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UNIVERSITE LIBRE DES PAYS DES GRANDS LACS

(ULPGL)
Troisième Graduat

DROIT FINANCIER ET INSTITUTIONS


FINANCIERES

Par : Professeur Michel MASABO

Année Académique 2018-2019


i

PRESENTATION
Le droit financier revêt aujourd’hui une ampleur et une diversité de
dispositions telles qu’il mérite un intérêt croissant, aussi bien des praticiens
que des juristes.
De même qu’on ne peut devenir un bon joueur d’un sport en se limitant à
pratiquer ce sport, sans s’intéresser aux règles ni suivre les indications de
l’arbitre, de même les praticiens de la finance ne peuvent se contenter
d’effectuer des opérations, sans porter attention au cadre juridique dans
lequel ces opérations s’insèrent. La rentabilité de leurs activités, comme la
maîtrise de leurs risques, imposent au contraire de connaître de manière
suffisamment précise la nature des instruments utilisés, les conditions de
réalisation des opérations, le rôle et les moyens des autorités de contrôle.
L’enseignement du droit financier sera centré sur ces questions.
Après les notions liminaires, seront présentés les éléments du droit financier
ainsi que les banques et institutions financières selon le plan suivant :
Titre I. Eléments de droit financier
Chapitre I. Les titres financiers
Chapitre II. L’autorité de régulation des activités financières
Chapitre III. Les opérations de marché
Chapitre IV. Les infractions liées à l’intervention sur les marchés
financiers
Titre II. Banques et autres institutions financières
Chapitre I. Les banques et les opérations de banque
Chapitre II. Les autres institutions financières
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CHAPITRE INTRODUCTIF

Section 1. Définition du droit financier

On peut retenir l’expression « droit financier » pour désigner le corpus de


règles qui a pour objet de régir les activités liées aux marchés financiers et
exercées à titre de profession habituelle par les prestataires de services
d’investissement.
Ainsi défini, le droit financier est un droit des activités, un droit des
marchés et un droit des acteurs.

§1. Le droit financier : un droit des activités

C’est un droit des activités : il s’agit des services d’investissement portant


sur les instruments financiers, parmi lesquels figurent la réception et la
transmission d’ordres pour le compte de tiers ainsi que la gestion de
portefeuille pour le compte de tiers.

§2. Le droit financier : un droit des marchés

Comme ces services se traduisent par des interventions sur les marchés
financiers, le droit financier est un droit des marchés.
§3. Le droit financier : un droit acteurs

Comme d’autre part, ces services ne peuvent être délivrés que par des
prestataires de services d’investissement, c’est un droit des acteurs : l’accès
à ces services est lié à l’obtention de l’agrément financier auprès des
autorités de contrôle et l’exercice se caractérise en particulier par le
monopole qui leur est reconnu.
Aussi le droit financier apparaît-il comme un droit professionnel, c’est-à-dire
comme un droit qui tire son unité du fait qu’il concerne « un certain milieu
social centré autour d’une technique ou d’une activité professionnelle ».
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Section 2. Sources du droit financier

§1. Diversité des sources

Les textes professionnels présentent une importance considérable, en


raison non seulement de leur nombre, mais également des règles qu’ils
édictent. Celle-ci ne doit toutefois pas être exagérée car ces textes ne sont
que le prolongement des textes législatifs et réglementaires sur lesquels
ils prennent d’ailleurs appui. Mais comme bon nombre de branches du droit,
les sources ne sont pas uniquement textuelles, ni internes. Il convient
également de tenir compte de la jurisprudence, du droit communautaire et
des sources internationales.

§1. Les différentes sources

I. Textes législatifs et réglementaires

Il s’agit des textes concernant les opérations bancaires et financières, les


établissements de crédit. On peut y ajouter d’autres textes notamment le
Code de commerce qui prévoit le contrat de commission.

II. Textes professionnels

1. Les textes émanant de l’autorité des marchés financiers et des


entreprises de marché

Les textes professionnels émanent notamment de l’Autorité des marchés


financiers et des entreprises de marché qui sont des sociétés
commerciales. Le recours à ces organismes dans l’édiction de la
réglementation traduit un désengagement de l’Etat dans la réglementation et
la régulation des marchés financiers et caractérise un certain glissement du
pouvoir réglementaire.

2. Les codes de conduite

On ajoute les codes de conduite élaborées par les organisations


représentatives des professionnels du secteur financier. Ces codes sont a
priori des actes non réglementaires.
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3. Les conventions-cadres
Doivent être encore mentionnées les conventions-cadres dont les modèles
sont généralement élaborées par la Place, dans laquelle on peut voir une
communauté d’individus dotée d’un pouvoir normatif. Il s’agit de normes
privées qui bénéficient néanmoins d’une reconnaissance officielle lorsque les
textes les visent afin en particulier d’assurer la sécurité des opérations
qu’elles régissent.

III. La jurisprudence

Si la jurisprudence est peu abondante, son rôle ne doit pas être méconnue
en tant que source de droit. La jurisprudence a ainsi dégagé le principe
d’égalité dans la compétition. Elle a imposé une obligation d’information
relative aux risques encourues sur les marchés à terme, information qui
s’impose quelle que soit la relation contractuelle existant entre le client et
l’intermédiaire financier.

IV. Les usages

En présence d’une réglementation textuelle abondante, les usages semblent


avoir peu de place. Pourtant, ceux-ci ne sont pas inexistants : le législateur
s’y réfère parfois et la jurisprudence a déjà pu être appelé à en tenir compte.
Mais si ces usages s’imposent sans aucune restriction dans les rapports
entre les professionnels, dans les rapports de ces derniers et de leur
clientèle, ils ne s’imposent que si le client, en a eu connaissance ; dans le cas
contraire, l’usage lui est inopposable.

V. Droit communautaire

Le droit communautaire financier prend appui sur les Traités de création des
communautés et repose sur des directives dont les plus importantes sont
celles qui reconnaissent aux entreprises d’investissement les libertés
d’établissement et de prestations de services.
VI. Les sources internationales
Les sources internationales sont diverses. Elles peuvent consister en des
conventions internationales conclues sous l’égide d’organismes
internationaux.
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Elles peuvent également résider dans des accords conclus entre les autorités
(Accords d’assistance mutuelle et accords de reconnaissance mutuelle).

Section 3. Les traits du droit financier

§1. Un droit récent et en évolution permanente

I. Le caractère ancien du droit financier

Le droit financier existe depuis aussi longtemps que la finance elle-même.


L’émission des monnaies, métalliques puis scripturales (chèques), a toujours
été soumise à des dispositions très rigoureusement définies par l’autorité
politique.

De même, les lois sur l’usure sont aussi anciennes que le crédit et les
premières bourses de valeurs n’ont pu être créées qu’après l’adoption, par
un certain nombre de participants, de règles précises de fonctionnement. En
effet, alors que la plupart des activités économiques comportent la
production ou l’échange de biens ou de services aisément identifiables, les
activités financières reposent presque exclusivement sur des obligations
réciproques, dont le respect implique l’existence de dispositions juridiques
appropriées : contrats, règlements professionnels, lois spéciales, procédures
de résolution d’éventuels litiges.

II. La jeunesse du droit financier

1. Etat des lieux

Le droit financier actuel se distingue toutefois par sa jeunesse. En grande


partie, en effet, les normes en vigueur aujourd’hui ont été adoptées au cours
de ces dernières années. C’est bien évidemment de cette période que datent
les normes relatives aux nouvelles opérations lancées durant la dernière
décennie et maintenant bien connues, telles que les titres de créances
négociables, les contrats à terme, les options, O.P.P., etc.

Mais ces dernières années ont également été marquées par une rénovation
presque totale du cadre juridique des activités plus traditionnelles
(fonctionnement des établissements de crédits, opérations de bourse,
chèques, taux d’usure, etc.).
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2. Evolution

A. Situation antérieure

Avant les réformes ainsi entreprises pour moderniser et rendre plus


concurrentielles les activités de banque et de marché, le droit financier
reflétait l’organisation de l’époque. Il était particulièrement rigide, chaque
type d’opérations ou d’activités étant régie par des dispositions
contraignantes, ne laissant qu’une place limitée à la négociation
contractuelle. Il était complexe, du fait de l’accumulation de dispositions
disparates (régissant les quelques trente statuts). Il était cloisonné, chaque
type d’opération ou d’établissement faisant l’objet de dispositions
particulières, conçues et adoptées selon des modes distincts. Il était souvent
vétuste, voire obsolète, aucune procédure systématique de révision n’étant
suivie, au moins pour abroger les dispositions devenues inapplicables ou
pour mettre les textes existants en harmonie avec de nouveaux concepts.

B. Situation actuelle

Le droit financier actuel est donc en large mesure un droit récent, dans sa
forme comme dans son fond. En effet, même si des dispositions adoptées au
cours de ces quinze dernières années ont souvent repris des principes
antérieurs, elles tiennent également compte d’exigences nouvelles, telles
que la libre détermination des conditions, l’égalité de la concurrence, la
transparence des prix et des tarifs, l’exigence de contrats écrits, le maintien
de la confidentialité des informations individuelles, etc. La rénovation
entreprise n’est toutefois pas complète. Certaines dispositions, par exemple
en matière de démarchage financier, devront encore être révisées pour tenir
compte des nouvelles exigences internationales.

En même temps, le droit financier est en évolution constante : le lancement


de nouveaux types de produits ou d’opérations, l’émergence de nouvelles
fonctions (conservation de titres, gestion de portefeuille, notations,
l’apparition de nouveaux risques (risques de contrepartie, risque de
défaillances techniques) sont autant d’obligations de réviser et d’adapter les
normes en vigueur.
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Si le droit financier évolue ainsi en même temps que les pratiques


professionnelles, il n’en répond pas moins à un certain nombre de besoins
permanents, spécifiques aux activités financières.

§2. Un droit adapté aux besoins spécifiques des activités financières


I. Une exigence élémentaire : le respect des règles ordinaires de la vie
des affaires

Le bon fonctionnement des activités financières ne repose pas seulement sur


le respect des règles ordinaires de la vie des affaires, notamment du droit
commercial. Il exige également des dispositions particulières, que l’on peut
regrouper en quatre domaines : organisation des activités, protection de
la clientèle, stabilité des intermédiaires et régulation globale. C’est le
propre du droit financier que de prévoir des mesures adaptées dans ces
quatre besoins spécifiques.

II. L’innovation : des mesures adaptées à des besoins spécifiques

1. Les mesures destinées à permettre la bonne organisation des


activités financières

Le premier objectif auquel répond le droit financier est la bonne


organisation des activités financières. Le déroulement régulier de la vie
financière implique en effet que les instruments et les opérations, qui sont
appelés à être utilisés par un grand nombre d’acteurs économiques, soient
déterminés de manière suffisamment précise et permanente. S’agissant en
particulier des activités de marché, il importe que la nature et les
caractéristiques des instruments négociés soient connues de tous les
intervenants et ne puissent donner lieu à contestation. Le droit financier a
ainsi vocation à définir les activités financières, à fixer les conditions dans
lesquelles les opérations peuvent être réalisées et à préciser celles qui, le cas
échéant, ne peuvent être effectuées que par certaines catégories
d’institutions. Il doit également déterminer le rôle et l’organisation des
autorités responsables du contrôle de chaque type d’activités ainsi que les
fonctions des organismes chargés d’assurer certaines fonctions d’intérêt
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collectif (compensation, tenue de comptes, centralisation et diffusion


d’information, etc.).

2. Les mesures propres à assurer la protection de la clientèle

Le second objectif du droit financier est de prévoir les mesures propres à


assurer la protection de la clientèle. S’il est dans la nature des activités
financières de comporter certains risques, il convient toutefois que la
clientèle ait une claire conscience de ceux-ci. En outre, il est dans l’intérêt
même de l’ensemble des acteurs économiques que ces risques soient aussi
limités que possible. L’une des spécificités du droit financier est ainsi de
définir les règles adéquates permettant de garantir les intérêts des acteurs
les moins bien armés pour assumer des risques, notamment les personnes
physiques. C’est à cet objectif que répondent par exemple les mesures de
protection des emprunteurs, les mécanismes de garantie des dépôts ou les
codes de déontologie des intermédiaires financiers.

3. Les mesures destinées à garantir la stabilité du système bancaire et


financier

Un troisième besoin particulier auquel répond le droit financier est la


stabilité du système bancaire et financier. La sauvegarde souhaitable des
intérêts individuels des clients, connue, plus généralement, la bonne
allocation des ressources financières, implique que des précautions
particulières soient prises pour assurer le mieux possible la stabilité de
chaque établissement et pour éviter tout risque systématique. C’est à cet
objectif que répondent aussi bien les règles prudentielles applicables aux
divers intermédiaires financiers (ratios de solvabilité et de liquidités limites
aux positions de charge et de taux, contrôle interne, etc.) que la surveillance
particulière exercée sur eux par des autorités spécialisées.
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4. Les mesures destinées à permettre une régulation des activités


financières
Le quatrième objet du droit financier est de permettre une régulation
d’ensemble des activités financières. En effet, le bon fonctionnement des
marchés de capitaux et des mécanismes de financement, n’implique pas
seulement que des dispositifs techniques efficaces soient mis en place et que
la stabilité des intermédiaires soit contrôlée attentivement. Il repose aussi
sur une surveillance globale des équilibres financiers, qui ne peut être
assurée que par des autorités disposant de pouvoirs adéquats.

Le droit financier comporte en conséquence une série de dispositions


habilitant les autorités à assurer le contrôle nécessaire de l’évolution des
crédits, de la monnaie, de la liquidité bancaire, ainsi que de l’accès aux
divers compartiments des marchés de capitaux. Le droit financier leur
confère également les pouvoirs indispensables pour éviter des évolutions
désordonnées des marchés.

Ces différents objectifs auxquels répond le droit financier : organisation des


activités, protection de la clientèle, surveillance prudentielle des
intermédiaires, régulation globale des marchés de capitaux, sont spécifiques
à ce secteur d’activités. Certes, d’autres branches sont dotées de
réglementations particulières, également inspirées par des préoccupations de
protection de la clientèle et, le cas échéant, d’organisation de la profession.

Mais le secteur financier est, le seul où ces quatre objectifs soient poursuivis
simultanément.

§3. Des modes d’élaboration originaux

L’une des spécificités du droit financier réside, en outre dans son mode
d’élaboration. D’une manière générale, les règles de droit peuvent résulter de
la loi, du règlement, de la jurisprudence, ainsi que de la volonté des parties,
exprimée dans les contrats individuels ou, le cas échéant, dans des accords
collectifs (conventions collectives, accords de place).
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I. La place du règlement et du contrat parmi les sources du droit


financier
Dans le droit financier, les contrats, individuels ou collectifs, et le règlement
occupent probablement une place plus importante que dans d’autres
domaines juridiques et l’élaboration des dispositions réglementaires obéit
elle-même à des procédures originales.

1. Le règlement

Des lois peuvent déléguer à des autorités spécialisées (Commission des


opérations de bourse) de larges pouvoirs de réglementation dans leurs
domaines de compétence respectifs. Ces autorités, qui ont un caractère
collégial, peuvent à la majorité de leurs membres, adopter des mesures
normatives qui sont appelées règlements.
Ce mode particulier d’élaboration du droit financier comporte bon nombre
d’avantages :
- il permet une prise rapide de décisions, celles-ci étant ainsi rendues
indépendantes des séances du parlement ou des réunions du Conseil des
Ministres ;
- il garantit la neutralité des décisions grâce à la collégialité des autorités ;
- il en garantit également la technicité, grâce à la procédure d’homologation
du Ministre de tutelle.
D’un autre côté, si c’est le Parlement qui est appelé à examiner un nombre
significatif de projets ou de propositions de lois intéressant les activités
financières, cela n’empêche pas que des décisions importantes comme le
contrôle de changes, ne sont pas adoptées par voie législative mais par voie
réglementaire.
2. Les accords professionnels
A côté de la réglementation, les accords professionnels jouent également un
rôle notable dans l’élaboration du droit financier. C’est ainsi que le
mécanisme de garantie des dépôts actuellement en vigueur, les normes
déontologiques applicables aux établissements exerçant des activités des
marchés ou le contenu des services bancaires de base sont régis par des
dispositions adoptées par les professionnels eux-mêmes.
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Que ce soit à travers la réglementation, à travers des normes


professionnelles et naturellement à travers les contrats, le droit financier est
ainsi, en très large mesure une affaire de praticiens de la finance au moins
autant que de juristes, cet aspect lui étant largement spécifique.

II. Le rôle de la jurisprudence

Les décisions des juridictions jouent, en matière financière comme dans tous
les domaines, un rôle déterminant. En particulier, en matière de crédits, de
règlements scripturaux, des fonctionnements de comptes de dépôts, d’offres
publiques d’achat ou d’échange, la jurisprudence est particulièrement
importante. Mais il faut constater (qu’en France) que les litiges financiers
sont souvent réglés à l’amiable ou par voie d’arbitrage, notamment lorsque
les parties sont des institutions financières ou de grandes entreprises. En
outre, dans la mesure où de nombreuses dispositions du droit financier sont
encore récentes, bien des domaines n’ont pas été soumis à l’appréciation des
tribunaux ou n’ont donné lieu qu’à un nombre très limité de décisions de
justice.

§4. Un droit largement transnational

Une autre particularité du droit financier actuel réside dans son caractère
déjà transnational.

I. Le droit financier : un droit inséré dans le droit national

Certes, le droit financier s’insère dans le droit national de chaque Etat. Les
textes normatifs, les contrats, les éventuelles décisions judiciaires obéissent
aux principes généraux applicables dans le pays.

II. Une évolution vers un droit transnational

Néanmoins, tant l’élaboration des textes que la portée des règles et des
contrats revêtent un caractère de plus en plus transnational. A une époque
marquée par la facilité des communications et par la liberté totale des
mouvements de capitaux, des règles strictement nationales perdent
largement leur efficacité et la réalisation des objectifs spécifiques au droit
financier notamment la protection de la clientèle comme la surveillance de la
stabilité des intermédiaires, implique l’adoption de normes communes.
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De plus en plus, les dispositions applicables aux activités bancaires et


financières sont ainsi conçues et discutées à un niveau supranational.

Une fois que des normes ont été définies dans ces instances, chaque autorité
nationale est en fait contrainte, pour des raisons juridiques ou pour des
raisons pratiques, notamment de concurrence, d’adapter ses propres règles
de manière à respecter, au minimum, les standards ainsi définis. En
pratique, en raison de la mondialisation, des opérations financières et de la
nécessité, pour chaque pays, de garantir la compétitivité de ses marchés et
de ses institutions, une part croissante du droit financier revêt désormais un
caractère transnational.

§5. Un droit qui s’étend au-delà des professions financières

I. Les règles du droit financier : une application longtemps limitée aux


professionnels

Pendant longtemps, le droit financier, au sens strict du terme, c’est-à-dire


les règles particulières applicables aux activités et aux institutions
financières, n’intéressait que les membres des professions financières
(établissements de crédit, sociétés de bourse, gérants de portefeuille, etc.).
Entreprises et particuliers pouvaient certes avoir, le cas échéant, à résoudre
des questions juridiques liées à des opérations financières. Mais ils devaient
les régler en s’appuyant essentiellement sur les dispositions ordinaires du
droit civil et commercial. Peu de dispositions spécifiques régissaient en
effet (jusqu’il y a quinze ans), les opérations ou les relations entre
professionnels et non professionnels.

II. Une application étendue aux autres intervenants

Au cours des (quinze) dernières années, la situation a profondément changé.


D’une part, une série de mesures ont été adoptées pour mieux définir les
obligations réciproques des institutions financières et de leurs clients.
D’autre part, avec l’ouverture et le développement des marchés, les
entreprises non financières, comme les personnes physiques, peuvent
désormais exercer elles-mêmes une gamme toujours plus variée d’activités
financières et même effectuer des opérations de caractère sophistiqué, tels
que des achats et des ventes d’options, qui n’étaient précédemment
accessibles qu’aux seuls membres des professions financières.
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Ces nouveaux intervenants se trouvent directement concernés par


l’ensemble des règles de fonctionnement des marchés financiers, dans les
mêmes conditions que les établissements de crédits ou les autres
intermédiaires spécialisés. Avec le développement des marchés, les
dispositions du droit financier relatives aux instruments négociables
concernent ainsi de nouveaux types d’acteurs économiques.

Mais il est intéressant de noter que d’autres aspects du droit financier


viennent progressivement et ont été utilisés en dehors des professions
financières. Par exemple, les règles de comptabilisation des opérations de
marché, notamment le recours aux prix de marché, au moins pour certaines
catégories d’activités ou encore les règles prudentielles imposées aux
intermédiaires financiers peuvent, moyennant les nécessaires adaptations,
servir de modèle pour les entreprises industrielles et commerciales qui
effectuent de manière active des opérations pour leur propre compte. De
façon indirecte, le droit financier qui, au cours des dernières années, s’est
développée et a acquis une certaine autonomie par rapport aux autres
branches du droit, peut influencer le droit commercial, pour ce qui touche
notamment aux opérations financières des sociétés.
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TITRE I. ELEMENTS DE DROIT FINANCIER

CHAPITRE I. LES TITRES FINANCIERS

L’étude des caractères communs des titres financiers précédera celle de leurs
spécificités.

SECTION 1. LES CARACTERES COMMUNS

§1. L’émission en exécution d’un contrat

I. Processus d’émission

Les titres sont des instruments financiers « émis », c’est-à-dire, créés par
une entité (l’émetteur), en exécution d’un contrat liant l’entité aux futurs
souscripteurs. Le processus d’émission s’amorce par la formation d’un
contrat et s’achève par la création et la délivrance du titre : ces deux étapes
sont d’importance égale dans le processus global ; elles se succèdent et ce
n’est que par l’achèvement de la seconde que l’opération sera réalisée. La
création du titre est indissociable de la passation du contrat.

II. Diversité des contrats à l’origine des titres, droits engendrés

Les contrats à l’origine des titres sont divers : contrat de société, contrat de
prêt, contrat sui generis… ils peuvent être collectifs (emprunt obligataire),
collectifs plurilatéraux (société), bilatéraux (contrat de prêt donnant
naissance à un titre de créance négociable)… Les droits qu’ils engendrent
ont en commun d’être des droits principalement personnels : droit de
créance de somme d’argent, droit de créance complexe… Lorsque les
contrats sont collectifs, les droits sont identiques et les titres sont émis par
stocks homogènes et fongibles au sein de la même catégorie.

III. Règles d’émission


Les règles d’émission varient en fonction des contrats en exécution desquels
ces titres sont créés ; elles ont leur siège dans la branche du droit régissant
le contrat : droit des sociétés pour l’émission des titres donnant accès au
capital et certains titres de créance, droit financier pour l’émission des titres
de créances négociables, etc.
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§2. Des instruments matérialisés par une inscription en compte

I. Inscription en compte

Les titres financiers sont inscrits dans un compte-titres. Le compte-titres


est le compte ouvert au nom du propriétaire des titres, par l’émetteur lui-
même, ou par un prestataire habilité en vue de l’administration ou de la
conservation d’instruments financiers. Le compte-titre est ouvert au nom
d’un ou plusieurs titulaires, propriétaires des titres.

II. Nature de l’inscription en compte

Titre ou preuve de titre ? Sur cette question, la doctrine n’est pas unanime.

1. La fonction probatoire

Une partie de la doctrine considère que l’inscription remplit une fonction


probatoire : elle fait présumer la propriété du titulaire du compte dans
lequel elle figure : « celui qui bénéficie d’une inscription en son nom est
réputé avoir régulièrement acquis les valeurs portées en son compte et en
être le légitime propriétaire ».

2. L’instrument financier lui-même

Pour certains auteurs toutefois, l’inscription n’est pas un titre probatoire,


elle est l’instrument financier lui-même. C’est bien l’existence même du
titre qui est liée à l’inscription en compte. Le titre ne saurait même être
envisagé autrement que par l’inscription en comptes ou sans elle.

§3. Des instruments négociables, transmissibles par virement de


compte à compte

I. La négociabilité des titres

Les titres financiers sont des titres négociables. La négociabilité est


traditionnellement définie par la doctrine comme la qualité attachée à
certains titres représentatifs d’un droit ou d’une créance qui en permet une
transmission plus rapide et plus efficace que les procédés de droit civil ; plus
rapide, c’est-à-dire en dispensant des formalités imposées en cas de cession
de créance plus efficace, c’est-à-dire en purgeant le droit de ses vices
antérieurs.
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II. La transmission des titres

Les titres financiers se transmettent par virement de compte à compte. Nul


ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un titre financier dont la
propriété a été acquise de bonne foi par le titulaire du compte-titres dans
lequel ces titres sont inscrits.

Section 2. Les principaux titres financiers : les titres de financement

Ces titres sont créés en exécution de contrats d’apport de prêt ou de


copropriété.
Délivrés en contrepartie d’un apport concourant à former le capital social de
l’entité émettrice, ils sont dits titres de capital ; délivrés en contrepartie du
prêt d’une somme d’argent, ils sont dits titres d’emprunt.

§1. Les titres de capital

I. Définition

Les titres de capital comprennent les actions et les autres titres donnant ou
pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote.
Sous cette formulation, le législateur vise deux catégories de titres : des
titres « simples » - les actions – et des titres composés – les valeurs
mobilières donnant accès au capital, telles que les obligations convertibles,
échangeables, remboursables en actions.

II. Catégories de titres

1. Les titres simples : les actions

A. Idée générale

Les titres de capital représentent, dès leur émission, une fraction du capital
social de l’émetteur. Ils sont délivrés aux souscripteurs en contrepartie d’un
apport concourant à former le capital social de l’organisme émetteur et
confèrent à leurs titulaires un droit incertain au remboursement et à la
rémunération de cet apport, compensé par un droit de participation aux
décisions collectives. Ils ne peuvent être émis en principe que par les sociétés
par actions, seuls groupements autorisés par le législateur à émettre des
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titres de capital négociables, autrement dit des titres de capital qui aient la
nature d’instruments financiers.
B. Distinctions
On distingue les actions ordinaires des actions de préférence.

a) Actions ordinaires

1° Notion d’action ordinaire

L’action ordinaire est un titre de capital qui confère à son titulaire un droit
d’associé.
L’action est émise en représentation d’un apport qui peut être en numéraire,
c’est-à-dire en argent, ou prendre la forme du transfert de propriété ou de la
mise à disposition d’un bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel, on
parle alors d’apport en nature. Selon la nature de l’apport, l’action est une
action de numéraire ou une action d’apport. Les actions de numéraire
peuvent être libérées pour une partie de leur valeur nominal
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receipts », négociables, susceptibles d’être cotés, auxquels souscrivent les


investisseurs locaux.

§2. Les titres d’emprunt

I. Notion

Les titres d’emprunt sont remis par l’émetteur aux prêteurs en contrepartie
de la mise à disposition d’une somme d’argent ; ils représentent leur droit de
créance à son encontre ; ce droit se décline en un droit au remboursement et
un droit à la rémunération de la somme prêtée.

Comme les titres de capital, ces titres d’emprunt sont des instruments de
financement de l’émetteur, mais à la différence des premiers, ils ne
concourent pas à former le capital social et peuvent donc être émis par des
organismes autres que les sociétés par actions : Etat, associations, etc.

Au sein de cette catégorie doivent être distingués les titres émis


globalement dont le type est l’obligation et les titres émis à l’unité, sur le
modèle des titres de créances négociables (TCN).

II. Types

1. Titres issus d’une émission globale

A. La technique : contrat collectif

Lorsque les titres sont issus d’une émission globale, ils représentent, à
concurrence de leur montant nominal, une fraction d’un emprunt. Il s’agit
d’un contrat unique et non de prêts juxtaposés, conclu entre les
souscripteurs des titres et l’émetteur. Exemple : une société qui emprunte
50.000.000 FC en émettant 50.000 obligations de 1.000 FC. Le caractère
collectif du contrat influe sur les caractères et le régime des instruments
financiers. Les titres ainsi émis sont fongibles et leurs titulaires sont groupés
de plein droit dans une masse pour la défense de leurs intérêts communs.
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B. Typologie

a) Les obligations

1° La notion d’obligation

Les obligations sont définies comme des titres négociables qui, dans une
même émission confèrent les mêmes droits de créance pour une même
valeur nominale.
La créance représentée par l’obligation a un objet précis : il s’agit d’une
prestation monétaire née, à la charge de l’émetteur, d’un contrat d’emprunt
obligataire conclu avec les souscripteurs. Le droit de l’obligataire est donc
avant tout le droit du prêteur. Dans sa version la plus simple, il se décline
en un droit au remboursement à échéance et un droit de percevoir un
intérêt.

2° Valeur d’émission et de remboursement

L’obligation a une valeur nominale qui correspond à la quote-part d’emprunt


qu’elle représente. Le prix d’émission peut toutefois se démarquer de cette
valeur.
Il est possible et assez courant d’émettre une obligation à un prix inférieur à
sa valeur nominale (émission au-dessous du pair) : la différence constitue
ce que l’on appelle la prime d’émission.
L’émission au-dessus du pair est en revanche plus rare : la valeur de
remboursement est supérieure à la valeur nominale. La différence constitue
la prime de remboursement et peut être fixée dès l’émission ou résulter
d’une clause d’indexation.

3° Echéance

L’obligation est conçue traditionnellement comme un instrument de


financement à long terme de l’émetteur. Cette fonction, que l’obligation
partage avec l’action, a pu d’ailleurs être considérée comme un élément
caractéristique des valeurs mobilières.

L’emprunt obligataire peut être remboursé en une seule fois au terme


convenu ou bien par le procédé de l’amortissement.
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Dans le premier cas, un remboursement anticipé peut cependant intervenir


s’il est accepté par l’assemblée des obligataires ou s’il a été prévu par le
contrat d’émission.
Dans le cas de l’amortissement, chaque année, un certain nombre de titres
désignés par tirage au sort sont remboursés et annulés par la société.
D’année en année, le nombre de titres en circulation et la charge des intérêts
décroissent conformément à un tableau d’amortissement élaboré à l’avance.

4° Intérêt

•- Les obligations à coupon fixe

Dans la plupart des cas, l’obligation donne droit à un intérêt annuel fixe : on
dit aussi que l’obligation est à « coupon fixe ».

•- Les obligations à coupon zéro, les obligations à coupon variable

Il existe cependant des « obligations à coupon zéro » et des « obligations à


coupon variable ».

- Les obligations à coupon zéro

Les obligations à coupon zéro ne donnent lieu à aucun versement d’intérêt,


donc à aucun paiement intermédiaire avant leur remboursement.
Les intérêts rémunérant l’emprunt sont capitalisés tout au long de la durée
de l’emprunt et versés à l’échéance en même temps que le remboursement
du nominal : il n’y a donc pas de coupon, mais une prime de remboursement
versée à l’échéance.

- Les obligations à coupon variable

Les obligations à coupon variable sont de deux types.

* Les obligations à intérêts indexés

Les obligations à intérêts indexés permettent de lutter contre la dépréciation


monétaire.

* Les obligations à taux flottant

Les obligations à taux flottant visent à limiter le risque de baisse du cours


des obligations qu’entraîne toute hausse des taux d’intérêts sur les marchés.
23

b) Les titres assimilés


Les titres d’emprunt, émis globalement en exécution d’un contrat collectif,
sont assimilés aux obligations. On a :

1° Les titres participatifs

A égale distance de l’action et de l’obligation figurent des titres représentatifs


de créances à très long terme ou plus exactement de créances à durée
indéterminée qui constituent ce qu’il est convenu d’appeler « quasi-capital ».
Ces titres sont émis en contrepartie de fonds mis à la disposition de
l’émetteur pendant toute la vie sociale et ne sont remboursables qu’en cas de
liquidation de la société ; la tentation est donc grande de les assimiler aux
titres de capital. Ils demeurent cependant en dernière analyse, des titres
d’emprunt, conférant à leurs titulaires les droits de prêteur et non d’associé.

2° Les titres associatifs

Les titres réservés aux associations sont décalqués des obligations. La


spécificité du titre associatif tient à ce qu’il peut n’être remboursable qu’à
l’initiative de l’émetteur. Il constitue alors une créance de dernier rang.

3° Les obligations assimilables du Trésor

Ce sont des instruments de financement à long terme de l’Etat. Elles


présentent plusieurs spécificités par rapport à des obligations ordinaires :
notamment leur émission s’effectue par adjudication et non par
souscription. Les participants à l’adjudication soumissionnent en indiquant
la quantité de titres qu’ils sont prêts à acquérir et à quel prix. Il en résulte
un cours d’adjudication, qui ne correspond donc pas à la valeur nominale de
l’obligation.

4° Les titres de créances complexes

En matière de titres d’emprunt comme de titres de capital, les émetteurs


peuvent imaginer des instruments qui présentent des modalités particulières
de remboursement ou de rémunération ou une composante optionnelle. Ces
titres sont connus sous l’appellation « titres de créances complexes ».
24

Les titres de créances complexes notamment les certificats, sont des titres
conférant un droit de créance sur l’émetteur et qui :
- soit présentent des caractéristiques particulières quant aux modalités de
remboursement ou de rémunération ;
- soit comportent d’autres droits (indexation, faculté d’option à l’initiative du
porteur ou de l’émetteur, …).

2. Titres émis à l’unité

A. Titres émis en exécution d’un contrat bilatéral

A côté des titres issus d’une émission globale en exécution d’un contrat
collectif, il y a place pour des titres d’emprunt, émis en exécution d’un
contrat bilatéral conclu entre l’émetteur et un souscripteur. Ces titres sont
regroupés sous l’appellation de « titres de créances négociables » ou
« TCN ».

B. Distinction d’avec les obligations et les effets de commerce

Ces instruments se trouvent à mi-chemin des obligations et des effets de


commerce. Le caractère unitaire de l’émission distingue les TCN des
obligations : les titres sont non fongibles et chaque titre représente un droit
de créance individuel, aussi l’émission ne donne-t-elle pas lieu à la création
d’une masse. Cet élément rapproche les TCN des effets de commerce.
Toutefois, la forme des instruments exclut cette qualification :
dématérialisés, inscrits en compte, transmissibles par virement, les TCN ne
sauraient être soumis au droit cambiaire. Ce sont des instruments
financiers, des instruments de financement de l’émetteur. Les bons du
Trésor sont rattachés à cette catégorie.
25

CHAPITRE II. L’AUTORITE DE REGULATION DES ACTIVITES


FINANCIERES
C’est l’autorité de régulation qui régit les activités financières et en contrôle
l’exercice. Généralement, l’Etat confie la régulation de ce secteur de
l’économie à des organismes administratifs « indépendants ».
Section 1. Désengagement de l’Etat de la régulation des activités
financières

§1. Les raisons de désengagement de l’Etat

Cette démarche s’inscrit dans un mouvement général d’abandon des formes


classiques d’intervention de l’Etat dans certains secteurs d’activité. Elle
s’explique par plusieurs raisons : le désir d’offrir à l’opinion une garantie
renforcée d’impartialité des interventions de l’Etat ; la nécessité de faire face
à la technicité de la matière et à la rapidité de ses mutations, grâce à l’aide
des professionnels, spécialistes des questions financières, la volonté de se
donner des moyens d’intervention plus efficaces que les moyens classiques
dans un domaine où les enjeux financiers et les risques du marché imposent
une prise de décision rapide ; enfin et surtout, la recherche d’une meilleure
crédibilité internationale.
§2. La mise en place d’autorités de régulation

La régulation est apparue comme une réponse adaptée à ces différentes


attentes dans la mesure où ce nouveau mode d’intervention suppose la mise
en place d’« autorités de régulation, chargées, au-delà de la définition des
règles du jeu, d’une fonction d’arbitrage exprimée par la voie de décisions
individuelles, et d’une mission de supervision et de contrôle dont la forme la
plus aboutie est le pouvoir de sanction. La Commission des opérations
boursières (COB) aujourd’hui Autorité des marchés financiers (AMF) en
France a été instituée sur ce modèle. Elle fut conçue sur le modèle de la
Securities and Exchange Commission (SEC) américaine. En République
Démocratique du Congo, c’est la Banque centrale qui a en charge la
régulation financière1.

1
Art. 6, Loi 005-GXPDLUHODWLYHjODFRQVWLWXWLRQjO¶RUJDQLVDWLRQHWDXIRQFWLRQQHPHQWGHOD
Banque Centrale du Congo.
26

Section 2. Nature juridique de l’autorité de régulation


L’organe de régulation est une autorité publique indépendante dotée de la
personnalité morale.
L’organe de contrôle est une autorité, qualification qui atteste des
prérogatives de puissance publique conférées et au nombre desquelles le
pouvoir réglementaire et le pouvoir de sanction.
L’organe de contrôle est une autorité publique qui n’est pas rattaché par
quelque lien que ce soit à la structure administrative.
L’organe de contrôle est une autorité indépendante en ce qu’elle n’est
soumise à aucun pouvoir hiérarchique.

Section 3. Missions de l’autorité de régulation

§1. Mission traditionnelle

L’organe de régulation veille à la protection de l’épargne, à l’information des


investisseurs et au bon fonctionnement du marché.
Le verbe « veiller à » exprime à la fois l’exercice d’une surveillance vigilante, le
fait de s’occuper de, de faire en sorte que… Le choix d’une telle généralité a
une double portée. D’une part, il légitime l’étendue des pouvoirs accordés à
l’organe de régulation pour mener à bien sa mission : régir, contrôler,
sanctionner. D’autre part, il investit l’institution d’une compétence
résiduelle, pour toutes les questions qui dépassent les prérogatives des
autorités spéciales.

§2. Missions additionnelles

L’action internationale s’inscrit au cœur même de la mission de l’autorité de


régulation. L’Autorité de régulation est appelée à s’insérer dans des
mécanismes de coopération internationale, formels ou informels, existants
ou à créer. Le concours de l’Autorité de régulation consiste notamment dans
une coopération dans la surveillance des marchés par l’instauration de
dispositifs efficaces d’échange d’informations.

Section 4. Les pouvoirs de l’autorité de régulation

Pour accomplir sa mission, l’autorité de régulation est dotée d’un certain


nombre de pouvoirs : pouvoir réglementaire, pouvoir de contrôle, pouvoir
de sanction, pouvoir de médiation.
27

§1. Le pouvoir réglementaire


L’Autorité de régulation se voit confier un pouvoir réglementaire dont les
domaines peuvent être regroupés en cinq rubriques.

I. Le pouvoir réglementaire général

1. L’édition de règles s’imposant aux établissements de crédit

L’organe de régulation édicte la réglementation applicable aux opérations de


crédit1.

2. L’édition de règles relatives aux activités de crédit

L’Autorité de régulation régit les établissements de crédit et leur activité :


conditions d’accès aux activités et modalités d’exercice de ces activités.

3. La prise de mesures relatives à la protection de l’épargne

L’Autorité de régulation prend des mesures conservatoires, notamment la


mise à l’index à l’encontre des personnes physiques ou morales qui
entretiennent des impayés, émettent des chèques sans provision ou
enfreignent les dispositions relatives à la réglementation de change2.

4. L’intervention dans l’organisation des marchés

L’organisation des marchés constitue le quatrième grand domaine de


compétence de l’autorité de régulation. La Banque Centrale peut intervenir
sur les marchés des capitaux, notamment en achetant et en vendant ferme,
en prenant et mettant en pension ou en empruntant des créances et des
titres négociables libellés en monnaie étrangère ou nationale ainsi que des
métaux précieux.

5. La détermination des obligations positives, des comportements et


pratiques interdits

L’autorité de régulation a compétence pour définir les obligations positives


d’information et les normes de bonne conduite qui s’imposent aux
intervenants sur les marchés.

1
Article 36, 2, Loi bancaire
2
Article 36, 2, Loi bancaire.
28

Elle a aussi le pouvoir de déterminer les obligations d’abstention, les


comportements et pratiques interdits car relevant de l’opération d’initié ou
de la manipulation de cours et susceptibles d’être sanctionnés.

II. Autres actes normatifs

L’Autorité de régulation publie d’autres actes de portée générale que ses


règlements généraux.

1. Les instructions

L’Autorité de régulation peut publier des instructions aux fins de préciser


l’interprétation des règlements généraux.

2. Les recommandations

Les recommandations ont pour destinataires une catégorie d’opérateurs


déterminée, elles n’ont pas le caractère général et abstrait de l’instruction, ni
le caractère individuel de l’injonction. Elles ont pour objet d’inviter leurs
destinataires à adopter un comportement déterminé.

3. Les décisions générales

Les décisions générales sont de deux ordres. Ce sont d’abord des « décisions
d’approbation » de règles de marché ou d’infrastructures de marché :
entreprise de marché, dépositaire central, chambre de compensation… Ce
sont ensuite des décisions définissant les « pratiques de marchés » admises à
l’Autorité de régulation.

4. Les positions

Les positions constituent la doctrine de l’Autorité de régulation. Sous cette


rubrique figurent pêle-mêle, des textes intitulés « Positions », mais également
des Questions – réponses, des Modèles types, des Principes généraux, des
chroniques, des Précisions… Ces textes ont avant tout, une fonction
d’explication de la règle applicable. Ces Positions explicatives n’ont pas de
portée normative, a fortiori, elles n’ont pas de valeur juridique.
29

5. Le rescrit

Le rescrit est une forme particulière d’avis, par lequel l’Autorité de


régulation, interrogée par un professionnel à l’occasion d’une opération
précise, déclare l’opération projetée contraire ou conforme à ses règlements.

6. Les communiqués

Le « communiqué de presse » est le procédé utilisé par l’Autorité de


régulation pour porter une information à la connaissance du public. C’est
par voie de communiqué que l’Autorité de régulation informe de la
publication d’une instruction, d’une recommandation ou d’une position.

§2. Le pouvoir de contrôle

L’Autorité de régulation détient un pouvoir de décision de portée


individuelle grâce auquel il autorise, interdit, ordonne ou fait cesser
certaines pratiques ; en second lieu, l’Autorité de régulation dispose d’un
pouvoir d’enquête.

I. Pouvoir de décision de portée individuelle

Les décisions individuelles sont des autorisations et oppositions et des


injonctions.

1. Autorisations et oppositions

Elles diffèrent selon le domaine de compétence.

A. Emetteurs et information financière

L’Autorité de régulation exerce son contrôle sur l’information et les


opérations par le biais des visas et des décisions de conformité.

B. Prestataires

Le pouvoir de décision de l’Autorité de régulation s’exerce également à l’égard


des prestataires de services financiers. La protection des marchés financiers
est assurée par la qualité des professionnels appelés à intervenir sur ces
marchés. Aussi, l’Autorité de régulation intervient-elle pour contrôler par le
biais de l’agrément, de l’habilitation, de l’enregistrement ou de la
délivrance des cartes professionnelles.
30

C. Produits d’épargne collective

La constitution, la transformation, la fusion, la scission ou la liquidation


d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières sont soumises à
l’agrément de l’Autorité de régulation.

D. Marchés

Le contrôle exercé par l’Autorité de régulation prend la forme d’une


approbation ou d’un refus d’approbation des règles de fonctionnement des
organismes et auxiliaires de marché.

2. Injonctions

L’Autorité de régulation dispose d’un pouvoir général d’injonction qui lui


permet d’ordonner à l’auteur d’une pratique irrégulière d’y mettre fin.
L’autorité peut exercer ce pouvoir seule (injonction directe) ou en
collaboration avec l’autorité judiciaire (injonction indirecte).

A. Injonction directe

Le pouvoir d’injonction directe permet à l’Autorité de régulation d’ordonner


qu’il soit mis fin aux pratiques irrégulières tels que les abus de marché, les
manquements de nature à porter atteinte à la protection des conventions ou
au bon fonctionnement du marché.

B. Injonction indirecte

L’Autorité de régulation peut demander en justice qu’il soit ordonné à la


personne qui est responsable d’une pratique irrégulière de se conformer aux
dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l’irrégularité ou
d’en supprimer les effets.

II. Contrôles et enquêtes

1. Contrôle
L’Autorité de régulation organise des contrôles dans le cadre de la
surveillance régulière des professionnels soumis à sa tutelle. Le contrôle est
conçu comme un moyen de s’assurer que les intervenants sur le marché
financier respectent bien leurs obligations professionnelles résultant, pour
31

l’essentiel des différents textes. Le contrôle s’effectue sur pièce et, le cas
échéant, sur place1.

2. Enquêtes

Les enquêtes portent sur des faits ou situations, relevant de comportements


ou de pratiques émanant de quelque personne que ce soit, susceptible de
porter préjudice à l’information des investisseurs, au bon fonctionnement
des marchés d’instruments financiers ou à la protection de l’épargne investie
dans les instruments financiers2.

§3. Pouvoir de sanction

I. La reconnaissance du pouvoir de sanction

La régulation implique la mise en place d’un tiers régulateur chargé de


superviser le jeu social, en établissant certaines règles et en intervenant de
manière permanente pour amortir les tensions, régler les conflits, assurer le
maintien d’un équilibre d’ensemble ; elle suppose donc la mise en place
d’une autorité régulatrice cumulant des compétences juridiques
habituellement dissociées, allant de l’édiction de normes de portée générale
jusqu’à un pouvoir de contrôle et de sanction, en passant par la prise de
décisions individuelles.

II. Eléments substantiels

1. Les personnes punissables

Le pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation est d’abord un pouvoir


disciplinaire qui s’exerce à l’encontre des professionnels des marchés
financiers.

Le pouvoir de sanction disciplinaire se double d’un pouvoir de sanction


administrative. Ce pouvoir s’exerce à l’encontre de toute personne dès lors
qu’est caractérisé à l’égard de cette personne l’un des manquements définis
par la loi.

1
Article 37, Loi bancaire.
2
Article 39, Loi bancaire.
32

2. Les manquements

Les manquements sont d’une double nature : disciplinaire ou


administrative.
Les comportements générateurs d’une responsabilité disciplinaire sont les
manquements aux obligations professionnelles définies non seulement par
les lois et règlements en vigueur mais également par les règles
professionnelles qui peuvent être édictées par des associations.
Les faits constitutifs de manquements administratifs sont appréhendés
d’une manière très large : il s’agit des abus de marché – manipulation de
cours, opération d’initié et diffusion de fausse information – et tout autre
manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou
au bon fonctionnement du marché.
3. Les peines
Les sanctions disciplinaires doivent être distinguées des sanctions
administratives.
Les sanctions disciplinaires encourues par les professionnels peuvent être
des sanctions professionnelles – avertissement, blâme, interdiction à titre
temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis – et
ou pécuniaires.
Les sanctions administratives consistent uniquement en des amendes.

§4. Le pouvoir de médiation

La procédure de médiation intervient dans le cadre de litiges relatifs à


l’information des investisseurs, à l’exécution des ordres (délais, contenu)
ainsi qu’aux problèmes de gestion de portefeuille.
L’autorité de régulation propose une solution qui ne lie pas les parties qui
demeurent libres, à tout moment, de saisir le tribunal.
33

CHAPITRE III. LES OPERATIONS DE MARCHE


Nous insisterons sur les achats et les ventes ainsi que les offres publiques.

Section 1: Les achats et les ventes

§1. Considérations générales sur les achats et les ventes

I. Précisions terminologiques : opération, négociation et transaction

1. Une terminologie propre au marché

Pour un juriste, une chose fait l’objet d’un contrat ou d’une convention.
Cette terminologie est généralement écartée par les règles de marché et on
préfère parler d’opération, de négociation ou de transaction, sans doute
d’une part, parce que le terme « contrat » est déjà utilisé à propos de certains
instruments financiers et qu’il paraît réducteur de certaines opérations de
marché et, d’autre part, parce que ces termes peuvent paraître équivalents.
Mais ils ne le sont que dans une certaine mesure.

2. Les précisions

A. La transaction

Le mot « transaction » ne doit pas induire en erreur : il ne s’agit pas de la


transaction au sens du Code civil, c’est-à-dire du « contrat par lequel les
parties terminent une contestation née, ou préviennent une
contestation à naître ». Il s’agit seulement de désigner l’accord de volonté
sur lequel repose l’opération de marché ou auquel celle-ci peut conduire.
Aussi le terme rejoint-il la notion de négociation qui désigne un accord, étant
entendu que la négociation comporte un élément que n’implique pas la
transaction : l’entremise effectuée par un intermédiaire habilité.

B. La négociation

La « négociation » ne désigne pas seulement l’accord conclu par le biais d’un


intermédiaire : il désigne également le processus qui conduit à la conclusion
de l’accord de volonté et qui se caractérise par la production des ordres et la
recherche d’une contrepartie sur le marché. Il comporte donc une dimension
procédurale qui vient s’ajouter à sa dimension conventionnelle et se
34

rapproche en conséquence de la notion d’opération de marché qui comporte


ce double aspect.

II. Finalité des opérations

Les opérations portant sur des instruments financiers admis aux


négociations répondent à diverses finalités : placer des liquidités, spéculer
ou se couvrir contre un risque. Elles peuvent être également justifiées par la
volonté de proroger un engagement, ce que permet l’opération liée négociée
sur les marchés de financement. Ces opérations ne sont toutefois possibles
que si le marché est suffisamment actif. Aussi certaines des opérations ont-
elles pour finalité d’assurer la liquidité du marché : la contrepartie en est
l’illustration typique.

III. Les achats et les ventes : mécanisme de base des opérations de


marché

Les achats et les ventes constituent le mécanisme de base des opérations de


marché.
Bien qu’elle soit traditionnelle, la double référence aux achats et aux ventes
peut paraître a priori étonnante dans la mesure où il s’agit là de deux
aspects d’un même contrat, le contrat de vente que le code civil définit dans
les termes suivants : « la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à
livrer une chose, et l’autre à la payer ».
Elle ne l’est toutefois pas si l’on considère que les opérations de marché
peuvent ne pas se limiter à une seule transaction, mais résulter d’une
combinaison de transactions en sens contraire par exemple un achat au
comptant et une vente à terme.
Ainsi, n’est-il pas rare que, pour définir les opérations réalisées sur un
marché de financement, il soit indiqué qu’elles « consistent dans des ventes
et achats de valeurs mobilières par l’intermédiaire de professionnels habilités
ou encore qu’elles sont toutes les modalités ou des combinaisons d’achats et
de ventes.
35

§2. Le transfert de propriété : modalité habituelle des achats et des


ventes

I. Droit commun

1. La règle du transfert solo consensu

A. La règle

Selon le Code Civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété
est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est
convenu de la chose et des prix, quoique la chose n’ait pas encore été
livrée ni payée ». Le transfert de propriété s’accomplit ainsi par le seul effet
du contrat, dès l’échange des consentements et sans aucune formalité, tout
au moins en principe. Cette règle, qui s’explique par l’évolution de l’ancien
droit, n’a pas été altérée par la dématérialisation, de sorte que le transfert de
propriété des titres scripturaux, c’est-à-dire des titres inscrits en compte,
s’opérait selon la Cour de cassation, entre les parties, solo consensus,
l’inscription en compte n’étant qu’une formalité d’opposabilité aux tiers.

B. Le fondement de la règle

L’application de ces dispositions peut paraître étonnante car les valeurs


mobilières sont fondamentalement des choses fongibles, des choses de
genre : elles sont interchangeables de sorte qu’on aurait pu appliquer la règle
selon laquelle le transfert de propriété des choses de genre est retardé au
moment de leur individualisation, et donc à celui de leur inscription en
compte. Mais comme les valeurs mobilières, objet d’une négociation, sont
déjà inscrites en compte, leur individualisation est déjà acquise. Aussi,
même si fondamentalement, elles sont fongibles, notamment au sein du
compte où elles sont inscrites, on ne peut pas appliquer la règle gouvernant
le transfert de propriété des choses de genre. Au regard du vendeur, il s’agit
d’un corps certain qu’il vend : les dispositions du Code civil relatives au
transfert solo consensu sont donc applicables. Cette solution rejoint celle où
l’on considère que les valeurs mobilières inscrites en compte forment un bloc
qui est une chose individualisée : en effet, en ce cas, le transfert de propriété
est également immédiat ; il intervient, comme pour les ventes de corps
36

certains, dès l’échange du consentement. Il en est de même si le bloc est


partiellement vendu : la vente partielle demeure une vente d’un bloc de
titres.

2. Inconvénients

A. Principaux inconvénients

L’application de la règle du transfert solo consensu aux négociations


d’instruments dématérialisés n’était pas sans inconvénients pour les
opérations réalisées sur le marché à règlement mensuel, marché à terme.

a) Privation temporaire de la propriété

D’une part, l’inscription en compte n’intervenant qu’en fin de mois, le


vendeur est réputé, à l’égard des tiers, avoir conservé la propriété des
instruments entre la date de négociation et celle de liquidation alors que
l’acheteur était déjà propriétaire desdits instruments dans son rapport avec
le vendeur. Le report de l’inscription en compte en fin de mois avait ainsi
pour conséquence que le véritable propriétaire des instruments se trouvait
temporairement privé de l’exercice des droits qu’il a acquis.

b) Création artificielle d’instruments financiers

D’autre part, comme le vendeur était autorisé à opérer à découvert, la


reconnaissance de la propriété de l’acheteur dès la négociation aboutissait à
créer artificiellement des instruments financiers : l’acheteur était en effet
reconnu propriétaire d’instruments que le vendeur ne possédait pas.

B. Autres inconvénients

A ces inconvénients – privation temporaire de la propriété et création


artificielle d’instruments – propres aux opérations à règlement mensuel, s’en
ajoutaient d’autres pouvant affecter l’ensemble des marchés, y compris les
marchés au comptant : il en était ainsi du défaut de livraison qui se
produisait si le compte de l’intermédiaire acheteur n’était pas crédité alors
que celui de son client l’était, défaut qui pouvait être définitif si
l’intermédiaire ne pouvait pas se substituer à son client défaillant, faute
pour lui de détenir des instruments en nombre suffisant.
37

Cet inconvénient met d’ailleurs l’accent sur l’inadaptation de la règle du


transfert solo consensu de la propriété aux négociations des instruments
dématérialisés.
Cette règle ne tient pas compte du principe du double enregistrement des
instruments – enregistrement dans le compte de l’acheteur tenu par
l’intermédiaire habilité et enregistrement dans le compte de ce dernier – et
des délais que ce double enregistrement implique.
La règle du transfert de propriété par le seul effet du contrat n’élude pas
seulement les contraintes techniques liées à la dématérialisation : elle élude
également celles résultant du processus de marché en particulier le délai
incompressible entre la date de négociation et la date de règlement –
livraison, dû à l’existence de règlement – livraisons sophistiqués.

II. Réformes

Les spécificités évoquées ci-dessus et les inconvénients générés par la règle


du transfert solo consensu de la propriété ont conduit à l’abandon de celle-
ci.
Plusieurs solutions ont été envisagées : on aurait pu exiger que les comptes
de l’acheteur et de son intermédiaire soient crédités en même temps ou
décider que le transfert de propriété résultait de l’inscription dans les livres
du dépositaire central. Toutes ces solutions n’ont pas été retenues.
La règle retenue est que le transfert de propriété résultait en effet du
dénouement irrévocable de l’opération tel que les règles de fonctionnement
du système de règlement – livraison l’avaient fixé. En pratique, le transfert de
propriété résultait d’une inscription dans les livres du dépositaire central.
Section 2. Les offres publiques

§1. Précisions liminaires

I. Notion d’offre publique

Les offres publiques d’acquisition et de vente de valeurs mobilières


constituent des propositions de contracter qui sont normalement fermes de
la part de leurs auteurs : si celles-ci sont acceptées par les détenteurs de
titres ou les investisseurs, les achats ou les ventes sont définitivement
formés.
38

Il s’agit toutefois d’offres de type particulier car elles ne peuvent aboutir à la


conclusion de tels contrats qu’en suivant un certain processus qui se
caractérise par le dépôt d’un projet d’offre, la décision de conformité de
l’offre, la période pendant laquelle il peut y être répondu favorablement
et la clôture de l’offre.

II. Différence entre les offres d’acquisition et les offres de droit


commun

Les offres d’acquisition se différencient des offres de droit commun dans la


mesure où elles comportent un élément de contrainte dérogeant au principe
de la liberté contractuelle consacré par le Code civil : elles peuvent être
imposées à leurs auteurs, ce qui est le cas lorsque ceux-ci ont franchi le
seuil du tiers du capital ou des droits de vote d’une société émettrice ; et les
actionnaires, qui sont en principe libres de vendre leurs titres, peuvent y être
contraints en cas de mise en œuvre de retrait obligatoire, également
dénommé squeeze out : ce retrait réalise leur exclusion de la société.

Les offres d’acquisition présentent ainsi une originalité certaine par rapport
aux offres de vente qui sont toujours volontaires de la part de leurs auteurs
et des investisseurs. La liberté de ces dernières n’est toutefois pas aussi
totale qu’il y paraît puisque l’obligation de déposer un projet d’offre
d’acquisition les concerne si l’offre de vente les conduit à acquérir la quantité
de titres qui la génère.

§2. Les offres publiques d’acquisition

Conçues comme un instrument de prise de contrôle, les offres publiques


d’acquisition, qui peuvent porter tant sur les titres de capital que sur les
titres de créance, se sont diversifiées afin de remplir d’autres fonctions. Elles
permettent ainsi l’acquisition d’une participation minoritaire de titres de
capital, l’élimination des actionnaires minoritaires ou encore la
restructuration des dettes par voie d’offre publique d’échange.
39

I. Les principes directeurs des offres publiques

1. L’égalité des actionnaires

L’égalité des actionnaires s’entend d’une égalité de traitement : tous les


actionnaires doivent être traités de la même façon, ce qui implique que l’on
étend à l’ensemble des actionnaires, à des conditions identiques, une
opération qui ne devait concerner qu’un nombre limité d’actionnaires.
L’égalité des actionnaires implique notamment l’égalité d’information dont la
méconnaissance est sanctionnée notamment par le biais du délit d’initié.

2. La transparence et l’intégrité du marché

L’intégrité du marché renvoie à la répression des délits et manquements


d’initié institués en vue d’éviter qu’une information soit abusivement
exploitée, ce qui est le cas lorsque l’information est utilisée alors que l ‘on est
seul à la détenir.
La transparence du marché postule qu’une information suffisante et de
qualité soit portée tant à la connaissance des actionnaires et de la société
qu’à celle de l’Autorité de régulation des marchés financiers et du public.

La transparence du marché, tout comme l’intégrité, est un objectif


permanent, de sorte que la communication d’information ne peut pas être
limitée à la période d’offre publique : elle doit pouvoir intervenir à tout
moment, indépendamment de toute offre publique.

Sont ainsi prévues, sous peine notamment de privation des droits de vote,
des déclarations en cas de franchissements de certains seuils de
participation dans le capital ou les droits de vote d’une société dont les
actions sont admises aux négociations sur le marché boursier.

3. La loyauté dans les transactions et la compétition

La loyauté implique que l’on agisse avec honneur, probité et droiture. La


déloyauté s’entend comme une entrave au libre jeu des offres et des
surenchères par le recours à des manœuvres ou moyens détournés mis en
œuvre dans des conditions illicites, occultes ou frauduleuses.
40

Le libre jeu des offres et des surenchères postule l’égalité des compétiteurs,
également dénommé principe de liberté de compétition, leur inégalité
faussant ce libre jeu.

II. Principes complémentaires

Les principes énoncés ci-dessus sont insuffisants pour expliquer les


dérogations à l’obligation de dépôt d’un projet d’offre publique qui repose sur
l’équité. Il en est de même du principe de modification du contrat
d’investissement qui explique les offres publiques de retrait.

1. L’équilibre entre obligations des uns et droits des autres

L’équilibre impose en effet la mise à l’écart de l’obligation de dépôt d’un


projet d’offre publique lorsque la protection des actionnaires minoritaires a
été assurée autrement : tel est le cas si une assemblée générale
d’actionnaires est intervenue dans le cadre de l’opération a priori génératrice
d’une offre obligatoire. L’équité, qui est également prise en considération
dans la détermination du prix d’offre, paraît ainsi comme un principe
complémentaire au principe d’égalité et destiné à atténuer les effets trop
rigoureux de l’obligation posée.

2. Le principe de modification du contrat d’investissement : source de droits


pour les actionnaires minoritaires

Les offres publiques de retrait ne peuvent en effet pas être justifiées par le
principe d’égalité puisqu’aucun changement de contrôle n’intervient. Il est
néanmoins procédé à des modifications substantielles – par exemple la
transformation de la société anonyme en société en commandite par actions
– qui affectent la situation des minoritaires et donc le contrat
d’investissement qui les lie aux actionnaires majoritaires : ces modifications
justifient que l’on leur reconnaisse un droit de sortie de la société.
41

III. Les modalités techniques

L’action de concert constitue une modalité technique des offres publiques


tout aussi essentielle que le prix d’acquisition.

1. L’action de concert

A. Notion

Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu
un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue
d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de
la société.

B. Dualité d’accords

Deux types d’accords sont visés : l’un concerne le transfert des droits de
vote tandis que l’autre est relatif à leur exercice. Mais ceux-ci sont soumis
à une même condition : la mise en œuvre d’une politique vis-à-vis de la
société, c’est-à-dire d’une stratégie, d’une action que les concertistes
déterminent ensemble pour la réalisation d’objectifs vis-à-vis de la société :
par exemple, la conservation du pouvoir ou encore le maintien de la cohésion
du noyau d’actionnaires dans l’objectif de garantir la continuité et la
pérennité des orientations stratégiques de l’entreprise.
Ainsi finalisée, l’action de concert peut se déduire de clauses aussi diverses
que les clauses de préemption, d’inaliénabilité, de sortie conjointe et de non-
dilution. Elle peut encore résulter d’accords, qui, sans transférer des droits
de vote, organisent une concertation préalable au vote ou à une gestion
commune des droits de vote par la mise en place d’une structure adaptée,
par exemple une société en participation constituée pour gérer les droits de
vote apportées par ses membres.
2. Le prix d’acquisition
A. Problématique
La question du prix est une question commune à l’ensemble des offres
publiques d’acquisition de titres de capital.
En toutes hypothèses, le prix doit être suffisamment attractif afin d’assurer
le succès de l’offre et d’éviter les risques de contestation des actionnaires
42

sans que toutefois la générosité de l’initiateur ne le conduise à payer trop


cher la société cible. Inversement, le prix ne doit pas être trop bas, ce qui
serait de nature à décourager les actionnaires de vendre et permettrait ainsi
à l’initiateur de l’offre de contourner le dispositif des offres publiques
obligatoires et des offres de retrait initiées à la demande des minoritaires.

B. Fixation du prix

a)La méthode multicritère

La fixation du prix était classiquement dominée par la méthode dite


multicritère.
Aujourd’hui, l’initiateur est libre de déterminer le prix comme il le souhaite,
ce qui implique que le prix peut être déterminé autrement qu’en tenant
compte d’une pluralité de critères.
On peut toutefois se demander si cette liberté est aussi grande qu’il y paraît
parce que la méthode multicritères est prise en compte dans la note
d’information de l’initiateur : le projet de note d’information doit en effet
préciser, en ce qui concerne la teneur de l’offre, le prix ou la parité proposés,
en fonction des critères d’évaluation objectifs usuellement retenus, des
caractéristiques de la société visée et du marché de ses titres.

b) Offres obligatoires

Les offres publiques obligatoires sont soumises à une règle de prix simple : le
prix de l’offre est en effet fixé à partir d’un seul critère : le prix le plus élevé
payé par l’offrant (ou par les personnes agissant de concert avec lui).
La méthode multicritère n’est toutefois pas totalement exclue puisqu’elle
peut être retenue, mais uniquement dans certaines circonstances par
exemple le sauvetage d’une entreprise en détresse.

c)Retrait obligatoire

En matière de retrait obligatoire, l’évaluation des titres tient compte, selon


une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des
bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l’existence de filiales et des
perspectives d’activité.
43

Ces critères ne sont ni impératifs, ni limitatifs : le recours à des critères


complémentaires est possible. On peut ainsi retenir des évaluations
financières réalisées en dehors de toute opération ou dans le cadre
d’opérations financières récentes. Les critères retenus doivent être ceux qui
sont les plus pertinents pour la société cible, ce qui implique de vérifier leur
adéquation avec la société à évaluer.
Ils doivent par ailleurs faire l’objet d’une pondération, ce qui implique que
l’on donne à chaque critère une place proportionnelle à son importance
réelle.

d) Garantie de cours

La garantie de cours oblige l’acquéreur du bloc de contrôle à se porter


acheteur de « tous les titres présentés à la vente au prix auquel la cession
des titres a été ou doit être réalisée, et seulement à ce cours ou à ce prix ».

§2. Les offres publiques de vente

I. Idée générale

Les offres de vente apparaissent comme « l’image inversée » des offres


d’acquisition, l’objet de l’offre n’étant plus une acquisition, mais une vente de
titres déjà admis aux négociations. Elles font également écho à celles mises
en œuvre dans le cadre d’une introduction en bourse des titres non encore
admis aux négociations.

II. Quantité à céder

Elles ne peuvent être mises en œuvre que si une quantité minimale de titres
est à céder. L’offre de vente doit porter sur une quantité de titres
représentant soit 10% au moins du nombre de titres de capital de même
valeur de la société concernée.

III. Prix de vente

Le prix de vente peut être ferme ou seulement déterminable, seules les


modalités de fixation du prix étant fixées lors de l’ouverture de l’offre, le prix
définitif l’étant postérieurement à sa clôture.
44

IV. Projet d’offre


A l’appui du projet d’offre de vente doit être déposé un dossier qui précise
l’objectif poursuivi par l’initiateur, le nombre et la nature des titres mis en
vente, le prix ou les modalités de fixation du prix, les conditions de paiement
de ce prix et, le cas échéant, le nombre minimal d’instruments financiers qui
doivent être effectivement vendus par l’initiateur pour que son offre ait une
suite positive.

V. Contrôle

L’autorité de marché doit viser les notes d’information, elle n’apprécie pas la
recevabilité de l’offre de vente qui relève de la compétence de l’entreprise de
marché.

VI. Procédure

En cas de recevabilité de l’offre, un avis précisant l’identité de l’initiateur, le


nombre d’instruments financiers offerts, le prix ou les modalités de prix et
les conditions de réalisation de l’offre nécessaires à l’information du public
est publié. A l’issue de la réalisation de l’offre de vente, le résultat de l’offre
est publié aussi.

VII. Réponse à l’offre

Les investisseurs qui veulent répondre favorablement à l’offre doivent donner


des ordres qui sont limités au prix d’offre si ce prix est déjà définitivement
fixé ou être exprimé dans les termes de l’avis de recevabilité si seules les
modalités de fixation ont été fixées, le prix définitif l’étant à l’issue de l’offre.
45

CHAPITRE IV. LES INFRACTIONS LIEES A L’INTERVENTION SUR LES


MARCHES FINANCIERS : LES ABUS DE MARCHE
Il y a un droit commun qui s’applique tant aux prestataires de services
d’investissement qu’aux émetteurs et investisseurs. Il s’agit de la répression
des abus de marché. Cette répression emprunte deux formes, l’une pénale,
l’autre administrative.

Section 1. Les infractions

Les opérations d’initié comme la manipulation de marché constituent à la


fois des délits financiers sanctionnés par les tribunaux et des manquements
administratifs sanctionnés par l’Autorité de régulation des marchés publics.

§1. Les opérations d’initié

Les pays dotés d’un marché financier se sont aujourd’hui organisés pour
lutter contre les opérations d’initiés. Cette lutte prend d’abord la forme d’un
dispositif de prévention des opérations d’initié. La sanction consomme
l’échec de la prévention. Elle prend la forme d’une double incrimination,
pénale (délits) et administrative (manquement d’initié).

I. Les délits

La détention d’une information privilégiée est à l’origine de deux types de


délits : le délit d’initié proprement dit, le plus grave et le plus sévèrement
puni et le délit de communication d’information privilégiée.

1. Le délit d’initié

A. Personnes punissables

Les personnes morales, comme les personnes physiques tombent sous le


coup de la répression pénale du délit d’initié. Elles peuvent être condamnées
en qualité d’auteur du délit, mais aussi de complice.

a) L’auteur du délit

L’auteur du délit, autrement dit « l’initié », est défini à partir d’une distinction
entre trois catégories : les initiés primaires, les initiés secondaires, et les
outsiders.
46

1° Les initiés primaires


Les initiés primaires ou « de première min » ou encore « par nature » sont les
« dirigeants d’une société », c’est-à-dire les présidents, directeurs généraux,
membre du directoire d’une société, les personnes physiques ou morales
exerçant dans cette société les fonctions d’administrateur ou de membre du
conseil de surveillance ainsi que les représentants permanents des
personnes morales qui exercent ces fonctions.

2° Les initiés secondaires

•- Définition

Les initiés secondaires sont définis comme les personnes qui, à l’occasion de
leur profession ou de leurs fonctions, disposent d’informations privilégiées.
La catégorie est très large.

•- Personnes visées

Elle comprend tout d’abord ceux qui sans exercer de fonctions de direction
travaillent dans la société dont les titres ont été négociés. Elle comprend
ensuite, toutes les personnes extérieures à la société dont les fonctions ont
cependant un lien direct ou indirect avec la société : liquidateur, journaliste,
architecte, banquier, actuaire, mais aussi commissaire aux comptes, expert,
avocat, conseil…
Dans ces différents cas, on peut considérer que pèse sur ces personnes une
obligation de loyauté d’origine contractuelle ou d’ordre déontologique qui
interdit l’exploitation dans un intérêt personnel d’informations obtenues
dans le cadre professionnel. L’obtention de l’information peut résulter de
l’accès à certains documents ou « d’un fait matériel fortuit ou encore d’une
confidence » dès l’instant où elle est intervenue à l’occasion de l’exercice
d’une profession. Encore faut-il rapporter la preuve de la connaissance par
ces personnes de l’information privilégiée. En matière pénale, le juge peut
former son intime conviction à partir des différents indices.
47

3° Les outsiders

Le champ d’application du délit a été étendu à toute personne qui, en


connaissance de cause, possède une information privilégiée.

b) Les complices

Lorsqu’une personne agit comme prête-nom de l’initié, elle peut être


condamnée pour complicité de délit d’initié. Il en sera ainsi de la personne
interposée dès lors qu’elle aura conscience de permettre à l’initié d’exploiter
une information privilégiée.

B. Comportements délictueux

a) Réalisation d’une opération

Est appréhendé le fait pour ces personnes d’avoir réalisé ou permis de


réaliser une ou plusieurs opérations. Le délit d’initié n’est pas consommé par
la seule détention ou communication d’une information privilégiée ; il faut
que des opérations aient été réalisées.

Les opérations litigieuses doivent avoir été réalisées avant que le public ait
eu connaissance de l’information détenue par l’initié. Pour apprécier cette
condition, on prend en compte l’interprétation jurisprudentielle du caractère
confidentiel de l’information, dans le cadre de la qualification de
l’information privilégiée.

b) Information privilégiée

Une information privilégiée est d’abord une information, c’est-à-dire la


connaissance d’un événement, d’un fait. Cette connaissance du fait doit
provenir de l’extérieur.

Pour être privilégiée, cette information doit présenter quatre caractères


dégagés par la jurisprudence : elle doit être précise, confidentielle, de nature
à influer sur le cours de la valeur, et déterminante des opérations réalisées.

1° Le caractère de précision

Le caractère de précision est un élément constitutif de la définition de


l’information en ce qu’il permet de distinguer l’information de la rumeur.
48

Les renseignements doivent être suffisamment précis pour être


immédiatement exploités sur le marché.

2° Le caractère de confidentialité

L’information n’est privilégiée qu’autant qu’elle est confidentielle, c’est-à-dire


inconnue du public. Ce caractère est délicat à apprécier. Que décider par
exemple lorsque l’information a été publiée de manière fragmentaire dans un
périodique « au tirage limité et d’audience restreinte », ou encore lorsque
l’initié n’est pas seul à connaître l’information mais que celle-ci n’est détenue
que par un nombre très limité de personnes par rapport à l’ensemble des
partenaires du marché ?

3° Le caractère sensible

L’information n’est privilégiée que si elle est une information sensible, c’est-
à-dire de nature, si elle était rendue publique, à influer sur le cours de telle
valeur ou de tel contrat de marché financier.

4° Le caractère déterminant

Les informations doivent être déterminantes des opérations réalisées. La


preuve du caractère déterminant doit être rapportée par l’accusation et le
doute profite à l’accusé.

C. L’élément moral

Un élément moral – la conscience de l’auteur de violer la règle – doit être


établi. Les tribunaux considèrent que l’élément existe dès lors que le prévenu
savait qu’il bénéficiait d’une information privilégiée et a entendu l’utiliser ou
la communiquer.

2. Le délit de communication d’information privilégiée

Les éléments constitutifs de ce délit empruntent beaucoup au délit d’initié.


Ainsi, les personnes punissables comme l’information privilégiée sont
définies dans les mêmes termes.
La différence avec le délit de communication abusive constitutif du délit
d’initié tient à l’absence d’opérations réalisées sur le fondement des
informations ainsi communiquées.
49

Le seul élément matériel constitutif du délit de communication d’information


privilégiée est la transmission de l’information à un tiers. Si cette
transmission aboutit à une opération réalisée par le tiers, le délit d’initié est
alors caractérisé.

II. Le manquement d’initié

L’utilisation d’informations privilégiées n’est pas seulement une infraction


pénale. Elle est aussi un manquement administratif, sanctionnée par
l’autorité de régulation.
On s’attachera au domaine et aux éléments constitutifs du manquement.
1. Le domaine
Le domaine du manquement est défini à partir de trois éléments : les
instruments, les opérations et les personnes.

A. Les instruments

Les instruments concernés sont ceux qui sont admis aux négociations ou
pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée.

B. Les opérations

Lorsque l’instrument est coté sur un marché réglementé, peu importe que
l’opération litigieuse ait été réalisée sur ou hors marché.
Lorsque l’instrument est admis aux négociations sur un système multilatéral
de négociation organisé, il semble que seules les opérations réalisées sur le
système peuvent être appréhendées.
C. Les personnes
Les personnes punissables sont définies en deux temps :
a) Le premier cercle
Un premier cercle comprend toute personne qui détient une information
privilégiée en raison de :
1° sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de
gestion ou de surveillance de l’émetteur ; sans que soit précisé ce qu’il
faut comprendre par « organe de gestion »,
50

2° sa participation dans le capital de l’émetteur ; autrement dit les


actionnaires, sans qu’un seuil de participation dans le capital de
l’émetteur ait été fixé,
3° son accès à l’information du fait de son travail, de sa profession ou de ses
fonctions, ainsi que de sa participation à la préparation et à l’exécution
d’une opération financière ; sans plus distinguer entre celles qui exercent
leurs fonctions au sein de l’émetteur et les autres,
4° ses activités susceptibles d’être qualifiées de crimes ou de délits.

b) Le deuxième cercle

Un second cercle est composé de toute personne détenant une information


privilégiée et qui sait ou qui aurait dû savoir qu’il s’agissait d’une
information privilégiée. Les Autorités compétentes sont invitées à déterminer
ce qu’une personne normale et raisonnable sait ou aurait dû savoir compte
tenu des circonstances.
La différence entre les niveaux a une portée probatoire : la preuve de la
connaissance du caractère privilégié de l’information par les personnes du
second cercle doit être rapportée, alors que les personnes du premier cercle
sont présumées avoir des connaissances du caractère privilégié de
l’information.
Lorsque l’une de ces personnes est une personne morale, les personnes
physiques qui participent à la décision de procéder à l’opération pour le
compte de cette personne morale sont également inclues dans le cercle des
personnes punissables.

2. Les éléments constitutifs

Les éléments constitutifs du manquement d’initié sont d’abord des éléments


matériels : la détention d’une information privilégiée et l’utilisation de cette
information. Au-delà des éléments matériels, le manquement suppose
l’existence d’un élément moral.
51

A. Les éléments matériels

a) La détention d’une information privilégiée

1° Définition d’une information privilégiée

La définition de l’information privilégiée est ici différente de celle qui est


retenue en matière pénale. On retrouve l’idée que l’information privilégiée est
d’abord un renseignement et non un savoir. Au-delà, l’objet de l’information
comme les caractères de confidentialité, de précision et de sensibilité sont
définis différemment.

2° Précisions complémentaires

- L’objet de l’information

L’objet de l’information privilégiée est défini en termes très généraux :


l’information concerne directement ou indirectement un ou plusieurs
émetteurs ou un ou plusieurs instruments financiers.

- La confidentialité

La confidentialité est exprimée par la périphrase : « qui n’a pas été rendue
publique ». Des rumeurs ne suffisent pas à conférer à l’information un
caractère public.
- La précision
Une information est réputée précise s’il est fait mention d’un ensemble de
circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de
se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet
possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des
instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur
sont liés. La précision s’oppose ici à la rumeur ou à la spéculation au sens
de supputation. L’information n’a pas besoin d’être complète pour être
précise ; chaque stade d’une même opération financière peut constituer une
information privilégiée sans qu’il soit nécessaire d’attendre la finalisation de
l’opération.
52

- La sensibilité
La sensibilité est délicate à apprécier.
- Deux approches
Dans une première approche, la sensibilité apparaît comme un élément
quantitatif, il y aurait un « seuil de sensibilité » sur le cours, en deçà duquel
l’information ne serait pas considérée comme privilégiée.
Dans une deuxième approche, on définit le caractère sensible à partir du
« test de l’investisseur raisonnable », revenant d’une certaine manière à une
appréciation qualitative de la sensibilité plus proche de celle qui est
utilisée en matière pénale : « l’information qu’un investisseur raisonnable
serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions
d’investissement.
- Synthèse
On comprend bien que les deux définitions sont liées : c’est parce que
l’information est de celles qu’un investisseur raisonnable serait susceptible
d’utiliser comme l’un des fondements de sa décision, qu’elle est susceptible
d’avoir une influence sensible sur le cours et vice-versa. Il n’est pas sûr
toutefois que la démarche probatoire soit la même dans les deux cas. Le test
de l’investisseur raisonnable ne complique-t-il pas l’administration de la
preuve ?

2° Détention de l’information privilégiée

Il ne suffit pas que l’Autorité de régulation puisse caractériser l’existence


d’une information privilégiée dans la société pour pouvoir mettre en cause
les personnes ayant effectué des opérations sur les instruments auxquels
cette information se rapporte. L’autorité de régulation doit rapporter la
preuve que l’auteur des opérations était bien en possession de l’information.

L’autorité de régulation considère la détention de l’information privilégiée


doit être établie, à l’égard des personnes mises en cause, soit par une preuve
tangible, soit, à défaut, par un faisceau d’indices concordants desquels il
résulte que seule la détention de l’information privilégiée peut expliquer les
opérations auxquelles la personne mise en cause a procédé ; le recours à
cette méthode du faisceau d’indices ne requiert pas la démonstration
53

préalable de l’impossibilité d’obtenir une preuve tangible de la transmission


ou de l’exploitation de l’information.
Le juge a eu l’occasion de préciser que si la détention de l’information
privilégiée peut être démontrée, à défaut de preuve directe, par un faisceau
d’indices graves, précis et concordants, sans qu’il soit nécessaire d’établir
précisément les circonstances dans lesquelles l’information privilégiée est
parvenue jusqu’à la personne qui l’a exploitée, encore faut-il que le
rapprochement de ces indices l’établisse sans équivoque.
La preuve sera facilitée par les mécanismes de prévention tels que
l’établissement des listes d’initiés, ou la déclaration par les dirigeants de
leurs transactions. Lorsque l’initié est un dirigeant de l’entreprise, la
connaissance de l’information pourra s’induire de sa fonction même.

b) La recommandation, la communication, l’utilisation

Trois comportements sont sanctionnés au titre de manquement d’initié :


l’utilisation de l’information privilégiée, la communication de cette
information et la recommandation effectuée sur le fondement de cette
information.
1° La recommandation
Il est interdit de recommander à une autre personne d’acquérir ou de céder,
ou de faire acquérir ou céder par une autre personne, sur base d’une
information privilégiée, les instruments financiers auxquels se rapportent
cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments
sont liés.
2° La communication
Le deuxième comportement est la communication de cette information à une
autre personne en dehors du cadre normal de son travail, de sa profession
ou de ses fonctions ou à des fins autres que celles à raison desquelles elle lui
a été communiquée.
La communication d’information privilégiée, qu’elle ait abouti ou non à la
réalisation d’une opération, est sanctionnée au titre du manquement d’initié.
Il n’existe pas, en matière administrative d’infraction spécifique pour une
communication d’information n’ayant pas été suivi d’opérations.
54

3° L’utilisation
Le comportement le plus fréquemment sanctionné au titre des manquements
d’initié, et le plus délicat à cerner est l’utilisation de l’information privilégiée
par l’initié.
Le comportement litigieux est défini très largement ; il est constitué a
minima, par une tentative d’opérations. Au-delà de cet élément objectif –
l’opération –, faut-il caractériser l’utilisation ? La question est au cœur du
débat.
- Une opération ou une tentative d’opération
Le comportement appréhendé est défini en termes très larges : une tentative
d’achat ou de vente ou des achats ou des ventes, pour compte propre ou
pour compte d’autrui, directement ou indirectement, portant sur les
instruments financiers auxquels se rapporte l’information ou des
instruments auxquels ces instruments sont liés.
Sont donc appréhendés, tant les transactions que les ordres. La question de
savoir si l’ordre doit être annulé par son auteur si, avant qu’il ne soit devenu
irrévocable, celui-ci vient à détenir une information privilégiée est délicate.
La transaction elle-même sera réalisée en possession de l’information.
Ces tentatives ou ces opérations sont constitutives du manquement qu’elles
soient réalisées pour compte propre ou pour compte d’autrui, directement ou
indirectement.
- « L’utilisation » de l’information
Pour qu’une opération soit qualifiée d’opération d’initié prohibée, est-il
suffisant qu’un initié en possession d’une information privilégiée effectue
une opération de marché sur les instruments financiers auxquels se
rapporte cette information ou est-il, en outre nécessaire d’établir que cette
personne a « utilisé » cette information ?
La question est controversée. Alors même qu’il y aurait utilisation de
l’information – opération influencée par l’information détenue – cette
utilisation serait-elle nécessairement constitutive d’une opération d’initié ?
La réponse affirmative ne faisait aucun doute jusqu’à ce que la Cour de
Justice de l’Union européenne introduise la distinction au sein des
55

utilisations, les utilisations légitimes des utilisations indues de l’information,


seules constitutives d’une opération d’initié.
B. L’élément moral
Au-delà des éléments matériels, le manquement objectif ? Plus précisément,
le manquement requiert-il la connaissance de l’initié du caractère de
privilégié de l’information et, partant, la conscience d’enfreindre la règle ?
La réponse est affirmative pour les initiés du second cercle. Ils ne sont initiés
que s’ils détiennent une information privilégiée et qu’ils savent ou devraient
savoir qu’il s’agit d’une information privilégiée. On retrouve ici la démarche
du législateur en matière pénale : le ministère public doit rapporter la preuve
soit de l’intention coupable soit de la faute d’imprudence ou de négligence.
En revanche, qu’en est-il des initiés du premier cercle ? Sont-ils
irréfragablement présumés avoir conscience du caractère privilégié de
l’information ? L’autorité de régulation paraît considérer qu’à l’égard de ces
initiés « primaires », le manquement est purement objectif, dans la mesure
où seule la force majeure ou la contrainte sont aujourd’hui de nature à
exonérer la personne mise en cause.
§2. Les manipulations de marché
Les manipulations de marché faussent le processus de formation du prix,
soit en altérant les informations disponibles, soit en distordant l’offre ou la
demande.
Ce n’est plus la loi du marché qui s’exprime, mais la volonté du ou des
manipulateurs. On regroupe sous l’appellation « manipulations de marché »,
deux types de pratiques : les manipulations de cours et la diffusion de
fausses informations. Ces infractions financières sont sanctionnées
pénalement et administrativement.
I. La manipulation de cours
1. Le délit
A. L’élément matériel
L’élément matériel du délit consiste dans l’exercice ou la tentative d’exercice
d’une manœuvre susceptible d’entraver le fonctionnement régulier du
marché et d’induire autrui en erreur.
56

En premier lieu, il faut une « manœuvre » c’est-à-dire plus qu’un mensonge :


des moyens, des agissements, quelque chose d’organisé, de dissimulé.
En deuxième lieu, cette manœuvre doit être de nature à entraver le
fonctionnement d’un marché d’instruments financiers. Les termes généraux
de la loi invitent à penser qu’il est indifférent qu’il s’agisse d’un marché
réglementé ou de gré à gré.
En troisième lieu, il faut que cette manœuvre soit susceptible d’induire
autrui en erreur.
Le législateur a plus précisément voulu viser quatre types d’opérations :
- « celles qui consistent à créer par des ventes à découvert des
mouvements de baisse important du cours des actions d’une société, non
motivés par la situation de la société, suivis de rachats d’une quantité
plus importante de titres à un cours trop bas, le profit étant réalisé
lorsque les cours remontent à un niveau normal ;
- celles qui consistent à procéder à la même opération par la diffusion de
nouvelles ou de rumeurs, ou par des offres de vente situées
systématiquement très près du niveau des transactions en baisse afin
d’accélérer la baisse ;
- celles qui consistent encore à réaliser le même type d’opération de façon
à bénéficier des positions antérieurement prises sur le marché des
options ;
- et celles qui consistent à faire monter par rachat ou procédé équivalent –
comme dans les deux exemples précédents – à la hausse des cours d’un
titre avant l’émission de titres de capital de façon à majorer le prix offert
par rapport au prix qu’exigerait un marché normal. »

B. L’élément moral

Les agissements ne peuvent être appréhendés que s’ils ont pour objet
d’entraver le fonctionnement du marché en induisant autrui en erreur.
« Avoir pour objet » marque la mesure du délit : il s’agit d’un délit formel – il
est indifférent que la manœuvre ait abouti ou échoué -, il faut que la
manœuvre ait été réalisée en vue d’entraver le fonctionnement du marché en
induisant autrui en erreur.
57

En pratique, le dol à prouver est l’intention de fausser le fonctionnement du


marché. Cette preuve résultera de la nature de la manœuvre utilisée, de
l’intérêt personnel que la personne pouvait en escompter…
L’absence d’intention d’induire autrui en erreur jouera comme un fait
justificatif.

2. Le manquement de manipulation de cours

A. Position du problème

L’établissement des cours sur le marché devrait résulter de la libre


confrontation des ordres d’achat et de vente ; dès lors, les ordres transmis
sur le marché ne devraient pas avoir pour objet d’entraver l’établissement du
prix sur ce marché ni d’induire autrui en erreur.
Cependant, des pratiques constitutives de manipulations de cours existent.
Il est difficile de donner une définition générale du manquement de
manipulation de cours ; tout au plus, peut-on énumérer une liste de
comportements et d’exemptions.
A. Les pratiques constitutives de manquement de manipulations de
cours
Le manquement est constitué lorsque sont constatés des opérations ou des
ordres dont l’objet ou l’effet est d’entraver la fixation du prix par le
fonctionnement régulier du marché.
Pour qu’il y ait manquement de manipulation de cours, il faut que des
opérations aient été réalisées ou des ordres émis. La manipulation par la
seule diffusion d’une fausse information ne relève pas de la manipulation de
cours.
Ces interventions doivent avoir pour objet ou pour effet d’entraver la fixation
du prix par le fonctionnement régulier du marché. Les pratiques dont les
raisons sont légitimes sont exclues du manquement.
58

B. Les exemptions
Deux pratiques sont préservées de la qualification de manquement de
manipulation de cours en raison de leur intérêt économique : il s’agit des
opérations sur actions propres effectuées dans le cadre de programmes
de « rachat » et aux mesures de stabilisation d’un instrument financier.

II. La diffusion de fausse information

1. Le délit

A. L’élément matériel
L’élément matériel du délit est constitué d’une part, par la nature des
informations et d’autre part, par la diffusion des informations.
a) La nature des informations
L’information appréhendée est définie par son objet et son caractère.

1° Une information de nature à agir sur les cours

En premier lieu, à l’instar de l’information privilégiée, l’information fausse ou


trompeuse doit porter sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont
les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives
d’évolution d’un instrument financier admis sur un marché réglementé. Il
s’agit d’une information « sensible », de nature à agir sur les cours.

2° Une information inexacte

En second lieu, l’information diffusée doit être fausse – c’est-à-dire inexacte –


ou trompeuse, ce qui doit permettre d’incriminer la diffusion d’informations
qui, sans être inexactes, sont présentées de telle manière qu’elles sont
susceptibles d’induire en erreur leurs destinataires.

b) La diffusion de l’information

L’information doit avoir été répandue dans le public par un moyen


quelconque. La formule appelle deux précisions : quant à la diffusion d’une
part, et quant aux destinataires d’autre part.
59

1° La diffusion

Quant à la diffusion, seul « le fait de répandre », c’est-à-dire, l’acte de


commission, est appréhendé, et non le fait de laisser se répandre une fausse
information sans la démentir. La jurisprudence a pu considérer en effet
« qu’il ne pèse sur les émetteurs aucune obligation de contrôler les
informations que la presse choisit de publier, en dehors de tout communiqué
de l’émetteur » : l’absence de démenti ne pouvant donner lieu à une sanction
administrative, a fortiori, il ne peut être sanctionné pénalement.

2° Les destinataires

Quant aux destinataires de l’information, la notion de « public » est malaisée


à interpréter. L’information diffusée dans le public est-elle celle qui a perdu
son caractère confidentiel ? La question ne peut être résolue qu’au regard de
la finalité de la prohibition. C’est un intérêt général qu’on entend protéger :
le fonctionnement du marché financier et non les destinataires de
l’information qui pourront tenter d’agir en réparation sur le fondement de la
responsabilité délictuelle. Dès lors ne doit être appréhendée qu’une diffusion
pouvant avoir un impact sur les cours, soit en raison de la qualité des
destinataires de l’information, soit en raison de leur quantité ; aussi, la
diffusion auprès d’une seule personne, dont la surface financière serait telle
qu’elle pourrait, en intervenant sur le marché, faire évoluer le cours des
titres, devrait-elle être sanctionnée.

B. L’élément moral

A côté de l’élément matériel, est requis en élément moral. L’information


trompeuse doit avoir été « sciemment » diffusée dans le public.

2. Le manquement

A. L’élément matériel

Le manquement suppose la diffusion de fausse information.


Sont visées les informations, qui donnent ou sont susceptibles de donner
des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments
financiers ou encore des informations inexactes, imprécises ou trompeuses
sur des instruments financiers.
60

Le comportement appréhendé est le fait de transmettre l’information. Le


support utilisé est indifférent.

B. L’élément moral

Le manquement de diffusion de fausse information, suppose que soit


rapportée la preuve d’un double élément psychologique : la connaissance par
le diffuseur du vice affectant l’information ou, au-delà de la connaissance
effective, le fait qu’il ne pouvait pas ne pas le connaître, et la conscience de
l’auteur d’enfreindre la règle. Quant à la communication de fausse
information, l’émetteur et son dirigeant sont présumés connaître le caractère
fallacieux de l’information et il n’est pas nécessaire de prouver qu’ils ont agi
en connaissance de cause.

Section 2. La répression

La répression des abus de marché est multiple.


Les abus de marché sont des manquements sanctionnés
administrativement par l’Autorité de régulation des marchés.
La même autorité peut prononcer à l’encontre des prestataires de services
financiers une sanction disciplinaire.

Les abus de marché sont également des infractions pénales et des fautes
civiles obligeant leur auteur à réparation lorsqu’elles sont à l’origine d’un
préjudice.
61

TITRE II. BANQUES ET AUTRES INSTITUTIONS FINANCIERES


Les banques sont des institutions financières qui acceptent les dépôts et qui
font des crédits. Sont incluses sous le terme de « banques » les sociétés telles
que les banques commerciales, les caisses d’épargne, les coopératives
d’épargne1. Les banques sont les intermédiaires financiers avec lesquels un
particulier est le plus souvent en relation.
Une personne ayant besoin d’un prêt pour acheter une maison ou une
voiture l’obtient généralement d’une banque. Dans les pays riches, la quasi-
totalité de la population a au moins un compte en banque, et la plupart des
gens conservent une partie de leur richesse financière dans les banques
sous forme de comptes bancaires, de comptes d’épargne ou d’autres types de
dépôts bancaires.
Comme les banques sont les intermédiaires financiers les plus imposants,
elles méritent la plus grande attention. Cependant, d’autres institutions
financières comme les compagnies d’assurances, les sociétés financières et
les banques d’affaires ont grandi. On doit également les prendre en compte.

1
La loi bancaire congolaise opère cependant une distinction.
62

CHAPITRE I. LES BANQUES ET LES OPERATIONS DE BANQUE

Section 1 : Notions élémentaires sur les banques

§1. La profession bancaire

I. Définition

Le banquier est un commerçant qui spécule sur l’argent et le crédit et ne


contribue pas directement à la production, à la circulation ou à la
distribution des richesses, mais il aide les industriels et les commerçants
dans leur exploitation. Les banquiers ont été appelés les « agents du crédit ».
Ce sont des auxiliaires dont le concours est devenu indispensable et qui
exercent aujourd’hui une influence de premier plan dans tous les secteurs
de la vie économique.
Les anciens banquiers, personnes privées, qui autrefois, opéraient avec leurs
propres capitaux, ont dû céder la place aux grandes sociétés dont la
puissance a inquiété l’Etat. D’où une transformation de la profession et
même une substitution de l’Etat aux exploitants privés pour l’exercice de la
banque.
Le code de commerce répute acte de commerce « toute opération de change,
banque et courtage ». Les banquiers sont donc des commerçants, ce
commerce a été libre pendant un temps. Il est aujourd’hui réglementé par la
loi.
II. Historique
1. Les banquiers dans l’Antiquité
Dès l’invention de la monnaie, il s’est trouvé des commerçants qui ont eu
l’idée de tirer profit des prêts et du transport d’argent. Les historiens ont
trouvé à Babylone, en Egypte, en Phénicie, des traces de ces pratiques. Dans
la Grèce Antique, les banquiers ont joué un rôle très important.
Les textes romains donnent des renseignements plus précis sur l’activité des
« argentarii », à la fois changeurs, dépositaires et prêteurs de fonds, parfois
collecteurs d’impôts. Ils étaient placés sous le contrôle du préfet de la ville et
assez souvent s’associaient pour l’exploitation de leur commerce. Les
nécessités du commerce de l’argent entraînèrent la modification de certaines
règles de droit civil : le foenus comportant une stipulation d’intérêts
63

substitué à l’ancien mutum : le cautionnement réalisé par le récepteur


argentariorum, la compensation obligatoire, le contrat formé par
transcription. Mais on sait que les romains ne connaissaient pas un droit
commercial autonome. Toutes les règles étaient dans le droit civil.

2. La banque au Moyen-Âge

On peut dater du 12ème siècle la renaissance du commerce en Europe. Le


caractère international de ce commerce devait nécessairement entraîner une
floraison des opérations de banque et de change. Les banquiers retrouvent
les opérations faites par les argentarii romains, ils les perfectionnent en
créant des titres nouveaux, notamment la lettre de change, instrument de
transport d’argent et moyen de crédit.

Les grandes cités italiennes, les Flandres, les Pays-Bas voient circuler des
monnaies et des traites de tous les pays. Sans doute, l’Eglise condamne le
prêt à intérêt et la spéculation, mais les Juifs n’ont pas à obéir à ses
commandements : en France, en Italie, en Angleterre, ils s’adonnent au
commerce de l’argent, malgré les confiscations et les expulsions qui souvent
les atteignent.
D’ailleurs, l’Eglise fut bien obligée de tolérer certaines opérations, d’autant
que les croisades nécessitaient de nombreux appels de fonds. Les templiers
devinrent les banquiers des croisades et aussi ceux des rois. Les monastères
même pratiquent le crédit. Les premiers banquiers italiens furent de
modestes changeurs (campsores, cambiatores). Quand leur situation
s’améliora, ils se dirent banchieri. C’est le nom qui est resté : il vient du banc
primitif du changeur. Souvent, les banquiers constituent des sociétés
familiales. Ils sont naturellement groupés dans une corporation.
A côté de ces banquiers privés, certaines villes créent des montes chargés de
recevoir les capitaux des emprunts forcés et les faisant fructifier par le prêt à
intérêt.
3. La création des banques modernes
Aux 15e et 16e siècles, la découverte du nouveau monde, la création de
nouvelles routes maritimes, des grandes foires, les appels des souverains au
crédit, transforment l’économie.
64

La doctrine de l’Eglise sur le caractère illégitime du prêt à intérêt est


combattue à la fois par Calvin et par les romanistes. Les manieurs sont
souvent de grands seigneurs ou des amis et banquiers des princes. D’autre
part, les foires attirent les marchands et donnent lieu à de nombreuses
opérations de change.
Mais il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour voir la création d’une
caisse d’escompte en 1776, d’une caisse des comptes courants en 1796. Ces
grandes banques n’ont pas, pendant longtemps, empêché le développement
de l’activité des banquiers privés, elles ont beaucoup aidé au développement
des opérations de crédit et notamment de l’escompte et des traites.
L’émission des billets a mis à la disposition du commerce les fonds
nécessaires aux opérations entreprises.

4. Le développement de la banque au 19ème siècle

Le capitalisme libéral du 19e siècle se manifeste par le triomphe de la


banque. Le développement de l’industrie et du commerce exige un appel
considérable de capitaux. Les banquiers sont les seuls à pouvoir les fournir.
Ils créent et soutiennent les sociétés commerciales ; souvent ils les dirigent
et les dominent.
Vers le milieu du 19e siècle (1848) se créent les grands établissements de
crédit à succursales multiples (le Crédit lyonnais) qui, par leurs nombreuses
agences, recueillent les fonds de l’épargne et les mettent à la disposition des
commerçants, d’autres banques sont constituées comme banques d’affaires
(Banque de Paris). Certaines se spécialisent dans le soutien de certaines
entreprises (les mines, les entreprises électriques). Il y a à la fois
concentration et spécialisation des banques.
On distingue généralement les établissements financiers et les banques
proprement dites. Les établissements financiers se distinguent des banques
non par la nature de leurs activités mais par l’origine des ressources qu’ils
consacrent à leurs opérations financières. Sauf exception, il ne leur est pas
permis de travailler avec des fonds reçus sous forme de dépôts, et ils
utilisent seulement leurs fonds propres et les capitaux empruntés auprès
des banques.
65

Les banques elles-mêmes se classent en trois catégories : les banques de


dépôt recueillant des dépôts ou à un terme inférieur à deux ans et
consentant des crédits à court terme ; les banques d’affaires dont l’activité
principale consiste à prendre et gérer des participations dans les affaires
existantes ou en formation et à rendre des services bancaires aux
entreprises bénéficiaires de leurs participations, les banques de crédit à
long et moyen terme pouvant recevoir des dépôts à un terme inférieur à 2
ans et consentant des crédits d’une durée de 2 ans au moins.
5. La banque au 20e siècle
La banque au 20e siècle connaît un développement inouï. Des relations se
nouent entre les banques des différents pays et la finance devient
internationale.
La banque effectue diverses activités :
- réception de dépôts ou d’autres fonds remboursables (prêts, crédit-bail) ;
- opérations de paiement, émission et gestion de moyens de paiement (cartes
de crédit, chèques de voyages, lettres de crédit) ;
- octroi de garanties et souscription d’engagements ;
- transactions pour le compte de l’établissement ou pour le compte de sa
clientèle sur les instruments des marchés monétaires (chèques, effets), les
marchés de change, les instruments financiers à terme, les instruments sur
devises ou sur taux d’intérêt, les valeurs mobilières ;
- participation aux émissions de titres et prestations de services y afférents ;
- conseil aux entreprises en matière de structure du capital, de stratégie
industrielle et des questions connexes ainsi que services dans les domaines
de la fusion et du rachat d’entreprises ;
- intermédiation sur les marchés interbancaires ;
- gestion ou conseil de gestion du patrimoine ;
- conservation et administration de valeurs mobilières ;
- renseignements commerciaux ;
- location de coffres.
66

§2. La banque en République Démocratique du Congo


Il existe quatre catégories de banques en République Démocratique du
Congo : les banques de dépôt, les banques d’affaires, la banque d’émission et
les banques spécialisées.
I. Les banques de dépôt
Les banques de dépôt sont celles dont l’activité consiste à recevoir des dépôts
de fonds à vue ou à terme et à effectuer les opérations de crédit. Beaucoup
de banques sont des banques de dépôt.
II. Les banques d’affaires
Les banques d’affaires sont celles dont l’objet principal est, outre l’octroi de
crédits, la prise et la gestion de participations dans les sociétés en effectuant
des achats d’actions et d’obligations.
III. La Banque Centrale du Congo
Outre son rôle d’institut d’émission1, la Banque Centrale du Congo effectue
pour le compte des particuliers les mêmes opérations que les autres banques
de dépôt. Elle joue notamment le rôle d’intermédiaire dans le domaine du
change en centralisant l’offre et la demande des avances sur titres.
IV. Les banques spécialisées
Par banque spécialisée, il faut entendre les banques qui choisissent en
général un secteur donné de l’activité économique et tirent des bénéfices en
participant à leur développement. Il en est ainsi des banques qui octroient
des crédits au secteur agricole, minier ou immobilier.
Section 2 : Les comptes et les opérations bancaires
Les opérations des banques avec leur clientèle ont toutes pour objet une
créance ou une dette de somme d’argent. L’inscription de cette créance ou de
cette dette sur un compte permet une compensation facile entre les divers
éléments.L’étude des comptes en banque précédera celle des opérations
bancaires qui passent sur lui.

1
Art. 7, al.1, Loi n°005-UHODWLYHjODFRQVWLWXWLRQjO¶RUJDQLVDWLRQHWDXIRQFWLRQQHPHQWGHOD%DQTXH
Centrale du Congo.
67

§1. Les comptes de banque


I. Notions élémentaires sur les comptes de banque
1. La tenue des comptes
A. Précisions terminologiques
La pratique bancaire dénomme les comptes ouverts aux clients d’après la
nature des opérations faites ou envisagées. S’il s’agit d’une opération unique,
faite par une personne qui n’est pas en relations suivies avec la banque, le
compte est dit compte de passage ; par exemple si une personne s’adresse à
un banquier pour acheter ou vendre une valeur mobilière.
S’il s’agit d’un compte ouvert à un client habituel, qui presque toujours fait
un dépôt de fonds ou laisse en banque des fonds provenant des opérations
faites par lui, le compte est dit compte de dépôts.Certains comptes sont
ouverts pour matérialiser des valeurs mobilières. Ce sont des comptes-
titres.
Enfin, le compte ouvert à un commerçant qui fait avec la banque des
opérations multiples le rendant tantôt créancier, tantôt débiteur est le
compte courant.
B. L’ouverture de compte
a) Le consentement des parties
1° Le consentement du client
L’ouverture d’un compte suppose le consentement du client. Le
consentement est en général tacite. Il résulte du seul fait que le client est en
relations d’affaires avec la banque et laisse entre les mains du banquier des
fonds qu’il pourrait retirer. Il a tout intérêt à ce que le banquier lui ouvre un
compte et y inscrive les sommes dont il est créancier. Le plus souvent, il est
délivré au client un carnet de chèques dont il donne reçu.
2° Le consentement du banquier
•- La nécessité du consentement
Le consentement du banquier est également nécessaire, et il a été même
soutenu que le banquier était tenu de faire droit à toute demande
d’ouverture de compte à l’aide de deux arguments : d’une part que le refus
de vente et le refus de prestation de services étaient réprimés,
68

d’autre part que la mission des banques serait une mission de service public
et qu’un service public doit être ouvert à tous.
L’opinion générale est cependant fixée en sens contraire à cause de l’intuitu
personnae qui domine toutes les opérations de banque. Un banquier peut
refuser l’ouverture d’un compte à un client qu’il juge indésirable. Il est
certain en tout cas que le droit à l’ouverture du compte n’implique ni droit à
un crédit, ni droit à la délivrance de formules de chèque.
•- Vérifications à faire
Préalablement à l’ouverture d’un compte, le banquier doit vérifier le domicile
et l’identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel
dont les caractéristiques et les références sont enregistrées par le banquier.
L’ouverture d’un compte sans vérification suffisante peut permettre à un
client malhonnête d’émettre des chèques sans provision, ou d’encaisser des
chèques barrés volés ou falsifiés. La responsabilité civile de la banque peut
être engagée à l’égard des tiers qui démontrent que le défaut de vérification
leur a causé un préjudice. La responsabilité du banquier peut même être
retenue si celui-ci a découvert des anomalies qui auraient dû le conduire à
procéder à des vérifications supplémentaires avant de délivrer un carnet de
chèques.
b) Capacité et pouvoir
Il s’agit de la capacité du titulaire du compte et du pouvoir du mandataire
éventuel.
1° La capacité du titulaire du compte
Le compte étant ouvert, le titulaire a le droit de considérer sa position
créditrice comme une provision des effets et des chèques qu’il peut tirer sur
la banque. Il faut donc que le titulaire du compte ait la capacité non
seulement de déposer des fonds, mais de les retirer. Le compte ne peut être
ouvert que pour une seule personne ayant la pleine capacité ou dûment
habilitée, ou pour le représentant légal d’un incapable.
2° Le pouvoir du mandataire
Le titulaire d’un compte peut constituer un mandataire pour le
fonctionnement de son compte. Même le principe d’une procuration post
mortem dont les effets se poursuivent après le décès du titulaire pour
69

certaines catégories d’opérations : virement, retraits d’espèces, accès au


coffre, … est accepté.
c) Influence du mariage du titulaire
1° Autonomie des époux
La plupart des législations confèrent aux deux époux une autonomie
financière (loi française, loi burundaise). En effet, chacun des époux peut se
faire ouvrir sans consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout
compte de titres en son nom personnel. Cette proposition améliore surtout la
situation de la femme, qui peut toujours se faire ouvrir toute espèce de
compte en son nom personnel, sans avoir à justifier d’une autorisation
maritale.
Pour les dépenses nécessitées par les besoins du ménage, la femme les
règlera en utilisant son compte personnel ou bien le mari lui donnera
procuration pour tirer sur le sien, à moins que les époux n’aient recours à la
pratique du compte-conjoint. Les époux ont une réelle indépendance.
L’époux déposant est réputé, à l’égard du dépositaire, avoir la libre
disposition des fonds et des titres en dépôt. Il est permis donc à chaque
époux d’accomplir librement toutes opérations sur son compte, à moins que
l’autre ne prouve que son conjoint n’a pas le pouvoir d’accomplir une
opération déterminée.
2° Régime restrictif en droit congolais
En droit des personnes et de la famille congolais, l’article 448 du code de la
famille stipule que la femme doit obtenir l’autorisation de son mari pour tous
les actes juridiques dans lesquels elle s’oblige d’une prestation qu’elle doit
effectuer en personne. Le code congolais a donc institué un régime restrictif.
Le compte étant destiné à constater des opérations juridiques entre la
banque et ses clients, il s’ensuit que la femme mariée ne saurait exécuter ces
opérations sans l’autorisation de son mari.
d) Sociétés et personnes morales
1° Le principe : exigence de la personnalité juridique
Un compte peut être ouvert à toute société ou association ayant la
personnalité morale. Un groupement qui n’est pas doté de la personnalité
morale ne peut avoir de compte en son nom.
70

Une société n’a pas la personnalité tant qu’elle n’est pas immatriculée au
registre du commerce et des sociétés et les fonds composant le capital sont
bloqués pendant la période constitutive.
2° L’aménagement du principe
Il n’est pas interdit à une banque d’ouvrir un compte à une société en cours
de constitution, voire de délivrer en conséquence des formules de chèques,
mais le fonctionnement de ce compte doit être entouré de précautions. En
particulier, le banquier doit effectuer à l’égard des fondateurs, les
vérifications qui précèdent habituellement l’ouverture d’un compte. Le cas
échéant, il faut appliquer les règles concernant la reprise par la société des
opérations de la période constitutive. Le banquier qui ouvre un compte à une
société définitivement constituée doit vérifier, outre son immatriculation au
registre du commerce et des sociétés, les pouvoirs du représentant qui
prétend agir en son nom.
e) Comptes ouverts à plusieurs titulaires
Il est fréquent qu’un compte soit ouvert au profit de plusieurs titulaires.
Parfois, une personne se trouve dans des situations différentes (comptes en
usufruit et nue-propriété). Le plus souvent, le compte réunit les titulaires
dont la situation est identique : les applications les plus fréquentes sont le
compte collectif simple et le compte-joint.
1° Le compte en usufruit et nue-propriété
Dans le compte en usufruit et nue-propriété, l’un des titulaires est
usufruitier et l’autre et nu-propriétaire. L’usufruitier peut percevoir sous sa
seule signature les intérêts des fonds déposés, et même, en vertu des règles
du quasi-usufruit sur les sommes d’argent, il peut disposer librement des
fonds déposés, sous réserve d’en restituer le montant à l’expiration de
l’usufruit. Son décès donne au nue propriétaire tous les droits sur le compte.
2° Le compte collectif simple ou compte indivis
Il est soumis au droit commun de l’indivision. L’hypothèse pratique est celle
d’une succession non encore partagée qui comprend un compte en banque.
Le banquier ne doit consentir aucune opération sans la signature conjointe
de tous les indivisaires, à moins que l’un d’entre eux ne reçoive de tous les
autres, le mandat de faire fonctionner le compte.
71

3° Le compte-joint
Le compte-joint est caractérisé par une double solidarité active et passive.
Grâce à la solidarité active, chaque titulaire peut effectuer toutes opérations
sur le compte sous sa seule signature.
f) Comptes entre banquiers
Les banquiers qui ont des relations d’affaires sont en compte. Chacun d’eux
joue à la fois le rôle de client et celui du banquier. Ils distinguent en général
les opérations qu’ils font en l’une ou l’autre qualité. Chacun d’eux tient un
compte (loro) pour les opérations qu’il fait pour le compte de ses
correspondants et sur leur ordre (d’où la dénomination) ; un compte (nostro)
pour les opérations qu’il donne à ses correspondants l’ordre de faire pour
lui. Cette distinction est intéressante quand les deux comptes sont tenus en
monnaie différente à raison du lieu où se font les opérations. Ces comptes
entre banquiers sont toujours des comptes courants.

C. Le fonctionnement du compte
a) Tenue du compte
Le compte est tenu par le banquier. La signature du titulaire est conservée
sur une fiche aux fins de vérification des ordres signés par lui. La
procuration qu’il délivre souvent, en général à son conjoint ou à un proche
parent, est conservée par la banque avec la signature du mandataire.
Le fonctionnement d’un compte comporte habituellement l’utilisation de
chèques par le client. Le banquier peut refuser des formules de chèques aux
titulaires d’un compte.

b) Passation en compte, principe de non-ingérence

1° Passation en compte

Toutes les fois que le client du banquier devient, pour une cause
quelconque, créancière ou débitrice de la banque, le montant de cette
créance ou de cette dette est passé en compte. S’il a été passé à tort, on ne
peut pas modifier matériellement le compte en effaçant l’inscription, il faut
faire une nouvelle inscription en sens contraire de la première, qui est dite
contre-passation.
72

Par exemple, si le banquier a passé au crédit de son client un chèque qui lui
a été remis et que ce chèque ne soit pas payé par le tiré, il portera au débit
de la même somme, ce qui annulera juridiquement la première inscription.
Pour éviter ces contre-passations, les banquiers, sauf au cas de compte
courant, ne portent pas au crédit le montant des effets remis ou des valeurs
mobilières vendues avant d’en avoir encaissé le montant ou le prix.

2° Principe de non-ingérence

En principe, le banquier enregistre par le compte des opérations du client


sans avoir à se préoccuper de leur origine ou de leur destination : c’est la
règle de non-ingérence des banquiers. Cette règle s’explique à la fois car la
surveillance du fonctionnement des comptes des clients imposerait au
banquier des recherches compliquées et coûteuses, sinon impossibles, et
parce que cela constituerait une inquisition aux clients qui porterait une
atteinte au secret de leurs affaires ou au domaine réservé de leur vie privée.

c) Intérêts

Le fonctionnement des comptes peut donner lieu à des intérêts qui courent
au profit des banquiers (intérêts débiteurs) ou au profit du client (intérêts
créditeurs).

d) Droit au crédit du compte

A chaque inscription en compte, le banquier établit la position de son client.


Le client a contre son banquier une créance précisément égale à sa
position créditrice. Il peut donc retirer à due concurrence. Il peut donner
l’ordre de virement à un autre compte. Il peut enfin tirer une lettre de change
ou un chèque, à la condition dans ce dernier cas de ne pas retirer les fonds
servant de provision au chèque.
D. Clôture du compte
a) Caractère personnel du compte
Le compte ouvert par le banquier à un client a un caractère personnel. Il est
donc clôturé par la mort, la survenance de l’incapacité ou la liquidation
judiciaire du client. Il est admis que le banquier peut mettre fin à ses
rapports avec un client dont la situation a cessé de lui inspirer confiance
73

pourvu qu’il respecte le préavis convenu et qu’il ne clôture pas le compte


d’une manière abusive.
Il y aura également clôture du compte au cas où le banquier se verrait retirer
l’agrément et rayer de la liste des banques.

b) Durée du compte

Le compte peut être ouvert pour un temps déterminé à l’avance. En général,


il est sans détermination de durée. Chaque partie a, dans ce cas, droit à la
résiliation du contrat.

c) Effets de la clôture

La clôture du compte fait apparaître un solde créditeur ou débiteur au


profit ou à la charge du client. L’acceptation du compte est en général
demandée par la banque. Le silence du client qui reçoit sans protester les
relevés (extraits) qui lui sont adressés peut faire présumer son acceptation
pour les éléments qu’il est en mesure d’apprécier. Le compte clôturé, qui a
été accepté, ne peut donner lieu à révision.

2. Le virement

A. La notion de virement

Le virement est une opération bancaire qui consiste à débiter le compte


d’une personne d’une certaine somme pour créditer cette somme dans le
compte d’une autre personne. Le banquier qui fait cette opération, sur ordre
de son client ne modifie pas l’étendue de son obligation et, pour cette raison,
l’opération lui est indifférente. Il lui suffit que le donneur d’ordre ait un
crédit suffisant à son compte.
Tout se passe comme si le donneur d’ordre avait retiré de la banque une
certaine somme d’argent, puis est allé le déposer chez le banquier pour le
compte de la personne qui doit être créditée.
B. Utilité du virement
Le virement en banque présente cette grande utilité qu’il évite l’emploi de
la monnaie. Il est à ce point de vue plus utile encore que le chèque, car le
porteur du chèque peut en demander le paiement, tandis que le créancier
crédité laisse à son compte la somme dont il a été crédité, et, s’il retire des
74

fonds de la banque, ce n’est pas spécialement cette somme qu’il retirera, car
elle a perdu par son inscription au compte, son individualité juridique.
Le virement présente en outre l’avantage de se prêter facilement au
traitement automatique sans impliquer comme le chèque, le contrôle d’un
titre.
C. Variétés de virement
Le virement est une opération simple quand c’est le même banquier qui tient
les deux comptes à débiter et à créditer. Il est plus compliqué quand les
comptes sont tenus par des banquiers différents ou quand il s’agit d’un
règlement collectif entre les banquiers.
a) Virement fait par un seul banquier

1° L’ordre de virement

Le banquier opère sur l’ordre de virement qui lui est adressé. L’ordre de
virement est un titre bancaire. Une banque peut virer sur un ordre
quelconque, par exemple une lettre missive, mais elle peut aussi convenir
que les ordres seront donnés sur un imprimé spécial.

2° Exécution du virement

L’ordre de virement n’est que la préparation de l’opération de virement. Tant


que la banque n’a pas réalisé le virement, la personne dont le compte doit
être crédité n’a pas reçu le paiement. Le banquier doit vérifier la régularité de
l’ordre de virement, notamment la signature du titulaire du compte, sous
peine d’engager sa responsabilité.
Il ne peut refuser de satisfaire un ordre de virement donné par un client dont
le compte est créditeur, pas plus qu’il ne pourrait refuser le retrait des fonds
déposés et il est responsable du retard anormal de l’opération. Par contre, il
n’a pas à se demander quelle est la cause juridique de cet ordre.
L’opération juridique est une opération abstraite. L’ordre de virement a une
cause : c’est généralement un paiement à effectuer ; ce peut être un prêt
consenti ou la donation d’une somme d’argent. Le banquier ne connaît pas
cette cause et la validité de virement ne dépend pas de l’opération juridique
réalisée par ce procédé.
75

3° Nature juridique

•- Le virement en banque : une délégation ?

On a analysé le virement en banque comme une délégation. Le donneur


d’ordre (délégant) invite le banquier (délégué) à payer le bénéficiaire du
virement (délégataire). Cette délégation serait une délégation parfaite
emportant novation puisque le délégant est déchargé par le virement de son
obligation envers le délégataire. Le bénéficiaire qui accepte d’être payé par
virement consent à la délégation et décharge par là son débiteur.

•- Appréciation de cette analyse

Cette analyse n’est pas exacte. Dans la délégation, le délégué s’engage envers
le délégataire sur l’ordre du délégant. Dans le virement, le banquier devient
débiteur du bénéficiaire comme s’il avait reçu les fonds en dépôt du
bénéficiaire lui-même. La cause juridique de la créance du bénéficiaire n’est
pas l’ordre de virement, c’est l’inscription au crédit de son compte.
Le virement se décompose en deux opérations, la seconde est la conséquence
de la première ; mais chacune de ces opérations est à deux personnages et
leur succession n’est pas une union juridique. La situation du bénéficiaire
est la même, que le banquier ait fait le virement sur un ordre régulièrement
donné ou qu’il l’ait fait avec la croyance inexacte que le donneur d’ordre
disposait d’un crédit suffisant.

4° Effets et date de virement

•- Effets du virement

Le virement a pour effet de faire naître au profit du bénéficiaire une créance


contre le banquier du donneur d’ordre tandis que la créance éventuelle du
donneur d’ordre contre le banquier est éteinte. Il n’existe aucun lien entre
ces deux créances, de sorte que le banquier devenu dépositaire du
bénéficiaire ne peut opposer à celui-ci aucune des exceptions qu’il aurait pu
opposer au donneur d’ordre.
76

•- Date du virement

- Intérêt de la détermination de la date du virement

La détermination de la date exacte de l’opération présente un grand intérêt


notamment pour apprécier la faculté de révocation de l’ordre de virement,
conséquence de la liquidation du donneur d’ordre ou du banquier. Le
donneur d’ordre donne son consentement en émettant l’ordre de virement.
Le consentement du banquier est matérialisé par l’inscription au débit du
donneur d’ordre et par le crédit du compte du bénéficiaire. Le
consentement du bénéficiaire, qui vaut ratification de l’opération effectuée
par le banquier est généralement acquis du fait que celui-ci ne proteste pas
au reçu du relevé de compte qui relate le virement.

- Date du virement

Dans l’hypothèse normale où les deux écritures de débit et de crédit sont


portées simultanément, le virement est réalisé à cette date.
S’il en est autrement, l’inscription au débit précédant le plus souvent
l’inscription au crédit, l’ordre de virement cesse d’être révocable par le
donneur d’ordre, à partir du moment où son compte a été débité parce
que le débit lui fait perdre la disposition des fonds.
Mais le transfert de monnaie scripturale n’est achevé et le paiement par
virement n’est réalisé que par l’inscription au crédit du compte du
bénéficiaire.
L’erreur commise par la banque pose un problème délicat. Si le banquier a
effectué un virement malgré l’absence ou l’insuffisance de crédit au
compte du donneur d’ordre, il dispose d’un recours contre le donneur
d’ordre mais reste tenu à l’égard du bénéficiaire. Si le banquier effectue
un virement pour une somme supérieure à la somme à virer, il dispose
d’une action en répétition de l’indu contre le titulaire du compte crédité à
tort.
77

b) Virement par plusieurs banques

1° Exécution du virement

Si le donneur d’ordre doit remettre une somme à un bénéficiaire qui n’a pas
le même banquier que lui, l’opération est théoriquement plus compliquée. Le
donneur d’ordre invite son banquier à débiter son compte. Ce banquier
met à la disposition du banquier du bénéficiaire un crédit qui permet à
ce second banquier de créditer son propre client. Il y aura ensuite, entre
ces deux banquiers, un règlement de comptes qui s’effectuera par le biais
de la compensation.

2° Nature juridique

Il est vain de chercher dans ce cas l’analyse de l’opération dans les règles du
droit civil. Le banquier du donneur d’ordre ne joue pas le rôle de délégué
puisqu’il ne s’engage pas envers le bénéficiaire. Le banquier du bénéficiaire
ne l’est pas davantage puisqu’il n’était pas débiteur du donneur d’ordre.

En réalité, par un jeu d’écritures, une somme d’argent est censée avoir
passé de main en main et finalement elle est déposée à la banque du
bénéficiaire et portée au crédit du compte de celui-ci. Le virement est la
remise d’une monnaie scripturale.

3° Date de l’opération

La date de l’opération est celle où intervient le consentement du


banquier bénéficiaire, pratiquement le jour où il crédite le compte du
bénéficiaire.

II. Le compte courant

1. La convention de compte courant

A. Définition

La convention de compte courant est celle par laquelle deux personnes


décident de porter réciproquement en compte toutes les opérations
juridiques qu’elles feront entre elles, de manière à ce qu’il y ait des
compensations successives, et de ne procéder en principe au règlement
qu’à la clôture du compte par le paiement du solde.
78

Le compte est dit courant car il enregistre successivement une série


d’opérations.

B. Utilité du compte courant

Le compte courant constitue d’abord un mode de règlement simplifié des


créances réciproques. La convention de compte courant constitue également
un instrument de crédit puisque le solde résultant de la compensation des
articles du compte ne devient exigible qu’à chaque arrêté périodique ou à la
clôture définitive du compte.

C. Nécessité d’une convention

Le compte courant est un instrument bancaire. Pour qu’il puisse être utilisé,
il faut une convention. Quand deux personnes sont en relations d’affaires et
ne règlent pas au comptant leurs opérations, chacune d’elles tient le compte
de ce qui lui est dû ; mais il n’y a pas pour autant compte courant entre
elles, car l’existence du compte courant empêche que le règlement puisse
être demandé et elle transforme le caractère des créances portées en compte.
Il faut qu’une convention intervienne entre elles pour établir le compte
courant. On dit que les deux parties travaillent en compte courant.

D. Parties au contrat

La convention de compte courant est normalement une opération bancaire


car le compte implique un crédit fait à une personne en vue d’une série de
transactions d’ordre commercial.

Cela ne signifie pas qu’une telle convention ne puisse être passée qu’avec
une banque. Deux commerçants peuvent être en compte courant pour leurs
fournitures réciproques. Il faut aussi admettre qu’une personne non
commerçante peut être en compte courant avec son banquier.

Mais une telle conception est contraire à la pratique bancaire habituelle. Les
banques dénomment « compte de dépôt » ou « compte de chèques » celui qui
est tenu pour un non-commerçant et réservent la dénomination de compte
courant au compte ouvert à un commerçant pour ses opérations
commerciales.
79

E. Caractères du compte courant

La convention des parties ne porte que sur l’ouverture du compte courant.


Ce compte présente deux caractères distinctifs qui permettent de couvrir la
nature du compte : la généralité du compte et l’alternar Al’alternar Al’altern
83

qu’accroître le solde débiteur du récepteur, cette créance n’a subi aucune


compensation.

b) Nature du compte courant et effets de la remise en compte

1° Nature du compte courant

Il faut laisser au compte courant sa nature juridique propre. Le compte


constitue un mécanisme financier particulier qui a des effets spécifiques.

2° Effets du compte courant

Les effets ne tiennent pas à l’application des règles du code civil, mais au
caractère du mécanisme. Pour mieux rendre le fonctionnement de ce
mécanisme, on compare le compte courant à un creuset dans lequel on
jette les créances ; elles se fondent et de cette fusion naît un résidu qui
est le solde du compte.

Le règlement des créances portées au compte est réalisé par un phénomène


d’agglomération qui les amalgame et les réduits en un bloc homogène en vue
d’une liquidation globale à la clôture du compte. Il faut ainsi considérer que
la créance passée en compte est éteinte et non pas transformée.

c) Disparition des sûretés

L’effet le plus important de la disparition de la créance passée en compte est


la disparition des sûretés qui en garantissent le payement, qu’elles soient
conventionnelles ou légales.

Le mécanisme du compte courant ne permet pas que la sûreté puisse être


conservée pour garantir la créance ancienne, mais les parties peuvent
recourir à deux autres procédés.

Dans certains cas, la sûreté est reportée sur le solde qui apparaîtra lors de la
clôture du compte.
Dans d’autres cas, la créance garantie fait l’objet d’une affectation spéciale
qui le maintient en dehors du compte.
84

d) Contre-passation des effets impayés


Lorsqu’un banquier escompte un effet de commerce qui lui est remis par un
client, il inscrit le montant de l’effet au crédit du client. Si l’effet n’est pas
payé à l’échéance, par le débiteur principal (tiré d’une lettre de change par
exemple) le banquier peut en porter le montant au débit du compte du client.

3. L’indivisibilité du compte courant

A. Signification de la règle

La règle de l’indivisibilité veut que les différents articles du compte soient


les parties d’un tout, qu’ils se tiennent les uns aux autres.
Le remettant n’a pas le droit de se déclarer créancier du récepteur pour la
remise qui lui a été faite. On ne saura qu’à la clôture du compte qui est
créancier ou débiteur ; la créance sera le solde du compte.
La règle de l’indivisibilité a été dégagée pour exprimer l’unité du compte et
le lien qu’il établit entre les divers articles. Cette règle produit les
conséquences importantes et c’est à vrai dire pour justifier ces effets
pratiques que cette règle a été énoncée.

B. Effets de la règle

a) La fusion des articles

1° Mécanisme de la fusion

La jurisprudence française a affirmé que la remise en compte équivaut à un


paiement. Cependant, la remise ne constitue pas un paiement. Elle n’est pas
un paiement de remise effectuée en sens inverse car ces dernières ayant
perdu leur indivisibilité, ne sont pas susceptibles d’un paiement séparé. Elle
n’est pas davantage un paiement du solde provisoire.

En réalité, les créances en compte sont éteintes par leur entrée dans un
mécanisme dont le règlement global est renvoyé à la clôture du compte.

Le résultat n’est pas de nature conventionnelle ; il tient à l’existence du


compte. Ce qui est conventionnelle, c’est l’ouverture du compte courant.
85

2° Effets de la fusion
•- Impossibilité d’extraire un article déterminé du compte
Comme les différents articles sont liés en vue du règlement final, il n’est pas
possible d’extraire du compte un article individualisé pour servir de support
à une opération déterminée.

Le remettant ne peut pas réclamer une créance entrée dans le compte. Le


récepteur ne pourrait être accusé d’abus de confiance pour avoir détourné
une somme que lui a remis son cocontractant. La compensation ne joue pas
entre un article du compte et une dette laissée hors du compte. Un article ne
peut pas faire l’objet d’une saisie par les créanciers du remettant.

•- Inapplicabilité des règles sur le paiement

De l’idée que la remise en compte ne constitue pas un paiement, la


jurisprudence a tiré plusieurs conséquences qui écartent les règles
ordinaires du paiement.
Par exemple, s’il y a ouverture de crédit en compte courant, celui qui a usé
de son crédit et qui fait ensuite des remises n’est pas considéré comme ayant
remboursé sa dette.

b) Position créditrice ou débitrice

1° Notion de position débitrice ou créditrice

L’indivisibilité du compte courant concerne le mode de règlement des


créances passées en compte courant, mais n’empêche pas de connaître la
position de chaque partie en comptabilité.
La pratique bancaire de la tenue des comptes fait apparaître dans une
colonne spéciale cette position puisqu’à chaque remise nouvelle, la
compensation est faite. Une partie sait donc que, si le compte était clôturé à
un moment déterminé, elle serait créancière ou débitrice.
Quelles sont les conséquences de cette position ?
86

2° Conséquences de la position créditrice ou débitrice

•-Conséquences de la position créditrice

Celui qui a une position créditrice est considéré comme créancier de l’autre
partie par l’application des règles suivantes :
- il a le droit de tirer un chèque sur son banquier à raison de la provision
constituée par sa créance ;
- il peut exercer l’action paulienne en sa qualité de créancier pour faire
révoquer les actes par lesquels l’autre partie disposerait de ses biens alors
qu’elle est insolvable ;
- il doit déclarer le montant de sa créance au cas d’apport du fonds de
commerce de l’autre partie, s’il veut que la société qui a accepté l’apport en
soit tenue ;
- le montant créditeur au jour du mariage constitue une créance antérieure
au mariage pour le fonctionnement du régime matrimonial ;
- les créanciers d’un client peuvent pratiquer une saisie sur la position
créditrice de leurs débiteurs.
•-Conséquences de la position débitrice
Les conséquences de la position débitrice sont aussi importantes :
- la sûreté consentie en garantie d’un compte courant au cours de son
fonctionnement peut être considérée à certaines conditions (si le client a
une position débitrice) comme constituée par une dette antérieure et, à ce
titre peut tomber, au cas d’une mesure collective contre le client, sous le
coup de la nullité de droit ;
- au cas de donation par contrat de mariage comprenant un état de dettes
et charges, il y a lieu de faire figurer parmi les dettes, le montant de la
position débitrice en compte courant ;
- dans le cas de compte courant avec une société en nom collectif, le
banquier peut poursuivre un associé pour le montant de son compte
créditeur au jour où cet associé a quitté la société ;
- dans les bilans des sociétés, la position débitrice doit être portée au passif
de la société.
87

4. Règlement du compte courant. Clôture du compte

A. Fin de la convention de compte courant

La convention peut être conclue pour une durée déterminée ou sans


détermination de durée, ce qui est le cas le plus usuel.
Lorsque la convention est conclue pour une durée indéterminée, le banquier
peut y mettre fin par sa volonté unilatérale mais en respectant un délai de
préavis tel qu’aucune gêne injustifiée ne soit causée au client.
La convention de compte courant est considérée par l’usage commercial
comme conclue « intuitu personae ». Elle prend fin par la mort ou la
survenance de l’incapacité de l’une des parties. Elle prend fin également par
la liquidation judiciaire qui n’est pas orientée sur le redressement de
l’entreprise en difficulté.

B. La créance du solde

a) Détermination du solde

Le compte étant clôturé, il y a lieu d’établir la balance des articles pour faire
apparaître le solde. Le solde qui résulte de la compensation effectuée sur la
dernière remise n’est pas nécessairement définitif car il faut tenir compte de
la liquidation des opérations en cours : ainsi une écriture de crédit
correspondant à une opération d’escompte n’est inscrite que sous réserve
d’encaissement.

b) Nature de la créance

Le solde créditeur constitue la créance de l’une des parties contre l’autre.


Cette créance est liquide et exigible. Elle peut être l’objet d’une saisie par
les créanciers de la partie créditrice. Le solde d’un compte clôturé est de
plein droit productif d’intérêts.

c) Pluralité de comptes

Si une même personne a plusieurs comptes dans la même banque, chacun


de ces comptes fonctionne séparément, alors même qu’ils seraient tous
clôturés en même temps. Cette indépendance des comptes porte préjudice à
celui qui a un solde créditeur sur un compte, un solde débiteur sur l’autre et
88

qui ne peut, au cas de procédure collective, compenser sa créance et sa


dette.
Pour donner plus de sûreté au compte courant, la pratique a inventé des
combinaisons permettant d’affecter le solde créditeur de l’un des comptes en
règlement du solde débiteur de l’autre.
Une clause de la convention peut décider que les deux comptes seront réunis
en vue de la liquidation ; c’est la clause dite d’unité de compte ou de
fusion. Cette clause a été déclarée valable puisque les parties étaient libres
de tenir un seul compte.
La clause peut concerner des comptes ouverts à des titulaires différents, le
compte unique ainsi constitué est un compte collectif qui fonctionne en
principe sous la signature conjointe de tous les intéressés.

B. Contre-passation des effets de commerce

a) Droit de contre-passer les effets de commerce

La clôture du compte arrête les opérations. Le banquier ne peut donc en


principe faire aucune contre-passation après cette clôture. Cette règle
comporte une exception remarquable lorsque le banquier avait porté en
compte et plus spécialement reçu à l’escompte des effets de commerce qui ne
sont pas payés à l’échéance. Le banquier est autorisé à contre-passer un
effet pour faire apparaître le solde définitif.
Ainsi, si le solde du compte du client était créditeur, il en diminue le
montant ; dans le cas contraire, il augmente le solde débiteur d’un montant
correspondant à ce que le client a effectivement reçu de lui. On explique
traditionnellement la solution par l’effet de la clause dite sauf encaissement
qui est présumée stipulée toutes les fois que les effets de commerce sont
remis au banquier pour réouverture ou pour escompte.

b) Ouverture d’une procédure collective contre le client


Une difficulté se présente si la clôture du compte est due à l’ouverture d’une
procédure collective contre le client, comment le banquier peut-il se payer
ainsi lui-même et par préférence, alors que le solde créditeur du compte, s’il
en existe, doit être affecté, en priorité à la continuation de l’entreprise et que
l’égalité des créanciers doit être rigoureusement observée ?
89

Pour l’expliquer, on a dit que la passation en compte était rétroactivement


anéantie par le jeu de la condition résolutoire puisqu’elle avait été faite sauf
encaissement ou qu’elle était annulée pour absence de cause, puisque les
effets de commerce n’étaient pas payés. Mais la convention de compte
courant est une opération de crédit mutuel où chaque partie court un
risque de perte. Pourquoi, pourrait-il contre-passer les effets de commerce
alors qu’il ne peut plus, s’il y a ouverture de procédure collective, faire une
contre-passation pour toute autre créance.

Réponse : Le banquier porteur de l’effet de commerce impayé recourt contre


le client qui a remis cet effet en vertu d’un usage bancaire, le recours de
change qui conclut la contre-passation d’un chèque.

c) Contre-passation des effets non échus

Le principe de la contre-passation des effets échus étant admis, les


banquiers ont tenté de contre-passer dès la déclaration de faillite, les effets
non échus, par le motif que le failli était envers eux débiteur à terme et que
la faillite entraînerait la déchéance du terme. Il y a un intérêt pratique à
cette possibilité de contre-passation : c’est de permettre au banquier
d’obtenir satisfaction immédiatement et sans risques. Cette solution n’a pas
été admise. Le jour du jugement déclaratif, le banquier n’est pas un
créancier à terme mais un créancier conditionnel, car il ne pourra recourir
contre le client remettant que si la traite n’est pas payée par le tiré à
l’échéance.

d) Effet de contre-passation

La contre-passation met le banquier dans une situation exaltante : d’une


part, il efface l’article inscrit à tort au compte du client, d’autre part, il peut
agir par le recours du change contre les signataires de la lettre pour obtenir
le paiement du solde du compte.
90

§2. Les opérations bancaires

I. Position du problème

1. La difficulté de rattacher les opérations bancaires aux catégories de


droit civil

Les banquiers reçoivent des dépôts de fonds de leur clientèle. Ils


consentent des crédits par des opérations qui représentent la part la plus
importante de leur activité. Ils reçoivent des services de plus en plus
diversifiés qui correspondent à la recherche des commodités toujours plus
grandes de leur clientèle.

On a cherché à rattacher toutes ces opérations aux catégories du droit civil


en méconnaissant leur originalité. Sans doute, elles réalisent un dépôt, un
mandat, un louage de services, un prêt ou une promesse de prêt, mais c’est
généralement par le moyen des mécanismes bancaires, par des titres ou des
comptes. Dès lors, les catégories du droit civil ne suffisent pas à rendre
compte de toutes les techniques utilisées.

2. Permanence de la banque malgré l’explosion de l’activité bancaire

L’activité bancaire connaît de nos jours une véritable explosion, due à la


combinaison de plusieurs facteurs. Le développement du crédit à la
consommation, élargit le cercle des utilisateurs. La déréglementation qui a
envahi tout le monde capitaliste, supprime les contraintes des législations
nationales et les frontières entre les activités financières. Le développement
des moyens de communication et de saisie des données favorise la fluidité
des titres et l’internationalisation des règlements. Les innovations
technologiques font apparaître de nouveaux montages financiers qui
permettent de passer d’un support à un autre, d’anticiper les mouvements
de change et de taux, de se garantir contre ceux-ci. La gestion des
trésoreries des banques fait une large place aux opérations de cession
d’éléments d’actif de plus en plus diversifiés : pension, prêts de titre. Ces
nouvelles structures exigent la formation et le perfectionnement de
nombreux spécialistes.
91

Ce foisonnement s’accompagne du développement de circuits de financement


extra-bancaire, soit entre des entreprises liées (crédits dits « face à face » ;
soit surtout entre entreprises appartenant à un même groupe. Ce
phénomène dit de la désintermédiation est l’un des aspects caractéristiques
du commerce moderne de l’argent.
Mais l’intervention des banques n’en reste pas moins utile, voire
indispensable comme prestataires de services au profit de leurs clients.

II. Dépôt de fonds en banque

1. Notions générales

A. Définition

Le dépôt est un contrat par lequel une personne remet une certaine somme
d’argent à un banquier qui s’engage à la lui restituer sur sa demande.
Comme la chose déposée est une somme d’argent, le banquier dépositaire en
a l’usage et il est seulement tenu de restituer la somme reçue.

B. Historique

Le dépôt d’argent chez le banquier est un contrat très anciennement


pratiqué et dont les textes grecs et romains nous rapportent l’usage. Les
jurisconsultes romains discutaient déjà de la nature du contrat. Les
banquiers du Moyen-Age recevaient de nombreux dépôts, avec faculté d’user
des sommes déposées, en vertu d’une « licentia utendi » accordée au
dépositaire. Une controverse persistait sur la véritable nature du contrat,
rendue plus vive par la prohibition canonique du prêt à intérêt. La pratique
commerciale s’en souciait peu et la création de grandes banques, donnant
aux déposants une sécurité complète, vint développer la pratique des dépôts.
La banque d’Angleterre fut au XVIIIème siècle le type d’une grande banque de
dépôt.
Mais, c’est au 19ème siècle, et surtout dans la 2ème moitié, que l’on vit un
merveilleux développement des dépôts en banque. La création de grands
établissements de crédits à agences multiples, l’institutionnalisation du
chèque, l’emploi de la monnaie fiduciaire et aussi l’insécurité des grandes
villes, l’attrait du petit intérêt servi autrefois par les banques, ont poussé les
particuliers à déposer leurs fonds dans les banques.
92

Les grandes entreprises se trouvent souvent détenir des sommes


considérables avant le règlement des fournitures ou le paiement des
dividendes, et elles confient ces sommes à la garde des banques. Quant aux
banques, elles ont trouvé dans les fonds déposés l’aliment de leurs
opérations d’escompte et de crédit, et elles ont multiplié leurs guichets ainsi
que les services rendus pour mieux collecter l’épargne.

C. Garantie des déposants

L’emploi par la banque des fonds déposés crée un danger : c’est que la
banque n’ait pas dans ses caisses les liquidités nécessaires pour faire les
remboursements qui lui seraient demandés. Le danger apparaît très grand
lorsqu’une crise politique ou économique pousse les déposants aux guichets
des banques pour obtenir des fonds.

De règles de gestion doivent être imposées aux banques pour assurer leur
solvabilité et maintenir leur liquidité notamment, il y a lieu de mettre au
point un système d’intervention destiné à garantir la restitution des dépôts
aux clients en cas de défaillance.

2. Le contrat de dépôt

A. Nature du contrat

La personne qui dépose des fonds en banque se propose essentiellement de


se décharger sur une autre de la garde de ses fonds. Si elle en remet l’usage
au banquier, c’est que cet usage ne peut détériorer la chose est que la
restitution à l’identique est pour elle sans utilité. Le banquier profite de
l’utilisation des fonds et consent même souvent à payer une rémunération
pour ce profit. Mais l’obligation qu’il prend à cet égard ne le transforme pas
pour autant en emprunteur. Il ne sollicite pas des avances de fonds dans un
but déterminé. Il use des fonds provenant des dépôts comme de tous les
autres qu’il a à sa disposition, il est tenu à la différence de l’emprunteur, de
les rendre à la 1ère demande.
93

B. Variété des dépôts

Normalement, le dépôt est un dépôt à vue et cette obligation de restitution


immédiate imposée au banquier est inconciliable avec l’idée d’un prêt
d’argent qui implique une notion de crédit. Dans certains dépôts, il est
stipulé que le déposant doit donner un « préavis » pour retirer les fonds.
Cette obligation ne change pas la nature du contrat ; le préavis varie de
quelques jours à un mois, il a pour unique objet de faciliter le service de
caisse de la banque.
Il en est autrement dans le dépôt à échéance fixe de six à trois ans d’après
la pratique des banques. Ici, la nature du contrat s’altère. Malgré sa
dénomination, ce contrat constitue un prêt à intérêt fait à la banque. La
distinction est faite notamment dans les banques anglaises entre
les « current accounts » et les « deposit accounts ».

C. Identité et capacité du déposant


a) Identité du déposant

Il est très généralement admis aujourd’hui que le banquier doit procéder à


un certain contrôle avant d’ouvrir et faire fonctionner un compte de dépôt,
sa responsabilité peut être engagée du fait des escroqueries commises par
un client grâce à un compte ouvert au client au vu d’un contrôle suffisant.
b) Capacité du déposant

Quant à la capacité du déposant, c’est la capacité de contracter. Le


déposant doit avoir la capacité requise pour se faire ouvrir un compte en
banque et le faire fonctionner.

D. Preuve du contrat

Le dépôt en banque est un contrat commercial. Il l’est nécessairement pour


le banquier, il n’a ce caractère pour le déposant que s’il est fait par un
commerçant pour les besoins de son commerce. La preuve peut être faite
contre le banquier par tous les moyens ; dans la pratique, le client ne peut
faire la preuve que par la production des reçus délivrés par le banquier. Mais
le dépôt de fonds donne toujours lieu à l’ouverture d’un compte. Le compte
porte le nom de compte de chèques, parce que normalement un carnet de
94

chèque est délivré au déposant pour lui permettre de retirer commodément


les fonds déposés. L’inscription en compte au crédit du client fournira la
preuve du dépôt effectué.

E. Bons à échéance fixe ou bons de caisse

Les banques émettent quelques fois, en représentation des capitaux qui leur
sont confiés pendant un certain temps des titres par lesquels elles
s’engagent à rembourser la somme reçue à l’échéance fixée. Ce sont des
bons à échéance fixe que la pratique dénomme volontiers « bons de
caisse ».

On qualifie les bons de caisse comme des « effets négociables » à condition


qu’ils soient à court ou moyen terme et ne fassent pas partie d’une émission
globale, placée dans le public en coupures de même montant et à une même
époque et remboursable à une date unique.

3. La situation de la banque dépositaire

A. Emploi des fonds

Les banques emploient les fonds déposés à des opérations de crédit à court
ou moyen terme. Le dépositaire est un simple débiteur de la somme
déposée. Cette somme étant portée au compte du client, il est débiteur du
solde du compte. Il ne peut donc pas y avoir de la part du dépositaire qui ne
restitue pas les fonds, délit d’abus de confiance. Peut-être pourrait-on relever
ce délit pénal si le banquier avait détourné tous les fonds déposés de leur
destination normale.

B. Le dépôt avec affectation spéciale

La remise des fonds peut être faite au banquier pour servir à une opération
déterminée : souscription d’actions, achat de titres, règlement d’une dette
par exemple. On dit dans ce cas, qu’elle a une affectation spéciale. En
réalité, il ne s’agit plus alors d’un dépôt, mais de l’exécution d’un autre
contrat. Le banquier joue le rôle de mandataire et l’abus de confiance
pourrait être relevé s’il venait à détourner les fonds.
95

C. Les intérêts des fonds déposés

Le dépôt est par sa nature un contrat à titre gratuit mais il peut être salarié.
En principe le dépôt en banque ne l’est pas, car le banquier tire un avantage
du dépôt. Par un renversement de la situation normale, c’est le banquier qui,
en général, paie à titre de rémunération, un intérêt des sommes déposées.

D. Restitution des fonds déposés

Le banquier étant débiteur, la restitution des fonds déposés se ramène au


paiement de sa dette envers le client.
Sauf le cas de préavis stipulé, le client a toujours le droit de réclamer la
somme déposée. Comme cette somme a dû être portée au crédit de son
compte, il peut tirer des chèques sur la banque, ou adresser à celle-ci des
ordres de virement, tant que sa position est créditrice.
Il se présente une difficulté quand le dépôt a été fait en « monnaie
étrangère ». Si la conversion n’a pas été faite du consentement du client au
moment du dépôt, la banque est débitrice d’une somme libellée en monnaie
étrangère. Elle se libère en monnaie légale, mais d’après le cours du change
au jour du retrait des fonds.

III. Opérations de crédit

1. Généralités

A. Durée du crédit bancaire

Du point de vue de leur durée, les crédits bancaires se classent en crédits à


court terme, moyen terme et long terme.

a) Le crédit à court terme

Le crédit à court terme, en règle générale, est celui qui est consenti pour une
durée inférieure à deux ans. Il représente la plus grande partie des
opérations de crédit, à la fois parce qu’il conserve à la trésorerie des banques
le maximum de liquidités et parce qu’il permet aux banques de développer
au maximum le nombre de leurs opérations, donc de multiplier leurs profits.
96

b) Le crédit à moyen terme


Le crédit à moyen terme s’étale sur une durée approximative de deux à sept
ans. Le crédit à moyen terme intéresse principalement certaines opérations
de construction, l’équipement industriel, que les perfectionnements
techniques rendent assez rapidement démodé ; le commerce international,
où les délais de paiement octroyés à la clientèle sont généralement plus
longs que dans le commerce intérieur.

c) Le crédit à long terme

Le crédit à long terme s’étend normalement au-delà de sept ans. Il est


pratiqué essentiellement par des établissements spécialisés dans la
construction immobilière, la construction navale, certaines opérations
d’équipement ou d’exportation.

B. Modalités diverses

En dehors de leur durée, les crédits bancaires comportent de nombreuses


modalités. Ils peuvent être précédés ou non d’une ouverture de crédit ou de
l’émission d’une lettre de crédit. Dans la plupart des cas, le banquier procure
ou promet de procurer à son client des espèces. Dans d’autres hypothèses,
il ne décaisse pas normalement des fonds et se borne à faire profiter son
client de sa signature qui donne confiance aux tiers avec lesquels le client
est en relation.

Au lieu d’immobiliser leur trésorerie par les prêts qu’ils consentent, les
banquiers s’efforcent, aussi souvent que possible de mobiliser leurs crédits
auprès d’autres établissements financiers. Ils se procurent des ressources
nouvelles en disposant de leurs créances contre leurs clients. Le crédit peut
être personnel ou réel. Dans le premier cas, le banquier fait crédit en raison
de la confiance que lui inspire la personne de son client, exclusivement. Le
second est à base de sûreté.
97

2. L’ouverture de crédit

A. La convention d’ouverture de crédit

a) Définition et fonctionnement

1° Définition
L’ouverture de crédit est la convention par laquelle un banquier s’engage à
mettre à la disposition d’un de ses clients pour un temps déterminé ou
indéterminé un certain crédit pour un temps dont le bénéficiaire usera à sa
guise soit en touchant les fonds, soit en tirant une traite ou un chèque sur le
banquier.

2° Fonctionnement

Le crédit peut être mis à la disposition du client pour une opération


déterminée. Le plus souvent, il y a ouverture de crédit en compte courant.
Dans ce cas, deux conventions sont liées, la convention de compte courant
et celle d’ouverture de crédit. Cette combinaison présente un double
avantage. D’une part, l’ouverture de crédit se renouvelle sans cesse, car au
fur et à mesure que le commerçant nourrit son compte de remises, il
rembourse les avances qui lui ont été faites, mais comme le compte court et
qu’il est indivisible, un nouveau découvert peut être créé jusqu’à
concurrence de l’ouverture de crédit. D’autre part, pour le banquier, sa
créance se trouve garantie par les remises de son client qui se compensent
continuellement dans le compte avec les autres articles et éventuellement
par les sûretés du solde du compte.

b) Nature de la convention

La convention d’ouverture de crédit n’est prévue par aucun texte. Elle


constitue un contrat innomé qui a un objet spécial ; le crédit à consentir.
La convention porte sur un crédit à réaliser par les moyens les plus divers.
La convention est unilatérale en ce sens que le banquier est obligé de
consentir le crédit mais le client n’est pas obligé d’en user. Toutefois, quand
elle est faite en compte courant, le client se trouve tenu de passer toutes ses
opérations en compte. Le contrat est conclu intuitu personae, même si le
crédit est garanti par une sûreté réelle.
98

c) La preuve

Quid lorsqu’un banquier refuse brusquement de continuer les facilités qu’il


avait accordées jusque-là à un client, par exemple en payant à découvert les
chèques tirés sur lui par le client ? Le banquier prétend que son client
bénéficiait d’une simple tolérance toujours révocable. Le client soutient que
la banque lui avait consenti une véritable ouverture de crédit et que son
refus injustifié engage sa responsabilité. Lorsque l’opération est
commerciale, elle peut être prouvée par tous les moyens, conformément au
droit commun.

d) Rémunération des banquiers

L’ouverture de crédit porte intérêts sur les sommes avancées au taux fixé par
les parties à partir du jour de l’utilisation. Le taux de l’intérêt convenu doit
être fixé par écrit et accepté par le client ; à défaut, le taux légal est seul
applicable.

e) Fin du contrat

Indépendamment de l’accord des intéressés, l’ouverture de crédit prend fin


dans les conditions différentes selon qu’elle a été consentie pour une durée
indéterminée ou pour une durée déterminée. Lorsque la convention est
conclue pour une durée déterminée, elle prend fin évidemment par l’arrivée
du terme fixé. Si elle est à durée indéterminée, chacune des parties a la
faculté d’y mettre fin par volonté unilatérale, selon le droit commun
applicable aux contrats à exécution successive.

B. La lettre de crédit

a) Définition

C’est une lettre adressée par un banquier à un de ses correspondants pour


l’inviter à payer une somme d’argent ou à consentir un crédit au bénéficiaire
de la lettre. Tantôt elle est créée par le banquier à la demande de son client
qui l’enverra à une personne dont il attend une prestation, en général des
marchandises achetées par lui, tantôt elle est remise par le banquier à son
client pour lui permettre de toucher des fonds ou de se faire ouvrir un crédit
par un banquier sur une autre place.
99

b) Utilité

La lettre de crédit est utilisée dans les opérations internationales ; le


commerçant qui veut faire des achats sur une place étrangère se fait
accréditer auprès d’un banquier qui lui fournira les fonds ou les crédits
nécessaires à ses opérations. La lettre de crédit est dit documentaire
lorsqu’elle est créée avec, comme garanti, les documents qui représentent la
marchandise.

c) Formes

Il est souvent établi notamment pour les lettres circulaires, un double titre :
la lettre et un carnet d’indication. Les deux titres doivent être présentés
ensemble au correspondant et il est recommandé ; pour éviter le
détournement, de les conserver séparément. Le banquier correspondant doit
vérifier la signature du présentateur qui figure à la fois sur la lettre et sur le
carnet. Pour plus de sûreté, la lettre de crédit est souvent avisée, c’est-à-dire
qu’elle n’est payable que sur l’avis envoyé par le banquier émetteur qui
transmet en même temps la signature du présentateur.

d) Nature juridique

La lettre de crédit n’est pas un effet de commerce. Elle est toujours


personnelle, ne comporte pas d’échéance, peut être utilisée pour obtenir tout
ou partie de la somme indiquée. C’est un titre de banque d’une nature
particulière créée par la pratique, et qui ne paraît pas avoir donné lieu à des
grandes difficultés au point de vue juridique. Il ne sort pas des milieux
bancaires et l’inexécution n’est guère à redouter.

e) Rapports juridiques nés de la lettre de crédit

La lettre de crédit fait naître des relations triangulaires. Le banquier


émetteur peut exiger que son client lui fournisse une provision préalable,
égale au montant de son engagement ; cette provision est bloquée et affectée
au règlement de la lettre. Le banquier peut aussi émettre la lettre à
découvert, en consentant un crédit à son client.
100

Le banquier correspondant qui paie la lettre de crédit agit comme


mandataire du banquier émetteur et ce mandat pourrait être révoqué en
temps utile. En principe, l’accrédité porteur de la lettre n’a pas de droit
direct contre le banquier correspondant et il peut seulement exercer les
actions qui appartiennent au banquier émetteur contre son correspondant.

En pratique, il est plus simple pour lui, de se retourner contre l’émetteur,


qui règle ensuite avec son correspondant la légitimité du refus de paiement
et ses conséquences.

C. L’accréditif

L’accréditif est un autre moyen pour permettre à un bénéficiaire d’avoir des


fonds à sa disposition sur une place commerciale sur justification de son
identité. Son banquier l’accrédite auprès d’un correspondant sur cette place.
La différence avec la lettre de crédit est que le client accrédité ne reçoit
aucun titre, le correspondant est avisé directement.

D. La lettre de crédit « stand by »

D’origine américaine, la lettre de crédit « stand by » est émise pour garantir le


bénéficiaire contre le préjudice qu’il peut subir du fait de l’inexécution des
obligations d’un co-contractant. A l’occasion d’une vente de marchandises
ou de biens d’équipement, elle peut garantir le vendeur contre le risque de
non paiement, par l’acheteur ; ou elle garantit à l’acheteur le respect des
délais de livraison ou de la qualité du matériel livré par le vendeur. Elle peut
aussi intervenir à l’occasion d’opérations financières ; par exemple pour
garantir le remboursement d’une dette. Elle présente plusieurs caractères du
crédit documentaire ; elle représente un engagement ferme, pris par une
banque, unilatéralement et par écrit ; elle constitue un engagement
autonome par rapport au contrat de base.
101

3. Types de crédits

A. Les crédits à court terme

a) Les avances

1° Nature juridique

L’avance des fonds est un contrat de prêt d’argent. Ce prêt est commercial
dans l’hypothèse normale où il est consenti à un commerçant, il est civil
pour le client lorsqu’il est octroyé à un client civil. Il peut être ou non garanti
par une sûreté.

2° Rémunération du banquier

Le banquier perçoit d’abord un intérêt qui constitue le loyer de l’argent prêté.


Le taux d’intérêt conventionnel doit être fixé par un écrit, accepté par le
client, à défaut le taux légal est seul applicable. Indépendamment des
intérêts, le banquier perçoit des commissions diverses destinées à
rémunérer les services qu’il rend : ainsi les commissions de réalisation du
prêt, la commission du plus fort découvert, les commissions afférentes à
l’encaissement des effets escomptés.

3° Remboursement

Si le prêt est consenti pour une durée indéterminée, le banquier peut en


demander le remboursement à tout moment ; si le prêt est consenti pour
une durée déterminée, le banquier doit en principe attendre l’échéance ;
toutefois, les événements qui sont susceptibles d’entraîner la résiliation
anticipée de l’ouverture du crédit, produisent le même effet en matière de
prêt. De son côté, l’emprunteur doit respecter le terme stipulé. Le terme
étant stipulé dans l’intérêt des deux parties, il ne peut imposer au
banquier un remboursement anticipé pour éviter d’avoir à payer des intérêts
qu’il juge trop élevés.
102

b) L’escompte

1° Définition

L’escompte est l’opération par laquelle un client remet un effet de commerce


à un banquier, qui en paie le montant au remettant ou en crédite son
compte, sous déduction d’une somme représentant le service rendu et les
intérêts à courir jusqu’à l’échéance. Le mot escompte désigne à la fois
l’opération juridique et la somme déduite du montant de l’effet.
L’escompte porte principalement sur des lettres de change émises pour
assurer le règlement d’une vente commerciale ou d’une prestation de
services. Mais il n’est pas limité aux lettres de change, ni aux effets de
commerce (chèque, billet à ordre, warrants) et même sur les bons du trésor.
Il peut également porter sur des effets financiers dont la cause consiste en
une opération de crédit et non en une livraison de marchandises ou une
prestation de services (effets de cautionnement, effets d’ouverture de crédit).

2° La nature juridique

La nature juridique de l’opération d’escompte a été vivement discutée. Les


uns y voient un achat de titre par le banquier ; d’autres un prêt garanti
par le titre.
La doctrine la plus récente analyse l’escompte en une opération de crédit
dans laquelle la technique employée est le transfert de propriété d’un effet de
commerce (la cession ne se distingue pas du crédit et en constitue
l’instrument). Le sens économique de l’escompte est bien pour les deux
parties une opération de crédit et non une spéculation sur des effets ;
l’application de la législation sur l’usure est parfaitement justifiée. Mais le
mécanisme juridique de l’endossement, qui réalise l’escompte rend le
banquier propriétaire de l’effet, avec tous les droits correspondants.

c) Le crédit par signature

1° Le crédit par acceptation

•- Le rôle du banquier

Dans cette espèce de crédit, le banquier va accepter l’effet de commerce tiré


sur lui par son client. Cette acceptation est donnée parce que le banquier
103

ouvre un crédit à son client : l’ouverture du crédit sert de provision à la


traite. Mais le crédit n’est pas réalisé immédiatement.
C’est seulement à l’échéance de la traite que le banquier fera, s’il est tenu de
la payer, une avance de fonds. Grâce à l’acception du banquier, le tireur a
pu faire escompter la traite et se procurer des fonds auprès d’un autre
banquier.

En définitive, si l’opération se déroule normalement, le banquier tiré n’aura


donné qu’une signature d’acceptation. Il a prêté son crédit, exactement
comme s’il avait donné un aval. Ce crédit a pris le nom de crédit
d’acceptation et les banques spécialisées dans ces opérations, celui de
banques d’acceptation.

•- Caractère juridique du crédit

Lorsque le banquier est amené à effectuer le paiement d’une de ses


acceptations, il débite le compte de son client. Si celui-ci était créditeur d’un
montant suffisant, l’opération constitue l’équivalent d’une simple
domiciliation de la traite chez l’accepteur, qui s’est borné à prêter sa
signature à son client. Dans le cas contraire, le banquier est dans la même
situation que s’il avait consenti un véritable crédit à son client, sous forme
d’un engagement cambiaire. Il doit faire honneur à sa signature même si le
client avait promis d’envoyer les fonds et ne l’a pas fait.

2° Le cautionnement

•- Définition

Le cautionnement est l’engagement pris par la banque envers le créancier


éventuel. La banque s’engage comme caution de la dette d’un de ses clients.
La forme la plus simple est celle du cautionnement du droit civil

•- Nature du contrat

Le cautionnement donne au créancier un second débiteur, beaucoup plus


sûr que le premier. Il est normalement un cautionnement solidaire même
sans convention spéciale, car la solidarité se présume dans les engagements
commerciaux. La banque est donc tenue de payer sans que le débiteur
principal ait été discuté.
104

Conformément au droit commun, elle dispose d’un double recours contre le


débiteur garanti : une action personnelle en remboursement et l’action du
créancier dans laquelle et elle est subrogée.

•- Formes et effets du cautionnement

- Formes

Si l’engagement du débiteur a été matérialisé par une traite ou un chèque, le


cautionnement peut être fourni sous forme d’aval et l’aval peut être donné
par acte séparé, ce qui permet de cautionner une série d’effets.
La banque donne parfois sa caution avec la clause « sans concours ». Cette
clause lui assure la préférence dans le recours contre le débiteur sur toutes
les autres cautions, mais elle ne saurait évidemment produire effet que si
elle a été acceptée par les autres.

- Effets

La banque qui paye en qualité de caution est subrogée dans les droits
qu’avait le créancier contre le débiteur. Mais en matière fiscale, cette
subrogation n’est pas opposable au fisc.

B. Les crédits à moyen et long terme

a) Les crédits à moyen terme

1° Les crédits à moyen terme non mobilisables

Les crédits à moyen terme s’étalent sur une durée approximative de deux à
sept ans. La forme la plus simple est celle du crédit à moyen terme non
mobilisable. Il s’agit de prêts consentis soit par le trésor (prêts spéciaux
à la construction), soit par les banques ou établissements spécialisés qui
se procurent les ressources nécessaires par des augmentations de
capital, l’émission d’obligations ou de bons de caisse, des dépôts à terme.

2° Les crédits à moyen terme mobilisables

•- Idée générale

Face à l’ampleur des besoins, il a paru nécessaire de faire intervenir toutes


les ressources des dépôts bancaires. L’adaptation des techniques de
mobilisation des crédits à court terme s’est accompagnée de quelques
105

précautions pour donner naissance au crédit moyen terme mobilisable, qui a


permis aux banques de concilier les exigences contradictoires de leurs
clients emprunteurs (prêts à moyen terme) et de leurs clients déposants
(remboursement à vue).

•- La pratique

Un industriel qui doit régler un équipement à une échéance de quelques


années accepte ou souscrit des effets de commerce à trois mois, stipulés
renouvelables. Le vendeur fait escompter ces effets par son banquier, qui
mobilise le crédit ainsi consenti auprès d’une autre banque, cette dernière
pouvant recourir à son tour au réescompte, ainsi de suite (Banque
Nationale). L’intérêt de cet échelonnement d’escomptes et réescomptes est de
freiner autant que possible le recours à une émission monétaire par la
Banque Nationale. Pour éviter toute surprise fâcheuse, l’industriel et son
fournisseur doivent obtenir l’accord préalable de toutes les banques
intéressées, qui contrôlent l’utilité du crédit. Cet accord donne une
garantie absolue de mobilisation, une fois l’affaire engagée.
106

b) Les crédits à long terme

1° Les crédits à long terme non mobilisables

Les besoins pressant de l’après-guerre ont provoqué un appel à toutes


les ressources concevables de financement, y compris les concours
bancaires. Le crédit bancaire à long terme s’étend au-delà de sept ans, et ne
se distingue par toujours clairement, à sa limite inférieure, du crédit à
moyen terme.
Le crédit à long terme non mobilisable est représenté principalement
par les prêts consentis par les organismes spécialisés privés ou publics,
dans le domaine immobilier ou agricole.

2° Les crédits à long terme mobilisables

Le crédit à long terme mobilisable concerne principalement les


opérations d’exportation et le marché hypothécaire. Ce dernier permet aux
banques qui ont consenti les crédits hypothécaires de renouveler leur
trésorerie en négociant facilement leurs prêts immobiliers.

3° Le crédit-bail mobilier

•- Définition

Le crédit-bail ou leasing est une opération de crédit à moyen terme qui


se réalise par la combinaison de plusieurs techniques contractuelles. Un
client s’adresse à une entreprise de crédit-bail pour obtenir un matériel
d’équipement qu’il ne peut pas payer comptant et dont il n’entend pas
acquérir la propriété, au moins dans l’immédiat.
107

•- Déroulement de l’opération

L’entreprise achète le matériel décrit par le client pour le donner en


location à celui-ci ; assez souvent, elle donne mandat au client d’en discuter
les caractéristiques et le prix avec le vendeur. Le contrat de location est
conclu pour une durée relativement longue, généralement de trois à dix ans
en fonction de l’importance du bien loué et de la durée normale de son
amortissement fiscal. Il est irréversible pour les deux parties. Suivant le cas,
les redevances sont constantes ou dégressives, payables d’avance ou à terme
échu. Le locataire doit entretenir le bine et l’assurer ; il lui est en principe
interdit de sous-louer. Le contrat fait naître en même temps à la charge du
bailleur, et au profit du locataire, une promesse unilatérale de vente qui peut
être levée éventuellement à plusieurs échéances.
Au terme convenu, le locataire a le choix entre trois partis : mettre fin
à la location, la continuer, acquérir la propriété pour un prix dont les bases
sont déterminées dès la signature du contrat et qui tient compte au moins
en partie des versements effectués à titre de loyers. Au-delà des détails
techniques, cette construction permet concrètement à l’entreprise de crédit-
bail d’utiliser son droit de propriété pour la garantie qu’elle a consenti.

•- Situation du locataire (crédit-preneur)

Pour renforcer la force exécutoire du contrat, une clause réserve


habituellement à l’entreprise de crédit-bail une faculté de résiliation
unilatérale au cas de défaillance du locataire ; une stipulation
complémentaire ajoute assez souvent que les loyers restant à courir après la
résiliation seront acquis à l’entreprise de crédit-bail à titre de dommages-
intérêts. Les tribunaux peuvent modérer les peines conventionnelles qu’ils
jugent excessives.
108

4° Crédit-bail immobilier
La formule du crédit-bail a été entendue aux immeubles à usage
professionnel. Le crédit-bail immobilier est de même nature que le crédit-bail
mobilier mais le caractère original des opérations immobilières a imposé
quelques solutions particulières. La convention est de longue durée (10 à 25
ans).

C. Les crédits destinés au financement du commerce international : le


crédit documentaire

a) Généralités

1° Définition

Cet instrument financier, essentiel dans le commerce international est


caractérisé comme suit :
A la demande du donneur d’ordre (crédité), un banquier s’engage
directement envers un tiers (bénéficiaire) à payer une somme déterminée ou
accepter une traite sur lui, ou encore à « négocier » à forfait un effet tiré sur
le crédité moyennant remise des documents qui sont spécifiés dans la lettre
d’engagement.
Les ventes internationales donnent lieu à la délivrance de divers documents :
le connaissement ou titre de transport maritime, la police d’assurance, un
certificat de qualité, etc. Ces documents attestent la bonne exécution du
marché, et le connaissement, en particulier, représente la marchandise en
cours de transport.
Le crédit documentaire repose sur l’idée que les opérations effectuées sur les
documents réalisent les mêmes transferts de droits que si elles étaient
effectuées sur les marchandises elles-mêmes. Les banquiers porteurs des
documents acquièrent ainsi une garantie sérieuse, qui justifie les crédits
qu’ils accordent. Le crédit est parfois utilisé à l’exportation. Le vendeur tire
une traite à laquelle il joint les documents et la fait escompter par son
banquier ; le banquier escompteur remet les documents à l’acheteur contre
son acceptation ou contre paiement. Plus souvent, le crédit est un crédit à
l’importation. Le banquier de l’importateur ouvre à l’exportateur un crédit,
dénommé crédit documentaire parce que sa réalisation est subordonnée à la
109

présentation des documents ; ce crédit peut permettre à l’exportateur de se


procurer des avances auprès de son propre banquier.

2° Intérêt du crédit documentaire

L’intérêt du procédé du crédit documentaire est double :


•- Pour l’exportateur, c’est-à-dire le vendeur, une certitude d’être payé s’il se
conforme aux conditions du crédit ouvert en sa faveur.
•- Pour l’importateur, c’est-à-dire l’acheteur, une certitude de n’être débité par
son banquier que si le vendeur a présenté dans le délai convenu les
documents décrits, soit à ce banquier, soit à un correspondant désigné par
ce dernier.
c) Utilisation du crédit documentaire
•- Evolution jusqu’à la première guerre mondiale : renforcement de la
sécurité de l’instrument
Le crédit documentaire trouve sa source dans une institution qui semble
remonter à l’antiquité : la lettre de crédit. Le droit anglo-saxon utilise
toujours l’appellation « commercial letter of credit ».
La lettre était généralement émise par un marchand ou un banquier : elle
était adressée un marchand ou à banquier d’un pays étranger, et le priait de
mettre à la disposition d’un bénéficiaire les fonds dont il aurait besoin à
concurrence d’un certain montant. Le crédit documentaire, dans sa forme
actuelle, paraît n’avoir réellement pris naissance qu’au 19ème siècle.
Mais jusqu’à la 1ère guerre mondiale, les exportateurs ne recoururent
qu’exceptionnellement au crédit documentaire. Ils se contentaient
généralement de demander à leur acheteur étranger, soit le paiement, soit
l’acceptation d’une traite contre présentation des documents. Cette manière
de procéder, bien qu’offrant la possibilité de conférer au vendeur un droit de
gage sur les marchandises, supposait des relations confiantes entre parties.
En effet, en cas de baisse du cours des marchandises, l’acheteur pouvait
refuser les documents et, malgré son droit de gage, le vendeur subissait un
préjudice certain ; il était notamment exposé à devoir poursuivre, devant des
juridictions étrangères, parfois nationalistes, des procès difficiles, et sur base
d’une législation qu’il connaissait mal.
110

Le vendeur était donc en fait mal protégé contre la rouerie d’un acheteur qui
refusait de lever les documents ; très souvent uniquement parce qu’une
baisse du cours des marchandises s’était produite dans l’intervalle qui avait
séparé la conclusion du marché et la présentation des documents.
La clause « documents encore acceptation » ; loin d’améliorer une situation,
l’aggravait, car elle obligeait le vendeur à se dessaisir des documents au
profit de l’acheteur, c’est-à-dire d’abandonner son privilège contre une
simple acceptation dont le paiement pouvait toujours être aléatoire. C’est de
cette insécurité qu’est née l’institution du crédit documentaire qui, pour
produire toute son utilité, doit comporter, de la part du banquier désigné par
l’acheteur, une promesse irrévocable de payer ou d’accepter, une lettre de
change dès le moment où lui sont remis les documents spécifiés par le
donneur d’ordre.
Le but économique désiré est ainsi rempli puisque le vendeur obtient, s’il se
conforme aux dispositions, une certitude de paiement, par un tiers,
évidemment solvable. L’engagement de ce tiers est personnel et autonome en
ce sen qu’il est indépendant des difficultés qui peuvent surgir entre les
parties au contrat commercial.
Si, après paiement, un litige survient quant à l’exécution du marché, le
vendeur bénéficiera de la position favorable de défendeur et devra
normalement être cité devant les tribunaux de son propre pays.
•- Evolution après la 1ère guerre mondiale : exigence de garanties
encore plus efficaces
Après la guerre 1914-1918, qui provoqua une longue interruption dans les
relations internationales, et l’intervention des commerçants nouveaux et
inconnus, un relâchement des mœurs commerciales se produisit, qui incita
les vendeurs à se garantir plus efficacement contre la défaillance de leurs
acheteurs, en exigeant que ceux-ci leur délivrent un engagement direct et
personnel d’un banquier.
C’est à partir de ce moment que l’instrument de crédit documentaire connut
une grande utilisation, qui alla croissant à l’approche du conflit mondial.
Celle-ci se développa encore, dans des circonstances très semblables après
la seconde guerre.
111

Cet accroissement est dû aussi au fait que, dans tous les pays, un plus
grand nombre de firmes que jadis s’intéressent au commerce extérieur.

a) Les principes de fonctionnement

1° Les catégories de crédits documentaires

•- Crédit documentaire révocable et crédit documentaire irrévocable,


crédit documentaire confirmé

L’opération de crédit documentaire, qui fondamentalement est une opération


à trois personnes, comporte des variantes très distinctes.
- Crédit documentaire révocable
Suivant cette formule, le banquier accorde son concours pour lever et
transférer les documents mais ne prend pas un engagement personnel
envers l’exportateur.
Le crédit révocable est une simple mise à disposition contre documents avec
ou sans avis du banquier payeur au bénéficiaire du crédit. Ce genre de crédit
permet à tout moment des annulations ou des modifications et n’offre au
bénéficiaire aucune garantie.
- Crédit documentaire irrévocable
Quand, au contraire, le banquier s’engage de manière personnelle à fournir
au bénéficiaire un élément de crédit (paiement, acceptation) il s’agit d’un
crédit irrévocable. Cet engagement ferme ne peut être annulé ou modifié
qu’après l’accord des parties.

- Crédit documentaire confirmé

Enfin, un crédit irrévocable transmis par le banquier intermédiaire peut être,


le cas échéant confirmé par ce banquier. En vertu de cette confirmation, ce
banquier prend un engagement personnel à l’égard du bénéficiaire. Par
contre, si le crédit n’est pas confirmé, le banquier correspondant ne prend
pas à son compte l’engagement du banquier d’émetteur, mais sert
d’intermédiaire ou de négociateur.
Les distinctions élémentaires qui précèdent sont cependant parfois
méconnues dans la pratique où l’on dénomme souvent crédit confirmé ce qui
est simplement un crédit irrévocable.
112

Il faut observer aussi que le crédit documentaire n’est pas nécessairement le


résultat d’une véritable opération de crédit entre donneur d’ordre et
banquier. Tel sera le cas lorsque le banquier reçoit une provision à 100% ou
est autorisé à débiter à même concurrence le compte du donneur d’ordre.
Dans ce cas, le banquier se borne à transmettre à un tiers ce qui appartient
à son client. Il ne fait pas de crédit.

•- Valeur des crédits documentaires révocable et irrévocable

- Crédit documentaire révocable

• Rappel de la notion de crédit documentaire révocable

Le crédit documentaire révocable repose sur une simple autorisation


précaire donnée par le donneur d’ordre à son banquier de négocier une
remise documentaire établie conformément à des spécifications établies.
Dans la pratique, le terme crédit documentaire couvre à la fois des notions
aussi différentes que le crédit documentaire révocable et le crédit
documentaire irrévocable. Ce manque de précision est de nature à induire en
erreur le bénéficiaire non averti qui se croit couvert parce que,
conformément à la requête prévue, un crédit documentaire a été ouvert en sa
faveur. On gagnerait à réserver le vocable « crédit documentaire »
uniquement à l’engagement irrévocable confirmé ou non.

• Avantage du crédit documentaire révocable

Le crédit documentaire révocable procure-t-il un avantage réel à son


bénéficiaire ? Oui, surtout lorsqu’il est avisé et « payable » à l’étranger par
une banque correspondante de la banque initiale. Sauf annulation, le
bénéficiaire pourra alors obtenir paiement immédiatement après
l’embarquement des marchandises et sera dispensé de la présentation à
l’encaissement à l’étranger.
Il y a donc :
 un déplacement dans le lieu de paiement ;
 un gain dans le temps ;
113

 une protection plus grande contre les manœuvres du donneur d’ordre peu
scrupuleux qui, sachant les marchandises embarquées, essaierait de
profiter d’une situation de fait pour réclamer un rabais.
On peut également considérer que le crédit documentaire révocable est
utile :
 en ce qu’il constitue une confirmation supplémentaire de certains termes
du contrat de base ;
 lorsqu’il apporte la preuve qu’une licence d’importation a été accordée.

• Critique du crédit documentaire révocable

Cependant, le crédit documentaire révocable constitue un procédé imprécis


qui n’a pas de réelle raison d’être et ouvre la porte aux contestations.

Du point de vue juridique, il s’agit d’un mandat du donneur d’ordre au


banquier, celui-ci exécutant « pour compte du 1er et sous sa direction »
certaines opérations juridiques s’accompagnant le plus souvent de tâches
matérielles.
Lorsqu’il y a révocation, les banques considèrent qu’elles n’ont pas
aucunement l’obligation de notifier celle-ci au bénéficiaire.
C’est pourquoi la formule américaine « Authority to draw, to pay, to
negociate », c’est-à-dire “autorisation de tirer, de payer, de négocier » traduit
exactement la nature de cette opération.

- Le crédit documentaire irrévocable

Le crédit documentaire irrévocable comporte une toute autre portée et au


surplus son analyse offre, du point de vue scientifique, un très grand intérêt,
à raison même de sa grande originalité : le caractère autonome de
l’engagement assuré par le banquier. Cette autonomie existe non seulement
par rapport au contrat de crédit, mais encore au contrat de vente qui en est
la raison d’être économique. De même qu’en matière de lettre de change, l’on
retrouve ici le procédé de l’opposabilité des exceptions qui contribue à
conférer à l’engagement du banquier le caractère absolu qu’exigent
l’institution et la sécurité du bénéficiaire.
114

L’engagement du banquier à l’égard du bénéficiaire, s’il est le résultat d’une


convention de crédit entre donneur d’ordre et banquier, ne revêt pas de
caractère contractuel dans le rapport banquier-bénéficiaire. Cet engagement
existe dès qu’il est porté à la connaissance de celui-ci, sans que son
acceptation soit nécessaire. Ceci souligne le rôle que remplit la lettre de
crédit, support nécessaire de l’opération et justifie aussi le caractère assez
formaliste du procédé.

2° La pratique du crédit documentaire

La matière est particulièrement abondante et fait appel à de multiples


techniques. On indiquera seulement quelques notions essentielles.

•- Le privilège sur les marchandises

Encore que les banquiers y accordent une particulière attention, le crédit


documentaire ne leur assure pas nécessairement un gage sur les
marchandises. Lorsque le gage existe, il résulte de la possession du
connaissement, quand celui-ci est au porteur ou à ordre.
Par souci de précision, le banquier insérera généralement une clause
expresse, d’affectation en garantie.
Le gage prendra fin normalement au moment où le banquier se dessaisit des
documents, à moins que l’opération ne se prolonge par une autre opération
de crédit garantie.

•- Vérification des documents

La mission classique du banquier consiste essentiellement dans la


vérification minutieuse des documents produits, mais il s’agit de la régularité
extérieure de ceux-ci.
L’engagement doit en principe être exécuté dès lors que le bénéficiaire,
agissant dans le respect des clauses de la lettre de crédit, remet sans en
omettre un seul, les documents requis dans le délai et au lieu voulu. Si ce
lieu n’a pas été expressément indiqué, l’on considère que le banquier devra
accomplir sa mission au siège où les instructions lui ont été données.
La tâche de vérification porte sur l’identité des documents et leur conformité.
Elle est accomplie d’une manière littérale, voire même formaliste.
115

Lorsque cette vérification est satisfaisante, l’engagement du banquier sera


exécuté même s’il est avéré que le contrat de vente a été entre-temps résolu
aux torts du vendeur ou, plus exceptionnellement, que les pourparlers n’ont
même pas définitivement abouti.

•- Exécution sous réserve en cas d’irrégularité

Parfois, le banquier sera amené à exécuter l’engagement, contre présentation


de documents irréguliers. Il s’agira alors d’un paiement sous réserve,
conditionné par la dotation d’une garantie par le bénéficiaire ; le banquier
est, en effet, exposé à voir son donneur d’ordre désavouer l’attitude prise.
•- Responsabilité

La responsabilité du banquier à l’occasion de l’ouverture et du


fonctionnement du crédit, donne lieu à certains problèmes délicats. S’il est
affirmé que cette responsabilité est régie par les règles de droit commun
en matière d’obligations, l’on constate que le juge s’inspire de la nature
très particulière de l’institution.

•- Comptabilité et coût de l’opération

En matière de crédit révocable, l’usage est de ne pas enregistrer


d’engagement dans le chef du banquier, ce qui est logique étant donné la
nature de ce crédit. Par contre, en matière de crédit irrévocable, les
banquiers font apparaître l’ouverture du crédit dans leur comptabilité.

4. Les garanties des crédits bancaires

On examinera les principales sûretés qui peuvent être stipulées pour


garantir le remboursement de n’importe quel crédit, en procurant au
banquier donneur de crédit l’engagement d’un nouveau débiteur (garantie
personnelle) ou l’affectation d’un bien à la garantie du crédit (garanties
réelles).
A. Les garanties personnelles
a) La solidarité
La solidarité n’offre aucune particularité en matière bancaire. La solidarité se
présume dans les contrats où plusieurs commerçants sont codébiteurs.
116

b) Le cautionnement

Le cautionnement donné en faveur d’une banque est fréquent, il est fourni,


par exemple par une société de caution mutuelle, par un père pour son fils
ou une femme pour son mari, par les dirigeants ou certains associés pour les
obligations contractées par une société en faveur d’une autre société du
même groupe. Il est important de savoir si l’obligation de la caution a un
caractère civil ou commercial : notamment, le cautionnement commercial
peut être prouvé par tous moyens et est présumé solidaire. Le
cautionnement est considéré traditionnellement comme un acte civil ; il
devient toutefois commercial si l’obligation garantie a un caractère
commercial et si la caution a un intérêt personnel dans l’affaire à l’occasion
de laquelle elle est intervenue. En pratique pour éviter les discussions, les
cautionnements demandés par les banques sont toujours stipulés solidaires,
et même indivisibles. En raison de l’affaiblissement des sûretés réelles dans
les procédures collectives, on a souligné la supériorité du cautionnement,
qui permet au créancier de poursuivre un patrimoine autre que celui du
débiteur en état de cessation des paiements.

c) La lettre d’intention

Il arrive qu’une personne (société mère par exemple) adresse à un banquier


une lettre d’intention ou de confort pour donner à celui-ci certaines
assurances concernant l’exécution d’engagements contractés par une autre
personne (société filiale par exemple). Cette lettre fait naître contre le
souscripteur un engagement plus ou moins contraignant dont la mesure
résulte de l’analyse précise des termes employés, le doute devant profiter à
celui qui s’oblige. Il peut s’agir d’un simple engagement moral. Plus souvent,
le souscripteur assume un engagement contractuel de garantie générateur
selon le cas, d’une obligation de moyen ou de résultat.

Dans le 1er cas, la responsabilité du souscripteur est dégagée s’il prouve qu’il
a fait des « efforts suffisants ». Dans le second cas, le souscripteur doit
indemniser le bénéficiaire en cas de défaillance du débiteur principal, sauf
cas de force majeure.
117

d) L’assurance-crédit
L’assurance-crédit a pour objet d’assurer le fournisseur d’une marchandise
ou d’un service contre le risque de non-paiement des créances qu’il possède
contre ses clients. Il en existe deux formes dans le commerce intérieur :
l’assurance-aval et l’assurance insolvabilité. L’assurance-crédit pour le
commerce extérieur sera également analysée.

1° L’assurance-crédit dans le commerce intérieur

•- Assurance-aval

Dans l’assurance-aval, l’assurance couvre le non-paiement à l’échéance


d’une créance déterminée, indépendamment de l’insolvabilité du débiteur. Le
plus souvent, la garantie prend la forme d’un aval donné sur une traite par
le vendeur, d’où son nom. Mais elle s’applique également à des créances
ordinaires, qui ne sont pas représentées par des effets de commerce.

•- Assurance-insolvabilité

L’assurance-insolvabilité couvre probablement les risques de perte définitive


des créances de l’assuré, résultant de l’insolvabilité de ses débiteurs. Elle
s’applique seulement aux crédits commerciaux à court terme, provenant des
ventes des marchandises, des prestations de service effectués par des
commerçants à d’autres commerçants, à l’exclusion des crédits consentis à
l’occasion d’opérations financières, des crédits d’équipement, des crédits à la
consommation consentis aux particuliers. Elle garantit les risques normaux
provenant de l’insolvabilité des débiteurs, mais non les risques politiques ou
catastrophiques. Sans être obligatoire, elle facilite la mobilisation des
créances des fournisseurs assurés auprès de leurs banquiers : le client
transmet au banquier mobilisateur, non seulement la créance financée, mais
encore tous ses accessoires, notamment le droit d’indemnité qui découle de
la police d’assurance.
•- Assurance-crédit pour le commerce extérieur
Au risque commercial ordinaire (insolvabilité), le commerce extérieur ajoute
des risques spécifiques découlant des événements politiques (révolution),
monétaires (dévaluation, interdiction des transferts de fonds) et même
naturels, qui peuvent compromettre l’exécution des opérations convenues.
118

De là un système d’assurance-crédit qui constitue une aide supplémentaire


au financement de commerce extérieur.

B. Les garanties réelles

a) L’hypothèque immobilière

En guise de sûreté, un banquier peut prendre une hypothèque sur un


immeuble d’un client débiteur. Il doit la publier pour la rendre opposable
aux tiers.

b) Hypothèque et nantissements mobiliers

Les principes généraux du droit hypothécaire s’appliquent aux cas


exceptionnels dans lesquels l’hypothèque peut porter sur un meuble :
hypothèque maritime, hypothèque fluviale, hypothèque aérienne. Les
hypothèques ne sont guère utilisées que par des entreprises spécialisées,
mais le montant des créances inscrites est important.

Les mêmes principes se retrouvent pour les sûretés qui portent sur certains
meubles jugés suffisamment stables pour servir de support à une publicité
et auxquelles leur nature indécise a valu le nom de nantissement :
nantissement du fonds de commerce, nantissement de l’outillage ou du
matériel d’équipement.

c) Gage sur marchandises

Dans la forme classique du gage, la possession de la marchandise qui est


l’objet de la sûreté est transférée du débiteur au créancier gagiste.

d) Gage sur titre négociable

Pour les titres à ordre et particulièrement les effets de commerce, la mise en


gage peut être réalisée par un endossement spécial, dénommé endossement
pignoratif. En fait, cette technique est assez rarement utilisée. Le plus
souvent, l’effet donné en gage fait l’objet d’un endossement translatif (en
blanc), et la nature des relations entre le remettant et le porteur est précisé
par un échange de correspondance ou tout simplement par le bordereau qui
constate la remise.
119

e) Le nantissement de marché

Le nantissement de marché permet à un entrepreneur d’obtenir une avance


en constituant un gage au profit d’un banquier la créance résultant d’un
marché. Le banquier nanti reçoit en même temps le mandat de percevoir le
prix. C’est pourquoi on parle aussi couramment de délégation de marché.

f) Prêts sur polices d’assurance-vie

Le prêt sur police d’assurance-vie peut être réalisé suivant plusieurs


modalités, qui correspondent à divers types de contrat.

Certaines polices prévoient le versement d’un capital lorsque l’assuré


atteindra un certain âge ou antérieurement si l’assuré meurt avant cet âge.
La police présente le caractère d’un contrat de capitalisation et a une
certaine valeur de rachat. L’assuré peut la constituer en gage à son
banquier.

D’autres polices prévoient uniquement un versement au cas de décès du


titulaire. Le banquier distributeur de crédit peut se faire désigner un
bénéficiaire de l’assurance pour se protéger contre le risque de décès de son
client. Cette modalité, qui n’implique pas une constitution de gage, est assez
répandue dans le crédit à la construction.
120

CHAPITRE II. LES AUTRES INSTITUTIONS FINANCIERES

Section 1. Distinction à faire

Le législateur distingue les établissements de crédit et les autres institutions


financières1.

§1. Les établissements de crédit

Il s’agit :
- des coopératives d’épargne et de crédit ;
- des caisses d’épargne ;
- des institutions financières spécialisées ;
- des sociétés financières.

I. Les coopératives d’épargne et de crédit

Il s’agit des institutions qui poursuivent ou non un but lucratif mais


contrôlent une fraction non négligeable de l’épargne publique. C’est le cas
des compagnies privées d’épargne, des coopératives d’épargne et de crédit.

II. Les caisses d’épargne

Il s’agit des institutions qui se spécialisent aussi dans la collecte de l’épargne


publique sans pour autant chercher le lucre. Ce sont des institutions
financières non bancaires dont la mission première est de sauvegarder
l’activité économique en s’assurant de son financement quasi permanent. Tel
est le cas de la Caisse d’Epargne du Congo (CADECO).

III. Les institutions financières spécialisées

Il s’agit des établissements de crédit auxquels l’Etat a confié une mission


permanente d’intérêt public et qui ne peuvent effectuer à titre principal
d’autres opérations de banques que celles afférentes à cette mission2, sauf à
titre accessoire.

1
$UWHW/RLQƒGXIpYULHUUHODWLYHjO¶DFWLYité et au contrôle des établissements de crédit.
2
Art. 3, al.5 de la loi bancaire.
121

IV. Les sociétés financières


Les sociétés financières sont en principe des institutions qui ne peuvent pas,
par principe, recevoir des dépôts à vue du public et ne peuvent effectuer que
des opérations de banque résultant soit de la décision d’agrément qui les
concerne, soit des dispositions légales et réglementaires qui leur sont
propres1.

§2. Les autres institutions

Le législateur range dans une catégorie à part :


- les entreprises d’assurance ;
- les organismes de retraite ;
- les agents et/ou bureaux de change ;
- les loteries et les entreprises de collecte dans les buts sociaux qui sont
sujettes à l’autorisation préalable des autorités publiques ;
- les autres intermédiaires financiers2.
Section 2. Régime juridique des établissements de crédit
§1. L’accès au statut : l’agrément
I. Idée de base
La protection des épargnants passe par le contrôle et l’accès à la fourniture
des services de crédits et à la collecte de l’épargne.
L’agrément de la Banque Centrale est donc nécessaire pour exercer les
activités de banque3.
II. Conditions d’agrément
1. Personnalité juridique
Les établissements de crédit doivent emprunter la forme d’une personne
morale4.
2. Dotation en capital
Le critère essentiel de l’agrément d’un établissement de crédit est la
solvabilité. Le prestataire doit disposer d’un capital minimum libéré. La
Banque Centrale détermine le montant de ce capital5.

1
Art. 3, al.3 et 4, Loi bancaire.
2
Article 5, Loi bancaire.
3
Art. 10, Loi bancaire
4
Art. 11, al.1, Loi bancaire.
5
Art. 11, al. 3, Loi bancaire.
122

3. Réponse à un besoin identifié


L’établissement de crédit doit aussi répondre à un besoin économique local
en général1.
4. Organisation de la direction
L’établissement de crédit doit être dirigé par deux personnes au moins
justifiant de l’honorabilité, de la compétence et de l’expérience
professionnelle nécessaires à l’exercice de cette fonction2.

III. Procédure d’agrément

1. Demande d’agrément3

La demande d’agrément est adressée à la Banque Centrale accompagnée


d’un dossier comprenant :
- un exemplaire original des statuts rédigés en français ;
- la liste des actionnaires et dirigeants ;
- les prévisions d’activités, d’implantation et d’organisation ;
- le détail des moyens techniques et financiers que l’établissement de crédit
entend mettre en œuvre ;
- tous les autres éléments susceptibles d’éclairer la décision de la Banque
Centrale.
2. Délivrance de l’agrément4
La Banque Centrale instruit le dossier et notifie sa décision au requérant.
3. Refus d’agrément5
Le refus d’agrément est notifié au promoteur par la Banque Centrale.
§2. Portée de l’agrément
L’agrément confère à l’établissement de crédit des droits et des obligations.

1
Art. 11, al. 3, Loi bancaire.
2
Art. 14, Loi bancaire.
3
Art. 12, Loi bancaire.
4
Art. 16, al. 1, Loi bancaire.
5
Art. 16, al. 4, Loi bancaire.
123

I. Les droits conférés par l’agrément


1. Le monopole
A. Le monopole sur les opérations de banque1
Aux termes de l’article 1er de la loi bancaire, les opérations de banque
comprennent :
- la réception et la collecte des fonds publics ;
- les opérations de crédit ;
- les opérations de paiement et la gestion des moyens de paiement.
Aucune autre entreprise en dehors des établissements de crédit ne peut :
- effectuer des opérations de banque à titre habituel ;
- recevoir du public des fonds de vue, à terme fixe ou avec un préavis ;
- se prévaloir de la qualité d’établissement de crédit ni créer l’apparence de
cette qualité…
B. La sanction de la violation du monopole
Il est interdit à un établissement de crédit d’effectuer des opérations non
autorisées pour sa catégorie2.
Le dépassement par un établissement de crédit des termes de son agrément
serait sanctionné par la Banque Centrale.
2. Exception au monopole
Certains organismes, certaines personnes physiques ou morales peuvent
octroyer des crédits sans avoir la qualité d’établissement de crédit.
Les premiers à bénéficier de cette exception sont :
- les organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour
des motifs d’ordre social, accordent sur leurs ressources propres, des
prêts à des conditions préférentielles à certains de leurs membres ;
- les organismes qui, exclusivement à titre accessoire à leur activité de
constructeur ou de prestataire de services, consentent aux personnes
physiques accédant à la propriété, le paiement différé du prix des
logements acquis ou souscrits par elles ;
- les entreprises qui consentent à leurs salariés, pour des motifs d’ordre
social, des avances sur salaires ou des dépôts à titre exceptionnel1.

1
Art. 19, Loi bancaire
2
Art. 19, al.2, Loi bancaire
124

De même, des personnes physiques ou morales peuvent :


- dans l’exercice de leur activité professionnelle, consentir à leurs contractants
des délais en des avances de paiement ;
- conclure des contrats de location d’immeubles assortis d’une option d’achat ;
- procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elles,
directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des
entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ;
- émettre des valeurs mobilières ainsi que de bons ou billets à court terme
négociables sur un marché réglementé ;
- émettre de bons et cartes délivrés par l’achat auprès d’elles d’un bien ou
d’un service déterminé2.
II. Les obligations résultant de l’agrément
1. La soumission aux normes prudentielles
Les établissements de crédit sont soumis à certaines règles qui ont pour
objet de prévenir leur insolvabilité et de garantir ainsi les épargnants contre
le risque lié à la faillite.
Ces règles parfois appelées « prudentielles » consistent en des normes de
gestion et des obligations comptables et déclaratives.

A. Normes de gestion et obligations comptables

a) Les normes de gestion

1° Idée générale

Les établissements de crédit doivent respecter un certain nombre de


« normes de gestion » en vue de garantir leur liquidité, leur solvabilité et
l’équilibre de leur structure financière3.
Ces normes fixent les exigences de solvabilité. Elles s’appuient sur des ratios
qui évaluent le niveau de fonds propres nécessaires pour absorber
d’éventuelles pertes en fonction des risques supportés.
L’idée est de veiller à ce que les risques pris par les établissements de crédit
soient, d’une part, suffisamment couverts par leurs fonds propres et, d’autre
part, suffisamment répartis, c’est-à-dire divisés.
1
Art. 20, Loi bancaire
2
Art. 21, Loi bancaire
3
Art. 25, Loi bancaire.
125

2° Les normes : la couverture et la division des risques


●- Couverture des risques
Les principaux risques à couvrir sont des risques de crédit, c’est-à-dire
ceux de la défaillance des clients.
Les normes sont définies à partir de la notion de « fonds propres ». L’idée est
que les fonds propres, qui représentent les ressources stables, doivent être
suffisants pour couvrir les risques pris ; ils servent donc de paramètre pour
le calcul des différents ratios imposés aux établissements de crédits.
Ainsi, l’article 24 de la loi bancaire dispose que « les fonds propres des
établissements de crédit… ne peuvent à aucun moment, devenir inférieurs
au montant du capital minimum » exigé lors de l’agrément.

●- Division des risques

La division des risques est une façon de limiter l’ampleur du préjudice en cas
de défaillance du débiteur. Elle a pour objet d’interdire de mettre « tous les
œufs dans un même panier » autrement dit, elles visent à limiter le montant
des engagements au regard d’un même client, en imposant un rapport
maximum entre l’ensemble des risques qu’ils encourent du fait de leurs
opérations avec un même bénéficiaire et le montant de leurs fonds propres.

Les établissements de crédit ne peuvent accorder des crédits ou des


garanties aux personnes qui participent à leur direction, administration ou
fonctionnement, ou de se porter caution en leur faveur pour un montant
global supérieure à 20% de leur fonds propres1.

b. Les obligations comptables

Les obligations comptables des établissements de crédit sont notamment


d’établir le « rapport de synthèse » le rapport de gestion2.
B. Obligation d’adhérer au système de protection des dépôts3
Les établissements de crédit sont tenus d’adhérer à un mécanisme de
garantie destinés à garantir les épargnants contre les risques liés à une
défaillance d’un établissement.

1
Art. 27, al.1, Loi bancaire
2
Art. 31-35, Loi bancaire
3
Art. 74, Loi bancaire
126

2. Règles d’organisation
Les règles d’organisation figurent au nombre des règles de bonne conduite
imposées aux établissements de crédit.
Les plus importantes des règles d’organisation sont celles qui concernent le
dispositif de contrôle, les conflits d’intérêts et la protection des avoirs des
clients auxquelles on ajoute d’autres règles d’organisation interne.
A. Le dispositif de contrôle
a. Le contrôle de la Banque Centrale1
La Banque Centrale est chargée notamment de :
- veiller au respect par des établissements de crédit, des dispositions
légales et réglementaires qui leur sont applicables ;
- examiner les conditions d’exploitation des établissements de crédit ;
- veiller à la qualité de la situation des établissements de crédit et au
respect de bonne conduite de la profession.
b. Le contrôle des commissaires aux comptes
Les commissaires aux comptes soumettent annuellement à l’Assemblée
générale des actionnaires un rapport sur les comptes annuels de
l’établissement de crédit conformément aux normes professionnelles en la
matière2.
B. Les conflits d’intérêts
Les établissements de crédit doivent prendre toutes les mesures pour
empêcher les conflits d’intérêts de porter atteinte aux intérêts des
épargnants.
Ainsi, « nul ne peut être commissaire aux comptes auprès d’un
établissement de crédit s’il a ou acquiert autrement qu’en qualité de
déposant, un intérêt quelconque dans l’établissement de crédit ou s’il a
exercé ou exerce une autre fonction de nature à mettre son indépendance en
caisse3.

1
Art. 36, Loi bancaire
2
Art. 55, Loi bancaire
3
Art. 53, al.2, Loi bancaire
127

C. La protection des avoirs des clients

Tout établissement de crédit doit prendre les dispositions appropriées pour


sauvegarder les droits des déposants.
En vue d’une meilleure protection de l’épargne publique et du système
financier, la Banque Centrale peut, à tout moment ou à la demande des
établissements de crédit, prendre des mesures conservatoires, notamment la
mise à l’index, à l’encontre des personnes physiques ou morales qui
entretiennent des impayés, émettent des chèques sans provision ou
enfreignent des dispositions relatives à la réglementation de change1.

D. Organisation interne

La gestion courante des établissements de crédits doit être confiée à deux


personnes physiques au moins, justifiant de l’honorabilité, de la compétence
et de l’expérience professionnelle nécessaires à l’expérience de cette
fonction2.
III. Sanctions de la violation des obligations liées à l’agrément

1. Sanctions professionnelles

La violation des obligations professionnelles entraîne des sanctions


disciplinaires et administratives.
Les sanctions encourues consistent en un avertissement, blâme, interdiction
d’exercer certaines opérations ou activités, suspension ou démission d’office
des dirigeants responsables, révocation du ou des commissaires aux
comptes3.

2. Sanctions pénales

La violation de certaines normes est sanctionnée pénalement4.

1
Art. 76, al.1, Loi bancaire
2
Art. 14, Loi bancaire
3
Art. 77, Loi bancaire
4
Art. 80-85, Loi bancaire
128

3. Sanctions civiles
L’établissement de crédit est responsable civilement des amendes
prononcées contre toute personne qui participe, directement ou
indirectement, à leur administration, gestion ou contrôle1.
§3. La perte du statut
L’exclusion d’un établissement de crédit de la profession résulte, soit d’une
radiation, soit d’un retrait d’agrément.
L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre d’un établissement de
crédit, lorsqu’elle débouche sur une liquidation, entraîne aussi l’exclusion de
l’établissement de crédit.
I. La radiation
La radiation est la conséquence du retrait d’agrément. L’établissement de
crédit dont l’agrément est retiré est radié de la liste des établissements de
crédit.
C’est la sanction la plus grave. Elle entraîne automatiquement la liquidation.
II. Le retrait d’agrément
1. Compétence
La Banque Centrale prononce le retrait de l’agrément lorsque certaines
conditions sont réunies.
2. Conditions requises
Le retrait d’agrément est prononcé lorsque l’établissement :
- renonce à l’agrément ;
- ne remplit plus les conditions auxquelles l’agrément est subordonné ;
- n’a pas commencé ses opérations dans les douze mois à dater de son
agrément ;
- a cessé d’exercer son activité depuis six mois au moins ;
- a commis une infraction aux dispositions de la loi bancaire et de ses
mesures d’exécution.

1
Art. 81, al.1, Loi bancaire
129

III. La liquidation
La liquidation d’un établissement de crédit dissous par décision de
l’Assemblée générale des actionnaires, associés ou sociétaires s’effectue
conformément au droit commun1.
La liquidation des établissements de crédit ayant fait l’objet d’une
dissolution forcée est organisée par la Banque centrale2. La dissolution est
dite forcée lorsque la décision émane de la Banque centrale ou de l’autorité
judiciaire3.

1
Art. 59, Loi bancaire
2
Art. 60, 62-72, Loi bancaire
3
Art. 56, al. 2, Loi bancaire

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