est soulevée. Ce n'est pas donc la
juridiction supérieure aux deux juridictions qui doit trancher mais l'une de deux juridictions
saisies qui renvoie à l'autre. Cela se justifie par le fait que l'article 146 alinéas 1 à 5 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire utilise les termes notamment "être jointes à des demandes
connexes pendantes devant le tribunal, (...), être renvoyées à celle de ces juridictions (...)".
Ces termes montrent clairement que l'une des juridictions saisies renvoie à l'autre.

Saisi d'une exception de connexité, le juge doit statuer sur elle, soit pour la rejeter, soit
pour y faire droit. Mais il est de pratique constante qu'en général lorsque les conditions sont
réunies, le renvoi est ordonné car il y aurait sans doute une contradiction dans le fait de
reconnaître qu'il y a connexité et donc intérêt d'une administration de la justice d'instruire et
juger ensemble deux demandes, et à ne pas ordonner le renvoi.

Avant que la juridiction ne statue sur la connexité, le ministère public doit donner son
284
avis . Si le juge saisi de l'exception de connexité estime qu'il est de l'intérêt d'une bonne
justice de juger ensemble les deux affaires, il se dessaisit de l'affaire et ordonne le renvoi de la
281
Articles 112 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
282
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026
du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
283
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février
2013.
165

cause dont il est saisi devant l'autre juridiction. La juridiction de renvoi devant laquelle
l'affaire est renvoyée doit accepter le renvoi qui s'impose à elle et aux parties.

Dans ce cas, une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la
procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée 285. Il est alors procédé
comme en matière d'incompétence: le dossier de l'affaire est transmis par le greffe de la
juridiction à l'autre juridiction dont le greffe invite les parties à poursuive l'instance. En
principe, la juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée ne peut décliner sa compétence
sur les causes dont elle est saisie. La connexité cesse dès que l’une de deux juridictions est
dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit par un désistement, soit un
déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de l'autre, soit par le renvoi.

La loi ne dit rien concernant la nature, ni la portée de la décision du juge au fond sur la
connexité; en toute logique, il s'agit d'un jugement soit de déclinatoire de compétence, soit de
renvoi. Cela semble très évident car l'on exige l'avis du ministère public. En tout état de cause,
il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre intérieur car celle-ci n'exige pas l'avis du ministère public.

Enfin, la loi n'a rien dit si un tel jugement est susceptible d'appel. Nous estimons que
pour la bonne administration de la justice, rien ne justifie le recours contre le décision de
règlement de l'incident de connexité d'autant plus que les parties auront la possibilité de
recours après que la juridiction désignée ait vidé le litige en statuant au fond de demandes ou
faits originaires.

SECTION 6: L’INDIVISIBILITÉ
L’indivisibilité se rapproche de la connexité mais elle est différente de celle-ci. En effet,
la connexité procède du souci d’éviter, dans l’intérêt d’une administration de la justice, que
soient rendues des décisions inconciliables ; le problème se situe exclusivement sur le terrain
de l’harmonie de la chose jugée ; car il est fort possible, le cas échéant, que toutes les
décisions contradictoires ou inconciliables qu’elles soient, les deux décisions puissent être
l’une et l’autre exécutée de son côté. En revanche, l’indivisibilité, résulte du fait que les deux
décisions qui seraient rendues si le renvoi n’était pas ordonné, ne pourraient pas, en raison de
leur contrariété ou leur divergence, être exécutées simultanément ; le problème se situe donc,
non plus sur le terrain de l’harmonie de la chose jugée, mais sur celui de l’exécution même
des décisions judiciaires ou, plus précisément, de l’impossibilité en fait d’en assurer
l’exécution simultanée.

De manière concrète, pour l'indivisibilité, l'on prend en considération de l'impossibilité


d'exécuter simultanément les deux décisions auxquelles aboutiraient les deux demandes si
elles étaient jugées par des tribunaux différents 286. On a fait observer que l’indivisibilité ainsi
conçue repose sur une anticipation : les juges saisis devront, en effet, se référer à l’éventualité
284
Article 69 alinéa 1, 4° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
285
Article 146 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
286
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°556, p.611.
166

où seraient rendues, par les deux tribunaux différents, des décisions qui ne pourraient pas être
exécutées simultanément. On a caractérisé l'indivisibilité en disant qu'elle est une connexité
renforcée287 car elle intervient quand un lien encore plus étroit que la connexité peut être
relevé288.

Bref, pour l'indivisibilité, la jonction est obligatoire devant un seul et même tribunal alors
que pour la connexité, le juge du fond apprécie souverainement s'il y a jonction 289. Du point
de vue de la compétence territoriale, c'est autour du fait principal qu'il faut grouper tous les
faits de participation accessoires, et c'est le lieu principal qui détermine la compétence 290.

SECTION 7: LE CONFLIT DE JURIDICTIONS


OU RÈGLEMENT DE JUGES

§ 1. Notions

Ce conflit existe lorsque deux ou plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire statuant en


dernier ressort se déclarent compétentes ou incompétentes d’une demande mue entre les
mêmes parties. En effet, il y a lieu à règlement de juge lorsque deux ou plusieurs juridictions
de l’ordre judiciaire statuant en dernier ressort se déclarent en même temps soit compétentes,
soit incompétentes, pour connaître d’une même demande mue entre les mêmes parties 291. Le
règlement de juges en raison d’un conflit de compétence suppose l’existence d’un conflit de
juridiction entravant l’exercice de l’action publique. Ce conflit concerne donc deux ou
plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire. Par exemple le conflit de compétence entre deux
tribunaux de grande instance ou deux cours d’appel ou une juridiction de droit commun et une
juridiction spécialisée292. Ce conflit peut concerner aussi deux juridictions de l’ordre
administratif. Si les deux juridictions prétendent l’une ou l’autre connaître de la même affaire,
le conflit est positif ; si au contraire, elles se déclarent toutes deux incompétentes, le conflit est
négatif293.

Le conflit positif se produira assez fréquemment en matière de compétence territoriale dès


lors qu'on le sait, plusieurs juridictions sont concurremment compétentes. Ainsi, deux
tribunaux de grande instance peuvent revendiquer le même dossier: celui dans le ressort
287
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°553, 555, pp.605,
608-609.
288
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 108, p. 171.
289
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier,
2012, p. 765; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 573, p. 541; M.-A. BEERNAERT,
H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014,
p.1095; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 94, p. 91; S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1148, p. 675; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris,
PUF, 2001, n° 109, p. 171.
290
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier,
2012, p. 765.
291
Article 66 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
292
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 551, p.523.
293
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 551, p. 523; S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2009, n° 1164, p. 680
167

duquel l'infraction a été commise et celui dans le ressort duquel le délinquant a été arrêté. Le
conflit négatif, plus rare, peut se produire lorsqu'un dossier est rejeté par deux juridictions,
chaque juridiction renvoyant à l'autre. Il existe lorsque deux juridictions se sont dessaisies
d'un même litige en rendant toutes deux une décision d'incompétence passée en force de chose
jugée; cela a pour conséquence qu'il n'y a pas de juge appelé à connaître de l'affaire, ce qui
enraye le fonctionnement même de la justice. La Cour de cassation rend alors un arrêt
indiquant la juridiction qui doit connaître du litige 294. Il peut en être ainsi entre une juridiction
de droit commun et une juridiction spécialisée pour une affaire dont la compétence est mal
déterminée. Dans les deux situations, c'est la procédure de règlement de juges qui trouve
application.

Qu’ils soient positifs ou négatifs, ces conflits sont tranchés par la procédure du règlement
de juges. Ils sont réglés par la juridiction supérieure commune aux deux juridictions
concurrentes, soit la Cour de cassation. C’est ainsi que le conflit entre deux tribunaux de paix,
deux tribunaux de grande instance du ressort de la même Cour d’appel est réglé par la
procédure de connexité ou litispendance ou d'indivisibilité selon les règles que nous avons
développées si les deux juridictions en conflit ne statuent pas en dernier ressort. Par contre,
s’il s’agit d’un conflit entre deux tribunaux ressortissant à deux cours d’appel différentes, ou
entre une juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée ou entre deux tribunaux
de grande instance, statuant en dernier ressort, ou entre deux cours d’appel siégeant en dernier
ressort, le conflit est tranché par la Cour de cassation suivant la procédure de règlement de
juges. Il en est ainsi du conflit de juridiction entre une Cour d’appel (juridiction de droit
commun) et une Cour militaire (juridiction d’exception), statuant en dernier ressort.

Comme on peut le constater, ce conflit existe entre deux juridictions du même ordre
judiciaire statuant en dernier ressort. Lorsqu’il s’agira du conflit ente deux ordres de
juridiction différents, tels que les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre
administratif, l’on ne parlera pas du conflit de juridictions ou règlement de juges mais plutôt
du confit d’attribution qui est de la compétence de la Cour constitutionnelle. Nous pensons
qu’avec la création des juridictions de l’ordre administratif depuis la Constitution du 18
février 2006, on pourrait aussi prévoir le conflit de juridictions ou règlement de juges au sein
de ces juridictions, et leur compétence sera du Conseil d’Etat.

§ 2. Conditions

Ce conflit a pour objectif de décider laquelle des deux juridictions saisies d'un même
procès a compétence exclusive pour en connaître. Trois conditions doivent être réunies:
- le conflit doit être matérialisé par deux décisions juridictionnelles;
- les décisions doivent concerner la compétence uniquement et non l'irrégularité d'une saisine;
- les décisions doivent être définitives et en dernier ressort (sinon, il suffirait d'exercer les
voies de recours normales).

294
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier,
2012, p. 1328.
168

§ 3. Juridiction compétente

La Cour de cassation est seule compétente pour examiner les questions de règlement de
juges ou conflit de juridiction. Ce n'est pas donc l'une de deux juridictions en conflit qui est
compétente ou la juridiction supérieure aux deux juridictions en conflit.

§ 4. Procédure

Le règlement de juges peut être demandé par requête de l’une des parties à la cause ou du
ministère public près l’une des juridictions concernées. La requête est appuyée par les pièces
justificatives. Le Premier président de la Cour de cassation nomme un rapporteur. Après avoir
examiné la requête, la Cour de cassation communique le dossier au ministère public pour
donner son avis étant donné que c'est une cause communicable 295. La Cour de cassation
désigne la juridiction qui connaîtra de la cause296.

En cette matière particulière, la Cour de cassation, se voit très souvent obligée d'aborder
l'examen du fait en recherchant et vérifiant tous les éléments de fait qui lui sont nécessaires
pour indiquer la juridiction compétente. Elle n'est pas liée en cette matière par l'appréciation
souveraine du juge de fond. Une fois cet examen du fait terminé, la Cour indique en son arrêt
la juridiction qui doit connaître de l'affaire.

En cas de conflit positif, l'arrêt de la Cour de cassation dessaisit l'une des juridictions et
désigne quelle est celle de deux juridictions qui connaîtra le dossier. Elle se détermine en
fonction d'une bonne administration de la justice. En cas de conflit négatif, l'arrêt de la Cour
de cassation renvoie la cause à la juridiction qu'il désigne. Cet arrêt opère la saisine et lie la
juridiction de renvoi. L'affaire peut être envoyée devant l'une de deux juridictions en conflit
ou devant une troisième juridiction qui statuera. Telles sont les principales règles de conflit de
juridiction ou règlement de juges.

Comme on peut le remarquer, elles sont complexes et ralentissent sérieusement le cours de


la justice. Aussi, concrètement, le conflit positif est-il fréquemment réglé par la pratique du
dessaisissement amiable de l'une des juridictions au profit de l'autre. Il est rare que les
juridictions dont on connaît les charges tiennent à tout prix à régler un dossier.

SECTION 8: LE CONFLIT D’ATTRIBUTION


1. Notions

L'article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006 et l'article 66 de la loi


organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle297 disent qu'il y a conflit d’attribution, lorsque la Cour de cassation et le

295
Article 69 alinéa 1, point 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
296
Article 66 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
297
JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
169

Conseil d’Etat déclarent tous deux une juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de
l’ordre administratif compétente ou incompétente pour connaître d’une même demande mue
entre les mêmes. La doctrine considère qu'il y a conflit d’attribution lorsqu’une juridiction de
l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif se déclarent pour une même
demande mue entre les mêmes parties toutes deux compétentes ou incompétentes 298. Ce
conflit est aussi appelé "conflits d'ordres juridictionnels" puisqu'ils mettent aux prises l'ordre
juridictionnel judiciaire et l'ordre juridictionnel administratif. Les conflits d'attribution entre
les ordres de juridiction est de la compétence de la Cour constitutionnelle299.

2. Procédure

Le recours en cette matière n’est recevable que si une exception d’incompétence a été
soulevée par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat au motif que la demande
relève en tout ou en partie de l’autre ordre 300. Concrètement, on peut se trouver devant une
situation suivante: une juridiction de l'ordre judiciaire peut être saisie d'un dossier et au cours
de l'instance, une partie soulève l'exception de compétence matérielle au motif entre autres
que les matières concernées n'entrent pas dans les compétences des juridictions de l'ordre
judicaire mais plutôt de l'ordre administratif. Cette partie devra alors saisir la Cour de
cassation pour régler le conflit.

De même, une juridiction de l'ordre administratif peut se trouver dans la même situation,
dans ce cas, c'est le Conseil d'Etat qui sera saisi pour résoudre le conflit. Ce n'est qu'après les
arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d'Etat lorsqu'ils se prononcent sur
l'attribution du litige aux juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif que l'on peut saisir
la Cour constitutionnelle301. La demande n’est recevable que dans les deux mois de la
signification de la décision d’où résulte le conflit302.

Lorsque la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont, l’une et l’autre, déclaré une
juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif compétentes, celles-
ci sursoient à statuer quant au fond jusqu’à l’expiration du délai de deux mois et, en cas de
recours, jusqu’à la décision sur le conflit. Lorsque la Cour a vidé le conflit, la juridiction de
l’ordre qui n’a pas été reconnue compétente est dessaisie de plein droit de l’action pendante
devant elle. La juridiction de l’ordre reconnu compétente est seule habilitée à trancher le fond
298
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 548, p. 522 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 241-242, pp. 172-174 ; N. FRICERO, L’essentiel des institutions
judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 90-91.
299
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
300
Article 161 alinéa 4 in fine de la Constitution du 18 février 2006; article 67 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
301
Article 161 alinéa 4 in fine de la Constitution du 18 février 2006; article 67 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
302
Article 68 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
170

du litige sur une nouvelle demande de la partie la plus diligente dans le respect des règles
prévues par la loi. La prescription est suspendue pendant la procédure de règlement du conflit.
L’arrêt de règlement de conflit s’impose aux deux ordres de juridictions303.

3. Propositions de réforme

Il s'agit d'une grande avancée de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle d'avoir réglé le conflit des
compétences entre une juridiction de l’ordre judicaire et celle de l’ordre administratif étant
donné que cette situation risque d’être fréquente dans la pratique judiciaire. Mais la formule
nous semble lourde étant donné qu'en cas de conflit d'attribution, chaque juridiction doit
attendre que le la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat déclare l'une ou l'autre juridiction
compétente ou incompétente. Et ce n'est qu'après cela que l'on peut saisir la Cour
constitutionnelle. Il serait mieux que lorsqu'il y a éventualité de conflit d'attribution que l'une
ou l'autre juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ait la possibilité de saisir
directement la Cour constitutionnelle pour trancher.

C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait dans les meilleurs délais modifier l’article
161 alinéa 4 de la Constitution de la manière suivante : « La Cour constitutionnelle connaît
des conflits d’attribution entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de
l’ordre administratif. Elle peut être saisie par l'une des juridictions dont l'affaire est
pendante». Cette formulation nous semble plus large et pourrait résoudre plusieurs conflits
des compétences entre ces deux ordres de juridiction qui pourraient se poser. De même dans
la mesure du possible, il serait mieux que cette compétence revienne à la Cour de cassation en
tant que la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, elle nous semble plus préparée à
résoudre un tel conflit. La Cour constitutionnelle pourrait rester compétente pour régler le
conflit de compétence entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. Et d’ailleurs, c’est ce qui
ressort des éléments du droit comparé car le conflit d’attribution entre une juridiction de
l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif est de la compétence de la Cour de
cassation en Belgique, et du Tribunal des conflits en France304.

SECTION 9: RÈGLES PARTICULIÈRES DE COMPÉTENCES


EN MATIÈRE CIVILE, COMMERCIALE, SOCIALE
ET DE LA FAMILLE

§ 1. La compétence des juridictions pénales sur l'action civile

L’action en réparation du dommage causé par une infraction peut être poursuivie et en
même temps que l’action publique devant le même juge. Il en est de même des demandes de
dommages-intérêts formées par le prévenu contre la partie civile ou contre les coprévenus 305.

303
Articles 69 à 71 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
304
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 548, p.522.
305
Article 107 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
171

Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la défense de


leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de l’action
publique prononcent d’office les dommages-intérêts et réparations, qui peuvent être dus en
vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux 306. Cependant, la constitution de partie
civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De même, la Cour ne peut statuer
d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être dus en vertu de la loi, de la
coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être poursuivie qu’après l’arrêt définitif
de la Cour et devant les juridictions ordinaires 307. Mais cette disposition s'applique
uniquement lorsque la Cour de cassation doit juger en premier et dernier ressort les
bénéficiaires du privilège de juridiction. En conséquence, elle ne s'applique pas lorsqu'elle
doit connaître au second degré les arrêts prononcés par les Cour d'appel au premier degré (soit
les infractions pénales internationales, soit les bénéficiaires du privilège de juridiction de la
Cour d'appel).

§ 2. La compétence des juridictions selon la valeur du litige

La compétence est déterminée par la nature et par le montant de la demande. Les fruits,
intérêts, arrérages, dommages-intérêts, frais et autres accessoires ne sont ajoutés au principal
que s’ils ont une cause antérieure à la demande 308. En matière civile, commerciale, sociale et
de ma famille, la compétence d'une juridiction s'apprécie en règle au moment de l'introduction
de la demande, que celle-ci soit introductive d'instance ou incidente. Le montant de la
demande s'entend du montant réclamé dans l'acte introductif, en ce compris les intérêts échus
(moratoires ou compensatoires) réclamés dans l'acte introductif d'instance, mais à l'exclusion
des intérêts judiciaires et des dépens. Lorsque la demande tend au paiement d'un dollar
symbolique, c'est ce montant qui détermine la juridiction compétente.

Si la demande a plusieurs chefs qui proviennent de la même cause, ils sont cumulés pour
déterminer la compétence. Si une somme réclamée fait partie d’une créance plus forte qui est
contestée, c’est le montant de celle-ci qui détermine la compétence. Si une demande est
formée par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs en vertu du même titre, la
somme totale réclamée fixe la compétence309.

Dans les contestations sur la validité ou la résiliation d’un bail, la valeur du litige est
déterminée en cumulant, au premier cas, les loyers pour toute la durée du bail, et au second
cas, les loyers à échoir. Dans les contestations entre le créancier et le débiteur relatives aux
privilèges ou aux hypothèques, la compétence est déterminée par le montant de la créance

306
Article 108 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
307
Article 78 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
308
Articles 122 et 123 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
309
Articles 124 à 126 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
172

garantie. Lorsque les bases ci-dessus font défaut, le litige est évalué par les parties, sous le
contrôle du juge310.

§ 3. Juridiction compétente par rapport au domicile des parties


ou le lieu de naissance du litige ou la situation du litige

Le juge du domicile ou de la résidence du défendeur est seul compétent pour connaître


de la cause, sauf les exceptions établies par des dispositions spéciales. S’il y a plusieurs
défendeurs, la cause est portée au choix du demandeur, devant le juge du domicile ou de la
résidence de l’un d’eux311. En conséquence, le tribunal se déclarera incompétent
territorialement si le défendeur a sa résidence en dehors de son ressort 312. C'est l'application de
la veille règle actor sequitur forum rei. Cette règle se justifie par le fait que le défendeur ne
demande rien, qu'il est a priori présumé être dans son droit, et qu'il vaut mieux, puisqu'il faut
choisir, limiter le trouble et le dérangement qui lui est causé par la demande en justice en ne le
contraignant pas à se déplacer pour se défendre313.

Les actions contre l’Etat peuvent, être introduites devant le juge du lieu où est établi le
siège du Gouvernement ou le chef-lieu de Province. Les actions contre les provinces et les
entités territoriales décentralisées peuvent, être introduites devant le juge du lieu où ces entités
ont le siège de leur administration314. Ainsi, les entités administratives territoriales jouissant
de la personnalité juridique sont assignées en leurs bureaux, le lieu où se trouve leur siège.
Lorsque l'on veut assigner la province de Kinshasa, l'exploit sera déposé au bureau du
Gouverneur de la ville de Kinshasa.

Les contestations entre associés ou entre administrateurs et associés sont portées devant
le juge du siège de la société. Le même juge est compétent, même après la dissolution de la
société, pour le partage et pour les obligations qui en résultent, si l’action est intentée dans les
deux ans du partage. Cependant, le contrat de société étant un contrat à part entière, au nom
de prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence, les parties que sont les associés
peuvent choisir une juridiction d'autre lieu pour trancher un conflit éventuel qui surviendrait
lors de l'exécution de leur société ou après la dissolution de celle-ci.

L’action en reddition du compte de tutelle est portée devant le juge du lieu dans lequel la
tutelle s’est ouverte. Les comptables et les séquestres commis par justice sont assignés devant

310
Articles 127 à 129 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
311
Article 130 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
312
TGI-Matete, 4 janvier 1989, inédit.
313
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 131.10, p. 234.
314
Article 131 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
173

les juges qui les ont commis315. Les contestations en matière de faillite sont portées devant le
tribunal dans le ressort duquel la faillite est ouverte316.

Les cours d’eau dont l’axe forme la limite de deux ressorts judiciaires sont considérés
comme communs à chacun de ces ressorts317. Ainsi, lorsqu'un conflit surgit entre deux voisins
à propos de la partie du cours d'eau adjacent à leurs concessionnaires respectives, l'action peut
être portée devant l'une ou l'autre juridiction de ces deux ressorts.

Les contestations élevées sur l’exécution des jugements et arrêts sont portées devant le
tribunal du lieu où l’exécution se poursuit318.

§ 4. Juridiction compétente en matière mobilière et immobilière

En matière mobilière, l'action est portée devant le juge du lieu dans lequel l'obligation est
née ou dans lequel elle doit être ou a été exécutée319.

En matière immobilière, l’action est portée devant le juge de la situation de l’immeuble.


Les demandes accessoires en restitution de fruits et dommages-intérêts suivent le sort de la
demande principale. Si l’immeuble est situé dans différents ressorts, la compétence est fixée
par la partie de l’immeuble dont la superficie est la plus étendue. Néanmoins, le demandeur
peut assigner devant le juge dans le ressort duquel est située une partie quelconque de
l’immeuble, pourvu que, en même temps, le défendeur y ait sont domicile ou sa résidence 320.
Le tribunal territorialement compétent pour connaître la succession sur les immeubles est
celui où ceux-ci se trouvent pour la plupart321. De même, la compétence du tribunal est
déterminée par la situation géographique de l’immeuble querellé322.

Comme on le voit, la loi organique susvisée et la jurisprudence ont retenu comme principe
que la juridiction compétente est le lieu où est situé l'immeuble. Cela se justifie par le fait
qu'on a toujours pensé qu'il valait mieux que le juge compétent fût celui du lieu de
l'immeuble, pour aller voir sur place, au besoin, et parce qu'il connaît mieux les usages et les
pratiques locaux.

315
Articles 134 et 135 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
316
Article 139 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
317
Article 133 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
318
Article 140 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
319
Article 132 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
320
Article 136 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
321
Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, 15 août 1987, RC 1781, inédit.
322
Tribunal de paix de Lemba, 5 mai 1989, RC, 2883/III, inédit.
174

§ 5. Juridiction compétente en matière de succession

L'article 755 du Code de la famille prévoit que lorsqu'une personne vient à décéder, la
succession de cette personne appelée "de cujus" est ouverte au lieu ou elle avait, lors de son
décès, son domicile ou sa principale résidence. Ainsi, lorsqu'une personne décède, sa
succession doit s'ouvrir afin de déterminer le liquidateur qui aura comme tâche de déterminer
les biens laissés par le de cujus et les personnes qui sont habilités à hériter. Dans ce cas,
lorsque les conflits surgissent, sont portées devant le juge du ressort où la succession s’est
ouverte :

1. les actions en pétition d’hérédité, les actions en partage et toutes autres actions entre
cohéritiers jusqu’au partage ;
2. les actions contre l’exécuteur testamentaire si elles sont intentées dans les deux ans de
l’ouverture de la succession ;
3. les actions en nullité ou en rescision du partage et garantie des lots intentées au plus
tard dans les deux ans du partage ;
4. les actions des légataires et des créanciers contre les héritiers ou l’un d’eux, si elles
sont intentées dans les deux ans du décès323.

Ces actions seront portées devant le tribunal dans lequel le "de cujus" avait son domicile ou sa
principale résidence ou sa succession est censée s'ouvrir. Cela se justifie par le fait qu'il est
rationnel d'une part de centraliser les opérations relatives au partage d'une succession en un
seul et devant une seule juridiction. D'autre part, la succession comporte souvent plusieurs
biens et notamment les immeubles qui, statiquement, sont, en majorité, au lieu du domicile du
défunt. C'est une compétence d'ordre public 324. En conséquence, le juge doit vérifier d'office
s'il est compétent territorialement, et se déclarer si nécessaire incompétent.

Quand la succession est ouverte en pays étranger, les actions ci-dessus sont portées
devant le tribunal de la situation des immeubles dépendant de cette succession. Si la
succession ne comprend pas d’immeubles situés en République démocratique du Congo, la
compétence est réglée d’après les règles de la connexité ou suivant les conditions d'assigner
les étrangers en RDC325.

§ 6. Juridiction compétente en cas de demandes reconventionnelles

La demande reconventionnelle ou la reconvention est la demande formée par le


défendeur qui, non content d'être assigné (défendeur), attaque à son tour et soumet au tribunal
un chef de demande en tant que demandeur. Elle est donc une demande incidente formée par
le défendeur et qui tend à faire prononcer une condamnation contre le demandeur souvent
pour action téméraire et vexatoire. Autrement dit, c'est celle par laquelle le défendeur
323
Article 137 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
324
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 132.30, p. 249.
325
Articles 137, 138, 146 et 147 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
175

originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention adverse 326.
Elle s'introduit devant le tribunal soit par assignation soit par conclusions.

Les demandes reconventionnelles n’exercent, quant à la compétence, aucune influence


sur l’action originaire. Nonobstant les prescriptions relatives à leurs compétences matérielle et
territoriale, les tribunaux connaissent de toutes les demandes reconventionnelles, quels qu’en
soient la nature et le montant327. Il s'agit d'une plénitude de juridiction. Le mot "quels qu’en
soient la nature et le montant" ne signifie pas que la valeur de la demande reconventionnelle
peut aller au delà de la compétence de la juridiction saisie. Par exemple, la demande
reconventionnelle introduite devant le tribunal de paix ne doit pas dépasser la valeur de 5.000
$ qui est la compétence matérielle de ce tribunal en matière civile (article 110 alinéa 2 de la
loi organique susvisée).

Les demandes fondées sur le caractère vexatoire et téméraire d’une action sont portées
devant le tribunal saisi de cette action 328. La demande reconventionnelle pour procès téméraire
et vexatoire tend à réparer le dommage causé au défendeur par le demandeur ayant
abusivement exercé l'action en justice. Si le fait d'agir en justice constitue l'exercice d'un droit,
il dégénère en acte illicite et donne lieu à des dommages et intérêts s'il est accompli avec
témérité, malice ou mauvaise foi. La témérité pourra se déduire de la légèreté avec laquelle
l'action aura été exercée et dont se serait gardé tout homme normalement prudent et réfléchi,
alors même que l'action aurait été intentée de bonne foi, mais par suite d'une erreur
d'appréciation à ce point évidente qu'elle devait être aperçue et évitée 329. La demande
reconventionnelle est jugée en même temps que la demande principale et devant la même
juridiction.

Le juge compétent pour statuer sur la demande principale connaît de tous les incidents et
devoirs d’instruction auxquels donne lieu cette demande. Le juge devant lequel la demande
originaire est pendante connaît des demandes en garantie 330. Les demandes incidentes sont des
prétentions qui viennent se greffer sur un litige déjà né 331. La demande incidente tout comme
les demandes en garantie ne doivent pas dépasser le taux de compétence de tribunal saisi.
Ainsi, si une demande incidente est supérieure au taux de sa compétence, et si une partie
soulève l'incompétence, le juge a le choix: soit de ne statuer que sur la demande initiale et de
se déclarer incompétent sur la demande incidente, soit de renvoyer les parties à se pourvoir
pour tout devant la juridiction compétente. Le juge usera de cette seconde branche de l'option
326
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 517, p. 403.
327
Article 141 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
328
Article 142 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
329
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 519, p. 405.
330
Articles 143 à 144 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
331
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 142.80, p. 287.
176

lorsqu'il paraîtra de bonne justice de faire juger ensemble la demande principale et la demande
incidente.

Enfin, il est de principe que le tribunal saisi d'une demande est compétent pour connaître
de la demande en intervention. En RDC, il s'agit d'un principe général de droit car
l'intervention n'est pas prévue par le Code de procédure civile. L'intervention est une
procédure par laquelle un tiers devient partie à la cause. Elle tend, soit à la sauvegarde des
intérêts de l'intervenant ou de nature de l'une des parties en cause (intervention conservatoire),
soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie (intervention agressive). De
manière générique, la demande en intervention est une demande incidente. Elle est formée au
cours du procès et a pour objet de faire entrer dans la cause des personnes qui n'y avaient
point été appelées332.

Qu'il s'agisse de demandes en garantie ou de demandes en intervention, le tribunal saisi du


litige originaire doit être matériellement compétent à l'égard de l'une ou l'autre demande. En
clair, les demandes en garantie ou en intervention, doivent être de la compétence matérielle de
la juridiction saisie pour que celle-ci les examine.

§ 7. Juridiction compétente par rapport au lieu de travail

Le tribunal du lieu du travail est seul compétent, sauf dérogation légale ou celle
intervenue à la suite d’accords des parties ou d’accords internationaux 333. N’est pas fondée,
l’exception d’incompétence territoriale soulevée par l’employeur cité par son employé au
tribunal de son siège principal et qui prétend que seul le tribunal du lieu de l’agence où il était
affecté devrait connaître du litige qui les oppose 334. Mais les parties peuvent valablement et de
commun accord déférer une cause devant un tribunal autre que celui territorialement
compétent335.

§ 8. Juridictions compétentes à juger les étrangers en matière civile en RDC

Les étrangers peuvent être assignés devant les tribunaux de la République démocratique
du Congo dans les cas suivants :

1. s’ils ont un domicile ou une résidence en République démocratique du Congo ou y ont


fait élection de domicile ;
2. en matière immobilière si l’immeuble est situé en République démocratique du
Congo ;
3. si l’obligation qui sert de base à la demande est née, a été ou doit être exécutée en
République démocratique du Congo ;
4. si l’action est relative à une succession ouverte en République démocratique du
Congo;
332
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 526, p. 409.
333
Articles 150 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
334
Tribunal de grande instance de Kinshasa/N'djili, 23 août 1989, Desse contre Air Congo, RAT 109.
335
Cour suprême de justice, 15 juin 1983, RC 434, inédit.
177

5. s’il s’agit d’une demande en validité ou en main-levée de saisie-arrêt formée en


République démocratique du Congo ou de toutes autres mesures provisoires ou
conservatoires ;
6. si la demande est connexe à un procès déjà pendant devant un tribunal de la
République démocratique du Congo ;
7. s’il s’agit de faire déclarer exécutoires en République démocratique du Congo les
décisions judiciaires rendues ou les sentences arbitrales rendues ou les actes
authentiques passés en pays étrangers ;
8. s’il s’agit d’une contestation en matière de faillite, quand la faillite est ouverte en
République démocratique du Congo ;
9. s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande reconventionnelle, quand la
demande originaire est pendante devant un tribunal de la République démocratique du
Congo ;
10. dans les cas où il y a plusieurs défendeurs dont l’un a son domicile ou sa résidence en
République démocratique du Congo ;
11. en cas d’abordage ou d’assistance en haute mer ou dans les eaux étrangères, quand le
bâtiment contre lequel des poursuites sont exercées, se trouve dans les eaux
congolaises au moment où la signification a lieu336.

Hormis les cas prévus ci-dessus, les étrangers peuvent être assignés devant les tribunaux de la
République démocratique du Congo, si le demandeur y a son domicile ou sa résidence. Dans
ce cas, le tribunal compétent est celui du domicile ou de la résidence du demandeur 337.

336
Articles 147 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
337
Articles 148 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
178

CHAPITRE II: L'INCIDENT A L'INSTANCE LIEE A


L'ABSENCE D'IMPARTIALITE DU JUGE

Ces incidents peuvent concerner la procédure de récusation (section1), le déport (section


2) et le renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique (section 3).

SECTION 1: LA RÉCUSATION

§ 1. Notions

La récusation est un moyen permettant de garantir une bonne administration de la justice


aux justiciables en excluant du siège d’une juridiction un ou plusieurs magistrats suspectés de
partialité. C'est un incident de procédure soulevé par une partie qui, sans s'opposer à la saisine
de la juridiction ni contester sa compétence, prétend faire écarter un ou plusieurs juges
nommément désigné(s) qu'elle suspecte de partialité envers l'un des plaideurs. La récusation
constitue un incident qui intervient au cours d’un litige et à l’occasion duquel il est allégué
qu’il existe des doutes quant à l’aptitude du juge à statuer de manière objective et impartiale
sur le litige dont il est saisi338. C’est donc un droit que la loi accorde aux parties de demander
qu’un ou plusieurs juges nommément désigné(s) dont elles mettent en cause l’impartialité ne
connaisse(nt) pas du procès qui lui(leur) est régulièrement déféré et soi(ent) remplacé(s) par
un ou d’autres juge(s)339. De manière simple, la récusation est le droit accordé à un plaideur de
faire écarter du siège, pour le jugement de son procès, un juge dont l'impartialité à son égard
peut légalement être suspectée340.

Cette procédure préventive vise ainsi à empêcher qu’une cause ne soit instruite ou
jugée par un juge ne présentant pas les garanties nécessaires d’impartialité, objectivité et
sérénité341. C’est donc un moyen préventif pour contrôler la partialité du juge 342. La récusation
est dirigée contre un juge pris individuellement 343 ou parfois plusieurs juges mais pas tous les
338
F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, pp. 177-178; S. GUINCHARD,
Méga Nouveau Code de procédure civile, Paris, 2ème éd. Dalloz, 1998, n° 1123, p. 413 ; A.VITU, La « récusation
en matière pénale », Mélanges dédiées à Jean Vincent, Paris, éd. Cujas, 1981, p. 427 ; D. ROETS, Impartialité
et justice pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, p. 1999; Cour de cassation belge, 18 novembre 1997, Pas., 1997, I, p.
1215 ; Cassation belge, 2 octobre 2002, R.G.P.02.934 ; Cassation belge, 10 décembre 2003, J.T., p. 883.
339
T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 532-533.
340
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 6.1, p. 571; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de
compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 56, p. 59.
341
J. VAN COMPERNOLLE, G. GLOSSET MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2001) Droit
juridiction privé », R.G.J.B., 4ème trim. 2002, n° 609, p. 692.
342
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 215, p. 224.
343
M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection de l’Université de Liège, éd. Jeune
Barreau de Liège, 1989, p. 997 ; P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE LEVAL (sous direction), in La
jurisprudence du Code judiciaire commenté, in Volume II A, L'instance (D. MOUGENOT, coordination),
Bruxelles, éd. La Charte, 2013, p. 294; X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMAECKER
179

juges de juridiction, ce qui la distingue du renvoi pour cause de suspicion légitime, qui vise la
juridiction dans son ensemble et non quelques juges composant une juridiction. La récusation
dirigée contre l'ensemble des magistrats qui composent une juridiction n'est pas une
récusation, elle équivaut, en ce cas, à une demande de renvoi pour cause de suspicion
légitime. Bref, la récusation concerne un juge (ou quelques uns mais tous) d'une juridiction (y
compris celui ou certains de la Cour de cassation) alors que le renvoi pour cause de suspicion
légitime concerne tous les juges composant une juridiction (et non la Cour de cassation).

La récusation se distingue aussi du déport qui est le fait que le juge appelé à instruire
ou à juger une affaire, estime de par sa conscience se retirer de connaître cette affaire afin de
sauvegarder son impartialité étant donné qu'il se trouve dans l'une des huit causes de
récusation prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée ou il existe dans son chef une
cause d'incompatibilités . Elle est réglée par les articles 49 à 59 de la loi organique n°13/011-
B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire.

§ 2. Juges concernés

Au sens de l’article 49 de la loi organique susvisée, sont au premier chef susceptibles


d’être récusés les juges (magistrats peu importe la juridiction voire même ceux de la Cour de
cassation344, juges consulaires du tribunal de commerce, juges assesseurs du tribunal de travail
et des jurés des juridictions militaires) quelle que soit la juridiction à laquelle ils appartiennent
(ordre judiciaire, ordre administratif, Cour des comptes, Cour constitutionnelle) quand bien
même s’agirait-il d’une juridiction disciplinaire (chambres de discipline) ou arbitrale.
Concernant l'arbitre, il est considéré comme juge au sens de cet article. A ce titre, il est
logique que sa récusation soit envisageable.

En matière disciplinaire, cela signifie que les membres de la chambre de discipline


(provinciale et nationale) du Conseil supérieur de la magistrature chargés de juger les fautes
professionnelles (disciplinaires) des magistrats sont aussi concernés. Il en va de même des
membres des organismes investis d’une mission juridictionnelle, disciplinaire par exemple
(ordre des avocats, ordre des médecins, ordre des pharmaciens, ordre des médecins
vétérinaires, ordre des architectes, etc.) tout au moins lorsqu’ils ont à statuer dans le cadre de
cette mission.

Peut également être récusée la personne, officier du ministère public, avocat ou étrangère à
une juridiction mais appelée à la compléter345. Cela signifie concrètement que les personnes
assumées pour compléter le siège de juridiction, sont aussi récusables 346. Mais les juges des
et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 341.
344
Article 53 alinéa 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
345
S. GUNCHARD (sous direction) et alii, Droit et la pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 353.22, p. 1149.
346
L'article 10 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que le tribunal de paix siège avec 2 notables du lieu
180

juridictions coutumières ne peuvent pas être récusés sur base de l'article 49 de la loi organique
susvisée. Même si cet article ne le dit pas de manière expresse, en principe, la récusation n'est
possible que lorsque le juge faisant l'objet de récusation siège au fond car on voit mal
comment on peut récuser un juge qui ne tranche pas ou qui se borne à opérer une remise. Mais
nous pensons qu'un juge siégeant en chambre du conseil pour régulariser ou non la détention
préventive d'un inculpé peut être récusé s'il se trouve dans les conditions prévues par cette
disposition347.

§ 3. Cas du ministère public

En principe, le ministère public ne peut pas faire l'objet de récusation. La récusation du


ministère public est envisageable lorsqu'il intervient en matière de droit privé en tant partie
jointe et exceptionnellement en matière pénale durant l'instruction préparatoire mais dans ce
cas, il ne s'agit de la récusation au sens strict mais de la décharge de l'instruction de l'affaire.

S'agissant de l'intervention du ministère public en matière de droit privé en tant que


partie jointe; l’article 55 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire étend la
possibilité de récusation aux représentants du ministère public lorsque celui-ci intervient par
voie d’avis c’est-à-dire comme partie jointe dans une affaire civile, commerciale, sociale, de
la famille et non en matière pénale lorsqu’il est partie principale car on ne saurait récuser son
propre adversaire. Le même principe est consacré en droit belge (article 832 du Code
judiciaire belge) et français (article 341.8 du Nouveau Code de procédure civile).

Le législateur a prévu la récusation dans cette situation car le ministère public se trouve
dans les mêmes conditions que le juge tel que prévu à l'article 49 de la loi organique d'autant
plus qu'en lui reconnaissant qualité de donner un avis, il peut exprimer un choix vers une
thèse plutôt que vers une autre, il devrait par conséquent être impartial dès lors que le juge
peut suivre son avis. La récusation du ministère public en tant partie jointe n’est applicable
qu’à l’audience ou immédiatement avant l'audience; on voit mal comment elle peut être
enviseable en dehors de l'audience étant donné que les parties ne sont pas encore au courant
du représentant du ministère public qui donnerait son avis en cette matière. Nous pensons que
la récusation du ministère public en tant que partie jointe est difficile à obtenir que celle d'un
juge, à tout le moins quand le magistrat du ministère public a déjà rendu son avis. La
jurisprudence est très rare en ce domaine.

lorsqu'il y a lieu de faire application de la coutume. L'article 16 alinéa 2 de la même loi organique prévoit que
dans le cas où l'effectif des juges du tribunal de grande instance présents au lieu où tribunal tient une audience
ne permet pas de composer le siège, le Président du tribunal de grande instance peut assumer au titre de juge
sur réquisition motivée du procureur de la République, un magistrat du parquet près le tribunal de grande
instance, un avocat ou un défenseur judiciaire résidant en ce lieu ou magistrat militaire du tribunal militaire de
garnison ou du parquet militaire près cette juridiction. Ces personnes appelées à compléter le siège sont aussi
récusables aux termes de l'article 49 de la loi organique susvisée.
347
Voyez dans le même sens B. BIEMAR, H. BOULARBAH, F. LAUNE et Ch. MARQUET, "L'instruction de la cause
et les incidents", in H. BOULARBAH et F. GEORGES (sous direction), Actualités en droit judiciaire, CUP, volume
145, Bruxelles, éd. Larcier, 2013, n° 133, pp. 289-290.
181

La récusation du ministère public n'est pas enviseable en matière de droit privé lorsqu'il
intervient en tant que partie principale. En effet, en matière de droit privé (civile,
commerciale, sociale et du travail), au cours de l'instance, le ministère public peut
exceptionnellement agir par voie d’action principale dans l’intérêt de toute personne physique
lésée qui serait inapte à ester en justice, à assurer sa défense et à y pourvoir (article 68 alinéas
3 à 5 de la loi organique) étant donné qu'il assume dans ce cas, les mêmes rôles que les parties
privées c'est-à-dire il peut être ici, soit demandeur, soit défendeur, la partie adverse ne peut
jamais le récuser. Dans ce cas, comme il est exceptionnellement la partie principale, il ne peut
jamais faire l'objet de récusation étant donné qu'il n'est pas permis à une partie de récuser son
adversaire d'autant plus que les propos du récusant n'auront plus de contradicteur.

S'agissant de l'intervention du ministère public en matière pénale durant l'instruction


préparatoire, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
l’inculpé qui estime que l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 (et non par erreur de saisie l'article 50),
adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir ce magistrat être déchargé de
l'instruction de la cause; il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu. Le législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité
d'utiliser le mot "récusation" concernant la ministère public pour ne pas créer de confusion
car le ministère public, on le récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger si les
conditions de récusation sont réunies.

De même, la "décharge" du ministère public pour absence d'impartialité n'est concevable


que durant l'instruction préparatoire c'est-à-dire que lorsque le dossier est encore au niveau du
parquet et non lorsque l'affaire est déjà au niveau de la juridiction. Cela se justifie par les
termes utilisés par l'article 59 de la loi organique susvisée "l’inculpé qui estime que l’officier
du ministère public appelé à instruire son affaire". En effet, en droit judiciaire congolais, le
terme inculpé est utilisé pour désigner l'auteur présumé de l'infraction, poursuivi par le
parquet dont les charges sont suffisantes. La loi n'a pas utilisé le mot "prévenu" étant donné
que le justiciable poursuivi n'est pas encore au niveau de la juridiction.

D'autre part, cet article utilise les termes "l'inculpé (...) adresse au chef hiérarchique, une
requête motivée tendant à voir ce magistrat (l'officier du ministère public) être déchargé de
l'instruction de la cause" qui signifie que l'affaire est pendante au parquet c'est-à-dire durant
l'instruction préparatoire et non devant la juridiction car c'est pendant l'instruction préparatoire
que l'on peut envisager de décharger l'officier du ministère public et non à l'audience du
tribunal. En effet, l'officier du ministère public n'instruit la cause que durant l'instruction
préparatoire mais à l'audience, c'est le tribunal qui mène l'instruction de la cause. Le
législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité d'utiliser le mot "récusation"
concernant le ministère public pour ne pas créer de confusion car le ministère public, on le
récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger de l'instruction de la cause durant
182

l'instruction préparatoire si les 8 causes de récusation prévues à l'article 49 de la loi organique


susvisée sont réunies.

Comme on peut le remarquer, pour que l’officier du ministère public soit déchargé de
l’instruction préparatoire pour absence d’impartialité, l’une des conditions de l’article 49 de la
loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire doit être réunie. Autrement dit, l’une des
huit causes de récusation prévues par cette loi organique doit être réunie dans la chef dudit
magistrat et ce qui suppose que la décharge du ministère public à l’audience de jugement en
matière pénale ne peut être accueillie si celui-ci agit comme partie principale. En revanche en
droit belge348 et français349, la récusation du ministère public est interdite en matière pénale
qu’il s’agisse de l’audience ou durant l'instruction préliminaire ou préparatoire.

D'autre part, la récusation ne se conçoit qu'à l'égard de quelqu'un qui prendra des décisions
juridictionnelles impliquant le demandeur. Or le ministère public ne juge pas, il se contente de
soumettre ses prétentions à la juridiction qui tranchera. Enfin, on ne peut même pas dire qu'il
serait possible sans récuser le ministère public car la règle d'indivisibilité qui fond les hommes
dans la fonction, interdit de considérer personnellement l'officie

Au vu de ces éléments, en principe, le ministère public est irrécusable en matière


répressive étant donné qu'il est partie principale et nécessaire au procès pénal (demandeur)
car une partie ne peut pas récuser son propre adversaire, surtout qu'en matière répressive
(pénale), le ministère public poursuit l’action publique au nom de la société et en cette qualité
là, il ne peut pas être récusé. En effet, le ministère public, au sens général du terme, est par
principe l'adversaire de la personne poursuivie et on ne peut attendre de lui qu'il soit favorable
ni même qu'il soit neutre en ce qui le concerne. C'est pourquoi, la récusation du ministère
public en matière pénale est donc irrecevable étant donné que c'est la partie principale au
procès.

En tout état de cause, la procédure de décharge "récusation" reprochée à un magistrat du


ministère public est très rare dans la pratique judiciaire congolaise d’autant plus que l'article
49 de la loi organique susvisée vise principalement le juge.

348
Article 832 du Code judiciaire belge; Voyez M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de
procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.1351; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1517; G. DE
LEVAL (sous direction), Droit judiciaire, Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 6.8, p. 575; S.
NUDELHOLE, "La réforme des règles de procédure applicables au dessaisissement et à la de récusation",
Journal des Tribunaux, 1998, p. 650; A. JACOBS, "Le dessaisissement et la récusation-La loi du 6 mai 1997 visant
à accélérer la procédure devant la Cour de cassation", in Le point sur les procédures (1 ère partie), Formation
permanente CUP, mars 2000, p. 345; F. KONING, "L'erreur de menuiserie-quand l'utilitarisme s'invite à la Cour
européenne des droits de l'homme", Journal des Tribunaux, 2012, p. 577.
349
Article 669 alinéa 2 du Code de procédure pénale; Voyez B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd.
Dalloz, 2010, n° 177, p. 148; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 45, p. 91.
183

§ 4. Cas du greffier

La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l'ordre judiciaire n'a pas dit de manière tranchée que les
règles de déport et de récusation ne sont pas applicables aux greffiers. En effet, le greffier est
le secrétaire du juge qui ne fait que reproduire et attester l'accomplissement des actes de
procédure; en droit, il ne peut exercer d'influence sur le jugement; les causes de récusation ne
lui sont pas applicables350. Mais le professeur Antoine Rubbens estime que les greffiers sont
légitimement considérés comme « empêchés » de siéger dans une cause où ils sont partie ou
dans laquelle eux-mêmes ou l’un de leurs proches a un intérêt personnel 351. Nous partageons
cette analyse dans la mesure où le justiciable est en droit d’attendre du tribunal (y compris le
greffier faisant partie de la composition du siège) qu’il présente toutes les garanties de
l’impartialité. Et c'est à bon droit d'ailleurs que la Cour constitutionnelle belge a
souligné :"C'est parce qu'il collabore à l'exercice du pouvoir judiciaire, que le greffier, qui
agit publiquement à côté du juge et avec celui-ci, doit faire montre, aux yeux du public,
d'indépendance et d'impartialité (...). La fonction de greffier est étroitement liée à la notion
du tribunal"352.

Enfin, l'article 22 alinéa 3 du Code d'éthique et de déontologie des fonctionnaires de l'Etat


prévoit que les fonctionnaires (comme les greffiers) doivent faire preuve, en toute
circonstance d'objectivité et d'impartialité 353. Au vu de ces éléments, les greffiers doivent
présenter aux yeux des justiciables les garanties d'impartialité. Cela signifie que, même s'ils
ne peuvent pas être récusés au regard de la loi organique susvisée mais ils ont l'obligation de
se déporter chaque fois que leur impartialité peut être mise en doute au risque des poursuites
disciplinaires. En clair, si le greffier constate une circonstance de nature à faire douter les
parties de son impartialité (par exemple, l'existence d'un conflit important avec l'une des
parties de la cause), il invitera cependant son chef hiérarchique (greffier titulaire, greffier
divisionnaire, greffier principal, greffier en chef, selon le cas) à désigner un autre greffier pour
assister le juge.

§ 5. Conditions de la récusation

I. Conditions de fond

Ces conditions doivent être expressément prévues par la loi (article 49 de loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire) sinon son utilisation risquerait autrement d’être abusive,

350
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire, Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 6.9, p.
575.
351
A. RUBBENS, op. cit., n° 165 , pp. 200-201.
352
Cour constitutionnelle belge, 16 décembre 2008, n° 138/98, www.const.be, Le Trait d'union, 1998-99, n° 51-
52, p. 5, R.D.J.P., 1998, p. 264.
353
Article 22 alinéa 3 du décret-loi n° 017-2002 du 3 octobre 2002 portant conduite de l'agent public de l'Etat,
JORDC, n° spécial 15 août 2004, pp. 42-50.
184

vexatoire et dilatoire. La demande de récusation doit désigner individuellement et non


collectivement le magistrat récusé.

En République démocratique du Congo, les causes de récusation sont limitativement


énumérées à l’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et sont au nombre de huit.
En Belgique, elles sont limitativement énumérées à l’article 828 du Code judiciaire belge (12
causes) et en France à l’article 341 du Nouveau Code de procédure civile français, l'article
L.111-6 et l'article R.111-4 du Code d'organisation judiciaire (8 causes) et l’article 668 du
Code de procédure pénale (9 causes). Comme nous venons de le souligner, en RDC, les
causes de récusation sont au nombre de huit (limitées par la loi) et correspondent à des
hypothèses dans lesquelles l’impartialité du juge est susceptible d’être mise en doute. Il est
donc impossible de poursuivre la récusation d'un juge pour un autre motif. La récusation est
un incident d'une gravité incontestable qui peut être admis que pour des motifs sérieux,
l'impartialité du juge étant présumée. Les causes de récusation ont un caractère péremptoire
car dès lors que l’une d’elle est établie, la récusation doit automatiquement être admise.

Ainsi, au terme de l’article 49 de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire: « Tout juge
peut être récusé pour l’une des causes limitativement énumérées ci-après :

- si lui ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire ;


- si lui ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale
jusqu’au troisième degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son
mandataire ;
- s’il existe une amitié entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou
d’employé entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe une inimitié entre lui et l’une des parties ;
- S’il a déjà donné son avis dans l’affaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert
ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou
d’officier du ministère public.

Il convient de les examiner séparément.

1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire

Le mot "affaire" est synonyme de cause, de litige ou encore de différend. Le vocable


"affaire" englobe donc l'ensemble des demandes et des défenses portées devant le juge, sans
qu'il soit possible de donner au mot une signification très précise.
185

Cette cause de récusation concerne le juge ou son conjoint c'est-à dire l'un d'eux doit
avoir un intérêt personnel dans l'affaire, ce qui ne signifie pas qu'obligatoirement l'un d'eux
doive être partie au litige (le fait d'être l'avocat d'un plaideur est suffisant). L'intérêt doit être à
la fois direct et personnel de manière à ce que le résultat de la contestation puisse amener un
avantage ou un préjudice immédiat et certain au juge ou son conjoint. Ce cas exprime de la
façon la plus haute le principe général de droit selon lequel on ne peut être à la fois juge et
partie dans une même cause, de sorte que le justiciable convaincu de ce qu'un membre de la
juridiction appelée à le juger a un intérêt personnel à la décision qui doit intervenir peut être
récusé.

Il peut s'agir de situations dans lesquelles le juge a intérêt à ce que l'une des parties
gagne son procès. Il peut en être ainsi lorsque le juge, directement ou par personne interposée,
a un intérêt effectif dans le litige. C'est le cas lorsqu'il est victime d'outrage à la magistrature
dans la salle d'audience et décide juger l'auteur de cette infraction. Le juge peut également être
tenté de donner raison à l'une des parties au procès afin d'obtenir une faveur en retour. Tel est
le risque lorsque le juge ou son conjoint ou son partenaire ou son concubin ont un procès
devant un tribunal où l'une des parties est juge. La raison de cette cause de récusation est
évidente : dès lors que le juge ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation, il est
mal placé pour trancher celle-ci.

L’intérêt personnel du juge ne se limite pas uniquement au seul cas où il serait partie
au procès ; il peut s’étendre à toute situation où le juge aurait un intérêt privé à la solution du
procès, car dans pareille hypothèse, il est permis d’avoir quelque doute sur l’impartialité que
le justiciable est en droit d’attendre du juge 354. Le juge concerné doit s’abstenir chaque fois
que l’issue de l’affaire peut lui procurer (ou son conjoint) un intérêt direct et personnel. La
partialité peut exister aussi en raison de relations, généralement d'affaires préexistantes entre
le juge et l'une des parties. Tel est le cas du juge qui accepte que l'une des parties (avec
laquelle il entretenait des relations officieuses) effectue gratuitement des travaux dans le
tribunal et lui fournisse du matériel355 ou le juge dont l'avocat dans sa procédure de divorce
représente aussi l'une des parties dans l'affaire qui lui est soumise 356 ou le juge qui siège dans
une formation qui connaît du recours formé par des étudiants de maîtrise en droit contre la
délibération du jury les ayant ajournés, alors qu'il a enseigné au cours de cette maîtrise (qui
plus est, le cours de contentieux administratif!)357.

L’on peut aussi assimiler dans cette hypothèse lorsque le conjoint a un intérêt
personnel à la contestation. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt soit de nature matérielle ou

354
T. KAVUNDJA N. NAMENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 537.
355
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha c/Ukraine.
356
Cour de cassation française (2ème chambre), 5 décembre 2002, Recueil Dalloz 2002, 2260, note A. Penneau.
357
Conseil d'Etat français, 6 mars 1998, Ravet et alii, RGDP, 1998, 621, obs. Dubouy.
186

financière mais l’essentiel est qu’il repose sur des éléments objectifs, des faits véritables,
autorisant à suspecter la partialité du juge concernée358.

Ainsi, le juge qui a un intérêt personnel, direct ou indirect, à la cause ne peut en


connaître359. Le juge manque d’impartialité lorsqu’il se laisse emporter notamment par des
considérations tirées de l’intérêt personnel, même indirect, qu’ils peuvent avoir à la solution
du procès360. Cet intérêt personnel se rencontre lorsque le juge ou son conjoint a un intérêt
personnel à la contestation ou lorsque son conjoint, leurs descendants et ascendants ou alliés
dans la même ligne ont un différend sur une pareille question à celle dont il s’agit entre les
parties ou lorsqu’il est victime d’un outrage à magistrat.

De même, le juge peut avoir intérêt à ce qu'une partie perde son procès en raison d'une
contrariété d'intérêts avec celle-ci. Tel est le cas lorsqu'il y a eu procès entre le juge et l'une
des parties. Cette contrariété d'intérêts passée, même si elle est ancienne est sans rapport avec
le litige soumis au juge, peut en effet laisser craindre que ce dernier ait conservé une certaine
animosité, de nature à altérer son impartialité, à l'encontre de celui qui fut son adversaire ou
celui de ses proches. Si l'existence d'un procès passé entre l'une des parties et le juge permet
de demander la récusation de ce dernier, a fortiori le juge ne peut-il trancher un litige dans
lequel il est impliqué.

Le juge a le devoir de s’abstenir dès qu’il constate qu’il peut avoir le moindre intérêt
dans le dénouement d’une affaire déterminée soumise à sa juridiction 361. Cette cause de
récusation constitue également un principe général du droit selon lequel nul ne peut être à la
fois juge et partie dans une même cause, de sorte que le justiciable convaincu de ce qu’un
membre de la juridiction appelée à le juger a un intérêt propre et personnel à la décision qui
doit intervenir peut le récuser362. Ainsi, peut constituer une cause de récusation lorsque le
conjoint du magistrat est l’un des associés du barreau qui défend les intérêts d’une partie ou
lorsque le litige se rapporte à des faits dont l’une des parties s’est entretenue avec le juge, fut-
ce par hasard.

Aussi, peut créer la partialité lorsque des juges abonnés d’une société qui fournit
l’éclairage ou de l’eau d’une ville et plaident contre celle-ci au sujet des contrats
358
CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, série A, n° 154 ; CEDH, 23 juin 1994, De Moor c/ Belgique, série
A, n° 292, 58 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborder c/ Suède, série A, n° 155, §35, CEDH, 25 mars 1983, Silver et
autres c/ Royaume-Uni, §116, Unanimité ; CEDH, 17 juin 2003, Pescador Valero c/ Espagne, §27, Unanimité ;
CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou c/ Chypre, §§ 34-37, Unanimité ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson
c/ Islande ; CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein c/Suisse ; CEDH, 6 novembre 2003, Zennari c/ Italie.
359
F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », Dalloz, 2004, pp. 1745-1753.
360
Cour d’appel de Kinshasa, 24 janvier 1996, in RAJC, V° II, janvier-décembre 1997, p. 46.
361
Cour de cassation belge, 19 décembre 2002, Journal des tribunaux, 2003, p. 211 ; X. DE RIEMAECKER et G.
LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000,
p. 310.
362
Cour de cassation belge, 6 mai 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481 ; Cass. Belge 20 septembre 1979,
Pasicrisie belge, 1980, I, p. 93 ; Cassation belge 20 juin 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 1215 ; Cassation
belge, 15 juin, 1979, I, p. 1193 ; Cass. Belge, 17 décembre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481.
187

d’abonnement363 ou le fait qu’une juridiction juge elle-même un contrat conclu avec l’une des
parties au litige pour la mise à disposition d’un service minitel de renseignements pratiques
sur la juridiction concernée364ou le cas du tribunal qui statue sur une question dirigée à son
encontre et visant à mettre en cause sa responsabilité délictuelle dans l'exercice de la fonction
de juger et ce, d'autant plus que le paiement de l'éventuelle indemnité est à imputer sur le
budget du tribunal365 ou le cas d’un tribunal de commerce composé d’un juge, qui dans le
passé, avait formulé une offre d’acquisition d’une société conjointement avec une autre
personne, dès lors que ses intérêts dans cette société font planer le doute sur son
impartialité366.

De même, maque d'impartialité le juge qui s'est prononcé sur des faits qui le visaient
personnellement du fait d'une demande de récusation 367, ou encore le juge qui statue sur la
contestation de l'enregistrement d'une école dont le fils avait été renvoyé et avait menacé de se
venger368. Aussi, la récusation est admise pour l’intérêt personnel lorsque le juge du travail a
pris nettement fait et cause en faveur d’une partie de sorte que son appartenance syndicale ne
lui permet pas de statuer en toute sérénité et impartialité 369 ou lorsqu’il a apporté son soutien à
une des parties par l’assistance d’un piquet de grève370.

Enfin, le tribunal n’est pas impartial lorsqu’il a accepté certains avantages accordés
gratuitement par l’adversaire de la requérante 371. Il en est de même du Conseil de l’Ordre des
pharmaciens siégeant en matière disciplinaire dont l’instruction est l’œuvre du plaignant qui
faisait lui-même valoir, lors de la rédaction de sa plainte, qu’il estimait que le comportement
reproché au requérant lui causé personnellement préjudice372.

Mais l’intérêt personnel doit être prouvé 373. C’est pourquoi, il ne peut être établi
lorsque le juge n’a mené aucune démarche pour siéger dans une affaire et qu’en outre sa
désignation dans la composition du siège a été décidée d’une manière discrétionnaire par le
président de la juridiction374.

De même, ne peut constituer l’intérêt personnel du magistrat récusé, le refus


d’accorder une remise de la cause après le rejet des exceptions, le refus d’accorder la parole
sollicitée par les conseils des prévenus, le fait de faire acter d’une manière incomplète les

363
Cour d’appel de Grenoble, 21 février 1922, Gazette du Palais, 1922, I, p. 641.
364
Cassation française, Premier président, ordonnance 6 juillet1992, Juris-Data, n° 002812.
365
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 10 avril 2008, Mihalkov c/ Bulgarie, §§47 à 60.
366
C.A Montpellier, 8 juillet 1992, Sté Le Viompte c/ Rey, juris-data n° 003404.
367
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 7 juin 2005, Chméli c/République tchèque.
368
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 26 juin 2007, Tocono et alii c/Moldavie.
369
Cour d’Appel de Versailles, 18 mai 1982, Cahier prud’homme, 1982, 7, p. 122.
370
Cour d’Appel de Douai, 18 décembre 1986, Gazette du Palais, 1987, 1, p. 277, note M. Rayroux.
371
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha c/ Ukraine, n° 33949/02, unanimité, in Note d’information n° 91 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, novembre 2006, p. 16.
372
Cassation belge, 1ère chambre, 10 décembre 1992, Journal des Tribunaux, 1993, p.203.
373
T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba Ndalemba c/ juge Mukendi Mulumba, R.R.004, inédit.
374
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B c/ juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du Zaïre, n° 1, 2 et 3,
janvier à décembre 1995, p. 64 ; T.G.I. Bukavu, 2 décembre 1992, in R. J. Z., 1992, p. 64.
188

déclarations d’un prévenu, le manque de courtoisie et le respect à l’égard des membres du


barreau en disant à un avocat « taisez-vous », l’autoritarisme excessif dans la conduite du
procès, le défaut du récusé de notifier au récusant, en tant que prévenu une nouvelle date
d’audience ou de lui demander de comparaître volontairement375.

2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe,


soit en ligne collatérale jusqu’au 3ème degré inclusivement
de l’une des parties, de son avocat ou de son mandataire

Ce cas de figure concerne le juge, son conjoint, son avocat ou son mandataire. Le
terme parenté doit s’entendre au sens large, il implique aussi le lien découlant de l’adoption 376.
Les liens de parenté ou d'alliance à l'égard d'une partie concerne l'hypothèse du juge ou de son
conjoint "parent ou allié ou des parties ou l'une d'elles en ligne directe ou en ligne collatérale
jusqu'au 3 ème degré inclusivement; ou si le juge est parent ou allié jusqu'au 3 ème degré
inclusivement du conjoint de l'une des parties". Pour l'application de cette cause, le partenaire
et le concubin sont assimilés au conjoint. La cause de récusation subsiste en cas de décès du
conjoint, partenaire ou concubin du juge, de divorce, de séparation, de rupture, le degré de
parenté devenant cependant moindre (jusqu'au 2 ème degré inclusivement).

Cette parenté ou alliance concerne soit le juge ou son conjoint (ou partenaire,
concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) avec
l'une des parties, soit le juge ou son conjoint (partenaire, concubin, maîtresse, deuxième
bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) avec l'avocat ou mandataire (y compris
ses parents et alliés) de l'une des parties. Les liens d’alliance visés doivent exister entre l’une
des parties et le juge ou son conjoint (ou partenaire, concubin, maîtresse, deuxième bureau,
compagne ou compagnon, copain ou copine) ou son proche parent ou le juge avec l'avocat ou
le mandataire de l'une des parties.

Concernant les liens de parenté ou d’alliance entre le juge ou son conjoint (partenaire,
concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) ou son
proche parent avec l’une des parties; il a été jugé que le magistrat dont le conjoint est membre
du ministère public qui est personnellement intervenu dans le cadre des poursuites doit être
déclaré comme allié de l’une des parties, sa récusation doit être admise 377. Un juge manque
d'impartialité s'il est concubin de l'une des parties 378 ou s'il a un lien de fraternité biologique,
en l'espèce, il était le frère de l'avocat de l'une des parties 379 ou s'il entretient des relations

375
C.S.J., 27 avril 1995, Benjamin et consorts contre Ba, Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. IV,
janvier-décembre 2001, p. 13.
376
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMACKER et alii, Statut et déontologie du
magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 320.
377
Bruxelles, (4ème ch.), 10 janvier 2000, J.L.M.B, 2000, p. 334 ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson c/ Islande.
378
Cour de cassation française (1ère chambre sociale), 18 novembre 1998, Recueil Dalloz, 1999, IR 13, RGDP,
1999, 650.
379
CEDH, 15 janvier 2008, Micallef c/ Malte, JCP 2010, n°70, p. 62, n° 6, obs. Sudre; RTDciv., 2010/2, 285, obs.
Marguénaud.
189

familiales avec l'une des parties (leurs enfants étaient mariés) 380 ou lorsque lui, son conjoint,
leurs ascendants et descendants ou alliés en ligne directe ou collatérale jusqu'au troisième
degré inclusivement avec l'une des parties ont un différend sur une question pareille à celle
dont il s'agit entre les parties.

De même, la récusation peut être sollicitée lorsqu'une partie de la cause a au moins un


parent ou allié jusqu'au troisième degré inclusivement parmi les membres d'une juridiction ou
elle-même en fait partie. Ainsi, le tribunal manque d’impartialité s’il est composé d’un juge
qui s’occupe d’une affaire concernant son époux d’autant plus que celui-ci a une dette avec la
banque, partie à la procédure381 ou lorsque l'un des prévenus est l'époux de la vice-présidente
de la juridiction devant laquelle il doit comparaître ou lorsque l'issue des poursuites intentées
contre un prévenu devant une Cour d'appel pourrait influencer les intérêts de l'épouse du
Premier président de la Cour d'appel saisie et sa famille ou en raison des fonctions exercées
par le Procureur général près la Cour d'appel et la nature du litige qui oppose ce dernier et son
fils aux inculpés ou lorsque les personnes lésées par les faits imputés au prévenu sont la fille
et le fils du procureur de la République ou lorsque le magistrat est le père de la partie civile ou
le fait d’entretenir des relations familiales dans une affaire où l’expert et un des
copropriétaires, membre du syndicat partie au litige, avaient des enfants mariés l’un avec
l’autre382 ou lorsque le salarié demandeur devant la juridiction prud’homale (tribunal de
travail) vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’hommes (juge assesseur du
tribunal de travail) qui avait refusé de s’abstenir de siéger à l’audience 383 ou la circonstance
qu’un des juges du tribunal cohabite avec un dirigeant d’une société et que ce dernier et ledit
juge sont inculpés de faux et usage de faux dans une lettre rédigée au nom de cette société 384.
Cette approche est partagée par les juridictions de l’ordre administratif. Ainsi, le Conseil
d’Etat français a estimé que manquait d’impartialité, le magistrat qui était la fille d’un
conseiller municipal de la commune dont l’arrêté était examiné385.

Concernant les liens de parenté ou d’alliance entre le juge ou son conjoint (partenaire,
concubin) ou son proche parent avec l'avocat ou mandataire de l'une des parties; il a été jugé
que l'impartialité du juge est mise en doute du fait du lien de filiation entre le juge (père) et
l'avocat (fils)386. Le Procureur général près la Cour de cassation française rapporte que dans
les années 1980, le président du tribunal de commerce d'une grande ville du sud de la France
laissait plaider son fils devant lui, la rumeur disait même qu'il était très sensible à la force de
ses arguments, tandis qu'un journal satirique paraissant le mercredi écrivait simplement que,

380
Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais 1979.2. 636, note Petit.
381
CEDH, 10 avril 2003, Sigurdsson c/ Islande, n° 39731/ 98, Unanimité.
382
Cour d'appel de Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, p. 636, note P. Petit.
383
Cour de cassation française, sociale, 18 novembre 1998, SA Alpibois-François Favrat c/ Piovesa, La
Semaine Juridique, 6 janvier 1999, p. 52, n° 1032 ; D., 1999, IR, 13 ; RGDP, 1999, 650, obs. Desdevises.
384
Cass. Belge (1ère ch.), 15 mai 1998, Larc. Cass. , 1998, p. 200 ; Cass. Belge (1ère ch.), 13 mars 1988, J.T. ,
1998, p. 536.
385
Conseil d’Etat français, 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, Recueil Dalloz, 1996, p. 1101.
386
Cour de cassation belge, 18 avril 1991, Pasicrisie belge, I, 743.
190

dans cette juridiction, la justice était rendue" au nom du père et du fils". Il a finalement été
sommé de démissionner387.

Constitue une cause de récusation lorsque le demandeur vit maritalement avec la nièce
du juge, le neveu du juge travaille dans le cabinet de l'avocat d'une des parties 388, du fait du
lien fratrie, considéré comme lien étroit de parenté, qui unit l'avocat de la partie adverse et le
juge389, mais pas du fait de l'intervention ponctuelle, dans l'instruction de la cause soumise à la
cour d'appel, d'un juge d'instruction, conjoint d'un membre du siège de la dite Cour 390. Il en
est ainsi lorsque le proche parent d'un magistrat est partie dans une cause pendante devant une
chambre de la juridiction au sein de laquelle ce dernier exerce ses fonctions ou lorsque
l'inculpé ou le prévenu est le fils d'un magistrat du tribunal de paix ou lorsque l'inculpé est
l'époux d'une ancienne juge du tribunal de grande instance saisi et actuellement nommée à la
Cour d'appel ou lorsque la partie civile n'est autre que le père d'un juge au tribunal de grande
instance qui va connaître de la cause ou lorsque le frère de l'un des prévenus poursuivis
devant le tribunal de grande instance est juge dudit tribunal. Par contre, ne constituent pas
une cause de récusation, la partialité du juge ou les liens de parenté entre le juge et une
personne qui n’est pas partie au procès391.

Cette cause de récusation vise à éviter que l’affection née de la parenté ou de l’alliance
ne porte pas atteinte à l’impartialité des magistrats. En évitant au juge de devoir connaître de
la cause d’un parent ou d’un allié ou d’une personne avec laquelle il entretient certaines
relations déterminées, l’esprit de la loi semble favoriser le sentiment de confiance dans
l’impartialité du juge dès lors qu’il y a crainte à ce que le juge puisse favoriser ses parents et
alliés. En clair, cette cause de récusation tend à éviter qu'un juge ne favorise sa famille ou
celle de son conjoint, dont les membres seraient soit directement parties à l'instance, soit
représentants ou conseils de la personne physique ou morale partie à l'instance.

387
J. L. NADAL, " L'impartialité du magistrat", Gazette du Palais, mai-juin 2012, p.1830.
388
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 6 novembre 2003, Zennari c/ Italie.
389
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 15 octobre 2009, Micallef c/Malte, § 102.
390
Cour de cassation belge, 12 mai 2010, R.G., n°P.10.0351.F.
391
Cour suprême de justice, 21 décembre 1983, RPA 88, inédit.
191

Même si l'article 49 de la loi organique n°13-011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ne l'a pas
expressément prévu, lorsque les liens d'alliance unissent deux magistrats qui interviennent
dans la même affaire (le mari, substitut du procureur de la République, et l'épouse, juge au
tribunal de grande instance, intervenant dans la même affaire-le représentant du ministère
public auquel la cause a été communiquée est le conjoint de l'un des magistrats composant la
formation du jugement), cela peut constituer une absence d'impartialité de la juridiction
appelée à connaître de l'affaire. Et d'ailleurs, l'article 69 de la loi organique n°06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats prévoit que les magistrats parents ou alliés jusqu'au
troisième degré, en ligne directe ou collatérale, ne peuvent siéger dans une même affaire. C'est
ainsi que la récusation d'un juge a été ordonnée au motif qu'il était l'allié de l'officier du
ministère public qui était intervenu dans la phase de l'information préliminaire 392. Il
appartiendra ainsi au juge qui se trouve dans ses conditions de se de déporter au risque de
faire l'objet des poursuites disciplinaires.

Lorsque les liens d’alliance visés n'existent pas entre l’une des parties et le juge ou son
conjoint (ou partenaire, concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon,
copain ou copine) ou son proche parent ou le juge avec l'avocat ou le mandataire de l'une des
parties, la récusation ne sera pas établie. Ainsi, la circonstance qu'un parent d'un magistrat qui
est chargé de l'enquête au sein du Conseil d'Etat, ait travaillé dans un bureau d'avocats qui a
défendu, sans sa participation, la partie défenderesse dans d'autres affaires n'est pas un motif
pour remettre en cause l'impartialité du magistrat393.

3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties

Cette cause de récusation tombe sous le coup de l’évidence. Mais son appréciation est,
en pratique, fort délicate sur le fait même de l’amitié. En République démocratique du Congo,
la loi n'exige pas que l'amitié soit notoire mais l'essentiel est qu'il existe une amitié peu
importe sa nature, par contre en France, l'amitié doit être notoire. L’amitié notoire était, ou
moins implicitement, comme des textes français antérieurs qui envisageraient le cas où le juge
avait « depuis le commencement du procès, bu ou mangé avec l’une des parties dans leur
maison, ou reçu d’elles des présents »394. Le législateur français du Nouveau Code de
procédure civile a supprimé cette formulation en retenant seulement l’amitié notoire 395.

Cette cause de récusation n’implique ni le conjoint du juge ni celui de la partie


concernée, seule l’amitié entre le juge lui-même et le plaideur lui-même (ou son conseil) étant
à prendre en considération. Le juge qui est en relation étroite avec le conseil de l'une des
parties peut être considéré qu'il en a vis-à-vis de l'une des parties car le conseil assiste ou
représente les parties; ces relations pourraient donc conduire à la partialité 396. L’amitié
392
Cour d'appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
393
Conseil d'Etat belge, 20 septembre 2011, R.W., 2011-2012, p. 1387.
394
Ancien article 378, §9, du Code de procédure civile français.
395
Article 341, al. 2, 8e NCPC français.
396
CEDH, 25 novembre 1993, Holm c/ Suède, RUDH, 1993, p. 349.
192

constitue une cause de récusation dès lors qu’elle crée des relations d’intimité qui ne
pourraient pas permettre au juge de juger toutes les parties en toute impartialité. Elle relève de
l'appréciation souveraine du juge du fond.

Il est souhaitable que le juge s’abstienne d’examiner une affaire de l’une des parties
lorsqu’il y existe une relation particulièrement intime avec elle ou lorsqu’il entretient avec une
partie des contacts réguliers à l’occasion de certaines activités de sa vie privée. Il en sera de
même lorsque l’une des parties (ou son représentant) a une relation particulièrement intime
avec le juge ou un juge entretenait des relations familiales avec l'une des parties à l'instance
ou celui-ci est un actionnaire important d’une société partie à l’affaire ou l’une des parties
était client important du cabinet au sein duquel le juge exerçait la profession d’avocat ou le
juge a conclu dans le cadre de sa vie privée un contrat avec l’une des parties 397. La
circonstance qu'une des parties à la cause a pour conseil un avocat consulté par le magistrat
pour une procédure devant le Conseil d'Etat est de nature à susciter une suspicion pour les
parties et pour les tiers quant à l'aptitude de ce magistrat à statuer d'une manière impartiale 398.
C'est qui est en cause ici c'est la relation d'un juge avec son avocat (qui dans un premier temps
a assuré sa défense dans le cadre d'une procédure de divorce de ce juge) qui assure en même
temps la défense des intérêts de la partie défenderesse (dans une autre affaire) devant le même
juge. La défense de cet avocat à l'endroit de ce juge dans l'ancienne procédure de divorce
concernant celui-ci avait donc créé un lien et ce juge était mal placé pour juger en toute
impartialité les arguments de son ancien avocat devenu avocat de la partie défenderesse à
l'instance.

La Cour de cassation belge a estimé (dans une affaire qui avait suscité une émotion
dans tout le pays) que le seul fait de la réception du juge par une partie ou l’agréation du
présent en l’occurrence un stylo au cours d’un dîner privé organisé par les responsables d’une
association, même s’il est établi qu’au cours de cette fête le juge a payé son repas, met le juge
dans l’impossibilité d’encore connaître la cause sans susciter chez les autres parties une
suspicion quant à son aptitude à remplir sa mission d’une manière objective et impartiale 399
car l’amitié prise en compte se manifeste par la révélation d’une accointance personnelle entre
le juge et la partie considérée.

397
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 317.
398
Cour de cassation belge (1ère chambre) , 23 novembre 2007, JLMB, 2009, p.532; Conseil d'Etat français, 28
décembre 2009, affaire Sylvanise, n°322603, AJDA, n°1, 2010, p.13; Revue de la recherche juridique, 2010, note
U. Ngampio-Obele-Bele, pp.1026-1032.
399
Cassation belge, 14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.LMB, 1997, p. 175.
193

Un juge méconnaît son devoir d’impartialité lorsqu’il manifeste sa sympathie à des


victimes des faits à propos desquels il est requis d’instruire en participant à un repas, qui lui
est offert, organisé en vue de financer leur défense 400 mais non lorsqu’il se voit offrir une
boisson en compagnie de tierces personnes lors d’une descente sur les lieux 401. Le juge
prudent et consciencieux veillera à s’abstenir s’il a été reçu ou s’est vu offrir un cadeau par
une partie peu avant la saisine du tribunal dès lors qu’il fait partie de la chambre appelée à
juger une affaire, d’autant plus que pareil comportement n’était jamais survenu précédemment
ou n’était justifié par aucun motif spécifique non professionnel.

Mais une jurisprudence française a considéré que le fait pour un magistrat de déjeuner
avec diverses personnes, dont l’une des parties, ne peut caractériser l’amitié notoire 402. Cette
jurisprudence se justifie par le fait qu'il s'agit de la législation française qui exige "l'amitié
notoire", mais cela pourrait conduire à la récusation en RDC étant donné qua la loi exige
seulement l'amitié. De même, est de nature à faire naître un doute légitime quant à l’aptitude
du juge à statuer de manière impartiale, le fait dans la chef d’un membre du siège d’une
juridiction de travail d’arborer un insigne d’appartenance à une organisation représentative 403.
Aussi, les liens entre une partie au procès qui est le partenaire d'un membre d'une juridiction
devant laquelle la cause est pendante sont de nature à susciter auprès des parties et des tiers
une suspicion quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer404.

Dans le même ordre d'idées, le fait que l'un des juges d'une juridiction soit membre
d'une religion (en l'occurrence catholique) avec l'une des parties de la cause, ne le rend pas
d'office partial405. Dans plusieurs cas, la récusation n'a pas été considérée comme établie du
seul motif que les magistrats dont la récusation était demandée appartenaient à une loge fra
maçonnique406. Nous pensons qu'il serait souhaitable de tenir compte surtout du niveau de
degré des liens entre différents membres de loge d'obédience fra maçonnique ou de la Rose-
Croix. Si les liens entre le juge et l'une des parties sont tellement poussés, dans ces
conditions, la récusation serait retenue; dans le cas contraire, la récusation aura difficile d'être
établie. Il en est de même lorsque le juge est de la même ethnie ou race ou village ou territoire
ou province avec l'une des parties de la cause; dans tous ces cas, c'est le degré des liens très
poussé qui pourrait justifier ou non la récusation.

La Cour suprême de justice congolaise a estimé que les relations d’amitié entre un
juge et une des parties qui n’est pas partie au procès ne peuvent constituer une cause de

400
Cassation belge, 11 décembre 1996, Affaire Russo et Benaïssa, JLMB, 1997, pp. 177 et186 ; Cassation belge,
14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.L.M.B., 1997, p. 175.
401
Cassation belge, 4 avril 1986, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 945.
402
Grenoble, 31 mai 1990, Gazette du Palais, 1991, 1.189, note Renard.
403
Cour du travail de Mons (1 ère chambre), 23 mars, 2007, ASBL X contre D., in JLMB, 2007, pp. 1057 et s.
404
Cour de cassation belge, 20 octobre 2009, in Revue générale de droit civil belge, octobre 2011, p. 397.
405
Cour de cassation belge, 8 mai 2012, Pasicrisie belge, 2012, p. 1042; R.D.J.P., 2012, p. 91.
406
CEDH, 15 juin 2000, Salaman c/Royaume Uni; Cour constitutionnelle belge, 13 octobre 2009, arrêt n°
157/2009, Journal des tribunaux, 2011, p. 438; Conseil d'Etat belge, 22 mars 2007, arrêt n° 169.134, JLMB,
2007, p. 277.
194

récusation407. C'est dans le même sens que la Cour de cassation belge a dit avec raison qu'une
suspicion légitime à l'égard de tous les membres d'une chambre collégiale de la Cour d'appel
ne peut se déduire d'un contact unilatéral et avéré survenu entre le président de cette chambre
d'une part, et le secrétariat de l'avocat d'une partie d'autre part, lorsqu'il ressort des
déclarations de deux autres conseillers qu'ils n'ont eu aucun contact avec les parties ou leurs
avocats, n'ont pas été associés à l'initiative présidentielle et que la partie qui entent les récuser
également n'apporte aucune preuve de ses allégations en sens contraire408.

Aussi, n’est pas de nature à créer, même en apparence, un doute légitime sur son
impartialité, la seule circonstance que le plaideur et son juge aient été élèves de la même
école, fût-ce polytechnique409 ou la seule circonstance que les magistrats appartiennent au
même secteur d'activité que les parties 410 ou la fréquentation d'un même centre de recherches
universitaires par le juge-professeur et l'avocat d'une des parties, par ailleurs assistant dans ce
centre, en raison de la liberté académique en vigueur dans les milieux scientifiques 411 ou le fait
que les juges soient du même sexe que l'une des parties412.

4. L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique,


de serviteur ou d’employé entre le juge et l’une des parties

Ces liens de dépendance doivent exister entre le juge et l’une des parties ou de celles-
ci vis-à-vis du juge. Ce lien peut être aussi d’un contrat de travail, soit des rapports
hiérarchiques, soit enfin de la combinaison de deux. Cette cause de récusation tend à éviter
que le juge ne soit tenté d’accorder un traitement de faveur à l’une de parties afin de ménager
le patrimoine de celui-ci dans son propre intérêt. Aussi, si le juge dépend d’une façon ou
d’une autre de l’une des parties ou si celle-ci dépend du juge, l’on peut toujours redouter qu’il
se montre favorable à celle-ci afin de s’en tirer les faveurs. C'est le cas lorsque le juge doit
juger son domestique, sentinelle, chauffeur, préposé de quelque titre que ce soit.

La Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg a estimé que le simple fait
qu’un tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant ou pouvant se trouver
dans un état de subordination de fonction et de service par rapport à l’une des parties est de
nature à mettre gravement en cause la confiance que les juridictions se doivent d’inspirer dans
une société démocratique413. Tel est le cas lorsque les juges ont été précédemment les salariés
des personnes mises en cause dans l’instance. Ainsi, le grief de partialité est retenu du fait
407
Cour suprême de justice, 12 décembre 1983, R.P.A. 88, inédit.
408
Cour de cassation belge (1ère chambre), 15 octobre 2010, Pasicrisie belge, 2010, p. 2127.
409
Cour de cassation française (2e civ.), 13 juillet 2005, Recueil Dalloz, 2005, n° 38, Jurisprudence, pp. 2658-
2659 ; R. KESSOUS, « Récusation : les limites de l’apparence », même revue, pp. 2656-2658 ; Bulletin des
arrêts de la Cour de cassation française en matière civile, II, n° 206 ; Droit et procédure, 2006, p.40, note
Fricero.
410
Cour de cassation française ( (2ème chambre civile), 13 juillet 2005, n°04-19.962.
411
Cour constitutionnelle belge, 13 octobre 2011, arrêt n°155/2011, B.10.
412
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 16 septembre 2010, n°10-01121, Recueil Dalloz, 2011,
2150, obs. J.M. Sommer et L. Leroy-Gissinger.
413
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c/ Autriche, §42 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, unanimité,
§30 ; CEDH, 26 février 2002, Morris c/ Royaume-Uni.
195

d'une relation de services entre un juge et une partie ou entre un juré (employé) et un témoin à
charge414.

De même, un tribunal manque d’impartialité lorsqu’un de ses membres préside la


formation du jugement alors qu’il exerce les fonctions de professeur d’une université, partie à
l’instance. En effet, professeur associé à l’université, le magistrat entretenait des liens
professionnels réguliers et étroits avec l’université depuis plusieurs années. Par ailleurs, au
titre de son enseignement, il percevait de l’université des émoluments périodiques qui ne
sauraient être qualifiés de négligeables (7.200 euros annuels). Il y a donc eu concomitance de
deux instances impliquant le juge J.B.L., qui exerçait la double fonction de juge auprès du
tribunal, d’une part, et de professeur associé percevant des émoluments de la partie adverse,
d’autre part. De l’avis de la Cour, cette situation peut avoir fait naître chez le requérant des
craintes légitimes que le juge J.B.L. n’aborde pas son affaire avec l’impartialité requise 415.

Dans le même ordre d'idées, ne peut siéger dans la formation de jugement pour
absence d'impartialité, un conseil prud'homme (juge du tribunal de travail) qui a été le
subordonné d'une des parties et le supérieur hiérarchique de l'autre, quelle qu'ait été la qualité
de ses relations avec l'une ou l'autre416.

C’est pourquoi, le Code du travail français 417 prévoit que les conseillers prud’hommes
( juges des tribunaux de travail) peuvent être récusés s’ils sont employeurs, cadres, ouvriers
ou employés de l’une des parties en cause, c’est-à-dire s’ils sont liés à l’une d’elles par un
contrat de travail. Mais dans la conception africaine, le contrat de travail peut être oral ou
écrit.

Le grief de partialité est retenu, le fait que les conclusions d'un tribunal sont fondées
sur l'avis autorisé d'experts, employés de la partie défenderesse 418, ou sur l'avis d'un expert qui
assiste, en qualité de conseil technique, de l'adversaire d'une des partie dans une autre cause,
mais pas d'un expert qui participe à un groupe de travail scientifique auquel participent
l'avocat et le conseil technique d'une des parties dès lors que ces réunions sont sporadiques et
sont étrangères à l'objet de la mission de l'expert.

Le fait de se sentir redevable envers autrui compromet indéniablement l’impartialité.


L’exclusion du juge placé dans une telle position justifie la confiance dans l’impartialité.

414
CEDH, 10 juin 1996, Pullar c/Royaume Uni.
415
CEDH, 17 juin 2003, n° 62435/00, Pescador Valero c/Espagne, in Revue du Droit Public et des Sciences
Administratives, T 1/2006, pp. 33-34, note Jacques Van Compernolle : « Impartialité du juge et loyauté
procédurale : une exigence du procès équitable ».
416
Cour de cassation française (chambre sociale), 27 janvier 2009, n° 07-42.967, NP; RJS, 2009, n° 393.
417
Article L.158-1-5° du Code du travail français.
418
CEDH, 5 juillet 2007, Sara Lind Eggrtsdottir c/ Islande, §§47 à 54.
196

5. L’existence d’une inimitié entre le juge et l’une des parties

L'ancien Code congolais d’organisation et compétence judiciaires utilisait le terme


"inimitié grave"419, l'article 49, 5 ème point de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire a
supprimé le mot "grave" et retient tout simplement "inimitié'. Désormais en RDC, le seul fait
qu'il existe une inimitié entre le juge et l'une des parties suffit pour constituer une cause de
récusation alors qu'auparavant, il fallait que cette inimitié soit grave. Par contre en France,
l’ancien article 378 du Code de procédure civile parlait d’inimitié capitale, le nouveau Code
de procédure civile français420 parle d’inimitié notoire, en Belgique, le Code judiciaire421
utilise le terme "inimitié capitale".

Qu’elle soit qualifiée de grave, capital ou notoire, ou inimitié simple, l’inimitié entre
le juge et l’une des parties qu’il est appelé à juger place le juge dans un état de partialité
indiscutable, la justice ne pouvant risquer de servir de moyens de vengeance ou règlement de
comptes. L’inimitié doit exister entre le juge et l’une des parties. Elle n’implique ni le
conjoint du juge ni celui de la partie concernée, seule l’inimitié entre le juge lui-même et le
plaideur lui-même étant à prendre en considération. Pour qu’elle tombe sous le coup de la loi,
la simple inimitié suffit. Ce dernier point paraît constituer davantage une référence au
caractère certain de l’inimitié qu’à la connaissance qu’en auraient un grand nombre de
personnes. Le juge saisi d'une demande de récusation apprécie apprécie de manière
souveraine l'existence et le degré de l'inimitié.

L’inimitié n’est pas à proprement parler, un fait mais un état d’esprit et un sentiment
déterminé. Son appréciation est aussi délicate. Elle doit en effet, présenter un caractère
suffisant pour avoir laissé subsister dans l’esprit du juge un ressentiment durable de nature à
affecter son impartialité422. En effet, il est légitimement permis de considérer que s’il existe
des liens d’inimitié entre des parties et le juge, ce dernier risque de ne pas être impartial, ou il
lui sera en tout cas difficile de l’être, quel que soit d’ailleurs le sens qu’il peut avoir de ses
devoirs professionnels. L’existence d’une inimitié peut se déduire d’un ensemble de
circonstances d’où il apparaît que, par son attitude vis-à-vis de l’une des parties ou vis-à-vis
de l’avocat qui la représente ou l’assiste, le juge à mis ou met en danger la sérénité et
l'objectivité de l’examen de la cause423. Elle survient quand, les circonstances de temps et de
lieu dans lesquelles l'irritation d'un magistrat s'est exprimée ayant disparu, il conserverait
malgré tout, soit vis-à-vis du requérant, soit même vis-à-vis de son conseil, un sentiment tel

419
Article 71, 5ème point de l'ordonnance-loi n°82/020 du 31 mars 1982 portant Code d'organisation et
compétence judiciaires, JORZ, 1er avril 1982, p. 39.
420
Article 341, 8e du nouveau Code de procédure civile français.
421
Article 828, 12e du Code judiciaire belge.
422
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
juin 2005, p. 544.
423
Cassation belge, 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169 ; Cassation belge, 23 décembre 2002, R.G.
CO2.0615.F, Larc. Cassation, 2003, p. 22.
197

qu'il oblitérait son jugement et l'empêcherait de poursuivre la procédure avec l'impartialité


requise. Elle s'apprécie donc à l'aune de la capacité du magistrat à rendre la justice avec la
sérénité requise424.

Elle suppose en effet des faits qui révèlent avec netteté et avec un caractère suffisant
qu’il existe chez le juge une véritable haine ou tout au moins une animosité telle que son
jugement serait oblitéré ou faussé425. Elle peut se déduire d'un faisceau de circonstances
desquelles il ressort que le juge peut, par l'attitude adoptée à l'égard d'une des parties ou de
l'avocat qui la représente ou l'assiste, compromettre ou avoir compromis la sérénité et
l'objectivité de l'examen de la cause. C’est surtout lorsqu’il ressort de façon suffisamment
sérieuse et certaine des faits que le juge cultive de véritables sentiments de haine ou tout le
moins une hostilité telle que ses facultés de jugement s’en voient occultées ou influencées 426.
Il s’agit parfois d’une ambiance très tendue et une situation conflictuelle donnant lieu à une
vive animosité, de sorte que le traitement serein et objectif de la cause s’en trouve
compromise, tantôt des sentiments tellement violents et haineux qu’ils feraient perdre au juge
toute la notion d’équité, d’impartialité et de dignité.

Ainsi, lorsque les récusants ont le sentiment d’une apparence d’hostilité directe ou
indirecte du président du siège à leur égard créant en eux un doute quant au caractère
équitable de la suite du procès, pareil sentiment peut troubler la sérénité des débats ultérieurs
et constituer une raison suffisante de récuser le président 427. Tel est le cas le juge du tribunal
du travail (conseiller de prud'homme), fondateur et gérant-associé d'une société présidée par
l'une des parties au litige (employeur) qui a entretenu des relations conflictuelles avec cette
dernières allant jusqu'à des poursuites pénales, en dépit que ce conseiller avait quitté
l'entreprise et que le conflit avait été résolu par la transaction 428 ou lorsque l’un des plaideurs
était délégué du même syndicat d’autant plus que ce dernier était en conflit ouvert et public
avec l’autre plaideur, l’employeur429.
Aussi, l’interruption du conseil du prévenu à de multiples reprises pour lui enjoindre
d’abréger sa plaidoirie et l’empêcher de donner lecture d’un témoignage à décharge révèle
encore une inimitié430. En sus, le fait que les magistrats en charge d'une instruction
interviennent dans les médias pour répliquer aux critiques formulées par la défense sur la
conduite de cette instruction, en qualifiant ces critiques de "plein délire" et en suggérant que

424
F. HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 75. p. 77
425
Cour d'appel de Bruxelles, 25 août 1994, Journal des tribunaux, p. 717 ; Cour de cassation belge, 4 février
1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169; Cour de cassation belge, 23 juin 2000, Pasicrisie belge, 2000, p. 1178;
Cour de cassation belge, 23 décembre 2002, Pasicrisie belge, 2002, p. 2456; Cour de cassation belge, 10 avril
2012, Pasicrisie belge, 2012, p. 773; Cour du Travail de Liège, 24 avril 2002, JJT, 2002, p. 505 ; JLMB, 2002, p.
1542;
426
Cour d'appel de Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01 ; Liège, 25 septembre 2002, RG 1358/02 ; Bruxelles,
19 janvier 2000, J.T., 2001, p. 682 ; Cour du Travail de Liège, 29 mars, 2002, JLMB. 2002, p. 1542.
427
Cassation belge, 26 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ; Bruxelles, 24 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ;
Journal des procès, 1993, n° 250, p. 26, note R. Ergec « La récusation d’un magistrat : partialité ou apparence
de préjugé ? ».
428
Aix, 28 juin 2001, RG n° 01/08952, Droit social, février 2002, chronique J.L. Cioffi, p. 168; JCP, 2001, IV. 3008.
429
Cassation française, chambre sociale, 19 décembre 2003, Bull. civ., V, n° 321 ; D., 2004, n° 24, p. 1688.
430
Cassation belge 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169.
198

la défense est prête à "tout", peut faire naître un doute objectif sur leur impartialité 431. De
même un juge manque d’impartialité lorsqu’il utilise dans son jugement les termes injurieux à
l’égard d’une partie à l’instance tels que notamment « piètre dimension de la défenderesse qui
voulait rivaliser avec les plus grands escrocs, personnage pétri de malhonnêteté, dotée d’un
quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, sa cupidité de
dispute à la fourberie, elle acculait ainsi sans état d’âmes et avec l’expérience de l’impunité
de ses futurs locataires, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle
nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement »432.

L’inimitié doit être strictement interprétée, il ne suffit pas de l’invoquer, il faut surtout
la prouver par des éléments objectifs probants. Les propos vagues généraux ne suffisent
pas433. Ainsi, ne constituent pas l’inimitié, des propos tels que : « vous n’allez tout de même
pas déposer des conclusions à chaque audience, Maître, Allez en cassation alors »434. La Cour
européenne des droits de l’homme fait la même approche en matière disciplinaire, car a-t-elle
soutenu qu’on ne saurait fonder une récusation, les motifs d’ordre général et abstrait qui ne
font pas état d’éléments concrets et particuliers qui auraient pu révéler en leur chef l’existence
d’une animosité ou d’une hostilité personnelles à l’égard de l’inculpé435.

Aussi, ne constituent pas une inimitié, un défaut de motivation ou une erreur de


procédure436, la sévérité de la motivation d’une décision de condamnation par un examen
détaillé des éléments à charge et à décharge dans le respect du droit de toute personne à un
procès équitable437, l’utilisation dans une décision avant dire droit d’expressions telles que
« mauvaise foi, scandaleux, manœuvre dilatoire, propos hallucinants ; esprit de chicane »438,
la qualification de l’argumentation du justiciable, de « pléthorique et emphatique »439, une
certaine impatience, voire un mouvement d’humeur 440, un sourire mal interprété, une parole
prononcée dans un moment de tension inhérente à l’instruction de la cause et une décision
peut être contestable mais sujette à recours 441, la décision de joindre plusieurs incidents au
fond, de limiter l’accès de la salle d’audience à la presse et aux avocats ou encore l’omission
de répondre à un moyen de défense 442. De même, le simple fait que le juge demande à un
431
G. LACAN, " Impartialité du juge, une exigence légitime du citoyen", in Gazette du Palais, n°4, juillet-août
2013, p.2286.
432
Cassation française, 2ème chambre civile, 14 septembre 2006, in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2346-2347 ;
Procédures, novembre 2006, p. 14.
433
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 294.
434
Bruxelles, 22 octobre 1980, J.T., 1981, P. 520.
435
CEDH, 22 septembre 1994, Debled c/ Belgique, J.T., 1994, p. 755, J.L.M.B, 1995, p. 345 ; P. LAMBERT, « Les
récusations conjointes dans les procédures disciplinaires », J.T., 1994, p. 756.
436
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01, inédit.
437
Cassation belge, 19 novembre 1998, 1999, JLMB, p. 1500.
438
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248, 21 décembre 2001, RG.1594/01, inédit.
439
Ibidem.
440
Liège, 25 septembre 2002, R.G.1358/02, inédit ; C. Travail Liège, 29 mars 2002, JLMB, 2002, p. 1542 ; Civ.
Charleroi, 30 mars, 1987, JLMB, 1988, p. 539.
441
Liège, 25 septembre 2002, RG.1358/02, inédit.
442
Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
199

avocat d'enlever sa kippa pour plaider n'était, en tant que tel, pas constitutif d'un acte empreint
d'animosité mais qu'il en aurait autrement si l'ordre intimé par le juge avait été donné de
manière vexante ou humiliante, avec animosité ou avec des sentiments négatifs443.

Un juge ne peut être récusé à raison de son sexe, de son origine, de son appartenance
ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à telle ethnie, une race, province, ville,
territoire, collectivité, localité, village, une nation, une religion ou un courant de pensée
déterminée même si l'une des parties au procès se montre très hostile envers l'une de ces
catégories car il n'appartient pas aux justiciables d'imposer à la juridiction le profil de juges
qui devrait les juger.

Ne constitue pas aussi une inimitié, le fait que les magistrats ont décidé, en vue
d’assurer la sérénité des débats, de limiter l’accès à la salle d’audience aux seuls journalistes
et avocats, ni de ce qu’ils ont rejeté certaines exceptions proposées par les prévenus et joint
d’autres exceptions au fond, ni de ce qu’ils auraient, le cas échéant omis de répondre à un
moyen dans un jugement avant dire droit, ni de ce qu’ils ont fermement appelé à l’ordre
l’avocat d’un des prévenus qui refusait de se taire alors que la parole ne lui avait pas été
donnée, ni de ce qu’ils ont refusé de faire entendre certains témoins ou d’ordonner la
production de certains documents en estimant que ces mesures n’étaient pas essentielles à la
manifestation de la vérité444. Cette décision se justifie dans la mesure où les requérants
n’avaient pas apporté de preuves pour faire asseoir leurs griefs, et il est du devoir du tribunal
d’assurer la police d’audience tout en respectant le droit de la défense.

Par conséquent, le fait que le juge se soit montré très réservé quant à la défense
personnelle par une partie ne suffit pas à établir que ce juge se soit montré partial ou qu’il ait
préjugé quant au fond et qu’il existe une inimitié entre lui et la requérante 445. Tout comme un
langage quelque peu inapproprié dans un jugement peut former une indication que la sérénité
des débats a été mise en péril, mais ne démontre pas nécessairement la présence d’inimitié 446.

La jurisprudence française se fondant sur la notion « d’inimitié notoire », a estimé que


la seule appartenance du magistrat au syndicat de la magistrature n’est pas suffisant en soi à
caractériser l’inimitié notoire de ce magistrat à l’égard d’une partie même si ledit syndicat
avait pris par la voix de ses dirigeants ou de sections locales, exprimé une opinion ou pris
positions contre la partie concernée, d’autant plus que l’adhésion du magistrat au syndicat de
la magistrature, relève de l’exercice d’une liberté constitutionnelle et ne laisse pas présumer
que l’exercice d’impartialité requise de tout juge laisse la place à une forte présomption

443
Cour d’appel de Bruxelles, 10 décembre 2007, R.G. n° 2007/AR/2161, inédit.
444
Cour d’appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, R. D’Orazio et crsts c/ M. Zenner et Leplat, Région Wallonne et
autres, JLMB, 2000, pp. 334-339.
445
Bruxelles, 25 août 1994, JT, 1994, P. 717.
446
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248.
200

d’impartialité447. De même, le seul fait que le juge exerce une activité commerciale
concurrente de celle d’une partie ne suffit pas à caractériser l’inimitié 448.

La jurisprudence belge va aussi parfois très loin dans cette conception restrictive de la
notion « d’inimitié capitale ». Ainsi, la Cour d’appel de Bruxelles, a en effet décidé qu’un
degré élevé d’inimitié ne peut se déduire du choix de vocabulaire populaire du juge (qui traita
le conseil d’une partie de « scie » ou de « sciant ») étant donné qu’il appartient au juge de
gérer efficacement son temps d’audience par l’intérêt d’un traitement correct de toutes les
affaires449. Nous pensons avec le professeur Jacques Van Compernolle que de tels propos ne
sont de nature à créer, dans le chef du justiciable, un doute légitime quant à l’aptitude du juge
à traiter de manière sereine450 et impartiale.

En vue d’éviter pareille récusation, le juge se doit donc, conformément à l’obligation


issue de sa déontologie, de procéder lui-même à un examen préalable, en se défaisant dans la
mesure du possible de toute hostilité éventuelle à l’égard de toutes les parties du procès.

6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire

Cet avis doit montrer que le juge a perdu sa neutralité qui lui recommande de juger en
toute impartialité. C’est surtout lorsque ledit avis « a anticipé » sur la solution que le juge
pourrait prendre ultérieurement lorsqu’il serait appelé à juger l’affaire. En effet, les juges ne
peuvent laisser entendre par leurs déclarations qu'ils ont déjà une opinion préalable qui est
préjudiciable ou avantageuse pour l'une des parties et qui ne sera pas remise en cause lors de
l'instance. Le respect de la garantie d'impartialité s'accompagne pour le juge d'un devoir de
réserve qui consiste à s'abstenir de tout acte ou de tout comportement de nature à ébranler la
confiance du justiciable ou à donner l'impression qu'il ne serait plus impartial. Dès lors, il
n'appartient pas au juge de faire de commentaires ou déclarations publiques au sujet des
affaires qu'il instruit. Pour tomber dans cette situation, le juge doit avoir donné précédemment
un avis soit comme juge, soit toute autre qualité, y compris notamment en tant qu'arbitre.
La Cour suprême de justice a estimé que l’avis dont il est question doit être extra-
juridictionnel451. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné que l’avis peut être extra-
juridictionnel ou pas car l'essentiel est d'avoir exprimé un point de vue peu importe la forme ;
et la partialité pourrait être établie lorsque l’avis que le juge avait donné antérieurement a
anticipé sur la solution du fond que le juge pourrait prendre ultérieurement dans l’affaire.

447
Cassation française, 24 juin 2004, Association Front National c/ Goucin, Juris-Data, n° 2004-024271, J.P.C.-La
Semaine Juridique Edition générale, n° 37, 8 septembre 2004, 2750, p. 1551 ; Recueil Dalloz, 2004, n° 29, IR,
P. 2083, Bull. civ. Juin 2004, n° 325, p. 274.
448
Cour d’Appel de Rennes, 30 septembre 1992, Juris-Data, n° 050472.
449
Bruxelles (ch.vac.), 29 juillet 1999, A.J.T., 1999-2000,p. 183.
450
J.VAN COMPERNOLLE et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2002) du droit judiciaire privé », in R.C.J.B.,
4ème trim. 2002, p. 701.
451
CSJ, 18 mai 1995, RR 03, in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 40-42.
201

Ainsi, le fait pour le président ou le membre d'un tribunal appelé à trancher une
affaire, d'employer publiquement des expressions sous-entendant une appréciation négative de
la thèse de l'une des parties est incompatible avec l'exigence d'impartialité 452, en conséquence,
il peut être récusé. La partialité peut résulter aussi de propos tenus par un juge soit le juge s'est
exprimé, avant jugement, de façon telle qu'il laisse entendre qu'il est convaincu de la
culpabilité de l'intéressé ou parce qu'il porte un jugement défavorable (une opinion négative)
sur son système de défense. Tel est le cas du juge qui s’est exprimé avant jugement dès lors
que cette expression sous-entende un jugement défavorable à l’égard d’un justiciable ou
qu’elle montre la conviction de la culpabilité de celui-ci. Il s'agissait d'un président du tribunal
pour enfants, qui devait juger d'un éventuel retrait de l'autorité parentale du requérant, avait
fait publier dans la presse un article contenant des expressions sous-entendant un jugement
défavorable au requérant 453. Par conséquent, le juge qui s’est exprimé publiquement sur le
rejet ou le fondement des moyens présentés par l’une des parties peut être légitimement
considéré comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles454.

C’est donc ce préjugé qui rendrait le juge partial étant donné qu’il doit s’abstenir de
tout acte ou agissement de nature à ébranler la confiance du justiciable ou à donner
l’impression qu’il n’est plus impartial. Ainsi, fait montre de partialité, le juge qui, lors de
l’instruction d’audience, adopte un comportement de nature à susciter, dans l’esprit d’une des
parties ou du prévenu un doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il
comparaît à juger la cause de manière impartiale. Tel est le cas du juge qui laisse entendre par
ses propos que la culpabilité du prévenu est établie ou dont le comportement suscite la crainte
d’une perte de neutralité455 ou lorsqu'avant l'ouverture du procès, le magistrat saisi de la cause
a estimé que l'intéressé avait reconnu la réalité du fait qui lui était reproché. Il s’ensuit que le
juge qui s’est prononcé sur la solution du litige dès avant l’ouverture des débats a perdu
l’aptitude à juger la cause.

L’on peut exclure à juste raison de la formation de jugement le juge qui, avant la
prononciation de sa décision, a pris position en la cause, a exprimé son opinion quant à la
décision à prendre sur la culpabilité, a pris une quelconque position sur le fond ou s’est formé
déjà une opinion sur les faits de la cause. Quand un juge prend position quant à la solution à
réserver à la question qu’il est appelé à résoudre, il peut y avoir dans ses conditions préjugé
qui l’empêcherait de garder son impartialité. Il y aura ainsi partialité lorsque la position du
juge est acquise indépendamment des faits, des arguments et des interprétations que les

452
CEDH, 8 janvier 2013, Bucur et Toma c/ Roumanie, § 144, rendu à l'unanimité.
453
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi c/ Italie, n° 29569-95, Recueil Dalloz, 2000, somm., p. 184, obs. Fricero ;
RTDH, 2000, pp.542-543 ; RTDciv., 2000, 622, obs. Normand; V. MAGNIER, « La notion de justice impartiale »,
J.C.P., 2000, I, n° 252, p. 1596.
454
CEDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, § 81 ; CEDH, 25 juin 1992, Thorgeisson c/ Islande ; Trib. Civil Bruxelles, 18
juin 1993, Revue de droit pénal et criminologie, 1994, pp. 1225-1226.
455
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042 ; Cassation belge, 30mai 1986, JLMB, 1987,
1245, Cassation belge, 8 mai 1996, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 447 ; Cour d'appel de Bruxelles, 24 novembre
1993, Journal des Tribunaux, 1993, p. 809.
202

parties peuvent faire valoir en instance456. Tel est le cas d’un juge qui a participé à la décision
défend les intérêts de l’une des parties à la cause, mais surtout lorsque, avant la décision, il a
été chargé de l’instruction de l’affaire, et adopté publiquement certaines positions à ce sujet 457.

La partialité peut résulter aussi du comportement personnel du juge, comportement qui


peut laisser craindre une animosité de ce juge à l'encontre de la partie. Il en est ainsi du juge
qui, lors de son témoignage devant la Commission d’enquête parlementaire, présente les
inculpés dont l’instruction judiciaire lui est confiée, comme coupables en les qualifiant de
« truands »458 ou du juge qui émet des propos sur la culpabilité d'une partie 459 ou du juge qui
prend position avant la fin de la procédure 460 ou des juges qui tiennent des propos négatifs
dans le média à l'encontre de l'accusé et qui ont été les concurrents à des places judiciaires 461
ou du juge qui entretient une vive polémique par voie de presse avec l'une des parties 462 ou la
juridiction qui impose aux parties une date de plaidoirie en la subornant à l'absence de
requêtes en récusation ou en suspicion légitime.

Le juge devra éviter tout au long du procès, des propos, des attitudes ou des
comportements qui ne puissent susciter dans l’esprit du prévenu ou des parties de la cause, un
doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il est appelé à juger la cause
de manière impartiale. Tel est le cas d’une juridiction appelée à juger des personnes de
nationalité ou d’origine étrangère lorsqu’elle comprend un juré qui a affiché publiquement,
avant l’audience, des sentiments racistes. En effet, l’un des jurés avait déclaré en dehors de la
salle d’audience en ces termes « en plus je suis raciste ». La Cour Européenne des Droits de
l’Homme a conclu que ce juré avait déjà un préjugé sur la personne qu’il devait juger, en
conséquence, cette juridiction manquait d’impartialité 463. Le préjugé ici se justifie par
l’attitude du juge qui se déclare « raciste » alors qu’il doit juger une personne d’origine
étrangère ; c’est cela qui démontre l’absence d’impartialité.

De même, manque d’impartialité, le juge qui prononce une condamnation du chef de


conduite d’un véhicule en état d’ivresse après avoir refusé d’accéder à la demande du prévenu
tendant à l’audition des verbalisateurs, en déclarant que ceux-ci ont été entendus à plusieurs

456
F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant et impartial à la lumière de la jurisprudence de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p.
751.
457
Conseil d’Etat belge, 7ème chambre, 2 juin 1988, R.A.C.E., 1988, n° 30.214.
458
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 2005,
p. 280 ; Cassation belge, 2ème chambre, 7 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 541-542.
459
CEDH, 28 novembre 2002, Lavents c/ Lettonie; Cour d'appel de Liège, 17 septembre 2011, affaire Casino de
Dinant, inédit, relatif à la récusation de la juge Christine Julien.
460
CEDH, 28 mai 2002, Kingsley c/ Royaume Uni.
461
CEDH, 5 février 2009, Olujic c/ Croatie.
462
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi c/ Italie.
463
CEDH, 23 avril 1996, Remli c/ France , §§ 35, 45-48 et 59, Rec. 1996-II, n° 8, p. 559 ; Justices, 1997, 2007, 207,
obs. Cohen-Jonathan et Flauss, JCP 1997, I, 400, 26, obs. Sudre ; Rev. Sc. Crim. , 1996, 930, obs. Pettiti et 1997,
473, obs. R. Koering-Joulin.
203

reprises et qu’il n’est pas nécessaire de les faire revenir une nouvelle fois pour « un ivrogne,
un monsieur fortement intoxiqué par l’alcool »464.

L’impartialité suppose que le juge qui siège au fond n’a pas déjà pris parti ou n’a pas
donné un avis dans l’affaire, en dehors de tout débat contradictoire car, si les circonstances
dans lesquelles le tribunal siège démontent objectivement que le juge avait déjà préjugé au
fond, l’impartialité ferait défaut. Le juge devra enfin contrôler toutes ses déclarations lorsqu’il
s’adresse à l’une des parties afin de conserver sa totale neutralité aux yeux des justiciables, et
paraître impartial car, il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux
justiciables dans une société démocratique. En matière civile, il a été jugé que les propos du
juge, par lesquels, lors de l'appel du rôle à l'audience d'introduction, il fait connaître son
interprétation d'un arrêt de la Cour constitutionnelle dont il considère qu'il implique le rejet de
la demande, sont de nature à inspirer au demandeur et aux tiers une suspicion quant à
l'aptitude de ce magistrat à statuer avec l'impartialité requise 465. Mais, ne peut être considéré
comme cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les parties des moyens qui
paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé d’office et des les inviter à
présenter leurs observations soit immédiatement soit dans le délai qu’il fixe466.

Il est nécessaire aussi de se demander concernant le rôle des juges de la Cour


constitutionnelle dès lors qu’ils sont souvent des anciens parlementaires dans les instances où
sont en cause les normes législatives à l’élaboration des quelles ils ont participé. En tant
qu’anciens parlementaires, ils ont émis des avis et recommandations, rédigé des rapports des
commissions parlementaires, pris part au vote d’une loi. Peuvent-ils être récusés lorsqu’ils
doivent apprécier en tant que juges de la Cour constitutionnelle d’une norme à laquelle ils
avaient déjà émis des avis lorsqu’ils étaient parlementaires ? La réponse semble nuancée.

En effet, lorsque cette question s’était posée en Belgique, la Cour constitutionnelle


avait affirmé que la participation à l’élaboration d’une loi par un membre du parlement ne
suffit pas à mettre en cause l’impartialité à laquelle il sera tenu lorsque, en qualité de juge, il
sera amené à contrôler la constitutionnalité de cette loi au sein d’un organe juridictionnel
collégial saisi d’un recours en annulation467. Apparemment, la Cour constitutionnelle belge
semble avoir examiné le rôle effectivement assumé par le juge concerné lors de l’adoption des
dispositions dont il est question, pour apprécier la violation du principe d’impartialité. Mais si
464
Cour de cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042.
465
Cour de cassation belge, 22 mars 2002, RG n°02.0124.F.
466
CSJ, 23 juillet1985, RP 785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la CSJ 1969-1985, V°
récusations, n° 2, p. 198.
467
Cour d’Arbitrage belge (Cour constitutionnelle), 10 mai 1994, n °35/94 et 36/94, 10 mai 1994, Journal des
Tribunaux, 1994, p.532 ; JLMB, 1994, p. 874 ; Arr. C.A. ; 1994, pp.461-469 ; Journal des procès, 1994, n° 263,
p.29. Sur cette question et débats autour de cet arrêt, Voyez M. VERDUSSEN, "Le juge constitutionnel face à
l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme", RTDH, 1994, p.142 ; O. DE SCHUTTER et D.
VAN DROOGHENBROECK , Droit international des Droits de l’ homme devant le juge national, Bruxelles, 1999, p.
548, note 20 ; J. SOHIER, « L’impartialité du juge constitutionnel en question, Justice must not only be done, it
must also be seen to be done », IDJ, 1994-7, pp. 579-581 ; P. MASSON, « Faut-il récuser la Cour d’Arbitrage ? »,
Journal des procès, 1994, p. 31.
204

le juge concerné, avait pris un rôle actif dans l’élaboration de la loi et se trouve plus tard dans
la composition de la Cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité de la loi
précitée, son impartialité se poserait. Mais certains imaginent mal comment la Cour
constitutionnelle belge aurait adopté une autre solution, faute de quoi, elle « scierait la
branche sur laquelle elle repose »468. Autrement dit, dans les circonstances décrites, on voit
mal comment les membres de la Cour constitutionnelle belge pouvaient conclure qu’ils ne
sont pas impartiaux dès lors que la plupart de ses membres sont des anciens parlementaires.

Par contre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, se fondant sur
la théorie des apparences, a conclu à la violation du principe d’impartialité, le fait pour le
Bailif de l’île de Guernesey, d’avoir donné un avis à l’Assemblée délibérante ayant adopté un
plan d’aménagement du sol, et d’avoir ensuite présidé la juridiction qui avait eu à connaître
d’une question d’interprétation de ce plan. Selon la Cour, toute implication directe dans
l’adoption d’une législation ou réglementation administrative peut suffire à faire naître des
doutes sur l’impartialité judiciaire d’une personne appelée par la suite à statuer sur un litige
relatif à l’existence de raisons permettant de s’écarter de la lettre de cette législation ou
réglementation469.

Par ailleurs, l'inspection générale des services judiciaires français a eu à se prononcer


sur le cas d'un magistrat du parquet qui, de manière visible, avait participé à une manifestation
contre un projet de loi sur les étrangers. L'inspection avait conclu à un manque au devoir
réserve, ce qui pouvait légitimement poser la question de son impartialité au moment où il
serait conduit à appliquer le texte dont il contestait le projet470.

De même, un ancien parlementaire provincial ou national qui a donné position de


manière active (soit il a contribué de manière active à son adoption soit il a combattu de
manière acharnée) d’un édit ou d’une loi, ne devrait pas siéger à la Cour constitutionnelle
lorsqu’il devenait plus tard membre de cette Cour, pour apprécier la constitutionnalité du
même édit ou de la même loi auquel (à laquelle) il avait pris part d'autant plus que le serment
qu'il avait prêté sur base de l'article 10 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013
portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle l'oblige au respect
d'impartialité. Dans le même ordre d'idées, un ancien ministre de la Justice qui s'était investi
de manière acharnée à modifier l'article 149 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006
(retirer les magistrats du parquet parmi les membres du pouvoir judiciaire) et le statut des
magistrats (articles 4, 12, 15 et 61) dans le but de réduire sensiblement l'indépendance du
pouvoir judiciaire, ne devrait pas faire partie de la composition du siège de la Cour
constitutionnelle s'il devenait plus tard membre de cette Cour, pour apprécier la
constitutionnalité de textes susvisés.

468
B. BEELDENS, « L’impartialité et la problématique du cumul de fonctions judiciaires », in Annales de Droit de
Louvain, 2001/2-3, p.290.
469
CEDH, 8 février 2000, Mc Gonnel c/ Royaume Uni.
470
J.L. NADAL, " L'impartialité du magistrat", in Gazette du Palais, mai-juin 2012, p. 1833.
205

Une autre question nous semble préoccupante. Celle qui consiste à se demander
lorsqu’un professeur d’université ou un doctrinaire a écrit ou donné des conférences sur un
point de droit, peut-il être récusé s’il intervient comme juge pour juger une affaire qui
s’inspirerait du point de vue écrit d’un livre du même juge ? Schématiquement, trois
hypothèses peuvent être dégagées:
- le juge-professeur ne peut évidemment siéger dans une affaire à propos de laquelle il
a préalablement rendu un avis ou déposé une consultation en tant qu'expert; il a manifesté
dans ce cas un préjugement de nature à le récuser;
- par contre, ne suscitent guère de difficultés les contributions informatives ou
générales destinées dans des revues ou des ouvrages ou à être enseignées lors de colloques
scientifiques ou lors des cours donnés aux étudiants ou séminaires ou ateliers aux praticiens.
C'est à bon droit que la Cour de cassation belge a décidé que le fait qu'un juge adopte un
certain point de vue sur une question juridique au moyen de publication scientifique ou dans
le cadre d'activités au sein de la rédaction d'une revue juridique, n'a pas nécessairement pour
conséquence de rendre le juge partial pour connaître du litige abordant ce point de droit 471; la
publication d'une contribution scientifique sur le sujet de droit ne peut être considérée comme
un avis sur l'affaire donné par le juge;
- plus problématique en revanche sont les exposés et les commentaires doctrinaux
effectués à propos des questions spécifiques et qui contiennent des prises de position
favorables ou défavorables aux thèses développées par les parties. A ce sujet, ayant émis en
tant que professeur, un avis positif sur la constitutionnalité d'une loi, un juge constitutionnel
se déporta lorsque la constitutionnalité de cette loi fut querellée devant la Cour
constitutionnelle cinq ans plus tard. Par contre, il ne se déporta pas et siégea dans un recours
introduit trois ans encore plus tard et mettant en cause la constitutionnalité d'une loi connexe.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg n'y vit pas de violation
d'impartialité au motif que ce dernier recours n'avait pas pour objet, comme tel, la loi sur
laquelle le juge-professeur avait donné un avis et que cette première loi avait été jugée
constitutionnelle hors la présence dudit juge472.
Un magistrat ne saurait être récusé pour les opinions émises dans des ouvrages qu'il a
publiés comme jurisconsulte ou pour avoir déjà rendu, dans d'autres affaires, des décisions
contraires aux prétentions de l'une des parties. D'une façon générale, le fait d'avoir
publiquement, en quelque qualité que ce soit, mais sans relation quelconque avec les faits et la
procédure engagée, pris position antérieurement sur une question de droit qui surgit à nouveau
dans cette procédure n'affecte pas l'impartialité du juge. En décider autrement signifierait
qu'un juge ne pourrait pas connaître d'une affaire dans laquelle se pose une question de droit
déjà tranchée par lui dans d'autres affaires473.

C'est ainsi qu'il a été ainsi jugé que le fait pour un juge d'exprimer une position
déterminée à propos d'un point de droit controversé par le biais de publications scientifiques
471
Cour de cassation belge, (1 ère chambre), 15 octobre 2010, Pasicrisie belge, 2010, p. 2647, R.D.J.P., 2011,
p.28; R.D.J.P., 2011, p.28.
472
CEDH, 1er septembre 2005, Rûdiger Adam et alii c/Allemagne.
473
Conseil d'Etat belge, 22 mars 2007, n°169.314, ASBL Vrijheidsfonds et ASBL Vlaamse concentratie.
206

ou dans le cadre de ses activités au sein de la rédaction d'une revue juridique ne compromet
pas nécessairement son aptitude à connaître de façon impartiale d'un litige dans lequel ce
point de droit est abordé. Ce n'est pas le cas non plus si, à cette occasion, il manifeste son
approbation ou sa désapprobation quant à une position déterminée, à condition de le faire avec
modération et la nuance qui doivent toujours caractériser l'attitude d'un magistrat474.

La doctrine moderne appui ce raisonnement car elle exclut en principe que les
conceptions doctrinales développées par un juge dans d’autres affaires ou émise à l’occasion
d’exposés ou de publications scientifiques puissent former une cause de récusation 475. L’on ne
pourrait donc retenir à ce titre le fait qu’un juge aurait donné, dans un écrit quelconque (traité,
manuel…) son opinion sur la question de droit que présente à juger le procès. La solution
inverse conduirait, on en conviendra, à limiter singulièrement sa liberté d’expression. La
prudence serait de mise car un point de vue de droit peut revêtir un caractère tellement
spécifique qu’il sera tout de suite évident que la même problématique a été visée dans un
article, fut-il scientifique476.

En définitive, le juge des juridictions de l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif, de


la Cour constitutionnelle, voire de la Cour des comptes, qui a donné un avis dans l’affaire ne
devrait pas faire partie de la composition du jugement pour juger la même affaire au risque
d’être récusé.

7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète,
d’expert ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire

Cette cause de récusation est également l’expression du principe général du droit selon
lequel nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même chose. Elle comporte diverses
hypothèses.

a) L’intervention antérieure du juge dans l’affaire en qualité du juge

Ce cas figure suppose que le juge ait précédemment intervenu dans l'affaire en qualité
de juge c'est-à-dire qu'il soit intervenu à au moins deux reprises à l'occasion de son jugement.
Il s'agit de la connaissance antérieure de l'affaire par le juge en tant que juge. Cette expression
ne fait pas de distinction selon que le juge a connu de la cause au stade de l'instruction
préparatoire (chambre du conseil), au stade de l'instruction à l'audience ou stade de jugement
ou encore la connaissance antérieure du jugement avant dire droit ou mesures d'ordre ou
mesures d'administration judiciaire. Il suffit d'en prendre connaissance en vue de son
examen. Pour qu'un manque d'impartialité soit constitué, il faut que le juge ait déjà effectué
474
Cour de cassation belge, 15 octobre 2010, in Ius & actores, 2010/3, p. 55, note E. Brewaeys.
475
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMAECKER et alii, Statut et
déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
476
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.
540.
207

un acte qui reflète clairement son opinion sur la question qu'il va être amené à trancher en tant
que juge par la suite. Diverses hypothèses sont possibles.
a.1. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties au même degré de juridiction

Cette situation montre que le juge est censé avoir connu de l’affaire non seulement
lorsqu’il a pris part à un jugement ou arrêt, mais également lorsqu’il a déjà eu l’occasion de
prendre position au sujet de la même affaire. Pour que la récusation soit admise, le juge doit
avoir antérieurement "effectivement connu de la même affaire en tant que juge". Ainsi, un
juge pénal qui, après requalification des faits, se déclare incompétent pour connaître de
l'action publique et de l'action de la partie civile n'a pas connu de la même affaire.

Cette cause de récusation s’applique uniquement lorsqu’il s’agit de la même affaire,


des mêmes parties et non d’une affaire analogue ou comparable. Ainsi, il n’y a ni préjugé ni
prévention lorsque l’arbitre est appelé à statuer sur une situation de fait proche de celle qu’il
avait examinée dans une instance antérieure mais entre des parties différentes et moins encore
lorsqu’il doit trancher une question de droit sur laquelle il s’est déjà prononcé, dès lors qu’il
n’est pas lié par ses propres précédents477.

L’on interdit donc au juge de se prononcer à plusieurs reprises sur le fond de la même
cause, mais l’on ne l’empêche pas de statuer sur des questions de fait ou de droit identique à
celles dont il a pu connaître dans une autre cause. Sous cet aspect, elle suppose que le juge ait
connu de la cause dans l’exercice d’une autre fonction judiciaire, ce qui est plus large.
Toutefois, il y a lieu d’admettre la récusation d’un arbitre ayant déjà participé à au moins six
procédures arbitrales antérieures relatives à des situations similaires et ayant pour objet de la
mise en cause de la responsabilité de la banque ayant été retenue dans tous les cas. En
l’espèce, l’arbitre après avoir pris positions sur d’autres litiges, et à l’occasion d’un autre
litige, il aurait déjà pris parti à l’égard de l’une des parties au nouvel arbitrage 478. De même, de
la circonstance que le juge s'est prononcé dans un jugement antérieur sur la culpabilité par
rapport à une infraction qui, selon la description de la prévention de blanchiment d'argent,
entre en ligne de compte en tant qu'infraction de base pour cette prévention, fût-ce très
partiellement, il découle que le prévenu peut craindre que le juge ne puisse plus statuer en
toute impartialité par rapport à la prévention de blanchiment d'argent 479. Mais, ne peut fonder
une cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les parties des moyens qui paraissent,
lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé d’office et des les inviter à présenter
leurs observations soit immédiatement soit dans le délai qu’il fixe480.

477
Tribunal de première de Bruxelles (7 ème chambre civile), 14 décembre 2006, SA C c/ X, Y, P. et C., in JLMB,
2007, pp. 834 et s.
478
Ibidem.
479
Cour de cassation belge, 9 octobre 2012, RG P.12.1579.N, inédit.
480
C.S.J., 23 juillet 1985, R.P.785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.2, 1990, V° récusation, n° 2, p. 198.
208

Aussi, il doit s’agir de la même affaire actuelle, une affaire purement potentielle ne
suffit pas. Ainsi, un magistrat du siège ayant instruit et jugé la cause avant poursuite judiciaire
sur le plan disciplinaire, doit se récuser étant donné qu’il avait déjà connu de cette affaire
devant une autre juridiction481. De même, le juge qui a siégé au civil (mêmes parties) ne
pourrait pas siéger dans la même affaire au pénal ou vice-versa. Ainsi, le même juge ne peut
participer à deux instances successives, l'une au pénal, l'autre au civil, alors que, dans la
première, il a condamné le demandeur au civil, sur les mêmes faits482.

Pour que la récusation soit admise, les faits connus par le juge doivent être les mêmes
et pour les mêmes parties étant donné que le même juge ne peut pas juger deux fois les
mêmes faits et pour les mêmes parties parce qu’il peut y avoir préjugement, qui lui ôterait son
impartialité. Relevons toutefois deux hypothèses qui permettent au juge de connaître les
mêmes faits et pour les mêmes parties à la même instance de jugement, c’est l’interprétation 483
et la rectification484 d’une décision judiciaire. Ainsi, les interventions successives d'un même
juge civil sont toujours possibles lorsque la seconde intervention vient corriger une erreur
matérielle485. A défaut d’identité des faits et des parties, la récusation aura difficile à être
admise.
a.2. La connaissance par le juge de la même affaire au même
degré de juridiction mais les parties différentes

Rien n'empêche que le même juge siège dans ce cas étant donné qu'il s'agit des parties
différentes car il n'y a pas préjugement dans son chef.
a.2.1. La connaissance par le juge des affaires différentes concernant
les mêmes parties au même degré de juridiction

La participation à une décision juridictionnelle antérieure ne crée un préjugé au fond


que si le juge est amené à apprécier les mêmes faits. A défaut d'identité de faits, aucun risque
de partialité n'est démontré. C'est pourquoi, rien n'empêche que le même juge siège dans ce
cas étant donné qu'il s'agit des affaires différentes ou des poursuites différentes car il n'y a pas
préjugement dans son chef.
a.2.2. La connaissance par le juge du jugement avant dire droit ou décisions sur incident, d'actes d'administration judiciaire,
des mesures d'ordre et de jugement au fond de l'affaire

Dans cette hypothèse, un juge qui a pris antérieurement un jugement avant dire droit
ou décisions sur incidents ou préparatoire ou des mesures d'administration judiciaire ou des

481
C.S.J., 23 décembre 1976, R.P.A. 38, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977, p. 108 ; Revue
juridique du Zaïre, 1978, p. 94.
482
Cour de cassation française (1ère chambre civile), 30 mai 2000, Droit pénal, novembre 2000, n° 134, obs. A.
Maron.
483
Le juge qui rendu une décision obscure ou ambigüe peut l’interpréter, sans cependant étendre, restreindre
ou modifier les droits qu’elle a consacrés.
484
Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui
rendue sans cependant que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits qu’elle a consacrés.
485
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 28 mai 2002, n°00-10516, Bulletin des arrêts de la Cour
de cassation en matière civile, 2002, I, n°148, p.114.
209

mesures d'ordre ou un jugement interlocutoire, peut-il être récusé s'il participe ultérieurement
au jugement sur le fond de la même affaire ? Il convient de distinguer chaque situation.

Concernant, le jugement avant droit ou décision sur incident ; cette expression vise ici
tout jugement prononcé entre le début de l'instance et le jugement définitif. Ce jugement se
justifie par le principe général en vertu duquel les incidents d'une procédure sont soumis au
juge appelé à statuer au principal, le juge de l'action est le juge de l'exception. Sont réputés
préparatoires, les jugements rendus pour l'instruction de la cause et qui tendent à mettre le
procès en état de recevoir jugement définitif 486. En réalité, en RDC, les jugements
préparatoires sont des jugements avant dire droit; on les appelle les jugements avant dire droit
de nature préparatoire. Comme on le voit, le jugement avant dire droit de nature préparatoire
ne préjuge pas le fond. Cela signifie que le juge qui a pris antérieurement le jugement avant
dire droit ou jugement préparatoire peut siéger au fond de l'affaire sans que son impartialité
soit violée.

Concernant les décisions ou mesures d'ordre, ce sont celles qui ont trait à la simple
administration formelle de la justice et qui ne portent ni directement, ni indirectement sur
l'examen même de l'affaire, ni ne peuvent influer sur le jugement de celle-ci 487. Il s'agit des
décisions ou mesures par lesquelles le juge ne résout aucune question de fait et de droit
litigieuse ou n'en préjuge pas, de sorte que la décision n'inflige à aucune des parties un grief
immédiat. Tel est le cas d'une décision de remise, de fixation de cause, omissions de rôle,
radiations, d'un jugement qui joint un incident au fond sans trancher, la décision ordonnant la
disjonction d'une cause en vue d'un examen séparé qui ne statue sur aucune contestation de
droit ou de fait488. Il en est de même des ordonnances de fixation d'audience, de cause, les
décisions de radiation de rôle.

Comme on peut le remarquer, de telles décisions ne préjugent en rien le fond de l'affaire.


C'est pourquoi; le juge qui a rendu antérieurement les décisions ou mesures d'ordre ou
mesures d'administration de la justice, peut connaître ultérieurement le fond de l'affaire sans
violer son impartialité étant donné que la connaissance antérieure de l'affaire suppose que le
juge avait posé les actes juridictionnels et non les actes d'administration ou les mesures
d'ordre. Ainsi, ne viole pas le principe d'impartialité, un président de tribunal qui avait décidé,
en vertu de ses pouvoirs administratifs, de s'attribuer l'affaire en cours et de la trancher 489.
Cette attribution ne reposait sur aucune règle suffisante, était insusceptible de recours, et une
récusation était impossible étant donné qu'en l'espèce, le juge avait posé des actes
d'administration et non les actes juridictionnels.

Concernant les jugements interlocutoires ou jugement avant dire droit de nature


interlocutoire, ce sont de jugements avant dire droit par lesquels le tribunal ordonne, avant
486
Article 73 alinéa 1 du Code de procédure civile.
487
A. FETTEIS, Droit judiciaire privé, 5ème éd., t.III, Liège, Presses universitaires de Liège, 1980, p. 462.
488
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier,
2012, pp.1004-1015; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale.
Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1382.
489
CEDH, 5 octobre 2010, DMD Group a.s. c/ Slovaquie , requête, n° 19334/03.
210

dire droit, une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le fond 490. Comme de
tels jugements préjugent le fond de l'affaire, il est difficile de participer antérieurement à de
tels jugements et connaître ultérieurement le fond de l'affaire sans violer le principe
d'impartialité. Autrement dit, dans ce cas, un tel juge peut être récusé.

a.2.3. La connaissance par le juge de la décision de compétence ou


sur la régularité de la saisine et de jugement au fond de l'affaire

En principe, rien n'interdit au juge du fond de l'affaire qui s'est déclaré sur la
compétence pour connaître de la cause et d'en connaître ultérieurement lorsque son jugement
de compétence n'emporte la formation d'aucune opinion sur le bien fondé de l'affaire. La
solution est identique lorsque le juge ne se prononce que sur la validité formelle de sa saisine.
Cette solution se justifie par le fait que la prononciation de telles décisions n'implique en rien
la formation d'une opinion sur l'objet de l'affaire. Les juges n'en connaissent dès lors
effectivement qu'une seule fois, lorsqu'ils en sont saisis. Autrement dit, dans ce cas, le juge ne
peut être récusé.
a.3. La connaissance par le juge des décisions provisoires et décisions au fond
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Un tel cumul crée t-il d'office la violation d'impartialité ? La réponse varie selon deux
situations.

490
Article 73 alinéa 2 du Code de procédure civile.
211

Dans la première situation, lorsque le juge est intervenu en urgence et ses


interventions montrent un caractère conservatoire ou préparatoire, ces interventions ne
montrent pas la solution que prendrait un juge au fond; dans cette situation, l’impartialité du
juge ne serait pas violée 491. Ainsi, certaines mesures sont seulement préparatoires, et
n'impliquent pas de la part du juge qui les prend une appréciation des faits qui seront discutés
ultérieurement au fond: c'est le cas des décisions qui prescrivent des mesures d'instruction ou
une mesure d'attente, comme aune autorisation de faire ou de ne pas faire. Tel est le cas d’une
décision rendue par le juge sur les défenses à exécuter, laquelle ne touche pas le fond du litige
puisqu’elle est une procédure d’urgence d’autant plus que le rapprochement de date
d’audience sollicitée par une des parties ne peut interdire au juge qui l’a accordée de
poursuivre l’instance sous prétexte que ce faisant, il a manifesté sa partialité 492. Ainsi, la
participation à la formation de jugement d'un juge ayant rendu, dans la même affaire, une
décision ne préjugeant pas le fond, ne méconnaît pas l'impartialité 493. Il en est ainsi du juge du
sursis à exécution d'une décision juridictionnelle, sous réserve qu'il n'ait pas excédé son
office, peut, sans être considéré comme partial, statuer ultérieurement sur un recours dirigé
contre la décision statuant sur le fond du litige 494. Tel est le cas enfin d’une décision de la
juridiction administrative qui statuant à la procédure de suspension, se bornerait à renvoyer
l’affaire à la procédure normale d’examen au fond du litige ou qui déciderait seulement la
réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer complètement et dans les
conditions de procédure normale sur un moyen dont le bien fondé n’a paru manifeste au
magistrat appelé à statuer au fond.

491
J. VAN COMPERNOLLE, « Le cumul du provisoire et du fond au regard du principe de l’impartialité « , in J.
VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), les mesures provisoires en droit belge, français et italien,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1998, p. 242 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de fonctions au
fond et du provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les droits de l’homme au seuil du troisième
millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 937-938 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « Le droit à un tribunal impartial en droit belge au regard de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne.
Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, éd. P. MAHONEY, F. Matscher, H. Petzold, L. wildhaber, 1999, p.
1491-1492 ; J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985-1996)-Droit
judiciaire privé, RCJB, 1997, pp. 495-625, n°90 ; R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des fonctions »,
RTD Civ., 1999, p. 195 ; B. BEELDENS, « Impartialité et fonctions judiciaires », in Annales de droit de Louvain,
2001/2-3, p. 302 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « La récusation en droit belge », RGDC, 2003, pp. 605-610 ; Y
STRICKLER, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Université Robert Schuman, Strasbourg, 1993, p.
591 ; H. BOULARBAH, « Le dessaisissement et récusation en matière civile », in le point sur les procédures (2
ème
partie). Formation permanente CUP, décembre 2000, Vol. 43, pp. 199-200 ; O. MIGNOLET, « Observations
sur la mise en cause de l’impartialité du juge lorsque celui-ci cumule les fonctions du juge du provisoire et du
fond, au regard des principes et des sanctions », in RDJP, 2001-, n°48, p. 51 ; T. KAVUNDJA N. MANENO,
L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone, vol. II.
L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain -la-Neuve, 2005, pp. 453-465.
492
Cour d'appel de Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts) ; Shamamba Ny contre Premier Président Munoma N. ;
R.R.011 ; Shamamba NY contre Conseiller Makonga n° R.R.012 ; Shamamba contre Conseiller Kadiebwe N. n°
R.013, inédits.
493
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 24 janvier 2013, n°12-01345, Gazette du Palais, n°1,
janvier-février 2013, p.557.
494
Conseil d'Etat français, 26 novembre 2010, n° 344505, Sté Paris Tennis, Jurisdata n° 2010-022651,
Procédures, mars 2011, p. 58.
212

Dans la deuxième situation, lorsqu’en urgence, le juge a pris les mesures qui
impliquent une prise de position sur le fond, son impartialité serait voilée. Il s’agit des
mesures ou décisions anticipatoires qui anticipent les solutions du litige 495. C’est donc cette
anticipation qui montre ce que le juge prendrait comme solution lorsqu’il pourrait intervenir
au fond de l’affaire. En d’autres termes, le juge qui s’est prononcé au provisoire (en urgence),
doit avoir exprimé une pré-appréciation du fond de manière telle qu’elle puisse être de nature
à convaincre un justiciable normalement avisé qu’il existe un doute que ce juge puisse encore
juger au fond de manière impartiale. Tel est le cas du juge des référés français qui statue sur
une demande tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement
contestable d’une obligation, et qui est appelé par la suite à statuer sur le fond du litige
afférent à cette obligation496. En effet, le juge en statuant en référé sur l’attribution d’une
provision, a exprimé une prise de position sur le fond, et partant, cette appréciation sur les
circonstances de la cause, pouvait l’empêcher de juger au fond du litige de cette obligation.
En d’autres termes, ce juge a effectivement préjugé de la qualité de cette obligation, il est
donc devenu techniquement partial.

De la sorte, tout laisse croire que ce que le juge des référés a tenu pour évident au
provisoire, il le tiendra encore comme tel lorsque l’affaire lui sera soumise au fond. Dès lors
que les faits envisagés sont les mêmes, que leur examen par le juge du provisoire n’a rien eu
du superficiel mais que, tout au contraire, il s’est prononcé, au terme d’un examen attentif, sur
le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, le justiciable provisoirement tenu
pour débiteur a toutes les raisons de craindre que le juge éventuellement appelé à connaître
une seconde fois de l’affaire ne soit influencé par l’appréciation qu’il avait initialement portée
et qui l’avait conduit dans un premier temps, à ne point tenir pour sérieuses les objections
qu’il lui avait présentées497. Autrement dit, le juge des référés qui accorde une provision et
statue au fond, sa présence devant le tribunal froisserait l’impartialité s’il a dû porter une
appréciation au fond498.
495
Voyez J. NORMAND, « Les mesures provisoires en droit comparé », in Annales de droit de Louvain, 2005 / 3-
4, pp. 266-268 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J.VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 77.
496
Cass. française (Assemblée plénière), 6 novembre 1998, JCP La semaine juridique, 2 décembre 1998, p. 2122 ;
Recueil Dalloz, 1999, p. 6 ; Gaz. Pal., 13-15 décembre 1998, p. 12 ; CE français, 9 février 2004, Billerach, AJDA,
2004, p. 1150 ; CE français, 2 novembre 2005, M. et M me Fayant, n°279660, AJDA, 13 février 2006, p. 327-328
et note de P. CASSIA, « Méconnaissance du principe d’impartialité par le juge des référés » ; CAA Marseille, 9
mars 2006, M me D., n°04 MA 01886, Recueil Dalloz, 2006, IR, 949; AJDA, 1 er mai 2006, pp. 888 et conclusion
du commissaire du gouvernement Thiery Trottier, "Le juge du référé provision peut-il participer à la
formation de jugement au fond ?", in Procédures, mai 2006, p.26 ; P. CASSIA, « Le juge administratif des
référés et le principe d’impartialité », in Recueil Dalloz, 5 mai 2005, n°18, chronique, pp. 1183-1184, 1189 -
1191.
497
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, p. 186 ; J. VAN COMPERNOLLE,
« Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les
droits de l’Homme eu seuil du troisième millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2000, p.941.
498
Cassation française, Assemblée plénière, 6 novembre 1998, Sté Bord Na Mona contre Norsk Hydro Azote ;
Guillotel contre Castel et Fromaget, in Recueil Dalloz, 7 janvier 1999, n° 1, p.5 ; M.-A. FRISON-ROCHE,
« L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz, Chronique, 11 février 1999, n° 23, p. 56 ; J.-F. BURGELIN, « Quand le
213

L’on peut ainsi considérer que le juge des référés a anticipé sur la solution au fond
lorsqu’il s’est prononcé de manière évidente sur le caractère sérieusement contestable ou non
d’une obligation alléguée, ou lorsqu’il s’est prononcé sur la cessation d’un trouble
manifestement illicite en estimant notamment que l’illicéité du trouble était manifeste 499. Il y
aurait ainsi méconnaissance de l’impartialité s’il s’avère que dans l’exercice des fonctions
antérieures, le juge s’est déjà forgé une opinion sur les points de fait et de droit qu’il lui
appartient de trancher. En pareille situation, le débat poursuivi devant lui apparait comme
fondamentalement faussé500.

Concrètement, le défaut d’impartialité devrait généralement s’appliquer à toutes les


décisions qui comportent de la part du juge du provisoire, une anticipation sur le fond,
qu’elles enjoignent, par exemple d’expulser un occupant d’une maison qui n’a ni titre ni droit,
de faire quelque chose (de réintégrer un salarié, de livrer une marchandise, d’enlever des
affiches, des barrières ou des chaînes), qu’elles ordonnent de cesser une activité (pour
violation d’une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, pour atteinte aux droits
de la personnalité) ou de s’abstenir d’un comportement déterminé501.

Il en sera de même pour les juridictions de l’ordre administratif. Tel est le cas du juge
des référés qui dans sa première intervention a pris une ordonnance qui a anticipé sur l’issue à
donner à une éventuelle seconde demande fondée sur les mêmes éléments que la première 502.
De même, un magistrat statuant en référé (recours en suspension) se prononce sur le sérieux
des moyens invoqués, il émet un jugement sur l’apparence de fondement de ces moyens,
même si cette appréciation ne le lie pas pour l’examen du fond, le justiciable peut
raisonnablement éprouver la crainte que le magistrat devant lequel il plaide ait, dès avant
d’avoir pris connaissance des pièces de procédure relative au recours en annulation, une
opinion quant à la solution à donner à ce recours d’autant plus que le même magistrat siégeant
en référé s’est prononcé sur la recevabilité d’un moyen. En effet, juger qu’un moyen n’est pas
sérieux revient à décider, au terme d’un premier examen, que les arguments invoqués à
l’appui de ce moyen ne sont pas convaincants et le justiciable est fondé à redouter que le
magistrat qui a porté cette appréciation ne persiste à les trouver peu convaincants lorsqu’il est
appelé à statuer sur le recours en annulation. Afin de préserver le droit à un tribunal impartial,
il s’impose d’écarter un magistrat qui, statuant en référé, s’est prononcé sur le sérieux d’un

juge des référés prend parti », Recueil Dalloz, 1999, p.5.


499
R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des fonctions », in RTDCiv., janvier-mars 1999, p.195.
500
J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité et cumul du fond et du provisoire devant le Conseil d’Etat : une
heureuse clarification », in RTDH, 2001, pp.1156 et s.
501
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, janvier-mars 1999, n° 1, p. 187 ;
J. NORMAND, «L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA
(sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006,
p.77.
502
Conseil d’Etat français, 20 novembre 2005, M. et Mme Fayat, AJDA, 2006, p. 327, note CASSIA.
214

moyen ou de la recevabilité de recours ou d’un moyen, de siéger pour l’examen d’un recours
en annulation503.

Cette position a été suivie par plusieurs juridictions administratives. Tel est le cas de la
Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a considéré qu’un juge des référés ayant eu
l’occasion d’apprécier les moyens de légalité développés par le requérant dans le cadre d’une
demande de suspension ne peut disposer de l’impartialité pour statuer au fond au sein de la
formation de jugement504. Ce qui justifie l’anticipation est le fait pour le juge des référés
d’avoir pris position sur la validité des moyens susceptibles de justifier une telle mesure (à
l’égard du requérant), et cette prise de position devrait l’empêcher de se pencher sur l’affaire.
Il en est de même de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a estimé que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a examiné l’affaire comme juge du
référé provision participe à la formation de jugement au fond 505. La Cour administrative
d’appel de Paris a nettement confirmé cette position en affirmant que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a rendu une ordonnance sur le
fondement des dispositions précitées siège à nouveau lors du jugement au fond de cette affaire
par le tribunal administratif506.

Comme on peut le constater, lorsqu’un juge a lors de son intervention au provisoire,


exprimé une prise de position faisant ressortir une conviction de ce juge sur le fond, cela peut
créer dans le chef du justiciable le doute légitime que ce juge puisse encore juger
ultérieurement de manière impartiale. Et d’ailleurs, certains sont plus catégoriques d’affirmer
que lorsque le juge statue en référé, il donne déjà son appréciation sur les arguments des
parties même si c’est uniquement sur le plan des apparences ; dès ce moment, il y a préjugé, si
peu que ce soit, qui lui interdit de rejuger une seconde fois la même cause, à peine de porter
atteinte au principe d’impartialité507.

Dans le but de donner l’image du juge impartial en République démocratique du


Congo, le juge qui a connu d’une affaire en urgence (référé, suspension) ne devrait pas faire
partie de la composition du jugement appelée à connaitre de la même affaire au fond
(annulation). Cette position nous semble applicable pour le juge des juridictions de l’ordre
judiciaire, le juge des juridictions de l’ordre administratif et de la Cour des comptes.

503
Conseil d’Etat belge, 14 décembre 2000, ASBL Ecole Notre Dame de la Sainte Espérance contre
Communauté française, JLMB, 2001, p. 169 ; RTDH, 2001, p. 1149 ; Journal des Tribunaux, 2001, p.235.
504
C.A.A. Bordeaux (Assemblée plén.), 18 novembre 2003, arrêt M.B., AJDA, 2004, p.98, concl. J.-L. Rey.
505
C.A.A. Marseille (3ème ch.), 9 mars 2006, Mme D., Recueil Dalloz, 6 avril 2006, IR, p. 949 ; AJDA, 2006, p. 887.
506
C.A.A. Paris, 6 février 2007, Société Swisslog France, n° 04PA03147, in AJDA, 21 mai 2007, p. 1039.
507
D. LAGASSE, « Peut-on récuser un conseiller d’Etat ? Qu’est-ce qu’un conseiller d’Etat impartial ? », in J.T.,
1998, p.154.
215

a.4. La connaissance par le juge du tribunal pour enfants des décisions provisoires et décisions
au fond concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Cette situation concerne le juge du tribunal pour enfants qui connaît de la même affaire
en instance de jugement; peut-il être récusé s'il avait pris antérieurement (avant le jugement au
fond) des mesures provisoires diverses pour l'intérêt de l'enfant ? La réponse ne semble pas
tranchée. En effet, si l'on se réfère à l'article 49, point 7 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui donne l'hypothèse de la récusation du juge qui était intervenu dans l'affaire en
qualité de juge; cet article ne fait pas de dérogation au juge du tribunal pour enfants 508. Cela
signifie que sur base de cette disposition, ledit juge peut être récusé comme les autres juges
des juridictions de l'ordre judiciaire si les conditions sont réunies.

Par contre, si l'on se réfère à la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de
l'enfant (une loi spéciale) dont la finalité est surtout de prendre en considération l'intérêt et la
personnalité de l'enfant (préoccupation primordiale) dans toutes les décisions et mesures à son
égard, la récusation du juge du tribunal pour enfants ne pourra pas être accueillie pour la
simple raison que cette loi permet au juge de prendre les mesures provisoires 509 pour l'intérêt
supérieur de l'enfant avant le jugement définitif. Ainsi, le juge pour enfants peut, avant de
statuer sur le fond, prendre par voie d'ordonnance l'une des mesures provisoires suivantes :
- placer l'enfant sous l'autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde;
- assigner à résidence l'enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui en ont la
garde ;
- soustraire l'enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité
ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social. Par couple, on entend deux
personnes de sexes opposés légalement mariées.

Le choix par le juge pour enfants des mesures provisoires privilégie autant que possible le
maintien de l'enfant dans un environnement familial. Le placement dans une institution
publique ou privée agréée à caractère social ne peut être envisagé que comme une mesure de
dernier recours. L'assistant social assure le suivi des mesures provisoires prises par le juge510.

Le juge informe immédiatement ou si ce n'est pas possible dans le plus bref délai, les
parents, le tuteur ou la personne qui en a la garde des faits portés contre l'enfant. Il les informe
également des mesures provisoires prises à l'égard de celui-ci. Si ces mesures prévues ne
peuvent être prises parce que l'enfant est présumé dangereux et qu'aucun couple ou aucune
institution n'est en mesure de l'accueillir, l'enfant peut être préventivement placé dans un

508
La formulation de cet article avait été adoptée à la Commission Permanente de Réforme de Droit Congolais
en août 2006, soit 3 ans avant la promulgation de la loi portant protection de l'enfant (en 2009).
509
Articles 107 à 112 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25
mai 2009, pp. 23-33.
510
Article 106 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
216

établissement de garde et d'éducation de l’Etat, pour une durée ne dépassant pas deux mois.
Un décret du Premier ministre, délibéré en Conseil des ministres, fixe l’organisation et le
fonctionnement de l'établissement de garde et d'éducation de l'Etat. Le juge pour enfants
charge l’assistant social du ressort de la collecte des informations concernant la conduite et le
comportement de l'enfant511. Comme nous pouvons le remarquer, les mesures provisoires que
le juge du tribunal pour enfants pourrait prendre sont nécessaires pour l'évolution de l'enfant
et ne permettent au juge de préjuger la décision qu'il pourrait prendre au fond.

Il convient de souligner qu'en RDC le tribunal pour enfants est composé de plusieurs
juges (un juge siège au premier degré, trois en appel), le ministère public du ressort du
tribunal de grande instance est chargé de l'instruction préjuridictionnelle; c'est celui-ci qui
saisit le tribunal en matière pénale, exécute le jugement après le prononcé et c'est pourquoi,
nous pensons que ce juge présente toutes les garanties d'impartialité.

Lorsque cette question s'est posée à la Cour européenne des droits de l'homme de
Strasbourg, celle-ci a pris deux positions différentes selon l'ampleur de pouvoir du juge. Au
début (1993-2004), la Cour européenne a considéré de manière constante qu'un juge des
enfants ait pris des décisions avant le procès, notamment sur la détention provisoire, ne saurait
en soi justifier des craintes quant à son impartialité, l'important étant la portée et la nature des
décisions en question512.

Depuis le 2 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'homme examine désormais le
degré d'intervention du juge. Ainsi, elle interdit qu'un juge aux affaires familiales ayant initié
les poursuites contre un mineur suspecté de meurtre sur autre mineur, puis ayant rassemblé
les preuves de sa culpabilité durant l'instruction, renvoie ce mineur devant un tribunal pour
enfants qu'il préside aux côtés de deux assesseurs non professionnels. Pour la Cour
européenne des droits de l'homme, le principe d'impartialité n'a pas été respecté dès lors que
le juge aux affaires familiales a fait, durant l'instruction, un usage ample des attributions
étendues que lui conférait la loi sur la procédure applicable aux mineurs 513. Cette décision se
justifie par le fait que ledit juge des enfants avait eu des pouvoirs très étendus dans la même
affaire: instruction préjuridictionnelle, saisine dudit tribunal, présidence de la même
juridiction, condamnation par le même juge et exécution du jugement par le même juge 514. Or,
le cumul de tels pouvoirs dans les mains d'un seul juge n'existent pas à l'égard du juge des
tribunaux pour enfants en RDC. C'est pourquoi, il présente les garanties d'impartialité; en
511
Articles 107 à 109 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25
mai 2009, pp. 23-33.
512
CEDH, 24 août 1993, Nortier contre Pays-Bas, RTDH, 1994, p. 429, note J. Van Compernolle, p. 437; dans le
même sens CEDH, 16 décembre 1999, T c/ Royaume-Uni, § 84; CEDH, 16 décembre 1999, V c/ Royaume-Uni, §
86; CEDH, 15 juin 2004, S.C. c/ Royaume-Uni, §§ 28 et 35.
513
CEDH, 2 mars 2010 (4ème section), Adamkiewicz c/ Pologne, Recueil Dalloz, 3 juin 2010, n° 21, pp. 1324-
1325; note P. BONFILS, " L'impartialité du tribunal pour enfants et la Convention européenne des droits de
l'homme", même revue; JCP 2010, 859, p. 1589, n° 12, obs. Sudre.
514
Sous l'empire du Code d'OCJ du 31 mars 1982, le juge du tribunal de paix avait de tels pouvoirs en matière
pénale, cela a été supprimé par la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judicaire, JORDC, 4 mai 2013.
217

conséquence, il ne peut pas être récusé au seul motif qu'il a pris antérieurement des mesures
provisoires avant de connaître de la même affaire au fond (jugement).

a.5. La participation par le juge à la fois des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

La question qui peut se poser est celle de savoir si un juge d’une juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) et d’une
certaine manière de la Cour des comptes, peut connaître d’une affaire pour laquelle il a déjà
émis préalablement un avis sans empiéter au principe d’impartialité. A ce sujet, il convient de
préciser que la juridiction administrative est chargée d’une part de rendre des avis sur les
projets de textes des autorités soumises à leur compétence dans une première formation
(consultative ou d’avis), et d’autre part, de statuer en tant que juridiction administrative
(formation contentieuse ou de jugement) sur le recours en annulation introduite contre les
actes et règlements des autorités administratives concernées. On peut se demander si ce cumul
de fonctions d’avis et de jugement ne va pas à l’encontre du principe d’impartialité.

En effet, un juge administratif (formation de jugement) ne peut siéger dans une affaire
si auparavant il avait déjà donné un avis (formation consultative ou d’avis) pour les mêmes
faits, mêmes parties et mêmes problèmes juridiques. La double participation, consultative
(formation consultative ou d’avis) et contentieuse (formation de jugement), à une même
décision pourrait déboucher sur une présomption très forte d’atteinte à l’impartialité. Cela se
justifie par le fait que le juge qui avait préalablement donné l’avis (formation consultative)
s’était déjà forgé une opinion avant de participer au jugement prononçant l’annulation
(formation contentieuse ou de jugement), ce qui pourrait être regardé comme
« préjugement »515.

Cette position est partagée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg qui avait condamné la composition du Conseil d’Etat luxembourgeois en
soulignant « le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des
mêmes décisions, les fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles, est de nature à
mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution »516. Cette décision a eu des
répercussions dans les juridictions administratives à tel point qu’aucun membre de la Cour

515
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, 2005, p.423.
516
CEDH, 28 septembre 1995, Procola contre Luxembourg, RTDH, 1996, pp. 271-299 ; JLMB, 1996, p. 889 ; D.
1996, p. 301, note Benoît Rohmer F. ; JCP, éd. Gén. , 1996, I, 3910, n° 23, obs. F. Sudre ; Gazette du Palais, 18
novembre 1995, Flasch, note L. Pettiti ; JDI, 1996, 253, obs. O. de F. ; AJDA, 1996, 383, chron. J.Fr. Flauss ;
RFDA ; 1996, 777, note J. L. Autin et F. Sudre ; D. SPIELEMANN, « Le Conseil d’Etat luxembourgeois après l’arrêt
Procola de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », in RTDH, 1996, p. 297 ; J. P. COSTA, «Le tribunal
indépendant et impartial en matière administrative. Le principe vu par la Cour Européenne des Droits de
l’Homme », in A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 517 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les
principes de droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge
et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.31.
218

administrative ne peut siéger dans les affaires relatives à l’application de dispositions au sujet
desquelles il aurait dû participer à des délibérations du Conseil d’Etat517.

Tel est le cas où un magistrat administratif donne un avis sur une question posée au
tribunal administratif par le préfet, puis siège en collégialité, sur cette question, quelque temps
après. Le Conseil d'Etat relève d'office la violation du principe d'impartialité 518. Il en est de
même de la Cour administrative de Paris qui a sanctionné le cumul des fonctions
administratives et de jugement en considérant que les magistrats qui ont eu à se prononcer sur
une question, dans le cadre des attributions consultatives du tribunal administratif ne peuvent
ensuite en connaître au contentieux et ne peuvent donc siéger dans la même affaire 519. Comme
c’est le même juge qui a donné un avis (formation consultative ou d’avis) et connu en
annulation (formation de jugement) de la même affaire pour les mêmes parties ; il y avait
donc un « préjugement », autrement dit, l’impartialité avait été violée. Il en est de même de
l’arrêt Syndicat des avocats de France par lequel le Conseil d’Etat avait affirmé que le
membre de la juridiction qui a émis un avis sur un projet de texte ou une action administrative
ne pouvait pas siéger dans la formation de jugement appelée à se prononcer sur ce texte ou
cette action520.

Il en est ainsi de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait affirmé que le
tribunal administratif ne peut statuer régulièrement sur un litige lié à l’attribution d’un marché
public, alors que l’un de ses membres faisait partie de la formation collégiale consultée
antérieurement par le préfet pour donner un avis à propos du marché projeté, et plus
précisément du problème de droit déterminant la solution du contentieux 521. Dans cette
affaire, la composition du jugement statuant au contentieux (formation de jugement)
comprenait des magistrats ayant fait partie de la formation collégiale consultée quelques mois
auparavant (formation consultative ou d’avis) sur la même question de droit ayant causé
difficulté, c’est pourquoi, l’impartialité a fait défaut.

Au regard de tous ces exemples, nous estimons qu’en vue de garantir l’image du juge
impartial en République démocratique du Congo, le juge de la juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) voire
même de la Cour des comptes, qui a émis un avis dans la formation consultative, ne devrait

517
G. GONZALEZ, «Chaud et froid sur la compatibilité du cumul des fonctions consultatives et contentieuses
avec l’exigence d’impartialité », in RTDH, 2004, p.378.
518
Conseil d'Etat français, 7 août 2008, Association Terres minées, 312022, JCP 2008, Actualités, n° 540, obs. M.
C. Rouaut.
519
C.A.A. Paris, 23 mars 1999, AJDA, 1999, pp. 623-625, note Mathias Chauchet ; Procédures, novembre 1999,
chron., n° 14, concl. Mireille Heers, 3 et s.
520
C. E. français, 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, Rec., p. 118 ; JCP, 1997, II, 22817, note J.M.
Breton ; Petites Affiches, n° 119, note W. Sabette ; RFDadm., 1996, p. 1195, conl. Bonichot ; D.
CHABANOL, « Théorie de l’apparence ou apparence de théorie ? Humours autour de l’arrêt Kress », in AJDA,
janvier 2002, p.11.
521
C.A.A. Bordeaux, 4 mars 2003, n° 00.BX. 01170 et 00. BX.02417, Dépt. De Deux Sèvres (recours contre T. A.
Poitiers, 24 février 2000), in Procédures, mai 2003, p. 21.
219

pas faire partie de la formation de jugement (formation contentieuse) appelée à se prononcer


en suspension ou en annulation du même acte administratif ou règlement.
a.6. Le cumul par le juge des fonctions de conciliation et de jugement concernant
la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Un tel cumul, conduit-il à la violation d'impartialité ? Autrement dit le juge qui, au


cours d’une affaire civile, principalement en matière de divorce a tenté une conciliation en
« chambre du conseil » avant de connaître de la même affaire au fond, peut-il être récusé sous
prétexte qu’il connaît de la même affaire au fond alors qu’il avait tenté la conciliation des
parties ? Il convient de distinguer deux

La première est celle où le juge s’emploie à rechercher un terrain d’entente avec les
parties sans proposer une solution, et la seconde concerne le juge qui propose une solution
aux parties ou prend position sur la solution. Pour la première situation c'est-à-dire le juge qui
s'emploie à rechercher un terrain d’entente avec les parties sans proposer une solution,
l’impartialité n’est pas violée étant donné que le juge ne s’était pas dévoilé car il n’avait pas
montré qui a tort ou raison, il ne faisait qu’aider les parties à trouver un terrain d’entente.

En ce qui concerne la deuxième situation c'est-à-dire le juge qui propose une solution
aux parties ou prend position sur la solution, en principe l’impartialité est violée étant donné
que le juge avait pris position en montrant la solution qui est la sienne lors de la connaissance
de l’affaire au fond car les parties pourront à juste titre évoquer l’existence d’un
« préjugement » dans son chef de nature à créer un doute légitime quant à son aptitude à
siéger ultérieurement en toute impartialité 522. Cela signifie que l'activité de conciliation du
juge est de nature à faire naître chez le justiciable un sentiment légitime de partialité, lorsque
le juge joue un rôle actif et fait des propositions de solution transactionnelle. En cas d'échec
de la conciliation, il ne devrait pas juger. Tel est le cas du juge du fond qui avait convoqué des
époux divorcés pour tenter de les concilier sur la liquidation de leur régime matrimonial,
ajoutant qu'en cas d'échec, "il ferait vendre l'intégralité de l'actif de la société d'acquêts, à
l'exception d'une maison qui serait attribuée préférentiellement à Madame"; cette formule,

522
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain- la-
Neuve, 2005, pp. 41 ; B. BEELDENS, « Médiation-conciliation : quel rôle pour le juge ? », in JJPP, avril-mai
2005, pp. 211-215 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation judiciaire », in Le contentieux
interdisciplinaire, Antwerpen, Kluwer, 1996, p. 49 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La justice familiale et les
principes fondamentaux du droit judiciaire », in M. Th. MEULDERS – KLEIN (sous direction), Familles et
justice, justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 391 ;
J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge », in Nouveaux juges, nouveaux
pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, pp. 528 et 533 ; I. BRANDON, « L’office
du juge dans la conciliation », JT, 1995, p. 513 ; J. VAN COMPERNOLLE, « L’indépendance et l’impartialité du
juge », in Confiance dans la justice, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 24, n°19 ; G. DE LEVAL, « L’exercice par le
même juge de fonctions conciliatrices et juridictionnelles dans le même litige », in Droit du contentieux, CUP,
13 octobre 1995, p. 101.
220

qui figurait dans le procès verbal de comparution, laissait planer un doute sur l'objectivité du
jugement ultérieur, entaché d'un préjugement, en tout cas d'un préjugé523.

Au vu de ces éléments, pour rassurer les justiciables que le juge présente les garanties
d'impartialité, celui-ci devra donc se limiter à donner les informations objectives aux parties, à
l'image du maître du jeu qui brosse quelques règles aux joueurs en début de la partie. Il doit
adopter une attitude d'écoute active en faisant l'inventaire des intérêts en présence et des
revendications sur lesquelles les parties sont prêtes à transiger ou à discuter. Il ne doit jamais
dévoiler quelle serait sa solution si les parties comparaissent à l'audience.
a.7. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties en première instance et au degré d'appel

Un juge ne peut siéger en première instance puis en appel pour un même procès, peu
importe les modalités procédurales de l'appel. Cette conséquence garantit l'impartialité du
tribunal, mais également l'effectivité même de la voie de recours: comment concevoir qu'un
justiciable dispose d'une garantie de correction d'une éventuelle erreur de procédure
d'appréciation s'il est jugé par le même juge ? La notion de recours repose sur la possibilité
d'un contrôle hiérarchique, qui n'est pas assuré si la décision de justice est réexaminée par les
juges qui l'ont rendue. Il en est ainsi de l’arrêt d’une Cour d’appel auquel a participé un
conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire quand il était juge au premier degré et
que, dans ses conditions, il ne s’est pas déporté524.

Il va de soi que le juge ayant connu d’une affaire en première instance ne pourra pas
en connaître par après en degré d’appel ou en cassation. Ainsi, un magistrat qui a déjà porté
un jugement dans une affaire ne peut la juger car il risque, la seconde fois, de ne pas pouvoir
se déjuger. Aussi, un même juge ne peut connaître d’une voie de recours contre une décision
qu’il a lui-même rendue, même si c’est la conséquence de changements législatifs 525. On ne
s’intéresse plus à ce qu’a pu penser le juge, l’on suppose qu’une telle situation le conduit
objectivement à être partial dès lors qu’il existe une apparence de partialité qui suffit à
condamner une telle situation. Enfin, le juge qui a participé à une instance civile au premier
degré, ne peut siéger à une instance pénale en appel.

Mais pour que la récusation soit admise, le juge doit avoir "effectivement connu de la
même affaire" en première instance. La participation à une décision de simple remise ne
signifie pas que le juge avait connu de la même affaire. Ainsi, le juge qui a été désigné en
première instance pour effectuer une remise, remplaçant de ce fait un autre juge légitimement
empêché, ne connaît pas de la même affaire s'il fait partie de la composition du siège appelée
à connaître de l'appel de la décision au fond ultérieurement.

523
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 15 mars 2012, n° 11-01194, RTDCiv. 2012, 375, obs. R.
Perrot.
524
C.S.J., 2 février 1972, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1973, p. 16 ; C.S.J., 18 mai 1995, RR 03,
in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 42.
525
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 208, p. 218.
221

a.8. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties sur opposition au même degré de juridiction

L’opposition est un recours de rétractation porté devant la juridiction qui a rendu la


décision attaquée par un justiciable qui a été condamné par défaut (à son absence). Elle
permet à une partie qui n’a pas comparu de demander au juge qui a rendu la décision de se
rétracter et c'est pourquoi on l'appelle le recours en rétractation consistant à substituer une
décision une décision contradictoire à la décision rendue par défaut526.

La question que l'on pourrait se poser est de savoir si un même juge peut statuer sur le
recours en opposition formé contre une décision au prononcé à laquelle il a participé sans
violer le principe d’impartialité. Peut-il dans ces circonstances être récusé ?

S’il faut éviter qu’un juge qui a déjà statué sur une affaire ait à en connaître de
nouveau, c’est essentiellement pour faire en sorte que celui-ci se soit déjà forgé une opinion
sur les points de fait et droit qui lui sont soumis, pour qu’il puisse examiner le litige dont il
est saisi « d’un œil neuf ». En effet, les juges qui statuent sur un recours en opposition, à la
différence des juges d’appel, ne sont pas appelés à se prononcer sur les éléments qui ont déjà
fait l’objet devant eux d’un débat, ce qui serait de nature à remettre en cause leur impartialité.
Ils doivent connaître le cas échéant de la recevabilité de l’opposition qui, par hypothèse,
n’avait encore jamais été discutée de même que les arguments présentés par la partie
défaillante qui, par hypothèse eux aussi, sont nouveaux et n’ont pas été examinés lors des
débats auxquels la décision, objet de l’opposition, a donné lieu. L'opposition est plus une
modalité de rétablissement de la contradiction qu'un véritable recours: dans l'instance qui
commence, les parties conservent la même position procédurale de demandeur ou défendeur,
et le défendeur défaillant a la possibilité d'exposer ses arguments en fait et en droit. Cet
argument montre que ce juge ne serait pas récusé.

Cela s’explique par le fait que là où le juge d’appel a tous les motifs de répugner à
revenir au jugement initial, le juge qui statue sur opposition voit apparaître de nouvelles
données objectives qui justifient éventuellement qu’il rende une décision différente voire
inverse de celle qu’il a déjà rendue sur l’affaire car, la comparution d’une partie qui
jusqu’alors était absente de la procédure et n’avait pas été en mesure de produire ses propres
éléments de défense justifie suffisamment son revirement. Ainsi, la Cour Européenne des
Droits de l’Homme de Strasbourg527 tout comme la jurisprudence belge528 et française529 admet
526
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°1, p.9.
527
CEDH, 10 juin 1996, Thomann c/ Suisse ; CEDH, 26 août 1997, De Haan c/ Pays-Bas, AJDA, 1997, p.987, obs.
Flauss ; JCP, 1998, I, p.107, n° 26, obs. Sudre.
528
Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, 102 ; Cassation belge, 3 février 1987, RG 684,
Pasicrisie belge, 1987, I, n° 323 ; Cassation belge, 16 janvier 2002, RG.P.01.1325.F ; Cassation belge, 5 mai 1999,
Pasicrisie belge, 1999, I, p.636, Cassation belge, 2 ème chambre, 19 novembre 1998, JLMB, 1999, p.1500 ;
Pasicrisie belge, 1998, I, 1145 ; Cassation belge, 2 novembre 1993, Pasicrisie belge, 1993, I, p.916.
529
Cassation française (ch. crim.), 25 juillet 1989, Bull. crim. , n° 296 ; D. 1990, 226, comm. J. Pradel ; Cassation
française (2èm ch. Civ.), 5 février 1997, Recueil Dalloz, n° 2, 14 janvier 1999, pp.24-25, note S. Denoit de Saint
Marc ; Bull. II, n° 33 ; RTDCiv., 1997, 513, obs. Perrot ; Cassation française (ch. Crim.), 23 octobre 1996, pourvoi
n° 095-85.585 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in
222

au juge de connaître une seconde fois de l’affaire en matière d’opposition sans porter atteinte
au principe d’impartialité. En d’autres termes, il n’y a pas « préjugement » dans le chef dudit
juge.

Au regard des éléments que nous venons de développer ; un juge qui a statué sur
opposition après avoir connu de la même affaire par défaut de l’une des parties, son
impartialité n’est pas ébranlée pour des raisons suivantes :
- L’opposition, voie de rétractation, suppose que l’affaire revienne devant la
juridiction qui a rendu la première décision, à l’inverse de l’appel qui, voie de réformation,
conduit à la connaissance du litige par une juridiction supérieure. Il n’y a donc rien d’anormal
à ce que l’opposition soit connue de juges qui ont rendu le jugement, objet du recours, et le
principe d’impartialité reste sauvegardé;

- L’opposition met la décision attaquée à néant, le prévenu se retrouve donc à la


case de du départ. Le fait d’avoir été jugé deux fois par les mêmes juges, le prévenu ne perd
d’ailleurs rien car rien ne lui interdit de faire appel ensuite. On peut même soutenir qu’il n’est
pas vraiment jugé deux fois car la première décision rendue par hypothèse en son absence
apparaît comme une fausse décision, rendue par de juges qui souvent n’auront pas hésité à
frapper très fort, pour inciter le prévenu ou la partie défaillante à faire opposition;

- Le nombre de magistrats ne peut pas permettre à ce qu’il ait de juges « neufs »


pour juger toutes les affaires venues sur opposition d’autant plus que celles-ci sont souvent
nombreuses dans la pratique judiciaire530.

Toutes ces raisons nous permettent de dire que le juge n’est donc pas partial
quand, sur opposition, il juge une seconde fois la même affaire et surtout qu’après décision
sur opposition, le justiciable bénéficie du droit de faire appel. Autrement dit, dans ces
circonstances, le juge ne peut pas être récusé.

a.9. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties sur tierce opposition au même degré de juridiction

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire adressée à la même juridiction


qui a rendu le jugement, et qui confère le droit à un tiers non appelé à la cause (qui n'était pas
partie ou n'était pas représenté), de s’opposer à une décision qui préjudicie ses droits, de faire
rétracter celle-ci. En d’autres termes, c’est la voie de recours ouverte aux tiers pour rejuger en
fait et en droit un jugement qui affecte leurs intérêts531.
J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.55.
530
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français, et de
l’Afrique francophone, Vol. II., L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p.403.
531
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 2, p. 11; S. GUINCHARD
(sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 551.11,
pp.1589-1590 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 493, p.459; L.
CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 857, p. 580 ; O. STAES, Droit judiciaire
223

S’agissant de la tierce opposition, elle peut aussi être jugée par les mêmes magistrats 532
qui ont connu de cette même affaire faisant l’objet de tierce opposition. Sur ce point, le
Conseil d'Etat français a jugé que le principe d'impartialité ne fait pas obstacle à ce que ce
recours soit jugé par le juge (en l'occurrence en référé) qui a rendu la décision attaquée, car
aucune règle générale de procédure ne fait pas obstacle à cette solution fondée sur la
spécificité de recours533. Les raisons que nous avons développées en matière d’opposition s’y
appliquent mutatis mutandis.

a.10. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties sur requête civile

La requête civile est une voie de recours extraordinaire de révision en matière civile
adressée à la même juridiction qui a rendu la décision attaquée 534 par laquelle une partie
estimant qu’elle a été victime d’une erreur de fait involontairement commise par le juge,
demande que l’affaire soit jugée à nouveau par le même tribunal qui l’avait déjà jugée. Il
s’agit donc d’une voie de rétractation par laquelle on revient devant les mêmes juges qui
avaient déjà statué dans l’affaire pour leur demander de modifier leur décision passée en force
de la chose jugée à la suite de l’erreur qui a été introduite par l’une des parties au procès et qui
a été découverte postérieurement au prononcé de la décision.

S’agissant de son impartialité; étant donné que le juge qui a statué antérieurement dans
l’affaire avait été induit en erreur par l’une des parties au procès, en conséquence, rien ne lui
empêche de statuer de nouveau sur la même affaire sur requête civile. De même, lorsque les
mêmes juges examinent une requête en rectification ou en interprétation d'une décision qu'ils
ont rendue, il n'y a pas violation du principe d'impartialité535.

privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n°
440, pp. 455 et s.
532
Cassation française (ch. Crim.), 25 juillet 1989, pourvoi n° 88-87.658, Lexilaser cassation ; Cassation française
(ch. crim.), 23 octobre 1996, Bull. crim. , n° 370 ; D., 1997, IR, p.13 ; Cassation française, (2ème chambre civile),
20 octobre 2005, n° 04-17468; Cassation belge, 1 er avril 1993, Bull. et Pasicrisie belge, 1993, I, n° 172 et la note
2/7, p. 349 ; Cour d’appel de Mons, 17 mai 1995, JLMB, 1995, p. 1033 ; Cassation belge, 25 janvier 1994,
Pasicrisie belge, 1994, I, p. 102 ; Cassation belge, 16 janvier 2002, Pasicrisie belge, 2002, p. 161 ; G. CLOSSET-
MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1993 à 2005). Droit judiciaire privé. Les voies de recours », in
RCJB, 3ème trim. 2006, pp. 666-667.
533
Conseil d'Etat français, 10 décembre 2004, AJDA 2005, 782, note A. M. Mazetier.
534
Article 89 du Code de procédure civile.
535
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 3 mars 2011, n° 11-01191, Recueil Dalloz, 2150, obs. J. M.
Sommer et L. Leroy- Gissinger.
224

a.11. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après révision

La révision constitue un recours exceptionnel adressé à la Cour de cassation contre les


décisions de condamnation passées en force de chose jugée, qui pourraient constituer des
erreurs judiciaires en raison de certaines circonstances limitativement énumérées par la loi 536.
C’est donc une voie de recours extraordinaire, dont l’objet est de faire rétracter un jugement
ou arrêt pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. Ce recours vise à combattre une
décision dont le contenu s’explique par le comportement frauduleux d’une partie ou par
l’usage de documents ou témoignages faux. Il s’exerce dans une situation où le juge a été lui-
même trompé et a pu rendre une décision inéquitable, alors qu’exactement informé des
données du litige, il eût pu statuer dans un sens différent537.

La question qu'il convient de se poser est de savoir si un même juge peut connaître des
mêmes faits pour les mêmes parties après révision ? Peut-il dans ces conditions être récusé ?
Il convient à cet égard de distinguer deux situations : la connaissance de l’affaire après
révision ainsi que la connaissance de la révision elle-même. En ce qui concerne la
connaissance de l’affaire après révision, comme nous l’avons montré concernant l’opposition
et la tierce opposition ; il est donc normal de revenir devant la juridiction qui a été trompée en
raison de la nature de rétractation. Dans ce cas, même si le juge connaissait de la même
affaire, il ne serait pas récusé car il est de l'essence de revenir devant la juridiction qui a été
trompée pour parfaire le jugement en quelque sorte. Autrement dit, cette juridiction se borne à
parachever simplement un travail dont l'imperfection initiale a pour origine une mauvaise
information.

En ce qui concerne la connaissance de la révision elle-même par le même juge qui a


participé au jugement de la même affaire en première instance ou au degré d’appel, elle
pourrait être traitée de la même manière que l’appel ; en conséquence, le juge pourrait être
récusé partant du fait qu’on ne pourrait pas juger le recours de sa propre décision via
l’instance en révision. Cette position est partagée par la jurisprudence française 538.
a.12. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après cassation

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui soumet à la Cour de
cassation les décisions rendues en dernier ressort arguée de violation des règles de formes

536
Article 67 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
537
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 552.05, p. 1613.
538
Cassation française, 2ème ch. civ., 3 novembre 1993, Bull. II, 307, p. 171 ; D. 1994, IR.32 ; Cassation française,
ème
2 civ., 5 mai 1993, RTDCiv., 1993, 876, obs. J. Normand ; JCP, 1994, II.22.227, note du Rusquec ; Cassation
française, 2ème ch.civ., 12 juillet 2001, Droit et procédures, 2002, p.36, obs. Fricero ; D. 2001, 2639 ; S.
GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé,
Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p. 52.
225

substantielles ou prescrites de nullité ou de non-conformité à la loi 539. De manière simple, c'est


une voie de recours extraordinaire contre un jugement ou arrêt rendu en dernier ressort et
tendant à le faire annuler en tout ou partie pour violation des traités internationaux dûment
ratifiés ou de la loi ou de la coutume.

Dans ce cas de figure, la question qui peut se poser est celle de savoir si le même juge
peut siéger sur renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il a participé. Peut-il dans ce
cas être récusé ? Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au
même juge une cause sur laquelle il s’est déjà prononcé car il y aurait dans son chef un
« préjugement » qui enlèverait son impartialité. En d’autres termes, dans ces conditions, le
juge peut être récusé. Cette position est partagée par la jurisprudence belge 540 et française541.
D'ailleurs, en RDC, si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour de cassation
renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à une
juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne 542. Cela signifie qu'il est interdit au
juge de siéger sur renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il avait participé.

De même, les mêmes juges ne peuvent pas siéger dans la même affaire pour la deuxième
fois en matière de pourvoi en cassation. Lorsque cette question s'était posée à la Cour
européenne des droits de l'homme; celle-ci a admis que les requérants pouvaient nourrir des
soupons quant au caractère impartial de la Cour de cassation française, laquelle, saisie du
deuxième pourvoi, était amené une nouvelle fois à vérifier l'appréciation, par la Cour d'appel
de renvoi, des éléments constitutifs de l'infraction, alors que sept des neuf conseillers qui
avaient statué composaient la deuxième formation 543. Autrement dit, la Cour européenne a
conclu que le principe d'impartialité avait été violé.

Une autre question que l'on peut se poser est de savoir si les magistrats composant la
formation plénière de la Cour de cassation (cas de l'arrêt de principe ou revirement de
jurisprudence), peuvent connaître de la même affaire au niveau de la cassation alors que
certains d'entre eux avaient déjà siégé dans une chambre de 3 membres de la même Cour lors
de l'examen premier du pourvoi? La réponse est nuancée. En effet, si l'on conteste
l'impartialité de cette formation c'est en définitive le mécanisme de création de la

539
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème
éd. La Charte, 2014, p.1418.
540
Cassation belge, 19 octobre 1983, Pasicrisie belge, 1984, P.175. Cassation belge, 15 mars 2000, Pasicrisie
belge, 2000, I, p. 582.
541
Cassation française, 20 octobre 1999, D., 2000, IR, 25 ; Droit pénal, mars 2000, n° 38, obs. A. Maron ;
Cassation française, crim., 30 octobre 1996, Rapport de la Cour de cassation 1996, Paris, éd. La Documentation
française, 1997, p. 129 ; Conseil d’Etat, 27 mars 2000, SARL Maurel et fils, RFDadm., 2001-6, 1267 ; J.
NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA
(sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n°
13, p. 71.
542
Article 37 alinéa 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
543
CEDH (5ème section), 24 juin 2010, Mancel et Branquart contre France, n° 22349/06, Procédures, août-
septembre 2010, n° 314, pp. 16-17, obs. Fricero; JCP 2010, 210, p. 1589, obs. Sudre.
226

jurisprudence qui risque d'être mise en cause puisque le délibéré de l'Assemblée plénière de la
Cour de cassation consiste précisément en un dialogue entre les trois juges de la chambre qui
ont rendu la première décision et les autres collègues de la plénière qui apportent un regard
nouveau sur la question de droit examinée. Or comme dans certains cas, l'Assemblée plénière
consacre la "rébellion" des juges de fond, il serait judicieux d'y regarder à deux fois avant de
détruire un tel mécanisme d'unification dans l'interprétation du droit. Autrement dit,
l'impartialité ne serait pas violée compte tenu du rôle de l'Assemblée plénière de la Cour de
cassation. Mais dans la mesure du possible, il serait sage d'éviter de faire siéger dans la
composition de l'assemblée plénière de la Cour de cassation, les magistrats qui ont participé
au premier pourvoi en cassation.

b) L’intervention antérieure du juge comme témoin

Dans cette situation, seul le juge qui est réellement intervenu en qualité de témoin peut
être récusé, mais en principe, le juge dont l’une des parties prétend qu’il pourrait être témoin
n’est donc pas visé en l’espèce. A cet égard, le stade du témoignage importe peu, l'essentiel
est que le juge ait déposé en tant que témoin dans le cadre d’une enquête ordonnée par un
tribunal ou par une Cour ou dans le cadre d’une information ou d’une instruction, ou encore
volontairement ou à la requête d’une partie544.

Cette cause de récusation se justifie par le fait que le juge qui dépose en qualité de
témoin dans la cause qu’il est appelé à juger est présumé de manière irréfragable ne pouvoir
en connaître au fond. Il existe en effet une incompatibilité absolue entre les fonctions de juge
et la qualité de témoin à laquelle ne pourrait contrevenir un magistrat sans méconnaître les
règles fondamentales de composition des juridictions. Cette qualité de témoin suppose, à
peine de nullité de la décision à intervenir, l'exclusion de la formation de jugement de celui
qui a une connaissance particulière de l'affaire acquise en dehors des débats.

c) L’intervention antérieure du juge comme interprète ou expert

Ce cas de figure peut constituer une cause de récusation et une incompatibilité


constituant une règle essentielle d’administration de la justice étant donné que le cumul des
fonctions de juge et d'expert dans une même cause constitue tout à la fois une cause de
récusation. Cette exclusion se justifie par le fait que le juge se soit prononcé sur la solution du
litige dès avant l’ouverture des débats. En effet, le justiciable qui comparaît devant un juge
qui a déjà exprimé, avant l'ouverture du procès, son opinion quant au fond dans un rapport
d'expertise peut, dès lors, légitimement redouter qu'il nourrisse une opinion préconçue et que,
de ce fait, qu'il n'examine point sa cause avec toute l'impartialité requise545.

544
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La
Charte, 2000, p. 325.
545
CEDH, 29 mars 2001, D.N. c/Suisse, § 54, unanimité.
227

Concernant l'expert, il doit être impartial car il peut être récusé s'il se trouve dans les
mêmes conditions de récusation que le juge. Ainsi, l'expert peut être récusé lorsqu'il a été,
avant sa désignation comme expert, consulté par les parties et s'est entretenu avec elles du
différend546. La Cour de cassation belge a ainsi jugé qu’est juge et expert dans la même cause,
le médecin qui a participé à la décision de la commission de défense sociale qui a ordonné la
réintégration d’un malade alors qu’il a préalablement rédigé, à la demande du Procureur du
Roi et en vue d’éclairer ladite commission, un rapport relatif à l’évolution de l’état mental de
l’intéressé547. Autrement dit, dans ces conditions, il peut être récusé.

d) L’intervention antérieure du juge comme agent de l’administration

En principe, un juge ne peut pas siéger dans une affaire qu'il avait traitée
précédemment lorsqu'il était agent d'administration en raison de son manque d'impartialité.
Pour cette raison, il n'est pas admissible de permettre de faire partie de la composition du
siège, un ancien "fonctionnaire" qui a examiné la même affaire en tant qu'agent
d'administration. C'est par exemple le cas d'un ancien conseiller du ministre de la Justice qui a
influencé celui-ci à user de son pouvoir d'injonction à l'égard du Procureur général près la
Cour de cassation concernant l'affaire X; il ne pourrait pas siéger dans cette affaire lorsqu'elle
est pendante devant une juridiction s'il devenait plus tard juge qui devrait juger le fond de
cette affaire. Ainsi, il y a partialité lorsque le juge commissaire d'une procédure collective est
responsable du service contentieux d'une banque créancière de la société débitrice dont le
dirigent se voit infliger la sanction de faillite personnelle par le tribunal548.

e) L’intervention antérieure du juge comme avocat ou défenseur judiciaire

La partialité peut résulter du fait que le juge a déjà conseillé une partie dans l’affaire
qu’il s’apprête à juger. Cette relation peut créer un parti pris, entraînant la partialité 549. En
effet, la personne qui a assisté ou conseillé l’une des parties à l’occasion d’un litige serait
partiale si elle est ultérieurement amenée à se prononcer sur celui-ci en tant que juge. Cette
partialité serait manifeste puisqu’il a pris parti avant même d’être saisi, et aura
vraisemblablement à cœur de montrer que les conseils qu’il a prodigués étaient pertinents, ou
enfin, à adopté un point de vue relativement au fond de l’affaire.

Cette cause de récusation est valable quels que soient le mode (oral ou écrit) et la
forme (lettre, conclusions, article d’un journal, d’une revue) utilisés, et la qualité dans laquelle
le juge est intervenu. Il n’est pas nécessaire que le juge ait déjà eu la qualité de juge au
moment où il a donné conseil, plaidé sur l’affaire. Le juge devra s’abstenir s’il a donné un
avis en la matière en tant qu’avocat ou défenseur judiciaire, qu’il ait été à l’époque conseil de
l’une des parties.
546
Cour d'appel de Mons, 8 septembre 2000, R.G.D.C., 2002, p. 409.
547
Cassation belge, 14 février 1977, Pasicrisie belge, 1977, I, p. 634 ; JT., 1977, P. 745, note E. Brewaeys.
548
Colmar, 5 décembre 2000, Revue trimestrielle de droit commercial, 2001, 247, obs. Vallens.
549
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 318-321.
228

Ainsi, l'avocat qui, à quelque titre que ce soit, a représenté une partie en cause devant
une juridiction pénale ou civile, ne peut ensuite, comme juge assumé, siéger à cette juridiction
ni prendre part à l'instruction et au jugement de l'affaire. La Cour Européenne des Droits de
l’homme a estimé qu’il y a partialité dans le fait que l’avocat de la partie adverse a siégé
comme juge dans des procédures concomitantes auxquelles le requérant est partie 550. De
même, lorsque le juge a participé antérieurement dans la procédure principale en qualité
d’avocat des demandeurs, puis en qualité de magistrat au stade de l’examen de recours
constitutionnel formé par le requérant ; cette dualité de fonctions exercées dans une même
procédure, à laquelle s’ajoute le fait que la fille du juge mise en cause avait elle aussi
représenté les adversaires de l’intéressé, peut créer une situation propre à susciter des doutes
légitimes quant à l’impartialité de ce magistrat 551. Aussi, les liens qui existent entre un juge et
ses collègues d'une même juridiction peuvent, dans un litige relatif aux honoraires datant
d'une période où ce juge était encore avocat, susciter auprès des tiers une suspicion légitime
quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer 552. Enfin, la Cour de cassation
française a souligné que le conseiller prud’hommes (le juge assesseur du tribunal de travail)
qui a assisté l’une des parties dans la préparation de son dossier ne peut siéger dans la
formation qui statue sur le litige553.

C’est surtout au sujet de la signification exacte des termes « conseil » que naissent la
plupart des contestations. La cause de récusation doit sans aucun doute être appliquée lorsque
le juge a effectivement assuré la défense d’une partie ou donné une consultation. Tel est le cas
de l'avocat qui, ayant représenté le prévenu, remplit les fonctions de juge assumé dans la
même cause. C’est le cas aussi lorsque le juge contribue à élaborer la demande ou la défense
d’une partie, prête sa collaboration à la rédaction ou la correction de conclusions, assiste à une
consultation ayant lieu chez un avocat et donne son opinion à cette occasion, ou encore quand
il tente de persuader la partie adverse qu’elle a tort. Il importe peu à cet égard que le juge ait
procédé de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, ou qu’il ait donné son opinion
plus par hasard que consciemment554.

Mais lorsque le juge donne dans certains cas non des conseils, mais des indications, la
récusation ne sera pas admise. Tel est le cas de conseiller de consulter un avocat, d’orienter
l’attention d’une personne sur les conséquences défavorables éventuelles d’une procédure, de
l’inciter à trouver un règlement amiable ou de déconseiller une procédure. C’est pourquoi, la
550
CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre Suisse ; CEDH, 1er juin 2004, Puolitaival et Pirttiaho c/ Finlande, n°
54837/00, Décision de recevabilité.
551
CEDH, 15 juillet 2005, Meźnarić c/ Croatie, n° 71615/01, in Note d’information n° 77 sur la jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme, juillet-août 2005, pp. 21-22 ; dans le même sens C.A. Poitiers, 13
mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 2, 465, abs. A.D.
552
Cour de cassation belge, 14 janvier 2010, in Revue générale de droit civil belge, octobre 2011, p.398.
553
Cassation française (chambre sociale), 18 juillet 2001, n° 99-45.583 et 2 juillet 2002, n° 00-41.324, voyez T.P.
GRIDEL, « L’impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation », in Mélanges en l’honneur
de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 246.
554
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
229

Cour de cassation belge a estimé que ne peut constituer une cause de récusation, le fait que
lors d’une tentative de conciliation en matière divorce, le juge ait donné à l’une des parties,
non un « conseil », mais une information concernant ses droits555.

Du point de vue purement formel, ces exemples cités ne peuvent pas être considérés
comme causes de récusation. Il n’est toutefois pas exclu qu’ils compromettent dans certaines
circonstances l’impartialité du juge. Nous estimons que les juges devraient s’abstenir
d’intervenir de la sorte, même si une telle abstention s’avère délicate pour le juge consulté par
des membres de sa famille et par ses amis, qui n’apprécieront vraisemblablement pas le refus
de donner ne fut-ce que des indications.

Bref, nous pensons qu’un juge qui a été précédemment (même dans une autre affaire)
conseil de l’une des parties, aura difficile à transcender les relations avocat (défenseur
judiciaire)-client ou conseil-partie qui s’étaient tissées et peut être approfondies à une période
donnée. L’ancien conseil qui avait déjà l’idée de la personnalité de son client (appréciation
positive ou négative) ne pourrait être que partiale partant de leurs relations qui avaient
existé556.

8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier


de police judiciaire ou d’officier du ministère public

Concernant l'intervention antérieure du juge en qualité d'officier de police judiciaire;


il est à noter que la personne qui, dans l'affaire, a exercé les fonctions d’officier de police
judiciaire ou a participé à une enquête préliminaire, ne peut être juge. Il est en effet difficile
de participer au jugement d'une affaire alors qu'auparavant l'on a participé dans la même
affaire en tant qu'enquêteur, officier de police judiciaire, agent de police judiciaire dès lors
qu'on ne pourrait plus sauvegarder l'impartialité.

Concernant l'intervention antérieure du juge en qualité d’officier du ministère public;


elle nécessite que l’on pose des actes d’instruction préparatoire en matière pénale. En effet, il
est évident qu’un magistrat qui a engagé les poursuites pénales contre un plaideur n’offre
aucune garantie d’impartialité lorsqu’il se retrouve être un des membres du siège appelé à
statuer sur le bien fondé de l’accusation. En d’autres termes, le juge qui est intervenu
antérieurement en qualité d'officier du ministère public a déjà montré sa conviction de
culpabilité de la personne qu’il va juger. Autrement dit, il existe dans le chef dudit juge « un
préjugement » qu’il cherchera à confirmer lorsqu’il jugera l’affaire.

Le principe d’impartialité du juge recommande que celui-ci n’ait exercé


antérieurement les fonctions d’instruction préparatoire ; en clair, un juge ne peut dans une
même affaire exercer successivement les fonctions d’instruction préparatoire et de jugement.
555
Cassation belge, 24 juin 1993, Pasicrisie belge, I, p. 615 ; JJP, 1993, p. 307.
556
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 320.
230

Ce qui enlève l’aptitude de juger de manière impartiale c’est essentiellement que le juge
concerné soit intervenu précédemment à une autre occasion dans la même cause et que, par
ses décisions, il a déjà pris position sur tel ou tel aspect du problème, qui pourrait influencer
sa décision sur le fond.

La partialité du juge devient encore plus manifeste lorsque celui-ci est intervenu
antérieurement comme officier du ministère public. Cette qualité fait d’elle la partie
poursuivante en matière pénale, ce qui l’empêche de participer au jugement étant donné qu’il
ne peut pas être juge et partie. C’est cela qui constitue sa partialité 557. C’est pourquoi, nous
pensons que le ministère public ne pourrait pas présenter les garanties d’impartialité lorsqu’il
intervient ultérieurement comme juge car il lui serait difficile de tenir la balance égale entre
l’accusation et la défense, ou de ne pas être influencé, fut-ce inconsciemment, par l’opinion
nourrie à l’endroit de l’inculpé.

Cette incompatibilité de fonction se justifie par le fait que l’exercice de l’action


publique est l’acte de poursuite et d'instruction préparatoire par excellence qui emporte une
prise de position officielle quant à la culpabilité de la personne poursuivie. Au contraire, la
qualité du juge du siège l’enjoint à la plus stricte impartialité. Au ministère public la
responsabilité de l’action publique et la canalisation de la vindicte publique, au juge de juger,
moyennant une stricte neutralité et impartialité. L’officier du ministère public intervient
comme partie à la cause, s’engage, prend position et le fait savoir alors que le juge du siège ne
peut jamais se départir de son impartialité.

Cette possibilité de récusation se justifie par la circonstance que l’officier du ministère


public pourrait être tenté de confirmer la première opinion qu’il s’est forgée en la cause et, par
là même, la thèse de l’organe de poursuite et d’instruction préparatoire alors qu’il ne peut, en
qualité de juge de siège aborder l’examen de la cause animé de parti pris qui caractérise
l’officier du ministère public. Pour toutes ces raisons, nous pensons que le juge ne devait pas
être intervenu antérieurement dans l’affaire en qualité d’officier du ministère public.

L'ancien article 71, alinéa 1, 9° de l'ordonnance-loi n°82/020 du 31 mars 1982 portant


Code d'organisation et compétence judiciaires 558 prévoyait que le juge de paix ne pouvait pas
être récusé comme juge lorsqu'il avait déjà connu auparavant de la même affaire comme
ministère public ou officier de police judicaire. En effet, le juge de paix congolais cumulait les
fonctions de juge et celles du ministère public 559. Cela est à dire qu’il posait tous les actes
d’instruction préparatoire (audition des auteurs présumés de l’infraction, convocation, mandat
de comparution, mandat d’amener, mandat d’arrêt provisoire, requête aux fins de fixation
557
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 338 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, série A, n° 53, §309
; CEDH, 25 février 1997, Findlay c/ Royaume-Uni.
558
JORZ, 1er avril 1982, p. 39.
559
Articles 17 et 71 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaire ; article 180 de l’arrêté
d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours, tribunaux et
Parquets.
231

d’audience) et de juge (ordonnances d’autorisation et de confirmation de mise en détention


préventive, siège à l’audience et rend le jugement) et exécutait lui-même le jugement qu’il a
rendu. On voyait mal comment un tel juge pourrait présenter les garanties d’impartialité dès
lors qu’il cumulait les différentes fonctions judiciaires qui montrent qu’il avait déjà une
conviction de culpabilité préalable à l’égard du justiciable, autrement dit le « préjugement ».

C’est pour cette raison que l'article 49 de nouvelle loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire a supprimé cette hypothèse dans le but de se conformer au respect du principe
d'impartialité560. Désormais, le juge de paix est devenu un simple juge, il n'a plus qualité du
ministère public d'autant plus que l'article 65 alinéa 2 de cette nouvelle loi organique prévoit
le ministère public affecté spécialement à chaque tribunal de paix.

Il convient de préciser que la partialité ne peut être retenue que si le juge était
intervenu personnellement dans l'affaire en tant qu'officier du ministère public. En effet, si le
principe d'indivisibilité du ministère public permet à chacun de ses membres d'agir au nom de
tous, il ne saurait interdire au magistrat lui ayant appartenu de se prononcer comme juge sur
une procédure dont il n'a jamais eu à connaître dans ses fonctions antérieures. En outre,
l'interdiction pour un juge d'intervenir au parquet puis au siège ne vaut qu'au sein d'un même
litige (affaire); par conséquent un juge peut effectuer des actes de poursuites dans la première
affaire puis participer au jugement d'une seconde affaire mettant en cause les mêmes
personnes, dès lors que les procédures successivement ouvertes portent sur des faits distincts.

9. Propositions pour une réforme concernant les causes de récusation

L’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire énumère limitativement
huit causes de récusation qui sont très restrictives. Or, la loi n’a pas prévu toutes les
hypothèses possibles qui peuvent constituer la partialité du juge. En conséquence, il est
souvent difficile que la requête de récusation ne remplissant pas les conditions restrictives
fixées par la loi puisse aboutir alors qu’il existerait dans le chef du juge mis en cause les
conditions évidentes de partialité. Cette limitation de causes de récusation prévues par la loi
ne permet pas au justiciable d’être rassuré qu’il serait jugé par un juge impartial.

Pour y pallier, il conviendrait d’introduire une autre cause de récusation qui


regrouperait différentes hypothèses de récusation non énumérées à l’article 49 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire. Nous pensons que l’on devrait prévoir comme cause de
récusation « lorsqu’il existe dans le chef du juge l’ensemble des circonstances qui montrent
qu’il ne présente pas les garanties d’impartialité ». Cela donnerait plusieurs possibilités aux
justiciables de montrer une éventuelle partialité du juge d’autant plus que la loi ne peut pas
560
Il s'agit de la proposition de professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de ce projet de loi
organique en août 2006 à la Commission permanente de Réforme du Droit Congolais.
232

prévoir toutes les hypothèses possibles du défaut d’impartialité. Il appartiendra ainsi à la


jurisprudence de la Cour de cassation, éventuellement d'autres juridictions, de fixer son
contenu.

II. Conditions de forme

L’article 50 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
le demandeur de récusation devra le faire sous peine d’irrecevabilité dès qu’il a connaissance
de la cause et au plus tard avant la clôture des débats par une déclaration motivée et actée au
greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait partie. Le mot dès qu'il a connaissance
de la cause de récusation utilisé dans la loi signifie le moment où le demandeur de récusation
qui n'est autre que l'une des parties de la cause en instance, connaît et est convaincu que le
juge qui va connaître ou connaît sa cause se trouve dans l'une des hypothèses prévues par
l'article 49 de la loi organique susvisée.

De même, nous pensons que le juge récusable devrait être celui qui va connaître ou
connaît de l'affaire au fond car on voit mal comment on pourrait récuser le juge qui a siégé
uniquement à l'audience de renvoi d'autant plus que ledit juge ne pourrait pas faire partie de la
composition de la chambre qui va instruire et juger la cause. Enfin, par l’expression « au plus
tard avant la clôture des débats », il faut entendre avant la clôture des débats sur le fond du
litige mais non avant la clôture des débats sur un incident 561. Cela signifie que lorsque le juge
a pris la cause en délibéré, sa récusation aux termes de la l'article 50 de la loi organique
susvisée devient irrecevable.

La rigueur de ces conditions de forme prévues à l'article 50 alinéa 1 de la loi organique


n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire s’explique par le souci de responsabilité de la partie récusante
et la sécurité des droits de magistrats éventuellement lésés.

§ 6. Procédure de récusation

Elle est prévue par les articles 50 à 54 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire.
Nous aborderons la juridiction compétente (I), les personnes autorisées à récuser (II), les
modalités d’introduction de la demande de récusation (III), les éléments essentiels de la
demande de récusation (IV), le moment de la récusation (V), le déroulement de l'audience et
jugement de la récusation (VI), les voies de recours (VII), les sanctions applicables (VIII)
ainsi que les effets du jugement de récusation (IX).

561
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp. 35-36.
233

I. Juridiction compétente

En République démocratique du Congo, c'est la juridiction à laquelle fait partie le juge


mis en cause qui est compétente et statue toutes affaires cessantes, la partie récusante
entendue mais le juge concerné ne peut faire partie du siège 562. En Belgique563, c'est la
juridiction directement supérieure qui est compétente, et en France, c'est en principe la Cour
d'appel564.

Nous pensons que le fait de permettre à la juridiction à laquelle appartient le juge récusé
de connaître la procédure de récusation ne facilite pas l'impartialité de cette juridiction. En
effet, ce juge récusé fréquente ses collègues de juridiction chaque jour, il partage avec
certains peut-être le même bureau, il échange comme il en est dans la pratique, les différents
points de vue sur certains dossiers judiciaire; dans ces conditions, la juridiction à laquelle
appartient le juge récusé, ne présenterait pas les garanties d’impartialité.

Cela devient encore plus manifeste lorsqu'une juridiction doit se prononcer sur la
récusation de son chef de corps ou le chef du ressort. Tel est le cas de la Cour d’appel de
Bukavu qui a rejeté une demande de récusation à l'encontre de son premier président 565. Cette
Cour d’appel ne se prononcerait pas en toute impartialité dans l'affaire en raison de l'autorité
hiérarchique de ce magistrat sur les juges de la Cour d’appel. D'ailleurs en Belgique 566comme
en France567, cela constitue un motif de suspicion légitime. C'est pourquoi, nous pensons qu'à
tout le moins la récusation devrait être de la compétence de la juridiction directement
supérieure lorsque la RDC aura un nombre suffisant des magistrats comme 10.000 magistrats
car le chiffre actuel de 3.500 magistrats pour une population de 70 millions d'habitants ne
pourrait pas faciliter que le demandeur de récusation parcoure plusieurs kilomètres pour saisir
la juridiction directement supérieure à laquelle appartient le juge récusé.

II. Personnes autorisées à récuser

Les termes de l'article 50 alinéa 1 de la loi organique susvisée prévoient "celui qui veut
récuser". Ce mot signifie la partie à la cause; autrement dit, la faculté de récusation
n'appartient qu'aux parties. Etant donné que c'est un acte grave, la récusation doit être
demandée soit par la partie elle-même, soit par son avocat muni d'une procuration spéciale,
même s'il est mandataire ad litem. Il nous paraît logique que seules les parties concernées
dans la cause soient autorisées à demander la récusation, sinon la demande peut être
562
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
563
G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
6.13, p. 576.
564
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 553.115, p. 1159.
565
Cour d'appel de Bukavu, 5 novembre 1985, en cause Mme Shamamba N. c/premier président Munona N.,
R.R.011, inédit.
566
Cour de cassation belge (lère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Pas., 2001, p. 1587 ; Cass. belge (2 e ch.), 4
octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
567
Cour de cassation française (2 ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6; Cour de cassation française
(ch. civ.), 13 janvier 1982, NP, Gazette du Palais, 1982.2.553.
234

irrecevable pour défaut d'intérêt et est dénuée de tout effet suspensif. En conséquence, la
requête déposée par un tiers étranger à la cause ne constitue pas une demande de récusation au
sens de la loi. La partie implique également son avocat muni d'une procuration spéciale. Cela
signifie qu'un avocat craignant l'animosité d'un juge à son endroit ne saurait former en son
propre nom une demande de récusation s'il n'est porteur d'une procuration spéciale de la partie
de la cause même s'il est mandataire ad litem. C'est pourquoi, la Cour suprême de justice a
souligné que la récusation sera irrecevable lorsque le mandataire qui a formé la récusation ne
justifie pas d’une procuration spéciale pour agir en lieu et place du récusant568.

III. Modalités d'introduction de la demande de récusation

L'article 50 alinéa 1 de la loi organique susvisée prévoit que la récusation est faite par
une déclaration motivée et actée au greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait
partie. Cela signifie qu'en principe la déclaration de récusation se fait au greffe de la
juridiction saisie d'une cause originaire. Un message électronique (courriel, mail) adressé à
l'adresse électronique du ministère de la Justice, du Conseil supérieur de la magistrature, ou
du greffe de la juridiction saisie, pour demander la récusation d'un juge, ne répond pas aux
conditions requises pour constituer la récusation, en sorte qu'il ne produit aucun effet et
qu'aucune suite judiciaire ne doit lui être réservée.

Dans la pratique, il arrive souvent que les causes de récusation surgissent à l'audience
avec la pression de devoir en faire sur le banc, dans ces conditions, le demandeur ou son
avocat peut demander la suspension de l'audience afin de faire sa déclaration motivée et la
faire acter au greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait partie et ensuite, le greffier
de la composition devrait transmettre la déclaration de récusation au président de juridiction
afin qu'il désigne la composition du siège devant statuer sur la récusation. C'est d'ailleurs la
position de la Cour suprême de justice qui a dit avec raison que doit être écartée des débats,
une lettre de récusation déposée à l’audience par le récusant en violation de termes de la loi ;
par contre, est admise une requête en récusation déposée au greffe et communiquée au
magistrat mis en cause qui a pu faire la déclaration écrite exigée la loi 569.

Nous pensons qu'il serait excessif de rejeter la demande de récusation introduite à


l'audience de la juridiction. En effet, le principe d'impartialité du juge (avec l'indépendance du
juge) est l'un des principes le plus importants du procès équitable, il ne serait pas sage de le
sacrifier au nom du juridisme exagéré et surtout injustifié. C'est pourquoi, il serait judicieux
de recevoir la demande de récusation déposée à l'audience. Dans ce cas, le greffier audiencier
devrait acter sur le procès-verbal d'audience la déclaration de récusation et qui devrait être
suivie d'un renvoi pour régularisation au greffe après l'audience. Cette solution est plus
pragmatique. Ainsi, lorsqu'une partie désapprouve le comportement du juge à l'audience ou
estime qu'un incident mérite d'être mentionné au procès verbal d'audience, il lui appartient
d'inviter le greffier à en prendre acte. Faute d'avoir formulé cette demande et ne disposant
568
Cour suprême de justice, 17 février 1994, Sh. contre G., RRA 10/001, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
569
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR1, Revue juridique du Zaïre, Janvier à décembre 1995, n° 1-3, pp.
35-36.
235

d'aucun commencement de preuve de récusation qu'elle invoque, elle ne peut établir par
témoins la demande de récusation. Une lettre adressée par le justiciable au juge, manifestant
son intention de le récuser, ne peut pas déclencher le processus de récusation.

Après cette étape, le président de juridiction devra désigner la composition du siège qui
pourra statuer sur la récusation. La juridiction à laquelle appartient le juge mis en cause statue
sur la récusation toutes affaires cessantes et dans la forme ordinaire, la partie récusante
entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du siège appelé à statuer sur la
récusation570.

IV. Eléments essentiels de la demande de récusation

Contrairement à la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime qui vise une
juridiction dans son ensemble, la demande de récusation ne tend à écarter que l'un des juges
ou certains juges nommément désignés; dans tous les cas, pas tous les juges composant une
juridiction. La récusation ne peut être demandée que contre une ou plusieurs personnes
déterminées et non contre un corps de magistrats en général. La requête doit désigner
nommément le ou les juges récusés et contenir l'exposé des moyens concrets invoqués, avec
toutes les justifications utiles à l'appui de la demande. Elle doit spécifier d'une manière précise
les faits et circonstances desquels résulterait la cause de récusation, afin de permettre au juge
de s'assurer que le cas de récusation invoqué est bien prévu par la loi. Elle doit aussi indiquer
avec précision les motifs de récusation (et non pas être vague dans la demande), en outre, elle
doit être accompagnée des pièces propres à la justifier. En conséquence, est irrecevable, la
demande en récusation qui est dépourvue de la clarté et de la précision requises pour
déterminer la portée et l'étendue des griefs invoqués ou la requête qui a seulement une
certaine apparence de récusation et ne permet pas de déceler l'intention ni la procédure
réellement visée par le requérant.

Le juge saisi de la récusation ne peut statuer que sur la base des moyens contenus dans
l'acte de récusation et soumis à la contradiction du juge récusé. Des moyens complémentaires
de récusation invoqués dans des conclusions déposées à l'audience ou en vue de celle-ci sont
irrecevables. Il en va de même d'éventuels moyens complémentaires présentés oralement à
l'audience.

Si la récusation concerne plusieurs juges de la même juridiction, la demande de récusation


peut être introduite par le même acte mais elle doit démontrer en quoi chaque juge est
concerné par les causes de récusation. Dans l'hypothèse où une autre cause de récusation s'est
révélée postérieurement à une requête en récusation visant un ou plusieurs juges, le
demandeur peut introduire une autre requête de récusation. La récusation ne se présume pas,
le récusant doit démontrer en quoi le juge est suspecté de partialité en s'appuyant à l'une ou
l'autre des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée. Bref, il doit apporter
la preuve de ce qu'il allègue par tout moyen de droit (témoin, pièces, etc.). La sanction de non
respect de ces exigences est l'irrecevabilité.
570
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
236

En effet, la récusation d'un juge est un acte grave qui ne peut être entrepris que si sa
légitimité en apparaît clairement et notoirement. Tel n'est pas le cas des déclarations d'un
plaideur qui procèdent plutôt de l'imprudence, de légèreté et de l'imprécision 571 ou lorsque le
récusant exprime d'une manière confuse et incompréhensible des accusations incohérentes. Il
en est de même du demandeur qui ne présente pas devant le tribunal un quelconque avis
donné dans l'affaire par le juge récusé 572 ou lorsqu'il a fondé son motif de récusation que le
juge avait déjà donné son avis dans l'affaire, et pourtant il n'a montré aucun élément probant.

De même, lorsque la récusation de plusieurs juges est demandée, ceux-ci doivent être
mis en cause individuellement, c'est-à-dire le requérant doit montrer quels sont les motifs de
récusation pour chaque juge. En conséquence, la requête sera irrecevable lorsque le requérant
n'est pas en mesure d'identifier clairement le juge qu'il souhaite récuser ou parce que celui-ci
n'est pas ou n'est plus chargé de l'examen de la cause ou a déposé une requête de suspicion
légitime concernant un juge au lieu de récusation ou lorsqu'il a demandé la récusation de toute
la juridiction dans son ensemble au lieu de la suspicion légitime ou lorsque la récusation ne
poursuit d'autre but que de paralyser le cours de la justice et de nuire aux intérêts des parties
adverses. Dans le même ordre d'idées, pour être récusable, le juge doit être saisi de la cause; il
s'ensuit que la demande de récusation dirigée contre un juge qui n'était pas encore saisi de la
cause, sera irrecevable. Il en va de même d'un magistrat admis à la retraite, ainsi que contre
des magistrats qui ne faisaient pas partie du siège de la cause.

Il est généralement admis que la récusation présente un caractère facultatif pour la partie
qui a le droit de la proposer. Il en résulte notamment que la juridiction n'est pas tenue de
relever d'office une cause de récusation dont elle aurait connaissance; autrement dit, par son
silence, ou son inaction, le plaideur peut renoncer au droit d'écarter au siège un juge se
trouvant dans une des situations de la récusation. Il en va cependant différemment lorsque
cette cause de récusation constitue également un cas d'incompatibilité, la juridiction étant
alors tenue de relever l'irrégularité de sa composition (exemple: lorsque dans la composition
du siège, le représentant du ministère public et un juge sont mariés) .

V. Moment de la demande de récusation

La partie qui souhaite procéder à une récusation ne peut le faire qu'à l'occasion d'un procès
et pour ce procès, non de façon générale et préventive. Elle doit agir sous peine
d'irrecevabilité dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation et au plus tard avant la
clôture des débats573. Cela signifie que la récusation devrait être proposée aussitôt que la cause
qui la fonde est connue de la partie qui s'en prévaut et, en tout cas, avant la clôture des débats.
571
Cour d'appel de Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts), R.R.011, Mme Shamamba N. c/Premier président
Munona N.; R.R.012, Mme Shamamba N. c/Conseiller Makonga N.; R.013, Mme Shamamba N. c/Conseiller
Kadiebwe N., inédits; Tribunal de grande instance de Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba N. c/Juge
Mukendi M., R.R.004; Cour d'appel de Dakar, 11 mars 1983, Revue Éditions juridiques africaines, novembre
1987, p. 23, note Doudou Ndoye.
572
Tribunal de grande de Bukavu, 5 août 1994, B c/Juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du
Zaïre, n° 1-2 et 3, janvier à décembre 1995, p. 64.
573
Article 50 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
237

Par l’expression « avant la clôture des débats », il faut entendre avant la clôture des débats
sur le fond du litige mais non avant la clôture des débats sur un incident 574. Une demande de
récusation introduite après la clôture des débats (après la prise en délibéré de la cause) serait
irrecevable. Il se déduit du caractère facultatif de la récusation que la partie qui s'est abstenue
de demander la récusation d'un juge avant la clôture des débats a renoncé sans équivoque à
s'en prévaloir. Cette solution permet sans conteste de lutter contre les manœuvres dilatoires.

Aussi, la récusation ne peut plus être proposée une fois que les juges qui ont connu de la
cause en sont dessaisis pour avoir rendu leur décision. De même, toutes les causes de
récusation existant à un certain moment et connues à ce moment par le demandeur en
récusation, doivent être présentées simultanément; une seconde demande en récusation est
irrecevable lorsqu'elle est fondée sur des faits déjà connus lors de la première récusation.
Enfin, la récusation ne peut plus être proposée une fois que les juges qui ont connu de la cause
en sont dessaisis pour avoir rendu leur décision.

VI. Délai de citation d'audience de la récusation

L'article 51 alinéa 1 er de la loi organique susvisée prévoit que la juridiction à laquelle


appartient le juge mis en cause statue sur la récusation toutes affaires cessantes et dans la
forme ordinaire, la partie récusante entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du
siège appelé à statuer sur la récusation. Comme la loi parle de la forme ordinaire, nous
pensons qu'il s'agit du délai de huit jours francs pour inviter les parties à se présenter afin de
faire valoir leurs observations s'il échet. Mais les parties ne sont pas obligées de se présenter.

VII. Déroulement de l'audience et jugement de la récusation

1. Déroulement de l'audience

L'article 50 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire dit qu'après avoir
réceptionné la demande de récusation au greffe, le greffier de la juridiction notifie la
déclaration de récusation au président de la juridiction ainsi qu’au juge mis en cause. La loi ne
prévoit pas le délai dans lequel le greffier devrait notifier le juge. En toute logique, c'est
aussitôt qu'il reçoit la demande de récusation d'autant plus que c'est une matière qui requiert
célérité car si le greffier n'est pas diligent, il est passible de sanction disciplinaire.

Le juge fait une déclaration écrite ou verbale (portant ou son acquiescement à la récusation,
ou son refus se s'abstenir), actée par le greffier dans les deux jours de la notification de l’acte
de récusation575. Le délai de deux jours se calcule le lendemain de la remise de l'acte de
récusation par le greffier. Nous pensons que le délai de deux jours est indicatif et sa violation
ne peut entrainer de sanction. La communication de la requête en récusation au juge par le

574
Cour suprême de justice, 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre
1995, pp. 35-36.
575
Article 50 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
238

greffier suspend la procédure originaire (sur le fond) en cours. Aussitôt informé, le juge
récusé doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait statué sur sa récusation car il ne peut pas stature lui-
même sur sa récusation. L'effet suspensif attaché à la récusation formée contre un juge d'une
juridiction prend fin à compter du jour de la signification aux parties du jugement qui la
rejette.

Le juge doit faire connaître son choix: soit il acquiesce à la demande de récusation, soit il
s'y oppose. Au cas où le juge acquiesce ou s'oppose à la récusation; dans les deux cas, le juge
doit faire une déclaration écrite ou verbale de façon expresse, actée par le greffier dans les
deux jours. Comme on le voit, cette déclaration n'est soumise à aucune condition de forme,
l'essentiel est qu'elle soit écrite ou verbale. Toutefois, le juge ne peut formuler sa déclaration
sous forme d'une décision judiciaire contresignée par le greffier. Ne pas répondre dans ce
délai ou ne pas le faire selon les prescrits de l'article 50 alinéa 2 de la loi organique susvisée
vaut opposition à sa récusation.

Au cas où le juge concerné par une requête en récusation a accepté (acquiescé) la


récusation ou déclare se déporter, la requête devient sans objet, le président devrait alors
remplacer ledit juge et la procédure originaire pourra se poursuivre sans celui-ci. En revanche,
au cas où le juge récusé s'oppose à la récusation, l'on devra d'abord examiner si la récusation
est fondée. Dans ce cas, le président de juridiction doit désigner la composition du siège qui
statuera sur la récusation. De la sorte, la juridiction à laquelle appartient le juge mis en cause
statue sur la récusation, toutes affaires cessantes et dans la forme ordinaire (la partie récusante
est notifiée de la date d'audience c'est-à-dire dans le délai de 8 jours francs), la partie
récusante entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du siège appelé à statuer sur la
récusation576 car il ne peut pas stature lui-même sur sa récusation. Cela signifie quand bien
même la récusation serait-elle demandée à l'audience, la composition du siège à la quelle
appartient le juge concerné ne peut statuer sur pareille prétention. Mais au cas où le jugé
récusé continue à siéger dans la procédure de récusation, cette procédure sera nulle à partir du
moment de la remise de l'acte de récusation.

Après toutes ces formalités, la récusation doit être alors être jugée toutes affaires cessantes.
En principe, la procédure ne comporte pas d'échanges écrits. Ainsi, les conclusions du
ministère public, n'avaient pas à être communiquées à l'auteur de la récusation. Il n'est pas
nécessaire d'appeler à l'audience ni la partie non récusante ni le juge récusé, les débats oraux
ne s'imposent pas davantage, mais la possibilité n'en est pas exclue. Mais le demandeur de
récusation (le requérant), seul à être partie à cette procédure devra être convoqué et entendu
(article 51 alinéa 1 de la loi organique susvisée). Celui-ci doit faire valoir à l'audience,
verbalement ou par le dépôt d'un écrit, ses observations quant au bien fondé des moyens
invoqués dans l'acte de récusation, quant au bien fondé des réponses que le juge dont la
récusation est demandée donne à ces observations. Les autres parties au litige principal, en
revanche, n'y ont pas leur place. Une intervention de leur part ne serait pas recevable, à moins
qu'elle soit accessoire, destinée à appuyer le requérant. Enfin, la composition du siège par le
576
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
239

bais du greffier devra obligatoirement communiquer le dossier au ministère public pour avis
étant donné que c'est une cause communicable577.

Comme on le voit, la procédure est donc contradictoire et jugée sur conclusions du


ministère public, les parties (concernées par la récusation) ayant été dûment convoquées pour
être entendues afin de faire valoir leurs observations. L'hypothèse du défaut n'est pas
envisageable. Mais le juge récusé n'est quant lui, pas partie à la cause de récusation mais il
peut devenir partie dans l'incident de récusation s'il réclame des dommages et intérêts ou s'il
prend l'initiative d'un acte d'intervention, auquel cas il doit être convoqué et entendu, mais ne
doit alors siéger dans la cause. En principe, la récusation doit être examinée en audience
publique, dans la mesure où l'article 51 alinéa 1er de la loi organique susvisée dit que la
juridiction statue dans la forme ordinaire. Cette forme implique donc la publicité de
l'audience.

2. Jugement de la récusation

La procédure aboutit à un jugement qui admet ou rejette la récusation. Ce jugement est


notifié en principe au récusant, à la partie éventuelle (si elle s'est constituée) et au juge récusé.
Si le tribunal statuant en premier ressort rejette la récusation, il peut ordonner, pour cause
d’urgence, que le siège comprenant le juge ayant fait l’objet de la récusation rejetée poursuive
l’instruction de la cause, nonobstant appel578.

Ce mécanisme "pour cause d'urgence" a été introduit dans la loi pour empêcher que
certains justiciables véreux (comme c'est fréquent dans la pratique judiciaire) ne puissent pas
à dessein paralyser le fonctionnement de la justice avec des récusations intempestives.
Malheureusement la loi n'a pas précisé les éléments de l'urgence, il serait souhaitable qu'une
circulaire soit prise rapidement, soit par le ministre de la Justice, soit le Premier président de
la Cour de cassation, soit par le Procureur général près cette Cour afin de donner les contours
du mot "pour cause d'urgence". A défaut de cette précision, on risque de constater beaucoup
d'abus dans la pratique. Mais nous pensons que les conditions de l'urgence sont réunies dès
que les inconvénients sérieux sont à redouter ou que l'on peut craindre un préjudice d'une
certaine gravité si l'on devrait attendre l'issue normale de la procédure de récusation devant la
juridiction d'appel. De même, les motifs d'urgence devraient être motivés afin d'éviter que la
procédure ne soit annulée complètement par la juridiction d'appel statuant sur la récusation.

VIII. Voies de recours

Les décisions statuant sur récusation sont susceptibles d'appel devant la juridiction
directement supérieur. Si le tribunal statuant en premier ressort rejette la récusation, il peut

577
Article 69, alinéa 1, point 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
578
Article 52 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
240

ordonner, pour cause d’urgence, que le siège comprenant le juge ayant fait l’objet de la
récusation rejetée poursuive l’instruction de la cause, nonobstant appel579.

Les décisions sur la récusation intervenues au premier degré devant le tribunal de paix
sont susceptibles d'appel devant le tribunal de grande instance, celles du tribunal de grande
instance, du tribunal de commerce, du tribunal de travail, du tribunal pour enfants, sont
susceptibles d'appel devant la Cour d'appel. Les décisions sur la récusation intervenues au
premier degré devant la Cour d’appel sont susceptibles d’appel devant la Cour de
cassation580. Les décisions sur la récusation prononcées à la Cour de cassation ne sont
susceptibles d'appel car il n'existe pas une juridiction supérieure à la Cour de cassation. De
même, le pourvoi en cassation n'est pas prévu en cette matière étant donné que la décision
qui se prononce sur une requête en récusation n'est pas une décision définitive au sens de
l'article 35 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 décembre 2013 relative à la
procédure devant la Cour de cassation.

Nous pensons qu'il serait mieux que la procédure de récusation ne soit pas susceptible de
voies de recours d’autant plus qu'étant un incident de procédure, le justiciable a tous les
temps et l'occasion de se défendre au fond d'une procédure, c’est le cas d'ailleurs, notamment
en Belgique581, France582, Sénégal, Côte d’ivoire et Bénin.

IX. Sanctions applicables

Le législateur a reconnu le droit de récuser les magistrats dans des circonstances bien
déterminées, mais en même temps, il a réglementé l'exercice de cette faculté de manière à
éviter, dans la mesure du possible, les manœuvres abusives ou vexatoires. Ainsi, si le
jugement rejetant la récusation est maintenu par la juridiction d’appel, celle-ci peut, après
avoir appelé le récusant, le condamner à une amende de cinq cent mille francs congolais (500
$)583, sans préjudice des dommages-intérêts envers le juge mis en cause 584. En réalité, l'esprit
du législateur voulait dire que l'amende peut aller jusqu'à l'équivalent de 500 $, ce qui signifie
qu'elle sera prononcée en tenant compte du revenu du récusant. En clair, un villageois de
Walikale ou Jomba (Province du Nord-Kivu) ou de Luvungi (Province du Sud-Kivu) ou de
Kasumbalesa (Province du Katanga) qui n'a pas de revenu suffisant dont la demande de

579
Article 52 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
580
Article 53 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
581
G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n°6.22, p. 579; G. CLOSSET-MARCHAL, "L'impartialité du juge: récusation et dessaisissement en droit belge", in
L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, pp. 179-195; F.
HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 38 et 48, pp.45 et
55.
582
S. GUNCHARD (sous direction) et alii, Droit et la pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 353.118, p. 1160.
583
Il s'agit de la proposition de professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de ce projet de loi
organique en août 2006 à la Commission permanente de Réforme du Droit Congolais.
584
Article 53 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
241

récusation a été rejetée, peut être condamné par exemple à l'amende de 5 $, 10 $, 20 $, 50 $;


pourvu qu'elle ne dépasse pas 500 $.

Une circulaire devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation afin de clarifier ces précisions. De même, lorsque la récusation est dirigée contre un
magistrat siégeant à la Cour de cassation, cette juridiction peut, en cas de rejet de la
récusation, prononcer les condamnations prévues c'est-à-dire l'amende de cinq cent mille
francs congolais et les dommages-intérêts s'il y a lieu 585. En France, le Code de procédure
pénale prévoit que l'amende civile varie entre 75 à 750 euros 586, mais si la demande de
récusation visait un magistrat de la Cour de cassation, cette amende peut atteindre 3.000
euros. Le Code de procédure civile prévoit l'amende civile d'un maximum de 3.000 euros 587
laissée au pouvoir discrétionnaire de la juridiction compétente. En Belgique, l'amende varie
entre 15 à 2.500 euros sans préjudice des dommages et intérêts. Mais seules les demandes de
récusation manifestement irrecevables peuvent conduire à une telle amende, principalement
lorsque la partie utilise la procédure de récusation à des fins manifestement dilatoires ou
abusives588. Une demande est manifestement irrecevable lorsque le demandeur n'invoque
aucune circonstance qui peut raisonnablement justifier la récusation et qui perturbe
sérieusement le fonctionnement de la justice 589, les circonstances invoquées sont étrangères
aux causes de récusation590, la requête qui ne précise pas l'identité des parties dans le litige à
propos duquel la récusation est demandée 591, la requête qui n'est pas signée par le demandeur
et à laquelle la procuration spéciale imposée par la loi n'a pas été annexée à cette requête 592.

Lorsque le tribunal rejette la demande de récusation, le demandeur peut être condamné


aux dommages et intérêts en réparation de l'injuste agression dont le juge récusé a été
victime593 à condition que le juge récusé ait sollicité ces dommages et intérêts, et justifie d'un
préjudice ou ait été partie ou intervenant dans la procédure de récusation. Pareille demande
n'est toutefois possible que s'il s'est abstenu de siéger en la cause. La responsabilité des
récusants est fondée non seulement sur la faute, la négligence ou l’imprudence, mais
également sur le risque inhérent à la liberté d’action en justice qu’ils croyaient de bonne foi
exercé594. Pour la réparation du préjudice moral subi du chef de la récusation, il y a lieu de

585
Article 53 alinéa 1 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
586
Article 673 du Code de procédure pénale.
587
Article 353 du Nouveau Code de procédure civile.
588
Article 780 bis du Code judicaire belge; Voyez spécialement, F. HENRY, Les procédures de récusation et de
dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 33, p.42; P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE LEVAL (sous
direction), La jurisprudence du Code judiciaire commentée, Volume II.A, L'instance (D. MOUGENOT,
coordination), Bruxelles, éd. La Charte, 2013, p. 343.
589
Cour de cassation belge, 9 janvier 2004, Pasicrisie belge, 2004, n° 8.
590
Cour de cassation belge, 3 janvier 2002, Pasicrisie belge, 2002, n° 4, p. 12, Larcier cassation 2002, (somm).
591
Cour de cassation belge, 31 janvier 2003, Pasicrisie belge, 2003, n° 74.
592
Cour de cassation belge, 21 décembre 2000, Pasicrisie belge, 2000, n° 719.
593
Article 53 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; Cour suprême de justice, 27
avril 1995, R.R.02/CR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp. 36-40 ; C.S.J., 18 mai 1995, BA et
crts c/ B., Bo, Ti et N., RR.03, Ibidem, pp. 40-42.
594
Ibidem, pp. 36-40.
242

prendre en considération, comme éléments d’appréciation, l’atteinte à l’honneur du magistrat


récusé et les risques auxquels la récusation l’a exposé595.
La loi organique susvisée n'a prévu la condamnation aux dépens de l'instance de la partie
succombante mais nous pensons qu'étant donné que l'article 51 alinéa 1 de cette loi prévoit
que la juridiction statue dans la forme ordinaire, cela montre que lorsque la récusation est
rejetée, le récusant pourra être condamné au payement des frais d'instance. Mais si la
récusation est jugée fondée, les frais d'instance devraient être à charge du juge récusé si celui-
ci était partie ou intervenant à cette procédure. Dans d'autres cas, les frais d'instance
devraient être à charge du trésor public. En Belgique, les frais sont à charge du juge récusé 596
peu importe qu'il ait été partie ou intervenant à la procédure de récusation ou pas.
Comme nous pouvons le remarquer, la procédure de récusation est une arme à double
tranchant. Elle peut se retourner contre le plaideur qui l’a mise en œuvre en cas de légèreté.
Nous pensons que l'amende prévue de cinq cent mille francs congolais (équivalent à cinq
cent dollars américains) est raisonnable car elle pourra décourager ceux qui voudraient salir
inutilement l'image des juges par des demandes de récusation dilatoires et vexatoires
susceptibles de retarder l'issue du procès. Ce sont ces raisons justement qui ont été à la base
de l'introduction d'une telle amende dans la loi organique susvisée. C'est donc la juridiction
statuant sur la récusation qui est compétente pour prononcer une telle amende même si la
récusation a été soulevée devant une juridiction siégeant en matière civile, commerciale,
sociale et de la famille.

X. Effets de jugement de récusation

Dès que le jugement sur la récusation est prononcé, il devra être notifié aux parties. Si
la récusation est établie, il est indéniable qu’une requête en récusation bien fondée rétablit la
partie qui l’a introduite dans son droit au juge impartial tout en renforçant la foi due à
l’institution judiciaire elle-même. Dans ce cas, le juge récusé devra être remplacé de la
connaissance du fond de l'affaire. Et l'instruction au fond de l'affaire reprendra et se
poursuivra jusqu'à son terme. A cet égard, l'article 54 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire a prévu qu'en cas d’infirmation du jugement rejetant la récusation, le juge d’appel
annule toute la procédure du premier degré qui en est la suite, renvoie les parties devant le
même tribunal pour y être jugées par un autre juge ou devant un tribunal voisin du même
degré, sans préjudice de l’action disciplinaire. Cela signifie que le juge envers lequel la
récusation est jugée établie, devra s'il échet faire l'objet des poursuites disciplinaires devant la
chambre de discipline du Conseil supérieur de la magistrature dès lors qu'il est censé avoir
commis une faute déontologique en sa qualité de magistrat.

Et selon le sens de la loi, tous les actes accomplis par le juge qui ne présente pas les
garanties d’impartialité devront être annulés dès lors qu'ils sont censés être irréguliers, n’ont

595
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, pp. 35-
36.
596
Article 841 du Code judiciaire belge; Voyez également G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire.
Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 6.24, p. 580 .
243

pas de valeur juridique et doivent être écartés des débats, lesquels sont, après récusation,
repris ab initio par le nouveau siège. En conséquence, tout acte posé par un juge après qu’il
s’est vu notifié la requête en récusation ou après le prononcé de la décision de récusation est
nul597.

Si la récusation est rejetée par le juge du premier degré et/ou d'appel, l'affaire qui était en
l'instance avant la procédure de récusation (était suspendue en attendant l'issue de la
récusation), reprendra et se poursuivra normalement jusqu'au jugement définitif sur la cause
originaire. La décision qui a rejeté une demande en récusation ne fait pas obstacle à
l'introduction d'une nouvelle demande de récusation pour cause des faits survenus depuis la
prononciation (si la première demande a été soit irrecevable, soit non fondée). Néanmoins,
une nouvelle demande en récusation est irrecevable si elle invoque les mêmes faits que la
précédente.

§ 7. Procédure de décharger de l'affaire l'officier du ministère


public en matière pénale pour absence d'impartialité

Nous avons souligné qu'en matière pénale l'officier du ministère public ne peut pas faire
l'objet de la récusation mais exceptionnellement durant l'instruction préparatoire, il peut être
déchargé de l'affaire s'il se trouve dans les mêmes conditions de la récusation.

En effet, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
l’inculpé qui estime que l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 (et non par erreur de saisie l'article 50),
adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir ce magistrat être déchargé de
l'instruction de la cause; il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu. Le législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité
d'utiliser le mot "récusation" concernant la ministère public pour ne pas créer de confusion
car le ministère public, on le récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger si les
conditions de récusation sont réunies.

Concernant la procédure de décharger l'officier du ministère public; le droit de demander


de décharger l'officier du ministère public suspecté de partialité n'appartient qu'à l'inculpé et
non à toutes les parties en cause. En effet, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que l’inculpé qui suspecte la partialité de l’officier du ministère public
appelé à instruire son affaire, adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir
ce magistrat être déchargé de l'instruction de la cause. Ainsi, l'inculpé devra demander au chef
hiérarchique du magistrat du parquet suspecté de partialité afin de retirer à celui-ci le dossier
et l'attribuer à un autre magistrat du parquet parmi ses collègues. Dans la pratique, le chef
597
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain-la-Neuve,
juin 2005, p.522
244

d'office de parquet en informe au concerné et le dossier lui est retiré par voie d'ordonnance ou
pas. Le magistrat suspecté de partialité ne s'y oppose pas en général. Nous pensons que l'on
devrait offrir à toutes les parties cause (également le plaignant) cette possibilité de demander
de décharger l'officier du ministère public lorsque le magistrat du parquet se trouve dans les
conditions de "récusation" ou de partialité.

La décision du chef hiérarchique du magistrat suspecté de partialité de décharger celui-ci


n'est pas susceptible de recours. L'article 59 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit qu'il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu.

SECTION 2: LE DÉPORT

§ 1: Notions

Le déport se définit comme le fait pour le juge, avant même d’être récusé, de s’abstenir
dans une affaire pour motif de conscience, ou parce qu’il suppose en sa personne une cause de
récusation ou d’incompatibilité598. C'est donc le fait pour le juge de prendre l'initiative de se
déporter (se retirer de la connaissance de la cause) en informant le président de juridiction à
laquelle il appartient les causes légales qui ne lui permettraient pas de juger la cause en toute
impartialité, au risque d'encourir les sanctions disciplinaires. Lorsqu’un magistrat est
conscient qu’il a un intérêt dans une affaire, le magistrat a l’obligation de s’abstenir de siéger.
Il doit se récuser ou mieux se déporter. Il ne peut plus en conséquence connaître de la cause
ultérieurement. L'obligation de déport relève du pouvoir discrétionnaire du juge et ne dépend
que de sa conscience et de son sentiment de délicatesse lorsqu'il estime qu'il existe un doute
dans la chef des tires quant à sa stricte impartialité. Le déport constitue une mesure d'ordre (et
non jugement) et n'est susceptible d'appel. Il rend sans objet la demande de récusation.

§ 2. Causes du déport

Les causes du déport sont prévues aux articles 49 et 56 de la loi organique n°13/011-B du
11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. Les causes du déport peuvent être: soit le juge se trouve dans les huit causes de
récusation, soit dans les cas d'incompatibilités; dans chacun de cas, il se retire de la
connaissance de la cause.

S'agissant de huit causes de récusation, l'article 56 de cette loi organique prévoit que le
juge se trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 49 est tenu de se déporter, sous
peine de poursuites disciplinaires. Or, l’article 49 de cette loi organique énumère les huit
causes de récusation. Autrement dit, les causes du déport sont les mêmes que les causes de
récusation.

598
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de Liège,
1993, n° 205.
245

Ainsi, lorsque le juge estime lui-même qu’il se trouve dans l'une de ces conditions
prévues à l’article 49 de la même loi organique, il doit se récuser ou se déporter. De même, les
autres causes du déport non énumérées à l’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire sont laissées à la discrétion du magistrat lorsqu’il estime un doute dans son chef ou
des tiers quant à sa stricte impartialité. Autrement dit, le magistrat estime de par sa conscience
qu’il n’est plus en mesure de juger l’affaire en toute impartialité. Il concède qu’il ne se croit
pas placé dans des conditions d’impartialité suffisantes pour rassurer sa conscience et inspirer
confiance aux tiers ; bref, il ne présente pas les garanties d’impartialité auxquelles tout accusé
a droit599. C'est pourquoi, l'article 9 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats 600
oblige au magistrat de se déporter immédiatement dès qu’il a connaissance de toute affaire
ayant un lien avec ses intérêts personnels, ceux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de
ses amis. Il en est de même de tous ses réseaux d’appartenance chaque fois qu’il existe des
motifs pouvant mettre en cause son impartialité. De même en Belgique, les règles de
déontologie imposent à un magistrat du ministère public de ne pas siéger comme partie
poursuivante, lorsqu'il existe, à son égard, des circonstances analogues à une cause de
récusation601.

De la sorte, dès que ses relations avec une partie ou toutes autres circonstances
risquent d’altérer, si peu que ce soit, son indépendance et son impartialité de jugement, le
magistrat a l’obligation déontologique de refuser de siéger, c’est-à-dire se déporter. Ainsi,
constitue une cause de déport toute circonstance dans laquelle le justiciable peut
légitimement redouter que le juge n’offre pas toutes les garanties d’impartialité 602.

S'agissant des causes d'incompatibilités; elles interdisent deux magistrats ayant de liens
de parenté ou d'alliance de siéger dans la même cause. Constitue un motif de déport lorsque
plus ou moins deux magistrats appelés à siéger dans une même affaire (ou l'un siège en
qualité de l'officier du ministère public et l'autre comme juge) sont parents ou alliés. Ainsi,
aux termes de l'article 69 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats603: "Les magistrats parents ou alliés jusqu'au troisième degré, en ligne directe ou
collatérale, ne peuvent siéger dans une même affaire". De manière concrète, lorsque le juge
appelé à siéger dans l'affaire se trouve dans cette hypothèse, il soit se déporter. C'est le cas
notamment lorsqu'on trouve dans la composition du siège un représentant du ministère
public et juge qui sont mariés.

Les dispositions relatives au déport sont applicables au ministère public lorsqu’il


intervient par voie d’avis604, autrement dit le magistrat du ministère public, lorsqu'il lui est
599
Cour de cassation belge, 21 février 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 750.
600
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
601
P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE LEVAL (sous direction), La jurisprudence du Code judiciaire
commentée, Volume II.A, L'instance (D. MOUGENOT, coordination), Bruxelles, éd. La Charte, 2013, pp. 321-322.
602
Cour d'appel de Liège, 17 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1033.
603
JORDC, n° spécial, 25 octobre 2006.
604
Article 58 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
246

demandé de donner son avis en matière civile, commerciale, sociale et de la famille; s'il
estime se trouver dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire, peut se déporter. Par contre, lorsque le magistrat du ministère
public, se trouve à l'audience en matière pénale, la loi ne l'oblige pas de se déporter s'il se
trouve dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 la loi organique susvisée.

Mais nous pensons que lorsque le magistrat représentant du ministère public se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique relative aux juridictions de
l'ordre judiciaire (à l'audience en matière pénale ou en instruction préparatoire c.à.d. en tant
partie principale au procès en matière pénale), on devrait prévoir aussi la possibilité de se
déporter. De manière concrète, l'on devrait en faire une obligation du déport lorsque l'officier
du ministère public appelé à siéger à l'audience ou à instruire une affaire pendant l'instruction
préparatoire, se trouve dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de ladite loi organique.

C'est d'ailleurs ce que prévoient les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de déontologie


des magistrats605 qui érigent des obligations déontologiques d'impartialité à tout magistrat en
ce compris l'officier du ministère public. Ainsi, le magistrat doit faire preuve d’objectivité et
se prémunir notamment de l’influence de son milieu, de sa culture, de ses préjugés et de ses
conceptions religieuses, ethniques ou philosophiques comme de ses opinions politiques 606. Il
doit, dans l’exercice de ses fonctions, éviter tout conflit d’intérêts ainsi que toute situation
susceptible d’être perçue comme tel 607. Il doit aussi s’abstenir de faire tout commentaire sur
une affaire dont il est saisi ou il va être saisi, susceptible de faire craindre qu’il affecte le
résultat du procès ou de faire obstacle au caractère équitable de ce procès 608. Enfin et surtout,
le magistrat est tenu de se déporter immédiatement dès qu’il a connaissance de toute affaire
ayant un lien avec ses intérêts personnels, ceux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de
ses amis. Il en est de même de tous ses réseaux d’appartenance chaque fois qu’il existe des
motifs pouvant mettre en cause son impartialité609.

Désormais, le déport est une obligation déontologique de tout magistrat (y compris le


ministère public) lorsque l'une des conditions prévues à l'article 49 de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire ainsi que les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats610 sont réunies. Enfin, l'arbitre est tenu aussi à se déporter lorsqu'il
se trouve dans les mêmes conditions que le magistrat.

605
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
606
Article 7 alinéa 2 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
607
Article 8 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
608
Article 11 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
609
Article 9 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
610
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
247

§ 3. Procédure de déport

La loi n'a pas précisé le moment du déport car elle dit tout simplement que le juge qui
désire se déporter informe le président de la juridiction à laquelle il appartient en vue de
pourvoir à son remplacement611. Nous pensons que le moment du déport est celui où le juge
connaît une cause de récusation en sa personne qu'il doit s'abstenir. En toute logique, ce
moment doit être avant la prise en délibéré, autrement dit, avant la clôture des débats.

L'initiative du déport vient du juge lui-même qui estime qu'il doit se déporter par ce qu'il ne
remplit pas les conditions d'impartialité, ce n'est pas donc le justiciable ou l'avocat de celui-ci
qui demande le déport. En conséquence, une lettre adressée par le justiciable au juge ou une
demande au cours d'une audience, manifestant son intention de le récuser, n'impose point au
juge de s'abstenir. La décision de se déporter appartient à chaque magistrat individuellement.

Dans la pratique, lorsque le juge veut se déporter, il informe d'abord verbalement le


président de la juridiction et lui adresse par la suite une lettre l'informant les motifs de son
déport. Ces motifs peuvent être soit l'une de huit causes de récusation, soit le cas
d'incompatibilités. Si le président de juridiction trouve que ces motifs sont fondés, il remplace
le juge concerné. Sa décision est soit une ordonnance ou un courrier adressé audit juge. Cette
décision n'est pas un jugement mais un simple acte d'administration judiciaire qui n'est par
conséquent susceptible de recours. Elle n'est pas communicable au ministère public. En
pratique le président de juridiction accepte le déport, il est extrêmement rare que celui-ci le
refuse. Un juge qui s'est déporté ne peut plus connaître de la cause ultérieurement étant donné
que la déclaration par laquelle un juge s'abstient implique légalement la présomption d'une
cause de récusation en sa personne.

Bien que la loi ne ledit pas, la décision de déport est notifiée aux parties par le greffe. En
pratique, cette notification informe les parties le magistrat qui connaîtra de la cause ainsi que
la date à laquelle la cause sera retenue.

§ 4. Conséquences du refus de déport

L'article 56 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que le juge se
trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 49 est tenu de se déporter, sous peine de
poursuites disciplinaires, c'est-à-dire si le magistrat concerné refuse de se déporter alors qu'il
se trouve dans l'une des causes de récusation ou dans les cas d'incompatibilités, il peut faire
l'objet des poursuites disciplinaires étant donné qu'il a commis une faute déontologique.

En dehors de la sanction disciplinaire, la décision prononcée à laquelle ferait partie le


juge qui ne s'était pas déporté peut être attaquée par toutes les voies de droit, y compris le
pourvoi en cassation. C'est à juste raison que la Cour suprême de justice a jugé, doit être cassé
l’arrêt d’une Cour d’appel signé par un conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire
quand il était juge au premier degré et que, dans ces conditions, il ne s’est pas déporté en

611
Article 57 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
248

application de la loi612 étant donné qu’il s’agit là d’un devoir professionnel et même de
conscience pour lui.

§ 5. Sanction en cas du déport injustifié

Il importe de ne pas utiliser le déport comme un procédé commode pour se décharger sur
un collègue d'une affaire embarrassante ou compliquée. Ainsi, lorsque le magistrat s'est
déporté sans que les conditions légales ne soient réunies, il peut faire l'objet des poursuites
disciplinaires. En effet, une abstention injustifiée est assimilée au déni de justice. Or, il y a
déni de justice lorsque le magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge ou néglige de
juger les affaires en état d’être jugées 613. Le déni de justice est un motif de la prise à partie.
Cela signifie que le magistrat qui s'est déporté abusivement, peut être poursuivi pour déni de
justice soit en matière disciplinaire devant la chambre de discipline du CSM, soit en matière
de prise à partie devant la Cour de cassation. Dans les deux situations, il peut encourir une
sanction.

SECTION 3: LE RENVOI POUR CAUSE DE SUSPICION


LÉGITIME OU DE SÛRETÉ PUBLIQUE
Le renvoi est un moyen par lequel une partie suspecte la partialité de tous les magistrats
d’une juridiction, saisit une juridiction supérieure pour que sa cause puisse être renvoyée,
connue, tranchée par une autre juridiction du même ordre et de la même catégorie que la
juridiction suspectée. Il est prévu par les articles 60 à 62 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. Nous aborderons le renvoi pour cause de suspicion légitime (§ 1) et le renvoi pour
cause de sûreté publique (§ 2).

§ 1. Le renvoi pour cause de suspicion légitime

I. Notions

Le renvoi pour cause de suspicion légitime est le moyen par lequel une partie suspecte la
partialité de tous les juges d’une juridiction, s’adresse à une juridiction directement supérieure
pour que sa cause puisse être renvoyée, connue, tranchée, par une autre juridiction que celle
suspectée. Il s’agit donc d’une mesure collective en ce sens que lorsque la demande aboutit,
l’affaire est retirée à une juridiction dans son ensemble parce que l’une des parties a des
raisons légitimes de craindre que cette juridiction ne traitera pas sa cause avec l’impartialité et
l’objectivité nécessaires614. Le renvoi pour cause de suspicion légitime constitue une garantie
préventive de l’impartialité du juge en ce sens qu’il intervient avant que la partialité de la
décision à venir ne soit consommée. Il peut en effet s’indiquer de confier à une autre

612
CSJ, 2 février 1972, RP 60, Bull. 1973, p. 16.
613
Article 58 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
614
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 310.
249

juridiction la compétence de connaître d’un dossier afin d’éviter toute interférence d’éléments
étrangers à celui-ci lors de l’élaboration de l’intime conviction des juges.

La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « suspicion légitime ». Mais nous pensons
qu’il y a « suspicion » de la juridiction saisie d’un litige, lorsqu’une partie n’a pas confiance
de la juridiction dans son impartialité. Cette suspicion n’est « légitime » que si elle est fondée
sur des raisons sérieuses615. La suspicion légitime suppose en effet qu’il y a impossibilité de
constituer le siège à la suite d’une récusation visant l’ensemble des membres d’une
juridiction616 de telle manière que toute la juridiction est suspectée de ne pouvoir juger avec la
sérénité requise617. Elle permet de faire remplacer la juridiction elle-même lorsque c’est cette
juridiction dans son ensemble qui représente un risque de partialité 618 et comprend tout fait
susceptible de jeter le doute quant à l’indépendance ou l’impartialité de la juridiction saisie.
Elle existe notamment lorsque les « passions locales » perturbent les relations entre les parties
et les juges619. La suspicion légitime s’attache donc à l’impartialité de la juridiction saisie, la
légitimité de cette suspicion devant être fondée sur des motifs sérieux et consistants. Cette
procédure se distingue de la récusation par le fait que celle-ci ne concerne qu’un seul juge (ou
quelques uns nommément désignés) alors que la suspicion légitime concerne le tribunal tout
entier620.

II. Juridiction concernée

La suspicion légitime s'applique à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire (exceptée la


Cour de cassation). Elle concerne donc tous les juges composant toute la juridiction et non
uniquement les juges composant une chambre ou section ou formation. Elle peut concerner
une juridiction à unique à condition qu'il n'y ait pas d'autres juges dans cette juridiction. Elle
s'applique également aux organismes qui, statuant parfois en matière disciplinaire, présentent
alors un caractère juridictionnel621. Tel est le cas, de la chambre provinciale de discipline du
Conseil supérieur de la magistrature, de la chambre de discipline du Conseil de l'ordre des

615
M. DELANGE, De l’intervention de la Cour de cassation dans le dessaisissement du juge et dans le renvoi d’un
tribunal à un autre, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée judiciaire le 2 septembre 1974,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1974, p. 9.
616
C.S.J., 30 novembre 1983, R.R.28, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour suprême
de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. renvoi pour cause de suspicion légitime, n° 29, p. 202.
617
C.S.J., 3 mars 1982, R.R.13, in DIBUNDA K., Ibidem, p. 201 ; Cass. Belge (1ère Ch.), 30 avril 2004, C.04.0183.F,
Larc. Cass., 2004, p. 126.
618
TH. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 2e éd. Montchrestien, 2002, p. 859 ; J.M. PIRET, « Impartialité du
juge et suspicion légitime », in Présence du droit public et des droits de l’homme. Mélanges offerts à Jacques
Velu, Tome II, Bruxelles, éd. Bruylant, 1992, p. 861.
619
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 227, p. 232; J. PRADEL,
Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 97, p. 92.
620
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection scientifique,
1989, p. 996 ; J.M. PIRET, « Impartialité du juge et suspicion légitime », in Présence du droit public et des
droits de l’homme, Mélanges à Jacques Velu, t. 2, Bruxelles, éd. Bruylant, 1992, p. 862 ; M. A. BEERNAERT,
« De la suspicion légitime et des juges d’instruction », IDJ, 1997, n° 3,
p. 55.
621
S. GUINCHARD, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 353.131, p.
1161.
250

avocats, de l'ordre des médecins, de l'ordre des pharmaciens, de l'ordre des architectes, etc. A
titre d'exemple, la suspicion légitime du Conseil de l'ordre des avocats sera adressée au
Conseil national de l'ordre des avocats. La suspicion légitime du tribunal administratif est
réglée par la loi portant organisation, fonctionnement, compétences et procédure des
juridictions de l'ordre administratif.

Relevons cependant qu’aucune cause de suspicion légitime ne peut être soulevée devant la
Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ou la Cour constitutionnelle compte tenu du fait
qu’aucune juridiction supérieure à l’une ou l’autre n’existe pour pouvoir statuer sur une
demande éventuelle de renvoi. De même, cette procédure ne concerne pas les magistrats du
ministère public ou le parquet car ils ne constituent pas une juridiction.
251

III. Les causes de la suspicion légitime

Les causes de la suspicion légitime ne sont en général ni énumérées par la loi ni définies
par la même loi. Ainsi, en République démocratique du Congo 622 tout comme en Belgique623,
la loi n'a pas énuméré les causes de suspicion légitime. En principe, la suspicion légitime
existe lorsque l'ensemble de tous les juges d'une juridiction (et non pas quelques uns) ne
présentent pas les garantie d'impartialité. Les causes de suspicion légitime sont laissées à
l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être diverses. Mais en cette matière,
les requêtes doivent indiquer les motifs qui poussent le requérant à introduire une requête de
renvoi pour cause de suspicion légitime. En général, elles ont pour but de garantir
l'impartialité de la juridiction suspectée. En France également, le Code de procédure pénale
n'a pas énuméré les causes de suspicion légitime mais le Code de procédure civile prévoit
que les causes de suspicion légitime sont les mêmes que celles de la récusation 624.

Qu'elles soient énumérées ou non par la loi, les causes de suspicion légitime visent à
garantir l'impartialité de tous les membres d'une juridiction et non un seul ou quelques
juges. Il s'agit de causes qui laissent craindre que la juridiction ne juge avec partialité ou
suivant l'intérêt personnel de ses membres, qui font supposer que la juridiction ne remplirait
pas sa mission dans un esprit absolument libre et dégagé de toute considération qui ne serait
pas fondée sur les résultats de l'instruction ou qui permettent de craindre que la juridiction
obéisse à des sentiments étrangers à la justice.

Il appartient à la juridiction saisie d’apprécier souverainement les causes de suspicion


légitime. Celles-ci sont donc abandonnées à l'appréciation de la juridiction saisie qui est la
juridiction directement supérieure à celle suspectée de partialité. Cette appréciation se fait à
la lumière du principe général du droit à un tribunal indépendant et impartial et des
dispositions légales qui le consacrent. Il est requis que ces causes soient sérieuses, à la fois
graves et précises pour faire craindre que la juridiction dont le dessaisissement a été
demandé ne décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt personnel relatif à un
ou plusieurs membres625. Ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime des
allégations vagues de haine ou d’inimitié entre les juges et une partie au procès.

Constitue ainsi un motif de suspicion légitime lorsque toute la juridiction est suspectée de
ne pouvoir juger avec la sérénité requise 626 ou lorsqu'une juridiction comprenant quatre
magistrats, deux d'entre eux ne peuvent plus connaître de l'affaire, pour y avoir déjà siégé
avant la cassation, et qu'il est dès lors impossible à cette juridiction de composer

622
Articles 60 à 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
623
F. HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 92, p.92.
624
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
625
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre
1995, n° 1-3, p. 34.
626
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R . R . 13, in DIBUNDA K., op. cit., n° 20, p. 201.
252

valablement le siège 627 ou le cas d'une requête fondée sur la crainte du demandeur au sujet du
manque d'impartialité et d'indépendance de la juridiction incriminée qui est basée sur
l'acharnement d'un juge à instruire des causes opposant le demandeur à un défendeur qui
serait membre de sa famille 628.

L'existence de relations personnelles existant entre un magistrat, partie au procès, et ses


collègues d'une même juridiction est une circonstance de nature à inspirer aux parties et aux
tiers une suspicion légitime quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer en cause
de ce magistrat ou de son conjoint.

Il a été jugé que milite en faveur du renvoi de la cause pour suspicion légitime devant
une autre juridiction, l'immixtion d'un gouverneur de province dans les actes de justice par
la tenue à l'intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d'une causerie
morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et ceux de
la Cour d’appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de statuer
sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont déjà posé
des actes établissant que l'impartialité de ceux de la Cour d’appel suspectée n'est plus
assurée629. Il en est de même lorsque le gouverneur de province a pris une part active dans
l’organisation des poursuites et dans l’instruction d’une affaire en décidant notamment la
réincarcération du requérant mis pourtant en liberté provisoire par un juge de paix et en
organisant une campagne de sensibilisation par voie de presse 630.

On peut s'étonner comment un gouverneur de province, représentant du pouvoir exécutif


en province, puisse empêcher une Cour d’appel, en théorie indépendante de tout pouvoir, à
assurer sereinement la distribution de la justice. Nous pensons que cela constitue une
atteinte à l'indépendance des magistrats dans l'exercice de leur fonction.

De même, il n'est pas admissible que les réactions de l'opinion publique puissent
constituer une cause de renvoi pour cause de suspicion légitime tant que les magistrats
peuvent juger de façon ferme et impartiale, la cause soumise à leur examen.

Ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime, des allégations vagues de haine
ou d'inimitié entre les juges et une partie au procès et ne reposant sur aucune preuve 631 ou
627
Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la
Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime,
n° 30, p. 202.
628
C.A. Kinshasa-Matete, 24 janvier 1996, Booto N. c/Mpayi K., R.R.034, Revue analytique de jurisprudence du
Congo, janvier à décembre 1997, p. 46.
629
Cour suprême de justice, 16 mars 1990, R.R.148, affaire Ba et Ka c/Cour d’appel de Lubumbashi, in Revue
juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1, 2 et 3, pp. 46-47.
630
Cour suprême de justice, 10 février 1987, M. contre Cour d’appel de Lubumbashi, RR 83, Revue juridique du
Zaïre, 1987, p. 107, note Dibunda.
631
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985,
Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve Thomba
Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29 novembre 1988,
Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de justice, 24 février
253

un éventuel dépassement du délai raisonnable. De même, la requête en renvoi pour cause


de suspicion légitime devient sans objet lorsque la juridiction mise en cause a rendu la
décision vidant le fond du litige avec l'examen de 1a requête par la Cour suprême de
justice632 ou si les juges mis en cause sont décédés entre-temps et remplacés par d'autres et
que la partialité de ceux-ci n'est pas démontrée 633 ou si les membres de la composition du
siège ont été mutés 634 ou lorsque le tribunal mis en cause n'est pas encore saisi 635 ou si la
demande s'appuie sur une erreur matérielle de la juridiction mise en cause 636 ou lorsque la
demande de suspicion légitime ne concerne pas tous les juges composant la juridiction 637.

Aussi, les mérites d'une opposition ne créent pas de suspicion légitime à l'égard de la
juridiction ayant statué par défaut. De la circonstance qu'un jugement est entaché d'erreurs
justifiant qu'il soit mis à néant, il ne saurait se déduire que l'ensemble des magistrats
composant le tribunal qui l'a rendu, ne seraient pas en mesure de statuer de manière
impartiale sur l'opposition du prévenu, ou qu'un doute légitime puisse exister dans la chef
de ce dernier ou des tiers quant à leur aptitude à juger de cette manière.

La suspicion légitime suppose que le tribunal ne soit pas en mesure de statuer en la cause
de manière impartiale ou suscite dans l'opinion générale un doute légitime quant à son
aptitude à juger de cette manière. Ne peut entraîner le dessaisissement d'une juridiction, la
mise en cause de l'attitude de tout magistrat féminin à juger d'une cause, en ce que ce grief
procède d'une discrimination fondée sur le sexe.

Comme pour la récusation, la requête aux fins de suspicion légitime doit s'appuyer sur
des faits précis et probants. Mais, il est regrettable de constater que la Cour suprême de
justice congolaise accueille une telle demande alors que les faits dénoncés à l'encontre des
magistrats du siège ne sont pas établis, au motif qu'étant donné que ceux-ci devraient se
déporter et qu'en tenant compte du nombre restreint des magistrats et de multiples causes
d'indisponibilité qui peuvent affecter ceux des juges contre lesquels le requérant n'a pas
articulé de griefs ou bien le siège risque de ne pas être facilement composé dans un délai
raisonnable, ou bien, il ne pourrait pas statuer en toute sérénité638.
1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ; Cour suprême de
justice, 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
632
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R 32 ; in
DIBUNDA K. MP., op. cit., p. 201.
633
Cour suprême de justice, 9 mars 1990, R.R.147, Affaire F et Trabeza c/Cour d’appel de Lubumbashi, in Revue
juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1-2 et 3, pp. 46-47.
634
Cour suprême de justice, 24 février 1989, R.R.140, MB c/Mr et Mme C, in Revue juridique du Zaïre, n° 1-2 et
3, 1989, p. 40 ; Cour d’appel de Bukavu, 1 er décembre 1987, R.S.L.034, Les Etablissements Kima-SPRL c/ le
tribunal de grande instance de Kindu, inédit.
635
Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, R.R. 163, MW c/ H, in Revue juridique du Zaïre , janvier à août
1993, n° 1 et 2, p. 22 ; Cour d’appel de Bukavu, 18 novembre 1988, R.S.L.039, affaire Bwindwa Mukunda c/ le
tribunal de grande instance de Bukavu, inédit.
636
Cour d’appel de Bukavu, 26 janvier 1982, R.C.R.001, affaire Mayele Ukumu c/Kayigi Petit et tribunal de
grande instance de Goma, inédit.
637
Cour suprême de justice, 12 septembre 1997, L.M. Lopes Lima c/Sté Copra-Congo Mr Frenando et Sté
Tomemar, R.R.247, Revue analytique de jurisprudence du Congo, janvier à décembre 1997, vol. II, fascicule
unique, p. 31 ; Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11, in DIBUNDA M., op. cit., n° 27, p. 201.
638
Cour suprême de justice, 18 février 1982, R.R.9, in DIBUNDA, K. MP., op. cit., p. 201, n° 25.
254

Nous pensons que lorsque les faits ne sont pas établis, l'on ne peut pas accepter la
demande de suspicion légitime car cela risque de perturber inutilement l'administration de
la justice. Il est étonnant de trouver un tel raisonnement à la Cour suprême d'autant plus
qu'en cette matière la loi exige des parties qui l'invoquent d'en produire la preuve. Aussi,
étant donné que la suspicion légitime vise toute la juridiction, il est incompréhensif que l'on
accepte le renvoi alors que tous les juges de la composition ne sont pas mis en cause 639.

De même en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas énumérées par la loi.
Celles-ci sont laissées à l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être diverses.
En principe elles ont pour but de garantir l'impartialité de la juridiction suspectée. En
France également, le Code de procédure pénale n'a pas énuméré les causes de suspicion
légitime mais le Code de procédure civile prévoit que les causes de suspicion légitime sont
les mêmes que celles de la récusation 640.

Lorsque ces causes ne sont pas déterminées, l'hypothèse qui conduit généralement au
dessaisissement pour cause de suspicion légitime quant à l'aptitude à juger de manière
objective et impartiale résulte des sentiments favorables ou défavorables qui pourraient
animer un tribunal chargé de connaître d'une affaire lorsque la personnalité des parties en
cause est particulière en raison de liens professionnels ou de liens de famille ou de toutes
autres considérations. Aussi, les motifs invoqués doivent être précis, sérieux et de haute
gravité.

Ainsi, la Cour de cassation belge considère qu'il y a suspicion légitime quant à


l'impartialité d'une juridiction lorsqu'il existe des circonstances susceptibles de porter
atteinte à la sérénité des juges 641, de donner l'impression que l'ensemble des juges ne
seraient pas en mesure de statuer en la cause de manière indépendante ou impartiale 642, la
circonstance que l'assemblée générale des magistrats d'un tribunal a adopté une motion de
soutien à l'un de ses membres, constitué partie civile dans une procédure pendante devant
ce tribunal643, la circonstance que les magistrats d'un tribunal de première instance, réunis
en assemblée générale, ont tous décidé de déposer plainte individuellement contre le
prévenu644, le fait que le premier président de la Cour d’appel est personnellement concerné
dans l'affaire, en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de la Cour
d’appel645, lorsque l'issue des poursuites diligentées devant une chambre de la Cour d'appel
639
Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA, K.
MP., op. cit., pp. 201-202.
640
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
641
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, R.G.C.01.0571.N., Larc. cass., 2002, n° 793, p. 149 ; Cass.. belge (1 ère
ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
642
Cass. belge, 1er avril 1998, Pas., 1998, I, p. 424 ; Cass. belge, 13 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 336 ; Cass. belge
(1ère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
643
Cass. française, crim., 3 novembre 1995, Bull. inf. cour cass., 1er mars 1995, n° 240 ; Dr. pénal,1995, comm.
27, obs. A. Maron; Cour de cassation belge, 23 septembre 2004, inédit, RG, C.04.372.F.
644
Cour de cassation belge, 26 mai 1874, Pasicrisie belge, 1874, I, p.222.
645
Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Larc. cass., 2001, p. 317, Pas., 2001, p. 1587 ; Cass.
française (2e ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
255

présente de l'intérêt pour certains membres de la famille du Premier président de ladite


Cour646, la circonstance que le président de la juridiction faisant l’objet de la demande en
dessaisissement a déposé plainte contre le demandeur de suspicion légitime du chef
d’outrage, de calomnie et de diffamation 647, le fait qu'un conseiller de la Cour d’appel s'est
constitué partie civile contre un prévenu de la cause duquel ladite Cour est saisie 648 ou le
fait qu'un juge du tribunal de première instance soit impliqué dans un accident de roulage
se constitue partie civile à l'encontre du prévenu poursuivi devant un tribunal de police
situé dans l'arrondissement du tribunal au sein duquel il exerce ses fonctions 649 ou lorsqu'un
juge au tribunal de première instance voit son père se constituer partie civile dans une
cause dont la connaissance relève de la compétence du tribunal duquel il exerce ses
fonctions650, lorsque le vice-président du tribunal de première instance voit son frère
poursuivi devant le tribunal correctionnel auprès duquel il exerce ses fonctions 651 ou enfin
lorsque le président d'un tribunal de première instance voit son fils poursuivi devant une
chambre correctionnelle de la juridiction qu'il préside 652.

De même, constitue une cause de suspicion légitime, le fait que l'épouse du requérant
soit juge d'une juridiction saisie 653 ou lorsque l'un des prévenus est l'époux de la vice-
présidente de la juridiction devant laquelle il doit comparaître 654 ou le fait que les personnes
lésées par les faits imputés au prévenu soient la fille, le mari et le fils de l'auditeur du
travail du même arrondissement judiciaire 655 ou la victime soit le substitut du procureur du
Roi dans un arrondissement judiciaire limitrophe et fils du procureur du Roi compétent 656
ou aussi la victime soit le fils du Procureur général près la Cour d’appel d'autant que la
juridiction saisie est le tribunal de première instance du même ressort où ledit magistrat
occupe les plus importantes fonctions 657 ou lorsque le prévenu est poursuivi du chef

646
Cour de cassation belge, 19 octobre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 245.
647
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, C.01.0571.N, Pasicrisie belge, 2002, n° 39, p.189.
648
Cass. belge (2e ch.), 10 octobre 2001, P.01.1321.F., Pas.., 2001, 1615 ; Larc. cass., 2001, p. 318 ; Dans le même
sens Cass. belge (2e ch.), 22 juin 1999, P.99.0899.N., Pas., 1999, I, 956 (le juge s'était constitué partie civile au
tribunal correctionnel) ; Cassation belge, 2 juin 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, p. 652 (le vice-président de la
juridiction saisie s'était constituée partie civile); n° 39, p.189 Cass. belge (ch. vac.), 27 juillet 1999, Larc. cass.,
1999, p. 234 ; Cass. belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771.F, Larc. Cass, 2003, p. 150 (le requérant avait
harcelé deux juges d'instruction près le tribunal de première instance) ; Cass. belge (2 e ch.), 22 novembre
2000, P.00.1355.F., Pas., 2000, 1788 (aucun membre effectif de cette juridiction n'avait estimé pouvoir siéger
en la cause et que la partie civile y était conseiller suppléant) ; Cass. française, 16 mai 2000, Bull. crim., mai
2000, n° 191, pp. 564-565 (le requérant avait déposé plainte avec constitution de partie civile contre le juge
d'instruction) ; Cass. belge (3e ch.), 3 décembre 2001, C.01.0517.F., Larc. cass., 2002, p. 111 (l'une des partie
litigantes exerçait les fonctions de conseiller à la Cour d’appel).
649
Cour de cassation belge, 14 novembre 1989, Pasicrisie belge, 1990, I, p.324.
650
Cour de cassation belge, 19 février 1986, Pasicrisie belge, 1986, I, p. 763.
651
Cour de cassation belge, 14 novembre 1990, Pasicrisie belge, 1991, I, p. 278.
652
Cour de cassation belge, 17 juin 1986, Pasicrisie belge, 1986, I, p. 1289.
653
Cass. belge (2e ch.), 5 novembre 1996, Pas.., 1996, I, 1081.
654
Cour de cassation belge, 9 novembre 2011, P.11.1616.F., inédit.
655
Cass. belge (2e ch.), 23 janvier 2001, P.01.1625.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
656
Cass. belge (2e ch..), 10 octobre 2000, P.00.1352.N., Pas.., 2000, 1516 ; Larc. cass., 2000, p. 343.
657
Cass., belge (2è ch.), 19 juin 2002, Journal des procès, 28 juin 2002, n° 440, p. 9.
256

d'assassinat contre un substitut du procureur général du ressort 658 et la circonstance que le


requérant a introduit ou avait introduit des procédures contre les organes du conseil
provincial compétent en matière disciplinaire 659 ou les relations tendues qui s’observent
entre, d’une part, les membres d’une association dont font partie le requérant ainsi que
d’autres membres qui siègent au Conseil de l'Ordre des médecins ou sont appelés à y siéger
et, d’autre part, plusieurs autres membres du même Conseil 660 ou l'un des juges est la partie
demanderesse dans deux causes pendantes devant le même tribunal 661, le fait que deux
juges d’instruction du même tribunal soient victimes de harcèlement 662, le fait que le
prévenu soit le greffier en chef de la juridiction devant connaître de son appel 663.

Ne constitue pas un dessaisissement pour cause de suspicion légitime, la demande qui


invoque des griefs étrangers à la partialité ou à l'indépendance 664, qui contient des griefs
dépourvus de précision 665 ou des suppositions téméraires relatives à l'impartialité du
tribunal666.

Tel est le cas d'une requête qui se fonde sur des griefs critiquant l'interprétation des règles
de droit par le juge de fond667 au motif que les juges auraient commis des erreurs de procédure
ou des applications erronées des règles de droit668 car de telles erreurs pourraient donner lieu à
l'exercice des voies de recours et ne sauraient établir leur partialité, non plus que faire peser sur
eux un doute sur leur impartialité. De même, la seule circonstance qu'un arrêt de la Cour
Européenne des Droits de l'Homme a précédemment constaté la violation de l'article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l'Homme en raison de la durée excessive d'une
procédure opposant les mêmes parties devant diverses juridictions, parmi lesquelles celle
saisie, ne constitue pas un motif légitime de suspecter l'impartialité d'une juridiction 669.

Aussi, ne constitue pas une cause de suspicion légitime, la circonstance que le demandeur
serait mal apprécié au palais de justice en raison de ses activités professionnelles de son

658
Cour de cassation belge, 3 septembre 1986, Pasicrisie belge, 1987, I, p. 20.
659
Cass. belge (lère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
660
Cass. belge (1ère ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F, Pasicrisie belge, 2002, p. 205.
661
Cass. belge (1ère ch.), 4 mai 2000, C.00.0131.N., Pas., 2000, I, 842; Cass. belge, 1er avril 1998, Pasicrisie belge,
1998, p. 424.
662
Cass. belge (2e ch.), 28 mai 2003, P.03.0771.F., Rev. dr. pénal et criminologie, 2003, pp. 1312-1313 ; Cass.
belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771, J.L.M.B., 2004, p. 333, note F. Kuty, pp. 334-336.
663
Cour de cassation belge, 20 mai 2008, P.08.0659.N., inédit.
664
Cass. belge (1ère ch.), 8 juin 2001, C.01.039.N., Pas., 2001, 1083 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001,
P.01.0048.F., Larc. cass., 2001, p. 68, Pas., 2001, 161 ; Cass. belge (lere ch.), 9 novembre 2000 ; C.00.0592.F.,
Larc. cass., 2000, p. 342 ; Pas., 2000, 1720.
665
Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98 ; Cass. belge (2 e ch.), 12 décembre 2001, P.01.1587.F.,
Larc. cass., 2002, p. 111 ; Cass. belge (2 e ch.), 24 janvier 2001, P.01.0048.F., Pas., 2001, 161 ; Cass. belge (1 ère
ch.), 9 novembre 2000, C.00.0592.F., Pas., 2000, 1720 ; Cass. belge (ch. vac.), 18 juillet 2000, C.00.0333.F.,
Larc. cass., 2000, p. 246 ; Cass. belge (2 e ch.), 24 mai 2000, P.00.0799.F., Larc. cass., 2000, p. 220 ; Cass. belge
(2e ch.), 14 avril 1999, P.99.0444.F., Pas., 1999, I, 511 ; Cass. belge (1 e ch.), 10 mai 2001, C.01.0190.F., Pas.,
2001, 819.
666
Cass. belge (2e ch.), 6 mai 1998, Pas., 1998, I, 522 ; Larc. cass, 1998, p. 200.
667
Cass. belge (2e ch.), 1er avril 1998, Pas., 1998, I, 424 ; Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98.
668
Cass. française (2e ch. civ.) 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 258, pp. 217-218.
669
Cass. française (2ème ch. civ.), 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 259, pp. 218-219.
257

appartenance à un mouvement politique auquel nombre de juges dudit tribunal seraient


opposés670, qu'il aurait noué des liens d'amitié mais aussi d'inimitié avec de nombreux
magistrats671, qu'il a étudié à l'université avec plusieurs magistrats du tribunal appelé à le
juger672, que l'un des juges de ce tribunal serait apparenté à un huissier de justice contre lequel
il avait porté plainte dans le passé673, que l'accusé a exercé pendant plus de trente ans la
profession d'avocat dans le ressort de la Cour d’appel appelée à procéder à sa mise en
accusation674, la circonstance que certains membres du Conseil de l'Ordre qui avaient rendu
précédemment une sentence soient amenés à connaître des nouvelles poursuites disciplinaires
diligentées contre le requérant675 et le grief qui procède à une discrimination fondée sur le sexe,
le demandeur mettant en cause l'aptitude de tout magistrat féminin à le juger 676, la circonstance
que le tribunal de commerce n’aurait pas fixé les délais pour conclure conformément aux délais
proposés de commun accord par les parties ni du contexte dans lequel cela s’est passé selon les
demandeurs677, lorsque les requérants ne démontrent pas que le prétendu défaut d’impartialité
et d’indépendance existe dans le chef de tous les juges du tribunal dont le dessaisissement est
demandé678, la circonstance que les membres du Conseil de l’Ordre adressent une lettre au
président de la commission médicale permanente, attirant son attention sur l’état de santé d’un
médecin paraissant de nature à compromettre son aptitude à exercer à l’art de guérir679. Dans le
même ordre d'idées, la seule appartenance des victimes à l'ordre judiciaire ne saurait
disqualifier le ressort où les faits ont été commis, puisque le renvoi de la cause dans un autre
ressort laisserait cette appartenance intacte680 ou le fait d'avoir été condamné par le tribunal ne
peut pas davantage donner ouverture à suspicion légitime à l'égard de l'ensemble des membres
de ce tribunal681.

De même, l'accumulation d'éléments ne constitue pas une garantie en vue d'établir le


grief de suspicion légitime d'une juridiction. Ainsi, un requérant mettait en doute
l'impartialité du tribunal de commerce de Furnes en invoquant qu'il avait prononcé la
faillite de la requérante à tort et en violation de ses droits élémentaires (cette faillite ayant
ensuite été annulée par la Cour d'appel de Gand), que la responsabilité du curateur que le
tribunal avait nommé était établie, que le tribunal avait remis plusieurs fois l'instruction de
la cause, à chaque reprise, sans motif légitime et que la requérante qui comparaissait en son
nom propre devant le tribunal avait été intimidée par le président du tribunal de commerce
au cours d'instance. La Cour de cassation belge a successivement balayé ces griefs en
670
Cass. belge, 31 mai 2000, RGP.00.829.F.
671
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 693.
672
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
673
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
674
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., I, 693.
675
Cass. belge (lere ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F., Larc. cass., 2002, p. 193.
676
Cass. belge (2e ch.), 10 septembre 2003, P.03.1239.F., Larc. cass., 2003, p. 180.
677
Cass. belge (ch. vac.), 13 juillet 2004, C.04.0258.N., Larc. cass., 2004, p. 240; Cass. belge, 10 septembre 2003,
Pasicrisie belge, 2003, n° 425.
678
Ibidem.
679
Cass. belge (1ère ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F, Pasicrisie belge, 2002, 739.
680
Cour de cassation belge, 30 juin 2010, RG P.10.10.1072.F., Pasicrisie belge, 2010, n° 474; JLMB, 2011, p. 115.
681
Cour de cassation belge, 27 octobre 2010, RG P.10.1619..F., Pasicrisie belge, 2010, n° 642.
258

indiquant que le président du tribunal de commerce de Furnes n'était pas impliqué dans la
faillite qui avait été prononcée, que la responsabilité du curateur ne constituait pas un motif
suffisant pour dessaisir le tribunal de commerce qui l'avait désigné, que les différentes
remises de la cause n'indiquaient pas en l'espèce qu'il y aurait une instruction anormale de
la cause et que les intimidations alléguées n'étaient pas prouvées. Elle conclu que cette
accumulation de données n'était pas de nature à inspirer à l'opinion publique une suspicion
légitime quant à l'aptitude du tribunal à connaître de la cause 682.

La jurisprudence française même si elle s'inspire des causes de récusation en matière civile,
elle a généralement les mêmes enseignements que la jurisprudence belge. Ainsi, constitue une
suspicion légitime, les circonstances que le premier président de la Cour d’appel était partie
dans un litige pendant cette Cour683. La Cour de cassation française a admis que lorsqu'il existe
une cause de récusation à l'encontre du président de la juridiction, cette cause est susceptible de
rejaillir sur l'ensemble des magistrats composant la juridiction en raison de l'autorité
hiérarchique de ce magistrat684.

Le doute manifesté par un plaideur au sujet de l'impartialité des juges composant une
juridiction constitue une manifestation très grave que seuls peuvent justifier des motifs
particulièrement sérieux et pertinents, à l'exclusion de l'injuste rancœur ou des soupçons
imprécis de suspicion légitime. Il s'ensuit que la requête est rejetée si le demandeur indique
qu'il ne met pas en doute l'impartialité des juges 685. Il en est ainsi de la simple allégation,
imprécise et non justifiée d'un prétendu climat défavorable au requérant, lequel se plaint de
décisions d'expulsion intervenues à son encontre, du refus d'octroi du bénéfice de l'assistance
judiciaire686, la simple allégation d'une animosité dont le demandeur serait victime de la part des
magistrats d'une Cour d’appel dès lors qu'aucune preuve n'est rapportée687, d'appréhension sans
fondement sérieux688, d'un climat favorable à l'adversaire régnant dans la ville et dont les
magistrats de cette ville pourraient difficilement se dégager689, les vantardises de l'adversaire au
sujet de son influence auprès des membres du tribunal690, le rejet, des réclamations
injustifiées691, l'octroi réitéré de remises sollicitées par l'adversaire692.

682
Cour de cassation belge (1 ère chambre), 4 mars 2005, Pasicrisie belge, 2005, n° 538, voyez spécialement F.
HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 104, pp.103-104.
683
Cass. française (2e ch. civ.), 31 janvier 1958, J.C.P., 1958, éd. G, IV, 34 ; Cass. française (2 e ch.), 24 janvier
2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6. Dans le même sens Cass. belge (1 ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F.,
Pas., 2001, p. 1587 ; Larc. cass., 2001, p. 317 ; Cass. belge (2 e ch.), 4 octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000,
1473.
684
Cour de cassation française ( 2ème chambre civile), 24 janvier 2002, n° 00-01224; Douai, 4 mai 2011, Droit et
procédure 2012/5, 128, note L. Mongin-Archambeaud.
685
Cass. française (2e civ.), 3 juillet 1977, Bull. civ., II, n° 145.
686
Cass. française (2e civ.), 7 mai 1965, Bull. civ., II, n° 414.
687
Cass. française (2e civ), 19 mars 1980, Gaz. Pal., 1980, 2, p. 548, note Viatte.
688
Cass. française (2e civ.), 26 novembre 1964, Bull. civ., II, n° 768.
689
Cass. française (2e civ.), 17 juin 1970, Bull. civ., II, n° 214.
690
C.A. Paris, 11 mai 1938, Gaz. Pal., 1938, 2, p. 130.
691
Cass. française com., 26 janvier 1948, J.C.P., 1948, éd. G. IV, 46.
692
Cass. française (2e civ.), 28 janvier 1954, Bull. civ., II, n° 34.
259

Comme nous l’avons souligné, en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas
énumérées par la loi, de même en France, le Code de procédure pénale n'a pas énuméré les
causes de suspicion légitime mais le Code de procédure civile prévoit que ce sont les mêmes
causes de récusation qui constituent les causes de renvoi pour suspicion légitime. En
conséquence, en matière civile, la suspicion légitime suppose en principe, l’existence d’une
cause de récusation à l’encontre de tous les membres de la juridiction concernée693.

La jurisprudence s'est révélée parfois surprenante en France. Tel est le cas de soutenir qu'est
insuffisante pour entraîner une suspicion légitime un climat défavorable à la sérénité des
juges694, le ressentiment que pourrait éprouver une partie à l'égard du tribunal dont il a dénoncé
certains agissements au garde des sceaux et à la presse 695, la requête présentée par un homme
d'affaires dont l'inscription sur la liste des conseils juridiques a été refusée, faisant état de ce que
plusieurs personnes, ayant eu recours à ses conseils auraient perdu leur procès et de ce que les
juges d'appel auraient souligné dans un arrêt son manque de connaissance juridique696.

Nous pensons que ces éléments pourraient à ce jour mettre en doute l'impartialité des
membres du tribunal. En effet, lorsque la sérénité des juges fait défaut, on voit mal comment
une juridiction peut juger en toute indépendance et impartialité. Il en est de même de celui qui a
dénoncé les agissements des membres du tribunal au garde des sceaux et à la presse dès lors que
ces derniers risqueraient d'être juge et partie. Enfin, il nous semble qu'une juridiction qui a
souligné dans son arrêt que le requérant n'avait pas de connaissance juridique dans sa profession
de conseil juridique, aurait une opinion négative sur l'une des parties. Dans tous les cas, ces
éléments seraient en violation de l'impartialité subjective ou personnelle. Ceci montre que la
suspicion légitime en droit interne est restrictive que l’impartialité subjective ou personnelle
telle que prônée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg.

IV. Procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime

Le renvoi d’une affaire de l’une à l’autre juridiction pour cause de suspicion légitime est
une importante décision sur le plan des règles d’organisation et de compétence judiciaires. Il a
en effet pour résultat de provoquer une prorogation (extension, dérogation, exception) de la
compétence de la juridiction de renvoi et de soustraire une partie à son juge naturel. Nous
aborderons la juridiction compétente (1), les modalités d'introduction de la demande (2), le
moment de la demande (3), les éléments probants de la demande (4), le déroulement de
l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime (5), les voies de recours (6),
les sanctions applicables (7) et les effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion
légitime (8).

693
Cour d’appel Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 465, obs. A.D. ; Cour d’appel Versailles, 28 mai
1991, Cahier prud’homal, 1992, 4, p. 61.
694
Cass. française (2e civ.), 14 mars 1963, Bull. civ., II, n° 256.
695
C.A. Aix, 14 mars 1965, J.C.P., 1965, éd. A, IV, 2518.
696
Cass. française (2e civ.), 4 juin 1973, Bull. civ., II, n° 189 ; Dans la même affaire Cass. française (2e civ.), 23
janvier 1974, Bull. civ., II, n° 39 ; Cass. française (2e civ.), 12 avril 1976, Bull. civ., II, n° 118.
260

1. Juridiction compétente

Une décision de renvoi pour cause de suspicion légitime est en général l’œuvre d’une
juridiction directement supérieure à celle suspectée de partialité. Il est en effet difficile
d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction saisie du
litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.

Ainsi, le tribunal de grande instance est compétent si c’est le tribunal de paix de son
ressort qui est mis en cause ; la Cour d’appel est compétente si c’est le tribunal de grande
instance de son ressort qui est visé ; la Cour de cassation est compétente lorsque c’est la Cour
d’appel qui est mise en cause697. Aussi, la Cour de cassation peut, pour les mêmes causes
renvoyer la connaissance d'une affaire d'une juridiction du ressort d'une Cour d'appel à une
juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour d'appel 698. Par exemple, la Cour de
cassation peut renvoyer la connaissance d'une affaire du tribunal de grande instance de Goma
au profit du tribunal de grande instance de Bukavu ou de Kindu étant donné que les trois
juridictions se trouvent dans trois ressorts des cours d'appel différentes (cours d'appel de
Bukavu, Goma et Kindu).

La loi semble avoir oublié les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail et les
tribunaux pour enfants; en toute logique, c'est la Cour d'appel du ressort qui sera compétente
pour renvoi de l'une ou l'autre juridiction. Pour éviter les difficultés d'application de cet
éventuel renvoi concernant ces juridictions, il serait souhaitable d'introduire rapidement un
amendement pour corriger cet oubli. Mais en attendant cette correction législative, une
circulaire dans ce sens devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation.

Une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime contestant l'existence même
d'une juridiction serait irrecevable. La Cour suprême de justice est incompétente pour statuer
sur les mérites d’une requête en renvoi pour cause de suspicion légitime d’une cause pendante
devant un tribunal de grande instance à un autre tribunal de grande instance du même ressort
étant donné que cela relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel 699. De même, la
Cour d’appel est incompétente de connaître le renvoi pour cause de suspicion légitime d’un
tribunal de paix à un autre tribunal de paix. Relevons qu’aucune cause de suspicion légitime
ne peut être soulevée contre la Cour de cassation, Conseil d’Etat et Cour constitutionnelle
compte tenu du fait qu’aucune juridiction supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une
demande éventuelle de renvoi.

697
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977, p.
5; articles 60 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
698
Articles 60 alinéa 3 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
699
Cour suprême de justice, 19 août 1983, R.R.29, in DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de la
Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime,
n° 28, p. 201.
261

2. Modalités d'introduction de la demande

L’article 61 alinéas 1 à 5 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire déclare :

"La requête aux fins de renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut
être présentée, soit par le Procureur général près la Cour de cassation, soit par l’officier du
ministère public près la juridiction saisie.
Pour cause de suspicion, la requête peut également être présentée par les parties. Elle est
introduite par écrit.
La juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la requête.
Sur la production d’une expédition de cet acte par le ministère public ou par la partie la plus
diligente, la juridiction saisie quant au fond sursoit à statuer.
La date d’audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires.

Comme on le voit, la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime peut être
présentée par écrit soit par le ministère public (le Procureur général près la Cour de cassation
ou l’officier du ministère public près la juridiction saisie) soit par les parties devant la
juridiction qui doit connaître la procédure 700. Dans la pratique, il est très rare que la requête de
renvoi pour cause de suspicion légitime soit présentée par le ministère public. Lorsqu'elle est
présentée par les parties, une requête de renvoi de juridiction pour une cause de suspicion
légitime peut être irrecevable pour défaut de qualité, lorsqu'elle porte la signature illisible
d’un avocat non identifié et non muni de procuration spéciale pouvant établir qu’il a été
mandaté pour ce faire701.

Sous peine d'irrecevabilité, la demande de suspicion légitime doit indiquer la juridiction


suspectée de partialité. Il en est ainsi lorsque la requête ne vise pas l'ensemble des magistrats
composant le tribunal saisi mais seulement les membres composant une des chambres ou
une des sections ou une des formations. Dans cette hypothèse, seule la récusation est
possible.

De même, la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime doit, à peine


d'irrecevabilité, viser l'ensemble de juges ou conseillers composant la juridiction et non
seulement certains d'entre eux. Ainsi, la demande est irrecevable lorsqu'elle est fondée sur
les griefs imputés non à la juridiction saisie, mais à des personnes étrangères à cette
juridiction qu'il s'agisse d'un membre du ministère public, d'un membre du greffe, des
officiers de police judiciaire, des autorités de police ou de l'Armée ou des services de
renseignements.

700
Article 61 alinéas 1 et 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
701
Cour suprême de justice, 27 février 1987, Op. c/ Christian et Cour d’appel de Kinshasa, RR 109, Revue
juridique du Zaïre, 1987, p. 107.
262

Les requêtes qui concernent une cause dont la juridiction incriminée n'est pas encore
saisie ou est déjà dessaisie ou qui concernent uniquement un juge au lieu de tous les juges de
l'ensemble de la juridiction seront irrecevables. Il en est de même lorsque la juridiction dont le
dessaisissement est demandé, n'est pas saisie d'une cause intéressant le requérant ou
lorsqu'une requête contient des critiques à l'égard de certains membres de la juridiction sans
démontrer que ces critiques peuvent concerner l'ensemble des magistrats qui la composent.

La juridiction saisie ne requalifie pas de requête en récusation la requête de renvoi pour cause
de suspicion légitime dont elle est saisie quand elle conclut que les griefs ne concernent qu'un
ou plusieurs magistrats déterminés. De même, la juridiction saisie de la requête de suspicion
légitime ne peut pas la requalifier en récusation.

3. Moment de la demande

La loi n'a pas dit de manière ferme le moment où l'on doit soulever la suspicion légitime.
Nous pensons qu'il s'agit du même moment que pour la récusation c'est à dire avant la clôture
des débats. Il nous semble évident que la requête ne peut pas être reçue après la prise en
délibéré.

4. Eléments probants de la demande

Comme pour la récusation, la requête aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime
doit s'appuyer sur des faits précis et probants. La demande de renvoi doit être articulée sur
les faits probants et précis qui, s'ils semblent être exacts, peuvent faire naître une suspicion
légitime quant à la stricte impartialité qui est présumée exister dans le chef de tous les
magistrats composant la juridiction dont le demandeur a demandé le renvoi. Ces faits ne
doivent pas être des suppositions relatives à la partialité du tribunal. Ainsi en est-il lorsque
la requête se fonde sur la supposition subjective d'une inimitié, au sujet de laquelle le
demandeur omet d'indiquer dans quelle mesure elle existerait dans le chef de tous les
magistrats qui composent une juridiction.

Le demandeur doit démontrer en quoi l'impartialité de toute la juridiction est suspectée, en


d'autres termes, le caractère légitime du soupçon affectant l'impartialité de la juridiction dans
son ensemble. Ainsi, la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime sera irrecevable s'il
n'indique pas dans quelle mesure la partialité supposée existerait dans le chef de tous les
magistrats composant la juridiction saisie, sur de simples suppositions, hypothèses,
possibilités ou probabilités quant à la prétendue partialité du tribunal, sur des éléments
invérifiables, non probants ou imprécis ou sur des faits dont le justiciable donne une
interprétation purement hypothétique. Il en est ainsi lorsque la requête se fonde sur des griefs
imprécis ou si elle ne se fonde pas sur des éléments vérifiables qui permettraient de
contester la présomption d'impartialité à l'égard de l'ensemble des magistrats composant la
juridiction concernée. Ainsi, une requête qui invoque des griefs qui reposent que sur
l'hypothèse de la partialité des juges, sans indiquer dans quelle mesure la partialité supposée
existe dans le chef de tous les magistrats composant le tribunal dont le demandeur sollicite le
dessaisissement, est irrecevable.
263

Il est requis que les causes de suspicion légitime soient sérieuses, à la fois graves et
précises pour faire craindre que la juridiction dont le dessaisissement a été demandé ne
décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt personnel relatif à un ou plusieurs
membres702. De même, ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime, des
allégations vagues de haine ou d'inimitié entre les juges et une partie au procès et ne
reposant sur aucune preuve 703.

5. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

a) Déroulement de l'audience

Lorsque la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime été introduite, les parties
sont invitées à présenter chacune leurs moyens. Avant d’y statuer, la juridiction siégeant en
cette matière donne au requérant acte de dépôt de sa requête 704. Si c’est le tribunal de grande
instance qui est suspecté de partialité, celui-ci ne peut surseoir à statuer qu’au vu de l’arrêt du
donner acte de cette requête rendue pour la Cour d'appel; si c’est la Cour d’appel qui est
suspectée, celle-ci ne peut surseoir à statuer qu’au vu de l’arrêt ou donner acte de cette requête
rendue pour la Cour suprême de justice705 (Cour de cassation).

Cela signifie que la seule demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ne suspend
pas automatiquement la procédure pendante devant la juridiction suspectée de partialité. Ce
n'est que lorsque la juridiction supérieure saisie de la requête a donné acte que la juridiction
suspectée doit sursoir à statuer. Mais en attendant le donné acte, la procédure continuera son
cours devant la juridiction suspectée de partialité. Et pendant ce temps, les esprits malicieux
peuvent profiter de ce véritable vide pour accélérer la procédure devant la juridiction
suspectée en amenant cette juridiction à se prononcer sur le fond et vider ainsi le contentieux
en instance et rendant en conséquence, sans objet la demande de renvoi pour cause de
suspicion légitime. C'est ainsi que la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est

702
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre
1995, n° 1-3, p. 34.
703
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985,
Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve Thomba
Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29 novembre 1988,
Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de justice, 24 février
1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ; Cour suprême de
justice, 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
704
Cour suprême de justice, 2 février 1982, R.R.15 ; Cour suprême de justice, 15 février 1982, R.R.16, in
DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, Ed.
C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime, n° 26, p. 201 ; Cour suprême de justice, 7
septembre 2003, B. contre Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, RR 393, RAJC, vol. VIII, janvier à décembre
2003, fascicule unique, pp. 9-10, note Dibunda ; T.G.I. Mbuji-Mayi, 9 avril 2001, N. c/ M., RPA 362/TGI, RAJC,
janvier à décembre 2001, vol. IV, pp. 43-44.
705
Cour suprême de justice, 16 juin 1982, RC 545, in DIBUNDA M., op. cit., n° 23, p. 201; Cour d’appel de
Kinshasa, 3 avril 1987, RCA 13.128 ; KATUALA KABA KASHALA., Code judiciaire zaïrois annoté, Kinshasa, éd.
Asyst, 1995, p. 34.
264

considérée sans objet lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du
litige avant l’examen de la requête par la Cour suprême de justice 706ou avant même que la
Cour suprême de justice n’ait examiné le bien-fondé de la demande, la Cour d’appel suspectée
de partialité a statué dans la cause en déclarant l’appel irrecevable707.

Il s'avère donc impérieux aux juridictions saisies de la requête de renvoi pour cause de
suspicion légitime d'agir dans la célérité en donnant acte rapidement afin d'empêcher certains
avocats véreux à se détourner de la volonté du législateur.

La date d'audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires. Cela signifie que la procédure est contradictoire, ce qui implique l'audition des
témoins en cas de nécessités ou production de tout moyen de preuve. Les débats se déroulent
de la manière suivante :

1. le requérant expose ses moyens ;


2. la partie adverse présente ses observations ;
3. le ministère public donne son avis s’il échet ;
4. le tribunal clôt les débats et prend l’affaire en délibéré708.

b) Décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

La décision sur la requête est rendue dans la huitaine de la prise en délibéré de l’affaire.
Lorsque la juridiction supérieure a décidé du renvoi, une expédition du jugement ou de l’arrêt
de renvoi est transmise, tant au greffe de la juridiction saisie qu’au greffe de la juridiction à
laquelle la connaissance de l’affaire a été renvoyée 709. Cette décision s'impose aux parties et
au juge de renvoi.

Lorsque la juridiction saisie de la requête rejette celle-ci en la déclarant non fondée, les
parties doivent revenir devant le juge saisie du fond de leur affaire aux fins de poursuivre
l'instance jusqu'à la décision finale, si entretemps, aucune autre cause ne vient perturber son
déroulement ou l'interrompre.

Comme on le voit, la décision renvoi pour cause de suspicion légitime s'explique par la
nécessité de préserver l'impartialité des cours et tribunaux. Le mécanisme de renvoi a ainsi
été conçu comme un instrument de l'impartialité de la décision à intervenir.

706
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in
DIBUNDA M., op. cit., n° 18, p. 201 ; Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, Mw c/H, RR 163, Revue
juridique du Zaïre, p. 22.
707
Cour suprême de justice, 13 mai 1981, R.R.10, in DIBUNDA M., op. cit., n° 19, p. 201.
708
Article 61 alinéas 5 et 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
709
Article 61 alinéa 7 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
265

6. Voies de recours

Les décisions rendues en matière du renvoi pour cause de suspicion légitime ne sont pas
susceptibles ni d’opposition ni d’appel710. Cela signifie que la procédure par défaut n'est pas
admise lors de l'examen de la requête par la juridiction saisie.

7. Sanctions applicables

L'article 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que si la requête
aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime est déclarée non fondée, la juridiction
suspectée peut, après avoir appelé le requérant, le condamner à l’amende prévue à l’article 53
de la loi organique susvisée sans préjudice des dommages-intérêts envers les juges composant
la juridiction mise en cause. Selon l'article cité, il s'agit de la même amende prévue pour le cas
de récusation, c'est-à-dire de cinq cent mille francs congolais (équivalent à 500 $). En réalité,
l'esprit du législateur voulait dire que l'amende peut aller jusqu'à l'équivalent de 500 $, ce qui
signifie qu'elle sera prononcée en tenant compte de du revenu du demandeur pour cause de
suspicion légitime. En clair, un villageois de Walikale ou Jomba (Province du Nord-Kivu) ou
de Luvungi (Province du Sud-Kivu) ou de Kasumbalesa (Province du Katanga) qui n'a pas de
revenu suffisant dont la demande de suspicion légitime a été rejetée, peut être condamné par
exemple à l'amende de 5 $, 10 $, 20 $, 50 $; pourvu qu'elle ne dépasse pas 500 $. Une
circulaire devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de cassation afin
de clarifier ces précisions. En Belgique, la partie qui utilise cette procédure à des fins
manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende de 15 à 2.500 euros
sans préjudice des dommages et intérêts711.

L'ancien Code d'organisation et compétence judiciaires n'avait pas prévu des amendes
pénales à l’encontre du demandeur d’une requête téméraire et vexatoire en matière de
suspicion légitime, la nouvelle loi vient ainsi de corriger cette lacune 712. D’ailleurs,
jusqu'avant la promulgation de cette loi organique, la Cour suprême de justice congolaise s’est
déclarée incompétente pour statuer sur les mérites d’une demande en réparation du préjudice
causé par une requête en renvoi pour cause de suspicion légitime introduite à la légère et pour
des fins purement dilatoires713.

Désormais, les requêtes aux fins de renvoi pour cause de suspicion faites à la légère ou
dans le but de retarder l'issue du procès seront punies non seulement des amendes de cinq cent
mille francs congolais mais aussi avec la possibilité d'être condamné au payement des
710
Article 61 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
711
Article 780 bis du Code judiciaire belge; voyez également F. HENRY, Les procédures de récusation et de
dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 82, p.85. L'article 545, alinéa 2 et 3 du Code d'instruction
criminelle fixe l'amende de 125 à 2.500 euros, Voyez M.-A BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH,
Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2014, 1529.
712
Il s'agit de la proposition qui avait été faite par le Professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de
projet de cette loi en Juillet 2006 à la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais.
713
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R.R.13, in DIBUNDA M, ibidem, n° 22, p. 201.
266

dommages-intérêts envers les juges composant la juridiction mise en cause ou les parties qui
s'estiment lésés par ce retard du procès. Ces amendes et dommages et intérêts qui sont
effectifs ont pour but de décourager ceux qui voudraient salir inutilement l’image des juges et
la crédibilité des juridictions par des demandes de suspicion légitime dilatoires et vexatoires
susceptibles de retarder l’issue du procès.

La loi organique susvisée n'a prévu la condamnation aux dépens de l'instance de la partie
succombante mais comme pour la récusation, nous pensons que lorsque la requête de renvoi
pour cause de suspicion légitime est rejetée, le requérant pourra être condamné au payement
des frais d'instance. Si la requête a été introduite par le ministère public, aucune
condamnation aux dépens n'est possible contre lui. Mais si la requête est jugée fondée, les
frais d'instance devraient être à charge du trésor car il est pratiquement inconcevable de
condamner la juridiction suspectée de partialité.

8. Effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

Si la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est jugée fondée, comme pour la
récusation, la juridiction directement supérieure statue sur tous les actes qui ont été pris par la
juridiction suspectée de partialité. Ainsi, les actes accomplis par une juridiction ne présentant
pas les garanties d’impartialité doivent être annulés étant donné qu'ils sont considérés comme
irréguliers et écartés des débats, lesquels sont, après suspicion légitime repris ab initio par la
juridiction désignée.

Si la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est jugée non fondée, la
procédure de l'affaire se poursuivra devant la juridiction qui était suspectée de partialité mais
le demandeur de suspicion légitime pourra être condamnée à une amende de cinq cent mille
francs congolais avec la possibilité d'être condamné au payement des dommages-intérêts
envers les juges composant la juridiction mise en cause.

La décision qui a rejeté une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ne fait pas
obstacle à l'introduction d'une nouvelle demande de renvoi pour cause des faits survenus après
le prononcé de la décision (si la première demande a été soit irrecevable, soit non fondée).
Néanmoins, une nouvelle demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est irrecevable
si elle invoque les mêmes faits que la précédente.

§ 2. Le renvoi pour cause de sûreté publique

I. Notions

Il est prévu par les articles 60 à 61 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. En effet, il
y a renvoi pour cause de sûreté publique lorsque les juges d’une juridiction sont loin d’un
procès serein et se sentent gravement menacés dans leur sécurité personnelle et dans leur
267

indépendance et afin de sauvegarder leur impartialité, la juridiction supérieure les dessaisit au


profit d’une autre de la même nature, du même degré et en principe du même ressort.

II. Causes de sûreté publique

Les causes de renvoi pour cause de sûreté publique ne sont pas indiquées ou définies par
la loi, c’est au juge saisi de la requête de renvoi qu’appartient de décider souverainement pour
chaque cas d’espèce. Mais cette requête est souvent consécutive aux réactions vives, violentes
et parfois passionnées de l’opinion publique à propos d’un procès engagé devant une
juridiction au point de perturber l’ordre public: émeutes ou troubles sociaux, désordres,
agitations ou passions politiques.

Il est admis que la sûreté publique évoque l'ordre et plus précisément la sauvegarde de
l'ordre public. Concrètement, la circonstance de la sûreté publique se rapporte à des situations
d'une particulière gravité. Il n'y est fait recours que lorsque la poursuite de la procédure peut
conduire localement à des troubles sérieux à l'ordre public ou susciter des mesures
immédiates et précises à la sécurité des magistrats et des fonctionnaires de justice, ainsi qu'à
celle du Palais de justice et des établissements pénitentiaires. Le renvoi pour cause de sûreté
publique est admis par exemple si le procès est de nature à entrainer des scènes de désordre ou
des tentatives d'évasion concrètes714.

Le renvoi pour cause de sûreté publique est sollicité lorsqu’il y a lieu de craindre que la
tranquillité publique puisse être compromise si la cause devait être jugée par la juridiction qui
en est saisie et, par voie de conséquence, sur son impartialité. Il vise à garantir l'impartialité
en cas de troubles graves dans la société risquant de mettre en péril la bonne administration
de la justice, au sein de la juridiction originairement saisie. Il s’étend également à la menace
qui pèse sur l’indépendance de la juridiction saisie 715, la sécurité des juges716 et par voie de
conséquence, sur leur impartialité. Le renvoi pour cause de sûreté publique est accueilli
lorsqu'il y a lieu de craindre que l'impartialité de la décision judiciaire puisse souffrir de
l'influence des passions locales sur la tranquillité et la sécurité publiques717.

Cette procédure a pour but d’éviter que le contenu de la décision judiciaire prononcée
dans un climat de trouble et d’atteinte à la tranquillité et à la sécurité publique ne puisse pas
être influencé par des considérations étrangères à une administration impartiale et sereine de
la justice. Les nécessités de la sûreté publique se font sentir lorsque l’indépendance et
l’impartialité des juges sont menacées de manière directe ou indirecte.

Les circonstances de renvoi pour cause de sûreté publique se fondent notamment sur la
nécessité de maintenir la sécurité publique ou de préserver les magistrats de l’état de guerre
714
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 99, p. 93.
715
W. DUJARDIN, « Des règlements de juges et de renvois d’un tribunal à un autre », Les novelles, Procédure
pénale, t. II, vol. II, Bruxelles, Larcier, 1949, n° 155.
716
S. GUINCHARD, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 353.161, p.
1164.
717
F. KUTY, L'impartialité du juge en procédure pénale. De la confiance décrétée à la confiance justifiée.
Bruxelles, éd. Larcier, 2005, p. 231.
268

ou de risque d’émeute, de violences, de désordres, de troubles et d’intimidation, etc. C’est


lorsque notamment la chambre du conseil avait été envahie, des débats interrompus, les juges
contraints de se réfugier dans un autre local, les serrures avaient été brisées, le président avait
été outragé ; de nouveaux troubles étaient à craindre718. Cette procédure est rare dans la
pratique judiciaire.

III. Procédure de renvoi pour cause de sûreté publique

1. Juridiction compétente

Une décision de renvoi pour cause de sûreté publique est en général l’œuvre d’une
juridiction supérieure à celle dont le trouble empêche le fonctionnement normal. Il est en effet
difficile d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction
saisie du litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.

Ainsi, le tribunal de grande instance est compétent si c’est le tribunal de paix de son
ressort qui est mis en cause ; la Cour d’appel est compétente si c’est le tribunal de grande
instance de son ressort qui est visé ; la Cour de cassation est compétente lorsque c’est la Cour
d’appel qui est mise en cause719. Aussi, la Cour de cassation peut, pour les mêmes causes
renvoyer la connaissance d'une affaire d'une juridiction du ressort d'une Cour d'appel à une
juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour d'appel 720. Par exemple, la Cour de
cassation peut renvoyer la connaissance d'une affaire du tribunal de grande instance de Goma
au profit du tribunal de grande instance de Bukavu ou de Kindu étant donné que les trois
juridictions se trouvent dans trois ressorts des cours d'appel différentes (cours d'appel de
Bukavu, Goma et Kindu). Mais, la Cour d’appel est incompétente de connaître le renvoi pour
cause de sûreté publique d’un tribunal de paix à un autre tribunal de paix.

La loi semble avoir oublié les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail et les
tribunaux pour enfants; en toute logique, c'est la Cour d'appel du ressort qui sera compétente
pour renvoi de l'une ou l'autre juridiction. Pour éviter les difficultés d'application de cet
éventuel renvoi concernant ces juridictions, il serait souhaitable d'introduire rapidement un
amendement pour corriger cet oubli. Mais en attendant cette correction législative, une
circulaire dans ce sens devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation.

Relevons qu’aucune cause de sûreté publique ne peut être soulevée contre la Cour de
cassation, Conseil d’Etat et Cour constitutionnelle compte tenu du fait qu’aucune juridiction
supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une demande éventuelle de renvoi.

718
Cour de cassation française, requête, 17 décembre 1946, JCPA 1947, IV, 672.
719
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977, p.
5; articles 60 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
720
Articles 60 alinéa 3 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
269

2. Modalités d'introduction de la demande

L’article 61 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire déclare :
"La requête aux fins de renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut
être présentée, soit par le Procureur général près la Cour de cassation, soit par l’officier du
ministère public près la juridiction saisie.
La juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la requête.
Sur production d’une expédition de cet acte par le ministère public ou par la partie la plus
diligente, la juridiction saisie quant au fond sursoit à statuer.
La date d’audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires.

En général, la requête de renvoi pour cause de sûreté publique est présentée uniquement par
le Procureur général près la Cour de cassation ou le ministère public près la juridiction saisie
afin de solliciter son dessaisissement au profit d'une autre de la même nature et même degré
(article 61 alinéa 1 de la loi organique). En principe, seules les parties ne peuvent saisir
directement la juridiction supérieure pour le renvoi pour cause de sûreté publique mais elles
peuvent solliciter le concours du ministère public afin que celui-ci saisisse la juridiction
supérieure pour un tel renvoi de la juridiction concernée.

3. Moment de la demande

La loi n'a pas dit de manière ferme le moment où l'on doit soulever la requête de renvoi
pour cause de sûreté publique. Nous pensons qu'il s'agit du même moment que pour la
récusation ou la suspicion légitime c'est à dire avant la clôture des débats. Il nous semble
évident que la requête ne peut pas être reçue après la prise en délibéré surtout que cette
procédure est consécutive notamment à des troubles qui empêchent la juridiction saisie de
statuer dans la sérénité.

4. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause sûreté publique

a) Déroulement de l'audience

Lorsque la requête de renvoi pour cause de sûreté publique a été introduite, la juridiction
saisie de la demande de renvoi donne acte de dépôt de la requête. Si c’est le tribunal de grande
instance qui est suspecté de manquer la sérénité à juger, celui-ci ne peut surseoir à statuer
qu’au vu de l’arrêt ou donner acte de cette requête rendue pour la Cour d'appel; si c'est la
Cour d'appel qui est suspectée, elle devrait sursoir à statuer jusqu'à l'arrêt du donner acte
rendue par la Cour de cassation.

Cela signifie que la seule demande de renvoi pour cause de sûreté publique ne suspend
pas automatiquement la procédure pendante devant la juridiction suspectée de partialité. Ce
n'est que lorsque la juridiction supérieure saisie de la requête a donné acte que la juridiction
suspectée doit sursoir à statuer. Mais en attendant le donné acte, la procédure continuera son
270

cours devant la juridiction suspectée de manque de sérénité à juger. Et pendant ce temps, les
esprits malicieux peuvent profiter de ce véritable vide pour accélérer la procédure devant la
juridiction suspectée en amenant cette juridiction à se prononcer sur le fond et vider ainsi le
contentieux en instance et rendant en conséquence, sans objet la demande de renvoi pour
cause de sûreté publique. Il s'avère donc impérieux aux juridictions saisies de la requête de
renvoi pour cause de sûreté publique d'agir dans la célérité en donnant acte rapidement afin
d'empêcher certains avocats véreux à se détourner de la volonté du législateur.

Les débats se déroulent de la manière suivante :

1. le requérant expose ses moyens ;


2. la partie adverse présente ses observations ;
3. le ministère public donne son avis s’il échet ;
4. le tribunal clôt les débats et prend l’affaire en délibéré.

b) Décision de renvoi pour cause de sûreté publique

La décision sur requête de renvoi pour cause de sûreté publique est rendue dans le délai de
huit jours de la prise en délibéré de l'affaire. Après le prononcé de la décision de renvoi pour
cause de sûreté publique, lorsque la juridiction supérieure a décidé du renvoi, une expédition
du jugement ou de l’arrêt de renvoi est transmise, tant au greffe de la juridiction saisie qu’au
greffe de la juridiction à laquelle la connaissance de l’affaire a été renvoyée 721.

Cette décision s'impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque la juridiction saisie de la requête rejette celle-ci en la déclarant non fondée, les
parties doivent revenir devant le juge saisi du fond de leur affaire aux fins de poursuivre
l'instance jusqu'à la décision finale, si entretemps, aucune autre cause ne vient perturber son
déroulement ou l'interrompre.

721
Article 61 alinéas 7 et 8 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
271

5. Voies de recours

Les décisions rendues en matière du renvoi pour cause de sûreté publique ne sont pas
susceptibles ni d’opposition ni d’appel722. Cela signifie que la procédure par défaut n'est pas
admise lors de l'examen de la requête par la juridiction saisie.

6. Effets de la décision de renvoi pour cause de sûreté publique

Si la requête de renvoi pour cause de sûreté publique est jugée fondée, rien ne justifie que
les actes accomplis par la juridiction concernée soient considérés irréguliers et écartés des
débats, d'autant plus que les troubles qui envahissent la juridiction et l'empêchent de juger
dans la sérénité ne peuvent pas être reprochés aux juges. Si la requête de renvoi pour cause de
sûreté publique est jugée non fondée, la procédure de l'affaire se poursuivra devant la
juridiction qui était suspectée de manquer la sérénité. Mais dans la pratique, il est rare que la
requête de renvoi pour cause de sûreté publique soit déclarée non fondée.

722
Article 61 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
272

CINQUIEME PARTIE:
LE DELIBERE ET LE PRONONCE DE JUGEMENTS

CHAPITRE I: LE DELIBERE

SECTION 1: NOTIONS
En règle générale, délibérer c’est confronter les opinions pour aboutir à une commune
décision qui est formulée dans la collégialité. Même quand un juge a composé le siège à lui
seul l’on dit aussi qu’il délibère en ce sens qu’il confronte les positions des parties au procès
pour arriver à éclairer sa religion et d’aboutir à la décision conséquente.

La définition du terme "délibéré" pourrait faire croire que les juges se réunissent
pour aborder immédiatement le sujet principal, à savoir si les prétentions du demandeur sont
fondées ou pas ? Quelle conclusion en tirer sur le plan du droit ? A la vérité, le chemin pour
aboutir à la décision conséquente est long sur le parcours, car les juges doivent aborder une
série de problèmes au sujet desquels une solution doit être prise.

SECTION 2: PROCÉDURE DU DÉLIBÉRÉ


Les délibérés sur toutes les affaires à trancher sont gardés secrets 723. Aucune
divulgation de secret du délibéré. Le secret de délibéré protège l'anonymat de la de la
décision, ce qui permet aux magistrats de délibérer dans une plus grande sérénité 724. Si l’on
organise une plénière (séance réunissant les magistrats du siège, d’une Cour ou d’un tribunal
pour débattre un point de droit qui se pose à une composition), les éléments de la cause et les
opinions émises par les membres de la composition sont présentés d’une manière générale.

Le délibéré en siège collégial porte à la fois sur les motifs et les dispositifs de l’arrêt ou
jugement. Si un jugement ou arrêt est rédigé par un seul juge, le collège examine et corrige
éventuellement ce projet. Le président est tenu de résumer l’affaire aux autres juges et de
rappeler les textes de lois applicables, avant l’examen des motifs et du dispositif. Celui-ci
terminé, il passe au vote le projet d’arrêt ou jugement en commençant par le juge le moins
âgé725.

723
Article 41 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
724
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1 Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 264, p. 215.
725
Article 37 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
273

Lors du délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins élevé donne son avis le
premier ; le président le dernier726. Toutefois avant le délibéré, le président de chambre fait, à
l’intention des membres de la composition, un rapport succinct sur l’état de la procédure et
sur les faits leur soumis. Si quelques points paraissent difficiles sur le plan de droit et
nécessitent des recherches ; le délibéré peut être ajourné ; car la majorité judiciaire qui vise la
vérité juridique ne dépend pas du nombre. Cela ne signifie nullement que le membre réduit en
minorité doit traîner en longueur le délibéré, il devra à défaut d’éléments convaincants, se
rallier aux autres en vue d’éviter de retarder le prononcé.

Au cas où il reviendrait de provoquer une séance plénière, celle-ci ne se substitue pas


à la composition, mais elle éclaire cette dernière sur les points de droit complexes. Les
décisions sont prises à la majorité des voix. En matière de droit privé, s’il se forme plus de
deux opinions dans le délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins élevé est tenu de se
rallier à l’une de deux autres opinions727.

Le délibéré est facile lorsqu’il s’agit d’une juridiction collégiale : des échanges des
vues et des discussions interviennent entre les membres de la juridiction, les opinions
différentes venant des personnes à caractère et des tempéraments forts divers se confrontent,
l’expérience des plus anciens guide les plus jeunes, certains points qui avaient échappé aux
uns sont signalés par les autres, les pièces du dossier peuvent être revues de près, etc. Les
juges qui participent à la délibération doivent être les mêmes que ceux qui ont assisté aux
débats et entendu le réquisitoire et les plaidoiries, sous peine de cassation. Quand le siège est
à juge unique, ce dernier délibère sur la sentence qu’il va rendre, c’est-à-dire qu’il réfléchit,
qu’il essaye de s’éclairer sur les points qui lui paraissent douteux (il est à préciser que depuis
la promulgation de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, il n' y a plus de
composition du siège à juge unique car dans toutes les matières, le siège est collégial).

Le délibéré peut-être bref, c'est le cas qui est fréquent où la décision est rendue « sur le
banc » (c’est- à- dire juste à la fin de l’audience même). La délibération est secrète, elle a lieu
hors de la présence de toute personne étrangère, y compris le ministère public et le greffier.
Les juges sont tenus au secret du délibéré. Une fois la décision rendue, aucun des membres de
la juridiction qui ont assisté à la délibération et y ont participé ne doit en révéler quoi que ce
soit728 au risque de poursuites disciplinaires.

726
Article 41 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
727
Article 42 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
728
G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, éd. Dalloz, 1993, p. 690-691.
274

CHAPITRE II: LE PRONONCE DE JUGEMENT

SECTION 1: DÉNOMINATION ET CLASSIFICATION


DE JUGEMENTS OU ARRÊTS
Les décisions judiciaires rendues par les cours et tribunaux peuvent être classées de la
manière suivante :

- Le jugement désigne les décisions prises par les tribunaux de grande instance, de commerce
et par les tribunaux de paix.
- Un arrêt est une décision rendue par les cours d'appel, la Cour de cassation, le Conseil
d’Etat et la Cour constitutionnelle.
- Une sentence est rendue par des arbitres.
- Une ordonnance est l'œuvre du Président d’une juridiction siégeant dans une matière
urgente, d'un juge commis pour procéder à un devoir d'instruction bien précis ;
- Le jugement au fond porte sur le principal de la contestation.
- Le jugement sur incident se borne à vider un incident de procédure, par exemple à statuer
sur un déclinatoire de compétence, une exception de nullité, une fin de non recevoir.

SECTION 2: PORTÉE DES JUGEMENTS


On distingue également les décisions suivant leur portée.
- Un jugement est définitif lorsqu’il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse
donnée, qu'il s'agisse du fond ou d'un incident. La distinction revêt une très grande
importance en ce qui concerne l'autorité de la chose jugée et l'effet dévolutif de l'appel. A
titre d'exemple, un jugement statuant sur la recevabilité d'une demande mais ne tranchant pas
le fond est définitif (en ce qui concerne la question de la recevabilité).

- Par un jugement d'avant dire droit ou provisoire, le juge ordonne une mesure préalable à
l'examen des droits des parties, destinée à instruire la demande (mesures d'instruction) ou à
régler provisoirement la situation des parties. Le jugement provisoire est dès lors une décision
prise dans l’attente des dispositions définitives. En principe, de telles mesures peuvent être
sollicitées dès l’audience d’introduction ou à tout moment en cours d’instance.

- Un jugement peut être mixte et comporter à la fois des dispositions définitives et des
dispositions avant dire droit. Un jugement sera mixte si son dispositif épuise la juridiction du
juge saisi sur une ou plusieurs des questions litigieuses qui lui étaient soumises et comporte,
par ailleurs, un avant dire droit. C’est ainsi qu’on peut dire que les jugements définitifs sur
incident sont mixtes. Il s'agit en effet d'un jugement par lequel le juge tranche définitivement
un incident (par exemple une exception d'irrecevabilité ou d'incompétence) avant même de
considérer le fond du litige.
275

SECTION 3: VOIES DE NULLITÉS


Les voies de nullité n'ont pas lieu contre les jugements.
Qu'il y ait mal jugé ou nullité pour vice de forme ou incompétence, les jugements ne peuvent
être anéantis que par les voies de recours prévues par la loi. Ces recours sont :
- les voies de recours ordinaires (l'opposition et l'appel) ;
- les recours extraordinaires (le pourvoi en cassation, la tierce opposition, la requête civile, la
prise à partie).

Un jugement sera coulé en force de chose jugée lorsque les recours ordinaires ne seront plus
possibles. Il deviendra par ailleurs irrévocable lorsque les recours extraordinaires ne pourront
plus être exercés.

SECTION 4: PROCÉDURE
Lorsque le délibéré a pris fin, deux types de décisions sont susceptibles d’être prises par
la Chambre du siège, à savoir les décisions de forme et les décisions de fond. Les décisions
de forme se limitent à la saisine ou à la recevabilité de la procédure et peuvent également
porter sur la compétence du tribunal. Quant aux décisions de fond, elles franchissent ce cap
pour statuer sur le fond de la cause.

Les décisions de la chambre du siège sont prises à la majorité de ses membres soit au
moins à deux voix sur trois, trois sur cinq, cinq sur sept, etc. Il n’appartient donc pas au
président d’imposer sa position aux autres membres de la composition. Cependant, le
président de la composition a la latitude de désigner le magistrat appelé à rédiger les projets
des jugements. En toute logique, il ne saurait s’agir du magistrat mis en minorité de peur de
le placer devant un cas de conscience. Une fois rédigés par un membre de la composition du
siège, les jugements sont soumis aux autres membres, et une fois adoptés, ils sont prononcés
en audience publique. La chambre qui prend une cause en délibéré en indique la date du
prononcé. Le prononcé intervient au plus tard dans les dix jours en matière civile,
commerciale, sociale.

Les jugements sont signés par le président ou par le juge, ainsi que par le greffier, s'il
était présent, lorsque le jugement a été prononcé. Ce qui implique un écrit : il faut insister sur
cette exigence car le Conseil supérieur de la magistrature devrait sanctionner sévèrement la
négligence des juges qui se contentent de rédiger le dispositif de jugement pour le
prononcer, réservant à plus tard la rédaction de la motivation. C’est évident qu’un tel
jugement n’a que l’apparence d’un jugement, il est susceptible d’annulation par voie
d’appel ou de cassation.

Il faut aussi insister sur la nécessité de voir le jugement être prononcé par les juges qui
ont instruit la cause à l’audience, car c'est bien dans l’intérêt des parties que celui de la bonne
administration de la justice. La Cour suprême de justice a eu à censurer et censure encore
un grand nombre d’arrêts et jugements qui ne sont pas conformes à ce principe. Lorsqu’il y
a modification de siège due par exemple à l’absence d’un juge, à l’empêchement ou au
276

décès d’un juge qui a jusque là composé un siège, il y a nécessité absolue de procéder à la
réouverture des débats et ce, aussi bien pour la bonne administration de la justice que dans
l’intérêt des parties.

En effet, il y va de la garantie même de la vérité judiciaire et de l’intérêt des


justiciables d’exiger qu’uniquement les juges ayant connaissance du problème soient appelés à
le trancher. La bonne distribution de la justice est celle qui est rendue par des juges ayant
statué véritablement en connaissance de cause, ce qui suppose qu’ils ont pris part à tous les
débats se rapportant à la cause ou tout au moins en ont reçu un compte-rendu valable.

Les conditions suivantes doivent être réunies pour rendre régulière la modification
du siège:

- il doit y avoir réouverture des débats ;


- la citation à comparaître qui sera signifiée aux parties doit mentionner expressément
que la juridiction va procéder à la réouverture des débats ;
- le président de la composition du siège doit exécuter un résumé des débats antérieurs
qui doit être acté à la feuille d’audience ;
- le résumé des débats antérieurs doit se faire en présence des parties dûment appelées,
de cette façon, les parties auront l’occasion d’intervenir pour éventuellement
compléter ou
rectifier le résumé des débats antérieurs fait par le président de la composition du
siège.

Les statistiques des arrêts de la Cour suprême de justice montrent que la


composition irrégulière de siège est le moyen le plus fréquent qui donne lieu même d’office à
la cassation. C’est dire donc que la Cour suprême de justice s’est montrée inexorable en cette
matière729.
On peut relever que l’expression réouverture des débats retenue par la Cour suprême
de justice peut, dans certains cas, s’avérer peu correcte. En effet, au cas où la modification du
siège intervient alors qu’on est encore à l’instruction à l’audience, on ne peut pas parler de
réouverture des débats mais plutôt de la réouverture de l’instruction consistant en un
résumé à l’intention du nouveau juge entrant au siège, des éléments essentiels de
l’instruction antérieure. Et même dans l’hypothèse où la modification du siège intervient,
alors qu’on est encore aux débats non encore clôturés, on ne peut valablement se justifier
que lorsque la cause a été prise en délibéré et que donc les débats ont été déclarés clos.

729
CSJ, 22 juin 1972, RPA 17, Anangama c/ Ministère public; CSJ, 26 juillet 1972, RP 5, Tuluka c/ Boekua et
consorts.
277

CHAPITRE III:
LES INCIDENTS APRES LE PRONONCE DE JUGEMENT

SECTION 1: LA RÉOUVERTURE DES DÉBATS


Le juge peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner la réouverture des débats, soit d'office soit à la
demande des parties ou de l'une d'elles. Dans certains cas, le juge doit ordonner la réouverture
des débats.

§ 1. A la demande d'une partie

Pour que la réouverture des débats ait lieu à la demande d'une partie, il faut que celle-ci ait
comparu-donc qu'elle n'ait pas été défaillante - et que soit découvert une pièce ou un fait
nouveau et capital susceptible d'influencer la décision. Ni la découverte tardive d'un
document, ni la consultation d'un nouvel Avocat ou d’n défenseur judiciaire ne constituent des
motifs suffisants pour solliciter la réouverture des débats.

§ 2. Ordonnée d'office par le juge

Le juge peut, en cours de délibéré, estimer n'être pas assez informé ou éclairé sur la cause et
dans ce cas, rouvrir les débats en sollicitant des parties qu'elles s'expliquent plus avant sur tel
ou tel autre point qu'il précise dans le jugement de réouverture des débats. Cette décision
d’ordonner la réouverture des débats est susceptible d’appel.

Après la réouverture des débats, le cas échéant, le ministère public donnera à nouveau son
avis. L'affaire sera ensuite à nouveau mise en délibéré. Les nouveaux débats sont toutefois
strictement limités à la question faisant l’objet de la réouverture des débats. Lors de la
réouverture, le siège doit être composé par les juges qui ont assisté aux audiences antérieures.
A défaut, les plaidoiries doivent être complètement reprises.
278

CHAPITRE IV : LE JUGEMENT COMME


L’ABOUTISSEMENT DU PROCES

SECTION 1 : NOTIONS ET CONTENU DU JUGEMENT

§ 1. Notions

Après les plaidoiries des parties, les parties déposent devant le tribunal leurs dossiers de
pièces ainsi que leurs conclusions (elles doivent bien vérifier qu’elles n’ont pas oublié de les
signer). Le tribunal déclare alors les débats clos et communique l'affaire au ministère public,
le cas échéant. Nous disons « le cas échéant » parce que, comme nous l’avons écrit plus haut,
toutes les causes ne sont pas communicables.

Dans l'hypothèse où la cause n'est pas communicable, le tribunal peut rendre son jugement sur
le banc si la cause n’est pas complexe. Il peut, par exemple, se contenter d’entériner l'accord
des parties. Si c’est le cas, il dictera les termes de son jugement au greffier audiencier qui
rédigera le jugement sur la feuille d'audience.

Mais dans la plupart des cas cependant, le tribunal prendra l'affaire en délibéré et ne rendra
son jugement qu'ultérieurement. Il est bien dommage que le législateur n’ait pas imposé aux
juges un délai pour rendre leurs jugements. En effet, cet « oubli » est à la base d’une mauvaise
pratique que les praticiens et les justiciables constatent dans la gestion des dossiers par les
juges. Les juges « prennent leur temps » et attendent d’être « motivés730 » par les parties avant
de rendre leurs jugements. Pourtant, l’al. 2 de l’art. 19 de la Constitution porte que « Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge
compétent. »

Le juge rédigera alors un texte écrit qui constituera la « minute » du jugement. Celui-ci sera
annexé à la feuille d'audience. En effet, après le délibéré, le juge doit prononcer, en audience
publique, le jugement, ce dernier étant considéré comme l'aboutissement judiciaire du procès.
Le jugement est un écrit portant les mentions prévues par la loi (CPC, art. 23). Le texte
original du jugement est porté à la feuille d'audience. C'est ce qu’on appelle la minute. Elle est
signée par le juge et le greffier et est conservée au greffe.

A ce sujet, les articles 23 et 24 du CPC prévoient que :

730
Ainsi entend-on les expressions du genre en lingala « ozoya kuluka ngai te, likambo na yo ekokatama
yango moko ? » (Vous ne passez pas me voir, croyez-vous que votre litige sera tranché de lui-même ? » ;
Cela sous-entend que le justiciable doit aller soudoyer (« motiver ») le juge en lui remettant de l’argent
ou un bien en nature avant qu’il ne rende son jugement. Les juges sont en cela « encouragés » par les
greffiers qui trouvent aussi leur compte dans cette pratique. Dans le langage courant, on dit que, eux
aussi, se « retrouvent » (sous –entendu, les juges avec qui ils travaillent ou siègent les rétribuent pour
les contacts et le « suivi » qu’ils assurent entre les justiciables ou leurs avocats et le Tribunal.
279

Art. 23. : « Les jugements contiennent le nom des juges qui les ont rendus, celui de l'officier
du ministère public s'il a été entendu et du greffier qui a assisté au prononcé; les noms,
professions et demeures des parties et de leurs fondés de pouvoir si elles ont été
représentées; les motifs, le dispositif et la date à laquelle ils sont rendus» ;

Art. 24. : « Les minutes des jugements sont signées par les juges qui les ont rendus et par le
greffier; elles sont annexées à la feuille d'audience».

Le jugement renferme la formule exécutoire parce qu’il est rendu « au nom du Président de la
République ». C’est lui qui donne mandat et ordonne à tous huissiers requis, procureurs
généraux et procureurs de la République de prêter au requérant leurs assistance pour permettre
l'exécution du jugement.

Par ailleurs, comme nous l’avons indiqué plus haut, le jugement peut être contradictoire ou
par défaut. Il est contradictoire lorsque les deux parties ont régulièrement comparu aux
audiences et déposé leurs conclusions ainsi que leurs dossiers. Il n'est pas toujours nécessaire
que les parties plaident.

Le jugement est par défaut lorsqu'une partie ne comparaît pas ou que le défendeur s'abstient
de conclure à moins, dans ce dernier cas, que le demandeur ne fasse usage de la procédure
prévue à l'article 19 du code de procédure civile. La distinction entre jugement contradictoire
et jugement par défaut présente une très grande importance notamment au point de vue des
voies de recours. En effet, un jugement contradictoire n'est susceptible que d'appel tandis que
les jugements rendus par défaut sont susceptibles d'opposition puis d'appel, ce qui laisse deux
possibilités de réformation pour la partie défaillante.

Par ailleurs, comme nous l’avons aussi indiqué plus haut, il y a des jugements définitifs et des
jugements avant dire droit. Le jugement est définitif lorsqu'il met fin à la contestation en la
tranchant. Cela ne signifie pas que le procès est définitivement terminé puisque ce jugement
pourra être réformé sur opposition, appel ou cassation. Le jugement n'est donc définitif que
sous réserve des voies de recours. Lorsque les voies de recours sont épuisées, on ne dit plus
que le jugement est définitif mais qu'il est « coulé en force de chose jugée », c'est à dire qu'il
est devenu inattaquable au moyen des voies de recours prévues par la loi.

En réalité, on parle de jugement définitif pour l'opposer au jugement avant dire droit qui ne
tranche pas la contestation mais qui constitue une ou plusieurs mesures d'instruction
ordonnées par le juge. Le jugement avant dire droit est la décision du tribunal qui apparaît
comme nécessaire pour permettre au juge de trancher le litige ultérieurement.

Parmi les jugements avant dire droit, on distingue les jugements préparatoires des jugements
interlocutoires. L'article 73 du Code de procédure civile donne la distinction qu'il faut établir
entre ces deux sortes de jugements et les jugements définitifs: Sont réputés préparatoires, les
jugements rendus pour l'instruction de la cause et qui tendent de mettre le procès en état de
recevoir jugement définitif. Sont réputés interlocutoires, les jugements par lesquels le tribunal
ordonne avant dire droit, une preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le fond.
280

En effet, les deux sortes de jugements tendent au même but : mettre le procès en état de
recevoir un jugement définitif par une mesure d'instruction quelconque mais dans le jugement
préparatoire, le tribunal ne préjuge pas le fond du procès tandis que dans l'interlocutoire, il le
préjuge, c'est-à-dire, qu'il fait déjà entendre aux parties qu'il donnera partiellement ou
totalement gain de cause à l'une d'elles, si la mesure d'instruction ou la vérification qu'il
ordonne vient appuyer les prétentions de cette partie. Les deux catégories de jugements
tendent toutes deux à une mesure d'instruction : une expertise, une enquête, une comparution
personnelle des parties, une vérification d'écritures, une visite des lieux, un serment, etc. Le
seul critère de distinction est de savoir si la mesure ordonnée préjuge ou non du fond. La
question reste beaucoup plus discutable et souvent plus difficile à trancher dans la pratique
judiciaire lorsque le jugement ordonne une mesure d'instruction proprement dite, mesure
tendant à la preuve des faits ou actes juridiques tels que enquêtes, comparution des parties etc.

La différence entre jugement préparatoire et interlocutoire est très importante car l'appel d'un
jugement préparatoire ne peut être interjeté qu'après jugement définitif et conjointement avec
l'appel de ce jugement tandis que l'appel d'un jugement interlocutoire peut être, tout comme
les jugements provisionnels, interjeté avant le jugement définitif (CPC, art. 72).

S’agissant des jugements provisoires et jugements provisionnels, les premiers allouent une
« provision » (CPC art. 72 al. 2). En effet, les jugements provisoires sont ceux qui ordonnent
une mesure qui sera appliquée pendant la durée du procès. Le jugement provisoire est ainsi
appelé parce qu'il subsiste intégralement jusqu'à ce que l'une des deux parties demande une
modification en raison d'un changement intervenu. Le jugement provisoire est donc définitif
jusqu'à ce qu'il fasse l'objet d'une modification qui peut toujours intervenir, les mesures
adoptées étant provisoires.

Par contre, les jugements provisionnels sont ceux qui allouent au demandeur une partie
seulement des sommes postulées dans son exploit introductif et qui ne constituent qu'une
partie de son préjudice réel ou de ce qui lui est dû en réalité. Le jugement provisionnel est
définitif et peut être exécuté comme tel tandis que le jugement provisoire est toujours sujet à
modification et on peut toujours revenir sur les décisions qui ont été prises par le juge alors
que ce qui a été alloué provisionnellement l'est définitivement sans qu'on puisse le modifier
sauf en cas d'opposition ou d'appel.

Dans la pratique, on parle aussi de jugement d'expédient et jugement proprement dit. Il y a


jugement d'expédient lorsque les parties qui étaient en contestation devant le tribunal se
mettent d'accord et demandent au tribunal de constater leur transaction. On qualifie ce
jugement « d’expédient » parce que les parties ont fini par trouver un accord en cours
d’instance et on demande au tribunal d'entériner cet accord afin de le couler dans un
jugement, il faut à l'origine une contestation puisque le jugement est une décision rendue sur
une contestation.

Quant au jugement proprement dit, nous avons suffisamment disserté la dessus dans les lignes
qui précèdent, de sorte qu’il s’indique de ne plus revenir sur cette notion ici.
281

§ 2. Contenu et mentions du jugement

Outre les diverses mentions précitées, le jugement doit surtout contenir une motivation et un
dispositif.

I. La motivation

L’article 21 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée jusqu'à ce jour et l’article
23 CPC disposent que tout jugement doit être motivé. Cette obligation est inséparable de la
mission de juger. C’est que, pour les parties, la motivation permet de vérifier si le dispositif de
la décision est dépourvu d'arbitraire et est conforme au droit. La motivation doit être
complète, claire, précise et adéquate. La contradiction dans les motifs équivaut à une absence
de motifs et constitue une cause d’annulation.

Pour préciser davantage les formes dans lesquelles cette motivation doit être faite, il convient
de souligner que la motivation exigée consiste en l’indication, dans l’acte, des considérations
de droit et de fait servant de fondement à la décision. Elle doit être adéquate. Les motifs de
droit émargent dès lors de la mention des textes juridiques 731auxquels le juge (ou l’autorité
judiciaire) se réfère pour prendre la décision en cause. Les motifs de fait sont fournis par les
circonstances concrètes des événements qui ont amené l'autorité à adopter telle décision ;

La motivation est dès lors un travail de persuasion. Pour paraphraser J. Rivero, le juge doit,
dans la décision de justice qu’il prend, expliquer au justiciable « le pourquoi et le comment de
ce qui lui est imposé ». Par ailleurs, comme l’écrit J. Bourtembourg, cette obligation de
motivation consiste ainsi à donner au justiciable de percevoir le « pourquoi des choses » et
donc d’être en mesure de mieux accepter les options retenues, les décisions prises. La
motivation facilite ainsi la tâche du « contrôleur » qui doit simplement lire la décision pour
apprécier la légalité de l'explication fournie. Elle avantage aussi l'administré en ce qu’il lui est
donné de comprendre la décision à la lecture de celle-ci et est mieux à même, s'il échet, d'en
contester les termes732.

Il existe quelques exceptions à l'obligation de motiver, qui concernent des questions


accessoires, comme les frais et dépens, l'exécution provisoire ou la condamnation aux intérêts
légaux. Par ailleurs, les décisions d'ordre intérieur, les actes d'administration judiciaire sans
caractère juridictionnel, ne doivent pas non plus être motivées.

731
J. RIVERO : A propos des métamorphoses de l'administration, dans « Mélanges Savatier », p. 828,
cité par N. POULET-GIBOT LECLERCQ : Le Conseil d'Etat et le contenu de la motivation des actes
administratif ; Dalloz Sirey, Chronique XII, p. 61.) .
732
Lire à ce sujet J. BOURTEMBOURG, Le point sur la motivation formelle des actes administratifs
www.bourtembourg.be/txt/motiv_form.doc ;
282

II. Les mentions du jugement

Rappelons encore une fois que la « nullité » d'un jugement n'apparaîtra que si la voie de
recours appropriée est exercée. L'article 23 du CPC détermine les mentions qu'à peine de
nullité, le jugement doit contenir. Ces mentions sont :
- l'indication des noms du juge ou du tribunal dont il émane, les noms des membres du siège,
du magistrat du ministère public qui a donné son avis et du greffier qui a assisté au prononcé ;
- les noms, professions et demeures des parties et de leurs fondés de pouvoir si elles ont été
représentées ;
- les motifs, le dispositif et la date à laquelle ils sont rendus.

Nous pouvons ajouter, même si cela n’est pas expressément prévu à l’art. 23 CPC :
- l'objet de la demande et la réponse aux conclusions ou moyens des parties ;
- la mention de l'avis du ministère public ;
- la mention et la date du prononcé de la décision en audience publique.

Le dispositif est la partie du jugement qui contient la décision prise par le tribunal. Rappelons
enfin que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au seul dispositif mais s'étend aux motifs
qui en sont le soutien nécessaire.

III. Signification du jugement

La signification est le fait de porter l'expédition du jugement à la connaissance de la partie


adverse. Sans signification, on ne peut procéder à l’exécution du jugement. Comme indiqué
plus haut, la signification du jugement est l'acte par lequel, à la requête d’une des parties, un
huissier de justice porte à la connaissance de l’autre ou des autres parties la décision de justice
qui a été prononcé. La signification met la partie qui a succombé au procès en demeure de
s'exécuter volontairement le jugement. A défaut, il faut procéder à une exécution forcée.

Mais la signification a aussi une autre finalité : faire courir le point de départ des délais de
recours : opposition et appel. Elle pourra être faite comme tout exploit de justice. Dans la
pratique, celui qui désire signifier le jugement remettra à l'huissier d’une part l'original qui
sera remis au signifiant et qui sera, après signification, rapportée à la personne qui signifie et
la copie remise au signifié. D’autre part, l'expédition du jugement ainsi qu'une copie pour le
signifié.

SECTION 2: INTERPRÉTATION ET RECTIFICATION DU JUGEMENT


Lorsqu'un juge rend un jugement définitif, il épuise sa juridiction et il ne peut revenir sur sa
décision. Les parties ne peuvent plus le saisir des difficultés suscitées par l'exécution forcée
de sa décision. Il lui est toutefois permis d'interpréter et de rectifier le jugement qu’il avait
prononcé.
283

§ 1. L’interprétation

Le juge peut en effet interpréter sa décision lorsqu'il existe dans celle-ci une disposition
obscure ou ambiguë. Dans ce cas, en lui soumettant le jugement, la partie qui le saisit souhaite
le voir mieux dire ce qui a été décidé, sans toutefois étendre, restreindre ou modifier les droits
qu'il a consacrés. Autrement, il porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée. Il doit donc
maintenir sa décision initiale tout en lui donnant un meilleur entendement. Aussi, à l'occasion
d'une demande d'interprétation, la ou les parties ne peut (vent) lui soumettre des éléments
qu’il n’avait pas examinés au sujet du jugement dont on demande l’interprétation.

§ 2. La rectification

La rectification ne peut porter que sur des erreurs de rédaction. De même qu'à propos de
l'interprétation, les droits consacrés par la décision rendue ne peuvent être étendus, restreints
ou modifiés à cette occasion. Le juge ne peut que corriger les erreurs matérielles par exemple
une erreur de prénom qu'il aurait commise, ou une erreur d'addition (mais non pas, par
exemple ajouter un élément de calcul qui lui était inconnu lorsqu'il a statué).

§ 3. Compétence et procédure

C'est le juge qui a rendu la décision qui peut l'interpréter ou la rectifier 733. Ce juge est saisi
selon les modalités que nous avons examinées plus haut quant à la saine du tribunal. Mais
l'interprétation ne peut être sollicitée si la décision est frappée d'appel ou de pourvoi en
cassation (sauf si toutes les parties sont d'accord, avant l'expiration des délais d'appel ou de
pourvoi en cassation). Cela permet d'éviter la saisine simultanée de deux juridictions et le
risque de voir l'interprétation empiéter sur le domaine du juge d'appel ou de cassation.

En ce qui concerne la rectification, le juge qui a rendu la décision peut la rectifier pour autant
que le dispositif qui comporte l'erreur matérielle ne fasse l'objet d'aucun recours au moment
où il est saisi de la demande.

SECTION 3: LES EFFETS DE JUGEMENTS

§ 1. Extinction de l'instance

Dès que le juge a vidé sa saisine et réglé le litige qui lui était soumis, l'instance est éteinte et il
est dessaisi. Il ne peut plus revenir sur sa décision ni la modifier. Si les parties ne sont pas
d’accord sur tout ou une partie de sa décision, elles doivent exercer les voies de recours
appropriées, en général, l'appel. On dit, dans ce cas, que le juge est dessaisi et cette règle du
dessaisissement est d'ordre public. Les parties ne peuvent y déroger. Ainsi, par exemple, le
premier juge ne peut, après son jugement et par un jugement distinct, accorder l'exécution
provisoire. Seul le juge d'appel peut le faire.

733
Article 117 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
284

§ 2. Force probante et autorité de la chose jugée

Le jugement est un acte authentique faisant preuve jusqu'à inscription de faux. Dès lors, il est
revêtu de l’autorité de la chose jugée sous réserve de ce que nous avons développé plus haut à
ce sujet. Il ne crée pas de droit nouveau mais le reconnaît et confirme ce qui existe. C’est pour
cette raison qu’on dit que le jugement un acte déclaratif des droits et, qu'il aboutisse à une
condamnation ou non, il s'impose aux plaideurs et a pour eux un effet obligatoire. Cet effet
s'étend aussi aux tiers en ce sens que ces derniers ne peuvent méconnaître l'existence du
jugement et son contenu. Cependant, n'ayant pas été parties à l'instance, les tiers ont la
possibilité si le jugement porte atteinte à leurs propres droits d'attaquer la décision par la voie
de la tierce opposition.

Acte déclaratif, le jugement est en principe rétroactif en ce sens que le juge statue en se
plaçant au jour de l’assignation lorsqu'il prononce son jugement. Il est toutefois évident qu'en
fait, le juge prendra aussi en considération les événements qui se sont
produits depuis l'acte introductif d'instance pour former son opinion.

Mais, exceptionnellement, un jugement peut créer une situation juridique nouvelle : dans ce
cas le jugement est constitutif et, en principe, il n'a d'effet qu'au jour du prononcé. C'est le cas
par exemple des jugements qui prononcent le divorce, la séparation de corps, la séparation de
biens, la faillite, l'interdiction. Toutefois, même le jugement constitutif peut, en vertu de
dispositions particulières, voir tout ou partie de ses effets rétroagir.

§ 3. Force exécutoire

En principe, un jugement est exécutoire dès qu'il est rendu. Cela signifie qu'il sera mis en
œuvre, si nécessaire avec le concours de la force publique. Il n’en sera autrement que si la
décision est exécutoire nonobstant tout recours, l'introduction d'un recours ordinaire
(opposition ou appel) suspendant ainsi le caractère exécutoire du jugement.

Le jugement passé en force de chose jugée (c’est-à-dire, pour rappel, qui n’est plus
susceptible de voies de recours ordinaires) est toujours doté de la force exécutoire. Ce sont les
procédures d'exécution forcée qui permettent concrètement de mettre en œuvre les droits
résultant du jugement.
285

CHAPITRE V : L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE

SECTION 1 : NOTIONS
L'autorité de la chose jugée est une présomption qui découle de la loi. En effet, l’autorité que
le Code de procédure civil attribue à la chose jugée ne peut être renversée par la preuve
contraire. C’est une présomption irréfragable qui met à l'abri de contestations futures les
droits reconnus par le jugement en rendant incontestable la situation qui découle de la
décision.

Cela entraîne deux conséquences : d’une part, sous réserve des voies de recours, ce qui a été
décidé ne peut plus être remis en question par les parties, interdisant par là la réitération du
procès. Cela revient à dire que celui qui a été partie à un procès dispose à l'égard de son
ancien adversaire d'une fin de non recevoir, l’exception de chose jugée, qui lui permet de faire
déclarer irrecevable toute demande qui aurait pour objet de revenir sur ce qui a été
antérieurement jugé. D’autre part, le jugement reconnaît ou attribue à une partie un droit dont
celle-ci pourra désormais se prévaloir de manière irréfragable à l’égard de son ancien
adversaire.

SECTION 2 : CONDITIONS DE VALIDITÉ DE CHOSE JUGÉE


Pour qu’il y ait autorité de chose jugée faisant obstacle à la réitération de la demande, trois
conditions doivent être cumulativement réunies :
a) La chose demandée, l’objet de la prétention, soit la même (identité d'objet).
b) La demande soit fondée sur la même cause, c'est-à-dire les mêmes faits antérieurement
invoqués et appréciés en fonction d’une norme juridique mise en oeuvre par le juge précédent
(identité de cause).
c) La demande soit formée entre les mêmes parties agissant en la même qualité (identité de
parties). Il suffit qu’une partie ait été appelée en intervention et en déclaration de jugement
ou d’arrêt commun pour que l’exception de chose jugée puisse lui être opposée.

En réalité, pour cerner aisément l’autorité de chose jugée, il faut rechercher ce qui a été
antérieurement contesté et jugé, en fait et en droit, vérifier si la nouvelle demande tend à
obtenir une décision sur une question litigieuse qui a été tranchée par un acte juridictionnel
antérieur, de sorte que la prétention nouvelle, si elle est admise, serait de nature à contredire
ce qui a été certainement jugé. Dès lors, pour décider si l’exception de chose jugée est fondée,
le juge doit donc rechercher s'il peut admettre la prétention nouvelle sans détruire le bénéfice
de la décision antérieure734.

734
Cassation belge, 16 mars 1972, Pas., I, 660.
286

SECTION 3 : AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE ET DESSAISISSEMENT


Par le dessaisissement, le juge qui prononce un jugement définitif épuise sa juridiction sur la
question litigieuse. Il ne peut plus revenir sur sa décision même avec l’accord des parties. En
effet, cette règle touche à l’ordre public et sa méconnaissance constitue un excès de pouvoir
qui est commis par le juge qui statue sur une question litigieuse lorsqu’il a définitivement jugé
celle-ci dans la même cause et entre les mêmes parties.

Il incombe dès lors de bien distinguer le dessaisissement de l’autorité de chose jugée.


Lorsque la chose jugée est invoquée dans le cadre d'un même procès (c'est-à-dire chaque fois
que le juge entend faire état - que ce soit dans le cadre d'une même instance ou en degré
d'appel - d'une précédente décision passée en force de chose jugée et rendue sur un point
déterminé du litige), le juge ne se fonde pas sur l'autorité de chose jugée du jugement déjà
rendu mais constate que cette décision, coulée en force de chose jugée, a définitivement vidé
sa saisine sur ce point litigieux et peut, dès lors, se dessaisir .

SECTION 4 : LES DÉCISIONS QUI POSSÈDENT


L’AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE
Le principe est que, toute décision définitive sur le fond ou sur incident, c'est-à-dire toute
décision épuisant la juridiction du juge sur une question litigieuse a, dès son prononcé,
autorité de chose jugée. Partant, n’ont dès lors pas cette autorité :
- Les décisions d'avant dire droit. Le juge qui les a prononcées peut modifier ou rétracter la
mesure provisoire si l'une des parties le demande et pour autant qu'un changement des
circonstances de fait justifie une nouvelle décision ;
- Les ordonnances présidentielles, rendues en matière d’urgence ou en matière gracieuse.
Elles ont l’autorité de « chose décidée » parce qu’elles ne peuvent plus être modifiées ou
rétractées qu’à la suite de circonstances nouvelles ;
- Les dispositions d'ordre intérieur, actes administratifs judiciaires, ne sont pas pourvues du
caractère juridictionnel et n'ont pas l'autorité de la chose jugée. Il en est ainsi des décisions
contenant une simple mesure d'ordre, tel un renvoi au rôle général ou d'une décision de
réouverture des débats, d'une décision de remise. Ces décisions ne tranchent aucun litige et, à
défaut d'être définitives, ne sont pas susceptibles de recours ;
- Le jugement mixte ou complexe qui comporte à la fois des dispositions définitives et des
dispositions d'avant dire droit, ne possède l'autorité de la chose jugée que dans la limite de ce
qui a été définitivement décidé sur une question litigieuse.
- Les arrêts rendus par la Cour de cassation sur un pourvoi avec renvoi. Le juge de renvoi
statue librement.

L'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif du jugement ou de l’arrêt. Elle ne


s'attache pas aux motifs, sauf ceux qui sont inséparables du dispositif, qui constituent son
soutien nécessaire ainsi qu’aux motifs décisoires, c’est-à-dire ceux qui énoncent une décision
du juge sur une question litigieuse. Par ailleurs, l’autorité de la chose jugée, comme
287

présomption irréfragable, est relative en ce sens qu’elle ne peut être invoquée que par les
parties à la cause.

Toutefois, le jugement, par son existence même, modifie l’ordonnancement juridique et cette
modification, objectivement, doit être reconnue et respectée par tous. Il s’agit non plus de
l’autorité de chose jugée mais de l’opposabilité du jugement.

SECTION 5 : L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS


L’exécution d’un jugement peut être volontaire ou forcée

§ 1. L’exécution volontaire du jugement

La partie qui succombe à un procès peut volontairement exécuter le jugement en


accomplissant de sa propre volonté et sans contrainte les dispositions de ce jugement. Dans
cette hypothèse, l'exécution volontaire met définitivement fin à la procédure. Le litige est
réglé puisqu’une solution a été trouvée. Mais, à défaut d’une exécution volontaire, il faut que
la partie qui a gagné le procès et qui a un intérêt, procède à l’exécution forcé du jugement.

§ 2. L’exécution provisoire du jugement (art. 21 CPC)

L’exécution provisoire du jugement est ordonnée d'office :

* s'il y a titre authentique, c'est-à-dire lorsque le jugement est basé sur un acte notarié ou un
acte judiciaire que la loi répute authentique et qu'il en prescrit l'exécution ;

* s'il y a promesse reconnue, c'est-à-dire que la partie contre laquelle le jugement est rendu a
reconnu sa dette à l'égard de son adversaire dans un acte sous seing privé ou par aveu
judiciaire ou extrajudiciaire ;

* s'il y a condamnation précédente par jugement dont il n'y a pas eu appel ;

* en cas de mesures provisoires en matière de divorce (Code de la famille, art. 568).

§ 3. L’exécution forcée du jugement

L’exécution d’un jugement peut se faire par nature ou par équivalent. La situation est
différente lorsque le jugement est déclaratif ou destructif d’une situation ou d’un état.
Examinons chacune de ces situations.

L’exécution d’un jugement par nature ou équivalent ne nécessite pas un développement


particulier. Mais le dispositif du jugement condamne une partie à une somme d'argent et que
la partie succombante ne s’exécute pas volontairement, le gagnant peut pratiquer une saisie
sur les biens mobiliers ou immobiliers du perdant et, ensuite les faire vendre publiquement.
Le produit de la vente permet qu’il soit payé à concurrence des sommes qui lui ont été
288

allouées par le jugement, si du moins la somme dégagée de la vente lui permet de recouvrer
ses droits.

Mais, avant de procéder à l’exécution forcée du jugement, il faut passer par le greffe,
commander l’expédition du jugement, procéder à la signification du jugement avant de
pratiquer une saisie.

S’il s’agit d’une saisie mobilière (art. 120-127 CPC), elle est effectuée par un huissier et elle
est précédée d'un commandement fait au moins 24 heures avant la saisie. Le commandement
contient signification du jugement si cela n'a pas été fait précédemment et par acte séparé.
Dans la pratique, on emploie la procédure de signification commandement. Cela revient à dire
que, dans la première partie de l'exploit, celui qui désire procéder à l'exécution, le signifie puis
dans la deuxième partie de l'acte, fait commandement au signifié d'avoir à payer le montant
principal ainsi que les frais de justice dont le détail est donné. Si, entretemps, le saisi enlève
les objets mobiliers et les fait disparaître, il en est responsable tant comme gardien que
comme saisi. Comme gardien, il risque une condamnation à des dommages-intérêts. Comme
saisi, il risque d'être poursuivi devant le tribunal pénal sur base du vol (infraction de
détournement d'objets saisis, CPC, art.129).

Le procès-verbal de saisie est dressé en deux exemplaires dont l'un est remis au saisissant et
l'autre au saisi. Il est signé par l'huissier, les témoins, le gardien et le saisi. Si le saisi ne veut
pas signer, l'huissier fera mention du refus dans le procès-verbal. Si l'huissier ne trouve aucun
objet saisissable au domicile du saisi, il dressera un procès-verbal de carence. Mais il faut
savoir que certains objets personnels du saisi sont insaisissables (art. 127, CPC).

S’agissant de la saisie immobilière, elle est prévue par l'ordonnance du 12 novembre 1886
approuvée par le décret du 3 mai 1887. Le saisissant se fait d’abord délivrer par le
conservateur des titres immobiliers un extrait du livre d'enregistrement constatant que
l'immeuble est inscrit au nom du saisi. Ensuite, il devra adresser au saisi un commandement
spécial qui comportera la désignation de l'immeuble ou des immeubles à saisir. Le
commandement sera aussi signifié au conservateur des titres immobiliers. Il se fait par voie
d'huissier avec les mêmes mentions que celui qui est prévu pour la saisie mobilière.
Ces formalités accomplies, le saisissant pourra poursuivre la vente de l'immeuble dans un
délai de quatre mois s'il ne veut pas perdre le bénéfice de la procédure commencée. Mais,
dans la pratique, il faut savoir que la saisie peut entraîner certaines difficultés surtout lorsque
l'immeuble est en indivision entre plusieurs propriétaires. Le saisissant, dans ce cas, va devoir
assigner tous les propriétaires devant le tribunal pour provoquer le partage. Une telle
procédure peut être longue parce qu’il faut déterminer la part de chacun des propriétaires pour
connaître celle du saisi. Il faudra également nommer un administrateur si le propriétaire ne
peut être atteint par les actes de procédure ce qui, dans la pratique, peut entraîner plusieurs
difficultés.
289

L'immeuble est vendu aux enchères par un notaire et publiquement. Le notaire dresse l'acte
d'adjudication lequel rendra l'acquéreur de l'immeuble propriétaire après que l'acheteur ait
payé le prix entre les mains du comptable de l'Etat ainsi que le droit de 15 % sur le prix au
profit de l'Etat.

S’agissant de l’exécution d’un jugement déclaratif ou destructif d'état, elle ne peut se faire par
une saisie des biens. Ainsi en est-il de l’exécution d'un jugement prononçant une nullité de
mariage, un divorce, un changement d'état civil, le désaveu de paternité, une action en
reconnaissance de paternité ou de maternité. L'exécution se fait par la transcription du
jugement dans les registres de l'état civil. Le tribunal ordonnera cette transcription dans le
dispositif de son jugement. La partie qui a gagné le procès fera procéder à la transcription du
jugement dans les registres de l'état civil et ce, après que le jugement n’ait acquis force de
chose jugée.
290

SIXIEME PARTIE : LES VOIES DE RECOURS

CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

Les voies de recours sont les procédures que la loi a prévu au profit des parties ou des tiers
pour leur permettre d'obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé. Lorsqu’une partie
au procès n’est pas satisfaite du jugement ou d’un arrêt qui a été rendu dans sa cause, les voies
de recours lui permettent d’attaquer le jugement pour un nouvel examen du litige. L'exercice
des voies de recours est toujours soumis à un délai, lequel est prescrit à peine de déchéance.
La prorogation de ce délai par le juge n'est pas, de sorte que cette déchéance ne peut être
couverte. La seule possibilité de prorogation, admise par la jurisprudence 735, est le cas de force
majeure, c'est-à-dire l'événement imprévisible et insurmontable, extérieur à la personne qui
s'en prévaut. En ce cas, le délai de recours ne prend cours qu'à dater du jour où la force
majeure a cessé d'exister.

En règle générale, toutes les décisions sont susceptibles de recours ordinaires. Cependant, il y
a diverses exceptions. Ce sera le cas notamment en cas de :
D'accord des parties : lorsque les parties demandent au juge d'acter l'accord qu'elles ont
conclu sur la solution d'un litige dont il est régulièrement saisi. Dans ce cas, ce jugement n'est
susceptible d'aucun recours de la part des parties, à moins que l'accord n'ait point été
légalement formé (par exemple, vice du consentement, ou contrariété à l’ordre public). Dans
ce dernier cas, l'appel est ouvert aux parties en tant que voie de nullité.
D'acquiescement : L'acquiescement à une décision est la renonciation par une partie à
l'exercice des voies de recours dont elle pourrait user ou qu'elle a déjà formé contre toutes ou
certaines des dispositions de cette décision. L'acquiescement peut être exprès ou tacite, mais
en toute hypothèse, conformément au droit commun, l'adhésion à la décision rendue doit être
certaine et non équivoque.

Il y a acquiescement exprès lorsque la partie déclare accepter le jugement; il y a


acquiescement tacite lorsqu'elle accomplit des actes ou des faits précis et concordants dont se
déduit l'intention certaine qu'elle a d'adhérer à la décision. La volonté d'acquiescer doit être
strictement appréciée car les renonciations ne se présument pas.

C'est un acte unilatéral qui ne doit pas être accepté par la partie adverse. L'acquiescement peut
être pur et simple ou conditionnel, auquel cas il ne sortira d'effet que si la condition est
acceptée par la partie adverse. Il n'est, en principe, valable que dans les matières qui ne

735
Il faut que l'impossibilité d'agir ait été absolue c'est-à-dire qu'elle résulte d'un événement
indépendant de la volonté de la partie et que celle-ci n'a pu ni prévoir ni surmonter. La faute ou la
négligence du mandataire « ad litem » ou de l'huissier de justice ne constitue pas un cas de force
majeure105. Cette faute ou négligence est évidemment susceptible d'engager la responsabilité
professionnelle de l'avocat ou de l'huissier. Cass. belge, 24 janvier 1974, Pas., I, 553.
291

touchent pas à l'ordre public et c'est pourquoi l'on ne peut acquiescer au jugement qui
prononce un divorce, qui statue sur une question relative à l'état des personnes, qui déclare
une faillite ou qui statue sur une question de compétence matérielle d'ordre public.

Par contre, ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel :


- les décisions ou mesures d'ordre, qui ne constituent pas des actes juridictionnels (fixation,
remise, omission du rôle, radiation, etc.) sauf si elles infligent un grief immédiat à l’une des
parties ;
- les jugements ordonnant la comparution personnelle des parties, ceux ordonnant une
production de document et ceux ordonnant une descente sur les lieux. En ce qui concerne ces
jugements, en effet, le principe est qu'ils ne peuvent causer aucun préjudice ;
- les décisions prises en application d’une sommation judiciaire par lesquelles le juge fixe des
délais pour conclure.

Bref, les voies de recours sont des procédures ouvertes aux parties ou aux tiers en vue
d’obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé en tout ou en partie 736. Le législateur a
prévu plusieurs mécanismes pour protéger les justiciables contre les abus et l’arbitraire de la
justice, à savoir : les voies de recours ordinaires (chapitre 1) et les voies de recours
extraordinaires (chapitre 2).

736
G. DELEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2005, n° 188, p. 279.
292

CHAPITRE II : LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES

Il s’agit des voies de recours ouvertes aux parties dans tous les cas et permettent d’attaquer en
tous points la décision. Ces voies de recours sont ouvertes pour toutes les espèces de cause,
des causes que la loi ne précise pas à l'avance et ces vois de recours sont largement ouvertes
pour n'importe quel motif737. Elles produisent un effet suspensif de l’exécution de la décision
attaquée. L’on distingue l’opposition (section 1) et l’appel (section 2).

SECTION 1 : L’OPPOSITION

§ 1. Notions

L'opposition est prévue par les articles 61 à 65 du Code de procédure civile. C’est un recours
de rétractation porté devant la juridiction qui a rendu la décision attaquée par un justiciable
qui a été condamné par défaut (à son absence). L'opposition permet à une partie qui n’a pas
comparu de demander au juge qui a rendu la décision de se rétracter et c'est pourquoi on
l'appelle le recours en rétractation consistant à substituer une décision une décision
contradictoire à la décision rendue par défaut738.

Ce recours a la particularité d'être exclusivement réservée à la partie défaillante qui n'a pas
comparu ou qui n'a pas présenté ses moyens de défense: le défaillant demande au juge qui a
rendu en sa défaveur, de juger l'affaire à nouveau, tant en fait qu'en droit, à la lumière des
éléments qu'il lui apporte et dont le juge n'avait pas eu connaissance la première fois . En effet,
nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou à tout le moins appelé; le défendeur a le droit
de contredire les allégations du demandeur portées contre lui, le défendeur, celui-ci a toujours
le droit, par voie d'opposition, de soumettre à nouveau l'affaire au tribunal qui en jugera, cette
fois, en ayant entendu leurs moyens de défense. Celui qui exerce cette action est appelé
opposant. Celui qui se défend contre l'opposition introduite se dénomme « défendeur sur
opposition ». Il en est ainsi même si le défendeur sur opposition est en réalité le demandeur
originaire à l'action en justice.

A la différence de l'appel, pour l'opposition, l'affaire est portée; non pas devant une
juridiction hiérarchiquement supérieure, mais devant la même juridiction à qui il est demandé
de rétracter sa décision initiale. Cela signifie que l'opposition est une voie de recours
ordinaire comme l'appel en ce sens qu'elle est toujours ouverte à la partie intéressée, à moins
qu'un texte exprès ne la supprime. Mais à la différence de l'appel, l'opposition est une voie de
rétractation, c'est-à-dire que l'on revient devant la juridiction qui a statué une première fois, au
lieu d'aller devant une juridiction supérieure. Il s’agit donc du recours au juge mal informé
devant le juge, cette fois bien, bien informé ; il relève de la compétence exclusive de la
juridiction qui a statué par défaut mais ce n’est pas nécessairement le même juge qui connaît

737
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 37, p. 29.
738
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°1, p.9.
293

du recours. L'opposition est ouverte à tout défaillant, quelle que soit sa place dans le procès, il
doit démontrer sa qualité de partie ayant été jugée par défaut et non son intérêt à agir. En tant
que voie de recours ordinaire, son exercice entraine en principe, la suspension de la force
exécutoire de la première décision739.

L'opposition est la voie de recours ordinaire mise à la disposition de la partie défaillante


(défaut simple). Le tribunal qui a statué par défaut est seul compétent pour connaître de
l'opposition. L'opposition est dès lors une voie ordinaire de recours et de rétractation qui
permet la réouverture des débats devant les juges qui ont déjà connu du procès. L'opposition
est donc une voie de rétractation normale: elle consiste dans le fait pour la partie défaillante
de saisir à nouveau le même tribunal, de lui demander de rétracter ou rapporter sa décision, en
d'autres termes, de substituer une décision contradictoire à la décision-défaut, après avoir
entendu le défaillant et les autres litigants 740. Elle est une voie de recours indispensable
qu’utile à la bonne administration de la justice et qui laisse intact le principe du double degré
de juridiction, le défaillant ayant l’occasion de soumettre son argumentation tant au juge qui a
connu du défaut qu’à la juridiction supérieure. Lors de l'opposition, le tribunal va en principe,
juger l'affaire à la lumière de la contradiction. C'est en cela que l'existence même de
l'opposition constitue une mesure exceptionnelle de protection des droits de défense. Le
respect de ceux-ci se manifeste a posteriori en raison de l'attitude du défaillant et le juge
parachève un travail dont l'imperfection initiale a pour origine une mauvaise information.

§ 2. Conditions d'admissibilité

L'exercice de l'opposition requiert intérêt et qualité. L'on doit avoir été partie, c'est-à-dire
avoir été appelé à comparaître à l'instance et avoir été défaillant ; la décision qu'on attaque
doit en outre avoir causé un grief. L'opposition ne peut être admise que contre les jugements
rendus qui ont été rendus par défaut. Autrement, l’opposition ne sera pas reçue. Il s’agira
notamment des situations suivantes :
- lorsque le jugement est réputé contradictoire par le législateur bien que le défendeur
n'ait pas comparu ou se soit abstenu de conclure malgré la sommation qui lui a été
lancée (art. 19, CPC). Il en est de même dans le cas de plusieurs défendeurs lorsque
certains font défaut (art. 18, CPC) ;

- lorsqu'elle l’opposition est introduite contre un jugement qui statue sur une première
opposition (art. CPC) en vertu de l'adage « opposition sur opposition ne vaut ». Mais
la partie défaillante peut encore faire appel ;

- lorsqu’il s’agit d’une ordonnance du président du tribunal ou de la cour statuant en


matière de juridiction gracieuse ;

739
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 35, p.23
740
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.994.
294

- l'opposition n'est pas possible contre un jugement de défaut-congé parce que, dans
cette hypothèse, il faut réassigner. En effet, le juge doit avoir tranché le litige quant au
fond pour qu’il y ait opposition ;

- la loi (art. 54 du décret sur les faillites) n'autorise pas l'opposition contre les jugements
qui tranchent les contestations de créance en matière de faillite.

§ 3. Motivation

Pour limiter les manœuvres dilatoires, l'acte d'opposition doit, à peine de nullité, énoncer les
moyens de l'opposant. Toutefois, il s'agit d'une nullité relative qui, pour être valablement
invoquée, doit avoir causé un grief dans le chef de la partie adverse. L’opposant ne doit pas
tenter de légitimer le défaut à l'audience : ce qui est fondamental, c'est qu'il fasse valoir dans
son acte d’opposition les moyens de fond qu'il aurait normalement développés s'il avait été
présent à la cause. Comme relevé plus haut, l'opposant devient demandeur sur opposition et
c'est à ces moyens que son adversaire doit répondre.

§ 4. Le délai

Le délai d'opposition est fixé à quinze jours et prend cours, en principe, à partir de la
signification du jugement rendu par défaut (art. 61 CPC). Si la signification est faite à
personne, l'opposition peut être introduite dans un délai de quinze jours plus un délai de
distance d'un jour par cent kilomètres. Si la signification n'est pas faite à personne, le délai est
de quinze jours plus les délais de distance.

Si la partie qui a gagné le procès par défaut ne fait pas signifier le jugement, l'opposition peut
être introduite à n'importe quel moment sans que la partie qui utilise cette voie soit tenue de le
faire endéans un délai quelconque.

Si la partie qui signifie le jugement prouve que l'opposant a eu connaissance de la


signification, le délai de quinze jours commence à courir à dater du jour de cette
connaissance.

Si la signification d'un jugement par défaut a été faite au domicile et non à personne,
l'opposition devient irrecevable quinze jours après qu'on aura eu connaissance de cette
signification.

La date de l'opposition formée par lettre missive est celle de réception au greffe de la
juridiction qui a rendu la décision attaquée et non celle où elle a été écrite.

On le voit, le calcul du délai pour former une opposition paraît facile mais il faut y être
attentif, selon que la signification est faite à personne, au domicile, par lettre missive ou si le
gagnant du procès par défaut ne l’a pas signifié. Le texte de l’art. 61 du CPC est ainsi libellé :
295

« Le défendeur condamné par défaut peut faire opposition au jugement dans les quinze jours
qui suivent celui de la signification à personne, outre un jour par cent kilomètres de distance
la distance à prendre en considération est celle qui sépare le domicile de l'opposant du lieu
où la signification de l'opposition doit être faite.

Lorsque la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition peut être faite dans les
quinze jours, outre les délais de distance, qui suivent celui où l'intéressé aura eu
connaissance de la signification. S'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, il peut
faire opposition dans les quinze jours, outre les délais de distance, qui suivent le premier
acte d'exécution dont il a eu personnellement connaissance, sans qu'en aucun cas,
l'opposition puisse encore être reçue après l'exécution consommée du jugement».

Eu égard à ce délai de quinze jours prescrit par la loi, il est dès lors manifeste que toute
opposition qui serait introduite en dehors de ce délai sera déclarée irrecevable. On dit, dans ce
cas, qu’il y a eu forclusion du délai.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, la partie opposante qui se laisse juger une seconde
fois par défaut n'est plus admise à former une nouvelle opposition car, opposition sur
opposition ne vaut. Cela permet de décourager les recours dilatoires.

§ 5. Contenu et actes constitutifs

Conformément à l’article 63 CPC, l'opposition contient l'exposé sommaire des moyens de la


partie. Il faut donc exposer de façon brève les arguments qui soutendent l’opposition ;
Elle est formée par la partie elle-même ou par un fondé de pouvoir spécial (cela revient à dire
que si c’est avocat ou un défenseur judiciaire, il doit être muni d’une procuration spéciale),
soit par déclaration reçue et actée par le greffier du tribunal qui a rendu le jugement, soit par
lettre recommandée à la poste adressée au greffier de cette juridiction.
La date de l'opposition est celle de la déclaration au greffe ou celle de la réception par le
greffier de la lettre recommandée.
L'opposition peut aussi être faite par déclaration sur les commandements, procès-verbaux de
saisie et de tout autre acte d'exécution, à charge pour l'opposant de la réitérer, dans les dix
jours outre un jour par cent kilomètres de distance, et suivant les formes prévues à l'alinéa 2,
à défaut de quoi elle n'est plus recevable et l'exécution peut être continuée sans qu'il soit
besoin de la faire ordonner.
Le greffier qui reçoit la déclaration d'opposition fait assigner le demandeur originaire dans les
formes et délais prévus par la loi.

De ce qui précède, nous pouvons retenir que la loi prévoit trois manières pour introduire une
opposition. Elle est formée au greffe du tribunal qui rendu le jugement attaqué :

 par déclaration reçue et actée par le greffier de ce tribunal ;


296

 par voie d'une lettre recommandée à la poste adressée au greffier de la même


juridiction ;
 par déclaration sur les commandements, procès-verbaux de saisie et de tout autre
acte d'exécution.
Après avoir reçu la déclaration d'opposition, le greffier fait assigner le demandeur originaire à
la requête de l'opposant dans les formes et délais prévus pour les assignations.
Une fois l’opposition introduite, la procédure se poursuit et se plaide devant le même tribunal
qui a prononcé le jugement par défaut. Il faut d’abord conclure sur la recevabilité de
l'opposition avant d’aborder le fond du litige. C'est l'opposant qui plaide en premier lieu, le
demandeur originaire pouvant toutefois plaider sur le fond avant lui.

Le tribunal statue sur l’opposition. Si elle est rejetée, le tribunal confirme le jugement a quo
(le premier jugement). Il peut aussi déclarer l'opposition non recevable ou non fondée. S'il
reçoit l'opposition, il réformera le jugement rendu par défaut et statuera à nouveau. On peut
interjeter appel de ce jugement.

§ 6. Effets

I. Effet suspensif

Ce qu’il importe de retenir, c’est que l'opposition suspend l'exécution du jugement


antérieurement rendu sous réserve des règles relatives à l'exécution provisoire nonobstant tout
recours.

II. Effet dévolutif

L'acte d'opposition provoque une nouvelle saisine du tribunal qui avait statué pour qu'il
procède à un examen contradictoire de la demande originaire. Le second débat n'est que la
continuation du premier. En matière civile, le tribunal, dans un premier temps, vérifie si
l'opposition est recevable. Si elle l'est, il procède à un nouvel examen de l'affaire en fait et en
droit. Il s'agit en réalité d'une reprise initiale. Si l'opposition est irrecevable ou non fondée, le
premier jugement retrouve toute son efficacité, qui avait été provisoirement suspendue par
l'exercice de ce recours. Le tribunal peut reprendre les motifs de la première décision. Si le
jugement par défaut est rétracté, les actes d'exécution qui auraient pu être accomplis seront
annulés. Sur opposition, le jugement est toujours réputé contradictoire.

II. Effet relatif

Le recours ne profite qu'au plaideur qui en a pris l'initiative. La seule opposition d'une partie
ne permet pas d'aggraver les condamnations qui ont été prononcées contre elle, mais le
demandeur originaire peut conclure et dès lors introduire les demandes incidentes.
297

§ 7. L'opposition et le principe d'impartialité

Le principe d’impartialité du juge ne s’oppose pas à ce qu’un même magistrat puisse


statuer sur le recours en opposition formé contre une décision au prononcé de laquelle il a
participé étant donné que les éléments de l’affaire n’avaient pas fait l’objet d’un débat
contradictoire de toutes les parties au procès. Le juge est censé n’avoir jamais écouté les
arguments de la partie ayant été jugée par défaut (à son absence). Ce respect d’impartialité
s’applique en matière pénale741, civile742 et disciplinaire.

§ 8. Propositions de sa réforme

Dans la pratique, certains justiciables abusent de ce droit en utilisant l'opposition pour


ouvrir la voie aux manœuvres dilatoires et offrir le luxe d'un nouveau procès, même à celui
qui a été négligent ou, plus grave encore, n'a eu d'autre objectif que de différer le jour du
jugement. D'ailleurs certains justiciables véreux utilisent l'opposition dans le but de faire
retarder l'exécution du jugement. C'est pourquoi, il serait mieux d'envisager une réforme qui
permettrait à ce que l'opposition cesse d'être une voie de recours ordinaire ouverte à tout
défaillant, quels que soient les raisons de son défaut et les griefs invoqués à l'encontre de la
première décision.

En procédure civile, la RDC pourrait s'inspirer de l'article 473 du nouveau Code de


procédure civile français qui prévoit que lorsque le défendeur ne comparait pas, le jugement
est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à
personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou
lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur. Cela signifie concrètement
lorsque la décision est prononcée au premier degré et que le défendeur a été signifié à
personne pour comparaître, si celui-ci ne comparaît pas, son opposition ne sera pas accueillie
étant donné qu'il dispose du droit d'aller en appel. Si par contre, la décision est prononcée au
degré d'appel (en dernier ressort) et que le défendeur a été signifié à personne, l'opposition
peut être accueillie car le justiciable n'aura plus la possibilité de faire appel contre ladite
décision. L'idée générale est donc de permettre à l'opposition qu'elle ne protège pas n'importe
quel défaillant mais uniquement celui qui risque d'être définitivement condamné alors que, de
bonne fois, il ignorait le procès.

Enfin, l'on devrait prévoir les sanctions civiles pour les oppositions téméraires et
vexatoires, dues à la négligence, la légèreté et la fraude du défaillant. Ces sanctions civiles
seraient des amendes civiles (équivalent en francs congolais à 500 $ US comme pour la
récusation et la suspicion légitime) sans préjudice à l'éventuelle condamnation au paiement
des dommages et intérêts à l'adversaire.

741
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit, thèse de doctorat en droit, pp. 399-403; O. MICHIELS, L'opposition en
matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°41 et 73, pp.61 et 108.
742
Ibidem, pp. 489-492.
298

SECTION 2: L'APPEL

§ 1. Notions

L'appel est traditionnellement défini comme la voie de recours ordinaire par laquelle la partie
qui s'estime lésée par un jugement, en sollicite la réformation par la juridiction supérieure.
L'appel est une voie de recours ordinaire, c'est-à-dire ouverte à toutes les parties, dès qu'elles
y ont un intérêt, sans qu'elles aient à invoquer de griefs particuliers; il suffit que la partie
invoque un mal jugé de droit ou de fait, le jugement fut-il irréprochable du point de vue de sa
régularité formelle. L'appel ne peut être formé qu'une fois: c'est la règle du double degré de
juridiction. Il porte la censure d'une juridiction supérieure 743. La juridiction supérieure, dotée
d'un plein pouvoir de juridiction, sera amenée à procéder à un examen complet du litige
(affaire), déjà jugé, en tout ou en partie, par la juridiction du premier degré 744. Ce recours vise
l'annulation ou la réformation d’un jugement ou arrêt par une juridiction supérieure pour mal
jugé. L'annulation vise à rendre nulle la décision qui avant été prise et la réformation vise à
refaire en fait et en droit le jugement du litige745.

L'appel est une voie de réformation, contrairement à l'opposition, en ce qu'il soumet


l'affaire à une juridiction autre que celle qui a rendu le premier jugement, en l'invitant de
rendre la décision différente qui remplace la première 746. La juridiction d’appel statue en fait
et en droit c’est-à-dire sur la forme et sur le fond 747. En matière civile, le délai d'appel est de
30 jours. Celui qui exerce cette action s’appelle l’appelant, il est le « demandeur » en degré
d'appel. La partie contre laquelle l'appel est introduit s’appelle « l'intimé ». Il est le
« défendeur » en appel.

Ce recours est de loin le plus important, le plus utilisé et il ouvre un second degré de
juridiction aux fins d’un réexamen complet du litige. Il trouve sa justification dans le double
degré de juridiction: le premier juge a pu se tromper et l'on peut raisonnablement penser que
la cause sera mieux jugée en appel devant une juridiction hiérarchiquement supérieure, saisie
d'un dossier dont les éléments essentiels auront été dégagés en première instance. L'appel est
prévu par les textes internationaux. Ainsi, l'article 14, § 5 du Pacte international des Droits
civils et politiques du 19 décembre 1966 déclare: "Toute personne déclarée coupable d'une
infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité et de condamnation, conformément à la loi".

L’appel, exercé comme un recours en justice, joue un rôle important car :

743
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1381.
744
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 79, p.51.
745
L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010, n° 275, p.
921.
746
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1012.
747
Articles 66 à 79 du Code de procédure civile.
299

 il permet de faire rectifier les erreurs que le premier juge aurait pu commettre en
faisant réexaminer la cause par des magistrats généralement plus nombreux et plus
expérimentés ;
 il sert de voie de nullité contre les décisions prononcées au premier degré ;
 il permet aux plaideurs de « rectifier le tir », de réparer les erreurs qu'ils ont
commises au niveau du premier degré d’instance dans la défense de leurs intérêts.
Ils peuvent changer d'argumentation ou proposer une nouvelle qualification
juridique des faits ;
 enfin, il permet de faire état de faits nouveaux survenus en cours d'instance et qui
ont un impact sur la situation litigieuse.

L'acte d'appel ouvre une nouvelle instance judiciaire, laquelle est différente de celle qui a été
examinée par la juridiction inférieure et qui a rendu un jugement dont appel. Le procès n’est
pas fini par le jugement du premier juge, il se prolonge mais au degré d'appel.

§ 2. Conditions de recevabilité de l’appel

Il y a des conditions qu’il faut respecter pour que l’appel soit déclaré de recevable. Nous y
reviendrons, mais il faut savoir que l’on peut relever appel de tout jugement, celui rendu par
défaut ou de façon contradictoire, d’un jugement définitif ou d’un avant dire droit (qu’on
appelle parfois ADD dans la pratique judiciaire).

Cependant, l'appel d'un jugement préparatoire ne peut se faire qu'en même temps que le
jugement définitif. De même, une partie qui a fait défaut peut choisir d’interjeter directement
appel et ne pas recourir à l'opposition. Mais elle peut tout aussi faire d’abord l’opposition et,
ensuite seulement, interjeter appel si, in fine, elle a des raisons de droit de le faire.

Mais, pour interjeter appel, il faut qu’il s’agisse d’un jugement qui ait vidé un litige et non un
acte de juridiction gracieuse ou une simple mesure d'ordre d'un tribunal à moins que cet acte
n’ait porté préjudice à l'appelant.

S’agissant des conditions requises, aucun appel ne sera déclaré recevable si l'appelant ne
produit l'expédition régulière de la décision attaquée, le dispositif des conclusions des parties
et, le cas échéant, les autres actes de la procédure nécessaires pour déterminer l'objet et les
motifs de la demande.

Mais, outre ces pièces, pour pouvoir interjeter appel et qu’il soit admis, il faut avoir qualité et
justifier d’un intérêt :

I. Avoir qualité pour agir

Il faut avoir qualité et avoir été partie au procès au premier degré d’instance, soit comme
demandeur ou défendeur, soit comme partie intervenante, volontaire ou forcée. Quiconque est
étranger à cette instance peut, s’il le souhaite, user de la tierce opposition ou se porter
intervenant volontaire devant la juridiction d'appel. En outre, l'appel ne peut être dirigé que
300

contre une partie dont on a été l'adversaire en première instance, c’est-à-dire une partie avec
laquelle un lien d’instance s’est créé par suite de l’échange de conclusions réclamant une
condamnation ou attestant, à tout le moins, de prétentions opposées et de l’existence d’une
contestation opposant les parties. Surtout, si l'on représente une autre personne, être porteur
d’une procuration spéciale car, comme on l’a déclaré plus haut, « nul ne plaide par
procureur ». Cette qualité peut être démontrée par :
 la production des statuts sociaux, en original ou en photocopies certifiées
conformes ou de l'indication des références de leur publication au Journal Officiel;
 la production, pour les mandataires des entreprises publiques, de l'ordonnance de
leur nomination ;
 la production des actes modificatifs des statuts déposés au greffe ;
 l'immatriculation au registre du commerce pour les actions trouvant leurs causes
dans un acte de commerce ;
 le dépôt d'un document quelconque donnant habilitation à agir en justice pour le
compte d'une personne morale ;
 l'inscription au barreau près la cour suprême de justice et au barreau près la cour
d'appel en vertu du monopole de représentation en justice institué par la loi sur le
barreau.

II. Justifier d’un intérêt pour interjeter appel

Il faut ensuite exciper d’un intérêt car, il n'y a pas d'appel sans intérêt. Cela revient à dire qu’il
faut avoir subi un grief résultant de la décision attaquée. Celui qui a obtenu satisfaction en
première instance ne peut interjeter appel même s'il est extrêmement mécontent des motifs de
la décision qui lui donne gain de cause.

§ 3. Formes de l'appel

I. Appel principal

L'appel principal émane de celui qui introduit la procédure en degré d'appel. On la nomme
« partie appelante » ou « l’appelant ».

II. Appel incident

L'appel incident est celui qui est formé par la partie intimée, après que l'appelant ait introduit
l’appel principal. Il se greffe à celui et suit son sort. Si l’appel principal tombe dans e sens que
s’il est déclaré irrecevable, l’appel incident suivra aussi son sort. S’il est déclaré recevable,
alors, la juridiction d’appel examinera son bien fondé et se prononcera sur ses mérites.
L’appel incident tend à la mise à néant, même partielle, de la décision du premier juge et se
produira uniquement lorsque ni l'une ni l'autre des parties n'avait obtenu entièrement gain de
cause en première instance : l'appelant incident essayera ainsi d'améliorer sa situation.
301

L’appel incident est donc totalement différent de la demande reconventionnelle tant au point
de vue de son sujet que son objet. Alors que le premier émane de l’intimé et tend à obtenir la
réformation de la décision entreprise, la seconde est introduite par le défendeur et vise
l’obtention d’une condamnation à charge du demandeur.

§ 4. Les délais de l’appel

I. Appel principal

En principe, en toute matière, l'appel peut être formé dès le prononcé du jugement, même si
celui-ci est une décision avant dire droit ou s'il a été rendu par défaut. Mais le délai pour
interjeter appel est de trente jours. Ce délai court pour les jugements contradictoires, du jour
de la signification et pour les jugements par défaut, du jour où l'opposition n'est plus recevable
(art. 67 CPC).

Ce délai de trente jours pour interjeter appel est un délai fixe, on n’y ajoute pas le délai de
distance. Dès lors, quel que soit l'endroit où se situe le domicile ou la résidence de la partie
qui interjette appel, celle-ci ne dispose que de trente jours pour relever appel. Pour les
jugements préparatoires, l'appel ne peut être relevé qu'en même temps que le jugement
définitif, le délai ne commence à courir qu'à dater de la signification du jugement définitif.

Quant à la forme selon laquelle une partie peut interjeter appel, l’art. 68 CPC indique que
l’appel est formé par la partie ou par un fondé de pouvoir spécial, soit par une déclaration,
reçue et actée par le greffier de la juridiction d'appel, soit par lettre recommandée à la poste
adressée au greffier de cette juridiction.
La date de l'appel est celle de la déclaration au greffe ou celle de la réception de la lettre
recommandée par le greffier.
Toutefois dans le cas visé par l'article 152 du Code civil, l'appel peut être formé au siège de la
juridiction qui a rendu le jugement.
Le greffier en avise immédiatement le greffier de la juridiction d'appel.
Il faut donc une déclaration suivie d'une assignation.

L'appel est formé par la partie ou par un fondé de pouvoir spécial soit par une déclaration
reçue et actée par le greffier de la juridiction d'appel, soit par lettre recommandée à la poste
adressée au greffier de cette juridiction. Cette déclaration d'appel doit être introduite dans le
délai de trente jours tandis que l'assignation peut être signifiée plus tard.

Après la déclaration faite greffe de la juridiction d’appel ou de la lettre recommandée


parvenue au greffe, le greffier assignera la partie intimée mais ici, les délais de distance seront
comptés entre l'assignation et la comparution devant la juridiction d’appel. Dans le délai fixé
pour interjeter appel, l'appelant doit fournir au greffier tous les éléments nécessaires pour
assigner la partie intimée devant la juridiction d'appel.
302

Les règles exposées à propos de l'assignation sont applicables à l'appel. Cependant l'acte
d'appel contrairement à l’opposition ne doit pas être motivé. Les moyens sont en effet connus
par les parties qui ont déjà échangé leurs pièces et conclusions lors du contrat judiciaire au
premier degré d’instance et connaissent dès lors les prétentions de chaque partie. L’acte
d’appel doit indiquer la date du jugement attaqué et celle de sa signification pour permettre à
la juridiction d’appel d'examiner si les délais ont été respectés. L'assignation convoque
l'intimé à comparaître devant la cour compétente tel jour, tel local, telle heure.

II. Appel incident

Quant à l’appel incident, l’art. 71 CPC dispose que « l’intimé peut interjeter appel incident en
tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation. ». Pour le faire,
il est évident qu’il faut avoir été partie en première instance, justifier d’un intérêt, avoir un ou
des griefs à formuler à l’égard du jugement dont appel.

Il n’y a pas d'appel incident sans appel principal puisque l'appel incident est introduit en cours
d'instance à l'occasion de l'appel principal. Par ailleurs, on ne peut former appel incident que
contre la partie qui a formé appel principal et non contre d'autres qui n'ont pas interjeté appel.

La non recevabilité de l'appel principal entraîne l'irrecevabilité de l'appel incident, sauf


lorsque l'intimé était encore, au moment où il a interjeté appel incident, dans les délais utiles
pour interjeter l'appel par voie principale.

Enfin, il convient de retenir que l’appel incident est introduit en cours de procédure, soit
verbalement, soit par voie de conclusions écrites. La déclaration et l'assignation requises pour
l'appel principal ne sont pas nécessaires. L'appel incident ne doit pas nécessairement être
formulé en termes exprès, il résulte de toutes conclusions de l'intimé demandant la
réformation du jugement. Constitue donc appel incident toute conclusion prise à l'audience à
l'encontre du jugement dont appel.

§ 5. Procédure

Comme le prévoit l’art. 78 CPC, les autres règles établies pour les tribunaux du premier degré
sont observées devant la juridiction d'appel. Cette disposition légale signifie que la procédure
se poursuit pour l'instruction de la cause en appel comme elle se fait en première instance.
Mais il faut retenir que :

* La juridiction d'appel peut autoriser l'appelant à assigner par devers elle à bref délai après
que la déclaration d'appel ait été déposée ou reçue au greffe ;

* Les parties peuvent comparaître volontairement comme elles en ont la possibilité devant le
juge de premier degré ;
303

* Pour l'instruction de la cause, c’est l'appelant qui conclut le premier. Il doit dire pourquoi il
a interjeté appel en critiquant le jugement dont appel. C’est aussi lui qui plaide en premier lieu
même s'il a été défendeur au premier degré. Quant à l’intimé, il conclut en second lieu en
répondant aux observations de l’appelant. Il demandera quant à lui que la juridiction d’appel
confirme le jugement du premier degré sauf sur les points qui font l'objet d'un appel incident ;

* Les parties peuvent se faire représenter dans les mêmes conditions qu'au premier degré.
Elles peuvent se communiquer les pièces qui ne l’avaient pas été devant le premier juge ;

* La juridiction d'appel peut ordonner pour la première fois une mesure d'instruction ou une
preuve. Dans ce cas, elle peut commettre un des conseillers pour instruire l'opération ou la
mesure ordonnée (art.78 du CPC). La mesure d'instruction ou la preuve ordonnée se déroulera
conformément aux règles prescrites pour le premier degré ;

* Une nouvelle demande ne peut être formée pour la première fois en degré d'appel (art.77,
CPC). Cependant, il faut distinguer entre la demande nouvelle et les moyens nouveaux.
L’'article 77 du code de procédure civile dispose qu’« Il ne peut être formé, en degré d'appel,
aucune nouvelle demande, à moins qu'il ne s'agisse de compensation, ou que la demande ne
soit la défense à l'action principale. Peuvent aussi les parties demander des intérêts,
arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis le jugement et les dom mages et intérêts
pou r le préjudice souffert depuis le dit jugement » ;

* Une demande additionnelle portant sur les intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires
échus depuis le jugement et les dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis le
jugement est admise en degré d'appel. Le législateur n'a pas voulu obliger les parties à
retourner en première instance pour réclamer ce qui n'est somme toute qu'une conséquence de
la demande originaire ou une continuation du préjudice pendant la procédure d'appel.

Par contre, la demande reconventionnelle ne peut pas être introduite pour la première fois en
degré d'appel sauf dans les cas où la demande nouvelle est admissible et non une demande
positive contre le demandeur en première instance. Mais une action reconventionnelle pour
appel téméraire et vexatoire peut évidemment être introduite pour la première fois en appel.

L'intervention n'est pas admise pour la première fois en appel sauf si l'intérêt de l'intervention
est né postérieurement au jugement du premier degré ou que les parties déjà au procès ne s'y
opposent pas ;

* En ce qui concerne l'exécution provisoire des jugements, si dans son jugement, le premier
juge n'a pas prononcé l'exécution provisoire alors que la loi prévoit qu'elle existe d'office et
qu'elle est obligatoire, l'intimé peut la faire ordonner à l'audience avant le jugement de l'appel.
C’est ce que prévoit l’art. 75 CPC en disposant que « Si, dans les cas prévus par l'article 21,
l'exécution provisoire n'a pas été prononcée, l'intimé peut, avant le jugement de l'appel, la
faire ordonner à l'audience ».

En revanche, si l'exécution provisoire a été ordonnée par le jugement dont appel alors qu'elle
ne devait pas l'être, l'appelant peut à l'audience, obtenir des défenses à exécution, sur
304

assignation à bref délai (art. 76 CPC). Mais, pour cela, l'appelant devra acter sa déclaration
d'appel, lancer une assignation spéciale contre l'intimé devant la juridiction d'appel pour
défense à exécuter le jugement dont appel, introduire une requête l’autorisant à assigner à bref
délai ; assigner l'intimé devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué ultérieurement sur le
recours. La juridiction d'appel se prononcera d’abord sur la défense à exécuter par un arrêt
avant dire droit et, plus tard, elle rendra un arrêt sur le fond du litige.

§ 6. Les effets d’appel

L'appel a plusieurs effets: l'effet suspensif (I), l'effet dévolutif (II), d'évocation (III) et
l'effet relatif (IV).

I. L'effet suspensif

Comme son nom l'indique, il consiste à suspendre l'exécution du jugement qui a été
prononcé en première instance. Cet effet suspensif se justifie par le fait que la décision
prononcée en première instance est suspendue jusqu'à l'examen complet de l'appel. La
déclaration d’appel suspend l’exécution du jugement attaqué jusqu’au prononcé du
jugement sur l’appel. Si une des parties interjette appel, le jugement ne pourra être exécuté
tant que la décision d'appel n'est pas elle-même devenue irrévocable. En matière civile, l'on
admet des dérogations, c'est lorsque le jugement de première instance est exécutoire
nonobstant recours et sans caution ni cantonnement, autrement dit, on peut dans certaines
conditions, exécuter le jugement de première instance même s'il y a appel.

Cet effet suspensif connaît d'autres exceptions. Ainsi, dans certains cas, le délai d'appel est à
lui seul suspensif. Ainsi en sera-t-il du jugement qui ordonne ou impose à un tiers une
mainlevée, un paiement ou une prestation. Il en va de même en ce qui concerne les jugements
portant condamnation à une somme d'argent, à moins que le jugement n'en ait disposé
autrement et ce, sous réserve du droit de saisir conservatoirement. Dans certains autres cas
encore, le juge ne peut jamais ordonner l'exécution provisoire du jugement. Il en est ainsi en
matière de divorce, de séparation de corps, d'opposition à mariage, de nullité de mariage,
d’adoption.

II. L'effet dévolutif

Dévolutif vient de devolver, qui signifie rouler. C'est l'affaire qui est roulée d'un rôle de
première instance à celui d'appel, autrement dit, l'affaire est "dévolue" à la juridiction d'appel,
d'où l'expression "effet dévolutif". L'effet dévolutif de l'appel signifie que la juridiction d'appel
est saisie de l'affaire pour la juger à nouveau, aussi bien en fait qu'en droit, dans les mêmes
conditions que le premier juge. En procédure civile, l'acte d'appel saisit la juridiction d'appel
et détermine l'étendue de sa saisine suivant l'adage, "tantum devolutum quantum appellatum".
L’effet dévolutif résulte du fait que le juge d’appel ne peut connaître que du point de droit et
de fait présenté au premier juge et ce, dans les limites tracées par l’acte d’appel. L’effet
305

dévolutif interdit d’élargir les faits et litiges nouveaux car cela aboutirait à priver le défendeur
d’un double degré de juridiction. C’est l’interdiction des demandes nouvelles en appel.

Par son caractère dévolutif : l'acte d'appel opère la saisine du juge supérieur. Cet effet
dévolutif est la suite logique du dessaisissement du premier juge, qui résulte du prononcé de
son jugement. Dès l'introduction du recours, ce premier juge ne peut plus interpréter sa
décision, procéder à la rectification d'une erreur matérielle ou modifier une disposition
provisoire pour l'adapter à de nouvelles circonstances. En effet, la juridiction supérieure est
saisie de plein droit de toutes les questions en litige, de la totalité de la contestation, même si
le premier ne s’était pas encore prononcé sur ces contestations parce qu’il avait ordonné une
mesure avant dire droit ou parce qu’il avait préalablement réglé un incident par la voie d’un
jugement interlocutoire.

La cause soumise à la juridiction d'appel est la demande originaire et les parties ne


pourraient en modifier aucun élément essentiel. Sur l'appel d'une partie, la juridiction du
second degré peut soit confirmer la décision entreprise, soit la réformer, soit l'annuler et y
substituer la sienne; en cas de confirmation, si elle s'approprie des dispositions du premier
jugement entachées de nullité, la décision d'appel sera également nulle. L'effet dévolutif de
l'appel connaît toutefois une extension considérable en cas d'évocation.

III. L'effet d'évocation

La juridiction d’appel a le droit d'évocation. C'est l'obligation faite à une juridiction


d'appel de statuer sur le fond chaque fois que le jugement est annulé pour violation ou
omission réparée des formes prescrites par la loi. Le droit d'évocation est celui qui permet à
une juridiction d'appel, saisie d'un incident par l'appel d'une partie, d'appeler à elle l'ensemble
de la cause et de statuer sur tous les aspects comme l'aurait fait le premier juge s'il n'avait pas
été dessaisi. Autrement dit, le juge d'appel est donc amené à statuer sur toutes les questions
possibles liées à l'affaire y compris celles qui n'ont pas encore été soumises à la juridiction du
premier degré, et notamment sur le fond de l'affaire, en faisant abstraction du principe du
double degré de juridiction.

L'évocation est le droit pour la juridiction d'appel de s'emparer d'une partie d'une cause
qui ne lui est pas soumise dans certaines conditions déterminées par la loi. Malheureusement,
l'évocation supprime le second degré de juridiction. En effet, le jugement n'a statué que sur un
incident et non sur le fond, pourtant la juridiction d’appel « aspire » tout le dossier judiciaire.
Pour procéder de la sorte, la juridiction d'appel doit estimer que le fond peut être tranché au
moyen des éléments qui sont dans le dossier. Ainsi, l'arrêt ou le jugement d'appel définitif sera
rendu en même temps que sur l'incident.

La juridiction d'appel possède le droit d'évocation. C’est ce que prévoit l'art. 79 CPC. Il en est
de même dans le cas où la juridiction d'appel infirme des jugements définitifs, soit pour vice
de forme, soit pour toute autre cause.
306

IV. L'effet relatif

Cet effet relatif de l’appel se justifie par le fait qu'il ne profite qu'à celui qui a exercé la voie
de recours. Ainsi, lorsqu'il y a plusieurs parties dans l'instance, défendant les mêmes intérêts
ou intérêts connexes, l'appel formé par l'une des parties ne profite qu'à elle seule. De même,
l'acquiescement d'une partie n'interdit pas à une autre d'interjeter appel. Il n'est dérogé à ce
principe que lorsque le litige est indivisible : l'appel doit être dirigé, à peine d'irrecevabilité,
contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant. En outre, l'appelant doit
mettre en cause les autres parties non appelantes mais déjà intimées ou appelées, dans les
délais ordinaires de l'appel et au plus tard avant la clôture des débats.

§ 7. L'appel et le principe d'impartialité

En principe, le même juge qui a siégé au premier degré ne peut plus siéger en appel
concernant la même affaire et mêmes parties car sa décision peut faire l’objet du pourvoi en
cassation étant donné qu’il y a violation de la loi. De même, le principe d’impartialité du juge
exige que le même juge n’agisse pas aux différents degrés de juridiction, au sujet de la même
affaire et mêmes parties étant donné qu’il y aurait dans son chef un « préjugement » qu’il
chercherait à confirmer en appel. Cette absence d’impartialité est ainsi évidente en matière
pénale748, civile749, administrative et disciplinaire750.

748
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de droit, U. C. L., Louvain-la-Neuve, juin 2005, pp. 385-
389.
749
Ibidem, pp. 480-484
750
Ibidem, pp. 520-522.
307

CHAPITRE III :
LES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES

Il s’agit des voies de recours ouvertes dans les cas spécifiés par la loi et qui, en règle, ne
peuvent être exercées que dans la mesure où les voies de recours ordinaires ont été épuisées 751.
Ces voies de recours ne sont ouvertes que pour quelques causes limitativement prévues par la
loi, c'est-à-dire à des cas exceptionnels ou extraordinaires. L’exercice de ces recours n’est pas
suspensif de l’exécution, à moins qu’un texte légal dispose autrement. Il convient de les
parcourir rapidement.

SECTION 1: LA TIERCE OPPOSITION

§ 1. Notions

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire qui confère le droit à un tiers
non appelé à la cause (qui n'était pas partie ou n'était pas représenté), de s’opposer à une
décision qui préjudicie ses droits, de faire rétracter celle-ci. En d’autres termes, c’est la voie
de recours ouverte aux tiers pour rejuger en fait et en droit un jugement qui affecte leurs
intérêts752. L'article 80 du Code de procédure civile prévoit: "quiconque peut former tierce
opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il
représente n'ont été appelés". Comme on peut le constater, pour former tierce opposition, il
faut être tiers à la décision attaquée. La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un
jugement au profit du tiers qui l'attaque; remet en question relativement à son auteur les points
jugés qu'elle critique pour qu'il elle soit à nouveau statué en fait et en droit. Ce recours est
porté devant la juridiction qui a rendu la décision querellée par une personne lésée par le
dispositif du jugement, alors qu’elle n’a pas été partie au procès, n’en étant pas informée ni
représentée conventionnellement ou suivant les présomptions légales de représentation en
justice (articles 80 à 84 du Code de procédure civile).

Cette procédure n’existe en principe qu’en matière civile et administrative. En matière


pénale, elle existe uniquement lorsqu'une juridiction pénale statue sur des intérêts civils.
Ainsi, l'épouse d'un condamné peut faire tierce opposition contre la condamnation de son
époux à la remise en état des lieux par la démolition de la villa qui leur propriété commune. Il
en va de même lorsque la chose confisquée appartient à un tiers 753. En matière administrative,
751
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, n° 189, pp. 279-280.
752
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 2, p. 11; S. GUINCHARD
(sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 551.11, pp.1589 et
s. ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 493, p.459; L. CADIET et E.
JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 857, p. 580 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris,
éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n° 440, pp. 455
et s.
753
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1378.
308

elle suppose que le tiers ait un droit lésé alors qu’il ne s’agit que d’intérêt en procédure
civile754. Celui qui exerce cette action est appelé tiers opposant.

En principe, un jugement a une autorité seulement relative de chose jugée. Les effets
du jugement sont limités aux parties. Il existe néanmoins des cas dans lesquels un jugement
peut causer grief à une personne qui n'y a pas été partie. Ainsi, un jugement condamnant A à
indemniser B d'un préjudice, peut causer préjudice à C, garant de A, qui devra in fine
répondre pour A. Il est donc utile pour le tiers de disposer d'un recours contre le jugement
auquel il n'a pas été partie mais qui peut le nuire. Le tiers informé peut ou bien entrer dans le
procès par la voie d'une intervention volontaire (il défendra alors ses intérêts dans l'instance),
ou bien différer sa défense en formant tierce opposition contre le jugement qui a été rendu.

La tierce opposition tend à ce qu'il soit retiré l'ordre juridique mais uniquement à
l'égard du tiers. Elle ouvre ainsi un procès distinct du litige originaire qui remet en question
relativement au seul auteur de la tierce opposition les points jugés pour qu'ils soient à nouveau
statués en fait et en droit à l'égard du tiers opposant.

§ 2. Décisions susceptibles de la tierce opposition

I. Décisions rendues en matière civile

En principe, la tierce opposition ne peut être formée que contre un jugement rendu par une
juridiction civile. L'article 80 du Code de procédure civile déclare : "quiconque peut former
tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il
représente n'ont été appelés". Cela signifie qu'avant de faire tierce opposition, il faut qu'il
existe d'abord un jugement755 qui préjudicie les droits de tiers. Ce jugement doit peut être
définitif ou provisoire et doit avoir été rendu en matières civile, commerciale, sociale, de la
famille, peu importe qu'il soit au premier degré ou au degré d'appel; autrement dit, le tiers
opposant s'attaque à un jugement qui préjudicie ses intérêts dès lors qu'il n'était partie à
l'instance (le mot jugement est repris aux articles 80 à 83 du Code de procédure civile).

II. Décisions pénale sur les intérêts civils

En principe, la tierce opposition s'applique en matière pénale lorsque la décision rendue


concerne également les intérêts civils756. C'est le cas d'une juridiction pénale qui se prononce
également sur une demande en réparation. La personne qui est tierce à la procédure dont les
intérêts civils ont été statués par une juridiction pénale, peut faire tierce opposition.

754
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 493, p. 459.
755
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 17 , p. 24; A. RUBBENS,
Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd. Presses universitaires
du Congo, 2012, n° 209, p. 190.
756
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 14, 25 et 26 , pp. 23, 27-
28 ; M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1378; G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit
judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 539 et 547, pp.408 et 420.
309

III. Exclusion des arrêts de la Cour de cassation

Les arrêts de la Cour de cassation échappent à la tierce opposition étant donné qu'ils ne sont
susceptibles d'aucun recours, sauf pour rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en
donner interprétation757.

§ 3. Conditions de la tierce opposition

I. La tierce opposition doit émaner d'un tiers

L'article 80 du Code de procédure civile dit : "quiconque peut former tierce opposition à
un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il représente n'ont
été appelés". Il s'agit véritablement d'un tiers c'est-à-dire d'une personne qui n'a été ni partie,
ni représentée par un mandataire ou autrement au jugement ou arrêt attaqué, c'est de là
d'ailleurs que vient le mot "tierce opposition". La qualité de tiers implique que la personne
n'ait pas été partie au procès à quelque titre que ce soit, notamment comme intervenant
volontaire ou forcé, la seule présence d'une personne à l'audience ne lui conférant toutefois
pas la qualité de partie à l'instance758. Cette condition, qui paraît évidente, tant il est constant
qu'il n'y a pas de raison de permettre à une personne qui a pu faire valoir directement ou par
personne interposée ses intérêts de revenir devant le même juge pour lui présenter ses
arguments. Il ne s'agit point de remettre en cause une décision à laquelle le tiers opposant a
été partie, parce que celle-ci est définitive.
Est tiers, la personne qui n’est ni partie, ni représentée. Dès lors, ne peut être qualifié tiers
opposant mais opposant, celui, qui, étant déjà partie volontaire, intervenante au premier degré,
fit recours contre la décision du tribunal de sous-région statuant en annulation alors qu’il
n’avait pas été à cette instance759. Par contre est tiers celui qui n’a pas été appelé ou qui n’est
pas intervenu à la cause, en la même qualité que celle dont il entend se prévaloir pour justifier
l’intentement (l’introduction) du recours. L’existence de cette voie de recours est liée au fait
que l’autorité de chose jugée n’a d’effet qu’entre les parties : un tiers, auquel le contenu d’une
décision porte préjudice-par exemple en ce qu’elle va le déforcer dans un procès qu’il doit lui-
même soutenir contre l’une des parties au litige originaire-peut donc solliciter la rétractation
de cette décision en ce qu’elle lui fait grief. Dans ce cas, le tiers opposant aura généralement
intérêt à appeler toutes les parties au premier procès à la deuxième instance pour avoir un
jugement commun760. En pratique, le tiers opposant assigne par voie principale toutes les
parties ayant été au procès dont le jugement est attaqué, c'est-à-dire la partie qui a gagné le
jugement et qui voudrait en obtenir exécution, ainsi que les autres qui étaient à ce procès.

757
Article 29 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
758
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 59, p. 47; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n° 556, p.429.
759
Cour suprême de justice, 8 mai 1974, RC47, Bull. 1975, p. 137.
760
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd. Presses
universitaires du Congo, 2012, n° 212, p. 192.
310

II. La décision attaquée doit être susceptible de préjudicier aux droits des tiers

L'article 80 du Code de procédure civile souligne que le jugement attaqué doit avoir
préjudicié aux droits du demandeur de tierce opposition: "quiconque peut former tierce
opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, (...)". Cette condition signifie que le tiers
opposant doit avoir éprouvé un préjudice ou menacé d'un préjudice, peu importe que celui-ci
soit matériel ou purement moral. Pour que la tierce opposition soit recevable, il suffit que le
tiers opposant puisse subir un préjudice. Ainsi, l'action de tierce opposition doit être déclarée
recevable si la décision se borne à créer un préjudice défavorable pour le tiers. De la sorte, la
décision prononçant la dissolution d'une société dormante porte atteinte aux droits des
actionnaires, en sorte qu'elle est passible de tierce opposition de la part de ces derniers.

III. Le demandeur doit justifier d'un intérêt et de la qualité

1. Intérêt

Celui qui demande la tierce opposition d'un jugement doit souffrir de la décision rendue à
son insu. Il s'agit d'un intérêt qui découle d'un préjudice né ou à craindre, cet intérêt peut être
matériel ou moral. Le préjudice doit s'analyser au regard de la situation personnelle d'un tiers
opposant, qui doit prétendre à un intérêt distinct, un préjudice personnel, et évidemment doit
avoir une analyse juridique, au moins en partie différente de celle présentée.

L'intérêt requis pour former tierce opposition doit être personnel et ne peut être fondé sur
l'intérêt général. C'est pour cette raison que l'on considère que la tierce opposition n'est pas
une voie de recours ouverte au ministère public. En effet, le ministère public n'est pas un tiers
dont les intérêts privés doivent être protégés. Et d'ailleurs c'est inconcevable qu'il soit tiers à
un procès étant donné qu'il assiste à toutes les audiences tant civiles que pénales alors que la
tierce opposition concerne un tiers qui n'a pas été partie à un jugement qui préjudicie à ses
droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il représente n'ont été appelés". Lorsque le ministère
public n'est intervenu que par voie d'avis (ce qui est la règle en matière civile), il dispose
toujours de la voie habituelle qu'est l'appel, à condition toutefois que l'ordre public soit mis en
péril par une situation qui ne peut être maintenue 761. Bref, le demandeur de tierce opposition,
doit avoir un intérêt à agir, distinct de celui de la partie ayant déjà agi 762. Ainsi est autorisé à
faire tierce opposition un grand parent pour un jugement d'assistance éducative.

2. Qualité

Comme toute action, celle conduite dans le cadre d'une tierce opposition doit avoir pour
objet une demande que le tiers opposant a qualité pour présenter. Ainsi, peut en règle former
tierce opposition, toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la
cause en la même qualité. Le tiers est en effet celui n'a pas été au procès ou qui n'y a pas été
761
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 566, p.439.
762
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 551.53, p. 1595; G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit
judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 568, p.442.
311

représenté par mandataire ou autrement. C'est donc ce tiers qui a qualité de former tierce
opposition.

§ 4. Juridiction compétente

La distinction entre tierce opposition principale et tierce opposition incidente revêt une
importance quant à la détermination de la juridiction compétente. La tierce opposition est dite
principale lorsqu'elle est formée à "titre agressif", en dehors de toute procédure par une partie
qui entend contester une décision rendue hors de sa présence. C'est alors le tiers opposant qui
prend l'initiative d'une procédure. La tierce opposition est incidente lorsqu'elle est formée au
cours d'un procès pour contester un jugement opposé par une partie à une autre qui n'était pas
présente à la procédure ayant conduit à la décision763.

Concernant la tierce opposition principale, en vertu de l'article 81 du Code de procédure


civile, la tierce opposition formée par action principale est portée au tribunal qui a rendu le
jugement attaqué. En tant voie de rétractation, cela semble normal de revenir au même juge
qui a rendu la décision attaquée afin qu'il tienne compte des éléments qui n'étaient pas en sa
possession lorsqu'il avait rendu la première décision. Si le juge naturel d'une tierce opposition
est celui qui a rendu la décision attaquée, cette disposition n'implique aucune personnalisation
du juge. En effet, l'obligation de citer devant le juge qui a rendu la décision attaquée en cas de
tierce opposition ne peut être comprise comme une obligation de citer devant la même
personne physiquement puisque cela rendrait dans certaines circonstances la tierce opposition
impossible mais bien un juge du même tribunal ou de la même Cour; l'essentiel est cela soit
de la compétence de la même juridiction qui a rendu la décision attaquée mais l'idéal serait le
même juge qui a rendu la décision étant donné qu'il a déjà une vision globale de l'affaire
contrairement au "nouveau juge" qui devra prendre du temps avant de s'imprégner
suffisamment de l'affaire.

Concernant la tierce opposition incidente, en vertu de l'article 82 du Code de procédure


civile, la tierce opposition incidente à une contestation dont un tribunal est saisi est formée
par voie de conclusions, si ce tribunal est égal ou supérieur à celui qui a rendu le jugement.
S'il n'est égal ou supérieur, la tierce opposition incidente est portée, par action principale, au
tribunal qui a rendu le jugement. Cette disposition spécifique règle la question de la
compétence lorsque la tierce opposition est formulée par voie incidente. Les termes "égal" et
"supérieur" utilisés par l'article 82 du Code de procédure civile visent une juridiction qui,
dans la hiérarchie judiciaire, est égal ou supérieur à celle qui a originairement statué. La
hiérarchie visée par cet article est uniquement celle à laquelle il convient de se référer pour la
détermination de la juridiction devant laquelle un litige est porté en cas d'appel. Il n'y a pas
lieu pour cette hiérarchie de tenir compte du simple ordre de préférence prévu en cas de
renvoi pour litispendance ou connexité. Cet ordre de préférence ne crée pas de hiérarchie en

763
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 551.180, p. 1605.
312

vertu de laquelle l'un des tribunaux serait supérieur aux autres. Ce que le législateur a voulu
éviter, est la réformation d'une décision d'appel par un juge de première instance.

Cela signifie que la tierce opposition incidente peut être portée devant la juridiction qui
connaît l'action principale sur laquelle se greffe l'incident, pourvu que cette juridiction soit
égale ou supérieure à la juridiction qui a rendu le jugement attaqué; dans ce cas ce sera une
voie de réformation. Si la juridiction devant laquelle la tierce opposition incidente était
formée était de niveau inférieur à celui de la juridiction qui a rendu le jugement entrepris, c'est
la juridiction supérieure, qui a rendu le jugement attaqué , qui devrait être saisie par une
action préjudicielle pour vider la tierce opposition 764. En d'autres termes, lorsque la tierce
opposition est incidente, à une contestation dont un tribunal est saisi, elle est formée par voie
de conclusions devant ce tribunal si celui-ci est égal ou supérieur à la juridiction qui a rendu le
jugement. Dans le cas contraire, la tierce opposition incidente sera portée, par action
principale, au tribunal qui a rendu le jugement.

Concrètement, une tierce opposition principale formée par citation, doit être portée
devant le juge qui a rendu la décision attaquée, même si cette décision fait l'objet d'un appel
sur lequel il n'a pas encore statué. Autrement dit, la rétractation peut se poursuivre devant le
tribunal ayant rendu le jugement par action principale lorsque l'on est dans le cas où le juge
n'est ni égal ni supérieur au juge de la décision. Selon l'article 82 alinéa 2 du Code de
procédure civile, la tierce opposition incidente est introduite par voie de conclusions, qui
lorsque le tribunal n'est ni égal ni supérieur au tribunal qui avait rendu la jugement, serviront
simplement à obtenir la surséance de la procédure pour que soit saisi, par voie principale, le
tribunal qui avait rendu la décision attaquée765.

Lorsque la condition relative à la compétence du juge saisi d'une tierce opposition par
voie incidente n'est pas remplie, la tierce opposition par voie incidente ne pourra être reçue
et le tiers opposant n'aura d'autre choix que de former son recours par voie principale766.

§ 5. Procédure

I. Délai

La loi ne prévoyant aucun délai pour faire tierce opposition, il faut admettre que le
jugement peut être attaqué pendant trente ans par cette voie de recours. Ce délai est
contemporain de l'époque où la prescription trentenaire constituait le droit commun, ce délai
de trente ans étant également celui pendant lequel tout jugement était exécutable 767. Ce délai
se justifie par le fait "comme la tierce opposition est la sauvegarde du droit d'un tiers qui avant
764
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd. Presses
universitaires du Congo, 2012, n° 213, p. 192.
765
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-Bruylant, Droit
et idées nouvelles, 2006, n° 516, p. 486.
766
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 585, p.452.
767
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 551.152, p. 1603.
313

le jugement, n'a pas eu l'occasion de se défendre, il fallait lui en conserver l'exercice aussi
longtemps que pouvait être exécuté le jugement contre lequel il peut se pourvoir" 768.

II. Forme

La tierce opposition formée par action principale est portée au tribunal qui a rendu le
jugement attaqué769. La tierce opposition incidente à une contestation dont un tribunal est saisi
est formée par voie de conclusions, si ce tribunal est égal ou supérieur à celui qui a rendu le
jugement. S'il n'est égal ou supérieur, la tierce opposition incidente est portée, par action
principale, au tribunal qui a rendu le jugement770.

La tierce opposition incidente n'est qu'une facilité accordée au tiers. Celui-ci peut bien
entendu toujours opter pour l'exercice du recours par voie principale. En effet, lorsqu'une
décision fait l'objet d'appel, la tierce opposition incidente est spécialement offerte au tiers qui,
pourrait être obligé d'attendre la prononciation de la décision en degré d'appel avant de
pouvoir introduire une tierce opposition principale devant le juge d'appel. Cela signifie que le
tiers qui souhaite former tierce opposition contre la décision attaquée peut le faire à titre
incident devant la juridiction saisie de l'appel même s'il n'est pas déjà partie à la procédure
d'appel771. Le tribunal devant lequel le jugement attaqué est produit peut, suivant les
circonstances, passer outre ou surseoir772.

768
A. LE PAIGE, Précis de droit judiciaire, Bruxelles, éd. Larcier, 1973, n° 183, p. 169.
769
Article 81 du Code de procédure civile.
770
Article 82 du Code de procédure civile.
771
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 626, p.489.
772
Article 83 du Code de procédure civile.
314

Il peut arriver qu'il y ait concours de la tierce opposition et de l'appel; bien que la loi n'est
envisagée cette hypothèse, la doctrine est d'avis que l'administration d'une bonne justice
commande que les griefs de l'appelant et du tiers opposant soient examinés simultanément,
c'est-à-dire par la juridiction d'appel773.

§ 6. Effets

I. Passer outre ou sursoir à statuer

En vertu de l'article 83 du Code de procédure civile, "le tribunal devant lequel le jugement
attaqué est produit peut, suivant les circonstances, passer outre ou surseoir". Le juge devant
lequel est produite une décision qui fait l'objet d'une tierce opposition a donc simplement la
faculté de décider soit de juger sans attendre de connaître le sort qui sera réservé à la tierce
opposition par le juge saisi de la tierce opposition à titre principal, soit de sursoir à statuer
jusqu'à ce qu'une décision intervienne sur ce recours.

Concernant la tierce opposition incidente, il est admis que lorsque la tierce opposition a été
formée à titre incident, le juge saisi apprécie s'il convient de statuer par une seule et même
décision sur l'ensemble des questions ou si dans l'intérêt d'une bonne justice, il convient plutôt
de trancher la demande dont il a été saisi à titre principal sans attendre que la tierce opposition
incidente soit en état d'être jugée774.

II. Effet non suspensif

En tant que voie de recours extraordinaire, la tierce opposition n'a pas d'effet suspensif
d'exécution de plein droit, il est facultatif. Ainsi, selon l'article 84 du Code de procédure
civile: "la tierce opposition n'est pas suspensive à moins que, sur requête d'une partie, le
juge saisi de la demande ne suspende l'exécution de la décision". Comme on le voit, la tierce
opposition n'a pas d'effet suspensif à moins que le juge en décide autrement. Cela signifie qu'il
est donc laissé une ouverture au tiers opposant de solliciter, s'il a des raisons valables, la
suspension de l'exécution de la décision qui ne peut être faite que par un jugement. Le juge
saisi doit trancher par acte juridictionnel motivé, s'il accorde ou n'accorde pas la suspension
de l'exécution de la décision contre laquelle la tierce opposition est formée. Il en découle que
la suspension ne peut pas intervenir d'une autre manière que par jugement775.

III. Effet dévolutif

La tierce opposition a un effet dévolutif limité en ce qu'elle est limitée à la remise en


question des points jugés qu'elle critique et n'autorise pas à instaurer un nouveau litige.
Concrètement la tierce opposition ne saisit le juge que du litige initial dans la mesure du droit
773
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 647, p.509.
774
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 631, p.496.
775
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-Bruylant, Droit
et idées nouvelles, 2006, n° 519, p. 488.
315

du tiers opposant: le juge statuera à nouveau sur ce litige mais sa décision affectera
uniquement la situation du tiers opposant et laissera intacte la décision dans le rapports des
plaideurs originaires776.

Si la tierce opposition est admise, le jugement attaqué est rétracté ou réformé, mais
seulement si cela est possible à l'égard du tiers opposant. Le jugement ne sera anéanti à l'égard
de ce dernier que dans la mesure où il lui cause grief. Si la tierce opposition est rejetée, le
jugement est confirmé et produit tous ses effets.

IV. Effet relatif de la tierce opposition

La tierce opposition se caractérise par ses effets. En effet, sauf cas exceptionnels, la tierce
opposition a simplement pour objectif de rendre la décision attaquée inopposable au tiers qui
l'exerce. Le jugement ou arrêt n'est donc pas remis en cause dans son principe: il subsiste dans
les rapports entre les parties. Mais le tiers qui triomphe en sa tierce opposition pourra ignorer
la situation juridique consacrée par le jugement ou arrêt, comme si à ses yeux, ce jugement ou
arrêt n'existait pas. Cela signifie que la juridiction qui accueille la tierce opposition, annule la
décision attaquée en tout ou en partie, mais à l'égard du tiers seulement. En d'autres termes, la
tierce opposition ne saisit le juge du litige initial que dans la mesure du droit du tiers
opposant. La décision attaquée subsiste par conséquent entre les parties à l'instance initiale et
c'est en cela, dit-on, que l'effet de la tierce est relatif777.

§ 7. La tierce opposition et le principe d'impartialité

Le même magistrat peut statuer sur le recours en tierce opposition formé contre une
décision au prononcé de laquelle il a participé sans violer le principe d'impartialité. Les
mêmes raisons que nous avons développées pour l’opposition s’y appliquent mutatis mutandis
en tierce opposition en matière pénale778, civile779, administrative780 et disciplinaire.

§ 8. Voies de recours

Aucune disposition du Code de procédure civile ne vise le recours contre un jugement


statuant sur tierce opposition, de telle sorte qu'à l'exception de la tierce opposition qui est
expressément écartée (tierce opposition sur tierce opposition ne vaut), les autres sont
théoriquement possibles (appel, opposition, prise à partie, interprétation, rectification, etc.).
Sur ce point, il convient de distinguer deux situations: lorsque la tierce opposition a été rendue
par une juridiction du premier degré et lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue
en degré d'appel ou en dernier ressort.

776
A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, Faculté de Droit de l'université de Liège, 1973, n° 895, p.
572.
777
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 636, pp.499-500.
778
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit, thèse de doctorat en droit, p. 403.
779
Ibidem, pp. 491-492; H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n°
107-111, pp. 76-80.
780
Conseil d’Etat français, 10 décembre 2004, Sté Resotim, AJDA 2005, 782.
316

Ainsi, lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue par une juridiction du
premier degré, l'appel est possible uniquement sur les points de droit jugés sur la tierce
opposition et non pas sur le dossier originaire ou initial (qui a été soumis à la tierce
opposition). A cet égard, en vertu du principe "pas d'intérêt, pas d'action", seul celui qui a
succombé, même partiellement, peut exercer un recours contre le jugement sur tierce
opposition. En cas de rejet de la tierce opposition, seul le tiers opposant peut exercer un
recours781.

Par contre, lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue en degré d'appel ou en
dernier ressort, l'appel est exclu, seul le pourvoi en cassation est recevable. Des juges d'appel
ayant reçu l'appel contre une décision de tierce opposition rendue par la Cour d'appel ont été
condamnés pour dol en prise à partie tiré de l'ignorance grossière du droit et en particulier du
brocard "appel sur appel ne vaut"782.

§ 9. Concours de la tierce opposition et d'autres voies de recours

Le Code de procédure civile n'a pas prévu cette situation et pourtant dans la pratique
différentes hypothèses peuvent se présenter: c'est le cas du concours de la tierce opposition et
de l'appel et concours de la tierce opposition et de l'opposition.

I. Concours de la tierce opposition et de l'appel

Deux cas de figure peuvent se présenter: soit l'appel émane d'une partie et la tierce
opposition principale d'un tiers à l'instance originaire (hypothèse qui semble vraisemblable),
soit les deux recours émanent de la même personne. Nous pensons que pour la bonne
administration de la justice, les griefs de l'appelant et du tiers opposant devraient être
examinés simultanément, c'est-à-dire par la juridiction d'appel. Le premier juge saisi de la
tierce opposition devrait renvoyer l'affaire au juge d'appel afin que celui-ci examine
simultanément toute l'affaire ensemble.

En effet, la saisine du juge supérieur accentue le dessaisissement du juge de première


instance qui résulterait déjà du prononcé de son jugement. Par l'effet dévolutif, la juridiction
d'appel est saisie de plein droit de la totalité de la contestation. Ce principe est d'ordre public.
A la lettre, l'effet dévolutif ne s'applique qu'entre les mêmes parties litigantes. Si aucun texte
ne règle avec précision l'hypothèse d'un concours entre appel et tierce opposition, l'économie
générale des règles de droit judiciaire proscrit que soit poursuivie la rétractation d'une même
décision à la fois devant une juridiction de première instance et devant une la juridiction
d'appel. Une telle prohibition ne porte aucun préjudice aux tiers lésés par la décision
entreprise, puisque ceux-ci ont la possibilité d'agir en degré d'appel par la voie d'une
intervention volontaire conservatoire. Cette procédure souple répond au souci de permettre
781
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 551.242, p. 1608.
782
CSJ, 28 février 2003, RPP 129, Mpelembwe c/Magistrats Nsunbu Kabumbu, Hubert Kabeya, Albert Lukamba
et la RDC, in Bulletin des arrêts de la CSJ, 2004, pp. 227-234, cité par MATADI NENGA GAMANDA, Droit
judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-Bruylant, Droit et idées nouvelles, 2006, n° 521, p.
489.
317

aux tiers de faire valoir leurs droits lors du débat principal, même au second degré, pour éviter
l'insécurité juridique et le non respect du délai raisonnable du procès qui peut résulter d'une
tierce opposition.

II. Concours de la tierce opposition et de l'opposition

Cette hypothèse est certes moins fréquente mais elle peut également être envisagée. Elle
conduit en principe à la saisine au même juge de premier degré qui a prononcé la décision
attaquée. Si le même juge est saisi de la tierce opposition et de l'opposition concernant la
même affaire, peu importe que les parties soient les mêmes ou différentes, une bonne
administration de la justice commande que soient examinées simultanément les deux voies de
recours par un seul jugement.

§ 10. Proposition sa réforme

Nous pensons qu'il serait nécessaire de prévoir des sanctions civiles lorsqu'il existe une
tierce opposition téméraire et vexatoire qui risquerait de retarder la distribution de la justice.
L'amende civile de l'équivalent en francs congolais de 500 $ US nous semble raisonnable sans
préjudice de condamnation à des dommages et intérêts à l'égard les parties.

SECTION 2: LA PRISE À PARTIE

§ 1. Notions

Cette procédure est complexe et est en pleine expansion en RDC depuis 1990, on en
compte aujourd'hui environs cinq cent décisions de jurisprudence. La prise à partie est
présentée souvent parmi les voies de recours extraordinaires, mais en réalité, elle a deux
facettes: elle est d'abord une action en réparation, ensuite une voie de recours extraordinaire.
En tant qu'action en réparation, c’est une action portée par un justiciable devant la Cour de
cassation contre un magistrat pour dol, concussion commis soit dans le cours d’instruction,
soit lors de la décision rendue, ou pour déni de justice 783. C’est donc une action qui tend
essentiellement à sanctionner la responsabilité civile du magistrat et à réparer le préjudice
causé à un justiciable par une faute professionnelle 784. Comme on peut le remarquer, les
causes principales de la prise à partie sont le dol, la concussion et le déni de justice.

En tant que recours, la prise à partie est incidemment une voie de recours
extraordinaire (en nullité) par laquelle une partie demande l'annulation de jugement ou arrêt
ou tout acte de procédure judiciaire rendu ou pris par les magistrats lorsque ceux-ci sont
responsables du dol, concussion ou déni de justice. La prise à partie tend donc à la
condamnation d'un magistrat, et éventuellement, à l'annulation du jugement ou arrêt ou tout

783
Articles 55 à 64 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
784
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie,
Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16; RAJC, 1997, p. 15 avec note de Dibunda.
318

acte judiciaire du magistrat entaché de faute professionnelle grave. Autrement dit, elle
intervient lorsque le jugement ou arrêt ou tout acte de procédure judiciaire rendu ou pris par le
magistrat est vicié par les fautes du magistrat définies par la loi (dol, concussion, déni de
justice) que la partie qui y justifierait y avoir intérêt pourrait en demander la mise en néant en
introduisant ce recours. Elle vise dès lors tout magistrat (juge et représentant du ministère
public) pour faute professionnelle.

§ 2. Magistrats concernés

La prise à partie vise uniquement les magistrats et ne fait pas de distinction entre les
magistrats du siège et du parquet étant donné que la loi dit seulement « tout magistrat de
l'ordre judiciaire peut être pris à partie »785. Cette position est affirmée par la Cour suprême
de justice786 qui a condamné pour dol de magistrats du parquet pris à partie et a mis à néant la
requête aux fins de fixation d’audience. Dans une affaire, il s'agissait du magistrat du parquet
qui avait fait la proposition des poursuites et son chef hiérarchique l’avait approuvée 787; dans
une autre affaire, l'avocat général près la Cour d'appel avait fait une note de fin d'instruction
avec des fausses mentions788. Enfin, dans la dernière affaire, le premier substitut du procureur
de la République avait frauduleusement donné apparence d'un acte d'appel formé par le
procureur de la République, alors que c'était lui-même en personne qui avait comparu pour
interjeter malignement appel à toutes fins et à l'insu de ce dernier sans se faire identifier,
avantageant ainsi l'une des parties au détriment du demandeur qui était acquitté au premier
degré et dont le sort venait de s'aggraver au degré d'appel789.

De même, la prise à partie vise uniquement les magistrats car la loi dit "tout magistrat".
Cela signifie que les juges consulaires des tribunaux de commerce (assesseurs), les juges
sociaux des tribunaux de travail (assesseurs), les jurés (non magistrats et non juristes) des
juridictions militaires et les juges des juridictions coutumières ne peuvent pas faire l'objet de
la prise à partie étant donné qu'ils ne sont pas magistrats des juridictions de l'ordre judiciaire.
Enfin, les magistrats de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle ne sont pas
concernés par la prise à partie. Concernant les magistrats des juridictions de l'ordre
administratif, leur prise à partie sera de la compétence du Conseil d'Etat.

785
Article 55 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
786
CSJ, 22 avril 1997, in RAJC, 1997, p. 40, RPP 055, note Dibunda; CSJ, 17 juin 2005, Kitenge Yesu c/ Magistrats
Kasembe et alii, RPP 195 ; CSJ, 26 août 2011, Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman Mirenge Katwa, RPP
625, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit, pp. 100-102, 265-266.
787
CSJ, 22 avril 1997, RPP 055, in RAJC, 1997, p. 40, note Dibunda.
788
CSJ, 17 juin 2005, Kitenge Yesu c/ Magistrats Kasembe et alii, RPP 195, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
op.cit, pp. 100-102.
789
CSJ, 26 août 2011, Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman Mirenge Katwa, RPP 625, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit, pp. 265-266.
319

§ 3. Conditions

Les seules fautes professionnelles du magistrat qui peuvent ouvrir la prise parties sont:
le dol, la concussion et le déni de justice790. Il convient de les examiner séparément.

I. Le dol

Le dol est une violation volontaire du droit par le magistrat pour aboutir à une
conclusion erronée dans le but d'accorder un avantage indu à une partie. Il se caractérise par la
mauvaise foi, par des artifices et manœuvres qui donnent à la décision une valeur juridique
apparente. L'erreur grossière du droit est équipollente au dol 791. La Cour suprême de justice a
défini le dol comme étant, d'une part, tout comportement empreint de mauvaise foi dans le
chef d'un magistrat qui tend à favoriser une partie au détriment de l'autre, et d'autre part, une
erreur et une faute professionnelle graves procédant d'une volonté manifeste de juge de
favoriser une partie au procès au détriment de l'autre suite au recours par un magistrat aux
manœuvres frauduleuses et artifices pour donner à sa décision des apparences d'une décision
juridiquement valable, alors qu'en réalité il était résolu à favoriser l'une des parties au
procès792.

De manière pratique, le dol est un comportement malhonnête ; c’est donc la mauvaise


foi. Elle se traduit par des manœuvres frauduleuses, notamment la suppression du dossier
d’une pièce décisive, l’altération d’une pièce ou du jugement lui-même ou la collusion avec
une partie793. Le dol peut consister notamment dans le fait pour un magistrat d’avoir omis de
signaler certaines stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé
tronqué des autres en les escamotant ou le fait de donner une version erronée des faits,
sciemment conçue comme artifice pour rendre vraisemblable l’interprétation de la loi et la
décision prise794.

790
Article 55 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
791
Article 56 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
792
CSJ, 12 mai 2006, Ngongo Luwowo c/ Mme la juge Yumbu Mumbanda, RPP 282; CSJ, 3 juillet 2009, Shabani
Mukubwa c/ Magistrats Makoso et alii, RPP 346; CSJ, 11 juillet 2011, Honoré Kabeya Mupula Alias Onoko c/
Magistrat Tshimanga Mwadia Mvita et alii, RPP 627, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit, pp. 125-127, 239-
241, 267-269.
793
CSJ, 20 octobre 2006, Dufay Christian c/ Magistrats Kikungo Mukuli et alii, RPP 299, in MUKENDI BAFWANA
et alii, op.cit, pp. 140-143; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd.
Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
794
KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes annotés de
procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p.125.
320

Le dol est caractérisé par les artifices et les manœuvres auxquelles les magistrats pris à
partie ont recouru pour donner à leur décision les apparences d’un arrêt juridiquement valable
alors que les griefs relevés dénotent clairement qu’en réalité ils étaient résolus à favoriser une
partie par l’adoption facile de sa thèse pourtant battue en brèche tel qu’il résulte du jugement
ou arrêt795. Le dol suppose des manœuvres ou des artifices auxquels leur auteur recourt, soit
pour tromper la justice, soit pour favoriser une partie ou pour lui nuire, soit encore pour servir
un intérêt personnel796.

Le dol requis pour la prise à partie d’un magistrat est celui prévu en droit civil,
constitué par une manœuvre frauduleuse, une machination destinée à tromper un plaideur
dans le cours de l’instruction ou lors de la décision rendue, mais non celui prévu en droit
pénal, consistant notamment dans l’intention frauduleuse ou intention de nuire et constituant
l’élément moral de l’infraction797. Ce dol résulte des manœuvres frauduleuses, des
machinations et artifices coupables pour donner à leurs jugements et arrêts ou toute autre
décision, les apparences de bonnes décisions dans le seul but de favoriser l'autre partie 798. Il
suppose donc l'intention de nuire, et l'existence d'une manœuvre frauduleuse destinée à
tromper, d'une machination, d'un artifice coupable ou d'une mise en scène ou d'une
combinaison visant à surprendre ou à tromper la confiance d'autrui, au moyen d'éléments

795
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, Vol. II, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 21-27 ; CSJ,
13, mars 1997, P.C. c/ juges, Ordonnance RPP 57 ; CSJ, 24 avril 1997, UZB c/ juge M. Ordonnance RPP 058,
in RAJC, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 27-30; CSJ, 5 juillet 1997, SPRL Art et Décor
c/Magistrats Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30; CSJ, 9 juin 2006, Mayunga ma
Mbalu c/Magistrats Kitoko Kimpele, Kabeya Tshiongoloka, Kazadi Nsenga, RPP 295; CSJ, 5 octobre 2007,
Mme Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini Wa Kyamusoke, RPP 322; CSJ, 18 février 2011,
Kashali Tabura c/ Magistrat Akim Mwanga Mukidi, RPP 657, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011,
pp. 13-16, 133-136, 151-154, 273-274.
796
CSJ, 28 février 2003, Mpelembwe c/ Magistrats Nsuku Kabumbu, Hubert Kabeya Tshiongoloka et Albert
Lukamba Mugaza, RPP 129; CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/ Magistrate Kipasa Bilaka, RPP 296, in
E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie,
Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp.39-42, 136-138.
797
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, in RAJC, 1997, p. 22.
798
CSJ, 21 novembre 1996, Banque Méridien Biao au Zaïre c/ Mukabala Galimuk et alii, RPP 045; CSJ, 16 août
2002, Stanbic Banc Congo c/ Ngwanda Shagitunga Gisupa, RPP 134; CSJ, 15 août 2003, Fila Congo c/ Makwa
Kandungi, RPP 157; CSJ, 17 octobre 2003, Bralima c/ Madame Yumbu Mumbanda, RPP 153; CSJ, 23 janvier
2004, Patel Abdoul Gafoor c/ Juge Yumbu Mumbanda, RPP 163; CSJ, 26 mars 2004, ICC c/ Magistrat Pierre
Mpeve Kiyanga, RPP 179; CSJ, 29 avril 2004, Kasongo Dineka c/ Simon Marcus Tshimanga Ntolo et alii, RPP 201;
CSJ, 7 mai 2004, Societé Art et Décort c/ Magistrat Makwa Kandungi, RPP 184; CSJ, 9 avril 2004, William
Damseaux et alii c/ Magistrat Joachim Musenga wa Kasanji, RPP 187; CSJ, 13 août 2004, Societé Transit Air
Congo c/ Magistrat René Oscar Mutoka Witangila, RPP 203; CSJ, 8 octobre 2004, Societé Fu Hua Pharma c/
Magistrats Diayikwa Nzita et alii, RPP 189; CSJ, 17 juin 2005, Kitenge Yesu c/ Magistrats Kasembe et alii, RPP
195; CSJ, 12 août 2005, Tharcisse Kabuika Tshimuanga c/ Magistrats Albert Lucien Nafutabio Bela et alii, RPP
240 ; CSJ, 7 Septembre 2007, Societé Sogakor c/ Magistrats Bela Mutanga et alii, RPP 276; CSJ, 7 novembre
2008, Bisengimana Muyangu Bernard c/ Magistrat Jean Nfundiko Shobo Choborwa, RPP 307; CSJ, 19 juin 2009,
Mme Loholokeke Longo c/ Magistrat Jean Claude Bambeta Yalongo, RPP 209, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
op.cit, pp.19-23, 47-51, 59-65, 70-73, 84-88, 88-90, 90-97, 100-104; 106-110, 114-116, 120-123, 143-145.
321

extérieurs ou matériels, de nature à rendre vraisemblables les allégations de l'auteur 799 ou tout
simplement d'un artifice conçu pour faire croire à une vraisemblance de la vérité judiciaire 800.

Le dol suppose la mauvaise foi et consiste soit en manœuvres frauduleuses ayant


l’objet de tromper l’une des parties à un acte juridique, soit en une faute professionnelle
lourde. Tel est le cas du juge qui fait état d’une décision antérieure inexistante pour justifier
les mesures conservatoires ou le magistrat qui a tronqué la motivation de sa décision en ce
qu'il a volontairement esquivé les éléments objectifs disponibles présentés par le requérant
devant permettre la fixation des sommes postulés par le défendeur même s'il est prouvé que
lesdites sommes avaient été payées801 ou du magistrat qui a adopté au cours de l’instruction de
la cause ou lors de la décision, un comportement coupable d’où il résulterait un acte de malice
ou l’intention de nuire802 ou le fait pour les magistrats poursuivis de prendre la décision
attaquée dans l'intention de favoriser la partie adverse au détriment du requérant 803 ou le fait
d'avoir la volonté délibérée d'adopter sans discussion et coûte que coûte la thèse soutenue par
la partie adverse qu'il entendait avantager au détriment du demandeur804.

799
CSJ, 6 mai 2009, Mme Zola Kiambote c/ Magistrats Chimatu Kamena et alii, RPP 338, inédit; CSJ, 12 août
2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula et alii, RPP 192; CSJ, 29 juin 2007, Luseke Somblela Touré
c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake, RPP 312; 5 septembre 2008, Société Bralima c/ Magistrat Gratien Kabobo, RPP
357; CSJ, 12 février 2010, Mme Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat Mboloko Basambi, RPP 506; CSJ, 8 janvier
2010, Pierre Nakweti Kikangu c/ Magistrats Céleste Tshibangu Mbuyamba et alii, RPP 524; CSJ, 27 août 2010,
Sonangolep c/ Magistrat Kamba Kalala, RPP 584, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.97-100, 145-147,
168-170, 224-230, 232-235, 249-250.
800
CSJ, 6 mars 2009, Yawili Nyi Nzongia c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 478; CSJ, 21 novembre 2008, Roger
Tshiaba Mbalangama c/ Mano Matiaba et alii, RPP 483; CSJ, 18 septembre 2009, Société Beltexco c/ Magistrats
Sylvain Bella Mutanda et alii, RPP 556; CSJ, 13 juin 2011, Ngezayo Kambale c/ Magistrat Muhindo Kamasita, RPP
641, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.213-218, 241-244, 270-273.
801
CSJ, 14 mars 2003, Plantation Lever au Congo c/ Mwingi Iyalo et la R.D. C., RRP 130, in Bulletins des arrêts de
la Cour suprême de justice, 2004, pp.235-242; E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême
de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp.42-45.
802
CSJ, 30 novembre 1993, RPP 4, inédit;
803
CSJ, 24 avril 2009, Société Punjabi an limited et alii c/ Magistrats Madia-Nico-Nika et alii, RPP 388, inédit; CSJ,
29 août 2008, Houze Cyrille c/ Magistrat Emmanuel Baleka Nyainyaki, RPP 390, inédit; CSJ, 9 novembre 2008,
Bertrand Bisengimana Muyangu c/ Magistrat Jeanson Nfundiko Shobo Choborwa, RPP 307, inédit; CSJ, 30
novembre 2007, Société Business aviation c/ Magistrats Mme Mubiala Ngankier Yvonne et alii, RPP 379, inédit;
CSJ, 12 août 2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula et alii, RPP 192, inédit, CSJ, 28 janvier 2005,
Ekanga Tapale c/ Magistrat Kawara Musole, RPP 216, inédit; CSJ, 30 juin 2002, Amedali Bandali Kandji et alii c/
Magistrats Kabal Kukandila Pierre et alii, RPP 115; CSJ, 20 octobre 2006, Dufay Christian c/ Magistrats Kikungo
Mukuli et alii, RPP 299; CSJ, 29 juin 2007, Luseke Somblela Touré c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake, RPP 312; CSJ,
25 janvier 2008, Ofida c/ Magistrat Kasonga Tshinema Beaupaul, RPP 339; CSJ, 17 octobre 2008, Zoao Boniface
c/ Magistrats Félicien Ngalamulume Kankonde et alii, RPP 414; CSJ, 13 mars 2009, Tuluka Nlambikongo c/
Magistrats Nganda Fumabo et alii, RPP 434; CSJ, 25 octobre 2009, Mme Philomène Mputu c/ Magistrate
Rosette Fallu Mwayuma, RPP 439; CSJ, 12 février 2010, Mme Mateus Yeze c/ Magistrat Ange Bay Bay, RPP
510, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à
partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 30-33, 140-147, 155-156, 190-191, 194-197, 227-230.
804
CSJ, 19 novembre 2004, Amir Shamji c/ Magistrat Kabata Lukombo, RPP 214, inédit.
322

Le dol est aussi le fait pour le juge, d'avoir la volonté obstinée, affichée et injustifiée
de recevoir à tout prix la tierce opposition manifestement irrecevable, et en dépit du fait que
qu'il ait reconnu à bon droit dans sa décision décriée que le représentants des tiers opposants
n'avait pas qualité d'agir au nom du père décédé des tiers opposants, ni à leurs noms 805 ou le
fait d'avoir délibérément déclaré recevable et fondée une requête en tierce opposition
introduite par une partie déjà représentée en justice en violation du principe de droit selon
lequel lorsqu'une partie a été représentée dans un procès, elle ne peut plus être reçue en justice
pour les mêmes faits806 ou le fait d'occulter la vérité en déclarant faux l'acte de vente notarié
signé par le conservateur des titres immobiliers, les témoins et les parties au contrat, alors que
pareil acte ne pouvait pas être déclaré faux par le juge pénal sans que le conservateur des titres
immobiliers et les témoins aient été entendus pour le confirmer ou le contester 807 ou le fait de
prétendre que le certificat d'enregistrement sur lequel le juge avait fondé sa conviction était un
titre authentique alors que celui-ci était produit en photocopie libre808.

De même, la faute professionnelle du magistrat mis en cause peut constituer un dol,


notamment s’il ya des négligences sciemment entretenues afin d’aboutir à une conclusion
erronée809 ou le fait d’avoir omis de signaler certaines stipulations de la convention passée
entre parties et de faire un résumé tronqué des autres en les escamotant 810ou le fait de violer
intentionnellement la loi811 ou le fait d'appliquer consciemment une loi déjà abrogée dans le
seul but d'avantager une partie au procès 812 ou le fait pour le juge, de recevoir les pièces de la
cause en dehors des débats étant donné qu'il a par cet artifice violé délibérément les droits de
la défense en éludant l'instruction approfondie de la cause en vue de nuire aux intérêts d'une
partie813 ou le fait de rejeter délibérément les pièces de l'une des parties constatant l'autorité de

805
CSJ, 7 juillet 2006, Mundjo Wandjo c/ Magistrats Kalala Mpubwe Shambuyi, Malikigogo Musubao,
Kibashimba-Bin Lulonge, RPP 278; CSJ, 12 mai 2006, Ngongo Luwowo c/ Magistrat Mme la juge Yumbu
Mumbanda, RPP 282, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en
contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 123-127.
806
CSJ, 22 avril 2009, Héritiers Mongadja Thomas c/ Magistrat Alexandre Tshibung-a-Musas, RPP 361, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 172-175.
807
CSJ, 13 mars 2009, Halaoui Abdourahman Hassan c/ Magistrat Kutukutu Tupa Bolamba, RPP 290, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 132-133.
808
CSJ, 15 octobre 2007, Mme Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini wa Kyamusoke, RPP 322, in
E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.51-55, 151-154.
809
CSJ, 23 décembre 2009, Mme Matondo Ngindu Londa c/ Magistrats Bassebe Wengela et alii, RPP 359, in
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 136-239; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-
Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
810
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30, in RAJC,
1997, p.16; in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de
prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16.
811
CSJ, 11 octobre 2002, Societé Microcom c/ Félix Mbala-Zi-Nkuaku et alii, RPP 137; CSJ, 24 février 2006,
Baketimina Masunda c/ Magistrats Nsumbu Placide et alii, RPP 213; CSJ, 10 mai 2010, Musasa Mukimbi c/
Magistrats Ndala Tshivungila Mwana, Julienne Mbiye Kavulambedi, Joseph Musiku Nsiku, RPP 473, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.51-55, 110-112, 209-211.
812
CSJ, 19 août 2009, Mongapa Basose Ambroise c/ Magistrats Kasonga Tshinema Beaupaul, Safari Zihalirwa et
Fallu Mwayuma, RPP 351, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.166-167.
813
CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/ Magistrate Kipasa Bilika, RPP 296, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit., pp. 136-138.
323

la chose jugée au pénal sur le civil 814 ou le fait d'esquiver sciemment de rencontrer l'avis du
ministère public en accordant force probante à la photocopie du document contesté et dont la
détention n'était pas légalement permise815.

Constitue également le dol, le fait pour les juges d'avoir fait preuve d'une tricherie ou
d'une manœuvre destinée à tromper, une machination, un artifice coupable ou une mise en
scène dont la seule intention est de nuire ou de favoriser la partie adverse en ce qu'ils ont reçu
l'action en contestation de paternité en dehors du délai légal en justifiant vainement la
recevabilité de cette action par le fait notamment qu'elle été introduite par les liquidateurs
comme si la loi reconnaît à ceux-ci un délai plus long 816 ou le fait de fonder sa motivation sur
une décision non encore rendue prétextant que la requérante avait demandé la même chose
devant deux instances ou deux juges817 ou le fait pour les magistrats du siège d'avoir usé d'un
artifice susceptible de favoriser une partie au procès au détriment des demandeurs en prise en
partie en ce qu'ils ont interprété de manière intéressée le procès verbal d'audition du premier
demandeur devant l'officier du ministère public en faisant dire à ce procès-verbal autre chose
que ce qui est mentionné818 ou le fait de déclarer recevable l'appel interjeté l'une des parties au
procès au delà de 10 jours en matière pénale 819 ou le fait de prononcer le jugement sur
dispositif sans avoir rédigé sa motivation alors qu'aucune décision en matière civile ne peut
être rendue sur dispositif et qu'elle doit être motivée avant son prononcé820.

Auparavant, la jurisprudence de la Cour suprême de justice opérait une distinction


nette entre le dol et l’erreur. En effet, elle affirmait qu’une erreur de droit ne peut être
assimilée au dol requis pour la prise à partie, car ce dol suppose dans le chef de l’agent la
mauvaise foi qui doit être prouvée, et partant, une faute, tandis que l’erreur quelle qu’elle soit,
suppose la bonne foi, qui est présumée et partant, l’absence de faute 821. En conséquence, une

814
CSJ, 3 juin 2005, Berge Nanikian c/ Magistrats B. Bilolo et alii, RPP 222, inédit.
815
CSJ, 09 décembre 2005, Societé African Telecommunication Networrk c/ Magistrates Marie Jeanne Nkela,
Kabira Faida et Tsasa Mbuzi, RPP 175/220, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 79-82.
816
CSJ, 4 septembre 2009, Mme Ndeta Dumoduni Nikky et alii c/ Magistrats Jean Claude Bampeta Yalongo et
alii, RPP 297, E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 138-140.
817
CSJ, 30 novembre 2007, société Business Aviation c/ Magistrats Mubiala Ngankier Yvonne et alii, RPP 379, E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 175-178.
818
CSJ, 24 juin 2011, Mrs et Mme Hamidou Gakou et alii c/ Magistrats Musenga wa Kasanji et alii, RPP 345, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 163-166.
819
CSJ, 14 octobre 2011, Mme Lomani Zinga c/ Magistrats Beaupaul Kasonga Tshinema, Mme Bay Bay et
Nselele, RPP 609, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 259-261.
820
CSJ, 13 juin 2011, Ngezayo Kambale c/ Magistrat Muhindo Kamasita, RPP 641, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit., 270-273.
821
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, p.28 ; CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit ; CSJ, 18 avril 2003, Jacques
Tordoor c/ Kabuya Mulamba et alii, RPP 148; CSJ, 19 décembre 1997, NG c/ Magistrat M. , RPP 066; CSJ, 19 juin
2009, Société 2XT. Com SPRL c/ Magistrats Nafutabio et alii, RPP 288; CSJ, 20 février 2009, Societé Hôtel
Fontana c/ Magistrats Nzolameso Walusadisu et crts, RPP 518, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence
de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 23-25, 55-58,
129-232.
324

erreur du juge soit-elle grossière, ne pouvait être assimilée au dol, ce dernier supposant la
mauvaise foi822.

Cette jurisprudence ne peut plus tenir aujourd'hui car la loi organique n°13/010 du 19
février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation dit clairement que l'erreur
grossière du droit est équipollente au dol823. Ainsi, une faute professionnelle lourde peut
procéder des erreurs grossières et des négligences sciemment entretenues dans le jugement de
la cause, telles des lacunes dues à l’omission des éléments essentiels dans l’exposé des motifs
sur les faits et le droit à appliquer 824. Ces erreurs grossières sont au regard de la loi, assimilées
au dol825. Autrement dit dès qu'il y a seulement erreurs grossières de la part du magistrat, cela
suffit pour que le dol soit retenu 826 étant donné que les erreurs de droit sont équipollentes au
dol827; la mauvaise foi n'est plus requise pour que le dol soit constitué.

Pour que le dol soit retenu, le requérant doit prouver par toute voie de droit le dol
imputé au magistrat. Ainsi, est dès lors injustifiée et partant non fondée, la requête en prise à
partie fondée sur le dol alors que le requérant ne parvient pas à établir un fait fautif justifiant

822
CSJ, 13 mars 1997, ordonnance RPP 57, in RAJC, 1997, p.28; CSJ, 21 décembre 2007, Société Banro Congo
Mining c/ Magistrats Nsambayi Mutenda Lukusa et alii, RPP 380; CSJ, 4 décembre 2009, Succession Mfumu
Nseke c/ Magistrat Gaston Djongesongo, RPP 487; CSJ, 12 mars 2010, Société Intercafeza c/ Magistrat
Mangungu Nkongo, RPP 559, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 118-181, 220-221, 244-247.
823
Article 56 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
824
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Magistrat Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena , RPP 30,
in RAJC, 1997, p.16, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en
contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16.
825
Article 56 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
826
CSJ, 19 septembre 1996, Otschudi Omanga c/Magistrat Tonduangu Kongolo, RPP 044; CSJ, 15 août 2003,
Kikangi Nsinga Ignace c/ Magistrat Mwinyi Iyalo Dola, RPP 149; CSJ, 9 avril 2004, William Damseaux et alii c/
Magistrat Joachim Musenga wa Kasanji, RPP 187, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour
suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 16-18, 58-59; 90-95.
827
CSJ, 14 octobre 2011, Mme Lomani Zinga c/ Magistrats Beaupaul Kasonga Tshinema, Mme Bay Bay, Nselele,
RPP 609, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 259-261.
325

le comportement dolosif imputé au magistrat 828 ou un acte de malice ou l’intention de nuire 829
ou des manœuvres, des artifices ou procédés précis à même d’établir l’existence du dol 830.

De même, le dol ne sera pas retenu contre un magistrat qui a usé de son pouvoir
d'appréciation correcte des éléments de faits et de droit soumis à son examen et qu'il n'a pas
commis des erreurs de droit, ni recouru aux éléments extérieurs du dossier 831 ou lorsque la
décision faisant l'objet du grief n'a pas été rendue par les magistrats pris à partie mais plutôt
par une autre chambre composée des magistrats autres que ceux incriminés 832 ou le fait d'avoir
alloué au requérant à titre des dommages et intérêts un montant inférieur à celui postulé 833 ou
le fait de n'avoir pas accordé la réouverture des débats sollicitée par l'une des parties étant
donné que rien au dossier ne renseigne que le greffier a reçu ladite lettre de réouverture des
débats et qu'il l'a transmise audit litige 834 ou le fait d'avoir imposé aux parties de plaider une
cause alors qu'elles n'avaient pas pris l'engagement de plaider à cette audience encore que les
motifs invoqués par la requérante en prise en partie ne sont pas justifiés au vu des pièces
versées au dossier835 ou le fait d'avoir accepté le désistement de l'action du requérant faite en
bonne et due forme par le truchement de ses avocats étant donné qu'il n'est nullement
démontré que lesdits juges ont recouru au dol pour accorder un avanatge illicite à la partie

828
CSJ, 29 août 1973, RPP 3, Bulletins des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1984, p. 233; CSJ, 02 janvier
2004, Nyamaseko Bobetu c/ Magistrat Makwa Kandungi, RPP 159; CSJ, 15 octobre 2004, Bakana Lukanu
Bohoto, Diama Nkombo c/ Magistrats Makwa Kandungi et Tshikuayi Mulumba, RPP 103; CSJ, 27 décembre
2002, Zowa di Kanda c/ Magistrat Bolingo et alii, RPP 131; CSJ, 24 août 2007, Société Congo Métal Corporation
c/ Magistrats Bushiri et alii, RPP 359; CSJ, 8 février 2008, Société Agrocodis c/ Magistrat Mawawa Emini en Ta-
Nkam, RPP 343; CSJ, 8 février 2008, Société les transitaires africains réunis et alii c/ Magistrats Mungamuni
Mumpasi, RPP 462; CSJ, 7 novembre 2008, Africo Ressources Limited c/ Magistrats Christian Kalumba Ilunga et
alii, RPP 474; CSJ, 12 avril 2010, Joseph Vueza Ngindu c/ Magistrats Hector Kabumbu Mpinga Bantu et alii, RPP
529; CSJ, 29 juillet 2011, Ghassan Abdoul Hussein D. c/ Magistrat Makoso, RPP 591; CSJ, 21 mai 2010, Antonio
Fumagalli c/ Magistrate Dikete Atuayi Kosso, RPP 629, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la
Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 28-30, 45-47, 65-67,
161-163, 170-172, 205-206, 211-213, 235-236, 250-253, 269-270; CSJ, 29 août 1979, RPP 4, Bulletin des arrêts
de la CSJ, 1984, p. 233.
829
CSJ, 30 novembre 1983, RPP 4, in DIBUNDA, Répertoire général de la jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, n° 10, p. 183; CSJ, 29 août 1979, RPP 3, Bulletin des arrêts de la
CSJ, 1984, p. 233.
830
CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit; CSJ, 10 mars 2009, République française c/ Magistrats Makoso et
Lukwuch-Nhinda, RPP 316; CSJ, 25 juin 2008, Tshimanga Malaba Patrick et alii c/ Joachin Musenga wa Kasanji,
Christian Lumba Lamba et Jean Ubulu Pungu, RPP 469, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 147-149,
207-208.
831
CSJ, 02 janvier 2004, Mario Fiochi c/ Magistrate Mujinga Bimansha, RPP 171; CSJ, 17 septembre 2009,
Romeo Alfredo Yaghi c/ Joachin Musenga wa kasanji et alii, RPP 594, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit.,
pp. 77-79, 253-255.
832
CSJ, 26 février 2010, Dos Santos Antonio Philippe c/ Magistrats Nkweso Akele Onkie et alii, RPP 600, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 257-259.
833
CSJ, 7 août 2009, Bongu Barabutu c/Magistrats Jean Ubulu Pungu et Kabila Yumba, RPP 517 in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 77-79, 230.
834
CSJ, 2 avril 2010, Société British American Tobacco c/ Magistrat Simon Batuambile Mukenge, RPP 572, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 247-249.
835
CSJ, 8 février 2008, A.H. Pembele-zi-Vita c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 406, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit., pp. 181-185.
326

adverse836 ou le fait de n'avoir pas ordonné la jonction de deux affaires alors que les
conditions de ressemblance des faits et de connexité ne sont pas réunies 837 ou si le juge refuse
de se déporter dans une affaire dès lors que la partie aurait pu le récuser conformément à la
loi838 ou le fait que le magistrat n'a rendu qu'une décision provisoire, en l'occurrence les
défenses à exécuter, les intérêts des requérants pouvant être sauvegardés lors des débats
ultérieurs sur les mérites de l'appel839.

II. La concussion

La concussion est le fait, pour un magistrat, d’ordonner de percevoir, d’exiger ou de


recevoir ce qu’il savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû, pour droits, taxes, impôts,
revenus ou intérêts, salaires ou traitements840. Apparemment, le législateur s'est inspiré de la
même définition prévue à l'article 146 du Code pénal congolais livre II. Ainsi, commet la
concussion un magistrat qui exige à l'inculpé des amendes transactionnelles dans un dossier
civil ou encore exige plus de ce qui est dû par la loi dans un dossier pénal. C'est aussi le cas
d'un magistrat du parquet qui reçoit ce qu'il sait n'être pas dû dans le cadre de l'instruction
préparatoire qu'il mène en matière pénale. A notre connaissance, cette procédure n’a jamais
été exploitée par les justiciables à cause de la difficulté de la prouver dans le chef du magistrat
suspecté.

III. Le déni de justice

Il y a déni de justice lorsque le magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge


ou néglige de juger les affaires en état d’être jugées 841. Autrement dit, c'est le refus de remplir
un devoir de sa charge et notamment de juger une affaire en état, mais aussi de rendre une
ordonnance ou d'accomplir les actes nécessaires du ministère public 842. Il y a également déni
de justice lorsque le juge ou le magistrat du parquet, sans motif légitime, n'a pas procéder aux
devoirs de sa charge ou rendu sa décision dans le délai prévu par la loi. Le déni de justice
donnant lieu à une éventuelle prise à partie, peut exister lorsque les magistrats refusent de
procéder à leurs charges sous des motifs divers. Tel est le cas notamment, pour le magistrat du
parquet, de ne pas rendre son avis endéans 10 jours en matière pénale, 30 jours en matières
civiles, commerciales et du travail, et pour le juge, de ne pas rendre une décision dans les

836
CSJ, 20 février 2009, Munga wa Nyassa c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 463, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit., pp. 206-207.
837
CSJ, 18 mai 2009, Louis Nallet c/ Magistrat Edouart Archille Prudent Sengha, RPP 410, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 185-190.
838
CSJ, 10 octobre 2009, Mme Finant Véronique c/ Magistrats Maleula Galeba et alii, RPP 320, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 149-151..
839
CSJ, 29 août 1979, RPP 3, Bulletin des arrêts de la CSJ, 1984, p. 233.
840
Article 57 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
841
Article 58 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
842
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais, Tome 2, Kinshasa, éd. PUC, 2012, n° 244, p. 229.
327

mêmes délais843. Ainsi, l’on peut retenir la prise à partie à l’égard du magistrat du parquet
lorsque celui-ci au cours d’un procès civil, sans raison bien motivée, n’a pas donné son avis
endéans trente jours à dater de communication du dossier au ministère public.

843
Article 47, points 1 et 2 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats,
JORDC, n°spécial, 25 octobre 2006.
328

Le déni de justice est constaté par deux sommations faites par l’huissier et adressées
au magistrat à huit jours d’intervalle au moins 844. La Cour suprême de justice considère que
sont coupables de déni de justice, les juges qui, en dépit de deux sommations, d’une part,
n’ont accompli aucune démarche soit pour faire refixer la cause qui était pendante devant leur
siège en passant par le greffe, soit pour faire savoir aux parties qu’il leur incombait de
contacter le greffier de leur juridiction pour faire revenir l’affaire ainsi que l’exige l’article 69
du Code de procédure civile845, et d’autre part, après avoir décidé d’office la surséance en
vertu du principe le criminel tient le civil en état, n’ont rien fait pour s’enquérir auprès des
autorités du ministère public afin de connaître l’issue de l’action répressive qui avait justifié la
surséance846. Dans la pratique, l’ouverture de la prise à partie pour cause de déni de justice
demeure rarement exploitée.

§ 4. Juridiction compétente

En vertu de l'article de l'article 98 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013


portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, la
prise à partie est de la compétence exclusive de la Cour de cassation. Aucune autre juridiction
ne pourrait en connaître par le biais d'un mécanisme de prorogation de compétence.

§ 5. Procédure

La Cour de cassation est saisie par une requête qui doit, sous peine d’irrecevabilité,
être introduite dans un délai de douze mois, par un avocat, à compter du jour du prononcé de
la décision ou de la signification de celle-ci selon qu’elle est contradictoire ou par défaut ou
dans le même délai à dater du jour où le requérant aura pris connaissance de l’acte ou du
comportement incriminé. En cas de déni de justice, la requête est introduite dans les douze
mois à partir de la seconde sommation faite par l’huissier.

Outre les mentions prévues par la loi organique relative à la procédure devant la Cour
de cassation (requête des parties ou réquisition du Procureur général près la Cour, l'exigence
de signature par un avocat près la Cour de cassation, le nom, qualité et demeure de la partie
requérante, objet de la demande, nom, qualité et demeure de la partie adverse et inventaire des
pièces formant le dossier), la requête contient les prétentions du requérant aux dommages-
intérêts et, éventuellement, à l’annulation des arrêts ou jugements, ordonnances, procès-
verbaux ou autres actes attaqués847. La requête est signifiée au magistrat pris à partie qui

844
Article 58 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
845
Cet article prévoit que dans le délai fixé pour interjeter appel, l'appelant doit fournir au greffier tous les
éléments nécessaires pour assigner la partie intimée devant la juridiction d'appel.
846
Voyez KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes annotés de
procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p. 128 ; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé,
Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 606, pp. 538-539.
847
Article 59 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
329

fournit ses moyens de défense dans les quinze jours de la notification. A défaut, la cause est
réputée en état848.

§ 6. Effets

A partir de la signification de la requête jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir, sous


peine de la nullité de la procédure, le magistrat pris à partie s’abstiendra de la connaissance de
toute cause concernant le requérant, son conjoint ou ses parents en ligne directe 849. Si la prise
à partie est déclarée fondée, la Cour annule les arrêts, jugements, ordonnances, procès-
verbaux ou tous autres actes attaqués sans préjudice des dommages et intérêts dus au
requérant850.

L’Etat est solidairement responsable des condamnations aux dommages-intérêts


prononcées à charge du magistrat851. Cela signifie que la Cour de cassation peut condamner le
magistrat pris à partie solidairement avec la République démocratique du Congo comme c'est
l'Etat qui a engagé ce magistrat fautif et c'est lui qui est aussi solvable. La Cour suprême de
justice s'est prononcée à plusieurs reprises dans ce sens852. Concrètement, le bénéficiaire peut
848
Article 60 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
849
Article 62 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
850
Article 61 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
851
Article 63 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
852
Voyez notamment CSJ, 5 juillet 1994, Société Art et Decor SPRL c/ Magistrats Lwamba Bintu et Mbie Morwa
et Shimatu Kamena et la RDC, RPP 30; CSJ, 19 septembre 1996, Otschudi Omanga c/ Magistrat Tonduangu
Kongolo et la RDC, RPP 044; CSJ, 21 novembre 1996, Banque Méridien BIAO au Zaïre c/ Magistrat Mukabala
Galimuk, Yangongo Ngioba Mutamba, Madia Nika, Bay Bay Lekwindaon et la RDC, RPP 045; CSJ,19 juin 1998,
Société forestière et agricole de la Mbola Farabola c/ Magistrat Puku Nounou et la RDC, RPP 069; CSJ, 12 juin
2002, Union de banques congolaises UBC c/ Magistrat Sesek Mfur-A-Mvur Nkum et la RDC, RPP 120; CSJ, 16
août 2002, Société Stanbic Bank Congo c/ Magistrat Ngwanda Shagitunga Gisupa et la RDC, RPP 134; CSJ, 14
mars 2003, Plantation Lever au Congo, SARL c/ Magistrat Mwinyiyalo et la RDC, RPP 130; CSJ, 15 août 2003,
Société Fila Congo c/ Magistrat Makwa Kandungi et la RDC, RPP 157; CSJ, 23 janvier 2004, Patel Abdul Gafoor,
Patel Issabhai, Patel Mohsin c/ Magistrat Yumbu Mumbanda et la RDC, RPP 163; CSJ, 09 avril 2004, William
Damseaux, Leitao Vidal Paulo c/ Magistrats Joachim Musenga wa Kasanji, G. Kabala Mapa Mutombo et Gaston
Mutefu Kapinga Muluma et la RDC, RPP 187; CSJ, 26 mars 2004, Société ICC c/ Magistrat Pierre Mpeve Kiyanga
et la RDC, RPP 179; CSJ, 13 août 2004, Société Trans Air Congo c/ Magistrat Oscar Mutoka Witangila et la RDC,
RPP 203; CSJ, 12 août 2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula, Sekele, Lokoni et la RDC, RPP 192;
CSJ, 09 décembre 2005, Société African Telecommunication Network c/ Magistrats Mesdames Marie Jeanne
Nkela, Kabira Faida, Tsasa Mbuzi et la RDC, RPP 725/220; CSJ, 24 février 2006, Baketimina Masunda c/
Magistrats Nsumbu Placide, Georgine Terkasa, Marie José Toko et la RDC, RPP 213; CSJ, 12 mai 2006, Ngongo
Luwowo c/ Magistrat Madame Yumbu Mumbanda et la RDC, RPP 282; CSJ, 09 juin 2006, Mayunga ma Mbalu c/
Magistrat Kitoko Kimpele, Kabeya Tshiongoloka, Kazadi Nsenga et la RDC, RPP 295; CSJ, 07 juillet 2006, Mundjo
Wandjo c/ Magistrat Kalala Mpubwe Shambuyi, Malikigogo Musubao, Kibashimba bin Lulonge et la RDC, RPP
278; CSJ, 29 juin 2007, Luseke Sombela Touré c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake et la RDC, RPP 312; CSJ, 7
septembre 2007, SOGAKOR SCRL c/ Magistrats Bela Mutanga, Bukasa Lukunga, Mulumba Kabongo et la RDC,
RPP 276; CSJ, 05 octobre 2007, Madame Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini wa Kyamusoke et
la RDC, RPP 322; CSJ, 30 novembre 2007, Société Bisness Aviation SPRL c/ Magistrats Madame Mubiala
Ngankier Yvonne, José Baya Lukusa et la RDC, RPP 379; CSJ, 25 janvier 2008, OFIDA c/ Magistrat Kasonga
330

postuler le paiement des dommages et intérêts par l'Etat sans avoir exécuté la condamnation à
l'égard du magistrat pris à partie ; l'Etat pourra dans ce cas exercer une action récursoire
contre le magistrat condamné et il serait prudent de libeller le dispositif de l'arrêt en telle
forme afin qu'une nouvelle décision ne soit pas nécessaire pour y procéder.

De même, le Conseil supérieur de la magistrature propose à la révocation, sur simple


constatation de la condamnation, le magistrat qui fait l'objet dune condamnation définitive à la
suite d'une procédure de prise à partie853.

Si la prise à partie est déclarée non fondée, le magistrat pris à partie peut par une
action téméraire et vexatoire, postuler reconventionnellement la condamnation du demandeur
à des dommages et intérêts854. Cette solution a été confirmée de manière constante par la Cour
suprême de justice855.

Au vu de ces éléments, la prise à partie contribue à une saine administration de la


justice que le législateur a mis à la disposition du justiciable pour le rassurer qu’il doit
toujours avoir confiance en la justice856. En tout cas, elle s’avère comme une approche
technique contre la partialité du juge857.

Tshinema Beaupaul et la RDC, RPP 339; CSJ, 21 novembre 2008, Roger Tshiaba Mbangama c/ Magistrats Mano
Matiaba Liévin, Isambo Katam, Beleko Nsele et la RDC, RPP 483; CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/
Magistrats Madame Kipasa Bilaka et la RDC, RPP 296; CSJ, 13 mars 2009, Halaoui Abdourahman c/ Magistrat
Kutukutu Tupa Bolamba et la RDC, RPP 290; CSJ, 13 mars 2009, Tuka Nlambi Kongo c/ Magistrats Nganda
Fumabo, Kishima Muzinga, Ndaye Makenga et la RDC, RPP 434; CSJ, 19 juin 2009, Madame Loholokeke Longo
c/ Magistrat Jean Claude Bampeta Yalongo et la RDC, RPP 209; CSJ, 25 octobre 2009, Madame Philomène
Mputu c/ Juge Rosette Fallu Mwayuma et la RDC, RPP 439; CSJ, 23 décembre 2009, Madame Matondo Ngindu
Londa c/ Magistrats Bessembe Wangela, Kimanuka Kashondo et la RDC, RPP 539; CSJ, 12 février 2010, Madame
Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat Mboloko Basambi et la RDC, RPP 506; CSJ, 8 janvier 2010, Pierre Nakweti
Kikangu c/ Magistrat Céleste Tshibangu Mbuyamba Parfait, Alexis Lubanda Shabani et la RDC, RPP 524; CSJ, 12
février 2010, Madame Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat Ange Bay Bay et la RDC, RPP 510; CSJ, 10 mai 2010,
Musasa Mukumbi et Kasanda Maweja c/ Magistrats Ndala Tshivungila Mwana, Julienne Mbiye Kavulambedi,
Joseph Musiku Nsiku et la RDC, RPP 473; CSJ, 26 août 2011, Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman Mirenge
Katwa et la RDC, RPP 625, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.13-16, 16-18, 18-23, 25-28, 33-37, 42-45,
47-51, 62-65, 70-73, 79-82, 84-88, 90-95, 97-100, 106-108, 108-110, 110-112, 120-123, 123-125, 125-127, 132-
133, 133-136, 136-138, 145-147, 151-154, 155-156, 175-178, 194-195, 195-197, 209-211, 216-218, 224-226,
227-230, 232-235, 236-239, 265-266.
853
Article 61 in fine de loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que
modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015, JORDC, n°spécial, 5 août 2015.
854
Article 64 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
855
Notamment CSJ, 26 octobre 1990, Iveco-Zaïre c/Magistrat Maleula, RPP 10; CSJ, 05 septembre 2008, Bralima
c/Magistrat Gratien Kabobo et la RDC, RPP 357, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour
suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 11-12, 168-170.
856
R. KAMIDI OFIT, Le système judiciaire congolais: organisation et compétence, Kinshasa, éd. Fito, 1999, p. 162.
857
MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Académia-Bruylant, 2002, p.
49.
331

§ 7. Voies de recours

La juridiction compétente en matière de la prise à partie étant la Cour de cassation, les


arrêts de cette Cour ne sont susceptibles d’aucun recours (c'est-à-dire pas d'opposition,
d'appel, tierce opposition, requête civile, etc.). Toutefois, à la requête des parties ou du
Procureur général, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en donner
interprétation, les parties entendues 858. Concernant le recours en interprétation, il peut se
justifier lorsque la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui est obscur ou ambigu; dans ce
cas les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas, saisir la
même Cour de cassation qui a rendu la décision afin d'interpréter et de clarifier les termes qui
étaient obscurs et ambigus. Concernant le recours en rectification, il peut se justifier lorsque la
Cour de cassation a prononcé un arrêt qui contient des erreurs matérielles, dans ce cas, les
parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut), selon le cas, saisir la même
Cour qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont glissées.

§ 8. Propositions de sa réforme

Les causes de la prise en partie sont : le dol, concussion et le déni de justice. En dehors
de ces causes limitatives, la requête de la prise à partie ne peut pas être accueillie. Comme on
peut le constater, les causes de la prise à partie sont très limitées alors qu’on peut trouver en
pratique des situations regrettables qui peuvent conduire au dysfonctionnement de la justice,
telle que la faute professionnelle du magistrat. En effet, en dehors du dol, de la concussion et
du déni de justice, la prise à partie ne peut être retenue. Et pourtant, il arrive souvent que le
magistrat dans l’exercice de ses fonctions commette une faute professionnelle qui aujourd’hui
n’est pas une cause de la prise à partie.

Le droit comparé nous donne quelques pistes. En effet en France, la procédure de la prise
à partie a été supprimée par la loi n° 79-43 du 18 janvier 1979 859 car désormais le magistrat
français n’est responsable que ses fautes personnelles. Mais les juges des tribunaux de
commerce et du Conseil de prud’hommes français (tribunaux de travail) sont toujours soumis
à la procédure de la prise à partie860. En Belgique, certes la prise à partie existe (articles 1140 à
1147 du Code judiciaire belge) mais ses conditions sont assez larges : dol ou fraude, si la prise
à partie est expressément prononcée par la loi, lorsque le juge est déclaré responsable à peine
des dommages et intérêts861.

858
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
859
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 72, p. 58 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14ème éd. Sirey, 2006, n° 120, p. 120.
860
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 404, p. 384.
861
Voyez à ce sujet, G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit
judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 680-686, pp.537-545.
332

Pour la République démocratique du Congo, l’on devrait maintenir la prise à partie en


retenant les causes suivantes : dol, concussion, déni de justice et faute professionnelle du
magistrat. Cette "faute professionnelle du magistrat" nous semble large en tant que cause de
la prise à partie et pourrait d’une certaine manière rendre le magistrat plus attentif de ses actes
en vue de contribuer à une bonne distribution de la justice. Il appartiendra ainsi à la
jurisprudence de déterminer son contenu.

Afin de permettre à tous les justiciables de saisir la justice en cas de nécessité en matière
de la prise à partie, l'on devrait créer des chambres de la Cour de cassation dans toutes les
provinces du pays d’autant plus que cela rapprochera la justice des justiciables. Sur ce point
en effet, il serait difficile à un justiciable se trouvant par exemple à Sandoa (3500 kilomètres
de Kinshasa) ou Kalemie (environs 3000 kilomètres de Kinshasa) de se déplacer à Kinshasa
afin de saisir la Cour de cassation pour une prise à partie d’un magistrat car cela lui couterait
trop cher lorsqu’on doit tenir compte des frais de transport, de logement, les honoraires d’un
avocat inscrit au Barreau près la Cour de cassation, de l’état des routes, du désordre des
compagnies aériennes.

Enfin, sur 150 arrêts que nous avons analysés en matière de la prise à partie, 90 % d'entre
eux concernent les magistrats de la ville de Kinshasa; cela s'explique par le fait que le
justiciables peuvent saisir facilement la Cour de cassation étant donné qu'elle se trouve à
Kinshasa. En créant les chambres de la Cour de cassation dans toutes les provinces, cela
permettrait à tous les justiciables de saisir s'il échet la Cour de cassation en matière de la prise
à partie et les magistrats de tous les coins de la République seraient plus attentifs à commettre
de fautes professionnelles. Ce qui aura comme conséquence l'amélioration de la qualité de la
justice.

SECTION 3: LA REQUÊTE CIVILE

§ 1. Notions

C'est une voie de recours extraordinaire par laquelle une partie demande au juge qui a
rendu une décision passée en force de chose jugée de rétracter celle-ci pour une des causes
limitativement énumérées par la loi, cause qui repose sur une erreur de fait, non imputable au
juge et découverte postérieurement au prononcé de la décision 862. De manière simple, c’est
une voie de recours extraordinaire adressée à la même juridiction qui a rendu la décision
attaquée863 par laquelle une partie estimant qu’elle a été victime d’une erreur de fait
involontairement commise par le juge, demande que l’affaire soit jugée à nouveau par le
même tribunal qui l’avait déjà jugée. Il s’agit donc d’une voie de rétractation par laquelle on
revient devant les mêmes juges qui avaient déjà statué dans l’affaire pour leur demander de

862
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 1, p. 9; G. CLOSSET-MARCHAL
et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009,
n°652, p.515.
863
Article 89 du Code de procédure civile.
333

modifier leur décision passée en force de la chose jugée à la suite de l’erreur qui a été
introduite par l’une des parties au procès et qui a été découverte postérieurement au prononcé
de la décision.

En RDC, la requête civile est l'équivalent de la révision en matière civile et est de la


compétence de la même juridiction qui a rendu la décision attaquée alors que la révision en
matière pénale relève de la Cour de cassation. Et d'ailleurs en France, en procédure civile, la
procédure de requête civile a été remplacée par le recours en révision étant donné qu'elle était
longue, couteuse, lourde, majestueuse et rarement sollicitée 864, mais elle est de la compétence
de la seule juridiction qui a rendu la décision 865. La RDC s'est inspirée de la Belgique 866 où la
requête civile existe et est de la compétence de la même juridiction qui a rendu la décision
attaquée867. Cette procédure existe uniquement en matière civile et n'a jamais existé en matière
pénale868.

Comme on le voit à travers la définition de la requête civile, c'est est une voie de recours
extraordinaire. Elle est, partant, soumise à des conditions strictes, pour des causes énumérées
dans la loi qui sont toutes postérieures à la décision dont la rétractation est poursuivie. Elle ne
peut être assimilée à un troisième degré de juridiction. Il en résulte que la requête civile ne
peut être formée pour les causes dont la partie a eu connaissance ou pouvait avoir
connaissance avant la prononciation du jugement dont la rétractation est poursuivie ou avant
l'expiration des voies de recours869. La requête civile n'est ainsi ouverte qu'à ceux qui n'ont
pas eu l'occasion de faire valoir certains moyens par la voie des recours ordinaires, ces
moyens n'étant apparus qu'ultérieurement. Elle n'est pas destinée à pallier le non-exercice ou
le mauvais exercice d'une voie de recours ordinaire.

La requête civile se distingue de la tierce opposition par le fait que la partie a été
effectivement au procès mais le juge a commis une erreur involontaire dans son jugement (ou
a été trompé) alors que pour la tierce opposition, le tiers opposant n'était pas présent au procès
mais le jugement prononcé préjudicie ses intérêts. Les praticiens redoutent d'y recourir à
cause de la complication de sa procédure et la jurisprudence est très rare en ce domaine.

864
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 552.05, p. 1612; S. GUINCHARD et alii, Institutions juridictionnelles, Paris, 10 éd. Dalloz, 2009, n° 143, p. 204.
865
Articles 593, 598 et 599 du Code de procédure civile; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la
procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 552.121, p. 1621.
866
Le Code de procédure civile congolais date du 7 mars 1960 pendant que la RDC était une colonie belge. La
RDC a donc reproduit le Code de procédure civile belge de l'époque.
867
Article 1134 du Code judiciaire belge; voyez J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2012, n° 29, p.21; G. CLOSSET-MARCHAL et J. F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en
droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 654, p.518.
868
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 90.00, p. 241.
869
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 3, pp. 9-10; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n°653, p.516.
334

§ 2. Décisions susceptibles de requête civile

L'article 85 du Code de procédure civile dit: "les jugements contradictoires rendus en


dernier ressort par les tribunaux de grande instance et les cours d'appel et les jugements par
défaut rendus aussi en dernier ressort et qui ne sont plus susceptibles d'opposition, peuvent
être mis à néant à la requête de ceux qui y ont été parties ou dûment appelés (...)". ). Comme
on le voit, il s'agit des décisions contradictoires ou par défaut rendues en dernier ressort
c'est-à-dire sans recours possible (opposition et appel). On ne peut donc cumuler la possibilité
de faire opposition ou d'interjeter appel avec celle d'introduire la requête civile.

La loi n'a pas mentionné à juste titre, les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce et
les tribunaux du travail étant donné qu'ils n'existaient pas encore lors de l'élaboration du Code
de procédure civile (7 mars 1960) et surtout qu'ils ne prononcent pas en principe en dernier
ressort. Le Code de procédure civile n'a pas mentionné aussi les tribunaux pour enfants alors
que ceux-ci rendent les jugements en dernier ressort lorsqu'ils statuent en appel (Chambre
d'appel) de décisions rendues par la Chambre de première instance de la même juridiction.
Nous pensons que leurs décisions ne sont pas concernées étant donné les tribunaux pour
enfants ne sont pas mentionnés à l'article 85 du Code de procédure civile. Il convient d'adapter
cette disposition au paysage judiciaire actuel.

A l'instar de la tierce opposition, la requête civile peut être formée contre les décisions
rendues par les juridictions pénales lorsqu'elles statuent seulement sur les intérêts civils. Seule
la rétractation des dispositifs civils est offerte, la décision sur l'action publique n'étant pas
susceptibles de requête civile870. De même, les décisions des arbitres peuvent faire l'objet de
requête civile mais uniquement pour les causes relatives au dol personnel et sur pièces
reconnues ou déclarées fausses depuis la sentence arbitrale; dans ce cas, la requête civile est
portée devant le tribunal qui est compétent pour connaître de l’appel 871. La requête civile n'est
pas recevable ni contre le jugement déjà attaqué par cette voie, ni contre le jugement qui l'a
rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise 872. Enfin, les arrêts de la Cour
de cassation échappent à la requête civile étant donné qu'ils ne sont susceptibles d'aucun
recours873.

§ 3. Causes de requête civile

L'article 85 du Code de procédure civile énumère limitativement les causes de requête


civile qui reposent sur une erreur de fait, non imputable au juge et découverte après le
prononcé de la décision. Ces causes doivent reposer sur une erreur de fait et non de droit;

870
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 22, p. 16.
871
Article 187 in fine du Code de procédure civile.
872
Article 95 du Code de procédure civile.
873
Article 29 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
335

contre l'erreur de droit, seul pourvoi en cassation est ouvert. Les causes d’ouverture de requête
civile sont très étroitement délimitées par la loi874 :

- S’il y a eu dol personnel ;


- Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ;
- S’il y a contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les
mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux ;
- Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues
par le fait de la partie.

Il convient de les parcourir rapidement.

I. Le dol personnel

Cette condition est prévue à l'article 85, 1° du Code de procédure civile. Il s'agit
du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Le mot dol vient du latin dolus et
signifie ruse, comportement malhonnête, manœuvres, mensonges, feintes 875. En droit
judiciaire privé, ce terme vise les manœuvres frauduleuses pratiquées en vue d'obtenir une
décision favorable. Lorsque ces manœuvres sont pratiquées par un magistrat, elles constituent
une ouverture à la prise à partie prévue par la loi portant procédure devant la Cour de
cassation876. Lorsque ces manœuvres sont pratiquées par une partie au procès en vue de
tromper le juge afin d'obtenir une décision favorable, l'on se trouve dans l'hypothèse de la
requête civile prévue par l'article 85 du Code de procédure civile. C'est de ce dol-là qu'il s'agit
ici877.

Le dol qui comprend toutes les fraudes et surprises employées pour tromper
quelqu’un doit être personnel, c’est-à-dire émaner de la partie même au profit de laquelle a été
rendue la décision attaquée. Le dol de l’avocat ou du mandataire est considéré comme
provenant de la partie. Dans l'appréciation du dol personnel, il y a lieu de se référer à la
définition qui est admise en droit civil des obligations (Code civil congolais livre III). En
d'autres termes, le dol donnant ouverture à la requête civile est celui qui motiverait la nullité
d’un contrat. L'ouverture à la requête civile pour dol personnel est ainsi soumise à quatre
conditions:

- Il faut que la partie adverse ait pratiqué des manœuvres frauduleuses pratiquée en
vue d’obtenir un jugement favorable en trompant le juge. Il comprend toutes les fraudes et
surprises employées pour tromper un juge. En ce sens, constitue une manœuvre dolosive, le
fait pour une partie de tromper le juge par une affirmation mensongère et une dissimulation
874
Article 85 du Code de procédure civile.
875
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2009, p.324.
876
Article 56 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
877
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-Bruylant, Droit
et idées nouvelles, 2006, n° 527, p. 492.
336

frauduleuse des pièces. Ainsi, le fait de mentir en dissimulant en outre des pièces comptables
peut être considéré comme dol personnel. Constitue également le dol, l'affirmation d'un fait
que l'on sait inexact et la dénégation d'un fait que l'on sait avéré.

Le demandeur en requête civile doit prouver les manœuvres dolosives que son
adversaire a employées pour obtenir un gain de cause. Il ne suffit pas de les affirmer ou de les
soupçonner mais il faut le prouver. Il s'ensuit que le simple fait d'avoir affirmé en conclusions
ce que l'un savait être faux ou d'avoir donné des réponses mensongères lors d'une
comparution personnelle ne suffit pas à donner ouverture à la requête civile 878. De même, ne
constitue pas un dol, cause de requête civile, la simple abstention d'une partie de produire,
devant le juge, des documents de nature à faire triompher la prétention de la partie adverse.

- Il faut que ces manœuvres soient le fait de la partie en faveur de qui la décision a été
rendue ou le fait d'une personne dont elle répond. Il convient que ces manœuvres, la partie
triomphante ou la personne dont elle répond ait à tout le moins provoqué le fait ou l'acte
dolosif. Il s’agit du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Il doit être l’œuvre de
l’une des parties au procès ou de l’avocat représentant la partie concernée ayant pour but
d’obtenir un jugement favorable. Le dol qui est sanctionné par l'article 85, 1° du Code de
procédure civile est le dol personnel d'une partie et non celui du juge. Un dol ou une fraude
dont se serait rendu coupable un juge dans le cours de son instruction, son délibéré ou lors du
prononcé du jugement ne peut être reçu comme cause de requête civile; pareille situation ne
peut donner lieu qu'à la procédure de prise à partie.

- Il faut que ces manœuvres frauduleuses aient déterminé le juge à statuer comme il l'a
fait. Il en est ainsi lorsque, ensuite de manœuvres procédurales malhonnêtes, le juge dont la
décision est passée en force de chose jugée n'a pu prendre connaissance de faits susceptibles
d'être déterminants pour que la solution du litige ou lorsque ce dol vise à empêcher la partie
adverse de faire valoir sa contradiction. Autrement dit, pour que le dol personnel puisse
fonder une requête civile, il faut que ce dol soit la cause de ce qu'une décision a été rendue sur
la base d'informations erronées mais présentées frauduleusement comme avérées au point
d'aveugler non seulement le juge mais aussi le défendeur défaillant qui ne jugerait même pas
utile de former un recours.

- Il faut que le dol soit prouvé par celui qui l'allègue; c'est une application du principe
général en vertu duquel le dol ne se présume pas. L’on doit prouver que le juge a été induit en
erreur par une manœuvre frauduleuse, par exemple, la subordination de témoins.

II. S'il l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement

Cette deuxième cause d'ouverture de la requête civile est prévue à l'article 85, 2° du
Code de procédure civile et prévoit deux hypothèses distinctes: la pièce reconnue fausse et la
pièce déclarée fausse.

878
Cour d'appel de Lubumbashi, 6 août 1986, RCA 6968, in RJZ, 1987, n°1, 2 et 3, p. 110.
337

- La pièce reconnue fausse: cette pièce doit être reconnue fausse par la partie qui l'a
produite, même si elle n'est pas de l'auteur du faux. En sens opposé, la reconnaissance de la
fausseté par le seul auteur du document, et non par la partie qui s'en est servi, ne doit pas avoir
d'influence au regard de ce cas d'ouverture, mais peut éventuellement laisser place à la fraude.
Une pièce peut être reconnue fausse de multiples façons, étant suffisant que cet aveu de
fausseté soit sans équivoque et émane de la partie qui a produit le document. Il peut s'agir d'un
aveu dans des écritures procédurales, dans des lettres, voire lors d'une information pénale.
Pour soit applicable par loi, la pièce reconnue fausse doit motiver le jugement à aller dans le
sens donné.

- La pièce judiciairement déclarée fausse: cette pièce peut être déclarée fausse par une
juridiction civile ou pénale. Concernant la juridiction civile, cette déclaration peut provenir
d'une action en faux authentique ou d'une contestation ordinaire. La décision définitive
concrétisant le faux s'impose à la juridiction saisie de la requête civile, à condition
évidemment que les parties à la requête civile aient participé à la procédure de faux, car à
défaut il pourrait être soulevé l'argument de la relativité de la chose jugée.

La pièce peut être déclarée aussi fausse par une juridiction pénale. Sur ce point,
l'instruction préparatoire du parquet ne suffit pas à qualifier un document faux, seule la
décision du tribunal (jugement ou arrêt) est à prendre en considération car le parquet ne juge
pas, il instruit et saisit le juge compétent qui prononce le jugement. C'est à l'issue de ce
jugement que l'on peut qualifier un document faux. Il s'agit par exemple du cas où une partie a
pu user de bonne foi (sans dol) d'une pièce qui ultérieurement apparaît avoir été un faux.
Partant du caractère exceptionnel de la requête civile, la notion de faux doit recevoir une
acceptation restrictive, celle que lui donne l'article 124 du Code pénal congolais livre II (le
faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire).

III. Contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties


et sur les mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux

Cette condition est prévue à l'article 85, 3° du Code de procédure civile. Il s'agit de
l'hypothèse où un jugement rendu en dernier ressort contredit un autre jugement, lui aussi
rendu en dernier ressort soit un même tribunal soit une même Cour. Entre dans ce cas, lorsque
le premier jugement n'avait pas encore autorité de la chose jugée au moment du prononcé du
second jugement. L'on peut invoquer aussi la contrariété de jugement dans le cas où l'ayant
cause d'une partie ignorait la chose jugée et ne pouvait par conséquent ni y renoncer ni
l'exercer. Mais le cas sera très rare car la loi exige que les jugements contradictoires aient été
rendus entre les mêmes parties par le même tribunal et que le procès soit le même dans son
objet. Il semble évident que celui qui a obtenu un jugement antérieur avec le même adversaire
sur les mêmes moyens, s’il est attaqué de nouveau, fera connaître au même tribunal devant
lequel il a obtenu gain de cause l’existence de cette décision. Cependant, il peut arriver que le
338

tribunal ne reconnaissant pas l’autorité de la chose jugée à la première décision tranche le


deuxième procès dans un sens différent.

IV. Si depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives


et qui avaient été retenues par le fait de la partie

Cette condition se trouve à l'article 85, 4° du Code de procédure civile et contient 4


éléments: découverte postérieure à la décision, notion de pièce, la rétention de la pièce par le
fait de la partie et caractère décisif de la pièce.

- Découverte postérieure à la décision: L'article 85, 4° du Code de procédure civile


n'admet comme cas d'ouverture que l'hypothèse où les pièces ont été découvertes après la
décision, exigence conforme à la nécessité de n'avoir pu, sans faute, faire valoir tous les
arguments utiles avant que n'intervienne le jugement. La requête civile n'est ainsi ouverte que
lors de la découverte, postérieurement à la décision, d'éléments nouveaux, tels qu'un décès,
une reconnaissance d'enfant, un second mariage, des revenus dissimulés ou la preuve d'un
contrat d'emploi récent ignoré par la partie. Si le plaideur découvre la pièce avant la décision,
il doit en faire état sans délai. A défaut, c'est à raison de sa propre faute qu'il n'a pu en être
tenu compte, et le recours lui sera fermé. S'il s'agit d'une pièce d'un dossier pénal, dont
l'existence est connue, mais insusceptible d'être versée déjà aux débats parce que l'instruction
n'est pas terminée, il importe de demander à la juridiction de surseoir. Il en est de même pour
les pièces qui sont sous scellées.

- Notion de pièce: cette notion est nécessairement très vague et aucune limitation de
principe ne peut être apportée, d'autant que l'émergence de nouveaux moyens de
communication révèle chaque jour de nouveaux supports. Il peut s'agit d'un document papier
(par exemple une reconnaissance de dette), mais aussi d'enregistrement, clef USB (flash), CD-
ROM, CD, film, maquettes, etc.

- Rétention de la pièce par le fait de la partie: le terme rétention implique nécessairement


que la pièce existait avant le jugement. Si ce n'est pas le cas, la requête civile de ce chef n'est
pas possible. L'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit expressément que la pièce
décisive doit avoir été retenue par une partie. La rétention de pièces décisives par le juge ne
peut dès lors entrainer la requête civile mais plutôt le dol du juge donnant ouverture à la prise
à partie. Lorsqu'il s'agit de la rétention d'une pièce décisive recouvrée après la clôture des
débats, il faut que la rétention soit le fait propre de la partie qui gagne le procès, et non celui
d'une personne tirant indirectement profit de la décision litigieuse, à moins qu'elle ait agi à
l'instigation du gagnant. Il faut en outre que l'autre partie qui s'en prévaut à l'appui de sa
requête civile n'ait pu raisonnablement la découvrir ou se la procurer en cours de procès879.

879
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 52-53, p. 25; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n°662, p.526.
339

De même, il est nécessaire que la pièce ait été retenue par le fait de la partie, étant
d'ailleurs rappelé que le juge a désormais la possibilité d'ordonner aux parties à une procédure
de produire des documents. La non-remise d'un document détenu par une partie, voire le refus
d'une sachant de faire une attestation, ne peuvent fonder la requête civile. Mais il est possible
que la rétention soit faite, par un concert frauduleux, par une partie. Le fait de la rétention ne
peut être obtenu que dans la mesure où celle-ci interdit la production de la pièce. Ainsi, le
refus de produire des documents qui sont publiés, ou déposés, et donc accessibles aux parties,
ne permet pas de recevoir la requête civile. Tel est le cas des pièces d'état civil, actes
authentiques publiés, documents de société. Enfin, la rétention doit être volontaire, car les cas
d'ouverture impliquent une notion de dol. S'agissant du caractère intentionnel et donc fautif de
la rétention, il serait souhaitable de laisser aux juges un pouvoir souverain d'appréciation, de
telle sorte qu'ils examineront souvent la pièce pour déterminer si au regard de son importance,
elle avait pu être celée sans malice.

Autrefois, entrait dans ce cas de figure lorsque les pièces appartenant à une partie ont
été retenues frauduleusement par l'autre partie (testament). Il suffisait dans ce cas de prouver
le fait de l'adversaire. Cinq conditions étaient requises880 :
- rétention matérielle : le seul fait de dissimuler une pièce ne donne lieu à requête
civile que s’il constitue un dol, c’est-à-dire si la dissimulation a eu lieu de mauvaise foi ;
- rétention par le fait de la partie elle-même et non d’un tiers ;
- rétention d’une pièce décisive, c’est-à-dire que, versée au procès, elle ait fait
triompher le demandeur en requête civile ;
- rétention d’une pièce ignorée du demandeur en requête civile ou dont il n’avait pas
le droit de demander communication ;
- recouvrement de la pièce litigieuse car la production en est indispensable pour que la
requête puisse être admise par le tribunal.

Mais, il est admis aujourd'hui, que la rétention involontaire suffit pour donner
ouverture à la voie de requête civile; elle ne doit pas s'accompagner de manœuvres
dolosives881. L'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit expressément que la pièce
décisive doit avoir été retenue par une partie. La rétention de pièces décisives par le juge ne
peut dès lors entrainer la requête civile; il s'agit d'une fraude du juge donnant ouverture à une
procédure de prise à partie. Lorsqu'il s'agit de la rétention d'une pièce décisive recouvrée après
la clôture des débats, il faut que la rétention soit le fait de la partie qui gagne le procès, et que
l'autre partie qui s'en prévaut à l'appui de sa requête civile n'ait pu raisonnablement la
découvrir ou se la procurer en cours de procès.

- Caractère décisif de la pièce: l'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit que
les pièces doivent être décisives. Eu égard à l'objet du recours, qui est de modifier ou annuler
880
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, op.cit., n° 167.
881
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 35 et 50, pp. 22 et 24; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2009, n°662, p.526.
340

une décision déjà rendue, le bon sens commande de n'accepter celui-ci que dans la mesure où
la pièce découverte aurait changé les choses. Si, à raison de son caractère peu décisif, le
jugement n'eût pas été différent, le recours n'est pas admis. En conséquence, est décisive la
pièce qui est de nature à modifier le jugement attaqué, c'est-à-dire la pièce qui, si elle était
produite, le jugement ne serait pas ce qu'il est. La requête civile n'est ainsi ouverte que lors de
la découverte, postérieure à la décision, d'éléments nouveaux, tels qu'un décès, une
reconnaissance d'enfant, un second mariage, des revenus dissimulés ou la preuve d'un contrat
d'emploi récent ignoré par la partie.

§ 4. Parties pouvant introduire la requête civile

En tant que voie de recours, la requête civile ne peut être exercée que par une personne
qui a été partie à la décision attaquée et ne peut être formée que si cette partie justifie d'un
grief résultant de la décision attaquée. Il s'agit des parties ou dûment appelées au procès
(article 85 alinéa 1 du Code de procédure civile) mais qui ont la qualité et l'intérêt. Ces parties
n'ont pas eu l'occasion de faire valoir les moyens (les causes), ceux-ci n'étant connus de la
partie avant le prononcé de la décision dont la rétractation est poursuivie ou avant l'expiration
des délais des voies de recours ouvertes contre cette décision.

§ 5. Juridiction compétente

La requête civile ne tend pas à la modification mais à la rétractation de la décision


entreprise. Aux termes de l'article 89 du Code de procédure civile, "la requête civile est
formée par voie d'assignation et portée devant le tribunal qui a rendu la décision attaquée.
Elle peut être statuée par les mêmes juges". Comme on le voit, ce recours doit, à peine de
nullité, être soumis au juge qui a rendu la décision. La juridiction qui a rendu la décision
attaquée est donc seule compétente pour en connaître et elle ne peut en renvoyer le jugement à
une autre juridiction, même pour cause de connexité. Une autre juridiction ne pourrait
davantage, à titre d'incident, statuer sur une cause de requête civile alléguée à l'encontre d'une
décision versée aux débats suivis devant elle. Il y va d'une compétence exclusive au sens fort
de l'expression, tenant en échec les mécanismes de prorogation de compétence882.

La demande en requête civile incidente à une contestation dont un tribunal est saisi est
portée devant ce tribunal s'il est supérieur à celui qui a rendu le jugement attaqué. S'il est d'un
rang égal ou inférieur, la demande est portée devant le tribunal qui a rendu le jugement
attaqué et le tribunal saisi de la cause dans laquelle ce jugement est produit peut, suivant le
cas, passer outre ou surseoir. La demande en requête civile incidente, est formée par
conclusions signifiées si elle est portée devant le tribunal saisi et si elle a lieu contre les
parties en cause. Dans tous les autres cas, elle est formée par assignation et portée devant le
tribunal qui a rendu la décision attaquée883.
882
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 94 et 95, p. 36; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n°654, p.517.
883
Article 93 du Code de procédure civile.
341

Cette disposition spécifique règle la question de la compétence lorsque la requête civile


est formulée par voie incidente. Les termes "égal" et "supérieur" utilisés par l'article 93 du
Code de procédure civile visent une juridiction qui, dans la hiérarchie judiciaire, est
supérieur à celle qui a originairement statué. La hiérarchie visée par cet article est
uniquement celle à laquelle il convient de se référer pour la détermination de la juridiction
devant laquelle un litige est porté en cas d'appel. Concrètement, une requête civile principale
formée par assignation, doit être portée devant le juge qui a rendu la décision attaquée,
même si cette décision fait l'objet d'un appel sur lequel il n'a pas encore statué
Apparemment, le législateur a voulu éviter la réformation d'une décision d'appel par un juge
de première instance.

§ 6. Procédure

I. Délai

Le délai pour former une requête civile est de 3 mois à dater du jour de la découverte du
fait justifiant le recours. Ce délai ne court pas contre les mineurs et les interdits pendant la
durée de leur minorité ou de leur interdiction. En cas de décès de la partie qui avait droit de
former requête civile, avant l'expiration du délai prévu ci-dessus, ce délai est prorogé de six
mois en faveur de ses héritiers 884. Ce délai étant expiré au moment de la demande, celle-ci
n’est plus recevable885.

II. Forme

La requête civile ne peut être formée qu’après consultation de trois avocats exerçant
depuis 5 ans au moins près un des tribunaux du ressort de la Cour d’appel dans lequel a été
rendu886. Or, ce n’est point partout qu’on trouve autant d’avocats répondant à autant de
conditions. C’est pourquoi nous pensons qu’on devrait prévoir des dispositions
exceptionnelles pour les ressorts juridictionnels n’ayant pas de barreau ou ne disposant pas de
trois avocats qui remplissent les conditions. La consultation contiendra déclaration qu'ils sont
d'avis que la requête civile est fondée et elle annoncera aussi les moyens. La consultation est
signifiée avec l'exploit d'assignation887.

La requête civile est formée par voie d'assignation et portée devant le tribunal qui a rendu
la décision attaquée. Il peut être statué par les mêmes juges 888. La requête civile est
communiquée au ministère public889. La requête civile doit être déclarée irrecevable, qu'elle
ait été formée eu égard à des éléments dont la partie a eu connaissance avant le jugement ou
en se fondant sur des éléments de preuve produits après jugement, mais que la partie eût pu

884
Article 87 du Code de procédure civile.
885
Cour d'appel de Kinshasa, 28 janvier 1969, RJC, 1969, n°2, p. 192.
886
Article 88 alinéa 1 du Code de procédure civile.
887
Article 88 alinéas 2 et 3 du Code de procédure civile.
888
Article 89 du Code de procédure civile.
889
Article 91 du Code de procédure civile.
342

recueillir avant. L'échec, dans ce cas, ne peut être imputé qu'à la négligence de la partie ou à
sa malice.

La requête civile est ouverte qu'à ceux qui n'ont pas eu l'occasion de faire valoir certains
moyens par la voie des recours ordinaires, ces moyens n'étant apparus qu'ultérieurement. Elle
n'est pas ainsi destinée à pallier le non exercice ou le mauvais exercice d'une voie de recours
ordinaire. Il n'y a pas donc matière à requête civile lorsque la cause de la décision ne serait
pas le dol lui-même mais bien le fait que le dossier n'a pu être réexaminée contradictoirement,
étant donné que l'opposition contre la décision prononcée par défaut était tardive890.

§ 7. Effets

La requête civile ne suspend pas l'exécution du jugement entrepris. Le tribunal saisi


est sans pouvoir pour prendre des mesures provisoires suspendant l'exécution. Comme on le
voit, la requête civile n'empêche pas l'exécution du jugement attaqué; nulle défense ne peut
être accordée891. Il n'a donc pas d'effet suspensif. Seul le jugement mettant à néant le jugement
peut avoir cet effet. Si la requête civile est admise, le jugement est mis à néant et le tribunal
saisi de la requête statue sur le fond de la contestation 892. Cela signifie que la requête civile a
aussi un effet dévolutif mais uniquement sur la matière concernant cette requête civile comme
ses causes et ses conditions. La requête civile n'est pas recevable ni contre le jugement qui l'a
rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise893.

§ 8. La requête civile et le principe d’impartialité du juge

La requête civile est de la compétence de la juridiction qui a rendu la décision attaquée


étant donné qu’il s’agit de la voie de rétractation. Elle peut être statuée par les mêmes juges
qui ont rendu cette décision894. La question qu’il convient de se poser est de savoir si les
mêmes juges de la même juridiction peuvent connaître de nouveau de la même affaire faisant
l’objet de requête civile sans porter atteinte à l’impartialité. A notre connaissance, cette
question n’a jamais fait l’objet de la jurisprudence belge, ni de la Cour Européenne Droits de
l’Homme de Strasbourg. Nous pensons qu’étant donné qu’il s’agit d’une voie de rétractation,
comme pour l’opposition et la tierce opposition, rien n’empêche aux mêmes juges de
connaître à nouveau de la même affaire sur requête civile d’autant plus qu’ils avaient été
induits en erreur et le principe d’impartialité ne serait donc pas violé. Cette position est
partagée par la doctrine belge895 et la jurisprudence française896 qui sont d'avis que "eu égard à
la nature des causes de la requête civile, étrangère à la personne et même à l'office de
890
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 653, pp. 517 et s.
891
Article 90 du Code de procédure civile.
892
Article 94 du Code de procédure civile.
893
Articles 89, 91, 94 à 95 du Code de procédure civile.
894
Article 89 du Code de procédure civile.
895
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 96, p. 36 ; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n° 654, p. 518.
343

l'auteur de la décision attaquée, celui-ci ne peut être suspecté de partialité lorsque la requête
civile lui est présentée".

§ 9. Voies de recours

La requête civile n'est pas recevable ni contre le jugement déjà attaqué par cette voie,
ni contre le jugement qui l'a rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise 897.
Le principe selon lequel "requête civile sur requête civile ne vaut" semble interdire à une
partie de solliciter la rétractation du jugement de requête civile, même s'il a été obtenu par
agissement malhonnête ou frauduleux. Il n'est pas davantage envisageable de conduire une
nouvelle instance en requête civile, en sens inverse, du jugement d'origine, qui est anéanti.

Aucune disposition du Code de procédure civile ne vise le recours contre un jugement


statuant sur requête civile, de telle sorte qu'à l'exception de la requête civile qui est
expressément écartée, les autres sont théoriquement possibles (appel, opposition, tierce
opposition, prise à partie, interprétation, rectification, etc.). Mais dans la pratique, il semble
très rare d'envisager un recours contre le jugement statuant sur requête civile. Et c'est
pourquoi nous partageons la décision de la Cour d'appel française de Riom qui a d'ailleurs
refusé de déclarer recevable l'appel d'un jugement statuant sur recours en requête civile au
motif que le jugement originaire était en dernier ressort 898. La Cour a ainsi refusé de
considérer que l'instance en requête civile était autonome de l'instance originaire. Le jugement
prononcé sur requête civile ne peut pas aussi être attaqué par le pourvoi en cassation dès lors
qu'il n'est pas rendu en dernier ressort, seul le jugement ou arrêt originaire peut faire l'objet de
ce pourvoi car rendu en dernier ressort selon l'article 85 alinéa 1 du Code de procédure civile.

§ 10. Proposition de sa réforme

L'article 85, alinéa 1 du Code de procédure civile prévoit que "les jugements
contradictoires rendus en dernier ressort par les tribunaux de grande instance et les cours
d'appel et les jugements par défaut rendus aussi en dernier ressort et qui ne sont plus
susceptibles d'opposition, peuvent être mis à néant à la requête de ceux qui y ont été parties
ou dûment appelés (...)". Comme on le voit, cet article vise en principe, les tribunaux de
grande instance et les cours d'appel. Cela se justifie par le fait que le Code de procédure civile
(reproduction du Code belge) date du 7 mars 1960 c'est-à dire de la période coloniale du
Congo-belge. Or, depuis plus de 55 ans, d'autres juridictions ont été créées, telles que
notamment les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce, les tribunaux de travail et les
tribunaux pour enfants. C'est pourquoi, il convient d'adapter cette disposition au paysage
judiciaire actuel. A cet effet, il serait mieux de prévoir une disposition large possible qui laisse
ouverture à la création d'autres juridictions telle que"les jugements contradictoires rendus en
896
Cour de cassation française, 1 er avril 2004, Droit et procédures, 2004, p. 270. Cette jurisprudence a examiné
cette question sous l'angle de la révision en matière civile étant donné que la requête civile a été remplacée par
la révision en France.
897
Article 95 du Code de procédure civile.
898
Cour d'appel de Riom, 25 juin 1990, Recueil Dalloz, 1990, somm. 344, observation approfondie de Julien.
344

dernier ressort par les cours et tribunaux et les jugements par défaut rendus aussi en dernier
ressort et qui ne sont plus susceptibles d'opposition, peuvent être mis à néant à la requête de
ceux qui y ont été parties ou dûment appelés (...)".

Par ailleurs, la requête civile est une procédure exceptionnelle et les conditions de sa
recevabilité sont strictes mais la loi n'a pas prévu les sanctions civiles en cas d'abus de droit
c'est-à-dire lorsque les parties utilisent cette procédure pour retarder inutilement l'exécution
du jugement prononcé qui a acquis l'autorité de la chose jugée. C'est pourquoi, nous pensons
comme pour la récusation et la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, lorsque
l'on utilise la requête civile comme une action téméraire et vexatoire, le demandeur pourrait
être condamné à l'amende civile de l'équivalent en francs congolais de 500 $ US sans
préjudice des dommages et intérêts à la partie lésée.

SECTION 4: LE POURVOI EN CASSATION

§ 1. Notions

Le pourvoi en cassation est porté devant la Cour de cassation contre les décisions
rendues en dernier ressort par les cours et tribunaux pour violation de la loi ou de la
coutume899. Le mot "décisions rendues en dernier ressort" doit être entendu comme étant les
décisions rendues au second degré (en appel) c'est-à-dire non susceptibles d'opposition ou
d'appel, et dans les circonstances très limitées, les décisions rendues à la fois en premier et
dernier degré (elles ne peuvent plus faire l'objet ni d'appel ni d'opposition).

Le pourvoi en cassation est donc une voie de recours extraordinaire qui soumet à la
Cour de cassation les décisions rendues en dernier ressort arguée de violation des règles de
formes substantielles ou prescrites de nullité ou de non-conformité à la loi 900. De manière
simple, c'est une voie de recours extraordinaire contre un jugement ou arrêt rendu en dernier
ressort et tendant à le faire annuler en tout ou partie pour violation de la loi ou de la coutume.

Le pourvoi en cassation n'est ni une voie de rétractation (l'affaire ne revient pas en


principe devant les mêmes juges), ni une voie de réformation (la Cour de cassation ne
réexamine pas en principe entièrement l'affaire). Le pourvoi en cassation ne constitue pas un
troisième degré de juridiction ; ce n’est pas un second appel mais d'un moyen pour réparer les
illégalités: il n'a pas donc pour objet de trancher le fond des litiges mais de sanctionner les
arrêts et jugements afin d'assurer le respect de la loi et une certaine unité de jurisprudence 901.

899
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; articles 95 et 116 de la loi organique n°13/011-B du
11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 35 à 54 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la
procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
900
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1418.
901
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1048; E. KRINGS, "La cassation n'est pas un troisième degré de juridiction", in Liber amicorum L. Simont,
Bruylant, 2002, pp. 253 et s.; Exposé des motifs de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la
345

Le pourvoi en cassation n'a donc pas pour but de remédier à une mauvaise appréciation des
faits ou une instruction insuffisante, mais vise, comme voie de recours extraordinaire, à
l'annulation de l'arrêt ou du jugement dans mesure où il n' y a pas d'autres moyens de
redresser le grief infligé par cette décision.

En principe, la Cour de cassation n’a pour mission que de veiller à la régularité des
procédures et à la légalité des décisions définitives des juges. En vertu de la règle « pourvoi
sur pourvoi ne vaut», une décision ne peut faire l’objet qu’à une seule reprise d’un pourvoi en
cassation. Cette règle qui est d’ordre public, est applicable quels que soient les motifs qui ont
amené le rejet du premier pourvoi et encore qu’il soit statué sur les pourvois par le même
arrêt. Peu importe également si le second pourvoi a été introduit avant ou après le rejet du
premier pourvoi. Si la Cour de cassation constate une violation des formes légales ou une
application illégale de la loi, elle casse la décision attaquée et renvoie, si nécessaire, la cause à
une juridiction du même rang et même ordre que celle qui a rendu la décision annulée 902. Il
peut s'agir de la même juridiction qui a rendu la décision mais autrement composée.

Le recours en cassation ne permet pas l’examen par la Cour de cassation du fond des
affaires. En effet, lorsqu’un recours est introduit contre une décision de dernier ressort, la
Cour examine si la loi ou la coutume a été violée par le juge. Dans l’affirmative, la Cour casse
la décision (c'est-à-dire l'anéantir totalement ou partiellement) et renvoie pour juger au fond
devant une autre juridiction de même rang et du même ordre ou devant la même juridiction
mais autrement composée. Celle-ci rejugera le fond du procès en tenant compte des points de
droit déterminés par la Cour (selon le cas, soit après le premier pourvoi soit après le deuxième
pourvoi en cassation). Dans la négative, la Cour rejette le recours et la décision attaquée en
cassation est définitivement passée en force de chose jugée.

En matière civile, le rôle de la Cour de cassation n'est pas de statuer sur les prétentions
des parties pour les départager comme le feraient les autres juridictions: son rôle est de
rechercher si le juge a correctement appliqué la loi (au sens large) et d'annuler son jugement
(de le "casser") s'il apparaît que la loi n'a pas été respectée. Mais cette situation pose alors un
nouveau problème: s'il n'appartient pas à la Cour de cassation de substituer son propre arrêt à
la décision attaquée et si cette dernière est annulée, le litige reste en suspens: les parties ne
savent toujours pas qui a tort et qui a raison. Il est donc nécessaire de faire juger l'affaire une
nouvelle fois par une juridiction, que l'on appelle la "juridiction de renvoi", laquelle pour
échapper à tout préjugé, sera différente de celle dont la décision a été cassée. Cette juridiction
de renvoi sera désignée par la Cour de cassation elle-même qui, devra fixer son choix soit sur
autre "juridiction de même rang et même ordre que celle dont émane l'arrêt ou le jugement
cassé", soit "la même juridiction qui a rendu l'arrêt ou le jugement cassé mais autrement
composée". Prenons deux exemples:

procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.


902
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1419.
346

- Si la décision cassée est un arrêt de la Cour d'appel de Goma: la Cour de cassation


devra désigner une autre Cour d'appel ("juridiction de même rang et de même ordre"), celle
de Bukavu ou de Kindu, par exemple ou la même Cour d'appel de Goma mais autrement
composée.
- Autre exemple: imaginons que la décision cassée soit un jugement en dernier ressort
du tribunal de grande instance de Goma; ce qui pourrait arriver: la Cour de cassation devra
désigner un autre tribunal de grande instance ("juridiction de même rang et même ordre"), par
exemple, celui de Beni ou Butembo ou le même tribunal de grande instance de Goma mais
autrement composé.

§ 2. Conditions

I. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi


en cassation doivent être rendus en dernier ressort

Le mot "ressort" ici ne peut pas être confondu au ressort territorial mais il désigne
plutôt le degré de juridiction. Ainsi, le pourvoi en cassation existe lorsque les juridictions du
second degré (appel) ou dans certaines circonstances limitées, les juridictions du premier
degré siégeant en premier et dernier ressort, ont prononcé les décisions qui ne sont plus
susceptibles de recours et qui ont principalement violé ou mal appliqué la loi ou la coutume
soit dans sa forme soit au fond. Sur cette dernière situation, c'est lorsque le tribunal de grande
instance est saisi en matière civile d'une action de la compétence des tribunaux de paix et
statue au fond en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par le greffier903.

L'on ne peut donc soumettre au pourvoi en cassation, les décisions des juridictions qui
n'ont pas été prononcées en dernier ressort. L'article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18
février 2006 ainsi que les articles 95 et 116 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
soulignent clairement que les jugements et arrêts à soumettre au pourvoi en cassation doivent
avoir été rendus en dernier ressort (sans opposition et appel possibles). L'exigence d'une
décision en dernier ressort exclut le pourvoi en cassation contre les décisions qui étaient
susceptibles d'une voie de recours ordinaire (appel ou opposition), même si cette voie n'a pas
été exercée904 et que le délai en soit maintenant expiré: la régularité d'une décision ne peut, en
effet, être appréciée qu'une fois qu'ont été épuisées toutes les possibilités de la réformer 905.
Concrètement, cela signifie que si l'opposition ou l'appel étaient ouverts et que le requérant ne
les a pas exercés, la décision n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation 906 étant donné que
903
Article 112 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
904
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 13.09, p. 43; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 35.74, p. 114; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2012, n° 51, p. 43; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK , Les voies de recours en
droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 265, p. 173.
905
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 987, p. 847.
906
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214; P. GERARD, H.
BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant,
347

cette décision n'est pas rendue en dernier ressort. Autrement dit, dans ce cas, le pourvoi en
cassation sera irrecevable.

Peuvent ainsi être entrepris devant la Cour de cassation en matière civile, les arrêts et
jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires de l'ordre
judiciaire907. Il en est ainsi des décisions rendues au degré d'appel par les tribunaux de grande
instance, tribunaux pour enfants (lorsqu'ils siègent en appel), cours d'appel, tribunaux militaire
de garnison, cours militaires et Haute Cour militaire. Par contre, les décisions rendues au
premier degré (premier ressort) par les tribunaux de paix, tribunaux de grande instance,
tribunaux de commerce, tribunaux de travail, tribunaux pour enfants, cours d'appel, tribunaux
militaires de police, tribunaux militaire de garnison et cours militaires ne peuvent faire l'objet
du pourvoi en cassation dès lors qu'ils ne sont pas rendus en dernier ressort.

II. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être définitifs

En principe, il faut en outre que les jugements rendus en dernier ressort soient
définitifs908, c'est-à-dire qu'ils terminent l'instance dans un sens défavorable pour la partie qui
introduit le pourvoi909. Le jugement définitif est celui par lequel le juge épuise son pouvoir de
juridiction sur un point litigieux 910. Les jugements non définitifs sont des décisions qui
n'épuisent pas l'action civile portée devant le juge. Tel est le cas de certaines décisions qui se
bornent à des mesures provisoires et préparatoires, sans toucher au fond du litige 911. De telles
décisions qui ne sont pas des jugements définitifs ne sont susceptibles de pourvoi en
cassation.

Le recours en cassation contre les jugements avant dire droit n'est ouvert qu'après le
jugement définitif912. Cela signifie que sont principalement concernées par le pourvoi en
cassation, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire présentant un caractère
2012, n° 51, p. 43; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit
judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 265, p. 173.
907
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; articles 95 et 116 de la loi organique n°13/011-B du
11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
908
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
909
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.09, p. 83; M.
FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1049; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de
recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 268, p. 175.
910
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du
droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n°
306, p. 164.
911
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
912
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
348

juridictionnel, c'est-à-dire les décisions tranchant une contestation au terme d'une appréciation
du droit des parties opérée par le juge913. Ainsi, les simples actes d'administration judiciaire,
les mesures d'ordre intérieur et la simple mesure de donné acte d'une réserve n'ont pas un
caractère juridictionnel; donc ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation914.

De même, l'acte par lequel le président du tribunal établit l'ordre de service du tribunal
pendant l'année judiciaire, la lettre du Premier président qui répond à un particulier, etc. n'ont
pas le caractère de jugement et sont exclus du pourvoi en cassation. Aussi, les jugements de
donné acte (notamment la suspicion légitime), les mesures d'administration judiciaire
(notamment une remise, décision de jonction au fond d'un incident, les décisions relatives à la
distribution des affaires entre les diverses chambres du tribunal), la décision ordonnant la
réouverture des débats, les jugements préparatoires ne peuvent pas faire l'objet du pourvoi en
cassation étant donné que ces actes ont caractère administratif et non juridictionnel.

Sont considérés comme arrêts préparatoires, toutes les décisions qui mettent les litiges
en état de recevoir une solution sans terminer l'instance. Constitue une décision préparatoire
contre laquelle le pourvoi en cassation n'est recevable qu'après la décision définitive,
notamment l'arrêt ou le jugement:
- qui constate que l'action publique n'est pas prescrite et que l'instruction de la cause
- qui rejette une demande de remise de la cause et décide que celle-ci sera instruite au
fond;
- qui ordonne une expertise médico-légale d'un mineur, une information sociale et des
mesures provisoires915;
- la décision de réouverture des débats;
- la décision qui ordonne ou refuse la disjonction de deux causes.

De même, la décision de la Cour d'appel se bornant à statuer sur la recevabilité d'un


appel et l'effet dévolutif de celui-ci n'est pas définitive au sens de la loi. En conséquence, un
pourvoi en cassation visant pareille décision est prématuré et partant irrecevable 916. En sus, un
arrêt ordonnant une expertise, remettant la cause à une date ultérieure pour qu'il soit statué sur
les intérêts civils, estimant superflu d'entendre les témoins sollicités par l'une des parties, ne
pourra être entrepris devant la Cour de cassation qu'après le jugement sur le fond par lequel la
Cour d'appel épuise sa juridiction.

913
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 47, p. 41; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8
ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 553.41, p. 1630.
914
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.51, p. 86; P. GERARD,
H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant,
2012, n° 47, p. 41; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd.
Dalloz, 2014-2015, n° 553.41, p. 1630.
915
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1050-1051.
916
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1422.
349

Le recours en cassation contre les jugements avant dire droit n'est donc pas recevable,
à moins qu'ils deviennent définitifs, mais l'exécution, même volontaire, de tels jugements ne
peuvent être, en aucun cas, opposés comme fin de non recevoir 917. Le jugement avant dire
droit est celui par lequel le juge se borne à mettre la cause en état de recevoir une solution,
sans statuer sur aucun élément du fond. Constituent les décisions avant dire droit qui ne sont
pas susceptibles du pourvoi en cassation: l'arrêt qui pourvoit au remplacement d'un expert
sans qu'une contestation n'ait été élevée à cet égard, la décision par laquelle un juge fait droit à
la demande d'entendre des témoins supplémentaires, la décision qui se borne à rouvrir les
débats et à remettre la cause pour permettre aux parties de conclure et de plaider 918.

Par contre, une décision qui termine l'instance est susceptible du pourvoi en cassation.
Une décision termine l'instance soit lorsqu'elle se prononce au fond, soit lorsqu'elle admet une
exception d'incompétence ou une fin de non recevoir qui dénie ou enlève au juge la
connaissance de la cause; elle est alors susceptible de pourvoi en cassation919.

Au vu de ces éléments, en principe, seule une décision juridictionnelle c'est-à-dire un


jugement ou arrêt qui tranche une contestation sur un intérêt litigieux, autrement dit une
décision qui termine l'instance, peut faire l'objet du pourvoi en cassation. Par contre les actes
d'administration judiciaire ne sont pas susceptibles de ce recours en matière pénale tout
comme en matière civile920. L'acte juridictionnel a pour objet de trancher une contestation,
tandis que l'acte d'administration judiciaire a simplement pour objet de préparer le prononcé
de jugement. Sont actes d'administration judiciaire, échappant au pourvoi en cassation,
notamment:
- la décision du président du tribunal de paix désignant les notables du lieu de la
contestation, qui connaissent la coutume, pour compléter le siège lorsque l'on doit appliquer
la coutume locale921;
- la décision du président du tribunal de grande instance assumant au titre de juge, un
magistrat du parquet près ce tribunal, un avocat ou un défenseur judiciaire résidant en ce lieu
ou un magistrat militaire du tribunal militaire de garnison ou du parquet militaire près cette
juridiction, les notables du lieu de la contestation, en vue de compléter le siège, dans le cas où
l'effectif des juges du tribunal de grande instance ne permet pas de composer le siège 922;

917
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
918
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 55 et 59, pp. 44 et 46; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies
de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 271, pp. 177-178.
919
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1050.
920
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25; J. J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.51, p. 86.
921
Article 10 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
922
Article 16 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
350

- la répartition des affaires entre les différentes chambres d'une juridiction;


- les décisions de remise, de réouverture des débats et de radiation du rôle;
- la désignation d'un avocat d'office par le président d'une juridiction;
- la jonction et la disjonction entre deux causes, tout comme la jonction d'un incident
au fond;
- la décision ordonnant le renvoi d'une affaire à un autre tribunal, soit pour cause de
suspicion légitime, soit en cas de demande de récusation de plusieurs juges923;
- l'ordonnance du Premier président de la Cour de cassation statuant sur la demande
d'autorisation de la prise à partie d'un magistrat.

III. Les cours et tribunaux doivent avoir violé ou mal appliqué la loi ou la coutume

Le terme « loi » devrait être pris dans son sens large possible et vise tout acte législatif
ou réglementaire. Cet acte doit être synonyme de la règle de droit 924. Ainsi, pourrait entrer
dans cette catégorie toute norme formulée par une autorité investie du pouvoir d’exprimer des
règles obligatoires sans que soient déterminantes la forme de l’acte ou son origine. Il s’agit
notamment:
- des dispositions normatives élaborées par les pouvoirs établis, tels que la
Constitution, les lois, les ordonnances, les décrets, les arrêtés ministériels de portée
réglementaire, les édits provinciaux, sauf les décisions des autorités communales, territoriales,
de chefferies à caractère réglementaire qui ne peuvent s'imposer à la Cour de cassation;
- des dispositions normatives reçues et accréditées par le pouvoir tels que les traités 925
et conventions internationales de caractère normatif approuvé(e)s par la loi (il ne fait
absolument aucun doute que la violation d'un traité auquel la RDC est partie, peut être
invoquée, au titre de violation de la loi, devant la Cour de cassation, pour autant que
l'instrument ait reçu l'assentiment de l'assemblée parlementaire compétente), les conventions
collectives approuvées par arrêté ministériel ;
- des principes généraux de droit 926 (il s'agit des principes reconnus par la Cour de
cassation ou les juridictions internationales). Ils sont considérés comme loi au sens large. Les
principes généraux de droit ne sont toutefois pas applicables lorsqu'ils sont en contradiction

923
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.53, p. 87.
924
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 101.11-101.84, pp.
276-284; J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.09, pp.
330; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15 ème éd. Dalloz, 2012, n° 223, p. 178.
925
Les articles 95 et 116 de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et l'article 50 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013
relative à la procédure devant la Cour de cassation disent qu'il s'agit des traités internationaux dûment ratifiés.
Ces traités doivent avoir été publiés au journal officiel.
926
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 101.41, p.279; R.
DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX,
Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 28, p. 22; P. GERARD, H.
BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant,
2012, n° 338 et 339, p.153; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en
droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 400, p. 285.
351

avec la volonté certaine du législateur927. En un mot, toute violation d'une règle de droit
constitue une violation de la loi, au sens large du terme.

La violation de la loi ou de la coutume comprend notamment : l'incompétence, l'excès


de pouvoirs des cours et tribunaux, la fausse application ou la fausse interprétation de la loi, la
non conformité de la coutume dont il a été fait application aux lois ou à l'ordre public et la
violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité 928. On ajoutera un autre
élément qui peut se poser: la fausse application ou la fausse interprétation de la coutume.
Chacune des violations alléguées constitue un moyen de cassation. Il convient de les
expliquer brièvement.

1. L’incompétence

Elle concerne toutes compétences: matérielle, territoriale et personnelle. Il y a


incompétence quand une juridiction statue sur une affaire qu'elle n'avait pas le droit de juger.
Tout jugement rendu par un tribunal incompétent peut être soumis au pourvoi en cassation. Le
moyen d'incompétence peut toujours être invoqué et doit même être retenu d'office lorsque
l'attribution de compétence est d'ordre public.

En matière civile, la Cour de cassation ne pourra retenir le moyen lorsqu'il n'est pas
d'ordre public que pour autant que les parties n'ont pas acquiescé expressément ou tacitement
à une prorogation de compétence. Le moyen d'incompétence peut être invoqué, tant contre un
jugement au fond que contre un jugement définitif statuant positivement ou négativement sur
l'exception d'incompétence.

Lorsque la Cour de cassation casse un jugement ou arrêt pour cause d'incompétence,


elle renvoie à une juridiction qu'elle désigne et celle-ci est liée par l'arrêt de renvoi, c'est-à-
dire qu'elle ne peut décliner sa compétence. C'est cet arrêt de renvoi de la Cour de cassation
qui saisit la juridiction désignée.

2. L’excès de pouvoirs des cours et tribunaux

Auparavant, était considéré comme excès de pouvoirs des cours et tribunaux,


l'empiétement du juge sur le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif, la méconnaissance par
un juge du pouvoir de juger d'un autre tribunal et la violation d'une clause compromissoire
confiant à des arbitres le soin de trancher le litige. Mais aujourd'hui, cette conception a
changé. En effet, il y a excès de pouvoir lorsque le juge a cessé de faire oeuvre
juridictionnelle pour se conduire en législateur, en administrateur, ou pour commettre un abus
de force et lorsqu'il méconnaît les principes sur lesquels repose l'organisation de l'ordre
judiciaire929. Ainsi, il y a excès de pouvoirs lorsqu'une juridiction, même compétente, a
procédé à des actes qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire, tels un blâme adressé à une autorité
927
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 28, p. 22.
928
Article 96 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
929
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 73.51, pp. 335-336.
352

administrative ou la prise d'une décision relative à des personnes ou des actes non déférés
devant elle, ou encore le fait de rendre une décision à caractère général 930 mais aussi lorsque la
juridiction a manifestement méconnu une règle fondamentale d'organisation judiciaire ou de
procédure931. C'est le cas de violation de certains principes qui se rattachent à l'ordre public
tels que l'ordre des juridictions, la règle de double degré de juridiction, le principe de
l'indépendance du ministère public, ou celui de l'autorité de la chose jugée932.

De même, l'excès de pouvoirs peut être retenu lorsque le juge transgresse une règle
d'ordre public délimitant ses fonctions; et n'est pas sûr que la méconnaissance de certains
principes essentiels de la procédure, qui lui était jusqu'à récemment assimilée, au moins dans
ses effets, permette encore longtemps de contourner, en elle-même, l'obstacle de l'interdiction
d'exercer un pourvoi en cassation lorsqu'elle existe. L'excès de pouvoirs est également retenu
lorsqu'un juge sort du cadre des fonctions qui lui sont propres au sein de la juridiction
principale dont il émane933. Il est admis que l'illégalité grave peut constituer un excès de
pouvoirs lorsque le juge rend une décision en contradiction ouverte avec la loi, c'est-à-dire
que, fondant sa décision sur une loi, dont le texte est exempt de toute ambigüité, il contredise
ce texte; il n'y a plus seulement violation de la loi, mais "mépris de la volonté du législateur".

La violation de la loi peut constituer un excès de pouvoirs lorsqu'elle emporte violation


notamment d'une règle fondamentale de l'organisation judiciaire ou de l'administration de la
justice934. Ainsi, si une juridiction de l'ordre judiciaire a pris, en la forme d'un jugement ou
d'un arrêt rendu en dernier ressort, une juridiction qui sort des pouvoirs attribués aux autres
juridictions de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation met à néant cette décision. C'est le cas
du juge du tribunal de grande instance ou du tribunal de paix qui prend des mesures
éducatives de l'enfant en lieu et place du juge du tribunal pour enfants. Enfin, c'est par
exemple lorsque un tribunal s'arrogeait d'imposer des normes de portée générale. La cassation
pour excès de pouvoirs exclut le renvoi puisque, par hypothèse, aucune juridiction de l'ordre
judiciaire n'est compétente.

3. La fausse application ou la fausse interprétation de la loi

Ce que l'on sanctionne c'est l'inapplication, le refus d'application, la fausse application et


la fausse interprétation de la loi conduisant à une solution erronée à l'égard d'un point de droit.
Le refus d'application de la loi suppose qu'un texte parfaitement clair et n'appelant pas

930
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 983, p. 845.
931
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 92.21, pp. 254-
255; J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.09, p. 330; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2372, p. 1219; S. GUINCHARD
(sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 553.420, p.
1656.
932
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 73.56, p. 338.
933
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.423, p. 1656.
934
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 807, pp. 394-395.
353

d'interprétation spéciale ait été transgressé. La Cour de cassation annule dans ce cas la
décision attaquée pour avoir violé par refus d'application l'article concerné935.

La fausse application de la loi suppose que celle-ci a été appliquée à une situation de fait
qu'elle ne devait pas régir. C'est le cas lorsque le juge tout en retenant une définition exacte de
ce concept, a appliqué celui-ci à une situation qui n'en respecte pas les conditions 936. Ainsi, il
y a fausse application de la loi lorsque le juge applique une loi abrogée ou une loi qui n'était
pas encore en vigueur lors de la formation des rapports juridiques entre les parties (problème
de rétroactivité), ou lorsqu'il omet d'appliquer une loi en vigueur 937. En matière de procédure,
il y a fausse application de la loi, lorsque le juge se déclare incompétent alors qu'il ne l'était
pas.

Interpréter une loi, c'est déterminer la portée exacte d'une loi, dégager les intentions de
l'auteur du texte. La fausse interprétation de la loi suppose que le texte à appliquer prêtait à
controverse et que la décision attaquée a adopté une interprétation que la Cour de cassation
juge non conforme au sens réel du texte. En ce cas, il n'y a plus alors violation du texte de la
loi, mais de son esprit938 c'est-à-dire le sens et la portée réelle d'une loi. Ainsi, il y a fausse
interprétation de la loi, lorsque la loi était silencieuse ou ambigüe et que le juge de fond n'en
a pas dégagé le sens que la Cour de cassation considère qu'il convenait de lui donner, et
lorsque la loi était claire et précise mais que le juge du fond lui a néanmoins attribué un sens
contraire939. C'est aussi le cas lorsqu'une règle de fond a été violée, mal interprétée par les
juges de fond: notamment lorsque le juge reconnaît un caractère impératif à une loi supplétive
à laquelle les parties ont valablement dérogé ou lorsqu'il traite suivant le droit écrit des
rapports juridiques régis par la coutume ou lorsqu'il a donné à une loi une portée qu'il n'a pas.
C'est dans ce dernier domaine que la Cour de cassation remplit le rôle éminent d'unification
de la jurisprudence.

Il y a aussi fausse interprétation de la loi, lorsque le moyen qui invite la Cour de cassation
à contrôler la constitutionnalité d'une loi ou d'une ordonnance ou d'un décret ou d'un arrêté ou
d'un édit ou le moyen qui est fondé sur ce que le tribunal statuant sur opposition n'est pas
impartial si la décision est prise par le même juge que le jugement par défaut.

Enfin, fréquemment un moyen de cassation s'appui sur la violation de la loi au motif que la
décision de la juridiction concernée procède d'une interprétation erronée d'une disposition
légale ou, du moins, d'une interprétation qui n'est pas conciliable avec celle que la Cour de
cassation donne du texte légal. Sera ainsi considéré comme ayant violant la loi, la décision de
la juridiction qui se fonde sur ce que l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce
s'impose au juge pénal qui, dans la poursuite du chef de banqueroute, doit fixer l'époque de la
cessation des payements.
935
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.11, p. 330.
936
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.31, p. 331.
937
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 985, p. 846; S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2371, p. 1219.
938
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.21, p. 331.
939
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.445, p. 1658.
354

4. La fausse application ou la fausse interprétation de la coutume

C'est le cas lorsque le juge applique la coutume alors que la matière litigieuse relève du
droit écrit c'est-à-dire elle est déjà codifiée (déjà prévue par la loi) ou lorsque le juge invoque
une règle coutumière qui ne se trouve pas dans la coutume applicable ou qui ne peut en être
déduite. C'est aussi lorsque le juge applique une coutume autre que celle du ressort local ou
une coutume autre de différentes parties au procès ou lorsque le juge ne tient pas compte de la
portée réelle de la coutume.

5. La non-conformité de la coutume dont il a été


fait application aux lois ou à l’ordre public

Deux éléments sont à retenir ici: la non conformité de la coutume aux lois (a) et la non
conformité de la coutume à l'ordre public (b).
355

a) La non-conformité de la coutume aux lois

Lorsque le juge applique la coutume, celle-ci doit être conforme aux lois. Cela signifie
que lorsque la coutume n'est pas conforme à la loi, elle ne sera pas appliquée. Autrement dit si
les éléments contenus dans les jugements ou arrêts s'inspirent de la coutume et que celle-ci
soit contraire à la loi, ces jugements ou arrêts doivent être cassés par la Cour de cassation.

b) La non-conformité de la coutume à l'ordre public

L'ordre public est défini comme étant une norme impérative dont les individus ne peuvent
s'écarter ni dans leur comportement ni dans leur convention940. L'ordre public de l'Etat doit
être entendu comme l'ordre nécessaire dans le cadre de l'Etat. La coutume sera subordonnée à
cet ordre et non un ordre qui serait limitée à une province. L'idée de base est que l'ordre public
national doit l'emporter sur les différentes coutumes provinciales ou locales 941. Cet ordre
public se trouve exprimé dans la Constitution de la RDC du 18 février 2006 (préambule et
différents droits fondamentaux: articles 11 à 67), la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et différents traités internationaux ratifiés par la RDC. Il s'agit donc de tous les
droits fondamentaux des citoyens.

Tenant compte de sens, la coutume appliquée doit être conforme à l'ordre public c’est-à-
dire la coutume ne peut permettre ce que cet ordre public interdit. Exemple : La coutume qui
permet de soumettre des sévices à une femme qui vient de perdre son mari ; cette coutume
n’est pas conforme à l’ordre public car la torture, les sévices sont des infractions prévues et
punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du Code pénal congolais, livre II).

6. La violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité

La cassation est possible lorsqu'il s'est produit, dans la décision attaquée ou dans la
procédure qui la précède, une violation ou omission de formalités qui sont soit prescrites à
peine de nullité soit considérées comme substantielles. Sont concernées, les formes prescrites
à peine de nullité pour les actes de procédure ou pour les jugements. Il s'agit de formes
garantissant la bonne administration de la justice. Parmi les formes garantissant la bonne
administration de la justice, seules celles qui sont substantielles ou prescrites à peine de nullité
justifient l'annulation d'une décision qui ne les aurait pas respectées ou les aurait omises. Les
formes substantielles sont celles qui entrainent la cassation lorsque la décision attaquée les a
enfreintes ou omises car elles sont considérées comme essentielles à la bonne administration
de la justice942. Elles concernent pratiquement des nullités d'ordre public, ou plus précisément
des nullités touchant à l'organisation judiciaire, ou à certaines règles de procédure 943. On peut

940
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, 644.
941
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé , Kinshasa,
éd. PUF, 2012, p. 213.
942
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1058.
943
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 984, p. 846.
356

assimiler à l'inobservation des formes prescrites, l'omission ou le refus de statuer sur l'avis du
ministère public ou sur des demandes des parties privées.

On considère généralement comme substantielles les règles régissant la composition des


juridictions, la publicité des audiences et le prononcé des arrêts et jugements, l'oralité des
débats, l'obligation pour les magistrats de la composition du siège d'assister à toutes les
audiences, de répondre aux conclusions écrites des parties, de ne statuer que dans les limites
de ce qui est demandé, de motiver les décisions, etc., car leur inobservation intéresse l'ordre
public944. Il y a méconnaissance des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité
lorsque les règles gouvernant les débats, la publicité, le délibéré et le jugement ont été
violées945. En matière civile, c'est aussi lorsqu'il y a vice de forme (notamment, non
communication du dossier au ministère public tel que prévu par la loi, non communication des
pièces pour libre discussion des parties, vices antérieurs à l'audience et au déroulement des
débats), violation du contradictoire et les droits de la défense946.

Très souvent, dans l'opinion publique, on attend dire que la Cour de cassation ne casse que
s'il y a eu "vice de forme". Il faut se garder de colporter une telle erreur. Sans doute, les règles
de forme étant édictées par des lois, il est bien évident qu'un vive de forme constitue une
violation de la loi qui, à ce titre, peut entrainer la censure de la cassation. Et comme on peut le
remarquer, la Cour de cassation est appelée à jouer un rôle fondamental dans l'interprétation
de la loi au sens large (règle de droit), qui va bien au-delà de la seule surveillance des formes.

Parmi ces formes substantielles, nous examinerons rapidement celles qui concernent la
composition du tribunal (a), la régularité et l'étendue de la saisine (b), les droits de la défense
(c), l'administration de la preuve (d) et la motivation des jugements ou arrêts (e).

a) La composition du tribunal ou de la Cour

La Cour de cassation doit être à même de vérifier par les pièces de procédure (procès-
verbaux d'audience, jugement ou arrêt avant dire droit, jugements définitifs) si le siège était
régulièrement composé. Si la composition était irrégulière, le jugement ou arrêt pourra être
cassé. Par exemple, la décision n'a pas été rendue par le nombre de juges prévu par la loi: il en
est ainsi pratiquement quand l'arrêt omet de mentionner le nom de certains magistrats, cette
omission étant assimilée à une absence. Il en est de même de la décision qui a été rendue par
les juges qui n'avaient pas assisté à toutes les audiences de l'affaire ou encore la décision a été
rendue sans que le ministère public ait donné son avis comme le prévoit la loi ou encore le
siège n'est pas le même que celui qui a participé au délibéré 947. C'est pourquoi la Cour
suprême de justice a jugé que lorsque le siège d’une juridiction a été modifié entre celui qui a
pris l’affaire en délibéré et celui qui a rendu la sentence, il y a lieu de casser d’office pour
944
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1058.
945
BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 72.21-72.33, pp.
188-192.
946
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 74.11-74.162, pp.
344-355.
947
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 61.63, p. 169.
357

composition irrégulière du siège948. Mais est régulière au point de vue de la composition du


siège, la cause qui a été instruite et jugée par les mêmes juges lorsque les autres audiences
composées d’un siège différent étaient des audiences de remise. Il y a composition irrégulière
lorsque les juges qui ont prononcé le jugement ou arrêt avaient déjà été mutés et
régulièrement notifiés.

b) La saisine du tribunal ou de la Cour

La saisine du tribunal ou de la Cour est définie par l'acte introductif d'instance et les
conclusions échangées; la Cour de cassation doit pouvoir apprécier au vu des pièces, quels
étaient les pouvoirs juridictionnels du tribunal ou de la Cour, et si la juridiction concernée a
vidé le litige (affaire) tel qu'il se trouvait déterminé par les dispositifs. Si le tribunal ou la
Cour a siégé sans avoir été régulièrement saisi, cela constitue un motif de cassation.

c) Les droits de la défense

Ces droits sont garantis par l'article 19 de la Constitution du 18 février 2006 et les lois de
la République. S'il revient au juge du fond d'appliquer d'office aux faits qui lui sont soumis les
règles de droit qui leur sont applicables, il lui incombe de respecter les droits de la défense. Il
ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans le soumettre à la contradiction
des parties. Ainsi, si les pièces de la procédure ne rendent pas compte de ce que les parties
ont été à même de répondre en pleine connaissance de cause, à toute demande formée contre
elles dans les formes prévues par la loi, il y aura ouverture de pourvoi en cassation.

d) L'administration de la preuve

Elle doit d'entourer des formes prescrites par la loi pour garantir la recherche objective
de la vérité. Ainsi, toute décision, fondée sur des éléments de preuve qui n'ont pas soumis à la
discussion contradictoire des parties, doit être donc être annulée. De même, le tribunal ne peut
fonder sa conviction sur les preuves obtenues par la torture ou les traitements inhumains ou
dégradants949.

e) La motivation des jugements ou arrêts

L'obligation pour le juge de motiver son jugement ou arrêt est un principe d'ordre public,
qui gouverne la procédure civile. Si un jugement ou arrêt est non motivé ou mal motivé, il
peut être attaqué par un pourvoi en cassation. L'article 21 alinéa 1 de la Constitution du 18
février 2006 dit que tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique.
L'obligation de motivation est une garantie essentielle pour les parties contre l'arbitraire du
juge, si bien qu'elle est inséparable de la mission de juger une contestation et du respect des
droits de la défense950. La motivation permet de vérifier si le tribunal ou la Cour a fait une
exacte application de la loi. L'obligation de motiver les jugements et arrêts constitue une règle

948
Cour suprême de justice, 21 août 1974, RP 213, Bull. 1975, p. 265, RJZ, 1975, p. 31.
949
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 73.31, p. 198.
950
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 546, p.255.
358

de pure forme. Elle comprend le défaut de motifs (vice de forme) et le manque de base légale
(vice de fond: exemple un jugement ou arrêt qui ne se réfère pas à la loi).

Concernant le défaut de motifs, il est à noter que la motivation est une obligation prescrite
aux juges du fond à peine de nullité. Le défaut de motifs est caractérisé par l'absence de toute
motivation sur les points litigieux: le juge est directement passé de la présentation des faits et
de l'exposé des parties à l'énonciation du dispositif. Il arrive parfois que l'arrêt se contente
d'un simulacre de motivation et se borne à affirmer que les faits et les éléments de l'infraction
sont établis. Est aussi considéré comme une absence de motifs, le fait de prononcer un
jugement ou arrêt uniquement sur dispositif (c'est fréquent dans la pratique judiciaire) ou la
motivation par voie de simples références à une décision antérieure ou à une jurisprudence
dont les principes ne sont pas rappelés. Le défaut de motifs révèle-t-il bien une carence totale
des juges de fond dans la présentation des conditions d'application de la loi qui avait vocation
à régir la cause951. Il suppose donc l'absence de toute motivation sur le point considéré 952. Cela
signifie qu'un jugement ou arrêt qui a le défaut de motifs peut être censurée par la Cour de
cassation.

Concernant le manque de base légale, il est à noter que le défaut de base légale est donc
en premier lieu susceptible d'affecter la décision du juge au stade de la vérifications des faits.
Par exemple, le juge se sera contenté de relever l'existence d'un fait douteux, auquel il aura
pourtant fait produire des effets juridiques, au lieu de vérifier et de donner ainsi une base
certaine à la décision. En matière civile, il y a manque de base légale lorsque l'arrêt comporte
des motifs de fait incomplets ou imprécis, qui ne permettent pas au juge de cassation d'exercer
son contrôle sur le droit953.

Manque de base légale le moyen qui invoque la violation d'une loi alors que celle-ci
n'est pas encore en vigueur au moment de la décision attaquée ou qui invoque la violation d'un
traité ou convention ou protocole alors que la RDC n'avait pas encore ratifié ledit texte. C'est
aussi lorsque la juridiction invoque la violation d'une règle de droit qui, en réalité n'existe pas.
Manque aussi de base légale et justifie la cassation, la décision du tribunal ou de la Cour qui
comporte de motifs imprécis ou incomplets et ne permettent pas à la Cour de cassation de
vérifier que la loi a été correctement appliquée par les juges de fond 954. Manque enfin de base
légale, le moyen qui invoque la violation, par la décision attaquée, d'un principe général de
droit, alors que le principe général invoqué n'existe pas, par exemple un prétendu principe de
proportionnalité ou le principe dit de justice distributive ou la copie vaut orignal ou la
rétroactivité d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat 955. Il s'ensuit qu'un jugement ou arrêt
qui manque de base légale, viole la loi au sens large, donc susceptible du pourvoi en
cassation.

951
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.471, p. 1660.
952
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 77.31, p. 369.
953
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 78.110, p. 396.
954
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 84.08, p. 229.
955
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 859, p. 458.
359

En principe, les cas d'ouverture de cassation sont assez semblables dans les contentieux
civil, pénal et administratif: violation de la loi, incompétence, violation des formes, excès de
pouvoir. De même, le pourvoi en cassation répond à des objectifs similaires pour les
juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif dès lors qu'il a pour avantage de
favoriser une unité d'interprétation des règles de droit et des règlements.

En matière administrative, le Conseil d’Etat sera une juridiction de cassation pour les
juridictions de l’ordre administratif. Concrètement, lorsqu’un administré est lésé par une
décision administrative rendue par une autorité communale ou de territoire ou de chefferie ou
de secteur ou de localité, il peut saisir le tribunal administratif (prévu dans chaque ressort du
tribunal de grande instance) pour la suspension ou l’annulation de la décision querellée. Si
l’administré n’est pas satisfait, il peut interjeter appel à la Cour administrative d’appel (prévue
dans chaque chef-lieu de province). Si l’administré n’est toujours pas satisfait et qu’il estime
que cette Cour administrative d’appel a violé la loi soit sur la forme soit sur le fond, il peut
dans ces conditions se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Celui-ci peut soit casser
la décision rendue par la Cour administrative d’appel et renvoyer la cause devant une autre
juridiction de l’ordre administratif qu’il désigne ou soit la même juridiction administrative
mais autrement composée, soit le Conseil d’Etat peut juger lui-même le fond de l’affaire et
vider complètement ce contentieux.

IV. Le pourvoi en cassation doit être introduit dans le délai légal

En matière civile, hormis les cas où la loi a établi un délai plus court, le délai pour
déposer la requête est de trois mois à dater de la signification de la décision attaquée.
Toutefois, lorsque l’arrêt ou le jugement a été rendu par défaut, le pourvoi n’est ouvert et le
délai ne commence à courir à l’égard de la partie défaillante que du jour où l’opposition n’est
plus recevable956. Mais le pourvoi en cassation introduit par le Procureur général près la Cour
de cassation sur injonction du ministre de la Justice ou dans le seul intérêt de la loi n'est pas
soumis au délai957. Cela signifie que dans ce deux cas, il peut se pourvoir en cassation à tout
moment, même au delà de dix ans. Pour la partie civile et la partie civilement responsable, le
délai prend cours le dixième jour qui suit la date de la signification de l’arrêt ou du
jugement958.

§ 3. Parties autorisées à se pourvoir en cassation

Les articles 35 alinéa 1, 36 alinéa 1 et 45 alinéas 2, 3 et 4 combinés de la loi organique


n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation ouvrent le
pourvoi en cassation à toute partie au procès civil qui subit un grief par suite de l'irrégularité
ou de l'illégalité de la décision attaquée: demandeur, défendeur, ministère public près la

956
Article 38 alinéas 1 et 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
957
Articles 36 et 48 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
958
Article 45 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
360

juridiction qui a rendu la décision attaquée ou près la Cour d'appel (Procureur général) ou la
Cour militaire (Auditeur militaire supérieur) et le Procureur général près la Cour de cassation.

Les parties (représentées) doivent justifier de la qualité pour agir c'est-à-dire avoir été partie à
la décision attaquée, l'intérêt à se pourvoir et bénéficier du droit d'ester en justice 959.

Comme nous l'avons mentionné au point précédent, dans certains cas et à des conditions
bien précises, le Procureur général près la Cour de cassation peut se pourvoir en cassation sur
injonction du ministre de la Justice (4) et dans le seul intérêt de la loi (5).

§ 4. Le pourvoi introduit par le Procureur général près


la Cour de cassation sur injonction du ministre de la Justice

L'injonction du ministre de la Justice est subornée à un excès de pouvoir dans la décision


entreprise ou à un mal jugé certain960. L'injonction du ministre de la Justice suppose une
illégalité grave et caractérisée, une atteinte à l'ordre public dont on sollicite l'annulation 961. Il
s'agit d'un recours exceptionnel permettant au pouvoir exécutif de solliciter de la Cour de
cassation une annulation frappant des décisions particulièrement préjudiciables à l'intérêt
public962. C'est donc une mesure de haute administration de la justice, par laquelle le
Procureur général près la Cour de cassation sollicite, sur injonction du ministre de la Justice,
l'annulation à l'égard de tous, des motifs ou du dispositif des actes judiciaires, juridictionnels
ou non, par lesquels les juges ont excédé leurs pouvoirs, en transgressant un principe d'ordre
public963. Concrètement, il s'agit des actes par lesquels les juges ont excédé leurs pouvoirs
même si le délai légal de pourvoi en cassation est écoulé et alors qu'aucune partie ne s'est
pourvue.

959
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 88 et 124, pp. 59 et 76; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2012, n° 70, p. 53; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en
droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 282, p. 183.
960
Article 36 alinéa 4 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
961
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012,
p.1078; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 802, p. 392.
962
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 800, p. 391.
963
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 141.04, p. 658.
361

Ce recours permet au ministre de la Justice d'obtenir de la Cour de cassation la correction de


certains jugements "illégaux". Lorsque le Procureur général près la Cour de cassation
introduit le pourvoi sous cette forme, l'on doit vérifier si la décision du juge est en
contradiction ouverte avec la loi, la négation d'un texte exempt de toute ambiguïté, le mépris
de la volonté du législateur, la transgression d'un principe constitutionnel ou de droit public
ou encore d'une règle fondamentale de l'organisation judiciaire ou de l'administration de la
justice964.

Seul le ministre de la Justice a qualité pour prescrire au Procureur général près la Cour de
cassation, l'introduction d'un pourvoi pour excès de pouvoir ou un mal jugé certain des cours
et tribunaux. Le Procureur général près la Cour de cassation ne pourrait, ni prendre l'initiative
du pourvoi, ni agir seul. Il faut justifier, devant la Cour de cassation, l'injonction reçue; et il
n'aurait pas même qualité pour suppléer, par des moyens nouveaux, aux lacunes de la dépêche
ministérielle965. L'injonction du ministre de la Justice doit être motivée et mentionner le ou les
moyens que le Procureur général près la Cour de cassation, peut, s’il échet, invoquer à l’appui
de son avis. Cette injonction lie le Procureur général près la Cour de cassation en tant qu'il
l'oblige à saisir la Cour par des réquisitions écrites de la demande d'annulation formulée par le
ministre de la Justice. Mais il est admis que le Procureur général près la Cour de cassation
reste maître de ses conclusions orales et qu'il peut, s'il estime injustifiée, conclure à l'audience
au rejet de la demande d'annulation qu'il aurait formulée d'injonction du ministre de la
Justice966 conformément à l'adage "la plume est serve mais la parole est libre"967.

La nature particulière d'injonction du ministre de la Justice entraîne comme conséquence


que la Cour de cassation, saisie par le réquisitoire du Procureur général près cette Cour, ne
soulève pas de moyens d'office. Il n'appartient ni au Procureur général de proposer ni à la
Cour de soulever une illégalité non dénoncée par le ministre de la Justice968.

Lorsque le Procureur général près la Cour de cassation se pourvoit sur injonction du


ministre de la Justice, le greffier notifie ses réquisitions aux parties qui peuvent se faire
représenter à l’instance et prendre des conclusions. L’injonction du ministre de la Justice doit
être donnée dans le délai de prescription de l’action qui y donne lieu et être subordonnée à un
excès de pouvoir dans la décision entreprise ou à un mal jugé certain. Cette injonction est
motivée et mentionne le ou les moyens que le Procureur général, peut, s’il échet, invoquer à
964
G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 288, pp. 186-187; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du
répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2006, n° 1279, p. 699.
965
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 142.11, p. 666; R.
DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX,
Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1279, p. 699.
966
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 802, p. 392.
967
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 142.22, p. 667; R.
DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX,
Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1270, p. 696.
968
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1281, p. 700.
362

l’appui de son réquisitoire. L’arrêt rendu sur pourvoi formé sur injonction du ministre de la
Justice est opposable aux parties969.

Deux situations peuvent être possibles:

La cassation peut être totale ou partielle, sans renvoi car la Cour statue au fond comme il
s'agit du pourvoi introduit sur injonction du ministre de la Justice 970. Or, il est de principe
lorsque la cause lui est renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a fait l’objet
d’un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour cassation sur injonction du ministre
de la Justice, la Cour statue sur le fond971. Cela signifie de manière concrète que la décision de
la Cour est sans renvoi car elle juge le fond. La décision de la Cour ne peut aussi porter
préjudice aux intérêts de la partie civile 972. L'introduction de ce pourvoi n'est soumise à aucun
délai973.

§ 5. Le pourvoi introduit par le Procureur général


près la Cour de cassation dans le seul intérêt de la loi

Le mot "dans le seul intérêt de la loi" a été inséré à l'article 36 de la loi organique n°
13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation dans le but
d'assurer, de façon éminente, le respect par les juges des textes légaux et des formes de
procédés et cela même si les recours dont disposent normalement les parties ne sont plus
ouverts. Dans ce pourvoi, l’on suppose qu’une décision n’a pas été attaquée par le pourvoi en
cassation dans l’intérêt des parties et dans les délais légaux mais elle contient une violation de
la loi. Ce pourvoi peut présenter une utilité lorsque le demandeur en cassation, n'apercevant
pas l'illégalité de la décision attaquée, se désiste de son pourvoi ou lorsque la Cour découvre
dans la décision attaquée une nullité qui n'est pas de nature à nuire au demandeur 974.

C'est une voie particulière de recours, ouvert au Procureur général près la Cour de
cassation contre les décisions rendues en dernier ressort ayant définitivement acquis l'autorité
de la chose jugée, en vue de faire censurer par la Cour de cassation, dans un intérêt purement
doctrinal et sans porter atteinte aux droits des parties, les violations de la loi dont elles sont
entachées. Ce recours est une "leçon pour l'inexpérience des tribunaux" et a pour but
d'empêcher le développement d'une jurisprudence illégale, par l'indifférence, la négligence ou
la collusion des parties. Il est établi dans le seul intérêt du maintien des principes, pour
corriger toute fausse interprétation ou même toute fausse application de la loi, soit dans son
969
Article 36 alinéas 3 à 6 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
970
Article 37 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
971
Article 37 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
972
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1477.
973
Article 36 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
974
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1256, p. 687.
363

esprit, soit dans ses formes. Comme le pourvoi des parties, il tend à assurer l'unité de la
législation par l'unité de la jurisprudence975.

Ce pourvoi est introduit par le Procureur général près la Cour de cassation. Il lui revient
donc de décider s'il introduit d'office un pourvoi dans l'intérêt de la loi à l'encontre d'une
décision illégale. Il n'a pas besoin d'une injonction ou autorisation du ministre de la Justice 976.
Le Procureur général près la Cour de cassation est seul recevable à se prévaloir dans le seul
intérêt de la loi contre les décisions rendues en dernier ressort contraires aux lois ou aux
formes de procédure et contre lesquelles aucune des parties ne s'est pourvue en cassation dans
le délai légal. Il ne peut fonder son pourvoi que sur une violation de la loi au sens large, les
ouvertures à cassation étant les mêmes que le pourvoi des parties. Il peut soulever les moyens
qui mettraient en jeu les intérêts des parties et les moyens relatifs à l'action civile dès lors que
ceux-ci portent sur des questions d'ordre public977. Ce pourvoi dans le seul intérêt de la loi
peut être formé lorsque l'ordre public est mis en péril par un état de choses auquel il est
impossible de remédier978. Tel est le cas de la juridiction qui a statué sur la matière ne relevant
pas de sa compétence dont la décision fait l'objet du pourvoi ou la juridiction qui a prononcé
le divorce au seul motif de l'infidélité de l'un des conjoints alors que l'article 549 du Code de
la famille ne prévoit le seul motif de divorce que la destruction irrémédiable de l'union
conjugale.

En cas du pourvoi en cassation dans le seul intérêt de la loi, la décision de la Cour ne peut
ni profiter ni nuire aux parties979.

Le pourvoi dans le seul intérêt de la loi a toujours eu lieu sans renvoi 980 et n'est assujetti à
aucune limite de délai981, puisqu'il est dirigé contre une décision irrévocable entre les parties et
n'aboutira qu'à une annulation platonique. Cette annulation n'a qu'une valeur purement
dogmatique, doctrinale, symbolique. C'est une cassation blanche ou une censure
platonique982. Il n'est jamais tard pour informer les juges de l'erreur qu'ils ont commise et le
recours peut être formé à tout moment.
975
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 141.04, p. 658.
976
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1476. R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge.
Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1257, p.
688.
977
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 161.25, p. 538.
978
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 791, p. 385; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours
en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 289, p. 187.
979
Article 36 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
980
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 1476; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge.
Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1265, p.
693.
981
Article 36 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
982
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1264, p. 693.
364

§ 6. Juridiction compétente

En vertu des articles 95, 98 et 116 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, le
pourvoi en cassation des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire est de la compétence
exclusive de la Cour de cassation. Aucune autre juridiction ne pourrait en connaître par le
biais d'un mécanisme de prorogation de compétence.

§ 7. Procédure

I. Principes généraux

Le pourvoi est ouvert à toute personne qui a été partie à la décision entreprise ainsi
qu’au Procureur général près la Cour de cassation. Le recours en cassation contre les
jugements avant dire droit n’est ouvert qu’après le jugement définitif ; mais l’exécution même
volontaire de tel jugement ne peut être, en aucun cas, opposée comme fin de non-recevoir 983.

Sous réserve de la compétence des chambres réunies, la Cour de cassation ne connaît pas
du fond des affaires. Si un pourvoi introduit pour tout autre motif que l’incompétence est
rejeté, le demandeur ne peut plus se pourvoir en cassation dans la même cause sous quelque
prétexte et pour quelque motif que ce soit. Si après cassation il reste quelque litige à juger, la
Cour renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à
une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne. Dans le cas où la décision
entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à la juridiction compétente
qu’elle désigne. La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence. Elle est tenue de se
conformer à la décision de la Cour sur le point de droit jugé par elle. Lorsque la cause lui est
renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a déjà fait l’objet d’un premier
pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi formé par le Procureur général sur
injonction du ministre de la Justice, la Cour statue sur le fond984.

II. Délai du pourvoi en cassation

Hormis les cas où la loi a établi un délai plus court, le délai pour déposer la requête est
de trois mois à dater de la signification de la décision attaquée. Toutefois, lorsque l’arrêt ou le
jugement a été rendu par défaut, le pourvoi n’est ouvert et le délai ne commence à courir à
l’égard de la partie défaillante que du jour où l’opposition n’est plus recevable. L’opposition
formée contre la décision entreprise suspend la procédure en cassation. Si l’opposition est
déclarée recevable, le pourvoi est rejeté faute d’objet985.

983
Article 35 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
984
Article 37 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
985
Article 38 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
365

Le délai pour déposer le mémoire en réponse au pourvoi est d’un mois à dater de la
signification de la requête. Ce délai est augmenté de trois mois en faveur des personnes
demeurant à l’étranger986. A l’exception des actes de désistement, de reprise d’instance,
aucune production ultérieure de pièces ou mémoires n’est admise après l’expiration des
délais. Les délais pour se pourvoir et le pourvoi en cassation ne sont pas suspensifs de
l’exécution de la décision entreprise, sauf lorsque celle-ci modifie l’état des personnes 987. La
requête civile suspend, à l’égard de toutes les parties en cause, le délai du pourvoi, lequel ne
reprend cours qu’à partir de la signification de l’arrêt ou du jugement qui a statué
définitivement sur ladite requête988.

III. Forme du pourvoi

L’expédition de la décision entreprise et de tous les arrêts ou jugements avant dire droit
ainsi que la copie conforme de l’assignation du premier degré, l’expédition du jugement du
premier degré, la copie conforme des conclusions des parties prises au premier degré et en
appel, la copie conforme des feuilles d’audience du premier degré et d’appel doivent être
jointes à la requête introductive du pourvoi 989. Outre les mentions exigées pour l'introduction
et la mise en état de la cause, la requête contient l’exposé des moyens de la partie
demanderesse, ses conclusions et l’indication des dispositions des traités internationaux
dûment ratifiés, des lois ou des principes du droit coutumier dont la violation est invoquées, le
tout à peine de nullité990.

Lorsque le Procureur général estime devoir opposer au pourvoi un moyen déduit de la


méconnaissance d’une règle intéressant l’ordre public et qui n’aurait pas été soulevé par les
productions des parties, il en fait un réquisitoire qu’il dépose au greffe. Le greffier le notifie
aux avocats des parties à la cause au moins huit jours francs avant la date de l’audience. Si les
avocats n’ont pas reçu la notification huit jours avant l’audience, la Cour peut ordonner la
remise de la cause à une date ultérieure991.

IV. Audience de la Cour de cassation

Les débats se déroulent comme suit :


1. à l’appel de la cause, un conseiller résume les faits et les moyens et expose l’état de la
procédure ;
2. les avocats des parties peuvent présenter des observations orales ;
986
Article 39 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
987
Article 40 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
988
Article 41 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
989
Article 42 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
990
Article 43 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
991
Article 44 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
366

3. il ne peut être produit à l’audience d’autres moyens que ceux développés dans la
requête ou les mémoires ;
4. chaque partie n’a la parole qu’une fois, sauf s’il y a lieu de conclure sur un incident ;
5. le Ministère public fait ses réquisitions ou donne son avis ;
6. le président de l’audience prononce la clôture des débats et la cause est prise en
délibéré ;
7. le président de l’audience fixe la date du prononcé.
Le greffier du siège dresse le procès-verbal de l’audience992.

La Cour se prononce sur les moyens présentés par les parties et par le ministère public.
Aucun moyen autre que ceux repris aux requêtes et mémoires déposés dans les délais prescrits
ne peut être reçu. Toutefois, la Cour peut soulever tout moyen d’ordre public. En ce cas, elle
invite les parties à conclure sur ce moyen993.

Avant la clôture des débats, la Cour invite les parties à conclure sur un incident ou sur les
moyens d’ordre public soulevés d’office. De même, après la clôture des débats, la Cour
ordonne leur réouverture pour permettre aux parties de conclure sur un incident ou sur les
moyens d’ordre public soulevés d’office994.

Dès que tous les incidents ont été abordés et clôturés, la Cour va prononcer son arrêt. Les
minutes des arrêts sont signées par tous les magistrats qui ont siégé dans la cause ainsi que par
le greffier audiencier. Les arrêts sont littéralement transcrits par les soins du greffier dans le
registre des arrêts. Chaque transcription est signée par les magistrats qui ont siégé en la cause
ainsi que par le greffier. Les arrêts de la Cour de cassation sont signifiés aux parties et au
Procureur général par les soins du greffier. Ils sont publiés dans le Bulletin des arrêts selon les
modalités arrêtées par le Règlement intérieur de la Cour995.

§ 8. Effets en matière civile

En matière civile, commerciale, sociale et de la famille, le pourvoi en cassation produit un


effet non suspensif (I) et un effet dévolutif (II).

992
Article 15 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
993
Article 16 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
994
Articles 17 et 18 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
995
Articles 26 et 28 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
367

I. Effet non suspensif en matière civile

1. Principe

En matière civile, commerciale, sociale et de la famille, les délais pour se pourvoir et le


pourvoi en cassation ne sont pas suspensifs de l’exécution de la décision entreprise 996. Ainsi
donc, le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif en matière civile et administrative 997.
Les raisons qui militent en faveur de l'effet non suspensif du pourvoi en cassation en matière
civile sont:
- la décision frappée de pourvoi est, par hypothèse, rendue en dernier ressort et bénéficie
d'une présomption de régularité, tant qu'elle n'a pas été censurée pour violation de la loi;
- le pourvoi en cassation n'est qu'une voie de recours extraordinaire, dont les ouvertures sont
strictement réglementées par la loi et l'absence d'effet suspensif du recours évite que ce
dernier ne soit utilisé abusivement à des fins dilatoires 998. Et non seulement l'exécution de la
décision attaquée n'est pas suspendue, mais encore est-elle fortement conseillée 999.

2. Exception

Au principe du caractère non suspensif du pourvoi en cassation en matière civile est


apportée une exception; c'est lorsque l'exécution de la décision entreprise modifie l’état des
personnes1000. Dans ce dernier cas, il s'agit notamment du divorce, la recherche de paternité, la
filiation et l'adoption. L'effet suspensif du pourvoi en cassation en matière de divorce est
motivé par les inconvénients graves que pourrait entraîner l'exécution de la décision, tant
qu'elle n'est pas devenue irrévocable. Certains effets de cette exécution, tels que la disparition
de devoir de fidélité ou le remariage d'un des époux, créeraient des situations sur lesquels il
serait difficile de revenir. L'effet suspensif du pourvoi empêchera ces situations de naître 1001.
Lorsque la Cour de cassation est saisie de l'affaire concernant la modification de l'état des
personnes, la requête civile suspend, à l’égard de toutes les parties en cause, le délai du
pourvoi, lequel ne reprend cours qu’à partir de la signification de l’arrêt ou du jugement qui a
statué définitivement sur ladite requête1002.

II. Effet dévolutif

La déclaration du pourvoi saisit la Cour de cassation de l'examen de la décision attaquée


sous réserve que l'examen de ce pourvoi diffère de l'appel ou de l'opposition. A la différence
de ce qui peut se produire en cas d'appel ou d'opposition, ce n'est pas tout le procès au point
996
Article 40 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
997
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 491, p. 457.
998
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 101.21, p. 523.
999
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.261, p. 1646.
1000
Article 40 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1001
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 102.11, p. 530.
1002
Article 41 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
368

de vue de fait et du droit, qui est soumis à la Cour de cassation, mais seulement son examen
au point de vue du droit, c'est-à-dire la légalité 1003. De plus, la Cour de cassation est saisie
dans les limites du pourvoi1004. La Cour de cassation ne juge pas les litiges; elle vérifie la
légalité des jugements et arrêts rendus en dernier ressort. Ses pouvoirs sont fixés par les
termes et l'étendue de la déclaration de la qualité de la partie qui se pourvoit. Il s'agit de
rechercher quelle a été l'intention du demandeur et d'examiner si cette intention est conciliable
avec les termes du recours1005.

Toutefois, lorsque dans le cadre réduit du pourvoi, apparaissent des irrégularités affectant
l'ordre public (par exemple, la composition ou la compétence de la juridiction), la Cour de
cassation se reconnaît le pouvoir de soulever d'office un moyen qui ne lui avait pas été
proposé: ce sont les moyens d'office1006. En matière civile, la Cour de cassation s'en tient
strictement aux moyens de cassation régulièrement invoqués par le demandeur.

Le demandeur en cassation peut choisir, il n'est pas tenu de diriger son pourvoi contre le
dispositif entier de la décision attaquée, il peut limiter son recours à certains chefs
d'accusation. Il convient d'être attentif au fait que lorsqu'une demande en cassation a été
rejetée, la partie qui l'avait formée ne pourra plus se pourvoir en cassation contre le même
arrêt ou jugement sous quelque prétexte et par quelque moyen que ce soit. C'est l'adage
"pourvoi sur pourvoi ne vaut" qui est une règle d'ordre public1007. Mais cet adage ne s'applique
pas lorsque la loi sur laquelle s'était fondé la Cour de cassation lors de la décision du premier
pourvoi a été annulée par la Cour constitutionnelle au motif qu'elle est soit
inconstitutionnelle, soit viole les droits fondamentaux de l'homme.

§ 9. Décisions possibles de la Cour de cassation

En principe, sauf certaines exceptions prévues par la loi (affaire qui a déjà fait l'objet d'un
premier pourvoi ou qui a fait l'objet d'un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour
de cassation sur injonction du ministre de la Justice), la Cour de cassation ne connaît pas du
fond des affaires.

-Si un pourvoi introduit pour tout autre motif que l’incompétence est rejeté, le demandeur ne
peut plus se pourvoir en cassation dans la même cause sous quelque prétexte et pour quelque
motif que ce soit;

1003
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 122.09, p. 388; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 103.12, p. 538.
1004
; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 998, p. 854; B. BOULOC, Procédure pénale,
Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 948, p. 961.
1005
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 450, p. 232.
1006
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 998, p. 854; B. BOULOC, Procédure pénale,
Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 948, p. 962.
1007
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier,
2012, p.1070; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge.
Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 75, pp. 53-
56.
369

- Si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour renvoie la cause pour examen au
fond à la même juridiction autrement composée ou à une juridiction de même rang et de
même ordre qu’elle désigne;
- Dans le cas où la décision entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à
la juridiction compétente qu’elle désigne;
- La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence. Elle est tenue de se conformer à la
décision de la Cour sur le point de droit jugé par elle;
- Lorsque la cause lui est renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a déjà fait
l’objet d’un premier pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi formé par le
Procureur général près la Cour cassation sur injonction du ministre de la Justice, la Cour
statue sur le fond1008.

§ 10. Le pourvoi en cassation et le principe d’impartialité du juge

La question qui se pose ici est celle de savoir si le juge peut connaître des mêmes faits
concernant les mêmes parties après cassation dès lors qu’il avait déjà siégé dans la formation
de jugement dont l’arrêt a été cassé sans empiéter le principe d’impartialité du juge. On peut
s’interroger sur l’impartialité desdits magistrats dès lorsqu’ils avaient déjà un « préjugement »
au moment où ils avaient participé à l’arrêt de la Cour faisant l’objet du pourvoi en cassation.
En participant dans l’affaire sur renvoi après cassation, les magistrats concernés chercheraient
à confirmer leur conviction préalable, violant ainsi leur impartialité. La doctrine moderne 1009
et les enseignements du droit comparé tant belge 1010 que français1011 se sont prononcés dans ce
sens.

Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une
cause sur laquelle il s’était déjà prononcé car il y aurait dans son chef un préjugement qui
enlèverait son impartialité. Cette position est applicable en matière pénale 1012, civile,
administrative1013 et disciplinaire1014. De même, au nom du principe d’impartialité, le juge qui
avait déjà connu de la même affaire concernant les mêmes parties soit en première instance
soit en appel, ne devrait pas faire partie de la composition du siège (s’il devenait plus tard
membre de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat) appelée à se prononcer sur le pourvoi
1008
Article 37 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1009
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, éd. Dalloz, 2012-2013, n°153.40, p. 508 ; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, éd. Dalloz, 2003-2004, n°131.61, p. 632 ; T.
KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, pp. 482-483.
1010
Article 1110 du Code judiciaire belge.
1011
Articles L 131-4 du Code de l’organisation judiciaire ; article 626 du Nouveau Code de procédure civile ;
Cour de cassation française (2ème civile),14 octobre 1987, Recueil Dalloz, 1987, IR, p. 207 ; Bull. Crim. II, n°
194.
1012
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, 2005, pp. 404-410.
1013
Ibidem, pp. 492-493.
1014
Ibidem, pp. 522-525.
370

en cassation. Cela se justifie par le fait que le juge ne peut pas apprécier lui-même son propre
jugement en instance de cassation. En définitive, il risque d’être juge et partie.

§ 11. Voies de recours

La juridiction compétente en matière du pourvoi en cassation étant la Cour de cassation,


les arrêts de cette Cour ne sont susceptibles d’aucun recours (c'est-à-dire pas d'opposition,
appel, tierce opposition, requête civile, révision, pourvoi en cassation). Toutefois, à la requête
des parties ou du Procureur général, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts
ou en donner interprétation, les parties entendues 1015. Concernant le recours (requête) en
interprétation, il peut se justifier lorsque la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui est
obscur ou ambigu; dans ce cas, les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent
(peut) selon le cas, saisir la même Cour de cassation qui a rendu la décision afin d'interpréter
et de clarifier les termes qui étaient obscurs et ambigus sans toutefois étendre ou modifier les
droits qu'il a consacrés; ce pouvoir d'interprétation n'appartient pas au juge de renvoi.

Concernant le recours (requête) en rectification, il peut se justifier lorsque la Cour de


cassation a prononcé un arrêt qui contient des erreurs matérielles dans une de ces décisions,
dans ce cas, les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas,
saisir la même Cour qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont
glissées. La Cour peut ainsi rectifier une erreur matérielle qui s'est glissée dans un arrêt ou
dans le préambule d'un arrêt quant à la date de la décision attaquée et annulée ou qui s'est
glissée dans l'arrêt et dans la feuille d'audience quant à la date de l'arrêt ou dans d'autres
énonciations de l'arrêt. La Cour peut rectifier aussi le dispositif d'un arrêt précédent quant à la
date de la constitution de la partie civile, et en matière civile, le lieu ou la date de mariage des
parties. A l'occasion d'un arrêt rectificatif, la Cour ne peut étendre, restreindre ni modifier les
droits que son arrêt a consacrés. Lorsque la Cour de cassation rectifie l'erreur matérielle qui
s'est glissée, elle ordonne que mention de l'arrêt rectifié et, s'il s'agit d'un arrêt de cassation, en
marge de la décision annulée1016.

Concernant la prise à partie, elle peut être possible lorsqu'au cours du procès à la Cour de
cassation, les magistrats membres de la composition qui siègent dans cette Cour (y compris le
ministère public) sont auteurs du dol, concussion et déni de justice. La procédure sera portée
devant la Cour de cassation.

1015
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1016
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome
IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1238-1242, pp. 676-677.
371

SEPTIEME PARTIE :
LES VOIES D'EXECUTION ET DE SURETE

CHAPITRE I: AVANT LE DROIT OHADA

SECTION 1: GÉNÉRALITÉS
Il ne suffit pas de gagner un procès pour recouvrer ses droits, encore faut-il exécuter le
jugement. Certes, l’obtention d’une décision de justice favorable procure un sentiment de
satisfaction et symbolique généralement le but recherché par le justiciable, mais il faut, en
plus, que s’ensuive l’exécution de ce jugement.

Les règles relatives aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution des jugements et arrêts
sont d'ordre public. En effet, l’article 105 du CPC prévoit que « Nul jugement ni acte ne peut
être mis à exécution que sur expédition. Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et
les actes reçus par les greffiers étrangers n’ont de force exécutoire qu’après que leur
exécution a été ordonnée.» Cela revient à dire d’une part que les jugements étrangers doivent
recevoir l’exéquatur avant d’être mis en œuvre en RDC et, d’autre part, que les décisions de
justice ne peuvent être mises à exécution que moyennant le respect de certaines conditions :

1. La production de l'expédition du jugement ou de l’arrêt revêtu de la formule


exécutoire déterminée par le Président de la République ;
2. La signification de la décision et, en général, d'un commandement préalable à saisie;
3. Lorsqu'une voie de recours ordinaire est exercée contre une décision judiciaire, elle a,
en général, nous l'avons vu, un effet suspensif.

Mais si le jugement ou l’arrêt comporte une disposition relative à une somme d’argent, il faut
procéder à la récupération rapide de ce qui est dû. Cela requiert dès lors de recourir à une
saisie des biens, d’autres moyens étant généralement prévus pour assurer l’efficacité des
décisions judiciaires dans les autres domaines (par exemple, la transcription d’un divorce).

Mais parfois, par mesure de sûreté et pour garantir le paiement du créancier, la saisie des
biens soit entre les mains du débiteur, soit entre les mains d’un tiers, peut s’avérer nécessaire.
En effet, tous les biens du débiteur sont assujettis à la satisfaction de ses créanciers. Cela
signifie que les biens du débiteur sont « le gage commun » de ses créanciers. Le terme
« gage » n'est pas utilisé ici dans son acception précise de sûreté mobilière, portant un bien
déterminé du patrimoine du débiteur : ce patrimoine tout entier est dévolu aux créanciers qui
ont mis en œuvre les mesures légales nécessaires à la récupération de leurs créances, les
saisies. Les créanciers ont donc la possibilité de prendre certaines mesures conservatoires à
l'égard du patrimoine du débiteur. Certaines de ces mesures sont examinées dans le cadre du
cours de « Droit des obligations » (action oblique, action paulienne, etc.).
372

Mais le créancier peut aussi saisir conservatoirement les biens du débiteur pour l'empêcher de
soustraire son actif saisissable à son emprise, alors même que les conditions d'une exécution
forcée ne sont pas réunies.

On classe ainsi les saisies selon leur objet : saisies conservatoires et saisies exécutions. On
distingue également les saisies selon le bien auquel elles s’appliquent : saisie mobilière, saisie
immobilière, saisie-arrêt, principalement.

Le législateur congolais a ainsi prévu, au profit du créancier, deux moyens d'empêcher le


débiteur de se dessaisir de ses avoirs. Il s’agit de la saisie-arrêt (section 1) qui permet au
créancier de bloquer entre les mains d'une tierce personne les meubles et effets mobiliers qui
se trouvent chez cette personne et qui appartiennent à son débiteur. Elle peut se pratiquer, soit
avant d’intenter une action en justice, soit en exécution d'un jugement de condamnation.

Il s’agit ensuite de la saisie conservatoire (section 2). Celle-ci permet au créancier de saisir,
avant le jugement, les meubles et effets mobiliers qui se trouvent chez son débiteur. La saisie
conservatoire est dès lors une voie de sûreté accordée au créancier, tandis que la saisie-arrêt
est à la fois une voie de sûreté et d'exécution forcée.

Nous examinerons dans un premier temps la saisie-arrêt et, ensuite, la saisie conservatoire.

SECTION 2 : LA SAISIE-ARRÊT
La saisie-arrêt est parfois indispensable, pour le créancier, de recouvrer ses droits en
procédant à une saisir entre les mains d’un tiers des biens qui appartiennent à son débiteur.

§ 1.Conditions requises pour procéder à une saisie-arrêt

L’article 106 du CPC indique que « Tout créancier peut en vertu d’un titre authentique saisir-
arrêter entre les mains d’un tiers les sommes et effet mobiliers appartenant à son débiteur ou
s’opposer à leur remise, en énonçant la somme pour laquelle la saisie-arrêt est faite. »

De cette disposition légale, il en découle que la saisie-arrêt suppose l'existence de trois


personnes : le saisissant (le créancier qui pratique la saisie des effets et deniers appartenant à
son débiteur), le saisi (le débiteur propriétaire ou créancier des effets et deniers), le tiers saisi
(le débiteur de ce dernier c'est-à-dire, la personne entre les mains de laquelle la saisie est
pratiquée).

Le tiers saisi est le débiteur du saisi (par exemple son employeur ou sa banque).
Le créancier saisissant, s'il est débiteur du saisi, peut être tiers saisi : dans ce cas, il y a saisie-
arrêt sur soi-même, ce qui donnera éventuellement lieu à une compensation lorsque la créance
sera certaine, liquide et exigible, dans l'acception classique de ces termes.
373

La saisie-arrêt peut être faite sur la base d'un titre authentique ou privé, aux risques et périls
du saisissant, par exploit d'huissier.

En l'absence de titre authentique ou émanant du débiteur, d'où résulte la créance, l'autorisation


du juge est obligatoire et dans ce cas, le tiers est informé de la saisie par pli judiciaire. En
effet, l’article 107 du CPC dispose que s’il y a seulement titre privé ou s’il n’y a pas de titre,
le juge du domicile du débiteur et même celui du domicile du tiers saisi, peuvent, sur requête,
permettre la saisie-arrêt. L’ordonnance énonce la somme pour laquelle la saisie est autorisée.

La saisie-arrêt crée deux obligations pour le tiers saisi :


- ne pas se dessaisir des sommes ou effets saisis arrêtés, l'indisponibilité est totale. Par
exemple, c'est tout ce qui se trouve sur le compte en banque qui sera saisi et non pas
seulement le montant correspondant à celui de la créance.
- faire une déclaration des sommes et effets dont il est débiteur envers le saisi. Si le tiers saisi
transgresse ces obligations, il peut être déclaré débiteur pur et simple, en tout ou en partie, des
causes de la saisie (c'est-à-dire de la dette du débiteur) à la suite d'une action portée par le
créancier devant le juge.

§ 2. Le juge compétent pour autoriser la saisie

Le juge compétent pour autoriser la saisie est celui du lieu où se trouve le bien que le
créancier veut saisir. Et les demandes en validité et en mainlevée de saisies sont portées
devant le juge du domicile du débiteur saisi.

Les demandes en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution sont portées devant
le juge du lieu de la saisie, à moins que la loi n'en dispose autrement. En matière de saisie
immobilière, ce sera le juge de la situation de l'immeuble; en matière de saisie mobilière, celui
de la situation des meubles saisis; en matière de saisie-arrêt, celui du domicile du débiteur
saisi.

Mais les pouvoirs du juge des saisies sont sujets à l'application des règles suivantes :

- il ne connaît pas du fond du litige, sauf cas exceptionnels ;

- le juge des saisies n’est pas compétent pour statuer sur un litige portant sur les droits des
parties qui concerne certes l’exécution mais ne se rapporte ni à la légalité ni à la régularité de
cette exécution. En revanche, il est compétent pour examiner si la créance apparaissant du
titre exécutoire s’est éteinte postérieurement à la naissance du titre, par exemple, suite à une
transaction. En d’autres termes, il est compétent pour contrôler l’actualité et l’efficacité
exécutoires du titre sans lesquelles l’exécution serait illicite ;

- il n'a pas à apprécier l'opportunité des poursuites et ne peut surseoir à l'exécution, sauf si elle
repose sur un acte authentique autre qu'un jugement ;
374

- il peut, même d'office, contrôler les procédures mises en œuvre par les officiers publics ou
ministériels.

§ 3. Procédure à suivre pour procéder à une saisie-arrêt

La saisie-arrêt est faite par requête déposée entre les mains du Président du tribunal
compétent. Cet exploit contient l’énonciation du titre authentique ou la copie de l’ordonnance
qui a permis la saisie. Il doit aussi mentionner le nom de la personne qui saisit, celui du saisi,
du tiers saisi, leurs domiciles et profession, le montant de la créance pour laquelle le saisissant
désire pratiquer la saisie ainsi que les raisons qui la justifient. Les pièces justificatives sont
annexées à l’exploit ;

Dans la quinzaine de la saisie-arrêt, le saisissant est tenu de la dénoncer au débiteur saisi et de


l’assigner en validité. Dans un pareil délai à compter du jour de la demande en validité, cette
demande est énoncée, à la requête du saisissant au titre saisi. Mais le débiteur saisi peut
demander au tribunal la mainlevée de la saisie. Cette demande est formée par assignation
signifiée à l’auteur de la saisie et à celui en mains de qui la saisie a été pratiquée.

Le tiers saisi pourra être sommé de déclarer ce qu’il doit lorsque la saisie-arrêt aura été
déclarée valable. Il fera sa déclaration et la certifiera sincère au greffe du tribunal qui doit
connaître de la saisie, il peut aussi faire cette déclaration au bas de l’original de la sommation
ou par lettre recommandée à la poste adressée au greffier. La loi (l’art. 115 CPC) prévoit que
si la saisie porte sur des effets mobiliers, le tiers saisi est tenu de joindre à sa déclaration un
état détaillé des dits effets. S’il n’y a pas de contestation sur la déclaration ni de demande en
mainlevée, la somme déclarée est versée entre les mains du saisissant jusqu’à concurrence ou
en déduction de sa créance. Le tiers saisi qui fait des paiements au mépris d’une saisie
régulière, ou qui déclare une somme inférieure à ce qu’il devait, ou qui ne fait pas sa
déclaration, peut être condamné au paiement des causes de la saisie

Par contre, si la déclaration est contestée, le tiers saisi est assigné devant le juge de son
domicile.

I. L’exécution provisoire

L'effet suspensif des voies de recours ordinaires est une entrave à l'exécution. Néanmoins,
dans certains cas, celui qui a obtenu une décision favorable, se voit autorisé, soit par la loi,
soit par le juge qui la prononce, à l’exécuter et ce sans même attendre ni l'expiration du délai
de recours ordinaire, ni a fortiori l'aboutissement des recours en question.

L'exécution est provisoire en ce sens que, si le jugement est infirmé, les choses seront remises
en leur état primitif : la restitution de tout ce qu'elle aura pu procurer sera due. A cet égard, il
est important de préciser que l’exécution volontaire d’un jugement exécutoire par provision
ne prive pas d’intérêt ni d’objet l’appel de la partie qui a laissé procéder à cette exécution.
375

L’'exécution provisoire doit être demandée par la partie qui souhaite en obtenir le bénéfice. La
juridiction saisie dispose à cet égard d'un large pouvoir d’appréciation qui lui permet de ne
pas motiver sa décision sur ce point sauf si l’une des parties a conclu sur cette question ou si
la loi l’exige. Mais l'exécution provisoire est en général interdite en matière d'état des
personnes, notamment de divorce, de séparation de corps, d'opposition au mariage, ou d'action
en nullité de celui-ci.

Enfin, elle a lieu aux risques et périls de la partie qui la poursuit car, si l'exécution a causé un
préjudice à l'appelant ou à l'opposant, celui-ci peut obtenir des dommages et intérêts sans qu’il
soit requis qu’il y ait eu mauvaise foi ou faute lors de cette exécution : il s'agit d'un cas de
responsabilité objective.

II. Le cantonnement

Pour contrebalancer l'avantage donné au créancier par la possibilité de lui accorder l'exécution
provisoire, la loi prévoit pour le débiteur celle de se prémunir contre des abus ou d'éviter
l'effet d'indisponibilité totale créé par une saisie conservatoire par la procédure de
cantonnement. Il faut en effet préciser qu'une saisie conservatoire rend totalement
indisponibles les biens sur lesquels elle porte même si la créance est inférieure à la valeur de
ceux-ci.

Le cantonnement est dès lors la faculté donnée au débiteur de libérer les avoirs sur lesquels
porte la saisie ou de faire obstacle à celle-ci en déposant à la Caisse des dépôts et
consignations ou encore entre les mains de l'huissier instrumentant, en attendant qu'une
décision passée en force de chose jugée ait statué définitivement sur le différend, un montant
suffisant pour répondre de la créance en principal, intérêts et frais. Ainsi le solde des avoirs
sur lesquels porte la saisie peut-il être libéré.

Le cantonnement peut être demandé soit parce qu’une saisie conservatoire a été pratiquée ou
permise, soit qu’une décision a été déclarée exécutoire et est frappée d’opposition ou d’appel.
Il ne peut donc avoir lieu lorsque la décision est coulée en force de chose jugée ou lorsqu’un
pourvoi en cassation est introduit contre celle-ci.

Au stade de l'exécution, sauf en cas de créance de caractère alimentaire ou lorsque le juge qui
a statué sur le fond a expressément écarté le cantonnement pour tout ou partie des
condamnations prononcées si le retard apporté au règlement expose le créancier à un
préjudice grave, le cantonnement d'une saisie exécutoire est un droit absolu, même si le
jugement est déclaré exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution, et que,
précisément, une voie de recours ordinaire est exercée par le débiteur. Cette mesure prévient
le risque d'insolvabilité du créancier dont le titre serait ultérieurement réformé ou rétracté (la
constitution d'une garantie, dont il a été question ci-avant, a le même objet). Lorsque le
premier juge a supprimé la faculté de cantonner, l’appelant ou l’opposant peut demander au
376

juge saisi de son recours de lui solliciter la restitution de cette faculté. Inversement, si cette
faculté n’a pas été supprimée par le premier juge, le créancier peut introduire une demande de
suppression en degré d’appel ou d’opposition.

III. Les effets du cantonnement

Les effets du cantonnement diffèrent cependant, selon le stade auquel on se trouve. En cas de
saisie conservatoire, il n'y a pas d'affectation spéciale de la somme cantonnée à l'extinction de
la créance du saisissant : cela signifie que tout autre créancier peut également saisir la somme
cantonnée, et viendra alors en concours avec le premier créancier saisissant, cette position ne
conférant aucun privilège.

En cas de saisie-exécution, le cantonnement est destiné à limiter les effets d'une mesure
d'exécution pratiquée en vertu d'une décision exécutoire par provision, le versement de la
somme est fait avec affectation spéciale à l'extinction de la créance du saisissant et vaut
paiement dans la mesure où le saisi se reconnaît ou est, à l'issue du recours, reconnu débiteur.
Le créancier saisissant échappe ainsi à la loi du concours. Le versement fait libère totalement
le débiteur. En effet, dès qu'il est effectué, les intérêts judiciaires cessent de courir et les
fluctuations monétaires n'ont plus d'incidence sur la somme due (Il faut souligner que seul le
cantonnement effectué dans les conditions prévues par la loi a, en principe, cet effet : il est
fréquent que les parties conviennent d'un cantonnement amiable, par exemple par dépôt de la
somme litigieuse à un compte en banque ouvert conjointement au nom des deux avocats. La
question de savoir si pareil cantonnement vaut paiement est controversée). Si la saisie est
pratiquée en vertu d'un jugement frappé d'appel, le cantonnement cesse de produire ses effets
dès le prononcé par la juridiction d'appel d'une décision contradictoire.

SECTION 3: LA SAISIE CONSERVATOIRE


La saisie a pour but de bloquer les biens du débiteur afin qu'il soit empêché d'en disposer au
détriment de ses créanciers. Elle préserve l’efficacité du titre exécutoire futur et prépare le
paiement.

Le CPC se montre relativement souple en ce qui concerne les conditions dans lesquelles on
peut saisir conservatoirement. En effet, la saisie conservatoire est possible, alors même que le
créancier ne possède pas de titre exécutoire. Par ailleurs, en vue de ménager l'effet de surprise,
aucun commandement préalable n'est exigé, sauf en matière de saisie gagerie et l'autorisation
de saisir est obtenue sur requête unilatérale.

Toutefois, certaines conditions doivent être réunies. Ces conditions sont prévues aux articles
137 et 138 du CPC. Elles concernent soit le fond (la célérité et les qualités que doit revêtir la
créance), soit de forme (selon le titre en vertu duquel la saisie est pratiquée).
377

§ 1. Les conditions de fond

I. La célérité

En cette matière, la célérité (qui ne se confond pas avec l'urgence) signifie que la saisie ne
peut être pratiquée ou autorisée (par le juge) que dans les cas où, si elle n'était pas exercée, le
créancier pourrait craindre un préjudice. Ce préjudice est la mise en péril du recouvrement de
la créance, qui résulterait de l'insolvabilité existante ou menaçante du débiteur. Il faut
souligner que c'est la situation objective du débiteur qui sera appréciée par le juge: il ne faut
pas nécessairement que celui-ci organise son insolvabilité.

De manière générale, la célérité sera reconnue dans trois types de situations :

- celles où le débiteur se rend délibérément insolvable ;


- celles où un faisceau d'éléments objectifs démontre que le débiteur se trouve dans une
situation qui ne lui permet pas de faire face à ses engagements ;
- celles où la conviction du juge est simplement formée sur la base d'indices révélateurs de la
situation objectivement difficile du débiteur, par exemple des difficultés de paiement
constantes, ou sa passivité malgré de nombreux rappels.

Dans de nombreux cas, la partie qui veut saisir invoque les relations du débiteur avec
l'étranger, les lenteurs de la justice, ou les difficultés économiques et "la crise". Ces motifs
sont trop généraux pour être à eux seuls retenus comme pouvant fonder une saisie
conservatoire.

Il n'y a pas célérité lorsque c'est le seul besoin d'argent du créancier qui justifie sa volonté de
saisir, ou si seules de vagues rumeurs d'insolvabilité non étayées de preuve sont invoquées.
Par ailleurs, il faut la permission préalable du juge et il ne l'autorisera que si la créance est
certaine, liquide et exigible ou s’il y a des raisons de craindre que le débiteur n’organise son
insolvabilité.

II. Les qualités de la créance

La saisie conservatoire ne peut être autorisée que pour une créance certaine, exigible et
liquide. Ces termes sont interprétés largement et souplement.

1. La certitude

En la matière, il est admis qu'une créance certaine est celle qui présente une apparence de
fondement suffisante pour autoriser ou maintenir une saisie conservatoire et non pas une
certitude telle qu'elle justifierait une condamnation. La créance est certaine dès qu'elle se
manifeste, à la suite d'un examen sommaire, de manière apparente avec des éléments
suffisants de certitude.
378

Une créance même non établie peut servir de base à une saisie conservatoire, de même qu'une
créance conditionnelle, éventuelle, ou même litigieuse, du moins si la contestation ne paraît
pas suffisamment sérieuse.

2. L'exigibilité

La créance exigible est celle dont le créancier peut requérir paiement immédiat. De même, la
saisie conservatoire peut être pratiquée pour sûreté d'une créance de revenus périodiques à
échoir lorsque le règlement de ceux-ci est en péril (intérêts, loyers, etc.). De manière générale,
on considère que si la créance est certaine, mais affectée d'un terme, celui-ci n'empêche pas le
recours à la saisie conservatoire, pour autant que le règlement de cette créance soit en péril.

3. Liquidité

La créance est liquide lorsque son montant est déterminé. Mais on pense que la saisie
conservatoire peut avoir lieu dès que la créance est susceptible d'estimation provisoire.
Comme indiqué supra et comme pour les autres conditions, c'est le juge des saisies qui
estimera si la liquidité de la créance est suffisante.

§ 2. Conditions de forme

Selon les cas, la saisie nécessite ou non l'autorisation préalable du juge. En effet, l’article 137
du CPC porte que « Tout créancier, même sans titres, peut, sans commandement préalable,
mais avec permission du juge, faire saisir conservatoirement les effets mobiliers de son
débiteur. La saisie conservatoire est faite en la même forme que la saisie exécution».
Examinons d’abord la saisie pratiquée sans autorisation (I) pour avant de nous pencher sur
celle qui doit être autorisée par le juge (II).

I. Saisie pratiquée sans autorisation

La saisie conservatoire peut être pratiquée sans autorisation :

a) En vertu d'un jugement, même non exécutoire par provision ;


b) En vertu d'un titre authentique, même non revêtu de la formule exécutoire, pour autant que
l'acte renferme l'obligation du débiteur de payer une créance liquide ;
c) En cas de saisie gagerie : il s'agit de la saisie pour garantie de loyers ou fermages échus ;
d) En cas de saisie-arrêt. Celle-ci peut être pratiquée sans autorisation du juge, non seulement
par le créancier muni d'un titre authentique mais encore sur la base d'un simple titre privé. Le
titre doit consister dans un écrit qui doit être régulier dans la forme, opposable au saisi et faire
preuve d'une créance certaine, exigible et liquide23. Ainsi, par exemple, une lettre de change
acceptée ou protestée, un chèque, un billet à ordre, un testament, une police d'assurance, une
lettre missive, un contrat, un acte d'ouverture de crédit sont des titres privés qui permettent la
saisie sans autorisation du juge pour autant que le créancier établisse la créance qui en découle
dans son chef.
379

II. Autorisation du juge

La saisie conservatoire n’est autorisée par le juge que s’il y a de sérieuses raisons de craindre
l’enlèvement des effets mobiliers du débiteur et n’est valable qu’à la condition d’être suivie
d’une demande en validité dans le délai fixé par l’ordonnance accordant l’autorisation.

C’est que, la saisie doit être sollicitée par requête unilatérale, conformément à l’article 138
du CPC. En effet, le créancier devra introduire, auprès président du tribunal compétent, c'est-
à-dire celui dans le ressort duquel se trouvent les biens mobiliers à saisir, une requête. Celle-ci
devra indiquer les coordonnées du créancier et celles du débiteur, le lieu où se trouvent les
biens à saisir, le montant de la créance, son exigibilité, sa liquidité et l'urgence qu'il y a à
protéger les droits du créancier. Par une ordonnance dûment motivée, le juge accordera ou
refusera la saisie que le créancier sollicite. Mais il faut noter que cette ordonnance n’est pas
susceptible d'appel.

Une fois que le juge autorise la saisie en prenant une ordonnance, il faut encore signifier celle-
ci ainsi que la requête. Ces actes à la main, l’huissier de justice ira chez le débiteur pour les
signifier au débiteur et procéder à la saisie des biens mobiliers.

Enfin, il faudra assigner en validité de la saisie. En effet, la saisie conservatoire n'est valable
que si le créancier assigne en validité dans le délai fixé par l'ordonnance du juge. Il
demandera au tribunal de valider la saisie et de la transformer en saisie-exécution. Si le
tribunal estime le débiteur redevable, il rendra un jugement sur le fond et ordonnera en même
temps que la saisie conservatoire soit transformée en saisie exécution. Le jugement de validité
convertit la saisie conservatoire en saisie-exécution et il est procédé à la vente dans les formes
établies par la loi.

§ 3. Rétractation

La loi prévoir que dans la huitaine de la notification qui lui est faite de la saisie, qu’il y ait ou
non procédure en cours, le saisi peut demander la rétractation de l’autorisation de saisie au
juge qui l’a accordée. Cette demande est formée par voie d’assignation, laquelle est signifiée à
l’auteur de la saisie et, le cas échéant, à celui en mains de qui la saisie a été pratiquée. Cette
décision n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel.

Le débiteur sur qui une saisie est faite à titre conservatoire peut, en tout état de cause, libérer
les choses sur lesquelles elle porte en versant à la caisse du greffe, une somme suffisante pour
répondre des causes de la saisie en principal, intérêt et frais et en affectant spécialement cette
somme à l’extinction de la créance du saisissant, sous condition que les droits de ce dernier
soient ultérieurement reconnus.

Lorsque la saisie porte sur des choses disponibles, le saisi peut effectuer le versement soit au
moyen des fonds saisis, soit au moyen de ceux qui proviennent de la vente des choses saisies.
380

Le versement avec affectation spéciale vaut paiement dans la mesure où le saisi se reconnaît
ou est reconnu débiteur.

Aux fins ci-avant, le débiteur se pourvoit, dans la forme prévue à l’article 140 devant le
magistrat qui a ordonné la saisie, lequel règle le cas échéant le mode et les conditions tant de
la vente des choses que de la consignation.

§ 4. Insaisissabilité de certains biens

Même si la loi n’est pas explicite à ce sujet (sauf en ce qui concerne les biens des personnes
de droit public), à suivre le droit comparé et la pratique en matière de droit judiciaire (au titre
de principe général de droit), certains biens ne peuvent être saisis.

Ainsi, à titre d’exemples,


- le coucher nécessaire du saisi et de sa famille, les vêtements et le linge indispensable à leur
propre usage, ainsi que les ustensiles de ménage, les objets nécessaires aux membres
handicapés de la famille, les objets affectés à l'usage des enfants à charge qui habitent sous le
même toit, les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l'entretien des locaux ;
- les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation
professionnelle du saisi ou des enfants à charge qui habitent sous le même toit ;
- si ce n'est pour le paiement de leur prix, les biens indispensables à la profession du saisi ;
- les objets servant à l'exercice du culte ;
Mais si ces biens ne se trouvent pas dans un lieu où le saisi demeure ou travaille
habituellement, ils restent saisissables.

De même, les biens des personnes morales de droit public sont insaisissables. Toutefois,
peuvent faire l’objet d’une saisie :
- les biens dont les personnes morales de droit public ont déclaré qu’ils pouvaient être
saisis ;
- les biens qui ne sont manifestement pas utiles à ces personnes morales pour l’exercice
de la continuité du service public.
Par ailleurs, d’'autres immunités couvrent les Etats étrangers, notamment les agents
diplomatiques et consulaires, ainsi que diverses organisations internationales et les personnes
qu'elles occupent.
381

CHAPITRE II: L'INCIDENCE DU DROIT OHADA

SECTION 1: GÉNÉRALITÉS
Les voies d'exécution concernent en général des voies par lesquelles un créancier peut
recouvrer son droit ou un créancier qui a eu gain de cause peut obtenir l’exécution forcée
d’une décision de justice. Ces voies d’exécution ne se limitent pas à assurer l’exécution d’une
décision de justice. Elles servent tout simplement à recouvrer un droit par une personne en
recourant aux services de la justice. Il s’en suit que les voies d’exécution supposent
l’intervention des acteurs judiciaires en assistance d’une personne en quête de recouvrement
de ses droits. Cette dernière ne peut recouvrer son droit individuellement et de manière forcée,
par des efforts personnels. Si le débiteur paie à l’amiable, il ne se pose aucun problème. Les
voies d’exécution interviennent pour recouvrer un droit de manière forcée. En effet, à quoi
servirait un contrat ou un jugement s’il ne peut être exécuté ou si le porteur ne peut en tirer
bénéfice ?

La question d’exécution en matière civile et commerciale est actuellement régie par l’Acte
Uniforme sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution (ci-après
Acte Uniforme).1017 C’est dans un souci de simplification et, dit-on, pour favoriser
l’intégration en Afrique et surtout rationnaliser l’environnement juridique des entreprises afin
de le rendre plus attractif que les Chefs d’Etat ont, à l’occasion de la conférence des pays
ayant en commun l’usage du français tenue le 17 octobre 1993 à Port-Louis, signé le Traité
relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Ce Traité a prévu l’adoption d’Actes
uniformes directement applicables et exécutoires dans les Etats parties. 1018 Et, parmi ces Actes
uniformes figure celui relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution.

La République démocratique du Congo (RDC) a déposé les instruments de ratification du


Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)
depuis le 13 juillet 2012 consécutivement à la loi autorisant l’adhésion au Traité OHADA
promulguée le 11 février 2010.1019 Et, depuis le 12 septembre 2012, le droit de l’OHADA est
juridiquement entré en vigueur sur le territoire de la République démocratique du Congo 1020
c'est-à-dire soixante jours après la date de dépôt de l’instrument d’adhésion.

1017
Acte adopté le 10 avril 1998 et paru au JO OHADA n°6 du 1er juillet 1998
1018
V. article 10 du Traité OHADA.
1019
V. Loi n° 10/002 du 11 février 2010 autorisant l’adhésion de la République démocratique du Congo au traité
du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique in J.O.RDC, numéro spécial du 12
septembre 2012.
1020
Conformément aux articles 53, al. 2 et 58 du Traité OHADA.
382

Par conséquent, le droit OHADA remplace la majeur partie du droit congolais des affaires 1021
dans le sens où ce sont les Actes uniformes issus de ce cadre qui seront dès lors d’application.
Bien que l’échelle de remplacement ne soit pas absolument totale pour les matières du Traité
de manière générale1022, il faut dire que le paysage du droit congolais des affaires connaît un
large changement. Et, parmi les matières visées figure celle des voies d’exécution qui
concernent la procédure civile. Particulièrement, à propos de la matière d’exécution, l’article
336 de l’Acte uniforme prévoit que sont abrogées toutes les dispositions relatives aux
matières qu’il concerne dans les Etats parties. Il s’agit ici d’une abrogation ferme puisqu’elle
ne mentionne pas expressément la subsistance des dispositions internes non contraires à
l’Acte uniforme.1023 Cependant, certaines dispositions de cet Acte uniforme renvoient elles-
mêmes au droit interne. Ses dispositions, quant à l’application dans le temps, sont applicables
aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement
engagées après son entrée en vigueur1024. L’Acte uniforme s’applique immédiatement aux
procédures engagées après son entrée en vigueur. La validité des actes de procédure antérieurs
sera sans doute appréciée par rapport à l’ancien Code de procédure civile conformément à la
théorie générale de l’application des lois de procédures.

SECTION 2: ACTEURS DE LA PROCÉDURE


Cette procédure fait intervenir :
- L’huissier de justice ;
- Le greffier pour le dépôt de certains documents et consignation de certaines sommes ;
- L’huissier
- Les avocats pour la rédaction de certains documents nécessaires à la saisie ;
- Le juge :

L’article 49 de l’Acte uniforme sous examen décide que « [l]a juridiction compétente pour
statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure forcée ou à une saisie
conservatoire est le Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat
délégué par lui ». Il découle de cette disposition que le « Président de la juridiction » est la
« juridiction compétente ». Il peut, d’un point de vue purement pratique, désigner un juge qui
s’occupera des urgences. Ce juge se distingue de celui du fond en ce sens qu’il examine la
régularité de la procédure de saisie ou de recouvrement des créances. Il vérifie si la régularité
1021
L’article 2 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique dispose que pour l’application
dudit Traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés
et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution,
au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du
travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des
Ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure, conformément à l’objet dudit Traité et aux dispositions de
l’article 8 du même Traité.
1022
D’après l’article 10 du Traité sur l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, les Actes uniformes sont
directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit
interne antérieure ou postérieure.
1023
Le caractère radical de la formule d’abrogation retenue est rappelé, parfois avec un style très particulier,
par certaines juridictions du fond. On peut lire, par exemple, dans un arrêt de la Cour d’Appel du Littoral, cet
attendu : « … compte tenu de la fermeté jalouse du législateur OHADA quant à l’exclusivité de cette
compétence du juge du contentieux de l’exécution qui transpire des articles 10 du Traité et 336 de l’Acte
uniforme n°6, toute évocation d’une législation nationale d’un Etat partie à l’OHADA sur les matières qu’elle
organise est proscrite ». V. CA du Littoral, arrêt n°74/RF du 27 oct. 2008, Société Yemon OIL & Distribution c/
Dame NGWINGMOWING Muna, Ohada.com/Ohadata J-10-259.
1024
Article 337 de l’Acte uniforme.
383

est observée (avec sanction de nullité de saisies dans le cas contraire), il vérifie également si
les conditions légales sont remplies pour qu’une procédure de recouvrement ou de saisie soit
mise en mouvement (avec sanction de mainlevée de saisie dans le cas contraire). Le juge du
fond statuera sur une contestation liée à l’existence ou la consistance de la créance. Les
décisions du juge des urgences ne sont pas généralement susceptibles de voies de recours
contrairement à celles du juge de fond dont l’opposition et l’appel sont formées selon les
règles ordinaires, sauf dans les cas particuliers où l’Acte Uniforme prévoit un délai de 15
jours. La nuance entre juge des urgences et juge de référé n’est pas toujours facile à faire.

En effet, il arrive que les fonctions de juge des urgences et du juge de référé soient exercées
par le même juge. Ainsi, lorsque le demandeur saisit un juge d’abord comme juge des référés
pour obtenir la rétractation d’une ordonnance et la discontinuation des poursuites, puis comme
juge du contentieux de l’exécution, pour obtenir l’annulation de procès-verbaux et
la mainlevée de la saisie, il y a un mélange de compétences matérielles relevant de juges
distincts ou d’un même juge, siégeant à plusieurs titres, mais jamais à la fois, et à la suite
d’une demande unique ; face à ce mélange de compétences, le juge ne pouvant, sans dénaturer
l’objet de la demande, choisir à quel titre il entend statuer, il y a lieu, pour lui, de se déclarer
incompétent1025. Il découle de différentes jurisprudences des pays membres de l’espace
OHADA qu’il y a lieu alors de différencier les compétences en terme de juge de référé, juge
des urgences et juge du fond. Le premier statue avant commencement d’exécution avec la
signification du commandement1026 et, cela, en rétractation d’une ordonnance et la
discontinuation des poursuites1027 Le second quant à lui vérifie la régularité des opérations
d’une saisie, c'est-à-dire statue sur une saisie déjà commencée, en examinant les titres en vertu
desquels cette saisie a été pratiquée pour ensuite la déclarer valable ou non et en conséquence
rejeter la contestation de cette saisie ou, dans le cas contraire, en ordonner mainlevée 1028. Le
juge du fond examinera par conséquent le bien-fondé du titre ou encore le bien-fondé de la
créance.

En RDC, il s’agit du président de quelle juridiction ? Est-ce le juge de paix, de Grande


instance ? Nous pensons qu’il faut tenir compte de la matière. Les articles 110, 112 et 113 de
la loi n°13/011-B du 13 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l’ordre judiciaire donnent au tribunal de paix ainsi qu’au tribunal de Grande
instance une compétence en matière civile pour les affaires d’une certaine valeur (2.500.000
francs congolais est le seuil pour ce qui est du tribunal de paix). L’article 111 de la loi
judiciaire précitée, donne compétence d’autoriser une saisie conservatoire et une saisie-
attribution au président du tribunal de paix et, à défaut, celui de grande instance et cela, quel
que soit la valeur du litige. Bien que l’article 111 vise aussi bien les matières civiles que
commerciales, nous devons nuancer en ce que dans les milieux où un tribunal de commerce
est déjà installé, c’est le président de ce denier qui est compétent. De même, il faut également
tenir compte des villes où le tribunal du travail est déjà installé.

1025
TPI de Douala, 26 mars 2002, Société Matlec ETI c/ Alain Magloire, ordonnance de référé n°737,
Ohada.om/Ohadata, J-04-433.
1026
TPI de Yaoundé, 23 octobre 2003, BICEC c/ Messy Bernanrd, ordonnance de référé n°36/C,
Ohada.com/Ohadata, J-04-537.
1027
TPI de Douala, 26 mars 2002, Société Matlec ETI c/ Alain Magloire, ordonnance de référé n°737,
Ohada.om/Ohadata, J-04-433.
1028
CA Lomé, 26 mai 2009, arrêt n°088/09 du, Me Jean Sanvi K. De SOUZA c/ La Brasserie B.B. Lomé,
Ohada.com/Ohadata J-10-176.
384

A propos de la saisine de ce juge, l’Acte uniforme n’interdit pas la saisine directe du juge par
l’assignation. Seulement il faut préciser qu’en matière civile, le tribunal de Grande instance
sera saisi par voie d’assignation conformément à l’article 2 du Code de procédure civile alors
qu’en matière commerciale et du travail, le tribunal de commerce et le tribunal du travail sont
saisis par voie de requête.

SECTION 3: LES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES


DE RECOUVREMENT DE CRÉANCE
Dans sa première partie, l’Acte Uniforme organise deux procédures de recouvrement de
créance à savoir, l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer un bien. Les
procédures simplifiées de recouvrement de créance ont pour but de permettre au créancier
d’obtenir ce qui lui est dû en évitant la lourdeur de la procédure de droit commun. Soumises à
des conditions différentes, ces deux types d’injonctions sont soumis à une procédure
identique. Le créancier les sollicite par requête. Lorsque les conditions ne sont pas remplies,
la requête est rejetée et la décision de rejet n’est pas susceptible de recours. Il convient
d'aborder successivement sur les conditions des injonctions (§1) et sur la procédure de leur
exécution (§2).

§ 1. Les conditions des injonctions

Conditions pour qu’une procédure d’injonction de payer soit mise en mouvement :


- Une créance : certaine c'est-à-dire non contestée
- Liquide c'est-à-dire évaluée dans son quantum, dans son montant ;
- Exigible c'est-à-dire arrivée à terme ou à échéance.
-
Quelle créance peut-elle faire l’objet d’une telle procédure ?

Il faut que :
1° la créance ait une cause contractuelle ;
2° l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce, ou d’un
chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante.
Il s’ensuit qu’une créance basée sur un acte administratif ne peut pas faire l’objet d’une
injonction de payer. Une créance fiscale non plus puisque, par essence, non contractuelle.
Quid de la créance salariale ? Théoriquement, le salaire est payé sur base d’un contrat de
travail verbal ou écrit. Cependant, une procédure particulière permet de résoudre les conflits
du travail en exigeant l’intervention de l’Inspecteur du travail. Le débat demeure…

Conditions de l’injonction de délivrer ou de restituer un bien:


- Le bien concerné doit être mobilier, corporel et déterminé ;
- Le requérant doit être créancier de l’obligation de délivrance ou de restitution du bien.

I. Recouvrement d’une créance

Il faut d'abord une requête

Cette procédure est introduite auprès de la juridiction compétente par voie de requête
mentionnant, à peine d’irrecevabilité :
385

1° les noms, prénoms, profession et domiciles des parties ou, pour les personnes morales,
leurs forme, dénomination et siège social ;
2° l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents
éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président
de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme
qu’il fixe.

Si le président de la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision


est sans recours pour le créancier sauf pour celui-ci de procéder selon les voies de droit
commun. Cette décision ainsi que l’expédition de la requête sont signifiées aux soins du
créancier. La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée
dans les trois mois de sa date.

A peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient


sommation d’avoir :
• soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts
et frais de greffe dont le montant est précisé ;
• soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci
ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de l’ensemble
du litige.

Sous la même sanction, la signification :


• indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle
doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
• avertit le débiteur qu’il peut prendre connaissance, au greffe de la juridiction compétente
dont le président a rendu la décision d’injonction de payer, des documents produits par le
créancier et, qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer aucun
recours et pourra être contraint par toutes voies de droit à payer les sommes réclamées.

Si le débiteur a des motifs de contestation il peut former opposition à cette ordonnance.


Le recours ordinaire contre la décision d’injonction de payer est l’opposition. Celle-ci est
portée devant la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d’injonction de
payer. L’opposition est formée par acte extrajudiciaire (art. 9).
Délai d’opposition : 15 jours depuis la signification à personne, éventuellement augmentés
des délais de distance.

Toutefois, si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant


injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours
suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure
d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens du débiteur
(art. 10, al. 2). La solution habituelle d’après laquelle le recours est formé dès que la partie en
a eu connaissance n’est retenue ici que dans la mesure où les premiers actes d’exécution
mettront sûrement le débiteur en alerte.

En l’absence d’opposition dans les quinze jours de la signification de la décision portant


injonction de payer ou, en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier
peut demander l’apposition de la formule exécutoire sur cette décision. La demande tendant à
386

l’apposition de la formule exécutoire est formée au greffe par simple déclaration écrite ou
verbale. Celle-ci produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible
d’appel (art. 16&17). La demande en formule exécutoire doit être faite dans deux mois à dater
de l’expiration du délai d’opposition.

D’après l’article 11, l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte que celui
de l’opposition :
• de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la
décision d’injonction de payer ;
• de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne
saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition.

D’un point de vue pratique, l’opposant signifie l’opposition aux parties (d’après les modes
habituels) et au greffe de la juridiction ayant rendue l’ordonnance d’injonction (il nous semble
que c’est le Greffier divisionnaire qui est signifié). Et en même temps il assigne le créancier à
comparaître. Cela se fait au même moment. La sanction est la déchéance c'est-à-dire que
l’opposant ne saura plus le faire ! En pratique, s’il ne le fait pas dans le délai, il n’aura
probablement qu’à introduire une autre action en justice au titre d’un incident de saisie ou
peut-être saisir le juge des urgences s’il remplit les conditions quant à ce !

La juridiction saisie sur opposition procède à une tentative de conciliation. Si celle-ci aboutit,
le président dresse un procès-verbal de conciliation signé par les parties, dont une expédition
est revêtue de la formule exécutoire.
Si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la demande en
recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition, par une décision qui
aura les effets d’une décision contradictoire (art. 12).

Avant tout débat, l’Acte uniforme oblige nécessairement le préalable de la conciliation. Cela
veut dire que les débats sur le bien-fondé de l’opposition se déroulent d’abord en instance de
conciliation. Dans cette instance, les parties discutent sans doute des possibilités de faire une
concession sur tel ou tel autre point. La question est de savoir sous quelle forme se présente
cette conciliation. Se tient-elle dans la salle d’audience ? Le juge invite-t-il les parties en
aparté ? Cette question se soulève par suite de la lettre de l’alinéa 2 de l’article 12 d’après
lequel en cas d’échec de la conciliation ‘la juridiction statue immédiatement’ sur la demande
en recouvrement.

D’après une certaine opinion la juridiction siège en instance de conciliation en audience et en


cas d’échec elle siège contradictoirement sur l’opposition comme dans un procès ordinaire.
Cette opinion expose les aspects formels. Il nous semble qu’elle se justifie par le souci
d’éviter une remise soit pour une procédure de conciliation soit pour siéger sur l’opposition,
ce qui va de soi au vu de la célérité que recommande cette procédure. Nous nous posons la
question de savoir si cette célérité, poussée à l’extrême, n’est pas de nature à porter atteinte à
l’esprit d’une conciliation au vrai sens du terme. La conciliation vise à permettre aux parties
de chercher une solution à l’amiable ce qui suppose des concessions des deux cotés et évite
les lourdeurs de la procédure judiciaire ainsi que les frais y attachés.

Si l’on admet que la juridiction siégera en conciliation après avoir retenu la cause dans la salle
d’audience, sans donner aucun caractère informel à la conciliation ne risque-t-on pas de se
retrouver devant une conciliation de pure forme ? Par ailleurs, il est vrai que la juridiction est
387

appelée à siéger immédiatement après l’échec de la conciliation. Sur ce point, nous pensons
qu’il n’y a pas de confusion. L’article est clair et net. Cela éviterait les désagréments causés
par des remises. D’après la pratique des juridictions congolaises, les remises sont presque
normales ! Pourtant cela ne devrait pas être le cas. Un Tribunal a même décidé de mettre au
Rôle général une affaire où le défendeur faisait opposition à l’injonction de payer au motif
qu’il faudra attendre la conciliation ! Dans cette affaire aucune disposition n’a
malheureusement pas été prise pour qu’il y ait conciliation. Il semble que les avocats étaient
censés trouver le Président de la juridiction en ses bureaux pour une suite à cette cause… Il
est donc tout à fait normal, pour éviter des remises, que la juridiction siège immédiatement
après l’échec de la conciliation mais la forme de la conciliation elle-même devait éviter de
donner l’impression que c’est une simple formalité qui est accomplie.

La décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit
congolais. Toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision
(art. 15). Est-ce à partir du prononcé ou de la signification ? Cette exception porte-t-elle
uniquement sur le délai (alors qu’en RDC le délai d’appel en matière civile est toujours de 30
jours) ou bien elle porte également sur le dies a quo du délai ? Le principe est tout de même
d’observer les conditions du droit congolais c'est-à-dire les conditions d’appel (à savoir
l’expédition pour appel, la qualité de l’appelant et l’intérêt).

II. Procédure simplifiée tendant à la délivrance ou


à la restitution d’un bien meuble déterminé

Celui qui se prétend créancier d’une obligation de délivrance ou de restitution d’un bien
meuble corporel déterminé, peut demander au président de la juridiction compétente
d’ordonner cette délivrance ou restitution. Cette demande se fait par voie de requête
indiquant, sous peine d’irrecevabilité :
• les noms, prénoms, professions et domiciles des parties et, pour les personnes morales, leur
dénomination, leur forme et leur siège social ;
• la désignation précise du bien dont la remise est demandée (art. 19).

Comme en matière d’injonction de payer, cette requête est accompagnée d’un document
justificatif, une preuve du titre servant de base à la demande de délivrance ou de restitution.
La difficulté est que la preuve des droits sur le bien meuble, quoique déterminé, peut ne pas
être écrite ! Cela serait un motif de rejet de la requête ? Encore qu’en cette matière, le rejet
n’est pas forcément motivé et ne donne pas lieu à recours ! Cependant, il n’y a pas de
forclusion, il nous semble qu’il faille admettre que le requérant pourra toujours revenir autant
qu’il le pourra en vertu du principe du libre accès au prétoire ou d’user des voies de droit
commun !

Si la demande paraît fondée, le président de la juridiction compétente rend une décision au


pied de la requête portant injonction de délivrer ou de restituer le bien litigieux (art. 23).
La décision portant injonction de délivrer ou de restituer, accompagnée des copies certifiées
conformes des pièces produites à l’appui de la requête, est signifiée par acte extrajudiciaire à
celui qui est tenu de la remise, à l’initiative du créancier.
La signification contient, à peine de nullité, sommation d’avoir, dans un délai de quinze jours:
• soit à transporter, à ses frais, le bien désigné en un lieu et dans les conditions indiqués,
• soit, si le détenteur du bien a des moyens de défense à faire valoir, à former opposition au
greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par déclaration écrite ou verbale contre
388

récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen
laissant trace écrite, faute de quoi la décision sera rendue exécutoire.
La décision portant injonction de délivrer ou de restituer est non avenue si elle n’a pas été
signifiée dans les trois mois de sa date (art. 25). L’opposition peut être formée comme dans
les conditions ci-haut exposées.

§ 2. Procédure d’exécution des injonctions

Lorsque le débiteur n’exécute pas l’injonction dans le délai de 15 jours à compter de la


signification, le créancier peut demander l’apposition de la formule exécutoire sur cette
décision dans un délai de deux mois à compter de l’expiration du délai de 15 jours reconnu au
débiteur pour faire opposition.

Comme déjà dit plus haut, le débiteur peut faire opposition dans un délai de 15 jours à dater
de la signification de la décision. Dans ce cas, il doit assigner le créancier à comparaître dans
un délai fixe n’excédant pas trente jours à compter de l’opposition. La juridiction saisie sur
opposition tentera une conciliation des parties ; en cas d’échec, elle statuera sur le fond et sa
décision sera susceptible d’appel.

SECTION 3: LES VOIES D’EXÉCUTION

§ 1. Présentation générale

Cette présentation générale est axée sur le champ d’application des règles relatives aux voies
d’exécution (I), l’exécution provisoire nonobstant tout recours (II) et la présentation des biens
saisissables (III).

I. Champ d’application

Les voies d’exécution sont un droit pour toute personne en vue d’un recouvrement forcé de
ses droits si le débiteur ne s’exécute pas à l’amiable. Au sens de l’Acte uniforme sous
examen, les voies d’exécution sont des procédures permettant à un créancier impayé soit de
saisir les biens de son débiteur pour les vendre, le cas échéant, et se faire payer, soit de
procéder à une saisie de créance en vue de se la faire attribuer, soit enfin, de se faire délivrer
ou restituer un bien mobilier corporel. Ne rentre donc pas dans le champ d’application dudit
Acte uniforme une affaire relative à une demande d’expulsion visant à remettre les parties
dans les situations judiciaires qui étaient les leur avant l’adjudication de l’immeuble
litigieux1029. On peut finalement dire que ne rentrent pas dans le champ d’action de cet Acte
uniforme les mesures d’exécution ne visant pas le payement forcé d’une créance pécuniaire,
évaluée en argent ou des décisions visant le recouvrement de la propriété mobilière. Il en sera
ainsi des décisions relatives au déguerpissement, à la cessation des troubles de jouissance, aux
actions d’état, etc. bref toute décision dont l’exécution ne requiert pas l’application de l’une
des mesures prévues par l’Acte uniforme.

L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des décisions et des autres titres
exécutoires. La formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique. La carence ou

1029
CCJA, 1ère ch., 29 juin 2006, Société d’Etudes et de Représentations en Afrique Centrale dite SERAC c/
Bureau de Recherches, d’Etudes et de Contrôles Géotechniques SARL dite BRECG, arrêt n°10,
Ohada.com/Ohadata J.07.24.
389

le refus de l’État de prêter son concours engage sa responsabilité (Art.29). Les voies
d’exécution ne s’appliquent pas aux biens des personnes jouissant des immunités d’exécution.

II. L’exécution provisoire nonobstant tout recours

A l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie


jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision. L’exécution est alors
poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement
modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de
relever de faute de sa part (art.32).

Est-ce à dire que l’exécution provisoire, nonobstant tout recours, est reconnue sauf en matière
immobilière ? Il nous semble que le sens de cette disposition est plutôt d’admettre dans cette
matière autre qu’immobilière que le créancier puisse poursuivre l’exécution à titre provisoire
quel que soit le sort d’un procès futur. Est-ce à dire que l’exécution provisoire découlant de
l’article 21 CPC est permise ? Il n’y a pas d’objection à notre avis puisque s’il y a appel le
titre sur base duquel l’exécution s’opère peut être rejeté ou confirmé. Seulement, cette
disposition ne peut pas être évoquée en matière immobilière.

L'on sait que pour paralyser les effets d’un jugement exécutoire nonobstant tout recours, le
justiciable qui a des raisons de contester l’application de l’article 21 CPC a toujours recouru
auparavant à la procédure des défenses à exécuter. Cette procédure est déclenchée après
qu’il ait introduit l’appel. C’est à ce niveau que l’appelant intéressé introduit également une
requête en défenses à exécuter et sur assignation à bref délai, parfois les pièces attachées à
l’acte de signification accompagné par la requête, l’intimé est appelé à présenter ses moyens
sur l’application de l’article 21 CPC. Avec l’article 32 de l’Acte uniforme précité, la question
s’est posée de savoir si la procédure de défenses à exécuter subsiste. Pour y répondre, il faut
d’abord commencer par constater si oui ou non l’article 32 de l’Acte uniforme s’applique à la
procédure des défenses à exécuter. Ensuite, il faudra donner son champ d’application réel.

A propos de sa relation avec la procédure des défenses à exécuter, la CCJA a, dans un


premier temps, décider que viole l’article 32, l’ordonnance par laquelle un Premier Président
de la Cour d’appel, en application de la loi nationale, suspend, jusqu’à la décision de la
Cour, l’exécution d’un jugement assorti de l’exécution provisoire 1030. Dans un deuxième
temps – parlerait-on de revirement de jurisprudence ou d’évolution – la CCJA, par trois
arrêts rendus le même jour, a, pour sa part déclarer incompétente – alors qu’elle était saisie
d’un pourvoi fondé sur l’article 32 et dirigé contre les décisions ordonnant des référés à
exécution – estimé que ce texte n’est pas applicable à la procédure des défenses à exécution
provisoire ouverte en cas d’appel contre une décision assortie de l’exécution provisoire et
obéissant à des règles spécifiques avec une voie de recours spécifique.

Lorsqu’une personne entame, en vertu d’un titre exécutoire par provision, une procédure
d’exécution qui ne concerne pas un immeuble, le juge des référés ne peut pas suspendre

1030
CCJA, 11 octobre 2001, époux Karnib c/ SGBCI, arrêt n°02/2001, Rec. CCJA, n° spécial, janv. 2003, p.37,
Ohada.com/Ohadata J-02-06, Juriscope.org.
390

l’exécution, dès lors que la régularité de la procédure d’exécution n’est pas en cause 1031.Bref,
une procédure d’exécution sur titre provisoire peut être suspendue si elle est irrégulière.

L’article 32 de l’Acte uniforme s’applique qu’à une mesure d’exécution. Une mesure
conservatoire est exclue de son champ. En effet, la transformation de la procédure
conservatoire en procédure, d’exécution nécessite la signification par le créancier au débiteur
d’un acte de conversion ; dans ces conditions, en l’absence d’acte de conversion, la saisie
n’atteint pas le stade de l’exécution, mais reste une simple mesure conservatoire à laquelle
l’article 32 ne s’applique pas.

Bref, on peut retenir les éléments ci-après :


1° La procédure des défenses à exécuter semble ne plus être concevable en matière
immobilière;
2° La suspension d’une procédure d’exécution déjà commencée ne peut avoir lieu que si la
procédure est irrégulière;
3° Le juge compétent : Est-ce la Cour d’appel ou le juge des référés ou des urgences ? Un
début de réponse peut être celui de réserver la compétence au juge de la régularité de
la procédure des saisies tel qu’il découle de l’article 49 de l’Acte uniforme. Cette
disposition place dans la compétence du juge des référés et celui des urgences « tout
litige ou toute demande » relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie
conservatoire. La généralité des termes « tout litige ou toute demande » signifie que
le président de la juridiction statuant en matière d’urgence connaît à la fois des
contestations de fond et de forme relatives aux saisies1032.

Constituent des titres exécutoires, aux termes de l’article 33 de l’Acte uniforme sous
examen:
1° les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont
exécutoires sur minute ;
2° les actes et décisions juridictionnelles étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés
exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif
d’exécution, de l’État dans lequel ce titre est invoqué ;
3° les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4° les actes notariés revêtus de la formule exécutoire;
5° les décisions auxquelles la loi nationale de chaque État partie attache les effets d’une
décision judiciaire.

Qu’en est-il d’un Procès-verbal de conciliation signée par l’Inspecteur du travail ? Qu’en
est-il d’une reconnaissance de dette actée dans un procès-verbal d’audition dressé par un
OPJ ou un OMP et signé par la partie auditionnée ? Quid des actes de recouvrement dressés
par l’Administration fiscale ?
1031
CCJA, 2ème ch., 09 mars 2006, ayants droit de la KOK c/ Société ivoirienne d’Assurance Mutuelle dite SIDAM,
Caisse de Règlement Pécuniaire des Avocats dite CRPA, arrêt n°08 , Ohada.com/Ohadata J-07-15, GD CCJA,
p.469, obs. Joseph Fomeuteu.
1032
Le président du tribunal (de première instance) joue aussi bien le rôle de juge des référés que celui du
contentieux de l’exécution, ce qui oblige le requérant à préciser en quelle qualité il la saisit ; en conséquence,
au cas où le requérant vise, dans son assignation, le président statuant en matière de référé, ce dernier doit se
déclarer incompétent dès lors qu’il y a eu commencement d’exécution avec la signification du commandement;
TPI de Yaoundé, 23 octobre 2003, BICEC c/ Messy Bernard, ord. de référé n°36/C, Ohada.com/Ohadata J-04-
537.
391

Dans les dispositions générales de son deuxième livre sur les voies d’exécution, l’Acte
Uniforme pose des principes généraux relatifs au droit à l’exécution, aux conditions de
l’exécution forcée, etc. L’article 28 édicte un principe selon lequel, sauf dans le cas des
créances hypothécaires, le créancier doit commencer par opérer des saisies sur les meubles
avant de saisir les immeubles. Ce principe voudrait que les créanciers chirographaires 1033
pratiquent d’abord la saisie mobilière et de ne poursuivre la saisie immobilière que si le
produit de la vente des biens mobiliers est insuffisant.1034

III. Présentation des biens saisissables

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 50 de l’Acte uniforme, les saisies peuvent porter sur
tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers, sauf
s’ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de chaque Etat partie. Ainsi, l’article
127 CPC reste d’application. Il dispose :
« Ne peuvent être saisis:
1° le coucher et les habits du saisi et de sa famille;
2° les livres indispensables à la profession du saisi et s’il est artisan, les outils nécessaires à
son travail personnel;
3° les provisions de bouche nécessaires à la nourriture du saisi et de sa famille pendant un
mois;
4° une bête à corne, ou trois chèvres, ou trois moutons, au choix du saisi. »

§ 2. Présentation des règles relatives aux voies d’exécution

Le législateur OHADA fait une catégorisation binaire des voies d’exécution : d’une part, il
réglemente les saisies conservatoires (I) et, d’autre part, les mesures d’exécution (II). Les
mêmes conditions liées à la qualité de la créance sont posées à ce niveau. L’exécution forcée
n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible sous réserve
des dispositions relatives à l’appréhension et à la revendication des meubles (Art.31).

I. Les saisies conservatoires

Les saisies conservatoires ont pour but de garantir le créancier contre l’insolvabilité du
débiteur.
Le créancier ne peut y recourir qu’à la réunion des conditions suivantes :
- Apparence fondée de la créance ;
- Existence des circonstances menaçant le recouvrement ;
- Autorisation de la juridiction compétente lorsque le créancier n’est pas muni d’un titre
exécutoire.
L’Acte Uniforme distingue trois sortes de saisies conservatoires à savoir :
- La saisie conservatoire des biens corporels (articles 64-77) ;
- La saisie conservatoire des créances (articles 77-84) ;
1033
Le créancier chirographaire est celui qui ne bénéficie d’aucune garantie pour le paiement de sa créance, il
n’a pas voulu ou a simplement négligé de prendre une garantie pour l’exécution des obligations qui pèsent sur
son débiteur.
1034
Doit donc être annulée la procédure de saisie immobilière engagée par un créancier qui ne justifie pas d’une
créance hypothécaire ou privilégiée ou qui ne rapporte pas la preuve que les meubles saisis sont insuffisants
pour couvrir sa créance, Tribunal régional hors classe Dakar, 04 mai 1999, jugement n°800, Rép. Credila, p. 131.
392

- La saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières (articles 85-87).

Les saisies conservatoires ont pour effet de rendre les biens du débiteur indisponible. Par
conséquent, ce dernier ne peut les aliéner ni les donner en gage. Pour être payé, le créancier
qui aura fait constater la validité de la saisie doit demander la conversion de la saisie
conservatoire en mesure d’exécution. L’Acte Uniforme permet au débiteur dont les biens ont
fait l’objet d’une saisie conservatoire d’en obtenir la mainlevée. Celle-ci n’est accordée que si
les conditions requises pour la saisie ne sont pas remplies.

Rendant les biens mobiliers du débiteur indisponibles, la saisie conservatoire saisie est
accordée par le juge en l’absence de tout titre exécutoire lorsque pèse sur le recouvrement de
la créance concernée une menace sérieuse (article 54). Il faut noter que la jurisprudence
OHADA fait une interprétation assez restrictive de la notion de « menace sérieuse ». Dans un
arrêt de la Chambre civile et commerciale d’Abidjan (Côte d’Ivoire), le motif de mauvaise foi
invoqué par le créancier n’a pas été retenu par le juge qui a considéré qu’il n’existait aucun
élément sérieux et objectif affirmant que le recouvrement de la créance était en péril. 1035

L’autorisation préalable du juge n’est en revanche pas nécessaire pour les créances résultant
d’un effet de commerce ou d’un chèque ou d’un contrat de bail d’immeuble écrit (article 55).

A l’instar de la procédure simplifiée de recouvrement de créances, les actions sont soumises à


des délais d’exécution précis. Le créancier dispose, à peine de caducité, d’un délai de trois
mois à compter de la décision pour faire pratiquer la saisie conservatoire (article 60) et d’un
délai d’un mois pour introduire une demande d’obtention d’un titre exécutoire (article 61) en
vue de la transformation de la saisie conservatoire en saisie-vente. Lorsque le créancier est
déjà en possession d’un titre exécutoire, l’intervention du juge n’est plus nécessaire ; la
signification de l’acte par l’huissier de justice ou l’agent d’exécution suffit (article 69 et
suivants). Le soin est cependant laissé au débiteur de saisir le juge s’il estime avoir des raisons
de contestation de la procédure. L’huissier de justice, ou l’agent d’exécution qui pratique une
saisie, a d’ailleurs l’obligation d’informer le débiteur de ses droits d’action (article 64).

La juridiction compétente est celle du domicile du créancier dans l’hypothèse où le débiteur


n’a pas de domicile fixe. C’est également le cas lorsque le domicile ou l’établissement du
débiteur est situé dans un pays étranger. On parle dans ces hypothèses de saisie foraine
(article 73).

Si la saisie conservatoire se déroule sans contestation, elle est convertie en saisie vente par la
signification d’un simple acte de conversion (articles 69, 82, 88). Cette procédure de
conversion qui est une innovation par rapport aux législations antérieures, dispense le
créancier d’une action en validité : ce que prévoyaient la plupart des législations antérieures.
Aux termes de l’article 69, le créancier, muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa
créance, signifie au débiteur un acte de conversion qui contient à peine de nullité :
1° les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant, ou, s’il s’agit de personnes
morales, leur forme, dénomination et siège social ;
2° la référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
3° une copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué dans le procès-verbal
de saisie, auquel cas il est seulement mentionné ;

1035
- Abidjan (Côte d’Ivoire), Civ.et com., n° 690 du 30 mai 2000.
393

4° le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que
l’indication du taux des intérêts ;
5° un commandement d’avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il
sera procédé à la vente des biens saisis.
Et dans les mêmes formes s’effectue la conversion de la saisie conservatoire des créances en
saisie-attribution.

Plusieurs créanciers peuvent prendre part à une saisie conservatoire sur les mêmes biens. Il
appartient au dernier créancier d’informer les créanciers antérieurs par voie d’huissier ; il doit
également faire connaître la nature de sa créance à l’agent d’exécution si la saisie a déjà été
convertie et cela, dans un délai de 15 jours suivants une lettre lui adressée quant à ce sous
peine de perdre le droit de participer à la distribution du prix.

II. Les mesures d’exécution de saisie conservatoire

Un créancier muni d’un titre exécutoire peut directement obtenir une mesure d’exécution sans
passer par la saisie conservatoire. A côté des mesures d’exécution portant sur des biens
meubles (1), celles portant sur les immeubles est particulièrement réglementée (2).

1. Mesures d’exécution portant sur les biens meubles

Ces mesures portent sur la saisie-vente (a), la saisie-attribution des créances (b), la saisie et
cession des rémunérations (c), la saisie-appréhension et la saisie-revendication des biens
meubles (d) et la saisie des valeurs mobilières (e).

a) La saisie-vente des meubles corporels

Elle permet au créancier muni d’un titre exécutoire de saisir les biens meubles de son
débiteur se trouvant entre les mains de ce dernier ou entre celles d’un tiers (articles 91 - 152).

Contrairement à l’expression « saisie-exécution » précédemment consacrée par les anciennes


législations dans la plupart des Etats membres, le terme de saisie-vente a le mérite d’être clair
et sans équivoque. Il a pour objectif, la vente des biens du débiteur par le créancier pour se
payer sur le prix. La possibilité est toutefois offerte au débiteur d’organiser une vente amiable
du bien saisi en accord avec ses créanciers (articles 115 à 119). Cette flexibilité de la
procédure mérite d’être soulignée car elle peut permettre de faire l’économie des contestations
éventuelles sur le prix de vente.

En résumé, la saisie-vente suppose :


- l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
- La signification d’un commandement
- Un objet : elle porte sur les biens meubles corporels appartenant au débiteur
- Un tiers créancier peut s’y joindre par opposition.
a.1. Le commandement

Il est signifié au moins 8 jours avant la saisie. Il mentionne le titre exécutoire ainsi que
commandement de payer dans 8 jours sous peine de vente forcée. Elle comporte élection de
domicile au ressort de la juridiction compétente.
394

a.2.Opérations de saisie

La saisie se déroule en présente des témoins, d’une autorité administrative, de la police en cas
de résistance et de la partie saisie mais toujours à l’absence du saisissant. L’huissier procède à
la désignation d’un gardien. L’huissier dresse le procès-verbal de saisie accompagné des
photographies si nécessaires. La saisie ne se déroule pas un dimanche ou un jour férié sauf
autorisation spéciale du Président de la juridiction compétente entre 8h et 18h.

L’huissier réitère verbalement le commandement au saisi, effectue un inventaire des biens,


établi l’acte de saisi (art. 100) ou PV de saisie. La signification de la saisie est faite par simple
remise de la copie au saisi (s’il assiste aux opérations) ou par signification ordinaire. Si aucun
bien n’est passible de saisie ou n’a manifestement pas de valeur marchande, l’huissier ou
l’agent d’exécution dresse un procès-verbal de carence sauf si le créancier requiert la
continuation de l’exécution (art. 96). La saisie rend indisponibles les biens qui en font l’objet
mais le saisi en conserve l’usage (art. 103).
a.3. Saisie vente entre les mains d’un tiers

Elle doit être autorisée par la juridiction du ressort du tiers (art. 105). Un commandement
préalable est signifié pour un délai de 8 jours. Il est par la suite fait invitation au tiers d’avoir à
déclarer les biens du saisi en sa possession et ceux saisis précédemment sous peine de
condamnation aux causes de la saisie. Un inventaire des biens est dressé et contient les
mentions énumérées à l’article 109. Un Procès-verbal est dressé et signifié au tiers saisi et au
débiteur dans les 8 jours de la saisie.
a.4. Vente

L’Acte Uniforme valorise d’abord une vente à l’amiable dans les 30 jours de la saisie. S’il y a
une possibilité, elle est signifiée au créancier saisissant ou aux créanciers opposants qui
peuvent l’accepter ou refuser (art. 117). Le silence vaut acceptation.
La vente forcée a lieu à défaut de vente à l’amiable. Elle a lieu aux enchères. La vente forcée
est effectuée par l’auxiliaire de justice habilité par la loi, après publicité (par affichage et
même par voie médiatique) 15 jours au moins avant la date fixée pour la vente (article 121) et
mention de la vente est faite sur un Procès-verbal dressé quant à ce. Un avis de vente forcée
est adressé au débiteur 10 jours avant sa tenue par lettre recommandée de l’huissier. Ce
dernier procédera ensuite à la vérification de la consistance des biens par voie de Procès-
verbal.

L’adjudication est faite au plus offrant après trois criées. 1036 L’adjudication est définie comme
étant l’attribution d’un bien meuble ou immeuble mis aux enchères, à la personne offrant le
prix le plus élevé. Le Procès-verbal de vente est ensuite dressé.
a.5. Incidents de la saisie (il s’agit de l’opposition des créanciers, de la demande
en mainlevée de la saisie, en nullité et de l’action en distraction)

Est compétent le juge du lieu de la saisie. Les créanciers intéressés par la saisie peuvent se
joindre à la saisie par voie d’opposition et peuvent effectuer une saisie complémentaire avant
la vérification des biens ; l’acte d’opposition mentionne le titre exécutoire (art. 91),
signification en est faite au débiteur et au premier saisissant.
1036
Art. 125 de l’Acte uniforme.
395

L’incident de la procédure peut concerner la demande de mainlevée de la saisie-vente. Celle-


ci sera prononcée par décision de justice ou peut découler de l’accord du créancier saisissant
ou des créanciers saisissants (art. 136). La mainlevée est généralement définie comme étant
l’acte par lequel un particulier ou un juge arrête les effets d'une hypothèque, d'une saisie,
d'une opposition pour violation des conditions de fond ou de forme.

La nullité est également possible, elle frappe les actes de procédure ne remplissant pas les
conditions pour leur validité. La nullité de la saisie peut être demandée lorsque les opérations
sont irrégulières. La question qui se pose est celle de savoir où se trouve la limite entre nullité
et mainlevée de la saisie. Les justiciables auront-ils le choix entre l’une ou l’autre voie ?
Quelle est celle qui est censée précéder l’autre ? Sont-elles exclusives ?
Les contestations relatives aux biens saisis peuvent être soulevées avec pour effet de
suspendre la saisie relative à ces biens. L’action en distraction 1037 est quant à elle introduite
par le tiers propriétaire avant la vente sinon c’est plutôt l’action en revendication en cas de
déchéance.1038

Les contestations relatives à la saisissabilité des biens peuvent être introduites par le titulaire,
le débiteur dans le mois à compter de l’acte de saisie. La sanction est la mainlevée de la saisie.
Les contestations relatives à la validité de la saisie sont sanctionnées par la nullité de la
procédure. Les demandes liées à la propriété ou à la saisissabilité des biens ne font pas
obstacle à la saisie mais suspendent la procédure pour les biens saisis qui en sont l’objet
(article 140). La demande en nullité ne suspend pas les opérations de saisie, à moins que la
juridiction n’en dispose autrement (article 146).

b) La saisie-attribution des créances

C'est l'opération par laquelle les sommes d’argent dues au débiteur sont immédiatement
attribuées au créancier saisissant.
Lorsque le débiteur a plusieurs créanciers, ceux-ci n’entrent pas en concours, ils sont
désintéressés par ordre de saisie (articles 153-172). Toutefois, pour qu’un autre créancier soit
partie à une saisie-attribution, il doit faire « intervention » à la saisie déjà engagée.
L’intervention se fait par requête remise ou adressée à la juridiction compétente contre
récépissé (article 190).

La procédure de saisie-attribution des créances, plus pragmatique pour toutes les parties,
remplace la saisie-arrêt. Contrairement à la saisie-arrêt qui rend indisponible la totalité des
avoirs du débiteur, la saisie-attribution porte limitativement sur le montant de la créance dont
le recouvrement est recherché (articles 153 à 172). Elle met le créancier à l’abri de tout
concours éventuel avec d’autres créanciers postérieurs. Le tiers saisi remplit parfaitement les
obligations découlant pour lui de l’article 154 de l’Acte uniforme en déclarant l’état du
compte bancaire du débiteur et en tirant au profit du créancier saisissant un chèque en
paiement des causes de la saisie.1039
1037
La distraction de saisie est généralement définie comme étant un incident de saisie par lequel un tiers se
prétend propriétaire de tout ou partie des biens saisis.
1038
L’action en distraction des biens suppose que la saisie est en cours. Si les biens ont déjà été vendus mais le
prix n’a pas encore été distribué, le tiers est fondé à demander la distraction du prix (v. article 142 de l’Acte
uniforme). S’il doit se pourvoir en dehors de cette période, il introduira plutôt une action en revendication.
1039
TPI Yaoundé, 8-1-2004, Bénédicta NGU BIAKA c/ BICEC SA, ord. n° 232, www.ohada.com, Ohadata J-04-411
396

En résumé, la saisie-attribution des créances nécessite un titre exécutoire constatant une


créance liquide et exigible. Le tiers saisi est obligé de déclarer l’étendue de ses obligations au
plus tard 5 jours après acte de saisie. L’acte de saisie rend les sommes indisponibles, il rend le
tiers personnellement débiteur des causes de la saisie. Les mentions à peine de nullité sont
prévues à l’article 157. La saisie doit ensuite, par acte d’huissier, être dénoncée dans 8 jours
au débiteur lequel peut s’y opposer dans le mois ; à défaut de dénonciation, il y a caducité de
la saisie.
b.1. Paiement par le tiers saisi

Un certificat de non-contestation de la part du débiteur doit être émis. Le paiement s’effectue


contre quittance entre les mains du créancier saisissant ou de son mandataire. Le tiers saisi
n’est tenu que dans la mesure de son obligation envers le débiteur saisi.
b.2. Contestations

La compétence en cette matière est réservée à la juridiction du domicile ou de la résidence du


débiteur et, à défaut, ceux du tiers saisi.1040 Elles sont introduites par voie d’assignation
diligentée par le saisi contre le saisissant dans un délai d’un mois à partir de la dénonciation
de la saisie au débiteur (ainsi qu’au tiers saisi). Dépassé ce délai, l’action en répétition de
l’indû est la voie qui reste ouverte. La décision est exécutoire sur minute et l’appel peut être
interjeté dans les 15 jours avec effet suspensif de l’exécution.

c) La saisie et cession des rémunérations

Elle permet au créancier après une tentative infructueuse de conciliation devant la juridiction
du domicile du débiteur, de procéder à la saisie d’une partie de la rémunération du débiteur.
La portion de la rémunération qui est saisissable est déterminée par la législation nationale
(articles 173 – 217).
Ce n’est qu’après une tentative de conciliation, qu’un créancier muni d’un titre exécutoire,
peut faire pratiquer une saisie des rémunérations entre les mains de l’employeur de son
débiteur (article 174). Il est rappelé dans une ordonnance de référé que la saisie des
rémunérations est soumise à une tentative de conciliation préalable alors que la saisie
attribution ne l’est pas1041.

d) La saisie appréhension et la saisie-revendication des biens meubles corporels

Elle permet au créancier de se faire remettre un bien meuble corporel par son débiteur. Le
créancier doit être muni d’un titre exécutoire (articles 218-226) ;

En complément de la procédure d’injonction de délivrer ou de restituer, le législateur a prévu


la saisie-appréhension et la saisie-revendication (articles 219 à 235). Cette saisie permet au
créancier de se faire délivrer ou restituer effectivement le bien en cause.

1040
Si le débiteur n’a pas de domicile connu dans le pays où est pratiquée la saisie-attribution, les contestations
relatives à ladite saisie peuvent être portées devant les juridictions du domicile ou du lieu où demeure le tiers
saisi ; les juridictions du pays où est pratiquée la saisie ont alors compétence pour connaître de la saisie, V.
CCJA, 1ere ch., 29 avril 2010, THALES SECURITY SYSTEMES, SAS c/ Maître Olivier KATTIE, arrêt n°03/2010, Juris
Ohada n°03/2010, juillet-août-septembre 2010, p.49.
1041
TPI Yaoundé (Cameroun) , 16 octobre 1999, obs. Joseph ISSA-SAYEGH.
397

La saisie-revendication quant à elle permet au créancier de rendre indisponible un bien


corporel en vue de sa restitution (articles 227-235).

e) La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières

Elle permet au créancier de saisir les droits et valeurs mobilières du débiteur soit auprès de la
société émettrice, soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres (articles
236-245).

Lorsque la réalisation de ces différentes saisies mobilières ne suffit pas pour payer le
créancier, ce dernier a recours à la saisie immobilière.

2. Mesures d’exécution portant sur les biens immeubles (articles 246-323)

Il s’agit d’une procédure complexe, longue et coûteuse. Essentiellement judiciaire, elle veille
à assurer à la fois la protection du débiteur qui est exproprié à l’issue de la procédure et celle
du nouvel acquéreur qui devra en avoir pleinement jouissance. Ni le droit antérieur, ni l’Acte
Uniforme n’ont donné une définition de la saisie immobilière. D’après le juge Birika Jean
Claude BONZI, il faut comprendre par saisie immobilière la procédure d’exécution forcée par
laquelle le créancier muni d’un titre exécutoire fait placer sous main de justice un ou plusieurs
immeubles appartenant à son débiteur en vue de les vendre pour se faire payer sur le prix.

Le créancier est contraint de se soumettre au strict respect des dispositions légales sans avoir
la possibilité d’y déroger au moyen de clauses contractuelles (articles 246 et suivants). Dans
le cadre de notre analyse,1042 nous nous contenterons d’évoquer les principaux aspects sur
lesquels des précisions ou des nouveautés ont été apportées par le législateur.1043

Il s’agit essentiellement de l’état de l’immeuble (a), de la mise à prix et de la vente à l’amiable


par le débiteur (b), une brève présentation de la vente de l’immeuble (c) et un résumé de la
procédure de la saisie immobilière (d).

a) L’état de l’immeuble

Les biens qui sont susceptibles de saisie immobilière ne sont pas expressément énumérés dans
l’Acte uniforme. La doctrine « OHADA », par analogie au droit français en conclut qu’il
s’agit de tous les biens pouvant faire l’objet d’une hypothèque tel que prévu par l’article 192

1042
Lire avec intérêt Arlette Boccovi, « De la gestion des risques de non paiement dans l’espace OHADA »
disponible sur www.institut-idef.org/, consulté le 11 avril 2014.
1043
- Pour une étude complète sur le sujet, voir Ndiaw DIOUF « Saisie immobilière », www.bj.refer.org
398

du nouveau texte anciennement 119 alinéa 21044 de l’Acte Uniforme Portant Organisation des
Sûretés.

Conformément à la plupart des législations nationales, seuls les immeubles immatriculés


peuvent faire l’objet d’une saisie (et en RDC les immeubles dont le certificat d’enregistrement
a été établi). Le législateur OHADA maintient ce principe en précisant que l’immatriculation
devra intervenir préalablement à l’adjudication. Elle peut être faite par le débiteur ou par le
créancier qui devra obtenir l’autorisation du président de la juridiction compétente.

b) La mise à prix

La mise à prix - seuil minimal exigé pour les enchères - est fixée au quart de la valeur vénale
de l’immeuble. Ladite valeur est appréciée soit au regard de l’évaluation faite lors de la
constitution de l’hypothèque conventionnelle ou en comparaison avec des transactions portant
sur des immeubles de nature et de situation similaires (Article 267-10). On peut espérer que
cette disposition permettra de réduire les multiples contestations du débiteur liées à la mise à
prix. Il a été jugé que la mise à prix d’un immeuble saisi ne doit pas être inférieure au quart
de la valeur vénale dudit immeuble telle qu’appréciée lors de la constitution de l’hypothèque
conformément à l’article 267 Acte uniforme.1045

c) La vente amiable par le débiteur

La possibilité de vente amiable est offerte au débiteur saisi, en matière de saisie mobilière. 1046
Cette disposition n’est pas reprise dans la procédure de saisie immobilière. Mais elle ne nous
semble pas non plus exclue. Les articles 324 et suivants de l’Acte Uniforme relatifs à la
distribution du prix, laissent entrevoir la possibilité donnée à des personnes autres que le ou
les créanciers, de réaliser la vente. Cette interprétation gagnerait à être confirmée par la
CCJA dans le cadre d’un avis consultatif. Cette option, que n’a peut être pas souhaité
transcrire clairement le législateur, pourrait être une meilleure solution de recouvrement forcé
aussi bien pour le débiteur que pour le créancier.

d) Procédure

La procédure est d’ordre public, les conventions contraires des parties sont inopérantes en
cette matière.
d.1. Conditions

1044
Article 119 al 2 de l’acte uniforme portant organisation des sûretés : « Peuvent faire l’objet d’une
hypothèque :
1°) Les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à l’exclusion des meubles qui
constituent l’accessoire ;
2°) Les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat partie » l’ancien texte quant à lui
se réfère au régime foncier.
L’on peut débattre encore du contenu à donner aux fonds non bâtis cités ci-haut. En droit fiscal congolais, ce
sont généralement des parcelles non couvertes par un certificat d’enregistrement. Bien que ces fonds
pouvaient faire l’objet d’une hypothèque au bénéfice du « droit à devenir concessionnaire » (encore que
l’inscription de cette dernière aurait été matière à débat), la nécessité du certificat d’enregistrement rend
difficile la saisie immobilière en droit congolais à ce titre !
1045
TGI de la Menoua à Dschang, 12-5-2003, AFRILAND FIRST BANK anciennement dénommée CCEI Bank c/
Fongou Fidèle Taneuzou et trois autres, n° 35/ADD/civ., www.ohada.com, Ohadata J-05-18.
1046
Article 115 de l’acte uniforme.
399

Il faut un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Un titre exécutoire par
provision est admissible. Cette saisie immobilière ne peut se pratiquer que sur un immeuble
« immatriculé » d’après l’Acte Uniforme. L’immatriculation, dans les pays qui admettent ce
système, sert à rendre public la situation de l’immeuble aux yeux des tiers étant donné que le
transfert s’effectue solo consensu. En droit congolais, la publicité est assurée par le certificat
d’enregistrement. Ce document, au-delà de la simple publicité remplit une autre fonction
essentielle à savoir celle du transfert de propriété ou de concession. Ce titre est essentiel pour
la constitution du droit réel immobilier en droit congolais. Donc, ainsi compris, la saisie
immobilière ne peut porter que sur un immeuble couvert par un certificat d’enregistrement.
La compétence du juge est déterminée par la situation de l’immeuble.
d.2. Mise sous main de justice

Il faut un commandement préalable aux fins de saisie à signifier au débiteur ou tiers détenteur.
Les mentions sont prévues à l’article 254. Le commandement est visé par le Conservateur des
titres immobiliers avec remise d’une copie. Ce commandement est publié dans les trois mois
de sa signification. La radiation de l’inscription du commandement peut avoir lieu sur
consentement des créanciers ou après paiement dans le délai ou à la suite de la saisie donnée
par le créancier. La radiation peut être provoquée devant le juge d’urgence qui statue dans les
8 jours. Sa décision peut faire objet de recours.
En cas de non paiement, le commandement vaut saisie à compter de son inscription.
L’immeuble est indisponible. Les fruits sont à déposer à la caisse de dépôt ou auprès d’un
séquestre.1047
d.3. Préparation de la vente

Un cahier de charges doit être rédigé : le document est rédigé et signé par l’avocat du
créancier poursuivant, qui précise les conditions et modalités de la vente de l’immeuble saisi
(art. 266). Il est déposé au Greffe de la juridiction compétente dans 50 jours au maximum à
compter de la publication du commandement sous peine de déchéance. Son contenu est
précisé à l’article 267. La date de la vente est fixée dans l’acte de dépôt du cahier de charges
45 jours au plus tôt.

Sommation est faite au saisi et aux créanciers inscrits de prendre connaissance du cahier de
charges ainsi que leurs observations 8 jours après dépôt. Les mentions en sont précisées à
l’article 270. En cas de contestation, la juridiction de la situation de l’immeuble peut être
saisie sur la valeur globale de l’immeuble. La publicité en vue de la vente se fait 30 jours plus
tôt et 15 jours au plus tard avant l’adjudication et un extrait du cahier de charges est publié
(art. 276).
d.4. Vente

Elle a lieu au jour indiqué sur réquisition de l’avocat ou du créancier. Une remise est possible
pour motifs graves sur décision motivée rendue sur requête déposée 5 jours au moins avant le
jour de la vente. C’est le juge des urgences qui est compétent.
La vente de l’immeuble a lieu aux enchères publiques à la barre de la juridiction compétente
ou en l’étude du notaire. Les enchères sont les offres successives et de plus en plus élevées

1047
Le séquestre est soit conventionnel ou judiciaire. D’après l’art. 519 CCCLIII, le séquestre conventionnel est
le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers, qui s’oblige
de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir.
400

présentées par des personnes qui désirent acquérir l’immeuble. Celui qui fait l’offre la plus
importante est déclarée adjudicataire (art. 282). L’adjudication est prononcée par décision
judiciaire ou procès-verbal du notaire.

La surenchère est un incident de la saisie immobilière. En effet, après une adjudication, toute
personne peut, dans les dix jours qui suivent, faire une surenchère pourvu qu'elle soit du
dixième au moins du principal de la vente, qui oblige à procéder à une seconde adjudication.
Le délai de surenchère emporte forclusion. La surenchère est dénoncée dans les 5 jours à
l’adjudicataire, au poursuivant et à la partie saisie. Elle peut être contestée dans une audience
éventuelle par voie de conclusion déposées 5 jours au moins avant l’audience. Une nouvelle
enchère est ouverte au jour fixé. Cependant, surenchère sur surenchère ne vaut. Pas de
nouvelle surenchère sur une seconde adjudication.
d.5. L’adjudication

Une décision judiciaire ou un procès-verbal d’adjudication du notaire est portée en minute à la


suite du cahier de charges. Ces documents ne peuvent faire d’aucun recours (sauf art. 313).
Lorsque l’adjudication est devenue définitive, une expédition est déposée à la Conservation
du titre immobilier dans les 2 mois. La réception de cette expédition entraîne sa mention en
marge du commandement publié, la radiation de tous les privilèges et hypothèques inscrits qui
se trouvent purgés par la vente, même ceux inscrits postérieurement à la délivrance des états
d’inscription ; les créanciers n’ont, alors, plus d’action que sur le prix. L’adjudication ne
transfère d’autres droits que ceux appartenant au saisi.

Les délais sous cette matière sont prévus, généralement, à peine de déchéance et les formalités
sont prévues à peine de nullité. Mais c’est le principe « pas de nullité sans grief » qui est
d’application (art. 297). S’il ne survient pas d’enchère, le poursuivant est déclaré adjudicataire
pour la mise à prix.
1048
d.6. Incidents de la saisie immobilière

Les contestations sont soumises soit par requête avec assignation soit par simples conclusions
auprès du juge d’urgence. L’action droit être introduite au 8 ème jour avant l’adjudication. Les
décisions rendues en cette matière ne sont pas susceptibles d’opposition ; elles ne sont pas non
plus susceptibles d’appel sauf si la décision statue sur la créance ou sur les moyens de fond
tirés de l’incapacité de l’une des parties, de la propriété, de la saisissabilité ou de l’aliénabilité
des biens saisis.

Le tiers qui se prétend propriétaire d’un immeuble saisi et qui n’est tenu, ni personnellement
de la dette ni réellement sur l’immeuble, peut, pour le soustraire à la saisie, former une
demande en distraction avait l’adjudication jusqu’au 8ème jour avant l’adjudication. Dans le
système congolais, il y a lieu de tenir compte du délai d’attaquabilité du certificat
d’enregistrement. Elle est formée aussi bien contre le saisissant que contre le saisi. La nullité
de la procédure ainsi que de l’acte d’adjudication est possible. Les moyens liés à la
contestation ainsi que ceux liés à la nullité doivent être présentés avant l’audience éventuelle
et au plus tard avant l’adjudication.1049
1048
En considérant l’apport du Tribunal Régional de Dakar, les incidents de saisie immobilière comme des
contestations et des demandes qui naissent au cours d’une procédure après la signification du
commandement, V. Tribunal régional hors classe Dakar.
1049
Lire avec intérêt l’article 299 de l’Acte uniforme.
401

La folle enchère tend à mettre à néant l’adjudication en raison de manquement de


l’adjudicataire à ses obligations et à provoquer une nouvelle vente aux enchères de
l’immeuble (art. 314). Elle peut être intentée par le saisi, le créancier poursuivant et les
créanciers inscrits et chirographaires contre l’adjudicataire et ses ayant cause sans aucun délai.
402

HUITEME PARTIE: LES FRAIS DE JUSTICE

CHAPITRE I:
CONSIGNATION ET RECOUVREMENT DES FRAIS

SECTION 1: CONSIGNATION DES FRAIS

§ 1. Obligation de consigner les frais

Lorsque le demandeur fournit les éléments nécessaires à la rédaction de l’assignation, il


consigne entre les mains du greffier la somme de (200 francs congolais au premier degré, et
de 300 francs congolais au degré d’appel). Lorsque, au cours de la procédure, la somme
consignée paraît insuffisante, le greffier fixe les suppléments à parfaire. En cas de contestation
sur le montant de la somme réclamée par le greffier, le président de la juridiction
décide1050.Aucun acte de procédure ne sera exécuté avant que la consignation prescrite ait été
opérée et la cause sera rayée du rôle en cas de non versement de la somme requise à titre de
supplément1051.

§ 2. Dispense de la consignation des frais

La partie indigente est dispensée, dans les limites prévues par le juge, de la consignation
des frais. Les frais d’expertise et les taxations à témoins sont avancés par le Trésor.
L’indigence est constatée par le président de la juridiction devant laquelle l’action est ou doit
être intentée ; ce magistrat détermine les limites dans lesquelles les frais sont avancés par le
Trésor1052.

En cas d’indigence constatée par le juge ou par le président de la juridiction qui a rendu le
jugement, la grosse, une expédition, un extrait ou une copie peut être délivrée en débet;
mention de la délivrance en débet est faite au pied du document livré. Dans le même cas, le
paiement préalable du droit proportionnel n’est pas une condition de la délivrance de la
grosse, d’une expédition, d’un extrait ou d’une copie du jugement1053.

1050
Article 144 du Code de procédure civile.
1051
Article 145 du Code de procédure civile.
1052
Article 146 du Code de procédure civile.
1053
Article 158 du Code de procédure civile.
403

SECTION 2: RECOUVREMENT DES FRAIS


Les frais sont retenus par le greffier sur les sommes consignées, sauf à la partie qui en a
fait l’avance à poursuivre le remboursement contre l’autre partie condamnée aux frais 1054.
L’état des frais est dressé par le greffier ; il est vérifié et visé par le juge du tribunal du
premier degré pour les frais exposés devant sa juridiction d’appel pour les frais exposés
devant celle-ci1055.

1054
Article 147 du Code de procédure civile.
1055
Article 148 du Code de procédure civile.
404

CHAPITRE II: LE DROIT PROPOTIONNEL

SECTION 1: NOTIONS
Il est dû un droit proportionnel de 10% sur toute somme ou valeur mobilière allouée par un
jugement passé en force de chose jugée, par une sentence arbitrale ou par un jugement
étranger rendu exécutoire1056. Il s'agit d'un impôt que l'Etat perçoit sur le mouvement des
sommes d'argent et autres valeurs mobilières1057.

SECTION 2: MODALITÉS DE DÉTERMINATION


DE DROIT PROPORTIONNEL
Si le montant des valeurs adjugées n’est pas déterminé dans le jugement, il est fixé par le
greffier, chargé de percevoir le droit, sous réserve pour la partie tenue d’acquitter ou de
supporter celui-ci, d’assigner le greffier en justice aux fins d’entendre réviser l’évaluation
faite par lui. L’action n’est recevable qu’après la liquidation du droit. Elle est introduite,
instruite et jugée comme en matière civile. Les frais de l’instance sont à charge de la partie
succombant, ils sont tarifés comme en matière civile. Le jugement est susceptible des mêmes
recours, dans les mêmes conditions et sous les mêmes formes que ceux prononcés en matière
civile1058.

Pour les condamnations au paiement de rentes ou pensions, dont le capital n’est pas
exprimé au titre, le montant taxable est de vingt fois la prestation annuelle si elle est viagère et
de cinq fois la prestation annuelle dans tous les autres cas1059.

SECTION 3: RECOUVREMENT DE DROIT PROPORTIONNEL


Le droit proportionnel est dû sur la minute du jugement. Il ne donne pas lieu à
consignation. Le droit est dû par la partie condamnée et payé par elle entre les mains du
greffier dans le mois qui suit la date où la décision est passée en force de chose jugée ou a été
rendue exécutoire. A défaut par la partie condamnée de payer le droit, celui-ci est payé par la
personne au profit de laquelle la condamnation a été prononcée, sauf le droit pour elle d’en
poursuivre le recouvrement contre celui qui doit le supporter1060.

Les poursuites en recouvrement du droit proportionnel sont exercées, en vertu d’un


exécutoire, délivré par le juge ou par le président de la juridiction qui a rendu le jugement
donnant lieu à la perception du droit, après un commandement resté infructueux, de payer
1056
Article 152 du Code de procédure civile.
1057
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Droit et Idées Nouvelles,
Académia-Bruylant, 2006, n° 707, p.622.
1058
Article 153 du Code de procédure civile.
1059
Article 154 du Code de procédure civile.
1060
Article 155 du Code de procédure civile.
405

dans les trois jours sans préjudice aux saisies conservatoires à opérer dès le jour de
l’exigibilité du droit, avec l’autorisation du juge1061.

Sauf dans le cas d'indigence, le greffier ne peut délivrer, si ce n’est au ministère public,
grosse, expédition, extrait ou copie de jugement avant que le droit proportionnel n’ait été
payé, même si au moment où le document est demandé la condamnation n’a pas encore
acquis force de chose jugée. Si, sur opposition ou appel, le jugement sur lequel le droit
proportionnel aurait été perçu est réformé, celui-ci est restitué en tout ou en partie, ou le
supplément perçu, selon le cas. La restitution ne peut avoir lieu que lorsque la nouvelle
décision a acquis force de chose jugée. L’action en restitution se prescrit par un délai de deux
ans à compter de ce moment1062.

1061
Article 156 du Code de procédure civile.
1062
Article 158 du Code de procédure civile.
406

NEUVIEME PARTIE: L'ARBITRAGE

CHAPITRE I: AVANT LE DROIT OHADA

SECTION 1: CONVENTIONS D'ARBITRAGE

§ 1. Notions générales
I. But de l'arbitrage

Le législateur n’a pas obligé les parties litigantes de soumettre le différend qui
les oppose aux juridictions établies par la loi. Toutes personnes peuvent, à l’occasion d’un
contrat qu’elles rédigent et signent, prévoir qu’elles soumettront les conflits à naître sur les
clauses et dispositions de leur convention à un ou plusieurs arbitres, c’est-à-dire à une ou
plusieurs autres personnes privées qui ne font pas profession de magistrat mais qui sont
choisies à raison de leur compétence particulière dans une ou plusieurs matières déterminées.
D’autres, sans avoir rédigé de conventions préalables de leurs engagements réciproques ou
qui n’ont pas prévu dans leurs conventions le recours à arbitres peuvent décider au moment où
naît leur différend de soumettre ce dernier non au tribunal instauré par la loi mais à des
arbitres qu’elles choisissent et déterminent.

II. Définition

On peut définir l’arbitrage comme “ une juridiction que la volonté des parties
confère à de simples particuliers pour statuer sur une ou plusieurs contestations qui les
divisent ”. De cette définition, peuvent être tirées plusieurs conséquences :

1 l’arbitrage est un contrat qui exige la volonté de toutes les parties ;


2 l’arbitrage suppose l’existence d’un différend, d’une contestation. La juridiction
gracieuse ne peut jamais faire l’objet d’un arbitrage.

Ainsi défini, l’arbitrage se rapproche de l’expertise dont il diffère cependant sur de


nombreux points car il y a expertise quand les parties ont, à seule fin de s’éclairer, demandé
un avis au sujet du différend qui les sépare mais, sans prendre l’engagement de se rallier aux
avis des experts. Au contraire, l’arbitrage suppose que les parties ont décidé d’accepter l’avis
des personnes qu’elles consultent. Les arbitres tranchent le différend comme le feraient des
juges ordinaires. La clause d’une convention par laquelle les parties décident de soumettre à
des arbitres les différends qui pourraient naître entre elles sur les dispositions qu’elles
viennent d’adopter ou les engagements qu’elles ont souscrits s’appelle la clause
compromissoire. Si la convention d’arbitrage ne fait pas partie d’un contrat mais constitue
une décision volontaire de soumettre à arbitres le différend qui vient de naître entre
particuliers, elle prend la dénomination de "compromis". En fait, le compromis porte sur une
407

contestation née et actuelle tandis que la clause compromissoire a pour objet un différend
futur éventuel.

La clause compromissoire, le compromis ainsi que la procédure devant les


arbitres ont fait l’objet d’une réglementation légale que le législateur a insérée au titre V du
Code de procédure civile (art.159-194).

§ 2. De la clause compromissoire

I. Condition de validité

Pour pouvoir signer une clause compromissoire valable, c’est-à-dire pour


compromettre, il faut que plusieurs conditions soient réunies. Ces conditions concernent pour
partie les personnes signataires de la clause, pour partie le contenu de la clause elle-même.

1. Quant au contenu de la clause

1ère condition : On peut compromettre en principe sur toutes matières car toutes les conventions
sont libres pourvu qu’elles ne portent pas attente à l’ordre public ni aux bonnes mœurs. Mais, on ne
peut compromettre sur toutes contestations qui touchent à l’ordre public (CPC, art.159). Il faut en
trouver la raison dans le fait que ces litiges doivent nécessairement et en vertu de la loi être
communiqués au ministère public qui doit donner un avis et que l’arbitrage ne peut avoir pour effet de
tourner la loi (par exemple interdiction de compromettre en matière de divorce, d’état et de capacité
des personnes, de pension alimentaire etc.

2ème condition : La clause compromissoire ne doit pas nécessairement contenir le nom des arbitres
(CPC, art.160) mais, elle doit quand même contenir la façon dont les arbitres seront désignés en cas de
différend. L’article 161 alinéa 3 précise cependant les cas où les parties n’auraient pas prévu de
disposition relative à la désignation des arbitres : un à trois arbitres sont désignés par le président du
tribunal de grand instance choisi par la partie la plus diligente.

3ème condition : Un objet certain formant la matière de l’engagement. L’objet doit être
suffisamment déterminé pour pouvoir en apprécier l’étendue. Il en est d’autant plus ainsi que la clause
compromissoire établissant une juridiction exceptionnelle est de stricte interprétation et que s’il y a
doute au moment de la naissance du litige sur l’interprétation à donner les tribunaux ordinaires
redeviennent compétents.

2. Quant aux personnes signataires

1ère condition : Les signataires de la clause doivent être capables (CPC, art.159). Il
s’ensuit que le mineur non émancipé et même le mineur émancipé ne peut compromettre
même assisté de ses représentants légaux. La femme mariée ne peut compromettre qu’avec
l’autorisation de son mari. L’interdit et le prodigue sous curatelle se voient frappés de la
même incapacité. Le failli qui n’a plus la libre disposition de ses biens n’a pas la possibilité de
signer une clause compromissoire même avec l’assistance de son curateur. L’Etat, les
provinces, les communes et les établissements publics n’ont pas le droit de compromettre car
408

leurs litiges doivent nécessairement être soumis et dans tous les cas à l’avis du ministère
public.

2ème condition : Les signataires doivent avoir le pouvoir de compromettre (CPC,


art.159). a) les mandataires légaux (tuteurs, curateurs, etc...) ne peuvent compromettre sur les
droits mobiliers ou immobiliers des représentés car le procès qui met ces derniers en cause
doit nécessairement être communiqué au ministère public ; b) les mandataires conventionnels
(fondé de pouvoir, gérants, administrateurs, représentants quelconques de sociétés ou
d’association) ont besoin d’un mandat spécial et exprès pour pouvoir compromettre au nom
de ceux qu’ils représentent.

II. Effets de la clause compromissoire

La clause compromissoire a pour effet :


1 d’obliger ceux qui l’ont stipulé à faire un compromis pour régler toutes les
contestations nées de la convention qui contenait la clause ;
2 de soustraire à la juridiction des tribunaux ordinaires toutes les contestations de
cette convention. Ainsi, si le demandeur assigne le défendeur devant le juge ordinaire, ce
défendeur peut opposer une exception d’incompétence et le juge doit admettre cette exception
sauf lorsqu’il s’avère que le procès intenté sort du cadre fixé par la clause. Toutefois,
l’exception d’incompétence n’est pas d’ordre public et pour que le défendeur puisse
valablement l’invoquer, il est tenu de le faire in limine litis et avant toute défense au fond. La
nullité de la convention entraîne la nullité de la clause compromissoire.

§ 3. Le compromis

I. Généralités

Lorsque les parties ont établi une clause compromissoire et qu’un différend
surgit entr’elles à propos de la convention qu’elles ont signés, elles doivent dresser un
compromis qui doit désigner l’objet du litige et le nom des arbitres. Cependant les parties
peuvent dresser un compromis et soumettre leur litige à arbitres même si elles n’ont pas fait la
convention préalable et s’il n’existe en conséquence aucune clause compromissoire.
Toutefois, le compromis peut être constaté par déclaration inséré au procès-verbal des arbitres
et signée par les parties (CPC, art.164, al.2). S’il existe une clause compromissoire, les parties
sont tenues de s’y conformer et de dresser un compromis de leur différend. En cas de refus
d’une des parties, le tribunal compétent rend un jugement valant compromis (CPC, art.164,
al.3).

II. Conditions de validité

Huit conditions sont requises:

- le compromis peut être établi sur toutes matières sauf celles qui touchent à l‘ordre public et
qui sont réservées à la compétence exclusive du tribunal.
409

- le compromis doit être constaté par écrit à l’exclusion de tout autre mode de preuve.
- le nom des arbitres doit y figurer.
- le compromis doit désigner l’objet du litige de façon fort précise.
- les parties doivent être capables.
- il faut avoir les pouvoirs requis.
- les parties doivent désigner le tribunal de grande instance auquel elles attribuent compétence
en raison de l'arbitrage. A défaut, le tribunal est choisi par la partie la plus
diligente (CPC, art.166).
- la durée du compromis doit être fixée. A défaut, la mission des arbitres cesse six mois après
la date du compromis sauf prorogation possible mais à condition qu’elle soit
faite par écrit (CPC, art.167).

SECTION 2: PROCÉDURE

§1. Généralités
Les parties et les arbitres ne doivent pas suivre les règles de procédure établies par la
loi pour les tribunaux sauf s’il y a convention contraire (CPC, art.168). Tout comme les juges,
les arbitres peuvent être récusés. Les parties se présentent devant les arbitre soit en personne
soit représentées par un avocat ou un fondé de pouvoir spécial agréé par les arbitres. Les
dossiers doivent être communiqués entre parties et les arbitres fixent un délai pour leur dépôt.
Les arbitres peuvent ordonner les mesures d’instruction, enquêtes, expertise, descente sur les
lieux, etc. Le tribunal arbitral peut être composé d’une ou de plusieurs arbitres suivant les
termes du compromis. S’ils sont plusieurs, ils doivent siéger en nombre impair et décident à la
majorité des voix. Le tribunal arbitral doit établir un procès-verbal relatif à la façon dont les
débats se déroulent devant eux. Les parties peuvent prendre des conclusions écrites ou
verbales.

§ 2. Sentence arbitrale (jugement arbitral)

I. Forme

La décision rendue par les arbitres s’appelle “ sentence arbitrale ”. Il tranchent le


conflit suivant les règles de droit à moins que dans le compromis ou la clause
compromissoire, les parties aient spécifié qu’ils décideraient sans suivre les dispositions
légales. Dans ce cas, on dit qu’ils statuent comme “ amiables compositeurs ”. La sentence
arbitrale doit être écrite. Elle est datée et signée par les arbitres. Elle n’est soumise à aucune
forme réglementaire mais, en règle générale, elle est rédigée dans le style des jugements.

II. Contenu et effets

Les arbitres doivent décider à qui incombent les dépens et fixent le montant de leurs
honoraires. Ils peuvent dire leur sentence exécutoire par provision nonobstant tout recours et
sans caution. S’ils ne disent rien, la sentence est exécutoire de plein droit mais moyennant
410

caution. Cependant, leur sentence n’a pas force exécutoire comme telle et il appartient aux
arbitres ou à l’un d’eux de déposer la sentence au greffe du tribunal de grande instance
compétent suivant le compromis à la requête de l’une des parties. Celle-ci soumet alors la
sentence au président du tribunal qui autorise l’exécution par ordonnance rendue sur requête.
Cette ordonnance est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa signification.

SECTION 3: EXÉCUTION ET VOIES DE RECOURS

§ 1. Exécution

A l’exception des sentences préparatoires ou interlocutoires, lesquelles seront exécutoires


de plein droit du jour où les arbitres en auront donné connaissance aux parties ou à leur
représentants, l’exécution forcée d’une sentence arbitrale ne pourra être poursuivie qu’après
que le président du tribunal compétent l’aura rendue exécutoire par une ordonnance accordée
sur la minute à la requête de la partie la plus diligente et sans qu’il soit besoin d’en
communiquer au ministère public1063.

§ 2. Voies de recours

L’opposition est interdite, nonobstant toute convention contraire. Il en est de même du


recours en cassation (CPC, art.187). L’appel est toujours possible à moins que les parties
décident dans la convention d’arbitrage que la sentence ne sera pas sujette à appel. Le recours
peut être déféré à d’autres arbitres si la convention d’arbitrage le mentionne, sinon devant la
cour d’appel. Le délai est de un mois à dater du jour de la signification de la sentence arbitrale
rendue exécutoire (CPC, art.188). La requête civile contre la sentence arbitrale peut être prise
pour les causes relatives au dol personnel et si l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées
fausses depuis la sentence arbitrale dans les délais et formes prescrits pour les jugements des
tribunaux. Elle est portée devant le tribunal qui est compétent pour connaître de l’appel 1064.

1063
Article 184 du Code de procédure civile.
1064
Article 187 in fine du Code de procédure civile.
411

CHAPITRE II: INCIDENCE DU DROIT OHADA

SECTION 1: CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES


La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA a pour mission de procurer une
solution arbitrale lorsqu'un différend d'ordre contractuel, en application d'une clause
compromissoire ou d'un compromis d'arbitrage, lui est soumis par toute partie au contrat, soit
que l'une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un des États-parties, soit
que le contrat soit exécuté ou à exécuter, en tout ou partie sur territoire d'un ou de plusieurs
Etats-parties. La Cour ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou confirme les
arbitres, est informée du déroulement de l'instance et examine les projets de sentence 1065. Le
différend peut être tranché par un arbitre unique ou par trois arbitres1066.

SECTION 2: PROCÉDURE

§ 1. Saisine

En application d'une clause compromissoire ou d'un compromis d'arbitrage, toute


partie à un contrat, soit que l'une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans
un des Etats-parties, soit que le contrat soit exécuté ou exécuter en tout partie sur le territoire
d'un ou plusieurs Etats parties, peut soumettre un différend d'ordre contractuel à la procédure
d'arbitrage1067.

Tout tribunal d'un Etat partie saisi d'un litige que les parties étaient convenues de
soumettre à l'arbitrage se déclarera incompétent si l'une des parties le demande, et renverra le
cas échéant à la procédure d'arbitrage prévue par le Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires1068.

§ 2. Instruction de la cause

L'arbitre instruit la cause dans les plus brefs délais par tous les moyens appropriés.
Après examen des écrits des parties et des pièces versées par elles aux débats, l'arbitre entend
contradictoirement les parties si l'une d'elles en fait la demande; à défaut, il peut décider
d'office leur audition. Les parties comparaissent soit en personne, soit par représentants
dûment accrédités. Elles peuvent être assistées de leurs conseils. Le procès-verbal d'audition
des parties, dûment signé, est adressé en copie au Secrétariat de la Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage de l'OHADA. L'arbitre peut statuer sur pièce si les parties le demandent ou
l'acceptent. Il règle le déroulement de l'audience. Celle-ci est contradictoire 1069.

1065
Articles 2.1 et 2.2 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
1066
Article 3.1 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage; article 22 alinéa 1 du
Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du droit des affaire.
1067
Article 21 alinéa 1 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du droit des affaire.
1068
Article 23 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du droit des affaire.
1069
Article 19 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
412

Si les parties se mettent d'accord au cours de la procédure arbitrale, elles peuvent


demander à l'arbitre que cet accord soit constaté en la forme d'une sentence rendue d'accord
des parties1070. Sauf accord contraire des parties et sous réserve qu'un tel accord soit
admissible au regard de la loi applicable, toutes sentences arbitrales doivent être motivées et
être signées par l'arbitre1071.

§ 3. Sentence arbitrale (jugement arbitral)

Avant de signer une sentence partielle ou définitive, l'arbitre doit en soumettre le


projet à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA. Celle-ci ne peut proposer
que des modifications de pure forme1072. Les projets de sentences sur la compétence, de
sentences partielles qui mettent un terme à certaines à certaines prétentions des parties, et de
sentences définitives sont soumis à l'examen de la Cour avant signature. Les autres sentences
ne sont soumises à un examen préalable, mais seulement transmises à la Cour pour
information. La Cour ne peut proposer que des modifications de pure forme1073.

SECTION 3: PORTÉE DES SENTENCES ARBITRALES

Aux termes de l’article 25 alinéa 1er du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du


Droit des Affaires, la sentence arbitrale OHADA a dès son prononcé la valeur d’un jugement
dans les Etats membres, et ce de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il faille une décision
judiciaire de reconnaissance ou une convention internationale de reconnaissance. En
conséquence, les sentences arbitrales sont efficaces de plano sur les territoires des autres Etats
membres. En guise d’illustration, l’autorité de la chose jugée attachée à une sentence arbitrale
OHADA constituera un obstacle au renouvellement au Bénin ou au Gabon d’une affaire ayant
déjà fait l’objet d’un arbitrage.

Cette disposition énonce ainsi une innovation de taille car en règle générale en effet, pour
qu’une sentence internationale ait autorité de la chose jugée dans un autre Etat, il faut que cet
Etat se soit engagé à reconnaître l’autorité de cette sentence. Comme la sentence arbitrale
OHADA est reconnue de plein droit, il en résulte que des mesures conservatoires peuvent être
prises, tel est l’intérêt attaché à la reconnaissance de plein droit. Le bénéficiaire de cette
sentence qui veut se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur peut, avant l’exécution de
celle-ci, prendre à l’encontre de son débiteur des mesures conservatoires sur des biens et
créances existant dans un autre Etat. Comme on peut le constater, cette sentence arbitrale est
pourvue de l’autorité de la chose jugée.

L'article 29 in fine du Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage


prévoit que la Cour évoque et statue au fond si les parties en font la demande dans l'hypothèse
où elle estime que la demande de contestation de validité de la sentence arbitrale est fondée. Il
s'agit ici de l'évocation en matière d'arbitrage.

1070
Article 20 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
1071
Article 22 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
1072
Article 24 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du droit des affaires.
1073
Article 23 du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
413

DIXIEME PARTIE: LES RECOURS DEVANT LES


JURIDICTIONS INTERNATIONALES

CHAPITRE I: LE TRIBUNAL DE LA COMMUNAUTE DE


DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE
AUSTRALE (SADC)

Le tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) a été


créé par le traité instituant la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC:
Southem Africa Development Community) le 17 août 1992, amendé le 3 octobre 2003. Nous
allons parcourir son ressort et siège (section 1), sa composition (section 2), ses compétences
(section 3), sa saisine (section 4) ainsi que les propositions de sa réforme (section 5).

SECTION 1: RESSORT ET SIÈGE


Son ressort s'étend à tous les quinze Etats qui ont ratifié le traité instituant la SADEC, il
s'agit des pays membres de la SADEC, à savoir: l'Afrique du Sud, l'Angola, le Botswana, l'île
Maurice, le Lesotho, le Madagascar, le Malawi, la Mozambique, la Namibie, la République
démocratique du Congo, les Seychelles, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.
Son siège est Gaborone au Botswana. Il siège avec les seuls membres du tribunal qui ont
participé à la procédure orale de l'affaire 1074. La République démocratique du Congo a adhéré
à ce traité le 8 septembre 1997.

SECTION 2: COMPOSITION
Le tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC)
comprend les membres du tribunal et le personnel du greffe. Les membres du tribunal sont
nommés par la conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement. En principe, ils ne peuvent
pas être révoqués durant la durée de leur mandat1075. Le Président du tribunal est élu par les
membres du tribunal. Celui-ci préside toutes les réunions du tribunal, dirige les travaux et
contrôle les services du tribunal1076.

Le greffier est élu par le tribunal sur une liste de ressortissants des Etas membres de la
SADC qui réunissent les conditions pour exercer dans leurs pays respectifs les plus hautes
fonctions judiciaires. Le tribunal peut nommer un assistant greffier. Sur proposition du
greffier, le tribunal peut recruter le personnel supplémentaire qui lui serait nécessaire pour
pouvoir remplir ses fonctions1077.

1074
Article 21, 2 du Règlement de procédure du tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique
Australe.
1075
Article 4, 2 du Règlement de procédure du tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique
Australe.
1076
Articles 7 et 8 du Règlement de procédure du tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique
Australe.
414

SECTION 3: COMPÉTENCES MATÉRIELLES


Le tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) a
comme compétence d'assurer le respect et la bonne interprétation des dispositions du Traité
instituant la SADC et ses instruments subsidiaires, et de statuer sur les différends qui peuvent
lui être déférés. Le tribunal peut donner des avis consultatifs sur des questions qui peuvent lui
être saisies1078.

Il convient de préciser que pendant sa première phase de fonctionnement, entre 2002 et


2005, la compétence du tribunal s'étendait aux litiges entre, d'une part, les Etats membres de
la SADC, et d'autre part, les litiges entre les Etats membres et les personnes physiques ou
morales. Mais depuis 2012, la compétence du tribunal se limite uniquement aux litiges entre
les Etats-membres1079.

SECTION 4: SAISINE
Avant de saisir le tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe
(SADC), l'on doit d'abord épuisé toutes les voies de recours interne, c'est-à-dire au niveau de
chaque Etat membre. Avant 2012, le tribunal était saisi par les Etats membres, les personnes
morales et les personnes physiques. Ainsi, les personnes morales ou physiques avaient droit
de poursuivre la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) pour tout
différend relatif à la légalité, l'interprétation ou l'application légale du droit communautaire.
Pendant cette période, aucun Etat n'a saisi le tribunal mais 12 particuliers ont saisi ledit
tribunal.

Mais depuis 2012, les particuliers ne peuvent plus saisir le tribunal. En effet, le
Zimbabwe appliquait une politique de redistribution de terres très controversée au début des
années 1990 qui a exproprié plus de 3000 fermiers blancs pour la plus part afin de redistribuer
leurs terres à la population sans terre. Préjudiciés par cette politique, après avoir épuisé toutes
les voies de recours au Zimbabwe, beaucoup de fermiers saisirent le tribunal de la
Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) pour obtenir justice. C'est
ainsi qu'en novembre 2008 et en 2010, le tribunal décida que la confiscation des terres
détenues par les fermiers blancs était indirectement ou directement de facto discriminatoire et
par conséquent inconstitutionnelle et que les plaignants avaient droit à des indemnités 1080.

Ces condamnations rendirent furieux le Président de Zimbabwe, Robert MUGABE qui


refusa d'abord de reconnaître l'autorité du tribunal et influença les Chefs d'Etats et de
gouvernement de pays membres de la SADC à supprimer la saisine tribunal par les

1077
Articles 10, 13 et 14 du Règlement de procédure du tribunal de la Communauté de Développement de
l'Afrique Australe.
1078
Article 16 du Traité instituant la Communauté de Développement de l'Afrique Australe.
1079
www.claiminghumanrights.org/sadc.html, 4 octobre 2013, 17 h 08 minutes.
1080
Voyez notamment Affaire Campbell (Pvt) and Others contre la République de Zimbabwe; Louis Karel Flick &
Others contre la République de Zimbabwe, www.claiminghumanrights.org/sadc.html, 4 octobre 2013, 17 h 08
minutes.
415

particuliers. Désormais, le tribunal est autorisé uniquement à examiner les différends entre
Etats, excluant l'accès des particuliers au tribunal1081.

SECTION 5: PROPOSITIONS DE SA RÉFORME


Nous nous limiterons à deux éléments essentiels: la nécessité d'indépendance du tribunal
(§1) et la nécessité pour les particuliers de saisir le tribunal (§2).

§ 1. La nécessité d'indépendance du tribunal

Nous avons montré que lors de la condamnation de Zimbabwe en 2008 par le tribunal de
la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) au sujet de l'expropriation
des fermiers blancs, ce pays avait catégoriquement refusé de reconnaître l'autorité du tribunal
d'ordonner une compensation financière pour les terres saisies. Le tribunal renvoya l'affaire
devant les chefs d'Etat et de gouvernement de la SADEC pour une décision. Incapables de
faire face aux conséquences politiques de l'expulsion ou de la suspension de Zimbabwe du
bloc régional, les dirigeants de la SADC ont plutôt suspendu les activités du tribunal depuis
août 2010 jusqu'en 2012 avant de réduire sensiblement ses compétences matérielles qui se
résument désormais entre uniquement Etats membres. Le mandat de juges et président du
tribunal qui arrivait à expiration, n'a plus été renouvelé 1082. Comme on le voit, le tribunal ne
bénéficie pas de son indépendance étant donné que ses décisions ont été étouffées. Il serait
urgent de réformer ce tribunal afin de le rendre indépendant par rapport aux chefs d'Etats et de
gouvernement, sinon cette institution ne servirait à rien.

§ 2. La nécessité pour les particuliers de saisir le tribunal

Nous avons montré que depuis 2012, les particuliers ne peuvent plus saisir directement le
tribunal de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC) pour obtenir
justice. Or depuis sa création, les Etats n'ont jamais saisi le tribunal contre un quelconque
Etat, il n'y avait jusque là que les particuliers qui saisissaient le tribunal contre leurs Etats.
Comme on a supprimé cette possibilité aux particuliers de saisir directement le tribunal, cette
juridiction risque de ne pas être opérationnelle. Et c'est la première fois au monde qu'un
instrument international de plaintes individuelles pour violation des droits de l'homme soit
aboli. A quoi servirait alors aux Etats membres de la SADC de payer des cotisations pour le
fonctionnement du tribunal qui ne fonctionne pas ?

Il serait urgent aux décideurs politiques de la RDC, de se retirer à ce traité et mettre fin
aux cotisations au bénéfice d'une institution qui ne fonctionne pas car l'économie de cet argent
pourrait servir à installer notamment les tribunaux de paix dont deux tiers d'entre eux ne
fonctionnent pas faute d'argent alors que ces tribunaux sont très essentiels pour restaurer la
paix sociale en RDC.
1081
www.ipsinternational.org/fr-note.asp.idure=6531, 4 octobre 2013, 17 h 33 minutes;
www.kas.de/rspssa/fr/publications/22940, 4 octobre 2013, 17h 14 minutes.
1082
www.ipsinternational.org/fr-note.asp.idure=6531, 4 octobre 2013, 17 h 33 minutes;
www.kas.de/rspssa/fr/publications/22940, 4 octobre 2013, 17h 14 minutes;
www.claiminghumanrights.org/sadc.html, 4 octobre 2013, 17 h 08 minutes.
416

CHAPITRE II: LA COUR DE JUSTICE DU MARCHE


COMMUN DE L'AFRIQUE ORIENTALE
ET AUSTRALE (COUR DE JUSTICE
DU COMESA)

Nous examinerons son origine (section 1), son ressort et siège (section 2), sa composition
(section 3), ses compétences (section 4), sa saisine (section 5) et les propositions de sa
réforme (section 6).

SECTION 1: ORIGINE
Le COMESA, de l'anglais Common Market of Eastern and Southern Africa, qui signifie
en français Marché commun de l'Afrique australe et orientale tire ses origines au milieu des
années 1960. Le Marché commun pour l'Afrique orientale et australe (COMESA) est une zone
de libre-échange formée le 8 décembre 1994 en remplacement d'une zone d'échanges
préférentiels qui existait depuis 1981. Le COMESA (tel que défini par son traité) a été créé en
tant qu’une « organisation d'Etats souverains libres et indépendants qui ont convenu de coopérer
dans le développement de leurs ressources naturelles et humaines pour le bien de tous leurs
peuples» et comme telle, elle a une vaste série d'objectifs qui incluent nécessairement dans ses
priorités la promotion de la paix et de la sécurité dans la région.

Le COMESA s'efforce d'atteindre le progrès économique et social durable de tous les États
membres par une coopération accrue et une intégration dans tous les domaines du
développement notamment dans le commerce, les domaines douanier et monétaire, du transport,
de la communication et de l'information, de la technologie, de l'industrie et de l'énergie, du genre,
de l'agriculture, de l’environnement et des ressources naturelles.

Le traité établissant le marché commun de l'Afrique Orientale et Australe (COMESA) fut


signé à Kampala, en Ouganda par 20 Etats le 5 novembre 1993, et ratifié au sommet de
Lilowe au Malawi le 8 décembre 1994 (date de son entrée en vigueur). C'est ce traité du
COMESA qui a créé la Cour de Justice du Marché commun de l'Afrique orientale et australe
(COMESA)1083. La Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements, tenu à Kinshasa du 26
au 27 février 2014, a confié la Présidence du COMESA à la RDC pour un an.

SECTION 2: RESSORT ET SIÈGE


Son ressort comprend tous les 20 pays membres du Marché Commun de l'Afrique
Orientale et Australe (COMESA), à savoir: le Burundi, l’Union des Comores, la RDC,
Djibouti, l’Egypte, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Libye, Madagascar, le Malawi, l’Ile
Maurice, le Rwanda, le Seychelles, le Soudan, le Soudan du sud, le Swaziland, l’Ouganda, la
Zambie et le Zimbabwe. Son siège est à Lusaka en Zambie.

1083
Articles 7, alinéa 1, c), 19 à 44 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
417

SECTION 3: COMPOSITION
La Cour de Justice du COMESA comprend une chambre de première instance et une
chambre d'appel. Cette Cour est composée de 12 juges nommés par la Conférence des chefs
d'Etats et de Gouvernements des Etats membres: 7 juges siègent à la Chambre de première
instance et 5 à la Chambre d'appel1084.

Les juges de la Cour sont choisis parmi des personnes impartiales et indépendantes
remplissant les conditions requises pour occuper les postes judiciaires élevés dans leurs pays
respectifs, ou qui sont des juristes de compétence reconnue, étant entendu qu'à aucun moment
la Cour ne peut être composée de 2 ou plusieurs juges ressortissant du même Etat membre. La
Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernements nomme le Président de la Cour parmi les
juges de la Chambre d'appel, et nomme le juge principal, parmi les juges de la première
instance1085. Le président et les juges ont un mandat de cinq ans, qui est renouvelable pour une
autre période de cinq ans1086.

La Cour comprend aussi le greffier et autres fonctionnaires. Le Conseil des ministres


nomme un greffier choisi parmi les ressortissants des Etats membres qualifié pour exercer de
hautes fonctions judiciaires dans leurs Etats respectifs. La Cour emploie, pour accomplir ses
fonctions, autant d'autres fonctionnaires que nécessaire, qui exercent leurs fonctions au
service de la Cour. Les termes et conditions de service du greffier et des autres fonctionnaires
sont, sous réserve du Traité de COMESA, déterminés par le Conseil des ministres sur
recommandation de la Cour. Sous réserve de la supervision globale du Président, le greffier
est responsable de l'administration journalière des affaires de la Cour. II accomplit également
les tâches que lui impose le Traité et le règlement de la Cour1087.

SECTION 4: COMPÉTENCES MATÉRIELLES

§ 1. Compétence consultative

La Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement, le Conseil des ministres ou un Etat


membre peut demander à la Cour de donner un avis consultatif sur des questions de droit
découlant des dispositions du Traité et ayant des incidences sur le Marché commun, et les
Etats membres, dans chaque demande du genre, ont le droit de se faire représenter et de
prendre part à l'instance1088.

§ 2. Compétence contentieuse

La Cour de Justice du COMESA a comme compétences de connaître les requêtes de


violation des dispositions du Traité du COMESA par un Etat membre ou par le Conseil des

1084
Articles 19 alinéa 2 et 20, alinéa 1 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale
(COMESA).
1085
Article 20, alinéas 2, 4 et 5 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1086
Article 21, alinéa 1 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1087
Article 41 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1088
Article 32 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
418

ministres1089. Ainsi, tout Etat membre peut saisir la Cour pour qu'elle détermine la légalité d'un
acte, d'une réglementation, d'une directive ou d'une décision du Conseil, s'il juge qu'un tel
acte, une telle réglementation, directive ou décision est au-delà des pouvoirs du Conseil,
illégale ou constitue une violation des dispositions du Traité de COMESA ou de toute règle
ou loi relatives à la mise en application de ce dernier, ou qu'elle constitue un abus d'autorité
ou de pouvoir1090.

La Cour de Justice est aussi compétente pour connaitre des différends surgissant entre le
Marché commun et ses fonctionnaires au sujet de l'application et de l'interprétation du
Règlement du personnel du Secrétariat, ou au sujet des conditions de service des
fonctionnaires du Marché commun. Elle est compétente pour connaitre de toute revendication
d'une personne quelconque contre le Marché commun ou ses institutions pour des actes posés
par leurs agents dans l'exercice de leurs fonctions. Enfin, elle est compétente pour connaître
des litiges résultant de différends entre les Etats membres au sujet du Traité du COMESA, si
elle est saisie de ce litige suivant un accord spécial conclu entre les Etats membres
concernés1091.

En pratique, la Cour du COMESA, dans la poursuite de son mandat en vertu du Traité du


COMESA, est déterminée à offrir une justice économique en assurant le règlement pacifique
des différends entre les États membres et entre les citoyens du Marché commun de l'Afrique
orientale et australe. La Cour a traité en 17 ans plus de 40 cas au sein des Etats membres du

COMESA. Le cas du règlement de conflits éthiopien-érythréen est un exemple parmi tant


d’autres. Nous devons toujours garder à l'esprit que des mécanismes de résolution pacifique
des conflits et un système d'arbitrage ne sont pas un luxe. Ils sont une garantie pour la stabilité
nationale, régionale, continentale et internationale.

La Cour est mandatée pour faire face à plusieurs types de conflits, tels que: les différends
commerciaux entre les États membres, les barrières tarifaires et douanières, l'origine des
marchandises, les produits contrefaits et les politiques protectionnistes, les différends
commerciaux entre les individus ou les sociétés et les états, entre autres.

SECTION 5: SAISINE
La Cour de Justice du COMESA peut être saisie par :
- les Etats membres1092;
- le Secrétaire général du COMESA1093;
- les personnes morales et physiques1094.

1089
Articles 24, 25, 25 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1090
Article 24, alinéa 2 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1091
Articles 27 et 28 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1092
Article 24 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1093
Article 25 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
1094
Article 26 du Traité du Marché Commun de l'Afrique Australe et Orientale (COMESA).
419

Ainsi, toute personne (morale ou physique) résidant dans un Etat membre peut demander à
la Cour de se prononcer sur la légalité de tout acte, réglementation, directive, ou décision du
Conseil ou d'un Etat membre, si elle estime que cet acte, directive, décision ou réglementation
est illégal ou constitue une violation du Traité du COMESA. Etant entendu que lorsque
l'affaire est relative de tout acte, réglementation, directive ou décision d'un Etat membre, la
personne ne peut saisir la Cour en vertu de cette disposition, à moins qu'elle n'ait d'abord
épuisé tous les recours au niveau interne.

SECTION 6: PROPOSITION DE SA RÉFORME


L'article 20 du Traité du COMESA prévoit que la Conférence des Chefs d'Etats et de
Gouvernement nomme le Président de la Cour parmi les juges de la Chambre d’appel, et le
juge principal, parmi les juges de la Chambre de première instance. Dans le souci de
sauvegarder leur indépendance vis-à-vis des Chefs d'Etats et de Gouvernement, il serait
souhaitable que le Président de la Cour et le juge principal soient désignés par leurs pairs, en
l'occurrence l'assemblée générale de tous les membres de la Cour.

De même, l'article 22 alinéa 1 du même Traité dit que le Président et les juges ne peuvent
être destitués de leurs fonctions que par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement,
pour mauvaise conduite notoire ou pour incapacité d'accomplir leurs fonctions respectives à
cause d'une infirmité physique ou mentale, ou pour toute autre cause spécifiée. Dans le souci
d'éviter l'arbitraire en cette matière, il serait souhaitable de clarifier à l'avance ce qu'on entend
par "cause spécifiée". Cela renforcerait l'indépendance des membres de la Cour vis-à-vis des
Chefs d'Etats et de Gouvernement.
420

CHAPITRE III: LA COUR COMMUNE DE JUSTICE


ET D'ARBITRAGE DE L'OHADA (CCJA)

Cette Cour a été créée par le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en
Afrique, signé à Port Louis (en Ile Maurice) le 17 octobre 1993. Nous examinerons son
ressort et siège (section 1), sa composition (§section 2), ses compétences (section 3), sa
saisine (section 4) ainsi que les propositions de sa réforme (section 5).

SECTION 1: RESSORT ET SIÈGE


Son ressort comprend tous les pays membres de l'OHADA, à savoir: Bénin, Burkina
Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée,
Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et le Togo. La République
démocratique du Congo a adhéré au Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des
affaires (OHADA) depuis le 15 décembre 2009. Son siège est Abidjan. La Cour peut toutefois
se réunir en d'autres lieux, sur le territoire d'un Etat membre, avec l'accorde de cet Etat, si elle
le juge utile1095. Elle siège au nombre de 5 membres.

SECTION 2: COMPOSITION
La Cour comprend les membres du tribunal (9 juges et 1 président), les chambres et le
greffe. Les membres de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA sont élus au
scrutin secret par le Conseil des ministres des Etats membres sur une liste des personnes
présentées à cet effet par les pays membres. Chaque Etat peut présenter deux candidatures au
plus. Les membres de la Cour sont inamovibles et tout membre de la Cour conserve son
mandat jusqu'à la date d'entrée en fonction de son successeur 1096. Les membres de la Cour
élisent leur président et les deux vice-présidents pour un mandat de trois ans non
renouvelables. Le Président préside les séances de la Cour, dirige les travaux, contrôle les
services et « exerce toute autre mission qui lui est confiée par (la CCJA) »1097.

Les autres membres de la Cour (7) sont élus pour un mandat de 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 ans 1098.
Comme on peut le remarquer, chaque juge bénéficie de l’inamovibilité jusqu’à la date
d’entrée en fonction de son successeur. C’est une garantie indispensable pour assurer au juge
l’indépendance nécessaire au succès de sa fonction.

Concernant les chambres, la Cour siège en formation plénière. Elle peut toutefois
constituer des chambres de 3 ou 5 juges. Ces chambres sont présidées par le Président de la
Cour ou l'un des vice-présidents1099.

1095
Article 19 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996.
1096
Article 36 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
1097
Article 7 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996.
1098
Articles 32, 36 à 38 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
1099
Article 9 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996.
421

Concernant le greffe, le Président de la Cour nomme le greffier en chef de la Cour après


avis de celle-ci, parmi les greffiers ayant exercé pendant au moins 15 ans et présentés par les
Etats membres. Il assure le secrétariat de la Cour 1100. Il exerce un rôle d’intermédiation pour
les communications, notifications ou significations émanant de la Cour ou adressées à celle-
ci. Il garde les sceaux, veille aux archives et publications de la Cour, assure les travaux
administratifs et la gestion financière, assiste aux audiences, fait établir les procès-verbaux de
ses séances et accomplit d’autres tâches que lui confie le président.

Il existe par ailleurs un poste de secrétaire permanent dont le titulaire est nommé par le
Conseil des ministres pour une durée de quatre ans renouvelables une fois. Le secrétaire
permanent nomme ses collaborateurs selon les critères de recrutement définis par le Conseil
des ministres.

Aux termes de l’article 49 du traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des


affaires, les fonctionnaires et employés du Secrétariat permanent de la Cour ainsi que les
juges et les arbitres désignés par la Cour ne peuvent être poursuivis pour des actes accomplis
en dehors de l’exercice de leurs fonctions qu’avec l’autorisation de la Cour. L’immunité qu'il
bénéficie constitue un gage d’indépendance pour les juges et le personnel de la Cour. A vrai
dire, les juges et les employés de la Cour ont un statut de fonctionnaire d’une organisation
internationale. Ils jouissent, à ce titre, des conditions de rémunération intéressantes et des
bonnes conditions de travail.

La Cour peut décider qu'un ou plusieurs greffiers adjoints seront chargés d'assister le
greffier en chef et de le remplacer dans les limites des instructions de ce dernier et approuvées
par le Président, après avis de la Cour1101.

SECTION 3: COMPÉTENCES MATÉRIELLES

§ 1. Compétence consultative

La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA (C.C.J.A.) peut être consultée


par tout Etat membre de l'OHADA ou par le Conseil des ministres sur toute question portant
sur l'interprétation et l'application du traité, des règlements et des actes uniformes. Les
juridictions nationales peuvent aussi saisir la Cour et solliciter de celle-ci un avis lorsqu'elles
sont saisies d'une cause en rapport à l'application des actes uniformes1102.

Les avis rendus par la Cour sont consultatifs c'est-à-dire qu'ils ne lient pas en principe les
demandeurs d'avis. La possibilité que les juridictions sollicitent des avis auprès de la Cour est
une excellente prévision susceptible de favoriser une meilleure interprétation des actes
uniformes. C’est aussi une meilleure façon pour le juge de fond des juridictions internes de
prévenir une éventuelle cassation de son jugement par la Cour.
1100
Article 39 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993; article 10
du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996.
1101
Articles 14 et 15 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996.
1102
Article 14 alinéa 2 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
422

§ 2. Compétence contentieuse

La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA (C.C.J.A.) a comme compétence


d'assurer dans les Etats membres, l'interprétation et l'application commune du Traité relatif à
l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, des règlements pris pour son application et
des actes uniformes1103.

La Cour connaît aussi le recours en cassation des décisions rendues des juridictions
d'appel des Etats membres de l'OHADA dans toutes les affaires soulevant des questions
relatives à l'application des actes uniformes et des règlements prévues au Traité à l'exception
des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions
sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats membres
dans les mêmes contentieux. En cas de cassation, elle évoque et statue sur le fond1104.

Comme on peut le remarquer, concernant le contentieux relatif à l’interprétation du traité


et des actes uniformes, la Cour dispose des outils de fonctionnement qui renforce son rôle de
garant de la sécurité judiciaire dans les Etats de membres de l'OHADA qui se traduit par les
éléments suivants : connaissance du pourvoi en cassation des matières qui relevaient des
juridictions de l'ordre judiciaire des Etats membres et l'éventualité de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage à connaître le fond de l'affaire dans l’hypothèse où il y a cassation.

I. Connaissance du pourvoi en cassation

Les pourvois en cassation des matières qui concernent le droit OHADA relèvent
désormais de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA
(C.C.J.A.). Il s'agit d'un grand bouleversement du droit judiciaire privé des Etats membres de
l’OHADA car selon l’article 2 du traité, les actes uniformes embrassent presque la totalité du
droit privé. Cet article prévoit qu'entrent dans le domaine du droit des affaires c'est-à-dire de
la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, l'ensemble de des règles
relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des
créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime de redressement des entreprises et de
la liquidation judiciaire, au droit d'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit
de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des ministres, décident à
l'unanimité d'y inclure. Apparemment, toutes les matières de droit privé relèvent désormais
de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, exceptées celles qui
concernent le droit de la famille (notamment, état de personnes, divorce, succession,
testament, libéralités).

Il y a lieu de souligner que cette compétence pour la Cour Commune de Justice et


d'Arbitrage de l'OHADA de connaître le pourvoi en cassation est une première dans les
juridictions internationales. En effet, d’autres juridictions supranationales telles que la Cour
1103
Article 14 alinéa 1 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
1104
Article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre
1993.
423

Européenne des Droits de l’Homme, la Cour de Justice de l'Union Européenne (ancienne


Cour de Justice des Communautés Européennes), ne se substituent pas aux juridictions de
cassation des Etats membres. Ces deux juridictions supranationales coexistent avec les
juridictions de cassation nationales et d'ailleurs la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
exige avant d'être saisie, d'épuiser toutes les voies de recours internes y compris la cassation.
Or, en droit OHADA, les juridictions nationales de cassation sont mises hors du jeu judiciaire
alors que la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage entre dans ce jeu à leur place. Donc, la
Cour est amenée à exercer de manière exclusive la mission de juge de cassation dans le
contentieux de l’OHADA.

II. Connaissance du fond de l'affaire dans l’hypothèse où il y a cassation

L'article 14 alinéa 5 du traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires


prévoit qu’en cas de cassation, la Cour évoque 1105 et statue sur le fond. Il s’agit d’une
innovation car dans plusieurs systèmes juridiques, lorsqu’un arrêt de cassation est rendu et
qu’il reste un litige à juger inhérent à la cause, le juge de cassation renvoie celle-ci, soit auprès
de la même juridiction mais autrement composée, soit à une autre juridiction que celle qui a
rendu la décision cassée afin que celle-ci se prononce à nouveau quant au fond de la même
affaire en tirant l’enseignement de l’arrêt de cassation rendu. C’est la conséquence du principe
selon lequel le juge de cassation ne connaît pas en principe le fond de l'affaire mais vérifie de
la bonne application de la loi.

Deux conséquences majeures résultent de cette disposition, d’une part, la Cour devient un
troisième degré de juridiction dès lors qu'elle statue sans renvoi, et surtout le législateur
communautaire fait de l'évocation une obligation et non une faculté. Cette règle présente
l’avantage de faire gagner du temps et d’éviter les divergences de solutions qui proviendraient
des différentes cours d’appel des Etats membres et le risque d’un deuxième pourvoi en
cassation devant la Cour. Elle traduit aussi la volonté des rédacteurs du Traité d’unifier la
jurisprudence, d’où l’intérêt de publier les arrêts de la Cour dans un recueil spécialement
prévu à cet effet (article 12 du Règlement).

§ 3. Compétence en matière d'arbitrage

La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA exerce les attributions


d'administration des arbitrages dans le domaine qui lui est dévolu. Les décisions qu'elle prend
à ce titre, en vue d'assurer la mise en oeuvre et la bonne fin des procédures arbitrales et celles
liées à l'examen de la sentence, sont de nature administrative1106.
En matière d'arbitrage, la Cour ne tranche pas elle-même les différends. Elle nomme ou
confirme les arbitres, est informée du déroulement de l'instance, examine les projets de
sentences et la Cour ne peut proposer que des modifications de pure forme 1107. L'article 29 in

1105
Voyez I. NDAM, "L'évocation en matière judiciaire: une obligation ou simple faculté pour la Cour Commune
de Justice et d'Arbitrage", in Penant, n° 886, janvier-mars 2014, pp. 89-113.
1106
Article 1er du Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
1107
Articles 21 et 24 du Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage.
424

fine du Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage prévoit que la


Cour évoque et statue au fond si les parties en font la demande dans l'hypothèse où elle
estime que la demande de contestation de validité de la sentence arbitrale est fondée. Il s'agit
ici de l'évocation en matière d'arbitrage.

SECTION 4: SAISINE
La Cour peut être saisie soit par tout Etat membre, soit le Conseil des ministres, soit les
parties à l'instance, soit une juridiction des Etats membres. En matière consultative, elle peut
être saisie soit par tout Etat membre, soit le Conseil des ministres, soit une juridiction des
Etats membres1108.

En matière contentieuse, la Cour peut être saisie soit par l'une des parties à l'instance, soit
par une juridiction des Etats membres. Ainsi, les pourvois en cassation prévus par le Traité
relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires sont portés devant la Cour
Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, soit directement par l'une des parties à
l'instance, soit sur renvoie d'une juridiction nationale statuant en cassation saisie d'une affaire
soulevant des questions relatives à l'application des actes uniformes. La saisine de la Cour
suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la
décision attaquée. Toutefois cette règle n'affecte pas les procédures d'exécution. Une telle
procédure ne peut reprendre qu'après arrêt de la Cour se déclarant incompétente pour
connaître de l'affaire1109.

La procédure est contradictoire. Le ministère de d'avocat est obligatoire devant la Cour.


Est admis à exercer ce ministère toute personne pouvant se présenter en qualité d'avocat
devant une juridiction de l'un des Etats membres au traité. Il appartient à toute personne se
prévalant de cette qualité d'en apporter la preuve à la Cour. Elle devra produire un mandat
spécial de la partie qu'elle représente1110. Comme on le voit, sans l'avocat, la procédure ne peut
pas être accueillie. C'est pourquoi, la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA a
déclaré irrecevable le mémoire non signé par un avocat 1111. Cela signifie que les défenseurs
judiciaires en sont exclus.

SECTION 5: VOIES DE RECOURS


Les articles 47 et 49 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage prévoient que les arrêts rendus par la cette Cour ne peuvent faire l’objet que des
voies de recours extraordinaires qui sont: la tierce opposition et la révision. Concernant la
tierce opposition; l'article 47 alinéa 1 de ce Règlement dit que toute personne physique ou
morale peut présenter une demande en tierce opposition contre un arrêt rendu sans qu'elle ait
été appelée, si cet arrêt préjudicie à ses droits.

1108
Article 14 alinéa 2 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
1109
Articles 15 et 16 du Traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires du 17 octobre 1993.
1110
Article 23 alinéa 1er du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril
1996.
1111
CCJA, 21 mars 2002, arrêt n°008/2002, inédit.
425

Concernant la révision, l'article 49 alinéa 1 de ce Règlement dit que l'arrêt ne peut être
demandée à la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence
décisive et qui, avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui
demande la révision. Le délai pour introduire la demande en révision est de 3 mois à compter
du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est basée
et aucune demande en révision ne pourra être formée après l'expiration d'un délai de 10
ans1112.

SECTION 6: PORTÉE DES ARRÊTS DE LA COUR


Il convient de distinguer deux situations: en matière contentieuse (§ 1) et en matière
d'arbitrage (§ 2).

§ 1. En matière contentieuse

L’article 20 du traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires OHADA


dit: « Les arrêts de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ont l’autorité de la chose
jugée et la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties une
exécution forcée dans les mêmes conditions que les décisions juridiques nationales. Dans une
même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage ne peut faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie ».

Comme on peut le remarquer, les arrêts de cette Cour s'imposent dans les Etas membres
de l'OHADA d'autant plus qu'ils ont l'imperium de la force exécutoire. Cela signifie que les
arrêts de cette Cour ne doivent pas être « exequaturés » étant donné qu'ils sont, par l’effet du
traité, assimilés aux décisions des juridictions nationales rendues en dernier ressort (c'est-à-
dire après épuisement de toutes les voies de recours), donc exécutoires. La procédure
d’exequatur est en principe exigée afin qu’une décision judiciaire rendue par une juridiction
d’un Etat « x » donne lieu à un acte d’exécution sur les biens, ou à des actes de coercition sur
les personnes dans un autre Etat « y ». La juridiction de l’Etat « y » saisie dans le cadre d’une
procédure dite en exequatur qui est souvent longue, coûteuse et dont l’issue est incertaine,
doit se prononcer, préalablement à toute mesure d’exécution sur son territoire, du jugement
rendu par la juridiction de l’Etat « x ». Or, en consacrant la force exécutoire des arrêts de la
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, le législateur OHADA permet aux justiciables de
faire l’économie de la procédure d’exequatur et de ses avatars précités.

De même, les article 41 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et


d'Arbitrage prévoit que l'arrêt de cette Cour a force obligatoire du jour de son prononcé.
Enfin, l'article 46 du même Règlement prévoit que l'exécution forcée des arrêts de la Cour est
régie par les règles de la procédure civile en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a
lieu. La formule exécutoire est apposée sans autre contrôle que celui de la vérification de
l’authenticité du titre par l’autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats
membres désignera à cet effet et dont il donnera connaissance. En d’autres termes, le recours
1112
Article 49 alinéas 4 et 5 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18
avril 1996.
426

à la procédure nationale d’exequatur n’est pas requis pour les arrêts de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage mais une formalité nationale reste toutefois nécessaire à savoir
l’apposition de la formule exécutoire de l’autorité nationale compétente que chaque partie doit
d’abord désigner et ensuite tenir la Cour informée de cette désignation. Dans plusieurs Etats,
c’est le greffier en chef de la plus grande juridiction de fond qui est désigné.

Le législateur OHADA a prévu la formalité d’apposition de la formule exécutoire par les


autorités nationales ad hoc pour une raison de cohérence. En effet, comme l’exécution manu
militari d’une décision de justice met en cause la responsabilité politique et juridique des
autorités qui procèdent à l’exécution, il est cohérent que ces mêmes autorités soient habilitées
d’apposer la formule exécutoire à la décision qu’elles exécutent.

§ 2. En matière d'arbitrage

Aux termes de l’article 25 alinéa 1er du traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du


Droit des Affaires, la sentence arbitrale OHADA a dès son prononcé la valeur d’un jugement
dans les Etats membres, et ce de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il faille une décision
judiciaire de reconnaissance ou une convention internationale de reconnaissance. En
conséquence, les sentences arbitrales sont efficaces de plano sur les territoires des autres Etats
membres. En guise d’illustration, l’autorité de la chose jugée attachée à une sentence arbitrale
OHADA constituera un obstacle au renouvellement au Bénin ou au Gabon d’une affaire ayant
déjà fait l’objet d’un arbitrage.

Cette disposition énonce ainsi une innovation de taille car en règle générale en effet, pour
qu’une sentence internationale ait autorité de la chose jugée dans un autre Etat, il faut que cet
Etat se soit engagé à reconnaître l’autorité de cette sentence. Comme la sentence arbitrale
OHADA est reconnue de plein droit, il en résulte que des mesures conservatoires peuvent être
prises, tel est l’intérêt attaché à la reconnaissance de plein droit. Le bénéficiaire de cette
sentence qui veut se prémunir contre l’insolvabilité du débiteur peut, avant l’exécution de
celle-ci, prendre à l’encontre de son débiteur des mesures conservatoires sur des biens et
créances existant dans un autre Etat. Comme on peut le constater, cette sentence arbitrale est
pourvue de l’autorité de la chose jugée.

SECTION 7: PROPOSITIONS DE SA RÉFORME


Nous examinerons la nécessité d'instaurer le mécanisme de question préjudicielle (§ 1), la
nécessité de retirer à la Cour la compétence en matière de cassation (§ 2) et la nécessité de
rapprocher la Cour des justiciables (§ 3).

§ 1. Nécessité d'instaurer le mécanisme de questions préjudicielles

Le législateur OHADA ferait œuvre utile en confiant à la Cour Commune de Justice et


d'Arbitrage la compétence pour statuer sur les questions préjudicielles émanant des
juridictions nationales. Certes le traité reconnaît à ces dernières la possibilité de solliciter les
avis à la Cour mais il nous semble que le mécanisme des questions préjudicielles permet à la
427

Cour de mieux assurer une interprétation homogène des actes uniformes. En sus, par ses arrêts
rendus sur questions préjudicielles, la Cour limiterait sensiblement les pourvois en cassation.

En effet, à l’occasion d’un litige particulier dont l’enjeu serait l’application du droit
OHADA, n’importe quel juge national saisi d’un moyen pris par l’une des parties à la cause,
de la violation d’une disposition du traité, des actes uniformes voire d’un règlement, devrait
poser à la Cour une question préjudicielle afin de permettre à celle-ci de se prononcer sur
l’interprétation à donner au regard de la disposition du droit OHADA en question ou sur la
l’application qu’il faudrait en faire au cas d’espèce. Le juge national sera lié par la réponse de
la Cour qui se prononcera par un arrêt dit préjudiciel, c’est-à-dire que la Cour dira le droit ou
tranchera une contestation relative à l’interprétation ou à l’application du droit au travers la
réponse qu’elle réservera à la question lui posée à titre préjudiciel.

Il en résulte que les arrêts préjudiciels auront une valeur jurisprudentielle c’est-à-dire qu’à
l’occasion des litiges subséquents, les juges saisis dans les espèces identiques à celle ayant
occasionné l’arrêt préjudiciel pertinent, s’y conformeront. Ils feront ainsi l’économie de poser
une nouvelle question à la Cour tant qu’ils retiendront en l’espèce une identité d’objet entre
une question que l’une des parties lui demande de poser à la Cour et une question
préjudicielle précédente. Les arrêts rendus sur questions préjudicielles pourront faire l’objet
d’une publicité au même titre que les arrêts rendus par la Cour dans ses deux contentieux
ordinaires.

Le mécanisme des questions préjudicielles a fait ses preuves en droit comparé, notamment
à la Cour de Justice de l'Union Européenne (ancienne Cour de Justice des Communautés
Européennes) qui a développé une jurisprudence abondante au travers ses arrêts rendus sur
questions préjudicielles.

§ 2. Nécessité de retirer à la Cour la compétence en matière de cassation

Nous avons montré que les pourvois en cassation des matières qui concernent le droit
OHADA relèvent désormais de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
de l'OHADA (C.C.J.A.) et la Cour peut en cas de cassation, évoquer et statuer sur le fond. Il
s'agit d'une première dans les juridictions internationales car la Cour devient de facto un
troisième degré de juridiction dès lors qu'elle peut statuer sans renvoi, ce qui est un précédent
très dangereux. Et pourtant même les cours de cassation nationales n'ont pas ce pouvoir
d'évocation, il n'y a que les juridictions d'appel qui peuvent évoquer mais dans des cas très
limités. Aussi la Cour cassation ne connait pas en principe du fond de l'affaire, sa fonction
consiste à vérifier si la rège de droit a été correctement appliquée et interprétée. Comment
alors peut-on attribuer à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA (C.C.J.A.)
l'évocation alors ce rôle n'est même reconnu aux cours de cassation nationale ? Cela nous
semble incongru et inadéquat car ce rôle d'évocation de la Cour Commune est incompatible
avec sa vocation qui est d'assurer le contrôle de la légalité des textes nationaux par rapport
aux textes communautaires.
428

C'est pourquoi, il serait mieux de retirer à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, la


compétence en matière de cassation. En effet, les autres juridictions internationales africaines,
telles que l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la Haute Cour de
Justice de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Cour de Justice de
la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) ne disposent pas
d'un tel pourvoir1113. De même, dans d’autres juridictions supranationales telles que
notamment, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la Cour de Justice de l'Union
Européenne (ancienne Cour de Justice des Communautés Européennes), cette compétence en
matière de cassation ou d'évocation n'existe pas, et d'ailleurs la Cour Européenne des Droits
de l’Homme, exige avant d'être saisie, d'épuiser toutes les voies de recours internes y compris
la cassation.

§ 3. Nécessité de rapprocher la Cour des justiciables

La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage gagnerait davantage dans son rôle de garant
de la sécurité judiciaire dans l’espace OHADA en étant présent, du moins à travers ses
services administratifs tels que le greffe par exemple dans les Etats membres et dans tous les
chefs lieux de provinces. Pour la RDC, l'on devrait prévoir ces greffes dans les 27 ressorts de
cours d'appel qui seront installés dans les nouvelles provinces prévues à l'article 2 de la
Constitution du 18 février 2006. Il faudrait aussi organiser les audiences de cette Cour dans
toutes les provinces de la RDC compte tenu de sa dimension continentale (elle est plus vaste
que toute l'Union Européenne). Par exemple, un justiciable (villageois) qui se trouve à
Kongolo, dans la province du Katanga, il doit parcourir environs 500 kilomètres pour saisir le
tribunal de grande instance de Kalemie siégeant en matière commerciale et s'il n'est pas
satisfait de la décision de ce tribunal, il doit interjeter appel et parcourir plus de 1000
kilomètres pour atteindre la Cour d'appel de Lubumbashi, et s'il veut se pourvoir en cassation
contre la décision de cette Cour d'appel, il doit aller à la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage de l'OHADA à Abidjan en Côte d'Ivoire.

Pour arriver à Abidjan en Côte d'Ivoire, il doit disposer de son passeport de voyage,
chercher le visa, faire la réservation de l'hôtel, payer le billet d'avion, réunir les moyens
financiers pour son séjour à Abidjan, etc., tout cela lui sera très difficile et compliqué, il
risque d'abandonner par le fait que l'accès à la justice lui est difficile. Et cela peut avoir
comme conséquence le retour à la vengeance privée où chacun pourrait se faire justice au
motif que "la justice n'existe pas". C'est pourquoi, l'on devrait à tout le moins, prévoir des
chambres de cette Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA dans toutes les
provinces de la RDC afin de faciliter l'accès aux justiciables et si cela n'est pas possible, la
RDC devrait se retirer de cette Cour.

1113
I. NDAM, "L'évocation en matière judiciaire: une obligation ou simple faculté pour la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage", in Penant, n° 886, janvier-mars 2014, p. 93.
429
430

ANNEXES : MODELES DE QUELQUES ACTES


DE PROCEDURE

1. Modèle d’une Assignation

L'an mil neuf cent quatre-vingt dix huit, le .......................jour du mois de ......................

A LA REQUETE DE :

Monsieur MBULA MOKO Gérard, employé, né le ../../19.. à …. (RD Congo), de nationalité ……,
résidant au numéro ....... de l'Avenue ........................... dans la commune de .............................
à…………….

Ayant pour conseil Maître ............. avocat près la Cour d'appel de ......... y demeurant sur l’Avenue.......
numéro ........... dans la commune de ............

Je soussigné ................

Huissier (ou Greffier) de justice de résidence à ………….

Ai donné assignation à ............................... Madame ……. ouvrière, née le …/…/19.. à Kinshasa (RD
Congo), de nationalité…. résidant sur l'avenue ...................... numéro ......... dans la commune
de ........................................ à ............................ ;

D'avoir à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance de ................. siégeant en matière
civile au premier degré, au local ordinaire de ses audiences publiques sis ......................... dans la
commune de .......... à son audience publique du ....................... .. à ....... heures du matin ;

POUR :

Attendu que, alors qu’elle était encore domiciliée à Kinshasa, la partie assignée a entretenu une
cohabitation de fait avec Monsieur …… Trésor, de nationalité congolaise qui, semble-t-il, serait
décédé depuis lors ;

Que le ../../19.. à Kinshasa, est née une fille du nom de….., de nationalité congolaise, élève et résidant
sur ….. à Kinshasa ;

Qu’au même moment, le requérant, quoique résidant à Gbadolite, allait régulièrement à Kinshasa et
entretenait une relation amoureuse avec l’assignée ;

Que, pour des raisons personnelles, en 1998, la partie citée et sa fille ….. Bénédicte sont arrivées à
Gbadolite, le requérant les a recueillies et vivent depuis lors sous le même toit qu’elles mais aussi et
surtout, il a eu d’autres enfants avec la partie assignée étant donné qu’ils vivent maritalement ;

Attendu qu’au début du mois d’août 2010, l’assignée avoua au requérant qu’il était le père biologique
de Mademoiselle ….Bénédicte alors que ce dernier a toujours cru que c’est Monsieur …… Trésor qui
était son géniteur ;

Que sur base de cet aveu, par son courrier du ../../2010, le Conseil du requérant écrivit au Docteur
…… de l’Hôpital de Gbadolite pour solliciter un test ADN afin d’établir la vérité biologique quant à
431

ce, mais cette dernière lui répondit au téléphone qu’elle avait bien reçu sa lettre mais, pour ce faire,
elle devait en être préalablement instruite par un Tribunal ;

Attendu que le requérant souhaite aujourd’hui que le lien de filiation entre lui et la fille ……
Bénédicte soit officiellement établie. S’il le faut, que le Tribunal ordonne pour cela, par avant dire
droit, une expertise médicale pour lever toute ambiguïté à ce sujet ;

Qu’un tuteur ad hoc soit par ailleurs désigné par le Tribunal pour veiller sur les intérêts de la fille
mineur ….Bénédicte ;

PAR LES FAITS ET MOTIFS REPRIS CI-DESSUS ET TOUS AUTRES A FAIRE VALOIR
EN COURS D’INSTANCE ;

Entendre dire la demande recevable et fondée ;

En conséquence,

- Entendre dire pour droit que la présente action n’appelle que des débats succincts et qu’il y a
lieu de la retenir à l’audience d’introduction pour que la cause reçoive plaidoiries ;
- Qu’un tuteur ad hoc soit désigné pour veiller aux intérêts de la fille mineur …Bénédicte ;
- Que, par un jugement dire droit, le Tribunal ordonne une expertise médicale pour lever toute
ambiguïté sur le lien de filiation entre le requérant et la fille ….. Bénédicte ;
- Dans l’affirmative, entendre dire pour droit qu’est établie le lien de filiation et la paternité du
requérant à l’égard de l’enfant….. Bénédicte, née le ../../19.. à Kinshasa ;
- Entendre ordonner que le dispositif du jugement à intervenir soit officiellement transcrit sur
les Registres Courants de l’Etat civil de la Commune de …… par l’Officier de l’Etat Civil
compétent aussitôt qu’il aura été remis et que mention soit faite en marge de l’acte de
naissance, que pareilles mentions soient également faites sur les tables desdits registres et
déposés au greffe du Tribunal de Grande Instance compétent ;
- Entendre faire défense à tout détenteur desdits registres d’encore délivrer des expéditions,
extraits ou copies de l’acte de naissance de cet enfant sans y mentionner la rectification et
l’émargement dont il s’agit, à peine de tous dommages et intérêts ;
- Demande et assignation fondées sur les motifs ci-dessus invoqués, la Loi sur la matière et sur
tous autres motifs et moyens, à faire valoir au besoin ;
- Sous toutes réserves généralement quelconques, et sans reconnaissance préjudiciable de la part
du requérant.

Et pour que l’assignée n'en ignore,


Je lui ai
Etant à
Et y parlant à
Laissé copie de mon présent exploit
Dont acte Coût L'huissier (ou le Greffier)
Pour réception
432

2. Assignation en demande exécutoire d’un acte authentique étranger

A Madame / Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de et à —


A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M …., (date de naissance, profession), domicilié à…., ayant pour conseil Maître …..;
Qu'il a conclu le …. par devant Maître … notaire à …. en …. (indication du pays étranger),
une convention authentique aux termes de laquelle ….;
Que cet acte réunit les conditions nécessaires à son authenticité selon le droit de l'Etat dans
lequel il a été établi.
Que l'exposant souhaite que la convention susdite, jointe à la présente requête, soit rendue
exécutoire parce que ….. (exposer les raisons de ce souhait) ;
A CES CAUSES,
Le requérant Vous prie, M …. le Président, de vouloir bien déclarer que l'acte mentionné dans
la requête ci-dessus et joint à la présente réunit toutes les conditions nécessaires à son
authenticité dans le pays où il a été reçu; en conséquence, déclarer exécutoire l'acte susdit;
ET VOUS FEREZ JUSTICE, SALUT ET RESPECT.
Le ….
Pour le requérant, son conseil.
(s)
Joindre en annexe la convention authentique.
433

3. Assignation en Assistance judiciaire

A Madame / Monsieur le Président du Tribunal de …..


A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M — ,(date de naissance, profession), domicilié à — , ayant pour conseil Maître
Qu'il souhaite — (exposé sommaire mais suffisamment précis de la procédure envisagée)
assigner devant — pour —; ou entamer une procédure de — (préciser le type, les montants
éventuels etc.), contre — (identité de la partie adverse) ;

Que le requérant est indigent, ainsi qu'il résulte des documents annexés ;

A CES CAUSES,
Le requérant Vous prie, M — le Président, de bien vouloir lui accorder le bénéfice de
l'assistance judiciaire pour diligenter la procédure de — en le dispensant de payer les droits de
timbre, de greffe, d'enregistrement, d'expédition et autres dépens qu'elle entraîne et lui
désigner en conséquence Maître — , huissier de justice, qui lui prêtera gratuitement son
ministère.

ET VOUS FEREZ JUSTICE, SALUT ET RESPECT.


Le —
Pour le requérant, son conseil.
(s)
Joindre les documents qui démontrent l’indigence.

4. Demande d’invitation en conciliation

A Madame / Monsieur le Greffier en chef du Tribunal de …. et à —


Madame / Monsieur le Greffier en chef,
A la requête de — (identité, profession et domicile du demandeur), je vous serais obligé de
bien vouloir inviter en conciliation — (identité, profession et domicile de la personne à
convoquer).
La raison d'être de cette requête est la suivante: — (exposé sommaire du litige et de la
demande). Je vous prie de croire, —
Le ….
434

5. Requête en abréviation de délai de citer

A Madame / Monsieur le Président du Tribunal de première instance de et à —


ou
A Madame / Monsieur le Juge de paix de et à —
A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M -, (date de naissance, profession), domicilié à -, ayant pour conseil Maître -,
Qu'il se propose de citer d'urgence devant Vous M — aux fins de — et pour les motifs
suivants: —
Qu'il y a extrême urgence — (exposé des motifs de l'urgence) ;
Que le requérant sollicite en conséquence l'abréviation du délai de citation et l'autorisation de
citer de jour à jour (d'heure à heure) M — à une audience spéciale;

A CES CAUSES,
Vu l'extrême urgence, le requérant Vous prie, M —, de bien vouloir abréger le délai de
citation et l'autoriser à citer de jour à jour (d'heure à heure) M
ET VOUS FEREZ JUSTICE, SALUT ET RESPECT.
Le —
Pour le requérant, son conseil.
(s)
Mission d’expertise médicale
PAR CES MOTIFS,
Désigne en qualité d'expert M—,
avec pour mission :
1. d'établir un résumé succinct de l'identité de la victime, de ses antécédents, plaintes,
situation et formation professionnelles;
2. d'examiner cette victime et
a) décrire dans leur évolution les lésions et troubles dont elle fut et demeure atteinte ensuite de
l'accident du -'
b) déterminer les taux et périodes d'incapacité, ainsi que la date de guérison ou de
consolidation, en tenant compte de la mesure dans laquelle ces lésions et troubles :
- ont, durant les périodes d'incapacité temporaire, empêché la victime d'exercer normalement
une activité professionnelle ou ménagère;
435

- constituent, à titre définitif, un handicap professionnel pour la victime, en considérant tant


ses professions antérieures que les activités lucratives qui lui demeurent raisonnablement
praticables en fonction des possibilités réelles de réadaptation compatibles avec son âge, sa
qualification et l'orientation de sa vie professionnelle antérieure;
3. dans le cas où il serait démontré que la victime est ou était atteinte de défauts
physiologiques, maladies ou prédispositions pathologiques indépendantes de l'accident,
d'examiner si, et dans quelle mesure, cet état a modifié les conséquences de l'accident;
4. de relever les éléments permettant au tribunal d'apprécier les souffrances tant physiques que
morales de la victime et toutes les conséquences généralement funestes des lésions encourues
sur sa vie familiale ou sociale tant depuis l'accident que pour l'avenir;
5. s'il subsiste un préjudice esthétique, de le décrire en informant le tribunal des possibilités
d'y remédier, du coût des interventions et du préjudice éventuel subsistant après celles-ci ;
6. de dresser rapport, à déposer dans les trois mois, à compter du jour où les services du greffe
civil lui auront communiqué la présente ordonnance à la requête de la partie la plus diligente.
436

6. Requête en sortie d’indivision relativement à des biens immobiliers


appartenant en copropriété ou en pleine propriété à des mineurs, des
interdits, des personnes pourvues d’un administrateur provisoire

A Madame / Monsieur le Juge de paix de et à — (lieu de la situation du bien)


A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M — , (date de naissance, profession), domicilié à —, ayant pour conseil Maître
Qu'à la suite du décès de M —, de son vivant domicilié à -, décédé à -, le — , il est devenu
copropriétaire indivis avec — (indiquer les coordonnées du/des mineur(s) d'âge), mineurs
d'âge, seuls héritiers légaux de — (leur père, mère ou autres) d'un immeuble sis à — , cadastré
— et/ou d'un patrimoine mobilier se détaillant comme suite — ;

Que par décision du — prononcée par Monsieur le Juge de — , la succession a été acceptée
sous bénéfice d'inventaire;

A CES CAUSES,

Le requérant Vous prie, M — le Juge, de bien vouloir autoriser la sortie d'indivision et, dès
lors, la mise en vente du/des bien(s) et pour ce faire, commettre un notaire en la personne de
— (coordonnées du notaire proposé) lequel procèdera à la vente publique du bien décrit ci-
dessus ou lequel sera autorisé à vendre le bien en vente de gré à gré compte tenu de ce que
cette modalité de vente s'avère, en fonction des pièces annexées à la présente requête,
préférable et dans l'intérêt des personnes protégées ; la vente du ou des biens mieux définis ci-
dessous aura lieu à concurrence de la somme minimum de — .
ET VOUS FEREZ JUSTICE, SALUT ET RESPECT.
Le —
Pour le requérant, son conseil.
(s)
437

7. Requête concernant l’autorité parentale,


le droit d’hébergement et la part contributive

A Madame / Monsieur le Président du Tribunal de —


A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
Monsieur -, (lieu et date de naissance, profession) , de nationalité — , domicilié à -, ayant
pour conseil Maître
Que le requérant est le père de (nom, prénoms, lieu et date de naissance du/des enfant(s)
concerné(s))
Que cet/ces enfant(s) est/sont issu(s) de l'union/du mariage ayant existé entre le requérant et
Madame -, (lieu et date de naissance, profession), de nationalité -, domicilié à -, ayant pour
conseil Maître — ;
Que les faits sont les suivants : — (Exposé succinct de la situation de vie et de l'aspect
financier si la demande porte également sur l'octroi, la diminution ou la suppression d'une part
contributive) ;
Que le requérant postule que les mesures reprises au dispositif de la présente requête soient
prononcées;
A CES CAUSES,
Le requérant Vous prie, M — le Président, de dire la présente action recevable et fondée ;
Dire pour droit que les parents de — (nom du mineur) disposeront de l'autorité parentale
conjointe / (dans certains cas exceptionnels : que le requérant postule l'autorité parentale
exclusive) ;
Dire pour droit que l'enfant sera hébergé à titre principal et domicilié chez
Dire pour droit que l'enfant sera hébergé à titre accessoire / secondaire chez — de la manière
suivante :
1. en période de scolarité : par exemple
a. les 1ers, 3èmes, 5èmes week-ends du mois par référence au vendredi, du vendredi à la
sortie de l'école ou au domicile du parent (en cas de congé) jusqu'au — ou
b. les week-ends des semaines paires ou impaires de l'année du vendredi à la sortie de l'école
ou du samedi matin (ou...), à — heure jusqu'au dimanche — heure ou au lundi rentrée à
l'école ou
438

c. les mercredis des semaines paires / impaires de la sortie d'école à — heure au jeudi matin
rentrée à l'école
d. etc.
2. en période de vacances et congés scolaires : par exemple
a. au cours des années paires
- pendant la seconde moitié des vacances de Pâques et de Noël (du vendredi à la sortie de
l'école et, à défaut, à 18h00 jusqu'au samedi suivant à 18h00),
- du 16 juillet à 9h00 au 31 juillet 18h00 et du 16 août à 9h00 au 31 août à 18h00 ainsi que
pendant le congé de Carnaval (du vendredi à la sortie de l'école et, à défaut, à 18h00 qu'au
dimanche de la semaine suivante à 18h00).
b. au cours des années impaires
- pendant la première moitié des vacances de Pâques et de Noël (du samedi pendant la
première semaine à 18h00 jusqu'au dimanche suivant à 18h00),
- du 1er juillet à 9h00 au 15 juillet 18h00 et du 1er août à 9h00 au 16 août à 18h00 ainsi
pendant le congé de Toussaint (du vendredi à la sortie de l'école et, à défaut, à 18h00; qu'au
dimanche de la semaine suivante à 18h00).
Dire pour droit que la défenderesse versera au requérant pour le 10 du mois au plus tard du
-
Dire pour droit que la défenderesse participera à concurrence de moitié aux frais Ordonner
l'exécution provisoire;
Statuer ce que de droit quant aux dépens.
ET VOUS FEREZ JUSTICE,
SALUT ET RESPECT.
Le —
Pour le requérant,
Son conseil.
(s)
Requête à déposer en autant d'exemplaires que de parties plus.
439

8. Assignation en résiliation de contrat de bail et en expulsion

A Madame / Monsieur le Juge de et à —


A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M - (date de naissance, profession), domicilié à — , ayant pour conseil Maître -,
Que la partie requérante est propriétaire d'un l'immeuble sis —;
Que cet immeuble a été donné en location à Monsieur et Madame — , domiciliés — en vertu
d'un contrat de bail ayant pris cours le —;
Que la partie défenderesse lui reste redevable des loyers suivants : —;
Qu'elle a été mise en demeure de payer ces loyers sans succès ;
Qu'il y a lieu de résilier le contrat de bail à ses torts et griefs et de la condamner à payer les
arriérés de loyer à majorer d'une indemnité de résiliation fautive du contrat de bail et de
relocation fixée conventionnellement à — ;
Qu'il y a lieu d'autoriser la partie requérante à procéder à l'expulsion de la partie défenderesse
et de tous occupants de son chef à défaut de départ volontaire dans les huit jours de la
signification du jugement à intervenir;
A CES CAUSES,
La partie requérante Vous prie, M — le Juge de -, de bien vouloir convoquer la partie
défenderesse à votre prochaine audience;
Dire la demande recevable et fondée ;
Condamner la partie défenderesse à payer:
Arriérés de loyer
Indemnité de relocation
A majorer des loyers à échoir jusqu'au départ effectif et des intérêts au taux légal (ou
conventionnel) depuis la date de mise en demeure jusqu'à complet paiement;
Résilier le contrat de bail aux torts et griefs de la partie défenderesse et autoriser la partie
requérante à procéder à l'expulsion de cette dernière et de tous les occupants de son chef à
défaut de départ volontaire dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir ;
Condamner la partie défenderesse à payer une indemnité d'occupation des lieux depuis la date
de résiliation du contrat de bail jusqu'à la date du départ effectif;
Condamner la partie défenderesse aux dépens en ce compris l'indemnité de procédure;
440

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant tout recours sans ni


cantonnement;
Réserver à statuer quant aux éventuels dégâts locatifs.
ET VOUS FEREZ JUSTICE,
SALUT ET RESPECT.
Le—
Pour le requérant, son conseil.
(s)
441

9. Modèle d’une Requête tendant à obtenir


autorisation d'assigner à bref délai

A Monsieur le Président du Tribunal de ....... à ...............

Monsieur le Président,

A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT :

L'Office National de Sécurité Sociale, « INSS », entreprise publique dont le siège social est
situé à Kinshasa, boulevard du 30 juin, dans la Commune de Gombe, mais avec une
succursale située à Gbadolite au n° …. du Boulevard Mobutu, ville de Gbadolite ;

Agissant par son Président Délégué Général, Monsieur ou Madame ..................................

Ayant pour conseils Maîtres ....................., Avocats près la cour d'appel de ......... y résidant au
n° .... de l'Avenue ............ dans la commune de......... ;

Qu'en date du ........... le requérant a été l'objet d'une saisie-arrêt pratiquée sur tous ses comptes
bancaires en vertu de votre ordonnance n° ...... rendue en date du .......... à la requête de
sieur ................. résidant à Gbadolite, rue .............. n° ...... commune de

Attendu que cette saisie-arrêt a été pratiquée sur tous les avoirs du requérant dans toutes les
banques au mépris de sa mission d'intérêt général qu'il ne peut malheureusement poursuivre
durant cette période trouble que traverse le pays ;

Attendu par ailleurs que ladite saisie-arrêt frappe même les fonds destinés aux rémunérations
du personnel du requérant lesquelles ne sont pas saisissables en totalité au regard de l'article
95 du code du travail ;

Attendu que le fonctionnement normal des activités de mon requérant est sérieusement
perturbé par cette saisie-arrêt qui l'empêche d'opérer des transactions journalières nécessaires
à la survie de ses 10.000 agents et de l'Etat;

Qu'il échet qu'un jugement de rétractation intervienne à bref délai pour lui permettre de
poursuivre normalement sa mission d'intérêt général ;

Que pour toutes ces raisons, mon requérant vous prie de bien vouloir l'autoriser à assigner à
bref délai en rétractation de la saisie-arrêt le sieur ............. mieux identifié ci-dessus.

Fait à Gbadolite, le

Pour l’exposant
Son Conseil
442

10. Modèle d’une Ordonnance permettant d'assigner à bref délai n° …/20..

L'an mil deux mille onze, le ..................................jour du mois de


Nous.................................................. Président du Tribunal de ............à Gbadolite, assisté de
................................................... Greffier titulaire de cette juridiction ;
Vu la requête tendant à assigner à bref délai introduite par l'Office National de Sécuroté
Sociale, en abrégé « ONSS », entreprise publique dont le siège social est situé à Kinshasa,
boulevard du 30 juin, dans la commune de la Gombe, mais avec une succursale située à
Gbadolite au n° …. du Boulevard Mobutu, ville de Gbadolite ;
Agissant par son Président Délégué Général, Monsieur (ou Madame) .........................
Ayant pour Conseils Maîtres ...............................Avocats près la cour d'appel de …, y résidant
au n° .... de l'avenue ............ dans la commune de ........
Vu l'article 10 du code de procédure civile ;
Vu le code de l'organisation et de la compétence judiciaires ;
Attendu que la cause requiert célérité ;
Que les droits de la défense ne peuvent néanmoins être lésés ;
Qu'il y a lieu de faire droit à la requête;
A ces causes :
Autorisons l'Office National de Sécurité Sociale d'assigner à bref délai le sieur ................ à
comparaître par devant le tribunal de ....... de Gbadolite siégeant en matière civile à son
audience publique du .......... à 9 heures du matin;
Ordonnons qu'un intervalle d'un jour franc sera laissé entre le jour de là signification et celui
de la comparution ;
Ainsi ordonné en notre cabinet à Gbadolite, aux jour, mois et an que dessus.
LE GREFFIER TITULAIRE LE PRESIDENT DU TRIBUNAL
443

11. Modèle d’une Assignation à bref délai

L'an mil deux mille onze, le ......................... jour du mois de ...................... ;


A LA REQUETE DE :
L'Office National de Sécurité Sociale, en abrégé « ONSS », entreprise publique dont le siège
social est situé à Kinshasa, boulevard du 30 juin, dans la Commune de Gombe, mais avec une
succursale située à Gbadolite au n° …. du Boulevard Mobutu, ville de Gbadolite ;
Agissant par son Président Délégué Général, Monsieur (ou Madame) ……
Ayant pour conseils Maîtres ......................Avocats près la cour d'appel de ......... y résidant au
n° .... de l'avenue ............ dans la commune de.......... ;
En vertu de l'ordonnance rendue sur requête par Monsieur le Président du Tribunal
de.................... séant à ......... le ............... desquelles requête et ordonnance il est donné copie
avec le présent exploit ;
Je soussigné ....................................... .
Huissier (ou greffier) de résidence à .......................
Ai donné assignation à sieur ................ résidant à Gbadolite, rue .............. n° ...... commune de
........... ;
D'avoir à comparaître par devant le Tribunal de ................................. siégeant en matière
civile au premier degré, au local ordinaire de ses audiences publiques sis ......................... dans
la commune de .......... à son audience publique du ....................... 2011 à ....... heures du
matin;
POUR :
Attendu que le requérant est débiteur du cité pour une somme de .....
Que cette somme représente le décompte final auquel le cité avait droit suite à la rupture du
contrat qui le liait au requérant ;
Qu'après les différents payements effectués par le requérant en faveur du cité, cette dette se
chiffre actuellement à ...............
Attendu que c'est pour obtenir le payement de ce solde que le cité a sollicité et obtenu
l'ordonnance en vertu de laquelle il a opéré une saisie-arrêt de tous les avoirs du requérant
dans toutes les banques et dont il poursuit la validation ;
Attendu que pour plus d'une raison, cette saisie ne se justifie pas ;
Attendu qu'en l'espèce la bonne foi du requérant ne peut être mise en doute ;
444

Qu'il a effectué des versements en payement de ladite dette qu'il n'a pu apurer suite aux
difficultés évidentes de trésorerie ;
Attendu en outre que l'insolvabilité du requérant n'est pas à craindre, ce dernier ayant son
siège social bien connu et disposant des biens d'une valeur largement supérieure à la créance
du cité ;
Attendu qu'il importe que le Tribunal de céans décourage ce comportement en ordonnant la
rétractation d'une saisie non justifiée qui compromet sérieusement la poursuite par le
requérant de sa mission d'intérêt général en tant qu'entreprise publique ;
A CES CAUSES
Sous toutes réserves généralement quelconques ;
Sans dénégation de tous faits non expressément reconnus;
PLAISE AU TRIBUNAL
Le cité,
S'entendre déclarer l'action de mon requérant recevable et amplement fondée ;
En conséquence,
S'entendre ordonner la rétractation de la saisie pratiquée sur le patrimoine de mon requérant;
S'entendre condamner aux frais et dépens de l'instance ;
Et pour que le cité n'en prétexte l'ignorance,
Je lui ai :
Etant à
Et y parlant à
Laissé, avec la copie de mon présent exploit, une copie des requête et ordonnance précitées.
445

12. Modèle d’un Bulletin de comparution volontaire

Monsieur............................................................................ demandeur, représenté par ses


conseils, Maîtres ......................... pouvant agir conjointement ou séparément

d'une part ;

Et Monsieur ................................... défendeur, représenté par ses conseils,


Maîtres................................

d'autre part ;

Conviennent de comparaître volontairement devant le Tribunal de ...................... siégeant en


matière civile au premier degré à son audience du ............. à 9 heures du matin en vue de
ramener au rôle à plaider la cause sous le RC ........... actuellement en état.

Fait à ......................... le ...................

Pour le demandeur, Maître …… Pour le défendeur Maître .....................


446

13. Modèle d’une Sommation de conclure

L'an deux mille onze, le .................................... jour du mois de


A LA REQUETE DE :
Monsieur ................... résidant à ........, sur rue .......... numéro ........ dans la commune de .............
Ayant pour conseil Maître ............. avocat près la cour d' Appel de ......... y demeurant sur
l'avenue ................... numéro ......... dans la commune de ............
Je soussigné
Huissier/Greffier de résidence à ........
Ai donné sommation de conclure à la société ............................ ayant son siège social au numéro ........
de l'avenue ............................... dans la commune de............ à
D' avoir à comparaître par devant le Tribunal) de ….. siégeant en matière civile au premier degré, au
local ordinaire de ses audiences publiques sis ..................................dans la commune de ......à son
audience publique du................... à 9 heures du matin;
POUR :
Attendu que la cause est pendante devant le Tribunal) de céans sous le Rôle Civil n° .........,
Qu'elle a été remise plusieurs fois sans que la société ................. ne conclue au fond ;
Que par la présente, mon requérant fait sommation à la société ............. d'avoir à comparaître et à
conclure au fond à la prochaine audience, lui signifiant qu'il sera fait usage de l'article 19 du code de
procédure civile qui dispose que :
« Lorsqu'après avoir comparu, le défendeur ne se présente plus ou s'abstient de conclure, le demandeur
peut poursuivre l'instance après sommation faite au défendeur. Cette sommation reproduit le présent
article. Après un délai de quinze jours francs à partir de la sommation, le demandeur peut requérir qu'il
soit statué sur sa demande, le jugement est réputé contradictoire » ;
A CES CAUSES,
S'entendre statuer par un jugement) réputé contradictoire en prosécution de cause dans l'affaire inscrite
sous le RC n° ......... et allouer à mon requérant, le bénéfice intégral de ses conclusions considérées
comme ici reproduites ;
Et pour que la sommée n'en ignore
Je lui ai :
Etant à
Et y parlant à
Laissé copie de mon présent exploit.
Dont Acte Coût L'huissier/Le greffier
Pour réception
447

14. Modèle d’une Assignation en garantie

L'an mil neuf cent quatre-vingt dix huit, le ................................... jour du mois de ...................,

A LA REQUETE DE :

Monsieur (Madame, Mademoiselle) .......................... résidant au numéro....... de


l'avenue .......... dans la commune de ...... à ..............

Ayant pour conseil Maître ............. avocat près la cour d'appel de ......... y demeurant
avenue....... numéro ........... dans la commune de ............

Je soussigné ........................................................................ Huissier ou Greffier de résidence


à ...............

Ai donné assignation à ....................... résidant sur l'avenue ........... numéro ......... dans la
commune de ............. à ............. ;

D'avoir à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance de ................. siégeant en


matière civile au premier degré, au local ordinaire de ses audiences publiques
sis ......................... dans la commune de .......... à son audience publique
du .......................2011 à ....... heures du matin ;

POUR :

Attendu que mon requérant est propriétaire d'un véhicule de marque Toyota, n° de
châssis ............ . plaque d'immatriculation n° .............. ;

Que ce véhicule est couvert par une police d'assurance n° ................ valable du ....... au........
2011 ;

Qu'il a été mis par mon requérant à la disposition de Monsieur ................... pour servir à son
usage personnel ;

Attendu que dans la nuit du ...... au ........ le véhicule précité a occasionné un accident de
circulation ayant entraîné la mort de Monsieur ...............

Que ses ayants droit on assigné mon requérant et le sieur........... devant le Tribunal de grande
instance de ........... aux fins de s'entendre condamner solidairement au paiement de la somme
de ................. pour tous les préjudices confondus;
448

Attendu qu'en vertu de la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 portant obligation de l'assurance de
responsabilité civile en matière d'utilisation des véhicules automoteurs, l'assurance couvre la
responsabilité civile du propriétaire du véhicule et de toute personne ayant, avec son
assentiment expresse ou tacite, la garde ou la conduite du véhicule ;

Qu'en l'espèce, il échet que la SONAS soit appelée au procès en tant qu'assureur pour garantir
mon requérant et son préposé contre une éventuelle condamnation à des dommages-intérêts;

A CES CAUSES,

L'assignée,

S'entendre statuer sur les mérites de l'action inscrite sous RC ............... :

S'entendre déclarer opposable à son égard le jugement à intervenir en sa qualité d'assureur;

S'entendre condamner à garantir le paiement éventuel des dommages-intérêts au cas où la


responsabilité civile du conducteur du véhicule précité serait établie;

Et pour que l'assignée n'en prétexte ignorance,

Je lui ai

Etant à

Et y parlant à

Laissé copie de mon présent exploit

Dont acte Coût L'huissier


449

15. Modèle d’un Acte d'opposition

L'an deux mille onze, le .....................................jour du mois de

Au Greffe du Tribunal de ................. séant à .................. et par devant nous, ..........................


Greffier de siège, a comparu, Maître (Monsieur, Madame) .................... porteur de procuration
spéciale lui remise en date du ............ par ..................

Lequel a déclaré former opposition contre le jugement rendu par défaut le .............. par le
Tribunal de ................... sous le RC ....... dans l'affaire ...........

En cause ....................

contre.......................

Lecture faite, le (la) comparant (e) .................. a persisté et signé avec nous

Motif:..................

Fait à ......................

Le comparant Le greffier

16. Modèle d’un Acte d'appel

L'an deux mille onze, le .............................. jour du mois de


Au Greffe de la cour d'Appel séant à ................ et par devant Nous, ............... Greffier du
siège,
a comparu
1° Maître ............................ porteur d'une procuration spéciale lui remise en date du...............
par ................................
2° Monsieur, Madame ...........................................
Lequel a déclaré interjeter appel contre le jugement prononcé en date du ............. par le
Tribunal de ..................... sous le RC n° .......... dans l'affaire :
............................ contre..................................
Lecture faite, le (la) comparant (e) a persisté et signé avec nous
Motif d'appel ......................................
LE (LA) COMPARANT(E) LE GREFFIER
450

17. Requête en réouverture des débats

A Madame / Monsieur —
A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER RESPECTUEUSEMENT
M — , domicilié à -, ayant pour conseil Maître —;
Qu'à l'audience du — vous avez clos les débats et mis en délibéré une affaire en cause de:
demandeur(s)
défendeur(s)
R.G. n°
Que depuis cette date, il a été découvert par le requérant
Que ces — sont d'un intérêt capital et constituent des éléments nouveaux qui n'étaient pas
connus des parties lors des débats;
Qu'ils peuvent influencer tant le fond de l'affaire que les mesures d'instruction sollicitées ;
Qu'il y a donc lieu, dans le souci d'une bonne justice, d'ordonner la réouverture des débats;
A CES CAUSES,
Le requérant Vous prie, M —, d'ordonner la réouverture des débats et fixer date à cette fin.
ET VOUS FEREZ JUSTICE,
SALUT ET RESPECT.
Le —
Pour le requérant, son conseil.
(s)
Requête à déposer en autant d'exemplaires que de parties, plus un.
451

18. Demande en interprétation ou en rectification de jugement

Le — , devant —
ONT COMPARU VOLONTAIREMENT:
Lesquels ont exposé:
Que le Tribunal de céans a rendu, le — , un jugement en cause des mêmes parties, sous le rôle
de R.G. —;
Que ce jugement contient une erreur matérielle, à savoir —;
OU
Que les parties sont en désaccord sur l'interprétation qu'il y a lieu de donner à ce jugement;
- Le premier comparant considérant que
- Le second comparant considérant que —;
Les parties signifient leur accord de former la présente demande avant l'expiration des délais
d'appel ou de pourvoi en cassation ;
OU
Que les délais d'appel ou de pourvoi en cassation sont expirés;
Que les parties ont justifié de l'inscription de cette demande au R.G. sous le n° —
Que de tout quoi, nous avons dressé le présent procès-bal que nous signons avec les parties et
le Greffier.
(s)
452

19. Assignation en intervention et garantie

A Monsieur le Greffier ou (l’Huissier)


A la requête de la S.A. -, représentée par -,
Ayant pour conseil Maître -,
Voulez-vous assigner en intervention et garantie devant le Tribunal de —
la SPRL -,
M —, architecte, domicilié à -,
POUR (par exemple)
Attendu que par exploit de l'huissier de justice -' en date du -, ma requérante a été assignée à
comparaître devant le Tribunal de — par M — pour l'audience du — (R.G. n° —) ;
Que ledit sieur — reproche à ma requérante la mauvaise tenue du toit de l'immeuble qu'elle a
construit pour lui;
Que cette toiture a été entièrement réalisée par la première citée, en sous-traitance de ma
requérante, sur la base des plans et sous la direction et le contrôle du second cité;
Attendu, dès lors, que s'il s'avérait, par impossible, que le reproche du sieur — était fondé, la
responsabilité de la malfaçon devrait en définitive être imputée aux cités, lesquels devraient
être condamnés à garantir ma requérante de toutes condamnations qui seraient prononcées
contre elle en principal, intérêts et frais;
PAR CES MOTIFS,
S'entendre les cités condamnés à intervenir dans l'action pendante entre ma requérante et le
sieur — devant le Tribunal de — , action introduite par l'exploit de l'huissier de justice —du
—;
S'entendre les cités condamnés, le cas échéant, à garantir ma requérante de toutes
condamnations qui seraient prononcées contre elle en principal, intérêts et frais, en ce
compris les dépens de la présente action en intervention et garantie.
(s)
453

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION .................................................................................................................................................................... 2
OBJET, CARACTERISTIQUES ET SOURCES DE LA PROCEDURE CIVILE.........................................................................2
I. Objet: Que faut-il entendre par la notion de procédure civile ?................................................................................4
II. Principes qui guident la procédure civile: incidence des règles du procès équitable...............................................4
1. Le droit d’accès à un tribunal (juge).................................................................................................................... 6
2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial.................................................................................................... 7
3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix.........................................................................................8
4. Le droit à la publicité des débats........................................................................................................................ 9
5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.................................................................................................... 9
6. Le droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire)...............................................11
III. Caractéristiques des règles de la procédure civile............................................................................................... 13
1. Le principe dispositif......................................................................................................................................... 13
2. Procédure accusatoire...................................................................................................................................... 14
3. Procédure écrite et orale.................................................................................................................................. 15
4. Interdiction du déni de justice........................................................................................................................... 15
IV. SOURCES DE LA PROCEDURE CIVILE............................................................................................................ 15
1. Les Conventions internationales d’entraide judiciaire.......................................................................................15
2. Loi..................................................................................................................................................................... 16
3. La coutume....................................................................................................................................................... 16
4. La jurisprudence............................................................................................................................................... 20
5. Les principes généraux de droit........................................................................................................................ 21
6. L’équité............................................................................................................................................................. 25
7. Les usages....................................................................................................................................................... 26
8. La doctrine........................................................................................................................................................ 27
V. Les actes de procédure......................................................................................................................................... 27
1. Notions............................................................................................................................................................. 27
2. Les différentes sortes d’actes de procédure..................................................................................................... 27
a) Les exploits d'huissier de justice.................................................................................................................. 28
b) La rédaction des actes................................................................................................................................. 28
c) Enonciations ou mentions qui doivent figurer dans les exploits...................................................................29
3. Les actes des greffiers...................................................................................................................................... 29
4. Actes des parties.............................................................................................................................................. 29
a) La requête................................................................................................................................................... 29
b) Les conclusions........................................................................................................................................... 30
5. Les actes des juges.......................................................................................................................................... 30
a) Actes de procédure...................................................................................................................................... 30
b) Actes juridictionnels.................................................................................................................................... 30
c) Les décisions gracieuses............................................................................................................................. 30
d) Les actes d'administration........................................................................................................................... 31
PREMIERE PARTIE: LA PROCEDURE ANTERIEURE A L'AUDIENCE................................................................................32
CHAPITRE I : QUE FAIRE POUR RESOUDRE UN LITIGE ?............................................................................................... 32
Section 1: Le litige............................................................................................................................................................... 32
Section 2 : Mécanismes de résolution extrajudiciaire du litige............................................................................................32
§ 1. La conciliation......................................................................................................................................................... 32
§ 2. La médiation............................................................................................................................................................ 34
§ 3. Apport des associations culturelles ou églises........................................................................................................ 35
Section 3 : Saisine d'une juridiction..................................................................................................................................... 35
CHAPITRE II: L'ACTION EN JUSTICE.................................................................................................................................... 36
Section 1: Définition............................................................................................................................................................ 36
Section 2 : Conditions pour qu'une action en justice soit déclarée recevable.....................................................................36
§ 1. L’intérêt à agir......................................................................................................................................................... 37
I. Caractères de l'intérêt............................................................................................................................................ 38
II. L'intérêt des personnes morales............................................................................................................................ 38
III. L'intérêt des associations de fait........................................................................................................................... 38
§ 2. La qualité pour agir.................................................................................................................................................. 39
454

I. Notions................................................................................................................................................................... 39
II. La qualité, titre en vertu duquel une personne dispose du droit d'agir en justice...................................................39
III. La qualité, pouvoir en vertu duquel une personne forme une demande en justice...............................................39
CHAPITRE III: LA DEMANDE EN JUSTICE............................................................................................................................ 40
Section 1: Définition de la demande en justice................................................................................................................... 40
Section 2 : Les éléments constitutifs de la demande en justice..........................................................................................40
§ 1. L'objet de la demande............................................................................................................................................. 40
§ 2. La cause de la demande......................................................................................................................................... 41
§ 3. Les parties ou sujets de la demande....................................................................................................................... 41
Section 3: Différentes catégories de demandes en justice.................................................................................................. 42
§ 1. La demande introductive d'instance........................................................................................................................ 42
I. Assignation............................................................................................................................................................. 42
1. Les mentions de l'assignation........................................................................................................................... 42
a) Les mentions relatives au requérant............................................................................................................ 42
b) Les mentions relatives au défendeur ou au cité...........................................................................................44
c) Objet et moyens de la demande.................................................................................................................. 45
d) Indication du tribunal où la demande est portée..........................................................................................46
e) Lieu, jour et heure de la comparution.......................................................................................................... 46
f) Date de l'exploit d'assignation....................................................................................................................... 46
II. Comparution volontaire des parties....................................................................................................................... 47
III. Requête................................................................................................................................................................ 48
§ 2. Les demandes incidentes........................................................................................................................................ 48
I. La demande additionnelle...................................................................................................................................... 48
1. Définition........................................................................................................................................................... 48
2. Conditions de recevabilité................................................................................................................................. 49
II. La demande nouvelle............................................................................................................................................ 49
1. Définition........................................................................................................................................................... 49
2. Conditions de recevabilité................................................................................................................................. 49
a) La demande nouvelle doit être fondée sur un fait ou
un acte invoqué dans l’assignation ou dans la requête................................................................................49
b) La demande nouvelle doit être introduite par conclusions
à un moment où la procédure est contradictoire.......................................................................................... 50
3. La demande nouvelle en degré d'appel............................................................................................................ 50
III. La demande accessoire....................................................................................................................................... 50
IV. La demande provisionnelle.................................................................................................................................. 50
§ 3. La demande reconventionnelle............................................................................................................................... 50
I. Définition................................................................................................................................................................ 50
II. Conditions de recevabilité..................................................................................................................................... 51
III. Demandes reconventionnelles particulières......................................................................................................... 51
1. La demande reconventionnelle tendant à réduire la demande principale par compensation............................52
2. La demande reconventionnelle pour action téméraire et vexatoire...................................................................52
IV. La demande reconventionnelle en degré d’appel................................................................................................. 53
§ 4. Les demandes en intervention................................................................................................................................ 53
I. Notions................................................................................................................................................................... 53
1. Définition........................................................................................................................................................... 53
2. Régime............................................................................................................................................................. 54
II. L’intervention volontaire......................................................................................................................................... 54
1. Notions............................................................................................................................................................. 54
2. Sortes d’intervention volontaire........................................................................................................................ 54
a) L'intervention volontaire conservatoire......................................................................................................... 54
b) L'intervention volontaire agressive............................................................................................................... 55
3. Procédure......................................................................................................................................................... 55
III. L’intervention forcée............................................................................................................................................. 55
1. Notions............................................................................................................................................................. 55
2. Recevabilité...................................................................................................................................................... 56
3. Sortes d'intervention forcée.............................................................................................................................. 56
a) L'intervention forcée conservatoire.............................................................................................................. 56
b) L'intervention forcée agressive.................................................................................................................... 56
4. Procédure......................................................................................................................................................... 56
455

§ 5. Les effets de la demande........................................................................................................................................ 57


I. Les effets à l’égard des parties............................................................................................................................... 57
II. Les effets à l'égard du juge.................................................................................................................................... 57
III. Les effets par rapport au fond de la cause........................................................................................................... 57
CHAPITRE IV : SIGNIFICATIONS DES ACTES DE PROCEDURE.......................................................................................58
Section 1 : Notions.............................................................................................................................................................. 58
Section 2: Principes généraux............................................................................................................................................ 59
Section 3: Modes de signification de l'exploit...................................................................................................................... 59
§ 1. Signification à personne.......................................................................................................................................... 59
§ 2. Signification à domicile ou à résidence................................................................................................................... 59
I. Le cité est une personne physique......................................................................................................................... 59
II. Le cité est une personne morale........................................................................................................................... 61
§ 3. Signification à domicile élu...................................................................................................................................... 62
§ 4. Signification par messager...................................................................................................................................... 63
§ 5. Signification à l'étranger.......................................................................................................................................... 63
§ 6. Signification à domicile inconnu.............................................................................................................................. 64
CHAPITRE V : LES DÉLAIS DE PROCÉDURE...................................................................................................................... 65
Section 1 : Notions.............................................................................................................................................................. 65
§ 1. Principes généraux.................................................................................................................................................. 65
§ 2. Délais d'assignation et de distance......................................................................................................................... 65
Section 2 : Classification..................................................................................................................................................... 67
Section 3: La computation des délais................................................................................................................................. 67
§ 1. Mode de calcul des délais....................................................................................................................................... 67
§ 2. Adaptations et modification des délais.................................................................................................................... 68
Section 4 : Sanctions de l’inobservation des délais de procédure......................................................................................69
§ 1. De la sanction des irrégularités de forme................................................................................................................ 69
§ 2. Nullité des actes de procédure en général.............................................................................................................. 69
I. Pas de nullité sans texte......................................................................................................................................... 70
II. Pas de nullité sans grief........................................................................................................................................ 70
CHAPITRE VI : LES DEFENSES EN JUSTICE...................................................................................................................... 71
Section 1 : Les défenses au fond........................................................................................................................................ 71
Section 2: Les exceptions................................................................................................................................................... 71
§ 1. Les exceptions dilatoires et les fins de non procéder.............................................................................................. 72
§ 2. Les exceptions péremptoires.................................................................................................................................. 73
Lorsque la « récusation » vise la totalité des magistrats d'un tribunal, on se trouve................................................................74
Section 3 : Les fins de non-recevoir.................................................................................................................................... 74
DEUXIEME PARTIE: LA PROCEDURE A L'AUDIENCE......................................................................................................... 75
CHAPITRE I : L’INSTANCE..................................................................................................................................................... 75
Section 1 : La mise au rôle et le dossier de la procédure.................................................................................................... 75
§ 1. Le rôle général........................................................................................................................................................ 75
I. Notions................................................................................................................................................................... 75
II. Radiation du rôle................................................................................................................................................... 75
§ 2. Le dossier de la procédure...................................................................................................................................... 75
Section 2 : La comparution et la représentation des parties à l’instance.............................................................................76
§ 1. Notions générales................................................................................................................................................... 76
§ 2. Le procès contradictoire.......................................................................................................................................... 76
I. L’instruction du litige............................................................................................................................................... 76
II. L’audience d’introduction....................................................................................................................................... 77
III. La communication des dossiers........................................................................................................................... 78
IV. Conclusions et plaidoiries.................................................................................................................................... 79
V. Clôture des débats et délibéré.............................................................................................................................. 81
VI. Réouverture des débats....................................................................................................................................... 81
1. A la demande d'une partie................................................................................................................................ 81
2. Ordonnée d'office par le juge............................................................................................................................ 82
VII. Communication au ministère public.................................................................................................................... 82
1. Notions............................................................................................................................................................. 82
2. Les causes communicables.............................................................................................................................. 82
CHAPITRE II: L'INSTRUCTION DE PROCEDURE PAR DÉFAUT.........................................................................................85
Section 1 : Notion de défaut................................................................................................................................................ 85
456

Section 2 : La procédure par défaut.................................................................................................................................... 85


§ 1. Le défaut du demandeur......................................................................................................................................... 85
I. Le défaut-congé..................................................................................................................................................... 86
II. Constatation du défaut et profit ultérieur................................................................................................................ 86
III. Demande de jugement......................................................................................................................................... 86
§ 2. Le défaut du défendeur........................................................................................................................................... 87
I. Le défaut de comparaître....................................................................................................................................... 87
II. Défaut faute de conclure....................................................................................................................................... 87
III. Le défaut en cas de pluralité de défendeurs......................................................................................................... 87
TROSIEME PARTIE : LA PREUVE EN MATIERE CIVILE...................................................................................................... 89
Chapitre I: NOTIONS............................................................................................................................................................... 89
Section 1: Définition............................................................................................................................................................ 89
Section 2: Qualité de preuves admissibles en justice......................................................................................................... 89
Section 3: La charge de la preuve...................................................................................................................................... 90
Section 4: Rôles respectifs du juge et des parties.............................................................................................................. 92
CHAPITRE II : PRINCIPES GENERAUX DE PREUVES........................................................................................................ 94
Section 1: La loyauté de la preuve...................................................................................................................................... 94
Section 2: Preuve à soi-même............................................................................................................................................ 95
CHAPITRE III : DIFFERNTES PREUVES EN MATIERE CIVILE............................................................................................ 96
Section 1: Généralités......................................................................................................................................................... 96
Section 2: Première catégorie des preuves........................................................................................................................ 97
I. La preuve littérale................................................................................................................................................... 97
1. Notions............................................................................................................................................................. 97
2. Valeur probante.............................................................................................................................................. 100
II. L'aveu.................................................................................................................................................................. 103
1. Notions........................................................................................................................................................... 103
2. Espèces de l'aveu........................................................................................................................................... 103
a) L'aveu judiciaire......................................................................................................................................... 103
b) L'aveu extrajudiciaire................................................................................................................................. 104
3. Nature et caractères de l'aveu........................................................................................................................ 104
4. Forme de l'aveu.............................................................................................................................................. 104
5. Conditions et éléments constitutifs de l'aveu.................................................................................................. 105
6. Objet de l'aveu................................................................................................................................................ 105
7. Admissibilité de l'aveu.................................................................................................................................... 106
8. Valeur probante.............................................................................................................................................. 106
Section 3: Deuxième catégorie des preuves..................................................................................................................... 107
§ 1. La preuve par témoignage.................................................................................................................................... 107
I. Notions................................................................................................................................................................. 107
II. Forme du témoignage: l'enquête......................................................................................................................... 107
III. Mécanisme d'assignation des témoins............................................................................................................... 108
IV. Audition des témoins.......................................................................................................................................... 108
VI. Admissibilité du témoignage.............................................................................................................................. 111
1. Admissibilité quant aux faits à prouver........................................................................................................... 111
a) Les faits doivent être pertinents................................................................................................................. 111
b) Les faits doivent être précis et permettre la preuve contraire....................................................................112
2. Admissibilité quant à ce que sait le témoin..................................................................................................... 112
a) Le témoignage direct................................................................................................................................. 112
b) Le témoignage indirect.............................................................................................................................. 113
3. Admissibilité quant à la qualité du témoin....................................................................................................... 113
4. Libre appréciation des témoignages par le juge.............................................................................................113
VII. Valeur probante................................................................................................................................................ 113
VIII. Propositions pour une réforme......................................................................................................................... 114
§ 2. Les présomptions.................................................................................................................................................. 116
I. Notions................................................................................................................................................................. 116
II. Conditions d'admissibilité.................................................................................................................................... 116
III. Preuves résultant de la technologie moderne.................................................................................................... 116
1. Les films et photos.......................................................................................................................................... 117
a) Notions...................................................................................................................................................... 117
b) Valeur probante de films et photos............................................................................................................ 117
457

2. Les téléphones............................................................................................................................................... 117


3. Les enregistrements magnétiques.................................................................................................................. 118
4. Les transferts électroniques de fonds............................................................................................................. 118
5. Les messages électroniques ou le mail ou courrier électronique....................................................................118
6. La preuve du contenu d'un site web............................................................................................................... 119
7. La preuve par le son....................................................................................................................................... 119
IV. Valeur probante................................................................................................................................................. 120
Section 4: Preuves liées aux mesures d'instruction.......................................................................................................... 120
§ 1. L'expertise judiciaire.............................................................................................................................................. 121
I. Généralités........................................................................................................................................................... 121
1. Définition......................................................................................................................................................... 121
2. Raisons d'être de l'expertise........................................................................................................................... 122
3. Inconvénients de l'expertise............................................................................................................................ 122
4. Caractère facultatif de l'expertise.................................................................................................................... 122
II. Désignation de l'expert par un jugement avant dire droit.....................................................................................123
III. Statut de l'expert judiciaire.................................................................................................................................. 126
IV. Déroulement de la procédure de l'expertise judiciaire........................................................................................128
1. Début de la mission de l'expert....................................................................................................................... 128
2. Caractère contradictoire de l'expertise............................................................................................................ 129
3. Remplacement de l'expert.............................................................................................................................. 130
4. Rapports d'expert........................................................................................................................................... 130
5. Rémunération de l'expert................................................................................................................................ 132
6. Tentative de conciliation................................................................................................................................. 132
7. Valeur probante du rapport d'expert............................................................................................................... 133
§ 2. La descente sur les lieux....................................................................................................................................... 135
I. Principe................................................................................................................................................................ 135
II. Procédure............................................................................................................................................................ 135
§ 3. La comparution personnelle des parties et leur interrogatoire...............................................................................137
QUATRIEME PARTIE: LES INCIDENTS A L'INSTANCE...................................................................................................... 138
CHAPITRE I: LES INCIDENTS DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS...........................................................................138
Section 1: Notions préliminaires de compétence judiciaire............................................................................................... 138
Section 2: L'incompétence de la juridiction saisie............................................................................................................. 139
Section 3: La prorogation de compétence......................................................................................................................... 140
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 140
§ 2. Sortes de prorogation de compétence.................................................................................................................. 141
I. La prorogation légale de compétence.................................................................................................................. 141
1. La prorogation légale de compétence en raison de la connexité ou de litispendance...................................141
2. La prorogation légale de compétence en raison de compétence territoriale...................................................142
3. La prorogation légale de compétence en raison d'extension de la compétence matérielle............................142
4. La prorogation légale de compétence en raison de la compétence personnelle............................................143
II. La prorogation judiciaire de compétence............................................................................................................. 143
III. La prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence............................................................................144
Section 4: La litispendance............................................................................................................................................... 147
§ 1. Notions de litispendance....................................................................................................................................... 147
§ 2. Situations qui peuvent créer la litispendance........................................................................................................ 148
§ 3. Conditions............................................................................................................................................................. 148
I. Identité d'objet...................................................................................................................................................... 149
II. Identité de litige (même cause).......................................................................................................................... 149
III. Identité de parties.............................................................................................................................................. 149
IV. Causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents..................................................150
V. Juridictions appelées à statuer au premier degré de juridiction...........................................................................151
§ 4. Règlement de l'incident de litispendance.............................................................................................................. 152
I. La juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier ressort................................152
II. La juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une
disposition d’ordre intérieur est préférée aux autres juridictions..........................................................................153
III. La juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions..................................................................153
§ 5. Moment de soulever l'incident de litispendance.................................................................................................... 154
§ 6. Décision réglant l'incident de litispendance........................................................................................................... 155
Section 5: La connexité..................................................................................................................................................... 156
458

§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 156
§ 2. Conditions............................................................................................................................................................. 158
I. Le lien entre deux affaires.................................................................................................................................... 158
II. Saisine de deux juridictions différentes et compétentes......................................................................................158
III. L'intérêt pour une bonne administration de la justice de les instruire et les juger ensemble..............................159
§ 3. Règlement de l'incident de la connexité................................................................................................................ 160
§ 4. Moment de soulever l'incident de la connexité...................................................................................................... 160
§ 5. Concours entre deux juridictions spécialisées en matière de droit privé...............................................................161
§ 6. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction spécialisée.................................162
I. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et le tribunal de commerce ou le tribunal de travail........162
II. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et le tribunal pour enfants....................................163
§ 7. Décision réglant l'incident de connexité................................................................................................................. 163
Section 6: L’indivisibilité.................................................................................................................................................... 164
Section 7: Le conflit de juridictions ou règlement de juges............................................................................................... 165
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 165
§ 2. Conditions............................................................................................................................................................. 167
§ 3. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 167
§ 4. Procédure.............................................................................................................................................................. 167
Section 8: Le conflit d’attribution....................................................................................................................................... 168
1. Notions........................................................................................................................................................... 168
2. Procédure....................................................................................................................................................... 168
3. Propositions de réforme.................................................................................................................................. 169
Section 9: Règles particulières de compétences en matière civile, commerciale, sociale et de la famille.......................170
§ 1. La compétence des juridictions pénales sur l'action civile.....................................................................................170
§ 2. La compétence des juridictions selon la valeur du litige........................................................................................170
§ 3. Juridiction compétente par rapport au domicile des parties
ou le lieu de naissance du litige ou la situation du litige......................................................................................171
§ 4. Juridiction compétente en matière mobilière et immobilière..................................................................................172
§ 5. Juridiction compétente en matière de succession................................................................................................. 173
§ 6. Juridiction compétente en cas de demandes reconventionnelles..........................................................................174
§ 7. Juridiction compétente par rapport au lieu de travail.............................................................................................175
§ 8. Juridictions compétentes à juger les étrangers en matière civile en RDC.............................................................176
CHAPITRE II: L'INCIDENT A L'INSTANCE LIEE A L'ABSENCE D'IMPARTIALITE DU JUGE.............................................177
Section 1: La récusation.................................................................................................................................................... 177
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 177
§ 2. Juges concernés................................................................................................................................................... 178
§ 3. Cas du ministère public......................................................................................................................................... 179
§ 4. Cas du greffier....................................................................................................................................................... 182
§ 5. Conditions de la récusation................................................................................................................................... 183
I. Conditions de fond............................................................................................................................................... 183
1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire.......................................................184
2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale jusqu’au
3ème degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son mandataire.................................187
3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties.....................................................................................190
4. L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique,
de serviteur ou d’employé entre le juge et l’une des parties..........................................................................193
5. L’existence d’une inimitié entre le juge et l’une des parties............................................................................195
6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire................................................................................................... 199
7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert
ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire..........................................................206
a) L’intervention antérieure du juge dans l’affaire en qualité du juge............................................................206
a.1. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties au même degré de juridiction..............................................................................206
a.2. La connaissance par le juge de la même affaire au même
degré de juridiction mais les parties différentes..............................................................................208
a.2.1. La connaissance par le juge des affaires différentes
concernant les mêmes parties au même degré de juridiction...............................................................208
a.2.2. La connaissance par le juge du jugement avant dire droit ou décisions sur incident,
d'actes d'administration judiciaire, des mesures d'ordre et de jugement au fond de l'affaire................208
459

a.2.3. La connaissance par le juge de la décision de compétence ou


sur la régularité de la saisine et de jugement au fond de l'affaire........................................................209
a.3. La connaissance par le juge des décisions provisoires et décisions au fond
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction................................209
a.4. La connaissance par le juge du tribunal pour enfants des décisions provisoires et décisions
au fond concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction....................214
a.5. La participation par le juge à la fois des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction................................216
a.6. Le cumul par le juge des fonctions de conciliation et de jugement concernant
la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction..................................................218
a.7. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties en première instance et au degré d'appel...........................................................219
a.8. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties sur opposition au même degré de juridiction......................................................220
a.9. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties sur tierce opposition au même degré de juridiction.............................................221
a.10. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties sur requête civile. 222
a.11. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après révision......223
a.12. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après cassation. . .223
b) L’intervention antérieure du juge comme témoin.......................................................................................225
c) L’intervention antérieure du juge comme interprète ou expert...................................................................225
d) L’intervention antérieure du juge comme agent de l’administration...........................................................226
e) L’intervention antérieure du juge comme avocat ou défenseur judiciaire..................................................226
8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier
de police judiciaire ou d’officier du ministère public.......................................................................................228
9. Propositions pour une réforme concernant les causes de récusation.............................................................230
II. Conditions de forme............................................................................................................................................ 231
§ 6. Procédure de récusation....................................................................................................................................... 231
I. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 232
II. Personnes autorisées à récuser.......................................................................................................................... 233
III. Modalités d'introduction de la demande de récusation.......................................................................................233
IV. Eléments essentiels de la demande de récusation............................................................................................ 234
V. Moment de la demande de récusation............................................................................................................... 236
VI. Délai de citation d'audience de la récusation..................................................................................................... 236
VII. Déroulement de l'audience et jugement de la récusation..................................................................................237
1. Déroulement de l'audience............................................................................................................................. 237
2. Jugement de la récusation.............................................................................................................................. 238
VIII. Voies de recours............................................................................................................................................. 239
IX. Sanctions applicables........................................................................................................................................ 240
X. Effets de jugement de récusation....................................................................................................................... 242
§ 7. Procédure de décharger de l'affaire l'officier du ministère public en matière pénale pour absence d'impartialité..242
Section 2: Le déport.......................................................................................................................................................... 243
§ 1: Notions.................................................................................................................................................................. 243
§ 2. Causes du déport.................................................................................................................................................. 244
§ 3. Procédure de déport.............................................................................................................................................. 246
§ 4. Conséquences du refus de déport........................................................................................................................ 247
§ 5. Sanction en cas du déport injustifié....................................................................................................................... 247
Section 3: Le renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique..................................................................248
§ 1. Le renvoi pour cause de suspicion légitime........................................................................................................... 248
I. Notions................................................................................................................................................................. 248
II. Juridiction concernée........................................................................................................................................... 249
III. Les causes de la suspicion légitime................................................................................................................... 250
IV. Procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime......................................................................................258
1. Juridiction compétente.................................................................................................................................... 259
2. Modalités d'introduction de la demande.......................................................................................................... 260
3. Moment de la demande.................................................................................................................................. 261
4. Eléments probants de la demande................................................................................................................. 261
5. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime.......................................262
a) Déroulement de l'audience........................................................................................................................ 262
460

b) Décision de renvoi pour cause de suspicion légitime................................................................................263


6. Voies de recours............................................................................................................................................. 264
7. Sanctions applicables..................................................................................................................................... 264
8. Effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime...................................................................265
§ 2. Le renvoi pour cause de sûreté publique.............................................................................................................. 266
I. Notions................................................................................................................................................................. 266
II. Causes de sûreté publique.................................................................................................................................. 266
III. Procédure de renvoi pour cause de sûreté publique..........................................................................................267
1. Juridiction compétente.................................................................................................................................... 267
2. Modalités d'introduction de la demande.......................................................................................................... 268
3. Moment de la demande.................................................................................................................................. 268
4. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause sûreté publique...............................................268
a) Déroulement de l'audience........................................................................................................................ 268
b) Décision de renvoi pour cause de sûreté publique....................................................................................269
5. Voies de recours............................................................................................................................................. 270
6. Effets de la décision de renvoi pour cause de sûreté publique.......................................................................270
CINQUIEME PARTIE: LE DELIBERE ET LE PRONONCE DE JUGEMENTS.....................................................................271
CHAPITRE I: LE DELIBERE.................................................................................................................................................. 271
Section 1: Notions............................................................................................................................................................. 271
Section 2: Procédure du délibéré...................................................................................................................................... 271
CHAPITRE II: LE PRONONCE DE JUGEMENT................................................................................................................... 273
Section 1: Dénomination et classification de jugements ou arrêts...................................................................................273
Section 2: Portée des jugements...................................................................................................................................... 273
Section 3: Voies de nullités............................................................................................................................................... 274
Section 4: Procédure........................................................................................................................................................ 274
CHAPITRE III: LES INCIDENTS APRES LE PRONONCE DE JUGEMENT.........................................................................276
Section 1: La réouverture des débats............................................................................................................................... 276
§ 1. A la demande d'une partie..................................................................................................................................... 276
§ 2. Ordonnée d'office par le juge................................................................................................................................ 276
Chapitre IV : LE JUGEMENT COMME L’ABOUTISSEMENT DU PROCES.........................................................................277
Section 1 : Notions et contenu du jugement...................................................................................................................... 277
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 277
§ 2. Contenu et mentions du jugement......................................................................................................................... 280
I. La motivation........................................................................................................................................................ 280
II. Les mentions du jugement.................................................................................................................................. 281
III. Signification du jugement................................................................................................................................... 281
Section 2: Interprétation et rectification du jugement........................................................................................................ 281
§ 1. L’interprétation...................................................................................................................................................... 282
§ 2. La rectification....................................................................................................................................................... 282
§ 3. Compétence et procédure..................................................................................................................................... 282
Section 3: Les effets de jugements................................................................................................................................... 282
§ 1. Extinction de l'instance.......................................................................................................................................... 282
§ 2. Force probante et autorité de la chose jugée........................................................................................................ 283
§ 3. Force exécutoire................................................................................................................................................... 283
CHAPITRE V : L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE............................................................................................................ 284
Section 1 : Notions............................................................................................................................................................ 284
Section 2 : Conditions de validité de chose jugée............................................................................................................. 284
Section 3 : Autorité de chose jugée et dessaisissement................................................................................................... 285
Section 4 : Les décisions qui possèdent l’autorité de chose jugée...................................................................................285
Section 5 : L’exécution des jugements.............................................................................................................................. 286
L’exécution d’un jugement peut être volontaire ou forcée...................................................................................................... 286
§ 1. L’exécution volontaire du jugement....................................................................................................................... 286
§ 2. L’exécution provisoire du jugement (art. 21 CPC)................................................................................................. 286
§ 3. L’exécution forcée du jugement............................................................................................................................ 286
SIXIEME PARTIE : LES VOIES DE RECOURS.................................................................................................................... 289
CHAPITRE I : DISPOSITIONS GENERALES....................................................................................................................... 289
CHAPITRE II : LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES.................................................................................................... 291
Section 1 : L’opposition..................................................................................................................................................... 291
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 291
461

§ 2. Conditions d'admissibilité...................................................................................................................................... 292


§ 3. Motivation.............................................................................................................................................................. 293
§ 4. Le délai.................................................................................................................................................................. 293
§ 5. Contenu et actes constitutifs................................................................................................................................. 294
§ 6. Effets..................................................................................................................................................................... 295
I. Effet suspensif...................................................................................................................................................... 295
II. Effet dévolutif....................................................................................................................................................... 295
II. Effet relatif........................................................................................................................................................... 295
§ 7. L'opposition et le principe d'impartialité................................................................................................................. 296
§ 8. Propositions de sa réforme................................................................................................................................... 296
Section 2: L'appel.............................................................................................................................................................. 297
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 297
§ 2. Conditions de recevabilité de l’appel..................................................................................................................... 298
I. Avoir qualité pour agir........................................................................................................................................... 298
II. Justifier d’un intérêt pour interjeter appel............................................................................................................. 299
§ 3. Formes de l'appel.................................................................................................................................................. 299
I. Appel principal...................................................................................................................................................... 299
II. Appel incident...................................................................................................................................................... 299
§ 4. Les délais de l’appel.............................................................................................................................................. 300
I. Appel principal...................................................................................................................................................... 300
II. Appel incident...................................................................................................................................................... 301
§ 5. Procédure.............................................................................................................................................................. 301
§ 6. Les effets d’appel.................................................................................................................................................. 303
I. L'effet suspensif.................................................................................................................................................... 303
II. L'effet dévolutif.................................................................................................................................................... 303
III. L'effet d'évocation............................................................................................................................................... 304
IV. L'effet relatif........................................................................................................................................................ 305
§ 7. L'appel et le principe d'impartialité......................................................................................................................... 305
CHAPITRE III : LES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES.......................................................................................306
Section 1: La tierce opposition.......................................................................................................................................... 306
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 306
§ 2. Décisions susceptibles de la tierce opposition...................................................................................................... 307
I. Décisions rendues en matière civile..................................................................................................................... 307
II. Décisions pénale sur les intérêts civils................................................................................................................ 307
III. Exclusion des arrêts de la Cour de cassation..................................................................................................... 308
§ 3. Conditions de la tierce opposition.......................................................................................................................... 308
I. La tierce opposition doit émaner d'un tiers........................................................................................................... 308
II. La décision attaquée doit être susceptible de préjudicier aux droits des tiers.....................................................309
III. Le demandeur doit justifier d'un intérêt et de la qualité......................................................................................309
1. Intérêt............................................................................................................................................................. 309
2. Qualité............................................................................................................................................................ 310
§ 4. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 310
§ 5. Procédure.............................................................................................................................................................. 312
I. Délai..................................................................................................................................................................... 312
II. Forme.................................................................................................................................................................. 312
§ 6. Effets..................................................................................................................................................................... 313
I. Passer outre ou sursoir à statuer......................................................................................................................... 313
II. Effet non suspensif.............................................................................................................................................. 313
III. Effet dévolutif...................................................................................................................................................... 313
IV. Effet relatif de la tierce opposition...................................................................................................................... 314
§ 7. La tierce opposition et le principe d'impartialité..................................................................................................... 314
§ 8. Voies de recours................................................................................................................................................... 314
§ 9. Concours de la tierce opposition et d'autres voies de recours.............................................................................315
I. Concours de la tierce opposition et de l'appel...................................................................................................... 315
II. Concours de la tierce opposition et de l'opposition.............................................................................................. 316
§ 10. Proposition sa réforme........................................................................................................................................ 316
Section 2: La prise à partie............................................................................................................................................... 316
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 316
§ 2. Magistrats concernés............................................................................................................................................ 317
462

§ 3. Conditions............................................................................................................................................................. 318
I. Le dol.................................................................................................................................................................... 318
II. La concussion..................................................................................................................................................... 325
III. Le déni de justice............................................................................................................................................... 325
§ 4. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 326
§ 5. Procédure.............................................................................................................................................................. 326
§ 6. Effets..................................................................................................................................................................... 327
§ 7. Voies de recours................................................................................................................................................... 329
§ 8. Propositions de sa réforme................................................................................................................................... 329
Section 3: La requête civile............................................................................................................................................... 330
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 330
§ 2. Décisions susceptibles de requête civile............................................................................................................... 332
§ 3. Causes de requête civile....................................................................................................................................... 332
I. Le dol personnel................................................................................................................................................... 333
II. S'il l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement..................................................335
III. Contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties
et sur les mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux..........................................................................335
IV. Si depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives
et qui avaient été retenues par le fait de la partie................................................................................................ 336
§ 4. Parties pouvant introduire la requête civile............................................................................................................ 338
§ 5. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 338
§ 6. Procédure.............................................................................................................................................................. 339
I. Délai..................................................................................................................................................................... 339
II. Forme.................................................................................................................................................................. 339
§ 7. Effets..................................................................................................................................................................... 340
§ 8. La requête civile et le principe d’impartialité du juge............................................................................................. 340
§ 9. Voies de recours................................................................................................................................................... 341
§ 10. Proposition de sa réforme................................................................................................................................... 342
Section 4: Le pourvoi en cassation................................................................................................................................... 342
§ 1. Notions.................................................................................................................................................................. 342
§ 2. Conditions............................................................................................................................................................. 344
I. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être rendus en dernier ressort.........................344
II. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être définitifs..................................................345
III. Les cours et tribunaux doivent avoir violé ou mal appliqué la loi ou la coutume.................................................348
1. L’incompétence.............................................................................................................................................. 349
2. L’excès de pouvoirs des cours et tribunaux.................................................................................................... 350
3. La fausse application ou la fausse interprétation de la loi...............................................................................351
4. La fausse application ou la fausse interprétation de la coutume.....................................................................352
5. La non-conformité de la coutume dont il a été
fait application aux lois ou à l’ordre public.................................................................................................... 352
a) La non-conformité de la coutume aux lois................................................................................................. 353
b) La non-conformité de la coutume à l'ordre public......................................................................................353
6. La violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité...........................................................353
a) La composition du tribunal ou de la Cour.................................................................................................. 354
b) La saisine du tribunal ou de la Cour.......................................................................................................... 355
c) Les droits de la défense............................................................................................................................. 355
d) L'administration de la preuve..................................................................................................................... 355
e) La motivation des jugements ou arrêts...................................................................................................... 355
IV. Le pourvoi en cassation doit être introduit dans le délai légal............................................................................357
§ 3. Parties autorisées à se pourvoir en cassation....................................................................................................... 358
§ 4. Le pourvoi introduit par le Procureur général près la Cour de cassation sur injonction du ministre de la Justice..358
§ 5. Le pourvoi introduit par le Procureur général près la Cour de cassation dans le seul intérêt de la loi...................360
§ 6. Juridiction compétente.......................................................................................................................................... 362
§ 7. Procédure.............................................................................................................................................................. 362
I. Principes généraux............................................................................................................................................... 362
II. Délai du pourvoi en cassation............................................................................................................................. 362
III. Forme du pourvoi.............................................................................................................................................. 363
IV. Audience de la Cour de cassation...................................................................................................................... 364
§ 8. Effets en matière civile.......................................................................................................................................... 365
463

I. Effet non suspensif en matière civile.................................................................................................................... 365


1. Principe........................................................................................................................................................... 365
2. Exception........................................................................................................................................................ 365
II. Effet dévolutif...................................................................................................................................................... 366
§ 9. Décisions possibles de la Cour de cassation........................................................................................................ 367
§ 10. Le pourvoi en cassation et le principe d’impartialité du juge...............................................................................367
§ 11. Voies de recours................................................................................................................................................. 368
SEPTIEME PARTIE : LES VOIES D'EXECUTION ET DE SURETE.....................................................................................370
CHAPITRE I: AVANT LE DROIT OHADA.............................................................................................................................. 370
Section 1: Généralités....................................................................................................................................................... 370
Section 2 : La saisie-arrêt................................................................................................................................................. 371
§ 1.Conditions requises pour procéder à une saisie-arrêt............................................................................................ 371
§ 2. Le juge compétent pour autoriser la saisie............................................................................................................ 372
§ 3. Procédure à suivre pour procéder à une saisie-arrêt............................................................................................ 373
I. L’exécution provisoire........................................................................................................................................... 373
II. Le cantonnement................................................................................................................................................. 374
III. Les effets du cantonnement............................................................................................................................... 375
Section 3: La saisie conservatoire.................................................................................................................................... 375
§ 1. Les conditions de fond.......................................................................................................................................... 376
I. La célérité............................................................................................................................................................. 376
II. Les qualités de la créance................................................................................................................................... 376
1. La certitude..................................................................................................................................................... 376
2. L'exigibilité...................................................................................................................................................... 377
3. Liquidité.......................................................................................................................................................... 377
§ 2. Conditions de forme.............................................................................................................................................. 377
I. Saisie pratiquée sans autorisation........................................................................................................................ 377
II. Autorisation du juge............................................................................................................................................. 378
§ 3. Rétractation........................................................................................................................................................... 378
§ 4. Insaisissabilité de certains biens........................................................................................................................... 379
CHAPITRE II: L'INCIDENCE DU DROIT OHADA................................................................................................................. 380
Section 1: Généralités....................................................................................................................................................... 380
Section 2: Acteurs de la procédure................................................................................................................................... 381
Section 3: Les procédures simplifiées de recouvrement de créance...............................................................................383
§ 1. Les conditions des injonctions............................................................................................................................... 383
I. Recouvrement d’une créance............................................................................................................................... 383
II. Procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un bien meuble déterminé..............................386
§ 2. Procédure d’exécution des injonctions.................................................................................................................. 387
Section 3: Les voies d’exécution....................................................................................................................................... 387
§ 1. Présentation générale........................................................................................................................................... 387
I. Champ d’application............................................................................................................................................. 387
II. L’exécution provisoire nonobstant tout recours................................................................................................... 388
III. Présentation des biens saisissables................................................................................................................... 390
§ 2. Présentation des règles relatives aux voies d’exécution......................................................................................390
I. Les saisies conservatoires................................................................................................................................... 390
II. Les mesures d’exécution de saisie conservatoire............................................................................................... 392
1. Mesures d’exécution portant sur les biens meubles.......................................................................................392
a) La saisie-vente des meubles corporels...................................................................................................... 392
a.1. Le commandement............................................................................................................................ 392
a.2.Opérations de saisie........................................................................................................................... 393
a.3. Saisie vente entre les mains d’un tiers............................................................................................... 393
a.4. Vente.................................................................................................................................................. 393
a.5. Incidents de la saisie (il s’agit de l’opposition des créanciers, de la demande
en mainlevée de la saisie, en nullité et de l’action en distraction).....................................................393
b) La saisie-attribution des créances............................................................................................................. 394
b.1. Paiement par le tiers saisi.................................................................................................................. 395
b.2. Contestations..................................................................................................................................... 395
c) La saisie et cession des rémunérations..................................................................................................... 395
d) La saisie appréhension et la saisie-revendication des biens meubles corporels.......................................395
e) La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières..........................................................................396
464

2. Mesures d’exécution portant sur les biens immeubles (articles 246-323).......................................................396


a) L’état de l’immeuble................................................................................................................................... 396
b) La mise à prix............................................................................................................................................ 397
c) La vente amiable par le débiteur................................................................................................................ 397
d) Procédure.................................................................................................................................................. 397
d.1. Conditions.......................................................................................................................................... 397
d.2. Mise sous main de justice.................................................................................................................. 398
d.3. Préparation de la vente...................................................................................................................... 398
d.4. Vente.................................................................................................................................................. 398
d.5. L’adjudication..................................................................................................................................... 399
d.6. Incidents de la saisie immobilière....................................................................................................... 399
HUITEME PARTIE: LES FRAIS DE JUSTICE....................................................................................................................... 401
CHAPITRE I: CONSIGNATION ET RECOUVREMENT DES FRAIS...................................................................................401
Section 1: Consignation des frais...................................................................................................................................... 401
§ 1. Obligation de consigner les frais........................................................................................................................... 401
§ 2. Dispense de la consignation des frais................................................................................................................... 401
Section 2: Recouvrement des frais................................................................................................................................... 402
CHAPITRE II: LE DROIT PROPOTIONNEL.......................................................................................................................... 403
Section 1: Notions............................................................................................................................................................. 403
Section 2: Modalités de détermination de droit proportionnel...........................................................................................403
Section 3: Recouvrement de droit proportionnel............................................................................................................... 403
NEUVIEME PARTIE: L'ARBITRAGE..................................................................................................................................... 405
CHAPITRE I: AVANT LE DROIT OHADA.............................................................................................................................. 405
Section 1: Conventions d'arbitrage................................................................................................................................... 405
§ 1. Notions générales................................................................................................................................................. 405
I. But de l'arbitrage.................................................................................................................................................. 405
II. Définition............................................................................................................................................................. 405
§ 2. De la clause compromissoire................................................................................................................................ 406
I. Condition de validité............................................................................................................................................. 406
1. Quant au contenu de la clause....................................................................................................................... 406
2. Quant aux personnes signataires................................................................................................................... 406
II. Effets de la clause compromissoire..................................................................................................................... 407
§ 3. Le compromis........................................................................................................................................................ 407
I. Généralités........................................................................................................................................................... 407
II. Conditions de validité.......................................................................................................................................... 407
Section 2: Procédure........................................................................................................................................................ 408
§1. Généralités............................................................................................................................................................. 408
§ 2. Sentence arbitrale (jugement arbitral)................................................................................................................... 408
I. Forme.................................................................................................................................................................. 408
II. Contenu et effets................................................................................................................................................. 408
Section 3: Exécution et voies de recours.......................................................................................................................... 409
§ 1. Exécution.............................................................................................................................................................. 409
§ 2. Voies de recours................................................................................................................................................... 409
CHAPITRE II: INCIDENCE DU DROIT OHADA.................................................................................................................... 410
Section 1: Considérations générales................................................................................................................................ 410
Section 2: Procédure........................................................................................................................................................ 410
§ 1. Saisine.................................................................................................................................................................. 410
§ 2. Instruction de la cause.......................................................................................................................................... 410
§ 3. Sentence arbitrale (jugement arbitral)................................................................................................................... 411
Section 3: Portée des sentences arbitrales....................................................................................................................... 411
DIXIEME PARTIE: LES RECOURS DEVANT LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES.................................................412
CHAPITRE I: LE TRIBUNAL DE LA COMMUNAUTE DE DEVELOPPEMENT DE l'AFRIQUE AUSTRALE (SADC)...........412
Section 1: Ressort et siège............................................................................................................................................... 412
Section 2: Composition..................................................................................................................................................... 412
Section 3: Compétences matérielles................................................................................................................................. 413
Section 4: Saisine............................................................................................................................................................. 413
Section 5: Propositions de sa réforme.............................................................................................................................. 414
§ 1. La nécessité d'indépendance du tribunal.............................................................................................................. 414
§ 2. La nécessité pour les particuliers de saisir le tribunal........................................................................................... 414
465

CHAPITRE II: LA COUR DE JUSTICE DU MARCHE COMMUN DE L'AFRIQUE ORIENTALE


ET AUSTRALE (Cour de Justice du COMESA)......................................................................................416
Section 1: Origine............................................................................................................................................................. 416
Section 2: Ressort et siège............................................................................................................................................... 416
Section 3: Composition..................................................................................................................................................... 417
Section 4: Compétences matérielles................................................................................................................................. 417
§ 1. Compétence consultative...................................................................................................................................... 417
§ 2. Compétence contentieuse..................................................................................................................................... 417
Section 5: Saisine............................................................................................................................................................. 418
Section 6: Proposition de sa réforme................................................................................................................................ 419
CHAPITRE III: LA COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE DE L'OHADA (CCJA)..........................................420
Section 1: Ressort et siège............................................................................................................................................... 420
Section 2: Composition..................................................................................................................................................... 420
Section 3: Compétences matérielles................................................................................................................................. 421
§ 1. Compétence consultative...................................................................................................................................... 421
§ 2. Compétence contentieuse..................................................................................................................................... 422
I. Connaissance du pourvoi en cassation................................................................................................................ 422
II. Connaissance du fond de l'affaire dans l’hypothèse où il y a cassation..............................................................423
§ 3. Compétence en matière d'arbitrage...................................................................................................................... 424
Section 4: Saisine............................................................................................................................................................. 424
Section 5: Voies de recours.............................................................................................................................................. 425
Section 6: Portée des arrêts de la Cour............................................................................................................................ 425
§ 1. En matière contentieuse........................................................................................................................................ 425
§ 2. En matière d'arbitrage........................................................................................................................................... 426
Section 7: Propositions de sa réforme.............................................................................................................................. 427
§ 1. Nécessité d'instaurer le mécanisme de questions préjudicielles...........................................................................427
§ 2. Nécessité de retirer à la Cour la compétence en matière de cassation.................................................................428
§ 3. Nécessité de rapprocher la Cour des justiciables.................................................................................................. 428
ANNEXES : MODELES DE QUELQUES ACTES DE PROCEDURE....................................................................................430
1. Modèle d’une Assignation........................................................................................................................................ 430
2. Assignation en demande exécutoire d’un acte authentique étranger.......................................................................432
3. Assignation en Assistance judiciaire........................................................................................................................ 433
4. Demande d’invitation en conciliation........................................................................................................................ 433
5. Requête en abréviation de délai de citer.................................................................................................................. 434
6. Requête en sortie d’indivision relativement à des biens immobiliers appartenant en copropriété ou en pleine
propriété à des mineurs, des interdits, des personnes pourvues d’un administrateur provisoire.........................436
7. Requête concernant l’autorité parentale, le droit d’hébergement et la part contributive...........................................437
8. Assignation en résiliation de contrat de bail et en expulsion....................................................................................439
9. Modèle d’une Requête tendant à obtenir autorisation d'assigner à bref délai.........................................................441
10. Modèle d’une Ordonnance permettant d'assigner à bref délai n° …/20.................................................................442
11. Modèle d’une Assignation à bref délai.................................................................................................................... 443
12. Modèle d’un Bulletin de comparution volontaire..................................................................................................... 445
13. Modèle d’une Sommation de conclure................................................................................................................... 446
14. Modèle d’une Assignation en garantie................................................................................................................... 447
15. Modèle d’un Acte d'opposition................................................................................................................................ 449
16. Modèle d’un Acte d'appel....................................................................................................................................... 449
17. Requête en réouverture des débats....................................................................................................................... 450
18. Demande en interprétation ou en rectification de jugement...................................................................................451
19. Assignation en intervention et garantie.................................................................................................................. 452
TABLE DES MATIERES........................................................................................................................................................ 453

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