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UNIVERSITE DE LORRAINE

FACULTE DE DROIT SCIENCES ECONOMIQUES ET


GESTION

LICENCES ES SCIENCES ECONOMIQUES (L2)


LICENCE EN DROIT PARCOURS ECONOMIE (L2)

COURS MAGISTRAL : PRINCIPES DE MACROECONOMIE 2

CHAPITRE 3 : MONNAIE ET EQUILIBRE


MACROECONOMIQUE

PAR

LE PROFESSEUR CHICOT EBOUE


2

INTRODUCTION
L’acte de naissance de la Théorie Monétaire commence avec la Théorie de
la Monnaie à partir du début du 20ème siècle. Dès 1913, le grand
économiste américain Irving FISHER s’interroge sur les facteurs explicatifs
de la vitesse de circulation de la monnaie. Son but est double : d’un côté,
il souhaite identifier les variables qui déterminent le rythme de circulation
des unités c'est-à-dire des signes monétaires dans le système
économique. De l’autre côté, Fisher tente de répondre à la question : La
monnaie a-t-elle une utilité propre ?
Fisher ne formule pas encore une théorie de la demande de monnaie
même s’il fournit avec la Théorie Quantitative des échanges, les
fondements de la vitesse de circulation de la monnaie, l’équation étant
aussi la première grande théorie de l’inflation.
Fisher donne ainsi le point de départ d’une théorie monétaire qui va se
construire par étapes successives.
Ainsi, prolongeant Fisher à la fin des années 1910, les deux grands
maîtres, Alfred MARSHALL et Arthur-Cecil PIGOU, professeurs de
Cambridge, vont approfondir l’explication et les déterminants de la vitesse
de circulation. Ces trois auteurs forment alors ce que l’on appelle les
Théories pré-keynésiennes de la Demande de Monnaie.

Il convient de noter que leur contribution est duale. D’un côté, elle est
positive car elle pose les bases de ce qui sera plus tard la Théorie de la
Demande de Monnaie et de l’autre, elle conclut que les déterminants de la
vitesse (V) sont structurels ; ils dépendent principalement de variables
rigides ou invariantes à court terme telle que l’organisation bancaire ou du
système de paiement ou enfin les habitudes même de paiement.
De ce fait, il n’y a pas encore de théories spécifiques de la demande de
monnaie avec ces auteurs. Le rôle du taux d’intérêt, par exemple, n’est
pas encore reconnu. Certes Pigou admet que la monnaie comporte des
services de liquidité renouant avec l’optique de Walras, ce dernier
admettant aussi que la monnaie apporte également des services
d’approvisionnement. Pigou utilise même l’expression d’un « facteur de
confort » attaché à la monnaie (« factor of convert »).
Toutefois, en ce début de 20ème siècle, ces auteurs hésitent encore entre
deux conceptions de la monnaie.
La conception moderne pousserait Pigou à reconnaître que la monnaie a
une utilité propre et c’est en cela que Pigou, le premier, affirme qu’elle
peut faire l’objet d’une préférence pour la liquidité.
Mais Pigou reste attaché à son héritage intellectuel qui le ramène
à la conception traditionnelle de la monnaie, notamment avec Jean
3

BODIN, David HUME (18èmes), en passant par J-B. SAY ou David RICARDO
(19èmes) jusqu’à WALRAS.
Selon cette conception traditionnelle, la monnaie n’a pas d’utilité
propre :
« Elle est un voile qui ne sert qu’à masquer la réalité des
échanges, car, les produits s’échangent contre les produits,
puisqu’ils se servent mutuellement de débouchés. ».
Cette conception traditionnelle de la monnaie réduit en effet
cette dernière aux fonctions d’unité de compte, d’instrument de paiement
dans les échanges. Or Pigou reste sensible au fait que la monnaie
constitue un stock-tampon et de ce fait, qu’elle procure de véritables
services de liquidité.
Ceci le conduit à relier la détention de monnaie, le besoin de
monnaie au taux d’intérêt qu’il identifie comme étant le prix de la
monnaie. Selon lui, l’agent arbitrera sans cesse entre les services de
liquidité d’un côté et les coûts de la liquidité de l’autre côté. Cette intuition
fonde alors la notion de « préférence pour la liquidité » (“liquidity
préférence”). Malheureusement, Pigou ne poussera pas jusqu’au bout sa
géniale intuition que KEYNES approfondira dans les années 1930 avec la
Théorie de la Préférence pour la Liquidité.

Keynes est en effet le père de la Théorie de la Demande de


Monnaie. Dans ses deux ouvrages centraux, « Le Traité de la Monnaie »
(1931) et « La Théorie Générale de l’Emploi, l’Intérêt et la
Monnaie » (1936), Keynes adopte une méthode d’analyse nouvelle. Ceci
en partant d’abord d’une notion fondée par un économiste scandinave,
Ragnar FRISCH (1910), la notion de macroéconomie, ensuite en tentant
de réconcilier l’approche utilitariste de l’école marginaliste (les autrichiens
avec BÖHM-BAWERK et WICKSELL, les franco-italiens avec Léon Auguste
WALRAS et Wilfredo PARETO) avec l’approche libérale des classiques
(David RICARDO, John Stuart MILL, Jean-Baptiste SAY).
Pour cela, Keynes adopte la méthode de la macroéconomie.
La macroéconomie décrit les comportements globaux des agents
économiques. Elle part du principe que l’économie est un système
s’articulant autour de groupes d’agents homogènes, producteurs,
entreprises, ménages, banques ou intermédiaires financiers, l’Etat. Les
interrelations entre ces groupes d’agents dans le cadre du circuit
économique déterminent alors les agrégats macroéconomiques.
Keynes s’attachera désormais à expliquer les fonctions de consommation,
d’investissement… bref, les déterminants de la demande globale à court
terme.
C’est dans ce contexte que la demande de monnaie lui apparaît comme
centrale. Car, la préférence pour la liquidité ne sert pas seulement à
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illustrer la fonction de « buffer-stock » de la monnaie, mais aussi à


identifier les services de liquidité qu’elle apporte.

Or, pour comprendre ces services, Keynes revisite le statut de la monnaie.


Contrairement à tous ceux qui l’ont précédé, il considère la monnaie
comme un actif de richesse, concurrent des autres actifs. Ainsi, plus on
détient de la monnaie, moins on détient de titres, partant d’une richesse
donnée, d’un portefeuille.

Le taux d’intérêt mesure dans ces conditions le coût de la liquidité.


Il devient la variable d’arbitrage entre monnaie et titres.
L’énoncé de la préférence pour la liquidité conduit également Keynes à
relier les comportements réels aux comportements monétaires.
L’investissement des entreprises dépend aussi du coût de l’emprunt du
capital, c'est-à-dire du coût du capital. Or, le taux d’intérêt fixé sur les
marchés des titres constitue l’indicateur de ce coût du capital. Il est aussi
lié au taux d’intérêt servi par les banques, soit en rémunération de
l’épargne liquide (taux d’intérêt créditeur), soit pour faciliter les emprunts
sollicités par les entreprises et les ménages (taux d’intérêt débiteur).
C’est pourquoi, contrairement aux classiques et aux marginalistes, Keynes
n’analyse pas de façon indépendante les variables du secteur réel ou de
biens et services, et les variables du marché de la monnaie, le taux
d’intérêt étant le lien entre ces différentes variables et ces différents
comportements.
Dès lors, cet auteur aboutit à deux grandes théories :
 L’équation des échanges de Fisher (théorie quantitative de
la monnaie), même améliorée par Marshall et Pigou, ne peut constituer la
fonction de demande de monnaie, celle-ci doit rendre compte des
variables qui déterminent la préférence pour la liquidité.
 Le rejet également de l’explication des prix et de l’inflation
associée à la théorie quantitative de la monnaie, à savoir :
« L’abondance monétaire est le carburant qui alimente la hausse
des prix ».
Pour Keynes, dans les années 1930, en dehors de l’Allemagne
qui subit l’hyper-inflation, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France
subissent plutôt la déflation, c’est-à-dire une crise économique entraînant
des faillites d’entreprises en cascade, le chômage massif de la population,
sans que ce ne soit pour autant les prix qui augmentent de beaucoup.
Le fléau est donc la déflation et non l’inflation.
Rendre compte du fonctionnement de l’économie impose
d’étudier la demande de monnaie, avant d’étudier l’équilibre
macroéconomique, c’est-à-dire la façon dont se forme le revenu
national issu de la rencontre de l’offre et de la demande agrégées,
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et ce, en expliquant comment le niveau de ce revenu d’équilibre


peut-il s’accompagner du chômage involontaire et massif. Pour le
faire, Keynes admettra alors la rigidité des prix et des salaires, ce qui
implique que les prix restent invariants à court terme, c’est-à-dire qu’il n’y
a pas d’inflation.
Cette analyse keynésienne de la demande de monnaie sera
pourtant discutée à partir des années 1950. D’abord, d’autres auteurs
partageant ses intuitions vont approfondir la notion de demande de
monnaie, et ce dans plusieurs directions.
 La première est que William BAUMOL (1952), James TOBIN
(1958) et Milton FRIEDMAN (1954) rejettent la distinction entre l’encaisse
active et l’encaisse oisive.
1.
L’encaisse active est celle qui illustre la fonction de « buffer-stock » et
généralement, celle qui est sensible au volume de transactions des
agents. L’encaisse oisive est celle qui est détenue en attente
d’opportunité de gains en capital, c’est-à-dire en attente d’être utilisée en
achat de titres ou placements rémunérés.
C’est pour cela que pour Keynes, la demande de monnaie réagit
à des motifs de spéculation. Mais ces trois auteurs sont d’accord sur
l’idée que l’encaisse désirée est indivisible, contrairement à ce qu’en dit
Keynes.
 La seconde direction est que William BAUMOL et James TOBIN
tentent d’approfondir l’équilibre de demande de monnaie de Keynes.

BAUMOL tient compte des coûts de transaction qui prévalent lorsque


l’agent recherche des liquidités compte tenu des coûts de conversion des
dépôts bancaires en liquidité ; ces coûts sont aussi importants pour
expliquer le besoin de monnaie que le coût de la liquidité.

TOBIN, quant à lui, partage l’idée que les choix de portefeuille


consistent à répartir la richesse en différents actifs. Mais il montre
alors que l’agent est certes sensible au coût de la liquidité, mais il est
encore plus sensible au rendement comparé dans différents actifs et aux
risques comparés des différents actifs. L’agent composera son portefeuille
d’actifs en parts relatives plus grandes, qui sont comparativement les
mieux rémunérées et comparativement les plus sûres (moins risquées).
De ce fait, Tobin sera le père de « La Théorie des Choix de Portefeuilles
appliquée à la demande de monnaie », en reprenant à cette occasion, « La
Théorie de l’Espérance de l’Utilité et de l’Incertitude » fondée en 1949 par
VON NEUMANN et MORGENSTERN.
Enfin, Milton FRIEDMAN admet que la monnaie est un actif
de richesse concurrent des autres actifs. Cependant, il élargit les
choix des agents à toute la richesse, à tout le patrimoine, alors que
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KEYNES et TOBIN ne considèrent que l’arbitrage entre monnaie et titres.


Ce faisant, Milton FRIEDMAN, partant d’une définition du revenu
permanent en tant que vecteur du patrimoine ou de la richesse, et tenant
compte des rendements comparés des différents actifs, aboutit cependant
à des conclusions opposées à celles de TOBIN et KEYNES, et ce grâce à
l’usage de l’économie positive. L’économie positive est la vérification
empirique des théories formulées. Cette théorie de la demande de
monnaie progresse ensuite avec la prise en compte de variables que sont
les anticipations d’inflation.
DON PATINKIN avait déjà montré l’intérêt de définir les
encaisses réelles, la monnaie ayant un équivalent en termes de quantités
de biens, moyennant les prix de ces biens. Les encaisses réelles
fournissent donc l’indice du pouvoir d’achat contenu dans les encaisses
monétaires. Patinkin, comme Pigou surtout, ont expliqué qu’une hausse
attendue des prix absolus réduit le pouvoir d’achat des encaisses, et dès
aujourd’hui, les agents n’ont pas intérêt à les garder sinon ils risquent des
pertes de pouvoir d’achat demain : c’est l’effet de substitution inter-
temporelle monnaie/biens.
C’est Philip CAGAN qui sera le premier à formuler correctement
cet effet de substitution en 1965 avec la notion d’anticipations d’inflation.
Il s’agit de prévision de l’inflation future des prix, effectuée par les agents.
FRIEDMAN appliquera d’ailleurs cette définition à sa théorie de la valeur
monétaire en 1968. Mais Cagan considère un cas simple selon lequel les
prévisions de hausse future s’adaptent en fonction de la correction des
erreurs passées de prévisions. Ce cas simple le conduit à faire dépendre
des prévisions de prix futurs ou d’inflation à venir, des observations de
prix passés ou d’inflation déjà vécue. Cette formulation simpliste de la
prévision du futur en fonction du passé est modifiée par une hypothèse
plus ambitieuse adoptée par John MUTH en 1961 et approfondie par
Robert LUCAS Jr. en 1972 : c’est l’hypothèse des anticipations
rationnelles d’inflation qui vient corriger l’hypothèse des anticipations
adaptatives de Phillip. CAGAN.
En effet, pour John MUTH ou Robert LUCAS Jr., les ménages ou
les entreprises savent parfaitement prévoir les prix ou l’inflation future.
Ceci signifie que la prévision aujourd’hui de l’inflation de demain est
l’inflation qui sera effectivement observée demain. Prenant en compte les
anticipations de l’inflation, les agents peuvent donc mieux calculer a
demande d’encaisses réelles qu’ils souhaitent détenir.
La conséquence est que la Théorie de la Demande de
Monnaie cherche à identifier les variables qui déterminent le
besoin d’encaisses. Raisonnant en termes d’encaisses nominales,
Keynes retient deux variables : le revenu nominal, facteur positif
de la demande d’encaisses, et le taux d’intérêt nominal, facteur
négatif car représentant le coût de la liquidité.
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BAUMOL, quoique raisonnant dans la même optique, aboutit à une


hypothèse d’homogénéité de degré 1 dans une demande d’encaisses
nominales par rapport au revenu nominal. Donc on peut alternativement,
chez BAUMOL, raisonner en termes d’encaisses réelles, lesquelles
dépendent alors positivement du revenu réel des agents, et de façon
inversement proportionnelle, des coûts de transaction subis, mais
seulement de façon négative et inverse du coût de la liquidité.
Milton FRIEDMAN retient que le revenu permanent étant
l’indicateur de richesse, il domine les variables de prix que sont le taux
d’intérêt nominal, les différents taux de rendement (des titres ou actifs)
comme l’inflation anticipée, de sorte que la demande d’encaisses réelles
est homogène de degré 0 par rapport à toute autre variable de prix
(comme le taux d’intérêt ou l’inflation anticipée). Friedman restaure alors
au passage la Théorie Quantitative de la Monnaie rejetée par Keynes.
L’application des anticipations rationnelles d’inflation ne vient que
confirmer que s’il y a comme chez Keynes un arbitrage monnaie/titres,
alors il existe également un arbitrage monnaie/biens.

Mais l’analyse de FRIEDMAN subira des critiques de la part des


keynésiens.

D’une part, James TOBIN (1970) qui a élaboré la théorie des choix de
portefeuilles, à la suite de Von NEUMAN et MORGENSTERN (1949),
établira le lien étroit entre la composition des portefeuilles financiers, en
actifs risqués (actions et obligations) et en actifs moins risqués (emprunts
d’Etat, liquidités, titres immobiliers), et les taux d’intérêt ou de rendement
respectifs et comparés de ces actifs. Il conteste l’homogénéité de degré 0
de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt établie par Milton
FRIEDMAN, dont il ne retrouve pas les résultats empiriques obtenus.
Sur la période contemporaine, les innovations financières observées
depuis le milieu des années 1970, illustrent la sensibilité des actifs
financiers au taux d’intérêt, des actifs porteurs de rendement étant
composites des mêmes portefeuilles que la liquidité au sens strict (Fonds
communs de Placement appelés FCP et SICAV en France depuis le début
des années 1980). Inversement, les années 2005 à aujourd’hui, illustrent
la baisse des taux d’intérêt, qui deviennent même négatifs en termes
nominaux.
Ces évolutions en sens inverse des taux d’intérêt, positifs en termes
nominaux et réels dans les années 1979 à 2000, et négatifs souvent en
termes réels (2000-2005) et également en termes nominaux (depuis
2010-11 en France), ne sont pas sans conséquence sur la demande de
monnaie des Agents non financiers.
D’autre part, le choix du modèle d’équilibre de court terme de FRIEDMAN
et MEISELMANN (1963), qui privilégie une fonction de demande de
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monnaie inélastique au taux d’intérêt, conclut selon les keynésiens


abusivement à la supériorité de la politique monétaire sur la politique
budgétaire. Il convient alors avec MAYER ou MODIGLIANI notamment, de
modifier la mesure de la Demande globale pour obtenir des résultats
opposés.

Enfin, l’hypothèse des délais d’action de la politique monétaire, qui


implique de la part de Milton FRIEDMAN, de renoncer à un contrôle
discrétionnaire de l’offre de monnaie, au profit de l’adoption de règles
fixes d’augmentation à taux constant de l’offre de monnaie (M1), voire la
Base monétaire (rules versus discretion), en correspondance avec le
produit potentiel à long terme, semble discutable. D’un côté parce qu’elle
conduit à ne retenir qu’un seul objectif de politique monétaire, la
recherche de la stabilité des prix par la lutte contre l’inflation. De l’autre
côté parce qu’elle disqualifie abusivement les autres politiques de lissage
des fluctuations macroéconomiques comme la politique budgétaire.

En conséquence de quoi, l’analyse du modèle d’équilibre global de courte


période, ainsi et surtout que les qualifications des politiques économiques
dont notamment celles nécessaires au lissage du cycle, partant de la
relation Monnaie-Activité, doivent-elles être revues.

Pour le faire, nous envisagerons donc successivement :

- les théories pré-keynésiennes et les théories


keynésiennes de la demande de monnaie (Section I) ; puis,
- le renouveau de la théorie de la demande de monnaie en
lien avec la théorie quantitative de la monnaie depuis Milton
FRIEDMAN (Section II) ; dont il résulte,
- le rôle de la demande de monnaie dans l’équilibre
macroéconomique en courte période (Section III) ; et enfin,
- la relation monnaie-activité (Section IV).
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SECTION I- LES THEORIES PRE-KEYNESIENNES ET


KEYNESIENNES DE LA DEMANDE DE MONNAIE
Considérons successivement les théories pré-keynésiennes à partir de l’équilibre des
échanges et de la demande de monnaie dans une approche transactionnelle, puis les motifs de la
préférence pour la liquidité ainsi que ses approfondissements.

A- L’EQUILIBRE DES ECHANGES ET LA DEMANDE DE MONNAIE


TRANSACTIONNELLE
Considérons d’abord l’équilibre des échanges de Fisher qui fournit l’analyse de la
vitesse de circulation de la monnaie, puis sa reformulation par Pigou et Marshall dans le cadre de
l’école de Cambridge où désormais on parle de vitesse-revenu de la monnaie et non plus de vitesse
de circulation.
1- L’équilibre des échanges d’Irving FISHER et l’analyse de la vitesse de circulation
Fisher, dans « The Purchase Power of Money » (1907) c'est-à-dire le pouvoir d’achat de la
monnaie, précise l’équilibre des échanges connu depuis J. Bodin : M.V=P.T. Cette équation signifie
que les transactions en volume T multipliées par les prix absolus en vigueur (donc le niveau
général est P), fournissent des transactions en valeur. Or, cette valeur totale des transactions
P.T devrait être égale à la masse de monnaie en circulation M compte tenu de la vitesse
moyenne de circulation ou de rotation V, des différentes unités de monnaie. Dans cet équilibre
des échanges, Fisher tire deux résultats, le premier concerne la vitesse de circulation qui est le
ratio des transactions en valeur à la masse monétaire ; et le second concerne les
déterminants de la vitesse de circulation elle-même :
− La vitesse de circulation est le ratio des transactions en valeur P.T à la masse
monétaire M,

P.T
soit V  .
M

Prenons l’exemple d’un pays dont le PIB en valeur représente la valeur totale des transactions, ici
P.T = 4000 millions d’euros. Admettons que la masse monétaire M soit égale à 1000
millions d’euros. La vitesse V sera égale à 4 : V = 4000/1000 = 4. Chaque unité de
monnaie permet en moyenne de clôturer 4 transactions, c'est-à-dire de payer quatre fois
des échanges.

V est donc un indicateur du besoin de monnaie. Plus V est grand, plus la monnaie est
rare en proportion des transactions que chaque unité doit clôturer. Plus V est bas et
proche de 1, plus la monnaie es abondante car il y a autant de signes monétaires en
circulation que de transactions à clôturer.

Par exemple, supposons que le PIB en valeur reste de 4000 millions d’euros et que M = 3000
millions d’euros, on a alors : V = 4000/3000 = 1,33. V est désormais plus faible : la vitesse a
diminué considérablement par rapport à l’exemple précédent.

Il faut à peine plus d’une unité de monnaie pour clôturer autant de transactions qu’avant où il en
fallait une pour clôturer quatre transactions. Donc la vitesse de circulation a diminué par rapport au
cas précédent, traduisant une abondance monétaire relative.
Remarque : Rappelons que V décrit un indicateur du besoin de monnaie à des
fins de transactions. Si la fréquence est élevée, il y a moins de signes monétaires que de
transactions à clôturer. Si la fréquence est faible, il y a plus de signes monétaires que de
transactions à clôturer.
Comment la vitesse se modifie-t-elle ?
Fisher s’attachera alors à expliquer les déterminants de V à partir de ce qui apparaît au
numérateur et de ce qui apparaît au dénominateur c'est-à-dire les facteurs de l’évolution des
transactions ou de la masse monétaire. Pour répondre à cette question, il distingue les facteurs
structurels et les facteurs conjoncturels.
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− Fisher débute donc son analyse en disant que ce sont principalement les facteurs
structurels qui agissent sur la vitesse de circulation. Ces facteurs sont de quatre ordres :
 La préférence des ménages entre consommer et épargner :
Un ménage ayant une forte préférence pour la consommation, épargnera moins car il a une faible
préférence pour le futur ; il détiendra donc plus de liquidités, ce qui augmente la quantité de
monnaie en circulation et ralentit la vitesse. A l’inverse, un ménage qui épargne davantage, c'est-
à-dire qui thésaurise (il détient de la liquidité sous une forme oisive donc non productive), conserve
moins de liquidité à des fins de consommation, ce qui diminue la quantité de monnaie en
circulation. De ce fait, la vitesse s’accroît.
 La préférence pour une forme monétaire manuelle (fiduciaire : billets et pièces)
par rapport aux monnaies scripturales :

Plus de monnaie manuelle en proportion de la masse monétaire affaiblit la quantité de monnaie en


circulation car ces monnaies doivent être gagées sur les dépôts liquides, c'est-à-dire des dépôts à
vue préexistants, ce qui accélère la vitesse de circulation car la quantité de monnaie est alors
affaiblie. Inversement, plus de monnaie scripturale en proportion de la masse monétaire multiplie
la masse monétaire elle-même et baisse la vitesse de circulation. Ceci est dû au fait que les
monnaies scripturales ne dépendent que partiellement des dépôts préexistants. On peut donc dire
que l’organisation du système bancaire et la structure de la masse monétaire c'est-à-dire le
partage entre d’un côté les dépôts à vue et les vieilles pièces et de l’autre, les actifs quasi-
monétaires dont les dépôts à terme et autres, conditionnent l’évolution de la vitesse de circulation.
On a donc M2 = Actifs liquides avec Billets et pièces en circulation et Dépôts à vue +
Actifs quasi-monétaires avec Dépôts à terme et autres Dépôts d’épargne.

1ère Conséquence : Une économie faiblement monétisée est une économie à faible taux de
liquidité donc à faible ratio de la masse monétaire au PIB en valeur, qui est l’inverse de la vitesse
de circulation de la monnaie. Donc une économie faiblement monétisée est une économie à vitesse
de circulation de la monnaie élevée. Inversement, une économie fortement monétisée est une
économie à taux élevé de liquidité c'est-à-dire une vitesse de circulation faible.
 Les techniques de paiement :

Elles sont liées aux infrastructures financières c'est-à-dire au niveau de développement financier.
Ainsi, la variété des monnaies, les monnaies manuelles, soit les billets et pièces, les monnaies
scripturales, dont les chèques, les livrets d’épargne…, la monnaie électronique…, mais aussi le
nombre de banques et intermédiaires financiers (Caisses d’Epargne, CCP, Coopératives d’épargne
et Crédit, Entreprises ou Maisons d’Assurance, Fonds fiduciaires, Fonds de Placement, etc),
contribuent à augmenter la masse monétaire, donc à réduire la vitesse de circulation.

2nde Conséquence : Une économie est d’autant développée sur le plan réel qu’elle est
financièrement développée, c'est-à-dire qu’elle a une variété d’infrastructures
financières.

En d’autres termes, une économie ayant un degré élevé de développement financier (gamme
élargie de produits monétaires et financiers, structures diversifiées de banques et
intermédiaires financiers, marchés de capitaux nombreux et profonds…) connaîtra une
expansion monétaire régulière et une croissance économique en volume forte, à l’inverse
d’une économie faiblement développée sur le plan financier.
 La croissance démographique :

Plus la croissance démographique est forte, plus il y a de personnes dépendantes, non adultes, dans
la population totale (moins de 15 ans), et moins l’épargne des personnes actives augmente, ce qui
réduit l’expansion monétaire, elle est moins rapide, et accroît la vitesse de circulation.
Des facteurs conjoncturels affectent aussi la vitesse de circulation. Ils affectent par
exemple la croissance du PIB ou celle du revenu par tête, laquelle détermine les transactions en
valeur.

Lorsque le revenu par tête augmente en relation avec le PIB par tête, alors que l’offre de monnaie
11

reste constante, la vitesse de circulation s’élève, les agents ayant un supplément de pouvoir d’achat
à dépenser, mais sans liquidité supplémentaire.
Cette accélération de V traduit donc un besoin plus important de monnaie. Les
désajustements entre l’offre et la demande de monnaie sont encore plus influents sur la vitesse car
une offre de monnaie abondante excédant la demande d’encaisses se résout dans une dépense,
c'est-à-dire dans une demande de biens excédant l’offre. Ceci a entraîne deux conséquences : un
effet d’impact relatif à la baisse de la vitesse qui traduit une abondance monétaire et qui est donc un
effet de revenu. Car, à l’impact, plus la monnaie est abondante, plus les agents détiennent
provisoirement du pouvoir d’achat nominal, et un effet de substitution inter-temporel ; car, une
demande de biens excédant l’offre induit des pressions à la hausse des prix. Ces conséquences
grèvent le pouvoir d’achat réel des agents.

Comme chez Pigou ou Patinkin, cette baisse de revenu réel est due à un effet de prix, le stock
d’encaisses réelles baissant avec la hausse du niveau des prix. Dans ces conditions, les agents vont
tenter de reconstituer leurs niveaux antérieurs d’encaisses réelles en demandant plus d’encaisses
nominales. La demande de monnaie augmente ainsi, ce qui, après l’ajustement de l’offre de
monnaie, rétablit, à la hausse, la vitesse.

En d’autres termes, si l’offre de monnaie excède la demande, les agents reçoivent plus d’encaisses
qu’ils ne désirent pas, ce qui les conduit à dépenser le supplément d’encaisses en achats
de biens alors que l’offre de biens n’a pas varié. Il en résulte une hausse des prix qui grève le
pouvoir d’achat des encaisses. L’offre de monnaie, excédant la demande, induit d’abord une baisse
de la vitesse. Mais à cause de la hausse des prix consécutive, les agents demandent plus d’encaisses
pour rétablir leur pouvoir d’achat en termes réels, ce qui induit ensuite une hausse de la demande de
monnaie et cette fois-ci la vitesse se rétablit à sa valeur initiale.
Cette analyse montre avec Fisher que les agents économiques ne sont pas sujets à
l’illusion monétaire : ils ne confondent pas le pouvoir d’achat nominal et le pouvoir d’achat réel, ainsi
que le niveau d’encaisses nominales et le niveau d’encaisses réelles. Ce qui leur importe, c’est le
pouvoir d’achat associé au niveau d’encaisses nominales.
Au total, chez Fisher, les variables qui déterminent V sont les mêmes que
celles qui déterminent la demande ou le besoin de monnaie. Les facteurs structurels et
conjoncturels montrent que la vitesse de circulation de la monnaie est déterminée par les mêmes
variables qui déterminant le besoin de monnaie. Mais la vitesse reste un paramètre constant car
déterminé par les facteurs structurels. Il n’y a pas encore d’équation de demande de monnaie.
Néanmoins, si l’on utilisait les méthodes analytiques contemporaines pour déduire la fonction de
demande de monnaie, on écrirait alors : (1) Md = Md (P, T, V).
La demande de monnaie est fonction positive du niveau des prix car les agents n’étant
pas victimes de l’illusion monétaire, demandent autant d’encaisses que les prix augmentent en vue
de maintenir stable le pouvoir d’achat réel.

Cette demande varie aussi positivement avec le volume de transactions (T) car la monnaie reste un
stock-tampon. Plus il y a de transactions en perspective, plus les agents souhaitent détenir des
liquidités.
Enfin, V affecte positivement la demande de monnaie. Plus V est élevée, plus la monnaie est rare, ce
qui justifie un besoin de monnaie supplémentaire.
Cette analyse de Fisher est souvent retenue comme fondement de l’explication par
l’équilibre des échanges de la formation des prix, c'est-à-dire du niveau général des prix, les prix
étant principalement monétaires.
L’origine de l’inflation est donc purement monétaire.
Rappel :

M.v = P.T ; ln(M) + ln(v) = ln(P) + ln(T) ; dln(M) + dln(V) = dln(P) + dln(T)

L’hypothèse du plein emploi entraîne dln(T)=0 et celle de la vitesse constante induit


dln(V)=0. D’où, dln(M) = dln(P) [1]
12

 Mt*=Pt* [2]

(2) est donc l’explication d’une inflation d’origine monétaire.

La croissance du niveau général des prix dépend exclusivement du niveau de la masse monétaire
alors que le niveau de plein emploi est posé et que le niveau de v est supposé constant.

Au-delà de cette explication purement monétaire de l’inflation que contestera Keynes, l’équation
quantitative de Fisher permet aussi de déterminer le partage prix en volume du PIB en valeur ou
l’activité économique.

En effet, de (1) découle :

P.T
(1’) : V où P.T  PIB val  Yval  P.Yvol
M
P  Yvol P.T Yval Y
V ;   Yvol  val  P
M P P Yvol

déflateur
Si on connaît PIBval et la masse monétaire ; on peut déterminer le déflateur du PIB et en déduire V.
Cette analyse de Fisher est reformulée par l’Ecole de Cambridge.

2- La Reformulation de l’Équilibre des Échanges par l’École de Cambridge


Cette école définit une notion de v légèrement différente de celle de Fisher. On parle
ici de vitesse-revenu. C’est ainsi que Pigou, dans ses deux ouvrages importants, « The Veil of
Money » (1907) et « The Value of Money » (1917), précise que la production comme les prix
relatifs sont déterminés par les facteurs réels, mais que ces facteurs déterminent en partie aussi le
besoin des encaisses, donc la valeur réelle de circulation de la monnaie (v).
Il convient alors de déterminer les facteurs de V : le revenu et les éléments influençant
le besoin de monnaie.
a) Les déterminants de la vitesse-revenu
Pigou réécrit l’équilibre des échanges sous la forme :
(3) : M  k  P  Y

M=masse monétaire en circulation ; P=niveau général des prix


Y=revenu national en volume
P permet de tenir compte, comme chez Walras, Fisher ou même plus tard Patinkin, du
pouvoir d’achat en unités de biens, des encaisses nominales.
Ce pouvoir d’achat est donc M/P qui est le stock d’encaisses réelles, ce qui rappelle
l’homogénéité de degré 1 de toute fonction de demande de monnaie.
Y est le revenu en volume, lequel est inférieur aux transactions en volume T
car le revenu en volume ne retient que les biens et services nouveaux en excluant les
biens d’occasion alors que les transactions prennent en compte ces biens d’occasion.
Ceci fait que le revenu national ne mesure que les flux alors que les transactions ne
mesurent que des stocks.
Pigou commence, à l’occasion de son second ouvrage, des travaux de Comptabilité
nationale. Ces travaux aboutiront à des résultats dans les années 1930 et 1940 avec Richard
STONE (Prix Nobel dans les années 1990). Ses travaux conduisent donc à approximer T par Yvol
ou les transactions en valeur P.T par le revenu national en valeur soit Yval.
13

k désigne la vitesse-revenu c'est-à-dire le pourcentage du revenu en valeur détenu sous


forme monétaire (encaisses nominale).

MP M M M M 1
k      
Y PY Yval P  Yvol P Yvol
 1
Attention k  V , analytiquement, il en est l’inverse  k   .
 V

Ainsi, si les agents diminuent de moitié les encaisses totales détenues (M baisse de moitié), alors k
diminue aussi de moitié alors que V double.

Une autre différence est à remarquer : k est valable à un instant donné alors que V
s’applique à une période (succession d’instants) donnée.

k est associé à des flux puisque Y mesure des flux, alors que V est associée à des stocks
car T mesure des également stocks.

Toutefois, alors que V est un paramètre constant chez Fisher, dominé par les facteurs
structurels, chez Pigou, la vitesse-revenu décrit quasiment une fonction de
comportement du besoin d’encaisses désiré par les agents.
La fonction de besoin de monnaie chez Pigou nécessite deux éléments :
o La productivité et l’utilité de la monnaie en tant qu’actif liquide : c’est l’idée des services
d’approvisionnement de la monnaie.
o La comparaison entre rendement pécuniaire et rendement non pécuniaire des actifs non
concurrents de la monnaie : c’est l’idée des services de confort de la monnaie.
Ces deux facteurs gouvernent donc les éléments d’une fonction de demande de monnaie chez
Pigou.
Les éléments d’une fonction de demande de monnaie chez Pigou
Chez Pigou, la monnaie comporte deux formes de productivité :
 La productivité de l’instrument de paiement :

La monnaie, en offrant des services de commodité, fait dépendre le besoin de monnaie de la masse
des paiements à effectuer, lesquels dépendent de Y et de l’intensité de l’utilisation de la monnaie.
Pigou précise que le besoin de monnaie dépend aussi du degré de synchronisation entre dépenses
et recettes. Ceci conduit Pigou à définir la notion d’encaisses de transaction nécessaires pour
remplir la fonction de buffer-stock de la monnaie.
 La productivité liée à la fonction de réserve de valeur :

Le besoin de monnaie résulte des services de liquidité, de sécurité, de précaution qu’offre la


monnaie face à l’incertitude du futur.

C’est pourquoi Pigou définit l’encaisse de précaution comme étant la seule dans les services,
permettant de se protéger contre les aléas du futur, c'est-à-dire les incertitudes de prévision quant
aux recettes ou dépenses futures. Plus le futur est incertain, plus il y a un risque de rupture du
revenu à venir : par exemple, le chômage pour les ménages ou la faillite et les méventes pour les
entreprises.
L’encaisse de précaution est une forme d’épargne de sécurité.
L’encaisse de spéculation est utile en cas d’encaisses « oisives » c'est-à-dire thésaurisées, non
utilisées, contrairement à l’encaisse active constituée de l’encaisse de transaction et de précaution
(sert directement au paiement des transactions). L’encaisse de spéculation est constituée en vue
de profiter de gains en capital. Elle dépend donc fortement du taux d’intérêt qui rémunère
l’épargne placée, alors que l’encaisse de précaution dépend faiblement du taux d’intérêt car elle a
un coussin de sécurité face au futur.
14

Pour déterminer la demande totale (optimale) d’encaisses, Pigou raisonne comme les
marginalistes en comparant la productivité de la monnaie à la productivité des autres
actifs concurrents de la monnaie.

Ainsi, la consommation apporte aux ménages une utilité directe (celle des biens et services) et
l’investissement en capital réel a pour rendement le taux de profit, qui constitue le rendement
unitaire du capital installé. Enfin, la monnaie apporte des services de liquidité qui permettent de
compenser le risque d’illiquidité. Lorsqu’un ménage détient des encaisses de transaction et l’épargne
monétaire, il bénéficie des services de liquidité qui permettent de compenser le coût de la liquidité.
Lorsqu’un ménage détient des encaisses de précaution et de spéculation, il est protégé contre le coût
d’opportunité lié à des aléas futurs sur le revenu.
Dans ces conditions, la décision pour un agent d’affecter un revenu monétaire à un emploi
ou à un autre, est déterminée par la comparaison des rendements respectifs de ces
emplois, c'est-à-dire la productivité marginale de chacun de ces actifs. On détiendra d’autant
plus de monnaie que la productivité marginale de la monnaie est supérieure à celle du capital réel ou
physique comme à l’utilité directe qu’apportent les biens.

Ainsi, l’arbitrage monnaie/titres dépend-il du taux d’intérêt, lequel mesure simultanément


la rémunération de l’épargne placée et le coût de la liquidité. Plus le taux d’intérêt est
élevé, davantage le coût de détenir de la liquidité est grand, ce qui réduit l’intérêt de
détenir de la monnaie.
En conséquence, Pigou distingue des encaisses de spéculation d’un côté et des encaisses de
précaution et de transaction de l’autre.

Les encaisses de transaction et de précaution dépendent du revenu réel en volume pour un


agent et du revenu national en volume pour toute l’économie. On dit alors que le revenu joue
un rôle de variable d’échelle du besoin d’encaisses. Plus le revenu est élevé, plus les transactions à
payer sont nombreuses, ce qui incite à un besoin d’encaisses de transactions important car la
monnaie apporte des services de liquidité en vue des transactions.

L’encaisse de précaution dépend aussi du revenu, puisque l’agent constitue une épargne de
sécurité pour faire face aux risques de rupture du revenu.

Ici ce sont les services de sécurité liés à la fonction de réserve de valeur qui justifient le besoin de
monnaie.

Enfin, l’encaisse de spéculation est constituée pour compenser le coût de la liquidité alors
que l’encaisse de précaution répond au risque d’illiquidité. Elle dépend du taux d’intérêt
chez Pigou. Mais le lien n’est pas net car cette encaisse devrait baisser à chaque fois que le taux
d’intérêt augmente : il y aurait donc une relation négative entre la demande de monnaie et le taux
d’intérêt. Mais l’allocation du revenu monétaire aux actifs d’épargne ou de placements rémunérés fait
courir un risque de perte en capital, et de ce fait d’illiquidité. Ce risque n’est donc pas indépendant du
taux d’intérêt, de sorte que toute hausse du taux d’intérêt induit deux effets contradictoires sur le
besoin d’encaisses :
 Un effet à la diminution de l’encaisse spéculative désirée : c’est l’effet de revenu
attaché à la hausse du taux d’intérêt.
 Un effet à la hausse de l’encaisse spéculative désirée : c’est l’effet de
substitution entre monnaie et placement attaché au risque d’illiquidité, que font courir les placements
d’épargne.
Dès lors, Pigou conclut que ce qui domine dans le besoin d’encaisses totales, c’est bien l’encaisse de
transaction et l’encaisse de précaution qui dépendant toutes deux du niveau de revenu, et qui
dominent de ce fait, l’encaisse de spéculation désirée. On peut alors dire, comme Walras :

« Le besoin de monnaie n’est autre chose que le besoin de marchandises qu’elle permet
d’acquérir ».
15

Pigou retrouve la conclusion que la monnaie n’est utile qu’à des fins de transaction. Elle
est un numéraire qui étalonne les valeurs, un instrument de paiement surtout. Et malgré
son utilité propre en tant qu’instrument de couverture du risque d’illiquidité, elle est
détenue, en fin de compte, beaucoup plus en raison de son utilité dans l’échange.

Dès lors, l’équation qui aurait pu découler de l’analyse de demande de monnaie de Pigou peut être
résumée par :
  ?
(4) : M
d
 M d  k ,i 
 
La demande dépend positivement de la vitesse-revenu (k) résumant ici le besoin d’encaisses de
transaction et de précaution déterminé par le revenu réel. Elle dépend de façon incertaine du taux
d’intérêt car on a une encaisse de spéculation qui dépend à la fois négativement et positivement du
taux d’intérêt.
Cette analyse de Pigou sera approfondie par « La Théorie de la Préférence pour la Liquidité » de
Keynes dont il convient de voir à présent les motifs d’un côté puis les extensions de l’autre.

B- Les Motifs et les Extensions de la Préférence pour la Liquidité


Keynes est le père de la Théorie de la Demande de Monnaie puisqu’il va construire la
Théorie de la Préférence pour la Liquidité. Pour cela, il suppose que la monnaie est un actif de
richesse entrant dans un portefeuille d’actifs diversifié.
Il convient alors de spécifier les motifs qui déterminent la composition du portefeuille et notamment
en quantité de monnaie. Les motifs sont ceux de la demande d’encaisses. Keynes reprend à son
compte les distinctions de Pigou entre encaisse active et encaisse oisive et entre encaisse de
transaction, encaisse de précaution et encaisse de spéculation.
Cette analyse sera étendue par Baumol (1952) puis par James Tobin (1956-1958), lesquels
n’adoptent plus les distinctions entre ces encaisses, le but étant d’expliquer la détention désirée
d’encaisse totale, indistincte.
Baumol privilégie l’optique des coûts d’opportunité liés à la détention d’encaisses. Celle-ci fait perdre
le gain attaché au placement rémunéré mais aussi au revenu qui aurait pu découler d’une transaction
au lieu que l’agent, en allant faire des retraits de liquidité à sa banque, se perde dans une "file
d’attente".
Tobin, quant à lui, privilégie l’optique des risques. La monnaie est détenue par comparaison aux
autres actifs, si elle comporte moins de risques que ces derniers, compte tenu qu’elle rapporte
également moins que ces derniers. Tobin tente donc de généraliser les déterminants de l’arbitrage
monnaie/titres envisagé par Keynes.
Examinons de ce fait successivement les déterminants de la demande d’encaisse active, puis les
motifs de l’encaisse oisive, c'est-à-dire de spéculation, avant d’approfondir les extensions de la
demande de monnaie keynésienne.

1- Les déterminants de la demande d’encaisses actives


Reprenant l’analyse de Pigou ; KEYNES élargit les concepts d’encaisse de transaction, de précaution
et de spéculation.
Keynes distingue quatre motifs principaux : le motif de revenu (ou d’entreprise), le motif de
précaution, le motif de spéculation et le motif de financement.
 Le motif de revenu (s’adresset aux ménages) ou le motif d’entreprise (s’adresse aux entreprises)
traduit le besoin d’une encaisse de transaction nécessaire pour combler l’intervalle entre les
dépenses prochaines et les recettes attendues. Ceci illustre, pour l’entreprise, le besoin de stock-
tampon entre recettes et dépenses. De même, pour le ménage, ce stock-tampon est nécessaire pour
combler l’écart entre décaissement lié aux dépenses et encaissement du revenu attendu c'est-à-dire
entre deux salaires ou deux réceptions de revenu.
16

 Le motif de précaution traduit le besoin d’encaisse pour répondre à des dépenses soudaines ou
pour saisir des occasions d’effectuer des gains en capital, et ce, grâce à la petite épargne de
précaution dite épargne de sécurité.
Ces deux motifs conduisent donc à faire dépendre l’encaisse désirée, donc la demande de
monnaie, du revenu courant car le besoin d’encaisse par les entreprises dépendra du niveau
d’activité des entreprises et l’encaisse désirée par les ménages dépendra aussi de leur
revenu. La variable des échanges est ici le niveau de revenu national, tous agents confondus.
 Le motif de spéculation illustre le besoin d’encaisse en vue de procéder à des opérations sur titres
ou sur créances négociables. Ici, c’est le taux d’intérêt qui constitue le déterminant de la demande de
monnaie car il représente le rendement moyen des titres.

Keynes va dépasser l’enseignement de Pigou parce que de ces trois motifs, il va élaborer la véritable
première fonction de demande de monnaie. Il ajoute cependant en 1937 dans une publication
scientifique « Economic Journal », le quatrième motif, les trois premiers ayant été étudiés dans « Le
Traité de la Monnaie » (1930) et surtout dans « La Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la
Monnaie » (1936).
 Le motif de financement illustre le besoin de monnaie pour envisager une dépense d’accumulation
c'est-à-dire d’investissement. Cette idée sera reprise dans les années 1960 avec les théoriciens de
l’intermédiation financière comme Goldsmith ou Gurley et Shaw. Elle permet à ces auteurs de
distinguer la monnaie dans l’encaisse de la monnaie de crédit, ou encore la monnaie externe émise
par l’Institution d’Emission et la monnaie interne émise par les banques suite aux créances détenues
sur le secteur privé. Ce motif renvoie aux avances qu’opèrent les banques vers les entreprises,
lesquelles permettent à ces dernières de mettre en place les plans de production qui seront source de
revenu distribué puis de dépenses et d’épargne, permettant le remboursement des crédits initiaux.
Le motif de financement justifie donc la présence des banques au sommet du circuit économique.
De ces différents motifs, on déduit les déterminants de l’encaisse active par opposition à ceux de
l’encaisse oisive ou spéculative.
L’encaisse active regroupe les encaisses de transaction et de précaution. Un ménage détenteur
d’un revenu, n’en consomme pas la totalité à chaque période ; il détient le solde sous forme liquide :
c’est l’encaisse de transaction. Le reste peut aussi être détenu dans une petite épargne : c’est
l’encaisse de précaution.

L’encaisse de transaction dépend donc pour le ménage de son niveau de revenu mais aussi
de la fréquence de perception de son revenu et du rythme de dépense, toutes choses qui
rendent pertinente la notion de vitesse-revenu de l’Ecole de Cambridge. Pour ce qui
concerne les entreprises, l’encaisse de transaction dépend du chiffre d’affaires.

Quant à l’encaisse de précaution, elle sert à anticiper des dépenses accidentelles (maladie, accident,
etc.) pour les ménages, et à anticiper des chocs sur des dépenses, des recettes, des prix (hausse
inattendue des prix des matières premières, revendication salariale, grèves…) ou prévenir les défauts
de paiement (tels la défaillance du débiteur ou le délai du client), pour les entreprises. L’encaisse
de précaution est donc détenue sous forme liquide pour éviter le coût d’illiquidité. Elle
dépend ainsi du revenu mais également du taux d’intérêt mais plus faiblement.
Keynes reprend donc à son compte la notion de vitesse-revenu mais en l’adaptant : c’est le
rapport du revenu national en valeur à la quantité de monnaie, active, permettant de combler
les motifs de transaction et de précaution.

Yval Yval
v Ke yne s   v C ambridge 
M active M active  M oisive
La quantité de monnaie active se réduit aux encaisses de transaction et de précaution. Cette vitesse-
revenu évolue lentement comme chez Fisher, car elle dépend de l’organisme bancaire et industriel,
des préférences de paiement par les agents privés. Toutefois, le déterminant principal de cette
vitesse, ou plus précisément l’encaisse active, reste le revenu national au plan agrégé. Celui-ci a
deux composantes : le revenu en volume d’un côté et les prix de l’autre.
Les prix sont fixes à court terme chez Keynes ; ils évoluent très lentement.
17

Dès lors, l’encaisse active évolue plutôt avec le revenu national en volume (réel) car l’encaisse de
transaction évolue positivement avec le revenu national compte tenu d’un niveau minimum
incompressible d’encaisses, alors que l’encaisse de précaution, tout en dépendant également du
revenu, est sensible mais très faiblement au taux d’intérêt.

L1 i

L2(Y+=Y*,i?)
L1(Y+)

k
L0

Y L2

Le premier graphique illustre la vitesse-revenu : L1=kY (L1=encaisse de transaction)


Le second graphique illustre l’encaisse totale par rapport au taux d’intérêt, et cela pour un niveau
donné de revenu (L2=encaisse de précaution).
Il convient alors d’examiner les déterminants de l’encaisse de spéculation désirée.

2- Les déterminants de l’encaisse de spéculation désirée


C’est à partir de la demande d’encaisse de spéculation que Keynes va véritablement
fonder sa théorie de la préférence pour la liquidité. En effet, cette encaisse désirée dépend du taux
d’intérêt.
Pour comprendre le raisonnement de Keynes, il convient d’examiner d’abord la relation entre le
taux d’intérêt et le cours des titres dans le cadre des arbitrages qu’effectuent les agents en matière
de composition de portefeuille ; ensuite, on peut envisager le statut du taux d’intérêt chez Keynes
par opposition aux classiques. Enfin, on peut alors déduire la fonction de demande d’encaisse
spéculative agrégée à partir des fonctions de demande individuelles pour enfin obtenir la fonction
de demande de monnaie totale.
2.1 Taux d’intérêt, cours des titres et arbitrage de portefeuille
a) Le Statut du Taux d’intérêt chez KEYNES
Définition : Le taux d’intérêt chez Keynes mesure le coût de la préférence pour la liquidité,
c'est-à-dire le coût de la liquidité. On distingue les taux d’intérêt courts des taux d’intérêt longs
en fonction de la durée des placements d’épargne mais aussi de la nature des supports d’épargne.
Keynes montre alors qu’il existe une relation entre le taux d’intérêt observé sur le marché de la
monnaie qui est un taux d’intérêt à court terme (car, soit la liquidité ne rapporte rien pour un taux
nul, soit elle rapporte faiblement pour des placements d’épargne de courte durée), et le rendement
des titres observés sur le marché financier (taux d’intérêt à long terme).
Pour le montrer, Keynes va comparer le rendement d’un titre du marché financier au service de
liquidité qu’apporte la monnaie. Pour cela, il choisit comme titre une rente perpétuelle. C’est un
support d’épargne pour lequel le capital investi n’est plus récupérable alors qu’en contrepartie, le
détenteur de ce capital recevra un revenu périodique jusqu’à la fin de sa vie physique.
Keynes va de ce fait considérer des rentes anciennes dont le prix et le rendement sont connus ; et
il va montrer qu’elles sont reliées par le taux de rendement, aux rentes nouvellement émises sur le
marché financier. Le taux de rendement dépend lui des variations du cours des titres, c'est-à-
dire des variations de prix des anciennes rentes et des nouvelles.
Principe : Soit une rente émise à toute période t au prix d’émission P t appelé principal qui
rapporte un revenu nominal périodique appelé rente et noté C t . Ce revenu désigne aussi le
coupon du principal (pour une obligation notamment). A toute période t, le taux de rendement
est it. Tout ceci est donc également valable en t=0.
18

Ct
En t : it  (5)
Pt
L’épargnant a le choix à tout moment entre une rente émise à cette période et toute autre rente. Il
a le choix entre des rentes anciennes et des rentes nouvelles susceptibles d’apporter le même taux
de rendement ; c’est pourquoi on a la relation (5).
Le prix d’émission d’une rente nouvelle devrait être tel qu’il reproduise la relation (5), soit (6)
C C
i t  t d’où X t  t .
Xt it

Xt est le principal d’une rente nouvelle, d’un nouveau titre. Il est différent de P t et a un cours qui
varie de façon inverse à son propre taux de rendement.

Par exemple, soit une rente perpétuelle P0=5000 associée à un coupon annuel C0=250. On
a donc i0=250/5000=5%.

Supposons que le taux de rendement correspondant à de nouveaux titres, de prix d’émission X t, soit
de 6% mais avec un coupon identique de 250 étant donné que les obligations sont perpétuelles. On a
alors Xt=250/0,06=4166.

L’obligation nouvelle a un prix inférieur aux obligations anciennes (4166<5000) alors qu’elles
rapportent chacune le même revenu de 250.

Le détenteur de l’ancienne obligation enregistre donc une moins-value qui est l’écart entre le prix
d’émission initial et le nouveau prix d’émission.
Plus généralement, à la période t, le plus-value ou la moins-value est l’écart entre le nouveau prix
d’émission et l’ancien prix d’émission :

Ct
+/- value = Xt – P0 =  P0 (6)
it
Considérons cette moins-value dès la période d’émission c'est à dire qu’à partir de la période
d’émission, le détenteur de la rente anticipe une plus-value ou une moins-value sachant que son
coupon restera constant. Il vient donc :

 C0  i P 
(7)    P0   0 0   P0
 it   it 
On ne connaît pas it futur mais comme on connaît C 0, on a alors :
i 
(7’’) P0 .  0  1
i 

t
Taux Re ndement

Le gain net (ou perte sèche) est la +/- value ajoutée au coupon : c’est g.

Or C0=i0P0 donc g=P0.[(i0/it)-1+i0]

i 
(8) : g  (7' ' )  coupon  P0  0  1  C0
 it 
Ainsi dans l’exemple : g=5000.[(0,05/0,06)-1+0,05]=-583,33 (perte sèche).
Ici, le détenteur d’un titre ancien fait une perte de 583,33 si les rentes nouvelles avaient le même
prix que les rentes anciennes à l’émission (5000). Alternativement, cela signifie que le détenteur des
19

rentes nouvelles fait une moins-value de 583,33 par rapport au détenteur de rentes anciennes,
puisque le prix d’émission de la nouvelle est de 4166 (<5000).
Conséquences : Le choix de détenir ou conserver une rente ancienne ou une rente nouvelle va
dépendre de ce que le détenteur ne fasse ni de gain ni de perte nette ou sèche. Pour cela, il doit
calculer le taux d’intérêt critique, c'est à dire le taux de rendement anticipé au moment de
l’émission en t=0, pour lequel le gain net futur en t=1 ou t=2 sera nul. Ce taux de rendement
anticipé est appelé « le taux d’intérêt critique »
b) Le taux d’intérêt critique
Partant de (8) c’est le taux ic tel que g = 0
Quel que soit t :

i  i   1 
P0  t  1  i 0   0   t   1  i 0  0  i t 1    1  0
 ic   ic   ic 
i
 9 : i c  t
1 it

Ce taux critique rend neutre la détention de titre anciens et titres nouveaux à la condition que le taux
de rendement nouveaux it soit au moins égal au ic car si le taux nouveau it >ic qui est un taux
d’escompte (anticipé antérieurement), alors l’agent peut acquérir des titres nouveaux par rapport aux
titres anciens. Si it>ic en achetant des titres nouveaux, l’agent encourt des pertes en capital. Ceci vaut
aussi en gardant des titres anciens dans son portefeuille. Il vaut donc mieux liquider son portefeuille.
Une frontière floue entre monnaie et titres :
Conséquences : L’écart entre le taux d’intérêt critique et le taux de rendement en vigueur justifie non
seulement le choix entre titres anciens et nouveaux mais également l’arbitrage entre monnaie et titres.
ic = 4,7 dans l’exemple, c'est à dire ic = 0,05/ 1 + 0,05 = 0,047
Supposons que le taux de rendement en vigueur en t=0 = 5%
Le nouveau taux est de 4% alors que le taux d’intérêt critique est de 3,85%, l’agent désireux
d’acquérir des titres neufs ne ferait pas de perte nette puisque le taux qu’il escompte est de 3,85%<
au taux du marché (4%) et cet agent est de ce fait indifférent entre garder les titres anciens ou
acquérir les titres nouveaux. Toutefois cet agent va garder les titres anciens car ils rapportent plus que
les titres nouveaux (5%>4%) puisque le coupon critique est i t = Ct/Pt  Ct = it Pt
t = 0 => C0 = i0P0 => C* = i0*P0*
5000 x 0,0385 = 195
Il est supérieur à la moins value anticipée qui est égale à g=
5000.[(0,05/0,04)-1+0,07].
Si ic=4,5%, cette fois-ci, le coupon critique augmente (5000.0,047) mais on a une moins-value qui
change : g=(Xt-P0)+C=300+235=-65 : perte nette
Ceci signifie que l’agent va sans cesse anticiper dès le départ, un rendement attendu de son
portefeuille inférieur à celui du marché. Alors que le coupon est à rendement élevé pour la 1 ère période,
la moins value en capital reste forte. Donc un tel agent escompte un taux de rendement futur trop
proche du taux de marché pour envisager des profits du fait de la détention de titres nouveaux ou
anciens. C’est pourquoi il sera indifférent entre les titres anciens et nouveaux, et à défaut, liquidera
son portefeuille. A l’inverse, si le taux du marché passait à 6%, l’agent va observer la baisse de coût
des titres nouveaux et doit refaire son calcul de rentabilité à partir du taux critique.
Implication : cette analyse de Keynes signifie que si it>ic, l’agent placera son patrimoine c'est-à-dire sa
richesse financière sous forme de titres en renonçant à la liquidité oisive (encaisse de spéculation). Il
ne détiendra que de l’encaisse de transaction. A l’inverse, si le taux courant du marché i t est inférieur
au taux critique it<ic, l’agent anticipera une perte nette par l’achat de nouvelles rentes ou obligations.
C’est pourquoi il conservera son portefeuille (richesse financière) dans sa totalité en encaisse
monétaire, ce qui rend ici une encaisse de spéculation maximale.
Keynes en déduit alors la forme de la demande d’encaisse spéculative en procédant par étapes :
20

Cas d’un agent Cas de deux agents

it it

1
1
2 2

3 3

L3 L3
I II

Cas de n agents Formule générale


it it

1
icmax

icmin 3

L3
III L3
IV

La courbe de préférence pour l’encaisse spéculative est obtenue par étapes.


*
Le graphique I la présente pour un agent qui a un taux critique iC qui est la prévision
en t du taux de rendement à venir en t+1.

*
Si le taux en vigueur est supérieur à ic soit i t > i C (1), l’agent peut raisonnablement prévoir des baisses
futures du taux d’intérêt car le taux en vigueur est déjà très élevé ; il peut alors en déduire une hausse
à venir du cours des titres. Il devrait alors pour cela constituer son portefeuille exclusivement de titres
puisque avec la hausse attendue, la valeur du portefeuille devrait augmenter. Un tel agent ne détient
donc rien en monnaie et l’encaisse spéculative est nulle le long de l’axe des ordonnées.
*
Lorsque les taux d’intérêt du marché sont égaux à iC , l’agent peut s’attendre à une hausse future du
taux de marché, donc à une baisse du cours des titres. Il pourrait se débarrasser des titres, mais
comme dans l’exercice où ic=3,87 et it=4% sur le marché, l’agent voit son coupon compenser la moins-
value anticipée. C’est pourquoi il peut conserver sa richesse en obligations (titres) puisque, tout calcul
fait, il reste bénéficiaire.

*
Par contre, lorsque i t < i C (3), l’agent prévoit une hausse des taux à venir et de ce fait une baisse des
taux d’intérêt. Cette fois, la valeur du coupon ne suffit plus à compenser la moins-value du coupon en
capital, alors que dans la phase (2), l’agent compose son portefeuille à la fois en titres et en monnaie.
Dans la phase (3), l’agent compose son portefeuille exclusivement d’encaisses spéculatives et se
débarrasse des titres. Sa richesse financière est (exclusivement) parfaitement liquide.
Ce qui fonde la demande d’encaisse spéculative, c’est le comportement de l’agent face
au risque de perte en capital.
Soient W sa richesse financière, S l’épargne totale et (L1+L2) l’encaisse active ; on a :
W = S – (L1 + L2).
21

W est donc destinée à des placements rémunérés d’épargne. On peut alors obtenir la
règle de décision suivante : Partant d’un taux d’intérêt futur anticipé i A t 1 à la période t pour la
t

période à venir t+1. Cette règle de décision comporte trois cas :

(1): it  iA t 1  it
*
; (2): i t  i A t 1 et (3): i t  i A t 1 .
t t t

En (1), l’agent détient son portefeuille en titres exclusivement tant que la prévision du
taux d’intérêt est le taux d’intérêt critique.

En (2) lorsque it=iA, l’agent compose son portefeuille de monnaie et de titres.


En (3) quand it est inférieur à iA, l’agent déteint tous ses avoirs en monnaie.
Le graphique II explique le comportement pour un agent A et un agent B.
Pour tout it  i , l’agent détient son portefeuille en titres.
*
CA

Quand i t  iC A , A liquide son portefeuille pour de la monnaie et B a des titres tant que i t>iCB.
*

Quand it  i , les deux agents détiennent uniquement de la monnaie.


*
CB

Ce même principe vaut pour n agents (graphique III) de sorte que la courbe générale
de l’encaisse spéculative comporte trois phases qui dépendent du taux d’intérêt maximum observé et du
taux d’intérêt minimum du marché.
Le graphique IV présente la forme générale de la demande d’encaisse spéculative. La
courbe présente trois phases :
La phase de « l’unanimité des prévisions à la baisse des taux d’intérêt ». En effet, les it
observés sont supérieurs au ic maximum que les agents escomptent. De ce fait, on devrait s’attendre à
une baisse des taux par rapport au cours des titres. Ceci conduit les agents à escompter des gains en
capital ; c’est pourquoi ils détiennent tout leur portefeuille en titres et rien en monnaie.
La troisième phase est baptisée par Keynes la trappe à liquidité (“liquidity trap”) car
les taux d’intérêt observés sont tellement bas qu’ils ont atteint leur plancher ; ils ne peuvent pas baisser
davantage (c’est la trappe en-dessous de laquelle on plonge).
En conséquence, il y a une unanimité des prévisions à la hausse des taux d’intérêt.
Dès lors, les cours des titres devraient baisser et les agents détenteurs de titres pourraient encourir une
perte en capital. C’est pourquoi, ils préfèreront tous détenir leur richesse financière en monnaie (ici
l’encaisse oisive) plutôt que de détenir des titres. L’encaisse spéculative est maximale et la demande de
monnaie infinie, ce que l’on observe ici avec la droite horizontale qui signifie une (semi-) élasticité infinie
de la demande de monnaie au taux d’intérêt. La moindre variation à la hausse du taux d’intérêt modifie
la demande d’encaisse spéculative. Dans la trappe à liquidité, la préférence pour la liquidité est
maximale.
Les phases 1 et 3 sont de ce fait des phases d’unanimité des prévisions.
La phase 2 est celle qui illustre la demande d’encaisses spéculatives
« normale ». En réalité, les agents ici présentent une hétérogénéité des prévisions des taux d’intérêt
car ainsi que vu au niveau de deux agents, trois agents, …, n agents (c'est-à-dire sur le plan
économique) les différents taux d’intérêt critique prévalent, les agents ayant des prévisions de taux
d’escompte différentes. Ceci est dû au fait qu’ils anticipent des gains ou des pertes nettes différentes en
fonction de leur degré d’aversion au risque, mais aussi de la taille de leur portefeuille, c'est-à-dire la
valeur de leur richesse.
Les agents ayant le taux d’intérêt critique le plus haut détiennent des titres, les autres
de la monnaie, et plus le taux d’intérêt critique diminue, plus la demande de titres baisse, et la demande
de monnaie augmente.

Ainsi, davantage la proportion des agents prévoyant des taux d’intérêt critiques élevés est forte dans la
population totale des épargnants, davantage la demande de titres est élevée et la demande de monnaie
baisse. A l’inverse, davantage la proportion des agents prévoyant des taux d’intérêt critiques à la baisse
est grande dans la population totale des épargnants, davantage la demande de titres est faible et la
demande de monnaie est élevée.
22

On a donc une relation décroissante entre taux d’intérêt it et demande de


monnaie spéculative.
Cette relation n’est pas forcément linéaire (2). Dans l’hypothèse où les agents
faiblement averses au risque (“low risk averse”) sont les plus nombreux parmi les épargnants, la courbe
de demande d’encaisse spéculative est concave. Dans l’hypothèse contraire c'est-à-dire où les agents
fortement averses au risque sont les plus nombreux, la courbe de demande d’encaisse spéculative est
convexe.
Pour Keynes, la phase 2 illustre l’instabilité intrinsèque (par nature) de la demande de
monnaie car ici, l’arbitrage entre monnaie et titres ainsi qu’entre titres anciens et titres nouveaux,
conduisent à des attitudes variables face au capital et de ce fait, à des comportements variables dans la
détention de monnaie oisive.
Keynes déduit de cette analyse un nouveau statut du taux d’intérêt qui chez lui est
une variable nominale et monétaire alors que c’est une variable réelle chez les Classiques.

2.2 L’optique classique du taux d’intérêt


L’analyse classique ici résume l’analyse de tous les auteurs ayant précédé Keynes dans
l’Ecole libérale. Elle est également prolongée par le point de vue des néo-libéraux postérieurs à Keynes
depuis les années 1950. Examinons ces deux analyses.
 La première approche est appelée la Théorie du Marché des Fonds Prêtables
qui présente l’analyse des marchés de capitaux.

rt

r*

It.St
I*=S*

Le graphique présente le marché des capitaux où St est la fonction d’épargne c'est-à-


dire d’offre de capitaux. La fonction d’investissement It est la fonction de demande de capitaux.
L’épargne ou l’offre de capitaux est une fonction positive du taux d’intérêt car l’épargne traduit un
comportement d’accumulation. L’effort d’épargne prive le ménage de l’utilité directe de la consommation.
Renoncer à cette utilité exige une compensation : le taux d’intérêt constitue de ce fait la rémunération de
l’effort d’épargne, c'est-à-dire la récompense de la renonciation à la consommation immédiate.
L’investissement décrit la demande de capitaux des entreprises. Un producteur investit
en escomptant un rendement unitaire du capital immobilisé à cette fin. Or il est obligé d’emprunter pour
effectuer la dépense en capital. L’investissement illustre la demande de capitaux, laquelle décroît avec le
coût unitaire du capital, avec le coût emprunté, tant du moins que ce coût unitaire est égal au rendement
attendu du capital investi. Donc l’épargne décrit l’offre de fonds prêtables alors que l’investissement
décrit la demande de fonds prêtables ou fonds empruntés.
Le taux d’intérêt rendant égal le volume d’investissement désiré par les entreprises
(I*) et l’offre de fonds disponibles (S*) est r*. Ce taux rend en effet égal le coût marginal unitaire de
l’emprunt à des fins d’investissement et le rendement marginal unitaire de l’épargne. Ce taux r* est une
variable réelle, c’est même le taux d’intérêt réel (au sens de Fisher 1903).
23

rt  i t  P at
(10) :
rt  i t   t
P
a
t
est le taux de croissance anticipé, it est le taux d’intérêt nominal. ; rt est le taux d’intérêt réel.

Le taux d’intérêt réel est donc bien une variable nominale observée car il est un solde entre une variable
observée (it) et une prévision (taux d’intérêt anticipé rta ) : rt est donc un taux d’escompte.
C’est le rendement attendu d’un euro placé en début d’année pour la fin de l’année : par
exemple, si on place 1000 €, alors rta =2,5%.

Remarque : Le taux d’intérêt réel est une variable prévue, attendue, c'est-à-dire le rendement escompté
d’un placement d’une unité d’épargne aujourd’hui pour la période future. Il dépend des prévisions du
taux d’inflation futur. Plus l’inflation est faible et stable, plus les prévisions d’inflation à venir peuvent
utiliser l’inflation d’aujourd’hui ou celle d’hier comme un bon prédicateur c'est-à-dire un prédicateur sans
biais.
t  t  0
a

t  t 1  0
a

Par contre, lorsque l’inflation est élevée et variable, l’inflation déjà observée aujourd’hui ou hier constitue
de mauvais prédicateurs de l’inflation à venir car il en résulte toujours des erreurs systématiques de
prévision : ce sont là des prédicateurs biaisés.
Il faut donc pouvoir bien prévoir l’inflation, adopter un modèle explicatif de l’inflation
observée ou de l’inflation à venir.
Cette analyse du marché des fonds prêtables aboutit donc à ignorer la liquidité. Le
taux d’intérêt réel est une variable réelle car il égalise deux variables réelles que sont l’épargne en
volume (offre de capitaux en volume) et l’investissement en volume (demande de capitaux en volume).
Or Keynes va montrer que cette analyse est approximative car le taux d’intérêt est principalement une
variable monétaire, nominale, qui s’obtient à l’équilibre du marché de la monnaie mais qui détermine
aussi l’arbitrage entre demande de monnaie et demande de titres.

Avant de le voir, examinons la seconde optique classique.


 La seconde optique classique est résumée par la Théorie du Cycle de Vie
(MODIGLIANI, ANDO, BRUMBERG) dans les années 1960. Cette théorie précise en quoi le taux d’intérêt
est véritablement une récompense à la renonciation de l’utilité.
Pour cela, partons des systèmes (11) et (12) :
11 : Ut  UC1 , C 2 , , C n 
12 :  C i  Yt  W t 1
n

i 1
n
 Ci est l’ensemble des dépenses et Y t  W t 1 est l’ensemble des ressources.
i 1

(11) décrit une fonction d’utilité intertemporelle. L’utilité ressentie par le ménage
consommateur à la période t est fonction des niveaux de consommation à la période t mais aussi aux
périodes futures. ( C1 , C 2 , , C n ) décrivent ces niveaux futurs de consommation. Ceci signifie que le
consommateur établit son plan de consommation sur tout son horizon de vie. La période n étant la plus
éloignée, Cn décrit donc la consommation que le ménage effectuera lorsqu’il sera le plus vieux possible.
(12) décrit la contrainte de budget du consommateur à toute période t. Le plan de
consommation du ménage décrit par la somme des niveaux de consommation contemporaine et future
doit être inférieur au revenu contemporain augmenté de la richesse antérieurement accumulée.
Le problème pour le consommateur est à tout moment (toute période t) de maintenir
constante l’utilité. Elle doit être la même à chaque période de l’horizon de vie. Donc ceci revient pour le
consommateur à décider si le niveau de la consommation aujourd’hui peut être supérieur à celui des
périodes futures, c'est-à-dire s’il co convient de consacrer plus de ressources aujourd’hui à des fins de
consommation. Cela revient alors à consacrer moins de ressources demain pour la consommation, toute
chose égale par ailleurs (l’utilité étant constante).
24

Dans ces conditions, l’épargne s’analyse comme de la consommation différée. L’effort


d’épargne représente en effet la récompense de la renonciation à la consommation d’aujourd’hui, qui
sera perçue plus tard.

'C2 C3 C 
U t  U 1; ;; n  .
'
On peut donc réécrire la fonction d’utilité : (11’) : ;
 C1 C1 C1 
(11’) est la fonction d’utilité totale normant les consommations futures par rapport à la consommation
d’aujourd’hui C1. Ainsi, la proportion de la consommation d’aujourd’hui dans le plan de consommation est
certaine et donnée par 1. Les proportions des consommations à venir sont calculées au prorata de la
consommation d’aujourd’hui.
Supposons que le taux d’intérêt récompense l’effort d’épargne : dans ce cas, on peut
écrire l’équation (13) soit :
13 : C 2  C1 1  r 
C2
 1 r
C1
Cela signifie que si le consommateur renonce à consommer C1 et qu’il en place sur le marché des
capitaux, l’épargne qui en découle, celle qui rapporte à la période 2 un revenu qui est le taux d’intérêt r,
alors le niveau de consommation non absorbé à la période 1 après le produit d’intérêt, équivaut à C 2.
Dès lors, en reportant C2 à C1, on a 1+r c'est-à-dire la proportion certaine de la consommation
d’aujourd’hui (1) augmentée du revenu du placement r.
Appliquons (13) au niveau de consommation à venir :
C 3  C 2 1  r   C1 1  r 
2


C n  C n 1 1  r   C1 1  r 
n 1

Rapportons les consommations futures à la consommation certaine C1 :


C2 C C
 1  r; 3  1  r  ; ; n  1  r 
2 n 1

C1 C1 C1

Réécrivons (11’) : cela donne 14 : Ut  U' 1; (1  r) 2 ; (1  r) 3 ;; (1  r) n 1 


(14) illustre bien ce qu’est un taux d’intérêt : c’est un taux de préférence pour le futur par rapport au
présent. Il sanctionne l’effort de renonciation de la consommation immédiate en vue de la consommation
future, l’objectif étant une utilité constante le long du cycle vital. Le taux d’intérêt est aussi un taux
d’actualisation car c’est le taux qui permet de convertir en valeur d’aujourd’hui, c'est-à-dire aux unités de
consommation d’aujourd’hui des unités de consommation future. C’est pourquoi il est une variable
réelle.
Dans cette analyse, le ménage rationnel tente de maintenir constante son utilité et il va pondérer cette
utilité en fonction des niveaux de consommation périodique tout le long du cycle de vie (jusqu’à la mort)
et ce, compte tenu de la contribution marginale de chacun de ces niveaux de consommation à l’utilité
totale. Cette analyse antérieure puis postérieure à Keynes est remise en cause par Keynes puis par les
keynésiens ensuite.
2.3 Le taux d’intérêt, une variable monétaire chez Keynes
L’analyse antérieure tente de montrer que l’épargne est motrice et la consommation
résiduelle.
En caricaturant les principes des classiques, Keynes pourrait dire que l’agent rationnel
est celui qui, détenant un revenu, observe d’abord les taux d’intérêt rémunérant l’épargne avant de se
décider à consommer chaque fois que ses taux d’intérêt sont faibles et ne suffisent pas à « compenser sa
privation ».
En caricaturant la pensée classique, le consommateur est la « fourmi » par
excellence : c’est un épargnant qui prépare son avenir en accumulant.
En réalité, le consommateur est certes rationnel mais sa rationalité est de tirer une
utilité maximale de sa consommation d’abord avant d’examiner l’utilité de l’épargne.
25

On a de ce fait une consommation motrice et une épargne résiduelle.


Pour le montrer, Keynes part des fonctions de consommation/épargne :

15 : C t  C 0  cYt
avec C0>0 ; 0<c<1 et s=1-c
16 : S t  Yt  C t  C 0  (1  c)Yt  S t  S 0  sY t
L’arbitrage consommation/épargne est fonction du revenu disponible (et non pas du
taux d’intérêt).

Ct , St

St
C0

Yt
-C0

Keynes décrit la fonction de consommation des ménages où la demande de biens


consommés Ct dépend positivement du revenu perçu Yt compte tenu d’une propension marginale à
consommer c>0 mais non unitaire et compte tenu également d’un niveau de consommation
incompressible C0.
(15) décrit donc ce que Keynes a appelé « La Loi Psychologique Fondamentale ».
(16) décrit la fonction d’épargne, l’épargne s’obtenant par solde du revenu après consommation
préalable de celui-ci. L’épargne est donc bien un résidu du revenu, la consommation étant motrice car
première.
C’est pourquoi la fonction d’épargne s’obtient par différence du revenu à la consommation, ce qui décrit
(16). La propension marginale à épargner (s) étant certes supérieure à zéro mais vraisemblablement
inférieure à c (d’où la pente plus plate de la fonction d’épargne).
Graphiquement, on a ainsi l’illustration des fonctions de consommation et d’épargne,
mais surtout, ceci montre que l’arbitrage consommation/épargne dépend avant tout du revenu
disponible, perçu, nominal, et est indépendant du taux d’intérêt.
Le consommateur keynésien est donc bien une « cigale » car « Que vaut la vie sans
utilité directe de la consommation ? ».
Le taux d’intérêt se forme non pas sur le marché des biens et services, les classiques
admettant que le marché des fonds prêtables détermine un volume de fonds prêtables, et un taux
d’intérêt d’équilibre, qui se déduisent tous les deux sur le marché de la monnaie.
Définition : On appelle marché de la monnaie le lieu où se rencontrent la
demande de liquidité et l’offre de monnaie.

Ce marché se distingue du marché monétaire, lequel fait rencontrer la demande de monnaie


Banque Centrale et l’offre de créances bancaires ou non bancaires convertibles en monnaie
Banque Centrale.

Le marché de la monnaie détermine la quantité de monnaie en circulation détenue par


les agents non financiers ; alors que le marché monétaire détermine la liquidité bancaire détenue par les
banques, les établissements financiers ou depuis la zone euro, les Institutions Financières Monétaires
(IFM).
Mais pour Keynes, le taux d’intérêt est le prix de la renonciation à la liquidité
immédiate et non pas le prix de la renonciation à la consommation immédiate.
26

Fonction de Demande de Monnaie :



17 : Ld  L1 (Y)  L 2 (Y, i)  L 3 ( i )
Fonction d’Offre de Monnaie : 18 : L  M
s

La demande de monnaie résume les déterminants de la préférence pour la liquidité


c'est-à-dire la sommation des encaisses de transaction, de précaution et de spéculation.

17' : Ld 
   

 L1 (Y)  L 3 ( i )  L1 (Y)  L1  L 2
Toutefois, l’encaisse de précaution dépend plus du revenu que du taux d’intérêt. On
peut regrouper les encaisses de précaution et de transaction, lesquelles dépendent toutes deux
principalement du revenu.

On en déduit alors que la demande de monnaie dépend positivement du revenu et négativement du taux
d’intérêt.
Dans ces conditions, en admettant une forme linéaire de la demande de monnaie, il
vient 19 : M dt  kYt  b.i t . Il s’agit de la spécification c'est-à-dire la formulation de l’équation
de demande de monnaie chez Keynes.

M dt
k
Yt
Cette équation signifie que la demande de monnaie varie positivement avec le revenu nominal.
On a k>0 et il représente par analogie à Fisher l’inverse de circulation de la monnaie. Parce que c’est une
M dt  Yt
vitesse, k est en même temps comparable à une élasticité :  k
Yt M dt
Par contre, b est une semi élasticité ou plus précisément, une sensibilité : c’est la sensibilité intérêt de
la demande de monnaie qui traduit la sensibilité des détenteurs d’encaisses spéculatives aux variations
M dt i t
du taux d’intérêt nominal : b  .
i t M dt
L’offre de monnaie à l’équilibre se réécrit en partant de (18) :
20  M0  M
: M St
21 : M t  M t  M 0  M  kYt  b.i t
d

 k   M  M 
 21 : i t      0 
 b t  b 
(20) illustre que la quantité de monnaie qui circule, comporte toujours une
composante minimale d’encaisse oisive notée M 0 et une composante prépondérante d’encaisse active

soit M. La totalité de l’encaisse disponible M St fournie par les IFM est donc de ce fait constante, ce qui
signifie qu’elle est exogène aux comportements des agents non financiers : L’offre d’encaisse s’ajuste
donc mécaniquement à la demande d’encaisse.
L’équilibre du marché de la monnaie est fourni par (21) et il détermine le taux d’intérêt
nominal égalisant l’offre et la demande de monnaie. (21) signifie que le taux d’intérêt nominal d’équilibre
varie négativement avec la quantité de monnaie en circulation c'est-à-dire la quantité de monnaie
désirée.
Plus la demande de liquidité est forte, plus le taux d’intérêt diminue. Plus le taux
d’intérêt est élevé, plus la demande de liquidité baisse. On retrouve la phase 2 de la forme générale de la
courbe pour la préférence pour la liquidité.
27

(21) signifie aussi que cette relation négative est proportionnelle à la sensibilité intérêt
de la demande de monnaie. Ceci signifie que plus cette sensibilité est faible (b proche de 0), plus forte
est la relation négative entre taux d’intérêt et demande de monnaie.

it
(3)

(2)
(1) (3) : trappe à liquidité

Enfin, le taux d’intérêt d’équilibre dépend positivement du revenu à hauteur du ratio


de la vitesse-revenu à la sensibilité-intérêt.

Plus la vitesse-revenu est élevée, plus un revenu en expansion s’accompagne d’un taux d’intérêt élevé
car le besoin d’encaisse augmente pour accompagner les transactions.
Conséquence : le taux d’intérêt est une variable monétaire par excellence qui
décrit le prix du temps. Car, ce taux est une assurance contre l’illiquidité future alors que chez les
Classiques, le taux d’intérêt est une assurance contre la non consommation future. Le temps keynésien
est donc différent du temps classique, c’est pourquoi le prix du temps diffère dans les deux
cas.
Ces différentes analyses de Keynes sont approfondies par Wiliam Baumol et James
Tobin.
28

C- LES APPROFONDISSEMENTS DE LA DEMANDE DE MONNAIE


KEYNESIENNE

Ceux-ci se déroulent en 2 étapes :


D’un côté, Baumol met en évidence le rôle des coûts de transaction, la demande de
monnaie étant examinée dans une perspective de gestion de stocks. De l’autre côté Tobin élargit la
perspective de choix de portefeuilles, et de ce fait approfondit les déterminants de l’arbitrage monnaie –
titres.

1- Coût de transaction et gestion de stock de monnaie


Baumol (1956) montre que la détention de monnaie est comparable à l’activité de
gestion de stocks produits par une entreprise.
En effet, une entreprise détermine le stock optimal du produit qu’elle garde dans ces
ateliers, en fonction de la périodicité des ventes mais également en fonction du coût
de stockage. La détention de monnaie obéit à la même logique.
Exemple : Pour le montrer supposons un ménage détenant un revenu de 1000€, son
problème est de savoir quel montant de liquidité en déduire.
Ce ménage a alors 2 choix :
 soit il souhaite dépenser la totalité de ce revenu et il le transforme
immédiatement en liquidité, dans ce cas en fin de mois le revenu s’annule et il
n’y a plus également de disponibilités disponibles.
 soit alors ce ménage dépense la moitié de ce revenu la 1ère quinzaine et l’autre
moitié pour la 2ème quinzaine.

Revenu
monétaire
1 1000€
0
0
5
0
0
0
500€
0

Temps
0 15jours 1mois

Dans ce cas il détient 500 € de liquidité qu’il extrait de son compte dès le début du mois pour la
1ère quinzaine et ensuite au début de la 2ème quinzaine. Donc le ménage sollicite 2 fois dans le
mois son compte bancaire dont il transforme le dépôt en liquidité.
Cet exemple illustre selon Baumol, que la détention de monnaie est comparable à une gestion
de stock, car le ménage détermine la liquidité désirée en fonction du stock à gérer qui est ici le
revenu ou plus précisément le dépôt bancaire correspondant au revenu. Ce revenu étant
périodique, le stock de dépôts se renouvelle et l’agent que ce soit le ménage ou l’entreprise
d’ailleurs, détermine la liquidité désirée en fonction de ce dépôt en perpétuant un
renouvellement. Or, cet agent subit des coûts de transaction puisqu’il doit transformer le
dépôt en monnaie fiduciaire, cette opération lui fait subir 2 coûts de différentes natures :
Le 1er est le coût d’opportunité c'est à dire le temps perdu dans les files d’attente auprès des
guichets de banque pour effectuer des retraits. Ce temps est en effet perdu pour une activité, des
occasions de transactions susceptibles de générer des revenus.
Le 2ème coût est le coût de retrait de tout ou partie du dépôt à vue. Ce coût est le manque à gagner lié au
fait qu’en rendant liquide un dépôt, on perd à due concurrence les intérêts que ce dépôt aurait pu produire
s’il était placé dans un compte épargne. Donc, ce coût de retrait est le coût d’opportunité du non
placement du dépôt rendu liquide, lequel s’ajoute au coût d’opportunité de la non-transaction au profit de
la recherche de liquidité. L’objectif de l’agent rationnel étant de minimiser cette somme des coûts de
transaction, il va alors calculer l’encaisse optimale correspondant au coût minimum total de transaction.
29

Baumol en déduit la règle suivante : l’encaisse optimale dépend du nombre de visites


optimal à la banque pour effectuer des dépôts à vue ou transformer des dépôts à
terme en vue de dépôts liquides. Il en déduit la fonction de demande de monnaie
suivante.

i 
(22) M td  Pt. Yt.Ct
t
1
2

(22) comporte 3 propriétés :


 Contrairement à Keynes l’encaisse totale désirée est indivisible, l’encaisse de
transaction ne se distingue pas de l’encaisse de précaution ou de spéculation.
 On retrouve des déterminants à la fois de l’école de Cambridge et de l’analyse
keynésienne. Du côté de l’école de Cambridge on observe que la demande de
monnaie est homogène de degré 1 par rapport au niveau des prix ; donc, on
peut raisonner en termes d’encaisses réelles comme chez Pigou et plus tard
Patinkin.

(22’) MP  Y.iC  Y  .C  .i 


d

t
t
t
t
1
2
t
1
2
t
1
2
t
 12

Contrairement à l’école de Cambridge, la demande d’encaisses ne varie pas proportionnellement au


revenu réel, elle augmente même moins que proportionnel au revenu usuel. Car, elle
dépend de la racine carré du revenu réel, ce qui signifie que la vitesse-revenu ne joue pas chez
Baumol le même rôle que l’école de Cambridge.
 On observe bien l’influence des coûts d’opportunité, dont d’abord le coût de retrait ou de non
placement du revenu monétaire en dépôt d’épargne.
Ce coût est mesuré par le taux d’intérêt i t qui réduit la demande d’encaisses, puisque le taux
d’intérêt a une influence négative et inversement proportionnel sur la demande de monnaie. On
retrouve de ce fait le message de Keynes et l’idée que le taux d’intérêt représente le coût de la
liquidité immédiate qui affaiblit le volume de l’encaisse active. Le 2ème coût est le coût
d’opportunité c'est à dire les coûts de transaction ct : plus ces coûts sont élevés, davantage
transformer des dépôts en liquidités affaiblit l’encaisse optimale désirée. Car, il est coûteux
d’effectuer des visites auprès des banques pour opérer des retraits. Plus ces coûts de transaction
sont faibles, et davantage les visites au guichet bancaire sont peu coûteuses pour l’agent (ménage
ou entreprise), ce qui entraîne une forte demande de liquidités.
L’analyse de Baumol constitue donc la 1ère synthèse des approches transactionnelles de demande
monnaie, la 2ème synthèse est proposée par Tobin par la théorie des choix de portefeuille.

2- La demande de monnaie dans une optique de choix de


portefeuille
Tobin approfondit la perspective de choix privilégiée par Keynes dans plusieurs directions. La
1ère est qu’il considère que les agents utilisent la monnaie comme un des supports de la richesse, les
autres supports étant les actifs d’épargne financière ou non financière. Les titres et les dépôts longs c'est
à dire des dépôts a terme ou d’épargne sont les actifs d’épargne financière, alors que les actifs
immobiliers, fonciers et les biens durables ou même les œuvres d’art, constituent l’épargne non
financière. Les agents adoptent dans ces conditions des règles de décisions simples pour composer leur
richesse, c'est à dire pour répartir leur richesse entre différents supports.
Règle de décision : les agents détiennent des actifs dont le rendement comparé est le
plus élevé mais également dont le risque de perte en capital comparé est le moins élevé.
Cette règle de décision implique alors que la demande de chaque actif variera en fonction
positive de son rendement et en fonction négative du rendement de l’actif substituable. Tobin utilise pour
cela la microéconomie marginaliste.
Rappel : en microéconomie de la consommation, (ou des fonctions de demande) la demande
d’un bien diminue avec le prix de ce bien, mais augmente avec l’augmentation du bien substituable. Ce
principe est appliqué aux rendements des actifs de richesse. A la seule différence que le rendement ici
figure non pas un prix mais un revenu ; ainsi la demande d’un actif augmente avec son rendement mais
diminue avec le rendement de l’actif concurrent. Par contre le risque sur un actif en augmentant, rend le
30

rendement de cet actif aléatoire. Ce qui en accroît le risque de perte en capital. Donc la demande d’un tel
actif diminue alors que la demande des actifs concurrents augmente.
Ce principe conduit Tobin à écrire les équations de demande d’actifs financiers, de demande
de monnaie et de demande d’actifs réels.

   a    
23 : B dt  B W t ; r Bt ; P t ; i t ;  bt ;  t 
 
   a    
24 : M dt  M W t ; r Bt ; P t ; i t ;  bt ;  t 
 
   a    
25 : AR dt  AR  W t ; r Bt ; P t ; i t ;  bt ;  t 
 
(23) illustre la demande de titres ; elle sera fonction positive du niveau de richesse de
l’agent, (c’est la variable d’échelle) et du rendement des titres.
Par contre elle est fonction négative du rendement des autres actifs, les actifs réels ont pour

rendement la valeur réelle des biens dont une mesure est le taux d’inflation anticipé Pta c'est-à-dire la
prévision de l’inflation à venir. Plus l’inflation à venir est faible plus la monnaie conserve sa valeur au
détriment des biens dont le rendement diminue, et vice versa. Dès lors, un taux d’inflation à venir élevé
réduit l’attrait des titres car leur pouvoir d’achat diminue.
Le taux d’intérêt nominal it désigne le taux de rendement des titres courts. Un tel rendement
lorsqu’il s’élève, réduit l’incitation à détenir des titres longs. De même, la demande de titres diminue
avec le risque de détention des titres, c'est à dire le risque de variation du rendement des titres qui
illustre la probabilité de perte en capital. Plus le risque sur les autres actifs est élevé, plus il est
intéressant de détenir des titres.
Conclusion provisoire : les équations 23, 24 et 25 montrent bien que le
rendement des titres affecte positivement la demande du titre et négativement la demande de
monnaie et des actifs réels. Par contre l’inflation anticipée, mesure du rendement des biens,
affecte négativement la demande de titres et la demande de monnaie mais influence
positivement la demande de biens. Enfin le taux d’intérêt nominal it mesure du rendement des
actifs courts du marché monétaire ou des dépôts d’épargne affecte négativement la demande
des titres comme la demande de monnaie et la demande d’actifs réels.
Le risque sur le rendement des titres affecte négativement la demande de titres, mais
affecte de plus, la détention de monnaie ou d’actifs réels. Le risque sur le rendement des actifs réels
incite à plus de détention de titres ou de monnaie et à moins de détention d’actifs réels.
Cette analyse de Tobin est prolongée dans une 2ème direction, par une analyse plus
fine du risque, c'est à dire des comportements des agents face aux risques. Tobin trouve Keynes très
manichéen. Keynes applique la règle du tout ou rien car si le taux d’intérêt critique est supérieur au taux
d’intérêt du marché, l’agent keynésien composera son portefeuille exclusivement de monnaie et ce sans
titres : tout en monnaie rien en titres. Lorsque le taux critique est inférieur au taux de marché, le
portefeuille sera composé de tout en titres et rien en liquidités. Tobin montre qu’une telle règle de
décision est caricaturale, car les agents ont l’objectif de diversifier leur portefeuille face aux risques de
perte en capital, qu’il encourent. Donc la bonne règle est la règle de diversification optimale du
portefeuille.
2ème règle de décision :

 

26 : R t  rBt .B t    Pta (AR t )   M t   i t .Pt 
 
27 :  t   B .B t    AR .AR t     M .M t    D .D t 
(26) décrit le rendement global du portefeuille, c’est une moyenne pondérée des
rendements respectifs des différents actifs donc , ,  ,  désignent les parts relatives des différents
actifs dans le portefeuille :  pour les titres,  pour les actifs réels,  pour la monnaie et  pour les
dépôts d’épargne.
31

La monnaie n’apporte pas de rendement pécuniaire mais elle procure un rendement


non pécuniaire qui est constitué des services de liquidité.
Le risque global du portefeuille est donné par (27) : ce risque est la moyenne
pondérée des risques associés aux rendements aléatoires des différents actifs. Tous les actifs sauf la
monnaie ont un rendement pécuniaire aléatoire.
Mais la monnaie a aussi un rendement aléatoire en régime d’inflation forte et instable.
Tobin pose par conséquent comme règle de diversification optimale du
portefeuille le principe suivant : le portefeuille optimal c'est à dire bien composé, est celui dont le
rendement global est maximum et celui dont le risque global associé est minimum.
Un tel portefeuille est par exemple celui obtenu à l’équilibre des actifs financiers : c’est
le portefeuille issu de la droite de marché. La droite de marché décrit l’ensemble des portefeuilles
efficient sur le plan rendement global-risque global, et on observe que ce sont des portefeuilles pour
lesquels le rendement s’accroît proportionnellement, c'est à dire des portefeuilles d’autant rentables
qu’ils sont risqués.

Ce type de portefeuille implique alors un volume de liquidités désirées optimal, à


savoir celui qui notamment rend le risque global du portefeuille minimal.
Conséquence : la demande de monnaie découle alors de l’équilibre des actifs
financiers, c'est à dire de l’équilibre dans la composition des portefeuilles entre différents
actifs risqués : c’est le sens du MEDAF, modèle d’équilibre des actifs financiers élaboré vers 1950, à
partir des règles de décisions en régime d’incertitude établies en 1949 par Von NEUMAN et
MORGENSTERN :

Rt

MEDAF
Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers

Le 3ème apport de Tobin est de distinguer le comportement des agents face aux risques, et à ce titre cet
auteur distingue 3 catégories d’agents.
 Celui qui a une forte aversion vis-à-vis du risque (« risk averse ») : il est
fortement adversaire du risque. Pour un portefeuille de risque global donné, cet agent ne détiendra des
titres ou des actifs réels que si les rendements de ces supports de richesse accroissent le rendement
global. A défaut, il préférera détenir toute sa richesse en monnaie. Ce type d’agents fuient le risque de
perte en capital. Ils sont pessimistes ou observent une prudence excessive : ce sont des Risquophobes.
 Les agents ayant une faible aversion au risque c'est à dire aimant le risque :
« risk lover », car ils sont en quête de plus-value en capital. La motivation est de rechercher le maximum
de gains. Les risk lover sont optimistes. Ils détiendront des titres en même que les actifs réels ou la
monnaie. Le but étant surtout de maximiser le rendement total du portefeuille ce quel que soit le risque
de perte en capital encouru. Ils vont souvent détenir une part relative plus forte de titres et une part
relative plus faible de monnaie, car ils veulent saisir les moindres variations du taux d’intérêt pour faire
des opérations sur titres source de gain en capital. On peut parler des Risquophiles.
 Les agents neutres vis-à-vis du risque : cherchent à diversifier leur portefeuille
ou leur richesse. C’’est pourquoi ils choisiront entre 2 portefeuilles de rendement global identique ; celui
dont le risque global est le plus faible. C’est par conséquent pour ces agents que la demande de monnaie
est fonction décroissante du taux d’intérêt comme chez Keynes. Car, plus les taux d’intérêt baissent, plus
on peut s’attendre à une variation en hausse des cours des titres ; ce qui implique de composer le
portefeuille en grande partie des titres qui ne font pas courir de risques de pertes en capital. Plus les
32

taux d’intérêt montent, davantage le risque de variation à la baisse du cours des titres est grand, ce qui
justifie la détention d’un portefeuille faiblement risqué et plutôt composé de monnaie.
Conséquence : Tobin montre que la demande de monnaie résulte de l’agrégation des fonctions de
demande de monnaie des différents agents suivants les 3 catégories dans le degré d’aversion vis-à-vis
du risque. Mais cette fonction de demande d’encaisse n’est pas indépendante de la fonction de demande
de titres ou même de la demande d’actifs réels, puisque les parts relatives de ces supports de richesse
dans les portefeuilles, dépendent des risques comparés et des rendements comparés.
Ce faisant, Tobin élargit la perspective de l’arbitrage entre monnaie – titres adoptée par Keynes.
Toutefois, son analyse malgré la prise en compte de l’incertitude, avec les risques spécifiques sur les
différents actifs (le risque de variation du cours) et du risque global du portefeuille est imparfaite.
L’analyse de prévision du taux d’intérêt n’est pas aussi élégante que chez Keynes ; Tobin ne considère
pas les prévisions hétérogènes de taux ou alors les prévisions incertaines comme le faisait Keynes.
Ceci lui interdit d’examiner le caractère instable de la demande de monnaie que
Keynes a mis en évidence, avec l’hétérogénéité des prévisions de taux d’intérêt du marché par rapport
au taux critique.
Quoi qu’il en soit, les analyses Keynésienne et néo keynésiennes sont remises en
cause par les théoriciens monétaristes, qui tout en donnant une place centrale à la monnaie dans
l’analyse économique, renouvellent la théorie de la demande de monnaie, avec notamment la prise en
compte des anticipations d’inflation, et rétablissent la validité de la théorie quantitative de la monnaie
rejetée par Keynes.

SECTION II- DEMANDE DE MONNAIE ET RENOUVEAU


DE LA THEORIE QUANTITATIVE DE LA MONNAIE

La théorie de la demande de monnaie est renouvelée dans 2 directions principales


 La première consiste avec Milton Friedmann (1956 – 1968), à redonner des
fondations à la théorie de la demande de monnaie, la détention de monnaie s’inscrivant dans la
perspective de la gestion de la richesse ou du patrimoine.
 La seconde direction porte plus précisément sur le rôle des prix comme facteur
de demande de monnaie. Ici en particulier il s’agit de l’analyse des anticipations d’inflation
renouvelée successivement par Philip CAGAN (1956) et John MUTH (1961) et Robert LUCAS Jr
(1972).prix Nobel dans les années 1990. il s’agit aussi du rôle du coût de la liquidité, lequel est
réactualisé dans la période contemporaine depuis les années 2000, alors que les vérifications
empiriques de Friedman avaient conduit à le minorer.

A- LA DEMANDE DE MONNAIE DANS UNE OPTIQUE DE GESTION


DE RICHESSE OU DE GESTION DE PATRIMOINE

Milton Friedman partage l’intuition de Keynes et de Tobin que la monnaie est un actif de
richesse ; mais il prolonge cette intuition en montrant que la détention de monnaie découle d’un
comportement de gestion du stock total de richesse ou du stock total du patrimoine. C’est pourquoi
la demande de monnaie illustre un comportement de détention d’un stock d’encaisses.
Friedman s’attache à expliquer ce comportement en 3 temps principaux :
− Il met en évidence la rationalité microéconomique à l’œuvre pour l’agent
désireux de détenir un stock d’encaisses.
− En spécifiant une équation générale de demande de monnaie, Friedman admet une
série d’hypothèses pour en déduire une forme simplifiée qui est l’équation de demande d’encaisses
réelles, dont la variable d’échelle principale est le stock de richesse mesuré par le revenu
33

permanent. A côté de cette variable d’échelle, on trouve le rôle des prix que sont le taux d’inflation
anticipée et le taux d’intérêt nominal. Puis, Friedman procède à des vérifications empiriques
suivant le principe de l’économie positive « positive economics ». Friedman introduit au début
des années 1950 le principe de l’économie positive, à savoir que toute théorie n’est valide que si
elle peut résister au feu de la vérification empirique, c'est à dire statistique principalement.
− Cette étape consiste alors à déduire des vérifications empiriques obtenues, la
constance de la vitesse de circulation de la monnaie. Dans ces conditions, la théorie quantitative de
Fisher et de l’Ecole de Cambridge rejetée par Keynes, se retrouve ici validée par l’équation de
demande d’encaisses réelles de Friedman, qui du fait d’une vitesse-revenu unitaire, est
(comparable) identique à une équation de vitesse de circulation

1- La relation microéconomique dans la détention des encaisses réelles


Friedman considère la monnaie comme un bien non différent des autres biens ce qui le
sépare de Tobin et Baumol et le rapproche des précurseurs comme J-B SAY, Ricardo ou Walras.
Afin d’illustrer ce constat, Friedman précise le cadre général de la détention de monnaie.
 En 1er lieu : la richesse qui contraint la demande de biens de consommation
par le ménage est la même variable qui contraint la demande de monnaie que ce soit pour le
ménage ou l’entreprise.
 De ce fait la détention de monnaie est soumise comme la détention de biens à
la loi du rendement marginal de la dernière unité.
C’est pourquoi le rendement d’usage de la dernière unité de monnaie détenue doit être
comparé au rendement pécuniaire des actifs concurrents :
De cette comparaison découle alors la quantité de monnaie désirée, la quantité d’actifs
financiers et /ou la quantité des actifs réels ; c'est à dire les parts relatives des différents actifs
composant la richesse. A ce titre on retrouve 2 idées anciennes :
- La 1ère est celle de Fisher et Pigou : la monnaie étant un substitut des biens, la
comparaison du rendement pécuniaire des biens et du rendement non pécuniaire de la monnaie
aboutit à l’effet de substitution inter-temporel monnaie – biens (Pigou). Ce qui signifie que le
rendement des biens étant l’inverse du déflateur des prix des biens, il décrit le pouvoir d’achat de
la monnaie, ce qui conduit à bien montrer que le rendement des biens est le facteur d’arbitrage
entre monnaie et biens.
- La 2ème idée remonte à Keynes et est prolongée par Tobin : Friedman reprend à son
compte le fait que la monnaie est un concurrent des actifs financiers, et il convient de comparer le
rendement des actifs financiers et le rendement non pécuniaire de la monnaie. Il y a donc bien un
arbitrage monnaie-titres et un effet de substitution entre monnaie et titres, découlant de cette
comparaison, c'est à dire du niveau du coût de la liquidité.
 En 2ème lieu : chez Friedman il n’y a pas de distinction comme chez Keynes de
différents motifs dans la détention d’encaisses. L’encaisse totale est donc indivisible, unique. Il
s’agit d’une encaisse réelle car l’agent privé n’est pas sujet à l’illusion monétaire ; il sait distinguer
entre la valeur nominale des biens et services et de ce fait entre les encaisses nominales, et la
valeur réelle de ces biens c'est à dire du pouvoir d’achat des encaisses nominales détenues. Enfin
l’encaisse totale est principalement une encaisse active ou de transaction qui subit un coût : le coût
de la liquidité. Ce coût est la perte de revenu qui aurait pu résulter du placement alternatif du
capital dans une épargne rémunérée au lieu de l’immobiliser dans la liquidité. C’est pourquoi le
rendement e la liquidité doit être comparé au rendement des titres (taux d’intérêt) puis
au rendement des biens (niveau des prix et taux d’inflation anticipée). De ce fait
Friedman fait la synthèse de toutes les approches de la demande de monnaie.

 En 3ème lieu, la demande de monnaie ne se distingue pas selon les agents


(ménages ou entreprises) ; car, ce qui compte, ce sont les services de liquidité. Friedman établit
donc une équation demande de monnaie pour un agent privé représentatif.

2- Les déterminants de la demande de monnaie dans l’équation structurelle


Selon Friedman, la richesse de l’agent représentatif constitue sa contrainte de
patrimoine, ce qui signifie qu’il ne peut pas détenir plus de liquidités qu’il n’a de richesse, c’est pourquoi
la richesse constitue a variable d’échelle.
34

Par ailleurs les rendements effectifs ou anticipés des différents actifs influencent
également la demande de monnaie.
L’équation structurelle s’écrit alors :

 . a

(28) M d
t  P t  W t , bt , P t , u t 
r
 
Ici la demande de monnaie est fonction du niveau des prix, du niveau de la richesse,
Wt, du rendement des titres, rbt, du rendement des actifs ou des biens, a , mais également des
Pt
références, des goûts des agents liés aux habitudes de paiement, c'est à dire aux signes monétaires
qu’ils préfèrent, lesquels dépendent de la nature du système bancaire, toutes choses qui influencent la
vitesse de circulation de la monnaie comme chez Fisher.
Dans cette équation structurelle, on a quelques propriétés : la 1ère est que (28) est
homogène de degré 1 par rapport au niveau des prix suivant la rationalité de l’agent. N’étant pas sujet à
l’illusion monétaire, il recherche constamment le pouvoir d’achat en termes de biens et services que
confère le niveau des encaisses nominales. Dès lors, la demande d’encaisses est une fonction de la
demande d’encaisses réelles qui s’écrit :

 Md   

(28’) :     Wt , rBt , Pta , u t 
 P   
 t  
Ce qui signifie que le niveau des encaisses désirées augmente proportionnellement au niveau des prix.
Les trois autres propriétés sont liées aux trois variables principales de la demande
d’encaisses, à savoir la richesse financière (ou le patrimoine), Wt, le rendement des titres, rbt, et le taux

d’inflation anticipé Pa .
t

b) Le rôle de la richesse ou du revenu permanent


Friedman remplace le revenu courant réel comme chez Pigou ou nominal comme chez
Keynes, par la richesse. Il s’inspire de la théorie du consommateur. La demande de biens de
consommation subissant comme la demande de monnaie la même contrainte, à savoir la contrainte de
richesse.
Toutefois, la richesse Wt est une variable difficile à mesurer, car c’est un stock et il
rentre des éléments de patrimoine dont les cours de marché n’existent pas toujours.
C’est pourquoi Friedman l’approxime par la notion de revenu permanent.
Définition : Le revenu permanent est le flux de revenus issus de la détention de
richesse.
(29) YPt = itWt
Le flux de revenu est constitué à la fois de revenus matériels et de revenus
immatériels. Les revenus matériels sont les revenus salariaux liés aux qualifications du ménage, mais ils
sont aussi liés aux intérêts, aux coupons, aux dividendes issus de la détention des dépôts d’épargne, des
obligations ou des actions. Enfin les loyers des immeubles de rapport ou les baux des terrains produisent
également des revenus. Friedman ajoute que le revenu permanent est tel que sa consommation par
l’agent ne l’appauvrit jamais. Donc le revenu permanent est à la fois un indicateur de la richesse effective
à toute période t, mais aussi un indicateur du revenu potentiel de l’agent sur l’ensemble de son cycle de
vie.
C’est pourquoi sa consommation ne peut pas appauvrir l’agent.
Ces deux définitions, le revenu permanent flux de revenu issu de la détention de
richesse ou revenu permanent, revenu potentiel de l’agent sur l’ensemble de son cycle de vie, posent
néanmoins un problème.
Le problème est qu’à partir de (29) on a une équation à deux inconnues, si toutefois i t
est le taux d’intérêt connu sur le marché. On ne sait donc pas mesurer le revenu permanent si l’on n’a
pas d’idée préalable sur le niveau de richesse.
Friedman propose 2 solutions différentes pour contourner cette difficulté :
- la 1ère correspond à la 2ème définition du revenu permanent avec (30)
35

m Yt  j
(30) : YPt  
j1 (1  ij)j
(30) signifie que le revenu permanent est la somme actualisée des revenus courants et
futurs. Les revenus courants et futurs étant ramenés en valeur d’aujourd'hui aux taux d’intérêt qui
prévalent aux différentes périodes futures (i J) ; car, l’agent a un plan de consommation inter temporel.
De ce fait son revenu permanent est le revenu total escompté devant permettre de satisfaire à la
fonction d’utilité sur plusieurs périodes.
C’est pourquoi un tel revenu ne peut pas être consommé en une seule fois, c’est le
revenu durable, permanent. (il ne diminue jamais).
Ce revenu permanent diffère du revenu courant ou transitoire qui n’en est qu’une
infime composante.

Yt 1 Yt  2 Yt  j Yt  m
YPt  Yt    
(1  i1 ) 1
(1  i 2 ) 2
(1  i j ) j
(1  i m ) m
Exemple de revenu permanent : un étudiant gagne 150€/20h hebdomadaires, soit
600€/mois. Après son diplôme, son employeur revalorise son salaire qui passe à 170€/mois. Mais
l’étudiant prévoit une amélioration de sa qualification et obtient son Master2 NIP qui lui donne droit à un
salaire de 2500€/mois. Son plan de carrière est qu’au bout de 15 ans de fonction, il doublera son salaire,
et au bout de 30 ans il obtiendra un salaire de 10 000€/mois.
Cet étudiant considère que son revenu permanent est la somme actualisée de ce
différents salaires annuels correspondant aux différentes phases de sa carrière, cette moyenne étant
(600 x 12) + (750 x 12 x 3) + (2500 x 12 x 15) + (5000 x 12 x 15) + (10 000 x 12 x 5).
L’étudiant fait un plan de consommation qui dépend du revenu permanent (Ypt =
moyen) et le revenu transitoire (Yt = 600). Ct = (Ypt,Yt).
Revenu permanent actualisé (4%) = 47 227€/an soit 3935€/mois.
Cet exemple montre bien que le revenu permanent reste fortement dépendant de
prévision de revenus futurs, ces prévisions pouvant se révéler aléatoires.
Le revenu permanent ainsi défini par (30) et illustré par l’exemple reste une variable
aléatoire qui ne permet pas de contourner la difficulté de mesure de la richesse.
C’est pourquoi Friedman propose une autre méthode empirique pour mesurer le
revenu permanent, c’est la méthode de l’ajustement adaptatif du revenu permanent de période à période
donnée par (31)

YPt  YPt 1   Y  YPt 1  


(30 bis)
YPt  Y  (1  )YPt 1

Deux cas se présentent :


  0  YPt  YPt 1
  1  YPt  Y

(31) signifie que le revenu permanent est mesuré par adaptation du revenu permanent
passé (YPt-1), compte tenu de l’inflation qui constitue le « revenu normal de long terme », Y.
En clair, pour connaître le revenu permanent d’aujourd'hui, YPt, l’agent représentatif
révise l’évaluation de son revenu permanent passé. Cette révision est fonction de 2 éléments : d’un côté
le revenu normal de long terme Y barre et le coefficient de révision ou d’adaptation λ (revenu normal =
3935/mois).
On a donc deux cas qui illustrent la rapidité de révision par l’agent de son revenu
antérieur pour connaître son revenu permanent contemporain. Lorsque λ est nul, le coefficient
d’adaptation est nul, dès lors l’agent ne réévalue pas son revenu permanent qui est identique à sa valeur
passé ( YPt  YPt 1 ) : on dit que l’agent est inerte c'est à dire myope, c'est à dire qu’il n’observe pas

l’information constitués par son revenu normal de long terme ( Y ) pour réviser son revenu permanent.
36

Lorsque λ = 1 le coefficient d’adaptation est unitaire ou entier ce qui signifie que


l’agent révise vite l’évaluation de son revenu permanent et la situe à son revenu normal de long terme.
L’agent est donc dit rationnel et il procède à des anticipations rationnelles de revenu permanent. C’est
pour cela que l’on parle d’ajustement adaptatif.

Conséquence : L’agent rationnel corrige les erreurs passées d’évaluation de sa richesse


ou du revenu permanent par adaptation : il s’agit donc d’une correction graduelle. Mais la rapidité de
correction illustre le degré de rationalité de l’agent. Un agent irrationnel ou statique, c'est à dire myope
est celui qui n’envisage aucune correction, alors qu’un agent rationnel est celui qui corrige vite ses
erreurs passées.
On peut enfin calculer la vitesse d’ajustement par le rapport de λ à 1 – λ : (1/ 1- λ)
c'est à dire la vitesse d’ajustement.
Friedman, enfin introduit l’analyse statistique pour refonder la théorie économique, ce
qui fournit un nouvel enrichissement des variables explicatives de la demande de monnaie dont il faut à
présent examiner le rôle respectif des rendements des différents actifs concurrents de la monnaie.
c) Le rôle des rendements des différents actifs concurrents de la monnaie
En ce qui concerne le rendement des titres, celui de l’obligation (coupon) qui peut être
analysé comme un revenu fixe puisque c’est la somme du taux d’intérêt et d’une plus value (moins
value) en capital issue de la variation du cours de l’obligation. Le rendement des actions (dividende) qui
également peut être augmenté de la variation à la hausse ou à la baisse du cours de l’action. rBT désigne
donc ce rendement des titres.
Quant au rendement des actifs réels, comme chez Tobin, il est mesuré par l’inflation
anticipée, car celle-ci décrit le rendement des biens durables (terrains ou actifs fonciers, immeubles,
œuvres d’arts…). Ces biens durables ont une valeur qui augmente avec les services qu’ils apportent alors
que cette valeur est négativement liée par rapport aux services qu’apporte la monnaie.
Inflation élevée = perte de pouvoir d’achat : Une inflation à venir élevée réduit le
pouvoir d’achat de la monnaie tout en augmentant la valeur des biens durables.

Pt a mesure de ce fait cette valeur.

Mais contrairement aux rendements des titres, il s’agit d’une variable non observée.
Friedman utilise alors un principe examiné précédemment, à savoir le mécanisme d’anticipation,
adaptatives qu’il applique à l’inflation suivant l’enseignement de Philippe CAGAN qui est le premier à
utiliser ce mécanisme pour étudier l’hyper inflation de l’Allemagne des années 1928 à 1933.
 
 
 
Pta  Pt 1   P  Pt 1 
a
(31) :   0   1
  
Pta   P  (1   ) Pt 1

  
   0  Pta  Pt 1
  

  1  Pt  P
a

Pour   0 on a des anticipations statiques, c’est-à-dire mimétiques.


Pour   1 on a des anticipations parfaites.

Le mécanisme d’anticipations adaptatives de l’inflation signifie que l’agent économique



pour prévoir l’inflation future Pta corrige l’évaluation passée de l’inflation par adaptation, c'est-à-dire

ajustement graduel en tenant compte de l’information contenue dans l’inflation de long terme P lorsque
l’offre de biens est égale à la demande de biens, en l’absence de tout déséquilibre.
37

L’agent tient également compte de sa rapidité d’ajustement, c'est à dire de sa capacité


à intégrer rapidement l’information compte tenu de l’inflation de long terme. Cette capacité est donnée
par ψ coefficient d’adaptation qui varie entre 0 et 1.
Deux cas polaires illustrent alors le comportement de l’agent. Soit ψ est nul dans ce
 
cas Pta  Pt 1 l’inflation future prévue est égale à l’inflation déjà observée dans le passé. Donc l’agent
mime tout simplement l’inflation passée pour prévoir l’inflation future. De ce fait il est irrationnel car il
procède à des anticipations statiques puisqu’il reproduit simplement le passé pour prévoir le futur.
Remarque : Pourquoi un tel agent est-il irrationnel ?

2
%

Temps Temps

Le coût de l’erreur de prévision peut être dramatique.


Friedman ignore les coûts et les préférences des individus et des entreprises, puisqu’il
les suppose identiques mais surtout stables comme chez Fisher ; car, ce sont des variables déterminées
par des facteurs structurels. Il fait une dernière hypothèse relative aux rendements des titres où il
suppose que les rendements des titres à long terme sont égaux au taux d’intérêt de marché à court
terme.
Cette hypothèse relève de la structure à terme des taux d’intérêt :
Définition : on appelle structure à terme du taux d’intérêt la relation entre les taux
r Bt  i t   t
a
d’intérêt à long terme et les taux d’intérêt à court terme. Cette relation est de type (32)

 est la prime de risque = i at

(32) rBt  i t  (i at )


Le rendement à long terme d’un titre est égal au taux d’intérêt à court terme du marché augmenté de la
plus-value ou la moins-value en capital anticipée, qui décrit la prime de risque c'est à dire le revenu
que souhaite l’agent pour accepter d’immobiliser son capital à long terme et de renoncer à la liquidité de
ce capital ou à un dépôt d’épargne à court terme.

Structure à terme
normale

Structure à terme plate

Structure à terme
atypique
it

Une structure à terme plate est une structure à terme atypique : rBt  i t 
38

Friedman fait donc l’hypothèse d’une structure à terme plate qui implique également
que les anticipations de taux d’intérêt sont parfaites et de ce fait le taux de rendement à long terme est
égal au taux à court terme.
Friedman déduit de ces hypothèses l’équation réduite de demande de monnaie compte
tenu des équations de définition des variables qui la déterminent :


YPt   Y  YPt 1 
 Md   
 
 
(33)     YP ; rt ; P a  avec (34) Pta    P   (1   ) Pt 1
 P   t t 
 t    
rBt  i t   rta  
(33) décrit la demande d’encaisses réelles fonctions du revenu permanent de façon
positive (indicateur de richesse) et en fonction négative :
- du taux d’intérêt qui comme chez Keynes mesure, reflète l’arbitrage monnaie – titres
ou l’arbitrage épargne liquide contre épargne financière non liquide : plus le taux d’intérêt est bas moins
les actifs financiers rapportent ; donc il vaut mieux détenir de la monnaie. Et vice-versa ;
- du taux inflation anticipée qui mesure l’arbitrage entre monnaie et biens. Ainsi plus le
taux d’inflation prévue est élevé, moins la monnaie est attractive ce qui justifie de s’en débarrasser et
d’acquérir des biens. Et vice-versa.
Car, le taux d’inflation anticipée élevé réduit le pouvoir d’achat de la monnaie et
l’intérêt de sa détention ; il vaut mieux détenir des biens durables ou des actifs réels. Inversement
lorsque le taux d’inflation anticipée est bas, le pouvoir d’achat de la monnaie est élevé ce qui réduit
l’attractivité des biens et augmente celle de la monnaie.
Cette équation (33) devient une forme réduite lorsqu’on remplace
respectivement le revenu permanent et le taux d’inflation anticipée par leur définition donnée
dans (34) où ces variables au départ non observées et théoriques, deviennent observables.
Conséquence : Milton Friedman fournit la Magna Carta (carte magnifique) de la
théorie de la demande de monnaie ou la quintessence, car avec (33) sous contrainte de (34),
l’analyse économique intègre la théorie statistique et les hypothèses de mesure qu’elle
permet.
Friedman va cependant tenter de dépasser (33) et (34) en procédant à la mesure de
(33) suivant le principe de l’économie positive. Il en déduit la vitesse de circulation de la monnaie et la
restauration de la théorie quantitative.

d) L’expression de la vitesse de circulation de la monnaie et la restauration de


la théorie quantitative
Friedman va d’abord tenter d’estimer empiriquement une élasticité-revenu permanent
et une semi élasticité intérêt et inflation anticipée. Pour cela, il prend une forme log linéaire de type (35).

  
d d
M b M
(35) :    YPt .e .(i t )  ln   k ln YPt  b(i t )  c Pta 
k

 P t  P t  
Ainsi on peut en déduire l’élasticité-revenu (k) et les semi- élasticités intérêt notée (-
b) et inflation anticipée (-c) en prenant les dérivées 1ères de (35) par rapport au revenu permanent et au
taux d’intérêt et à l’inflation anticipée, après linéarisation

 ln MP t  ln MP t  ln MP t


d d d

k ;  b ;  c
 lnYPt   lni t   . 
 ln Pta 
 
Friedman et Schwartz procèdent à l’estimation de (35’) pour les ETATS-UNIS sur la
période 1858 – 1958 à l’exclusion des années de guerre. Ils obtiennent les résultats suivants : k̂  1,81
et b̂  ĉ  0 .
39

MCO : méthode des moindres carrés ordinaires.


Ces résultats ont deux significations majeures :
- en 1er lieu l’élasticité-revenu permanent de la demande de monnaie, k est supérieure
à l’unité.
Ceci signifie que la monnaie est un bien de luxe car la demande de monnaie augmente
plus que proportionnellement au revenu permanent. Lorsque le revenu permanent augmente de 1% la
demande de monnaie augmente de 1,81%.
Rappel : Giffen a distingué les biens suivant qu’ils sont normaux, inférieurs,
de luxe en tenant compte de l’élasticité prix et revenu respective associées aux fonctions de
demande correspondantes.
Un bien normal a une élasticité prix de demande <0 et une élasticité revenu
>0 mais non unitaire.
Un bien inférieur à une élasticité prix de demande <0 et une élasticité revenu
nul mais non unitaire.
Un bien de luxe à une élasticité prix de demande >0 et une élasticité revenu
>0.
La demande de monnaie est donc fonction positive du revenu alors que les
prix n’ont pas d’influence.
Avec les semi-élasticités intérêt et inflation anticipées statistiquement nulles,
ce qui veut dire qu’on peut écrire l’estimation de (35) par (36).
(36) ln(M/P)=1,81ln(YPt) soit lnM-lnP=1,81lnYpt.
Cette expression est analogue à l’expression de la vitesse de circulation. Car,
Reprenons l’équation des échanges de Fisher :

M t .v t  Pt .Yt
ln M t  ln v t  ln Pt  ln Yt
ln v t  ln Pt  ln Yt  ln M t
Cette estimation consiste en effet à montrer que la demande de monnaie d’une
élasticité-revenu égale ou supérieure à l’unité, est tout simplement l’expression d’une vitesse de
circulation constante. Plus fondamentalement, demande de monnaie et vitesse de circulation
signifient la même chose, puisque les déterminants de la demande de monnaie sont les
mêmes que ceux de la vitesse de circulation.
C’est ainsi que Friedman restaure l’équation des échanges et en particulier l’hypothèse
de la constance de la vitesse de circulation.
Ainsi il prend un cas particulier, celui d’une élasticité unitaire de la demande de
monnaie, et 0 ailleurs pour les semi-élasticités.
Par analogie à l’équation quantitative, il vient l’équation suivante :
ln(M/P)=1*ln(YPt) , soit ln (vt) = - [ln(M)t – ln(P)t – ln(Yt] = 0
Friedman trouve donc aussi bien pour une élasticité revenu ≥1, que la vitesse de
circulation de la monnaie est constante. Il en déduit que la demande de monnaie est stablement
reliée au revenu permanent, et que la constante de vitesse de la circulation associée signifie
que la demande de monnaie est stable.
Il en découle deux conséquences :
La 1ère : une demande de monnaie stable conduit à rejeter l’hypothèse keynésienne de
l’instabilité naturelle de la demande de monnaie, qui était due chez Keynes aux prévisions hétérogènes
des taux d’intérêt (lorsqu’on se situe entre le taux critique minimum et maximum).
Le 2ème : Friedman en déduit donc la réévaluation de la théorie quantitative de la
monnaie. En effet partant de ce cas particulier, utilisons la différentielle logarithmique.
Or le revenu permanent est un indicateur de richesse donc il est stable.
40

On retrouve le résultat que l’inflation que l’inflation est toujours et partout un


phénomène purement monétaire.
Conséquence : Friedman non seulement approfondit la théorie de la demande de
monnaie en utilisant des outils empruntés à la théorie statistique, en spécifiant des mécanismes
d’anticipations simples ; mais institue également la contrainte de l’économie positive, en essayant
systématiquement de confronter la théorie à la vérification empirique. De même ces théories
renouvelées restaurent 2 propositions anciennes :
La constante de la vitesse de circulation de la monnaie signifie la stabilité de
la demande de monnaie.
La théorie quantitative de la monnaie qui établit que la source principale de
l’inflation est d’origine monétaire.
Expliquons ce mécanisme d’inflation monétaire :
Admettons un équilibre initial entre l’offre et la demande de monnaie qui lui même
correspond à un équilibre entre l’offre et la demande de biens.
Supposons un afflux brusque de liquidités rendues disponibles pour les ménages et les
entreprises. Or, l’offre de biens est maximale puisqu’elle correspond au plein-emploi des facteurs : il en
découle un revenu permanent stable pour les ménages.
L’afflux de liquidités va alors induire une demande excédentaire de biens, car les
ménages disposent d’un pouvoir d’achat nominal supplémentaire. Ne pouvant répondre à cette demande
supplémentaire de biens, les entreprises tenteront de capter le surplus des consommateurs, en élevant
les prix de biens (en l’absence d’importations, car on raisonne en économie fermée).
La hausse des prix est donc bien la conséquence d’une demande excédentaire de biens
par rapport à l’offre, ellemême le résultat d’une offre de monnaie excédentaire par rapport à la demande
de monnaie.
On retrouve de ce fait le message de la théorie quantitative de la monnaie.
A savoir, la vitesse de circulation de la monnaie étant constante c'est à dire la
demande de monnaie étant stable, de toute(s) variation(s) du niveau des prix absolus c'est à dire toutes
variation(s) du taux d’inflation, découle (nt) des variations de l’offre de monnaie, toutes choses restant
égales par ailleurs.
Toute cette analyse est renouvelée dans la période contemporaine, car depuis le début
des années 1980, avec la globalisation des marchés mais surtout avec la baisse de l’inflation, les taux
d’intérêt jouent un rôle nouveau dans l’arbitrage monnaie – titres.

B- Demande de Monnaie et Renouvellement de l’Arbitrage


Monnaie – Titres
La théorie de la demande de monnaie est renouvelée à 2 niveaux : d’un côté, on distingue le
comportement de demande d’encaisses désirées du comportement de demande d’encaisses effectives ;
de l’autre côté, le rôle des prix évolue à la faveur du renouveau de la théorie des anticipations de
l’inflation mais également du rôle du coût de la liquidité.
1- Encaisses désirées à long terme et encaisses effectives détenues à court terme
Toute l’analyse précédente de Friedman systématisée dans le système (37) est en fait
l’analyse de la demande d’encaisses désirées à long terme, c'est à dire le niveau optimal des encaisses
réelles souhaitées par l’agent représentatif et correspondant à son revenu permanent. A court terme, il
n’est pas certain que les encaisses effectivement détenues correspondent à ce niveau optimal. Les
encaisses désirées se notent suivant (35) par exemple.
Alors que les encaisses effectivement détenues tiennent compte d’un terme retardé de
la variable endogène.
Milton Friedman va alors établir qu’à chaque période t, l’agent va tenter d’ajuster son
niveau d’encaisses effectives au niveau désiré souhaité à long terme.
Remarque : plusieurs facteurs peuvent éloigner les encaisses détenues du niveau
souhaité. Par exemple des rationnements de liquidités auprès des banques en cas de crise bancaire
41

(Argentine 2002). Ou encore des pratiques bancaires diverses. L’agent face à ses différents facteurs va
procéder à un ajustement partiel des encaisses effectives aux encaisses désirées.
On parle alors d’un processus d’ajustement partiel des encaisses effectives aux
encaisses désirées. Cet ajustement s’effectue donc de période à période, en fonction de l’écart entre les
encaisses désirées à long terme et les encaisses détenues antérieurement. Cette fonction est dépendante
du paramètre delta qui est le coefficient d’ajustement partiel (équation 37).
Si delta est nul, l’ajustement c'est à dire la correction du stock d’encaisses réelles
effectivement détenu vis-à-vis du bon stock est très lente. Parce que l’agent est irrationnel et ne tient
pas compte du bon stock, il s’attache au stock d’encaisses détenues dans le passé.
Exemple de l’étudiant vu avant : lorsque son revenu augmente en passant de 600€ à
750€, il demande toujours la même quantité d’encaisses, le même stock d’encaisses. Il est donc
irrationnel.
Si delta = 1, l’agent rationnel ajuste vite son niveau d’encaisses au stock d’encaisses
désirées à long terme, il est rationnel.
Cette analyse permet donc de distinguer la demande de monnaie de long terme et de
court terme. Pour le montrer, considérons une équation de demande de monnaie Log – linéarisée comme
dans (35). Distinguer l’encaisse souhaitée (désirée) à long terme de l’encaisse effective à court terme,
revient à supposer que l’encaisse à long terme s’obtient à partir de l’estimation de l’encaisse effective
suivant le processus d’ajustement partiel (37).
Dès lors soit k, élasticité-revenu à court terme, b semi élasticité, c semi élasticité
inflation anticipée à court terme.
d
M M M
(37) ln    ln   (1  ) ln 
 P t P  P  t 1

k   (k )CT  k '  1kd 


 
Soit b  semi  elasticite (int éret )CT CT  b'  1bd LT
c  semi  elasticite (inf lation )CT  c'  1cd 

2- Une Application aux données empiriques

Soit L’estimation pour la France d’une équation de demande de monnaie à court terme de la forme
suivante :

Ln (M/P) d
t = 0,20 * Ln (Ypt) - 0,04* (it) - 0,18 * (πat) + 0,80 Ln (M/P)t-1

En déduire la relation de long terme de la demande d’encaisses désirées.

Réponse
Dressons un petit tableau des paramètres estimés à court terme et à long terme.

Variables de la demande Paramètres estimés de la Paramètres estimés de la


de monnaie Demande d’Encaisses Demande d’Encaisses
effectives à Court terme Réelles à Long terme

Revenu permanent k = 0.20 k’ =k/δ= 0.2/0.2 = 1

Taux d’intérêt nominal b = -0.04 b’ = b/δ= -0,04/0,2= -


0.2
42

Inflation anticipée c= -0.18 c’ = c/δ= -0.18/0.2=-0.9

Encaisse antérieurement d= 0.80 d’= 0 car δ’ = 1


détenue

Coefficient d’ajustement δ δ = 1- d = 0.20 δ’= 1

On a alors la relation de long terme suivante décrivant l’encaisse effectivement détenue


à long terme :

(38) Ln (M/P) *
t = 1 * Ln (Ypt) - 0,2* (it) - 0,9 * (πat)

Cette relation fournit une élasticité-revenu unitaire, une élasticité-intérêt égale à -0.2 et une
élasticité-inflation anticipée égale à -0.9.
A supposer que les paramètres estimés du taux d’intérêt nominal et du taux d’inflation
anticipée ne soient pas significatifs au sens statistique (non significativement différents de
zéro au sens du test de T de Student), on en déduit qu’à long terme :
(39) Ln (M/P) *
t = 1 * Ln (Ypt) ; soit (M /P)*t = Y pt, soit encore M*t = Pt * Y pt

Or, avec (v t) = (Pt*Y pt) / Mt, il vient que v t = 1.


L’encaisse désirée à long terme est proportionnelle au Revenu permanent en valeur, et la
vitesse de circulation devient constante et unitaire. On retrouve l’équation des échanges de
Irving FISHER (la théorie quantitative de la monnaie), dont on peut déduire que l’inflation est
toujours et partout un phénomène d’origine purement monétaire. Dès lors que l’on écrit
(39) en variation (différence logarithmique), et que l’on suppose que le taux de croissance du
revenu permanent est nul (taux de croissance de Y pt = 0), le taux de croissance de la vitesse est
alors nul (elle est stable), au plein-emploi des facteurs.

pt) = 0, ΔLn( M)*t = Δ Ln (P t) et π t = taux de croissance


Pour Δ Ln (M/P)* t = Δ Ln (Y
de l’inflation = taux de croissance de la masse monétaire (M t).

3- Le Renouvellement de la demande de monnaie avec la redéfinition du coût de la


liquidité

Deux variables d’arbitrage prévalent jusqu’ici dans la détention de liquidités.


Le facteur d’arbitrage monnaie-biens est ici le taux d’inflation anticipée (πat). Une forte
inflation qui pousse à des prévisions de hausses futures plus fortes, induit un comportement de
« fuite devant la monnaie » au sens de PIGOU. Car la valeur réelle en termes de pouvoir d’achat
des encaisses nominales s’affaiblit. On dit que la monnaie devient fondante au niveau domestique.
Inversement, quand les prix sont stables et l’inflation faible, les agents détiennent volontiers des
encaisses, dont le pouvoir d’achat est conservé. La monnaie est de ce fait une réserve inter-
temporelle de pouvoir d’achat, ou de valeur.

Jusqu’ici, le facteur d’arbitrage monnaie-titres est le taux d’intérêt nominal (it).


C’est la mesure du coût de liquidité ici, à savoir le coût d’opportunité de la détention de monnaie,
qui n’est pas rémunérée, au détriment des actifs de marché – monétaire ou financier-, rémunérés.

Or, lorsque les actifs monétaires deviennent rémunérés –cas des actifs du marché
monétaire tels que les bons du Trésor détenus par des agents non financiers, ou des dépôts à vue
rémunérés partiellement, ou des parts liquides de placements collectifs en valeurs mobilières,
OPCVM-, désormais, la liquidité rapporte. Le coût de la liquidité doit donc être calculé en net, à
partir de la différence (spread) entre le taux moyen du marché financier ou du marché monétaire
(it), et du taux d’intérêt moyen rémunérant les actifs monétaires proprement dits (gt).
43

Appliqué à une équation d’encaisses réelles, on a alors :

(40) (M / P) d
t = (Yt)k * e -b*(it – gt)

Dans (40), le revenu réel (en volume) explique positivement la demande de monnaie à hauteur
d’une élasticité-revenu (k), alors que le coût d’opportunité est désormais fourni par (i t – gt),
l’écart de taux (spread) entre la rémunération nominal des titres ou actifs financiers (it) et la
rémunération offerte aux actifs monétaires proprement dits (gt).

Exemple

CALZA et GEDERSMEIER (2001)° dans « Euro Area Money Demand : Measuring the
Opportunity Costs Appropriately », Fonds Monétaire International, Washington, novembre,

obtiennent l’estimation suivante de la demande de monnaie pour la ZONE EURO, sur la


période 1980-1999, en données trimestrielles.

(3) Ln [ M / P ] t = 1.84 * Ln (PIB) t - 0.83 * (i t - g t)

où (Mt) est mesuré par (M3) ; (Pt) par l’indice des prix à la consommation ; (it) étant le taux du
marché monétaire à court terme ici approximé par le taux de l’EURIBOR à 3 mois (marché
interbancaire européen), (gt) étant le taux de rendement nominal moyen des actifs monétaires,
pondéré par les parts respectives dans (M3), des actifs liquides non rémunérés, des dépôts
d’épargne rémunérés, et des actifs de marché également rémunérés.

La relation estimée par CALZA et GEDERSMEIER (2001) fait apparaître :

(i) que le PIB en volume –la relation étant une fonction d’encaisses réelles, la valeur explicative
représentant le revenu est nécessairement le revenu réel mesuré ici par le PIB en volume-,
explique fortement la demande d’encaisses réelles, pour une élasticité de 1,84. On obtient ici pour
les pays de l’EUROLAND sur la période 1980–1999, le résultat antérieurement établi par Milton
FRIEDMAN et Anna SCHWARTZ pour le compte des Etats-Unis sur près d’un siècle (1867-1958,
hors années de guerre), qui était de 1,81. La monnaie est donc encore un bien de luxe, puisque
l’élasticité-revenu est supérieure à l’unité. Une augmentation de 1% du revenu induit une détention
plus que proportionnelle (1,84%) d’actifs monétaires.

(ii) Mais contrairement au résultat de FRIEDMAN, où la semi-élasticité intérêt était


significativement nulle, ici, elle ne l’est pas du tout, puisqu’elle est de (-0,83). Ceci signifie
que le coût de liquidité reste un déterminant non négligeable de la liquidité désirée. Les partisans
de la théorie quantitative ont donc tort d’ignorer les effets-prix et notamment ceux
attachés au taux d’intérêt.

Le taux d’inflation a disparu de (40). Car dès lors que le taux d’intérêt nominal est spécifié,
il n’est plus nécessaire de tenir compte du taux d’inflation anticipée à côté du taux d’intérêt réel.
Car le taux d’intérêt nominal intègre déjà l’inflation anticipée : c’est le taux réel augmenté de
l’inflation anticipée. Par ailleurs, en régime d’inflation très faible et stable, l’arbitrage monnaie-
biens disparaît. On est dans la configuration où la détention de monnaie apporte une réserve de
pouvoir d’achat inter-temporel. En EUROLAND, avec une très faible inflation effective observée, le
taux d’inflation anticipée n’explique plus la demande de monnaie.

Conclusion provisoire
La relation (40) permet de réconcilier James TOBIN, Milton FRIEDMAN avec les approches
contemporaines. D’abord parce qu’en effet, la monnaie devient véritablement un actif concurrent
des autres actifs. La comparaison des rendements de ces actifs à celui de la monnaie, qui apparaît
dans (40) avec le spread de taux, est considérée suivant l’optique des choix de portefeuille de
TOBIN reprise par FRIEDMAN. Mais contrairement à ce dernier, les estimations empiriques valident
bien le rôle du coût de liquidité. (40) est donc une généralisation des approches en termes de
gestion de portefeuilles et de gestion de stocks, de la détention souhaitée de monnaie. On peut
donc désormais, apprécier le rôle de la demande de monnaie en matière d’équilibre
macroéconomique (Section III).
44

SECTION III : DEMANDE DE MONNAIE ET EQUILIBRE


MACROECONOMIQUE

Paul Anthony SAMUELSON et Alvin HANSEN, ont procédé à ce que SAMUELSON


a appelé la Synthèse Néo-Classique, du Modèle Classique et du Modèle Keynésien, en vue de
montrer que ce dernier n’est qu’un cas polaire du Modèle Classique.

Cette première synthèse est considérée comme le Modèle de Base en Macro-économie, c’est
le Modèle IS-LM, fournissant l’équilibre entre le marché des biens et services (les produits) et
le marché de la monnaie, mais dont HICKS avait montré dès 1937, qu’il est bien compatible
avec l’équilibre du marché des titres. On a alors le Modèle IS-LM-BB (A), dont il découle
l’analyse des effets d’impact réel de la Politique économique (B) sur l’activité.
En particulier, l’analyse Keynésienne a souvent admis l’hypothèse de substituabilité
parfaite entre monnaie et titres. Ceci parce que le taux d’intérêt nominal, facteur de
demande de monnaie, est le même intervenant dans la demande de titres, et la demande
d’investissement. KEYNES en déduit que la politique monétaire joue sur la préférence
pour la liquidité et donc sur la moindre préférence pour les titres à travers le taux d’intérêt
des titres. Et en conséquence, du fait du risque de thésaurisation, la politique monétaire voit
son efficacité contrariée, alors que la politique budgétaire agit davantage directement sur la
demande effective et l’activité économique.
C’est le fondement du modèle IS-LM-BB. Ce modèle sera pourtant discuté par les
monétaristes qui démontreront que la politique monétaire joue plutôt puissamment via le
canal de la monnaie, c'est-à-dire l’effet de la liquidité.

A. LE MODELE IS-LM-BB

Examinons d’abord la structure du modèle (1), avant de voir les propriétés de


l’équilibre macro-économique (2).

1. La structure du modèle

Considérons d’abord, la structure du modèle avant d’envisager les conditions d’équilibre.


Le modèle comporte 3 marchés :
 Le marché des produits (ou biens et services)
 Le marché de la monnaie
45

 Et le marché des titres


Sous l’hypothèse de la loi de WALRAS.
La Loi de WALRAS :

Si on a (n) marchés dans l’économie : avec (n-1) marchés en équilibre partiel simultané, alors
et nécessairement, le n-ième marché est aussi en équilibre partiel, et l’économie se situe en
équilibre général.

La loi de Walras établit une relation de récurrence entre les différents marchés d'une
économie et postule que la condition nécessaire et suffisante pour qu’il y ait équilibre général
dans une économie, c’est l’équilibre partiel simultané des N-1 premiers marchés, qui sont
réels, le Nième marché, celui de la monnaie l’étant également et nécessairement.

Une des conséquences de cette loi est que si un marché n'est pas équilibré (demande
excédentaire non nulle), alors il y a au moins un autre marché qui n'est pas en équilibre (offre
excédentaire non nulle). Notons que cette loi confirme quoique différemment, un des postulats
importants de l'économie classique et néoclassique d'alors, à savoir que la monnaie est
neutre dans l'économie, qu'elle n'est qu'un intermédiaire des échanges, et que
fondamentalement, une économie monétaire équivaut à une économie de troc. En effet, nous
déduisons de la loi de Walras que, si le marché de la monnaie est en déséquilibre, alors au
moins un autre marché est déséquilibré également : la monnaie a donc une influence directe
sur l'économie (outre l'influence qu'elle a à travers le taux d'intérêt ou encore l'inflation).
Walras démontrera différemment la neutralité de la monnaie, en étudiant davantage son
impact neutre sur la structure des prix relatifs.

Ceci signifie donc que l’équilibre partiel simultané de ces trois marchés implique
automatiquement l’équilibre partiel du marché du travail, qui n’a pas besoin d’être étudié,
l’équilibre général étant automatiquement assuré.

Le modèle se présente de ce fait de la façon suivante :

(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1

(2) Ydt = Yt – Tt

(3) Tt = To + tYt ; 0<t<1

(4) It = Io – j(it) ;j>0

(5) Gt = Go

(6) Yt = Ct + It + Gt

(7) (M/P)dt = Mo + m1Yt – m2 (it)

(8) (M/P)ot = (M/P)

(9) (M/P)dt = (M/P)ot = M/P


(10) Yt + (M/P)ot + (B)ot + D (Yt ; it) + (M/P)dt + Bdt
46

a- Le marché des produits (biens et services)

Il est représenté par les équations de 1 à 6.

 (i) L’équation (1) décrit la fonction de consommation dont la formulation, ici, est
simple, fonction keynésienne.
(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1

La consommation des ménages à toute période t (Ct) est fonction d’une composante
incompressible et indépendante du revenu (Co) et fonction du revenu disponible (Ydt) à
hauteur de la propension marginale à consommer, qui est positive mais non unitaire (0<c<1).

Cette fonction est simple, car elle ne prend pas en compte les effets de richesse sur la
consommation (Milton FRIEDMAN), ou les classes de revenus et leurs impacts sur l’inertie
des consommateurs.

 (ii) L’équation (2) Ydt = Yt – Tt décrit le revenu disponible c'est-à-dire le revenu global
(Yt) net d’impôt (Tt). Rappelons que ce revenu global est issu de l’équilibre entre l’offre
et la demande de biens et services (équation 6).

(2) est donc une équation de définition alors que (1) est une équation de comportement.

 (iii) (3) Tt = To + tYt ; 0 < t < 1 définit les recettes fiscales de l’Etat. Elles sont pour
partie compressibles à hauteur de To, et pour partie indexées sur le niveau de revenu
global (Yt). (t) est donc ici le taux marginal de taxation. Il est positif mais non unitaire,
car s’il était unitaire ou même en proportion très élevé du revenu (>0,5), l’impôt serait
alors confiscatoire. C’est pourquoi (3) n’est qu’une forme simplifiée des recettes fiscales.
 (iv) (4) est l’équation de l’investissement,
(4) It = Io – j(it) ; j > 0,
L’investissement privé est ici, de l’investissement productif des entreprises, le reste des
dépenses en capital neuf étant négligeable par rapport à l’accumulation des entreprises.
Il est fonction d’une dépense autonome d’investissement (Io), lequel traduit le comportement
autonome de l’investisseur.  Comportement de « conquête des marchés »
47

Les investisseurs, étant comme le dit KEYNES, mus par des esprits animaux (animal spirit
minded), ce sont des prédateurs. Donc, ils investissent sans tenir compte d’autres variables,
dès lors qu’ils ont évalué un marché rentable.
On fait comme si les investisseurs ne se préoccupent pas des conditions de financement de
l’investissement (notamment de coût du capital emprunté).
On peut ainsi distinguer l’investissement autonome (Io), de l’investissement induit par le taux
d’intérêt (it) : (it) désigne alors le coût du capital emprunté. C’est un taux d’intérêt nominal
sur le marché des fonds prêtables, c'est-à-dire aussi bien sur le marché des crédits, que sur
le marché des titres à long terme (marché financier).
(j) désigne la propension marginale à investir. L’investissement est de ce fait négativement
relié au coût du capital emprunté.

It

I0

It = I0 - j*(it)

it

It implique le respect de 3 critères de choix d’investissement :

n
VAN ≥ 0 : - It + ∑ Rt ≥0
J=1
(1+i)j

TRI > i ; avec TRI = i : i tel que

VAN ≥ 0

Délai minimum de récupération t* tel que VAN = 0


48

Cette analyse de la fonction d’investissement keynésienne, repose sur le principe de


l’efficacité marginale du capital qui doit être positive et supérieure au coût unitaire du capital
emprunté. Toutefois, l’analyse de KEYNES sur les choix d’investissement est partielle à
plusieurs titres. Rappelons que l’analyse de l’investissement agrégée a évolué dans 3
directions depuis KEYNES (voir Annexe A-2 du Chapitre 5).

(v) Le marché des produits (biens et services) comporte également les «équations (5) et
(6)
(5) Gt = Go désigne une dépense complètement autonome. Mais depuis KEYNES, l’analyse
de la Dépense Publique a évolué. La DP augmente lorsque le revenu courant (Yt) augmente
moins vite que le revenu potentiel (Y)

(5’) Gt = Go + g (Y – Yt)

Cela signifie que quand Y > Yt , Δ(Gt)>0

Yt

-
Y

Yt

Temps

g : propension à la DP et capture l’effet contra-cyclique c'est-à-dire l’effet de correction


nécessaire d’une conjoncture déprimée par la dépense publique. Lorsque la demande
49

augmente de sorte qu’il en résulte à l’équilibre de l’offre et de la demande un revenu courant


qui augmente faiblement, Etat doit venir au secours de l’économie privé (des marchés) en
augmentant sa propre demande ce qui accroît la demande globale.

(6) Yt = Ct + It + Gt représente l’égalité entre le revenu national issu de l’offre et la


demande globale.
Or, le revenu issu de l’offre est composite selon (2) Ydt = Yt – Tt et la demande globale
s’appelle l’absorption.
L’équilibre offre / demande va donc conduire à l’égalité entre l’épargne totale et
l’investissement. Cette égalité résulte de simple manipulation de (6’). Le revenu est la somme
du revenu disponible et des taxes.
Absorption : capacité de destruction de biens finals par les ménages, des entreprises et de
l’Etat. Elle représente la demande intérieure, et de ce fait la demande effective au sens de
KEYNES.

(6) Yt = Ct + It + Gt
(6’) Ydt + Tt = Ct + It + Gt
At = Ct + It + Gt  Absorption

(6’) (Ydt – Ct) + (Tt – Gt) = It


S priv + S publ = It

S t = It  IS condition d’équilibre partiel


Remarque: le marché du travail est exclu, selon l’hypothèse keynésienne.

b- Le Marché de la monnaie et des titres

(7) (M/P)dt = Mo + m1Yt – m2 (it)


(8) (M/P)ot = (M/P)
(9) (M/P)dt = (M/P)ot = M/P

b1- La demande de monnaie


L’équation (7) décrit la demande de monnaie ou d’encaisses réelles, qui fournissent le
pouvoir d’achat des unités de monnaie détenues.
Ces encaisses réelles désirées dépendent d’une composante autonome (Mo),
indépendante du revenu ou du taux d’intérêt. Ceci illustre l’encaisse-outil nécessaire au
50

bouclage des transactions en attente de réception d’un revenu. C’est le stock tampon (buffer
stock) entre deux dates de réception de revenu.
Puis, la demande d’encaisses dépend du revenu nominal courant.
Dans ces conditions, m1 décrit l’élasticité-revenu de la demande de monnaie. Enfin, la
demande d’encaisses dépend négativement du taux d’intérêt (it).
(m2) est ici la semi-élasticité de la demande de monnaie.
Cette formulation de la demande de monnaie appelle plusieurs commentaires :

 En premier lieu, le taux d’intérêt, ici, rémunère les placements d’épargne liquide
ou financière (les titres). Placements alternatifs à la détention d’encaisses non
rémunérées. Ceci rappelle donc la notion de préférence pour la liquidité énoncée par
KEYNES, c'est-à-dire d’un arbitrage entre monnaie et titres.

 Le deuxième commentaire est que la demande d’encaisses est exprimée en termes


réels.
Le raisonnement est donc celui d’un stock d’encaisses réelles désirées.
Ceci rappelle l’analyse de Don PATINKIN (1961) reprenant Arthur Cecil PIGOU (1917), qui
sera approfondie par FRIEDMAN (1963).
En particulier, FRIEDMAN établit que le bon indicateur de revenu devant intervenir dans
l’équation de demande de monnaie est le revenu permanent.
Le revenu permanent : c’est un indicateur de la richesse ou du patrimoine.
L’agent détient des encaisses non pas seulement en fonction de son revenu courant mais
en fonction de son revenu permanent c'est-à-dire du flux de revenus issu de la détention
de richesse ; car outre le revenu d’activité, un agent peut accéder à des loyers immobiliers, à
des rentes de placements, et à d’autres sources de revenus susceptibles de lui procurer des
liquidités.
Ceci explique alors que le niveau de liquidité soit stablement relié au revenu permanent
et pas seulement au revenu courant qui en est qu’une composante.

Le problème est que le revenu permanent n’est pas directement observable (voir ANNEXE A-
3 du Chapitre 5).
51

b2- L’offre de monnaie


(8) (M/P)ot = (M/P)
(9) (M/P)dt = (M/P)ot = M/P

L’équation (8) décrit l’offre de monnaie. C’est le niveau des encaisses réelles offertes par le
système bancaire aux agents privés. Elle est fondée sur l’hypothèse d’exogénéité parfaite de
l’offre de monnaie.
Et l’équation (9) fournit la condition d’équilibre du marché de la monnaie. L’offre
s’ajustant passivement à la demande M/P étant le niveau d’encaisses en circulation dans
l’économie.
(Voir les critiques de 8 et 9, et les approfondissements de l’Offre de Monnaie en Annexe-B,
Chap.5)
Conséquences
L’équation (8b) devrait être modifiée par une règle monétaire, soit automatique (cas BCE :
le seul objectif suivi est la recherche de la stabilité des prix ou la lutte contre l’inflation), soit
alors une règle à rétroaction (cas de la Réserve Fédérale, les Autorités poursuivent en même
temps, l’objectif de stabilité des prix et la lutte contre le chômage).

2- La condition d’équilibre macro-économique

(10) Yt + (M/P)ot + (B)ot + D (Yt ; it) + (M/P)dt + Bdt


(10) Yt + B0t + (M/P)0t = D (Yt ; it) + Bdt + (M/P)dt

Revenons à l’équation (10) : elle définit la contrainte budgétaire totale de l’économie, c'est-
à-dire l’égalité entre les ressources et les emprunts. Les ressources approximent la richesse
totale pour les agents privés : elle est composée du revenu d’activité (Yt) et des actifs de
patrimoine. Il s’agit des titres détenus dont l’offre est B0t et des encaisses réelles détenues
(M/P)0t Cette richesse sert alors à des emplois : elle est allouée à la demande de biens et
services D(Yt ; it), puis à la demande de titres et enfin à la demande de monnaie. Cette
contrainte budgétaire de l’économie permet de simplifier, ensuite, l’analyse de l’équilibre .
Car, en réécrivant (10) il vient :
[Yt – D (Yt ; it)] + [(M/P) – (M/P)0t] = Bdt - B0t
éq 6 éq 9
=0 =0
52

Bdt – Bst = 0
La Loi de WALRAS implique l’annulation de la demande excédentaire de
titres, à l’équilibre des produits et de la monnaie.
Bdt = B0t

S = Bdt = offre d’épargne égale demande de titres.

Il en découle que si l’équilibre partiel du marché des biens et services est réalisé (eq 6) et si
l’équilibre partiel du marché de la monnaie est réalisée (éq 9), alors la Loi de WALRAS
s’applique, et la demande excédentaire s’annule sur le marché des titres, c'est-à-dire que
l’équilibre partiel sur le marché des titres est obtenu, la demande de titres est égale à l’offre de
titres.

Or, l’offre et la demande de titres sont explicitées depuis James TOBIN.


+ + - -
Bdt = B (W ; r0B ; rA ; πt ; it ; …)
B0t = B (WF) = SF

La demande de titres est chez TOBIN fonction des mêmes variables que la demande de
monnaie, car elle résulte de l’affectation de la richesse. La richesse en termes réels se
distribue entre les actifs financiers (B) (ou les titres). La monnaie et les actifs réels ou en
capital non liquide (K). C’est pourquoi la richesse (W) est la variable d’échelle principale de
la demande de titres comme de la demande de monnaie. A présent, chez TOBIN, la règle des
productivités marginales croisées s’applique : ceci signifie que le rendement marginal
d’un actif explique positivement sa demande alors que le rendement d’un actif concurrent
explique négativement sa demande. Donc, le rendement des obligations rob, le rendement des
actions rA expliquent positivement la demande de titres en actions et en obligations. Alors que
l’inflation qui est (l’inverse du) rendement des actifs réels), explique négativement la
demande de titres comme d’ailleurs les taux d’intérêt bancaires ou du marché de la monnaie,
lesquels rémunèrent les placements d’épargne liquide. Une telle spécification montre que la
demande du titres est un comportement structurel.
Quant à l’offre de titres, elle est l’émanation des entreprises. Elle dépend donc de leur
capitalisation boursière (Q de TOBIN). Mais aussi, des rendements internes des projets c'est-
à-dire du rendement unitaire du capital installé.
53

Enfin, elle dépend de la valeur de la production en valeur. Ici, elle est supposée constante et
égale à l’épargne financière : c’est un indicateur de la liquidité du marché financier, ou même
de la profondeur de ce marché.

Les Qualifications du Modèle

Le modèle simplifié Le modèle enrichi (à partir de l’Annexe du


Chapitre 5)

(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1


(1’) Ct = Co + c1Yt + c2 Ypt à CT
Ct = c2 Ypt à LT
(2) Ydt = Yt – Tt
(2’) Ydt = Yt – Tt
(3) Tt = To + tYt ; 0<t<1
(3’) Tt = To + t (Yt – Y)²
(4) It = Io – j(it) ;J>0
(4’) It = I0 – j(it) + β (Yt – Yt-1) + ψ (QT) –
(5) Gt = Go
τ(εt) avec εt = ε( πt ; (DP/Y)t ou (dettes
publiques/Y)t ; Et ; …)
(6) Yt = Ct + It + Gt
(5’) Gt = Go + g(Y-Yt) ; g> 0
(6’) Yt = Ct + It + Gt
(7) (M/P)dt = Mo + m1Yt – m2 (it)

(8) (M/P)ot = (M/P)


(7’) (M/P)dt = Mo + m1Yt – m2 (it) –m3 πat +
m4 (M/P)t-1 à CT
(9) (M/P)dt = (M/P)ot = M/P

(10) Yt + (M/P)ot + (B)0t = D (Yt ; it) + (8’) (M/P)ot = kB + α1 (πt – π)² + α2 (Yt – Y)²
(M/P)dt + Bdt = (C/P)t + (R/P)t

(9’) (M/P)0t = (M/P)dt

(10’) B0t = B1t SF = B (V ou Yp ; rA ;


r0B ; πt ; it ; …)

Le modèle simple comporte 10 équations dont les équations 1, 3, 4, 7 sont des équations de
comportements des agents non financier (1, 4, 7) et/ou de Etat (3).
Alors que (2 )est une équation de définition du revenu disponible.
54

(5) et (8) sont des variables supposées exogènes ou parfaitement contrôlées (pour l’offre de
monnaie éq 8).
(6), (9) étant des équations d’équilibre partiel du marché des produits puis de la monnaie.
(10) fournit la contrainte budgétaire de l’économie à partir de laquelle est déduit l’équilibre
partiel du marché des titres.

Ce modèle comporte deux variables endogènes ou expliquées : le revenu national (Yt) et


le taux d’intérêt des titres (it) : c’est cela qui le rend simple, l’équilibre des trois marchés
s’expliquant en fonction de ces deux variables.
Toutefois, il ignore les approfondissements macro-économiques contemporains. Ainsi,

Dans le modèle enrichi, on a plus d’équations structurelles (voir en Annexe, Chapitre 5).
(1’) introduit une distinction entre la consommation des ménages à CT et la consommation
des ménages à LT en fonction du revenu permanent.
(3’) introduit une fonction de taxation polynomiale dépendant de l’activité pour tenir compte
de l’hypothèse de la courbe de LAFFER (trop d’impôts tuent l’impôt)
(4’) renouvelle la fonction d’investissement des firmes en introduisant un facteur dynamique
avec l’accélérateur mais surtout l’effet du Q de TOBIN, et enfin, un facteur d’irréversibilité
possible du capital lié à l’incertitude.
(5’) décrit une dépense publique contra-cyclique, car la dépense publique doit augmenter
lorsque l’activité courante (Yt ) est inférieure à son niveau potentiel ou tendanciel.
(7’) décrit une demande de monnaie élargie en courte période suivant FRIEDMAN,
introduisant des phénomènes anticipatifs et des ajustements partiels à CT. Alors que l’offre de
monnaie intègre à la fois les comportements d’offre de crédit et les facteurs d’afflux de
réserves de change, comme la règle monétaire rétroactive ou passive des autorités.
Enfin, (10’) renouvelle les facteurs de la demande de titres.

Ce modèle enrichi comporte plus de variables endogènes et de ce fait est plus difficile à
résoudre en raison de ces améliorations, c’est pourquoi il convient de définir l’équilibre
partiel des marchés (3).

3- L’équilibre partiel des marchés


55

Considérons, successivement, l’équilibre partiel du marché des produits et celui du marché de


la monnaie d’un autre côté, avant d’envisager l’équilibre partiel du marché des titres.

a. L’équilibre partiel des marchés des produits

Sur le marché des produits, la condition (6) définit la condition d’équilibre du marché des
produits.
(1) Ct = Co + cYdt ; 0<c<1

(2) Ydt = Yt – Tt

(3) Tt = To + tYt ; 0<t<1

(4) It = Io – j(it) ;j>0

(5) Gt = Go

(6) Yt = Ct + It + Gt
Ydt + Tt = Ct + It + Gt
(Ydt – Ct) + (Tt – Gt) = It
Sprivt + Spubt = It
S t = It
(2’) Ydt = Yt + T0 – tYt = -T0 + (1-t)Yt
(1’) Ct = C0 = c(1-t)Yt-cT0
(1’) Ct =(C0-cT0) + c(1-t)Yt
Introduisons, (Ct), (It) et (Gt) dans (G)
Yt = [(C0 –cT0) + c(1-t)Yt] + [I0 – j(it)] + G0
Soit Yt = [C0 –cT0 + I0 + G0] + c(1-t)Yt - j(it)

Soit, enfin, Yt = 1 * [A0] – j * (it)


(11)
1- c(1-t) 1- c(1-t)

Avec A0 : dépense autonome nette


ks = 1/1 – c (1-t) : multiplicateur simple de dépense

(11) Yt = ksA0 – ks(j) [it] (IS)


56

Ou encore en exprimant par rapport à (it)


j(it) = A0 – [1 – c(1-t)] Yt (IS)

(11’) it = A0/J – [1-c(1-t)]/j * (Yt) (IS)

Soit graphiquement

it

A0/j

Yt
Pente IS :
δ (it) / δ Yt = – [1- c(1-t)] = -s / j avec s nette = 1- c(1-t)
j

0 < c < 1 : 1- c(1-t) > 0


0 < j < 1 : - [1- c(1-t)] < 0

δ Yt / δ (C0) = δ Yt / δ (I0) = δ Y / δ (G0) = ks = 1 > 1 quel que soit c<1 et


t<1
1- c(1-t)]

δ Yt / δ (-T0) = ks = 1 > 1 quels que soient c<1 et t<1


1- c(1-t)]

Rappelons que l’équilibre du marché des produits est obtenu lorsque l’épargne est égale à
l’investissement. Ceci est vérifié, ainsi que nous l’avons montré précédemment, en tenant
57

compte de la définition du revenu national (Yt) lequel est la somme du revenu disponible du
ménage (Ydt) et les recettes fiscales de l’Etat (Tt). Après calcul de l’épargne privée des
ménages, qui s’obtient par le solde dans le revenu disponible de la consommation, puis après
calcul de l’épargne du secteur public qui s’obtient par différences des recettes fiscales et les
dépenses publiques, on en déduit l’épargne domestique totale qui est égale à la dépense en
investissement productif des entreprises. Cette condition d’équilibre est assurée par un revenu
national et un taux d’intérêt d’équilibre partiel. Pour le montrer introduisons (3) dans (2) et (2)
dans l’équation(1). Puis, introduisons la consommation (1) et la dépense publique et
l’investissement, fournis respectivement par (1’), (4) et (5) dans (6).

L’équilibre partiel des marchés des produits fournit une relation entre le revenu
national et le taux d’intérêt nominal. Compte tenu de la dépense autonome nette, c'est-à-
dire de l’absorption autonome à savoir la dépense des agents privés et de l’Etat, dépendant de
la conjoncture ou du niveau d’activité et de ce fait du revenu national. Cette relation est
négative et fait apparaître l’existence d’un multiplicateur simple de dépense autonome. Ceci
signifie que lorsque la consommation autonome des ménages ou l’investissement autonome
des entreprises ou la dépense publique augmente d’une unité, il en résulte une augmentation
plus que proportionnelle du revenu national. De même, lorsque les recettes fiscales issues des
impôts forfaitaires diminuent d’une unité, le revenu national augmente plus que
proportionnellement. La pente de la courbe (IS) détermine l’égalité entre l’investissement
privé domestique et l’épargne domestique totale, est par conséquent négative et fonction de la
propension nette à épargner le revenu disponible et de la sensibilité au taux d’intérêt de la
dépense de l’investissement (j). La pente de (IS) est égale en réalité au rapport entre cette
sensibilité et de la propension nette à épargner.
Examinons à présent l’équilibre partiel du marché de la monnaie.

b- L’équilibre partiel du marché de la monnaie

(7) (M/P)dt = Mo + m1Yt – m2 (it)

(8) (M/P)ot = (M/P)

(9) (M/P)dt = (M/P)ot = M/P

De (9), il vient après substitution de (7) et (8),

(M/P) = M0 + m1 (Yt) – m2 (it)


58

Soit (12) Yt = (M/P) - M0 / m1 + (m2/m1) [it]


Réécrivons (12) en fonction de (it), on a
(12’) it = [M0 - (M/P)]/m2 + (m1/m2)Yt (LM)

Pente de LM
Δit / δYt = (m1/m2)> 0 car m1 > 0 et m2 > 0

it

LM

M0 - (M/P)
m2

Yt

L’équilibre partiel du marché de la monnaie s’obtient à l’égalité entre l’offre et la demande de


monnaie, c'est-à-dire l’égalité du stock d’encaisses réelles offertes par la BC et le Système
Bancaire et Financier à l’économie (M/P), d’un côté et de l’autre la demande d’encaisses
réelles qu’expriment les agents privés (M/P)dt
Il en résulte une relation entre le revenu national et le taux d’intérêt nomina, qui assure à tout
moment l’égalité entre l’offre et la demande d’encaisses réelles sur le marché de la monnaie.
Cette relation (12) fait apparaître que l’équilibre du marché de la monnaie dépend de
l’élasticité-revenu de la demande de la monnaie (m1) et la semi-élasticité ou la sensibilité de la
demande de monnaie au taux d’intérêt (m2), compte tenu de l’encaisse active totale ( M/P –
M0). En effet, l’encaisse réelle disponible est (M/P). Mais les agents privés détiennent M 0 à
des fins de spéculation. Donc, l’encaisse active disponible à des fins de transactions (et
d’épargne de précaution) est fournie par (M/P – M0). Lorsque l’on réécrit (12) en fonction du
taux d’intérêt d’équilibre partiel on obtient (12’), qui permet alors d’obtenir la pente de la
courbe (LM).

Examinons à présent, l’équilibre du marché des titres.


59

c. L’équilibre du marché des titres

SAMUELSON et HANSEN l’ignorent par application de la Loi de WALRAS. Mais en fait,


en reprenant HICKS (1937), cet équilibre s’obtient par application de la contrainte budgétaire
totale de l’économie. Comment s’obtient alors l’égalité entre l’offre et la demande de titres ?
Ici, c’est la contrainte budgétaire de l’économie qui nous fournit cette égalité :
(10) Yt + (M/P)ot + (B)0t = D (Yt ; it) + (M/P)dt + Bdt
Réécrivons l’équation (10) en relation avec la demande excédentaire de titres.
Bdt - (B)0t) = [Yt – D (Yt ; it)] + [(M/P)ot - (M/P)dt] (10’)

Demande Offre Offre


excédentaire
excédentaire excédentaire
de biens
de titres de monnaie

Il apparaît que la demande excédentaire de titres par rapport à l’offre est une fonction de
l’offre excédentaire de biens par rapport à la demande.
On est bien ici dans le contexte de la contrainte budgétaire de l’économie laquelle fournit une
propriété walrassienne du modèle. En effet, à l’équilibre de l’économie, tout excès d’offre de
biens et services et de monnaie se résout par une demande excédentaire de titres. Or, (10’)
montre que la demande excédentaire des titres dépend des conditions d’équilibre partiel du
marché des biens et de la monnaie. Ces conditions étant fournies par (11) et (12).
(11) Yt = ksA0 – ks(j) [it]
(12) Yt = (M/P) - M0 / m1 + (m2/m1) [it]

Donc, remplaçons dans (10’) les conditions d’équilibre (11) et (12) sachant que l’équilibre
partiel des biens et services et du marché de la monnaie est déterminé précédemment. Et
sachant aussi qu’il en découle l’équilibre partiel du marché des titres, ce qui est là, une
vérification de la Loi de WALRAS.

Yt – Yt – D (Yt ; it) = 0 Bdt – B0t = 0

(M/P)dt - (M/P)ot = 0

(13) it =[ m1 + c (1-t) -1 / j + m2]*Yt + (A0 + (M0 – M/P) / j + m2) (BB)

A0 = C0 – cT0 + I0 + G0 et [c(1-t) – 1] = -snette


60

Pente de BB :
δ it / δ Yt = m1 + [c (1-t) -1] / j + m2

Démontrons que pente IS < Pente BB > Pente LM

Pente BB : m1 + [c (1-t) -1] / j + m2 quel que soient j > 0 ; m2 > 0


c (1-t) > c quel que soit, t > 0
c (1-t) -1 < 0 mais m1 < c (1-t) – 1

Or, Pente IS = -s/j = c(1+t)-1/j

-s/j < m1 – s / j + m2 > m1 / m2

Pente IS Pente Pente


BB LM

it

BB
A0 - M0
(M/P)
J +m2

Yt

L’équilibre du marché des titres reproduit une relation négative entre le revenu et le taux
d’intérêt comme pour le marché des produits. Cependant, la pente de la courbe BB, qui est
négative, est supérieure à la courbe de la pente IS qui l’est également. En fait, la condition
(10’) ou la contrainte budgétaire de l’économie, illustre ici, la Loi de WALRAS : à savoir que
l’équilibre partiel du marché des biens et du marché de la monnaie étant réalisé, l’équilibre
partiel est réalisé automatiquement sur le marché des titres. Ceci signifie que le revenu et le
taux d’intérêt d’équilibre partiel conjoint sur le marché des biens et sur le marché de la
monnaie assure automatiquement l’équilibre partiel du marché des titres. C’est ainsi que l’on
61

peut définir l’équilibre macroéconomique et examiner l’impact réel de la politique


économique sur l’activité (B).

B. L’IMPACT REEL DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE SUR L’ACTIVITE

Examinons les conditions d’équilibre macro-économique avant de voir comment la politique


monétaire peut corriger un tel équilibre lorsqu’il est de sous-emploi.

1. L’équilibre macroéconomique de sous-emploi


Considérons d’abord la condition d’équilibre macroéconomique avant d’examiner les
propriétés de cet équilibre

a. La condition d’équilibre macro-économique


Rappelons les équations d’équilibre partiel (11’), (12’) et (13)
(11’) (it) = A0/j –c(1-t) / j [Yt] IS (I=S)

(12’) it = [M0 - (M/P)]/m2 + (m1/m2)Yt LM (L=M)

(13) it =[ m1 + c (1-t) -1 / j + m2] + (A0 + (M0 – M/P) / j + m2) BB (Bd=B0)

Elles fournissent donc un système qui dépend du revenu et du taux d’intérêt.


it + c (1-t) -1(Yt) / = A0/j
it – m1/m2 (Yt) = M0 – M/P / m2
it – [m1 + c (1-t) -1] / j + m2 (Yt) = A0 + M0 – M/P / j + m2

Ce système peut être exprimé sous forme matricielle : (14)

1 [1- c (1-t) -1] / j it A0/j


1 - m1/m2 Yt = M0 – M/P / m2
1 - m1 + c (1-t) -1] / j + m2 (A0 + (M0 – M/P)) / j + m2

Or, la matrice des paramètres est une matrice rectangulaire (3*1), ce qui ne permet pas la
résolution de ce système d’équation. La matrice des paramètres aurait dû être une matrice
62

carrée (2*2), pour que le système soit possible à résoudre. Remarquons que la matrice des
paramètres peu devenir carrée, pour deux raisons.
La première est que dans l’équation (13), l’équilibre partiel du marché des titres n’est qu’une
combinaison linéaire des équations (11’) et (12’). La condition d’équilibre partiel du marché
des titres étant la somme de l’équilibre partiel du marché des biens et de la monnaie.
La deuxième raison est que l’équilibre partiel du marché des titres est obtenu
automatiquement lorsque l’équilibre partiel des marchés des biens et de la monnaie est
obtenu. Dès lors, le système se réduit à deux équations et deux inconnues ; soit sous forme
matricielle :
(15)
1 [1- c (1-t) -1] / j it A0/j
1 - m1/m2 Yt = M0 – M/P / m2

(15’) Г (Xt) = F
Г = 1 [1- c (1-t) -1] / j ; F = A0/j ; Xt = it
1 - m1/m2 M0 – M/P / m2 Yt

(16) Xt = Г-1 * F
it = Г-1 * F
Yt

Alternativement, (16) est résoluble par la méthode de substitution : pour cela, posons
l’égalité (11’) = (12’), qui permet d’obtenir le revenu d’équilibre macro, lequel ensuite peut
être introduit dans l’une ou l’autre des deux équations pour déduire le taux d’intérêt
d’équilibre macroéconomique.

A0/j + (c(1-t) -1)/ j [Yt] = [M0 - (M/P)]/m2 + (m1/m2)Yt ; on factorise en fonction de Yt

A0 / j + M/P – M0 = m1/m2 + 1- c (1-t) (Yt)


m2 j
m2 A0 + j (M/P – M0) = jm1+ m2 [1- c (1-t)] (Yt)
jm2 jm2
63

(17a) Ye = m2 A0 + j*(M/P –M0)


j*m1 + m2 [1-c(1-t)]
En introduisant (17a) dans (12’) il vient :
(17b) ie = 1/m2 [1-m1j/Δ] [M0- M/P] + m1/ Δ (A0)
Δ = m2 [(1-c(1-t)) + m1j]

(17a) Ye = [m2 A0 + j (M/P –M0)] /


jm1 + m2 [1-c(1-t)]
(17b) ie = 1/m2 [1-m1j/Δ] [M0- M/P] + (m1)/ Δ (A0)
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)) + m1j]

Ces équations fournissent la condition d’équilibre macro-économique c'est-à-dire le revenu


d’équilibre et le taux d’intérêt d’équilibre pour l’ensemble de l’économie. A l’évidence, ces
équations assurent simultanément l’équilibre sur le marché des titres. On peut alors désormais
examiner les propriétés de cet équilibre.
64

b. Les propriétés de l’équilibre macroéconomique


Cet équilibre comporte 3 propriétés :
 Un Equilibre global de sous-emploi

LM
it

A0/j

A0 - M0
(M/P)
j+m2 BB

M0 (M/P)
m2 IS

Ye Ype Yt

Yt

Y
Gap de
Yt Y = YPE
production
Ye

Emploi

NSE NPE Nt

Chômage
65

L’équilibre macro au point H est assuré et l’on observe que la courbe BB d’équilibre partiel
du marché des titres passe automatiquement par le point de rencontre des courbes IS et LM. Il
en découle un revenu d’équilibre macro et un taux d’intérêt des titres d’équilibre macro. Chez
KEYNES, un tel niveau de revenu d’équilibre est à CT un revenu global de sous-emploi. Car
la demande de biens est généralement insuffisante pour que les producteurs utilisent toute la
main d’œuvre disponible. Au passage, il n’y a pas chez KEYNES de marché de travail car ce
sont les producteurs qui fixant le niveau d’emploi en fonction de la demande solvable qui
s’adresse à leurs produits (commandes fermes aux entreprises).
C’est pourquoi, on peut distinguer un revenu d’équilibre de sous-emploi du revenu de plein
emploi. Ces deux revenus peuvent être représentés à partir de la fonction d’offre de
production à CT qui relie la production à l’emploi.
Il apparaît alors que le revenu d’équilibre macro correspond à un niveau d’emploi insuffisant
(NSE) pour absorber tout la main d’œuvre disponible, alors que le revenu de plein emploi
(YPE) correspond à l’emploi intégral de la main d’œuvre disponible.
Dès lors, l’écart entre le revenu d’équilibre de sous-emploi et le revenu de plein emploi
correspond à un gap de production, source de chômage. C’est pourquoi chez KEYNES, on
part d’un revenu d’équilibre global et non pas d’un revenu d’équilibre général, car le
revenu d’équilibre à CT en toute probabilité peut correspondre à du sous-emploi de la
main d’œuvre. C’est ce qui nécessite l’action de la politique économique et notamment
de la politique monétaire, en vue de réduire le sous-emploi.

L’Equilibre global et macroéconomique est stable et unique

LM
it
Zone 2
A0/j
H
Zone
A0 - M0 Zone 3a
i2 1b
(M/P)
J +m2 Zone BB
3b Zone
1b
Zone 4
IS

M0 (M/P)
m2 Ye Yt
66

Zone 1b : Yt > Dt au-dessus de IS


(M/P)dt < (M/P)0t à droite de LM
B0t < Bdt au-dessus de BB

Zone 1a : Yt > Dt et (M/P)dt < (M /P)0t


B0t > Bdt

Zone 2 : Yt > Dt (au-dessus de IS)


(M/P)dt >(M /P)0t (à gauche de LM)
B0t < Bdt (au-dessus de BB)

Zone 3a : Yt < Dt
(M/P)0t >(M /P)dt
B0t < Bdt

Zone 3b : Yt < Dt
(M/P)0t >(M /P)dt
B0t > Bdt

Zone 4 : Yt < Dt
(M/P)0t < (M /P)dt
B0t > Bdt

Examinons les propriétés de cet équilibre


Le point H décrit l’équilibre macroéconomique pour lequel l’équilibre partiel est réalisé
simultanément sur le marché de la monnaie et des titres.
Nous vérifions que le marché des titres est en équilibre partiel dès lors que le marché des
produits et celui de la monnaie le sont. C’est pourquoi on a coutume d’ignorer le marché des
titres. Mais en réalité, sa prise en compte permet de mettre en évidence l’hypothèse
implicite à l’analyse keynésienne mais également monétariste, que monnaie et titres sont
de parfaits substituts.
67

Cet équilibre est unique et stable. Comme ceci est souhaitable, notamment, dans une tradition
classique ou néo-classique. Pour le montrer, considérons les différents cas de déséquilibre.
D’abord, rappelons que :
 Au-dessus de la courbe IS, l’offre de produits excède la demande de produits. Dans ce
modèle à prix fixes, cet excès d’offre aura tendance à entrainer un accroissement du
revenu, mais à quantité de monnaie constante et de titres détenus constants, il en
résultera un accroissement du taux d’intérêt d’équilibre.

 En dessous de la courbe IS, c’est la demande de produits qui est excédentaire et les
effets sont symétriquement opposés aux précédents.

 A droite de la courbe LM, l’offre de monnaie sera inférieure à la demande de monnaie.


Raisonnant, ici, en termes réels, cet excès de demande se répercute sur le coût de la
liquidité. Donc, c’est le taux d’intérêt qui augmente.

 A gauche de la courbe LM, l’offre est excédentaire par rapport à la demande de


monnaie. On a les effets symétriquement opposés, c'est-à-dire une baisse du taux
d’intérêt.

 Au-dessus de la courbe BB, la demande de titres excède l’offre. Dans ce cas, les cours
des titres anciens sont inférieurs au cours des titres nouveaux. On assiste ainsi, à une
vente de titres anciens par leurs détenteurs. De sorte qu’il en résulte une hausse du
taux d’intérêt s’accompagnant d’une baisse anticipée des cours des titres anciens dont
l’offre est abondante sur le marché.

 En dessous de la courbe BB, désormais c’est l’offre de titres qui excède la demande.
Les titres nouveaux sont nombreux sur le marché, ils trouvent moins d’acquéreurs. On
peut donc prévoir une baisse des cours des titres nouveaux, par rapport aux cours des
titres anciens. Les taux d’intérêt diminuent.

Ce sont ces principes qui guident la lecture du graphique, où l’on a 6 cas de déséquilibre.
 Le quadrant 1 est composé de deux sous cas :
o Zone 1b : indique que l’on est au-dessus de IS (Offre de produits > Demande),
à la droite de LM (offre de monnaie < demande), au-dessus de la courbe BB
(demande de titres > offre).
68

L’offre de biens excédant la demande, pousse vers un surplus de revenu qui est absorbé par
une demande excédentaire de monnaie et de titres. Le déséquilibre en termes d’offre du
marché des biens est résolu par l’excès de demande de monnaie et de titres. C’est pourquoi,
l’on revient on point H.
o Zone 1a : indique que l’on est au-dessus de la courbe IS, à droite de LM, mais
en dessous de la courbe BB. Dans ce cas, le supplément de revenu créé sur le
marché des biens se résorbe par un excès d’offre de titres lequel induit une
baisse des taux d’intérêt accompagnant une baisse des cours des titres
nouveaux et une hausse des cours des titres anciens. Donc, le déséquilibre du
marché des biens et du marché de la monnaie est résolu par l’excès d’offre sur
le marché des titres.
 Le quadrant 2 : on se situe au-dessus de IS (offre excède demande) mais à gauche de
LM (l’offre excède la demande de monnaie), et on se situe au-dessus de BB (demande
> offre). Ici, on est en présence d’un excès d’offre de biens et de monnaie par rapport à
la demande. Pour que la contrainte budgétaire soit respectée (équation 10) c'est-à-dire
l’équilibre macro réalisé, l’ajustement va se faire sur le marché des titres. Par un excès
de demande qui induit la hausse des cours des titres et la baisse des taux d’intérêt.
 Le quadrant 3, est composé de deux cas de déséquilibre
o Zone 3a : indique que l’on est en dessous de la courbe IS (demande excède
offre de biens), à gauche de LM (offre > demande de monnaie), et au-dessus de
BB (offre < demande de titres). Ici, l’excès de demande de biens et de titres
s’accompagne d’un excès d’offre de monnaie. Plus précisément, parce que le
marché de la monnaie est en déséquilibre d’offre (en excès d’offre), les agents
vont utiliser les liquidités excédentaires pour demander davantage de biens et
services et de titres, car l’excès d’offre de monnaie induit une baisse du taux
d’intérêt sur le marché de la monnaie, laquelle pousse alors à la hausse la
dépense d’investissement. Mais aussi à la demande de titres, car les agents
peuvent anticiper une hausse des cours sur les marchés financiers. C’est
pourquoi, on revient à l’équilibre au point H.
o Zone 3b : illustre que l’on se situe en dessous de IS (insuffisance d’offre de
biens par rapport à la demande), à gauche de LM (excès d’offre de monnaie) et
en dessous de BB (excès d’offre de titres). Cette fois ci, la demande
excédentaire de biens s’accompagne d’un excès d’offre de monnaie et de titres,
69

car une pression excessive s’exerce à la baisse du taux d’intérêt, qui explique
l’excès d’offre sur les marchés de la monnaie et des titres. Là encore,
l’équilibre automatique est réalisé.
 Le quadrant 4 : illustre que l’on est en dessous de IS (offre>demande de biens), mais
à droite de LM (excès de demande de monnaie), et en dessous de BB (excès d’offre de
titres). Ici, l’excès de la demande de biens et de la demande de monnaie exige pour le
respect de la contrainte budgétaire de l’économie, un excès d’offre sur le marché des
titres.

Appréciation : les quadrants 2 et 4 sont simples à interpréter, car l’excès d’offre de biens et
de monnaie dans le quadrant 2 appelle simplement un excès de demande de titres pour le
respect de l’équilibre budgétaire de l’économie. Alors que dans le quadrant 4, l’excès de
demande de biens et de monnaie appelle un excès d’offre de titres pour le respect de la
contrainte budgétaire de l’économie.
Les quadrants 1 et 3 sont un peu plus difficiles à interpréter, car les déséquilibre des marchés
des biens et de la monnaie ne sont pas toujours du même signe. Toutefois, chaque fois qu’un
excès d’offre prévaut sur l’un des marchés, il sera compensé par un excès de demande sur un
autre marché. Ainsi, en zone 1a, l’excès d’offre de biens et de monnaie est compensé par
l’excès de demande de titres. Alors qu’en zone 1b, l’excès d’offre de biens et l’excès de
demande de monnaie sont compensés par un excédent d’offre de titres.
Au quadrant 3, les déséquilibres du marché des biens et du marché de la monnaie sont de
signes opposés. La demande excédentaire de biens et l’offre excédentaire de monnaie étant
ajustés par une demande excédentaire de titres (3a), et à l’inverse par une offre excédentaire
de titres (3b). Enfin, le taux d’intérêt pratiqué ici est bien celui déterminé à l’équilibre partiel
du marché de la monnaie, puis à l’équilibre macro compte tenu de son influence sur la
dépense d’investissement du marché des biens. A l’évidence, ce taux d’intérêt renvoie aussi
au rendement des titres et aux cours des actions et des obligations sur le marché des
capitaux. C’est pourquoi, on admet ici, une substituabilité parfaite entre monnaie et
titres.
Considérons, à présent, l’impact réel des modifications des instruments de politique
économique et plus précisément de l’efficacité de la lutte contre le chômage, puisque H décrit
un équilibre macro de sous-emploi.
70

2- Politique économique et Efficacité de la lutte contre le chômage


Abordons d’abord, l’efficacité des instruments de politique économique d’ordre budgétaire ou
monétaire avant d’envisager les critères de choix des instruments.

a. L’efficacité de la politique budgétaire ou monétaire


Considérons d’abord le cas d’une politique budgétaire.

a1. La politique budgétaire


La politique budgétaire agit sur la dépense publique et/ou alternativement sur les taxes c'est-à-
dire sur les recettes fiscales.
Une politique expansionniste indique une hausse de la dépense publique et/ou une baisse des
impôts qui se traduit par une diminution des recettes fiscales.

(3) CT = CT0 et/ou (5) T = T0 + tYt


ΔG = ΔG0 > 0 et/ou ΔT<0
ΔG = ΔG0 avec ΔT = 0  Δ (G-T) > 0

(6) Yt = Ct + It + Gt
Ydt + Tt = Ct + It + Gt
ΔYdt + ΔTt = ΔCt +Δ It + ΔGt
Avec ΔGt = ΔG0 et ΔIt =0  ΔYdt > 0

(1) Ct = C0 + cYdt et ΔCt = ΔC0 + cΔYdt Sc = Ydt - Ct


ΔYdt> 0  ΔCt > 0 St = - C0 + (1-c) Ydt
ΔSt > 0 ΔSt = - ΔC0 + (1-c) ΔYdt

L’accroissement de la dépense publique à cette recette publique inchangée entraine le


creusement du déficit budgétaire.
Partons de l’équation (6) en variation, il vient un accroissement du revenu disponible. Or, cet
accroissement du revenu disponible partant de (1) induit un accroissement de la
consommation, mais, également, un accroissement de l’épargne privée. Dès lors,
l’accroissement de la consommation induit l’augmentation de la demande globale alors que
l’accroissement de l’épargne privée peut financer une augmentation de l’investissement de
l’entreprise.
71

Dès lors, l’accroissement du revenu disponible découle de l’augmentation de la production, en


réponse à l’accroissement de la dépense publique et de la demande globale solvable.
L’accroissement de monnaie, du fait de l’équation (7) de demande de monnaie, induit aussi
l’accroissement d’encaisses réelles supplémentaires et à offre de monnaie constante, ceci n’est
possible que si le taux d’intérêt augmente. Il en sera de même sur le marché des titres. Ainsi,
l’équilibre macro-économique peut se résumer à la rencontre de l’équilibre partiel du marché
des produits et du marché de la monnaie. Puisque l’équilibre du marché des titres s’obtient du
fait du respect de l’équilibre macro-économique (application de la Loi de Walras).

it

LM

A0/S
H’

i1

H
ie
IS1

IS2

Yt
M0 (M/P) Ye Y1
m2

ΔY >0

Le supplément de dépense publique conduit au déplacement de la courbe IS vers le haut et


vers la droite.
La pente reste la même : la dépense publique étant supposée exogène. Ceci accroît la
demande globale c'est-à-dire l’absorption (ou demande intérieure solvable). Il est donc
nécessaire que la production augmente pour répondre à cette demande supplémentaire de
biens et services. Ceci entraine par un effet de multiplication des dépenses autonomes
l’accroissement du revenu national distribué dans l’économie. Lequel pousse vers le haut la
consommation et l’épargne des ménages. Ce mouvement entraine deux déséquilibres : d’un
côté l’épargne nouvelle devient supérieure à l’investissement sur le marché des biens.
72

L’investissement étant indépendant du revenu. De l’autre côté, sur le marché de la monnaie, le


revenu supplémentaire entraine une hausse de demande de monnaie à des fins de transactions.
Or, l’offre de monnaie est inchangée et de même l’offre de titres. Comment alors financer le
supplément de dépenses publiques ? Seule une augmentation du taux d’intérêt peut inciter les
détenteurs de dépôts bancaires à réduire la part de leur richesse liquide au profit de la part de
la part de leur richesse financière non liquide qui pourrait alors être affectée à l’achat de
titres émis par l’Etat (obligations d’Etat ou bons du Trésor) pour financer le supplément de
dépenses publiques. Dès lors, il en résulte une hausse des taux d’intérêt lequel permet alors de
rétablir l’équilibre sur le marché des biens et services c'est-à-dire l’égalité entre l’épargne et
l’investissement et également sur le marché de la monnaie, c'est-à-dire l’égalité entre la
demande de monnaie nouvelle et l’offre de monnaie.
On assiste ainsi à une relance conjoncturelle, puisque le revenu national a augmenté et de ce
fait l’emploi. Toutefois, cette relance peut rester insuffisante pour réduire le chômage. La
politique budgétaire peut donc être d’une efficacité limitée.
Examinons à présent le cas de la politique monétaire
a2. Le cas de la politique monétaire

it
LM

A0/S

LM1

ie H1
Δi >0
i1

M0 (M/P)
Ye Y’1
m2 Yt

Δ(M/P) > 0 ΔY >0


73

La politique monétaire agit sur le stock d’encaisses disponibles. Une politique expansionniste
augmente l’offre de monnaie (M/P) alors qu’une politique restrictive réduit cette offre de
monnaie.
Remarque : précédemment, une politique budgétaire restrictive réduit la dépense publique,
ou entraîne une augmentation des impôts, c'est-à-dire par augmentation du taux marginal
d’imposition (t) et/ou des impôts forfaitaires (T0).

Pour ce qui concerne la politique monétaire, dans le cadre de la BCE, la politique restrictive
passe par des hausses de taux d’intérêt directeurs des opérations de la Banque Centrale,
lesquels impactent sur les taux servis par les banques ou les taux et rendement des titres sur
les marchés de capitaux. L’offre de monnaie est accrue, il en résulte un excès d’offre de
monnaie sur le marché de la monnaie, laquelle entraine une baisse du taux d’intérêt. Or,
compte tenu de l’équation (4) de l’investissement, la baisse du taux d’intérêt se répercute à la
hausse de l’investissement des entreprises dont le coût du capital emprunté a baissé. C’est
alors ce supplément d’investissement qui fait jouer le multiplicateur de dépenses. Les
entreprises accroissent l’offre de biens, les revenus distribués et c’est ainsi qu’il en découle un
supplément de consommation et d’épargne des ménages. L’épargne privée venant exactement
compenser le supplément d’investissement des firmes. Ainsi, l’équilibre est rétabli au point
H’1 pour un niveau de revenu supérieur (Y’1) et un taux d’intérêt plus faible (i’1). L’efficacité
des instruments budgétaire et monétaire est, ici supposée prévaloir, dans un contexte où les
prix sont fixes et/ou les effets inflationnistes des politiques économiques sont négligés. Dans
ces conditions, il convient d’examiner les critères d’efficacité et le choix des instruments.

b. Les critères d’efficacité et le choix optimal des instruments


Revenons aux conditions d’équilibre macro fournit par le système des équations 17a et 17b.

(17a) Ye = m2 A0 + j (M/P –M0)


Δ Δ
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)) + m1j]
74

(17b) ie = 1/m2 [&-m1j/Δ] [M0- M/P] + m1/ Δ (A0)

Examinons par simplification uniquement les effets de l’accroissement de la dépense publique


ou alternativement de l’offre de monnaie sur le niveau d’activité. Il vient donc de 17a, 18 a.

(18a) Ye = m2 G0 + j (Δ M/P))
Δ Δ
(18b) ie = 1/m2 [1-m1j/Δ] [- Δ M/P] + m1/ Δ (pour Δ A0 = 0, ici Δ représente une variation)
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)) + m1j] ; ici Δ représente le dénominateur des paramètres, issu du
déterminant de la matrice des paramètres dans (15) et (16).

L’efficacité de la politique budgétaire se mesure à l’effet d’impact sur l’accroissement du


revenu d’équilibre du supplément de dépenses publiques.
ΔYe / ΔG0 = m2 / m2 [ 1 – c(1-t) ] + m1j

Dès lors, l’effet de la politique monétaire se mesure à l’effet de l’impact sur le revenu
d’équilibre de l’accroissement de l’offre de monnaie :
ΔYe / Δ(M/P) = j/Δ
Avec Δ = m2 [(1-c(1-t)] + m1j

Dès lors, l’efficacité comparée de la politique budgétaire par rapport à la politique monétaire
est le rapport de ces deux multiplicateurs.

ΔYe / ΔG0 = m2 ≥ 1
ΔYe / Δ(M/P) j

La politique monétaire sera efficace que la politique budgétaire, lorsque la semi-


élasticité de la demande de monnaie (m2) est supérieure à la sensibilité d’intérêt de la
dépense d’investissement (j). A l’inverse la PM sera plus efficace que la politique
budgétaire si le rapport des deux paramètres est < 1, c'est-à-dire si m2 < j : la semi
élasticité de la demande de monnaie est inférieure à la sensibilité d’intérêt de la dépense
d’investissement (j).
75

Enfin, politique budgétaire ou PM sont d’efficacité identique, c'est-à-dire que le choix est
indifférent entre ces deux instruments lorsque m2 = j. (m2/j =1)
Ce critère guide le choix des instruments préférés selon que l’on est Keynésien ou
monétariste.
Dans le premier cas Keynésien, j = 0

IS pour
Le 1er Cas KEYNESIEN
j=0

it

LM

ii11
H’
Δi >0
ie
ie

Ye Y’1
Yt

ΔY >0

it

ΔG0 > 0

LM

LM pour m2 infini
H’
ie = iMIN H
IS1
Trappe à
Δi =0 liquidité
IS

Ye Y1
Yt

ΔY >0
76

Dans le deuxième cas Keynésien, c’est celui de la trappe à liquidité m2 tend vers l’infini. La
demande de monnaie infiniment élastique aux taux d’intérêt et la courbe LM est une courbe
principalement horizontale.
Lorsque (j = 0) dans (18a) et (18b) les paramètres de l’offre de monnaie s’annulent, le
dénominateur aussi se simplifie, donc l’accroissement du revenu se réduit au multiplicateur de
dépenses publiques. Et on retrouve le multiplicateur simple de dépenses publiques ou
multiplicateur keynésien.
ΔYe = m2 (ΔG0)
m2 [ 1 – c (1-t) ]
ΔYe = 1 ΔG0 = (1/s) * ΔG0
1 – c (1-t)
Pour les Keynésiens des entrepreneurs animés d’esprit animaux c'est-à-dire de conquête de
marché produisent des investissements privés en réponse à la dépense publique
supplémentaire, pour capter les marchés nouveaux et rentables dopant la production et
l’emploi, et créant la croissance du revenu national. Toutefois, ceci s’effectue à offre de
financements constants. C’est pourquoi, les taux d’intérêt augmentent. Les monétaristes vont
montrer que cette augmentation des taux d’intérêt illustre en réalité un effet d’éviction des
marchés de capitaux, des entreprises privées par l’Etat, car l’épargne initiale étant constante,
pour que les entreprises puissent financer le supplément d’investissement en réponse au
supplément des dépenses publiques, il sera nécessaire qu’elles émettent des titres nouveaux
aux cours plus élevés que les titres anciens. L’Etat ayant déjà « siphonné » l’épargne
disponible en émettant des titres d’Etat pour financer ses propres dépenses, il n’y en aura plus
assez pour les entreprises en vue de financer leurs investissements nouveaux.
Pour j = 0
Cas keynésien : Efficacité maximale de la politique budgétaire et efficacité nulle de la
Politique Monétaire

ΔYe / Δ (M/P) = J / Δ = 0
Avec Δ = m2 [(1-c (1-t)) + m1j]
ΔYe / ΔG0 = m2 / m2 [1-(c-t)] = 1/S = ks
Donc la politique budgétaire est préférable à la politique monétaire pour :
 Relancer l’économie
 Lutter contre le chômage ou réduire la demande globale (austérité)
77

Le 1er Cas KEYNESIEN

IS
IS2

it

LM

ii11
H’
Δi >0
ie
ie

H
H’’

Y2 Ye Y1
Yt

ΔY <0 ΔY >0

Le 2° Cas KEYNESIEN
it

ΔG0 > 0

LM

H’
LM pour m2 infini
H’’ H
ie = iMIN
IS1

Δi =0
IS

Y2 Ye Y1
Yt

ΔY <0 ΔY >0
78

Δ(M/P) > 0

it
LM LM1
m2 = 0 Le Cas MONETARISTE

A0/S

H
ie
Δi >0 H’
i1

Y1
Ye
Yt

ΔY >0
Cas Monétariste : (m2 = 0 : la demande de monnaie est insensible au taux d’intérêt)

m2 = 0

ΔYe / ΔG0 = m2 /Δ = 0

ΔYe /Δ(M/P) = J / m2 [1-(c-t)] + m1J = 1/ m1 > 0

L’effet de relance est inversement proportionnel à l’élasticité-revenu de Md


La politique monétaire est supérieure à la politique budgétaire en matière de relance
conjoncturelle et de lutte contre le chômage.

Cas de la politique Mixte (policy mix)


ΔG0 = Δ (M/P) : la dépense publique accrue est financée par la création monétaire

ΔYe = (m2 – j) *(ΔG0) ΔYe / ΔG0 = m2 – j /Δ > 0 ssi m2 >j


m2 * s + m1j
79

Avec Δ = m2 [(1-c (1-t))] + m1j = m2s + m1 j


Remarque :
Les politiques de rigueur budgétaire consistent plutôt à réduire le niveau de la dépense
publique ou à augmenter les impôts et le taux de pression fiscale sur les revenus.
Les politiques de restriction monétaire consistent à réduire le rythme d’augmentation de la
masse monétaire, ou à augmenter les taux d’intérêt de la Banque Centrale pendant la période
contemporaine. Dans ce cas, les évolutions sont symétriquement opposées. (exemple avec le
2° cas Keynésien)

CONCLUSION DE LA SECTION III

Le modèle macro-économique standard examiné ici, permet d’illustrer les critères


d’efficacité des politiques économiques en général, et le choix de la politique monétaire en
particulier. Il apparaît que ces critères de choix dépendent de variables financières, à
savoir l’élasticité-intérêt de la demande de monnaie et la sensibilité-intérêt de la dépense
d’investissement.
Ce sont donc les comportements financiers des agents non financiers et notamment leurs
stratégies de choix de portefeuille et de détention de liquidités d’un côté, et de l’autre côté, la
sensibilité des firmes au coût du capital emprunté, qui président à l’efficacité des politiques
économiques. Une variable financière est donc ici centrale : le taux d’intérêt. Ce que l’on
appelle le canal de la monnaie ou du taux d’intérêt (« money channel »), c’est le lien de
transmission des effets de la politique monétaire sur l’activité, l’emploi, la croissance
économique. Ce lien transite toujours par des variations du taux d’intérêt d’équilibre, que la
politique monétaire agisse par l’augmentation de l’offre de monnaie, ou par la baisse de
celle-ci. Au surplus, le canal de la monnaie illustre que le coût du capital emprunté ou coût
d’accès au fonds prêtables, est le même, qu’il soit le coût d’accès aux crédits bancaires ou
qu’il soit le coût d’accès aux fonds prêtables sur les marchés de capitaux (marché des
obligations, des dérivés de crédit, des options financières, etc…).
Dans ces conditions, la « money view » illustre l’idée que les effets de la Politique Monétaire
(PM) sur l’activité, transitent par les variations de la liquidité détenue par les ANF (Agents
non Financiers), c'est-à-dire les dépôts collectés par les banques : la PM modifie donc
80

principalement le passif des banques. Cette « money view » pose donc une hypothèse
implicite à savoir que pour les ANF emprunteurs, les crédits bancaires désirés et les titres
financiers sont des sources de financement parfaitement substituables. Les crédits n’étant
qu’une contrepartie de la masse monétaire, la « money view » postule donc que monnaie,
crédits, et titres sont des substituts parfaits.
Dès lors, dans les évaluations de l’efficacité de la PM, seule la monnaie compte (« Money
only matters »)  Sujet d’examen
En effet, cela signifie que si l’on est monétariste avec Milton FRIEDMAN, la politique
monétaire agit sur l’activité économique de deux façons :
Sur les prix, car en accroissant la liquidité en circulation (cas de la politique expansionniste)
ou en décélérant le rythme d’augmentation de la quantité de monnaie (cas de la politique
monétaire restrictive), il en découle une croissance de la demande globale (ou respectivement
un recul), car les liquidités supplémentaires constituent un pouvoir d’achat nominal
supplémentaire (ou en recul). Si l’offre de biens et services ne s’adapte pas vite à CT, l’effet
sur l’activité sera donc décalé. Milton FRIEDMAN dit alors que la politique monétaire est
soumise à des délais d’actions longs sur l’activité, délais en général évalués à 3 à 6
trimestres (voir Section IV).
Les effets de la PM sont alors beaucoup plus immédiats et rapides sur les prix, car en cas
d’expansion monétaire, la demande de produits étant supérieure à l’offre, ce sont les prix qui
vont s’ajuster à la hausse pour assurer l’équilibre partiel offre/demande sur le marché des
produits.
Sur les quantités : c’est pourquoi pour Milton FRIEDMAN, la bonne Politique
Monétaire est une règle quantitative d’accroissement à taux constant de la masse monétaire
(M1 ou la Base monétaire), car du fait de la théorie quantitative de la monnaie, l’action sur
l’activité est directe, car elle transite par le volume de dépense, calé sur le niveau des
encaisses effectives détenues par les ANF.
La « money view » est donc marquée par un paradoxe : d’une part seule la monnaie compte, la
PM transitant par la monnaie (passif consolidé des banques). D’autre part, les effets de la PM
étant longs et lents à se manifester, il convient de pratiquer une PM passive, régulière,
automatique, obéissant à la Règle de FRIEDMAN (règle d’augmentation à k% de la
masse monétaire, k% étant le taux de croissance du PIB potentiel : ceci en cas de relance
conjoncturelle ; et règle de décélération à k% du rythme d’augmentation de la masse
monétaire, k% étant le taux de croissance du PIB potentiel).
81

Ce paradoxe est renforcé par un autre paradoxe : la monnaie est centrale. Donc ceux qui
collectent les dépôts des ANF et de ce fait produisent la monnaie, c'est-à-dire les banques sont
déterminants ; et pourtant les effets de la politique monétaire sur l’activité ignorent le
rôle du crédit bancaire. Ce deuxième paradoxe sera donc à partir du début des années 1980,
l’objet de la critique à la « money view » et le programme du travail de la « credit view »,
laquelle va poser deux hypothèses (Chapitre 5):
 Monnaie, crédit et titres financiers ne sont pas parfaitement substituables
 L’Existence d’un canal du crédit, c'est-à-dire un lien par lequel transitent
les effets de la Politique Monétaire sur l’activité économique.

C’est l’objet d’un approfondissement ultérieur, à savoir la substitution imparfaite


monnaie-titres ou le rôle du canal du crédit bancaire (Chapitre 5). En attendant
d’examiner ces points, dont également l’Arbitrage Inflation-Chômage (Chapitre 4),
considérons d’abord la relation Monnaie – Activité (Section IV).
82

SECTION IV – LA RELATION MONNAIE - ACTIVITE

La relation Monnaie-Activité est à l’origine de grandes controverses,


opposant pour l’essentiel les monétaristes et les nouveaux-keynésiens, à
propos de l’influence des variations de l ‘offre de monnaie sur le partage
prix-quantités.
Chez les monétaristes, l’influence de la monnaie s’exerce directement
et sans délai sur l’inflation, alors que les effets réels sont plus tardifs à se
produire.
Pour les nouveaux keynésiens, il est en effet nécessaire de retenir
l’influence de la monnaie sur l’inflation, sous réserve d’en déduire l’effet
de cette dernière sur le pouvoir d’achat et de ce fait sur la demande
globale. Mais l’action de la monnaie s’exerce davantage dans la période
contemporaine du fait de l’influence du taux d’intérêt, la politique
monétaire ayant pour vocation de fixer le taux d’inflation-cible. Il en
découle alors un nouvel équilibre macroéconomique illustratif de la
rencontre entre l’offre agrégée et la demande agrégée.

A- MONETARISME, INFLATION ET ACTIVITE

Le monétarisme se caractérise par trois propositions principales.

(i) La neutralité monétaire à long terme et la non-neutralité


monétaire à court terme.
(ii) L’inflation, est toujours et partout un phénomène purement
monétaire.
(iii) La demande de monnaie décrit un comportement toujours
stable. Ce sont les fluctuations désordonnées de l’offre de
monnaie qui sont responsables des fluctuations cycliques. Pour
éviter une instabilité macroéconomique facteur tantôt de
récession voire de crise économique, ou tantôt d’inflation
perverse, la croissance de l’offre de monnaie doit évoluer à un
rythme constant indexé sur le taux de croissance réelle de
l’économie. C’est la règle à k% de l’offre de monnaie. Cela
signifie, que « de la même manière que la guerre est une
chose trop importante pour être laissée à la volonté des
militaires seuls, de la même façon la croissance de
l’offre de monnaie est une chose très importante pour
être laissée au jugement des Gouvernements ou des
Banques Centrales seuls ».
Examinons ces trois propositions respectives.
83

1- La neutralité monétaire à long terme et la non-neutralité


monétaire à court terme
A court terme, la croissance de la Masse monétaire a des effets réels.
Partant de

(1) M t* vt= P t * Yt
Il vient après différentiation logarithmique :
. . . .
(2) Mt + Vt = Pt * Yt

Milton FRIEDMAN reconnaît à la suite de nombreuses critiques que la


monnaie a des effets sur l’activité à court terme. Cela signifie, qu’une
croissance de la Masse monétaire produit 2 types d’effets.

Des effets transitoires et de court terme (en général quelques


trimestres, en particulier lorsqu’on raisonne sur un cycle long de
50 à 70 ans, de 3 ans à 10 ans maximum). Une augmentation de
l’Offre de Monnaie, induit la hausse de la détention d’encaisses de certains
agents bénéficiaires. En effet reprenant les mots de James TOBIN, soit
« la monnaie nouvelle ne produit que le même effet que la
monnaie antérieure, soit la monnaie nouvelle augmente la
capacité d’achat de biens et services supplémentaires par les
Ménages ou les Agents non financiers ».

Cela dit, à l’instar de James Stuart MILL (1844), FRIEDMAN affirme que
« si la monnaie nouvelle est utilisée à des fins de financement de la dette
publique, laquelle sert à financer la dépense publique en biens et services,
alors il n’en résultera que l’augmentation des prix des biens et services ».
Pour Milton FRIEDMAN, les effets de l’augmentation de l’Offre de Monnaie
à court terme affecteront l’activité, mais de façon transitoire. Ces effets
sont d’ailleurs longs à se produire, de l’ordre de 3 à 4 trimestres.

On peut ainsi écrire :


. 4 .
(3) Yt = ∑ i=0 (ai* M t) avec, a0 + a1 + a2 = 0, a3+a4 ≤1
. 6 .
(4) Pt = ∑i = 0(bi * Mt) avec, b0 à b3= 0, et b4 à b6=1
84

Les effets de la croissance de la Masse Monétaire affectent d’abord


la croissance en volume de l’activité, généralement au bout de 3 à
4 trimestres seulement (un an au minimum), alors que les effets
sur l’inflation sont plus lents (au bout de 12 à 18 mois)1.

Dans (3) et (4), les données sont donc trimestrielles, Yt représentant le


PIB en volume ou à prix constants, (Mt) la Masse monétaire (M1 ou M2 en
euros par exemple), Pt le déflateur du PIB ou l’Indice des Prix à la
Consommation. Il s’agit des taux de croissance de ces variables.
Ces effets transitoires se dissolvent à long terme.
Selon Milton FRIEDMAN, ce sont des études empiriques qui seules
permettent d’établir la taille et la durée des effets transitoires d’un
côté, et de l’autre, l’émergence des effets durables, et comment
les premiers dominent-ils ou sont dominés par les seconds. A sa
connaissance, aucune étude empirique n’a jamais démontré que
les effets transitoires l’emportent sur les effets de long terme,
alors que l’inverse est plus souvent observé2.

La neutralité monétaire à long terme décrit de ce fait l’absence


des effets permanents de la croissance de la Masse monétaire sur la
croissance de l’Activité. Partant de (2), pour une vitesse constante de la
monnaie, et un taux de croissance de l’Activité économique égal au taux
de croissance de l’Activité potentielle, toute croissance de la Masse
monétaire se résout dans de l’inflation.

Définition : l’Activité potentielle est celle qui requiert l’usage de tous les
facteurs de production, dont l’emploi de la main d’œuvre disponible et
tous les autres facteurs de production (terres, équipements,
immobilisations, etc…).
. . ._
Donc de (2), il vient pour (v t) = 0 et (Y t = Y )

. .
(5) Pt = Mt

1
Voir Milton FRIEDMAN (1987) page 29, cité dans la Note suivante. Les équations de type (3) et
(4) sont appelées des équations de Saint-Louis, suite aux estimations de Leonall ANDERSEN et
Jerry JORDAN à la Réserve Fédérale de Saint Louis en 1968.
2
Milton FRIEDMAN (1987) « The Quantity Theory of Money », in EATWELL J., MILGATE M. &
MURRAY P. (1987) « TheNew Palgrave : A Dictionary of Economics » , Palgrave MacMillan
Editions, p. 16.
85

2- L’inflation, un phénomène partout et toujours purement


monétaire

L’inflation est historiquement un phénomène monétaire, ce que les


faits contemporains permettent également d’établir.

a- L’Inflation, un Phénomène Historiquement Monétaire

Historiquement, l’inflation est traditionnellement un phénomène purement


monétaire. Milton FRIEDMAN (1987, pp. 26-27, op. cit) évoque à ce titre
deux séries d’arguments différents pour soutenir cette thèse.

(i) L’inflation d’origine métallique

Avant le 20° siècle, les monnaies sont issues des métaux précieux (or,
argent, cuivre, etc…). Les Gouvernements procèdent souvent à des
modifications des valeurs nominales, en changeant le poids des pièces et
de ce fait la valeur nominale attachée aux différentes monnaies
fiduciaires. Il en résulte des modifications de la quantité de monnaie en
circulation. De même, les découvertes de nouveaux gisements de métaux
précieux sont à l’origine d’une circulation fiduciaire plus abondante,
souvent à l’origine d’un mouvement de hausse des prix.
Par exemple, alors que les dépôts sont désormais constitués
de billets issus des monnaies-papier, les découvertes d’or en
Australie et aux Etats-Unis dans les années 1840, seront suivies
dans les années 1850 par des hausses substantielles des prix.
A l’inverse, lorsque la croissance du stock d’or ralentit, et en
particulier lorsque les pays passèrent un à un de l’Etalon-Argent à
l’Etalon-Or (l’Allemagne entre 1871 et 1873 ; l’Union monétaire
latine -composée de la France, la Suisse, l’Italie et la Belgique en
réunis par une convention monétaire adoptée en 1865 : voir
Encadré- en 1873, les Pays-Bas en 1875-76), ou retournèrent à
l’Etalon-Or (Les Etats-Unis en 1879), les prix mondiaux exprimés
en unités d’or, tombèrent fortement et régulièrement pendant au
moins 3 décennies.
A nouveau, de nouvelles découvertes d’or aux Etats-Unis et
ailleurs dans les années 1880-1890, renforcées par de nouvelles
méthodes d’extraction et de raffinage de l’or, poussèrent à
l’augmentation significative du stock d’or dans le Monde. En
l’absence de nouveaux pays adoptant l’Etalon-Or, les prix
mondiaux augmentèrent de 25 à 50%, du milieu des années 1890
à 1914.
86

ENCADRÉ 1 : L’UNION MONETAIRE LATINE

23 décembre 1865 : Naissance de l'Union latine


Le 23 décembre 1865, la Belgique de Léopold II, la France de Napoléon III, l'Italie de Victor-Emmanuel II et la
Suisse signent une convention monétaire à l'initiative de l'Empereur des Français. C'est la naissance
de la première union monétaire de l'Histoire : l'Union latine.

Le principe en est simple : les monnaies de référence de chaque pays de l'Union ont le même poids
d'or fin tout en gardant leur nom (franc français, franc suisse, lire...) et leur symbole national. Ces
monnaies et leurs subdivisions principales peuvent de la sorte circuler indifféremment dans tous les
pays de la convention: il devient possible de payer à Bruxelles ou Paris ses achats avec des lires ou
des francs suisses !

La convention exclut de son champ les pièces dites « de billon », dont la valeur faciale est inférieure à
20 centimes, ainsi que le papier-monnaie dont la circulation est encore confidentielle.

Un Avatar de la Révolution

Le précurseur de l'Union latine est Napoléon 1er, qui a imposé dans les pays soumis à la France une
référence monétaire commune : le Napoléon, une pièce de 5,801 grammes d'or fin, d'une valeur de 20
francs.

Dans une lettre à son frère Louis, roi de Hollande (et père du futur Napoléon III), en 1806, il écrit :
« Mon frère, si vous faites frapper de la monnaie, je désire que vous adoptiez les mêmes divisions de
valeur que dans les monnaies de France et que vos pièces portent, d'un côté, votre effigie et, de
l'autre, les armes de votre royaume. De cette manière, il y aura dans toute l'Europe uniformité de la
monnaie, ce qui sera d'un grand avantage pour le commerce ».

Après Waterloo et l'effondrement de l'Empire napoléonien, la référence au Napoléon est


provisoirement abandonnée. Mais la Belgique, en prenant son indépendance, en1830, y revient d'elle-
même dans le souci d'asseoir sa monnaie sur une base solide. L'Italie fait de même en procédant à
son unification. Enfin, la Suisse, en 1851, introduit à son tour une pièce de 20 francs suisses ayant les
mêmes caractéristiques que ses consœurs (5,801 grammes d'or fin).

La Convention de 1865 entérine ces évolutions. Elle laisse à ses signataires le droit de se retirer
de l'Union à leur guise. Dans les faits, de nombreux pays la rejoignent, à commencer par la Grèce, le
8 octobre 1868.

Au total, 26 pays adhèrent à l'Union latine, de l'Argentine à la Finlande (à l'exception notable de


l'Angleterre et de l'Allemagne) ! Les États-Unis eux-mêmes envisagent de la rejoindre.

La convention admet, à côté de pièces en or, des monnaies divisionnaires en argent. Mais ce
bimétallisme est mis à rude épreuve suite à l'enchérissement de l'argent par rapport à l'or. Cet
enchérissement de l'argent est la conséquence de l'arrivée en Europe de grandes quantités d'or, du
87

fait de la découverte d'importants gisements aurifères en Californie, Sibérie, Australie et Afrique du


Sud.

Une Union européenne avant la lettre

L'Union latine a fonctionné néanmoins de manière très satisfaisante pendant plusieurs


décennies, illustrant le très haut niveau d'intégration atteint par l'Europe à la fin du XIXe
siècle... Ce fut l'une des périodes où les Européens ont au plus haut point le sentiment
d'appartenir à une communauté de civilisation, unie par des valeurs et des croyances
88

identiques. Ce sentiment s'est déjà rencontré au XIIIe siècle (le temps des cathédrales) et au
début de la Renaissance. On l'a connu aussi à l'époque de Jean Monnet et de la
construction européenne...

La Grande Guerre (1914-1918) va porter le coup de grâce à l'Union latine et celle-ci


s'éteint pour de bon le 1er janvier 1927.

Joseph Savès (15-06-2015) (www.herodote.net

L’inflation d’origine monétaire est la caractéristique des grands


épisodes inflationnistes.

(ii) L’Inflation monétaire lors des grands épisodes


inflationnistes

Les périodes de forte instabilité monétaire illustrent également le rôle de


la quantité de monnaie. A l’évidence, les épisodes hyper-inflationnistes
sont à ce titre les plus marquants : l’hyperinflation en Allemagne, en
Autriche et en Russie juste après la 1° Guerre Mondiale ; l’hyperinflation
en Hongrie et en Grèce juste après la 2° Guerre Mondiale ; et enfin, les
épisodes d’inflation galopante en Amérique du Sud avant et après la 2°
Guerre Mondiale.
Ces épisodes inflationnistes sont mieux étudiés que ceux du 19°
siècle (par Philip CAGAN 1965 ; David MEISELMAN 1970 et Thomas
SARGENT 1982). Le processus de l’accélération de l’inflation est le
suivant :
- Un financement important de la Dépense publique se produit,
entraînant une croissance rapide de l’Offre de Monnaie ;
- Les prix commencent à augmenter, mais à un rythme moindre que
l’augmentation de la quantité de monnaie, de sorte que le stock
d’encaisses réelles détenues par les Agents augmente pendant un
certain temps, et cela pour 2 raisons : d’une part, il existe un
décalage dans l’ajustement des encaisses par les agents (notion
d’ajustement partiel des encaisses de période à période) ; d’autre
part, les Agents forment des anticipations d’inflation les laissant
penser à une hausse transitoire du niveau des prix, qui sera ensuite
suivie d’une baisse de ce niveau. De telles anticipations conduisent
les Agents à considérer que la monnaie constitue encore un abri de
pouvoir d’achat et une réserve de valeur (richesse), les poussant à
désirer de plus en plus d’encaisses réelles.
89

- Si les prix continuent d’augmenter, les Agents révisent alors leurs


anticipations d’inflation. Ils réduisent de ce fait l’écart entre
encaisses désirées et encaisses effectives, le degré d’ajustement
partiel des encaisses de période à période étant élevé. Les prix
augmentent alors plus vite que le stock de monnaie (ou d’encaisses
nominales), la vitesse de circulation de la monnaie augmentant, il
en découle une chute du stock d’encaisses réelles. Tout dépend
alors du rythme d’augmentation de l’offre de monnaie. Si l’offre de
monnaie augmente à un taux constant, le stock d’encaisses
réelles s’établit à un niveau inférieur à celui prévalant avant
la hausse des prix – en fait, un taux d’inflation anticipée constant
correspondra à un stock d’encaisses réelles relativement constant-.
Si le taux de croissance de l’offre de monnaie baisse, le taux
d’inflation effective va également baisser, entraînant une
augmentation du stock d’encaisses réelles détenues et
désirées. Et inversement, si le taux de croissance de l’offre
de monnaie s’élève. Si par contre le taux de croissance de
l’offre de monnaie obéit à un cycle d’oscillations (des baisses
suivies de hausses), le stock d’encaisses réelles suivra avec un délai
les variations du stock d’encaisses nominales. Ce délai tient compte
des anticipations d’inflation future, lesquelles se fondent en partie et
en moyenne sur l’expérience des années passées. Plus rapide sera
l’évolution des prix, et plus courte sera la période de calcul de la
moyenne des taux d’inflation passée, pour mesurer l’inflation future
et ajuster le stock d’encaisses réelles.
- Lorsque la hausse des prix dégénère en hyperinflation,
l’augmentation des prix est telle que le stock d’encaisses réelles
diminue drastiquement, et les Agents non financiers se tournent
alors vers des substituts à la monnaie domestique, en adoptant la
détention des devises étrangères. Le Gouvernement doit alors
procéder à des modifications du régime monétaire, en introduisant
un nouveau système monétaire et/ou de paiements.

Cette analyse de l’inflation monétaire est également confortée dans la


période contemporaine.

b- L’Inflation monétaire, Une Illustration des Faits contemporains

Milton FRIEDMAN (1987 p. 28-29) reprenant un certain nombre d’études


relatives aux pays industrialisés principalement, aboutit aux conclusions
suivantes.

- Dans la plupart des pays occidentaux, la croissance de la Masse


monétaire se répercute sur le taux de croissance du Revenu
90

National en moyenne entre 6 et 9 mois plus tard. Ce délai


moyen peut varier d’un pays à l’autre, tout dépendant du degré de
variabilité de la croissance de la Masse Monétaire, de l’Activité en
volume ou de l’Inflation.
- Dans les phases cycliques de l’Activité en volume, la croissance de
l’Activité en volume est plus rapide que la croissance de l’Offre de
monnaie : la vitesse de circulation s’élève davantage en période
d’expansion, et baisse en période de récession. Ce, parce que les
taux d’intérêt nominaux sont pro-cycliques (augmentent avec
l’expansion et diminuent avec la récession), alors que la demande
d’encaisses réelles répond davantage au Revenu permanent qu’au
Revenu Disponible.
- La croissance de la Masse monétaire affecte l’Activité en
volume et le Revenu National en termes nominaux au bout de
6 mois à 9 mois (2 à 3 trimestres), alors que l’effet sur les prix
est davantage décalé. En effet, l’effet sur le taux de croissance
de l’Inflation de la croissance de la Masse Monétaire se
produit entre 12 et 18 mois plus tard. Ceci signifie qu’une
croissance de l’Offre de Monnaie induit une hausse du taux de
croissance de l’Inflation en général au bout de 2 ans. C’est pourquoi
il est difficile de réduire le taux d’inflation consécutif à une
croissance de la Masse monétaire : apparue tardivement après la
croissance de M1 ou M2, le taux d’inflation est ensuite rigide.
- On en déduit donc qu’à court terme (et celui-ci peut aller jusqu’à
3 ans), la croissance de l’Offre de monnaie se répercute
d’abord sur la croissance de l’Activité en volume. Mais par
contre à long terme, c’est-à-dire sur une période de plusieurs
dizaines d’années, la croissance de l’Offre de Monnaie se
répercute systématiquement et d’abord sur l’Inflation. L’effet
sur l’activité va dépendre de la structure de l’économie, la part de
l’Industrie, le partage entre le Secteur public et le Secteur privé, la
nature et le rythme des innovations technologiques.
- La diminution brutale de la croissance ou du niveau de l’Offre
de Monnaie, constitue une condition nécessaire et suffisante
de l’apparition d’une profonde dépression économique. Ainsi
avant la crise de 1929, la Réserve Fédérale a diminué le
niveau de l’Offre de Monnaie de près d’1/3, entraînant
l’économie dans la dépression. De même les fluctuations à la
hausse ou à la baisse de la croissance de l’Offre de Monnaie
sont bien corrélées aux Fluctuations de l’Activité en volume,
sans pour autant constituer la cause principale de telles
fluctuations cycliques.
De toutes ces considérations, il ressort que l’Inflation est toujours et
partout un phénomène purement monétaire. Pour l’éviter ou la ralentir, la
croissance de l’Offre de Monnaie doit obéir à une règle fixe.
91

3- La Règle d’Accroissement à Taux constant de l’Offre de


Monnaie

Partant de (5), obtenir la stabilité des prix, compte tenu d’une


vitesse de circulation stable de la monnaie, exige d’égaliser le
taux de croissance de la Masse monétaire au taux de croissance
de l’Activité en volume/
. . . .
(5) Mt + Vt = Pt * Yt

. . . .
Pour (V t) = 0, P t = 0 ssi M t = Yt

La règle dite à k% est donc la règle qui égalise la croissance de


l’Offre de Monnaie à la croissance de l’Activité en volume, que les
Autorités monétaires doivent annoncer à l’avance en la publiant,
et proportionner leurs interventions sur le Marché monétaire de
sorte qu’il en résulte des variations de la Base monétaire,
permettant d’atteindre ce taux sans le dépasser.

On parle alors de pré-annoncement de la règle à k%, sorte d’outil


d’ancrage des anticipations de croissance de la Masse monétaire, et de ce
fait des anticipations d’inflation des Agents privés.

Pour Milton FRIEDMAN en effet, cette règle permet aux Autorités


monétaires, d’éviter des politiques discrétionnaires de variation de
l’Offre de monnaie, susceptibles de rendre instable la trajectoire
de croissance, en introduisant des éléments d’incertitude dans les
prévisions d’inflation des Agents privés. Il est en effet apparu plus
haut, que de cette incertitude induite par la Politique monétaire,
elle-même souvent assujettie au financement monétaire de la
Dépense publique, résultent des effets sur les encaisses réelles
désirées, les encaisses réelles effectivement détenues, et de ce
fait l’Activité en volume et le Revenu National.

Les propositions de Milton FRIEDMAN ont eu un grand écho à partir du


milieu des années 1970, lorsque dans tous les pays industrialisés,
l’inflation a commencé à se développer. A partir de 1979, la Politique
monétaire s’est articulée autour de règle de pré-annoncement de la
croissance souhaitée de M1 ou la Base monétaire (Etats-Unis,
92

Allemagne Fédérale), M2 (France) voir M3 dont la composante


domestique hors devises étrangères (Royaume-Uni) selon les
pays. Ces politiques ont été menées dans tous les pays occidentaux
jusqu’au début des années 1990. Toutefois, l’instabilité de la demande de
monnaie associée aux différents agrégats-cibles rendant désormais
imprévisible la réalisation de la croissance souhaitée de ces Agrégats, a
ruiné la crédibilité des règles pré-annoncées. De même, l’évolution à la
hausse des atux d’intérêt, à l’origine de cette instabilité de la demande de
monnaie, a rendu nécessaire l’adoption d’autres règles de politique
monétaire, davantage centrées sur les taux d’intérêt.

Ainsi le Monétarisme a-t-il vu la critique néo-keynésienne


s’intensifier.

ENCADRE 2 : UN APERÇU DU MONETARISME EN 6 POINTS

1- La Validité de la Théorie Quantitative de la Monnaie (La Monnaie compte


toujours: “Monney Does Matter”), c’est-à-dire la vitesse constante de la Monnaie
et la stabilité de l’équation de Demande de Monnaie.
2- La Neutralité de la Monnaie à Long Terme: une augmentation de l’Offre de
Monnaie sera suivie d’une hausse du niveau général des prix à long terme, sans
influence sur les quantités (production, consummation, emploi).
3- Une Non-neutralité de la Monnaie à Court Terme: une augmentation de
l’Offre de Monnaie a des effets temporaires sur l’Activité en volume et l’emploi,
car les prix et les salaires s’ajustent lentement.
4- Une règle à k% de croissance (constante) de l’Offre de Monnaie, que les
Autorités doivent announcer à l’avance (pré-annoncement du taux de croissance
de l’Offre de Monnaie). Ainsi pour éviter de créer de l’inflation, les Autorités
doivent indexer le taux de croissance de la Masse montéaire sur le taux de
croissance prévu de l’Activité en volume. Si la prévisiond e la croissance de
l’Activité est de 2%, les AUtorités doivent faire croître la masse monétaire de 2%,
ce qui maintient la stabilité des prix, sous l’hypothèse d’une vitesse de circulation
constant (point 1). Les règles fixes sont advantage optimales que les politiques
discrétionnaires, lesquelles accroissent l’instabilité dans l’économie.
5- La flexibilité des taux d’intérêt nominaux: la règle fixe de croissance de la
Masse monétaire permet aux AUtorités d’assurer la flexibilité des taux d’intérêt
nominaux, les prêteurs et les emprunteurs pouvant alors tenir compte de
l’inflation anticipée par difference avec les taux d’intérêt reels.
6- La stabilité des comportements privés (consummation, demande de
monnaie, investissement), l’économie de marché étant en général stable, en
dehors des interventions publiques généralement erratiques et qui contribuent à
rendre instable l’économie (cas d’une politique monétaire discrétionnaire).
93

B- LE MONETARISME ET LA CRITIQUE NEO-KEYNESIENNE

Milton FRIEDMAN fut interrogé par le Time Magazine à New-York à la fin


des années 1960 : « Êtes-Vous Un keynésien ? ». Celui qui est
considéré comme le plus grand économiste de la deuxième moitié du 20°
siècle répondit : « dans un certain sens, nous sommes tous
Keynésiens aujourd’hui ; mais dans un autre sens, plus personne
n’est encore keynésien ».

En effet pour Milton FRIEDMAN, conforté d’ailleurs par un autre


monétariste Allan MELTZER, « Nous utilisons tous le langage et l’appareil
analytique keynésien ; mais aucun d’entre nous ne partage plus ses
conclusions initiales de John Maynard KEYNES».

En effet, malgré l’adoption du modèle de demande globale pour ce


qui concerne l’analyse de l’équilibre de courte période, Keynésiens et
Monétaristes divergent sur 7 points.

(i) L’admission de la Théorie de la Vitesse de circulation de


la Monnaie ou de la constance de la vitesse de
circulation de la monnaie. Pour les keynésiens, l’hypothèse
de préférence pour la liquidité induit une inconstance de la
vitesse de circulation de la monnaie, les agents ayant un
degré d’aversion au risque différent. Au niveau agrégé, ceci
traduit une courbe de demande de monnaie à 3 régimes
(verticale pour une demande faiblement élastique au taux
d’intérêt, décroissante pour une demande normalement
élastique, et horizontale pour une demande infiniment
élastique). Pour les Monétaristes, l’hypothèse de préférence
pour la liquidité n’est pas incompatible avec une fonction de
demande stable, dépendant d’un petit nombre de variables, et
dont les estimations illustrent l’inélasticité-intérêt et inflation-
anticipée de la demande de monnaie. C’est de ce résultat
empirique établi par Milton FRIEDMAN et Anna SCHWARTZ
(Histoire monétaire des Etats-Unis, 1867-1960) que découle le
résultat de constance de la vitesse de circulation de la
monnaie et l’admission de la Théorie quantitative de la
monnaie.

(ii) Le statut du taux d’intérêt : les Keynésiens admettent


que le taux d’intérêt nominal est largement influencé par
l’offre et la demande de monnaie, et s’établit sur le marché de
94

la monnaie. Les Monétaristes au contraire, admettent que le


taux d’intérêt est un phénomène purement réel, puisque
résultant de l’équilibre du marché des capitaux ou des fonds
prêtables, lequel reflète pour l’essentiel les perspectives de
l’investissement (demande de fonds prêtables ou des
capitaux) et ses contraintes (offre d’épargne ou des fonds
prêtables).
(iii) Les effets des variations des taux d’intérêt : elles sont
négligeables sur l’Investissement chez les keynésiens à court
terme, et substantielles sur l’Investissement chez les
Monétaristes à long terme ; cette différence justifie
l’orientation du Modèle Keynésien modèle de court terme, et la
vision du fonctionnement de l’économie chez les Monétaristes,
davantage centrée sur le long terme.
(iv) Les effets comparés des variations de l’Offre de
Monnaie et de la Dépense publique sur l’Activité en
volume et l’Emploi. Pour les keynésiens, le canal de
transmission de la Politique monétaire sur l’Activité est étroit
et indirect. Il passe par le taux d’intérêt. Davantage d’Offre de
Monnaie en circulation, induit la baisse du taux d’intérêt
nominal, laquelle en incitant à davantage d’Investissement en
volume, fait jouer le multiplicateur d’Investissement ou plus
généralement de Dépense autonome, dont il résulte une
augmentation démultipliée de la Dépense Totale et du Revenu
Réel. C’est l’Effet Keynes ou Effet de Liquidité. Mais cet
effet est indirect et sans doute faible, lorsque la demande
d’Investissement est inélastique au taux d’intérêt (cas des
« animal spirit minded entrepreneurs ») ou dans le cas d’une
demande de monnaie infiniment élastique au taux d’intérêt
(Trappe à Liquidité). Par contre, l’augmentation de la dépense
gouvernementale accroît l’absorption, c’est-à-dire directement
la demande globale, ce qui met en branle immédiatement
l’effet multiplicateur de la Dépense sur l’Activité en volume et
l’Emploi. Ceci rend la Politique budgétaire plus efficace que la
Politique monétaire, notamment dans les deux cas
d’inélasticité-intérêt de l’Investissement et de l’élasticité-
intérêt infinie de la Demande de Monnaie. Pour les
Monétaristes, le canal de transmission de la Monnaie sur
l’Activité est large : une augmentation de l’Offre de Monnaie,
induit une augmentation de la Dépense de façon générale :
elle relative aux biens d’investissement nouveaux ou anciens,
aux actifs réels ou aux actifs financiers, aux biens de
consommation ou aux biens d’équipement. Ces différents
effets sur la Dépense se traduisent par l’augmentation du
revenu nominal ; toutefois avec une demande de monnaie
stable à court terme, le niveau général des prix augmente
avec l’Offre de Monnaie, dans la proportion de l’augmentation
95

de celle-ci. Le Revenu réel agrégé ou les revenus réels des


agents restent alors inchangés.
(v) Le rôle des anticipations à long terme et de la
confiance. Pour les Keynésiens, les anticipations à long
terme ne sont pas basées sur des fondamentaux solides, et
sont sujettes à des variations inexpliquées. La prospérité et
l’expansion qui en découle, sont fondées sur un optimisme
exagéré en l’avenir, alors que le déclin et la récession si ce
n’est la dépression qui en découlent, est fondée sur un
pessimisme exagéré. A l’inverse, les Monétaristes croient
que les perspectives de profit des entreprises ou liées aux
investissements, reposent sur de véritables fondamentaux, à
savoir, les préférences des consommateurs, les contraintes de
ressources (financières) et les facteurs technologiques.
(vi) Les Fluctuations macroéconomiques. Selon les
keynésiens, les récessions sont en général caractéristiques
de l’instabilité intrinsèque de l’économie capitaliste. Une
soudaine baisse de l’investissement des entreprises, se traduit
souvent par une baisse autant inexpliquée de la confiance des
opérateurs, dont il résulte un effet multiplicateur à la baisse
de la Dépense totale, sur la Production en volume, le Revenu
réel et l’Emploi. Pour les Monétaristes, les récessions sont en
général dues à une Politique monétaire mal inspirée et
maladroite. Une contraction inattendue de l’Offre de Monnaie,
induit une pression à la baisse des Revenus réels et de la
Production en volume, alors que les prix et les salaires
s’ajustent lentement à cette quantité de Monnaie inférieure
(exemple de la crise de 1929 aux Etats-Unis où la Masse
monétaire a été diminuée d1/3, précipitant la chute de la
production industrielle et de l'emploi).
96

Milton FRIEDMAN (1969) en déduit le Modèle des Fluctuations


Récessions-Expansions, appelé le « Plucking Model ». Le Modèle
admet qu’il existe un trend ascendant caractérisant l’Activité en volume
(et les grandeurs réelles telles que le Revenu réel ou l’Emploi). Ce Trend
décrit le PIB potentiel, plafonné par les possibilités technologiques
(progrès et innovation techniques, stock de capital disponible, etc…) de
l’économie. Le Pib courant ne peut dépasser le PIB potentiel.

En général, une contraction monétaire induit une baisse de l’Activité en


volume (PIB courant) en dessous du Trend illustrant l’Activité potentielle
(PIB potentiel). Une expansion monétaire compensatrice vient alors
corriger la contraction antérieure, ce qui conduit l’Activité à connaître des
fluctuations à la baisse puis à la hausse, compte tenu d’un délai de
réaction entre Monnaie et Activité. Certes, il n’y a pas forcément de
corrélation entre l’ampleur des la baisse (récession) ou de la hausse
(expansion) de l’Activité en volume, mais ces baisses et ces hausses sont
fortement corrélées aux contractions initiales de l’Offre de Monnaie et aux
hausses ultérieures de l’Offre de Monnaie, ce qui finalement marque
l’ampleur des mouvements de récessions et des mouvements d’expansion.
Le Modèle des Fluctuations est donc celui des récessions-
expansions (busts-booms Model), les premières précédant
toujours les secondes, du fait des contractions monétaires issues
d’une Politique monétaire discrétionnaire et instable des Autorités.
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Ce faisant, FRIEDMAN rejette le principe des fluctuations cycliques


de l’Ecole autrichienne (Von MISES, Von HAYEK et même Joseph
SCHUMPETER) de fluctuations cycliques de l’Activité à long terme
liées aux innovations technologiques. Car, selon lui, sans une
contraction monétaire initiale, il n’y a aucune raison que l’Activité
en volume tombe en-dessous de l’Activité potentielle.

(vii) Pour les Keynésiens, face à un chômage involontaire massif,


et des stocks importants d’invendus dans les Entreprises, les
prix et les salaires ne vont pas vite s’ajuster pour rétablir un
équilibre macroéconomique de plein-emploi. L’ajustement des
prix et des salaires est lent, et par ailleurs, les baisses de prix
et les baisses de salaires s’alimentent les unes et les autres,
éloignant de toute perspective d’un retour à l’équilibre de
plein-emploi. Ceci interdit donc de considérer le mécanisme
monétariste d’un ajustement rapide des prix, permettant à la
fois de rétablir la constance de la vitesse de circulation de la
monnaie (stabilité de la demande de monnaie), et d’un
équilibre automatique de l’équilibre de plein-emploi, justifiant
la neutralité à long terme de la monnaie. Pour les
Monétaristes, les ajustements des prix et des salaires
s’effectuent normalement pour corriger les excès d’offre et de
demande sur les marchés, et rétablir les équilibres partiels et
macroéconomiques. Même en considérant des ajustements
lents des prix et des salaires à court terme, ces ajustements
de marché sont préférables à des interventions publiques
initiées par des politiques économiques désordonnées et
erratiques, visant à faciliter les ajustements des prix et des
salaires pour qu’ils rétablissent les équilibres de marchés. De
telles interventions rendent davantage instable l’économie, et
constituent des chocs perturbateurs sur les marchés.
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CONCLUSION DU CHAPITRE 3

S’adressant à Milton FRIEDMAN lors d’une réunion en hommage à


son 93° anniversaire, Ben Shalom BERNANKE, qui devint quelques
années plus tard le Président de la Réserve Fédérale (Banque centrale
des Etats-Unis) disait en 2002 : « vous avez eu raison avec Anna
SCHWARTZ de nous prévenir, nous de la Réserve Fédérale,
d’éviter des contractions monétaires brusques et fortes, car
elles sont source de crise économique. Nous avons retenu la
leçon et vous promettons de ne plus commettre la même
erreur ».

Le traitement des crises d’emploi et de l’activité économique est au


centre aujourd’hui des préoccupations des économistes et des Autorités
monétaires ou budgétaires. Les nouvelles politiques monétaires dites
non conventionnelles reposent sur le rachat des titres de la dette
publique, alors même que le retour à l’indépendance des Banques
Centrales vis-à-vis des Etats, avait pour but de restreindre le
financement monétaire de la dépense publique.

Milton FRIEDMAN et les Monétaristes ont eu raison d’alerter sur les


dangers de l’inflation et des politiques économiques créatrices
d’inflation. Mais avant eux, KEYNES et les keynésiens, ont eur raison,
d’alerter sur les déflations des quantités ou les politiques
déflationnistes suivant la célèbre phrase de John Maynard KEYNES
« entre l’inflation et la déflation, le plus grand des fléaux c’est la
déflation et non pas l’inflation ».

Le retour à des politiques de dépense publique forte aux Etats-Unis à


partir de 2009, et l’appel depuis 2013 à l’annulation des politiques
d’austérité en Europe, qui s’accompagne de politiques monétaires non
conventionnelles, ne donne-t-il pas raison à KEYNES contre
FRIEDMAN ?

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