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Université Libre des Pays des Grands Lacs


ULPGL/Goma

COURS :

Droit de l’environnement

2019

Prof Dr Kennedy KIHANGI BINDU


2

I. Introduction générale
- Objectifs et intérêt du cours
- Méthodologie et examen
- Approche conceptuelle (environnement et développement durable)
- Droit de l’environnement et droit à l’environnement
II. Les sources du droit de l’environnement
Section 1 : Les sources internationales
Section 2 : Les sources internes
III. Les principes fondamentaux du droit de l’environnement
Section 1 : Principe d’action préventive et de précaution
Section 2 : Le principe de pollueur-payeur
Section 3 : Principe des responsabilités communes mais différenciées
Section 4 : Le principe de la participation et de l’information
Section 5 : Le principe de l’interdépendance entre l’environnement et le développement
Section 6 : L’obligation de prendre en compte l’environnement
IV. Etude d’impact environnemental et la fiscalité environnementale
V. Les institutions et régimes de protection de l’environnement en RDC
VI. La justiciabilité du droit à l’environnement en RDC
VII. Le cadre légal et règlementaire de la conservation de la nature
VIII. Le cadre légal et règlementaire du secteur forestier
IV. Le cadre légal et règlementaire des mines et hydrocarbures
X. La protection juridictionnelle de l’environnement
IX. Conclusion
3

I. Introduction générale

Depuis plus de deux décennies, les préoccupations environnementales attirent l’attention de


plusieurs acteurs car la protection de l’environnement a fini par s’imposer à la conscience
universelle comme une nécessité. D’aucuns sont unanimes que la survie de l’être humain est
fonction d’un environnement sain, propice à son épanouissement sur plusieurs fronts. Cette
assertion impose à ce dernier un certain comportement vis-à-vis de son milieu naturel.
Considéré, d’une part, comme créature, et d’autre part, comme créateur de son environnement,
l’homme demeure au centre de toute œuvre.

En effet, dans la longue et laborieuse évolution de la race humaine sur la terre, le moment est
venu où grâce aux progrès toujours plus rapides de la science et de la technologie, l’homme a
acquis le pouvoir de transformer son environnement de plusieurs manières et à une échelle sans
précédent. La conciliation entre le naturel et l’artificiel pose de difficultés énormes pour le bien-
être et la pleine jouissance. Prieur Michel et Doumbé-Billé Stéphane notent avec raison que « le
pouvoir qu’a l’homme de transformer le milieu dans lequel il vit, s’il est utilisé avec
discernement, peut apporter à tous les peuples les bienfaits du développement et la possibilité
d’améliorer la qualité de vie. Utilisé abusivement ou inconsidérément, ce pouvoir peut causer
un mal incalculable aux êtres humains et à l’environnement ».1

Suite aux conséquences environnementales désastreuses dues à certaines activités humaines et


pour protéger les droits des générations présentes et futures, plusieurs initiatives de
conservation et de protection de l’environnement ont été entreprises au niveau universel,
régional et sous régional. Il est bien évident que l’impact de l’homme sur le climat, la pollution
de l’atmosphère ou des eaux internes et internationales ainsi que les mouvements transfrontières
de déchets dangereux par exemple, ne peuvent recevoir de solutions nationales efficientes. Le
background sus présenté a suffi pour qu’une conscience universelle des préoccupations
environnementales conduise à la signature de plusieurs conventions internationales se
rapportant sur la conservation de la nature et la protection de l’environnement. L’Afrique fut à
ce titre à l’origine d’initiatives importantes dont la moindre n’est pas la Charte Mondiale de la
Nature. C’est le Feu Président Zaïrois Mobutu qui, en 1975, au cours de l’Assemblée Générale

1
Prieur Michel et Doumbé Billé Stéphane Recueil francophone des traités et textes internationaux en droit de
l’environnement (1998) Bruylant Bruexelles p. 27.
4

de l’Union pour la Conservation de la Nature (UICN) tenue au cours de cette année là à


Kinshasa, lançant l’idée pour la première fois, comme un défi en déclarant :
the seas, the oceans, the upper atmosphere belong to the human community … That is why … I
would suggest the establishment of a Charter of Nature … If we were asked to be a pilgrim for
environmental protection this we would be willing to be.2

Objectifs et intérêt du cours


Promouvoir la connaissance des règles de droit et des principes généraux relatifs à la
protection de l’environnement sur les plans international et national en vue d’une
gestion juste et rationnelle des ressources naturelles.
Discuter et appliquer les règles environnementales à des situations particulières en vue
d’une protection efficace et efficiente de l’environnement et la conservation de la nature
en République Démocratique du Congo
Sensibiliser les étudiants sur la nécessité de la protection de l’environnement pour le
bénéfice des générations présentes et futures. Une action commune s’impose en la
matière pour le bien-être de tous car la vie de l’homme dépend largement de son
environnement.
Contribuer efficacement à la lutte contre la pollution et les autres formes de dégradation
de l’environnement en se servant des moyens de droit. Au-delà de tous les efforts
tendant à la prévention, présenter et examiner quelques voies et moyens de droit à mettre
en œuvre en cas de violation de règles environnementales en vue d’une indemnisation
éventuelle des victimes.

Intérêts du cours
Cet enseignement est d’une importance capitale car il permet aux étudiants tout au long du
cursus académique à acquérir des connaissances des règles et principes juridiques se rapportant
à la protection de l’environnement et la conservation de la nature. Ils sont ainsi outillés à
participer efficacement dans la lutte contre les atteintes à l’environnement en se servant des
moyens de droit. Ils sont ainsi préparés à aborder les questions relatives aux contentieux
environnementaux comme avocats, magistrats ou experts. Par une analyse jurisprudentielle
comparative, il sera possible pour eux de construire une jurisprudence fouillée en matière
environnementale en vue d’éclairer la lanterne de tous.

2
Déclaration faite en Français et traduite en Anglais. Wolgang E. Burhene et W.A Irwin, World Charter of Nature
(1983) Berlin, Erich Schmitt Verlag Gmblt, p. 14.
5

Méthodologie et examen
Tout au long de l’enseignement, l’apprenant pourra occuper une place centrale car solliciter à
partager ses connaissances avec son auditoire et son enseignant. Cela sera favorisé par les
moyens ci-après :
´ Visualiser et discuter un court documentaire sur l’environnement et le changement
climatique ;
´ Présenter un fichier power point ;
´ Examiner quelques dispositions légales relatives à la protection de l’environnement et
la conservation de la nature en RDC ;
´ Discuter et appliquer les textes juridiques à des cas particuliers/sessions des travaux
pratiques ;
´ Un instrument de travail version word et une page bibliographique seront mis à la
disposition des étudiants pour lecture.

Pour ce qui est de l’examen, il sera organisé des séances de travaux pratiques en groupe et un
examen à notes formées à la fin des enseignements. Seront admis à l’examen, les étudiants qui
auront réalisé les ¾ des présences au cours et régulièrement inscrits.

I.1 Approche conceptuelle

Pour bien cerner les contours du droit de l’environnement, un éclaircissement conceptuel mérite
d’être fait.

I.1.1 la notion d’environnement

L’environnement est une notion « caméléon » qui exprime fortement des passions, des espoirs,
des incompréhensions. L’environnement qualifie au jour d’aujourd’hui une multitude des
réalités : une idée à la mode, un luxe pour pays riches,3 un mythe, … Utilisé parfois à tort et à
travers la notion perd tout son sens.

3
L’environnement est devenu avec la notion de développement durable et la conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement (Rio, 1992) une préoccupation non seulement des pays riches mais aussi des
pays pauvres. Cfr. Ignacy Sachs, L’écodéveloppement : stratégies pour le XXIème siècle, Syros, Paris 1997 in
Michel Prieur Droit de l’environnement, (2001) 4ème éd. Dalloz, Paris, p. 1.
6

Prieur4 note que l’environnement est un néologisme récent dans la langue française qui exprime
le fait d’environner, c'est-à-dire d’entourer. Issu du substantif anglais « environment » et de son
dérivé « environmental », il fait son entrée dans le grand Larousse de la langue française en
1972 : « ensemble des éléments naturels ou artificiels qui conditionnent la vie de l’homme ».

Le terme « environnement » ne fait pas encore l’objet d’une définition générale universellement
admise en droit positif. Quelques textes nationaux en donnent des définitions partielles ou
limitées à un objet précis, mais bien rares sont les documents juridiques internationaux de
caractère contraignant ou non qui le définissent de façon globale. Il ressort de ce textes que
chaque espèce vivante qu’elle soit végétale, animale ou humaine a besoin des conditions
naturelles fondamentales pour garantir son existence et son développement. C’est dans le
milieu physique ou biologique qu’elle peut les retrouver ou en tous cas les chercher.

Dans son Avis consultatif du 8 Juillet 1996 sur la licéité de la menace ou l’emploi d’armes
nucléaires, la Cour Internationale de justice note que « l’environnement n’est pas une
abstraction, mais bien l’espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur
vie et leur santé, y compris pour les générations à venir. »5 C’est donc de manière
complémentaire que la Cour Permanente d’Arbitrage note que « le terme environnement
englobe l’air, l’eau, la terre et la flore, les écosystèmes6 et les sites naturels, la santé et la sécurité
humaine, ainsi que le climat. »7

En effet, de toutes les définitions proposées par les chercheurs en la matière, on retient que la
notion d’environnement doit englober la faune et la flore8 et d’autres éléments de la nature ainsi
que les relations qui existent entre eux. D’autres tendent à y inclure des objets d’origine
humaine s’ils sont importants pour le patrimoine culturel d’un peuple. Kamto considère que
«l’environnement est le milieu, l’ensemble de la nature et des ressources humaines, y compris
le patrimoine culturel et les ressources humaines indispensables pour les activités socio-

4
Michel Prieur Idem.
5
La licéité de la menace ou l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du
8 Juillet 1996, paragraphe 29.
6
Ecosystème : ensemble des éléments vivants et non vivants qui constituent un milieu naturel et interagissent les
uns avec les autres.
7
Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») (Belgique et Pays – Bas), Sentence du Tribunal
arbitral ad hoc, Cour Permanente d’Arbitrage, La Haye, 24 Mai 2005, paragraphe 58.
8
Faune: ensemble des espèces animales vivant dans un espace géographique ou un habitat détermine.
Flore: ensemble des espèces végétales croissant dans une région, un milieu donné.
7

économiques et pour le meilleur cadre de vie »9. Ainsi, il nous revient ici de présenter de façon
élémentaire une définition qui pourra nous servir au cours de cet enseignement.
L’environnement est donc un ensemble constitué par le milieu physique et biologique
renfermant les conditions naturelles fondamentales pour garantir l’existence et le
développement de toute espèce vivante, végétale, animale et même humaine.
L’environnement assure donc les conditions naturelles de vie. L’impératif majeur est de
conserver l’environnement si non de le gérer rationnellement pour l’adapter au mieux à
l’existence humaine.

En effet, l’environnement constitue un nouveau domaine de recherches sans frontières qui


remet l’interdisciplinarité à l’honneur. Il englobe tous les éléments de la nature reliés par des
rapports d’interdépendance systématique, l’environnement ignore les murs de souveraineté
érigés par les Etats. La question environnementale se pose en terme globale, planétaire parce
que les menaces écologiques ignorent les frontières. C’est ainsi que face au risque de
propagation transfrontière d’une catastrophe écologique, l’idée d’une ‘ingérence verte’10
semble trouver un certain écho au niveau international (l’ingérence verte et droit
international).11

9
Kamto M Le droit de l’environnement en Afrique (2000) Edicef Paris p. 16.
10
Simple phénomène d’époque à la suite de la notion d’ingérence humanitaire, la question mérite de faire l’objet
d’une attention particulière en Afrique car nombre des pays du continent pourraient être des “victimes” potentielles
d’une telle ingérence. Une telle approche peut donner ouverture à une nouvelle forme de domination des bailleurs
de fonds (institutions ou gouvernements) dans la prise de décisions environnementales. Allons-nous donc vers une
marginalisation verte de l’Afrique à qui le mécanisme de l’échange de dette contre protection de l’environnement
n’a guère profité. Kamto M op. cit p. 59.
11
Comme l’ingérence humanitaire en Droit International Public, la politique de « l’ingérence verte » ou le « droit
d’ingérence écologique » se résume par la faculté pour un ou plusieurs Etats à pouvoir s’immiscer, sans en être
requis, dans le territoire d’un autre Etat pour protéger ou restaurer une partie du patrimoine commun détruit ou en
danger de destruction. Bien qu’elle soit partie de considérations apparemment généreuses de solidarité écologique,
l’ingérence verte ainsi entendue ne peut que susciter des réserves. Certes, sa mise en œuvre pourrait permettre de
faire échec même à certaines formes de coopération qui conduisent à une exploitation effrénée et écologiquement
irrationnelle des ressources naturelles dans certains pays africains. Cependant, il y a lieu de faire remarquer que
cette manière d’agir « assistance à nature en danger » risque de porte en elle ce que d’aucuns qualifieraient de
« cache sexe » d’une sorte d’impérialisme écologique. On peut craindre en effet, que le « droit d’ingérence
verte » ne transforme le Sud, et tout particulièrement l’Afrique, en une « immense arrière-cour écologique
des pays occidentaux, en une réserve où ils n’hésiterons pas à intervenir pour redresser des gouvernements
ou des peuples « braconniers », dont les délits s’apprécieront à l’aune de leur réticence à apporter, par une
application prompte et aveugle sur leur territoire, la légitimité qui fait tant défaut aux solutions que la
« Société Internationale » propose pour résorber la crise écologique. Le danger imminent de voir
institutionnaliser une espèce de « gendarmerie écologique mondiale » qui érigerait les pollueurs en gardiens
du temple et condamnerait les seuls pays pauvres pour délinquance écologique. L’Afrique post coloniale est
appelée à agir et à se tenir convenablement débout sur plusieurs fronts à la fois, ici et maintenant. Kamto
Maurice Droit de l’environnement en Afrique (1996) Edicef Paris P. 60.
8

Conçu à la fois comme connaissance du milieu naturel et protection dudit milieu,


l’environnement transcende aussi les frontières disciplinaires qui ceinturent les spécialistes et
transforment le savoir scientifique en une tour de Babel. C’est dans cette philosophie que l’on
énonce par exemple la théorie de la théologie écologique. L’environnement restaure le dialogue
des sciences en mettant à contribution divers champs du savoir pour relever un seul et même
défi: celui de la survie de l’humanité.

I.1.2 Le développement durable ou développement soutenable

Le concept de développement durable a été formulé dès 1980 dans le cadre de la stratégie
mondiale de conservation, puis repris, développer et populariser par le Rapport Brundtland en
1987, et consacré solennellement par la Déclaration de Rio à son point 3 à travers la formule
suivante : « le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les
besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures ».
Il s’agit d’un concept difficile à transcrire en droit et a fortiori dans la pratique juridique. Il
apparait d’emblée comme une notion économique et a d’ailleurs été appréhendée jusque là
comme tel. La notion de développement durable a, sous ce rapport, un champ plus vaste que
celle, initiale, de développement économique : elle propose un modèle de croissance et
d’activité humaine qui inclut explicitement les considérations environnementales et le principe
d’une allocation et d’une utilisation progressive, et donc durable, des ressources.

Selon la Commission Mondiale pour l’environnement, les objectifs essentiels de politique de


développement économique visant à promouvoir un développement durable sont : relancer
l’ économie ; introduire une modification qualitative de la croissance ; répondre aux besoins
essentiels de l’emploi, d’alimentation, d’énergie, d’eau et d’assainissement, assurer un niveau
de population durable ; conserver et développer la base de ressources ; réorienter les techniques
et gérer les risques ; allier environnement et économie dans les prises des décisions. Afin
d’inscrire cette nouvelle conception du développement dans la réalité des activités de
production, la chambre de commerce international a rédigé en 1990 une « charte des entreprises
pour le développement durable qu’elle a lancé à la deuxième conférence mondiale de l’industrie
sur la gestion de l’environnement en avril 1991. » Cette charte contient 16 principes de gestion
de l’environnement devant permettre aux entreprises de contribuer à un développement durable.
9

Si la notion de développement durable parait ainsi relativement aisée à circonscrire du


point de vue économique, le problème reste entier sous l’angle juridique. On peut d’ailleurs
se demander s’il est possible de l’appréhender sous cet angle et comment. A cette interrogation
il convient de répondre que tout phénomène peut être saisi par le droit. une donnée technique,
économique, sociale ou culturelle est susceptible de devenir une chose juridique dans un ordre
juridique donné dès lors que cet ordre juridique y attache une signification conventionnelle
prêtant à conséquence juridique c'est-à-dire dès l’instant où, par convention entendue comme
une acception partagée, l’on décide par le biais d’une règle de droit qu’elle est devenue un objet
juridique. Sous ce rapport, la notion de développement durable est susceptible de devenir
une notion juridique. Mais elle doit être construite comme telle, et pour ce faire, on doit
commencer par déconstruire l’expression. Un constat s’impose dès lors : on recense
aujourd’hui, d’après un auteur, plusieurs centaines de définitions de la notion de développement
durable parmi lesquelles aucune définition juridique. Peut-être l’entreprise s’avère telle
simplement impossible; elle est à tout le moins difficile, d’autant que la notion de
développement est, même sur le terrain économique où elle a fait en premier son apparition,
une notion controversée, impliquant à tout état de cause des éléments non matériels et non
quantifiables. Il est sans doute bien plus aisé en droit de dire quelles sont ses implications
juridiques, que ce soit au niveau interne d’un Etat ou au niveau international. La convention sur
la diversité biologique propose en revanche une définition juridique de l’expression
« utilisation » durable. Celle-ci signifie « une utilisation qui maintien et renforce les ressources
naturelles renouvelables d’une façon qui satisfait les besoins des générations présentes sans
compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire leurs propres besoins à
partir de mêmes ressources ».

Quant à l’expression « développement durable proprement dite », elle a donné lieu à


d’importantes discussions durant le processus préparatoire de la Conférence des Nations Unies
sur l’Environnement et le Développement. Pour les ONGs, le terme développement contenu
dans cette expression s’entend par opposition à la croissance, et vise un développement
socialement juste et écologiquement sain. La définition de la Commission Brundtland qui
entend par « développement durable » celui qui est susceptible de satisfaire les besoins des
générations présentes sans compromettre ceux des générations futures a manifestement inspiré
celle sus – rapportée proposée par la Convention sur la Diversité Biologique et reprise dans le
projet de l’IUCN. Elle est également considérée comme la plus acceptable au niveau
intergouvernemental. Ces définitions sont à base de deux constituants implicites qui fondent
10

leur juridicité : l’idée d’une obligation de gestion écologiquement rationnelle et celle d’une
responsabilité inter temporelle.12

Ainsi, le développement durable est un concept qui traduit la nécessité de concilier le


développement économique et la protection de l’environnement. Le concept a été utilisé par
la Cour Internationale de Justice de la Haye dans l’Affaire Gabeikovo-Nagymaros opposant la
Hongrie et la Slovaquie en 1997. Dans l’affaire du RHIN de FER en Belgique, un
tribunal arbitral a considéré que le principe d’intégration des
considérations environnementales dans la définition et la mise en œuvre des
politiques économiques, fait partie du droit international général, comme du
droit communautaire.

Le développement durable est à comprendre comme :


- « Un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les
capacités des générations futures à répondre aux leurs » Rapport Brundtland, Notre avenir à
tous, 1982 ;
- « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les
besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures ».
Principe 3 de la déclaration de RIO de 1992.

- Contenu du développement durable

Quatre composantes forment le concept du développement durable : le social, l’économique,


l’environnemental et le culturel. Ce schéma à 4 composantes, la démocratie et la
participation constituent le levier transversal du développement durable.

12
M. Kamto op. cit. pp. 54 – 56.
11

- Acteurs du développement durable

En RDC, il existe une direction de développement durable au sein du Ministère de


l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme chargée notamment d’assurer la mise
en œuvre et le suivi des activités, recommandations et résolutions de la Commission Mondiale
du Développement Durable et des conférences des parties aux conventions sur la biodiversité,
les changements climatiques et la désertification. Cette division a été mise en place par arrêté
ministériel du 3 décembre 2001. Elle comprend quatre cellules, à savoir celle de la biodiversité,
de changements climatiques, la désertification et le développement durable.

- Contrôle de la portée juridique du développement durable

Le Juge administratif pourrait être saisi en recours pour excès de pouvoir, de la


contradiction d’un acte règlementaire avec le développement durable, étant entendu que les
pouvoirs publics ont l’obligation de promouvoir le développement durable.

Il s’agit de démontrer l’impossible conciliation entre par exemple un Projet d’autoroute, la


présence d’une forêt classée et la mise en péril de nombreuses exploitations agricoles.

Le contrôle de la durabilité passe par la mise en œuvre du principe de la conciliation (outil de


contrôle de la « durabilité » dégagé par le Conseil Constitutionnel Français dans une de ses
décisions de 2005).

Le Juge administratif doit donc passer de la Technique ou théorie du bilan qui ne permet pas
une réelle conciliation entre intérêts économiques et préoccupations environnementales, à une
12

véritable conciliation d’intérêts divergents ou de politiques publiques divergentes ; mais pas à


un simple compromis entre le faible et le fort.

I.1.4 Droit de l’environnement et droit à l’environnement

Le droit de l’environnement est tributaire des sciences et de la technologie. Sa définition en est


marquée, de même que son champ d’application. Toutefois, la spécificité de son objet fonde
son autonomie par rapport à d’autres branches du droit.

Le droit est indissociable de la protection de l’environnement, parce qu’il est étroitement lié à
toute forme de protection. En effet, il ne peut y avoir de protection ou de prévention sans
interdiction ou, plus largement, sans prescription de comportement. Or le droit, du moins dans
sa représentation la plus simple, n’est rien d’autre qu’un ensemble de prescriptions prohibitives
ou permissives. C’est dire que toute volonté de protection dans le domaine de l’environnement
comme dans tout autre domaine doit nécessairement s’appuyer sur des normes juridiques, c'est-
à-dire des règles obligatoires donc contraignantes. Ces normes peuvent prendre la forme de
conventions internationales, d’actes législatifs et réglementaires nationaux, de directives des
institutions internationales. Nul ne s’astreindrait par exemple à l’étude de l’impact d’un projet
sur l’environnement si une norme juridique ne la rendait obligatoire. Et l’utilité d’une telle étude
serait douteuse si des directives n’indiquaient avec précision comment la conduire. On peut en
dire autant de la chasse, de l’exploitation des forêts, de la lutte contre la pollution, de la
protection des espaces et des espèces, de la conservation des ressources naturelles, etc.

On peut donc dire que le droit norme le comportement des acteurs sociaux vis-à-vis de
l’environnement. C’est son rôle premier en ce domaine. Il s’agit d’un rôle à la fois préventif,
dissuasif et curatif. On peut donc définir le droit de l’environnement comme l’ensemble des
règles juridiques tendues vers la suppression ou, à tout le moins, la limitation des atteintes à
l’environnement.

Traiter de droit de l’environnement consiste donc à approcher les instruments juridiques qui
sont au service de la conservation ou de l’amélioration des conditions naturelles de vie. Les
règles qui sont l’objet du droit de l’environnement doivent avant tout tendre à protéger ou à
restaurer et à gérer l’environnement. Le droit de l’environnement a donc un double visage :
13

droit de la protection contre les pollutions et de valorisation éventuelle des ressources naturelles
d’une part, droit de la conservation de la nature d’autre part.

- Au sens institutionnel, « le droit de l’environnement est l’ensemble des règles juridiques


relatives à l’environnement qui relèvent de la compétence (des structures politiques et
administratives de décision) du Ministre de l’Environnement » Doyen Michel PRIEUR.

- Au sens matériel, « Le droit de l’environnement est relatif aux règles juridiques qui
concernent la nature, les pollutions et nuisances, les risques majeurs, les sites, monuments et
paysages, les ressources naturelles » Article 1er de la Loi française du 19 Juillet 1976 sur la
protection de la nature.

I.2 Caractéristiques du droit de l’environnement


- Le droit de l’environnement est marqué par sa dépendance étroite avec les sciences
et la technologie. Sa compréhension exige un minimum de connaissance scientifique
et toute réflexion à son propos impose une approche disciplinaire.

- Le droit de l’environnement est un droit de caractère transversal recouvrant les


différentes branches classiques du droit (privé, public et international) et un droit
carrefour parce qu’étant au carrefour du droit international et du droit interne et à
l’intersection du droit public et du droit privé.
- Le droit de l’environnement est un droit d’interactions qui tend à pénétrer dans tous
les secteurs du droit pour y introduire l’idée environnementale se conformant ainsi au
principe d’intégration. (Velléité impérialiste de ce droit ?)
- Le droit de l’environnement est un droit de superposition à des droits préexistants et
dont l’allure générale est faite de strates successives, de règles techniques complexes,
de textes épars.
- Le droit de l’environnement est un droit adulte dont on peut rechercher les traits
particuliers et autonome parce qu’il est aujourd’hui un corps de règles cohérents animé
de principes sans lesquels on ne saurait parler de droit.
14

I.3 Les enjeux du droit de l’environnement

- La non conclusion d’un texte contraignant pour remplacer le Protocole de Kyoto


en vue de lutter efficacement contre les changements climatiques (échec des
Conférences de Copenhague, de Cancun, Durban, … COP21, COP22, …).
- La réticence des pays industrialisés principaux responsables des grandes pollutions
atmosphériques ayant conduit aux perturbations climatiques, à payer leur dette
écologique en transférant les ressources nécessaires aux pays en développement
pour s’adapter et lutter contre le changement du climat.
- Les imperfections et les reculs du droit de l’environnement sous plusieurs aspects se
traduisant par la suppression de certains droits ou obligations environnementaux, les
déclassements fantaisistes, l’octroi anarchique d’exonération, la non application de
certaines procédures de protection de l’environnement etc. … (Déréglementation dans
certains pays).
- La non application du droit de l’environnement en raison de la non prise de décret
d’application des lois environnementales et de l’insuffisance des moyens de contrôle en
équipements et en matériels.
- Les faiblesses du droit de l’environnement dans les procédures de prise de décision,
dans les règles de responsabilités et dans les sanctions au plan national et au niveau
international par l’absence de gouvernance mondiale et de sanction juridictionnelle des
accords multilatéraux de l’environnement.
- Absence d’une formation spécialisée en environnement en faveur des magistrats qui
sont armés pour apprécier la légalité des décisions environnementales qui leur sont
soumis.13

Ajoutons aussi la notion de droit à l’environnement qui est devenue une notion fondamentale
du droit de l’environnement. S’interroger sur une telle notion revient à s’interroger sur la
problématique de l’environnement et les droits de l’homme.

13
Olivier SORIA, « Petit vocabulaire du droit de l’environnement », (Septembre 2009) Edition Confluences, p
5 – 57 ; Octave GELINIER, François-Xavier SIMON, Jean-Pierre BILLARD, « Entreprise compétitive et
responsable », (2005), ESF Editeur CEGOS, p. 11 – 157 ; Yves PETIT, « Droit et politiques de
l’environnement », (2009), coll. Les Notices, la documentation française ; Christian HUGLO, Jehan de
MALAFOSSE et Marie-Pierre Maître, «Code de l’environnement et autres textes relatifs au développement
durable » (2010), Edition Lexis Nexis LITEC,. p. 41 – 179.
15

L’idée d’un droit de l’homme à l’environnement14 est admise au plan international dans de
nombreux textes déclaratoires, sans d’ailleurs que l’expression « droit à l’environnement’ soit
toujours employé. On pense généralement que ce nouveau droit a été proclamé pour la première
fois dans le principe 1 de la Déclaration de Stockholm de 1972 selon lequel « l’homme a un
droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisante, dans un
environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir
solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ».

La Déclaration de Rio de 1992 apparait à cet égard comme un recul dans la mesure où elle se
contente d’une formulation dans laquelle l’idée du droit à l’environnement est par trop
implicite. Le principe 1 de cette Déclaration proclame en effet : les êtres humains ont droit à
une vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Rio fait, à cet égard, moins bien que
Stockholm en 1972. La notion de droit à l’environnement n’en a pas moins conservé tout son
intérêt au niveau international mais il a connu un écho aussi favorable au niveau régional et
national.
L’Afrique est le premier continent à avoir donné une consécration juridique formelle au droit à
l’environnement à travers la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981,
dont l’article 24 dispose :
« Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur
développement. » cette charte, entrée en vigueur en 1986, a introduit désormais le droit à
l’environnement dans le droit international positif, fut-il de portée régionale.
Le droit à l’environnement est d’ailleurs consacré par un certain nombre de constitutions
africaines récentes, soit indirectement à travers la référence à la Charte Africaine des droits de
l’homme et des peuples, soit directement en lui consacrant une disposition explicite, soit enfin
en utilisant les deux techniques à la fois. Certains pays africains paraissent ainsi, sur un plan
purement formel bien sûr, bien en avance sur de nombreux pays développés où la
constitutionnalisation du droit à l’environnement, voire sa simple consécration juridique au
moyen même des catégories normatives inférieures à la constitution, demeure une
revendication ; en dépit de la multitude des règles et procédures existantes en matière de droit
de l’environnement, celui-ci est encore dans ces pays, au stade du « non droit ».

14
Lire Karel Vasak « 30 years struggle – The sustained efforts to give force of law to the universal Declaration of
Human Rights » Unesco Courrier, november 1977, p. 29.
16

Reste une question sous-jacente à cette consécration d’un droit de l’homme à l’environnement.
Ce droit est-il promis à être un droit humain ordinaire, semblable dans sa nature et dans ses
conséquences à ceux qui l’ont précédé ? L’hésitation est permise, car la mise en œuvre du droit
à l’environnement s’avère d’autant plus malaisée que son contenu est mal défini et parait en
tout cas trop englobant, donc extrêmement large : il tend à recouvrir la plupart des droits
économiques et sociaux en plus des droits proprement écologiques. Certes, il existe quelques
efforts de définition plus ou moins élaborée sur le plan doctrinal. Mais la difficulté de cerner
« les contours mouvants et ambigus de ce droit dont le contenu varie au gré des découvertes
scientifiques et fonction des contextes socio-économiques » demeure. Il faudrait en tout état de
cause comprendre le droit à l’environnement comme un « droit bidimensionnel », c'est-à-dire à
la fois comme un droit humain et un droit de la nature. Cette approche écarte
l’anthropocentrisme juridique si fréquent en droit de l’environnement qui, par son objet même,
devrait mettre en avant la nature dans toutes ses composantes.

Si le droit à l’environnement s’entend uniquement comme un droit humain, il finira par


conduire à un résultat opposé à celui recherché, c'est-à-dire la dégradation d’une nature mise
exclusivement au service de l’espèce humaine. Il s’agit donc de décoloniser la nature dans les
esprits afin d’opérer une manière d’appropriation pour cause d’utilité écologique des droits que
l’homme croit détenir sur la nature. Revendiquer le droit à l’environnement, c’est aspirer à un
milieu sain et équilibré, aspiration universelle qui ne peut cependant être pleinement réalisée
que dans un contexte de développement économique harmonieux. De ce point de vue, le droit
à l’environnement ne peut se concevoir, pour le pays en développement en particulier, qu’en
articulation avec le droit au développement.

I.4 Relation entre droit à l’environnement et le droit au développement

Dans la société internationale, le village économique a précédé le village écologique, en sorte


qu’il est difficile d’envisager le second en ignorant le premier. C’est, en effet, une certaine
conception de l’économie et du progrès qui est à l’origine de la plupart des problèmes
écologiques auxquels le monde est confronté aujourd’hui. Mais le village économique est un
lieu des inégalités, où les plus pauvres côtoient les plus riches et aspirent légitimement à accéder
eux aussi, au niveau du progrès atteint par ces derniers. Dans cette perspective, l’environnement
apparait étroitement lié au développement, d’une part, parce que un certain mode de
développement – notamment celui pratiqué jusqu’aux années récentes par les pays du Nord –
17

est destructeur de l’environnement, d’autre part, parce que la pauvreté est l’un des principaux
facteurs de la dégradation de la nature par l’homme et que les pays sous développés se livrent
à une surexploitation des ressources naturelles afin de se donner les moyens de réaliser leurs
objectifs de développement économique et social. La problématique s’énonce en termes fort
simples : si l’environnement n’est pas protégé, le développement sera compromis ; sans
développement, il ne sera pas possible de protéger l’environnement.

Si l’Afrique a été la première a consacré formellement le droit à l’environnement dans un


instrument juridique régional ayant force contraignante, elle a été aussi à l’origine de la notion
de droit au développement. C’est en effet, Keba M’baye alors premier président de la Cour
Suprême du Sénégal qui a été le promoteur de l’expression dans son cour inaugural à la session
de 1972 à l’Institut International des Droits de l’Homme de Strasbourg. Cette problématique
du droit au développement sera portée par le mouvement de revendication d’un Nouvel Ordre
Economique International (NOEI) dont l’un de temps fort fut la VIème session spéciale de l’AG
des NU de Mai 1974. Entre 1971 et 1974, tous les documents importants issus des rencontres
internationales ont souligné avec force le lien étroit entre l’environnement et le développement :
le rapport de Founex (Suisse) de juin 1971, le Plan et la Déclaration de Stockholm (Suède) de
Juin 1972, et la Déclaration de Cocoyoc (Mexique) d’octobre 1974. C’est en effet à Founex que
l’environnement et le développement se sont révélés être deux aspects de la même question, et
c’est grâce aux pays de développement qu’une telle réalité devint une évidence pour tous :
« reconnaitre qu’il existe des problèmes d’environnement dans les pays en développement,
c’est concevoir plus largement la notion de développement ; c’est avoir une vue plus complète
ou plus synthétique de l’objet du développement ». Ce document souligne par ailleurs
« l’urgence impérieuse des problèmes d’environnement qui naissent de la pauvreté, de la
nécessité de prendre à nouveau conscience de l’importance des mesures collectives, et par-
dessus tout, l’obligation nationale aussi bien que internationale de se consacrer au
développement en tant que tel ». Les pays en développement, en particulier ceux d’Afrique,
ont, par la suite, insisté lourdement sur ce lien indissoluble entre l’environnement et le
développement, notamment à travers leurs réticences et leurs inquiétudes exprimées à la
conférence de Stockholm, et la Déclaration de Cocoyoc fut une expression assez nette de leur
volonté de recentrer la problématique de la protection de l’environnement sur celle du
développement. Cette liaison environnement/développement constitue le thème central du
Rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, Notre Avenir
à Tous plus couramment appelé le Rapport de Brundtland. On a déjà indiqué qu’il a été
18

également la pierre angulaire « de la position commune » adoptée par les Etats Africains dans
la perspective de la Conférence de Rio.
Ces Etats insistent d’autant plus sur la relation entre le droit à l’environnement et le droit au
développement que la reconnaissance d’une telle relation par la communauté internationale, en
particulier par les pays développés, pourrait leur permettre de réaliser des objectifs qu’ils
n’avaient pu atteindre par le biais du NOEI. Droit à l’environnement et droit au développement
présentent en effet des similitudes d’approche en termes de rapport Nord – Sud et de doctrine
de solidarité. Le droit au développement impose d’éliminer, au niveau international, tous les
obstacles d’ordre juridique qui se dressent devant les efforts des peuples pour sortir du sous-
développement ; surtout, comme le droit à l’environnement vu sous l’angle du principe de la
responsabilité commune promis par la Déclaration de Rio, il met à la charge des pays
développés des efforts financiers plus importants comme réponse à l’obligation de réparer les
préjudices et dommages qu’ils ont causé aux pays du Sud notamment par l’exploitation
coloniale. Quant à la solidarité, elle trouve, en matière de protection de l’environnement comme
en matière du développement, son fondement dans l’exigence pour les acteurs internationaux
de déployer une action collective par voie de concertation et de négociation permanentes dans
le but de réduire les inégalités de développement entre nations et d’abaisser les barrières de
souveraineté afin de rendre possible des actions communes pour une meilleure conservation de
la nature. Si ces notions paraissent ainsi avoir un contenu assez précis, il n’en est pas de même
des diverses autres notions qui ont émergé récemment à la faveur du développement du droit
de l’environnement au niveau international.

II. Les sources du droit de l’environnement

Les sources du droit de l’environnement se situent à deux niveaux notamment national et


international.

II.1 : Le droit international de l’environnement

Le droit international de l’environnement couvre un champ extrêmement divers et complexe


dont il n’est pas aisé de rendre compte de manière exhaustive. Il est une forme de réponse aux
crises écologiques. Parfois, il émerge après une crise comme cela a été le cas après la marée
noire du Torrey Canyon en 1967 qui fut suivie de l’adoption en 1969 et en 1971 de plusieurs
conventions internationales sur les dommages liés aux hydrocarbures. Parfois, cependant, le
19

droit international se développe à titre préventif ou en tout cas avant la prise de conscience de
la gravité et de l’urgence de la situation, comme en matière de l’air (conventions sur les
changements climatiques – La convention cadre sur les changements climatiques, le protocole
de Kyoto). La production normative internationale en matière environnementale connait
diverses orientations. Certaines sont à l’origine de la création d’institutions dans le domaine de
l’environnement, d’autres ont une portée générale et énoncent des principes. Il convient de noter
qu’il existe aujourd’hui plus de 300 conventions multilatérales consacrées entièrement ou
partiellement à l’environnement et quelque 900 traités bilatéraux ayant un objet similaire, les
Etats Africains étant parties à la plupart de ces accords internationaux.15 Citons à titre illustratif :
- La Déclaration de Stockholm sur l’environnement du 16 juin 1972
- La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement du 13 juin 1992
- Le programme pour le développement et l’examen périodique du droit de
l’environnement pour les années 1990 du 21 mai 1993.

Un groupe de textes vise les ressources terrestres, marines et atmosphériques, qu’elles soient
utilisées par l’homme ou les espèces animales et végétales. Sont, à ce titre, considérées comme
ressources naturelles l’eau, les forets, le sol, l’énergie, etc. Il convient ici de citer par exemple
- La convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992
- La convention Africaine sur la conservation de la nature et les ressources
naturelles du 15 septembre 1968

La plupart des conventions en matière environnementale ont été ratifiés par RDC et ont par voie
de conséquence vocation à s’appliquer en RDC. C’est avec regret que l’on enregistre une
absence d’effectivité pour ceux que le Congo a ratifié. Les mesures que l’Etat Congolais s’est
obligé de prendre pour leur mise en application ne sont pas généralement prises pour une grande
part. Des pistes sont suggérées pour une compréhension des raisons justifiant les difficultés
d’application des conventions. A titre illustratif, on peut mentionner la problématique de la
coexistence ou d’harmonisation entre les conventions universelles et les législations nationales,
une faible maitrise des techniques conventionnelles et d’expertise environnementale.

15
Maurice Kamto op. cit. p. 68
20

II.2 Le droit Congolais de l’environnement

Le droit Congolais de l’environnement trouve sa source dans les conventions internationales,


la constitution, la loi et le règlement. Il convient ici de rappeler que la dimension internationale
du droit de l’environnement doit toujours être prise en compte à côté de sa dimension nationale.
Pour les droits internes comme pour le droit international, la nécessité de protéger
l’environnement constitue en quelque sorte un défi : un problème important, particulièrement
complexe, qui est apparu et qui doit être résolu par des moyens juridiques appropriés.
Il est d’une évidence que la dégradation de l’environnement inquiète largement. Il y a donc une
nécessité impérieuse de réglementer ce secteur afin de sauver les vies humaines parmi les
couches dites vulnérables et de garantir un développement fondé sur les aspects normatifs tant
au plan national qu’international. Pour ce qui est de la RDC notre pays, ce cadre réglementaire
existe bel et bien et est constitué des instruments juridiques internationaux et nationaux.

II.2.1 Cadre constitutionnel

La Constitution du 18 février 2006 confirme le principe de la souveraine permanente de l’Etat


Congolais sur ses ressources naturelles notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts,
sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale
congolaise et sur le plateau continental. Les modalités de gestion des ressources précitées sont
définies par une loi.16 Les ressources, constituant de richesses nationales, doivent faire l’objet
d’une protection et d’une gestion rationnelle pour le bénéfice de toute la nation17 et dans le
respect des règles environnementales.18

La souveraineté permanente d’un Etat sur les ressources naturelles


La souveraineté dérive de « souverain » qui vient du latin médiéval « superus » qui désigne la
supériorité du pouvoir sur une zone géographique ou sur un groupe de peuples vivant en
communauté. Ainsi, dans une démocratie, elle est détenue par le peuple. Cela est ainsi rappelé
par les articles 5 et 9 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011 de la
RDC.

16
Article 9 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC.
17
Article 58 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 dispose que : «Tous les Congolais ont le droit de
jouir des richesses nationales. L’Etat a le devoir de les redistribuer équitablement et de garantir le droit au
développement.
18
Article 123 point 15 de la Constitution du 18 février 2006.
21

A la lumière de ces dispositions, les articles 53, 18 et 16 de la loi n°73-021 du 20 juillet 1973
modifiée par la loi 80-008 du 18 juillet 1980 portant régime général des biens, régime foncier
et immobilier et régime des sûretés en République Démocratique du Congo prévoient respective
que :
Le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat.
L’eau des cours d’eau et des lacs et les eaux souterraines appartiennent à l’Etat. Sous réserve
des dispositions légales ou réglementaires qui en déterminent la jouissance, et des concessions
particulières qui peuvent toujours être accordées par l’autorité publique, la faculté d’en user
est commune à tous.
Le lit de tout lac et celui de tout cours d’eau navigable, flottable ou non, font partie du domaine
public de l’Etat.

Certains instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux qui présentent des


définitions de la la notion de ressources naturelles intègrent les éléments contenus dans les
dispositions constitutionnelles précitées. En effet, pour l’Organe de Règlement des Différends
de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) « […] les conventions et déclarations
internationales modernes font souvent référence aux ressources naturelles comme étant à la
fois des ressources biologiques et non biologiques ».19

La Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles du 15


septembre 1968 dispose à son article III, 1 que l’expression « ressources naturelles » signifie
ressources naturelles renouvelables, c’est-à-dire les sols, les eaux, la flore, et la faune.20 Cette
compréhension n’est pas loin du prescrit de l’article 9 précité de la Constitution de la RDC ainsi
que de l’article 2. 36 de la Loi N° 11/009 du 9 Juillet 2011 portant principes fondamentaux
relatifs à la protection de l’environnement en RDC qui considère les ressources naturelles
comme des ressources tangibles et non tangibles, notamment les sols, les eaux, la flore et la
faune ainsi que les ressources non renouvelables.21

19
- Etats-Unis- Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes,
WT/DS 58/ AB/ R, 12 octobre 1998, § 130.
20
M. PRIEUR, et S. DOUMBE-BILLE (S/dir.), Op. cit., p. 232.
21
Les ressources naturelles renouvelables, ou non épuisables, sont celles qui sont capables de se reconstituer ou
de se renouveler après leur utilisation, tels que les sols, les eaux, la flore et la faune. En revanche, les ressources
non renouvelables, épuisables, une fois tirées de la nature ne peuvent pas être reconstituées dans un temps court
après leur usage. Ce sont les énergies fossiles et les minéraux en général. On doit aussi faire mention de la catégorie
spécifique, les ressources énergétiques qui comprend une distinction entre celles pouvant être renouvelées, comme
les énergies hydraulique, éolienne ou solaire, et les ressources énergétiques non renouvelables, comme par
exemple, le charbon, le gaz, le pétrole et certains métaux lourds, comme l’uranium. Lire ELIAN G., « Le principe
de la souveraineté sur les ressources nationales et ses incidences juridiques sur le commerce international »,
RCADI, Vol. 149, 1976, P. 11 ; LETICIA SAKAI, La souveraineté permanente sur les ressources naturelles et la
22

Le Protocole sur l’exploitation illégale des ressources naturelles, adopté dans le cadre de la
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (africains), le 30 novembre 2006,
semble plus expressif lorsque son article 1er définit les ressources naturelles comme «les
substances fournies par la nature, utiles aux personnes humaines, ayant une valeur économique
[…] Les principaux types de ressources naturelles comprennent notamment les minerais, la
flore et la faune, les produits halieutiques et l’eau ».22 Quand bien même controversé, ainsi que
le remarque N. Schrijver23, l’État dispose des pouvoirs souverains permanents, constants,
exclusifs et inaliénables sur ses ressources naturelles et les activités économiques y reliées. En
somme, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles entretient des liens avec
d’autres principes du droit international (2.1) et accorde certains droits à l’Etat. (2.2)

Rapport entre la souveraineté permanente et les autres principes de droit international


Le principe de la souveraineté permanente découle, en réalité, de deux principes du droit
international classique : le principe de la souveraineté et le principe de non-ingérence dans les
affaires intérieures de l’État. Il est aussi la composante du principe du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes. Il est cependant nécessaire de rappeler quelques exceptions à ces
principes en droit international. Il s’agit des principes de devoir d’ingérence humanitaire, du
principe d’ingérence verte et de celui de la responsabilité de protéger.24

protection internationale des droits de l’homme, thèse de doctorat, Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, 2014,
p. 18, [en ligne], [référence du 04 juin 2018], disponible sur http//tel.archives-ouvertes.fr/tel-01523109
22
Protocole sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (Conférence internationale sur la
Région des Grands Lacs), [en ligne], [référence du 30 avril 2018] disponible sur
http://www.icglr.org/common/docs/docs_repository/prot_ienr_fr.pdf Ce Protocole est entré en vigueur le 21 juin
2008, date d’entrée en vigueur du Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la Région des Grands
Lacs. En effet, l’article 37, § 1 du Protocole dispose que ce protocole fait partie intégrante du Pacte et ne doit pas
être sujet à une signature et à une ratification séparée des Etats membres.
23
N. SCHRIJVER, Sovereignty over natural resources – Balancing rights and duties, Cambridge, Cambridge
University, 1997, p.1.
24
Dans ses analyses, Kamto M. note que « comme l’ingérence humanitaire en Droit International Public, la
politique de « l’ingérence verte » ou le « droit d’ingérence écologique » se résume par la faculté pour un ou
plusieurs États de pouvoir s’immiscer, sans en être requis, sur le territoire d’un autre État pour protéger ou restaurer
une partie du patrimoine commun détruit ou en danger de destruction. Bien qu’elle soit partie de considérations
apparemment généreuses de solidarité écologique, l’ingérence verte ainsi entendue ne peut que susciter des
réserves. Certes, sa mise en oeuvre pourrait permettre de lutter contre certaines formes de coopération qui
conduisent à une exploitation effrénée et écologiquement irrationnelle des ressources naturelles dans certains pays
africains. Cependant, il y a lieu de faire remarquer que cette sorte « d’assistance à nature en danger » risque de
porter en elle ce que certains qualifieraient de « cache sexe », d’une sorte d’impérialisme écologique. On peut
craindre en effet que le « droit d’ingérence verte » ne transforme le Sud, et tout particulièrement l’Afrique, en une
« immense arrière-cour écologique des pays occidentaux, en une réserve où ils n’hésiteront pas à intervenir pour
redresser des gouvernements ou des peuples « braconniers » dont les délits s’apprécieront à la hauteur de leur
réticence à apporter, par une application prompte et aveugle sur leur territoire, la légitimité qui fait tant défaut aux
solutions que la « Société internationale » propose pour résorber la crise écologique. Le danger imminent de voir
institutionnaliser une espèce de « gendarmerie écologique mondiale » qui érigerait les pollueurs en gardiens du
temple et condamnerait les seuls pays pauvres pour délinquance écologique. L’Afrique post-coloniale est appelée
à agir et à se tenir convenablement debout sur plusieurs fronts à la fois, ici et maintenant. Kamto M. Droit de
23

La souveraineté permanente continuité du principe de la souveraineté et de la non ingérence


dans les affaires intérieures

La souveraineté est souvent avancée pour caractériser un État en Droit International. Dès lors
qu’on est en face d’un État, la conception classique renseigne que la souveraineté est la
traduction juridique de l’indépendance. La tendance générale depuis le début du XXème siècle
a été de considérer les deux expressions comme ayant le même contenu. La jurisprudence
internationale assimile systématiquement souveraineté et indépendance. Ainsi par exemple,
l’arbitre Max Hubert déclare, dans sa sentence du 04 Avril1928, à propos d’un différend entre
les USA et les Pays-Bas sur l’île de Palmas, dans le pacifique : « La souveraineté, dans les
relations entre Etats, signifie l’indépendance. L’indépendance relativement à une partie du
globe est le droit d’y exercer, à l’exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques. » La
pratique conventionnelle offre aussi des cas où les deux termes sont employés l’un pour l’autre.
L’article 5 paragraphe 6 de la Charte de l’Organisation des Etats Américains, appelée aussi
Charte de Bogota n’énonce-t-il pas que : « L’ordre juridique international est basé
essentiellement sur le respect de la personnalité internationale, de la souveraineté et de
l’indépendance des Etats ainsi que sur le fidèle accomplissement des obligations découlant des
traités et des autres sources du Droit International. » Aujourd’hui, on dira que le terme
souveraineté est d’usage plus courant. Patrick Daillier et Alain Pellet n’ont pas hésité à écrire25
« A travers l’égalité souveraine, c’est l’indépendance de l’Etat qui est affirmée ». On identifie
un souverain comme celui qui a la puissance suprême. En Droit International on a une difficulté
: on n’a pas un souverain, mais des souverains. Être souverain étant le fait d’avoir la suprématie
de la puissance.26

La souveraineté, veut dire que l’Etat est le seul à être la puissance suprême pour gouverner,
commander et décider dans l’ordre interne. Le principe de la souveraineté de l’État assure, dans
l’ordre international, l’indépendance de l’État à l’égard d’autres États.27
Le principe de la souveraineté permanente s’appuie sur le principe de la non-
ingérence dans les affaires intérieures de l’État. Selon ce principe, aucun État ne peut intervenir

l’environnement en Afrique, Edicef, Paris, 1996, p. 60 ; Kennedy KIHANGI BINDU, « La justiciabilité du droit
à l’environnement consacré par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 en République
Démocratique du Congo », Revista Catalana de Dret Ambiental, Vol. IV Núm. 1 (2013), p. 30.
25
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit International Public, LGDJ, Paris, 7ème édition. 2008, 424.
26
La souveraineté des Etats en droit international, [en ligne], [référence du 15 juin 20018], disponible sur
http://www.cours-de-droit.net/la-souverainete-des-etats-a121609996
27
A. PELLET, P. DAILLIER; M. FORTEAU, Droit International Public, 8ème éd., Paris, LGDJ, 2009, p. 465.
24

dans les compétences qui sont conférées exclusivement à un État, telles que les compétences
sur son territoire. Autrement dit, ce principe entraîne l’obligation pour tout Etat de respecter le
caractère exclusif des compétences territoriales des autres États.28 Parmi les pouvoirs
souverains de l’Etats sur les ressources naturelles se retrouvant sur son territoire, on doit
distinguer les pouvoirs d’imperium et les pouvoirs de dominium de l’Etat.29.

En ce qui concerne les pouvoirs de dominium de l’Etat, il est un pouvoir exercé par l’Etat sur
les ressources naturelles sur son territoire envisagées en tant que choses. Ainsi, le pouvoir de
dominium confère à l’Etat des droits de nature « réelle »30, similaires aux droits d’un
propriétaire sur ses biens, tels que « le droit de disposer de » ses ressources.31

Quant au pouvoir d’imperium, il constitue un « pouvoir de commandement », « d’autorité


suprême » qui découle de la notion de souveraineté elle-même. Il qualifie le pouvoir exercé par
l’Etat sur les personnes et les choses qui se trouvent sur son territoire en tant que « puissance
publique ». Ce même pouvoir investit l’Etat de l’autorité suprême sur les ressources naturelles
qui se trouvent sur son territoire. Les actes de puissance publique ne sont soumis à aucun autre
pouvoir de même nature.32 C’est justement en raison du pouvoir d’imperium que la souveraineté
de l’État sur les ressources naturelles est qualifiée de « permanente ».33

Selon G. Abi-Saab, même si l’État peut concéder des droits issus de son pouvoir de dominium,
cette concession doit se réaliser pour « une période de durée raisonnable », c’est-à-dire que
l’État ne peut pas l’effectuer de façon permanente, ni pour de très longues périodes, à moins
que l’Etat aliène, de même coup, sa souveraineté territoriale.34 Ainsi, l’État peut concéder des

28
P-M. DUPUY, Y. KERBRAT, Droit international public, 11ème éd., Paris, Dalloz, 2012, p. 131.
29
L. SAKAÏ, La souveraineté permanente sur les ressources naturelles et la protection internationale des Droits
de l’Homme, Thèse de doctorat, Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2014, p. 16.
30
Les droits réels principaux sont le droit de propriété et de ses démembrements. Le droit de propriété comporte
trois prérogatives : le droit d’user de la chose, le droit d’en percevoir les fruits, le droit d’en disposer. Certains
droits réels ne confèrent à leur titulaire qu’une partie de ces attributs ; on les qualifie de démembrements du droit
de propriété (ex. : servitude, usufruit). Par opposition aux droits réels principaux, il existe des droits réels
accessoires, ils sont liés à l’existence d’une créance dont ils garantissent le recouvrement (ex. : hypothèque). Lire
le Lexique des termes juridiques.
31
Cf. J. SALOMON, Op. Cit., p. 1046.
32
Cf. Ibidem p. 30.
33
L. SAKAÏ, Op. Cit., p.16.
34
G.ABI-SAAB, « La souveraineté permanente sur les ressources naturelles», in M. BEDJAOUI, Droit
international : bilan et perspectives, Paris, Pedone, 1991, p. 646.
25

droits sur ses ressources et disposer de celles-ci, mais il s’agit là d’exceptions circonscrites dans
leur portée et dans le temps.35

Souveraineté permanente et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un principe du droit international selon lequel
les peuples ont le droit de s’administrer et de décider librement de leurs affaires intérieures et
extérieures, sans ingérence étrangère.36 Ce principe est issu du principe des nationalités,
consacré dans le contexte révolutionnaire de la fin du XVIIIème siècle, au moment de
l’unification des nations européennes, selon lequel chaque nation a le droit de former un État
indépendant.37

Ce principe constitue l’un des fondements de la Charte des Nations Unies38. Et parmi les buts
de l’Organisation des Nations Unies figure celui de « de développer entre les nations les
relations amicales fondées sur le principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit de
disposer d’eux-mêmes ».39

Selon L. Sakaï, deux aspects sont à relever dans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes :
un aspect politique et un aspect économique. Le premier, composante politique du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, est le droit à l’autodétermination. Il s’agit alors de
l’indépendance politique des peuples. Le deuxième aspect du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes est sa composante économique : le principe de la souveraineté permanente sur
les ressources naturelles. Ce dernier renvoie à l’indépendance économique des peuples.40 Ainsi
donc, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles est la composante économique
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes permettant de réaffirmer la souveraineté des États.

Malheureusement, l’expérience africaine révèle que la plupart des Etats dotés d’importantes
ressources naturelles sont dépourvus de structures institutionnelles fortes capables de les
protéger et de les exploiter pour le bien-être de leurs populations : ce qui conduit à une

35
Cf. Ibidem, p.646.
36
COMBACAU, J. et SUR, S. Droit international public, 9ème éd., Paris, Montchrestien, 2010, p. 426.
37
A. PELLET, P. DAILLIER, M. FORTEAU, Droit International Public, op. cit., p. 71.
38
MOREAU DEFARGES, L'Organisation des Nations unies et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. In:
Politique étrangère, n°3 - 1993 - 58ᵉ année. pp. 659-671.
39
Article 1.2 de la Charte des Nations Unies de 1945.
40
L. SAKAÏ, Op. Cit., p.24.
26

exploitation illicite de ces ressources par des intervenants de tous bords dans la région africaine
des Grands Lacs et au bradage de la souveraineté lorsque les Etats doivent courber l’échine
pour négocier les investissements.

Droits de l’Etat en vertu du principe de la souveraineté permanente

La lecture attentive de la Résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 permet de déceler


certains droits de l’Etat issus du principe de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. De ces droits, on peut citer le droit de contrôler et de réglementer, le droit d’exploiter
et de prospecter librement, ou encore le droit de disposer, de mettre en valeur. Parmi ces droits
figurent également celui de faire appel à des investissements étrangers, ainsi que le droit de
nationaliser et d’exproprier.41
- Le droit de contrôler les ressources naturelles : au sein de l’État, c’est le régime foncier
qui détermine le régime juridique auquel les ressources naturelles seront assujetties. Ce
régime détermine, par ailleurs, les conditions dans lesquelles l’exercice du droit de
propriété doit se faire, et notamment l’utilisation, les modalités, la jouissance et le
pouvoir d’en disposer. En RDC, c’est la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 modifiée par la
loi 80-008 du 18 juillet 1980 portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés.
- Le droit d’exploiter et de prospecter librement les ressources naturelles : celui-ci confère
à l’État le droit d’exploitation et d’utilisation de ses richesses et ressources naturelles
lorsqu'il le juge convenable pour son progrès et son développement économique. C’est
ainsi que lorsqu’un Etat estime qu’il n’a pas encore développé des stratégies appropriées
ou une politique bien pensée et rationnelle, il peut reporter à une certaine période le
processus d’exploitation de certaines de ses ressources naturelles. Il ne faut pas perdre
de vue le point 1 de la résolution 1803 qui rappelle que « Le droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles
doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population
de l'Etat intéressé. »
- Le droit de disposer, de nationaliser et d’exproprier les ressources naturelles : l’Etat, en
vertu de son pouvoir de dominium, est un propriétaire qui jouit de tous les attributs de
propriété dont l’abusus. L’État a aussi le droit de reprendre ses droits dans le cas où ces

41
Ibidem, p.25.
27

ressources sont contrôlées par d’autres acteurs, publics ou privés, mais à condition
d’accorder au propriétaire une indemnisation prompte, juste et adéquate. C’est
l’application de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

C’est dans cette philosophie que la Constitution rappelle que « Toute personne a droit à un
environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre.
L’Etat veille à la protection de l’environnement et à la santé des populations. »42 Les articles
47 et 48 de la Constitution portent respectivement sur les droits à la santé, à l’eau et à un
logement décent.43
Le droit à l’environnement est un droit fondamental de l’homme qui est ainsi
constitutionnellement garanti, protégé et justiciable. Son caractère procédural sous-entend le
droit d’avoir accès à l’information environnementale, le droit de participer au processus de prise
de décision en matière d’environnement, le droit de recours devant les instances judicaires en
cas de violation et le droit à la réparation (articles 8, 9, 10, 68 – 70 de la loi N°11/009 du 9
Juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement 2011).

Le droit à l’environnement demeure un droit individuel et collectif. A ce titre, les associations


représentatives des communautés locales et les organisations non gouvernementales nationales
agréées et contribuant à la réalisation de la politique gouvernementale en matière
environnementale peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les
faits constituant une infraction aux dispositions de la loi et des mesures d’exécution, ou une
atteinte, selon les accords et conventions internationaux ratifiés par la RDC et causant un
préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre (art 134
Code Forestier 2002 et 108 de la Loi sur l’eau de 2015). Lire les articles 69 et suivants sur la
responsabilité civile en matière environnemental, loi de juillet 2011. L’aspect substantiel
contient le droit à l’eau, le droit à des meilleures conditions de vie et le droit au logement. Par
ce fait, « Tout acte, tout accord, toute convention, tout arrangement ou tout autre fait, qui a pour
conséquence de priver la nation, les personnes physiques ou morales de tout ou partie de leurs
propres moyens d’existence tirés de leurs ressources ou de leurs richesses naturelles, sans
préjudice des dispositions internationales sur les crimes économiques, est érigé en infraction de

42
Article 53 de la Constitution de la RDC.
43
Article 47 « Le droit à la santé et à la sécurité alimentaire est garanti. La loi fixe les principes fondamentaux et
les règles d’organisation de la santé publique et de la sécurité alimentaire. » Article 48 : « Le droit à un logement
décent, le droit d’accès à l’eau potable et à l’énergie électrique sont garantis. La loi fixe les modalités d’exercice
de ces droits. »
28

pillage punie par la loi.» (Article 56 de la Constitution du 18 février 2006, articles 71 et ss de


la loi N°11/009 du 9 Juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de
l’environnement).44 Responsabilité civile en matière environnementale art. 71 – 79 de la loi de
juillet 2011.

En effet, la mise en œuvre du droit à l’environnement implique que chaque personne a le droit
d’entamer une action afin d’influer sur les décisions, actions ou omissions qui portent atteinte
à la qualité de l’air, au niveau sonore, à la qualité des eaux, à l’hygiène au travail, à l’accès aux
ressources naturelles, paysage, parcs, littoral, montagne, etc.), ou qui mettent en péril la vie de
l’homme. Ces mesures sont au minimum l’accès à l’information environnementale, le droit de
participer à certaines procédures de décision concernant l’environnement et, dans certains cas,
le droit de recours devant diverses instances civiles ou administratives, le droit de recours
d’obtenir la cessation d’atteintes à l’environnement lorsqu’elles sont illégales et le droit à la
réparation des dommages. Ainsi, l’article 42 de la Constitution Russe de 1992 précise que :
Everyone shall have the right to a favourable environment, reliable information about its
condition and to compensation for the damage caused to his or her health or property by
ecological violations.

La constitution Belge de 1994 proclame ‘le droit à la protection d’un environnement sain’.
Selon les travaux préparatoires, ceci signifie qu’« il incombe aux pouvoirs publics de protéger
l’environnement. Chacun a droit a un environnement humain, sain et équilibre sur le plan
écologique. »45 La Cour d’Appel de Bruxelles s’est fondée sur la Constitution pour interdire
une activité polluante.46

La Constitution Italienne de 1948, art. 32-1, art. 9-2. G. Piccolo, ‘le droit a l’environnement
dans la constitution Italienne’ RJE No 4 P. 335 (1994). En 1994 et 1995, La cour

44
Article 56 de la Constitution de la RDC.
45
Article 23 – 2 Chacun a le droit de mener une vie conforme a la dignité humaine. A cette fin, la loi, le décret ou
la règle visée a l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits
économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent
notamment : (…) 2- le droit a la protection de la sante, 4- le droit a la protection d’un environnement sain » L P
suetens ‘Le droit a la protection d’un environnement sain (article 23 de la Constitution Belge), Les hommes et
l’environnement (Melanges Kiss), Frison-roche Paris 1998
46
Par un arrêt Gregoire et Consorts (no 49-440 du 5 Octobre 1994), la Cour d’appel de Bruxelles a fondé sa
décision relative a un parc de conteneur sur la reconnaissance constitutionnelle du droit a un environnement sain.
Déjà en 1989, dans l’affaire de la décharge de Mellery (arrêt du 2 Novembre 1989), cette cour avait déclaré que
‘le préjudice (économique que le demandeur d’une autorisation subirait9 ne peut faire obstacle au droit des
habitants de protéger leur sante et d’empêcher la dégradation de leur milieu de vie. »
29

constitutionnelle en 1994 et en 1995 a rendu trente-huit arrêts en d’environnement. Dans son


arrêt no 5172 du 6 Octobre 1979, la cour constitutionnelle a déclaré que ‘le droit à la sante doit
être conçu comme un droit à un environnement sain’.

Certes, si les aspects procéduraux du droit à l’environnement peuvent être appliqués des a
présent, les aspects substantiels de ce droit ne peuvent être mis en œuvre que de façon
progressive (comme pour le droit au logement ou le droit à la sante). L’obligation de protéger
l’environnement contient une obligation négative (ne pas agir contre la protection de
l’environnement) et une obligation positive (surveiller les pollueurs, éviter les pollutions,
protéger les personnes).

II.2.2 Cadre législatif et règlementaire

Un bon nombre des textes d’origine parlementaire ou exécutive régissent la matière de


l’environnement. Ils portent sur des matières diversifiées. Certains concernent directement la
matière environnementale et d’autres sont appelés à régir d’autres domaines mais qui portent
indirectement sur l’environnement.
- Loi N° 18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la Loi N° 007/2002 du 11 juillet
2002 portant Code Minier ;
- La loi N°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau ;
- Loi N° 15/012 du 1er Aout 2015 portant régime général des hydrocarbures ;
- La loi N°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature ;
- La loi N° 11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à
l’agriculture ;
- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection
de l’environnement ;
- Le code forestier, la loi n° 011/2002 du 29 août 2002 et ses mesures d’application ;
- La loi n° 73 – 021 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et
régime de sureté ;
- Loi n° 002/2002 du 11 juillet 2002 portant Code Minier telle que ;
- Loi n° 12 du 12 septembre 1964 portant création d’un permis de débitant de viande de
chasse ;
- Loi n° 67-514 du 1er décembre 1967 portant création de l’Institut des Parcs Nationaux
du Congo ;
30

- Loi n° 81-001 du 9 janvier 1981 portant approbation de quatre contrats d’occupation


provisoire de terres d’élevage situées dans la zone annexe de Lubumbashi ;
- Loi n° 68-002 du 28 janvier 1982 portant réglementation de chasse ;
- Loi n° 68-074 du 8 mars 1968 relative à la protection des crocodiles et portant
modification de la législation sur la chasse et la pêche ;
- arrêté n° 08/CAB/MA/68 du 15 janvier 1968 interdisant la coupe du bois sur tout le
territoire national ;
- Arrêté n° 012/CAB/MA/68 modifiant l’arrêté n° 06/67 du 8 décembre 1967 portant
réglementation de la circulation des véhicules du Parc National Albert (Virunga) ;
- Arrêté n° 52-06899-MA-1968 relatif à la protection des crocodiles ;
- Arrêté n°0003-AGRI-CAB-73 du 12 juin 1973 portant dispositions temporaires visant
à la protection de Guépards et Léopards et à leur peuplement sur le territoire de la
République ;
- Arrêté n° 00602/AGRI du 2 juillet 1973 réglementant la profession de Guide de chasse ;
- Arrêté n° 007 créant un domaine de chasse en Zone de Faradje (Province Orientale) ;
- Arrêté n° 0008 du 14 février 1974 créant un domaine de chasse réservé en Zone de
Dungu ;
- Arrêté n° 0021 du 14 février 1974 créant un domaine chasse réservé en zone de Faradje,
de Watsa et Dungu ;
- Arrêté n° 0022 du 14 février 1974 créant une réserve de faune en zone de Bondo, Ango
et Dungu (Province-Orientale) ;
- Arrêté n° 23 du 14 février 1974 créant un domaine de chasse réservé en zone de
Rutshuru ;
- Arrêté n° 1440/00203/82 du 8 décembre 1982 portant création d’une parcelle à usage
agricole et élevage située dans la zone de Maluku, ville de Kinshasa ;
- Arrêté n° 000140/BCG/AGRIDRALE/82 du 15 décembre 1982, portant création d’une
commission restreinte chargée de la stratégie nationale de la conservation de la nature
en République Démocratique du Congo.

L’utilité de la loi cadre du 9 Juillet 2011 susmentionnée n’est plus à démontrer. Elle fixe les
principes fondamentaux relatifs à la gestion, à la protection de l'environnement et de la
biodiversité contre toutes les formes de dégradations, afin de promouvoir l’exploitation
rationnelle des ressources naturelles, de lutter contre toutes les formes de pollutions et nuisances
et d'améliorer les conditions de vie des populations, présentes et futures, dans le respect de
31

l'équilibre de leurs relations avec le milieu ambiant. Sous son parapluie, une politique nationale
de l’environnement sera élaborée par le ministre en charge de la question environnementale en
impliquant tous les acteurs tant publics que privés concernés. Cette politique est traduite
notamment par un plan national d’action pour l’environnement adopté par un décret délibéré
en conseil des ministres. Le plan devra comporter entre autres :
- un diagnostic de l’état de l’environnement ainsi qu'une analyse des tendances
évolutives prévisibles compte tenu de l’évolution des facteurs démographiques, économiques
et sociaux, et des écosystèmes naturels ;
- la définition des actions que le Ministère de l'environnement se propose, seul ou
avec le concours d'autres institutions, d'entreprendre en priorité et la justification de tel choix;
- l’énoncé pour chaque action retenue des moyens humains, techniques, juridiques
ou financiers nécessaires, ainsi qu’un calendrier précis.
Ce plan devra être révisé après une bien période bien définie. Cette Loi a le mérite d’apporter
quelques innovations notamment l’obligation d’une étude d’impact environnemental et social,
d’un audit environnemental, d’une évaluation environnementale des politiques, plans et
programmes, la création d’un cadre institutionnel et d’un Fonds d’intervention pour
l’environnement et le renforcement des dispositions pénales.
PS. La jurisprudence reste aussi une des sources importantes du droit de l’environnement. Il est
déplorable de noter la quasi absence d’une jurisprudence en matière environnementale en RDC.
Des actions en justice peuvent être ouvertes pour obtenir la sanction administrative, pénale ou
civile des atteintes aux éléments de l’environnement. Force est pourtant de constater, comme
signaler ci haut, que le contentieux environnemental est quasi inexistant devant les juridictions
congolaises. La jurisprudence n’a donc pas contribué à la définition notamment des régimes de
protection de l’environnement, de l’étendue des droits environnementaux des citoyens, des
obligations de l’Etat, etc.

III. Les principes fondamentaux du droit de l’environnement

Un bon nombre des principes régissant la matière environnementale résultent de l’innovation,


d’une adaptation juridique mais aussi du caractère tout à fait jeune du droit de l’environnement.
Il serait difficile de procéder à un recensement exhaustif de tous les principes du droit de
l’environnement. Il convient à ce point d’analyser quelques-uns :
32

III.1 : Le principe d’action préventive et de précaution


- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection
de l’environnement.
Ce principe formulé au point 8 du Préambule de la Convention de Rio de Juin 1992 sur la
diversité biologique souligne qu’il « importe au plus haut point d’anticiper et de prévenir les
causes de la réduction ou de la perte de la diversité biologique à la source et de s’y attaquer ».
Il s’agit, au delà de la diversité biologique d’un principe de portée générale dans la mesure où
il peut et doit s’appliquer à tous les domaines de l’environnement. Ainsi pourrait on le faire
valoir en matière de climat, de pollution, de protection de la couche d’ozone, de la
désertification, … il y a lieu d’ailleurs d’y rattacher le principe de précaution : celui-ci participe
de la même démarche que le principe précédent dans la mesure où il vise également à protéger
l’environnement par la prévention. Ce principe de précaution énonce sur le plan général dans
la Déclaration de Rio dont il constitue « principe 15 » est formulé en ces termes : «pour protéger
l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leur capacités. En cas de risque de dommage grave irréversible, l’absence de certitude
scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption des
mesures effectives visant la dégradation de l’environnement ».
Ce principe est repris sur un plan plus spécifique dans le cadre de la Convention sur la Diversité
Biologique où il est déclaré en préambule que « lorsque il existe une menace de réduction
sensible ou de perte de la diversité biologique, l’absence de certitudes scientifiques totales ne
doit pas être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d’en éviter les
dangers ou d’en atténuer les effets ».

Ce principe est également affirmé au paragraphe 3 de l’article 3 de la Convention sur les


changements climatiques où d’ailleurs le terme précaution est employé dans un sens nettement
plus proche de l’idée de prévention.

En tout état de cause, il s’agit également d’un principe d’application générale en tant qu’il est
aisément transposable dans d’autres domaines de l’environnement. Ainsi, par exemple, en
matière d’élimination des déchets nucléaires ou radioactifs, on ne peut prétexter de ce que l’état
actuel de connaissance scientifique ne permet pas d’apprécier les risques que comporte
l’enfouissement de tels déchets pour les générations futures pour persister dans cette méthode
d’élimination d’autant plus aléatoires qu’elles n’éliminent rien du tout puisque elles se
33

contentent d’éloigner les déchets de l’environnement immédiat de l’homme, mais les conserve
à l’état dans le sol.
Un tel principe est prescriptif des normes de comportement exprimant soit une obligation
d’entourer l’opération à entreprendre des garanties, soit une obligation de s’abstenir, c'est-à-
dire de ne pas faire ou stand still.

Enfin, peut être considéré comme un sous principe au principe général d’anticipation et de
prévention, le principe de l’Etude d’Impact énoncé sans doute comme un rappel d’un principe
faisant désormais partie du droit coutumier par le « principe 7 » de la Déclaration de Rio.

III.2 : Principe Pollueur – Payeur


- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection
de l’environnement.
Ce principe est d’origine occidentale. Il a été énoncé en premier probablement par
l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE) dans sa
recommandation C (72) 128 du 26 mai 1972, puis repris dans le premier programme d’action
des communautés Européennes du 22 novembre 1973. Le principe pollueur – payeur exprime,
en une expression lapidaire, l’idée que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives
non seulement à la lutte contre la pollution mais aussi aux mesures préventives engagées par
les pouvoirs publics.

Ainsi entendu, le principe a certes l’avantage de faire supporter par l’auteur réel ou potentiel de
la pollution la réparation ou la prévention du dommage causé par son activité. Il n’en reste pas
moins pernicieux dans la mesure où il suggère que l’on peut payer pour polluer. C’est pourquoi
ce principe n’est pas agréé par tous les environnementalistes. On ne peut s’empêcher en effet
d’y voir une certaine dictature de l’argent sur les considérations écologiques. D’aucuns
préfèrent donc à ce principe, le principe de non pollution en ce que il serait plus strict et plus
préventif. Mais est-il réaliste dans un monde où la majeure partie des activités humaines est
inévitablement polluante ? Est il vraiment possible de viser et surtout d’atteindre la pollution
zéro ?

Le principe pollueur – payeur s’est donc imposé par nécessité, comme un pis-aller. A force de
répétition, il est devenu un principe de droit coutumier en l’absence d’une codification
internationale. On constate, en droit comparé, une large réception du principe notamment dans
34

les pays industrialisés. Ainsi, est il largement utilisé en France – où un auteur a accentué son
coté « slogan » en le rebaptisant « principe qui nuit paie » - cependant qu’aucune
réglementation ne l’a expressément repris à son compte ; le Japon utilise la formule « pollution
- taxation » ; la Hollande quant à elle applique le principe d’une manière originale en exigeant
par exemple une compensation en nature en plus d’une amende. Ce principe s’introduit aussi
progressivement dans certaines législations africaines. Il en est ainsi notamment de la loi
Congolaise du 29 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de
l’environnement.

III.3 : Principe des responsabilités communes mais différenciées


Ce principe est proclamé par le « principe 7 » de la Déclaration de Rio en ces termes : « étant
donné la diversité des rôles joués dans la dégradation de l’environnement mondial, les Etats ont
de responsabilités communes mais différenciées. Les pays développés reconnaissent la
responsabilité qui leur revient dans la recherche internationale du développement durable eu
égard aux pressions que leurs sociétés exercent sur l’environnement mondial et aux
technologies et ressources financières dont elles disposent ».

La formulation de ce principe est en fait l’illustration parfaite d’un texte de compromis comme
on en trouve dans la plupart des instruments juridiques récents adoptés par les conférences de
codification. Elles dissimulent à peine les divergences qui existent entre les pays développés et
les pays en voie de développement au sujet de la responsabilité en matière de la dégradation de
l’environnement mondial. Alors que les pays sous développés rejettent l’entière responsabilité
sur les seuls pays industrialisés, ceux-ci soutiennent au contraire l’idée d’une responsabilité
partagée, même si cette dernière se situe à des niveaux différents. Ils estiment que les pays en
développement participent à cette dégradation du milieu soit par la pollution industrielle pour
certains, soit par la déforestation ou une mauvaise gestion de sol et l’atteinte à la diversité
biologique pour d’autres. Il s’en suit donc une responsabilité commune qui implique une
obligation de « coopérer dans un esprit de partenariat mondial en vue de conserver, de protéger
et de rétablir la santé et l’intégrité de l’écosystème terrestre », même si des obligations plus
importantes incombent aux pays développés en raison de ressources financières dont ils
disposent et de la responsabilité plus grande qui leur échoit dans la dégradation de
l’environnement.
35

III.4 : Principe de la participation et de l’information

- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection


de l’environnement.
La philosophie de l’environnement implique l’information et la participation de tous à la
préservation du milieu et des ressources. En ce sens, la protection de l’environnement est non
seulement une obligation de l’Etat mais avant tout un devoir des citoyens. La participation
s’impose comme une méthode de recherche d’une acceptabilité des décisions prises en une
matière qui touche le plus souvent directement à la vie et aux modes d’existence des
populations. L’information est le plus un moyen d’éclairer les choix et de persuader du bien
fondé des décisions à prendre. Les deux se combinent pour faire du droit de l’environnement
un droit de conciliation, un droit consenti plutôt que imposé.

La revendication de la participation trouve sa source dans un certain nombre des textes et des
documents internationaux de caractère politique ou juridique : principe 4 et 9 de la Déclaration
de Stockholm mais aussi principe 20 de la même Déclaration qui vise à encourager et faciliter
dans tous les pays la libre circulation de l’information ; point 5 du Chapitre de l’économie, de
la science et de la technique de l’acte finale d’Helsinki de 1975 qui déclare que « le souci d’une
politique de l’environnement suppose que toutes les catégories de la population et toutes les
forces sociales conscientes de leur responsabilité contribuent à protéger et à améliore
l’environnement ».

Ce principe est réaffirmé en des termes aussi convaincus dans les instruments déclaratoires de
la conférence de Rio. Sur un plan général, le principe 10 de la déclaration de Rio l’énonce en
ces termes : « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la
participation de tous les citoyens concernés au niveau qui convient ». cette participation
concerne les femmes (principe 20), les jeunes (principe 21) aussi bien que les populations et
communautés autochtones (principe 22).

Sur un plan spécifique, la déclaration sur les forets insiste également sur ce point en indiquant
d’une part, que des conditions appropriées doivent être faites aux populations autochtones, à
leur collectivités et aux autres collectivités ainsi que aux habitants de forets « pour leur
permettre d’être économiquement intéresser à l’exploitation, de mener des activités rentables
et de jouir des moyens d’existence et d’un niveau de vie adéquat notamment grâce à des régimes
36

fonciers incitant à une gestion écologiquement viable des forets » ; d’autre part, que doit être
activement encourager « la participation intégrale des femmes à tous les aspects d’une gestion,
d’une conservation et d’une exploitation écologiquement viables des forets » (principe 5 a et
b).
La participation des communautés locales et des populations autochtones à la préservation ou
à la gestion économiquement rationnelle des ressources environnementales telle que affirmée
par « principe 22 » de la déclaration de Rio et conditionnée par une reconnaissance de « leur
identité, culture, et leurs intérêts » par les Etats, lesquels doivent d’ailleurs leur accordent tout
l’appui nécessaire afin de rendre efficace leur participation à la réalisation d’un développement
durable. Cette participation à la protection de l’environnement implique en contre partie une
participation aux avantages qui pourrait en découler. C’est ce qui ressort du point 12 du
préambule de la convention sur la diversité biologique qui s’accorde à cet égard avec le principe
5 a sus-invoqué de la déclaration sur les forets.

Ce principe de participation induit logiquement le principe de l’information des citoyens


concernés, qu’il s’agisse du droit reconnu à chaque individu « d’avoir dument accès aux
informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques », ou de
l’obligation pour l’Etat de mettre ces informations à la disposition des citoyens « principe 10 »,
car l’on ne peut participer pleinement et valablement que si l’on est bien informé.

Enfin, le principe de participation se prolonge naturellement par le principe secondaire


d’ « accès effectif à des actions judiciaires et administratives, y compris à des sanctions et
réparation » (principe 10).

III.5 : Principe de l’interdépendance entre l’environnement et le développement

Ce principe de l’articulation des mesures de protection de l’environnement avec les exigences


de développement apparait comme une manière de réconciliation entre le Nord et le Sud sur les
questions environnementales, et l’énonciation du principe de responsabilité commune mais
différenciée préfigurait déjà ce rapprochement doctrinal. Il fait l’objet d’une énonciation sous
la forme d’une simple affirmation dans la déclaration de Rio qui en joint d’ailleurs à
l’environnement et au développement, une troisième composante de l’interdépendance : la paix.
Le « principe 25 » de cette même déclaration énonce en effet : la paix, le développement et la
protection de l’environnement sont interdépendants et indissociables. Mais c’est à travers son
37

application dans des domaines précis de la protection de l’environnement que cette affirmation
trouve une formulation normative. Il s’agit à tout état des causes d’un principe à deux versants
dont l’un exprime l’idée chère aux pays en voie de développement selon laquelle la protection
de l’environnement ne doit pas constituer un obstacle pour le développement, et dont l’autre
souligne l’idée largement soutenue par les pays développés selon laquelle il ne peut y avoir un
développement durable sans une prise en compte de l’environnement dans l’élaboration et la
mise en œuvre des politiques de développement.
Par rapport au premier versant du principe, le para 21 du préambule de la convention sur les
changements climatiques déclare précisément que « les mesures prises pour parer aux
changements climatiques doivent être étroitement coordonnées avec le développement social
et économique afin d’éviter toute incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des
besoins prioritaires légitimes des pays en développement, à savoir une croissance économique
durable et l’éradication de la pauvreté ». De même, le principe 2 a de la déclaration sur les forets
reconnait le droit souverain et inaliénable de l’Etat « d’utiliser, de gérer et d’exploiter leurs
forets conformément à leurs besoins en manière de développement et à leur niveau de
développement économique et social … »

Relativement à la seconde face du principe, le « principe 4 » de la Déclaration de Rio affirme


que « pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire
partie intégrante du processus de développement et ne peut être considéré isolement. ».

Ainsi, pont est il jeté entre l’environnement et le développement, entre la nécessite présente de
préserve la planète d’une catastrophe écologique générale et l’urgence de l’éradication de la
pauvreté et de la promotion du développement.

III.6 : L’obligation de prendre en compte l’environnement


- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection
de l’environnement.
Ce principe oblige que soit pris en compte l’environnement à l’occasion de toute action ou
décision juridique risquant d’avoir un impact sur l’environnement. L’ensemble du droit
administratif se trouve désormais soumis à l’obligation d’effectuer des études d’impact.
L’objectif de cette nouvelle procédure est simple d’éviter qu’une construction ou un ouvrage
justifié au plan économique ou du point de vue des intérêts immédiats des constructeurs ne se
révèlent ultérieurement néfastes à l’environnement. On cherche à prévenir les pollutions et les
38

atteintes à la nature en évaluant à l’avance les effets de l’action de l’homme sur son milieu
naturel. Dans certains cas toutefois, cette prévision des effets néfastes d’un projet peut être très
délicat car certaines modifications de l’équilibre biologiques ne peuvent apparaitre que très tard.

La procédure d’étude d’impact ne autre finalement que la mise en œuvre du vieux principe
« mieux vaut prévenir que guérir ». Pour prévenir il faut connaitre et étudier à l’avance l’impact
c'est-à-dire les conséquences et les effets d’une action. L’étude d’impact est en même temps
une procédure administrative et une règle de bon sens. C’est aux USA que la procédure d’étude
d’impact a pris naissance dans la loi sur l’environnement de 1970. Compte tenu de la spécificité
du système administratif et juridictionnel américain, l’étude d’impact est devenue aux USA une
procédure très sophistiquée, à l’efficacité certaine mais limitée. La procédure est considérée
comme très contraignante et trop lourde pour l’administration qui est jalouse de son pouvoir de
décisions isolées et secrètes.

IV. Etude d’impact environnemental et fiscalité environnementale


- La Loi n°11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection
de l’environnement.
- Loi N° 18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la Loi N° 007/2002 du 11 juillet
2002 portant Code Minier ;
- La loi N°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau ;
- Loi N° 15/012 du 1er Aout 2015 portant régime général des hydrocarbures ;
- La loi N°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature ;
- La loi N° 11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à
l’agriculture.

La protection de l’environnement oblige que des dispositions efficaces soient prises en amont,
à titre préventif, et un accompagnement fiscal nécessaire pour l’intérêt des générations
présentes et futures. A ce titre, il est judicieux qu’une étude d’impact soit réalisée avant
d’entreprendre une activité de grande envergure qui pourrait avoir des conséquences néfastes
sur l’environnement.
39

IV.1 : Etude d’impact environnemental et social

L’étude d’impact est assurément l’institution la plus spécifique et sans doute aussi la plus
originale du droit de l’environnement. Elle est au cœur du développement durable. On peut
entendre, en première approximation, l’étude comme étant une procédure d’évaluation d’un
projet ou d’une activité. Une telle évaluation peut avoir lieu avant ou après la réalisation de
l’ouvrage ou l’exécution de l’activité. A vrai dire, seule l’évaluation a priori correspond à une
démarche environnementale conséquente : d’une part, elle correspond à la mise en œuvre du
principe fondamental de la prévention, d’autre part, elle traduit aujourd’hui l’intégration dans
la politique environnementale de l’idée très actuelle du développement durable. Au contraire,
une évaluation a posteriori de l’impact environnemental parait inefficiente parce que
probablement tardive, elle peut, au mieux, révéler les dommages causés par l’ouvrage ou les
travaux réalisés, et cette révélation ne peut être que de peu de secours lorsque les dommages
causés sont irréversibles ou irréparables. Cette évaluation a posteriori, qui évoque la situation
d’un pyromane qui joue au sapeur pompier, constitue en fait un audit d’environnement : celui-
ci a pour objet d’apprécier à un moment donné l’impact que l’existence d’une entreprise, d’un
ouvrage ou de tout ou partie d’une activité est susceptible de produire sur l’environnement;47 il
constate donc les dégâts après-coup, mais ne permet plus rectifier le tir, c'est-à-dire de modifier
ou d’adapter le projet aux exigences écologiques.

Dans une perspective environnementaliste conséquente, l’étude d’impact s’entend donc


automatiquement d’une évaluation a priori, et sa fonction est d’aider les décideurs publics ou
privés à intégrer l’environnement dans leur stratégie d’action afin d’éviter que les travaux ou
ouvrages ne dégradent irrémédiablement l’environnement. Sous ce rapport, on peut la définir
comme étant « l’étude à laquelle il doit être procédé avant d’entreprendre certains projets
d’ouvrages ou d’aménagements, publics ou privés, dans but d’apprécier l’incidence de ces
derniers sur l’environnement.48 Elle se distingue de la mini-notice d’impact qui est le premier
degré de prise en compte de l’environnement dans les procédures administratives et de la notice
d’impact, sorte de mini-étude d’impact que l’on définit comme étant « un rapport succinct
indiquant dans quelle mesure un projet respecte l’environnement ».49 Entre mini-notice, notice

47
Corinne LEPAGE – JESSUA Audit d’environnement (1992) Paris, p. 25.
48
M. DENOIX de SAINT – MARC, « Le rapport d’impact sur l’environnement », Revue Juridique de
l’Environnement, 1976, N°3-4, p. 250.
49
M. PRIEUR Droit de p l’environnement op. cit. 62 et p. 66.
40

et étude d’impact il y a une différence non de nature mais de degré dans l’approfondissement
de l’appréciation ou de l’évaluation de l’impact environnemental d’un projet.
L’étude d’impact apparait à la fin des années 60 (en 1969) en Amérique du Nord sous
l’appellation d’impact assessment.50 Elle s’est intégrée ensuite peu à peu dans le droit de
l’environnement des pays développés, avant de se généraliser progressivement à partir des
années 80 en s’insérant dans les législations des pays en développement, mais aussi dans les
instruments du droit international. Cette consécration internationale, aussi bien par de
nombreux textes contraignants que par diverses conventions internationales,51 a sans doute
favorisé sa réception explicite par les droits nationaux africains. L’étude d’impact reste
cependant une technique et un phénomène relativement nouveau en Afrique, d’autant plus
difficile à manier que son économie révèle une certaine complexité de l’institution.

IV.1.1 Le champ d’application de l’étude d’impact

Tous les travaux, aménagements et ouvrages ne sont pas, par principe, soumis à l’étude
d’impact. Bien qu’elle soit toujours rassurante en raison de son caractère préventif, l’étude
d’impact est couteuse et ne saurait donc être engagée de manière fantaisiste. C’est pourquoi
l’on procède en pratique à la détermination de la nature de ceux des ouvrages ou
aménagements qui seront effectivement soumis à une étude d’impact ? Cependant certaines
législations prévoient exceptionnellement une telle étude même pour les plans ou
programmes.
1. En ce qui concerne les travaux et ouvrages, on distingue trois catégories de systèmes
pour savoir si une activité, des travaux ou un projet sont soumis ou non à l’obligation
d’étude d’impact : le système d’étude préliminaire, le système de listes (positives ou
négatives) et le système mixte.
- Le système de l’étude préliminaire, adopté notamment aux USA, est celui dans
lequel les ouvrages ou activités ayant un impact important ou significatif sur
l’environnement sont soumis à l’étude d’impact. En cas de doute, il faut procéder

50
J. MORAND – DEVILLER Droit de l’environnement (1993), PUF, Paris (Que sais je ?), 2ème éd. p. 9.
51
Pour plus de détails, lire M. Prieur Evaluation des impacts sur l’environnement pour un développement durable :
Etude juridique (et l’abondante bibliographie que son étude contient réalisée pour le compte de la FAO), Cahiers
FAO : Etudes législatives n°53 Rome, 1994, (en l’occurrence p. 68 et s). Cette étude fait suite a celle conduite par
D. ALHERITIERE Evaluation des impacts sur l’environnement et le développement agricole : étude de droit
comparé, Cahiers FAO : Environnement N°2, Rome, 1981, et celle d’A. MEKOUAR Impacts sur l’environnement
des incitations économiques à la production agricole : étude de droit comparé, FAO, Etudes législatives N°38,
Rome, 1985.
41

à une étude sur la nécessité de l’étude d’impact. Si ce système d’appréciation au


cas par cas présente l’avantage du pragmatisme et limite les études d’impact aux
cas vraiment essentiels, il présente, en revanche, l’inconvénient de donner lieu à
une grande incertitude et d’ouvrir la voie à d’éventuelles controverses sources
de contentieux avant même la réalisation de l’étude d’impact.
- Le système des listes comprend deux catégories de listes : les listes positives et
les listes négatives. Lorsque la liste est positive, le principe est que toutes les
activités sont dispensées d’étude d’impact, sauf celles qui figurent sur la liste.
Lorsque la liste est négative, c’est la logique inverse. On reproche à ce système
sa rigidité qui fait fi de la complexité des phénomènes écologiques et preuve
d’imprudence en dispensant une fois pour toutes certaines activités de l’étude
d’impact. L’établissement des listes apparait dans ces conditions comme un
« exercice redoutable ». Afin de concilier une multiplicité d’intérets certains
pays en arrivent à une combinaison des listes positives et des listes négatives. Il
en résulte une grande complexité et une quasi-illisibilité qui peuvent réintroduite
ici l’incertitude inhérente au système de l’étude préliminaire.
- Le système mixte est une combinaison plus ou moins systématique des deux
précédents. Il prévoit, sur la base d’une liste, la soumission ou l’exonération de
certains ouvrages d’études d’impact ; il s’agira de ceux qui, à l’évidence, ont ou
n’ont pas d’impact sur l’environnement. En revanche, s’agissant de ceux qui ne
figurent pas sur la liste, il faudra déterminer si, dans des circonstances ou des
lieux particuliers, ils ont ou non des effets significatifs sur l’environnement. Si
c’est le cas, une étude d’évaluation environnementale, sera alors nécessaire. On
estime que ce système mixte est le plus pertinent, en ce qu’il est moins rigide
que le système de liste pure et moins aléatoire que le système des études
préliminaires.
2. En ce qui concerne les plans ou programmes et les législations, certains droits nationaux
prévoient qu’ils peuvent faire l’objet d’évaluation environnementale. Cela ne va pas
sans soulever des problèmes. Une étude d’impact sur une loi n’est en réalité qu’une
réflexion globale a priori sur les effets généraux sur l’environnement, et ses résultats
seront d’autant plus vagues et déclaratoires de bonnes intentions sans portée concrète
que la loi sera très prospective et de portée très générale. Les études d’impact sur les
plans et programmes ont en revanche tendance à se propager, meme si elles restent
encore exceptionnelles. Elles suivent la tendance contemporaine à une planification plus
42

ou moins directive ou contraignante en matière d’aménagement du territoire, l’étude


d’impact devant permettre, meme à une vaste échelle, de mieux connaitre les nombreux
effets directs ou indirects et d’éviter la survenance de catastrophes écologiques
ultérieures. L’étude d’impact sur les plans et programmes ne devraient cependant pas
dispenser d’études d’impact sur les projets réalisés en application de ces plans.

IV.1.2 L’élaboration de l’étude d’impact

Cette élaboration soulève le problème de l’auteur, du moment de l’étude ainsi que du


financement de cette étude.
1. En ce qui concerne l’auteur de l’étude il s’agit, selon les systèmes :
- Soit du pétitionnaire ou responsable du projet, qu’il soit une personne publique
si c’est un ouvrage public, ou une personne privée si c’est une construction
privée ;
- Soit de l’organisme public qui devra autoriser le projet (système Américain qui
présente l’avantage d’une analyse objective et critique, et l’inconvénient de la
longueur et de la lenteur d’études parfois inutilement détaillées et au demeurant
exposées à la contestation du promoteur privé comme du tiers) ;
- Soit l’hypothèse de lege ferenda, d’un organe spécialisé dans l’environnement
qui peut être l’institution publique en charge de la gestion de l’environnement
ou un organisme public ad hoc, indépendant et de caractère scientifique.
2. En ce qui concerne le moment de l’étude, il constitue un jeu non moins essentiel. Il est
souhaitable, en tout état de cause, que l’étude intervienne le plus en amont possible du
processus de décision. Même s’il parait difficile de situer juridiquement le moment
idéal, il est clair en toute hypothèse que le projet doit faire l’objet au moins d’études
préliminaires ou de préfaisabilité qui permettent d’identifier certains risques majeurs.
3. Quant au financement de l’étude, enfin, il est normalement supporté par l’auteur du
projet, qu’il soit public ou privé. Mais l’on estime qu’en raison des couts importants
d’une telle étude scientifique nécessairement complexe, « des fonds spéciaux pourraient
être mis à la disposition des responsables d’études d’impact pour accorder des prêts
spéciaux ou des subventions en faveur de certains projets sensibles ».
43

IV.1.3 : Le contenu de l’étude d’impact


Le principe en matière d’étude d’impact est que tous les ouvrages importants doivent y être
soumis préalablement à leurs réalisations. Toutefois, sur le plan réglementaire certains ouvrages
peuvent être dispensés de l’étude d’impact. En sont généralement dispensés, les travaux
d’entretien, de modernisation, d’installation, … le principe de la soumission d’un ouvrage a une
étude d’impact ne sont applicables qu’en vertu de deux critères alternatifs : l’importance de
dimensions des ouvrages ou leur incidence sur le milieu. En d’autres termes on a retenu la taille
de l’ouvrage en supposant que plus il est grand, plus il risque de porter atteinte à
l’environnement. Mais ce qui est intéressant, c’est le critère reposant sur les seules incidences
sur le milieu naturel qui suppose que l’étude d’impact pourra être exigée même pour un ouvrage
de petite taille aux effets très néfastes.
L’étude d’impact comporte un minimum de quatre rubriques :
- L’analyse de l’état initial du site et de son environnement
- L’analyse des effets sur l’environnement ;
- Les raisons pour lesquelles le projet a été retenu ;
- Les mesures envisagées par le maitre de l’ouvrage pour supprimer, réduire et si
possible compenser les conséquences dommageables du projet sur
l’environnement.
IV.1.4 : Le contrôle de l’étude d’impact environnemental et social
Il existe trois niveaux de contrôle : le contrôle par l’administration, le contrôle par le public et
le contrôle par le juge.
- Le contrôle par l’administration est le contrôle classique. C’est un contrôle a
posteriori sur l’étude d’impact terminée. Il est réalisé à la fois par
l’administration sectorielle qui autorise l’ouvrage et par l’administration
centrale en charge de l’environnement. Il arrive cependant que ce contrôle de
l’administration ne se limite pas au contrôle a posteriori, mais accompagne tout
le processus d’élaboration de l’étude d’impact.
- Le contrôle par le public est, pour ainsi dire, un contrôle démocratique qui se
fait au nom du principe de la participation des citoyens en matière
environnementale. Il vise à améliorer le processus de décision et à rendre
acceptable le projet en intégrant les observations, suggestions et critiques du
public. La difficulté réside cependant dans la détermination du contenu de la
notion de « public » d’une part, des formes et des modalités de la participation
44

d’autre part. La solution à ces difficultés peut varier d’une législation – et donc
d’un pays – à l’autre.
- Le contrôle par le juge, enfin, doit être envisagé et ouvert aux divers intervenants
avec des conditions de recevabilité assez souples. L’intervention des étrangers
doit être possible car leur avis est devenu nécessaire notamment en matière de
pollution transfrontière. Il serait de bonne doctrine que le recours sois suspensif
afin d’empêcher la réalisation du projet, les atteintes à l’environnement étant
présumées irréversibles, donc irréparables ou difficilement réparables.52

Enfin, l’étude d’impact est soumise en principe à la publicité. On peut se demander à priori à
quoi sert l’étude d’impact conduite par l’auteur du projet qui ne doit démontrer que son projet
ne porte pas atteinte à l’environnement et dans la mesure où elle n’est pas systématiquement
contrôlée par un organisme spécialisé. La responsabilisation éthique de l’auteur de l’ouvrage
des effets de son activité sur l’environnement reste un élément déterminant lors de la conduite
de l’étude d’impact. L’étude d’impact n’est qu’un acte de procédure et ne constitue pas un acte
administratif spécial. En plus, si un dommage subvient ultérieurement vis-à-vis des tiers du fait
de l’ouvrage ou des conséquences écologiques non prévues dans l’étude d’impact, le maître de
l’ouvrage engage sa responsabilité dans les conditions habituelles du droit des obligations quel
que soit en réalité le contenu même de l’étude d’impact. Les prévisions de l’étude d’impact
n’exonèrent en aucun cas le pétitionnaire de ses responsabilités futures.53

La plupart des législations Congolaises ne font pas expressément référence à une étude d’impact
environnemental de tout projet avant sa réalisation. Depuis belle lurette, la RDC attache moins
d’importance à l’étude d’impact environnemental. Désormais, la Loi N°11/009 du 9 juillet 2011
portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement fait référence à une
étude d’impact.54 Considérant que les mines constituent un soubassement majeur de l’économie

52
M Prieur Op. Cit. pp. 13 – 18.
53
K. Kihangi Bindu « L’exploitation du Pétrole du Lac Edouard et la Loi environnementale en République
Démocratique du Congo » (2011) in Légal aspects of sustainable natural resources, Legal Working Paper Series,
Centre for International Sustainable Development Law (CISDL), p. 11.
54
Article 21 de la Loi du 29 juillet 2011 dispose :
« Tout projet de développement, d’infrastructures ou d’exploitation de toute activité industrielle, commerciale,
agricole, forestière, minière, de télécommunication ou autre susceptible d’avoir un impact sur l’environnement est
assujetti à une étude d’impact environnemental et social préalable, assortie de son plan de gestion, dument
approuvés.
Cette étude est propriété de l’Etat.
Un décret délibéré en Conseil des ministres détermine les différentes catégories de projets ou d’activités soumis à
cette étude, son contenu, les modalités de son approbation ainsi que la procédure de consultation du public. »
45

Congolaise55 et son impact certain sur l’environnement mais aussi l’attention accordée par la
communauté internationale pour la préservation de la forêt et des sites du patrimoine commun
de l’humanité, le Code Forestier de 2002, le Code Minier de 2002 tel que modifié en Mars 2018
et le Règlement Minier de 2003, désormais, contiennent des dispositions sur la préservation de
l’environnement et la conduite d’étude d’impact environnemental et social.

Ainsi, toute opération ou projet d’exploitation exige la conduite d’une étude d’impact
environnemental et social et un plan de gestion environnementale, exception faite de
l’exploitation de carrières temporaire.56 L’étude d’impact environnemental et le plan de gestion
environnementale du projet doivent être déposés en même temps que la demande du droit
d’exploitation. Leur approbation par l’autorité compétente est une condition d’octroi du droit
d’exploitation. L’autorité compétente pour l’étude d’impact environnemental et social est la
Direction chargée de la protection de l’environnement minier conformément aux dispositions
de l’article 42 du Code Minier. L’étude d’impact environnemental et social inclut la réunion de
plusieurs exigences.57 Au cours de la conduite de l’étude d’impact environnemental et social,
la population doit être consultée et informée au sujet du projet. Cela demeure indispensable afin
de savoir ce que pense la population du projet. Les principes, méthodes et programme de
consultation des intéressés et des parties affectées par le projet doivent être décrits dans une
annexe attachée à l’étude d’impact environnemental et social. Le rapport en annexe doit inclure

55
G. Bakandeja wa Mpungu Droit minier et des hydrocarbures en Afrique Centrale : Pour une gestion rationnelle,
formalisée et transparente des ressources naturelles, Supra, note 7, p. 255.
56
Article 407 du Règlement Minier de 2003 ; Articles 15 et 42 du Code Minier de 2002.
57
L’article 20 du décret du 8 avril 2008 fixe le contenu de l’étude d’impact sur l’environnement en ces termes :
- un résumé non technique du dossier d’étude d’impact sur l’environnement ;
- des informations générales, notamment la description du projet proposé, les caractéristiques et les limites
de la zone d’études ;
- une description de l’environnement du projet proposé : les caractéristiques physiques, biologiques et
socioculturelles, les tendances et menaces pour l’environnement ;
- une compilation des textes législatifs et réglementaires pertinents relatifs au projet proposé ;
- une identification et une évaluation des impacts positifs et négatifs potentiels, directs et indirects,
immédiats et à long terme, importants et secondaires, locaux et éloignés du projet proposé sur
l’environnement ;
- une analyse des solutions de remplacement ;
- une estimation des types et quantités des émissions attendus (pollution de l’eau, de l’air et du sol, bruit,
vibration, etc.) et impact sur la conservation de la diversité biologique occasionné par le projet ;
- une description des mesures permettant de prévenir, réduire ou compenser dans la mesure du possible de
graves détériorations de l’environnement ainsi que la description des mesures alternatives ou
d’intervention non compensables mais prioritaire dans la nature, le paysage et le milieu humain ;
- une brève description de la ou des méthodes utilisées pour la consultation des populations riveraines de
la foret, des collectivités territoriales et organisations concernées et les résultats y afférents ;
- une analyse couts/avantages ;
- un plan de surveillance et de suivi des impacts ;
- les résultats de l’analyse démographique concernant les populations susceptibles d’être affectées.
Lire aussi l’article 430 du Règlement Minier de 2003.
46

des informations sur les questions soulevées au cours des rencontres, les réponses ainsi que les
conclusions des consultations.58 Cette procédure rencontre les exigences légales de plusieurs
pays notamment en République d’Irlande, en Grande Bretagne,59 en Afrique du Sud60 et en
France. En République d’Irlande particulièrement, les lois portant sur l’environnement donnent
aux autorités locales des pouvoirs étendus dans le cadre d’un « planning permission » qui, telle
l’exploitation minière, doit être obtenue pour toute opération modifiant la surface.61 A la
lumière de ce background et les autres exigences définies par le règlement minier, l’autorité
compétente sera édifiée en vue de prendre une décision responsable. C’est dans cette
perspective qu’en août 2010 l’Honorable Célestin Vunabandi, député national, élu de Rutshuru
en province du Nord Kivu, conduisant la délégation de SOCO, s’était adressé aux membres de
la société civile à Goma pour parler de l’exploitation du pétrole au Nord Kivu. Pour la société
civile en matière environnementale du Nord Kivu, cette séance avait consisté plutôt à
convaincre qu’à informer. C’est ainsi que la société civile précitée ne s’est pas privée d’initier
une pétition adressée au premier ministre et chef du Gouvernement à travers laquelle elle
cherche à savoir si l’étude d’impact environnemental conduite par SOCO a suivi les exigences
et étapes légales.62 L’exigence d’une étude d’impact environnemental et social corrobore les
dispositions constitutionnelles environnementales sus présentées en RDC en faisant participer
la communauté locale à la prise des décisions portant sur des questions environnementales. Il
n’est pas seulement question d’informer mais aussi de tenir compte des desideratas de la
population dans son ensemble.

58
Handbook on Environmental Assessment Legislation in the SADC Region, Democratic Republic of Congo, p.
77: available at www.usaid.gov (accessed on 12/5/2009).
59
Local Governmental Planning Act 1963 and the 1976 Water Pollution Act de 1997.
60
In terms of sections 21, 22 and 26 of the Environmental Conservation Act 73 of 1989,60 Environmental Impact
Assessment had become a mandatory legal requirement for a wide range of projects. K. Kihangi Bindu
Environmental and developmental rights in the Southern African Development Community with specific reference
to the Democratic Republic of Congo and the Republic of South Africa (2010) University of South Africa, Pretoria,
Unpublished LLD thesis, p. 301.
61
E. Mukendi Wafwana Droit minier Congolais : Principes de gestion du domaine minier, Supra, note 2, p. 54.
62
L’article 27 de la Constitution du 18 février 2006 reconnait à tout Congolais le droit d’adresser individuellement
ou collectivement une pétition à l’autorité publique qui y répond dans les trois mois. Nul ne peut faire l’objet
d’incrimination, sous quelque forme que ce soit, pour avoir pris pareille initiative. Outres les actions citoyennes
de prestation, les populations locales et la société civile peuvent également introduire des actions judiciaires
tendant à solliciter l’annulation de l’acte règlementaire, par exemple un arrêté d’un ministre, auprès de la section
administrative de la Cour Suprême de Justice pour violation de la loi. G. M. Sakata Tawab Code forestier congolais
et ses mesures d’application : Commentaire pratique (2010) Bruylant, Belgique P. 53.
47

IV.2 : La fiscalité environnementale

La fiscalité est un instrument complexe et délicat à manier. C’est un des leviers principaux des
finances publiques et, partant, de la politique économique. Les pouvoirs publics l’appréhendent
d’abord sous cet angle en perdant de vue ses implications sur d’autres secteurs d’activité. En
particulier, l’impôt peut jouer, soit positivement comme facteur incitatif à la protection de
l’environnement, soit au contraire négativement comme source de découragement d’une
gestion écologiquement rationnelle. Si les pays développés ont pris la mesure de son rôle dans
ce domaine, il n’en est pas de même de la plupart des pays en développement, en particulier
africains, qui ont encore de la finance – prise en son sens ancien de denier du roi et par extension
de l’Etat – une conception strictement budgétaire.63

La fiscalité est ainsi utilisée comme instrument aussi adéquat d’une politique de gestion
environnementale. Elle est abondamment utilisée dans les pays développés, soit directement,
soit indirectement dans les politiques environnementales. Dans le passé, avant même que la
conscience universelle environnementale se soit affirmée, l’impôt foncier était largement
utilisé, de façon variable d’un pays à l’autre, pour réguler l’exploitation des terres. De façon
générale, l’impôt était assis, soit sur la valeur en capital de la terre, soit sur sa capacité
productive approximative. Cet impôt foncier pouvait cependant avoir des conséquences
négatives sur l’environnement, son impact pouvant être indirect ou accidentel. Mais bien
souvent il a eu des conséquences positives. L’exemple le plus répandu est la taxe sur l’entretien
et l’amélioration des sols, qu’il s’agisse du drainage des terrains marécageux, du nettoyage des
forets, des plages et bords de mer, du défrichage des terres abandonnées, etc.

Plus généralement, le système fiscal est utilisé dans les pays développés pour promouvoir une
utilisation rationnelle des ressources naturelles. Il n’est point douteux que la taxation exerce
une influence sur les activités des contribuables de ce secteur, bien qu’il ne soit pas aisé d’en
mesurer toutes les conséquences. On distingue quatre types de mesures fiscales susceptibles
d’être utilisées comme instruments d’une politique de gestion de l’environnement : les mesures
fiscales incitatives, les mesures fiscales dissuasives, les exemptions fiscales de certaines
activités, et les exemptions fiscales de certaines personnes ou de certains corps.

63
T. TSCHITT « Les mesures incitatives et fiscales de protection des forets » Rapport de synthèse au colloque de
Limoges du Réseau « Droit de l’environnement » de l’AUPELF/UREF in Maurice Kamto op. cit. p. 102.
48

- Les incitations fiscales constituent probablement la technique la plus répandue


pour réaliser des objectifs de protection de l’environnement. Elles consistent en
la remise, la réduction, voire la suppression, de l’impôt sur certaines activités
protectrices de l’environnement ou qui produisent des effets bénéfiques pour
l’environnement. Elles visent donc à encourager certaines activités ou certains
comportements. Ainsi, dans la plupart des pays développés, l’acquisition des
équipements antipollution ou des technologies visant à une meilleure utilisation
des ressources est déductible d’impôt.
- Les mesures fiscales dissuasives visent au contraire à décourager certaines
activités ou certains comportements néfastes pour l’environnement. Il n’est, du
reste, pas certain qu’elles produisent toujours les effets escomptés, en particulier
lorsque les contribuables – cibles réalisent que le rapport entre l’impôt à payer
et le gain à tirer de l’activité illicite leur est avantageux.
- Les exonérations fiscales au profit de certaines activités ou de certaines
personnes ou institutions partent d’une même inspiration : favoriser ces
activités, ou encourager ces institutions dont les activités concourent à la
protection de l’environnement. Ainsi en est-il des dons et legs publics, de
certaines activités reconnues d’utilité publique ou des ONG de l’environnement
à but lucratif dont certaines bénéficient, en plus de l’exemption fiscale, des
exonérations douanières pour leurs équipements importés.

La pleine efficacité de la fiscalité et autres mesures financières comme moyen d’une politique
de gestion rationnelle de l’environnement exige toutefois que ces mesures fiscales tendant à
favoriser la protection de l’environnement ne soient pas des mesures ponctuelles ou isolées,
mais qu’elles s’intègrent dans l’ensemble du système fiscal global. Une réforme dudit système
parait alors nécessaire pour mieux intégrer ces préoccupations. On ne saurait conseiller assez
aux pays africains où la fiscalité écologique est très timide encore, voire inexistante dans
certains pays.

V. Les institutions et régimes de protection de l’environnement en RDC

Cfr. Travaux dirigés


49

VI. La justiciabilite du droit à l’environnement en RDC

Lire :
Kennedy Kihangi Bindu, « La justiciabilite du droit à l’environnement consacré par la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 en République
Démocratique du Congo », Revista Catalana De Dret Ambiental, Vol. IV, N° 1, 2013, PP.
1-34.
VII. Le cadre légal et règlementaire de la conservation de la nature

- La Loi relative à la Conservation de la Nature de Janvier 2014 et les différentes


innovations.

VIII. Le cadre légal et règlementaire du secteur forestier

Loi N° 11/2002 du 29 Aout 2002 portant Code Forestier en RDC et ses innovations.

IX. Le cadre légal et règlementaire des eaux, mines et hydrocarbures

- Loi N° 18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la Loi N° 007/2002 du 11 juillet


2002 portant Code Minier ;
- La loi N°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau ;
- Loi N° 15/012 du 1er Aout 2015 portant régime général des hydrocarbures ;

X. La protection juridictionnelle de l’environnement

La préservation de la protection de l’environnement passe aussi par des mécanismes


juridictionnels pour en assurer la meilleure garantie. La législation congolaise donne
aujourd’hui ouverture à des actions individuelles ou collectives en cas d’atteinte à
l’environnement. Par cette voie, le caractère justiciable du droit à l’environnement garanti
constitutionnellement prend corps en attirant l’attention tant du juge administratif, civil que
pénal. Le contentieux est ici pris en charge en droit interne comme en droit international. Le
juge national est donc compétent ainsi que le juge international notamment celui de la Cour
Internationale de Justice. Cela est aussi possible au niveau régional. Un certain nombre
d’affaires ont ainsi été portées à la connaissance du juge de la Cour de Justice de la CEDEAO,
notamment l’Affaire SERAP contre le Nigeria. La Cour a eu l’occasion de souligner que le
Nigeria devait être tenu responsable pour avoir violé les articles 21 et 24 de la Charte Africaine
des droits de l’homme et de peuple respectivement sur la libre disposition des peuples de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles et sur leur droit à un environnement satisfaisant. En
ne protégeant pas le delta du Niger et ses habitants des opérations des compagnies qui pendant
50

de nombreuses années ont dévasté la région. Selon la Cour, le droit à l’alimentation et à la vie
sociale des peuples du delta du Niger a été violé par la détérioration de leur environnement,
détruisant ainsi leur possibilité de gagner leur vie et de jouir d’un niveau de vie sain et
satisfaisant.64

Les actions individuelles et collectives organisées par la loi en RDC doivent respecter toute la
procédure lors de la saisine d’une juridiction. Les conditions générales pour intenter en justice
qui sont la capacité, l’intérêt et la qualité ne les excluent pas les personnes physiques et morales
ainsi que les ONGs à saisir le juge (articles 134 du Code Forestier et 108 de la Loi sur l’eau de
2015). Cela est une évolution impressionnante de la législation congolaise en matière
environnementale. Cependant, il y a encore des efforts à fournir par rapport à la mise en
application des textes existants. La population devra être conscientisée à saisir le juge chaque
fois que de besoin, mais aussi le juge devra développer une expertise et une attention soutenue
en cette matière. Il est fort étonnant que le contentieux environnemental soit quasi inexistant
devant les juridictions congolaises malgré les cas de violations quasi quotidienne de la
législation environnementale. La jurisprudence en RDC n’a donc pas encore contribué,
notamment à la définition des régimes de protection de l’environnement et de l’étendue des
droits environnementaux en ce domaine.

Dès lors, il sied d’avoir régulièrement à l’esprit un certain nombre de questionnements :


Comment se présente le contentieux de la réparation des atteintes à l’environnement en
République Démocratique du Congo ? Ce genre de contentieux est-il réellement pris en charge
en droit interne ? Ce contentieux est-il administratif ou judiciaire ? Peut-il être pris en charge
uniquement dans le cadre d’un contentieux interne ou concerne-t-il également les juridictions
internationales ? Des actions en justice en matière administrative, civile et pénale devant les
juridictions Congolaises (juridictions compétentes) que devant les juridiction internationales
(Cour d’Arbitrage, CIJ ou CPI) sont possibles. Pour plus de détails lire :
- Kennedy Kihangi Bindu, « La justiciabilite du droit à l’environnement consacré par la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 en République
Démocratique du Congo », Revista Catalana De Dret Ambiental, Vol. IV, N° 1, 2013,
PP. 1-34.

64
Kennedy Kihangi Bindu, « La justiciabilité du droit à l’environnement consacré par la Charte Africaine des
droits de l’homme et des peuples de 1981 en République Démocratique du Congo », RCDA, Vol. IV, Number 1,
2013, P. 27.
51

- Le Statut de Rome
- Et très bientôt, notre ouvrage de droit Congolais de l’environnement.
XI. Conclusion

Après plusieurs années après d’ignorance et de désintéressement, les préoccupations


environnementales attirent aujourd’hui l’attention de l’humanité. La prise de conscience qui est
en train de faire son chemin depuis quelques années a atteint son couronnement mondial,
particulièrement en Afrique malgré les quelques faiblesses enregistrées dans un bon nombre
des pays. Plusieurs instruments juridiques ont été élaborés en vue de réglementer le
comportement des uns et des autres. L’avenir de l’humanité dépend largement de ce que
l’homme aura fait de l’environnement. Faisant partie intégrante de l’environnement, l’homme
est désormais convié à adopter un comportement digne d’une responsabilité éthique pour le
bénéfice des générations présentes et futures. Un essor économique qui ignorerait les exigences
environnementales reste un chemin tortueux et sans issue. Une balance des intérêts
environnementaux et économiques doit constituer l’ossature de toute politique de
développement pour la survie de l’humanité.

Les gouvernements particulièrement Africains devraient être imprégnés de la réalité


susmentionnée en faisant valoir le caractère d’intérêt général de la protection de
l’environnement. La législation qui s’y rapporte mérite une amélioration conséquente
particulièrement en RDC où l’état actuel de l’environnement laisse à désirer. Une gestion
rationnelle et responsable des ressources naturelles est indispensable en vue soit de supprimer,
atténuer ou réduire les atteintes à l’environnement. Une éducation en la matière s’impose.
52

Travaux Pratiques

Bibliographie sommaire/Ouvrages, articles, textes de lois et rapports.

1. A. MEKOUAR Impacts sur l’environnement des incitations économiques à la


production agricole : étude de droit comparé, FAO, Etudes législatives N°38, Rome,
1985.
2. Arbitrage relatif à la ligne du Rhin de fer (« Ijzeren Rijn ») (Belgique et Pays – Bas),
Sentence du Tribunal arbitral ad hoc, Cour Permanente d’Arbitrage, La Haye, 24 Mai
2005.
3. Code Minier de 2002 de la RDCtel que modifié en Mars 2018.
4. Constitution du 18 février 2006 de la RDC.
5. Corinne LEPAGE – JESSUA Audit d’environnement, Paris, 1992.
6. D. ALHERITIERE Evaluation des impacts sur l’environnement et le développement
agricole : étude de droit comparé, Cahiers FAO : Environnement N°2, Rome, 1981.
7. E. Mukendi Wafwana Droit minier Congolais : Principes de gestion du domaine
minier, .
8. G. Bakandeja wa Mpungu Droit minier et des hydrocarbures en Afrique Centrale : Pour
une gestion rationnelle, formalisée et transparente des ressources naturelles, Supra,
note 7.
9. G. M. Sakata Tawab Code forestier congolais et ses mesures d’application :
Commentaire pratique (2010) Bruylant, Belgique, 2010.
10. Handbook on Environmental Assessment Legislation in the SADC Region, Democratic
Republic of Congo, p. 77: available at www.usaid.gov (accessed on 12/5/2009).
11. Ignacy Sachs, L’écodéveloppement : stratégies pour le XXIème siècle, Syros, Paris 1997
12. J. MORAND – DEVILLER Droit de l’environnement, PUF, Paris (Que sais je ?), 2ème
éd., 1993.
13. K. Kihangi Bindu « L’exploitation du Pétrole du Lac Edouard et la Loi
environnementale en République Démocratique du Congo » (2011) in Légal aspects of
sustainable natural resources, Legal Working Paper Series, Centre for International
Sustainable Development Law (CISDL).
53

14. K. Kihangi Bindu Environmental and developmental rights in the Southern African
Development Community with specific reference to the Democratic Republic of Congo
and the Republic of South Africa (2010) University of South Africa, Pretoria,
Unpublished LLD thesis.
15. Kennedy Kihangi Bindu, « La justiciabilite du droit à l’environnement consacré par la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981 en République
Démocratique du Congo », Revista Catalana De Dret Ambiental, Vol. IV, N° 1, 2013.

16. Kamto M Le droit de l’environnement en Afrique (2000) Edicef Paris.


17. Karel Vasak « 30 years struggle – The sustained efforts to give force of law to the
universal Declaration of Human Rights » Unesco Courrier, november 1977.
18. L P suetens ‘Le droit a la protection d’un environnement sain (article 23 de la
Constitution Belge), Les hommes et l’environnement (Melanges Kiss), Frison-roche
Paris 1998.
19. La licéité de la menace ou l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif de la Cour
Internationale de Justice du 8 Juillet 1996, paragraphe 29.
20. Loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau en RDC.
21. M. DENOIX de SAINT – MARC, « Le rapport d’impact sur l’environnement », Revue
Juridique de l’Environnement, 1976, N°3-4.
22. Michel Prieur Droit de l’environnement, (2001) 4ème éd. Dalloz, Paris.
23. Octave GELINIER, François-Xavier SIMON, Jean-Pierre BILLARD,
« Entreprise compétitive et responsable », (2005), ESF Editeur CEGOS.
24. Olivier SORIA, « Petit vocabulaire du droit de l’environnement », (Septembre
2009) Edition s Confluences.
25. Parfait OUMBA, « Le contentieux de la réparation des atteintes à l’environnement
au Cameroun », in Revue de droit administratif, n°4, Yaoundé, PAJ, 2014.
26. Prieur Michel et Doumbé Billé Stéphane Recueil francophone des traités et textes
internationaux en droit de l’environnement (1998) Bruylant Bruexelles.
27. Règlement Minier de 2003 de la RDC
28. Wolgang E. Burhene et W.A Irwin, World Charter of Nature (1983) Berlin, Erich
Schmitt Verlag Gmblt.
29. Yves PETIT, « Droit et politiques de l’environnement », coll. Les Notices, la
documentation française, 2009. Christian HUGLO, Jehan de MALAFOSSE et Marie-
54

Pierre Maître, « Code de l’environnement et les autres textes relatifs au développement


durable », Edition Lexis Nexis LITEC,. 2010.

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