Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
PAR
INTRODUCTION
L’acte de naissance de la Théorie Monétaire commence avec la Théorie de
la Monnaie à partir du début du 20ème siècle. Dès 1913, le grand
économiste américain Irving FISHER s’interroge sur les facteurs explicatifs
de la vitesse de circulation de la monnaie. Son but est double : d’un côté,
il souhaite identifier les variables qui déterminent le rythme de circulation
des unités c'est-à-dire des signes monétaires dans le système
économique. De l’autre côté, Fisher tente de répondre à la question : La
monnaie a-t-elle une utilité propre ?
Fisher ne formule pas encore une théorie de la demande de monnaie
même s’il fournit avec la Théorie Quantitative des échanges, les
fondements de la vitesse de circulation de la monnaie, l’équation étant
aussi la première grande théorie de l’inflation.
Fisher donne ainsi le point de départ d’une théorie monétaire qui va se
construire par étapes successives.
Ainsi, prolongeant Fisher à la fin des années 1910, les deux grands
maîtres, Alfred MARSHALL et Arthur-Cecil PIGOU, professeurs de
Cambridge, vont approfondir l’explication et les déterminants de la vitesse
de circulation. Ces trois auteurs forment alors ce que l’on appelle les
Théories pré-keynésiennes de la Demande de Monnaie.
Il convient de noter que leur contribution est duale. D’un côté, elle est
positive car elle pose les bases de ce qui sera plus tard la Théorie de la
Demande de Monnaie et de l’autre, elle conclut que les déterminants de la
vitesse (V) sont structurels ; ils dépendent principalement de variables
rigides ou invariantes à court terme telle que l’organisation bancaire ou du
système de paiement ou enfin les habitudes même de paiement.
De ce fait, il n’y a pas encore de théories spécifiques de la demande de
monnaie avec ces auteurs. Le rôle du taux d’intérêt, par exemple, n’est
pas encore reconnu. Certes Pigou admet que la monnaie comporte des
services de liquidité renouant avec l’optique de Walras, ce dernier
admettant aussi que la monnaie apporte également des services
d’approvisionnement. Pigou utilise même l’expression d’un « facteur de
confort » attaché à la monnaie (« factor of convert »).
Toutefois, en ce début de 20ème siècle, ces auteurs hésitent encore entre
deux conceptions de la monnaie.
La conception moderne pousserait Pigou à reconnaître que la monnaie a
une utilité propre et c’est en cela que Pigou, le premier, affirme qu’elle
peut faire l’objet d’une préférence pour la liquidité.
Mais Pigou reste attaché à son héritage intellectuel qui le ramène
à la conception traditionnelle de la monnaie, notamment avec Jean
3
BODIN, David HUME (18èmes), en passant par J-B. SAY ou David RICARDO
(19èmes) jusqu’à WALRAS.
Selon cette conception traditionnelle, la monnaie n’a pas d’utilité
propre :
« Elle est un voile qui ne sert qu’à masquer la réalité des
échanges, car, les produits s’échangent contre les produits,
puisqu’ils se servent mutuellement de débouchés. ».
Cette conception traditionnelle de la monnaie réduit en effet
cette dernière aux fonctions d’unité de compte, d’instrument de paiement
dans les échanges. Or Pigou reste sensible au fait que la monnaie
constitue un stock-tampon et de ce fait, qu’elle procure de véritables
services de liquidité.
Ceci le conduit à relier la détention de monnaie, le besoin de
monnaie au taux d’intérêt qu’il identifie comme étant le prix de la
monnaie. Selon lui, l’agent arbitrera sans cesse entre les services de
liquidité d’un côté et les coûts de la liquidité de l’autre côté. Cette intuition
fonde alors la notion de « préférence pour la liquidité » (“liquidity
préférence”). Malheureusement, Pigou ne poussera pas jusqu’au bout sa
géniale intuition que KEYNES approfondira dans les années 1930 avec la
Théorie de la Préférence pour la Liquidité.
D’une part, James TOBIN (1970) qui a élaboré la théorie des choix de
portefeuilles, à la suite de Von NEUMAN et MORGENSTERN (1949),
établira le lien étroit entre la composition des portefeuilles financiers, en
actifs risqués (actions et obligations) et en actifs moins risqués (emprunts
d’Etat, liquidités, titres immobiliers), et les taux d’intérêt ou de rendement
respectifs et comparés de ces actifs. Il conteste l’homogénéité de degré 0
de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt établie par Milton
FRIEDMAN, dont il ne retrouve pas les résultats empiriques obtenus.
Sur la période contemporaine, les innovations financières observées
depuis le milieu des années 1970, illustrent la sensibilité des actifs
financiers au taux d’intérêt, des actifs porteurs de rendement étant
composites des mêmes portefeuilles que la liquidité au sens strict (Fonds
communs de Placement appelés FCP et SICAV en France depuis le début
des années 1980). Inversement, les années 2005 à aujourd’hui, illustrent
la baisse des taux d’intérêt, qui deviennent même négatifs en termes
nominaux.
Ces évolutions en sens inverse des taux d’intérêt, positifs en termes
nominaux et réels dans les années 1979 à 2000, et négatifs souvent en
termes réels (2000-2005) et également en termes nominaux (depuis
2010-11 en France), ne sont pas sans conséquence sur la demande de
monnaie des Agents non financiers.
D’autre part, le choix du modèle d’équilibre de court terme de FRIEDMAN
et MEISELMANN (1963), qui privilégie une fonction de demande de
8
P.T
soit V .
M
Prenons l’exemple d’un pays dont le PIB en valeur représente la valeur totale des transactions, ici
P.T = 4000 millions d’euros. Admettons que la masse monétaire M soit égale à 1000
millions d’euros. La vitesse V sera égale à 4 : V = 4000/1000 = 4. Chaque unité de
monnaie permet en moyenne de clôturer 4 transactions, c'est-à-dire de payer quatre fois
des échanges.
V est donc un indicateur du besoin de monnaie. Plus V est grand, plus la monnaie est
rare en proportion des transactions que chaque unité doit clôturer. Plus V est bas et
proche de 1, plus la monnaie es abondante car il y a autant de signes monétaires en
circulation que de transactions à clôturer.
Par exemple, supposons que le PIB en valeur reste de 4000 millions d’euros et que M = 3000
millions d’euros, on a alors : V = 4000/3000 = 1,33. V est désormais plus faible : la vitesse a
diminué considérablement par rapport à l’exemple précédent.
Il faut à peine plus d’une unité de monnaie pour clôturer autant de transactions qu’avant où il en
fallait une pour clôturer quatre transactions. Donc la vitesse de circulation a diminué par rapport au
cas précédent, traduisant une abondance monétaire relative.
Remarque : Rappelons que V décrit un indicateur du besoin de monnaie à des
fins de transactions. Si la fréquence est élevée, il y a moins de signes monétaires que de
transactions à clôturer. Si la fréquence est faible, il y a plus de signes monétaires que de
transactions à clôturer.
Comment la vitesse se modifie-t-elle ?
Fisher s’attachera alors à expliquer les déterminants de V à partir de ce qui apparaît au
numérateur et de ce qui apparaît au dénominateur c'est-à-dire les facteurs de l’évolution des
transactions ou de la masse monétaire. Pour répondre à cette question, il distingue les facteurs
structurels et les facteurs conjoncturels.
10
− Fisher débute donc son analyse en disant que ce sont principalement les facteurs
structurels qui agissent sur la vitesse de circulation. Ces facteurs sont de quatre ordres :
La préférence des ménages entre consommer et épargner :
Un ménage ayant une forte préférence pour la consommation, épargnera moins car il a une faible
préférence pour le futur ; il détiendra donc plus de liquidités, ce qui augmente la quantité de
monnaie en circulation et ralentit la vitesse. A l’inverse, un ménage qui épargne davantage, c'est-
à-dire qui thésaurise (il détient de la liquidité sous une forme oisive donc non productive), conserve
moins de liquidité à des fins de consommation, ce qui diminue la quantité de monnaie en
circulation. De ce fait, la vitesse s’accroît.
La préférence pour une forme monétaire manuelle (fiduciaire : billets et pièces)
par rapport aux monnaies scripturales :
1ère Conséquence : Une économie faiblement monétisée est une économie à faible taux de
liquidité donc à faible ratio de la masse monétaire au PIB en valeur, qui est l’inverse de la vitesse
de circulation de la monnaie. Donc une économie faiblement monétisée est une économie à vitesse
de circulation de la monnaie élevée. Inversement, une économie fortement monétisée est une
économie à taux élevé de liquidité c'est-à-dire une vitesse de circulation faible.
Les techniques de paiement :
Elles sont liées aux infrastructures financières c'est-à-dire au niveau de développement financier.
Ainsi, la variété des monnaies, les monnaies manuelles, soit les billets et pièces, les monnaies
scripturales, dont les chèques, les livrets d’épargne…, la monnaie électronique…, mais aussi le
nombre de banques et intermédiaires financiers (Caisses d’Epargne, CCP, Coopératives d’épargne
et Crédit, Entreprises ou Maisons d’Assurance, Fonds fiduciaires, Fonds de Placement, etc),
contribuent à augmenter la masse monétaire, donc à réduire la vitesse de circulation.
2nde Conséquence : Une économie est d’autant développée sur le plan réel qu’elle est
financièrement développée, c'est-à-dire qu’elle a une variété d’infrastructures
financières.
En d’autres termes, une économie ayant un degré élevé de développement financier (gamme
élargie de produits monétaires et financiers, structures diversifiées de banques et
intermédiaires financiers, marchés de capitaux nombreux et profonds…) connaîtra une
expansion monétaire régulière et une croissance économique en volume forte, à l’inverse
d’une économie faiblement développée sur le plan financier.
La croissance démographique :
Plus la croissance démographique est forte, plus il y a de personnes dépendantes, non adultes, dans
la population totale (moins de 15 ans), et moins l’épargne des personnes actives augmente, ce qui
réduit l’expansion monétaire, elle est moins rapide, et accroît la vitesse de circulation.
Des facteurs conjoncturels affectent aussi la vitesse de circulation. Ils affectent par
exemple la croissance du PIB ou celle du revenu par tête, laquelle détermine les transactions en
valeur.
Lorsque le revenu par tête augmente en relation avec le PIB par tête, alors que l’offre de monnaie
11
reste constante, la vitesse de circulation s’élève, les agents ayant un supplément de pouvoir d’achat
à dépenser, mais sans liquidité supplémentaire.
Cette accélération de V traduit donc un besoin plus important de monnaie. Les
désajustements entre l’offre et la demande de monnaie sont encore plus influents sur la vitesse car
une offre de monnaie abondante excédant la demande d’encaisses se résout dans une dépense,
c'est-à-dire dans une demande de biens excédant l’offre. Ceci a entraîne deux conséquences : un
effet d’impact relatif à la baisse de la vitesse qui traduit une abondance monétaire et qui est donc un
effet de revenu. Car, à l’impact, plus la monnaie est abondante, plus les agents détiennent
provisoirement du pouvoir d’achat nominal, et un effet de substitution inter-temporel ; car, une
demande de biens excédant l’offre induit des pressions à la hausse des prix. Ces conséquences
grèvent le pouvoir d’achat réel des agents.
Comme chez Pigou ou Patinkin, cette baisse de revenu réel est due à un effet de prix, le stock
d’encaisses réelles baissant avec la hausse du niveau des prix. Dans ces conditions, les agents vont
tenter de reconstituer leurs niveaux antérieurs d’encaisses réelles en demandant plus d’encaisses
nominales. La demande de monnaie augmente ainsi, ce qui, après l’ajustement de l’offre de
monnaie, rétablit, à la hausse, la vitesse.
En d’autres termes, si l’offre de monnaie excède la demande, les agents reçoivent plus d’encaisses
qu’ils ne désirent pas, ce qui les conduit à dépenser le supplément d’encaisses en achats
de biens alors que l’offre de biens n’a pas varié. Il en résulte une hausse des prix qui grève le
pouvoir d’achat des encaisses. L’offre de monnaie, excédant la demande, induit d’abord une baisse
de la vitesse. Mais à cause de la hausse des prix consécutive, les agents demandent plus d’encaisses
pour rétablir leur pouvoir d’achat en termes réels, ce qui induit ensuite une hausse de la demande de
monnaie et cette fois-ci la vitesse se rétablit à sa valeur initiale.
Cette analyse montre avec Fisher que les agents économiques ne sont pas sujets à
l’illusion monétaire : ils ne confondent pas le pouvoir d’achat nominal et le pouvoir d’achat réel, ainsi
que le niveau d’encaisses nominales et le niveau d’encaisses réelles. Ce qui leur importe, c’est le
pouvoir d’achat associé au niveau d’encaisses nominales.
Au total, chez Fisher, les variables qui déterminent V sont les mêmes que
celles qui déterminent la demande ou le besoin de monnaie. Les facteurs structurels et
conjoncturels montrent que la vitesse de circulation de la monnaie est déterminée par les mêmes
variables qui déterminant le besoin de monnaie. Mais la vitesse reste un paramètre constant car
déterminé par les facteurs structurels. Il n’y a pas encore d’équation de demande de monnaie.
Néanmoins, si l’on utilisait les méthodes analytiques contemporaines pour déduire la fonction de
demande de monnaie, on écrirait alors : (1) Md = Md (P, T, V).
La demande de monnaie est fonction positive du niveau des prix car les agents n’étant
pas victimes de l’illusion monétaire, demandent autant d’encaisses que les prix augmentent en vue
de maintenir stable le pouvoir d’achat réel.
Cette demande varie aussi positivement avec le volume de transactions (T) car la monnaie reste un
stock-tampon. Plus il y a de transactions en perspective, plus les agents souhaitent détenir des
liquidités.
Enfin, V affecte positivement la demande de monnaie. Plus V est élevée, plus la monnaie est rare, ce
qui justifie un besoin de monnaie supplémentaire.
Cette analyse de Fisher est souvent retenue comme fondement de l’explication par
l’équilibre des échanges de la formation des prix, c'est-à-dire du niveau général des prix, les prix
étant principalement monétaires.
L’origine de l’inflation est donc purement monétaire.
Rappel :
M.v = P.T ; ln(M) + ln(v) = ln(P) + ln(T) ; dln(M) + dln(V) = dln(P) + dln(T)
Mt*=Pt* [2]
La croissance du niveau général des prix dépend exclusivement du niveau de la masse monétaire
alors que le niveau de plein emploi est posé et que le niveau de v est supposé constant.
Au-delà de cette explication purement monétaire de l’inflation que contestera Keynes, l’équation
quantitative de Fisher permet aussi de déterminer le partage prix en volume du PIB en valeur ou
l’activité économique.
P.T
(1’) : V où P.T PIB val Yval P.Yvol
M
P Yvol P.T Yval Y
V ; Yvol val P
M P P Yvol
déflateur
Si on connaît PIBval et la masse monétaire ; on peut déterminer le déflateur du PIB et en déduire V.
Cette analyse de Fisher est reformulée par l’Ecole de Cambridge.
MP M M M M 1
k
Y PY Yval P Yvol P Yvol
1
Attention k V , analytiquement, il en est l’inverse k .
V
Ainsi, si les agents diminuent de moitié les encaisses totales détenues (M baisse de moitié), alors k
diminue aussi de moitié alors que V double.
Une autre différence est à remarquer : k est valable à un instant donné alors que V
s’applique à une période (succession d’instants) donnée.
k est associé à des flux puisque Y mesure des flux, alors que V est associée à des stocks
car T mesure des également stocks.
Toutefois, alors que V est un paramètre constant chez Fisher, dominé par les facteurs
structurels, chez Pigou, la vitesse-revenu décrit quasiment une fonction de
comportement du besoin d’encaisses désiré par les agents.
La fonction de besoin de monnaie chez Pigou nécessite deux éléments :
o La productivité et l’utilité de la monnaie en tant qu’actif liquide : c’est l’idée des services
d’approvisionnement de la monnaie.
o La comparaison entre rendement pécuniaire et rendement non pécuniaire des actifs non
concurrents de la monnaie : c’est l’idée des services de confort de la monnaie.
Ces deux facteurs gouvernent donc les éléments d’une fonction de demande de monnaie chez
Pigou.
Les éléments d’une fonction de demande de monnaie chez Pigou
Chez Pigou, la monnaie comporte deux formes de productivité :
La productivité de l’instrument de paiement :
La monnaie, en offrant des services de commodité, fait dépendre le besoin de monnaie de la masse
des paiements à effectuer, lesquels dépendent de Y et de l’intensité de l’utilisation de la monnaie.
Pigou précise que le besoin de monnaie dépend aussi du degré de synchronisation entre dépenses
et recettes. Ceci conduit Pigou à définir la notion d’encaisses de transaction nécessaires pour
remplir la fonction de buffer-stock de la monnaie.
La productivité liée à la fonction de réserve de valeur :
C’est pourquoi Pigou définit l’encaisse de précaution comme étant la seule dans les services,
permettant de se protéger contre les aléas du futur, c'est-à-dire les incertitudes de prévision quant
aux recettes ou dépenses futures. Plus le futur est incertain, plus il y a un risque de rupture du
revenu à venir : par exemple, le chômage pour les ménages ou la faillite et les méventes pour les
entreprises.
L’encaisse de précaution est une forme d’épargne de sécurité.
L’encaisse de spéculation est utile en cas d’encaisses « oisives » c'est-à-dire thésaurisées, non
utilisées, contrairement à l’encaisse active constituée de l’encaisse de transaction et de précaution
(sert directement au paiement des transactions). L’encaisse de spéculation est constituée en vue
de profiter de gains en capital. Elle dépend donc fortement du taux d’intérêt qui rémunère
l’épargne placée, alors que l’encaisse de précaution dépend faiblement du taux d’intérêt car elle a
un coussin de sécurité face au futur.
14
Pour déterminer la demande totale (optimale) d’encaisses, Pigou raisonne comme les
marginalistes en comparant la productivité de la monnaie à la productivité des autres
actifs concurrents de la monnaie.
Ainsi, la consommation apporte aux ménages une utilité directe (celle des biens et services) et
l’investissement en capital réel a pour rendement le taux de profit, qui constitue le rendement
unitaire du capital installé. Enfin, la monnaie apporte des services de liquidité qui permettent de
compenser le risque d’illiquidité. Lorsqu’un ménage détient des encaisses de transaction et l’épargne
monétaire, il bénéficie des services de liquidité qui permettent de compenser le coût de la liquidité.
Lorsqu’un ménage détient des encaisses de précaution et de spéculation, il est protégé contre le coût
d’opportunité lié à des aléas futurs sur le revenu.
Dans ces conditions, la décision pour un agent d’affecter un revenu monétaire à un emploi
ou à un autre, est déterminée par la comparaison des rendements respectifs de ces
emplois, c'est-à-dire la productivité marginale de chacun de ces actifs. On détiendra d’autant
plus de monnaie que la productivité marginale de la monnaie est supérieure à celle du capital réel ou
physique comme à l’utilité directe qu’apportent les biens.
L’encaisse de précaution dépend aussi du revenu, puisque l’agent constitue une épargne de
sécurité pour faire face aux risques de rupture du revenu.
Ici ce sont les services de sécurité liés à la fonction de réserve de valeur qui justifient le besoin de
monnaie.
Enfin, l’encaisse de spéculation est constituée pour compenser le coût de la liquidité alors
que l’encaisse de précaution répond au risque d’illiquidité. Elle dépend du taux d’intérêt
chez Pigou. Mais le lien n’est pas net car cette encaisse devrait baisser à chaque fois que le taux
d’intérêt augmente : il y aurait donc une relation négative entre la demande de monnaie et le taux
d’intérêt. Mais l’allocation du revenu monétaire aux actifs d’épargne ou de placements rémunérés fait
courir un risque de perte en capital, et de ce fait d’illiquidité. Ce risque n’est donc pas indépendant du
taux d’intérêt, de sorte que toute hausse du taux d’intérêt induit deux effets contradictoires sur le
besoin d’encaisses :
Un effet à la diminution de l’encaisse spéculative désirée : c’est l’effet de revenu
attaché à la hausse du taux d’intérêt.
Un effet à la hausse de l’encaisse spéculative désirée : c’est l’effet de
substitution entre monnaie et placement attaché au risque d’illiquidité, que font courir les placements
d’épargne.
Dès lors, Pigou conclut que ce qui domine dans le besoin d’encaisses totales, c’est bien l’encaisse de
transaction et l’encaisse de précaution qui dépendant toutes deux du niveau de revenu, et qui
dominent de ce fait, l’encaisse de spéculation désirée. On peut alors dire, comme Walras :
« Le besoin de monnaie n’est autre chose que le besoin de marchandises qu’elle permet
d’acquérir ».
15
Pigou retrouve la conclusion que la monnaie n’est utile qu’à des fins de transaction. Elle
est un numéraire qui étalonne les valeurs, un instrument de paiement surtout. Et malgré
son utilité propre en tant qu’instrument de couverture du risque d’illiquidité, elle est
détenue, en fin de compte, beaucoup plus en raison de son utilité dans l’échange.
Dès lors, l’équation qui aurait pu découler de l’analyse de demande de monnaie de Pigou peut être
résumée par :
?
(4) : M
d
M d k ,i
La demande dépend positivement de la vitesse-revenu (k) résumant ici le besoin d’encaisses de
transaction et de précaution déterminé par le revenu réel. Elle dépend de façon incertaine du taux
d’intérêt car on a une encaisse de spéculation qui dépend à la fois négativement et positivement du
taux d’intérêt.
Cette analyse de Pigou sera approfondie par « La Théorie de la Préférence pour la Liquidité » de
Keynes dont il convient de voir à présent les motifs d’un côté puis les extensions de l’autre.
Le motif de précaution traduit le besoin d’encaisse pour répondre à des dépenses soudaines ou
pour saisir des occasions d’effectuer des gains en capital, et ce, grâce à la petite épargne de
précaution dite épargne de sécurité.
Ces deux motifs conduisent donc à faire dépendre l’encaisse désirée, donc la demande de
monnaie, du revenu courant car le besoin d’encaisse par les entreprises dépendra du niveau
d’activité des entreprises et l’encaisse désirée par les ménages dépendra aussi de leur
revenu. La variable des échanges est ici le niveau de revenu national, tous agents confondus.
Le motif de spéculation illustre le besoin d’encaisse en vue de procéder à des opérations sur titres
ou sur créances négociables. Ici, c’est le taux d’intérêt qui constitue le déterminant de la demande de
monnaie car il représente le rendement moyen des titres.
Keynes va dépasser l’enseignement de Pigou parce que de ces trois motifs, il va élaborer la véritable
première fonction de demande de monnaie. Il ajoute cependant en 1937 dans une publication
scientifique « Economic Journal », le quatrième motif, les trois premiers ayant été étudiés dans « Le
Traité de la Monnaie » (1930) et surtout dans « La Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la
Monnaie » (1936).
Le motif de financement illustre le besoin de monnaie pour envisager une dépense d’accumulation
c'est-à-dire d’investissement. Cette idée sera reprise dans les années 1960 avec les théoriciens de
l’intermédiation financière comme Goldsmith ou Gurley et Shaw. Elle permet à ces auteurs de
distinguer la monnaie dans l’encaisse de la monnaie de crédit, ou encore la monnaie externe émise
par l’Institution d’Emission et la monnaie interne émise par les banques suite aux créances détenues
sur le secteur privé. Ce motif renvoie aux avances qu’opèrent les banques vers les entreprises,
lesquelles permettent à ces dernières de mettre en place les plans de production qui seront source de
revenu distribué puis de dépenses et d’épargne, permettant le remboursement des crédits initiaux.
Le motif de financement justifie donc la présence des banques au sommet du circuit économique.
De ces différents motifs, on déduit les déterminants de l’encaisse active par opposition à ceux de
l’encaisse oisive ou spéculative.
L’encaisse active regroupe les encaisses de transaction et de précaution. Un ménage détenteur
d’un revenu, n’en consomme pas la totalité à chaque période ; il détient le solde sous forme liquide :
c’est l’encaisse de transaction. Le reste peut aussi être détenu dans une petite épargne : c’est
l’encaisse de précaution.
L’encaisse de transaction dépend donc pour le ménage de son niveau de revenu mais aussi
de la fréquence de perception de son revenu et du rythme de dépense, toutes choses qui
rendent pertinente la notion de vitesse-revenu de l’Ecole de Cambridge. Pour ce qui
concerne les entreprises, l’encaisse de transaction dépend du chiffre d’affaires.
Quant à l’encaisse de précaution, elle sert à anticiper des dépenses accidentelles (maladie, accident,
etc.) pour les ménages, et à anticiper des chocs sur des dépenses, des recettes, des prix (hausse
inattendue des prix des matières premières, revendication salariale, grèves…) ou prévenir les défauts
de paiement (tels la défaillance du débiteur ou le délai du client), pour les entreprises. L’encaisse
de précaution est donc détenue sous forme liquide pour éviter le coût d’illiquidité. Elle
dépend ainsi du revenu mais également du taux d’intérêt mais plus faiblement.
Keynes reprend donc à son compte la notion de vitesse-revenu mais en l’adaptant : c’est le
rapport du revenu national en valeur à la quantité de monnaie, active, permettant de combler
les motifs de transaction et de précaution.
Yval Yval
v Ke yne s v C ambridge
M active M active M oisive
La quantité de monnaie active se réduit aux encaisses de transaction et de précaution. Cette vitesse-
revenu évolue lentement comme chez Fisher, car elle dépend de l’organisme bancaire et industriel,
des préférences de paiement par les agents privés. Toutefois, le déterminant principal de cette
vitesse, ou plus précisément l’encaisse active, reste le revenu national au plan agrégé. Celui-ci a
deux composantes : le revenu en volume d’un côté et les prix de l’autre.
Les prix sont fixes à court terme chez Keynes ; ils évoluent très lentement.
17
Dès lors, l’encaisse active évolue plutôt avec le revenu national en volume (réel) car l’encaisse de
transaction évolue positivement avec le revenu national compte tenu d’un niveau minimum
incompressible d’encaisses, alors que l’encaisse de précaution, tout en dépendant également du
revenu, est sensible mais très faiblement au taux d’intérêt.
L1 i
L2(Y+=Y*,i?)
L1(Y+)
k
L0
Y L2
Ct
En t : it (5)
Pt
L’épargnant a le choix à tout moment entre une rente émise à cette période et toute autre rente. Il
a le choix entre des rentes anciennes et des rentes nouvelles susceptibles d’apporter le même taux
de rendement ; c’est pourquoi on a la relation (5).
Le prix d’émission d’une rente nouvelle devrait être tel qu’il reproduise la relation (5), soit (6)
C C
i t t d’où X t t .
Xt it
Xt est le principal d’une rente nouvelle, d’un nouveau titre. Il est différent de P t et a un cours qui
varie de façon inverse à son propre taux de rendement.
Par exemple, soit une rente perpétuelle P0=5000 associée à un coupon annuel C0=250. On
a donc i0=250/5000=5%.
Supposons que le taux de rendement correspondant à de nouveaux titres, de prix d’émission X t, soit
de 6% mais avec un coupon identique de 250 étant donné que les obligations sont perpétuelles. On a
alors Xt=250/0,06=4166.
L’obligation nouvelle a un prix inférieur aux obligations anciennes (4166<5000) alors qu’elles
rapportent chacune le même revenu de 250.
Le détenteur de l’ancienne obligation enregistre donc une moins-value qui est l’écart entre le prix
d’émission initial et le nouveau prix d’émission.
Plus généralement, à la période t, le plus-value ou la moins-value est l’écart entre le nouveau prix
d’émission et l’ancien prix d’émission :
Ct
+/- value = Xt – P0 = P0 (6)
it
Considérons cette moins-value dès la période d’émission c'est à dire qu’à partir de la période
d’émission, le détenteur de la rente anticipe une plus-value ou une moins-value sachant que son
coupon restera constant. Il vient donc :
C0 i P
(7) P0 0 0 P0
it it
On ne connaît pas it futur mais comme on connaît C 0, on a alors :
i
(7’’) P0 . 0 1
i
t
Taux Re ndement
Le gain net (ou perte sèche) est la +/- value ajoutée au coupon : c’est g.
i
(8) : g (7' ' ) coupon P0 0 1 C0
it
Ainsi dans l’exemple : g=5000.[(0,05/0,06)-1+0,05]=-583,33 (perte sèche).
Ici, le détenteur d’un titre ancien fait une perte de 583,33 si les rentes nouvelles avaient le même
prix que les rentes anciennes à l’émission (5000). Alternativement, cela signifie que le détenteur des
19
rentes nouvelles fait une moins-value de 583,33 par rapport au détenteur de rentes anciennes,
puisque le prix d’émission de la nouvelle est de 4166 (<5000).
Conséquences : Le choix de détenir ou conserver une rente ancienne ou une rente nouvelle va
dépendre de ce que le détenteur ne fasse ni de gain ni de perte nette ou sèche. Pour cela, il doit
calculer le taux d’intérêt critique, c'est à dire le taux de rendement anticipé au moment de
l’émission en t=0, pour lequel le gain net futur en t=1 ou t=2 sera nul. Ce taux de rendement
anticipé est appelé « le taux d’intérêt critique »
b) Le taux d’intérêt critique
Partant de (8) c’est le taux ic tel que g = 0
Quel que soit t :
i i 1
P0 t 1 i 0 0 t 1 i 0 0 i t 1 1 0
ic ic ic
i
9 : i c t
1 it
Ce taux critique rend neutre la détention de titre anciens et titres nouveaux à la condition que le taux
de rendement nouveaux it soit au moins égal au ic car si le taux nouveau it >ic qui est un taux
d’escompte (anticipé antérieurement), alors l’agent peut acquérir des titres nouveaux par rapport aux
titres anciens. Si it>ic en achetant des titres nouveaux, l’agent encourt des pertes en capital. Ceci vaut
aussi en gardant des titres anciens dans son portefeuille. Il vaut donc mieux liquider son portefeuille.
Une frontière floue entre monnaie et titres :
Conséquences : L’écart entre le taux d’intérêt critique et le taux de rendement en vigueur justifie non
seulement le choix entre titres anciens et nouveaux mais également l’arbitrage entre monnaie et titres.
ic = 4,7 dans l’exemple, c'est à dire ic = 0,05/ 1 + 0,05 = 0,047
Supposons que le taux de rendement en vigueur en t=0 = 5%
Le nouveau taux est de 4% alors que le taux d’intérêt critique est de 3,85%, l’agent désireux
d’acquérir des titres neufs ne ferait pas de perte nette puisque le taux qu’il escompte est de 3,85%<
au taux du marché (4%) et cet agent est de ce fait indifférent entre garder les titres anciens ou
acquérir les titres nouveaux. Toutefois cet agent va garder les titres anciens car ils rapportent plus que
les titres nouveaux (5%>4%) puisque le coupon critique est i t = Ct/Pt Ct = it Pt
t = 0 => C0 = i0P0 => C* = i0*P0*
5000 x 0,0385 = 195
Il est supérieur à la moins value anticipée qui est égale à g=
5000.[(0,05/0,04)-1+0,07].
Si ic=4,5%, cette fois-ci, le coupon critique augmente (5000.0,047) mais on a une moins-value qui
change : g=(Xt-P0)+C=300+235=-65 : perte nette
Ceci signifie que l’agent va sans cesse anticiper dès le départ, un rendement attendu de son
portefeuille inférieur à celui du marché. Alors que le coupon est à rendement élevé pour la 1 ère période,
la moins value en capital reste forte. Donc un tel agent escompte un taux de rendement futur trop
proche du taux de marché pour envisager des profits du fait de la détention de titres nouveaux ou
anciens. C’est pourquoi il sera indifférent entre les titres anciens et nouveaux, et à défaut, liquidera
son portefeuille. A l’inverse, si le taux du marché passait à 6%, l’agent va observer la baisse de coût
des titres nouveaux et doit refaire son calcul de rentabilité à partir du taux critique.
Implication : cette analyse de Keynes signifie que si it>ic, l’agent placera son patrimoine c'est-à-dire sa
richesse financière sous forme de titres en renonçant à la liquidité oisive (encaisse de spéculation). Il
ne détiendra que de l’encaisse de transaction. A l’inverse, si le taux courant du marché i t est inférieur
au taux critique it<ic, l’agent anticipera une perte nette par l’achat de nouvelles rentes ou obligations.
C’est pourquoi il conservera son portefeuille (richesse financière) dans sa totalité en encaisse
monétaire, ce qui rend ici une encaisse de spéculation maximale.
Keynes en déduit alors la forme de la demande d’encaisse spéculative en procédant par étapes :
20
it it
1
1
2 2
3 3
L3 L3
I II
1
icmax
icmin 3
L3
III L3
IV
*
Si le taux en vigueur est supérieur à ic soit i t > i C (1), l’agent peut raisonnablement prévoir des baisses
futures du taux d’intérêt car le taux en vigueur est déjà très élevé ; il peut alors en déduire une hausse
à venir du cours des titres. Il devrait alors pour cela constituer son portefeuille exclusivement de titres
puisque avec la hausse attendue, la valeur du portefeuille devrait augmenter. Un tel agent ne détient
donc rien en monnaie et l’encaisse spéculative est nulle le long de l’axe des ordonnées.
*
Lorsque les taux d’intérêt du marché sont égaux à iC , l’agent peut s’attendre à une hausse future du
taux de marché, donc à une baisse du cours des titres. Il pourrait se débarrasser des titres, mais
comme dans l’exercice où ic=3,87 et it=4% sur le marché, l’agent voit son coupon compenser la moins-
value anticipée. C’est pourquoi il peut conserver sa richesse en obligations (titres) puisque, tout calcul
fait, il reste bénéficiaire.
*
Par contre, lorsque i t < i C (3), l’agent prévoit une hausse des taux à venir et de ce fait une baisse des
taux d’intérêt. Cette fois, la valeur du coupon ne suffit plus à compenser la moins-value du coupon en
capital, alors que dans la phase (2), l’agent compose son portefeuille à la fois en titres et en monnaie.
Dans la phase (3), l’agent compose son portefeuille exclusivement d’encaisses spéculatives et se
débarrasse des titres. Sa richesse financière est (exclusivement) parfaitement liquide.
Ce qui fonde la demande d’encaisse spéculative, c’est le comportement de l’agent face
au risque de perte en capital.
Soient W sa richesse financière, S l’épargne totale et (L1+L2) l’encaisse active ; on a :
W = S – (L1 + L2).
21
W est donc destinée à des placements rémunérés d’épargne. On peut alors obtenir la
règle de décision suivante : Partant d’un taux d’intérêt futur anticipé i A t 1 à la période t pour la
t
(1): it iA t 1 it
*
; (2): i t i A t 1 et (3): i t i A t 1 .
t t t
En (1), l’agent détient son portefeuille en titres exclusivement tant que la prévision du
taux d’intérêt est le taux d’intérêt critique.
Quand i t iC A , A liquide son portefeuille pour de la monnaie et B a des titres tant que i t>iCB.
*
Ce même principe vaut pour n agents (graphique III) de sorte que la courbe générale
de l’encaisse spéculative comporte trois phases qui dépendent du taux d’intérêt maximum observé et du
taux d’intérêt minimum du marché.
Le graphique IV présente la forme générale de la demande d’encaisse spéculative. La
courbe présente trois phases :
La phase de « l’unanimité des prévisions à la baisse des taux d’intérêt ». En effet, les it
observés sont supérieurs au ic maximum que les agents escomptent. De ce fait, on devrait s’attendre à
une baisse des taux par rapport au cours des titres. Ceci conduit les agents à escompter des gains en
capital ; c’est pourquoi ils détiennent tout leur portefeuille en titres et rien en monnaie.
La troisième phase est baptisée par Keynes la trappe à liquidité (“liquidity trap”) car
les taux d’intérêt observés sont tellement bas qu’ils ont atteint leur plancher ; ils ne peuvent pas baisser
davantage (c’est la trappe en-dessous de laquelle on plonge).
En conséquence, il y a une unanimité des prévisions à la hausse des taux d’intérêt.
Dès lors, les cours des titres devraient baisser et les agents détenteurs de titres pourraient encourir une
perte en capital. C’est pourquoi, ils préfèreront tous détenir leur richesse financière en monnaie (ici
l’encaisse oisive) plutôt que de détenir des titres. L’encaisse spéculative est maximale et la demande de
monnaie infinie, ce que l’on observe ici avec la droite horizontale qui signifie une (semi-) élasticité infinie
de la demande de monnaie au taux d’intérêt. La moindre variation à la hausse du taux d’intérêt modifie
la demande d’encaisse spéculative. Dans la trappe à liquidité, la préférence pour la liquidité est
maximale.
Les phases 1 et 3 sont de ce fait des phases d’unanimité des prévisions.
La phase 2 est celle qui illustre la demande d’encaisses spéculatives
« normale ». En réalité, les agents ici présentent une hétérogénéité des prévisions des taux d’intérêt
car ainsi que vu au niveau de deux agents, trois agents, …, n agents (c'est-à-dire sur le plan
économique) les différents taux d’intérêt critique prévalent, les agents ayant des prévisions de taux
d’escompte différentes. Ceci est dû au fait qu’ils anticipent des gains ou des pertes nettes différentes en
fonction de leur degré d’aversion au risque, mais aussi de la taille de leur portefeuille, c'est-à-dire la
valeur de leur richesse.
Les agents ayant le taux d’intérêt critique le plus haut détiennent des titres, les autres
de la monnaie, et plus le taux d’intérêt critique diminue, plus la demande de titres baisse, et la demande
de monnaie augmente.
Ainsi, davantage la proportion des agents prévoyant des taux d’intérêt critiques élevés est forte dans la
population totale des épargnants, davantage la demande de titres est élevée et la demande de monnaie
baisse. A l’inverse, davantage la proportion des agents prévoyant des taux d’intérêt critiques à la baisse
est grande dans la population totale des épargnants, davantage la demande de titres est faible et la
demande de monnaie est élevée.
22
rt
r*
It.St
I*=S*
rt i t P at
(10) :
rt i t t
P
a
t
est le taux de croissance anticipé, it est le taux d’intérêt nominal. ; rt est le taux d’intérêt réel.
Le taux d’intérêt réel est donc bien une variable nominale observée car il est un solde entre une variable
observée (it) et une prévision (taux d’intérêt anticipé rta ) : rt est donc un taux d’escompte.
C’est le rendement attendu d’un euro placé en début d’année pour la fin de l’année : par
exemple, si on place 1000 €, alors rta =2,5%.
Remarque : Le taux d’intérêt réel est une variable prévue, attendue, c'est-à-dire le rendement escompté
d’un placement d’une unité d’épargne aujourd’hui pour la période future. Il dépend des prévisions du
taux d’inflation futur. Plus l’inflation est faible et stable, plus les prévisions d’inflation à venir peuvent
utiliser l’inflation d’aujourd’hui ou celle d’hier comme un bon prédicateur c'est-à-dire un prédicateur sans
biais.
t t 0
a
t t 1 0
a
Par contre, lorsque l’inflation est élevée et variable, l’inflation déjà observée aujourd’hui ou hier constitue
de mauvais prédicateurs de l’inflation à venir car il en résulte toujours des erreurs systématiques de
prévision : ce sont là des prédicateurs biaisés.
Il faut donc pouvoir bien prévoir l’inflation, adopter un modèle explicatif de l’inflation
observée ou de l’inflation à venir.
Cette analyse du marché des fonds prêtables aboutit donc à ignorer la liquidité. Le
taux d’intérêt réel est une variable réelle car il égalise deux variables réelles que sont l’épargne en
volume (offre de capitaux en volume) et l’investissement en volume (demande de capitaux en volume).
Or Keynes va montrer que cette analyse est approximative car le taux d’intérêt est principalement une
variable monétaire, nominale, qui s’obtient à l’équilibre du marché de la monnaie mais qui détermine
aussi l’arbitrage entre demande de monnaie et demande de titres.
i 1
n
Ci est l’ensemble des dépenses et Y t W t 1 est l’ensemble des ressources.
i 1
(11) décrit une fonction d’utilité intertemporelle. L’utilité ressentie par le ménage
consommateur à la période t est fonction des niveaux de consommation à la période t mais aussi aux
périodes futures. ( C1 , C 2 , , C n ) décrivent ces niveaux futurs de consommation. Ceci signifie que le
consommateur établit son plan de consommation sur tout son horizon de vie. La période n étant la plus
éloignée, Cn décrit donc la consommation que le ménage effectuera lorsqu’il sera le plus vieux possible.
(12) décrit la contrainte de budget du consommateur à toute période t. Le plan de
consommation du ménage décrit par la somme des niveaux de consommation contemporaine et future
doit être inférieur au revenu contemporain augmenté de la richesse antérieurement accumulée.
Le problème pour le consommateur est à tout moment (toute période t) de maintenir
constante l’utilité. Elle doit être la même à chaque période de l’horizon de vie. Donc ceci revient pour le
consommateur à décider si le niveau de la consommation aujourd’hui peut être supérieur à celui des
périodes futures, c'est-à-dire s’il co convient de consacrer plus de ressources aujourd’hui à des fins de
consommation. Cela revient alors à consacrer moins de ressources demain pour la consommation, toute
chose égale par ailleurs (l’utilité étant constante).
24
'C2 C3 C
U t U 1; ;; n .
'
On peut donc réécrire la fonction d’utilité : (11’) : ;
C1 C1 C1
(11’) est la fonction d’utilité totale normant les consommations futures par rapport à la consommation
d’aujourd’hui C1. Ainsi, la proportion de la consommation d’aujourd’hui dans le plan de consommation est
certaine et donnée par 1. Les proportions des consommations à venir sont calculées au prorata de la
consommation d’aujourd’hui.
Supposons que le taux d’intérêt récompense l’effort d’épargne : dans ce cas, on peut
écrire l’équation (13) soit :
13 : C 2 C1 1 r
C2
1 r
C1
Cela signifie que si le consommateur renonce à consommer C1 et qu’il en place sur le marché des
capitaux, l’épargne qui en découle, celle qui rapporte à la période 2 un revenu qui est le taux d’intérêt r,
alors le niveau de consommation non absorbé à la période 1 après le produit d’intérêt, équivaut à C 2.
Dès lors, en reportant C2 à C1, on a 1+r c'est-à-dire la proportion certaine de la consommation
d’aujourd’hui (1) augmentée du revenu du placement r.
Appliquons (13) au niveau de consommation à venir :
C 3 C 2 1 r C1 1 r
2
C n C n 1 1 r C1 1 r
n 1
C1 C1 C1
15 : C t C 0 cYt
avec C0>0 ; 0<c<1 et s=1-c
16 : S t Yt C t C 0 (1 c)Yt S t S 0 sY t
L’arbitrage consommation/épargne est fonction du revenu disponible (et non pas du
taux d’intérêt).
Ct , St
St
C0
Yt
-C0
17' : Ld
L1 (Y) L 3 ( i ) L1 (Y) L1 L 2
Toutefois, l’encaisse de précaution dépend plus du revenu que du taux d’intérêt. On
peut regrouper les encaisses de précaution et de transaction, lesquelles dépendent toutes deux
principalement du revenu.
On en déduit alors que la demande de monnaie dépend positivement du revenu et négativement du taux
d’intérêt.
Dans ces conditions, en admettant une forme linéaire de la demande de monnaie, il
vient 19 : M dt kYt b.i t . Il s’agit de la spécification c'est-à-dire la formulation de l’équation
de demande de monnaie chez Keynes.
M dt
k
Yt
Cette équation signifie que la demande de monnaie varie positivement avec le revenu nominal.
On a k>0 et il représente par analogie à Fisher l’inverse de circulation de la monnaie. Parce que c’est une
M dt Yt
vitesse, k est en même temps comparable à une élasticité : k
Yt M dt
Par contre, b est une semi élasticité ou plus précisément, une sensibilité : c’est la sensibilité intérêt de
la demande de monnaie qui traduit la sensibilité des détenteurs d’encaisses spéculatives aux variations
M dt i t
du taux d’intérêt nominal : b .
i t M dt
L’offre de monnaie à l’équilibre se réécrit en partant de (18) :
20 M0 M
: M St
21 : M t M t M 0 M kYt b.i t
d
k M M
21 : i t 0
b t b
(20) illustre que la quantité de monnaie qui circule, comporte toujours une
composante minimale d’encaisse oisive notée M 0 et une composante prépondérante d’encaisse active
soit M. La totalité de l’encaisse disponible M St fournie par les IFM est donc de ce fait constante, ce qui
signifie qu’elle est exogène aux comportements des agents non financiers : L’offre d’encaisse s’ajuste
donc mécaniquement à la demande d’encaisse.
L’équilibre du marché de la monnaie est fourni par (21) et il détermine le taux d’intérêt
nominal égalisant l’offre et la demande de monnaie. (21) signifie que le taux d’intérêt nominal d’équilibre
varie négativement avec la quantité de monnaie en circulation c'est-à-dire la quantité de monnaie
désirée.
Plus la demande de liquidité est forte, plus le taux d’intérêt diminue. Plus le taux
d’intérêt est élevé, plus la demande de liquidité baisse. On retrouve la phase 2 de la forme générale de la
courbe pour la préférence pour la liquidité.
27
(21) signifie aussi que cette relation négative est proportionnelle à la sensibilité intérêt
de la demande de monnaie. Ceci signifie que plus cette sensibilité est faible (b proche de 0), plus forte
est la relation négative entre taux d’intérêt et demande de monnaie.
it
(3)
(2)
(1) (3) : trappe à liquidité
Plus la vitesse-revenu est élevée, plus un revenu en expansion s’accompagne d’un taux d’intérêt élevé
car le besoin d’encaisse augmente pour accompagner les transactions.
Conséquence : le taux d’intérêt est une variable monétaire par excellence qui
décrit le prix du temps. Car, ce taux est une assurance contre l’illiquidité future alors que chez les
Classiques, le taux d’intérêt est une assurance contre la non consommation future. Le temps keynésien
est donc différent du temps classique, c’est pourquoi le prix du temps diffère dans les deux
cas.
Ces différentes analyses de Keynes sont approfondies par Wiliam Baumol et James
Tobin.
28
Revenu
monétaire
1 1000€
0
0
5
0
0
0
500€
0
Temps
0 15jours 1mois
Dans ce cas il détient 500 € de liquidité qu’il extrait de son compte dès le début du mois pour la
1ère quinzaine et ensuite au début de la 2ème quinzaine. Donc le ménage sollicite 2 fois dans le
mois son compte bancaire dont il transforme le dépôt en liquidité.
Cet exemple illustre selon Baumol, que la détention de monnaie est comparable à une gestion
de stock, car le ménage détermine la liquidité désirée en fonction du stock à gérer qui est ici le
revenu ou plus précisément le dépôt bancaire correspondant au revenu. Ce revenu étant
périodique, le stock de dépôts se renouvelle et l’agent que ce soit le ménage ou l’entreprise
d’ailleurs, détermine la liquidité désirée en fonction de ce dépôt en perpétuant un
renouvellement. Or, cet agent subit des coûts de transaction puisqu’il doit transformer le
dépôt en monnaie fiduciaire, cette opération lui fait subir 2 coûts de différentes natures :
Le 1er est le coût d’opportunité c'est à dire le temps perdu dans les files d’attente auprès des
guichets de banque pour effectuer des retraits. Ce temps est en effet perdu pour une activité, des
occasions de transactions susceptibles de générer des revenus.
Le 2ème coût est le coût de retrait de tout ou partie du dépôt à vue. Ce coût est le manque à gagner lié au
fait qu’en rendant liquide un dépôt, on perd à due concurrence les intérêts que ce dépôt aurait pu produire
s’il était placé dans un compte épargne. Donc, ce coût de retrait est le coût d’opportunité du non
placement du dépôt rendu liquide, lequel s’ajoute au coût d’opportunité de la non-transaction au profit de
la recherche de liquidité. L’objectif de l’agent rationnel étant de minimiser cette somme des coûts de
transaction, il va alors calculer l’encaisse optimale correspondant au coût minimum total de transaction.
29
i
(22) M td Pt. Yt.Ct
t
1
2
t
t
t
t
1
2
t
1
2
t
1
2
t
12
rendement de cet actif aléatoire. Ce qui en accroît le risque de perte en capital. Donc la demande d’un tel
actif diminue alors que la demande des actifs concurrents augmente.
Ce principe conduit Tobin à écrire les équations de demande d’actifs financiers, de demande
de monnaie et de demande d’actifs réels.
a
23 : B dt B W t ; r Bt ; P t ; i t ; bt ; t
a
24 : M dt M W t ; r Bt ; P t ; i t ; bt ; t
a
25 : AR dt AR W t ; r Bt ; P t ; i t ; bt ; t
(23) illustre la demande de titres ; elle sera fonction positive du niveau de richesse de
l’agent, (c’est la variable d’échelle) et du rendement des titres.
Par contre elle est fonction négative du rendement des autres actifs, les actifs réels ont pour
rendement la valeur réelle des biens dont une mesure est le taux d’inflation anticipé Pta c'est-à-dire la
prévision de l’inflation à venir. Plus l’inflation à venir est faible plus la monnaie conserve sa valeur au
détriment des biens dont le rendement diminue, et vice versa. Dès lors, un taux d’inflation à venir élevé
réduit l’attrait des titres car leur pouvoir d’achat diminue.
Le taux d’intérêt nominal it désigne le taux de rendement des titres courts. Un tel rendement
lorsqu’il s’élève, réduit l’incitation à détenir des titres longs. De même, la demande de titres diminue
avec le risque de détention des titres, c'est à dire le risque de variation du rendement des titres qui
illustre la probabilité de perte en capital. Plus le risque sur les autres actifs est élevé, plus il est
intéressant de détenir des titres.
Conclusion provisoire : les équations 23, 24 et 25 montrent bien que le
rendement des titres affecte positivement la demande du titre et négativement la demande de
monnaie et des actifs réels. Par contre l’inflation anticipée, mesure du rendement des biens,
affecte négativement la demande de titres et la demande de monnaie mais influence
positivement la demande de biens. Enfin le taux d’intérêt nominal it mesure du rendement des
actifs courts du marché monétaire ou des dépôts d’épargne affecte négativement la demande
des titres comme la demande de monnaie et la demande d’actifs réels.
Le risque sur le rendement des titres affecte négativement la demande de titres, mais
affecte de plus, la détention de monnaie ou d’actifs réels. Le risque sur le rendement des actifs réels
incite à plus de détention de titres ou de monnaie et à moins de détention d’actifs réels.
Cette analyse de Tobin est prolongée dans une 2ème direction, par une analyse plus
fine du risque, c'est à dire des comportements des agents face aux risques. Tobin trouve Keynes très
manichéen. Keynes applique la règle du tout ou rien car si le taux d’intérêt critique est supérieur au taux
d’intérêt du marché, l’agent keynésien composera son portefeuille exclusivement de monnaie et ce sans
titres : tout en monnaie rien en titres. Lorsque le taux critique est inférieur au taux de marché, le
portefeuille sera composé de tout en titres et rien en liquidités. Tobin montre qu’une telle règle de
décision est caricaturale, car les agents ont l’objectif de diversifier leur portefeuille face aux risques de
perte en capital, qu’il encourent. Donc la bonne règle est la règle de diversification optimale du
portefeuille.
2ème règle de décision :
26 : R t rBt .B t Pta (AR t ) M t i t .Pt
27 : t B .B t AR .AR t M .M t D .D t
(26) décrit le rendement global du portefeuille, c’est une moyenne pondérée des
rendements respectifs des différents actifs donc , , , désignent les parts relatives des différents
actifs dans le portefeuille : pour les titres, pour les actifs réels, pour la monnaie et pour les
dépôts d’épargne.
31
Rt
MEDAF
Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers
Le 3ème apport de Tobin est de distinguer le comportement des agents face aux risques, et à ce titre cet
auteur distingue 3 catégories d’agents.
Celui qui a une forte aversion vis-à-vis du risque (« risk averse ») : il est
fortement adversaire du risque. Pour un portefeuille de risque global donné, cet agent ne détiendra des
titres ou des actifs réels que si les rendements de ces supports de richesse accroissent le rendement
global. A défaut, il préférera détenir toute sa richesse en monnaie. Ce type d’agents fuient le risque de
perte en capital. Ils sont pessimistes ou observent une prudence excessive : ce sont des Risquophobes.
Les agents ayant une faible aversion au risque c'est à dire aimant le risque :
« risk lover », car ils sont en quête de plus-value en capital. La motivation est de rechercher le maximum
de gains. Les risk lover sont optimistes. Ils détiendront des titres en même que les actifs réels ou la
monnaie. Le but étant surtout de maximiser le rendement total du portefeuille ce quel que soit le risque
de perte en capital encouru. Ils vont souvent détenir une part relative plus forte de titres et une part
relative plus faible de monnaie, car ils veulent saisir les moindres variations du taux d’intérêt pour faire
des opérations sur titres source de gain en capital. On peut parler des Risquophiles.
Les agents neutres vis-à-vis du risque : cherchent à diversifier leur portefeuille
ou leur richesse. C’’est pourquoi ils choisiront entre 2 portefeuilles de rendement global identique ; celui
dont le risque global est le plus faible. C’est par conséquent pour ces agents que la demande de monnaie
est fonction décroissante du taux d’intérêt comme chez Keynes. Car, plus les taux d’intérêt baissent, plus
on peut s’attendre à une variation en hausse des cours des titres ; ce qui implique de composer le
portefeuille en grande partie des titres qui ne font pas courir de risques de pertes en capital. Plus les
32
taux d’intérêt montent, davantage le risque de variation à la baisse du cours des titres est grand, ce qui
justifie la détention d’un portefeuille faiblement risqué et plutôt composé de monnaie.
Conséquence : Tobin montre que la demande de monnaie résulte de l’agrégation des fonctions de
demande de monnaie des différents agents suivants les 3 catégories dans le degré d’aversion vis-à-vis
du risque. Mais cette fonction de demande d’encaisse n’est pas indépendante de la fonction de demande
de titres ou même de la demande d’actifs réels, puisque les parts relatives de ces supports de richesse
dans les portefeuilles, dépendent des risques comparés et des rendements comparés.
Ce faisant, Tobin élargit la perspective de l’arbitrage entre monnaie – titres adoptée par Keynes.
Toutefois, son analyse malgré la prise en compte de l’incertitude, avec les risques spécifiques sur les
différents actifs (le risque de variation du cours) et du risque global du portefeuille est imparfaite.
L’analyse de prévision du taux d’intérêt n’est pas aussi élégante que chez Keynes ; Tobin ne considère
pas les prévisions hétérogènes de taux ou alors les prévisions incertaines comme le faisait Keynes.
Ceci lui interdit d’examiner le caractère instable de la demande de monnaie que
Keynes a mis en évidence, avec l’hétérogénéité des prévisions de taux d’intérêt du marché par rapport
au taux critique.
Quoi qu’il en soit, les analyses Keynésienne et néo keynésiennes sont remises en
cause par les théoriciens monétaristes, qui tout en donnant une place centrale à la monnaie dans
l’analyse économique, renouvellent la théorie de la demande de monnaie, avec notamment la prise en
compte des anticipations d’inflation, et rétablissent la validité de la théorie quantitative de la monnaie
rejetée par Keynes.
Milton Friedman partage l’intuition de Keynes et de Tobin que la monnaie est un actif de
richesse ; mais il prolonge cette intuition en montrant que la détention de monnaie découle d’un
comportement de gestion du stock total de richesse ou du stock total du patrimoine. C’est pourquoi
la demande de monnaie illustre un comportement de détention d’un stock d’encaisses.
Friedman s’attache à expliquer ce comportement en 3 temps principaux :
− Il met en évidence la rationalité microéconomique à l’œuvre pour l’agent
désireux de détenir un stock d’encaisses.
− En spécifiant une équation générale de demande de monnaie, Friedman admet une
série d’hypothèses pour en déduire une forme simplifiée qui est l’équation de demande d’encaisses
réelles, dont la variable d’échelle principale est le stock de richesse mesuré par le revenu
33
permanent. A côté de cette variable d’échelle, on trouve le rôle des prix que sont le taux d’inflation
anticipée et le taux d’intérêt nominal. Puis, Friedman procède à des vérifications empiriques
suivant le principe de l’économie positive « positive economics ». Friedman introduit au début
des années 1950 le principe de l’économie positive, à savoir que toute théorie n’est valide que si
elle peut résister au feu de la vérification empirique, c'est à dire statistique principalement.
− Cette étape consiste alors à déduire des vérifications empiriques obtenues, la
constance de la vitesse de circulation de la monnaie. Dans ces conditions, la théorie quantitative de
Fisher et de l’Ecole de Cambridge rejetée par Keynes, se retrouve ici validée par l’équation de
demande d’encaisses réelles de Friedman, qui du fait d’une vitesse-revenu unitaire, est
(comparable) identique à une équation de vitesse de circulation
Par ailleurs les rendements effectifs ou anticipés des différents actifs influencent
également la demande de monnaie.
L’équation structurelle s’écrit alors :
. a
(28) M d
t P t W t , bt , P t , u t
r
Ici la demande de monnaie est fonction du niveau des prix, du niveau de la richesse,
Wt, du rendement des titres, rbt, du rendement des actifs ou des biens, a , mais également des
Pt
références, des goûts des agents liés aux habitudes de paiement, c'est à dire aux signes monétaires
qu’ils préfèrent, lesquels dépendent de la nature du système bancaire, toutes choses qui influencent la
vitesse de circulation de la monnaie comme chez Fisher.
Dans cette équation structurelle, on a quelques propriétés : la 1ère est que (28) est
homogène de degré 1 par rapport au niveau des prix suivant la rationalité de l’agent. N’étant pas sujet à
l’illusion monétaire, il recherche constamment le pouvoir d’achat en termes de biens et services que
confère le niveau des encaisses nominales. Dès lors, la demande d’encaisses est une fonction de la
demande d’encaisses réelles qui s’écrit :
Md
(28’) : Wt , rBt , Pta , u t
P
t
Ce qui signifie que le niveau des encaisses désirées augmente proportionnellement au niveau des prix.
Les trois autres propriétés sont liées aux trois variables principales de la demande
d’encaisses, à savoir la richesse financière (ou le patrimoine), Wt, le rendement des titres, rbt, et le taux
d’inflation anticipé Pa .
t
m Yt j
(30) : YPt
j1 (1 ij)j
(30) signifie que le revenu permanent est la somme actualisée des revenus courants et
futurs. Les revenus courants et futurs étant ramenés en valeur d’aujourd'hui aux taux d’intérêt qui
prévalent aux différentes périodes futures (i J) ; car, l’agent a un plan de consommation inter temporel.
De ce fait son revenu permanent est le revenu total escompté devant permettre de satisfaire à la
fonction d’utilité sur plusieurs périodes.
C’est pourquoi un tel revenu ne peut pas être consommé en une seule fois, c’est le
revenu durable, permanent. (il ne diminue jamais).
Ce revenu permanent diffère du revenu courant ou transitoire qui n’en est qu’une
infime composante.
Yt 1 Yt 2 Yt j Yt m
YPt Yt
(1 i1 ) 1
(1 i 2 ) 2
(1 i j ) j
(1 i m ) m
Exemple de revenu permanent : un étudiant gagne 150€/20h hebdomadaires, soit
600€/mois. Après son diplôme, son employeur revalorise son salaire qui passe à 170€/mois. Mais
l’étudiant prévoit une amélioration de sa qualification et obtient son Master2 NIP qui lui donne droit à un
salaire de 2500€/mois. Son plan de carrière est qu’au bout de 15 ans de fonction, il doublera son salaire,
et au bout de 30 ans il obtiendra un salaire de 10 000€/mois.
Cet étudiant considère que son revenu permanent est la somme actualisée de ce
différents salaires annuels correspondant aux différentes phases de sa carrière, cette moyenne étant
(600 x 12) + (750 x 12 x 3) + (2500 x 12 x 15) + (5000 x 12 x 15) + (10 000 x 12 x 5).
L’étudiant fait un plan de consommation qui dépend du revenu permanent (Ypt =
moyen) et le revenu transitoire (Yt = 600). Ct = (Ypt,Yt).
Revenu permanent actualisé (4%) = 47 227€/an soit 3935€/mois.
Cet exemple montre bien que le revenu permanent reste fortement dépendant de
prévision de revenus futurs, ces prévisions pouvant se révéler aléatoires.
Le revenu permanent ainsi défini par (30) et illustré par l’exemple reste une variable
aléatoire qui ne permet pas de contourner la difficulté de mesure de la richesse.
C’est pourquoi Friedman propose une autre méthode empirique pour mesurer le
revenu permanent, c’est la méthode de l’ajustement adaptatif du revenu permanent de période à période
donnée par (31)
(31) signifie que le revenu permanent est mesuré par adaptation du revenu permanent
passé (YPt-1), compte tenu de l’inflation qui constitue le « revenu normal de long terme », Y.
En clair, pour connaître le revenu permanent d’aujourd'hui, YPt, l’agent représentatif
révise l’évaluation de son revenu permanent passé. Cette révision est fonction de 2 éléments : d’un côté
le revenu normal de long terme Y barre et le coefficient de révision ou d’adaptation λ (revenu normal =
3935/mois).
On a donc deux cas qui illustrent la rapidité de révision par l’agent de son revenu
antérieur pour connaître son revenu permanent contemporain. Lorsque λ est nul, le coefficient
d’adaptation est nul, dès lors l’agent ne réévalue pas son revenu permanent qui est identique à sa valeur
passé ( YPt YPt 1 ) : on dit que l’agent est inerte c'est à dire myope, c'est à dire qu’il n’observe pas
l’information constitués par son revenu normal de long terme ( Y ) pour réviser son revenu permanent.
36
Mais contrairement aux rendements des titres, il s’agit d’une variable non observée.
Friedman utilise alors un principe examiné précédemment, à savoir le mécanisme d’anticipation,
adaptatives qu’il applique à l’inflation suivant l’enseignement de Philippe CAGAN qui est le premier à
utiliser ce mécanisme pour étudier l’hyper inflation de l’Allemagne des années 1928 à 1933.
Pta Pt 1 P Pt 1
a
(31) : 0 1
Pta P (1 ) Pt 1
0 Pta Pt 1
1 Pt P
a
2
%
Temps Temps
Structure à terme
normale
Structure à terme
atypique
it
Une structure à terme plate est une structure à terme atypique : rBt i t
38
Friedman fait donc l’hypothèse d’une structure à terme plate qui implique également
que les anticipations de taux d’intérêt sont parfaites et de ce fait le taux de rendement à long terme est
égal au taux à court terme.
Friedman déduit de ces hypothèses l’équation réduite de demande de monnaie compte
tenu des équations de définition des variables qui la déterminent :
YPt Y YPt 1
Md
(33) YP ; rt ; P a avec (34) Pta P (1 ) Pt 1
P t t
t
rBt i t rta
(33) décrit la demande d’encaisses réelles fonctions du revenu permanent de façon
positive (indicateur de richesse) et en fonction négative :
- du taux d’intérêt qui comme chez Keynes mesure, reflète l’arbitrage monnaie – titres
ou l’arbitrage épargne liquide contre épargne financière non liquide : plus le taux d’intérêt est bas moins
les actifs financiers rapportent ; donc il vaut mieux détenir de la monnaie. Et vice-versa ;
- du taux inflation anticipée qui mesure l’arbitrage entre monnaie et biens. Ainsi plus le
taux d’inflation prévue est élevé, moins la monnaie est attractive ce qui justifie de s’en débarrasser et
d’acquérir des biens. Et vice-versa.
Car, le taux d’inflation anticipée élevé réduit le pouvoir d’achat de la monnaie et
l’intérêt de sa détention ; il vaut mieux détenir des biens durables ou des actifs réels. Inversement
lorsque le taux d’inflation anticipée est bas, le pouvoir d’achat de la monnaie est élevé ce qui réduit
l’attractivité des biens et augmente celle de la monnaie.
Cette équation (33) devient une forme réduite lorsqu’on remplace
respectivement le revenu permanent et le taux d’inflation anticipée par leur définition donnée
dans (34) où ces variables au départ non observées et théoriques, deviennent observables.
Conséquence : Milton Friedman fournit la Magna Carta (carte magnifique) de la
théorie de la demande de monnaie ou la quintessence, car avec (33) sous contrainte de (34),
l’analyse économique intègre la théorie statistique et les hypothèses de mesure qu’elle
permet.
Friedman va cependant tenter de dépasser (33) et (34) en procédant à la mesure de
(33) suivant le principe de l’économie positive. Il en déduit la vitesse de circulation de la monnaie et la
restauration de la théorie quantitative.
d d
M b M
(35) : YPt .e .(i t ) ln k ln YPt b(i t ) c Pta
k
P t P t
Ainsi on peut en déduire l’élasticité-revenu (k) et les semi- élasticités intérêt notée (-
b) et inflation anticipée (-c) en prenant les dérivées 1ères de (35) par rapport au revenu permanent et au
taux d’intérêt et à l’inflation anticipée, après linéarisation
k ; b ; c
lnYPt lni t .
ln Pta
Friedman et Schwartz procèdent à l’estimation de (35’) pour les ETATS-UNIS sur la
période 1858 – 1958 à l’exclusion des années de guerre. Ils obtiennent les résultats suivants : k̂ 1,81
et b̂ ĉ 0 .
39
M t .v t Pt .Yt
ln M t ln v t ln Pt ln Yt
ln v t ln Pt ln Yt ln M t
Cette estimation consiste en effet à montrer que la demande de monnaie d’une
élasticité-revenu égale ou supérieure à l’unité, est tout simplement l’expression d’une vitesse de
circulation constante. Plus fondamentalement, demande de monnaie et vitesse de circulation
signifient la même chose, puisque les déterminants de la demande de monnaie sont les
mêmes que ceux de la vitesse de circulation.
C’est ainsi que Friedman restaure l’équation des échanges et en particulier l’hypothèse
de la constance de la vitesse de circulation.
Ainsi il prend un cas particulier, celui d’une élasticité unitaire de la demande de
monnaie, et 0 ailleurs pour les semi-élasticités.
Par analogie à l’équation quantitative, il vient l’équation suivante :
ln(M/P)=1*ln(YPt) , soit ln (vt) = - [ln(M)t – ln(P)t – ln(Yt] = 0
Friedman trouve donc aussi bien pour une élasticité revenu ≥1, que la vitesse de
circulation de la monnaie est constante. Il en déduit que la demande de monnaie est stablement
reliée au revenu permanent, et que la constante de vitesse de la circulation associée signifie
que la demande de monnaie est stable.
Il en découle deux conséquences :
La 1ère : une demande de monnaie stable conduit à rejeter l’hypothèse keynésienne de
l’instabilité naturelle de la demande de monnaie, qui était due chez Keynes aux prévisions hétérogènes
des taux d’intérêt (lorsqu’on se situe entre le taux critique minimum et maximum).
Le 2ème : Friedman en déduit donc la réévaluation de la théorie quantitative de la
monnaie. En effet partant de ce cas particulier, utilisons la différentielle logarithmique.
Or le revenu permanent est un indicateur de richesse donc il est stable.
40
(Argentine 2002). Ou encore des pratiques bancaires diverses. L’agent face à ses différents facteurs va
procéder à un ajustement partiel des encaisses effectives aux encaisses désirées.
On parle alors d’un processus d’ajustement partiel des encaisses effectives aux
encaisses désirées. Cet ajustement s’effectue donc de période à période, en fonction de l’écart entre les
encaisses désirées à long terme et les encaisses détenues antérieurement. Cette fonction est dépendante
du paramètre delta qui est le coefficient d’ajustement partiel (équation 37).
Si delta est nul, l’ajustement c'est à dire la correction du stock d’encaisses réelles
effectivement détenu vis-à-vis du bon stock est très lente. Parce que l’agent est irrationnel et ne tient
pas compte du bon stock, il s’attache au stock d’encaisses détenues dans le passé.
Exemple de l’étudiant vu avant : lorsque son revenu augmente en passant de 600€ à
750€, il demande toujours la même quantité d’encaisses, le même stock d’encaisses. Il est donc
irrationnel.
Si delta = 1, l’agent rationnel ajuste vite son niveau d’encaisses au stock d’encaisses
désirées à long terme, il est rationnel.
Cette analyse permet donc de distinguer la demande de monnaie de long terme et de
court terme. Pour le montrer, considérons une équation de demande de monnaie Log – linéarisée comme
dans (35). Distinguer l’encaisse souhaitée (désirée) à long terme de l’encaisse effective à court terme,
revient à supposer que l’encaisse à long terme s’obtient à partir de l’estimation de l’encaisse effective
suivant le processus d’ajustement partiel (37).
Dès lors soit k, élasticité-revenu à court terme, b semi élasticité, c semi élasticité
inflation anticipée à court terme.
d
M M M
(37) ln ln (1 ) ln
P t P P t 1
Soit L’estimation pour la France d’une équation de demande de monnaie à court terme de la forme
suivante :
Ln (M/P) d
t = 0,20 * Ln (Ypt) - 0,04* (it) - 0,18 * (πat) + 0,80 Ln (M/P)t-1
Réponse
Dressons un petit tableau des paramètres estimés à court terme et à long terme.
(38) Ln (M/P) *
t = 1 * Ln (Ypt) - 0,2* (it) - 0,9 * (πat)
Cette relation fournit une élasticité-revenu unitaire, une élasticité-intérêt égale à -0.2 et une
élasticité-inflation anticipée égale à -0.9.
A supposer que les paramètres estimés du taux d’intérêt nominal et du taux d’inflation
anticipée ne soient pas significatifs au sens statistique (non significativement différents de
zéro au sens du test de T de Student), on en déduit qu’à long terme :
(39) Ln (M/P) *
t = 1 * Ln (Ypt) ; soit (M /P)*t = Y pt, soit encore M*t = Pt * Y pt
Or, lorsque les actifs monétaires deviennent rémunérés –cas des actifs du marché
monétaire tels que les bons du Trésor détenus par des agents non financiers, ou des dépôts à vue
rémunérés partiellement, ou des parts liquides de placements collectifs en valeurs mobilières,
OPCVM-, désormais, la liquidité rapporte. Le coût de la liquidité doit donc être calculé en net, à
partir de la différence (spread) entre le taux moyen du marché financier ou du marché monétaire
(it), et du taux d’intérêt moyen rémunérant les actifs monétaires proprement dits (gt).
43
(40) (M / P) d
t = (Yt)k * e -b*(it – gt)
Dans (40), le revenu réel (en volume) explique positivement la demande de monnaie à hauteur
d’une élasticité-revenu (k), alors que le coût d’opportunité est désormais fourni par (i t – gt),
l’écart de taux (spread) entre la rémunération nominal des titres ou actifs financiers (it) et la
rémunération offerte aux actifs monétaires proprement dits (gt).
Exemple
CALZA et GEDERSMEIER (2001)° dans « Euro Area Money Demand : Measuring the
Opportunity Costs Appropriately », Fonds Monétaire International, Washington, novembre,
où (Mt) est mesuré par (M3) ; (Pt) par l’indice des prix à la consommation ; (it) étant le taux du
marché monétaire à court terme ici approximé par le taux de l’EURIBOR à 3 mois (marché
interbancaire européen), (gt) étant le taux de rendement nominal moyen des actifs monétaires,
pondéré par les parts respectives dans (M3), des actifs liquides non rémunérés, des dépôts
d’épargne rémunérés, et des actifs de marché également rémunérés.
(i) que le PIB en volume –la relation étant une fonction d’encaisses réelles, la valeur explicative
représentant le revenu est nécessairement le revenu réel mesuré ici par le PIB en volume-,
explique fortement la demande d’encaisses réelles, pour une élasticité de 1,84. On obtient ici pour
les pays de l’EUROLAND sur la période 1980–1999, le résultat antérieurement établi par Milton
FRIEDMAN et Anna SCHWARTZ pour le compte des Etats-Unis sur près d’un siècle (1867-1958,
hors années de guerre), qui était de 1,81. La monnaie est donc encore un bien de luxe, puisque
l’élasticité-revenu est supérieure à l’unité. Une augmentation de 1% du revenu induit une détention
plus que proportionnelle (1,84%) d’actifs monétaires.
Le taux d’inflation a disparu de (40). Car dès lors que le taux d’intérêt nominal est spécifié,
il n’est plus nécessaire de tenir compte du taux d’inflation anticipée à côté du taux d’intérêt réel.
Car le taux d’intérêt nominal intègre déjà l’inflation anticipée : c’est le taux réel augmenté de
l’inflation anticipée. Par ailleurs, en régime d’inflation très faible et stable, l’arbitrage monnaie-
biens disparaît. On est dans la configuration où la détention de monnaie apporte une réserve de
pouvoir d’achat inter-temporel. En EUROLAND, avec une très faible inflation effective observée, le
taux d’inflation anticipée n’explique plus la demande de monnaie.
Conclusion provisoire
La relation (40) permet de réconcilier James TOBIN, Milton FRIEDMAN avec les approches
contemporaines. D’abord parce qu’en effet, la monnaie devient véritablement un actif concurrent
des autres actifs. La comparaison des rendements de ces actifs à celui de la monnaie, qui apparaît
dans (40) avec le spread de taux, est considérée suivant l’optique des choix de portefeuille de
TOBIN reprise par FRIEDMAN. Mais contrairement à ce dernier, les estimations empiriques valident
bien le rôle du coût de liquidité. (40) est donc une généralisation des approches en termes de
gestion de portefeuilles et de gestion de stocks, de la détention souhaitée de monnaie. On peut
donc désormais, apprécier le rôle de la demande de monnaie en matière d’équilibre
macroéconomique (Section III).
44
Cette première synthèse est considérée comme le Modèle de Base en Macro-économie, c’est
le Modèle IS-LM, fournissant l’équilibre entre le marché des biens et services (les produits) et
le marché de la monnaie, mais dont HICKS avait montré dès 1937, qu’il est bien compatible
avec l’équilibre du marché des titres. On a alors le Modèle IS-LM-BB (A), dont il découle
l’analyse des effets d’impact réel de la Politique économique (B) sur l’activité.
En particulier, l’analyse Keynésienne a souvent admis l’hypothèse de substituabilité
parfaite entre monnaie et titres. Ceci parce que le taux d’intérêt nominal, facteur de
demande de monnaie, est le même intervenant dans la demande de titres, et la demande
d’investissement. KEYNES en déduit que la politique monétaire joue sur la préférence
pour la liquidité et donc sur la moindre préférence pour les titres à travers le taux d’intérêt
des titres. Et en conséquence, du fait du risque de thésaurisation, la politique monétaire voit
son efficacité contrariée, alors que la politique budgétaire agit davantage directement sur la
demande effective et l’activité économique.
C’est le fondement du modèle IS-LM-BB. Ce modèle sera pourtant discuté par les
monétaristes qui démontreront que la politique monétaire joue plutôt puissamment via le
canal de la monnaie, c'est-à-dire l’effet de la liquidité.
A. LE MODELE IS-LM-BB
1. La structure du modèle
Si on a (n) marchés dans l’économie : avec (n-1) marchés en équilibre partiel simultané, alors
et nécessairement, le n-ième marché est aussi en équilibre partiel, et l’économie se situe en
équilibre général.
La loi de Walras établit une relation de récurrence entre les différents marchés d'une
économie et postule que la condition nécessaire et suffisante pour qu’il y ait équilibre général
dans une économie, c’est l’équilibre partiel simultané des N-1 premiers marchés, qui sont
réels, le Nième marché, celui de la monnaie l’étant également et nécessairement.
Une des conséquences de cette loi est que si un marché n'est pas équilibré (demande
excédentaire non nulle), alors il y a au moins un autre marché qui n'est pas en équilibre (offre
excédentaire non nulle). Notons que cette loi confirme quoique différemment, un des postulats
importants de l'économie classique et néoclassique d'alors, à savoir que la monnaie est
neutre dans l'économie, qu'elle n'est qu'un intermédiaire des échanges, et que
fondamentalement, une économie monétaire équivaut à une économie de troc. En effet, nous
déduisons de la loi de Walras que, si le marché de la monnaie est en déséquilibre, alors au
moins un autre marché est déséquilibré également : la monnaie a donc une influence directe
sur l'économie (outre l'influence qu'elle a à travers le taux d'intérêt ou encore l'inflation).
Walras démontrera différemment la neutralité de la monnaie, en étudiant davantage son
impact neutre sur la structure des prix relatifs.
Ceci signifie donc que l’équilibre partiel simultané de ces trois marchés implique
automatiquement l’équilibre partiel du marché du travail, qui n’a pas besoin d’être étudié,
l’équilibre général étant automatiquement assuré.
(2) Ydt = Yt – Tt
(5) Gt = Go
(6) Yt = Ct + It + Gt
(i) L’équation (1) décrit la fonction de consommation dont la formulation, ici, est
simple, fonction keynésienne.
(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1
La consommation des ménages à toute période t (Ct) est fonction d’une composante
incompressible et indépendante du revenu (Co) et fonction du revenu disponible (Ydt) à
hauteur de la propension marginale à consommer, qui est positive mais non unitaire (0<c<1).
Cette fonction est simple, car elle ne prend pas en compte les effets de richesse sur la
consommation (Milton FRIEDMAN), ou les classes de revenus et leurs impacts sur l’inertie
des consommateurs.
(ii) L’équation (2) Ydt = Yt – Tt décrit le revenu disponible c'est-à-dire le revenu global
(Yt) net d’impôt (Tt). Rappelons que ce revenu global est issu de l’équilibre entre l’offre
et la demande de biens et services (équation 6).
(2) est donc une équation de définition alors que (1) est une équation de comportement.
(iii) (3) Tt = To + tYt ; 0 < t < 1 définit les recettes fiscales de l’Etat. Elles sont pour
partie compressibles à hauteur de To, et pour partie indexées sur le niveau de revenu
global (Yt). (t) est donc ici le taux marginal de taxation. Il est positif mais non unitaire,
car s’il était unitaire ou même en proportion très élevé du revenu (>0,5), l’impôt serait
alors confiscatoire. C’est pourquoi (3) n’est qu’une forme simplifiée des recettes fiscales.
(iv) (4) est l’équation de l’investissement,
(4) It = Io – j(it) ; j > 0,
L’investissement privé est ici, de l’investissement productif des entreprises, le reste des
dépenses en capital neuf étant négligeable par rapport à l’accumulation des entreprises.
Il est fonction d’une dépense autonome d’investissement (Io), lequel traduit le comportement
autonome de l’investisseur. Comportement de « conquête des marchés »
47
Les investisseurs, étant comme le dit KEYNES, mus par des esprits animaux (animal spirit
minded), ce sont des prédateurs. Donc, ils investissent sans tenir compte d’autres variables,
dès lors qu’ils ont évalué un marché rentable.
On fait comme si les investisseurs ne se préoccupent pas des conditions de financement de
l’investissement (notamment de coût du capital emprunté).
On peut ainsi distinguer l’investissement autonome (Io), de l’investissement induit par le taux
d’intérêt (it) : (it) désigne alors le coût du capital emprunté. C’est un taux d’intérêt nominal
sur le marché des fonds prêtables, c'est-à-dire aussi bien sur le marché des crédits, que sur
le marché des titres à long terme (marché financier).
(j) désigne la propension marginale à investir. L’investissement est de ce fait négativement
relié au coût du capital emprunté.
It
I0
It = I0 - j*(it)
it
n
VAN ≥ 0 : - It + ∑ Rt ≥0
J=1
(1+i)j
VAN ≥ 0
(v) Le marché des produits (biens et services) comporte également les «équations (5) et
(6)
(5) Gt = Go désigne une dépense complètement autonome. Mais depuis KEYNES, l’analyse
de la Dépense Publique a évolué. La DP augmente lorsque le revenu courant (Yt) augmente
moins vite que le revenu potentiel (Y)
(5’) Gt = Go + g (Y – Yt)
Yt
-
Y
Yt
Temps
(6) Yt = Ct + It + Gt
(6’) Ydt + Tt = Ct + It + Gt
At = Ct + It + Gt Absorption
bouclage des transactions en attente de réception d’un revenu. C’est le stock tampon (buffer
stock) entre deux dates de réception de revenu.
Puis, la demande d’encaisses dépend du revenu nominal courant.
Dans ces conditions, m1 décrit l’élasticité-revenu de la demande de monnaie. Enfin, la
demande d’encaisses dépend négativement du taux d’intérêt (it).
(m2) est ici la semi-élasticité de la demande de monnaie.
Cette formulation de la demande de monnaie appelle plusieurs commentaires :
En premier lieu, le taux d’intérêt, ici, rémunère les placements d’épargne liquide
ou financière (les titres). Placements alternatifs à la détention d’encaisses non
rémunérées. Ceci rappelle donc la notion de préférence pour la liquidité énoncée par
KEYNES, c'est-à-dire d’un arbitrage entre monnaie et titres.
Le problème est que le revenu permanent n’est pas directement observable (voir ANNEXE A-
3 du Chapitre 5).
51
L’équation (8) décrit l’offre de monnaie. C’est le niveau des encaisses réelles offertes par le
système bancaire aux agents privés. Elle est fondée sur l’hypothèse d’exogénéité parfaite de
l’offre de monnaie.
Et l’équation (9) fournit la condition d’équilibre du marché de la monnaie. L’offre
s’ajustant passivement à la demande M/P étant le niveau d’encaisses en circulation dans
l’économie.
(Voir les critiques de 8 et 9, et les approfondissements de l’Offre de Monnaie en Annexe-B,
Chap.5)
Conséquences
L’équation (8b) devrait être modifiée par une règle monétaire, soit automatique (cas BCE :
le seul objectif suivi est la recherche de la stabilité des prix ou la lutte contre l’inflation), soit
alors une règle à rétroaction (cas de la Réserve Fédérale, les Autorités poursuivent en même
temps, l’objectif de stabilité des prix et la lutte contre le chômage).
Revenons à l’équation (10) : elle définit la contrainte budgétaire totale de l’économie, c'est-
à-dire l’égalité entre les ressources et les emprunts. Les ressources approximent la richesse
totale pour les agents privés : elle est composée du revenu d’activité (Yt) et des actifs de
patrimoine. Il s’agit des titres détenus dont l’offre est B0t et des encaisses réelles détenues
(M/P)0t Cette richesse sert alors à des emplois : elle est allouée à la demande de biens et
services D(Yt ; it), puis à la demande de titres et enfin à la demande de monnaie. Cette
contrainte budgétaire de l’économie permet de simplifier, ensuite, l’analyse de l’équilibre .
Car, en réécrivant (10) il vient :
[Yt – D (Yt ; it)] + [(M/P) – (M/P)0t] = Bdt - B0t
éq 6 éq 9
=0 =0
52
Bdt – Bst = 0
La Loi de WALRAS implique l’annulation de la demande excédentaire de
titres, à l’équilibre des produits et de la monnaie.
Bdt = B0t
Il en découle que si l’équilibre partiel du marché des biens et services est réalisé (eq 6) et si
l’équilibre partiel du marché de la monnaie est réalisée (éq 9), alors la Loi de WALRAS
s’applique, et la demande excédentaire s’annule sur le marché des titres, c'est-à-dire que
l’équilibre partiel sur le marché des titres est obtenu, la demande de titres est égale à l’offre de
titres.
La demande de titres est chez TOBIN fonction des mêmes variables que la demande de
monnaie, car elle résulte de l’affectation de la richesse. La richesse en termes réels se
distribue entre les actifs financiers (B) (ou les titres). La monnaie et les actifs réels ou en
capital non liquide (K). C’est pourquoi la richesse (W) est la variable d’échelle principale de
la demande de titres comme de la demande de monnaie. A présent, chez TOBIN, la règle des
productivités marginales croisées s’applique : ceci signifie que le rendement marginal
d’un actif explique positivement sa demande alors que le rendement d’un actif concurrent
explique négativement sa demande. Donc, le rendement des obligations rob, le rendement des
actions rA expliquent positivement la demande de titres en actions et en obligations. Alors que
l’inflation qui est (l’inverse du) rendement des actifs réels), explique négativement la
demande de titres comme d’ailleurs les taux d’intérêt bancaires ou du marché de la monnaie,
lesquels rémunèrent les placements d’épargne liquide. Une telle spécification montre que la
demande du titres est un comportement structurel.
Quant à l’offre de titres, elle est l’émanation des entreprises. Elle dépend donc de leur
capitalisation boursière (Q de TOBIN). Mais aussi, des rendements internes des projets c'est-
à-dire du rendement unitaire du capital installé.
53
Enfin, elle dépend de la valeur de la production en valeur. Ici, elle est supposée constante et
égale à l’épargne financière : c’est un indicateur de la liquidité du marché financier, ou même
de la profondeur de ce marché.
(10) Yt + (M/P)ot + (B)0t = D (Yt ; it) + (8’) (M/P)ot = kB + α1 (πt – π)² + α2 (Yt – Y)²
(M/P)dt + Bdt = (C/P)t + (R/P)t
Le modèle simple comporte 10 équations dont les équations 1, 3, 4, 7 sont des équations de
comportements des agents non financier (1, 4, 7) et/ou de Etat (3).
Alors que (2 )est une équation de définition du revenu disponible.
54
(5) et (8) sont des variables supposées exogènes ou parfaitement contrôlées (pour l’offre de
monnaie éq 8).
(6), (9) étant des équations d’équilibre partiel du marché des produits puis de la monnaie.
(10) fournit la contrainte budgétaire de l’économie à partir de laquelle est déduit l’équilibre
partiel du marché des titres.
Dans le modèle enrichi, on a plus d’équations structurelles (voir en Annexe, Chapitre 5).
(1’) introduit une distinction entre la consommation des ménages à CT et la consommation
des ménages à LT en fonction du revenu permanent.
(3’) introduit une fonction de taxation polynomiale dépendant de l’activité pour tenir compte
de l’hypothèse de la courbe de LAFFER (trop d’impôts tuent l’impôt)
(4’) renouvelle la fonction d’investissement des firmes en introduisant un facteur dynamique
avec l’accélérateur mais surtout l’effet du Q de TOBIN, et enfin, un facteur d’irréversibilité
possible du capital lié à l’incertitude.
(5’) décrit une dépense publique contra-cyclique, car la dépense publique doit augmenter
lorsque l’activité courante (Yt ) est inférieure à son niveau potentiel ou tendanciel.
(7’) décrit une demande de monnaie élargie en courte période suivant FRIEDMAN,
introduisant des phénomènes anticipatifs et des ajustements partiels à CT. Alors que l’offre de
monnaie intègre à la fois les comportements d’offre de crédit et les facteurs d’afflux de
réserves de change, comme la règle monétaire rétroactive ou passive des autorités.
Enfin, (10’) renouvelle les facteurs de la demande de titres.
Ce modèle enrichi comporte plus de variables endogènes et de ce fait est plus difficile à
résoudre en raison de ces améliorations, c’est pourquoi il convient de définir l’équilibre
partiel des marchés (3).
Sur le marché des produits, la condition (6) définit la condition d’équilibre du marché des
produits.
(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1
(2) Ydt = Yt – Tt
(5) Gt = Go
(6) Yt = Ct + It + Gt
Ydt + Tt = Ct + It + Gt
(Ydt – Ct) + (Tt – Gt) = It
Sprivt + Spubt = It
S t = It
(2’) Ydt = Yt + T0 – tYt = -T0 + (1-t)Yt
(1’) Ct = C0 = c(1-t)Yt-cT0
(1’) Ct =(C0-cT0) + c(1-t)Yt
Introduisons, (Ct), (It) et (Gt) dans (G)
Yt = [(C0 –cT0) + c(1-t)Yt] + [I0 – j(it)] + G0
Soit Yt = [C0 –cT0 + I0 + G0] + c(1-t)Yt - j(it)
Soit graphiquement
it
A0/j
Yt
Pente IS :
δ (it) / δ Yt = – [1- c(1-t)] = -s / j avec s nette = 1- c(1-t)
j
Rappelons que l’équilibre du marché des produits est obtenu lorsque l’épargne est égale à
l’investissement. Ceci est vérifié, ainsi que nous l’avons montré précédemment, en tenant
57
compte de la définition du revenu national (Yt) lequel est la somme du revenu disponible du
ménage (Ydt) et les recettes fiscales de l’Etat (Tt). Après calcul de l’épargne privée des
ménages, qui s’obtient par le solde dans le revenu disponible de la consommation, puis après
calcul de l’épargne du secteur public qui s’obtient par différences des recettes fiscales et les
dépenses publiques, on en déduit l’épargne domestique totale qui est égale à la dépense en
investissement productif des entreprises. Cette condition d’équilibre est assurée par un revenu
national et un taux d’intérêt d’équilibre partiel. Pour le montrer introduisons (3) dans (2) et (2)
dans l’équation(1). Puis, introduisons la consommation (1) et la dépense publique et
l’investissement, fournis respectivement par (1’), (4) et (5) dans (6).
L’équilibre partiel des marchés des produits fournit une relation entre le revenu
national et le taux d’intérêt nominal. Compte tenu de la dépense autonome nette, c'est-à-
dire de l’absorption autonome à savoir la dépense des agents privés et de l’Etat, dépendant de
la conjoncture ou du niveau d’activité et de ce fait du revenu national. Cette relation est
négative et fait apparaître l’existence d’un multiplicateur simple de dépense autonome. Ceci
signifie que lorsque la consommation autonome des ménages ou l’investissement autonome
des entreprises ou la dépense publique augmente d’une unité, il en résulte une augmentation
plus que proportionnelle du revenu national. De même, lorsque les recettes fiscales issues des
impôts forfaitaires diminuent d’une unité, le revenu national augmente plus que
proportionnellement. La pente de la courbe (IS) détermine l’égalité entre l’investissement
privé domestique et l’épargne domestique totale, est par conséquent négative et fonction de la
propension nette à épargner le revenu disponible et de la sensibilité au taux d’intérêt de la
dépense de l’investissement (j). La pente de (IS) est égale en réalité au rapport entre cette
sensibilité et de la propension nette à épargner.
Examinons à présent l’équilibre partiel du marché de la monnaie.
Pente de LM
Δit / δYt = (m1/m2)> 0 car m1 > 0 et m2 > 0
it
LM
M0 - (M/P)
m2
Yt
Il apparaît que la demande excédentaire de titres par rapport à l’offre est une fonction de
l’offre excédentaire de biens par rapport à la demande.
On est bien ici dans le contexte de la contrainte budgétaire de l’économie laquelle fournit une
propriété walrassienne du modèle. En effet, à l’équilibre de l’économie, tout excès d’offre de
biens et services et de monnaie se résout par une demande excédentaire de titres. Or, (10’)
montre que la demande excédentaire des titres dépend des conditions d’équilibre partiel du
marché des biens et de la monnaie. Ces conditions étant fournies par (11) et (12).
(11) Yt = ksA0 – ks(j) [it]
(12) Yt = (M/P) - M0 / m1 + (m2/m1) [it]
Donc, remplaçons dans (10’) les conditions d’équilibre (11) et (12) sachant que l’équilibre
partiel des biens et services et du marché de la monnaie est déterminé précédemment. Et
sachant aussi qu’il en découle l’équilibre partiel du marché des titres, ce qui est là, une
vérification de la Loi de WALRAS.
(M/P)dt - (M/P)ot = 0
Pente de BB :
δ it / δ Yt = m1 + [c (1-t) -1] / j + m2
it
BB
A0 - M0
(M/P)
J +m2
Yt
L’équilibre du marché des titres reproduit une relation négative entre le revenu et le taux
d’intérêt comme pour le marché des produits. Cependant, la pente de la courbe BB, qui est
négative, est supérieure à la courbe de la pente IS qui l’est également. En fait, la condition
(10’) ou la contrainte budgétaire de l’économie, illustre ici, la Loi de WALRAS : à savoir que
l’équilibre partiel du marché des biens et du marché de la monnaie étant réalisé, l’équilibre
partiel est réalisé automatiquement sur le marché des titres. Ceci signifie que le revenu et le
taux d’intérêt d’équilibre partiel conjoint sur le marché des biens et sur le marché de la
monnaie assure automatiquement l’équilibre partiel du marché des titres. C’est ainsi que l’on
61
Or, la matrice des paramètres est une matrice rectangulaire (3*1), ce qui ne permet pas la
résolution de ce système d’équation. La matrice des paramètres aurait dû être une matrice
62
carrée (2*2), pour que le système soit possible à résoudre. Remarquons que la matrice des
paramètres peu devenir carrée, pour deux raisons.
La première est que dans l’équation (13), l’équilibre partiel du marché des titres n’est qu’une
combinaison linéaire des équations (11’) et (12’). La condition d’équilibre partiel du marché
des titres étant la somme de l’équilibre partiel du marché des biens et de la monnaie.
La deuxième raison est que l’équilibre partiel du marché des titres est obtenu
automatiquement lorsque l’équilibre partiel des marchés des biens et de la monnaie est
obtenu. Dès lors, le système se réduit à deux équations et deux inconnues ; soit sous forme
matricielle :
(15)
1 [1- c (1-t) -1] / j it A0/j
1 - m1/m2 Yt = M0 – M/P / m2
(15’) Г (Xt) = F
Г = 1 [1- c (1-t) -1] / j ; F = A0/j ; Xt = it
1 - m1/m2 M0 – M/P / m2 Yt
(16) Xt = Г-1 * F
it = Г-1 * F
Yt
Alternativement, (16) est résoluble par la méthode de substitution : pour cela, posons
l’égalité (11’) = (12’), qui permet d’obtenir le revenu d’équilibre macro, lequel ensuite peut
être introduit dans l’une ou l’autre des deux équations pour déduire le taux d’intérêt
d’équilibre macroéconomique.
LM
it
A0/j
A0 - M0
(M/P)
j+m2 BB
M0 (M/P)
m2 IS
Ye Ype Yt
Yt
Y
Gap de
Yt Y = YPE
production
Ye
Emploi
NSE NPE Nt
Chômage
65
L’équilibre macro au point H est assuré et l’on observe que la courbe BB d’équilibre partiel
du marché des titres passe automatiquement par le point de rencontre des courbes IS et LM. Il
en découle un revenu d’équilibre macro et un taux d’intérêt des titres d’équilibre macro. Chez
KEYNES, un tel niveau de revenu d’équilibre est à CT un revenu global de sous-emploi. Car
la demande de biens est généralement insuffisante pour que les producteurs utilisent toute la
main d’œuvre disponible. Au passage, il n’y a pas chez KEYNES de marché de travail car ce
sont les producteurs qui fixant le niveau d’emploi en fonction de la demande solvable qui
s’adresse à leurs produits (commandes fermes aux entreprises).
C’est pourquoi, on peut distinguer un revenu d’équilibre de sous-emploi du revenu de plein
emploi. Ces deux revenus peuvent être représentés à partir de la fonction d’offre de
production à CT qui relie la production à l’emploi.
Il apparaît alors que le revenu d’équilibre macro correspond à un niveau d’emploi insuffisant
(NSE) pour absorber tout la main d’œuvre disponible, alors que le revenu de plein emploi
(YPE) correspond à l’emploi intégral de la main d’œuvre disponible.
Dès lors, l’écart entre le revenu d’équilibre de sous-emploi et le revenu de plein emploi
correspond à un gap de production, source de chômage. C’est pourquoi chez KEYNES, on
part d’un revenu d’équilibre global et non pas d’un revenu d’équilibre général, car le
revenu d’équilibre à CT en toute probabilité peut correspondre à du sous-emploi de la
main d’œuvre. C’est ce qui nécessite l’action de la politique économique et notamment
de la politique monétaire, en vue de réduire le sous-emploi.
LM
it
Zone 2
A0/j
H
Zone
A0 - M0 Zone 3a
i2 1b
(M/P)
J +m2 Zone BB
3b Zone
1b
Zone 4
IS
M0 (M/P)
m2 Ye Yt
66
Zone 3a : Yt < Dt
(M/P)0t >(M /P)dt
B0t < Bdt
Zone 3b : Yt < Dt
(M/P)0t >(M /P)dt
B0t > Bdt
Zone 4 : Yt < Dt
(M/P)0t < (M /P)dt
B0t > Bdt
Cet équilibre est unique et stable. Comme ceci est souhaitable, notamment, dans une tradition
classique ou néo-classique. Pour le montrer, considérons les différents cas de déséquilibre.
D’abord, rappelons que :
Au-dessus de la courbe IS, l’offre de produits excède la demande de produits. Dans ce
modèle à prix fixes, cet excès d’offre aura tendance à entrainer un accroissement du
revenu, mais à quantité de monnaie constante et de titres détenus constants, il en
résultera un accroissement du taux d’intérêt d’équilibre.
En dessous de la courbe IS, c’est la demande de produits qui est excédentaire et les
effets sont symétriquement opposés aux précédents.
Au-dessus de la courbe BB, la demande de titres excède l’offre. Dans ce cas, les cours
des titres anciens sont inférieurs au cours des titres nouveaux. On assiste ainsi, à une
vente de titres anciens par leurs détenteurs. De sorte qu’il en résulte une hausse du
taux d’intérêt s’accompagnant d’une baisse anticipée des cours des titres anciens dont
l’offre est abondante sur le marché.
En dessous de la courbe BB, désormais c’est l’offre de titres qui excède la demande.
Les titres nouveaux sont nombreux sur le marché, ils trouvent moins d’acquéreurs. On
peut donc prévoir une baisse des cours des titres nouveaux, par rapport aux cours des
titres anciens. Les taux d’intérêt diminuent.
Ce sont ces principes qui guident la lecture du graphique, où l’on a 6 cas de déséquilibre.
Le quadrant 1 est composé de deux sous cas :
o Zone 1b : indique que l’on est au-dessus de IS (Offre de produits > Demande),
à la droite de LM (offre de monnaie < demande), au-dessus de la courbe BB
(demande de titres > offre).
68
L’offre de biens excédant la demande, pousse vers un surplus de revenu qui est absorbé par
une demande excédentaire de monnaie et de titres. Le déséquilibre en termes d’offre du
marché des biens est résolu par l’excès de demande de monnaie et de titres. C’est pourquoi,
l’on revient on point H.
o Zone 1a : indique que l’on est au-dessus de la courbe IS, à droite de LM, mais
en dessous de la courbe BB. Dans ce cas, le supplément de revenu créé sur le
marché des biens se résorbe par un excès d’offre de titres lequel induit une
baisse des taux d’intérêt accompagnant une baisse des cours des titres
nouveaux et une hausse des cours des titres anciens. Donc, le déséquilibre du
marché des biens et du marché de la monnaie est résolu par l’excès d’offre sur
le marché des titres.
Le quadrant 2 : on se situe au-dessus de IS (offre excède demande) mais à gauche de
LM (l’offre excède la demande de monnaie), et on se situe au-dessus de BB (demande
> offre). Ici, on est en présence d’un excès d’offre de biens et de monnaie par rapport à
la demande. Pour que la contrainte budgétaire soit respectée (équation 10) c'est-à-dire
l’équilibre macro réalisé, l’ajustement va se faire sur le marché des titres. Par un excès
de demande qui induit la hausse des cours des titres et la baisse des taux d’intérêt.
Le quadrant 3, est composé de deux cas de déséquilibre
o Zone 3a : indique que l’on est en dessous de la courbe IS (demande excède
offre de biens), à gauche de LM (offre > demande de monnaie), et au-dessus de
BB (offre < demande de titres). Ici, l’excès de demande de biens et de titres
s’accompagne d’un excès d’offre de monnaie. Plus précisément, parce que le
marché de la monnaie est en déséquilibre d’offre (en excès d’offre), les agents
vont utiliser les liquidités excédentaires pour demander davantage de biens et
services et de titres, car l’excès d’offre de monnaie induit une baisse du taux
d’intérêt sur le marché de la monnaie, laquelle pousse alors à la hausse la
dépense d’investissement. Mais aussi à la demande de titres, car les agents
peuvent anticiper une hausse des cours sur les marchés financiers. C’est
pourquoi, on revient à l’équilibre au point H.
o Zone 3b : illustre que l’on se situe en dessous de IS (insuffisance d’offre de
biens par rapport à la demande), à gauche de LM (excès d’offre de monnaie) et
en dessous de BB (excès d’offre de titres). Cette fois ci, la demande
excédentaire de biens s’accompagne d’un excès d’offre de monnaie et de titres,
69
car une pression excessive s’exerce à la baisse du taux d’intérêt, qui explique
l’excès d’offre sur les marchés de la monnaie et des titres. Là encore,
l’équilibre automatique est réalisé.
Le quadrant 4 : illustre que l’on est en dessous de IS (offre>demande de biens), mais
à droite de LM (excès de demande de monnaie), et en dessous de BB (excès d’offre de
titres). Ici, l’excès de la demande de biens et de la demande de monnaie exige pour le
respect de la contrainte budgétaire de l’économie, un excès d’offre sur le marché des
titres.
Appréciation : les quadrants 2 et 4 sont simples à interpréter, car l’excès d’offre de biens et
de monnaie dans le quadrant 2 appelle simplement un excès de demande de titres pour le
respect de l’équilibre budgétaire de l’économie. Alors que dans le quadrant 4, l’excès de
demande de biens et de monnaie appelle un excès d’offre de titres pour le respect de la
contrainte budgétaire de l’économie.
Les quadrants 1 et 3 sont un peu plus difficiles à interpréter, car les déséquilibre des marchés
des biens et de la monnaie ne sont pas toujours du même signe. Toutefois, chaque fois qu’un
excès d’offre prévaut sur l’un des marchés, il sera compensé par un excès de demande sur un
autre marché. Ainsi, en zone 1a, l’excès d’offre de biens et de monnaie est compensé par
l’excès de demande de titres. Alors qu’en zone 1b, l’excès d’offre de biens et l’excès de
demande de monnaie sont compensés par un excédent d’offre de titres.
Au quadrant 3, les déséquilibres du marché des biens et du marché de la monnaie sont de
signes opposés. La demande excédentaire de biens et l’offre excédentaire de monnaie étant
ajustés par une demande excédentaire de titres (3a), et à l’inverse par une offre excédentaire
de titres (3b). Enfin, le taux d’intérêt pratiqué ici est bien celui déterminé à l’équilibre partiel
du marché de la monnaie, puis à l’équilibre macro compte tenu de son influence sur la
dépense d’investissement du marché des biens. A l’évidence, ce taux d’intérêt renvoie aussi
au rendement des titres et aux cours des actions et des obligations sur le marché des
capitaux. C’est pourquoi, on admet ici, une substituabilité parfaite entre monnaie et
titres.
Considérons, à présent, l’impact réel des modifications des instruments de politique
économique et plus précisément de l’efficacité de la lutte contre le chômage, puisque H décrit
un équilibre macro de sous-emploi.
70
(6) Yt = Ct + It + Gt
Ydt + Tt = Ct + It + Gt
ΔYdt + ΔTt = ΔCt +Δ It + ΔGt
Avec ΔGt = ΔG0 et ΔIt =0 ΔYdt > 0
it
LM
A0/S
H’
i1
H
ie
IS1
IS2
Yt
M0 (M/P) Ye Y1
m2
ΔY >0
it
LM
A0/S
LM1
ie H1
Δi >0
i1
M0 (M/P)
Ye Y’1
m2 Yt
La politique monétaire agit sur le stock d’encaisses disponibles. Une politique expansionniste
augmente l’offre de monnaie (M/P) alors qu’une politique restrictive réduit cette offre de
monnaie.
Remarque : précédemment, une politique budgétaire restrictive réduit la dépense publique,
ou entraîne une augmentation des impôts, c'est-à-dire par augmentation du taux marginal
d’imposition (t) et/ou des impôts forfaitaires (T0).
Pour ce qui concerne la politique monétaire, dans le cadre de la BCE, la politique restrictive
passe par des hausses de taux d’intérêt directeurs des opérations de la Banque Centrale,
lesquels impactent sur les taux servis par les banques ou les taux et rendement des titres sur
les marchés de capitaux. L’offre de monnaie est accrue, il en résulte un excès d’offre de
monnaie sur le marché de la monnaie, laquelle entraine une baisse du taux d’intérêt. Or,
compte tenu de l’équation (4) de l’investissement, la baisse du taux d’intérêt se répercute à la
hausse de l’investissement des entreprises dont le coût du capital emprunté a baissé. C’est
alors ce supplément d’investissement qui fait jouer le multiplicateur de dépenses. Les
entreprises accroissent l’offre de biens, les revenus distribués et c’est ainsi qu’il en découle un
supplément de consommation et d’épargne des ménages. L’épargne privée venant exactement
compenser le supplément d’investissement des firmes. Ainsi, l’équilibre est rétabli au point
H’1 pour un niveau de revenu supérieur (Y’1) et un taux d’intérêt plus faible (i’1). L’efficacité
des instruments budgétaire et monétaire est, ici supposée prévaloir, dans un contexte où les
prix sont fixes et/ou les effets inflationnistes des politiques économiques sont négligés. Dans
ces conditions, il convient d’examiner les critères d’efficacité et le choix des instruments.
(18a) Ye = m2 G0 + j (Δ M/P))
Δ Δ
(18b) ie = 1/m2 [1-m1j/Δ] [- Δ M/P] + m1/ Δ (pour Δ A0 = 0, ici Δ représente une variation)
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)) + m1j] ; ici Δ représente le dénominateur des paramètres, issu du
déterminant de la matrice des paramètres dans (15) et (16).
Dès lors, l’effet de la politique monétaire se mesure à l’effet de l’impact sur le revenu
d’équilibre de l’accroissement de l’offre de monnaie :
ΔYe / Δ(M/P) = j/Δ
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)] + m1j
Dès lors, l’efficacité comparée de la politique budgétaire par rapport à la politique monétaire
est le rapport de ces deux multiplicateurs.
ΔYe / ΔG0 = m2 ≥ 1
ΔYe / Δ(M/P) j
Enfin, politique budgétaire ou PM sont d’efficacité identique, c'est-à-dire que le choix est
indifférent entre ces deux instruments lorsque m2 = j. (m2/j =1)
Ce critère guide le choix des instruments préférés selon que l’on est Keynésien ou
monétariste.
Dans le premier cas Keynésien, j = 0
IS pour
Le 1er Cas KEYNESIEN
j=0
it
LM
ii11
H’
Δi >0
ie
ie
Ye Y’1
Yt
ΔY >0
it
ΔG0 > 0
LM
LM pour m2 infini
H’
ie = iMIN H
IS1
Trappe à
Δi =0 liquidité
IS
Ye Y1
Yt
ΔY >0
76
Dans le deuxième cas Keynésien, c’est celui de la trappe à liquidité m2 tend vers l’infini. La
demande de monnaie infiniment élastique aux taux d’intérêt et la courbe LM est une courbe
principalement horizontale.
Lorsque (j = 0) dans (18a) et (18b) les paramètres de l’offre de monnaie s’annulent, le
dénominateur aussi se simplifie, donc l’accroissement du revenu se réduit au multiplicateur de
dépenses publiques. Et on retrouve le multiplicateur simple de dépenses publiques ou
multiplicateur keynésien.
ΔYe = m2 (ΔG0)
m2 [ 1 – c (1-t) ]
ΔYe = 1 ΔG0 = (1/s) * ΔG0
1 – c (1-t)
Pour les Keynésiens des entrepreneurs animés d’esprit animaux c'est-à-dire de conquête de
marché produisent des investissements privés en réponse à la dépense publique
supplémentaire, pour capter les marchés nouveaux et rentables dopant la production et
l’emploi, et créant la croissance du revenu national. Toutefois, ceci s’effectue à offre de
financements constants. C’est pourquoi, les taux d’intérêt augmentent. Les monétaristes vont
montrer que cette augmentation des taux d’intérêt illustre en réalité un effet d’éviction des
marchés de capitaux, des entreprises privées par l’Etat, car l’épargne initiale étant constante,
pour que les entreprises puissent financer le supplément d’investissement en réponse au
supplément des dépenses publiques, il sera nécessaire qu’elles émettent des titres nouveaux
aux cours plus élevés que les titres anciens. L’Etat ayant déjà « siphonné » l’épargne
disponible en émettant des titres d’Etat pour financer ses propres dépenses, il n’y en aura plus
assez pour les entreprises en vue de financer leurs investissements nouveaux.
Pour j = 0
Cas keynésien : Efficacité maximale de la politique budgétaire et efficacité nulle de la
Politique Monétaire
ΔYe / Δ (M/P) = J / Δ = 0
Avec Δ = m2 [(1-c (1-t)) + m1j]
ΔYe / ΔG0 = m2 / m2 [1-(c-t)] = 1/S = ks
Donc la politique budgétaire est préférable à la politique monétaire pour :
Relancer l’économie
Lutter contre le chômage ou réduire la demande globale (austérité)
77
IS
IS2
it
LM
ii11
H’
Δi >0
ie
ie
H
H’’
Y2 Ye Y1
Yt
ΔY <0 ΔY >0
Le 2° Cas KEYNESIEN
it
ΔG0 > 0
LM
H’
LM pour m2 infini
H’’ H
ie = iMIN
IS1
Δi =0
IS
Y2 Ye Y1
Yt
ΔY <0 ΔY >0
78
Δ(M/P) > 0
it
LM LM1
m2 = 0 Le Cas MONETARISTE
A0/S
H
ie
Δi >0 H’
i1
Y1
Ye
Yt
ΔY >0
Cas Monétariste : (m2 = 0 : la demande de monnaie est insensible au taux d’intérêt)
m2 = 0
ΔYe / ΔG0 = m2 /Δ = 0
principalement le passif des banques. Cette « money view » pose donc une hypothèse
implicite à savoir que pour les ANF emprunteurs, les crédits bancaires désirés et les titres
financiers sont des sources de financement parfaitement substituables. Les crédits n’étant
qu’une contrepartie de la masse monétaire, la « money view » postule donc que monnaie,
crédits, et titres sont des substituts parfaits.
Dès lors, dans les évaluations de l’efficacité de la PM, seule la monnaie compte (« Money
only matters ») Sujet d’examen
En effet, cela signifie que si l’on est monétariste avec Milton FRIEDMAN, la politique
monétaire agit sur l’activité économique de deux façons :
Sur les prix, car en accroissant la liquidité en circulation (cas de la politique expansionniste)
ou en décélérant le rythme d’augmentation de la quantité de monnaie (cas de la politique
monétaire restrictive), il en découle une croissance de la demande globale (ou respectivement
un recul), car les liquidités supplémentaires constituent un pouvoir d’achat nominal
supplémentaire (ou en recul). Si l’offre de biens et services ne s’adapte pas vite à CT, l’effet
sur l’activité sera donc décalé. Milton FRIEDMAN dit alors que la politique monétaire est
soumise à des délais d’actions longs sur l’activité, délais en général évalués à 3 à 6
trimestres (voir Section IV).
Les effets de la PM sont alors beaucoup plus immédiats et rapides sur les prix, car en cas
d’expansion monétaire, la demande de produits étant supérieure à l’offre, ce sont les prix qui
vont s’ajuster à la hausse pour assurer l’équilibre partiel offre/demande sur le marché des
produits.
Sur les quantités : c’est pourquoi pour Milton FRIEDMAN, la bonne Politique
Monétaire est une règle quantitative d’accroissement à taux constant de la masse monétaire
(M1 ou la Base monétaire), car du fait de la théorie quantitative de la monnaie, l’action sur
l’activité est directe, car elle transite par le volume de dépense, calé sur le niveau des
encaisses effectives détenues par les ANF.
La « money view » est donc marquée par un paradoxe : d’une part seule la monnaie compte, la
PM transitant par la monnaie (passif consolidé des banques). D’autre part, les effets de la PM
étant longs et lents à se manifester, il convient de pratiquer une PM passive, régulière,
automatique, obéissant à la Règle de FRIEDMAN (règle d’augmentation à k% de la
masse monétaire, k% étant le taux de croissance du PIB potentiel : ceci en cas de relance
conjoncturelle ; et règle de décélération à k% du rythme d’augmentation de la masse
monétaire, k% étant le taux de croissance du PIB potentiel).
81
Ce paradoxe est renforcé par un autre paradoxe : la monnaie est centrale. Donc ceux qui
collectent les dépôts des ANF et de ce fait produisent la monnaie, c'est-à-dire les banques sont
déterminants ; et pourtant les effets de la politique monétaire sur l’activité ignorent le
rôle du crédit bancaire. Ce deuxième paradoxe sera donc à partir du début des années 1980,
l’objet de la critique à la « money view » et le programme du travail de la « credit view »,
laquelle va poser deux hypothèses (Chapitre 5):
Monnaie, crédit et titres financiers ne sont pas parfaitement substituables
L’Existence d’un canal du crédit, c'est-à-dire un lien par lequel transitent
les effets de la Politique Monétaire sur l’activité économique.
(1) M t* vt= P t * Yt
Il vient après différentiation logarithmique :
. . . .
(2) Mt + Vt = Pt * Yt
Cela dit, à l’instar de James Stuart MILL (1844), FRIEDMAN affirme que
« si la monnaie nouvelle est utilisée à des fins de financement de la dette
publique, laquelle sert à financer la dépense publique en biens et services,
alors il n’en résultera que l’augmentation des prix des biens et services ».
Pour Milton FRIEDMAN, les effets de l’augmentation de l’Offre de Monnaie
à court terme affecteront l’activité, mais de façon transitoire. Ces effets
sont d’ailleurs longs à se produire, de l’ordre de 3 à 4 trimestres.
Définition : l’Activité potentielle est celle qui requiert l’usage de tous les
facteurs de production, dont l’emploi de la main d’œuvre disponible et
tous les autres facteurs de production (terres, équipements,
immobilisations, etc…).
. . ._
Donc de (2), il vient pour (v t) = 0 et (Y t = Y )
. .
(5) Pt = Mt
1
Voir Milton FRIEDMAN (1987) page 29, cité dans la Note suivante. Les équations de type (3) et
(4) sont appelées des équations de Saint-Louis, suite aux estimations de Leonall ANDERSEN et
Jerry JORDAN à la Réserve Fédérale de Saint Louis en 1968.
2
Milton FRIEDMAN (1987) « The Quantity Theory of Money », in EATWELL J., MILGATE M. &
MURRAY P. (1987) « TheNew Palgrave : A Dictionary of Economics » , Palgrave MacMillan
Editions, p. 16.
85
Avant le 20° siècle, les monnaies sont issues des métaux précieux (or,
argent, cuivre, etc…). Les Gouvernements procèdent souvent à des
modifications des valeurs nominales, en changeant le poids des pièces et
de ce fait la valeur nominale attachée aux différentes monnaies
fiduciaires. Il en résulte des modifications de la quantité de monnaie en
circulation. De même, les découvertes de nouveaux gisements de métaux
précieux sont à l’origine d’une circulation fiduciaire plus abondante,
souvent à l’origine d’un mouvement de hausse des prix.
Par exemple, alors que les dépôts sont désormais constitués
de billets issus des monnaies-papier, les découvertes d’or en
Australie et aux Etats-Unis dans les années 1840, seront suivies
dans les années 1850 par des hausses substantielles des prix.
A l’inverse, lorsque la croissance du stock d’or ralentit, et en
particulier lorsque les pays passèrent un à un de l’Etalon-Argent à
l’Etalon-Or (l’Allemagne entre 1871 et 1873 ; l’Union monétaire
latine -composée de la France, la Suisse, l’Italie et la Belgique en
réunis par une convention monétaire adoptée en 1865 : voir
Encadré- en 1873, les Pays-Bas en 1875-76), ou retournèrent à
l’Etalon-Or (Les Etats-Unis en 1879), les prix mondiaux exprimés
en unités d’or, tombèrent fortement et régulièrement pendant au
moins 3 décennies.
A nouveau, de nouvelles découvertes d’or aux Etats-Unis et
ailleurs dans les années 1880-1890, renforcées par de nouvelles
méthodes d’extraction et de raffinage de l’or, poussèrent à
l’augmentation significative du stock d’or dans le Monde. En
l’absence de nouveaux pays adoptant l’Etalon-Or, les prix
mondiaux augmentèrent de 25 à 50%, du milieu des années 1890
à 1914.
86
Le principe en est simple : les monnaies de référence de chaque pays de l'Union ont le même poids
d'or fin tout en gardant leur nom (franc français, franc suisse, lire...) et leur symbole national. Ces
monnaies et leurs subdivisions principales peuvent de la sorte circuler indifféremment dans tous les
pays de la convention: il devient possible de payer à Bruxelles ou Paris ses achats avec des lires ou
des francs suisses !
La convention exclut de son champ les pièces dites « de billon », dont la valeur faciale est inférieure à
20 centimes, ainsi que le papier-monnaie dont la circulation est encore confidentielle.
Un Avatar de la Révolution
Le précurseur de l'Union latine est Napoléon 1er, qui a imposé dans les pays soumis à la France une
référence monétaire commune : le Napoléon, une pièce de 5,801 grammes d'or fin, d'une valeur de 20
francs.
Dans une lettre à son frère Louis, roi de Hollande (et père du futur Napoléon III), en 1806, il écrit :
« Mon frère, si vous faites frapper de la monnaie, je désire que vous adoptiez les mêmes divisions de
valeur que dans les monnaies de France et que vos pièces portent, d'un côté, votre effigie et, de
l'autre, les armes de votre royaume. De cette manière, il y aura dans toute l'Europe uniformité de la
monnaie, ce qui sera d'un grand avantage pour le commerce ».
La Convention de 1865 entérine ces évolutions. Elle laisse à ses signataires le droit de se retirer
de l'Union à leur guise. Dans les faits, de nombreux pays la rejoignent, à commencer par la Grèce, le
8 octobre 1868.
La convention admet, à côté de pièces en or, des monnaies divisionnaires en argent. Mais ce
bimétallisme est mis à rude épreuve suite à l'enchérissement de l'argent par rapport à l'or. Cet
enchérissement de l'argent est la conséquence de l'arrivée en Europe de grandes quantités d'or, du
87
identiques. Ce sentiment s'est déjà rencontré au XIIIe siècle (le temps des cathédrales) et au
début de la Renaissance. On l'a connu aussi à l'époque de Jean Monnet et de la
construction européenne...
. . . .
Pour (V t) = 0, P t = 0 ssi M t = Yt
CONCLUSION DU CHAPITRE 3