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Université Hassan Premier

Faculté d’Economie et de Gestion

Couts d’économie monétaire et financière II


Pr Errachid Majidi
Semestre 3
2020-2021
Chapitre I : La théorie quantitative de la monnaie

La théorie quantitative de la monnaie constitue la première analyse monétaire de l’histoire de


la pensée économique. Elle a dominé la pensée économique sur le plan monétaire durant une
période qui s’étale sur quatre siècles. Elle regroupe des économistes préclassiques, classiques
et néoclassiques. Ces économistes que l’on désigne généralement sur le plan monétaire par les
termes les classiques ou les quantitativistes. Les plus importants d’entre eux sont les
suivants : Jean Bodin, John Locke, David Hume, Adam Smith, David Ricardo, Jean Baptiste
Say, John Stuart Mill, Irving Fisher, Alfred Marshall. Ils ont pratiquement tous défendu les
mêmes idées sur le plan monétaire à savoir ; le lien de causalité entre la monnaie et le niveau
général des prix, la dichotomie entre la sphère monétaire et la sphère réelle et la neutralité de
la monnaie par rapport à la sphère réelle de l’économie.

Section I : Le contexte historique de l’émergence de la théorie quantitative de la


monnaie

On peut faire remonter les origines de la théorie quantitative de la monnaie au XVI e siècle.
Ainsi, après la découverte du Nouveau monde, de l’Amérique par Christophe Colomb en
1492, deux phénomènes vont se produire. Le premier est l’arrivée massive des métaux
précieux ( l’or et l’argent) de l’Amérique vers l’Europe occidentale, le deuxième est
l’augmentation importante des prix dans les pays de l’Europe occidentale. Ainsi des quantités
considérables d’or et d’argent vont arriver d’abord en Espagne et Portugal, puis en France, en
Angleterre et aux Pays-Bas. Parallèlement, ces pays vont connaître une flambée des prix. A
titre d’exemple, les prix ont été multipliés par 4 entre 1500 et 1600 alors qu’ils ont été
multipliés par 3,5 en Angleterre entre la fin du XV e siècle et la fin du XVII e siècle. Cette
inflation a pris une ampleur telle que les historiens de l’économie l’ont qualifié par le terme :
« la grande révolution des prix » par ce qu’elle avait bouleversé les structures économiques,
politiques et sociales de l’époque.
Or, la question que l’on doit poser est la suivante : comment les économistes de l’époque ont-
ils expliqué cette grande révolution des prix ? En fait, la plupart des économistes de l’époque
avait donné pour explication à cette inflation la manipulation par les gouvernements de la
quantité d’or et d’argent qui devaient être mis dans les monnaies métalliques. La chose qui
donnait lieu à la dépréciation de la valeur des monnaies métalliques et donc à la diminution
de leur pouvoir d’achat et de ce fait à l’augmentation des prix. Or, bien que cette explication
peut sembler plausible mais elle ne constitue pas la vraie explication. Dans ce contexte
l’économiste français mercantiliste Jean Bodin, (1529-1596) avait donné une autre explication
à cette grande révolution des prix, c’est l’arrivée massive des métaux précieux de l’Amérique
vers l’Europe occidentale. A ce titre Bodin pourrait être considéré comme le premier
économiste qui après avoir observé les deux phénomènes : l’arrivée des métaux précieux et la
grande révolution des prix, a établit un lien de causalité entre eux. Selon lui, puisque l’arrivée
des métaux précieux et l’inflation se sont produits dans les mêmes pays et durant la même
période il y a de fortes chances que le second phénomène, l’inflation soit expliqué par le
premier, l’arrivée des métaux précieux. A ce titre, Bodin pourrait être considéré comme
l’économiste qui a donné le point de départ de la théorie quantitative de la monnaie bien qu’il
n’a élaboré aucune théorie, seule une observation sur le lien de causalité entre l’arrivée des
métaux précieux et l’’inflation. Une observation qui va être approfondie et développé par les
économistes de la théorie quantitative de la monnaie qui vont lui succéder.

Section II : Les principes de base de la théorie quantitative de la monnaie

L’ensemble des économistes de la théorie quantitative de la monnaie défend les principes de


base fondamentaux suivants :
1 La dichotomie, c’est à dire la séparation entre la sphére monétaire (la quantité de monnaie
en circulation), et la sphére réelle (la production, la croissance, l’emploi etc). Ainsi, les
classiques considèrent que l’économie est composée de deux parties : une partie monétaire et
une partie réelle. Ces deux parties évoluent de manière indépendante l’une de l’autre. Dans
ce cadre, l’économiste classique Jean Baptiste Say avait considéré la monnaie comme un
voile qu’il suffit de soulever pour voir la réalité de l’activité économique qui est celle d’un
troc, car pour lui « les produits s’échangent contre les produits ». Par conséquent, la monnaie
est considérée par les quantitativistes comme une variable exogène, extérieure par rapport à la
sphère réelle. Les quantitativistes vont aller jusqu’à affirmer que l’on peut enlever la monnaie
de l’économie et l’étudier séparément sans que cela ne change rien aux équilibres
économiques car le plus important pour les économistes de la théorie quantitative de la
monnaie c’est la sphére réelle et non la sphére monétaire.
2 Le deuxième principe de base défendu par les classiques et la neutralité. En ce sens que la
monnaie ne peut avoir aucun effet sur l’activité réelle d’une économie, la production, la
croissance, l’emploi etc. Selon les classiques, la monnaie ne peut augmenter la richesse d’une
nation mais elle ne fait que faciliter les échanges. Cette citation de Jean Baptiste Say illustre
parfaitement cette situation : « Semblables à de l’huile qui adoucit les mouvements d’une
machine compliquée, les monnaies répandues dans tous les rouages de l’industrie humaine
facilitent des mouvements qui ne sont plus productifs dés que les machines cessent de les
employer ».
Pour les classiques, non seulement la monnaie n’a pas d’effet sur la sphére réelle, mais elle
n’a aucune signification en soi, et elle n’a aucun rôle en dehors de celui de faciliter les
échanges comme le montre la citation suivante de l’économiste John Stuart Mill : « il n’est
dans l’économie d’une société quelque chose de plus insignifiant en soi que la monnaie si on
la considère autrement que comme un mécanisme qui nous permet de faire vite et
commodément ( simplement ) ce que l’on pourrait faire moins commodément si il n’existait
pas ».
3 le troisième principe de base défendu par les quantitativistes est celui du lien de causalité
entre la quantité de monnaie en circulation et le niveau général des prix. Ainsi si pour les
classiques la sphère monétaire est séparée de la sphère réelle de l’économie, et si la monnaie
ne peut avoir aucun effet sur l’activité réelle de l’économie, le seul lien qui peut exister entre
la sphère monétaire et la sphère réelle de l’économie est le niveau général des prix. Par
conséquent, une augmentation de la quantité de monnaie en circulation ne peut avoir pour
effet qu’une augmentation du niveau général des prix. Or, si la monnaie n’a pas d’effet que
sur le niveau général des prix et qu’elle n’a pas de rôle en dehors de celui de faciliter les
échanges, les classiques vont conclure que la monnaie ne pourrait être voulue pour elle-même.
La citation suivante de l’économiste Léon Walras confirme parfaitement cette idée : « le
besoin que l’on a de monnaie, n’est autre que le besoin de marchandises que l’on achètera
avec cette monnaie ».

Section III : La théorie quantitative de la monnaie originelle

Les deux auteurs britanniques John Locke et David Hume ont été les premiers auteurs à
avoir développé l’observation de Jean Bodin sur le lien de causalité entre l’arrivée des métaux
précieux et l’augmentation des prix en Europe occidentale. Les deux auteurs peuvent être
considérés comme des auteurs préclassiques. Quant à leur apport au niveau de la théorie
quantitative de la monnaie, ils ont défendu non seulement le lien de causalité entre la quantité
de monnaie en circulation et le niveau général des prix mais ils ont également défendu l’idée
de la proportionnalité de cette causalité. Ainsi, si on double la quantité de monnaie en
circulation on va doubler le niveau général des prix et si on triple la quantité de monnaie en
circulation on va tripler le niveau général des prix. Inversement si on divise la quantité de
monnaie en circulation par deux on va diviser le niveau général des prix par deux. D’un autre
coté, Locke et Hume sont pour la neutralité de la monnaie par rapport à la sphère réelle. Or,
bien que les deux auteurs admettent un effet positif de la monnaie sur la sphère réelle, mais
selon eux cet effet ne dépasse pas le court terme c’est un effet transitoire, car la monnaie
retrouve sur le long terme sa neutralité de départ. Pour illustrer cette situation, les deux
auteurs donnent l’exemple de l’effet positif de l’arrivée massive des métaux précieux sur la
balance commerciale qui va disparaitre sur le long terme. Ainsi, selon Hume et Hume une
arrivée massive des métaux précieux dans un pays peut donner lieu à un excédent de la
balance commerciale qui peut être considéré comme un effet positif sur la sphère réelle,
toutefois l’arrivée massive des métaux précieux va avoir aussi pour effet l’augmentation du
niveau général des prix. Cette augmentation des prix va agir à terme négativement sur les
exportations de ce pays et réduire ainsi l’excédent de la balance commerciale qui va retrouver
son équilibre de départ. Le résultat est que l’effet positif de la balance commerciale sur la
sphére réelle disparaît sur le long terme.

Quant aux deux économistes classiques Adam Smith et David Ricardo, ils ont défendu les
idées quantitativistes de la dichotomie entre la sphére monétaire et la sphére réelle, de la
neutralité de la monnaie par rapport à la sphére réelle et du seul lien de causalité entre la
quantité de monnaie en circulation et le niveau général des prix. Pour Smith, l’augmentation
de la richesse ne peut avoir pour origine qu’un facteur réel comme le travail. A partir de là,
une action sur la monnaie ne peut avoir pour effet qu’une augmentation du niveau général des
prix. Smith fait une comparaison entre la monnaie et les outils de cuisine. Ces derniers n’ont
d’importance que par rapport à la nourriture qu’ils permettent de servir. De ce fait, pour
Smith augmenter la monnaie ne eut avoir aucun effet sur la quantité produite, de la même
façon augmenter les outils de cuisine ne peut avoir aucun effet sur la quantité de nourriture
que l’on sert par eux. La citation suivante de Smith peut très bien illustrer cette situation « il
ne faut pas perdre de vue que l’or et l’argent sous quelque forme que soit, ne sont que des
ustansiles ( outils) de cuisine……augmentez les services qu’ils ont à faire, augmentez la
quantité de marchandises qui doit être mise en circulation par eux, préparée par eux et
infailliblement vous verrez qu’ils vont augmenter de quantité. »
Quant à l’économiste classique David Ricardo, il va développer ses idées monétaires dans le
cadre du fameux débat qui a opposé les partisans et les adversaires de la couverture totale de
la monnaie papier par les dépôts en or et en argent appelé « the bullionist controversy. »
Ricardo considérait que la décision de la banque d’Angleterre d’émettre une quantité de
monnaie papier supérieur aux dépôts métalliques a constitué la cause de l’inflation et les
perturbations économiques qu’avait connu l’Angleterre au début du XIX e siècle. Ses
adversaires considéraient que les perturbations économiques ont pour cause la guerre et non
une émission excessive de monnaie papier. Ces deux citations de Ricardo illustrent
parfaitement sa vision monétaire : « la monnaie est dans son état le plus parfait lorsqu’elle est
représentée par un papier dont la valeur est égale à la source d’or qu’il représente. »
« L’expérience prouve que toutes les fois qu’un gouvernement ou une banque ont eu la faculté
d’émettre un papier monnaie, ils en ont toujours abusé. Il s’en suit que dans tous les pays il est
nécessaire de restreindre l’émission du papier monnaie et de l’assujettir à une surveillance et
aucun moyen ne paraît mieux calculé pour prévenir contre l’abus de cette émission qu’une
disposition qui impose à toutes les banques qui émettent du papier monnaie de payer leur
monnaie soit en or soit en lingots d’or. »
A partir de cette analyse Ricardo va formuler la première équation de la TQM en défendant
les principes de la dichotomie, de la neutralité, du lien de causalité entre la monnaie et le
niveau moyen des prix avec M la quantité de monnaie en circulation P le niveau moyen des
prix et T le volume des transactions.
P= M / T
En partant de l’hypothèse de la dichotomie entre la sphère monétaire M et la sphère réelle
puisque M et T évoluent de manière indépendante puisque M dépend des mines d’or
disponibles et T dépend de facteurs réels comme le volume du travail, la population active, le
progrès technique et puisque selon les classiques M ne peut avoir aucun effet sur T, Ricardo
va conclure que toute augmentation de M va avoir pour effet une augmentation de P, le niveau
moyen des prix.

Section IV L’approfondissement de la théorie quantitative de la monnaie

A l’équation de Fisher
Irving Fisher est un économiste qui a eu un apport fondamental au niveau de la théorie
quantitative de la monnaie. Il a développé ses principales idées dans son livre « Le pouvoir
d’achat de la monnaie » dans lequel il défend les mêmes idées que les auteurs quantitativistes
à savoir la dichotomie, la neutralité, et le lien de causalité entre la monnaie et le niveau
général des prix. Fisher admet comme Locke et Hume un effet positif de la monnaie sur la
sphère réelle qui ne dépasse pas le court terme puisque dans le long terme la monnaie retrouve
une neutralité totale.
Or, l’apport principal de Fisher est représenté par son équation dite de Fisher ou de la théorie
quantitative de la monnaie. Il part de la remarque que dans toute opération d’achat ou de vente
il y a une égalité entre la valeur de la monnaie et la valeur du bien acheté ou vendu. Or, si on
étale l’analyse sur une année cela va donner lieu à la même égalité entre la quantité de
monnaie multiplié par sa vitesse de circulation et le niveau général des prix multiplié par le
volume des transactions.
La relation prendra alors la forme suivante :
M.V= P.T
Et constatant l’importance prise par la monnaie scripturale, Fisher va ajouter M’qui
correspond à la quantité de monnaie scripturale et V’ sa vitesse de circulation. L’équation de
Fisher prendra alors la forme suivante :
M.V+M’.V’= P.T

Ainsi et en partant de la dichotomie entre la sphère monétaire et la sphère réelle M et T, et de


la neutralité de la monnaie par rapport à la sphère réelle et aussi surtout de la constance de la
vitesse de la circulation de la monnaie qui est considéré par Fisher et par tous les classiques
comme une constante qui ne varie pas dans le court terme car elle dépend de variables
structurelles qui ne change que dans le long terme comme les habitudes de paiement et les
moyens de transport, Fisher va conclure alors que toute augmentation ou diminution de M ne
va avoir d’effet que sur P le niveau général des prix.
Nous pouvons remarquer que Fisher a certainement approfondi la théorie quantitative de la
monnaie en élaborant une nouvelle équation, mais en même temps il a défendu les mêmes
idées que les autres économistes quantitativistes à savoir la dichotomie entre la sphère
monétaire et la sphère réelle, la neutralité de la sphère monétaire par rapport à la sphère réelle
et le seul lien de causalité entre la monnaie et le niveau général des prix. C’est comme du
beurre que l’on étend sur du pain, si on garde le même morceau de pain et on augmente la
quantité de beurre on ne fait qu’augmenter l’épaisseur du beurre alors que si on met moins de
beurre et on garde le même morceau de pain l’épaisseur du beurre va être plus mince. Le
beurre représente la quantité de monnaie en circulation, le morceau de pain représente le
volume des transactions alors que la couche de beurre représente le niveau général des prix.
La citation suivante de Fisher représente cette idée : « un volume de monnaie supérieur
achetant le même volume de marchandises, il faut que les prix montent. C’est exactement
comme du beure que l’on étend sur du pain. Si l’on met plus de beurre il faut que la couche
soit plus épaisse…. Si on dispose de moins de beurre la couche va être plus mince. »
A partir de cette analyse Fisher va mettre en garde les gouvernements contre les effets
néfastes de l’inflation en leur proposant un contrôle strict de l’évolution de la masse
monétaire.

B L’équation de Marshall

L’économiste néoclassique Alfred Marshall est le dernier économiste a avoir approfondi les
idées de la théorie quantitative de la monnaie en participant à l’élaboration d’une nouvelle
équation qu’on appelle généralement l’équation de Marshall ou l’équation de Cambridge. La
nouveauté de l’apport de Marshall est que pour la première fois il va prendre en considération
l’idée, qui va être développée par Keynes, que la monnaie pourrait être voulue pour elle-
même. Ainsi dans son équation, il va utiliser le revenu national Y, au lieu de T le volume des
transactions, il va aussi introduire un coefficient K qui correspond à la quantité de revenu que
les agents économiques préfèrent garder sous forme monétaire.
Et l’équation de Marshal ou de Cambridge prendra la forme suivante :
M= P.Y.k
Ainsi, en partant toujours de l’hypothèse de la dichotomie entre la sphère monétaire et la
sphère réelle, c'est-à-dire entre M et Y, de la neutralité entre la monnaie par rapport à la
sphère réelle, ce qui veut dire que M ne peut avoir aucun effet sur Y, et en partant de
l’hypothèse que K est une constante qui ne varie pas dans le court terme, on peut déduire que
toute variation de M ne peut avoir d’effet que sur le niveau général des prix.
Avec l’équation de Marshall, la théorie quantitative de la monnaie arrive à son terme après
une domination sur la pensée économique qui a duré pendant environ quatre siècles. Ainsi,
cette théorie a commencé à s’affaiblir aussi bien sur le plan théorique que sur le plan des faits
empiriques. Sur le plan théorique, elle va être critiquée sur l’une des hypothèses principales
de l’équation de Fisher à savoir celle de la constance de la vitesse de circulation de la
monnaie, qui selon les adversaires de la théorie quantitative de la monnaie varie sur le court
terme et sur le long terme. Alors que sur le plan des faits empiriques et après la première
guerre mondiale des flux monétaires importants vont circuler entre les nations sans que cela
ne donne lieu à une augmentation ou une diminution du niveau général des prix, ce qui
contredit totalement les conclusions de la TQM. Ce sont ces critiques théoriques et
empiriques qui vont affaiblir la théorie quantitative de la monnaie et ouvrir la voie à
l’avènement de la théorie monétaire keynésienne.
Chapitre II : L’analyse monétaire de Keynes

Après avoir vu dans le premier chapitre la première théorie monétaire, celle des
classiques qui se base sur une approche dichotomique, nous allons voir dans ce second
chapitre la deuxième grande théorie monétaire, celle de Keynes, qui se base sur une approche
intégrationniste. Une approche qui va intégrer totalement la monnaie dans la sphère réelle de
l’économie.
La tradition intégrationniste regroupe plusieurs auteurs qui appartiennent à des écoles
de pensées économiques différentes. Nous pouvons citer Wicksell, Schumpeter, etc. Parmi
ces auteurs, Keynes est probablement l’économiste le plus important de la tradition
intégrationniste. Son analyse a constitué une rupture majeure avec la pensée économique
classique sur le plan monétaire et sur le plan économique. C’est pour cette raison que l’on
qualifie la théorie keynésienne de révolution par ce que sa critique a touché
fondamentalement les bases de l’analyse monétaire et économique des classiques. Keynes est
devenue célèbre par son analyse originale de la crise de 1929. Une analyse qui lui a permis de
proposer les remèdes efficaces pour faire sortir l’économie mondiale de cette crise majeure.
Dans ce cadre, la monnaie occupe une place importante dans l’œuvre de Keynes, et
principalement dans ces deux principaux ouvrages qui sont : « Traité sur la monnaie » (1930)
et « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie» (1936). D’un autre coté,
l’analyse monétaire de Keynes pourrait être considérée comme novatrice à trois égards.
D’abord, Il avait proposé l’idée que la monnaie pourrait être voulue pour elle-même, ensuite il
avait défendu l’idée que la sphére monétaire et la sphére réelle sont mélangées et qu’une
action sur la sphére monétaire pourrait avoir des effets positifs sur la sphére réelle, et enfin il a
proposé une analyse originale du taux d’intérêt qui va assurer la liaison entre les deux sphères
monétaire et réelle. Nous allons voir alors dans ce chapitre, les principes de base de l’analyse
monétaire de Keynes, puis la demande de monnaie chez Keynes et enfin la théorie
keynésienne du taux d’intérêt.

Section I. Les principes de base de l’analyse monétaire de Keynes


C’est par rejet de l’approche dichotomique de la théorie quantitative de la monnaie que nait
l’analyse monétaire de Keynes. A ce titre, il refuse catégoriquement l’idée d’une monnaie
voile séparée totalement de l’activité réelle. Au contraire, il défend l’idée d’une monnaie
totalement intégrée dans l’activité réelle puisque selon lui les deux sphères monétaire et réelle
sont mélangées. Par conséquent, la monnaie ne pourrait être considérée comme cette chose
insignifiante que l’on peut séparer d’une économie pour l’étudier comme le pensent les
classiques. Au contraire selon Keynes, nous ne pouvons analyser une économie dans sa
globalité sans prendre en considération l’aspect monétaire. Or, si l’approche dichotomique des
classiques les pousse à proposer une vision de la monnaie passive et neutre par rapport à
l’activité réelle, l’approche intégrationniste de Keynes va le pousser à proposer une monnaie
active qui a des effets positifs sur la sphère réelle. Dans ce cas, non seulement la monnaie
aurait un rôle, mais ce rôle est positif pour toute l’économie. La monnaie ne serait plus
considérée ainsi comme de l’huile que l’on met dans les rouages d’une machine pour faciliter
ses mouvements compliqués comme le pensent les classiques, mais pour Keynes elle va être
assimilée à du carburant que l’on met dans le moteur d’une machine pour la faire démarrer.
La différence entre l’huile et le carburant, est que sans l’huile la machine peut fonctionner
mais ses mouvements sont lents, alors que sans le carburant la machine est en arrêt. Or si
pour les classiques, c’est la sphére réelle qui est la plus importante puisque l’économie
pourrait être considérée comme un troc caché par le voile monétaire, pour Keynes, les deux
sphères, monétaire et réelle sont importantes, car on est plutôt face à une économie monétaire
de production. Keynes va aussi élaborer la notion novatrice de la préférence pour la liquidité
qui signifie que la monnaie pourrait être voulue pour elle-même en plus des biens qu’elle
permet d’acquérir. La monnaie ne se limite plus alors au rôle d’intermédiaire des échanges,
mais elle peut être considérée pour Keynes comme un refuge qui offre la protection et la
sécurité pour les agents économiques. Ces derniers ont parfois peur de l’avenir et ils vont se
réfugier dans la détention de la monnaie qui va apaiser leur peur et leur inquiétude face à
l’avenir.
Section II La demande de monnaie
Pour Keynes, il y a trois motifs qui incitent les agents économiques à détenir de la monnaie,
le motif de transaction, le motif de précaution et le motif de spéculation.
A Le motif de transaction
Il correspond à la fonction de la monnaie en tant qu’intermédiaire des échanges. Il s’agit de la
monnaie nécessaire aux agents économiques pour effectuer leurs transactions courantes (leurs
achats). Keynes le définit comme le besoin de monnaie pour la réalisation des besoins
personnels et professionnels. Il le divise en un motif revenu et un motif professionnel. Le
motif revenu concerne les ménages, il s’agit de la monnaie demandée par les individus pour
réaliser leurs dépenses courantes. Cette monnaie sert donc à combler l’intervalle de temps qui
sépare l’encaissement et le décaissement du revenu. Quant au motif professionnel il concerne
les entreprises, c’est la monnaie demandée par les entreprises pour assurer leurs dépenses. Il
représente la monnaie demandée par une entreprise pour combler l’intervalle de temps qui
sépare le moment ou elle engage des dépenses de celui ou elle va encaisser des recettes. Nous
pouvons constater que dans les deux cas ce motif dépend du revenu. Ainsi, lorsque le revenu
augmente la monnaie demandée pour motif de transaction va augmenter. Il s’agit donc d’une
fonction croissante du revenu.

B Le motif de précaution

Pour Keynes, l’avenir des agents économiques est souvent entouré d’incertitudes. C’est en ce
sens qu’ils ressentent un besoin de sécurité. A travers le motif de précaution, la monnaie peut
répondre a ce besoin en permettant aux agents économiques de se protéger contre l’imprévu et
l’incertain. Plus exactement, les agents économiques vont détenir de la monnaie pour se
protéger contre certains événements qui vont se produire dans l’avenir et qui peuvent avoir
des conséquences négatives sur leur vie comme une maladie soudaine, un licenciement, une
hausse des prix, une baisse de salaire etc. D’un autre coté, la monnaie demandée par les
agents économiques pour le motif de précaution leur donne la possibilité de laisser des
opportunités d’achat dans le présent afin de saisir des opportunités d’achat à des prix
favorables dans le futur.
Comme le motif de transaction, ce motif dépend du revenu. C’est une fonction croissante du
revenu. Ainsi, lorsque leur revenu augmente, les agents économiques vont augmenter la
monnaie qu’ils détiennent pour motif de précaution.

C Le motif de spéculation

Ce troisième motif de demande de monnaie constitue l’un des aspects les plus originaux de
l’analyse monétaire chez Keynes. il le définit comme le fait de profiter d’une connaissance
meilleure que celle du marché de ce que réserve l’avenir. D’une manière générale, la
spéculation c’est le fait de saisir l’opportunité d’acheter des actifs lorsque leur prix est jugé
bas, et parier sur une évolution favorable de leur prix afin de réaliser une plus value.
Pour Keynes, la détention de la monnaie pour motif de spéculation s’effectue dans le cadre
d’un arbitrage entre la détention de la monnaie et l’achat d’un type spécifique d’actifs
financiers à savoir : les obligations.
Ainsi, les agents économiques ont le choix entre deux possibilités. La première est celle
d’acheter des obligations. Autrement dit spéculer maintenant en achetant des obligations, ou
bien détenir de la monnaie pour motif de spéculation ce qui signifie ne pas spéculer
maintenant et attendre une opportunité meilleure de spéculer dans le futur. Qu’est ce qui
permet alors aux agents économiques d’effectuer cet arbitrage entre la détention de la
monnaie et l’achet des obligations ? En fait, les agents économiques vont observer l’évolution
du taux d’intérêt, et c’est ce dernier qui va leur permettre de choisir entre la détention de la
monnaie et l’achat des obligations. D’abord, il y a une relation inverse entre le cours des
obligations et le taux d’intérêt. L’explication est la suivante : lorsque le taux d’intérêt sur le
marché des obligations augmente, les détenteurs des anciens obligations aux taux d’intérêt
plus bas que le taux d’intérêt actuel vont vouloir vendre ces anciens obligations pour profiter
des nouveaux taux d’intérêt rapportant plus de rendement, le résultat est que cette situation va
donner lieu à une augmentation de l’offre ce qui va faire baisser le cours des obligations (
leur prix actuel ). Ensuite, l’observation de l’évolution du taux d’intérêt va permettre aux
agents économiques de choisir entre la détention de la monnaie pour motif de spéculation et
l’achat des obligations. Ainsi, si le taux d’intérêt atteint son niveau le plus élevé, cela veut
dire que le cours des obligations est à son niveau le plus bas. Cette situation présente alors une
meilleure opportunité pour tous les agents économiques pour spéculer maintenant en achetant
des obligations. Or si tous les agents économiques seraient incités à acheter des titres, ils ne
vont pas détenir de la monnaie pour motif de spéculation. Donc, si le taux d’intérêt est à son
niveau le plus élevé, la demande de monnaie pour motif de spéculation va être égale à 0.
D’un autre coté, si le taux d’intérêt va atteindre son niveau le plus bas, cela veut dire que le
cours des obligations va atteindre son niveau le plus élevé. Dans cette situation, le cours des
obligations ne peut que baisser, ce qui va rendre les opportunités de spéculation inexistantes
pour les agents économiques. Ces derniers vont préférer détenir de la monnaie pour motif de
spéculation et attendre des opportunités meilleures de spéculation dans le futur. Ainsi, lorsque
le taux d’intérêt est tellement bas qu’il s’approche de zéro, les agents économiques vont avoir
une préférence absolue pour la liquidité. C’est le phénomène décrit par Keynes par « la trappe
à liquidité». Nous pouvons remarquer alors qu’il y a une relation inverse entre l’évolution du
taux d’intérêt et la détention de la monnaie pour motif de spéculation.
Section III. La théorie keynésienne du taux d’intérêt

Nous avons vu que Keynes avait rompu avec l’approche dichotomique des classiques en
optant pour une approche intégrationniste. En ce sens, une action sur la sphère monétaire,
peut avoir un effet positif sur la sphère réelle. En augmentant la quantité de monnaie en
circulation, on peut agir positivement sur l’activité réelle de l’économie. Car selon Keynes,
l’équilibre sur le marché monétaire peut influencer l’équilibre sur le marché réel.
A partir de là, il serait légitime de se demander comment en agissant sur la sphère monétaire
on peut avoir des effets positifs sur la sphère réelle ?
La liaison entre la sphère monétaire et la sphère réelle est le taux d’intérêt. C’est donc le taux
d’intérêt qui permet d’intégrer la monnaie dans la sphère réelle de l'économie.
D’un coté, le taux d’intérêt, qui est le prix de la monnaie, assure l’équilibre entre l’offre de
monnaie et la demande de monnaie. Et de l’autre, le taux d’intérêt peut agir positivement sur
l’investissement qui est une variable réelle.
Concernant l’équilibre sur le marché monétaire. Il est matérialisé par la rencontre entre l’offre
de monnaie et la demande de la monnaie.
Il faut dire que l’offre de monnaie est une variable exogène qui dépend seulement de la
volonté des autorités monétaires. Alors que la demande de monnaie dépend de deux facteurs :
le revenu et le taux d’intérêt. Comme nous l’avons vu, la monnaie pourrait être demandée
pour trois motifs : le motif de transaction, le motif de précaution et le motif de spéculation.
Dans ce cadre, la demande totale de monnaie que l’on note par la lettre M se compose de deux
catégories de demande de monnaie : M1 et M2.
Ainsi, la demande de monnaie totale est égale à la somme de M1 et M2.
M= M1+M2
M 1 représente la demande de monnaie pour les motifs de transaction et de précaution, qui est
une fonction croissante du revenu. Donc, lorsque le revenu augmente, la demande de monnaie
pour les motifs de transaction et de précaution va augmenter. Le graphique n 1 que l’on peut
trouver à la fin du chapitre illustre cette situation.
Quant à M2, c'est-à-dire la monnaie demandée pour motif de spéculation, elle est une fonction
décroissante du taux d’intérêt. En effet, si le taux d’intérêt augmente, la demande de monnaie
pour motif de spéculation diminue. Et si le taux d’intérêt atteint son niveau le plus élevé, la
demande de monnaie pour motif de spéculation est à son niveau le plus bas qui est 0.
Inversement, si le taux d’intérêt diminue, la demande de monnaie pour motif de spéculation
augmente. Et si le taux d’intérêt atteint son niveau le plus bas, la demande de monnaie pour
motif de spéculation va atteindre son niveau le plus élevé. Le graphique n 2 à la fin du
chapitre illustre la demande de monnaie pour motif de spéculation.
Or, bien que M1 la demande de monnaie pour motifs de transaction et de précaution dépend
du facteur revenu, et M 2 la demande de monnaie pour motif de spéculation dépend du taux
d’intérêt, M la demande totale de la monnaie dépend seulement du taux d’intérêt. En effet, le
taux d’intérêt varie plus rapidement que le revenu. Par conséquent, seules les variations du
taux d’intérêt vont être déterminantes pour la demande totale de monnaie.
Dans ce cas, la demande totale de monnaie va prendre la forme de la demande de monnaie
pour motif de spéculation. Dans ce cadre, la demande totale de monnaie serait donc une
fonction décroissante du taux d’intérêt.
Quant à l’équilibre sur le marché monétaire, il se matérialise par la rencontre entre l’offre de
monnaie et la demande de monnaie.
Le taux d’intérêt d’équilibre se matérialise par le point d’intersection entre les courbes de
l’offre et de la demande totale. Le graphique 3 à la fin du chapitre peut illustrer cette situation.
Comment alors le taux d’intérêt assure la liaison entre la sphère monétaire et la sphère réelle ?
Le taux d’intérêt qui résulte de la rencontre entre l’offre et la demande de monnaie, peut agir
positivement sur l’investissement. Il faut dire que selon Keynes, il y a une relation inverse
entre le taux d’intérêt et l’investissement. L’investissement est donc une fonction décroissante
du taux d’intérêt. Pourquoi alors il y a une relation inverse entre le taux d’intérêt et
l’investissement ?
Selon Keynes avant de prendre la décision d’investir, les entrepreneurs vont comparer le taux
d’intérêt et le taux de rendement de leurs projets (l’efficacité marginale du capital). Dans ce
cadre, tant que le taux d’intérêt reste inférieur par rapport au taux de rendement, les
entrepreneurs vont prendre la décision d’investir, alors que si le taux d’intérêt est égal ou
supérieur au taux de rendement, ils ne vont pas prendre la décision d’investir.

Les autorités monétaires peuvent alors augmenter l’offre de monnaie, la quantité de monnaie
en circulation qui dépend de leur propre volonté. Cette augmentation de l’offre de monnaie va
faire baisser le taux d’intérêt qui est le prix de la monnaie. Cette baisse du taux d’intérêt va
agir positivement sur l’investissement. De cette manière, Keynes a montré comment une
action sur la sphère monétaire peut avoir des effets positifs sur la sphère réelle. Il suffit que
les autorités monétaires injectent une quantité de monnaie supplémentaire pour relancer
l’activité économique lorsque l’économie est en ralentissement. L’image du carburant utilisée
par Keynes pour qualifier la monnaie semble alors appropriée.

Il faut dire que les politiques keynésiennes de relance par la baisse de taux d’intérêt, ont
connu un succès important durant les trente glorieuses ( 1945-1975) et même au delà.
Toutefois, la crise systémique qu’avait connue le capitalisme durant les années 70 va affaiblir
considérablement le modèle keynésien à la fois sur le plan théorique et sur le plan pratique.
Dans ce cadre, des critiques majeures vont commencer à s’adresser à la théorie de Keynes sur
le plan monétaire et sur le plan économique en général. La plus célèbre d’entre elles est celle
des monétaristes et leur chef de file Milton Friedman que nous allons voir dans le chapitre III.
-
Chapitre III . Le financement de l’économie par les institutions financières :
l’intermédiation financière

Financer une économie consiste à trouver les fonds nécessaires pour une croissance soutenue.
C’est ainsi que durant toute l’année, les agents non financiers ( les entreprises les ménages et
l’Etat), participent à l’activité économique par le biais de la production et la consommation.
Or pour financer ces activités, les agents non financiers ont deux possibilités :

Soit un financement par les ressources propres que l’on appelle l’autofinancement, ou bien la
finance interne.
Soit un financement par le recours aux fonds extérieurs que l’on désigne par la finance
externe.

Dans ce deuxième cas, les agents non financiers ont deux possibilités : soit ils vont émettre
des titres financiers, des actions ou des obligations, afin de collecter des fonds dans le cadre
du marché financier. On parle alors de la finance externe directe ou desintermédiée. Soit, Ils
vont emprunter les fonds auprès des institutions financières. On parle alors dans ce second
cas de la finance externe indirecte et intermédiée.

Une économie qui se finance de manière directe par le biais du marché financier, est
appelée une économie de marché, alors qu’une économie qui fait appel au
financement indirecte, peut être désignée par le terme une économie d’endettement.
(voir schéma du financement de l’économie dans le cours).

Section I : Les opérations à l’origine de l’intermédiation financière

Il y a trois opérations à l’origine de l’intermédiation financière.

A Opération n 1 : Des titres émis vers les titres acquis


Une institution financière peut émettre des titres financiers, par exemple une obligation à
un prix de 1000 dh, auprès des agents économiques ayant une capacité de financement
(les préteurs). Par la suite, l’institution financière peut utiliser le montant collecté en
achetant un titre financier, une obligation auprès d’un agent ayant un besoin de
financement. Pour cette première opération, la causalité de de l’intermédiation va des
ressources (les titres émis) vers les emplois ( les titres acquis).
Cette intermédiation pourrait être qualifiée d’intermédiation de représentation, car elle
permet de faciliter la liaison, même s’il elle est indirecte, entre les agents ayant une
capacité de financement, les préteurs, et les agents ayant un besoin de financement, les
emprunteurs. Ces deux catégories d’agents économiques, qui n’ont pas pu ou qui n’ont
pas voulu se rencontrer sur le marché financier.
La marge bénéficiaire de l’institution financière est matérialisée par la différence entre les
intérêts qu’elle reçoit apurés des agents qu’ils lui ont vendu les titres et les intérêts qu’elle
donne aux agents à qui elle a vendu les titres.
(voir schéma n 1 dans le cours).

B Opération 2 : Des dépôts vers les crédits

Les institutions financières captent des fonds auprès des agents ayant une capacité de
financement (les préteurs) en leur accordant des intérêts sur les sommes collectés qui
représentent les dépôts. Et elles vont utiliser ses fonds dans le cadre de l’octroi de crédits à
des agents qui ont un besoin de financement ( les emprunteurs ). Dans ce cas encore, la
causalité de l’intermédiation financière va des ressources (les dépôts de la clientèle) vers les
emplois (les crédits accordés à d’autres clients), puisque ce sont les dépôts collectés qui ont
permis l’octroi de crédits. La marge bénéficiaire de l’institution financière repose sur la
différence entre les intérêts qu’elle reçoit sur les crédits et les intérêts qu’elle accorde sur les
dépôts. Dans ce cas, l’intermédiation peut être qualifiée d’intermédiation de transformation
puisque généralement grâce à des dépôts de court terme, l’intermédiaire financier accorde
des crédits sur le long terme. Nous pouvons dire que l’institution financière transforme les
dépôts en des crédits comme elle transforme les échéances du court terme vers le long terme.
(voir schéma n 2 dans le cours).

C Opération n 3 : des crédits vers les dépôts

Supposons qu’une institution financière, une banque commerciale, accorde un crédit à un


agent économique A de 1000 dh. Concrètement, cette banque commerciale va créditer le
compte de l’agent économique A de la somme de 1000 dh. C’est donc la créance de la
banque vers l’agent A de 1000 dh qui va donner lieu à l’augmentation du compte de l’agent
A de 1000 dh (dépôt à vue). Par conséquent, c’est le crédit qui est dans l’actif du bilan de la
banque (les emplois) qui va créer le dépôt qui est dans le passif du bilan de la banque (les
(ressources).
Nous pouvons dire pour cette opération n 3 de l’intermédiation financière que la causalité va
des crédits vers les dépôts, des emplois vers les ressources.
(voir schéma n 3 dans le cours).

Section II . Les raisons de l’apparition des intermédiaires financiers

L’objectif de cette section est d’analyser les raisons pour lesquelles les intermédiaires
financiers sont apparus. Nous avons vu que les intermédiaires financiers sont nés pour
faciliter la liaison entre les agents qui ont un besoin de financement ( les emprunteurs ) et les
agents qui ont une capacité de financement ( les préteurs).
Or, la question à poser est pourquoi ces deux catégories d’agents économiques ne cherchent
ils pas à se rencontrer sans passer par les intermédiaires financiers ?
La réponse est liée aux difficultés énormes qui peuvent empêcher une relation directe entre les
agents qui ont un besoin de financement et les agents qui ont un excédent de financement de
s’établir. L’émergence (l’apparition) des intermédiaires financiers est liée à leur capacité à
réduire l’ensemble de ces difficultés.
Nous pouvons résumer les raisons d’apparition des intermédiaires financiers en trois :

1. Les intermédiaires financiers sont réducteurs de coûts de transaction. Cette idée vient de
l’article de l’économiste R. Coase « La nature de la firme » ( 1937). Coase avait affirmé que
la firme (l’entreprise) qu’elle soit bancaire ou non est née de l’imperfection des marchés.
Ainsi, les marchés sont imparfaits dans la mesure où il y a des coûts très élevés à la réalisation
des échanges. Il s’agit de coûts de transaction qui sont liés à la rencontre entre les deux
parties de l’échange, à la définition des termes de l’échange et à la garantie de la bonne
exécution des termes de l’échange. Cette situation s’applique parfaitement à la finance. Ainsi,
sans l’existence des intermédiaires financiers (les banques commerciales), un agent
économique qui est en besoin de financement peut utiliser divers moyens pour trouver un
agent économique qui a un excédent de financement qui accepterait de lui prêter de l’argent.
Ainsi, il peut chercher dans son entourage familial et professionnel, il peut faire des annonces
dans les journaux. Et même si il trouve cette personne en excédent, il risque d’y avoir une
incompatibilité des préférences entre les deux parties sur le montant du prêt, sa durée et le
taux d’intérêt. Et lorsque les deux parties vont se mettre d’accord sur les termes de l’échange,
il restera le problème des garanties. Qu’est ce qui va garantir au préteur que l’emprunteur va
rembourser effectivement sa dette ?

L’intermédiaire financier, la firme bancaire, va réduire considérablement l’ensemble de ces


coûts liés à l’échange, les coûts de transaction. D’abord, l’agent qui est en excédent de
financement, le préteur, va placer directement son excédent à la banque, et l’agent qui est en
besoin de financement, l’emprunteur, va se présenter directement à la banque et demander un
emprunt. Ensuite, en empruntant de l’argent auprès des agents qui ont un excédent de
financement (les préteurs) et en prêtant aux agents qui ont un besoin de financement (les
emprunteurs), les intermédiaires financiers vont corriger les incompatibilités de préférences
sur le montant de l’emprunt, sa durée et son taux d’intérêt. Enfin, l’intermédiaire financier en
tant qu’institution financière va donner des garanties solides aux deux parties concernant
l’exécution du contrat.

2. Les intermédiaires financiers sont producteurs d’informations. Cette idée vient de l’article
de l’économiste Akerlof ( 1970 ) dans lequel il a traité du problème de l’asymétrie de
l’information. Parfois dans les marchés, l’information est mal partagée entre les deux parties
de l’échange. Ainsi, l’une des deux parties peut mieux maitriser l’information sur le produit
échangé et peut la cacher sur l’autre partie. Le résultat est que l’échange est biaisé et le
marché risque de disparaître. Akerlof donne l’exemple du marché des voitures d’occasion, où
les vendeurs connaissent mieux que les acheteurs l’état des voitures, et ils peuvent ainsi
cacher certaines informations concernant des problèmes mécaniques des voitures, ce qui
risque d’entraver les échanges et de bloquer totalement le marché des voitures d’occasion. Le
même raisonnement peut être appliqué à la finance. Ainsi, les agents qui ont un besoin de
financement, les emprunteurs, peuvent avoir des informations concernant leurs ressources et
la rentabilité de leurs projets qu’ils peuvent cacher aux préteurs. Le résultat est que
l’emprunteur risque de se retrouver dans une incapacité de remboursement. Cette situation va
décourager les agents qui ont un excédent de financement de prêter dans le futur. Grâce à son
expertise, son savoir faire et son expérience, l’intermédiaire financier va corriger ce problème
de l’asymétrie de l’information. En effet, les intermédiaires financiers vont produire une
meilleure information sur les préteurs et sur les emprunteurs et vont la mettre à la disposition
des deux parties et du grand public. Cette capacité des intermédiaires financiers à produire des
informations va éviter le dysfonctionnement du marché financier et va permettre un meilleur
financement de l’économie.

3 . Les intermédiaires financiers sont réducteurs de risques.


Il faut dire d’une manière générale que les agents économiques n’ont pas le même
comportement à l’égard des risques qu’ils peuvent rencontrer dans la vie. Il y a deux
catégories : ceux qui ont une aversion aux risques (une peur des risques) et ceux qui ont la
capacité de prendre des risques. Les intermédiaires financiers font partie de la deuxième
catégorie. Comme nous l’avons vu, le marché financier est entouré de risques notamment
ceux liés à l’incapacité des emprunteurs à rembourser leurs dettes.
Les intermédiaires financiers ont donc la capacité de prendre des risques que les autres agents
économiques n’ont pas pu ou n’ont pas voulu prendre. Ainsi, grâce à leur expertise, leur
savoir faire et l’expérience qu’ils ont acquis, mais aussi grâce à leur capacité à diversifier
leur risque à travers plusieurs clients, les intermédiaires financiers peuvent réduire
considérablement les risques qui entourent l’activité financière et vont permettre ainsi un
meilleur financement de l’économie.
Section III . Les risques liés à l’intermédiation financière

Les intermédiaires financiers prennent à leur compte des risques que les agents non financiers
n’ont pas la capacité de prendre. Ils ont ainsi la possibilité de réduire les risques. Mais quels
sont les types de risque qui peuvent être pris et réduits par les intermédiaires financiers ?

Il faut dire qu’ils sont de l’ordre de trois :

A . Le risque d’illiquidité

Les épargnants qui procèdent généralement à des placements de court terme, peuvent à tout
moment demander la récupération de leurs fonds alors que ceux-ci ont servi à financer des
crédits de long terme. Evidement, les intermédiaires financiers, partent de l’hypothèse qu’en
raison de la confiance qui règne, tous les déposants ne vont pas se présenter au même
moment pour réclamer leurs avoirs. D’ailleurs, l’activité bancaire ainsi que la monnaie papier
sont nés de cette hypothèse. Toutefois, il y a des moments exceptionnels notamment celles
des crises où les rumeurs de risque de faillite des banques font régner la panique parmi les
déposants et les poussent à réclamer leurs avoirs au même moment, ce qui risque de
provoquer les faillites de ces banques.
Les institutions financières ont la possibilité d’éviter cette situation et de réduire ce risque
d’illiquidité grâce à leur expertise et leur savoir faire mais aussi grace à l’assistance des
autorités monétaires qui veillent sur leur situation financière et comptable et sur la solidité du
système financier dans son ensemble.

B Le risque de gestion

Si le risque d’illiquidité est lié à l’insolvabilité et la faillite de l’institution financière elle-


même, le risque de gestion est lié à la faillite et à l’insolvabilité des emprunteurs.
Naturellement, les institutions financières ont la capacité de prendre ce risque et ont
l’expertise et le savoir faire pour le réduire. Mais ce qui rend ce risque important pour les
institutions financières notamment lorsqu’elles accordent des crédits à des entreprises c’est le
fait que le profit de ces entreprises est aléatoire, il dépend de la conjoncture nationale et
internationale. Par conséquent, ces entreprises peuvent parfois ne plus avoir la capacité de
rembourser les intérêts de leurs dettes, alors que l’institution financière, est dans l’obligation
de payer les intérêts aux épargnants. De cette situation peut naître un déséquilibre entre les
intérêts que l’institution financière reçoit des emprunteurs et les intérêts qu’elle paye aux
préteurs. Là encore, le savoir faire et l’expertise de l’institution financière, et les instruments
de contrôle des autorités monétaires, lui permettent de réduire ce risque.

C Le risque de taux d’intérêt

Le troisième risque que prennent les institutions financieres est celui du taux d’intérêt.
Comment se produit ce risque pour les institutions financières ?
Il faut dire que les placements de long terme rapportent plus pour les épargnants que les
placements de court terme. Autrement dit, les placements de court terme coûte moins pour les
instituions financières que les placements de long terme. Alors que pour les crédits, ceux de
court terme rapportent moins aux institutions financières que ceux du long terme. Et puisque
les institutions financières financent des crédits de long terme par le biais de placements de
court terme, ils sont garantis de réaliser une marge bénéficiaire tant que les intérêts du court
terme restent inférieurs aux intérêts du long terme. Or, le risque qui peut se présenter aux
institutions financières c’est celui de voir les taux d’intérêt du court terme devenir supérieurs
aux taux d’intérêt du long terme. Ce risque est très important pour l’intermédiaire financier,
car il met en danger sa marge bénéficiaire et par conséquent son existence. Mais Grâce à son
savoir faire et son expertise, l’intermédiaire financier a la possibilité de faire des prévisions
sur l’évolution des taux d’intérêt ce qui lui donne toute la capacité de prendre ce risque et de
le réduire.
Chapitre IV. Le financement de l’économie par les marchés de capitaux

Contrairement à l’intermédiation financière où les agents en besoin de financement et les


agents en capacité de financement ont recours aux intermédiaires financiers pour faciliter leur
liaison, ces deux catégories d‘agents économiques peuvent se rencontrer directement dans le
cadre des marchés de capitaux. Ces marchés peuvent ainsi offrir des possibilités avantageuses
de financement pour les agents en besoin de financement, et de placement pour les agents en
capacité de financement.
Généralement, tout marché est un lieu physique ou virtuel dans lequel peuvent se rencontrer
des offreurs et des demandeurs afin d’échanger un type d’actif donné. Au sein des marchés
de capitaux s’échangent des capitaux matérialisés généralement par des titres ou produits
financiers.
Les marchés de capitaux se distinguent d’abord par la diversité des échéances qu’ils peuvent
offrir principalement, le court terme pour le marché monétaire, et le moyen et le le long terme
pour le marché financier. Ensuite par la diversité des titres et produits échangés. Ainsi, les
titres de créances dans le cadre du marché monétaire et du marché obligataire, les titres de
propriété ( les actions), dans le cadre de la bourse des valeurs, les devises dans le cadre du
marché des changes, et les risques liés aux variations des prix des matières premières, des
taux d’intérêt dans le cadre des marchés dérivés. Dans chacun de ces marchés, on peut
trouver un marché du neuf ou primaire dans lequel sont émis les titres pour la première fois, et
un marché de l’occasion ou secondaire qui va permettre d’échanger les titres neufs.

Section I Le marché monétaire


Le marché monétaire peut être considéré comme le marché de la dette du court terme. Au
départ, le marché monétaire avait pour principal fonction de permettre aux banques
commerciales de se financer entre elles. Progressivement, il est devenu le lieu privilégié de
l’action de la Banque centrale dans le cadre de la politique monétaire. Et enfin, le marché
monétaire s’est ouvert aux agents non financiers par le biais des entreprises en recherche de
financement dans le cadre du marché des titres de créances négociables.
Ainsi, trois types d’opérations peuvent se développer dans le cadre du marché monétaire.
Opération n 1, un agent financier prêtant ou empruntant des fonds auprès d’un autre agent
financier.
Opération n 2, la Banque centrale offrant ou demandant des liquidités en échange de titres
auprès des agents financiers.
Opération n 3, un agent non financier prêtant ou empruntant auprès d’un agent financier ou
d’un agent non financier.

Bien que ne possédant pas un lieu physique, le marché monétaire est composé de plusieurs
compartiments : le marché interbancaire, le marché des titres de créances négociables, le
marché de l’adjudication des bons de trésor et le marché hypothécaire (titrisation). Toutefois,
nous allons nous limiter dans le cadre de ce cours aux deux premiers.
A Le marché interbancaire
Il faut dire qu’il y a un marché interbancaire au sens étroit et un marché interbancaire au sens
large. Le premier réunit seulement les banques commerciales alors que le second connait en
plus l’intervention de la Banque centrale.
Le marché interbancaire au sens étroit a pour principal fonction de permettre aux banques
commerciales d’équilibrer leur trésorerie.
Ainsi, ce marché permet aux banques en excédent de liquidité de placer cet excédent en
prêtant à d’autres banques en besoin. Alors que les banques en besoin peuvent avoir la
possibilité de combler leur déficit en liquidité en empruntant auprès des banques en excédent.
Globalement, le marché interbancaire au sens étroit peut être considéré comme un marché de
rentabilisation de liquidités pour les banques en excédent et de recherche de financement
pour les banques en déficit.
Quant au marché interbancaire au sens large, il connait l’intervention de la Banque centrale
qui par sa qualité de préteur en dernier ressort permet aux banques commerciales de trouver
un financement dans le cas où elles ne parviennent pas à se financer entre elles.
Le marché interbancaire au sens large est le lieu privilégié de l’intervention de la
Banque centrale. Cette intervention permet à la Banque centrale de combler les besoins de
financement des banques commerciales, mais elle constitue aussi un moyen de contrôle de la
liquidité bancaire et de la masse monétaire. Il s’agit donc d’un instrument important de la
politique monétaire. Les moyens d’intervention de la banque centrale sur le marché
interbancaire sont l’open market et les pensions ( 7 jours, 5 jours ou 24 heures).
Par la technique de l’open market, la Banque centrale intervient sur le marché
interbancaire en vendant et en achetant des titres (en particulier des titres publics, bons de
trésor).
Si la banque centrale souhaite retirer des liquidités, elle va mettre sur le marché
interbancaire une quantité importante de bons de trésor. Donc, leur prix va baisser et va attirer
les banques commerciales qui vont dépenser leurs liquidités en les achetant.
Dans le cas inverse lorsque la banque centrale fait part de sa demande d’achat des
bons de trésor dans le marché interbancaire, cela agira positivement sur les prix de ces titres et
poussera les banques commerciales à les vendre.
La technique des pensions à 7 jours consiste en l’achat temporaire par la banque
centrale des titres publics ou privés détenus par les banques commerciales.
Dans ce cas, la banque centrale demande aux banques commerciales de lui
communiquer leurs besoins en liquidités ainsi que le taux d’intérêt avec lequel elles souhaitent
emprunter. Après avoir reçu les réponses, la banque centrale fait savoir le taux avec lequel
elle va prêter et les demandes seront ainsi satisfaites soit totalement ou partiellement.
La technique des pensions à 5 jours est à l’initiative des banques commerciales et leur
taux d’intérêt est supérieur au taux des pensions à 7 jours par ce qu’elles sont irrégulières,
alors que pour les pensions à 24 h elles peuvent être à la fois à l'initiative des banques
commerciales et de la banque centrale à chaque fois que le compte courant d’une banque
commerciale présente un solde débiteur.

B Le marché des titres de créances négociables


Ce compartiment du marché monétaire s’est développé au Maroc depuis le milieu des années
90. Il a permis ainsi au marché monétaire de s’ouvrir aux agents non financiers
principalement les entreprises ( le trésor public est présent dans ce marché dés les années 80 ).
La création de ce marché avait pour objectif de diversifier les possibilités de placement et de
financement de court terme à la fois pour les préteurs et pour les emprunteurs. Il permet
aussi aux préteurs de négocier les titres qu’ils ont déjà acquis dans le cadre d’un marché
secondaire.
Au Maroc, les échéances des titres de créance négociables peuvent aller de quelques jours
jusqu'à 7 ans ou même 20 ans pour les bons de trésor, alors que le montant unitaire a été fixé
à 100 000 dh pour toutes les catégories de titres de créance négociables.
Quels sont alors les produits financiers qui peuvent être considérés comme de titres de
créances négociables au Maroc ?
Les certificats de dépôt
Ils sont émis par les banques commerciales. Ces titres doivent avoir une échéance qui varie
entre 10 jours et 7 ans. Quant au taux d’intérêt, il reste fixe pour une échéance qui ne dépasse
pas à un an et lorsque l’échéance dépasse un an il devient révisable. Les acquéreurs des
certificats de dépôt peuvent être des personnes physiques ou bien des personnes morales.

Les billets de trésorerie


Ce titre financier permet aux entreprises d’accéder au financement du marché monétaire en
émettant des titres et sans avoir à passer par les intermédiaires financiers. Or, l’entreprise
pouvant émettre un billet de trésorerie doit être résidente, existante depuis deux ans, et ayant
certifié deux bilans. L’échéance du billet de trésorerie varie entre 10 jours et 2 ans, et elle
peut aller parfois jusqu’à 7 ans. Quant au taux d’intérêt, il est librement négocié au moment
de l’émission du titre, mais il est généralement supérieur au taux offert par les banques pour
des échéances équivalentes.
L’avantage principal du billet de trésorerie, est qu’il favorise la désintermédiation financière.
Dans la mesure où il permet à une entreprise qui a besoin d’un financement pour le court
terme, de faire appel à une autre entreprise qui veut placer son excédent de trésorerie dans le
court terme.
Les bons de société de financement
Les bons de societé de financement sont des bons émis par des sociétés de financement pour
une durée allant de 2 ans à 7 ans et rapportant un intérêt déterminé pouvant être fixe ou
révisable. Le montant unitaire de ces bons est fixé à 250 000 dh.
Les bons de trésor négociables
Il s’agit des bons qui ont déjà été émis par le trésor public dans le cadre du marché des
adjudications. Les détenteurs de ces titres peuvent les présenter à la vente dans le cadre du
marché secondaire. C’est pour cette raison que l’on parle des bons de trésor négociables.
Leur échéance varie d’une semaine à 30 ans. Quant aux intérêts, ils peuvent être payés
annuellement ou à la fin de l’échéance. L’avantage de ces titres est lié à la qualité de
l’émetteur (l’Etat) et leur liquidité. Toutefois, leurs taux sont généralement moins élevés par
rapport aux autres titres de créances négociables.

Section II Le marché financier

Si le marché monétaire peut être considéré comme le marché de la dette du court terme, le
marché financier peut être considéré comme le marché des titres de long terme. C’est le lieu
de leur émission et de leur négociation permettant ainsi la mobilisation de l’épargne nationale.
Ce marché peut être divisé en deux compartiments :
Le marché primaire ou celui de l’émission des titres, les actions et les obligations, que l’on
peut désigner comme le marché du neuf.
Le marché secondaire, la bourse des valeurs, dans lequel s’effectue la négociation (l’achat et
la vente) des titres acquis sur le marché primaire
Les deux compartiments du marché financier sont complémentaires. En effet, ce qui
encourage un agent économique à acheter un titre dans le cadre du marché primaire, c’est la
possibilité de pouvoir les liquider dans le marché secondaire.
Nous pouvons dire ainsi que le marché primaire favorise les agents économiques en besoin de
financement, alors que le marché secondaire favorise les épargnants qui ont un besoin de
liquidité.
A Le marché primaire
Ce compartiment du marché financier peut être considéré comme le marché du neuf où l’on
émet les titres pour la première fois. Il y a deux types de titres émis dans le cadre de ce
marché : les actions et les obligations.

1 Les actions
Une action est un titre représentant une part du capital social de l’entreprise qui l’a émit. Il
s’agit d’un titre de propriété qui donne droit à des revenus variables, des dividendes, qui
dépendent du résultat de l’entreprise.
Une action peut accorder plusieurs droits à son acquéreur, notamment, le droit de vote lors des
assemblées générales de l’entreprise, le droit de communication des documents de
l’entreprise soumis aux assemblées générales, le droit de négocier librement son action dans
le cadre du marché secondaire et enfin le droit au remboursement de la valeur de l’action en
cas de faillite ou de la dissolution de la société.

2 Les obligations

Une obligation est un titre de créance de long terme. Ainsi, le marché obligataire est considéré
comme le marché de la dette du moyen et du long terme. Les émetteurs des obligations
peuvent être des grandes entreprises publiques ou privés, l’Etat et les établissements de crédit.
L’obligation est un titre qui représente une créance du souscripteur sur l’émetteur. C’est pour
cette raison que le souscripteur est assuré de recevoir les intérêts et le montant de l’emprunt.
Chaque obligation doit comporter le nom de l’émetteur, le montant de l’emprunt, le prix de
l’émission, le taux d’intérêt.
Le taux d’intérêt qui est déterminé généralement au moment de l’émission dépend de la
qualité de remboursement de l’émetteur évaluée par des agences de notation. Ainsi, le taux
d’intérêt serait faible si la qualité de l’émetteur est jugée bonne, Inversement, le taux d’intérêt
serait élevé si la qualité de l’émetteur est jugée mauvaise.
Il y a une panoplie d’obligations, la plus classique d’entre elles est celle où le souscripteur
reçoit un coupon annuel fixe et déterminé à l’avance (des intérêts), et à l’échéance il recevra
le montant de l’emprunt (le prix de l’obligation ).
Généralement, les souscripteurs et les émetteurs des obligations courent deux types de risque.
D’abord, le risque de variation des prix. Ainsi, le souscripteur d’une obligation
(l’emprunteur) court le risque d’une hausse des prix, une baisse du pouvoir d’achat, qui peut
affecter négativement les intérêts qu’il va recevoir annuellement et le montant de l’emprunt
remboursé à la fin. Alors que l’émetteur court le risque inverse de baisse des prix.
Ensuite, le risque de variation du taux d’intérêt. Ainsi, le souscripteur court le risque
d’augmentation du taux d’intérêt. Alors que l’émetteur court le risque d’une baisse du taux
d’intérêt.

B Le marché secondaire (la bourse des valeurs mobilières)

Le marché boursier est le marché dans lequel sont négociés les titres anciens et parfois sont
introduits les titres pour la première fois.

1 Les avantages liés au financement par la bourse

La bourse est un circuit de financement non inflationniste, car les fonds placés prêtés dans le
cadre de la bourse ou du marché financier sont issus d’une épargne existante. De ce fait, ils ne
peuvent donner lieu à une création monétaire contrairement au financement par les
intermédiaires financiers.
La bourse permet une meilleure mobilisation de l’épargneLe marché boursier permet la
rencontre entre des sociétés en recherche de moyens financiers nécessaires à leur
développement et des détenteurs de fonds, des investisseurs, qui cherchent à les placer dans
des conditions avantageuses.
Le marché boursier permet ainsi de déplacer l’épargne de long terme vers l’investissement de
long terme et il permet aussi à un détenteur d’un titre de le transformer en de l’argent liquide
ou en un autre titre.
Le marché boursier permet la diffusion du capital des entreprises. Les introductions en bourse
et les émissions d’actions nouvelles sont à l’origine de la diffusion du capital des entreprises.
Lorsqu’une entreprise s’introduit en bourse, elle va mettre une partie de son capital à la
disposition du grand public. Et toute augmentation du capital va accentuer cette diffusion.
Le marché boursier permet la mutation des structures du capital. Ainsi, la diffusion du capital
des entreprises parmi le public facilite la mutation des structures du capital de ces entreprises.
En effet, certaines entreprises peuvent avoir la possibilité, si elles le souhaitent, de prendre le
contrôle d’autres entreprises par le biais d’opérations telles les OPA.
Le marché boursier permet une valorisation des actifs financiers. La bourse évalue
quotidiennement le cours des actions en fonction de la situation comptable et financière des
entreprises émettrices, mais aussi des anticipations par rapport à leurs performances et leurs
perspectives de développement. Ainsi, le cours des actions traduit le degré de confiance des
investisseurs dans la santé des entreprises. C’est un baromètre qui témoigne de la confiance
des investisseurs dans l’avenir des entreprises et de l’économie dans son ensemble.
2 Les intervenants sur le marché boursier

Au Maroc, il existe une seule bourse, celle de Casablanca, dont les principaux intervenants
sont les suivants :

a L’autorité marocaine du marché des capitaux

L’autorité marocaine du marché des capitaux a été instaurée en 2013, en tant que régulateur
des marchés des capitaux, y compris la bourse des valeurs, sa mission consiste à :

- S’assurer de la protection de l’épargne investie en instruments financiers.

- Veiller à l'égalité de traitement des épargnants, à la transparence et à l'intégrité du


marché des capitaux et à l'information des investisseurs.

- S'assurer du bon fonctionnement du marché des capitaux et veiller à l'application des


dispositions législatives et réglementaires.

- Assurer le contrôle de l'activité des différents organismes et personnes soumis à


soncontrôle.
-Assurer le respect de la législation et de la réglementation en vigueur relativà la lutte
contre le blanchiment des capitaux, par les personnes et les organismes placés sous son
contrôle.

- Contribuer à la promotion de l'éducation financière des épargnants.

- Assister le gouvernement en matière de réglementation du marché des capitaux.

b La société de bourse des valeurs de Casablanca


C’est la société gestionnaire de la bourse des valeurs de Casablanca. Il s’agit d’une société
anonyme privé. Son capital de départ a été de 10 millions de dirhams détenu à parts égales
entre les sociétés de bourse qui la composent.
La mission de la société de bourse consiste en plus de la gestion de la bourse, à prononcer
l’introduction des valeurs mobilières à la côte et à veiller à la régularité des opérations
boursières effectuées par les sociétés de bourse. Elle est tenue également d’informer le
l’autorité marocaine du marché des capitaux de toute infraction qu’il aura relevée dans le
cadre de sa mission. Et enfin suspendre la cotation d’une ou de plusieurs valeurs mobilières
lorsque celles-ci connaissent des variations à la hausse ou à la baisse durant une même séance
qui dépasse un seuil déterminé.
c Les sociétés de bourse
En raison de la technicité et de la complexité du marché boursier, des intermédiaires
spécialisés ont été chargés du bon déroulement des transactions. Elles ont le monopole de
l’exécution des ordres d’achat et de vente concernant les valeurs cotés en bourse. Les
missions des sociétés de bourse sont les suivantes :
- La négociation des ordres d’achat et de vente sur le marché boursier.
- La collecte des ordres directement de la clientèle ou par le biais d’établissements bancaires.
- La conservation des titres.
- Le conseil en opérations boursières.
- la gestion du patrimoine y compris le sien.
d Les OPCVM
Les Organismes de placements collectifs en valeurs mobilières sont des organismes dont la
mission consiste à collecter de l’épargne auprès du public et effectuer des placements
collectifs. Les OPCVM constituent des portefeuilles de valeurs mobilières et les mettent à la
disposition des épargnants qui sont ainsi mieux protégés contre le risque. Les OPCVM se
basent sur une économie d’échelle, une meilleure évaluation des titres, une meilleure gestion
du risque et une parfaite information. Ils peuvent offrir une panoplie de portefeuilles qui
peuvent répondre à toutes les préférences des épargnants. Ainsi, on peut trouver quatre
catégories d’OPCVM selon la composition du portefeuille :
Les OPCVM actions, qui sont constitués d’ au moins 60 % en actions.
Les OPCVM obligations, qui sont constitués d’au moins de 90 % en obligations.
Les OPCVM monétaires, qui sont constitués essentiellement des titres du marché monétaire.
Les OPCVM diversifiés, ils peuvent être constitués librement d’actions, d’obligations ou de
titres du marché monétaire.
Selon le statut juridique, l’OPCVM peut être soit une SICAV, qui est une société anonyme
ayant pour mission la gestion d’un portefeuille collectif en valeurs mobilières, ou bien un
FCP, un fonds commun de placement, c’est une copropriété de valeurs mobilières dont la
gestion est confiée à un organisme indépendant.

3 La structure du marché boursier


La bourse de Casablanca est composée de deux marchés :
a Le marché central
Il s’agit du marché dans lequel sont confrontés tous les ordres d’achat et de vente pour
unvaleur mobilière inscrite à la côte. C’est un marché centralisé, organisé et dirigé par les
ordres et animé par les sociétés de bourse.
Ce marché est composé de trois compartiments :
Le marché principal, il est ouvert pour les grandes entreprises, qui doivent avoir 50 millions
de fonds propres et émettre au moins 250 000 titres, avec un montant de 75 millions de
dirhams.
Le marché de développement qui est ouvert aux entreprises matures de taille moyenne, elles
doivent émettre au moins 100 000 dh avec un montant minimum de 25 millions de dh.

Le marché de croissance, il est ouvert aux entreprises jeunes à fort potentiel de croissance,
elles doivent émettre 30 000 titres, avec un montant minimum de 10 millions dh.
b Le marché de blocs
Contrairement au marché central, les transactions dans le marché de blocs portent sur des
blocs de titres. La taille du bloc est fixée par un nombre de titres excédant la quantité de
titres habituellement échangée pour une valeur donnée.

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