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Principes environnementaux

Pr. GADJI Abraham

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Les principes de l’environnement

La protection de l’environnement est une obligation inter et intragénérationnelle. Sujet mineur dans
les années 1980 en Côte d’Ivoire, la préoccupation y relative s’inscrit aujourd’hui parmi les grandes
priorités de l’Etat ivoirien. L’organisation à Abidjan la Conférence des partie sur la désertification mai 2022
traduit cette volonté. Le projet de modification du Code de l’environnement corrobore cette orientation. Il
faut indiquer que sur le plan national, les premières règles apparaissent au lendemain des indépendances.
Un cadre juridique et institutionnel de protection de l’environnement s’est progressivement mis en place.
Mais les textes juridiques adoptés étaient relatifs à plusieurs secteurs de l’environnement sans qu’un cadre
juridique et institutionnel cohérent consacré à la protection de l’environnement soit défini encore moins
établi. Les références à la problématique de la protection de l’environnement n’étaient à travers, certains
secteurs tels l’agriculture, les eaux et forêt, la marine, la construction. Mais le contexte international va
influencer la nécessité de prendre l’environnement dans la politique générale de développement de l’Etat
de Côte d’Ivoire. La première conférence mondiale sur l’environnement et le développement organisée par
l’ONU à l’initiative de la Suède à Stockholm en Juin 1972 a ouvert des grandes internationales sur cette
problématique. La Conférence Stockholm aboutit à la création du programme national des nations unies
pour l’environnement (PNUE ). En 1982, il est adopté la Charte de la nature. En 1987 les Nations Unies
mettent en place la commission mondiale pour l’environnement et le développement, connu sous le nom
de « Commission BRUNDLAND ». Cette commission a donné une définition de la notion de :
développement durable qui est acceptée. Elle définit le développement durable comme un développement
qui vise à satisfaire les générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à
satisfaire les leurs.

En juin 1992, la ville de Rio accueille la deuxième Conférence mondiale sur le développement de
l’environnement encore appelée sommet de la terre. Cette Conférence voit l’adoption de la Convention
sur la diversité biologique et de la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements. Mais c’est
après la Conférence de Rio en juin 1992 qu’émerge une véritable politique de protection de l’environnement
comme un élément important de la politique globale de développement de la Côte d’ Ivoire. Le Plan
d’Action National pour l’Environnement élaboré en 1994 et qui est une traduction de l’Agenda 21 fait le
constat de l’absence d’homogénéité de la réglementation nationale existante et de l’insuffisance de textes
juridiques en matière. Le PNAE a fait une recommandation indiquant la nécessité pour la Côte d’Ivoire de
se doter d’une loi spécifique sur l’environnement. La recommandation du PNAE a abouti à l’élaboration et
à l’adoption de la loi n°96-766 du 3 octobre 1996 portant Code de l’Environnement. Les décrets
d’application qui en forment avec la loi-cadre le cadre juridique de référence pour la protection de

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l’environnement. Mais certains textes, qui remontent à la colonisation, ont été par le principe de
reconduction introduits dans le droit ivoirien en ce qu’ils n’ont pas de dispositions juridiques contraires.

Le cadre juridique national en matière d’environnement est relativement fourni. Les textes sont relatifs
d’une part à l’environnement naturel (faune, flore, ressources biologiques, parcs nationaux et réserves,
monuments naturels et sites) et d’autre part à l’environnement industriel (installations classées). Cependant,
nonobstant, ces efforts aspects précis n’ont pas encore été pris en compte ou ne sont pas suffisamment
couverts par la législation ivoirienne.

La protection juridique de l’environnement implique l’édiction des normes protectrices visant à éviter ou à
réduire les dommages ou les risques de dommages à l’environnement. Cette œuvre de régulation et de
contrôle des activités de production est importante surtout pour un pays en développement la Côte d’Ivoire.
Ces pays doivent s’inspirer des approches adoptées sur le plan international de sorte à mettre en place un
modèle de production et de consommation qui répond aux exigences du développement durable. Les
normes et les principes qui forment ce cadre national procèdent généralement des textes internationaux, des
principes généraux et des résolutions ou décisions des organisations internationales ou des conférences
internationales, des décisions des juridictions internationales. Ils prescrivent les engagements que les Etats
se doivent de respecter. Ceux-ci sont invités à prendre les mesures administratives, juridiques et autres
mesures relevant de leur compétence pour rendre concrets ces principes. Cet ensemble forme le droit de
l’environnement.

Ce cours portera sur les principes du droit de l’environnement.

Qu’est qu’un principe ? La notion de principe renvoie à plusieurs significations. Le principe est un simple
énoncé constatatif ou, au mieux, de caractère axiomatique. Sur le plan strictement juridique, un double sens
peut se dégager de la notion de principe. Ainsi le principe est :
- soit une règle ou une norme générale de caractère non juridique d’où peuvent être déduites des normes
obligatoires , donc juridiques (exemple de souveraineté de l’Etat) ;
- soit une règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s’imposant avec une autorité supérieure. Dans ce cas, la notion de principe renvoie au
« droit positif » c’est-à-dire à une norme explicitement formulée dans le texte du droit positif, à savoir
soit un texte législatif, soit une norme construite à partir des éléments contenus dans ces dispositions.

Les principes fondamentaux en matière de protection de l’environnement visent à engager les Etats à se
soumettre à des obligations concernant la protection de l’environnement. Ces obligations consistent soit en
une obligation de faire, soit en une obligation de ne pas faire. Ces principes se subdivisent en deux
catégories. Nous avons d’une part les a priori qui s’appliquent que l’action ne soit engagée et les principes
a posteriori qui s’appliquent après que l’action ait été engagée.

Chapitre I : Les principes a priori

§1 : Un principe transversal : La reconnaissance du droit de l’homme à l’environnement

La protection de l’environnement est érigée en droit de l’homme. Le droit de l’Homme à


l’environnement a été proclamé pour la première fois par la Conférence des Nations-Unies sur
l’environnement et le développement de Stockholm de 1972. Le Principe I de la Déclaration proclame que
« l’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un
environnement dont la qualité lui permet de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel de
protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». Le droit de l’homme à
l’environnement a été réaffirmé par la Déclaration de Rio de 1992 « les êtres humains ont (…) droit à une

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vie saine et productive en harmonie avec la nature ». Ces deux déclarations lient au plan moral et politique
les Etats qui y ont consenti.

Ce droit est reconnu en Côte d’Ivoire. La Constitution ivoirienne du 1er août 2000 consacre le droit
de l’homme à l’environnement. L’article 19 indique que « le droit à un environnement sain est reconnu à
tous ». L’article 28 précise que la protection de l’environnement et la protection de la qualité de la vie sont
un devoir pour la communauté et pour chaque personne physique et morale. La valeur constitutionnelle
conférée à la protection de l’environnement constitue une avancée significative et exprime la volonté de la
Côte d’Ivoire de créer les conditions d’une politique hardie en matière de respect de l’environnement.

Le Code de l’environnement du 3 octobre 1996 avait déjà affirmé le droit de l’homme à


l’environnement. L’article 33 alinéa 1 énonce que « toute personne a le droit fondamental de vivre dans un
environnement sain et équilibré (…) ». La reconnaissance quasi générale du droit de l’homme à
l’environnement traduit une plus grande prise de conscience des Etats, les organisations internationales et
de la société civile de protéger notre biosphère. Mais, il ne suffit pas seulement de proclamer le droit de
l’homme à l’environnement, encore faut-il le garantir.

Le droit à l’environnement est porteur de droits tels que le droit à l’information, à la participation et
à des voies de recours appropriées. Ces droits contribuent à la mise en œuvre effective du droit à
l’environnement.

1.1.1.1.Le droit à l’information

Les personnes susceptibles d’être affectées par les activités exercées sur l’environnement doivent
être informées des projets et des programmes initiés qui risquent de détériorer leur environnement. L’accès
aux données et aux renseignements concernant ou susceptibles de concerner l’environnement des
populations doit être facilité. En clair, les populations les plus proches des activités ou des zones pouvant
être affectées par les pollutions éventuelles ne doivent pas être empêchées d’avoir toute information utile
sur l’état de pollution de leur milieu, les risques auxquels elles sont exposées, les mesures de dépollution
envisagées. Ce principe est proclamé par le principe 10 de la Déclaration de Rio qui affirme que « la
meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens
concernés, au niveau qui convient. Chaque individu doit dûment avoir accès aux informations relatives à
l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux
substances et activités dangereuses dans leurs collectivités … ».. Au niveau national, le Code de
l’environnement indique en son article 35-6 « toute personne a le droit d’être informée de l’état de
l’environnement (…) ». Cette mesure n’a pas toujours respectée. Or les informations ne sont fréquentes,
elles sont plutôt inexistantes sur la nature des déchets liquides ou solides engendrés par les installations
classées ou l’exploration et/ou l’exploitation des hydrocarbures.

1.1.1.2.Le droit à la participation

Les personnes pouvant être affectées par les activités exercées sur l’environnement doivent pouvoir
participer aux décisions qui seront prises concernant la zone ou le cadre voisin, notamment à travers les
audiences et les enquêtes préalables avec la possibilité d’exprimer leurs opinions ou, le cas échéant, leurs
objections à l’encontre des projets de décisions des autorités publiques, des investisseurs. La Déclaration
de Rio considère que la participation de tous les citoyens concernés est la meilleure façon de traiter les
questions d’environnement. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du
public en mettant les informations à la disposition de celui-ci (principe 10). L’article 35-6 du Code de
l’environnement de Côte d’Ivoire reconnaît ce droit « toute personne a le droit (…) de participer aux
procédures préalables à la prise de décisions susceptibles d’avoir des effets préjudiciables à
l’environnement ». Mais ce droit s’applique avant la réalisation du ou des projets, et précisément dans le
cadre des études d’impact environnemental.

1.1.1.3.Le droit à des voies de recours appropriées

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Il est reconnu à toute personne, seule ou en groupe, diverses voies de recours pour garantir l’exercice
du droit à l’environnement. Il s’agit des voies de recours devant la juridiction civile, pénale ou
administrative.

La juridiction civile a pour objectif de mettre en œuvre la protection et d’assurer la réparation du


dommage sur la base des articles 1382 et suivants du Code Civil. Il en a été ainsi dans l’affaire Probo Koala
consécutive au déversement des déchets toxiques en juillet 2006 dans le district d’Abidjan qui a causé des
préjudices considérables aussi bien au plan humain que matériel et financier. Les entreprises reconnues
coupables à l’issue du procès ont versé à l’Etat et aux victimes des ressources financières importantes en
guise de réparation pour les préjudices subis au plan civil.

Le contentieux est répressif lorsqu’une infraction générale est relevée à la charge de l’auteur du
dommage. Tel a été le cas des responsables de l’entreprise Trafigura dans l’affaire Probo Koala précitée.
Les responsables d’une société d’hydrocarbures pourront engager leurs responsabilités pénales s’ils sont
reconnus coupables des violations des textes portant sur la protection de l’environnement.

La procédure est administrative lorsque les intérêts en présence mettent en cause l’Administration.
La responsabilité de l’Administration pourra être mise en cause si des dysfonctionnements graves sont
constatés dans l’exécution de ses missions.

Toute personne intéressée, c’est-à-dire concernée par le problème de la sécurité, des conditions de
travail ou d’hygiène des activités exercées dans le grand système éco-marin du Golf de Guinée peut déposer
une plainte en vue de prévenir une atteinte à l’environnement, d’obtenir la cessation ou encore la réparation
des dommages subis. En Côte d’Ivoire, les contentieux sur les questions de pollution et de nuisances sont
quasi inexistants si bien que les tribunaux ivoiriens sont très peu saisis en la matière. Le règlement des
litiges par la voie administrative et le règlement à l’amiable ont presque toujours été privilégiés. L’affaire
Probo Koala consécutive au déversement des déchets toxiques en juillet 2006 dans le district d’Abidjan a
sous la pression de l’opinion publique a rompu cette tendance générale. Les victimes ont pu obtenir
réparation à l’amiable du fait des actions des avocats. Reste que la saisine des tribunaux est un moyen
privilégié pour avancer dans le respect du droit de l’homme à l’environnement et surtout dans la prise de
conscience de l’importance de l’environnement pour la santé de l’homme et sa sécurité.

§ 2 : L’étude d’impact environnemental

L’étude d’impact environnemental est une obligation juridique qui consiste à prendre en
considération les préoccupations environnementales à l’occasion de toute action, décision publique ou
privée risquant d’avoir un impact sur l’environnement. Elle est un rapport d’évaluation de l’impact probable
d’une activité envisagée sur l’environnement (article 1 du Code de l’environnement de Côte d’Ivoire».
L’étude d’impact environnementale encore appelée évaluation d’impact sur l’environnement est une norme
préventive propre au droit de l’environnement. Il convient de voir l’affirmation du principe et sa mise en
œuvre.

A. L’affirmation du principe

Textes internationaux, des directives des certaines institutions et des textes nationaux

1. Dans les textes internationaux

a. Les conventions internationales


L’étude d’impact environnementale a été établie comme une référence importante en droit international de
l’environnement avec l’adoption de deux instruments juridiques internationaux consacrés à ce sujet. Il s’agit
de la Convention d’Espoo du 25 février 1991 relative à l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans
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un contexte transfrontière1 et du Protocole de Madrid du 4 octobre 1991 au Traité sur l’Antarctique relatif
à la protection de l’environnement.

De portée régionale, la Convention d’Espoo a été adoptée dans le but de promouvoir un


développement écologiquement rationnel et durable par l’apport d’informations sur les incidences
réciproques des activités économiques et leurs effets sur l’environnement, en particulier dans un contexte
transfrontière. La Convention invite chaque Partie à prendre les mesures juridiques, administratives ou
autres, nécessaires à la mise en œuvre des dispositions de la présente Convention. Elle établit des activités
dans les activités concernées. L’Appendice I comprend les activités qui sont susceptibles d’avoir un impact
transfrontière préjudiciable important, à l’établissement d’une procédure d’évaluation de l’impact sur
l’environnement permettant la participation du public et la constitution du dossier d’évaluation de l’impact
sur l’environnement décrit dans l’Appendice II2.
L’Appendice I fixe la liste des dix-sept activités devant faire l’objet d’une étude d’impact
environnemental. Ce sont les raffineries de pétrole brut ; les centrales thermiques et nucléaires ; le
traitement, le stockage et l’élimination des déchets radioactifs ; les fonderies, les usines d’amiante, et les
installations chimiques ; la construction de routes et de lignes de chemins de fer ; les oléoducs et gazoducs ;
les constructions portuaires ; l’élimination des déchets toxiques et dangereux ; les grands barrages et les
réservoirs ; l’extraction des eaux souterraines ; la fabrication de papier et pâte à papier ; les grandes
exploitations minières ; l’extraction d’hydrocarbures en mer ; les stockages pétroliers et chimiques ; et le
défrichage massif des forêts.
Appendice II Le dossier de l’évaluation d’impact sur l’environnement comprend au moins : une description
de l’activité proposée et de son objet ; une description des solutions de remplacement qui peuvent être
raisonnablement envisagées sans omettre l’option « zéro » ; une information relative à l’environnement sur
lequel l’activité proposée et les solutions de remplacement sont susceptibles d’avoir un impact important ;
une description de l’impact que l’activité proposée et les solutions de remplacement peuvent avoir sur
l’environnement et une estimation de son importance ; une description des mesures correctives visant à
réduire autant que possible l’impact préjudiciable sur l’environnement ; une indication des méthodes de
prévision et des hypothèses de base retenues ainsi que des données environnementales pertinentes
utilisées ; un inventaire des lacunes dans les connaissances et des incertitudes constatées en rassemblant les
données requises ; s’il y a lieu, un aperçu des programmes de surveillance et de gestion des plans éventuels
pour l’analyse a posteriori ; un résumé non technique avec, au besoin, une présentation visuelle.

1La Convention d’Espoo a été élaborée sous l’égide de la Commission économique des Nations-Unies pour l’Europe à Espoo (Finlande). Elle
est entrée en vigueur le 10 septembre 1997.
2 Le dossier de l’évaluation d’impact sur l’environnement comprend au moins : une description de l’activité proposée et de son objet ; une
description des solutions de remplacement qui peuvent être raisonnablement envisagées sans omettre l’option « zéro » ; une information relative
à l’environnement sur lequel l’activité proposée et les solutions de remplacement sont susceptibles d’avoir un impact important ; une description
de l’impact que l’activité proposée et les solutions de remplacement peuvent avoir sur l’environnement et une estimation de son importance ;
une description des mesures correctives visant à réduire autant que possible l’impact préjudiciable sur l’environnement ; une indication des
méthodes de prévision et des hypothèses de base retenues ainsi que des données environnementales pertinentes utilisées ; un inventaire des
lacunes dans les connaissances et des incertitudes constatées en rassemblant les données requises ; s’il y a lieu, un aperçu des programmes de
surveillance et de gestion des plans éventuels pour l’analyse a posteriori ; un résumé non technique avec, au besoin, une présentation visuelle.

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L’étude d’impact environnementale doit être faite avant que ne soit prise la décision d’autoriser ou
d’entreprendre une activité susceptible d’avoir un impact transfrontière préjudiciable important ainsi que
l’indique l’article 2 al.2 et 3. La Convention d’Espoo établit également les exigences de procédures et de
fond de l’étude d’impact sur l’environnement. Ainsi, toute activité proposée figurant à l’Appendice I et
susceptible d’avoir un impact transfrontière négatif important doit être notifiée dès que possible à toute
Partie potentiellement affectée. Cette dernière a le droit de participer à l’étude d’impact environnemental si
elle le souhaite3.

Le Protocole de Madrid au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement


fournit un modèle pour les études d’impact environnemental. L’article 8 et l’Annexe I déterminent les
exigences en matière d’évaluation d’impact au préalable. La nécessité de mener une étude d’impact
environnemental est soumise à certains critères4. L’activité en question doit avoir un impact moindre que
mineur ou transitoire5 ; un impact mineur ou transitoire ; ou un impact supérieur à un impact mineur ou
transitoire. L’étude est obligatoire pour les effets supérieurs à un impact mineur ou transitoire.

Si donc la Convention d’Espoo exige une évaluation d’impact sur l’environnement pour toutes les
activités qui pourraient causer un dommage transfrontière préjudiciable important, le Protocole de Madrid
se réfère, quant à lui, aux activités pouvant potentiellement causer un dommage à l’environnement dans
l’Antarctique.

L’étude d’impact environnemental a été également inscrite au rang des engagements des Etats
Parties à la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. L’article 4.al.1 (f)
enjoint les Etats à utiliser des méthodes appropriées, telles que les études d’impact, formulées et définies
sur le plan national, pour réduire au maximum les effets – préjudiciables à l’économie, à la santé publique
et à la qualité de l’environnement – des projets ou des mesures qu’ils entreprennent en vue d’atténuer les
changements climatiques ou de s’y adapter. La Convention sur la diversité biologique prévoit également
cette procédure. L’article 14.al.1 (a) encourage chaque Partie contractante à adopter des procédures
permettant d’exiger l’évaluation des impacts sur l’environnement des projets qu’elle a proposés et qui sont
susceptibles de nuire sensiblement à la diversité biologique en vue d’éviter ou de réduire au maximum de
tels effets.

3 Cf. Article 3 de la Convention d’Espoo.


4 Ces critères doivent être vérifiés par un examen préalable.
5 Au cas où l’impact est moindre que mineur et transitoire, l’activité peut être poursuivie. Dans les deux autres cas précités, une évaluation
initiale en matière d’environnement doit être effectuée. Cette évaluation doit être précise de sorte à savoir si l’activité peut avoir un effet
supérieur à un effet mineur ou transitoire.
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b : Les directives des institutions internationales : la directive opérationnelle de la Banque
mondiale

L’importance de l’étude d’impact environnemental a conduit la Banque mondiale à adopter en 1989


une Directive opérationnelle relative à l’évaluation d’impact sur l’environnement. La Banque mondiale
étudie les projets et les classe dans une des quatre catégories en fonction de leur caractère, de leur
dimension, de leurs liens avec l’environnement.

La Catégorie A concerne les projets qui peuvent avoir un impact important sur l’environnement et
qui exigent une évaluation globale d’impact sur l’environnement (exemples : les barrages et réservoirs, la
production forestière, les usines et les zones industrielles à grande échelle, l’irrigation, le développement
des minerais etc.…).

La Catégorie B est relative aux projets qui peuvent seulement avoir des effets limités, spécifiques
sur l’environnement et qui nécessitent quelques études mais pas forcément une évaluation en profondeur
en matière d’environnement.

La Catégorie C est relative aux projets pour lesquels une analyse en matière d’environnement n’est
pas normalement nécessaire.

La Catégorie D porte sur les projets environnementaux qui n’exigent pas d’évaluation d’impact sur
l’environnement pour la simple raison que la protection de l’environnement est l’objectif du projet et que
toutes les conséquences sur l’environnement ont déjà été envisagées.

L’étude d’impact environnemental est une procédure inhérente à l’établissement de l’ordre


écologique. Elle se révèle comme une stratégie d’anticipation face aux dommages potentiels provenant de
certains projets.

2. Dans les textes nationaux

C’est aux Etats-Unis que cette procédure a été adoptée pour la première fois dans la loi sur l’environnement
de 1970. En France, dans son projet de loi relatif à la protection de la nature déposé au Parlement en avril
1975, le gouvernement français avait posé un principe nouveau qui ne faisait pas expressément référence à
l’exigence d’une étude d’impact. Il était dit : « Les travaux et projets d’aménagement qui sont entrepris
par une collectivité publique ou qui nécessitent une autorisation ou une décision d’approbation doivent
respecter les préoccupations d’environnement. »

En Côte d’Ivoire : Code l’environnement 1996

Le contenu de l’EIE

1. Contenu

Le Code de l’environnement en son article 40 précise le contenu de l’étude d’impact


environnemental :
- une description de l’activité proposée ;
- une description de l’environnement susceptible d’être affecté y compris les renseignements spécifiques
nécessaires pour identifier ou évaluer les effets de l’activité proposée sur l’environnement ;
- une liste des produits utilisés le cas échéant ;
- une description des solutions alternatives, le cas échéant ;
- une évaluation des effets probables ou potentiels de l’activité proposée et des autres solutions possibles
sur l’environnement, y compris les effets directs, indirects cumulatifs à court, moyen et long termes ;

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- l’identification et la description des mesures visant à atténuer les effets de l’activité proposée et les
autre solutions possibles, sur l’environnement, et une évaluation de ces mesures ;
- une indication des lacunes en matière de connaissance et des incertitudes rencontrées dans la mise au
point de l’information nécessaire ;
- une indication sur les risques pour l’environnement d’un Etat voisin dus à l’activité proposée ou aux
autres solutions possibles ;
- un bref résumé de l’information fournie au titre des rubriques précédentes ;
- la définition des modalités de contrôle et de suivi réguliers d’indicateurs environnementaux avant (état
initial), pendant le chantier, durant l’exploitation de l’ouvrage ou de l’aménagement et le cas échéant,
après la fin de l’exploitation (remise en état ou réaménagement des lieux) ;
- une estimation financière des mesures préconisées pour prévenir, réduire ou compenser les effets
négatifs du projet sur l’environnement et des mesures de suivi et de contrôle réguliers d’indicateurs
environnementaux pertinents.

Mais les dispositions de cet article du Code de l’Environnement n’épuisent pas les détails importants
relatifs à l’étude d’impact d’où les précisions nécessaires du décret n°96-894 du 8 novembre 1996
déterminant les règles de procédures applicables aux études relatives à l’impact environnemental des projets
de développement. L’article 12 annonce que « l’étude d’impact environnemental proprement dite consiste
en cinq grandes activités : identification, analyse, évaluation des mesures correctives, suivi et contrôle que
doit refléter son contenu ».

2. L’identification

L’identification porte sur la description détaillée du projet.

3. L’analyse

L’analyse est relative à l’état initial du site. Elle doit porter sur les éléments du milieu naturel, le paysage,
les types d’occupation du sol, la nature des activités pratiquées, le milieu humain, le statut juridique du site
et de son environnement, définis dans les plans d’aménagement du territoire.

L’analyse porte aussi sur les conséquences prévisibles directes, indirectes (notamment ceux des travaux)
réversibles, irréversibles, cumulatives et/ou synergiques du projet ou programme d’unité sur
l’environnement.

4. Evaluation

L’évaluation cherche à connaître les options envisagées, le projet présenté a été retenu ; et la présentation
des autres variantes envisagées devra être faite pour les projets énoncés soumis à l’étude d’impact
environnemental telle que la construction des unités de production énergétique.

5.Mesures correctives

Ce sont les mesures de prévention, de suppression, de réduction et/ou de compensation envisagées par le
maître d’ouvrage ou le pétitionnaire pour prévenir, supprimer, réduire et éventuellement compenser les
conséquences dommageables du projet.

6.Suivi et contrôle

Ils concernent les limites des connaissances scientifiques dans le domaine concerné, notamment de celles
qui opèrent la nette appréciation des conséquences dommageables du projet ; les indicateurs permettant le
suivi et l’audit de la prise effective des mesures de prévention, de suppression, de réduction et de
compensation prescrites par l’étude d’impact.

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Les études d’impact environnemental sont soumises au Bureau d’Etude d’Impact Environnemental pour
examen et validation ainsi que l’indique l’article 40 du Code de l’Environnement.

B. CONTROLE DE L’ETUDE D’IMPACT

Un triple contrôle sur l’étude d’impact est réalisé par le public, par l’administration et par le juge.
1. Le contrôle par le public
La publicité des études d’impact. La publicité varie selon que le projet est soumis ou non à enquête
publique et selon qu’il y ait ou non plusieurs décisions pour un même projet. C’est surtout l’information a
posteriori qui est disponible. La décision d’octroi ou de refus doit être accessible au public avec ses motifs,
les mesures pour réduire ou compenser les effets négatifs du projet et les lieux où l’étude d’impact peut être
consultée. Le mécanisme de l’étude d’impact n’a cependant d’utilité que s’il s’accompagne d’une
transparence du processus de prise de décision et permet au public d’exprimer ses réticences avant qu’il ne
soit trop tard.

Etude d’impact et enquête publique. L’étude d’impact fait partie du dossier soumis à enquête publique.
Le public va donc en prendre connaissance selon les conditions du droit commun au moment où l’étude
sera terminée. Le système actuel présente l’inconvénient majeur de ne permettre la participation du public
qu’en fin de procédure, à un moment où le pétitionnaire considère son projet comme définitif. Certes,
l’administration peut lui imposer des notifications à la suite de l’enquête publique. Mais il eût été plus
satisfaisant de prévoir la participation du public plus en amont dans le processus à un moment où il est
encore possible d’amender le projet.

2. Le contrôle de l’administration
L’Administration, en particulier l’Agence Nationale de l’Environnement, apprécie librement la valeur des
études d’impact qui lui sont soumises par les pétitionnaires.

3. Le contrôle par le juge


L’insuffisance de l’étude ou vice de procédure. Le juge examine la légalité des études d’impact
uniquement à l’occasion des recours contre les actes administratifs qui ont été pris à ce sujet.

Il peut s’agir d’une pièce du dossier constituant une formalité substantielle, toute erreur ou illégalité
affectant l’étude d’impact constitue un vice de procédure qui entraîne l’annulation de l’acte attaqué.

C. LES EFFETS DE L’ETUDE D’IMPACT

Les effets administratifs, effets juridictionnels et la responsabilité.

1. Les effets administratifs

L’objectif est d’aboutir à une décision mieux réfléchie compte tenu des contraintes de l’environnement.
L’auteur du projet est mis en face de ses responsabilités. Il va choisir de mener à bien son projet ou d’y
renoncer et l’administration va pouvoir, en dernier ressort, mieux apprécier si elle peut ou non autoriser les
travaux.

2. Les effets juridictionnels

La suspension. En France, la loi sur la protection de la nature a prévu en son article 2 (art. L. 122-2, c.
env., modifié par l’article 12-1 de l’ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000) une procédure
contentieuse exceptionnelle de suspension automatique sans exiger l’urgence. Si à l’occasion d’un recours
déposé devant le juge administratif des référés contre une autorisation ou une approbation d’un projet

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devant comporter une étude d’impact, la suspension de la décision est demandée, le juge administratif devra
faire droit à cette demande de suspension en cas d’absence d’étude d’impact.

Le Conseil d’Etat a également fait application de la suspension automatique. La procédure de suspension


automatique n’empêche nullement le juge d’accorder le sursis dans les conditions habituelles non pas cette
fois en cas d’absence formelle mais en cas d’insuffisance du contenu de l’étude.
ARRETS
C.E 29 janvier 1983, Commune de Roquevaire, p. 353. L’Assemblée nationale a tenté en vain de rendre
applicable le sursis automatique également en cas d’insuffisance de l’étude d’impact (JO débats, AN, 6
avril 2000, p. 3163.

3. Les responsabilités encourues à la suite d’une étude d’impact


Trois types de responsabilités sont dégagés : responsabilité du pétitionnaire privé, du rédacteur de
l’EIE et de l’Administration. On a déjà examiné la valeur des engagements du pétitionnaire contenus dans
le texte de l’étude. Qu’en est-il des diverses responsabilités possibles une fois que l’ouvrage a été construit
sur la base d’une étude d’impact.

a. Responsabilité du pétitionnaire privé Vis-à-vis des tiers et Vis-à-vis de l’administration

- Vis-à-vis des tiers : si un dommage survient ultérieurement du fait de l’ouvrage et ayant des
conséquences écologiques non prévues dans l’étude d’impact, le maître de l’ouvrage engage sa
responsabilité civile dans les conditions habituelles du droit commun, quel que soit en réalité le
contenu même de l’étude d’impact. Les prévisions de l’étude d’impact n’exonèrent en aucun cas le
pétitionnaire de sa responsabilité future. Le principe même d’une responsabilité civile pour atteinte
à l’environnement doit être considéré comme renforcé par le principe selon lequel « il est du devoir
de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement ».

- Vis-à-vis de l’administration : le problème est ici celui d’une étude d’impact volontairement erronée
et qui aurait induit en erreur l’autorité administrative. Celle-ci pourrait engager la responsabilité
civile du pétitionnaire mais il serait très difficile de prouver un véritable préjudice subi par
l’administration. On doit plutôt envisager une responsabilité pénale. La loi sur les études d’impact
ne prévoit aucune incrimination spéciale du fait d’étude d’impact sciemment inexacte.

ARRETS
C.E 16 avril 1982, Ministre de l’industrie c/ Commune d’Aubagne, Rec., p. 684 et 715 ; ADJA, 1982, p.
600.
T.A de Dijon du 8 octobre 1979, Ville de Gevrey-Chambertin ; RJE 1981.2,p. 191, note Gassman ; CAA
Nantes, 28 mars 1996, Association Manche Nature, RJE, 1996-3, p. 321.

b. responsabilité du rédacteur de l’étude d’impact

le rédacteur de l’EIE ne peut être responsable du contenu de l’étude que vis-à-vis du seul pétitionnaire
comme pour tout contrat de recherche. L’ANDE ou les particuliers ne pourraient donc se retourner contre
le rédacteur de l’étude d’impact car celle-ci est présentée par le pétitionnaire ou le maître de l’ouvrage sous
sa seule responsabilité.
c. Responsabilité de l’administration
Dans les conditions du droit commun de la responsabilité administrative, l’Etat peut voir engager sa
responsabilité pour faute dans l’exercice de son contrôle technique si l’autorisation accordée à un
pétitionnaire est annulée du fait du contenu irrégulier de l’étude d’impact. Encore faut-il un préjudice direct
subi par la victime qui peut être soit le pétitionnaire lui-même (sous réserve de l’application de la cause
exonératoire due à la faute de la victime qui a induit en erreur l’administration dans l’étude d’impact) soit
un tiers. Il faut préciser toutefois que dans la mesure où l’annulation d’une autorisation est fondée sur un
vice affectant l’étude d’impact, il s’agit d’une annulation pour vice de procédure, or une partie de la doctrine

11
et certains arrêts refusent d’accorder une réparation lorsque l’illégalité est fondée sur des vices de forme ou
de procédure.

§ 3 : Le principe d’interdiction de causer des pollutions transfrontières

A. Définition
1. Dans la recommandation de l’OCDE

La pollution peut s’appréhender, au sens de la définition donnée par l’OCDE dans sa


Recommandation C (74) 224 du 14 novembre 1974, comme l’introduction par l’homme, directement ou
indirectement, de substances dans l’environnement, qui entraînent des conséquences préjudiciables de
nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux systèmes écologiques,
à porter atteinte aux agréments ou à gêner les autres utilisations légitimes de l’environnement.

2/ Dans les conventions internationales


La Convention pour la protection de la mer méditerranée contre la pollution adoptée le 16 février 1976 à
Barcelone. Son article 2 (a) définit la pollution comme l’introduction directe ou indirecte, par l’homme, de
substance ou d’énergie dans le milieu marin, lorsqu’elle a des effets nuisibles tels que les dommages ou
atteintes aux ressources biologiques, les risques pour la santé de l’homme, les entraves aux activités marines
y compris la pêche, l’altération de l’eau de la mer du point de vue de son utilisation, et la dégradation des
valeurs d’agrément.

La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance a été adoptée le 13 novembre
1979 à Genève (Suisse). Sa définition du concept de pollution est en rapport avec l’atmosphère
conformément à l’objectif visé. L’article dit que « l’expression pollution atmosphérique désigne
l’introduction dans l’atmosphère par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie
ayant une action nocive de nature à mettre en danger la santé de l’homme ; à endommager les ressources
biologiques et les écosystèmes, à détériorer leurs biens matériels, et à porter atteinte ou à nuire aux valeurs
d’agrément et aux utilisateurs légitimes de l’environnement (…) ».

B. Implications du principe

La pollution transfrontière implique la présence au moins d’un Etat pollueur et d’un Etat pollué dans
une situation de conflit portant sur des dommages ou des atteintes à la souveraineté sur le territoire d’un
autre Etat. Or, c’est une règle bien connue en droit international général qu’un Etat ne doit pas, nonobstant
la reconnaissance de ses droits souverains dans les limites de son territoire, entreprendre des activités
engendrant ou pouvant engendrer des pollutions transfrontières, c’est-à-dire des pollutions dont la source
physique est comprise totalement ou en partie dans une zone soumise à sa juridiction nationale. Autrement
dit, un Etat a le droit souverain de ne pas subir les effets négatifs provenant des activités du territoire d’un
autre Etat. Ce qui revient aussi à dire, dans un certain sens, que l’on ne peut user abusivement de son droit.
Le droit international interdit l’abus de droit, c’est-à-dire le fait d’exercer de manière arbitraire son droit,
sans justification valable, alors que cet exercice cause des dommages à un Etat.
12
Ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit international et qui est repris dans tous
les systèmes juridiques, est inspiré du droit romain « sic utere iure tuo ut alterum nonlaedas ». Le principe
de l’utilisation non dommageable du territoire national a été formulé dans une sentence arbitrale rendue le
11 mars 1941 dans l’Affaire de la Fonderie de Trail entre les Etats-Unis et le Canada. Cette affaire était
relative à des dommages qu’avaient subis des agriculteurs américains du fait des activités d’une fonderie
de zinc et de plomb construite en 1896 au Canada (en Colombie britannique) près de Trail à quelques
kilomètres avec de la frontière des Etats-Unis. Dans un premier temps, la Fonderie de Trail avait versé des
indemnités aux victimes de la pollution atmosphérique. Mais un peu plus tard, en 1927, le Gouvernement
américain s’est saisi de l’affaire en réclamant au Gouvernement du Canada des dommages et intérêts plus
conséquents. Le Tribunal arbitral a fait savoir qu’aucun Etat n’a le droit d’user de son territoire ou d’en
permettre l’usage de manière à ce que des fumées provoquent un préjudice sur le territoire d’un autre Etat
ou aux propriétés des personnes qui s’y trouvent, s’il en résulte des conséquences sérieuses et si le préjudice
est établi par des preuves claires et convaincantes. Ce qui implique qu’un Etat a le devoir permanent de
protéger les autres Etats contre des actes préjudiciables des individus se trouvant dans le ressort de sa
compétence.

La sentence arbitrale de la fonderie de Trail pose en même temps le principe de la responsabilité de


l’Etat pour des actes de pollution ayant leur origine sur son territoire et causant des dommages sur le
territoire d’autres Etats, même si les actes de pollution ne sont pas imputables directement à l’Etat lui-même
ou à ses démembrements.

La sentence arbitrale de la fonderie de Trail va au-delà du cadre du droit international général pour
poser les fondements de l’élaboration des règles spécifiques du droit international de l’environnement6.
Cette sentence de référence a été confirmée par la Cour internationale de justice dans son arrêt du 9 avril
1949 relatif l’Affaire du détroit de Corfou qui énonce qu’«aucun Etat ne peut utiliser son territoire aux fins
de causer d’actes contraires aux droits d’autres Etats »7.

Le principe d’interdiction de causer des dommages transfrontières sert ainsi de fondement théorique
à la protection de l’environnement. C’est en se fondant sur ce principe que la Nouvelle-Zélande et
l’Australie ont traduit la France devant la Cour internationale de justice dans une affaire dénommée « essais
nucléaires français dans le pacifique » du 9 mai 1973.

6 Alexandre KISS et Jean-Pierre BEURIER, Droit international de l’environnement, op.cit, pp.106-107


7 C.I.J, Affaire du détroit de Corfou, Royaume-Uni /Albanie : 9-04-1949, Recueil des arrêts de la Cour, p.22

13
Les deux Etats soutenaient que les essais nucléaires français dans le Pacifique constituaient des
dangers qui menaçaient leurs territoires. Sans se prononcer sur le fond de l’affaire, la Cour internationale
de justice a, dans une décision du 22 juin 1973, ordonné à la France de ne plus procéder à des essais jusqu’à
ce qu’une décision définitive intervienne. La procédure s’est arrêtée à ce niveau puisque le gouvernement
français a renoncé, dans un communiqué du 8 juin 1974, à procéder aux essais nucléaires dans l’atmosphère.
Toutefois, sans préjuger de l’issue de l’arrêt qu’aurait rendu la C.I.J sur la question au fond, il ne serait pas
péremptoire de penser que la décision du gouvernement français de ne plus continuer à faire des essais
nucléaires en plein air dans le Pacifique ait été probablement influencée par le principe d’utilisation non
dommageable de son territoire. Dans tous les cas, l’absence de décision définitive dans l’Affaire des « essais
nucléaires français dans le Pacifique » n’invalide pas la portée considérable de ce principe qui a été consacré
au plan international.

La Déclaration de Stockholm, en son Principe 21, indique que « Conformément à la Charte des
Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le devoir de faire en sorte que les activités
exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à
l’environnement dans d’autres Etats ou des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». La
Déclaration de Rio, reprenant les grandes lignes du Principe 21 de la Déclaration de Stockholm, précise, en
son principe 2, que « Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international,
les Etats ont (…) le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou
sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne
relevant d’aucune juridiction nationale ».

§ 5 : Le devoir de préserver et de protéger l’environnement

Le devoir de préserver et de protéger l’environnement dans ses différentes composantes désigne un


objectif spécifique dans le cadre de l’obligation primordiale des Etats de coopérer. En réalité, le devoir de
préservation et de protection de l’environnement se laisse à saisir comme un objectif que tous les accords
internationaux en matière d’environnement visent prioritairement. Quoique ce devoir n’apparaisse pas
explicitement dans les accords sur l’environnement, il demeure un principe général qui entraîne une
obligation d’ensemble. Cependant, la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer énonce ce principe
en l’insérant dans son champ d’application. Son article 192 dit que « Les Etats ont l’obligation de protéger
et de préserver le milieu marin ».

Cette disposition conventionnelle porte, certes, sur un seul élément de l’environnement mais sa
portée ne reste pas moins importante d’autant plus qu’elle englobe toutes les zones maritimes, les zones
dans les limites de la juridiction de l’Etat, les zones échappant à toute juridiction nationale telles que les
fonds marins et la haute mer. La Convention sur la diversité biologique a emprunté la même démarche en

14
demandant à chacune des Parties contractantes, en fonction des conditions et moyens qui lui sont propres,
d’élaborer des stratégies, plans ou programmes nationaux tendant à assurer la conservation et l’utilisation
durable de la diversité biologique ou d’adopter à cette fin ses stratégies, plans ou programmes existants qui
tiendront compte, entre autres, des mesures énoncées dans la présente Convention qui la concernent (article
6).

Ce principe se retrouve dans certaines conventions régionales. Par exemple, la Convention africaine
sur la conservation de la nature et des ressources naturelles dite Convention d’Alger telle que modifiée et
adoptée par la deuxième session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine à Maputo au Mozambique
le 11 juillet 2003 se réfère à ce principe. Son préambule énonce que « les Etats ont la responsabilité de
protéger et conserver leur environnement et leurs ressources naturelles, et de les utiliser de manière durable,
dans le but de répondre aux besoins de l’homme en accord avec les capacités limites de l’environnement ».
En Europe, la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de
l’Europe de 1979 fixe l’obligation de protéger et de transmettre aux générations futures l’héritage naturel
des espèces sauvages animales et végétales. Mais si l’environnement est pollué, il revient à l’auteur de la
pollution de payer pour la restauration de celui-ci.

II : Les principes a posteriori

Le principe pollueur-payeur, le principe de précaution et le principe d’utilisation non dommageable du


territoire national,.

§ 1 : Le principe pollueur-payeur

Ce principe est inspiré de la théorie économique selon laquelle les coûts sociaux externes qui accompagnent
la production industrielle (dont le coût résultant de la pollution) doivent être internalisés, c'est-à-dire pris
en compte par les agents économiques dans leurs coûts de production. Il a été consacré par le principe 16
de la Déclaration de Rio en 1992.

La proclamation de ce principe et ses implications


A. La proclamation du principe pollueur-payeur

1. La portée du principe.

L’énoncé d’un tel principe aux allures de slogan publicitaire ne peut que satisfaire le défenseur de
l’environnement. Mais sa simplicité cache des problèmes économiques et juridiques complexes. Dans une
acception large, ce principe vise à imputer au pollueur le coût social de la pollution qu’il engendre. Cela
conduit à entraîner un mécanisme de responsabilité pour dommage écologique couvrant tous les effets
d’une pollution non seulement sur les biens et les personnes mais aussi sur la nature elle-même. L’acception
large du principe pollueur-payeur progresse puisqu’il est de plus en plus invoqué pour justifier l’adoption
de régimes de responsabilité objective en matière d’environnement. Voir la Convention sur la
responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement (dite de
Lugano) de 1993, 6e considérant, « Considérant l’opportunité d’établir dans ce domaine un régime de
responsabilité objective tenant compte du principe « pollueur-payeur ». et le Livre blanc sur la
15
responsabilité environnementale, 9 février 2000, Commission des Communautés européennes, 3.1. « La
responsabilité environnementale permet de mettre en œuvre les grands principes de la politique
environnementale inscrits au traité CE (article 174, paragraphe 2) et avant tout le principe du pollueur-
payeur… ». Si le principe pollueur-payeur justifie la mise en œuvre d’un régime de responsabilité civile, il
n’a pas pour objectif d’en définir les conditions d’application, qu’elles soient ou non fondées sur la faute.
L’automaticité de la responsabilité objective correspond mieux cependant au principe pollueur-payeur.
Dans une acceptation plus limitée, qui est celle retenue par l’OCDE et de la CEE, le principe pollueur-
payeur vise à faire prendre en charge les dépenses de lutte contre la pollution par le pollueur. Le principe
s’analyse alors comme une internalisation partielle qui permet d’imposer des taxes ou redevances de
dépollution aux pollueurs sans faire supporter la dépollution par l’ensemble de la collectivité. Dans un tel
système, la subvention de l’Etat aux pollueurs pour les aider à financer les investissements anti-pollution
est contraire au principe pollueur-payeur.

2. Les recommandations de l’OCDE.

Le principe pollueur-payeur a été énoncé d’abord dans la recommandation C (72) 128 du 26 mai 1972. Il
signifie que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux mesures de prévention et de lutte
contre la pollution, arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable.
Le coût de ces mesures devrait être répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l’origine de la
pollution du fait de leur production et de leur consommation. De telles mesures ne devraient pas être
accompagnées de subventions susceptibles d’engendrer des distorsions dans la concurrence. Une deuxième
recommandation du 14 novembre 1974 C (74.223) précise « la mise en œuvre du principe pollueur-
payeur ». Il s’agit en réalité de permettre des exceptions au principe. Une aide aux pollueurs (sous forme
de subventions, avantages fiscaux ou autres mesures) n’est pas incompatible avec le principe pollueur-
payeur si elle est sélective, limitée à des périodes transitoires ou adaptée à des situations régionales
particulières. Si dans des cas exceptionnellement difficiles une aide est consentie à une installation
polluante, les conditions d’octroi de cette aide doivent être plus strictes que celles applicables aux
installations existantes. Le principe pollueur-payeur doit bien sûr s’appliquer aussi aux pollutions
frontalières.

3. En droit national

En droit ivoirien

Le Code de l’environnement ivoirien fait référence à ce principe en son article 35-5 qui dispose que
« toute personne physique ou morale dont les agissements et/ou les activités causent ou sont susceptibles
de causer des dommages à l’environnement est soumise à une taxe et/ou à une redevance. Elle assume, en
outre les mesures de remise en état ».

Cet article donne un contenu au principe sans toutefois le définir. Le principe pollueur payeur
consiste au sens large à imputer au pollueur le coût de la pollution qu’il engendre et les dommages qui en
découlent. Dans un sens strict, il vise à faire prendre en charge par le pollueur une partie seulement des
dépenses de lutte contre la pollution.

En droit français. Le principe pollueur-payeur est sous-jacent à l’ensemble des dispositions imposant des
taxes ou redevances à certains pollueurs. L’article 15 de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations
classées pour la protection de l’environnement (article L. 514-7, c. env.), qui ne prévoit aucune
indemnisation en cas de suppression d’une installation polluante, en est sûrement une illustration. Mais le
principe « qui pollue doit payer » équivaut souvent à reconnaitre le droit de polluer à celui qui paye et
« légitime alors les comportements écologiquement les plus discutables ».
Le principe pollueur-payeur est devenu une règle de droit positif avec la loi du 2 février 1995 qui le définit
comme un principe selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution
et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur (article L. 110-1-II-3°, c. env.).

16
Le principe pollueur payeur vise à intégrer dans le coût de production tout ou partie des coûts dus à la
pollution et de pouvoir imposer des taxes ou des redevances aux pollueurs, sans faire supporter la
dépollution à l’ensemble de la collectivité. Le principe est inspiré par la théorie économique selon laquelle
« les coûts sociaux externes qui accompagnent la production industrielle (donc le coût résultant de la
dépollution) doivent être internalisés c’est-à-dire prises en compte par des agents économiques dans leurs
productions. L’application de ce principe s’explique par le fait que les activités d’exploration et/ou
d’exploitation sont productrices de déchets. Il peut s’agir du dioxyde de souffre, ou des amides
malodorantes dans le milieu aérien, des nitrates ou des métaux lourds dans l’eau et dans le sol etc...

B. Implications du principe

Le principe est inspiré par la théorie économique selon laquelle les coûts sociaux externes qui
accompagnent la production industrielle, en somme le coût résultant de la dépollution doivent être
internalisés, c’est-à-dire pris en compte par des agents économiques dans leurs productions. Le pollueur
doit, en principe, supporter le coût des mesures qu'il est légalement tenu de prendre pour protéger
l'environnement, telles que les mesures destinées à empêcher ou à réduire les émissions de polluants à la
source et les mesures destinées à éviter la pollution en traitant de façon effective les effluents provenant de
l'installation polluante et d'autres sources de pollution8.

1. Les normes anti-pollution.

Un procédé non directement financier permettant de réduire les pollutions en imposant au seul pollueur la
charge de l’investissement consiste en l’adoption par des actes juridiques obligatoires des normes
techniques antipollution. Ce mécanisme simple et d’application automatique est largement utilisé. Il l’a été
d’abord dans le domaine de l’air, puis de l’eau et enfin du bruit. La fixation des normes ne permet pas
toujours d’atteindre un résultat satisfaisant car le niveau de la norme doit tenir compte à la fois des
innovations technologiques et des capacités financières des pollueurs. Aussi, les pouvoirs publics sont-ils
conduits à fixer les normes après une concertation approfondie avec les industriels. Les prétextes
économiques l’emportent souvent sur les exigences écologiques, les coûts externes de la pollution et de la
dépollution n’étant pas systématiquement pris en compte. De ce fait le niveau des normes est beaucoup
plus représentatif de l’effort minimum d’une branche industrielle que de sa capacité et de sa volonté de
réduire substantiellement les pollutions. Les industriels préfèrent une généralisation des normes plutôt
qu’une extension des redevances. La norme devient souvent une simple légalisation des pollutions
existantes.

2. Les mécanismes de compensation.

On fait de plus en plus référence en droit de l’environnement au mécanisme de compensation. C’est un


aveu d’échec, car ce qui fait l’objet d’une compensation économique, financière ou en nature a été très
probablement irrémédiablement détruit ou perturbé. On ne peut remplacer un milieu naturel, un biotope
ou une espèce disparue. On fait payer au pollueur une pollution pour laquelle il n’y a pas de restitution in
integrum possible, ce n’est qu’un pis-aller qui s’inspire directement des mécanismes de réparation en droit
de la responsabilité, totalement inadaptés au dommage écologique. La compensation en nature accompagne
souvent certaines mesures d’autorisation (remise en état des carrières prescrite par l’autorisation
d’exploiter), elle s’assimile alors aux multiples formes de remise en état des lieux à la charge du pollueur.

8 Il est parfois difficile d’identifier le pollueur quand la pollution est due à plusieurs causes simultanées (pollution cumulée) ou à plusieurs
causes consécutives. Il est proposé que le coût pour combattre la pollution soit supporté à l’extrémité de la chaîne de pollution ou dans le
processus de pollution cumulée. De manière plus explicite, les coûts devraient être supportés pendant la phase où le nombre d’opérateurs
économiques est le moins important et où le contrôle est le plus facile ou pendant la phase où la contribution à l’amélioration de l’environnement
est la plus efficace et où les entraves à la concurrence sont évitées.
17
§ 2 : Le principe de précaution

Le principe de précaution est actuellement en droit (international ou national) de l’environnement le


principe le plus invoqué à propos des situations complexes pour lesquelles des réponses claires ne sont pas
encore évidentes.

A. Intérêt d’un principe référentiel


La formulation de sa définition et de sa portée prête à interprétation et soulève un certain nombre
de questions portant sur l’acceptabilité du risque ou l’évaluation du risque ou sur l’application de ce principe
qui concerne aussi bien l’environnement que la santé ou encore à la durée des mesures envisagées, qu’elles
soient provisoires ou définitives. Il importe de voir la proclamation de ce principe (1) et de faire ensuite
connaître son contenu matériel (2).

1. Proclamation du principe

En Allemagne, l’expression Vorsorge qui signifie précaution est apparue en 1971 dans le programme
fédéral définissant la politique environnementale du Gouvernement fédéral allemand qui vise notamment à
apporter des précautions aux générations futures. L’expression Vorsorge est reprise en 1976 dans un rapport
officiel de la politique de l’environnement de l’Allemagne fédérale.

Cette expression trouve, dans le cadre de la Conférence internationale sur la protection de la Mer du Nord,
son équivalent accepté en français, principe de précaution et en anglais, precautionary principle

Le principe de précaution est signalé de manière implicite, pour la première fois, dans la Déclaration
de Stockholm de 1972 dont le principe 18 dispose en effet qu’« il convient de recourir à la science et à la
technique, dans le cadre de leur contribution au développement économique et social, pour déceler, éviter
ou limiter les dangers qui menacent l’environnement et résoudre les problèmes qu’il pose, et d’une manière
générale pour le bien de l’humanité ». Il est vrai que la Déclaration de Stockholm n’a pas employé en tant
que telle la notion de précaution, mais en s’engageant dans une interprétation large du principe 18, il est
possible d’y apercevoir les indices de la précaution. Le recours à la science et à la technique pour découvrir,
éviter ou limiter les dangers pour le bien de l’humanité ne s’insère-t-il pas dans une logique de précaution ?

Le principe de précaution apparaît subrepticement en 1982 dans la Charte de la Nature. Son


paragraphe 11, b affirme que « Les activités comportant un degré élevé de risques pour la nature seront
précédées d’un examen approfondi et leurs promoteurs devront prouver que les bénéfices escomptés
l’emportent sur les dommages éventuels pour la nature et, lorsque les effets nuisibles éventuels de ces
activités ne sont qu’imparfaitement connus, ces dernières ne devraient pas être entreprises ». Quoique ne
mentionnant pas le terme de précaution, cet énoncé est déjà une introduction intéressante de ce que sera
plus tard le principe de précaution.

18
Il a fallu attendre la Déclaration ministérielle de la deuxième Conférence sur la protection de la mer
du Nord tenue à Londres en novembre 1987 pour que la notion de précaution soit explicitement utilisée. Le
paragraphe VII de la Déclaration ministérielle dit que « soutenant le concept selon lequel, pour protéger la
Mer du Nord des effets des substances les plus dangereuses susceptibles d’être préjudiciables, une approche
de précaution est nécessaire, qui peut exiger que des mesures soient prises pour limiter les apports de ces
substances, avant même qu’une relation de cause à effet ait été établie grâce à des preuves scientifiques
incontestables ». Le paragraphe XVI-I poursuit dans le même sens. Les Parties conviennent d’« accepter le
principe de sauvegarde de l’écosystème marin de la Mer du Nord en réduisant à la source les émissions
polluantes de substances qui sont persistantes, toxiques et susceptibles de bio-accumulation par l’adoption
de la meilleure technique disponible et d’autres mesures appropriées. Cela est particulièrement applicable
lorsqu’il y a lieu de supposer que certains dégâts ou effets nocifs sur les ressources vivantes de la mer sont
susceptibles d’être causés par de telles substances, même lorsqu’il n’y a pas de preuve scientifique d’une
relation de cause à effet entre les émissions et les effets (le principe de l’action de précaution) ».

Le principe de précaution est progressivement reconnu à partir des années 1990 par plusieurs textes
internationaux. Ainsi, la Conférence de Bergen sur le développement durable organisée à l’initiative de la
Commission économique pour l’Europe des Nations-Unies dit au paragraphe 7 de la Déclaration du 6 août
1990 que pour « parvenir au développement durable, les politiques doivent être fondées sur le principe de
précaution (…). En cas de risques de dommages sérieux ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique
absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer la prise de mesures empêchant la dégradation de
l’environnement ».

Le principe de précaution connaît une consécration universelle à l’occasion de la Conférence de


Rio. Le principe 15 de la Déclaration en fait un principe fondamental : « Pour protéger l’environnement,
des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de
risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir
de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l’environnement ».

Mais les déclarations des textes à caractère politique et non contraignant n’auraient pas suffi à
accorder au principe de précaution toute son importance. La prise en compte de ce principe dans certains
instruments juridiques universels lui a conféré une plus grande autorité. Ainsi, la Convention sur la diversité
biologique se réfère, dans son préambule, au principe de précaution : « notant également que lorsqu’il existe
une menace de réduction sensible ou de perte de la diversité biologique, l’absence de certitudes scientifiques
totales ne doit être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d’en éviter le danger
ou d’en atténuer les effets ».

19
La Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques se veut plus volontaire et
sans doute plus expressive sur le sujet puisque c’est dans le corps du texte que le principe est inséré. Son
article 3 al. 3 dit qu’il « incombe aux Parties de prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir
ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. Quand il y a risque de
perturbations graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte pour différer l’adoption de telles mesures ; étant entendu que les politiques et mesures qu’appellent
les changements climatiques requièrent un bon rapport coût-efficacité, de manière à garantir des avantages
globaux au coût le plus bas possible. Pour atteindre ce but, il convient que ces politiques et mesures tiennent
compte de la diversité des contextes socio-économiques, soient globales, s’étendent à toutes les sources et
à tous les puits et réserves de gaz à effet de serre qu’il conviendra, comprennent des mesures d’adaptation
et s’appliquent à tous les secteurs économiques. Les initiatives visant à faire face aux changements
climatiques pourront faire l’objet d’une action concertée des Parties intéressées ».

L’affirmation du principe de précaution par ces deux conventions de portée mondiale exprime de
manière évidente l’intérêt grandissant de ce principe en droit international, régional et national de
l’environnement9.
Toutefois, dans ces textes, le principe de précaution y est énoncé comme un principe parmi tant
d’autres. Il a fallu attendre le Protocole de Carthagène pour que ce principe devienne un principe de
référence puisque ce Protocole en a fait son objectif principal. Son article 1 dispose que « l’objectif du
présent Protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la
manipulation et l’utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie
moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité
biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant plus précisément l’accent
sur les mouvements transfrontières ». Les articles 10.6 et 11.8 du Protocole sont encore plus précis et sans
doute plus incisifs : « l’absence de certitude scientifique due à l’insuffisance des informations et
connaissances scientifiques pertinentes concernant l’étendue des effets défavorables potentiels d’un
organisme vivant modifié sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans la partie
importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n’empêche pas cette partie de
prendre comme il convient une décision concernant l’importation de cet organisme vivant modifié s’il est

9 En plus du cadre international, le principe de précaution est proclamé aux plans régional et national. Par exemple, le Traité de Maastricht de
1992 créant l’Union européenne indique, en son article 130-R-2 que : « La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement
(…) est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par la priorité à la source des atteintes à
l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur. Les exigences en matière de protection de l’environnement doivent être intégrées dans
la définition et la mise en œuvre des autres politiques de l’environnement ». En France, la loi 95-101 sur le renforcement de la protection de
l’environnement dite loi Barnier, du 2 février 1995, disposition codifiée à l’article L200-1 du Code Rural pose le principe selon lequel l’absence
de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et
proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable. En
Côte d’Ivoire, la loi n°96-766 du 3 octobre 1996, portant Code de l’Environnement se réfère aussi au principe de précaution sans en préciser
le contenu. L’article 35.1 dispose que : « (…) Toute personne dont les activités sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement doit,
avant d’agir, prendre en considération les intérêts tiers ainsi que la nécessité de protéger l’environnement. Si, à la lumière de l’expérience ou
des connaissances scientifiques, une action est jugée susceptible de causer un risque ou un danger pour l’environnement, cette action n’est
entreprise qu’après une évaluation préalable indiquant qu’elle n’aura pas d’impact préjudiciable à l’environnement ».
20
destiné à être utilisé directement pour l’alimentation humaine ou animale ou à être transformé, pour éviter
ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels ».

Ces affirmations de référence marquent un tournant dans la prise en compte du principe de


précaution dans les politiques nationales des Etats en matière d’environnement et de santé humaine et
animale. Mais au-delà de l’indication des domaines ‘‘naturels’’ que suggèrent les textes internationaux,
peut-on admettre que le principe de précaution a vocation à s’appliquer à toutes les activités à risques
chaque fois qu’il semblera être le seul recours dans des cas d’incertitudes scientifiques absolues ? Répondre
par l’affirmative, c’est vouloir attribuer au principe de précaution un caractère quasi incantatoire, c’est
penser qu’il est porteur de solutions, en somme c’est vouloir l’utiliser comme une arme pour renverser
‘‘l’équilibre de la terreur’’.

Cette question ne manque cependant pas d’intérêt parce qu’elle conduit logiquement à s’interroger
sur la valeur et le contenu du principe de précaution (2).

2. Détermination de la valeur et du contenu du principe


La valeur du principe de précaution ne fait pas encore l’unanimité dans la doctrine.

Pour certains auteurs comme Olivier GODARD, le principe de précaution est d’abord « un principe
moral et politique »10. Ce qui signifie pour lui que le principe de précaution ne constitue pas une règle
juridique, mais une simple directive destinée à orienter les actions ou les décisions des pouvoirs publics.
Cette opinion est partagée par Marceau LONG pour qui « la précaution (…) n’est encore, même lorsqu’elle
est prévue par les textes, qu’un principe politique, mais (…) n’est pas encore une règle de droit qui
appellerait une définition précise et aurait des conséquences également précises »11.

Pierre LASCOUMES, pour sa part, considère que le principe de précaution constitue « un standard
de jugement dont le sens est à construire casuistiquement, enjeu par enjeu – contrairement aux normes
classiques dont le contenu est plus précisément borné a priori - , pour répondre à des problèmes spécifiques
de prise en compte de risques aux effets reportés ou continus »12. La notion de « standard », qui offre la
possibilité d’accorder une certaine valeur normative au principe de précaution, a été soutenue un temps par

10Olivier GODARD, De la nature du principe de précaution, in Le principe de précaution. Significations et conséquences, éd. Université
de Bruxelles, 2000, p.4.
11 Cf. Philippes KOURILSKY et Geneviève VINEY, Le principe de précaution, op.cit, citant la préface de Le principe de précaution dans
la conduite des affaires humaines, sous la direction de Olivier GODARD, éd. de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris 1997, p.21.
12 Pierre LASCOUMES, La précaution, un nouveau standard de jugement, Esprit, novembre 1997, p. 129.

21
Gilles MARTIN. Pour lui, le principe de précaution devait être conçu comme un « standard juridique »13
permettant au juge, en situation d’incertitude, de faire la pesée des intérêts concurrents.

Mais l’opinion de Gilles MARTIN a évolué entre temps sur la valeur normative qu’il convient
d’accorder au principe de précaution. Il considère le principe de précaution comme « un principe d’action ».
Selon lui, « lorsque la société civile, la société concrète pose des questions nouvelles, le premier rôle est de
proposer des méthodes d’exposé des intérêts concurrents, des procédures de discussion et de décision
démocratique »14. Il rejoint en cela Philippe KOURILSKY et Geneviève VINEY qui ont indiqué dans leur
rapport au Premier ministre français que le principe de précaution « doit être entendu comme une incitation
à l’action. Au dicton, dans le doute abstiens-toi, le principe de précaution substitue l’impératif : dans le
doute, mets tout en œuvre pour agir au mieux. Cette attitude positive, d’action plutôt que d’inaction, de
gestion active du risque plutôt que de démission devant le juge, correspond à l’objectif unanimement
partagé de réduction des risques pour l’homme et l’environnement sans que celle-ci passe obligatoirement
par une accumulation de moratoires et un gel des innovations »15.

Cette opinion semble être actuellement l’opinion dominante quoiqu’il semble se développer une
autre conception qui appréhende le principe de précaution comme « un principe général de droit ». Gilles
MARTIN s’oppose à une telle idée estimant qu’elle porte en elle le danger de considérer le principe de
précaution comme un « principe-système, avec les risques de « dérapage » que cela comporte, notamment
en matière pénale. En outre, cette conception ne peut être, selon lui, admise parce que cela équivaudrait à
reconnaître que le principe de précaution est une règle substantielle qui exige, non pas uniquement une
méthode, mais une solution16. L’idée selon laquelle le principe de précaution pourrait être un principe
général de droit est une hypothèse évoquée par Anne LAUDON et Christine NOIVILLE qui se demandent
si « le principe de précaution n’est pas en train de devenir un principe général de droit »17.

Cette hypothèse empreinte de générosité à l’égard du principe de précaution doit encore faire son
chemin. Elle ne saurait vraisemblablement se contenter de quelques références utiles, mais non suffisantes
puisque des opinions divergentes continuent de s’exprimer relativement à la valeur du principe de
précaution.

13 Gilles MARTIN, Précaution et évolution du droit, Dalloz, 1995, Chronique, pp. 299-300.
14Gilles MARTIN, Apparition et définition du principe de précaution in Le principe de précaution, Les Petites affiches du 30 novembre
2000, n°239, p. 11-12.
15 Cf. Philippe KOURILSKY et Geneviève VINEY, Le principe de précaution, op.cit, p.12.
16 Gilles MARTIN, Apparition et définition du principe de précaution, op.cit, p.11.
17 Anne LAUDON et Christine NOIVILLE, Le principe de précaution, le droit de l’environnement et l’OMC, op.cit, p.37.

22
Implications

Les débats contradictoires sur la valeur normative du principe de précaution ne laisse pas indifférent.
Sa place ne cesse de grandir en droit international de l’environnement en dépit des controverses sur sa
valeur normative. Il est assurément utile de souligner que son affirmation dans les instruments juridiques
internationaux constitue une avancée non négligeable dans les rapports interdépendants entre
l’environnement, la santé, la science et le commerce. A ce niveau, le principe de précaution est loin d’être
un principe abstrait. Il indique le rejet d’une confiance absolue dans les assurances que présente la techno-
science. Si pendant des années, les activités de développement des Etats étaient fondées sur la logique de
la capacité d’assimilation de l’environnement, le principe de précaution vient renverser la tendance
classique, l’ordre de priorité en accordant cette fois la prééminence à l’environnement et à la santé et enlève
le bénéfice du doute au pollueur puis établit une présomption de dangerosité à l’égard de toute nouvelle
technique au seul motif qu’elle engendre une incertitude scientifique18.

Le principe de précaution exprime le refus des citoyens de déléguer aux décideurs publics ou privés,
aux sociétés commerciales et instituts de recherches scientifiques le pouvoir d’engager le sort collectif au
nom des promesses de maîtrise des risques. Les dangers éventuels encore mal cernés mais auxquels sont
attachés des présomptions de gravité ou d’irréversibilité ne peuvent plus être tolérés. Il est important qu’un
recul nécessaire soit observé entre les produits de la science et le pouvoir de décision même en l’absence
de toute certitude scientifique absolue.

Cependant, le principe de précaution « n’est pas une règle d’abstention »19 selon l’expression
d’Olivier GODARD qui interdirait toute action à moins de prouver son innocuité. Le principe de précaution
n’implique pas ‘‘le risque zéro’’. Car, le risque zéro est un objectif irrationnel et irréalisable. Son application
générale est impossible parce que cela supposerait une mobilisation considérable de moyens financiers,
techniques et humains à consacrer pour prévenir les dommages écologiques et tous les autres dommages
potentiels. Une telle option paralyserait toute action ou toute initiative. Or, il est établi que l'action consiste
à sonder, à explorer, à tâtonner pour produire à la fois des informations qui devraient permettre de prendre
des risques, des risques calculés, mais des risques jamais parfaitement calculés.

Il est possible d’admettre une position commune sur la mise en œuvre du principe de précaution qui
ne serait effective que dans une hypothèse de risque scientifiquement crédible et qui soit admise comme

18 Anne LAUDON et Christine NOIVILLE, Le principe de précaution, le droit de l’environnement et l’OMC, op.cit, p.13.
19Cf. Olivier GODARD, De la nature du principe de précaution, in Le principe de précaution. Significations et conséquences, op.cit,
p.7-8.

23
plausible au moment où la décision est prise. Elle conduirait à laisser au juge la possibilité de repartir la
charge de la preuve en fonction de la vraisemblance et des moyens dont chacune des parties dispose pour
apporter cette preuve. Elle privilégierait en principe les mesures positives, notamment les recherches qui
permettent une évaluation de plus en plus précise du risque, mais elle n’exclut pas le moratoire lorsque
celui-ci s’avère nécessaire pour éviter des conséquences graves ou irréversibles. Enfin, dans l’établissement
du bilan coût/avantage, elle permettrait de tenir compte aussi bien des coûts économiques appréciés avec
souplesse que d’autres facteurs, notamment sociaux, culturels et éthiques20.

Lorsqu’il est admis qu’un risque est plausible, le principe de précaution devrait pouvoir s’appliquer.
Le risque concerné doit être appuyé par une expérience rigoureuse corroborée par des critères scientifiques
crédibles. Il ne doit pas s’agir d’une simple appréhension fondée sur la peur ou un «simple fantasme de
risque»21, mais il doit y avoir un commencement de preuves. En plus, la mesure de précaution doit être
limitée dans le temps afin de créer les conditions permettant la réduction des incertitudes. La mesure de
précaution doit être aussi proportionnelle aux connaissances scientifiques acquises sur le sujet 22.

Le principe de précaution peut donc être saisi comme une attitude que doit observer toute personne
qui prend une décision concernant une activité dont on peut raisonnablement supposer qu’elle comporte un
danger grave pour la santé ou la sécurité des générations actuelles ou à venir ou pour l’environnement. Il
s’impose spécialement aux pouvoirs publics qui doivent faire prévaloir les impératifs de santé et la sécurité
sur la liberté des échanges entre particuliers et entre Etats. Il commande de prendre toutes les dispositions
permettant, pour un coût économiquement et socialement supportable, de détecter et d’évaluer le risque, et
de le réduire à un niveau acceptable et, si possible, de l’éliminer, d’en informer les personnes concernées
et de recueillir leurs suggestions sur les mesures envisagées pour le traiter. Ce dispositif de précaution doit
être proportionné à l’ampleur du risque et peut être à tout moment révisé23.

Le crédit qu’il importe d’attribuer au principe de précaution provient du fait que son application
incite ou exige la prise en compte de l’environnement et de la santé comme des valeurs importantes de la
société actuelle. Les débats contradictoires sur le principe de précaution se retrouve internationale (B).

B. Le principe de précaution dans la jurisprudence

1. La jurisprudence internationale

20 Philippe KOURILSKY et Geneviève VINEY, Le principe de précaution, op.cit, p.140.


21Christine NOIVILLE, Principe de Précaution et Organisation mondiale du commerce. Le cas du commerce alimentaire, J.D.I, n°2
avril-mai-juin, 2000, p.276.
22 Christine NOIVILLE, Principe de Précaution et Organisation mondiale du commerce. Le cas du commerce alimentaire, op.cit, p.277.
23 Philippe KOURILSKY et Geneviève VINEY, Le principe de précaution, op.cit, p.151.
24
L’utilisation du principe de précaution semble actuellement remporter un certain succès auprès de
l’opinion et lui donne un nouveau sentiment d’être associée aux décisions qui engagent le sort de la
communauté. La jurisprudence en la matière est encore en construction tant au niveau de la Cour
Internationale de Justice qu’au niveau de l’organe de règlements des différends.

1. La Jurisprudence de la CIJ

La C.I.J a déjà été saisie sur l’application du principe de précaution sans qu’elle ne se prononce sur
le fond. Dans une affaire Nouvelle-Zélande contre la France portant sur la reprise des essais nucléaires
français en 1992, la Nouvelle-Zélande a exigé que la France fournisse la preuve de l’innocuité totale de ses
essais nucléaires sur l’environnement. La partie plaignante a invoqué à l’appui de son argument le principe
de précaution. La France a, pour sa part, bâti sa défense sur l’idée selon laquelle le statut du principe de
précaution est « tout à fait incertain » et qu’il ne produit pas un renversement total de la charge de la preuve.
La France a estimé qu’elle a respecté le principe de précaution à partir du moment où elle a fourni les
éléments suffisants.

La C.I.J a esquivé la question de fond. Elle n’a pas donné son avis sur la question de fond, à savoir
l’invocation du principe de précaution comme motif suffisant pour demander à la France de cesser ses
essais nucléaires dans l’Océan Pacifique. Elle s’est plutôt limitée à la procédure. Dans son ordonnance du
22 septembre 1995, elle a jugé la requête de la Nouvelle Zélande irrecevable pour des motifs tenant à la
procédure utilisée24.
Certains pays comme les Etats-Unis n’ont jamais admis le principe de précaution que comme « un
principe programmatoire25 », c’est-à-dire une vague directive sans contenu normatif précis.

2. La position nuancée de la jurisprudence de l’OMC

La jurisprudence de l’OMC a déjà eu l’occasion de se prononcer sur l’applicabilité du principe de


précaution dans une affaire dite de ‘‘la viande aux hormones’’. Dans cette affaire, les Etats-Unis et le
Canada ont contesté la décision européenne imposant un embargo sur la viande provenant d’animaux traités
aux hormones. L’Organe d’appel a été sollicité pour se prononcer sur l’applicabilité du principe de
précaution ainsi que l’indiquent les paragraphes 121 et 122 du rapport du 16 janvier 1998.

24 Peter SAND, Droit international de l’environnement : le point avec la France, RGDIP, 1997, p.470 et ss.
25 Gilles MARTIN, Apparition et définition du principe de précaution, op.cit, p.11.

25
L’argument des européens se fondait sur l’idée selon laquelle le principe de précaution est ou est
devenu une règle coutumière générale de droit international ou du moins un principe général de droit. Pour
les européens, l’application du principe de précaution n’implique pas forcément que tous les scientifiques
du monde entier soient d’accord sur la possibilité ou l’ampleur du risque ni que tous les membres de l’OMC,
ou la plupart d’entre eux, prévoient et évaluent les risques de la même façon. Les mesures européennes
attaquées sont considérées par les communautés européennes comme des mesures de précaution alors que
les Etats-Unis estiment que le principe de précaution n’est pas une règle de droit international. Pour les
américains, le principe de précaution est plus une ‘‘approche’’ qu’un principe. Le Canada considère lui
aussi que le principe de précaution ne fait pas encore partie intégrante du droit international public ;
toutefois, il reconnaît que le concept ou « approche de précaution » est un principe de droit naissant qui
pourrait à l’avenir devenir « l’un des principes généraux du droit reconnu par les nations civilisées » au
sens de l’article 38, b) du statut de la C.I.J.

Les arguments soutenus devant l’Organe d’appel exigeaient que la jurisprudence de l’OMC donne
son avis sur le statut du principe de précaution. Malheureusement, la réponse de l’Organe d’appel est restée
très vague. Pour l’Organe d’appel, le statut du principe de précaution en droit international coutumier n’a
cessé de faire l’objet de débats parmi les universitaires et les professionnels du droit. Si certains considèrent
que le principe de précaution est devenu un principe général du droit international coutumier de
l’environnement, il n’est pas encore clairement établi par les Membres de l’OMC que ce principe le soit
devenu. Toutefois, l’Organe d’appel estime qu’il est superflu, et probablement imprudent qu’il prenne
position dans le litige à lui soumis au sujet de cette question importante mais abstraite. Il rappelle que le
Groupe spécial lui-même n’a pas établi de constatation définitive concernant le statut du principe de
précaution en droit international et que le principe de précaution, du moins en dehors du droit international
de l’environnement, n’a pas fait l’objet d’une formulation faisant autorité26.

L’absence d’une décision formelle sur ce sujet signifie que l’application rigoureuse des accords de
l’OMC est la voie indiquée par l’Organe d’appel pour résoudre les conflits provoqués par des mesures
restrictives au commerce international édictées par certains Etats Membres de l’OMC du fait des problèmes
de santé ou de sécurité. En outre, l’Organe d’appel note qu’il est vrai que l’Accord SPS n’ignore pas
totalement le principe de précaution parce qu’il s’y réfère en ses articles 5.7 et 3.3. Néanmoins, cette
allusion n’implique pas une prise en compte du principe de précaution. Celle-ci ne saurait donc prévaloir
sur l’exigence d’une preuve scientifique des risques qui est quant à elle imposée par l’article 5.1 et 2 27.

26 Paragraphe 122 du rapport de l’organe d’appel du 16 janvier 1998.


27Selon l’alinéa 1 de l’article 5 « Les Membres feront en sorte que leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires soient étudiées sur la base d’une
évaluation, selon qu’il sera approprié en fonction des circonstances, des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la
préservation des végétaux, compte tenu des techniques d’évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes ».
L’alinéa 2 ajoute que « Dans l’évaluation des risques, les membres tiendront compte des preuves scientifiques disponibles ; des procédés et
méthodes pertinents ; des méthodes d’inspection, d’échantillonnage et d’essai pertinentes ; de la prévalence de maladies ou de parasites
26
L’ORD s’est donc refusé à prendre sans équivoque une position précise pour l’une ou l’autre opinion
exprimée précédemment. Il n’a pas voulu s’opposer frontalement à la portée réelle du principe de
précaution. Il n’a pas non plus souhaité valider explicitement le principe de précaution. Néanmoins, de
manière implicite, l’ORD a entendu fixer comme le soutient Olivier GODARD « les conditions acceptables
de mise en œuvre du principe de précaution dont la reconnaissance internationale est encore fragmentaire
et timide »28. Mais évolution, le Tribunal du Sport dans l’affaire qui a opposé le Maroc à la Caf qui avait
ce pays des compétions africaines pour de éditions après que ce pays ait refusé d’organiser la la coupe
d’Afrique en 2015. Le Maroc avait évoqué le principe de précaution pour refuser l’organisation de cette
compétition du fait l’épidémie de l’Ebola. Le Tribunal du Sport avait estimé le refus de ce pays fondé sur
l’application du principe de précaution était valable. Une évolution pour la reconnaissance du principe de
précaution comme une règle juridique La Cour de Justice des Communautés Européennes avait déjà franchi
le pas.

2/ La jurisprudence audacieuse de la Cour de Justice des Communautés Européennes

La jurisprudence européenne est incisive quant à la portée du principe de précaution. Dans les deux
arrêts rendus sur le fond29 le 5 mai 1998 et portant sur l’affaire de la ‘‘vache folle30’’, la Cour de Justice
des Communautés Européennes (CJCE) a accordé au principe de précaution une réelle portée juridique. En
effet, appréciant la validité d’une décision de la Commission relative à certaines mesures d’urgence en
matière de protection contre l’encephalophatie spongiforme bovine (ESB) ou ‘‘vache folle’’ qui interdisait
au Royaume-Uni d’expédier de la viande bovine et divers produits vers les autres Etats membres ou tiers.
La CJCE, en réponse à la question posée sur la justification de cette mesure qui semble violer le principe

spécifiques ; de l’existence de zones exemptes de parasites ou de maladies ; des conditions écologiques et environnementales pertinentes ; et
des régimes de quarantaine ou autres ».
28Olivier GODARD, Environnement commerce international – Le principe de précaution sur la ligne de fracture in Le principe de précaution.
Signification et conséquences, op.cit, p.7.
29 Cette affaire avait donné lieu à un référé tendant à obtenir le sursis à l’application des mesures d’embargo et à deux recours sur le fond. Le
premier recours était relatif à l’annulation de ces mesures dénommée affaire 180/96. Le deuxième recours posait à la Cour une question
préjudicielle relative à la validité des mesures (affaire 157/96). L’ordonnance de référé prononcée le 12 juillet 1996 a rejeté la demande de
sursis en s’appuyant sur des motifs qui invoquaient le principe de précaution. Pour la Cour, la maladie de Creutzfeld-Jakob n’est encore
qu’imparfaitement connue des scientifiques, son caractère mortel étant rappelé au cours de l’audience. La Cour indique que vu le fait que
l’explication la plus probable de cette maladie mortelle et contre laquelle il n’existe pour l’instant aucun remède est une exposition à l’ESB,
aucune hésitation n’est permise. Tout en admettant les difficultés d’ordre économique et social engendrées au Royaume-Uni par la décision de
la Commission, elle ne fait que reconnaître l’importance prépondérante de la santé.
30Le 20 mars 1996, le ministre anglais de la santé révélait l’existence possible d’un risque de transmission de l’ESB à l’homme : 10 décès dus
à une forme de la maladie de Creutzfeld-Jacob étaient alors recensés. En octobre 1997, ce chiffre est passé à 24 (23 au Royaume-Uni et 1 en
France). Les premiers cas d’ESB apparaissent au Royaume-Uni en 1986 chez les vaches laitières ayant consommé des farines de viande et d’os
provenant de carcasses d’animaux et notamment de carcasses d’ovins morts de la tremblante du mouton encéphalophatie spongiforme connue
depuis le XVIIIème.siècle. En 1988, il est établi que la maladie de l’épizootie d’ESB a pour origine la consommation de farines, de viande et
d’os contaminés à partir de 1982 fort probablement par l’agent de la tremblante. La cause de cette contamination provient d’une modification
des techniques de production des farines de viande et d’os entre 1977 et 1982. Le système d’extraction des graisses par l’hexane, avec traitement
par lot, à un chauffage à 120° fut remplacé par un traitement continu par centrifugation et pressage impliquant un chauffage moins intense (80-
90°). Les virus étaient inactivés par ce chauffage mais l’agent infectieux contenu dans les farines survivait. Cf. Anne LAUDON et Christine
NOIVILLE, Le principe de précaution, le droit de l’environnement et l’OMC, op.cit, p. 28.

27
de proportionnalité, a statué sur les deux recours au fond. Par les mêmes arguments, la CJCE a admis que
« lorsque des incertitudes existent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes,
les institutions peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité ou la gravité
de ces risques soient pleinement démontrées ». Cette position est corroborée par l’article 130-R, paragraphe
1 du Traité de la Communauté européenne selon lequel la protection de la santé des personnes relève des
objectifs de la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement. Le paragraphe 2 du même
article prévoit que : « cette politique visant un niveau de protection élevé, se fonde notamment sur les
principes de précaution et d’action préventive et que les exigences en matière de protection de
l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la
Communauté31 ».

Cette légitimation du principe de précaution revêt toute son importance étant donné qu’elle a justifié
les mesures restrictives à la liberté du commerce international à l’intérieur de la Communauté au nom du
droit à la santé et à la protection de l’environnement. Le droit communautaire européen appréhende le
principe de précaution comme un principe d’application générale qui doit être notamment pris en compte
dans les domaines de la protection de l’environnement et de la santé. Bien que l’article 130-R du Traité de
Maastricht devenu l’article 174 du Traité d’Amsterdam ne concerne que le domaine de l’environnement, le
champ d’application du principe de précaution est plus large. Il couvre des circonstances particulières où
« les données scientifiques sont insuffisantes, peu concluantes ou incertaines, mais où, selon des indications
découlant d’une évaluation scientifique objective et préliminaire, il existe des motifs raisonnables de
s’inquiéter que les effets potentiellement dangereux sur l’environnement et la santé humaine, animale ou
végétale soient incompatibles avec le niveau choisi de protection »32.

Il existe une évidence qui ne peut être ignorée « l’octroi ou le refus au principe de précaution d’une
valeur juridique directe et autonome permet ou empêche également de mettre ce principe en balance avec
d’autres règles de droit, reconnues comme telles, par exemple avec le principe de souveraineté des Etats ou
de la liberté de la concurrence et, au niveau international, la liberté de circulation des biens et des services
entre les Etats.
Si le principe de précaution est une véritable règle de droit ayant une portée autonome, il peut en
effet justifier des dérogations plus ou moins importantes à ces autres « principes » dont la valeur normative
est, quant à elle, reconnue depuis longtemps et parfois définie par des textes explicites. Si, en revanche, il
est dépourvu de toute « juridicité », il n’aura pas cet effet »33.

31 CJCE., 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, Aff. C-180/98, Cons.98 à 100 (recours en annulation).
32 Commission de la Communauté sur le recours au principe de précaution, Bruxelles, 2 février 2000, COM (2000) 1 final.
33 Philippe KOURILSKY et Geneviève VINEY, Le principe de précaution, op.cit, pp.120-121.

28
§ 3 : La réalisation de l’audit environnemental

L’audit environnemental est une procédure d’évaluation et de contrôle des actions de protection de
l’environnement dont le contenu est précisé par le décret n°D-03 du 6 janvier 2005 portant Audit
environnemental.

L’audit environnemental a, aux termes de l’article 2 du décret n°D-03 du 6 janvier 2005 portant
Audit environnemental pour objet d’apprécier, de manière périodique, l’impact que tout ou partie des
activités, des modes opératoires ou de l’existence d’un organisme ou d’un ouvrage est susceptible,
directement ou indirectement, de générer sur l’environnement. L’Audit environnemental s’applique tous
les 3 ans aux entreprises, industries et ouvrages ou parties ou combinaison de celles-ci, de droit public ou
privé, sources de pollution, qui ont leur propre structure fonctionnelle et administrative (article 3 dudit
décret).

L’Audit environnemental permet au Ministère chargé de l’environnement de veiller au respect des


normes, d’exiger des mesures de prévention, d’atténuation et de réparation ou de prendre des sanctions
dans le cas du non respect délibéré ou de la récidive.

L’Audit environnemental comprend deux domaines (le plan de gestion environnemental et le


système de management environnemental) auxquels trois critères sont appliqués. Il s’agit de la conformité,
de l’efficacité et de l’efficience.

a. L’application des critères d’audit au Plan de Gestion de l’Environnement (PGE) sont :

 la conformité est un critère qui consiste à l’exécution ou aux pratiques selon les exigences
définies ou les lois et règlements ainsi que les conventions internationales ratifiées ;

 l’efficacité est la prévention de la pollution et la maîtrise des impacts et aspects


environnementaux ;

 l’efficience consiste à la réduction des infractions et à l’amélioration des indicateurs de


performance environnementale

b. L’application des critères d’audit au système de management environnemental (SME)

 la conformité consiste au respect des exigences du SME par une norme internationale ;

 l’efficacité consiste à atteindre des objectifs et des cibles fixés lors de la mise en œuvre du SME ;

 l’efficience se mesure à la réduction des coûts.

L’article 11 du décret relatif à l’audit indique qu’il existe trois types d’audit environnemental :
l’audit interne, l’audit externe et l’audit de certification.

L’audit interne se fait à l’initiative de l’entreprise. Il vise à vérifier le bon fonctionnement de son
Plan de Gestion Environnemental ou de son Système de Management Environnemental. Il peut être réalisé
soit par un auditeur interne, soit par des auditeurs externes selon la procédure propre à l’entreprise.

L’audit externe est initié par le Ministre chargé de l’environnement sur avis technique de l’Agence
Nationale de l’Environnement. Il est réalisé par des auditeurs externes agréés par le Ministre chargé de
l’environnement sur avis technique de l’Agence Nationale de l’Environnement.

29
L’audit de certification est réalisé par un organe accrédité et reconnu par les institutions du pays. Il
est initié dans l’optique de la certification des activités d’une entreprise ou de son SME par rapport à une
norme internationale.

Mais sont considérés comme obligatoires : l’audit externe PGE-A et l’audit externe SME.

L’audit externe PGE-A s’applique aux entreprises, industries et ouvrages peu avancés dans la prise
en compte de la protection de l’environnement ou déjà sensibilisés à l’environnement, et qui devraient
franchir le pas de la mise en œuvre de mesures de gestion environnementale (article 18).

L’audit externe SME s’applique aux organismes ayant établi un Système de Management
Environnemental et assurant son amélioration continue (article 22).

30

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