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TOUTE SORTIE DE CRISE EST-ELLE KEYNESIENNE 

Présentation demain du plan de relance français : 100 milliards d’euros


annoncés. Dans tous les pays, la réponse à la crise se fait par des
dépenses massives. Certains y voient la marque du grand retour à Keynes,
inspirateur des politiques d'après-guerre : un « moment Keynésien » ?
En réalité, les idées de Keynes font le yoyo (à la mode – pas à la mode – à la mode..) depuis que cet
illustre économiste anglais les a formulées dans les années 1930 (Traité sur la monnaie, parue en
1930 et la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, parue en 1936 et représentant
son ouvrage majeur)

L’une des idées de Keynes peut être exprimée simplement (et sans doute simpliste pour l’expert) : le
revenu national = Les dépenses de consommation en biens et services + dépenses de production en
biens d'équipement.

Ainsi, puisque les dépenses de consommation dépendent du « pouvoir d’achat » et les dépenses de
production de biens d’équipement des « taux d’intérêt », la modification de l’une ou l’autre de ces
variables impactera le revenu national (ou PIB).
Dans les années 1960, cette théorie produisit des résultats. Sur fond de craintes de récession
plusieurs gouvernements réduisirent les impôts et abaissèrent les taux d’intérêt afin d’une part,
d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages pour relancer la consommation, et d’autre part, de
favoriser l’investissement afin de relancer la production / innovation. En 1965, le Times intitulait sur
l’une de ses couvertures « Now, we are all Keynsians » compte de la situation économique de
l’époque.

Cependant, les années 1970 ont vu apparaitre la stagflation, c’est-à-dire une situation ou l’économie
souffre simultanément d’une croissance économique faible ou nulle et d'une forte inflation (c’est-à-
dire une croissance rapide des prix). Situation souvent accompagnée d'un taux de chômage élevé. La
théorie de Keynes telle qu’elle était appliquée n’était plus efficace. Comment combattre le chômage
et l’inflation en même temps ?

En réalité, chaque cycle économique est accompagné d’une réévaluation des théories de Keynes.
Certaines d’entre-elles laisseraient supposer que l’économie n’est pas autorégulatrice (ce qui n’est
nullement le cas), et qu’en périodes de déflation l’économie pourrait entrer dans un cercle vicieux
décrit lors de la Grande Dépression de 1929 : la diminution des bénéfices des entreprises industriels
(automobiles,…) pourrait conduire à des licenciements massifs provoquant une baisse de la
demande, les sociétés d’assurance ne pourraient plus assurer leurs contrats compte-tenu de la faible
plus-value de leurs placements et du fameux ratio de solvabilité, ce qui diminuerait encore les
bénéfices (marge), etc.

En d’autres termes la situation que nous vivons depuis 2008 !

Contrairement aux années 1960, les gouvernements ne peuvent plus réduire l’impôt. Les caisses sont
vides, il faut donc les renflouer (on peut légitiment se poser la question de la garantie de l’état
lorsque les caisses sont vides !). Mais augmenter les impôts de manière significative des classes qui
consomment le plus ne fera qu’aggraver la situation. Mais il y a impôts et impôts (1 point de GSG =
11 milliards Euros de recette !). Quant aux taux d’intérêt, les gouvernements ont compris que cette
seule variable pouvait avoir des effets néfastes sur l’économie nationale. En effet, lorsque vous
baisser les taux d’intérêt vous prenez le risque de créer des bulles. Et pour savoir l’effet d’une bulle
telle que celle immobilière, il suffit de regarder du côté de l’Espagne!

Si l’on en croit l’une des théories de Keynes, le déficit budgétaire d’un gouvernement est une
nécessité. Cet économiste libéral dans le sens traditionnel du terme n’aurait pas voté la loi sur
l’équilibre budgétaire face à la crise actuelle au grand dam de l’Allemagne. Il souhaitait que les
gouvernements utilisent ses théories pour se concentrer sur le plein emploi. Certes il est nécessaire
d’avoir une rigueur budgétaire, mais trop de rigueur tue l’esprit d’entreprendre indispensable
aujourd’hui. Une politique d’austérité inhibe les deux variables d’une des théories de Keynes
présentée en introduction.

Politique d’austérité = diminution des dépenses de consommation en biens et services suite à une
augmentation significatives des impôts + diminution des dépenses de production en biens
d'équipement suite à une diminution des investissements dans les secteurs de production clé (retour
sur investissement trop faible + manque de confiance dans l’avenir) = diminution du revenu national
(PIB) ou si vous préférez : absence de création de richesse !

De plus aujourd’hui, contrairement à l’ère keynésienne, un autre vecteur est à prendre en compte: la
globalisation. L’ouverture progressive des économies dirige les consommateurs vers des productions
étrangères et stimuler la consommation n’encourage que légèrement l’investissement des
entreprises nationales.

Autrement dit, si un gouvernement pense dans le contexte actuel, qu’augmenter les impôts de
manière significative et diminuer les taux d’intérêt jusqu’à voisiner le zéro, stimulera l’activité : il n’en
est rien, la seule conséquence sera l’accélération de la récession. Et lorsque nous serons dans cette
situation, qui ouvrira une usine en plein milieu d’une récession ! Ce sont là les raisons qui font que la
politique budgétaire volontariste tend à être sévèrement critiquée dans le contexte économique
contemporain.

Aujourd’hui les principales économies européennes sont dans le même état que lorsqu’une personne
a un peu trop abusé d’alcool. Les économies européennes ont la gueule de bois. Et dans ce cas, la
seule solution et de serrer les dents et de le supporter jusqu'au retour de la croissance avec le cycle
économique naturel. Mais serrer les dents, ne signifie nullement ne rien faire, surtout au niveau
européen. L'union européenne a oublié de construire un instrument financier c'est pourquoi il y a
une crise de l'euro. Cet instrument financier ne peut pas être fondé que sur la rigueur budgétaire.

Et si Keynes avait la solution pour sortir de la crise ?

1) La révolution keynésienne

UN NOUVEAU CHAMP DE RECHERCHE


Keynes est le fondateur de la macroéconomie dans les années 1930. Pour cela, il distingue : 
 L’équilibre général. C’est l’égalité de l’offre et de la demande sur tous les marchés en même
temps.
 L’équilibre global. C’est l’égalité comptable entre les emplois et les ressources au niveau de la
nation. Du fait de l’équilibre global, il existe des liens nécessaires entre les grandes fonctions
agrégées (l’investissement, la consommation...).
La théorie générale de Keynes réfléchit sur l’équilibre global, et pas sur l’équilibre des différents marchés.
Ce faisant, Keynes ouvre un nouveau champ de recherche pour les économistes. Il pose un certain
nombre de relations entre des grandes variables agrégées. Mais les relations qu’il pose sont des pures
hypothèses. En effet, à l’époque, on ne dispose pas des données et des outils statistiques qui permettent
de tester ces relations. Dans l’après-guerre, la comptabilité nationale et l’économétrie se développent
pour tester les relations posées par Keynes.
Le raisonnement en équilibre global est fortement critiqué à partir des années 1970. La critique est que le
raisonnement en équilibre global fait comme si les relations macroéconomiques étaient des relations
mécaniques. Or, derrière les relations macroéconomiques, il y a les décisions des agents individuels (c’est
ce qu’on appelle les fondements microéconomiques de la macroéconomie). Les agents sont rationnels,
ils ne restent pas passifs face aux politiques conjoncturelles. Au contraire, ils peuvent les anticiper et
éventuellement les mettre en défaut. 

UN NOUVEL HORIZON TEMPOREL POUR LES POLITIQUES PUBLIQUES


Les politiques conjoncturelles, notamment de relance, sont souvent qualifiées de politiques
keynésiennes. Pour les classiques au sens de Keynes, les politiques conjoncturelles sont :
 Au mieux inefficaces : la loi de Say assure l’efficacité à long terme.
 Au pire nocives : elles peuvent perturber l’ajustement des marchés.
Pour les classiques au sens de Keynes, seules les politiques structurelles sont utiles. 
« À long terme nous serons tous morts. Les économistes n’apportent rien si, en pleine tempête, tout ce
qu’ils trouvent à dire est qu’une fois l’orage passé, la mer sera calme ». John Maynard Keynes,
1936.
Keynes écrit dans le contexte de la crise des années 1930, et la sortie de crise est particulièrement longue.
Les économistes ne peuvent pas se contenter de dire d’attendre. L’objectif de Keynes est de sauver le
système capitaliste et la démocratie libérale. Son horizon temporel est donc de court terme.

UNE EXPLICATION PARTIELLE DE L’INSTABILITÉ DE LA CROISSANCE


La révolution keynésienne donne une explication partielle de l’instabilité de la croissance, par des chocs
subis par l’activité. 
Un choc est un événement imprévisible qui perturbe la production et l’ajustement des marchés. On peut
en distinguer deux : 
- Les chocs d’offre. L’offre globale est l’ensemble des biens et services susceptibles d’être offerts dans une
économie. L’offre globale est une fonction croissante du niveau général des prix. Un choc d’offre peut
être : 
 Positif. Par exemple, le progrès technique permet de réduire les coûts de production.
 Négatif. Par exemple, l’augmentation du cours du pétrole. Cela augmente le coût de l’énergie et
des matières première, donc cela a un impact sur la production de toutes les entreprises.
1912, Joseph Schumpeter, Théorie de l’évolution économique 
Il lie les cycles économiques à des chocs d’offre, en particulier aux innovations. 
- Les chocs de demande. La demande globale est la somme de la consommation finale, de l’investissement
et du solde extérieur. La demande globale est une fonction décroissante du niveau général des prix. Le
budget de l’État prend en charge une partie des dépenses de consommation et des dépenses
d’investissement. Keynes, en 1936, distingue deux types principaux chocs de demande : 
 Les chocs budgétaires : positifs (augmentation des dépenses publiques) ou négatifs (baisse des
dépenses publiques)
 Les chocs monétaires : positifs (baisse du taux d’intérêt : les entreprises sont incitées à emprunter
pour investir, les ménages sont incités à emprunter pour consommer) ou négatifs (hausse du taux
d’intérêt). 
Les fluctuations peuvent en partie s’expliquer par le cycle du crédit. Notamment, la crise des années
1930 est due, selon Keynes, à un choc de demande négatif. Il y a d’abord une crise financière en 1929. Elle
s’est traduite par une restriction du crédit (credit crunch). Keynes recommande dont des politiques de
relance pour remédier à ce choc de demande négatif. 
2)  Le rôle des hypothèses

« Les hommes d’action qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont d’ordinaire
les esclaves de quelque économiste du passé. » Keynes, 1936

Derrière les recommandations de politique économique, on trouve des théories. L’analyse théorique des
politiques économiques permet de sortir du débat partisan et de discuter de la validité des analyses
économiques. Les différences de recommandations des économistes ne viennent pas d’une opinion
partisane, mais du fait que les différentes théories posent des hypothèses différentes sur le
fonctionnement de l’économie. Il faut discuter des hypothèses des modèles. Une hypothèse est
pertinente ou non, selon la réalité géographiquement et historiquement déterminée. On ne peut
appliquer une théorie que si ses hypothèses s’appliquent.

1953, Milton Friedman, Essays on positive economics


La microéconomie se prête bien à une épistémologie friedmanienne. Friedman se situe dans le
prolongement de l’épistémologue Popper (1934). Pour Popper, la scientificité d’une théorie repose sur
son mode d’énonciation. Une théorie scientifique énonce toutes les hypothèses sous lesquelles elle est
valide. Ce n’est qu’à cette condition que la théorie pourra être confrontée à la réalité par l’expérience :
elle pourra donc être éventuellement falsifiée (invalidée par l’expérience). 
Friedman remarque que les hypothèses en économie sont psychologiques. Or, la psychologie des
individus n’est pas directement observable. On ne peut observer que les résultats de l’action. Donc, on ne
peut jamais tester les hypothèses d’un modèle, on ne peut que tester ses prédictions. Il n’est pas
pertinent de vouloir discuter du réalisme ou de l’irréalisme des hypothèses, on ne peut que confronter les
prédictions du modèle à la réalité. Ce type d’épistémologie s’applique bien à la microéconomie. Par
exemple, en théorie des jeux, on remarque que les agents ne se comportent pas comme prévu : il faut
modifier les hypothèses (par exemple celle de total égoïsme de l’agent). 

La macroéconomie conjoncturelle, par certains côtés, se rapproche de l’histoire. Les données


économétriques sont toujours historiques. Il n’y a pas un bon modèle dans l’absolu, mais un modèle est
bon par rapport à une situation historiquement donnée. Une politique macroéconomique efficace dans
un contexte peut être contre-productive dans un autre. D’où le fait que la macroéconomie va en
permanence chercher des intuitions et des hypothèses chez les économistes du passé. 
 Après Keynes, il y a eu les keynésiens de la synthèse, puis les nouveaux keynésiens. 
 Après l’économie politique classique, il y a eu les néoclassiques, puis les nouveaux classiques. 
Il ne faut pas pour autant réduire la macroéconomie à un simple mouvement de balancier entre des
opinions politiques. Chaque génération cherche à répondre aux faiblesses de la théorie précédente et
intègre des progrès dans sa théorie. Les progrès sont : 
 Des réponses à des contre-arguments théoriques.
 Des explications à des faits auparavant inexplicables (les paradoxes). 
Souvent, on oppose :
 Les économistes orthodoxes (opinion correcte en grec) qui sont majoritaires, utilisent une méthode
néoclassique et croient aux vertus du marché.
 Les économistes hétérodoxes qui sont minoritaires, refusent les méthodes néoclassiques et
critiquent le marché.
En fait, c’est plus complexe. 
 Aujourd’hui, il y a un quasi consensus sur la méthodologie néoclassique. 
 Certains critiquent la méthodologie néoclassique et sont favorables au marché. Exemple : Hayek.
 On peut utiliser une méthode néoclassique pour critiquer le marché. Exemple : Stiglitz et les
nouveaux keynésiens.
En macroéconomie, il ne faut pas tomber dans une vision rétrospective. Les cours de macroéconomie
consistent souvent à présenter des problèmes historiques et les solutions qui se sont avérées efficaces.
Cela donne l’impression que les décideurs politiques n’avaient qu’à appliquer la solution proposée par
certains économistes. Il faut se rappeler qu’il y avait débat entre les économistes à l’époque. Quand on
regarde la crise actuelle, on a l’impression que les économistes ne savent pas, ou que les solutions
proposées sont nombreuses et contradictoires. 
Le métier de macroéconomiste donne lieu à une forte demande sociale, notamment pour les prévisions
de conjonctures. Cela vient de l’État, mais aussi des entreprises, en particulier les banques. Les
conjoncturistes travaillent sur des sociétés historiquement déterminées et non sur des données de
laboratoire. Sa situation est plus proche de celle du médecin que de celle du chercheur. Le médecin peut
dire quels sont les facteurs d’infarctus et si vous présentez un risque, mais pas quand l’infarctus va se
déclencher.

C. La conjoncture depuis la Seconde Guerre mondiale

1) Du « fine tuning » à la grande modération

LES TRENTE GLORIEUSES sont une période de croissance soutenue en moyenne. Par contre, les
économies occidentales ne connaissent pas de récession. C’est l’époque des politiques de stabilisation.
Les économistes pensent disposer des outils nécessaires pour lisser les fluctuations autour de la tendance,
au point de les faire presque disparaître. C’est le fine tuning : le réglage fin de la conjoncture par l’État, le
lissage de la croissance par l’État. Selon le fine tuning, il suffirait d’utiliser des politiques contra-cycliques
pour réguler les fluctuations. Les politiques keynésiennes ont contribué à installer un long cycle de
croissance économique dans l’après-guerre dans les pays occidentaux. Au Royaume-Uni, ces politiques
sont appelées politiques de « stop and go » : se succèdent des plans de relance (en cas de
ralentissement) et des plans de rigueur (en cas de surchauffe). Ces plans se succèdent rapidement,
parfois tous les 2 ans.

DANS LES ANNÉES 1970, l’économie connaît de larges fluctuations, sous l’effet de différents chocs
monétaires et réels. 
 La fin des accords de Bretton-Woods (1971) fait passer :
D’un régime de changes fixes... La valeur des monnaies est fixée par rapport au dollar qui a lui-même son cours lié à l’or.
...à un régime de changes flottants. La valeur des monnaies est déterminée par l’offre et la demande sur le marché des
changes (marché où l’on échange les devises entre elles). Le dollar se déprécie fortement. 
 Le premier choc pétrolier (1973) suite à la guerre du Kippour. En 1973, les pays arabes attaquent
Israël et perdent. Ils utilisent une autre arme : l’OPEP, un cartel de pays exportateurs de pétrole et
de gaz. L’OPEP, sous l’influence des pays arabes, restreint la production de pétrole. L’objectif est de
pousser les pays occidentaux à faire pression sur Israël pour mettre fin à l’occupation commencée
en 1967. Le prix du baril de pétrole est multiplié par quatre. 
 Le deuxième choc pétrolier, lié à la révolution iranienne (1979), puis à la guerre Iran-Irak (1980). Le
prix du pétrole triple. 
Cette période est surnommée période de la stagflation. Ce néologisme inventé par le chancelier de
l’échiquier (ministre des Finances britannique) Iain Macleod. Il signifie qu’on a à la fois une croissance
faible et une forte inflation. Cela semble incongru. Jusque-là, on avait soit une crise avec chômage et
déflation, soit une expansion avec du plein emploi et l’inflation.

DU MILIEU DES ANNÉES 1980 À LA CRISE DE 2008 , on connaît la grande modération, c’est à dire une
baisse de l’ampleur des fluctuations. C’est une période de faible inflation. On peut distinguer trois causes
de la grande modération : 
Les banques centrales luttent contre l’inflation, importante dans les années 1970, avec une rigueur
monétaire. Cette rigueur est notamment très stricte aux États-Unis. Cette politique s’inspire du
monétarisme, c’est-à-dire des travaux de Milton Friedman. Il s’agit de contrôler l’offre de monnaie pour
réduire l’inflation. En 1979, Paul Volker est nommé président de la Fed. En 1981, l’inflation aux Etats-Unis
est de 13%, donc Volker décide de porte le taux d’intérêt nominal à 20% pour juguler l’inflation (cela fait
un taux directeur réel de 7%, ce qui est très élevé). L’inflation n’est plus que de 3% en 1983. 
Les politiques de réforme du marché du travail. En particulier, dans les années 1980, les pays mettent en
place une réforme de la détermination des salaires. C’est principalement le cas de l’Allemagne et de la
France, qui remettent en cause l’indexation des salaires sur l’inflation et les gains de productivité . Le
constat est que l’indexation des salaires avait été la principale cause de l’inflation des années 1970. En
France, en 1981, Mitterrand met en place une relance budgétaire qui échoue. En 1983, il décide de mettre
en place au contraire une politique de rigueur sur les conseils de son ministre de l’Économie Jacques
Delors (futur président de la Commission européenne). Delors explique que l’échec de la relance a obligé
à dévaluer trois fois le franc, et il va finir par devoir quitter le système monétaire européen (SME), un
régime de changes fixes entre les pays de la CEE (qui pallie la fin du système de Bretton-Woods). Avec ce
tournant de la rigueur, Mitterrand lance la politique dite du « franc fort », qui consiste à éviter une
dévaluation par rapport au Mazqark allemand. Il faut donc aligner le niveau français d’inflation au niveau
allemand d’inflation. Pour cela, Mitterrand et Delors mettent en place une politique de modération
salariale en mettant fin à l’indexation automatique des salaires (les salaires devaient augmenter au moins
au rythme de l’inflation). L’objectif est que les salaires augmentent moins vite que ceux des pays voisins
pour faire augmenter la compétitivité française : c’est la désinflation compétitive. La compétitivité, pour
les entreprises est la capacité à faire face à la concurrence, notamment à la concurrence internationale  :
elle passe par les prix et par la qualité. Parallèlement, la banque de France essaye de limiter l’inflation
monétaire : elle passe de 13% en 1981 à 2,5% en 1986.
La mondialisation. La libéralisation des échanges commerciaux et financiers modifie les mécanismes de
formation des prix. 
 Jusqu’aux années 1970, la formation des prix est d’abord dominée par les vendeurs, c’est-à-dire par
les entreprises qui produisent. Les entreprises sont capables de répercuter les augmentations
exogènes des coûts sur le prix de vente. Par exemple, quand le prix des matières premières
augmente, cela entraine un emballement inflationniste. 
 À partir des années 1980, c’est beaucoup plus difficile pour les entreprises d’augmenter leurs prix
du fait de la concurrence internationale. En outre, sur le marché du travail, la concurrence des
travailleurs des pays émergents (nombreux et de plus en plus qualifiés) limite la croissance des
salaires dans les pays développés, ce qui renforce la pression à la baisse sur les prix. La
mondialisation mène à une modération de l’inflation.

LA CRISE DE 2008 marque la fin de la grande modération, et le retour de cycles économiques


importants. De nombreux pays connaissent d’importantes récessions, ce qui n’était pas arrivé depuis très
longtemps.
2) La crise des subprimes

Intéressons-nous à la propagation de la crise des subrimes. On est passé d’une crise de l’immobilier aux
États-Unis à une crise financière mondiale puis à une crise économique (de la production) mondiale.

Crédit prime Crédit subprime


Banque centrale Marché financier

Banque
Intermédiaire financier
commerciale
Ménage Ménage
LE MARCHÉ IMMOBILIER AUX ÉTATS-UNIS. Le taux de propriétaires de leur résidence principale est
bien plus élevé aux États-Unis et au Royaume-Uni qu’en France.  C’est lié au marché au marché du crédit
immobilier. Aux États-Unis et aux Royaume-Uni, le crédit est principalement hypothécaire (mortgage).
Le bien immobilier est gagé, donc si le ménage ne rembourse pas son emprunt, la banque peut saisir le
bien et le revendre. En France, cela existe, mais les possibilités légales sont plus limitées : le but est de
protéger les ménages, mais cela entraine aussi la restriction de crédit. Le crédit hypothécaire rassure la
banque. Il existe deux sortes de crédits hypothécaires aux États-Unis : 
Le crédit prime. C’est le plus classique. C’est un crédit à trois niveaux : la banque centrale fournit en
liquidités une banque commerciale, et la banque commerciale prête aux ménages en échange d’un
remboursement dans le futur. Ces crédits sont le plus souvent à taux d’intérêt fixe aux États-Unis. 
Le crédit subprime. Il est aussi à trois niveaux. Le ménage s’adresse à un intermédiaire financier qui lui
prête. L’intermédiaire financier ne se refinance pas auprès de la banque centrale, mais du marché
financier. 
 Les crédits subprimes sont toujours à taux variables. Le taux d’intérêt dépend du cours des titres
sur le marché financier. 
 Les taux d’intérêt sont plus élevés : le ménage paye une prime de risque. 
 Les remboursements sont généralement plus long. 
 En général, les remboursements sont faibles les premières années, puis augmentent. 
Le crédit subprime fonctionne selon un principe de titrisation de la dette. L’intermédiaire financier met en
commun les différentes dettes des différents ménages qui ont contracté avec lui puis émet des titres
représentatifs d’une partie de cette dette. La titrisation fonctionne sur le principe de la compensation du
risque : on ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Par exemple, quand une action baisse dans
mon portefeuille, l’augmentation des autres actions compense. La titrisation fonctionne sur le principe
d’indépendance du risque de défaut des ménages : la probabilité que X soit en défaut de paiement ne
dépend pas du défaut de paiement de Y. Donc, les ménages qui remboursent paient pour les autres. 
Les crédits primes et les crédits subprimes entrainent une segmentation du marché du crédit
immobilier. 
 Les ménages les plus solvables, qui représentent les bons risques, accèdent au crédit prime, moins
cher et moins risqué.
 Les ménages les moins solvables n’accèdent qu’au crédit subprime.
Cette segmentation est due aux asymétries d’information. Certains ménages, qui seront effectivement
solvables dans le futur, ont des difficultés à trouver une banque qui leur prête. Notamment, les
intermédiaires financiers qui vendent des crédits subprimes concentrent leur stratégie marketing sur les
minorités, les femmes et les personnes âgées qui se voient le plus souvent refuser des crédits bancaires.
Ce recours au crédit subprime peut être absolument rationnel. Par exemple, un étudiant qui a des
revenus faibles mais qui sait que ses revenus vont fortement augmenter peut vouloir acheter maintenant.
Pourquoi acheter maintenant ?
  Il y a une forte augmentation des prix sur le marché immobilier à cette époque. Si j’anticipe que les
prix vont continuer à augmenter, j’ai intérêt à acheter maintenant, parce qu’en revendant plus tard,
le prix de mon bien aura augmenté et en le revendant je pourrais rembourser mon crédit. 
 De plus, au début des années 2000, la Fed met en place une politique de taux d’intérêt faible.
C’était lié à : 
 L’explosion de la bulle internet (2000).
 Les attentats du 11 septembre (2001).
 Le scandale Enron. C’était le leader de l’énergie aux États-Unis, aujourd’hui démantelé, parce
qu’on a appris qu’il avait truqué ses comptes. 
Mais, partir de 2004, la Fed augmente de nouveaux ses taux d’intérêt. À partir de 2006, les prix de
l’immobilier baissent (parce que la demande baisse avec la hausse des taux d’intérêt). C’est une crise des
ciseaux : les ménages doivent payer des taux d’intérêt de plus en plus élevés, mais la valeur de leurs biens
immobiliers est de plus en plus faible. Il y a une hausse des défauts de paiement. Mais, comme le prix de
l’immobilier baisse, il est de moins en moins possible pour les ménages et les banques de récupérer les
sommes prêtées en vendant. Cela aboutit à un mécanisme de baisse autoentretenue des prix sur le
marché immobilier. Comme il y a de plus en plus de défauts de paiement, il y a de plus en plus de
reventes, donc il y a augmentation de l’offre immobilière, ce qui aboutit à une baisse des prix. On a donc
des défauts de paiement simultanés. Le principe de compensation du risque ne joue plus, il n’y a plus
indépendance du risque de défaut de paiement entre les ménages. C’est une augmentation du risque
systémique : c’est un risque que court l’économie dans son ensemble, et non qu’une partie de
l’économie. En 1994, le montant total des crédits subprimes aux États-Unis représente 35 milliards de
dollars. En 2006, il représente 600 000 milliards de dollars. 
LA PROPAGATION AU MARCHÉ FINANCIER . Les banques commerciales sont soumises à des règles
prudentielles (accords de Bâle) : elles ne peuvent pas faire tous les crédits qu’elles veulent. Mais la
titrisation permet de contourner ces règles. Formellement, ces risques ne sont pas dans le bilan des
banques, mais ils sont transférés à ceux qui ont acheté ces titres sur le marché financier. Les titres
représentant des subprimes sont inclus dans des portefeuilles : des centaines de produits financiers
complexes incluent des subprimes. Selon le principe de compensation du risque, on a intérêt à diversifier
son portefeuille, donc les titres complexes contiennent des crédits subprimes. L’augmentation des défauts
de paiement se traduit par une baisse du rendement des crédits subprimes et à une baisse de la
rémunération de ces titres. Ils ne trouvent plus preneurs, même à un prix dérisoire : ils deviennent des
actifs toxiques. Un actif toxique est un actif dont personne ne veut. Il y a une crise de confiance sur le
marché financier, qui se traduit par une crise de liquidités bancaires. Les banques commerciales ont
besoin en permanence de se refinancer (de s’approvisionner en liquidités), et pour cela, elles vendent des
titres. Or, la baisse des cours des crédits subprimes entraine une dépréciation des actifs de la banque.
Cette dépréciation est théorique : tant que la banque ne vend pas ces actifs, elle ne perd pas d’argent. 
Exemple. Supposons que je possède un capital de 100 titres. 
 En T , le cours du titre est de 10 euros. Donc, la valeur de mon patrimoine est 1000 euros.
0

 En T , le cours du titre est de 2 euros. Donc, la valeur de mon patrimoine est de 200 euros.
1

Je suis donc moins riche, mais tant que je ne vends pas, je ne réalise pas de pertes.
Les banques ne vendent pas leurs titres dépréciés, elles attendent que les cours remontent. Pour se
fournir en liquidités, les banques doivent vendre leurs actifs non toxiques. C’est ce qu’on appelle une
vente de détresse : les agents du marché financier vendent massivement des actifs de bonne qualité.
Donc le cours des actifs de bonne qualité baisse aussi. C’est la contagion, ou propagation à tout le marché
financier : il y a une baisse générale de tous les titres.
À ce moment, des hedge funds (fonds spéculatifs) et des banques d’affaires font faillite aux États-Unis.
Lehman Brothers, une des principales banques d’affaire dans le monde, fait faillite en septembre 2008.

LA CONTAGION À LA SPHÈRE RÉELLE . Pourquoi passe-t-on d’une crise financière à une crise de la
production ? Deux mécanismes l’expliquent. 
Le crédit bancaire. 
 Pour les banques commerciales, il est difficile de trouver des liquidités. 
 En outre, comme il y a une crise de confiance, elles proposent des crédits à des taux d’intérêt
élevés, bien que les taux d’intérêt directeurs soient faibles : elles exigent une prime de risque
importante. 
Par ce double mécanisme, les banques réduisent le crédit : c’est la contraction du crédit (credit crunch) qui
réduit l’investissement des ménages et des entreprises.
La dépréciation des titres. 
 Pour les ménages. Ils observent une dépréciation de leur patrimoine financier et immobilier. Ils
obtiennent une moindre rémunération de leur capital. Ils ont tendance à moins vendre leurs actifs :
ils attendent que les prix remontent. Enfin, cela se traduit par la baisse des possibilités d’emprunt
pour les ménages. Par exemple, puisque la valeur de la résidence principale baisse, on peut moins
emprunter en hypothéquant sa résidence principale. Finalement, les ménages sont moins riches,
donc ils consomment moins. C’est l’effet de richesse : quand la valeur du patrimoine des ménage
diminue, ils consomment moins.
 Pour les entreprises. Elles n’ont pas intérêt à émettre d’actions ou d’obligation en temps de crise :
personne n’en voudrait, et elles ne pourraient pas les vendre très cher. Les possibilités
d’investissement des entreprises sont réduites.
Or, au niveau global, PIB = C + I + (X – I). Or, la consommation et l’investissement sont en baisse : les
entreprises anticipent qu’elles risquent de ne pas trouver de débouchés et donc baissent leur production.
On entre en récession.

QU’ONT FAIT LES POUVOIRS PUBLICS ?  


Dans un premier temps, les banques centrales injectent des liquidités pour juguler la crise sur le marché
financier. Depuis août 2007, la BCE et la Fed baissent leurs taux d’intérêt pour inciter les banques
commerciales à prêter et pour éviter des faillites bancaires. Aujourd’hui, le taux d’intérêt directeur de la
Fed est de 0,25% et celui de la BCE de 0%. Ce sont des taux d’intérêt nominaux : avec l’inflation à 0,6%, le
taux d’intérêt réel est même négatif pour la BCE
Les banques centrales ont prêté des capitaux aux entreprises financières en difficulté (notamment les
banques commerciales). C’est le principe du too big to fail : certaines institutions sont si importantes que
si elles faisaient faillite, cela créerait un événement systémique. 
 D’abord les banques centrales ont prêté à ces institutions.
 Puis, les États ont pris des participations : cela correspond à des nationalisations partielles des
banques en faillite. 
Le principe du too big to fail n’est pas vertueux, parce que les grandes institutions financières savent
qu’elles seront toujours protégées par l’État. C’est ce qui explique la faillite de Lehman Brothers. La Fed
pensait que les grandes banques profitaient de la crise pour demander des liquidités à bas coût. Elle a
décidé de ne pas prêter à la banque pour inciter les banques commerciales à ne pas prendre trop de
risques. 
Dans un deuxième temps, il y a une réponse budgétaire des États. Mais elle s’est vite heurtée à la crise
des finances publiques. 

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