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LES FONCTIONS MACROÉCONOMIQUES

Introduction : La macroéconomie ou la révolution Keynésienne


L’idée de départ est que, ce qu’on va appeler la macroéconomie apparaît avec l’ouvrage de 1936,
La Théorie générale de l’emploi de l’intérêt et de la monnaie, de Keynes.
Ouvrage qui a la même importance que Le Capital de Marx, un des 4 ou 5 ouvrages les +
importants en économie.

KEYNES :

économiste anglais, né en 1883 (année de la mort de Marx), et mort en 1946, et il écrit pendant la
crise des années 30. Son père était aussi un important économiste, professeur à Cambridge, et
Keynes va marcher sur ses traces, mais comme tous les enfants de bourgeois il va être rebelle,
bohème, artiste, et ne veut pas faire d’économie au départ.
Il fait donc des études de maths, sur la probabilité, un peu philo-maths.
Mais il finit par se tourner vers l’économie, et va avoir pour professeur Marshall et Pigou (deux
néo-classiques).

Devient à son tour très important, mais n’a pas été simplement un économiste, il a aussi et surtout
joué un rôle important dans la diplomatie britannique, et était envoyé à toutes les assemblées de
négociations, de traités de paix, et a notamment participé aux sanctions pour l’Allemagne. Il était
l’un des seuls à plaider pour la légèreté des sanctions à la fin de la première guerre, car il supposait
que cela entraînerait un esprit revanchard. Il avait raison, mais n’a pas été entendu.

Lors de la seconde GM, c’est lui qui négocie les conditions des prêts auprès des USA, et c’est lui
qui dirige la délégation britannique dans les négociations à Bretton Woods, moment où les Alliés
savent déjà qu’ils vont gagner la guerre, et ils négocient l’organisation de l’après-guerre. C’est lui
qui représente le Royaume-Uni, et s’oppose aux USA, mais n’est encore une fois pas très heureux,
et c’est là qu’est décidé que le dollar est la seule monnaie que l’on peut convertir en or, les autres
monnaies ne doivent être échangées que contre des dollars.
Keynes, qui n’était pas américain, préconisait la mise en place d’une monnaie internationale, mais
qui ne soit la monnaie d’aucun pays, comme l’euro mais à l’échelle du monde. Il avait proposé
d’appeler ça le Bancor.

Pourquoi La Théorie Générale est donc si importante ?

I- Une rupture méthodologique : la macroéconomie

Avant Keynes, ceux qui dominent l’économie sont les marginalistes, puis les néo-classiques, qui
défendaient une approche centrée sur l’étude des comportements des individus, des agents, et
adoptaient donc une démarche qui était celle de l’individualisme méthodologique, qui consiste à
partir du comportement des individus, à poser des hypothèses comportementales sur ces individus,
on détermine leur comportement logique, et enfin, on généralise et on regarde ce qui se passe au
niveau global.

Renouvelle cette approche, car il considère que l’individualisme méthodologique repose sur un
sophisme : le sophisme de composition, qui consiste à croire que ce qui est vrai pour les parties,
l’est nécessairement pour le tout, or ce n’est pas nécessairement vrai, et cette idée que en réalité, on
ne peut pas passer du niveau individuel au collectif, en considérant ce dernier comme la somme des
individus = no bridge.

Keynes préconise donc une autre démarche : d’emblée raisonner de manière global, à grande
échelle, sur par exemple la consommation des ménages, le revenu national…
Et ces grandeurs vont être relier par des mécanismes, des réactions, etc, c’est la macroéconomie.

Cette révolution méthodologique n’épuise pas la révolution keynésienne, il y a d’autres aspects.

II- Une autre vision de l’économie

A) Une économie incertaine

K établit une typologie des évènements, et il va classer ces évènements en fonction de leurs degrés
de certitude et va distinguer 3 catégories d’évènements :

→ les évènements certains


→ les évènements probabilisables (on peut déterminer le pourcentage de chance qu’ils arrivent)
→ mes évènements incertains (ceux pour lesquels « nous ne savons pas tout simplement »).

L’économie capitaliste dans laquelle nous vivons est fondamentalement marquée par l’incertitude.
En matière économique, le plus souvent, les agents ne savent pas ce qu’il va se passer, ils sont dans
l’incapacité de prévoir le futur.
Ex : on a aucune idée de la valeur de telle matière première dans 10 ans.

Et pourtant les agents doivent agir, et prendre des décisions qui engagent le futur même s’il est
incertain.
Ex : est-ce que je dois épargner ou non ? Est-ce que j’investis ou non ?

Les agents vont donc faire des sortes de paris, et ils vont être guidés par des conventions, des
usages, des règles, qui vont les aider à prendre leurs décisions, parmi lesquelles par exemple, faire
comme si le futur sera semblable au présent, en prenant en compte les valeurs actuelles. Ou aussi,
agir « comme d’habitude ». Ou encore, agir « comme les autres » = le mimétisme.

Cela explique des phénomènes comme les bulles spéculatives : le cours d’une action augmente car
tout le monde en achète, et cela fait que d’autre monde en achète.
Mais le problème d’une bulle c’est que ça éclate : et il suffit qu’une personne importante revende,
pour que cela lance la machine, et entraîne un krach boursier.

Insiste sur le fait que l’investissement est toujours risqué, et Keynes a un concept assez connu : dans
ce cas de figure, l’entrepreneur agit en s’en remettant à son « esprit animal » (animal spirit), ou son
instinct plus couramment.

On est donc loin de l’homo œconomicus et ses calculs rationnels. La décision de l’entrepreneur peut
découler de sa digestion par exemple.

L’entrepreneur peut aussi agir par goût du risque, ou besoin d’agir.

Vision donc très radical.

Keynes n’est pas le seul à voir les choses de cette manière dans ces années 20-30, notamment :
→ Schumpeter, économiste autrichien (pas au programme), théoricien de la croissance, et cherche
à comprendre pourquoi il y a de la croissance, et sa grande explication est qu’elle découle du
progrès, et qu’elle ne peut pas être extensible, elle se heurte à des limites. Ce qui génère la
croissance sont les grappes d’innovation, et au moment où elles sont épuisées, la croissance ralentit.
Mais à partir du moment où l’innovation est le moteur de la croissance, un personnage devient
central dans l’économie : l’innovateur. Et ce personnage qui met en place le progrès technique est :
l’entrepreneur, qui n’est pas le chef d’entreprise, mais celui qui innove, qui prend des risques.
Or, innover c’est risqué, car on est dans un univers incertain. Ça peut fonctionner, mais souvent ça
échoue, et l’entrepreneur perd.
Ce qui fait qu’on va prendre ce risque est l’appât du gain, mais aussi la psychologie particulière de
l’entrepreneur, qui a le goût du risque, a envie d’agir, de changer le monde, etc.
Mais il ne fait pas n’importe quoi non plus, c’est + un joueur de poker qu’un joueur de roulette : il
n’a pas tout les éléments mais il va essayer de calculer.
=> On peut les rapprocher pour le côté incertain, et il y a des éléments d’ordre psychologique qui
vont avoir une place importante.

→ Knight, écrit avant Keynes, ouvrage en 1921 : Risque, incertitudes et profit. Distingue 3 types
de phénomènes : certains, incertains (= probabilisables pour Keynes), et risqués.
Explique qu’il y a du profit justement parce que tous les évènements ne sont pas certains, et c’est le
risque qui légitime le profit.

Bien marquer la différence entre Keynes et la théorie néoclassique qui dominait jusqu’alors, car
dans cette théorie on était dans un univers certain : information parfaite pour les agents.

B) Une économie monétaire

C’est parce qu’il considère que l’économie est incertaine, que Keynes va redéfinir la place et le rôle
de la monnaie dans l’économie.

Avant Keynes, les auteurs avaient identifiés 3 fonctions à la monnaie :

→ étalon de mesure, unité de compte → permet de savoir directement quel bien est plus cher qu’un
autre
→ réserve de valeur → je peux conserver de la monnaie : thésauriser, et elle ne perdra pas trop de
valeur, je pourrai la réutiliser plus tard.
→ intermédiaire des échanges → permet d’éviter le problème du troc (problème de double-
coïncidence des besoins), et les choses deviennent plus facile, car on peut décomposer l’échange.

Mais dans la vision de ces économistes pré-Keynes, la monnaie comme réserve de valeur, était
simplement mentionnée et n’avait pas grande importance. Il y avait l’idée que les agents ne
voulaient pas conserver la monnaie, qu’ils la considéraient simplement comme un moyen d’acheter
des biens.
Jean Baptiste Say disait que « la monnaie brûle les doigts ».

D’autre part, ces auteurs avaient l’idée que vivre dans une économie de troc ne changeait pas grand-
chose par rapport à une économie monétaire. Le fait d’introduire la monnaie n’avait pour eux qu’un
inexistant ou faible impact. Par exemple, ne modifiait pas la quantité de biens en circulation, de
revenus.
C’est ce qu’on appelle la « théorie de la monnaie voile ».

Voilà donc la position des classiques et néo-classiques avant Keynes.


Keynes va donc renouveler complètement l’analyse sur ces 2 points : il considère donc qu’on est
dans un univers incertain, on prend des décisions sans savoir, sans probabiliser ce que sera ce
futur. Il devient donc tout à fait rationnel pour les agents de conserver de la monnaie sans l’utiliser,
sur de longues périodes.
Il insiste lui sur le rôle de réserve de valeur de la monnaie, car cela permet de se protéger face aux
aléas, et pouvoir faire face à d’éventuels coups durs.
Keynes appelle cela de l’«épargne de précaution».

La monnaie dispose de la caractéristique de la liquidité, c’est-à-dire qu’on peut l’utiliser


immédiatement, sans difficulté, sans risque de pertes. Par exemple un bien comme un appartement
n’est pas un actif liquide, et on ne peut pas l’utiliser pour payer directement.

C’est un point décisif, car c’est en s’appuyant là-dessus que Keynes va contrer la loi de Say, celle
qui disait qu’il ne peut pas y avoir de crise du surproduction, et cette loi va s’effondrer et entraîner
de nouvelles politiques économiques.

C) L’importance du court terme

Là encore, opposition par rapport aux classiques et néo-classiques, qui centraient leur attention sur
les phénomènes à long terme. Par exemple Smith qui étudie l’enrichissement des nations, la
croissance, c’est sur le long terme.

Et c’est comme cela qu’ils s’imaginent que la monnaie va disparaître, car à un moment les agents
vont forcément utiliser leur monnaie, faire quelque chose de leur épargne, comme investir ou
consommer.

Keynes va lui vouloir raisonner à court terme : ce n’est pas un théoricien de la croissance. Il
considère que l’économiste est un homme d’action qui doit agir ici et maintenant → très engagé sur
la mise en place de politiques, il est engagé dans l’action, Keynes n’est pas simplement un
économiste de bibliothèque + contexte économique en crise.

« A long terme, nous sommes tous morts » - Keynes (NE PAS METTRE EN ACCROCHE)

Ce qui nous intéresse en tant qu’être humain c’est plus les lendemains que dans des décennies.

III- Une autre vision de la politique économique

Cela conduit donc Keynes à porter un diagnostique différent sur le fonctionnement de l’économie,
et à mettre en place de nouvelles politiques.

A) La critique de la loi de Say

La loi de Say disait qu’il ne peut pas y avoir de crise de surproduction durable et généralisée, les
marchés fonctionnant correctement. Pour cela, Say nous expliquait que l’offre génère un revenu,
revenu qui à son tour génère une demande d’un montant équivalent.
Argument que Keynes résume en disant que, d’après Say, l’offre crée sa propre demande.

On voit tout de suite que cette analyse repose sur un présupposé : tout le revenu est dépensé et va
générer donc une demande.
Ad cela suppose que les agents n’épargnent pas, que la monnaie leur brûle les doigts, et qu’ils vont
rapidement dépenser.
Keynes va nous dire que puisqu’on est dans un univers incertain, les agents vont réaliser une
épargne de précaution, conserver une partie de leurs revenus, ne pas formuler de demande avec
cette partie, et on sera dans une situation dans laquelle l’offre devient supérieure à la demande →
crise de surproduction.

Il y a donc une fuite dans le circuit : l’épargne de précaution.

Et donc la demande peut être tout à fait insuffisante, et la surproduction peut être durable, voire
augmenter leur épargne l’année suivante, ce qui va faire écrouler tout l’édifice classique et néo-
classique.

B) Équilibre de sous-emploi et politique de relance

(à maîtriser)

Keynes renverse donc la loi de Say, ce qui l’amène à changer complètement de perspective : chez
les classiques et néo-classiques, ce qui était le moteur de l’économie était l’offre, et il fallait
l’encourager, parce que la demande va ensuite suivre.
Or pour Keynes, ce qui devient le moteur c’est la demande, et c’est de cela qu’il faut s’inquiéter.

Plus précisément, le concept important chez Keynes est ce qu’il appelle la demande effective,
c’est-à-dire, c’est la demande qui est anticipée par les chefs d’entreprise, sur la quantité de biens
qu’on va leur acheter dans les semaines, les mois qui viennent.
C’est un concept essentiel, car c’est en fonction de cette demande effective qu’ils vont fixer leur
offre. Et cela va déterminer la quantité de travail dont ils auront besoin.

La demande détermine donc le niveau de l’offre, mais aussi le niveau de chômage : on a l’offre de
travail (les travailleurs qui offrent) qui dépend de facteurs démographiques, mais considérée comme
fixée, la demande qui dépend de l’entreprise, et la comparaison des deux détermine le niveau de
chômage.

On peut donc faire le schéma :

Niveau de la demande
effective Niveau de l’offre Niveau de la demande de
travail

Dans ce cadre, il devient possible de penser l’existence d’un chômage durable et involontaire, à
nouveau retournement complet par rapport aux classiques et néo, qui considéraient que le chômage
était soit transitoire (ils disent « frictionnels » = le temps que l’offre et la demande s’adaptent), ou
sinon volontaire s’il est durable.

Chez Keynes, le chômage peut être à la fois durable et involontaire : il suffit que le niveau de
demande effective soit faible, ce qui fait que l’offre sera faible, ce qui fait que la demande sera
faible, et donc haut niveau de chômage. Donc tant que la demande anticipée est faible, cela ne
change pas, donc ça peut être durable, et il est d’autre part involontaire, car ce sont les entreprises
qui ne peuvent/veulent pas employer.
→ légitimise les politiques d’aides aux chômeurs

Keynes va donc exprimer le concept d’« équilibre de sous-emploi » : le problème n’est pas que les
chefs d’entreprise se soient trompés au moment de la définition du niveau de demande, au contraire
ils prévoient la bonne quantité, et sur le marché des biens, l’offre = la demande, mais cela ne veut
pas dire qu’il n’y aura pas de chômage.
Ils anticipent un niveau de demande bas, mais c’est normal, car la demande est effectivement basse.
= équilibre de sous-emploi (pas généralisé à tous les marchés).

Dernière chose, cela explique aussi pourquoi Keynes appelle son ouvrage Théorie « générale » :
idée qu’il y a une multitude de niveaux de demande effective possibles. À ces multiples niveaux de
demandes, vont correspondre de multiples niveaux d’offre de travail, et donc des multiples niveaux
de chômage possible.
Parmi tous ces multiples, il n’y a qu’un seul niveau qui nous garantit qu’il y ait plein emploi : il faut
que la demande de travail (DTV*) soit associé à un seul niveau d’offre (O*) qui provient d’un seul
niveau de demande effective (DE*).
Ce cas très particulier, est le cas qu’ont étudié les économistes classiques et néo-classiques :
l’équilibre général sur tous les marchés. Mais ça n’est qu’un cas parmi une multitude d’autres cas
possibles, et rien ne me garantit que c’est celui qui va se produire.

Keynes nous dit que sa théorie englobe la théorie classique et néo-classique, parmi tous les cas que
sa propre théorie permet d’analyser.

L’équilibre sur le marché des biens peut correspondre à une situation de chômage sur le marché du
travail.

Puisqu’on a une autre façon de concevoir l’économie, il y aura donc des divergences en matière de
politique économique.
Les économistes libéraux considéraient qu’il suffit de laisser fonctionner les marchés pour que
l’équilibre se rétablisse, et s’il y a du chômage → baisse des prix (salaire), et si le salaire baisse,
moins d’offre de travail, et les entreprises vont donc augmenter leur demande travail → rééquilibre.
Pour les keynésiens, c’est une politique désastreuse, car si les salaires baissent, il y aura moins de
consommation, les entreprises vont enregistrer une demande encore plus faible, produire encore
moins, et offrir moins de travail, donc + de chômage.

Pour K, il va donc être nécessaire de sortir de cet équilibre, et mettre en place des politiques pour
sortir de cette situation d’équilibre de sous-emploi. Ce sont des politiques conjoncturelles, qui
s’opposent aux politiques structurelles, car il faut agir vite, et pas sur le long terme. Politique de
relance, par la demande, l’objectif va être d’augmenter la demande, ce qui devrait augmenter
l’offre, donc réduire le chômage.
Mais il faut une impulsion.

Ces politiques de relance peuvent être :

→ budgétaires : jouent sur le budget de l’état, ses recettes / ses dépenses. Ex : des politiques de
grands travaux, d’investissements publics, politique de revenus (distribuer des revenus
supplémentaires) → prestations sociales.
→ monétaires : mises en place par la Banque Centrale, politiques conventionnelles, qui consistent
principalement à jouer sur les taux d’intérêts à la baisse → incite à emprunter et donc consommer.
Elle se heurte à une limite : que le taux d’intérêt atteigne zéro, voire descende en-dessous, et il
fallait trouver d’autres instruments monétaires : politiques non-conventionnelles.

La Révolution Keynésienne ce n’est donc pas juste passage de la micro à la macro, il y a des
changements bcp plus profonds, et le point de départ de tout est l’incertitude, donc importance de
la monnaie et de l’épargne, donc la loi de Say qui s’effondre, donc importance de la demande.

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