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CONCOURS INTERNATIONAL D’ARBITRAGE DE PARIS

XVIIe édition (2022)

COUR INTERNATIONALE D’ARBIRTAGE


DE LA CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE DE PARIS

COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE


&
COMITÉ INTERNATIONAL PARALYMPIQUE
DEMANDEURS

c.

SOCIÉTÉ PEACE
DÉFENDERESSE

MÉMOIRE EN DÉFENSE

23 février 2022
TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES ABRÉVIATIONS......................................................................................................................... IV

INDEX DES LOIS ET RÈGLEMENTATIONS ......................................................................................... V

INDEX DE SENTENCES ARBITRALES .................................................................................................. VI

INDEX DES DÉCISIONS ÉTATIQUES ................................................................................................... VII

INDEX DE DOCTRINE ....................................................................................................................................... X

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ...................................................................................... 1


A. La genèse d’un projet de construction écologique d’envergure ......................................... 1
B. La mauvaise exécution de la Société MUNDI .................................................................. 1
C. Le Contrat sauvé par la Société PEACE venant aux droits de la Société MUNDI ............. 2
D. L’établissement de nouvelles conditions d’exécution par l’Avenant ................................. 2
E. Une demande d’adaptation du Contrat aux circonstances refusée par les Demandeurs ...... 2
F. La Défenderesse saisit le Tribunal Judiciaire de Bônia d’une demande de résolution
judiciaire.......................................................................................................................... 3

I. LE TRIBUNAL ARBITRAL EST INCOMPÉTENT ........................................................................ 3


A. La clause compromissoire contenue dans le Contrat est nulle ........................................... 3
B. La clause attributive de juridiction est applicable au présent litige .................................... 9

II. LA RÉSOLUTION DU CONTRAT ET DE L’AVENANT POUR IMPRÉVISION ........ 16


A. Les évènements climatiques ayant entrainé une nouvelle augmentation du prix sont
imprévisibles et ne pouvaient raisonnablement être pris en compte par la Défenderesse au
moment de la conclusion de l’Avenant ............................................................................17
B. Le coût de la prestation est devenu excessivement onéreux, l’équilibre des prestations est
fondamentalement altéré .................................................................................................19
C. La Défenderesse n’a pas assumé le risque de ces évènements .........................................20
D. Les évènements climatiques et économiques échappent au contrôle de la Défenderesse ..21
E. La Défenderesse a demandé une renégociation du Contrat aux Demandeurs ...................22
F. La Défenderesse est en droit de demander la résolution du Contrat .................................23

III. LA CLAUSE DE RÉDUCTION DU PRIX DE L’AVENANT EST NULLE ...................... 23


A. La clause de réduction du prix établie à l’Avenant est nulle pour lésion ..........................24
B. En tout état de cause la Défenderesse n’a pas librement consenti à cette clause ...............30

II
IV. EN TOUTE HYPOTHÈSE, LES ARGUMENTS DES DEMANDEURS SONT
INFONDÉS ...................................................................................................................................................... 32
A. Le prix du bambou rend la construction du Village matériellement impossible................32
B. À titre subsidiaire, la Défenderesse engagerait des dépenses disproportionnées afin de se
procurer du bambou dans l’état actuel du marché ............................................................33
C. Il est plus raisonnable pour les Demandeurs d’obtenir l’exécution du Contrat d’une autre
façon...............................................................................................................................35

V. LE PRÉJUDICE ............................................................................................................................................. 37
A. Les Demandeurs doivent payer intégralement le prix convenu dans le Contrat ................37
B. Les Demandeurs doivent indemniser la Société PEACE de ses autres préjudices ............38

PAR CES MOTIFS .............................................................................................................................................. 40

III
LISTE DES ABRÉVIATIONS

ABRÉVIATION CORRESPONDANCE

al. Alinéa

Art. Article

c. Contre

CA Cour d’appel

Cass. Cour de cassation

CCI Chambre de Commerce International

civ. 1ère Première chambre civile

civ. 2ème Deuxième chambre civile

civ. 3ème Troisième chambre civile

com. Chambre commerciale

CPC Code de procédure civile

p./pp. Page/pages

s. Suivants

§/§§ Paragraphe/paragraphes

IV
INDEX DES LOIS ET RÈGLEMENTATIONS

MENTION CITATION

Code civil français Code civil

Code de procédure civile français Code de procédure civile

Code de procédure civile italien CPC italien

Code de procédure civile portugais Code de procédure civile portugais

Code de procédure civile suisse CPC suisse

Convention pour la reconnaissance et


l’exécution des sentences arbitrales Convention de New York
étrangères (1958)

Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats


Principes UNIDROIT
du commerce international (2016)

Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats


du commerce international commentés Principes UNIDROIT commentés
(2016)

V
INDEX DE SENTENCES ARBITRALES

SENTENCE CITÉE EN TANT QUE

Sentence CCI, n°3131 Sentence CCI n°3131

1979 §192

Sentence CCI, n°9029 Sentence CCI n°9029

1998 §120 ;142

Sentence CCI, n°10422 Sentence CCI n°10422

2001 §191

Sentence Centro de Arbitraje de México Sentence CAM

30 novembre 2006 §88 ;94 ;95

Sentence CIRDI, n°ARB/05/17


Sentence Desert Line c. Yémen
Desert Line Projects LLC c. Yémen
§190
6 février 2008

VI
INDEX DES DÉCISIONS ÉTATIQUES

DÉCISION CITÉE EN TANT QUE

Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 19 octobre 1960

Première chambre civile §122

19 octobre 1960, Bill civ1, n°448

Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 17 décembre 1985

Première chambre civile §45 ;60

CSEE c. Société Sorelec

17 décembre 1985, n°84-16.338

Cour de cassation française Cass. com., 5 octobre 1993

Chambre commerciale §164

5 octobre 1993, JCP G 1992, IV, 2554

Cour Suprême de Suède Cour Suprême de Suède, 15 octobre 1997

MS Emja Braack Shiffahrts KG c. Wärtsilä §38


Diesel Aktiebolag

15 octobre 1997

Cour de cassation française Cass. com., 25 novembre 1997

Chambre commerciale §57

25 novembre 1997, n°95-21.02

VII
Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 3 avril 2002

Première chambre civile §153

3 avril 2002, n°00-12.932

Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 28 mai 2002

Première chambre civile §37

28 mai 2002, n°00-12.144, 99-10.741

Cour de cassation française Cass. com., 3 mars 2004

Chambre commerciale §133

3 mars 2004, n°02-14.529

Cour de cassation française Cass. civ. 3ème, 21 septembre 2011

Troisième chambre civile §122

21 septembre 2011, n°10-21.900

Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 8 mars 2012

Première chambre civile §185

8 mars 2012, n°11/14234

Cour de cassation française Cass. civ. 2ème, 7 juin 2012

Deuxième chambre civile §45

7 juin 2012, n°11-13.105

VIII
Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 25 juin 2014

Première chambre civile §71

Société Kodac c. Société Canon France et


autres

25 juin 2014, n°13-23.669

Tribunal fédéral suisse Tribunal fédéral suisse, 23 septembre 2014

Première cour de droit civil §45

23 septembre 2014, 4A_247/2013

Cour de cassation française Cass. civ. 1ère, 17 mai 2017

Première chambre civile §30

17 mai 2017, n°15-24.840

Cour d’appel de Paris CA Paris, 22 février 2019

8ème chambre §60

Société Piriou Singapore c. Société Largo


Shipping SPRL et Société Sealease SA

22 février 2019, n°17/14719

Cour d’appel de Riom CA Riom, 1er septembre 2021

3ème chambre civile et commerciale réunies §30

1er septembre 2021, n°20/00049

IX
INDEX DE DOCTRINE

AUTEUR RÉFÉRENCE CITÉ EN TANT QUE

D’AVOUT Louis Le consentement à D’AVOUT


l’arbitrage international
§30
sans l’appui de la règle de
droit (retour critique sur la
jurisprudence
Dalico/Zanzi/Soerni, note
sous Cass. civ. 1ère, 16 mars
2016

Revue de l’Arbitrage,
Volume 2016, Issue 3

BOUBLI Bernard Contrat d’entreprise civile BOUBLI

Répertoire de droit civil §99


(2016)

BOUCOBZA Xavier Le pouvoir d’engager les BOUCOBZA


sociétés à l’arbitrage
§26 ;27
Revue de l’Arbitrage
Volume 2013, Issue 3

BRAUDO Serge Dictionnaire du droit privé BRAUDO

Dictionnaire juridique en §51


ligne

CHAUVEL Patrick Violence CHAUVEL

Répertoire de droit civil, §133


Dalloz, Décembre 2021

X
CLAUDEL Emmanuelle L’abus de dépendance CLAUDEL
économique : un sphinx
§135
renaissant de ses cendres ?
(commentaire de l’article
1143 nouveau du code civil
et e la proposition de loi
visant à mieux définir l’abus
de dépendance économique)

RTC com. 2016. 460

COHEN Daniel Arbitrage et groupes de COHEN, 1997


contrats
§36
Revue de l’Arbitrage,
Volume 1997, Issue 4

COHEN Daniel L’engagement des sociétés à COHEN, 2006


l’arbitrage
§29
Revue de l’Arbitrage,
Volume 2006, Issue 1

COMITÉ FRANÇAIS DE Note – 12 octobre 2008, COMITÉ FRANÇAIS DE


L’ARBITRAGE Cour de cassation de Dubaï L’ARBITRAGE

Revue de l’Arbitrage, §29


Volume 2010, Issue 2

DALLOZ Abus de dépendance DALLOZ, « Abus de


économique dépendance économique »

Fiche d’orientation Dalloz, §134 ;155


Juin 2021

XI
DALLOZ Imprévision DALLOZ, « Imprévision »

Fiche d’orientation Dalloz, §99

Janvier 2022

DELPECH Xavier Modification de la DELPECH


convention d’arbitrage :
§70
conséquences sur l’appel de
la sentence

Dalloz actualité, 10
novembre 2011

DELVAUX André, Le contrat d’entreprise de DELVAUX, DESSARD


DESSARD Daniel construction
§99
Lancier (1991)

DURET-ROBERT François Obligations des marchands DURET-ROBERT


lors de l’achat
§133
Dalloz action, Droit du
marché de l’art, 2020-2021

FAURE-ABBAD Marianne Droit de la construction FAURE-ABBAD

Gualino, 3ème ed. (2016) §99

FERRIER Didier Les critères d’appréciation FERRIER


de l’état de dépendance
§134
économique

Recueil Dalloz, D. 1992. 388

XII
GUINCHARD Serge, Procédure civile, Droit GUINCHARD, FERRAND,
FERRAND Frédérique, interne et droit de l’Union CHAINAIS
CHAINAIS Cécile européenne
§28
Précis Dalloz, 31ème ed.
(2012)

GUEZ Philippe L’élection de for en droit GUEZ


international privé
§58 ;70
Thèse, Nanterre, 18 janvier
2000

HÉRON Jacques, LE BARS Droit judiciaire privé HÉRON, LE BARS


Thierry Domat droit privé, 5ème §28
édition (2012)

JARVIN Sigvard La nouvelle loi suédoise sur JARVIN


l’arbitrage
§20
Revue de l’Arbitrage,
Volume 2000, Issue 1

KILGUS Nicolas Contrat autonome ou KILGUS


avenant au contrat :
§69
appréciation souveraine des
juges du fond

Dalloz actualité, 2013

XIII
LARDEUX Gwendoline Le contrôle de LARDEUX
proportionnalité des
§170
sanctions en matière
contractuelle

La Semaine Juridique
Édition Générale n°18, 3 mai
2021

LE GALL Gérard CONSTRUCTION – Marché LE GALL


à forfait – Qualification
§99
Revue Juridique de l’Ouest,
Volume 4, pp.73-79 (1975)

LE TOURNEAU Philippe Contrat intuitu personae LE TOURNEAU I

Fascicule 200, J.-Cl. §58


Contrats-Distribution (2000)

LE TOURNEAU Philippe Qualification de vente LE TOURNEAU II

Dalloz action, Droit de la §123


responsabilité et des
contrats, 2020-2021

LICARI François-Xavier Contrat. – Inexécution du LICARI


contrat. – Réduction de prix
§184 ;191
J.-Cl. Civil Code (2021)

MAYER Pierre, HEUZÉ Droit international privé MAYER, HEUZÉ, REMY


Vincent, REMY Benjamin L.G.D.J., 12ème ed. §58

XIV
MAZEAUD Denis, LATINA Lésion MAZEAUD, LATINA
Mathias Répertoire de droit civil, §123
Dalloz, Avril 2018

ORTSCHEIDT Jean La réparation du dommage ORTSCHEIDT


dans l’arbitrage commercial
§192
international

Dalloz (2001)

SIMLER Philippe Contrat – Inexécution du SIMLER


contrat – Exécution forcée
§163 ;168
en nature

Fascicule unique

J.-Cl. Civil Code, 9


septembre 2021

TESTU François-Xavier Traduction juridique de TESTU


l’économie de l’échange
§120
Dalloz référence droit des
contrats, 2010

VIRASSAMY Georges Les contrats de dépendance VIRASSAMY

Thèse, 1986 §135

XV
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

A. La genèse d’un projet de construction écologique d’envergure

1. Le présent mémoire soutient la défense de la Société PEACE (ci-après « la Défenderesse »),


en réponse au mémoire du 16 décembre 2021 des Demandeurs, ainsi que ses demandes
reconventionnelles.
2. Dans le cadre des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (ci-après « les JOP »), le
Comité International Olympique et le Comité International Paralympique (ci-après « le CIO et
le CIP » ou « les Demandeurs » et pris ensemble avec la Défenderesse « les Parties ») ont
pour mission l’édification du Village Olympique et Paralympique (ci-après « le Village »)
devant accueillir les athlètes et leurs fédérations.
3. Afin de mener la lutte contre le changement climatique, l’écologie a été consacrée comme
nouvelle valeur fondamentale des JOP. Cette nouvelle directive internationale devient alors la
ligne directrice du projet de construction (ci-après « le Projet »).
4. En janvier 2020, afin de trouver l’entreprise spécialisée en constructions végétales qui sera
chargée de mener à bien le Projet, les Demandeurs lancent une procédure d’appel d’offres.
5. Le cahier des charges prévoit une construction du Village intégralement en une espèce
spécifique de bambou (le Bambusa vulgaris) que l’on retrouve exclusivement au Pandaland et
au Koalaland.
6. Le 5 juillet 2020, le Projet est attribué à la Société MUNDI, entreprise spécialisée dans la
réalisation et la construction de projets durables, alors représentée par Monsieur GOLD, ancien
médaillé olympique de renom devenu ingénieur.
7. Le 17 octobre 2020, le contrat portant sur la construction du Village (ci-après « le Contrat »)
est conclu. En vertu de ce dernier, le chantier doit débuter dans l’État hôte des JOP le 1er janvier
2021 pour une durée de dix-huit mois pour un prix de douze millions de darnis.

B. La mauvaise exécution de la Société MUNDI

8. Au début de l’année 2021, le Pandaland et le Koalaland sont confrontés à une importante crise
climatique et des feux de forêts dus aux fortes chaleurs anéantissent une grande partie de la
végétation.
9. À la suite de ces évènements, le prix du bambou dans les zones sinistrées connait une
augmentation exceptionnelle, allant jusqu’à 300 % du prix initial sur le marché.
Continuer l’exécution du Projet dans de telles conditions représente un coût de vingt millions
de darnis. La Société MUNDI décide alors de se procurer un autre matériau naturel et
écologique que le bambou, sans l’aval des Demandeurs qui arrêtent le chantier le 4 mars 2021.

1
C. Le Contrat sauvé par la Société PEACE venant aux droits de la Société MUNDI

10. Le 8 mai 2021, intéressée depuis toujours par les activités de la Société MUNDI et plus
particulièrement par le Projet, la Défenderesse rachète la Société MUNDI.
11. Les Demandeurs apprennent entre-temps que Monsieur GOLD s’affiche publiquement avec un
climatosceptique notoire et assure la promotion d’une marque peu respectueuse de l’écologie
et des droits humains.
12. Le 11 mai 2021, les Demandeurs informent la Société MUNDI de leur volonté de mettre fin au
Contrat, en raison d’une part du comportement fondamentalement incompatible avec le Projet
de Monsieur GOLD et d’autre part de la mauvaise exécution de la Société MUNDI.
13. Le 15 mai 2021, la Défenderesse licencie Monsieur GOLD et demande à réviser la quantité de
bambou pour la construction du Village afin de préserver le Contrat et se conformer aux
nouvelles directives internationales écologiques.

D. L’établissement de nouvelles conditions d’exécution par l’Avenant

14. Le 1er juin 2021, les Demandeurs acceptent de revoir les termes du Contrat par un avenant
(ci-après « l’Avenant »). Premièrement, le CIO et le CIP consentent à ce que la composition
en bambou du Village soit de 90 % au lieu de 100 %. Deuxièmement, une clause attributive de
juridiction remplace la clause compromissoire du Contrat et stipule que tout différend relatif au
présent Contrat et au cahier des charges sera exclusivement soumis aux juridictions
d’Annabian. Enfin troisièmement, l’Avenant contient une clause relative au prix du Contrat
stipulant une baisse de 15 % du prix initialement convenu. Ainsi, la Défenderesse ne sera pas
payée douze millions de darnis en échange de la construction du Village, mais dix millions
deux cent mille darnis. C’est dans ces nouvelles conditions que la Défenderesse entreprend la
reprise du Projet.

E. Une demande d’adaptation du Contrat aux circonstances refusée par les Demandeurs

15. Malgré les modifications apportées par l’Avenant et la constante bonne volonté de la
Défenderesse qui fait de son mieux pour respecter ses nouveaux engagements, la situation n’est
économiquement plus tenable face à l’augmentation exponentielle du prix du bambou.
C’est pourquoi le 20 août 2021, la Défenderesse demande une renégociation des termes de
l’Avenant, soit en corrigeant le montant de la contrepartie financière, soit en déterminant une
part de bambou plus raisonnable.
16. Le 22 août 2021, malgré leur obligation contractuelle imposant de se réunir pour discuter des
problèmes d’exécution rencontrés, les Demandeurs refusent toute renégociation, considérant

2
que le temps presse et que le bambou reste disponible quel que soit son prix. Ils estiment donc
qu’il est parfaitement possible pour la Défenderesse de poursuivre le chantier et construire le
Village.
17. Dans de telles conditions iniques, la Défenderesse ne peut honorer le Contrat et tente une
énième fois de négocier avec les Demandeurs qui se montrent fermés au dialogue.

F. La Défenderesse saisit le Tribunal Judiciaire de Bônia d’une demande de résolution


judiciaire

18. Le 1er septembre 2021, la Défenderesse informe les Demandeurs qu’elle souhaite demander la
résolution judiciaire du Contrat modifié par l’Avenant. Elle leur laisse un délai de vingt jours
afin qu’ils puissent suggérer une proposition financière raisonnable, ou bien une offre de
négociation permettant la poursuite du Projet, sous peine de devoir saisir les autorités
compétentes.
19. Le 19 septembre 2021, les Demandeurs entament une procédure arbitrale auprès du Secrétariat
de la Chambre de commerce internationale afin d’obtenir la condamnation de la Société PEACE
à l’exécution en nature de la construction du Village ainsi qu’à des dommages et intérêts pour
les préjudices prétendument subis.
20. Le 22 septembre 2021, la Société PEACE conteste la compétence du tribunal arbitral saisi
(ci-après « le Tribunal Arbitral ») devant le Tribunal Judiciaire de Bônia, désigné par la clause
attributive de juridiction contenue dans l’Avenant.
21. Le 30 septembre 2021, le Tribunal Judiciaire de Bônia sursoit à statuer afin que le Tribunal
Arbitral statue sur sa propre compétence.

I. LE TRIBUNAL ARBITRAL EST INCOMPÉTENT

22. À l’inverse de ce que prétendent les Demandeurs, le Tribunal Arbitral est incompétent.
En effet, la clause compromissoire conclue par la Société MUNDI avec le CIO et le CIP est
nulle et ne lie pas la Société PEACE (A). Cet arbitrage n’est qu’un artifice procédural puisque
les Parties ont clairement entendu saisir les juridictions d’Annabian en cas de litige.
De fait, la clause attributive de juridiction figurant dans l’Avenant est applicable (B).

A. La clause compromissoire contenue dans le Contrat est nulle

23. Monsieur GOLD a uniquement été nommé à la tête du Projet par la Société MUNDI ; il n’avait
pas de pouvoir de représentation, et a pourtant conclu le Contrat contenant la clause
compromissoire. Contrairement à ce que soutiennent les Demandeurs, Monsieur GOLD était

3
dépourvu du pouvoir d’engager cette dernière, ce que les Demandeurs étaient à même de savoir.
Ainsi, la clause compromissoire s’avère manifestement inapplicable (1). Par conséquent, la
clause compromissoire ne peut être transférée à la Défenderesse qui a racheté la Société
MUNDI et a poursuivi l’exécution du Contrat (2).

1. Monsieur GOLD n’avait pas le pouvoir d’engager la Société MUNDI

24. Bien que les Demandeurs prétendent que : « M. GOLD était autorisé pour agir au nom et pour
le compte de MUNDI en tant que la Défenderesse et son prédécesseur ont créé l’apparence de
qu’il disposait d’une autorisation réelle »1, ce dernier ne pouvait valablement engager la
Société MUNDI à l’arbitrage.
25. Lorsqu’une personne morale souhaite confier à une autre personne morale ou à une personne
physique le pouvoir de la représenter juridiquement, celle-ci doit pouvoir justifier sa capacité
d’engager. Cette solution généralement consacrée en procédure civile se transpose
naturellement dans le cadre de l’engagement d’une société à l’arbitrage.
26. D’ailleurs, une société, ne souhaitant pas être représentée par son organe légal, ou par un
titulaire d’une délégation de pouvoir lui permettant de l’engager juridiquement, peut demander
à un tiers de signer la clause compromissoire à sa place. Bien entendu, ce dernier doit alors
justifier l’obtention d’une procuration. La société ne s’exprime plus donc à travers ses organes
institués, mais confie à un tiers le mandat conventionnel de la représenter par le biais d’une
représentation « ad agendum »2. Par conséquent, il faudrait appliquer le régime du mandat.
27. Au regard de la nature de l’acte, il appartient à celui qui possède la qualité de mandataire de
justifier et produire une procuration écrite et spéciale émanant de la personne représentée,
autrement dit la société3. Ainsi, à défaut de l’existence d’un tel mandat, qui doit a fortiori être
licite, la personne qui prétend avoir cette qualité de mandataire ne peut pas exercer cette action
légalement. En l’absence de cette qualité, le créancier social se trouve ainsi dépourvu de qualité
pour compromettre au nom et pour le compte de son débiteur en vertu de l’article 1166 du Code
civil français qui énonce que : « [l]orsque la qualité de la prestation n’est pas déterminée ou
déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux
attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des usages et du montant de la

1
Mémoire en demande, p.13 §61
2
BOUCOBZA, p.638
3
BOUCOBZA, p.639

4
contrepartie ». De la même manière, un actionnaire qui n’intervient pas dans la gestion de la
société est tenu de justifier d’un pouvoir spécial afin d’engager la société à l’arbitrage4.
28. De plus, selon les règles de procédure civile française, il est nécessaire de respecter
formellement la maxime « nul ne plaide par procureur »5 de telle manière qu’il faut faire
figurer chacun des mandants conventionnels, s’ils existent, en leur nom dans toutes les pièces
de la procédure pour empêcher que les actes accomplis irrégulièrement soient annulés pour vice
de forme6.
29. C’est ainsi que « la validité et l’exécution du contrat principal ne s’étend pas à la clause
d’arbitrage lorsqu’il a été prouvé que celle-ci a été conclue par une partie ne jouissant pas de
la capacité de souscrire une convention d’arbitrage. Ainsi en va-t-il de l’absence de qualité
d’un gérant d’une SARL de prévoir une clause d’arbitrage dans le contrat d’entreprise qu’il a
valablement signé au nom et pour le compte de la société qu’il représente »7. Cet arrêt mérite
d’être cité compte tenu de l’importance qu’il donne à la condition de jouissance du tiers d’une
capacité à conclure une clause compromissoire au nom de la société. De surcroît, la Cour
précise que même lorsque le contrat principal est valide, ladite validité ne s’étend pas à la clause
compromissoire conclue par une partie dépourvue d’un pouvoir d’engager la société à
l’arbitrage. Effectivement, « parce qu’ils sont dépourvus de tout pouvoir de représentation de
la société, les personnes ne dirigeant pas la société, quelle que soit leur qualité, ne peuvent
valablement l’engager à l’arbitrage, sauf pouvoir spécial »8.
30. Les Demandeurs soutiennent, à tort, que « le représenté ne peut pas invoquer à l’encontre du
tiers le défaut de pouvoir du représentant et est, par conséquent, lié par les actes de ce dernier.
Cela peut être appliqué aussi aux clauses compromissoires »9. En ce qui concerne le mandat
apparent, la jurisprudence emploie un « critère à double détente »10. Le mandat est apparent si
la croyance du tiers aux pouvoirs du mandataire est légitime, et celle-ci est légitime si les
circonstances autorisent les tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs 11. Sur le second critère dit
« dispense excusable de vérification des pouvoirs », tout dépend de l’affaire en espèce.
Il incombe ainsi à la partie professionnelle, concluant le contrat, un devoir de renseignement

4
BOUCOBZA, p.639
5
HÉRON, LE BARS, n° 197 et s.
6
GUINCHARD, FERRAND, CHAINAIS
7
COMITÉ FRANÇAIS DE L’ARBITRAGE
8
COHEN, 2006, p.42
9
Mémoire en demande, p.14, §63
10
CA Riom, 1er septembre 2021
11
D’AVOUT, p.823

5
sur les clauses présentant un caractère particulier comme les clauses de règlement des litiges, y
compris sur l’identité et le pouvoir du cocontractant12, d’autant plus du fait que les statuts d’une
société sont publics13. D’ailleurs, la jurisprudence a également retenu « [qu’un] acte de vente
d’un bien immobilier appartenant à une SCI dont un des associés est mineur est nul pour défaut
d’autorisation préalable du juge des tutelles à la délibération ayant décidé de cette vente. Peu
importe que l’acquéreur ait contracté dans la croyance erronée que le gérant de la SCI
propriétaire du bien vendu avait le pouvoir de consentir à la vente »14.
Ainsi, appliquer la théorie de l’apparence d’une manière systématique, en considérant que dès
lors qu’une personne travaille pour une société, elle contracte en son nom, serait complètement
inconcevable et conduirait à une insécurité juridique non voulue.
31. En tout état de cause, un refus d’exequatur ne peut pas être exclu en vertu de l’article V(1)(a)
de la Convention de New York qui prévoit que la reconnaissance et l’exécution de la sentence
peuvent être refusées si les parties prouvent : « [q]ue les parties à la convention visée à l’article
II étaient, en vertu de la loi à elles applicable, frappées d’une incapacité, ou que ladite
convention n’est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l’ont subordonnée ou, à
défaut d’une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue ».
32. En l’espèce et contrairement à la prétention des Demandeurs « [qu’]il est possible de ratifier
ultérieurement cette autorisation de représentation, soit de manière expresse, soit implicite »15,
Monsieur GOLD n’avait ni l’autorisation expresse ni un pouvoir implicite de signer la clause
compromissoire au nom et pour le compte de la Société MUNDI. En effet, Monsieur GOLD
est devenu ingénieur de la Société MUNDI et était uniquement nommé à la tête de l’équipe en
charge du Projet16. Alors qu’il occupait un poste haut placé au sein de la Société MUNDI, ses
fonctions se limitaient à l’organisation, le financement et la mobilisation du Projet.
Les statuts de la Société MUNDI prévoyaient expressément : « que pour toutes les décisions
importantes qui engageraient la société, l’autorisation du Conseil d’Administration est
requise »17. Cependant, Monsieur GOLD a manqué d’obtenir l’autorisation du Conseil
d’Administration afin de conclure la clause compromissoire, qui requiert d’ailleurs une

12
D’AVOUT, p.824
13
Synthèse de Julien Dupé (CEO et Fondateur de Infonet.fr) : « S’agissant d’un document public, n’importe quelle
personne intéressée peut se procurer l’un des 3 types de documents relatifs aux statuts. La demande peut
s’effectuer auprès du greffe du Tribunal de commerce ou sur le site web Infogreffe.fr ».
14
Cass. civ. 1ère, 17 mai 2017
15
Mémoire en demande, p.15, §67
16
Cas pratique, p.2, §9
17
Cas pratique, p.2, §9

6
autorisation expresse, au nom de la Société MUNDI. A fortiori, les Demandeurs ont manqué à
leur devoir de renseignement et de vérification du pouvoir de leur cocontractant.
Ils ne pouvaient pas ignorer la possibilité que Monsieur GOLD n’avait pas la capacité d’engager
la Société MUNDI sous prétexte qu’il était nommé à la tête du Projet. Ainsi, les Demandeurs
ne peuvent pas se prévaloir d’une « dispense excusable de vérification des pouvoirs » vu que
dans les circonstances spécifiques du cas, Monsieur GOLD ne pouvait pas engager la Société
MUNDI à l’arbitrage par le biais d’un pouvoir « apparent ».
33. La Défenderesse invite donc le Tribunal Arbitral à conclure que la clause compromissoire est
nulle du fait que Monsieur GOLD était dépourvu d’une capacité de représenter la Société
MUNDI dans le cadre de la conclusion de la clause compromissoire.
34. Par conséquent, la nullité de la clause compromissoire entraine l’impossibilité de son transfert
à la Société PEACE suivant son rachat de la Société MUNDI.

2. La clause compromissoire ne peut être transférée à la Société PEACE

35. Les Demandeurs allèguent faussement que « sauf stipulation contraire, lorsqu’une partie
assume la position contractuelle d’une autre, la clause compromissoire stipulée dans un contrat
est automatiquement transférée »18. Cependant, la clause compromissoire ne peut être
automatiquement transférée à la Société PEACE puisqu’elle n’exprime pas la volonté des
Parties et a été conclue intuitu personae.
36. En effet, il ne peut être ignoré que la volonté des parties est la clé de voute de l’arbitrage.
Les arbitres tirent donc leurs pouvoirs de cette volonté des parties. Ainsi, admettre que le
tribunal est compétent pour trancher le litige du seul fait de l’existence d’une cession de contrat
peut illustrer un cas emblématique de forçage du consentement, voire d’absence même de
recherche de celui-ci19.
37. En général, deux règles concurrentes traitent la question de validité de la clause compromissoire
en cas de cession du contrat qui la contient : la première prétendant le transfert automatique de
la clause compromissoire, et la seconde règle étant l’absence de transfert automatique sauf
existence d’un consentement exprès20. Effectivement, la Cour de cassation française invoque
le cas dans lequel une clause d’arbitrage est stipulée intuitu personae dans le contrat principal,
nécessitant ainsi un consentement exprès pour sa cession, en concluant que : « la Cour d’appel,
qui a souverainement relevé que la convention d’arbitrage stipulée dans le contrat initial

18
Mémoire en demande, p.17, §77
19
COHEN, 1997, p.477
20
JARVIN, p.42

7
n’avait pas été contractée intuitu personae - ce qui eût pu faire obstacle à sa transmission à
un tiers - a légalement justifié sa décision d’appliquer la clause compromissoire »21.
38. L’intuitu personae se caractérise par l’identité qui peut être scinder en deux : « l’identité
officielle » étant des particularités propres qui distinguent officiellement une personne, et
« l’identité au sens morale », étant un ensemble de caractéristiques physiques et moraux d’une
personne : « compétence, savoir-faire, réputation, appartenance à une profession ou à un
réseau de distribution, moralité »22. Puisqu’il est rare qu’un contrat commercial repose sur un
tel lien personnel, « une clause compromissoire ne devrait pas être transmise de façon
automatique au cessionnaire, sa transmission étant subordonnée à l’acceptation spécifique du
cédé »23. Ainsi, dans un cas précis, si une partie réussit à prouver l’existence d’un lien
personnel, un tribunal devrait en déduire que la clause compromissoire n’est pas
automatiquement opposable au cessionnaire.
39. En l’espèce, la clause compromissoire ne peut pas être transférée automatiquement à la Société
PEACE vu que d’une part, elle a été conclue intuitu personae avec la Société MUNDI, et
d’autre part, la Défenderesse n’a jamais exprimé son contentement à l’arbitrage.
40. Sur le caractère intuitu personae de la clause, le Contrat a été conclu avec la Société MUNDI à
la suite d’une politique très stricte d’appel d’offre24 selon laquelle « seules les entreprises
spécialisées dans les constructions végétales et qui s’engageront à respecter le cahier des
charges très strict qui leur a été communiqué pourront répondre à cet appel d’offre »25.
Le Contrat a été donc particulièrement signé compte tenu de la spécialité la Société MUNDI
dans la réalisation et la construction de projets environnementaux et surtout son engagement en
faveur de l’écologie26. Justement, tous les collaborateurs de la Société MUNDI étaient tenus de
respecter les exigences environnementales 27. En outre, la Défenderesse n’a nullement exprimé
son consentement à l’arbitrage et a en revanche opté pour l’insertion d’une clause attributive
de juridiction28 manifestant sa volonté de ne pas être soumise à cette procédure. Ainsi, la clause
compromissoire contenue dans le Contrat ne peut pas être transmise de façon automatique à la
Défenderesse, sa transmission étant subordonnée à l’acceptation spécifique du cessionnaire, qui

21
Cass. civ. 1ère, 28 mai 2002
22
LE TOURNEAU I
23
Suprême de Suède, 15 octobre 1997 ; Le droit suédois est de tradition civiliste et est donc applicable au litige
24
Cas pratique, p.2, §9
25
Cas pratique, p.2, §5
26
Cas pratique, p.2, §7
27
Cas pratique, p.2, §7
28
Cas pratique, p.5, §25

8
en l’occurrence fait défaut. Le consentement étant le fondement de tout le système arbitral
conduit donc à la conclusion que la Société PEACE ne peut pas être liée par la clause
commissoire insérée dans le Contrat.
41. Il est donc demandé au Tribunal Arbitral de se déclarer incompétent en ce que Monsieur GOLD
n’avait pas la capacité d’engager la Société MUNDI en arbitrage et que la clause
compromissoire trouvée dans le Contrat n’est pas opposable à la Société PEACE.

B. La clause attributive de juridiction est applicable au présent litige

42. Les Demandeurs se méprennent lorsqu’ils affirment que la clause compromissoire contenue
dans le Contrat est applicable au litige et qu’elle prime sur la clause attributive de juridiction29.
En effet, Monsieur GOLD n’a pas valablement engagé la Société MUNDI qui n’a donc pas pu
consentir à la clause compromissoire30. Celle-ci n’étant pas valable, la Société PEACE, venant
aux droits de la Société MUNDI, n’est pas liée par cette clause. Aussi, le Tribunal Arbitral
considèrera que la clause attributive de juridiction contenue dans l’Avenant, signée par la
Défenderesse et les Demandeurs, est valide et applicable au litige (1). En tout état de cause,
même si le Tribunal Arbitral venait à considérer que Monsieur GOLD avait le pouvoir de
conclure la clause compromissoire, il constatera la primauté de la clause attributive de
juridiction insérée dans l’Avenant sur la clause compromissoire présente dans le Contrat (2).

1. La clause attributive de juridiction est valide et applicable au litige

43. Contrairement à ce que soutiennent les Demandeurs31, la clause attributive de juridiction est
applicable au litige puisqu’elle est valide (a) et précise (b).

a. La clause attributive de juridiction est valide

44. Selon l’article 48 du Code de procédure civile français, une clause attributive de juridiction
n’est valable que si elle est stipulée entre commerçants, de façon claire et sans équivoque.
De la même manière, d’autres droits de tradition civiliste32, développent des critères de validité
comparables33.

29
Mémoire en demande, p.7, §37
30
Supra, §§24-34
31
Mémoire en demande, p.7, §37
32
Question 3 des Équipes au comité du CAIP : le droit d’Annabian est un droit de tradition civiliste inspiré du
code de Napoléon, lequel implique « d’appliquer les principes se retrouvant dans les droits de tradition civiliste »
33
Art. 28 et 29, CPC Italien ; Art. 17, CPC Suisse

9
45. La Cour de cassation a précisé à ce propos que « les clauses prorogeant la compétence
internationale sont en principe licites lorsqu’il s’agit d’un litige international »34.
Celle-ci doit évidemment figurer dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée « de
façon très apparente »35. En outre, un arrêt du Tribunal fédéral Suisse36 a mis en exergue l’idée
que l’on pouvait attendre d’un partenaire contractuel expérimenté en affaires qu’il remarque et
comprenne la clause attributive de juridiction.
46. Dans le présent cas, la clause attributive de juridiction proroge la compétence internationale des
juridictions d’Annabian37. Celle-ci est par principe licite puisque le litige qui oppose les parties
est international : le litige oppose deux parties de nationalités différentes et concerne une
opération d’envergure internationale.
47. En outre, la clause figure dans l’Avenant qui est un acte d’engagement des deux parties au
litige. D’ailleurs, les termes ne font pas de doute quant à la nature de cette clause.
Celle-ci est donc manifestement connue des parties intéressées.
48. Enfin, les deux parties sont des partenaires contractuels expérimentés en affaires puisque les
Demandeurs sont les organisateurs des JOP38 qui est un évènement d’envergure internationale.
Il ne fait aucun doute que de telles organisations internationales non-gouvernementales
disposent d’un service juridique à même de remarquer et de comprendre la clause attributive
de juridiction insérée dans l’Avenant.
49. De même, il convient de préciser que le CIO et le CIP ont participé à la rédaction de cette
clause. En participant à cette rédaction, il est clair que les parties ont entendu lui donner effet.
Preuve en est que les parties ont tenu à l’insérer dans l’Avenant. Les Demandeurs ne peuvent
se prévaloir d’une quelconque incompréhension de la clause. En conséquence, la clause
attributive de juridiction est valide.

b. La clause attributive de juridiction est précise

50. Contrairement à ce que soutiennent les Demandeurs, la clause attributive de juridiction n’est
pas imprécise. Celle-ci manifeste clairement la volonté des Parties de recourir aux juridictions
étatiques d’Annabian en cas de litige (i) et permet de désigner un tribunal spécialement
compétent (ii).

34
Cass. civ. 1ère, 17 décembre 1985
35
Cass. civ. 2ème, 7 juin 2012
36
Tribunal fédéral Suisse, 23 septembre 2014
37
Mémoire en demande, p.5, §27
38
Cas pratique, p.1, §3

10
i. La clause manifeste une volonté des parties de recourir à la justice étatique

51. Le terme « juridiction » désigne, sans égard à la place qu’il occupe dans l’organisation
judiciaire, « un tribunal pris en tant que service public de l’État ayant pour fonction de juger
les différends qui lui sont déférés »39.
52. Dans le présent cas, les Demandeurs prétendent que la clause attributive de juridiction contenue
dans l’Avenant serait « si imprécise qu’il en résulte impossible de déterminer sa nature et, par
conséquent, de l’appliquer »40. Ils soutiennent qu’elle pourrait être interprétée comme « une
réaffirmation du siège de l’arbitrage, Bônia »41, qu’elle « est rédigée dans des termes si
imprécis que ne peut pas entrainer des effets juridiques »42, « étant donné qu’il existe plus d’une
interprétation possible par rapport aux tribunaux compétentes »43. En effet, pour les
Demandeurs, une telle clause ne permettrait pas de déterminer « quel tribunal est le compétent,
soit arbitral, soit étatique »44 pour trancher le litige. Ces arguments sont entièrement infondés.
53. Contrairement à ce que soutiennent les Demandeurs, la clause attributive de juridiction présente
dans l’Avenant démontre clairement une volonté des deux parties de soumettre tout différend
aux juridictions étatiques d’Annabian. En effet, la clause stipule que « tout différend relatif au
présent Contrat et au Cahier des charges sera exclusivement soumis aux juridictions
d’Annabian »45.
54. Le terme « exclusivement » démontre irréfutablement l’application de la clause attributive de
juridiction au différend. La rédaction de la clause témoigne de la volonté commune des parties
de rendre une juridiction étatique et non privée compétente pour résoudre un potentiel différend
relatif au Contrat et au cahier des charges. Les termes « juridictions d’Annabian » désignent
indiscutablement les juridictions étatiques d’Annabian. La clause ne laisse transparaître aucune
référence à l’arbitrage, il n’en est d’ailleurs fait nullement mention.
55. La Défenderesse invite donc le Tribunal Arbitral à conclure que la clause attributive de
juridiction figurant dans l’Avenant manifeste clairement une volonté des parties de recourir à
la justice étatique.

39
BRAUDO
40
Mémoire en demande, p.7, §36
41
Mémoire en demande, p.7, §36
42
Mémoire en demande, p.8, §41
43
Mémoire en demande, p.10, §47
44
Mémoire en demande, p.8, §41
45
Cas pratique, p.5, §27

11
ii. La clause permet de désigner un tribunal spécialement compétent

56. Le Code de procédure civile portugais46, pose à son article 94 (3) qu’une clause attributive de
juridiction en matière international est valable si elle « est acceptée par la loi du tribunal
désigné »47.
57. De la même manière, la Cour de Cassation a jugé que « la désignation globale des juridictions
d’un É tat dans une clause de prorogation de compétence est licite, du moins si le droit interne
de cet État permet de déterminer le tribunal spécialement compétent »48.
58. Le Professeur Pierre Mayer affirme que les clauses attributives de juridiction ont pour effet de
« désigner globalement compétence à un ordre juridictionnel »49. Lorsqu’une telle clause
désigne les juridictions d’un É tat étranger, la doctrine considère qu’il appartient « à celui qui
saisit les tribunaux français en dépit de la clause de prouver que le droit interne de l’É tat
concerné ne permet pas de désigner le tribunal spécialement compétent »50. Par analogie, une
partie qui peut saisir un tribunal arbitral en dépit d’une clause attributive de juridiction, doit
rapporter la preuve que le droit interne de l’État de la juridiction désignée par la clause ne
permettrait pas aux juridictions désignées de se reconnaître compétentes.
59. Faute de preuves, les Demandeurs soutiennent à tort qu’au vu de la jurisprudence des
expressions comme « juridictions françaises pertinentes » et « juridictions françaises » sont si
imprécises qu’il « n’est pas possible déterminer avec certitude quel tribunal serait le
compètent »51. Cependant, il convient de souligner que les Demandeurs ne relèvent pas les faits
pertinents, et ont déduit une interprétation incorrecte des arrêts cités.
60. Précisément, dans son arrêt du 22 février 202252, la Cour d’appel n’a pas énoncé que de tels
termes utilisés dans la clause étaient imprécis stricto sensu mais qu’en l’espèce ils l’étaient.
En effet, dans cet arrêt, il est précisé qu’au cas d’espèce la seule désignation globale de l’ordre
juridictionnel français ne permettait pas aux parties de connaître effectivement le tribunal
qu’elles avaient entendu spécialement saisir en France, « même par des éléments objectifs ou
les circonstances du présent litige » ni grâce au droit français qui conduisait au contraire
« à désigner un ordre juridictionnel étranger, contrairement à la volonté exprimée par les
parties ». De fait, aucune des parties n’étaient françaises, aucune d’elles n’y étaient établies et

46
Droit de tradition civiliste
47
[Traduction libre]
48
Cass. com., 25 novembre 1997
49
MAYER, HEUZÉ, REMY, p.218
50
GUEZ, p.361
51
Mémoire en demande, p.9, §45
52
CA Paris, 22 février 2019

12
l’ensemble du contrat et de la relation était localisé à l’étranger. Aussi, la Cour d’appel n’a fait
qu’application du principe bien acquis selon lequel la désignation globale, dans un contrat
international, des juridictions françaises par la clause attributive de compétence n’est licite que
s‘il est démontré que l’application des règles de droit interne français permet de déterminer le
tribunal spécialement compétent 53. Ceci n’ayant pas été possible, il ne lui a donc pas été permis
de donner effet à la clause attributive de juridiction.
61. Les Demandeurs semblent bien incapables de préciser en quoi cette clause est « imprécise ».
En effet, ces derniers ne rapportent pas la preuve que le droit interne d’Annabian face à une
telle clause ne permet pas de désigner de tribunal spécialement compétent.
62. En conséquence, une bonne lecture des arrêts permet de voir que de telles expressions ne sont
pas de facto si imprécises qu’elles doivent être privées d’effet mais qu’elles peuvent l’être si le
droit interne de l’État désigné par la clause attributive de juridiction ne permet pas de désigner
de tribunal spécialement compétent. Or, il convient de le rappeler, mais les Demandeurs n’ont
jamais démontré cela dans leur argumentation.
63. Au reste, les Demandeurs semblent oublier que le Tribunal Judiciaire de Bônia, saisi par la
Défenderesse en septembre 2021 54, n’a pas décliné sa compétence. En effet, cette juridiction
d’Annabian n’a fait que surseoir à statuer dans l’attente que le Tribunal Arbitral se prononce en
priorité sur sa propre compétence, et ce puisque la requête d’arbitrage a été introduite
antérieurement à la saisine des juridictions étatiques 55. Aussi, il est grossièrement inexact
d’affirmer, sans preuve, que le droit d’Annabian ne peut permettre de désigner un tribunal
spécialement compétent pour régler le litige.
64. La Défenderesse invite donc le Tribunal Arbitral à conclure que la clause attributive de
juridiction figurant dans l’Avenant est précise et par conséquent applicable au litige.

2. En tout état de cause, la clause attributive de juridiction prime sur la clause


compromissoire

65. Les Demandeurs soutiennent par sophisme que la clause compromissoire prime sur la clause
attributive de juridiction56. En effet, selon le CIO et le CIP, le fait que la clause compromissoire
soit antérieure à la clause attributive de juridiction « ne modifie pas la primauté naturelle de la
clause compromissoire conclue par les parties » puisque la clause attributive de juridiction ne

53
Cass. civ. 1ère, 17 décembre 1985
54
Cas pratique, p.6, §37
55
Cas pratique, pp.6-7, §37
56
Mémoire en demande, pp.10-13, §§49-59

13
pourrait être interprétée que comme une « clause désignant, à titre subsidiaire, les tribunaux
étatiques d’Annabian pour le cas où le Tribunal ne pourrait pas statuer ».
66. Ces arguments sont infondés. Pour étayer leur argumentation, les demandeurs se fondent sur
l’affaire Société Distribution Chardonnet c. Société Fiat Auto57 énonçant que la clause
attributive de juridiction devait être interprétée comme subsidiaire à la clause compromissoire
puisqu’elle exprimerait une volonté des parties « beaucoup plus large ». Cependant, il convient
de souligner que les Demandeurs ne relèvent pas les faits pertinents, et ont déduit une
interprétation incorrecte de l’arrêt cité. En réalité, l’arrêt concernait la portée d’une clause
compromissoire en présence d’un groupe de contrats. En effet, il était question de savoir si une
clause compromissoire contenue dans un contrat A primait sur deux clauses attributives
contenues respectivement dans des contrats B et C présentant des liens avec le premier contrat.
Or, le présent cas d’espèce ne concerne que l’Avenant qui a entendu expressément modifier les
stipulations initiales en remplaçant la clause compromissoire du Contrat par une clause
attributive de juridiction. L’arrêt cité par les Demandeurs n’est donc pas pertinent.
67. Dans un autre ordre d’idée, les Demandeurs en citant l’affaire Eutelsat c. Telekom considèrent
à tort que « le principe pro-arbitrage est tellement prépondérant que même dans les cas où une
clause d’élection de for ultérieure a été valablement conclue, le tribunal doit se déclarer
incompétent »58. En effet, l’arrêt ne fait que rappeler le principe compétence-compétence bien
connu des juridictions françaises selon lequel les tribunaux étatiques doivent surseoir à statuer
pour laisser à l’arbitre l’opportunité de se prononcer en priorité sur sa propre compétence.
Cet arrêt, qui n’est qu’une illustration du principe compétence-compétence, ne dit aucunement
qu’un tribunal étatique doit de facto se déclarer « incompétent » devant une clause d’arbitrage.
68. La clause de règlement des différends contenue dans l’Avenant a clairement entendu proroger
la compétence des juridictions d’Annabian en substituant la clause compromissoire par une
clause attributive de juridiction en cas de litige entre les Parties.
69. La spécificité de l’avenant réside dans son absence d’autonomie puisqu’il se rattache toujours
au contrat initial. Les stipulations de ce dernier non expressément modifiées par l’avenant
restent donc intactes59. Toutefois, son objet même est de compléter les engagements conclus
initialement, ou bien de les modifier.

57
Mémoire en demande, p.13, §57
58
Mémoire en demande, p.12, §55
59
KILGUS

14
70. Comme l’observe justement le Professeur Xavier Delpech « s’il s’avère que la clause
compromissoire a été remplacée, par une nouvelle expression de la volonté des parties, par
une nouvelle clause, par exemple une clause attributive de juridiction, il se produit alors une
novation, la première clause étant alors écartée au profit de la seconde, la plus récente »60.
La doctrine a mis en exergue l’idée que refuser de tenir compte d’une clause attributive de
juridiction reviendrait, à « ruiner toute l’économie du contrat et remettre en cause le principe
même de la liberté des conventions »61.
71. La Cour de cassation a jugé qu’en cas de conflit au sein d’une même relation contractuelle entre
une clause d’arbitrage et une clause attributive de juridiction, la clause d’arbitrage s’efface dès
lors qu’il est démontré que la « volonté des parties de substituer la clause d’élection de for à la
clause d’arbitrage est manifeste »62.
72. Or, en l’espèce, si le Contrat contenant une clause compromissoire prévoyait que « tout litige
découlant du présent Contrat, du Cahier des charges ou en lien avec ceux-ci sera soumis à
l’arbitrage », l’Avenant est venu modifier cette disposition avec une clause attributive de
juridiction couvrant « tout différend relatif au présent Contrat et au cahier des charges ».
La clause attributive de juridiction a été conclue postérieurement au Contrat puisqu’elle est
insérée dans l’Avenant63. Le champ d’application de la clause attributive de juridiction reprend
celui prévu initialement par la clause compromissoire. L’Avenant qui prévoit ce mode de
règlement des différends ne fait aucunement référence à l’arbitrage.
73. Les Demandeurs ont tort de soutenir que la clause attributive de juridiction « est loin de
constituer une novation de la volonté des parties de ne pas soumettre leurs litiges à
l’arbitrage »64 et que « le fait que cette dernière soit postérieure à celle de l’Avenant ne
bouleverse pas sa primauté »65. En effet, les Parties au litige entendent très clairement
remplacer la clause compromissoire par la clause attributive de juridiction avec cet Avenant,
afin qu’un différend relatif au Contrat ou au cahier des charges soit soumis aux juridictions
étatiques d’Annabian et non à un tribunal arbitral.
74. Au reste, les Demandeurs développent de manière étonnante que si le Tribunal Arbitral
considère que « la clause de l’Avenant est applicable (…) la clause compromissoire prime sur

60
DELPECH
61
GUEZ, p.50
62
Cass. civ. 1ère, 25 juin 2014
63
Cas pratique, p.5, §26
64
Mémoire en demande, p.8, §38
65
Mémoire en demande, p.10, §49

15
celle-ci »66. Or, cet argumentaire est sans valeur puisqu’un tribunal qui juge qu’une clause
attributive de juridiction est applicable, considère sémantiquement qu’elle a autorité pour régir
la situation juridique donnée et il n’est alors plus question de s’interroger sur la primauté de la
clause compromissoire présente dans le Contrat.
75. La Défenderesse invite donc le Tribunal Arbitral à conclure qu’en tout état de cause, la clause
attributive de juridiction prime sur la clause compromissoire qui ne peut pas conférer
compétence au Tribunal Arbitral.

76. Il est donc demandé au Tribunal Arbitral de se déclarer incompétent.

***

77. Et quand bien même le Tribunal Arbitral se déclarerait compétent, il devrait tout de même
conclure à la résolution du Contrat et de l’Avenant pour imprévision et à la nullité de la clause
de réduction du prix de l’Avenant.

II. LA RÉSOLUTION DU CONTRAT ET DE L’AVENANT POUR IMPRÉVISION

78. L’article 1195 du Code civil français dispose que « [s]i un changement de circonstances
imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une
partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation
du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la
renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution


du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord
au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge
peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions
qu’il fixe ».

79. Pour pouvoir demander la résolution d’un contrat pour imprévision conformément au code civil
français il faut donc que plusieurs conditions soient réunies. Il est effectivement nécessaire de
caractériser un changement de circonstances imprévisible (A), que ce changement rende
l’exécution excessivement onéreuse pour une partie (B) et que cette partie n’ait pas accepté
d’en assumer le risque (C).

66
Mémoire en demande, p.10, §49

16
80. L’article 6.2.2. des Principes UNIDROIT préfère la notion de hardship, qui est l’équivalent de
l’imprévision. La caractérisation d’une situation de hardship est subordonnée aux mêmes
conditions que l’imprévision, mais en plus, les évènements doivent échapper au contrôle de la
partie lésée (D).
81. Si ces conditions sont réunies il est possible de demander une renégociation du contrat au
cocontractant (E). En cas de refus de renégocier dans un délai raisonnable, le juge peut, à la
demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin (F).

A. Les évènements climatiques ayant entrainé une nouvelle augmentation du prix sont
imprévisibles et ne pouvaient raisonnablement être pris en compte par la Défenderesse
au moment de la conclusion de l’Avenant

82. D’après l’article 1195 du Code civil français, la première condition pour caractériser
l’imprévision est celle relative au « changement de circonstances imprévisible lors de la
conclusion du contrat ». Les Principes UNIDROIT reprennent à l’article 6.2.2 cette condition
d’imprévisibilité. Pour caractériser le hardship il faut que les évènements soient survenus ou
aient été connus de la partie lésée après la conclusion du contrat et que la partie lésée n’ait pu,
lors de la conclusion du contrat, raisonnablement prendre de tels évènements en considération.
83. Les Principes UNIDROIT décrivent une situation qui correspond parfaitement à celle de cette
affaire, « [p]arfois le changement de circonstances est progressif, mais le résultat final de ces
changements progressifs peut constituer un cas de hardship. Si le changement commence avant
la conclusion du contrat, il n’y aura pas de hardship à moins que le changement ne soit
spectaculaire au cours de l’existence du contrat »67.
84. En l’espèce, les évènements qui ont conduit la Défenderesse à demander la résolution pour
imprévision sont imprévisibles. En effet, le changement de circonstances est progressif et la
hausse du prix du bambou en cours d’existence du Contrat est bien « spectaculaire » puisque
le prix augmente de façon exponentielle.
85. Les Demandeurs soutiennent que la Défenderesse « avait déjà eu connaissance [de] l’impact
qu’ont eu les incendies sur le prix du bambou » 68 à la conclusion de l’Avenant.
Or, les évènements amenant à l’impossibilité d’exécution de la Défenderesse sont certes les
incendies, mais également l’augmentation du prix du bambou sur le marché.

67
Principes UNIDROIT commentés, p.229
68
Mémoire en demande, p.22, §95

17
86. Selon les Demandeurs, la Défenderesse ne peut « alléguer qu’une augmentation imprévisible
du prix constitue une exception pour faire échec à ses obligations contractuelles »69.
Ici, il est question non pas d’une simple augmentation, mais d’une augmentation conséquente,
« exponentielle »70.
87. Ils font par ailleurs référence à la première augmentation du prix du bambou ayant conduit les
Parties à renégocier le contenu du cahier des charges dans un Avenant.
Cependant, la Défenderesse se prévaut de l’augmentation ultérieure (20 août 2021) à la
conclusion de l’Avenant (1er juin 2021). Cette augmentation spectaculaire du prix du bambou
était imprévisible. Il était impossible de prévoir que le prix du bambou allait augmenter de
manière continue sur plusieurs mois.
88. Bien plus, selon les Demandeurs, la Défenderesse étant une entreprise spécialisée dans les
constructions de bâtiments écologiques, ils tirent la conclusion simpliste selon laquelle elle ne
peut se prévaloir de « l’excessive onérosité » du bambou sur le marché, qui est une notion qui
doit être interprétée de manière exceptionnelle et restrictive 71. Suivant le raisonnement des
Demandeurs, le fait que la Défenderesse soit une entreprise spécialisée dans les constructions
de bâtiments écologiques impliquerait qu’elle ait une parfaite connaissance de tous les
matériaux naturels et écologiques existants ainsi que de leurs marchés, des comportements des
opérateurs sur ces marchés et des multiples évènements à risque pour chacun de ces matériaux.
Cela est raisonnablement impossible. Il est ici question d’un type de bambou extrêmement
précis, qui plus est additionné à un aléa environnemental. Invoquer son excessive onérosité
serait tout à fait exceptionnel et restrictif puisque cela n’engagerait que le prix de ce bambou-
là parmi tous les autres matériaux.
89. Enfin, les Demandeurs estiment que cette situation était parfaitement prévisible, les deux pays
où se trouve l’espèce rare de bambou sujet de notre litige connaissant « occasionnellement »
des incendies72. Or, occasionnellement ne veut pas dire régulièrement, et cela reste des
évènements climatiques sur lesquels l’Homme n’a pas le contrôle. Il est donc impossible de
prévoir raisonnablement de tels évènements d’une telle importance, tout comme il est
impossible de prévoir raisonnablement que le prix des matières premières augmentera de
manière exponentielle même des mois après les évènements.

69
Mémoire en demande, p.24, §104
70
Cas pratique, p.5, §31
71
Mémoire en demande, p.24, §105 ; Sentence CAM
72
Mémoire en demande, p.25, §107

18
B. Le coût de la prestation est devenu excessivement onéreux, l’équilibre des prestations
est fondamentalement altéré

90. Selon l’article 1195 du Code civil français, pour caractériser l’imprévision, le changement de
circonstance imprévisible doit rendre « l’exécution excessivement onéreuse pour une partie ».
Cette condition est aussi reprise par les Principes UNIDROIT puisque pour caractériser le
hardship, il faut que surviennent des évènements qui altèrent fondamentalement l’équilibre des
prestations, soit que le coût de l’exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la
contre-prestation ait diminué.
91. Selon les Principes UNIDROIT, « [l]’augmentation substantielle du coût peut résulter par
exemple d’une hausse spectaculaire du prix des matières premières nécessaires à la production
des marchandises ou à la fourniture des services »73.
92. Tout d’abord, le prix du bambou a été multiplié par quatre et a donc subi une hausse de prix de
300 %. Cette augmentation a par la suite continué, et ce de manière exponentielle. Ensuite, c’est
le coût de l’exécution de l’obligation dans son intégralité qui a augmenté. Alors que le prix
stipulé dans l’Avenant est de dix millions deux cent mille darnis, le coût de l’exécution de
l’obligation, après les premières augmentations du prix, est estimé à vingt millions de darnis.
Le coût de l’exécution de l’obligation est désormais 96 % plus cher que le prix convenu. Il est
évident que contrairement à ce que prétendent les Demandeurs, cette augmentation rend
l’obligation plus qu’excessivement onéreuse. De plus, cette augmentation ne prend en compte
que les premières augmentations du prix du bambou. Les Demandeurs semblent omettre que ce
prix a encore augmenté et ce de manière exponentielle. L’obligation est devenue encore plus
onéreuse et il ne fait pas de doute que le coût du Projet a augmenté de plus de 100 %
contrairement à ce que prétendent les Demandeurs74.
93. De plus, alors que le prix du bambou augmente de manière exponentielle et que le coût de
l’exécution de l’obligation s’est alourdi, le prix à payer par les Demandeurs a baissé. Il est donc
évident que l’équilibre des prestations a été fondamentalement altéré.
94. Les Demandeurs prétendent que dans la sentence CAM « le tribunal arbitral a décidé que
l’obligation n’est pas devenue excessivement onéreuse ». Bien au contraire, dans cette affaire,
le tribunal retient que « l’évènement météorologique rend plus coûteuse l’exécution par le
Défendeur de son obligation de fournir les Marchandises. La question est alors de savoir si un

73
Principes UNIDROIT commentés, p.228
74
Mémoire en demande, p.21, §93

19
tel changement est "fondamental". La réponse est oui, pour deux raisons : cela affecte le cœur
du contrat (la fourniture des produits), et ce de façon fondamentale. Cet adjectif est important
car si l’effet n’était pas dramatique, fondamental, il ne s’agirait pas d’un cas d’excessive
onérosité »75.
95. Si dans cette affaire le hardship n’a pas été reconnu, c’est uniquement car une autre condition
n’était pas remplie, celle de l’absence d’acceptation du risque. Dans l’affaire citée par les
Demandeurs le tribunal a retenu que le risque avait été assumé par la partie qui voulait se
prévaloir du hardship car dans le cadre d’un contrat de distribution portant sur des quantités
spécifiques de marchandises à livrer, un agriculteur assume généralement le risque de
destruction de ses cultures par les pluies et les inondations 76.
96. Dans notre cas, comme dans celui cité par les Demandeurs, l’exécution de l’obligation est
devenue excessivement onéreuse. Cependant, aucun risque n’a été assumé par la Défenderesse.

C. La Défenderesse n’a pas assumé le risque de ces évènements

97. D’après l’article 1195 du Code civil français, pour caractériser l’imprévision, il faut que la
partie pour laquelle l’exécution de l’obligation est devenue excessivement onéreuse n’ait pas
accepté d’en assumer le risque. Cette condition figure également dans les Principes
UNIDROIT, le hardship nécessitant « que le risque de ces évènements n’[ait] pas été assumé
par la partie lésée ».
98. Selon les Principes UNIDROIT, « il n’y a pas de hardship si la partie lésée a assumé le risque
du changement de circonstances. Le terme “assumé” indique clairement qu’il n’est pas
nécessaire que les risques aient été pris en charge expressément ; cela peut dériver de la nature
même du contrat. Une partie qui conclut une opération spéculative est considérée comme ayant
assumé un certain risque même si elle n’a pas eu conscience de ce risque lors de la conclusion
du contrat »77.
99. Sur les contrats à prix forfaitaire, ce sont ceux « par lesquels un prix fixé et stipulé d’avance et
de façon invariable » 78. En effet le contrat est qualifié de contrat à prix forfaitaire lorsque
« le prix forfaitaire est un prix définitif, c’est-à-dire fixé une fois pour toutes et immuable »79.

75
Sentence CAM, §241
76
Sentence CAM, §245
77
Principes UNIDROIT commentés, p.230
78
Mémoire en demande, p.25, §111, DELVAUX, DESSARD, p.112 ; LE GALL, p.75 ; BOUBLI, §260 ; FAURE-
ABBAD, pp.53-57.
79
Mémoire en demande, p.25, §111, DELVAUX, DESSARD, p.112 ; LE GALL, p.75 ; BOUBLI, §260 ; FAURE-
ABBAD, pp.53-57.

20
De plus, « afin de qualifier un tel déséquilibre contractuel d’imprévision, il est nécessaire
qu’aucune des parties au contrat n’ait décidé d’en assumer le risque par le biais d’une clause.
En effet, ce faisant, les parties au contrat auraient accepté l’existence d’un aléa économique,
ce qui aurait conduit à chasser toute possibilité pour elles de se prévaloir de tout
bouleversement contractuel anormal »80.
100. En l’espèce, il est nécessaire pour déterminer si la Société PEACE a assumé le risque, de
prendre en compte la nature du Contrat. Il ne s’agit pas dans notre cas d’une opération
spéculative, il est donc évident que la Société PEACE ne peut être considérée comme ayant
accepté d’assumer un risque et encore moins un risque pouvant mener à sa faillite.
101. Les Demandeurs estiment que le Contrat est à prix forfaitaire et que la Société PEACE doit
donc être « considérée comme ayant assumé un certain risque »81. Toutefois, le prix n’a pas été
fixé de façon définitive et invariable. En effet, alors que le prix initialement convenu était de
douze millions darnis, il a été réduit de 15 % passant ainsi à dix millions deux cent mille darnis.
102. Selon les Demandeurs, « si le contrat est à prix forfaitaire, l’entrepreneur est responsable de
supporter le risque »82. Il a été démontré que le Contrat n’est pas à prix forfaitaire,
l’entrepreneur n’est donc pas responsable de supporter un tel risque.
103. De surcroît, la Défenderesse n’a jamais accepté expressément un tel risque, ni implicitement en
se comportant d’une manière qui aurait pu le faire croire.

D. Les évènements climatiques et économiques échappent au contrôle de la Défenderesse

104. Pour caractériser le hardship, les Principes UNIDROIT exigent que « les évènements échappent
au contrôle de la partie lésée »83. En outre, « un cas de hardship ne peut survenir que si les
évènements qui constituent le hardship échappent au contrôle de la partie lésée »84.
105. En l’espèce, tant les incendies que l’augmentation du prix du bambou sont des évènements qui
échappent au contrôle de la Société PEACE, complètement extérieurs à sa volonté.
Il n’y a effectivement rien qu’elle puisse faire pour les prévenir ou les empêcher.
106. Le coût de la prestation est devenu excessivement onéreux bouleversant ainsi l’équilibre des
prestations. Les évènements à la source de ce bouleversement sont imprévisibles, ne pouvaient

80
DALLOZ, « Imprévision »
81
Mémoire en demande, p.25, §111
82
Mémoire en demande, p.26, §111
83
Principes UNIDROIT commentés, p.230
84
Principes UNIDROIT commentés, p.230

21
pas être pris en compte par la Société PEACE, et échappent au contrôle de cette dernière qui
n’en a d’ailleurs jamais assumé le risque.
107. Puisque toutes les conditions de l’imprévision et du hardship sont réunies, ils doivent être
reconnus. La Défenderesse est donc en droit de demander une renégociation du Contrat.

E. La Défenderesse a demandé une renégociation du Contrat aux Demandeurs

108. Selon le même article 1195 du Code civil français français, « [s]i un changement de
circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement
onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander
une renégociation du contrat à son cocontractant ». En ce sens, l’article 6.2.3 1) des Principes
UNIDROIT dispose que « [e]n cas de hardship, la partie lésée peut demander l’ouverture de
renégociations. La demande doit être faite sans retard indu et être motivée ».
109. En l’espèce, la Défenderesse a demandé une renégociation du Contrat une première fois le 20
août 202185. Le 22 août 2021, les Demandeurs refusent toute renégociation des termes du
Contrat »86. Étant de bonne foi et voulant satisfaire ses engagements contractuels, la Société
PEACE tente à nouveau de renégocier 87, mais encore une fois, les Demandeurs « refusent
catégoriquement »88.
110. De plus, la demande de renégociation a été faite sans retard et était motivée. La Défenderesse
a effectivement exposé « au CIO et au CIP que les circonstances exceptionnelles tant
climatiques qu’économiques ne lui permettent plus d’honorer ses obligations
contractuelles »89. Elle tente encore une fois de renégocier en informant les Demandeurs
« que si dans les 20 (vingt) prochains jours à compter du 1 septembre 2021, elle ne reçoit pas
une proposition financière raisonnable du CIO et du CIP, ou à tout le moins une offre de
renégociation, elle sera dans l’obligation de saisir le Tribunal Judiciaire de Bônia,
Annabian »90. Cette troisième tentative échoue, elle aussi.
111. Conformément aux articles 1195 du Code civil français et 6.2.3 des Principes UNIDROIT, la
Défenderesse a bien demandé une renégociation à ses cocontractants, les Demandeurs.

85
Cas pratique, p.5, §31
86
Cas pratique, p.5, §32
87
Cas pratique, p.6, §33
88
Cas pratique, p.6, §33
89
Cas pratique, p.6, §34
90
Cas pratique, p.6, §34

22
112. Puisque les conditions de l’imprévision sont réunies et que la Défenderesse a, à plusieurs
reprises mais en vain, demandé une renégociation du Contrat, elle est en droit de demander au
Tribunal Arbitral la résolution du Contrat.

F. La Défenderesse est en droit de demander la résolution du Contrat

113. Selon l’article 1195 du Code civil français, « [e]n cas de refus ou d’échec de la renégociation,
les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles
déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut
d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat
ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
114. D’après l’article 6.2.3 des Principes UNIDROIT, « [f]aute d’accord entre les parties dans un
délai raisonnable, l’une ou l’autre peut saisir le tribunal. Le tribunal qui conclut à l’existence
d’un cas de hardship peut, s’il l’estime raisonnable : a) mettre fin au contrat à la date et aux
conditions qu’il fixe; ou b) adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations »91.
115. En l’espèce, les Demandeurs ont refusé toute renégociation et aucun accord n’a été trouvé entre
les parties92.
116. Il serait par ailleurs complexe d’imaginer à présent une exécution de la part de la Défenderesse,
qui se déroulerait dans un climat tendu au vu de la présente procédure. De même, cette dernière
ne pouvait se procurer du bambou au prix du marché en août 2021, elle ne le peut pas davantage
aujourd’hui alors que son prix continue d’augmenter exponentiellement. La révision du Contrat
semble donc être fortement compromise par les circonstances.

117. La Défenderesse demande donc au Tribunal Arbitral de ne pas réviser les termes contractuels
mais de prononcer la résolution du Contrat et de l’Avenant.

III. LA CLAUSE DE RÉDUCTION DU PRIX DE L’AVENANT EST NULLE

118. À la suite des difficultés économiques rencontrées d’abord par la Société MUNDI puis la
Société PEACE relatives à l’augmentation exponentielle du prix du bambou sur le marché, les
Parties ont conclu l’Avenant. Ce dernier contient notamment une clause réduisant
considérablement le prix du Contrat. La Défenderesse, n’étant pas en position de négocier le
prix du Contrat et de refuser une telle clause, n’a eu d’autre choix que d’accepter cette réduction.

91
Art. 6.2.3. 3) et 4), Principes UNIDROIT
92
Cas pratique, p.6, §34

23
119. Les Demandeurs ayant obtenu le consentement de la Défenderesse grâce à sa situation de
dépendance économique à son égard, la clause litigieuse est nulle pour lésion (A).
Si par extraordinaire le Tribunal Arbitral ne caractérisait pas la lésion, il devra constater que la
clause de réduction du prix est nulle pour vice du consentement (B).

A. La clause de réduction du prix établie à l’Avenant est nulle pour lésion

120. « La lésion est le préjudice matériel résultant, pour l’une des parties, du déséquilibre entre les
prestations prévues par le contrat »93. Une clause encourt la nullité pour lésion « lorsqu’au
moment de sa conclusion [elle] accorde injustement un avantage excessif à l’autre partie »94.
Deux conditions doivent donc être remplies pour caractériser une lésion. Premièrement, doit
exister une « disproportion conséquente entre les droits et obligations des parties aboutissant
à un avantage excessif pour l’une des parties »95. Deuxièmement, « cet avantage excessif doit
être injustifié »96.
121. Dans la présente affaire, les Demandeurs ont obtenu un avantage excessif (1) injustifié (2) en
réduisant le prix du Contrat.

1. La réduction de la contrepartie financière accordée à la Défenderesse est un


avantage excessif

122. Un avantage est considéré être excessif au sens de l’article 3.2.7.1. des Principes UNIDROIT
lorsqu’existe une forte inégalité entre les droits et obligations des parties97. Ce déséquilibre doit
être si grand, qu’il « choque la conscience d’une personne raisonnable »98. Alors que les
Demandeurs affirment que la lésion ne peut s’appliquer dans l’hypothèse d’une « disparité
considérable entre la valeur et le prix »99, la position tant de la doctrine que la jurisprudence
énonce le contraire100. La lésion s’applique bien à une disparité considérable entre la valeur et
le prix de la prestation101. Doit alors être pris en compte le contexte contractuel102 et « il importe
peu que les parties aient donné leur adhésion en pleine connaissance de cause »103.

93
TESTU
94
Art. 3.2.7.1., Principes UNIDROIT
95
Sentence CCI n°9029, [traduction libre]
96
Sentence CCI n°9029, [traduction libre]
97
Principes UNIDROIT commentés, p.114
98
Principes UNIDROIT commentés, p.115
99
Mémoire en demande, p.31, §136
100
Principes UNIDROIT commentés, p.115
101
Principes UNIDROIT commentés, p.115
102
Cass. civ. 3ème, 21 septembre 2011
103
Cass. civ. 1ère, 19 octobre 1960

24
123. Cette notion de déséquilibre entre le prix et la valeur de la prestation peut être rapprochée de la
notion de prix dérisoire dans la vente en droit français, qui est celui « fixé à un niveau tellement
disproportionné par rapport à la valeur de la chose vendue qu’il n’en constitue point la
contrepartie et doit être assimilé à un défaut de prix »104. Afin de caractériser cette
disproportion pouvant amener à la nullité de la vente, sont pris en compte le prix ainsi que
toutes les contreparties105.
124. Ainsi, dès lors que le prix est fixé à un niveau tellement bas en comparaison avec la valeur de
la prestation, il existe un déséquilibre entre les deux et donc une inégalité entre les droits et
obligations des parties.
125. Bien évidemment, l’avantage excessif doit également être caractérisé dans le respect du
principe de la bonne foi issu de l’article 1.7. des Principes UNIDROIT.
126. En l’espèce, le prix du bambou augmente exponentiellement sur le marché 106.
Une augmentation exponentielle signifie que le prix est de plus en plus important, de plus en
plus rapidement. En mai 2021, la Défenderesse n’avait pas les moyens de se procurer le bambou
nécessaire pour la construction du Village, à moins d’exécuter son obligation contractuelle à
perte. Il est évident qu’elle ne peut toujours pas l’acheter dans les mois qui suivent, le prix du
bambou étant alors encore plus élevé. Il est en effet supérieur de 300 % en mars 2021 par rapport
à sa valeur qu’il avait avant la signature du Contrat107.
127. De fait, le prix du bambou devenant de plus en plus important, le Village construit en ce
matériau prend nécessairement de la valeur. Ainsi, alors que l’obligation de la Défenderesse est
de plus en plus conséquente et complexe -voire impossible- à réaliser, la contrepartie de la
construction du Village représente un coût resté inchangé et même diminué depuis la signature
de l’Avenant, qui est donc bien plus que favorable aux Demandeurs. D’ailleurs, ces derniers se
trouvent incapables de justifier un quelconque caractère raisonnable de la clause litigieuse 108.
128. Enfin, il est clair qu’il existe une inégalité conséquente entre les obligations et les droits des
Parties. Cette disproportion est telle qu’elle choquerait toute personne raisonnable.
129. Ainsi, cette réduction du prix concomitante avec l’augmentation du prix du bambou sur le
marché et donc de la valeur du Village est excessive.

104
MAZEAUD, LATINA
105
LE TOURNEAU II ; Cass. civ. 3ème, 25 janvier 2005
106
Cas pratique, p.5, §31
107
Cas pratique, p.3, §17
108
Mémoire en demande, p.32, §137

25
2. Les Demandeurs ont tiré un avantage excessif injustifié de leur position pour
réduire la contrepartie financière accordée à la Défenderesse

130. Afin d’établir que les Demandeurs ont obtenu un avantage excessif injustifié, doivent être pris
en compte plusieurs éléments selon l’article 3.2.7.1. des Principes UNIDROIT.
Premièrement, les Demandeurs ont « profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance,
de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de
l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation » de la Défenderesse (a). Deuxièmement, la
clause litigieuse n’est pas en adéquation avec le but et la nature du Contrat (b).

a. Les Demandeurs ont tiré avantage de leur pouvoir de négociation inégal

131. Comme les Demandeurs le rappellent, à juste titre, pour remplir le standard d’inégalité,
l’avantage tiré de la clause litigieuse doit avoir été obtenu soit dans des « circonstances
critiques », soit en « l’absence de capacité personnelle »109. Or en l’espèce, la négociation puis
la conclusion de la clause de réduction de prix litigieuse ont été réalisées dans des circonstances
critiques (i) et en l’absence de capacité personnelle (ii).

i. La clause de réduction du prix de l’Avenant a été négociée et conclue dans


des circonstances critiques

132. Selon l’article 3.2.7.1.a. des Principes UNIDROIT, les circonstances critiques qui permettent
de caractériser l’existence d’un avantage excessif injustifié sont reconnues lorsque la partie
avantagée a indument « profité de manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse
économique [et] de l’urgence des besoins [de l’autre partie] »110.
133. S’agissant dans un premier temps de l’état de dépendance, c’est une situation dans laquelle une
partie se trouve « à la merci » de son cocontractant111. Ce peut être une subordination de droit
ou de fait 112, ou bien d’une situation dans laquelle une partie au contrat menace l’autre de ne
pas exécuter sa prestation113. La Cour de cassation définit la dépendance comme « la situation
d’une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un
ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des
conditions techniques et économiques comparables »114. Par analogie, dans un contrat de

109
Mémoire en demande, p.33, §142 ; Principes UNIDROIT commentés, p.115
110
Art. 3.2.7.1.a., Principes UNIDROIT
111
CHAUVEL, §55
112
DURET-ROBERT
113
CHAUVEL, §53
114
Cass. com., 3 mars 2004

26
construction, il s’agit de la situation où la partie chargée d’exécuter les travaux ne peut pas
trouver une opportunité similaire auprès d’autres opérateurs économiques.
C’est uniquement auprès de son cocontractant qu’un tel projet de construction est possible.
134. Plusieurs critères sont généralement retenus pour caractériser une situation de dépendance, à
savoir : la part représentée par l’opération en cause dans le chiffre d’affaires du partenaire
dépendant ; la notoriété et l’importance sur le marché de l’autre partie ; et l’absence de solution
équivalente pour la partie dépendante115. Ces critères permettent alors de déterminer
« le degré de dépendance et la faculté de reconversion » de la partie dépendante si sa relation
contractuelle venait à se terminer116.
135. S’agissant dans un second temps du critère de détresse économique, cette notion rejoint celle
de l’état de dépendance financier et économique117. Il s’agit alors de déterminer si l’une des
parties est confrontée à un « partenaire obligé »118, c’est-à-dire si l’une des parties
« se trouve tributaire pour son existence ou sa survie de la relation régulière, privilégiée ou
exclusive qu’[elle] a établi avec son cocontractant » 119. Naît alors une dépendance économique
et financière caractérisée si la partie dépendante n’a alors pas d’autre solution que de préserver
sa relation contractuelle avec son partenaire obligé 120.
136. En l’espèce, la Défenderesse est dans un état de dépendance à l’égard des Demandeurs ainsi
que dans une situation de détresse économique.
137. Premièrement, l’état de dépendance de la Défenderesse à l’égard des Demandeurs ne peut être
niée. En effet, c’est avant tout parce qu’elle était intéressée par ses activités, et plus
particulièrement par ce Contrat, que la Société PEACE a racheté la Société MUNDI121.
Ensuite, parce que l’ampleur et l’impact de ce Projet lui assureraient une place importante sur
le marché des constructions écologiques, la Société PEACE met tout en œuvre pour la réussite
du chantier et y dédie toutes ses ressources. Ainsi, si elle venait à perdre ce Contrat, toute sa
stratégie devrait être entièrement révisée, le marché ne connaissant pas de projet d’une telle
ampleur. Cette situation inattendue entrainerait de graves difficultés économiques, voire la
fermeture de la Société PEACE.

115
DALLOZ, « Abus de dépendance économique » ; FERRIER
116
DALLOZ, « Abus de dépendance économique » ; FERRIER
117
CLAUDEL
118
VIRASSAMY
119
VIRASSAMY
120
VIRASSAMY
121
Cas pratique, p.4, §23

27
138. Deuxièmement, la Défenderesse se trouve dans une situation de détresse économique.
En effet, elle ne peut se permettre d’avoir mauvaise presse dans le milieu très fermé des
entreprises de construction 100 % écologique122. Si elle se fait connaitre comme l’entreprise
ayant construit le Village pour les prochains JOP, son avenir dans ce milieu sera assuré.
En revanche, si elle se fait connaitre comme celle ayant échoué, aucun potentiel et futur client
ne voudra lui confier ses projets de construction.
139. Son avenir dépend donc de cette relation contractuelle et de se réussite dans l’édification du
Village. Les Demandeurs sont donc des partenaires obligés de la Défenderesse.
140. Ainsi, il ne fait plus de doute que la clause litigieuse a été acceptée dans des conditions critiques.

ii. La clause de réduction du prix de l’Avenant a été négociée et conclue alors


que la Défenderesse était inapte à négocier

141. Les Demandeurs prétendent que la Défenderesse ne se trouvait pas dans une situation de
négociation inégale puisqu’elle avait déjà conclu de tels contrats et avait donc de l’expérience
dans le domaine123. Or, en vertu de l’article 3.2.7.1.a. des Principes UNIDROIT, un avantage
excessif injustifié est caractérisé lorsque la partie désavantagée se retrouve dans une situation
d’imprévoyance, d’ignorance, d’inexpérience ou d’inaptitude à négocier.
On parle alors d’absence de capacité personnelle.
142. L’ignorance peut être invoquée par une partie que lorsque les faits litigieux se sont déroulés
avant la conclusion du contrat ou de la clause et qu’elle n’avait pas connaissance ou ne pouvait
raisonnablement avoir connaissance de leur existence 124. De manière générale, il convient de
se référer à ce qui est objectivement attendu d’une partie125.
143. L’inaptitude à négocier découle du pouvoir de négociation inégal entre les parties et de l’état
de dépendance de l’une d’elles envers l’autre.
144. En l’espèce, les Demandeurs se prévalent de la spécialité de la Défenderesse dans les
constructions de bâtiments écologiques, tout comme de son intérêt pour les activités de la
Société MUNDI avant de la racheter, pour justifier le fait qu’elle ne pouvait se prévaloir de son
ignorance126. Or la Société PEACE ne pouvait savoir, ni en tant que société spécialisée dans la
construction écologique, ni en rachetant la Société MUNDI, que les Demandeurs allaient

122
Cas pratique, p.5, §29
123
Mémoire en demande, p.32, §139
124
Sentence CCI n°9029
125
Sentence CCI n°9029
126
Mémoire en demande, p.33, §144

28
considérablement réduire le prix du Contrat en faisant fi de l’ampleur des évènements
environnementaux catastrophiques récents.
145. En outre, étant dans une situation de dépendance à l’égard des Demandeurs127, la Défenderesse
n’était pas en position de négocier le contenu de l’Avenant. Elle se trouvait donc en inaptitude
à négocier. Certes la Défenderesse est une entreprise spécialisée dans la construction de
bâtiments écologiques, toutefois cet argument reste inopérant dès lors que sont caractérisées
des circonstances critiques et l’absence de capacité personnelle. Ces éléments ne font que
confirmer que l’avantage excessif tiré par les Demandeurs de cette clause est injustifié.

b. La clause de réduction du prix litigieuse n’est pas en adéquation avec le but et


la nature du Contrat

146. Les Demandeurs soutiennent à tort que cette clause a été négociée conformément à la nature et
au but du Contrat128. Or, selon l’article 3.2.7.1.b. des Principes UNIDROIT, doit être prise en
compte l’adéquation de la stipulation litigieuse avec la nature et le but du contrat dans lequel
elle s’insère afin de déterminer si l’avantage excessif ainsi obtenu est justifié ou non.
147. En l’espèce, le Contrat est un contrat de construction et son but est l’édification d’un village
olympique façon écolodge afin d’accueillir les athlètes et leurs fédérations se présentant aux
JOP. Il ressort tant de la nature que du but du Contrat qu’il est absolument nécessaire d’obtenir
rapidement le Village afin de pouvoir loger les athlètes et leurs fédérations à temps pour la
tenue des JOP. Le délai même de dix-huit mois accordé à la Défenderesse est témoin de
l’exigence de rapidité d’exécution du Contrat.
148. Afin de justifier l’adéquation de la clause litigieuse avec le but et la nature du Contrat, les
Demandeurs se prévalent de sa conformité aux « pratiques commerciales » ainsi qu’à
« la généralité des contrats du même type conclus par des parties dans des positions de
négociation équitables »129. Or, les Parties ne sont pas dans des positions de négociation
équitables130 et les JOP étant un évènement n’ayant lieu que tous les quatre ans dans un seul et
unique État dans le monde, il est complexe sinon impossible de rattacher le présent Contrat à
une généralité des contrats du même type.
149. En outre, la Société PEACE a de quoi être inquiète lorsqu’elle fait face à une diminution de
stocks du matériau qu’elle doit utiliser à 90 % pour mener à bien le Projet, et dont le prix a

127
Supra, §§132-140
128
Mémoire en demande, p.34, §146
129
Mémoire en demande, p.34, §147
130
Supra, §§131-145

29
considérablement augmenté. La Société MUNDI quant à elle, alors que le prix du bambou était
moins conséquent, bénéficiait d’un prix du Contrat plus élevé. Un tel prix dans de telles
conditions ne fait que rendre la tâche de la Société PEACE plus compliquée, et donc l’exécution
du Contrat plus complexe et longue que les dix-huit mois laissés à la Société MUNDI puis à la
Société PEACE131, ce qui s’inscrit en opposition directe avec le but et la nature du Contrat.
Les Demandeurs ne sont pas non plus censés opérer en tant qu’entreprise commerciale dont
l’objectif serait d’économiser le plus d’argent possible, alors même que l’apport financier de
ces JOP sera considérable pour le CIO et le CIP. Ils doivent faire preuve de bonne foi dans
chaque étape de la relation contractuelle. Dès lors, une telle réduction du prix ne s’inscrit
aucunement dans le but et la nature du Contrat de construction, la clause de réduction du prix
litigieuse n’étant elle-même pas en adéquation ni avec le but ni avec la nature du Contrat.
L’avantage tiré par les Demandeurs de cette clause est injustifié.
150. Les Demandeurs ayant injustement obtenu un avantage excessif par cette clause, celle-ci doit
être annulée pour lésion.

B. En tout état de cause la Défenderesse n’a pas librement consenti à cette clause

151. Les Demandeurs ayant profité de la modification du Contrat par l’Avenant pour réduire
unilatéralement le prix de la prestation, la Défenderesse a été contrainte par les Demandeurs
d’accepter cette clause de réduction du prix. N’ayant pas librement donné son consentement, la
clause est nulle.
152. En effet, en vertu du Code civil français, un contrat peut être annulé dès lors que le
consentement d’une des parties est vicié132. À ce titre, la violence vicie le consentement lorsque
celle-ci est déterminante de la conclusion du contrat ou de la clause litigieuse 133. Un tel vice du
consentement est déterminant dès lors que, sans lui, la partie « n’aurait pas contracté ou aurait
contracté à des conditions substantiellement différentes »134, ce qui « s’apprécie eu égard aux
personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné »135.
153. Il y a notamment violence lorsque l’une des parties « abusant de l’état de dépendance dans
lequel se trouve son cocontractant à son égard obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas
souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif »136.

131
Cas pratique, p.3, §12
132
Art. 1131, Code civil français
133
Art. 1130, Code civil français
134
Art. 1130 al. 1, Code civil français
135
Art. 1130 al. 2, Code civil français
136
Art. 1143, Code civil français

30
On parle alors de violence économique. La Cour de cassation française a également retenu que
« seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit
de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier
de violence » le consentement 137.
154. Quatre conditions doivent donc être remplies pour annuler une stipulation contractuelle sur le
fondement de la violence économique : une situation de dépendance économique d’une partie
envers une autre ; un abus de cette dépendance ; un avantage excessif ; et enfin le caractère
déterminant de la violence économique.
155. Alors que les notions de dépendance et d’avantage excessif ont été précédemment définies 138,
il est nécessaire d’apporter une précision sur l’abus. Celui-ci est défini comme un
comportement anormal se caractérisant par le fait de tirer profit de la crainte d’un mal affectant
les intérêts de l’autre partie139. Un lien de causalité entre l’état de dépendance et le
comportement doit être démontré140.
156. En l’espèce, comme précédemment démontré141, la Défenderesse se trouve dans une relation
de dépendance économique envers les Demandeurs, situation que ces derniers ne peuvent
ignorer. Ils ont profité de leur position et décidé de réduire considérablement le prix du Contrat,
sachant pertinemment que la Défenderesse n’était pas en position de refuser.
Ce comportement témoigne de leur mauvaise foi. Face à un autre opérateur dont l’avenir ne
dépendait pas de la bonne conduite du Contrat, les Demandeurs n’auraient pu raisonnablement
obtenir une telle réduction de prix.
157. Abusant de cet état de dépendance, les Demandeurs ont obtenu une réduction conséquente du
prix du Contrat alors que les coûts de son exécution pour la Défenderesse ont considérablement
augmenté. L’avantage excessif est caractérisé142. En l’absence d’une telle situation de
dépendance, et d’un tel abus de la part des Demandeurs, la Défenderesse n’aurait certainement
pas accepté une telle clause.
158. Ainsi, les Demandeurs se rendent coupable d’une violence économique, qui a vicié le
consentement de la Défenderesse. Il est évident qu’aucune entreprise ne s’engagerait à perte

137
Cass. civ. 1ère, 3 avril 2002
138
Supra, §§122-129 ;132-140
139
DALLOZ, « Abus de dépendance économique »
140
DALLOZ, « Abus de dépendance économique »
141
Supra, §§132-140
142
Supra, §§122-129

31
dans une relation contractuelle. Sans cette violence économique, la Défenderesse n’aurait donc
pas contracté en ces termes.
159. La Défenderesse étant en état de dépendance vis-à-vis des Demandeurs, et ceux-ci ayant abusé
de cette situation afin d’obtenir un prix réduit pour la construction du Village, elle n’avait
d’autre choix que d’accepter une telle clause. Par conséquent, son consentement n’a pas été
librement exprimé. La clause litigieuse est donc nulle.

160. Pour conclure, la clause de réduction du prix du Contrat contenue dans l’Avenant est nulle pour
lésion, ou, à défaut, pour vice du consentement. Par conséquent, l’exécution du Contrat doit
être évalué à douze millions de darnis, comme cela était initialement prévu.

IV. EN TOUTE HYPOTHÈSE, LES ARGUMENTS DES DEMANDEURS SONT


INFONDÉS

161. Les Demandeurs considèrent que la Défenderesse doit exécuter en nature l’obligation de
construire le Village143. Or, l’exécution en nature d’une obligation contractuelle ne s’impose
pas lorsqu’une des parties se trouve dans une des situations visées par l’article 7.2.2. des
Principes UNIDROIT.
162. En effet, le créancier d’une obligation contractuelle ne peut en exiger l’exécution en nature
notamment lorsque celle-ci est impossible en droit ou en fait (A). Il ne le peut pas non plus
lorsque cette exécution demanderait des efforts ou des dépenses déraisonnables (B), ou bien
lorsqu’il peut raisonnablement l’obtenir d’une autre manière (C). Ces différentes hypothèses
sont alternatives : il suffit que l’une d’entre elles soit vérifiée pour qu’il ne soit pas possible
d’obtenir l’exécution en nature de l’obligation contractuelle144.

A. Le prix du bambou rend la construction du Village matériellement impossible

163. Les Demandeurs se méprennent lorsqu’ils affirment que la construction du Village est
possible145. En effet, tout créancier d’une obligation contractuelle peut en demander l’exécution
en nature sauf lorsque « l’exécution est impossible en droit ou en fait »146. Cette impossibilité
peut être matérielle : la prestation constitutive de l’objet de l’obligation n’est plus possible147.

143
Mémoire en demande, pp.27-31, §§115-133
144
Art. 7.2.2., Principes UNIDROIT
145
Mémoire en demande, p.27, §117
146
Art. 7.2.2.a., Principes UNIDROIT
147
SIMLER, §8

32
Dans ce cas, il ne peut s’agir « que d’une impossibilité survenue postérieurement à la
conclusion d’un contrat » et elle ne peut par ailleurs n’être qu’exceptionnelle ou accidentelle148.
164. Par exemple, le concessionnaire qui ne peut plus fournir le véhicule demandé en raison de l’arrêt
de fabrication de ce type de véhicule par le constructeur a pu se prévaloir de l’impossibilité
d’exécution en nature de son obligation envers son client 149. Ainsi, parce qu’il n’était plus
possible de se procurer un tel véhicule l’exécution en nature a été refusée. Par analogie, s’il
n’est plus possible de se procurer un matériau, l’exécution en nature nécessitant ce matériau
devient alors matériellement impossible.
165. En l’espèce, si la Défenderesse venait à exécuter son obligation, le coût du bambou reviendrait
à plus de 300 % de son prix initial150. Il ne peut donc être raisonnablement attendu de la
Défenderesse qu’elle exécute ses obligations contractuelles. Cela résulterait en effet en une
perte financière colossale. De ce fait, et comme elle la fait remonter de maintes fois aux
Demandeurs, elle ne dispose pas des moyens économiques nécessaires pour se procurer le
bambou demandé151. Si elle s’était trouvée dans la situation précédant la conclusion de
l’Avenant contenant la clause de réduction de prix imposée par les Demandeurs, la
Défenderesse aurait déjà rencontré certaines difficultés à acheter le bambou au prix du marché.
C’était sans compter sur l’augmentation exponentielle de son prix, à laquelle s’est ajoutée une
réduction importante de son gain dans cette obligation contractuelle. La forcer à en acheter
l’amènerait à construire le Village à perte.
166. Bien que le bambou reste disponible à l’achat, il est matériellement impossible pour la
Défenderesse de s’en procurer. N’ayant plus la capacité de se procurer le matériau essentiel
postérieurement à la conclusion du Contrat et au rachat de la Société MUNDI, la Société
PEACE peut se prévaloir de l’impossibilité matérielle d’exécution en nature.

B. À titre subsidiaire, la Défenderesse engagerait des dépenses disproportionnées afin de


se procurer du bambou dans l’état actuel du marché

167. Alternativement, l’exécution en nature ne peut pas être demandée lorsqu’elle demande
« des dépenses déraisonnables » au débiteur de l’obligation contractuelle152.

148
SIMLER, §8
149
Cass. com., 5 octobre 1993
150
Supra, §92
151
Cas pratique, p.5, §26
152
Art. 7.2.2.b., Principes UNIDROIT

33
168. Le caractère déraisonnable est déterminé à partir de la disproportion manifeste entre le coût de
l’exécution pour le débiteur de l’obligation contractuelle et son intérêt pour le créancier 153.
C’est notamment le cas lorsque l’exécution est extrêmement onéreuse pour le débiteur sans que
l’intérêt du créancier n’en grandisse154.
169. Il est nécessaire de caractériser l’existence d’un « changement radical de circonstances après
la conclusion du contrat » à la suite duquel l’exécution serait devenue « tellement onéreuse
qu’il serait contraire au principe général de bonne foi […] de l’imposer »155.
170. En outre, seul un débiteur de bonne foi peut se prévaloir de cette disproportion 156.
Cette condition permet de s’assurer que le débiteur ne viole « délibérément son obligation dans
l’espoir que le juge, sensible au coût qu’entrainerait l’exécution forcée en nature, refuse de
l’ordonner »157.
171. En l’espèce, les Demandeurs estiment que puisque le bambou reste disponible à l’achat, la
Défenderesse n’est pas empêchée de s’exécuter158. Or, en plus d’être un matériau rare159, sa
valeur est exorbitante. Par sa rareté, la Défenderesse ferait face à de grandes difficultés pour se
procurer les quantités suffisantes pour tout le Village. Et même si ses fournisseurs lui
proposaient les quantités voulues, le coût que cela représenterait ne lui permettrait pas de s’en
procurer, faute de quoi elle travaillerait à perte. Il serait complètement contraire au principe de
bonne foi d’imposer à la Défenderesse de s’exécuter.
172. Les Demandeurs précisent également que « la seule augmentation du coût d’une obligation
pour une des parties ne suffit pas à justifier son inexécution si l’intérêt de l’autre augmente
proportionnellement »160. Or ils semblent omettre qu’il n’est pas uniquement question de
l’augmentation du prix du bambou, mais également de l’importante réduction de la contrepartie
financière161.
173. En outre, la disproportion recherchée réside entre le coût de l’exécution de son obligation
contractuelle pour la Défenderesse et l’intérêt des Demandeurs dans la réalisation de cette
exécution. Il est évident qu’il existe un réel déséquilibre entre les obligations de chacune des

153
Art. 1221, Code civil français ; SIMLER, §26
154
SIMLER, §26
155
Principes UNIDROIT commentés, p.257
156
Art. 1221, Code civil français
157
LARDEUX, §17
158
Mémoire en demande, p.27, §117
159
Cas pratique, p.2, §11
160
Mémoire en demande, p.28, §123
161
Supra, §§132-140

34
parties. L’exécution de l’obligation contractuelle de la Défenderesse en ces conditions est
disproportionnée avec les intérêts inchangés des Demandeurs.
174. Enfin, le comportement de la Défenderesse tout au long de la relation contractuelle fait ressortir
sa bonne foi. En effet, elle a tenté à de multiples reprises de prévenir les Demandeurs du prix
excessif du bambou afin d’entamer de nouvelles négociations pour trouver une solution
convenable à chacun. Malgré les refus incessants des Demandeurs de prendre en compte la
situation particulière de la Défenderesse, celle-ci a réitéré cette démarche afin de pouvoir mener
à bien le Projet. Elle a ainsi agi certes dans son intérêt propre, mais également dans celui des
Demandeurs. Sa bonne foi ne fait donc aucun doute.
175. Il existe donc une disproportion manifeste entre le coût de l’exécution pour la Défenderesse et
les intérêts des Demandeurs, à la suite d’un changement radical de circonstances postérieur à
la conclusion du Contrat et au rachat de la Société MUNDI. La Défenderesse étant de bonne
foi, elle soutient que cette exécution en nature demandée par les Demandeurs engendrerait des
dépenses déraisonnables, de sorte que l’exécution en nature doit être refusée.

C. Il est plus raisonnable pour les Demandeurs d’obtenir l’exécution du Contrat d’une
autre façon

176. Les Demandeurs se contentent d’affirmer ne pas pouvoir obtenir la construction du Village
d’une autre façon dans des conditions de logistiques raisonnables, sans pour autant démontrer
en quoi cela s’avère être impossible. Or, l’exécution en nature est exclue lorsque
« le créancier peut raisonnablement en obtenir l’exécution d’une autre façon »162, c’est-à-dire
« mettre fin au contrat et conclure un contrat de remplacement »163. La condition tenant au
caractère raisonnable sous-entend que « le simple fait que la même exécution puisse être
obtenue d’une autre façon n’est pas en soi suffisant », il est nécessaire que la possibilité que le
créancier s’adresse à un autre opérateur soit plausible164.
177. En l’espèce, en demandant l’exécution forcée, les Demandeurs ne peuvent qu’avoir conscience
que la Société PEACE ne pourra commencer les travaux de construction dans l’immédiat
puisqu’il lui faudra trouver sa matière première à un prix raisonnable, ce qui s’avère complexe
dans la situation actuelle. Toutefois, si les Demandeurs avaient recours à une nouvelle
procédure d’appel d’offre, ils n’auraient d’une part aucune difficulté à trouver un nouveau
contractant au vu de l’ampleur et l’importance du Projet. D’autre part, ils pourraient également

162
Art. 7.2.2.c., Principes UNIDROIT
163
Principes UNIDROIT commentés, p.258
164
Principes UNIDROIT commentés, p.258

35
trouver une société bénéficiant de plus de moyens économiques qui pourra se permettre
d’acheter du bambou à un prix très élevé contrairement à la Société PEACE, qui se satisferait
alors uniquement de la bonne publicité de cet évènement mondial.
178. Les Demandeurs justifient leur position en soutenant que procéder à un nouvel appel d’offres
prendrait trop de temps165. Cependant, obliger la Défenderesse à s’exécuter en nature serait bien
plus long s’ils ne sont toujours pas enclins à augmenter considérablement la contrepartie
financière : la Société PEACE devra trouver les fonds nécessaires, puis trouver du bambou à
un prix raisonnable pour ensuite pouvoir commencer les travaux.
179. En outre, si par extraordinaire le Tribunal Arbitral accueillait les demandes du CIO et du CIP,
tant concernant l’exécution en nature du Contrat que la condamnation de la Défenderesse à
verser des dommages et intérêts166, les différentes indemnités que la Défenderesse devra leur
verser ne feront que l’affaiblir économiquement, retardant d’autant plus l’exécution du Contrat.
Finalement, les Demandeurs n’auront alors pas d’autre choix que de trouver un nouveau
partenaire commercial et donc de lancer une nouvelle procédure d’appel d’offres afin de faire
construire le Village.
180. Rechercher dès maintenant une alternative et donc une autre façon d’obtenir son édification est
une solution alternative raisonnable et sensée, qui répondrait aux attentes des Demandeurs.
181. Enfin, les Demandeurs clament avoir toujours eu confiance en la Société PEACE et se retrouver
au pied du mur à cause de son comportement 167. Leur comportement en dit tout autre : ils ont
voulu rompre le Contrat en cours d’exécution sans en parler avec la Société PEACE168 et ne
font aucun effort pour communiquer et trouver une solution aux difficultés rencontrées.
Encore une fois, les Demandeurs font preuve de mauvaise foi.

182. Pour conclure, l’exécution en nature étant déraisonnablement onéreuse, sinon impossible, et les
Demandeurs pouvant raisonnablement obtenir la construction du Village d’une autre façon, le
Tribunal refusera de leur accorder l’exécution en nature.

165
Mémoire en demande, p.31, §131
166
Cas pratique, p.6, §36
167
Mémoire en demande, p.30, §130
168
Cas pratique, p.4, §22-25

36
V. LE PRÉJUDICE

183. Compte tenu de ce qu’il précède, les Demandeurs doivent payer intégralement le prix
initialement convenu dans le Contrat (A) mais également indemniser la Société PEACE au titre
des autres préjudices qu’elle a subi (B).

A. Les Demandeurs doivent payer intégralement le prix convenu dans le Contrat

184. Il ressort de l’article 7.4.1. des Principes UNIDROIT que toute partie se rendant coupable d’une
inexécution contractuelle doit des dommages et intérêts à son cocontractant afin de réparer les
préjudices ainsi subis. Les dommages et intérêts ont pour objectif premier de replacer la partie
lésée « dans la position dans laquelle [elle] se trouverait si [l’autre partie] avait correctement
exécuté son obligation »169.
185. Dès lors, en cas de résolution du contrat, des dommages et intérêts pourront être demandés pour
compenser le préjudice résultant de sa disparition et de l’avantage qu’il aurait dû apporter aux
parties s’il avait été exécuté. Il s’agit de la notion de perte de chance qui ne peut être réparée
que « dans la mesure de la probabilité de sa réalisation »170. En effet, « seule constitue une
perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable »171.
186. Dans cette affaire, le comportement des Demandeurs a placé la Société PEACE dans
l’impossibilité d’honorer ses engagements et dans la nécessité de demander la résolution
judiciaire du Contrat172. Autrement dit, la résolution du Contrat se fait aux torts des
Demandeurs, par leur comportement peu diligent.
187. De ce fait, la Défenderesse demande que lui soit intégralement versé le prix convenu dans le
Contrat173 afin de compenser le préjudice résultant de la disparition de ce dernier.
En effet, si les Demandeurs avaient consenti à une renégociation, la Défenderesse aurait pu
poursuivre et terminer le chantier. À ce titre et puisque la clause de réduction de prix de
l’Avenant est nulle, elle aurait dû percevoir la totalité du prix initialement convenu.
En demandant la résolution du Contrat, aux torts des Demandeurs, la Défenderesse perd de
manière certaine le prix de celui-ci. Dès lors, la perte de chance est en l’espèce caractérisée.
188. Ainsi, il est demandé au Tribunal Arbitral d’accéder à la demande de la Défenderesse, afin que
lui soit versé le prix initialement convenu dans le Contrat, soit douze millions de darnis.

169
LICARI, §25
170
Art. 7.4.3.2), Principes UNIDROIT
171
Cass. civ. 1ère, 8 mars 2012
172
Cas pratique, p.6, §34
173
Cas pratique, p.7, §39

37
B. Les Demandeurs doivent indemniser la Société PEACE de ses autres préjudices

189. L’article 7.4.1. des Principes UNIDROIT met bien en exergue que la partie se rendant coupable
d’une inexécution contractuelle doit réparation pour les préjudices, tant pluriels qu’ils soient.
Ces derniers doivent résulter d’une faute et doit être établi un lien de causalité entre eux au sens
de l’article 7.4.2. des Principes UNIDROIT.
190. Au-delà de la réparation du gain manqué et de la perte subie, sont également reconnues les
indemnisations des souffrances morales telles que les atteintes à l’image ou à la réputation174,
cela étant d’usage au sein des sentences arbitrales. Ainsi, dans l’affaire CIRDI Desert Line
Projects c. Yémen de 2008175, le tribunal a estimé que la personne morale demanderesse avait
bien subi un préjudice important touchant sa crédibilité, sa réputation ainsi que son prestige et
lui a accordé une indemnisation d’un million de dollars américains. Cette sentence rendue dans
le cadre d’un arbitrage d’investissement est parfaitement transposable à un arbitrage
commercial, permettant à une personne morale d’obtenir réparation d’un préjudice moral.
191. Les dommages et intérêts ont pour objectif premier de replacer le créancier lésé
« dans la position dans laquelle il se trouverait si le débiteur avait correctement exécuté son
obligation »176. S’agissant de leur calcul, à défaut pour les parties d’avoir indiqué une méthode
de calcul particulière, il revient au Tribunal Arbitral de définir celle qu’il est pertinent
d’appliquer au regard des éléments du litige 177.
192. En toute hypothèse, c’est sur la base d’une évaluation globale et raisonnable que doit
s’apprécier l’indemnisation178. Dans le respect du principe de l’indemnisation intégrale du
préjudice, les arbitres peuvent procéder de la sorte, notamment lorsqu’une difficulté se présente
dans la détermination de manière précise de la somme due à la partie lésée pour l’indemniser
de ses préjudices subis. Pour illustration, dans la sentence CCI n° 3131179 le tribunal arbitral a
statué en procédant à une évaluation globale de l’indemnisation due, en prenant en compte la
diversité et la nature des chefs de préjudices tels que la perte de clientèle et l’atteinte à la
réputation.
193. Dans cette affaire, la Société PEACE s’est mobilisée dans ce Projet d’envergure en ayant à faire
à des Demandeurs très peu diligents. En effet, bien qu’ils en soient à l’initiative180, les

174
Art. 7.4.2., Principes UNIDROIT ; Principes UNIDROIT commentés, p.287, §5
175
Sentence Desert Line c. Yémen
176
LICARI, §25
177
Sentence CCI n°10422
178
ORTSCHEIDT, p.40
179
Sentence CCI n°3131
180
Cas pratique, p.1, §2

38
Demandeurs sont également à l’origine de son échec, notamment par leur absence de
coopération qui caractérise un manquement contractuel181.
194. D’une part, se retient leur refus catégorique de négocier 182, malgré l’obligation contractuelle,
et d’apporter une solution aux difficultés de nature à retarder le Projet183. Dès lors, il s’agit
d’une inexécution fautive, tous les préjudices en résultant doivent être réparés.
195. D’autre part, comme précédemment évoqué184, se retient la violence économique dont ils ont
fait usage dans la négociation de la baisse du prix du Contrat185. Dès lors, se caractérise un abus
générant un préjudice moral certain qui nécessite réparation.
196. En outre, durant tout ce temps, la Société PEACE aurait pu se concentrer sur d’autres projets
auprès d’autres partenaires commerciaux. En effet, elle n’a pas pu prendre en charge d’autres
chantiers pendant qu’elle se consacrait à ce Projet avorté. Les Demandeurs lui doivent
réparation pour ce gain manqué.
197. De surcroît, la Société PEACE, spécialiste incontournable des constructions écologiques 186,
voit son image entachée par cet échec d’envergure internationale. Dos au mur, le comportement
peu diligent des Demandeurs l’oblige à demander la résolution du Contrat187, portant rudement
atteinte à sa réputation face à ses futurs prospects qui remettront en question sa fiabilité.
198. Les Demandeurs ont donc commis une faute consistant en une inexécution contractuelle et un
abus par l’usage de violence économique générant divers préjudices certains et prévisibles pour
la Société PEACE.

199. Ainsi, la faute, les préjudices et le lien de causalité étant caractérisés, les Demandeurs sont tenus
de réparer les préjudices subis par la Société PEACE par le versement du montant global de
trois millions six cent mille darnis, ce qui représente 30 % du prix du Contrat qui n’a pu être
exécuté de bonne foi à cause du comportement des Demandeurs.

181
Cas pratique, p.3, §13
182
Cas pratique, p.5, §32
183
Cas pratique, p.3, §13
184
Supra, §§151-159
185
Cas pratique, p.5, §§28-29
186
Cas pratique, p.4, §23
187
Cas pratique, p.6, §34

39
PAR CES MOTIFS

Vu le Contrat modifié par l’Avenant,


Vu le Règlement d’arbitrage CCI,
Vu les Principes UNIDROIT,
Vu le Code civil français,
Vu les précédents cités,

IL EST DEMANDÉ AU TRIBUNAL ARBITRAL DE :

À titre principal sur la compétence,


DIRE ET JUGER que la clause attributive de juridiction contenue dans l’Avenant prime sur
la clause compromissoire insérée au Contrat ;

En conséquence,
SE DÉCLARER incompétent pour connaître de la présente procédure d’arbitrage ;

À titre subsidiaire sur le fond,


DIRE ET JUGER recevables l’ensemble des demandes de la Société PEACE ;
ORDONNER la résolution du Contrat et de l’Avenant ;
DIRE ET JUGER nulle la clause de l’Avenant relative à la baisse du prix de 15 % ;

En conséquence,
CONDAMNER les Demandeurs à payer l’intégralité du prix convenu dans le Contrat, soit
douze millions de darnis ;
CONDAMNER les Demandeurs à payer des dommages et intérêts correspondant à 30 % du
prix initialement accepté, soit trois millions six cents milles de darnis ;

En tout état de cause,


REJETER toutes les demandes formulées par les Demandeurs dans leur requête d’arbitrage
du 19 septembre 2021 ;
CONDAMNER les Demandeurs aux entiers dépens.

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