Vous êtes sur la page 1sur 88

INTRODUCTION A LA

MACROECONOMIE
Cours

Hervé
CHARMETTANT

Département
d’Enseignement à
Distance

Licence 1ère année


Semestre 2
2021-2022

© EAD –FACULTE D’ECONOMIE-UGA-


2021-2022-Tous droits réservés
INTRODUCTION GÉNÉRALE
A l’origine de la Comptabilité Nationale :
“no bridge” et “fine tuning”

PLAN

Introduction : Le langage des informations économiques

1. Les liens avec la macroéconomie keynésienne


1.1. La nécessité d’une approche globale : « no bridge »
1.2. Un outil de pilotage de l’économie : « fine tuning »

2. Les comptes de la Nation : un cadre structuré d’informations économiques


2.1. Les opérations économiques comptabilisées
2.2. Une logique comptable équilibrée

Conclusion : Les normes internationales de la CN

PROBLÉMATIQUE

 Qu’est-ce qui a été à l’origine de la création de la Comptabilité Nationale ?

 Quelle est la logique d’ensemble de la CN et quel périmètre englobe-t-elle ?

1
Introduction. Le langage des informations économiques

Nous sommes quotidiennement submergés par des informations économiques – qu’il


s’agisse des chiffres de la croissance, du chômage, de l’inflation, du solde extérieur…. – qui
sont toutes issues des comptes nationaux tenus par l’INSEE, l’organisme public indépendant
chargé de produire des statistiques en France. Pour les comprendre, prendre une distance
critique vis-à-vis d’elles et aussi être capables de les utiliser pour mener des raisonnements, il
est indispensable de maîtriser le langage de la Comptabilité Nationale (CN désormais). Celle-
ci est définie comme la « représentation globale, détaillée et chiffrée de l’économie nationale
dans un cadre comptable équilibré » (Piriou et alii, 2019). Cette introduction générale vise
ainsi à savoir d’où vient un tel appareil statistique et quelle en est l’architecture globale.
Nous verrons donc pour commencer les liens entre la « révolution keynésienne » en
économie et la reconnaissance du besoin de disposer de comptes de la Nation (1). Puis, nous
présenterons sommairement les principales notions et l’organisation générale de la CN (2).

1. Les liens avec la macroéconomie keynésienne


1.1 La nécessité d’une approche globale : « no bridge »
Les deux expressions anglosaxonnes utilisées dans le titre du chapitre témoignent des
influences du monde anglosaxon dans l’éclosion de la macroéconomie à l’origine de
l’émergence de la CN. Certes, il existe des contributeurs français, dont François Quesnay,
économiste physiocrate du 18ème siècle auteur d’un « tableau économique » précurseur des
tableaux de la CN. Toutefois, il faut bien admettre que c’est de Grande-Bretagne qu’est venu le
déclic en la personne de John-Maynard Keynes. Ce déclic est à relier à la parution de son œuvre
majeure, « Théorie Générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » en 1936. Le fait qu’elle
soit intervenue dans une période de « Grande Crise », où le taux de chômage atteignait des
records, n’est pas anodin dans son succès. L’influence de l’économiste le plus connu du 20ème
siècle a été très importante après la 2nde Guerre Mondiale, au point que Richard Nixon, président
des Etats-Unis, déclarait en 1971 : "we are all Keynesians now !".
Si Keynes a révolutionné l’économie, c’est à deux niveaux :
1°) Au niveau de l’adoption d’une approche macroéconomique : Keynes a montré la nécessité
de dépasser l’analyse des phénomènes économiques à travers les comportements d’un agent dit
« représentatif », comme le font les économistes néo-classiques à qui il s’est opposé. C’est ainsi
que la macroéconomie s’est développée sous son influence, en rupture avec la microéconomie

2
qui dominait alors. Si l’approche macroéconomique est indispensable, c’est que l’économie
globale a un fonctionnement qui ne peut être déduit des comportements individuels. Le « tout
est plus que la somme des parties », car il y a des « effets d’agrégation » faisant que les résultats
au niveau global ne peuvent être déduits directement des comportements individuels rationnels.
Prenons le cas d’un marché d’un produit particulier confronté à une crise de surproduction, du
fait d’une demande insuffisante. En suivant l’approche microéconomique individualiste, un
producteur va vendre moins cher et cette baisse du prix du produit ramène à l’équilibre le
marché, en faisant baisser l’offre et augmenter la demande. Alors qu’en suivant l’approche
macroéconomique, les décisions des entreprises confrontées à cette crise – réduire leur
production, licencier, arrêter d’investir, etc. – aboutissent à une aggravation de la crise.
Ce découplage entre les deux niveaux d’analyse a donné lieu à l’expression de « no
bridge », signifiant qu’il n’y a pas de voies de passage entre analyses micro et macro-
économique, séparant en deux corps de spécialistes les économistes. Depuis les années 1970,
toutefois, de nouveaux courant en économie cherchent à construire des voies de passage en
élaborant les fondements microéconomiques de la macroéconomie. Les théories du salaire
d’efficience supposent ainsi que le chômage global est expliqué par des salaires payés par les
entreprises au-dessus du salaire d’équilibre du fait qu’elles ont intérêt, pour avoir des salariés
productifs, à maintenir un tel écart. Il y a donc bien une cohérence entre ces décisions
individuelles et la situation globale, construisant un « bridge » entre micro et macroéconomie.
2°) Au niveau de la prise en compte d’une dynamique temporelle : le 2nd niveau de la rupture
apportée par Keynes, que l’exemple ci-dessus illustre également, est d’avoir abordé l’économie,
comme un circuit. Il rompt avec l’approche statique des néoclassiques qui ne considèrent les
marchés qu’à l’équilibre, les ajustements se faisant hors-du temps. C’est en prenant en compte
les effets en chaîne entre les différents « temps » de l’économie qu’on peut comprendre une
situation globale, par exemple la crise globale de surproduction. L’image du circuit est explicite
car elle intègre l’idée de circulation de flux à travers l’économie avec un « bouclage » qui induit
des effets circulaires, vertueux quand ils sont positifs et vicieux quand ils sont négatifs. Le
document 1 en donne une représentation sommaire en économie fermée, sans importations ni
exportations donc.
La notion de « demande effective », point de départ du circuit keynésien, prête à
confusion car il s’agit en fait de la demande anticipée par les producteurs, qui de ce fait a de
« l’effet » et est « effective ». Ce qu’on tire de ce schéma en formes de circuit, est la possibilité
qu’il y ait une situation de chômage - Keynes a écrit une « théorie générale de l’emploi » - qui
n’est pas résolue automatiquement. C’est le contexte de la grande crise des années 1930 qui

3
justifie cette priorité d’expliquer le chômage et sa persistance, alors que les économistes
néoclassiques le considéraient comme « impossible », ou alors seulement temporaire.
DOCUMENT 1

Ce chômage est lié au fait que la population active est excédentaire par rapport au niveau
d’emploi (1), rien ne garantissant dans ce circuit keynésien un équilibre. On voit de plus que la
demande totale n’est pas assurée de correspondre à la production totale (2), ce qui influence
ensuite les anticipations de la demande effective et risque d’entraîner une spirale de crise,
renforçant le chômage. Toutes ces raisons amènent Keynes à prôner l’intervention de l’Etat
pour tenter d’obtenir le plein emploi.

1.2 Un outil de pilotage de l’économie : « fine tuning »


Les macroéconomistes des Trente Glorieuses avaient acquis la conviction que
l’économie se pilotait un peu comme un système de chauffage central dans lequel, en ouvrant
ou en fermant des vannes, en accélérant ou en ralentissant la circulation d’eau, etc., la
température souhaitable pouvait être maintenue. Les économistes étaient comme des plombiers
expérimentés, chargés de ce réglage fin, le « fine tuning », du circuit économique, afin de
garantir une conjoncture économique favorable.
Celle-ci était définie en premier lieu par le plein emploi, mais aussi une inflation (hausse
des prix) lente, un équilibre voire un excédent du solde extérieur, et surtout bien sûr une
croissance économique rapide. La représentation de cette situation idéale élaborée par Nicholas
Kaldor en 1971 a pris la figure du « Carré Magique » (cf. document 2). L’état idéal correspond
à une situation représentée par le périmètre du carré, ce qui est atteint lorsque les 4 indicateurs
sont favorables (croissance rapide, faible chômage, inflation lente, excédent extérieur). Le
qualificatif de « magique » renvoie aussi au fait qu’il est difficile à atteindre, en particulier car
ces objectifs sont partiellement contradictoires. Ainsi, une forte croissance, coïncidant avec un
faible chômage, a des effets inflationnistes et pousse au déséquilibre extérieur aboutissant à ne

4
déformation du Carré Magique (cf. figure du ralentissement sur le document 2). A l’inverse, ,
quand le chômage est important et la croissance lente, alors l’inflation est lente et le solde
extérieur plutôt positif, ce qui correspond à une autre déformation du Carré Magique (cf figure
de la surchauffe). Le « plombier » doit être délicat dans ses interventions pour ne pas risquer de
provoquer un trop fort ralentissement économique ou au contraire, une trop forte surchauffe.
DOCUMENT 2

Ralentissement Surchauffe

Le dirigeant politique, guidé par les conseils des macroéconomistes, dispose de


plusieurs moyens d’intervention pour remédier à ces déformations. Les deux principaux sont
d’une part, la politique budgétaire passant par les décisions sur les dépenses et les recettes de
l’Etat et d’autre part, la politique monétaire passant essentiellement par les décisions sur les
taux d’intérêt directeurs. Il peut les actionner dans le sens de la relance -en dépensant plus et en
creusant le déficit public et en diminuant les taux d’intérêt directeurs- ou dans le sens de la
rigueur, avec des actions inverses. Un des enjeux importants des décisions prises est la
cohérence entre les deux politiques, surtout quand les centres de décision sont disjoints comme
dans le cadre de l’Union Européenne dans laquelle les Etats décident de la politique budgétaire
et la Banque Centrale Européenne de la politique monétaire.
Les macroéconomistes, à la suite de Keynes, pensaient avoir trouvé la panacée afin de
rester de façon permanente le plus proche de la situation idéale du Carré Magique. Grâce à une
politique de régulation conjoncturelle réglée finement, ils pouvaient redresser tout déséquilibre
léger intervenant dans un sens - ralentissement – ou l’autre -surchauffe. Cela a abouti à la
succession de coups d’accélérateur et de coups de frein, ce qui a été appelé la politique de « stop
and go » qu’on pourrait traduire en français politique de rigueur et de relance. Cette politique

5
semble avoir été une réussite car la croissance a été rapide et stable, sans récession – c’est-à-
dire croissance négative -, jusque dans les années 1970. Ces années-là marquent une rupture
avec la fin des 30 Glorieuses et l’entrée dans une nouvelle période dont on n’est pas encore
sortis cinquante après. Les années 1970 ont vu apparaître une nouvelle configuration du Carré
Magique avec un rétrécissement sur tous les axes, ce qui correspondait à la « stagflation »,
correspondant à l’association de « stagnation » du PIB et forte « inflation ».
C’est un basculement dans le domaine des idées en économie, et aussi dans le domaine
des politiques économiques. L’adversaire de Keynes, Milton Friedman voit son étoile briller
grâce à sa théorie critique du keynésianisme et l’alternative qu’il propose, le monétarisme, est
largement adopté par les dirigeants des Etats. C’est une autre période qui démarre dont on voit
peut-être la fin aujourd’hui. Ce qu’il faut retenir de ce rapide panorama historique est le fait que
Keynes, en ouvrant la voie à la macroéconomie et aux politiques économiques, a largement
contribué à faire émerger la nécessité d’avoir un tableau de bord complet sur les économies
nationales. Afin de piloter en finesse l’économie, il est nécessaire d’avoir des indicateurs fiables
sur la conjoncture, et en particulier de disposer des chiffres de la croissance. C’est ce qui
explique que des systèmes de comptabilité nationale aient été constitués à partir des années
1930 et dans l’immédiat après-guerre.
Nous allons en voir maintenant les grandes lignes de leur architecture.

2. Un cadre structuré d’informations économiques


2.1.Les opérations économiques comptabilisées

Tenir les comptes de la Nation requiert tout d’abord de délimiter le périmètre de


l’économie nationale et donc de définir un critère d’appartenance des acteurs dont les activités
économiques sont comptabilisées. La délimitation de l’économie française ne repose pas sur le
critère de leur nationalité, mais sur le critère de leur localisation sur le territoire national. On
parle de lieu de résidence au sens de territoire sur lequel les acteurs ont leur « centre d’intérêt
économique prépondérant ». Précisons tout d’abord le territoire français d’un point de vue
géographique. Il est constitué de la France métropolitaine (continent et Corse) et des DOM
(départements d’outre-mer). Par contre, en sont exclues les collectivités d’outre-mer comme la
Polynésie mais aussi les enclaves étrangères (comme les ambassades étrangères, par contre les
ambassades françaises à l’étranger en font partie). Ainsi, un échange avec Tahiti est constitué
comme du commerce extérieur de la France. Avoir son « centre d’intérêt économique
prédominant » sur le territoire français signifie que ses activités économiques y sont

6
principalement situées. Pour un ménage résidant en France, c’est toujours le cas. Pour les
entreprises, c’est le cas des entreprises étrangères qui ont une activité en France. Pour les
entreprises françaises, leurs activités à l’étranger ne sont donc pas comptabilisées.
On parle d’ailleurs de produit « intérieur » brut (PIB) ce qui indique bien qu’il s’agit
d’activités réalisées à l’« intérieur » du territoire national. On verra toutefois dans le chapitre 1
qu’un « revenu national » est calculé par la CN qui prend en compte, lui, l’existence de flux de
revenus existants entre la France et l’étranger ; par exemple, des travailleurs étrangers renvoient
une partie de leurs revenus dans leur pays, comme les français à l’étranger peuvent le faire vers
la France ; ou alors, des entreprises étrangères situées en France renvoient les profits réalisés à
leur maison-mère à l’étranger, et vice-versa encore pour les entreprises françaises situées à
l’étranger. Mais, ce revenu national n’est pas à strictement parler le revenu des français, des
« nationaux », mais des résidents en France. Là encore, le critère géographique prédomine…
Le repérage des acteurs étant établi, il s’agit ensuite de leur attribuer un rôle dans la CN.
C’est ce que réalise la classification en « secteurs institutionnels » (SI) des différents « unités
institutionnelles » (UI). Ces UI sont les acteurs de base, que l’on définit par rapport à leur
autonomie de décision, complétée éventuellement par le fait de tenir une comptabilité propre.
Ainsi, les ménages sont des UI, une entreprise est une UI mais pas un établissement, c’est-à-
dire une usine ou un magasin, à partir du moment où il dépend d’un siège social et n’a pas
d’autonomie de décision. Les UI sont ensuite regroupées en SI de même type selon une
classification qui tient compte de leur action économique principale. Le document 3 présente
les SI en rapport avec cette fonction principale, ce qui ne veut pas dire que ces acteurs n’ont pas
d’autres types d’actions ; par exemple, les ménages dont la fonction principale est de
consommer, produisent également en tant qu’entrepreneurs individuels.
DOCUMENT 3
NOM DU SI FONCTION PRINCIPALE EXEMPLES
Produire des biens et services Entreprises privées et publiques,
Sociétés non financières (SNF)
marchands françaises et étrangères
Financer l’économie et fournir Banques, fonds d’investissement,
Sociétés financières (SF)
des services d’assurance compagnies d’assurance, etc.
Personnes vivant sous le même
Ménages Consommer
toit, y compris prisons, EHPAD…
Administrations publiques Produire des services non Mairies, ministères, sécurité
(APU) marchands sociale, préfecture, etc.
Institutions sans but lucratif au Produire des services non Les associations comme un club
service des ménages (ISBLSM) marchands sportif ou une fondation
Des entreprises les Etats, les
Reste du monde (RDM) Pas de fonction principal
ménages, etc. situés à l’étranger,

7
Vous pouvez remarquer qu’un SI, le « reste du monde », rassemble en fait tous les acteurs non-
résidents avec lesquels des UI résidentes sont en relation.
Les efforts de classification des comptable nationaux portent aussi sur les actions
économiques elles-mêmes qui sont regroupées selon ce sur quoi elles portent et leur nature.
Ainsi, sont distinguées 4 types d’opérations qui sont l’objet d’enregistrement dans la CN :
1°) Les « opérations sur biens et services » (b&s désormais) : comme leur nom l’indique, il
s’agit d’opérations qui concernent des biens matériels (agricoles, industriels, etc.) ou des
services immatériels (aux personnes, aux entreprises, etc.). Il peut s’agir des opérations qui sont
à l’origine de ces b&s (production et importations) ou qui sont une utilisation de ces b&s
(consommation, investissement, exportations).
2°) Les « opérations de répartition » : elles correspondent à toutes les occasions d’obtenir des
moyens de paiement qui « reviennent » plus ou moins régulièrement et n’entraînent pas une
réduction de son patrimoine. Un dividende, reçu annuellement pour une action possédée est un
revenu – de la propriété – pas la somme obtenue en revendant cette action faisant partie de son
patrimoine. Ces opérations seront revues en détails dans le chapitre 3. Sachez déjà qu’il existe
deux grands types de répartition ; primaire, par l’apport de facteurs de production (le salaire du
travailleur, le bénéfice de l’entrepreneur) ; secondaire, avec la perception de revenus sociaux
versés par l’Etat mais aussi avec les prélèvements obligatoires subis. On parle aussi de
redistribution à propos de cette action de l’Etat sur la répartition des revenus.
3°) Les « opérations financières » : comme leur nom l’indique, elles sont en rapport avec le
financement des acteurs de l’économie, soit par des placements utilisant leurs capacités de
financement, soit par des endettements pour combler leurs besoins de financement.
4°) Les « opérations sur patrimoine » : elles se séparent des trois précédentes car elles sont en
rapport avec le patrimoine, autrement dit ce qui a été accumulé par les agents économiques au
cours du temps, avec une partie « actifs » correspondant à des possessions ayant de la valeur,
et une partie « passifs » correspondant à des engagements vis-à-vis d’autres agents.
Pour mieux comprendre la façon dont ces différents types d’opérations sont liés les uns
aux autres, il faut prendre en compte l’articulation des différents comptes que constitue la CN.

2.2 Une logique comptable équilibrée

Parler de « comptes de la Nation » n’est pas une simple image, leur présentation suivant
bien une logique comptable, avec des comptes sous formes de balances à deux colonnes, en
situation d’équilibre grâce au calcul d’un solde, et les comptes étant chaînés les uns aux autres.

8
Le principe de l’inscription en « partie double » signifie qu’une opération est comptabilisée
deux fois - ce qui garantit la cohérence d’ensemble des compte-, une fois dans la colonne de
gauche des « emplois » et l’autre fois dans la colonne de droite des « ressources ». Ainsi, une
production est une « ressource » pour l’entreprise qui la réalise et un « emploi » pour les
ménages qui la consomment, comme un emprunt est une « ressource » pour l’emprunteur et un
« emploi » pour le prêteur, etc.
Dans ces balances, sont inscrites des valeurs globales, en ligne avec l’approche
macroéconomique. On parle d’« agrégats », dont le plus connu est bien sûr le PIB, que l’on
peut définir comme des grandeurs caractéristiques d’une économie obtenue par sommation ;
ainsi, le PIB est la somme des valeurs ajoutées comme nous le verrons. Ces agrégats
apparaissent dans les comptes courants décrivant toutes les opérations par SI qui démarrent
avec le « compte de production » et qui finissent avec le « compte d’utilisation du revenu ».
Chacun de ces comptes est équilibré, ce qui est obtenu en calculant un solde, inscrit dans la
colonne « emplois », qui assure cet équilibre comptable. Le document 4 vous présente
l’enchaînement de ces comptes.
DOCUMENT 4
EMPLOIS RESSOURCES

Source : P. Bailly (2019), Décrire les interrelations économiques. La Comptabilité Nationale, Editions Campus Ouvert
Nous aurons l’occasion par la suite de revenir sur les soldes et les agrégats les plus
significatifs apparaissant dans ces comptes. Contentons-nous simplement ici de remarquer que
le solde d’un compte est repris en ressources du compte suivant selon une logique de comptes
chaînés. Au final, on débouche sur un solde appelé « épargne brute », reporté alors dans le
9
« compte de capital » qui lui-même débouche sur un solde appelé « capacités » ou « besoins »
de financement. Ce dernier solde est alors réutilisé dans le compte suivant, le « compte
financier » qui décrit comment est comblé le besoin, ou comment est utilisée la capacité, de
financement. Et pour finir, le « compte de patrimoine » fait apparaître les actifs financiers et
non financiers possédés par les SI. Sur une année, on calcule alors les variations entre le
patrimoine « d’ouverture » de début d’année et le patrimoine « de clôture » de fin d’année.
Le « tableau économique d’ensemble » (TEE), accessible sur le site de l’INSEE,
synthétise tous les comptes des SI avec une colonne supplémentaire totale pour l’économie
nationale. Tous les agrégats importants figurent dans le TEE dont la consultation illustre la
logique comptable rigoureuse que suit la CN. Un autre tableau de synthèse, appelé le « tableau
des entrées et des sorties » (TES), est aussi d’un grand intérêt en représentant les
interdépendances entre les activités économiques, liées entre elles par le fait que les produits
des unes sont utilisés pour obtenir les produits des autres.
DOCUMENT 5

Source : J-P Piriou, J. Bournay, V. Biausque (2019), La Comptabilité Nationale, “Repères”, La Découverte
Les cases représentent les « coefficient techniques » mesurant les consommations des
produits d’une branche pour la production d’une autre branche. Ainsi, pour produire 1 € dans
la branche agriculture, on utilise 0,198€ de produits agricoles, 0,329 € de produits de l’industrie,
etc. Ce type de tableau est né des travaux d’un économiste soviétique des années 1930, Vladimir
Leontieff -on parle d’ailleurs de matrice Léontieff- dont l’intérêt était justifié par la planification
de la production. Dans nos économies de marché, ces données ont un autre intérêt : par exemple,
évaluer les effets de la hausse des prix d’un bien, comme le pétrole, dans les coûts de production
de l’ensemble des activités qui l’utilisent pour produire.
La CN est une mine inépuisable d’informations statistiques, ces comptes synthétisés
dans le TEE et le TES étant complétés par des « comptes satellites » qui ajoutent des
informations spécifiques à un domaine, comme l’éducation, la santé, l’environnement, etc. Elle
est l’objet d’une normalisation internationale sur laquelle nous allons maintenant nous pencher.

10
Conclusion. Les normes internationales de la CN
Les premiers travaux « modernes » de CN sont plutôt issus du monde anglo-saxon, bien
qu’un des précurseurs de cette approche soit François Quesnay, un économiste français du 18ème
siècle, dont le « tableau économique » est souvent cité comme l’ancêtre du TEE. Ainsi, on peut
retenir les noms de l’australien Colin Clark et de l’américain Simon Kuznets comme les
instigateurs des comptes nationaux dans les années 1930-1940.
Avec la généralisation de la CN dans la plupart des pays, un impératif de normalisation,
des définitions, des règles de calcul, des présentations des comptes, etc. est apparu afin d’assurer
une certaine harmonisation, ce qui a abouti à un standard international. L’ONU a élaboré ainsi
un « système de comptabilité nationale » (SCN) dont la première version date de 1953. Depuis,
il a été revu de multiples fois, la version en vigueur datant de 2008. Il est prévu une révision
qui devrait déboucher sur un nouveau SCN en 2025. Les discussions actuelles portent en
particulier sur l’impact de la mondialisation et de la décomposition des chaînes de valeur sur le
décompte des activités et des revenus. Nous reviendrons sur ces points dans le chapitre 1.
Un effort spécifique d’harmonisation a été effectué aussi au niveau de l’Union
Européenne aboutissant à un « système européen de CN » (SEC) dont la version actuelle est de
2010. Des règles particulières ont tenu compte de conceptions propres aux comptables
nationaux européens et de l’utilisation particulière qui est faite de leurs résultats. Ainsi, la
contribution au budget européen des pays membres est calculée en pourcentage de leur Revenu
National Brut (RNB). Il va de soi que pour éviter toute fraude, ou tout soupçon, sur les sommes
versées par les autres pays, ce calcul du RNB a été l’objet d’une attention particulière. De même,
les règles sur les finances publiques des pays de la zone € -l’interdiction d’un déficit supérieur
à 3% du PIB et d’un endettement supérieur à 60%- impliquaient un accord européen sur les
modalités de calcul afin de vérifier leur respect. Ces règles sont néanmoins caduques depuis la
crise covid qui a fait exploser les limites du déficit, avec la doctrine du « quoi qu’il en coûte ».
Pour finir, il faut retenir que la CN est un cadre d’élaboration de statistiques sur une
économie qui dépend de conventions de calcul, de périmètre, de définition…qui sont par nature
arbitraires, au sens où il n’y en a pas une vision évidente et naturelle. Avec la transformation
des activités économiques, en particulier la mondialisation et la digitalisation, les conventions
adoptées ne conviennent plus forcément, brouillant l’information donnée par le calcul des
agrégats. C’est donc la source des limites quant aux informations recueillies et l’objet
aujourd’hui de réflexions sur les adaptations de la CN à ce nouveau contexte. N’oublions pas
que « les données ne sont jamais données »…

11
CHAPITRE 1
La production comme source de richesse :
mesure et interrogations

PLAN

Introduction : La production comme source de la « richesse »

3. La production selon le type de producteurs


3.1. Les calculs de la production
3.2. La caractérisation des producteurs

4. Calcul et sens du PIB


4.1. Les trois approches du PIB
4.2. La croissance du PIB

Conclusion : La CN confrontée à l’immatériel

PROBLÉMATIQUE

• Pourquoi s’intéresse-t-on à la mesure de la production dans un pays ?


• Comment mesure-t-on le PIB, avec quelles difficultés techniques ?
• Quel est son intérêt mais aussi quelles critiques peut-on lui adresser ?
• Qu’est-ce que nous apprennent les chiffres du PIB et de la croissance économique sur
un pays ?

12
Introduction. La production comme source de la « richesse »

Adam Smith (1723-1790), considéré comme le premier des économistes, a posé les
bases des questionnements sur l’économie, principalement selon un point de vue macro-
économique. L’ouvrage principal, paru en 1776, pour lequel son nom a été retenu est
significatif : « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations ». Il pose
explicitement les questions de savoir ce qu’est la « richesse » d’un pays et ce qui permet de
l’augmenter. Ses réponses tiennent en un mot : la production. Ce sont les produits obtenus par
le travail qui déterminent le niveau de richesse d’une population ; et c’est en améliorant la façon
dont on produit, dont on utilise le travail, qu’on peut augmenter ce niveau de richesse. Plus
précisément, Adam Smith voit dans le principe de division du travail le vecteur de
l’accroissement de la productivité des travailleurs ce qui, au bout du compte, augmente le
niveau de vie de la population qui en bénéficie.
Ainsi, il y a deux siècles et demi, Adam Smith préparait le terrain pour justifier la tenue
de comptes de la Nation dont le pilier principal est la mesure de la production à travers le PIB.
C’est le montant de PIB, par habitant en particulier, qui fait que les pays sont considérés plus
ou moins « riches » ; et c’est le progrès technique, mesuré par les gains de productivité, qui
continue à être désigné comme la source principale de la croissance économique. La vision de
Smith doit bien sûr être replacée dans son contexte historique, celui de la Révolution
industrielle, qui se déroule sous ses yeux en Ecosse. Cet événement désigne une transformation
fondamentale des modes de production dont l’industrialisation aboutit à une augmentation des
quantités produites grâce à l’utilisation de capital technique tel que les machines à vapeur, les
métiers à tisser mécaniques, etc. et le regroupement des ouvriers dans des usines. Ainsi, il n’est
pas étonnant qu’Adam Smith associe la richesse d’un pays au développement de sa production,
industrielle en particulier. C’est néanmoins une nouveauté par rapport aux conceptions des
économistes qui l’ont précédé appartenant au courant des physiocrates. Cette étiquette indique
que leur pensée était centrée sur l’agriculture dont ils pensaient qu’elle était la seule activité
créatrice, une graine semée donnant naissance à de multiples autres. Selon leur point de vue,
l’industrie ne faisait que transformer la matière -un arbre devient des planches qui deviennent
des meubles- sans créer aucune valeur. François Quesnay, dont on a cité le nom à propos de
son « tableau économique » précurseur de la CN, en tant que physiocrate, rassemblait les
artisans et commerçants dans une classe qualifiée de « stérile ». Cela signifiait bien que leur

13
travail n’engendrait aucune augmentation de la richesse, contrairement aux agriculteurs. Adam
Smith rompt avec cette focalisation physiocratique sur la seule production agricole.
Là où Adam Smith apporte aussi une rupture avec des conceptions antérieures, c’est en
considérant la mesure de la richesse d’un pays passe par la production nouvellement créée, par
exemple sur un an. Ce n’était pas le cas d’autres économistes prédécesseurs de Smith, avant
même les physiocrates, qu’on désigne comme les mercantilistes. Ce nom, issu de la même
racine étymologique que « marché » qui a donné également « mercantile », symbolise une
pensée accordant une importance centrale au commerce pour accroître la richesse, en particulier
celle du souverain du pays. Ces économistes avant l’heure -ils étaient conseillers du Roi
souvent, mais pas reconnus sous l’étiquette académique d’économiste- prônaient logiquement
le protectionnisme afin que le commerce fasse rentrer dans le pays de la monnaie de l’étranger
plus qu’il n’en sorte. La richesse consistait alors, dans leur esprit, à accumuler un stock d’or, de
monnaies, de valeurs précieuses, dont le souverain qu’ils conseillaient devait détenir la plus
grande part. Si Adam Smith rompt avec la conception mercantiliste, ce n’est pas seulement
parce qu’il a prôné la doctrine inverse du libre-échange. Mais, c’est surtout parce qu’il envisage
la richesse comme un « flux », le résultat de la production sur une période donnée, plutôt que
comme un « stock », un patrimoine accumulé qu’on peut compter à un instant t. C’est aussi
parce que la richesse est vue au point de vue de l’ensemble de la population et pas seulement à
travers les possessions d’un souverain.
La conception smithienne est arrivée jusqu’à nous à travers le calcul du PIB qui est un
flux, sur une année, de la production nouvellement créée. La CN accorde peu d’importance au
stock, le patrimoine détenu dans le pays. Et pourtant, il faut reconnaître que notre niveau de vie
provient aussi de ce qu’on a accumulé au cours du temps et dont on profite encore, les bâtiments,
les infrastructures, etc. Certes, il existe des comptes de patrimoine et la lecture du TEE permet
d’en connaître le montant évalué par l’INSEE : les « actifs non financiers » apparaissant dans
le patrimoine de clôture en 2020 correspondent à 17 536 milliards d’€, soit presque 8 fois la
valeur du PIB de 2 302,9 milliards d’€. La difficulté de cette approche réside principalement
dans la valorisation du patrimoine qui doit tenir compte de son coût d’acquisition, réalisée des
années auparavant, et de sa dévalorisation au cours du temps. Cette difficulté peut être dépassée
par des choix techniques, mais une autre difficulté provient aussi du contenu de ce patrimoine,
par exemple en excluant le patrimoine financier (titres, épargne, etc.) qui représente aussi une
richesse, même si elle n’est pas matérielle. Enfin, si l’on souhaite appréhender aussi le « capital
environnemental » qui importe pourtant beaucoup dans la façon dont vit une population sur un
territoire, ce sont encore de multiples problèmes qui sont soulevés.

14
1. La production selon le type de producteurs
1.1 Les calculs de la production
Les économistes utilisent un langage spécifique qu’il faut connaître pour aborder la
production, ce que synthétise le document 1. Ils la voient comme un résultat, un « output »
disent les anglais, obtenu par utilisation de « facteurs de production », les « inputs » en anglais.
Ces facteurs de production combinés constituent une « combinaison productive » que l’on peut
caractériser selon sa composition. Le capital, qualifié de technique pour le distinguer du capital
financier, constitue un facteur de production dont l’utilisation importante amène à qualifier la
combinaison de « capitalistique ». C’est ce que mesure le coefficient de capital calculé comme
le rapport entre le montant du capital technique et la valeur de la production. Au niveau
macroéconomique, la CN permet d’estimer ce coefficient à environ 4, ce qui signifie qu’un €
de PIB a été obtenu en mobilisant 4 € de capital technique.

DOCUMENT 1

Dans ce capital technique, il faut distinguer celui qui a une durée de vie courte, appelé
« capital circulant », de celui qui a une durée de vie plus longue, appelé « capital fixe ». La CN
se base sur une convention de durée, plus ou moins un an, pour opérer cette distinction. Le
capital circulant correspond « aux biens et services transformés ou entièrement consommés au
cours du cycle de production » et la dépense est appelée « consommation intermédiaire » (CI).
On peut penser à l’électricité, aux matières premières, mais aussi aux services achetés à des
entreprises extérieures. En externalisant le gardiennage, la publicité ou tout autre service, c’est-
à-dire en l’achetant à une entreprise extérieure, on en fait une CI.
De son côté, le capital fixe -les machines, les bâtiments, etc.-, même s’il ne disparaît pas
au cours du cycle de production, subit une usure qui peut être considérée comme un coût de
production. La CN parle alors de « consommation de capital fixe » (CCF) définie comme la

15
« dépréciation du stock d’actifs fixes au cours de la période ». Cette CCF est proche de la notion
d’amortissement comptable des immobilisations, sans en être similaire. Le principe de son
calcul repose sur l’idée que si un bâtiment a une durée de vie estimée à 30 ans, et qu’il a coûté
30 millions d’€, il sera « consommé » chaque année d’1/30 de sa valeur initiale, soit 1 million
d’€. L’annexe 1 vous permettra de mieux maîtriser ces notions à partir d’un cas chiffré.
L’autre grand facteur de production est le travail, dont l’importance, relativement au
capital, dans la combinaison productive amène à qualifier celle-ci de « travaillistique ». Une
des mutations structurelles de notre économie réside d’ailleurs dans l’importance croissante du
travail comme facteur de production, ce qui provient de deux évolutions :
-d’une part, la part des services augmente dans la production, services dont la caractéristique
principale est justement de reposer sur une prestation de travail,
-d’autre part, une économie de la connaissance émerge, en rapport avec le travail intellectuel
humain, mobilisant en particulier ses capacités créatives et cognitives.
Cela ne signifie pas, cependant, que notre économie est en voie de se passer de capital
technique, mais que sa forme est en train de se transformer, à travers la révolution numérique
qui donne une importance cruciale aux droits de propriété intellectuelle (cf. conclusion).
Pour mesurer le coût d’utilisation de ce facteur de production, la CN définit la
« rémunération des salariés » comme « l’ensemble des rémunérations en espèces et en nature
que les employeurs versent à leurs salariés ». On y inclut le salaire de base, incluant l’ensemble
des cotisations sociales -appelé aussi salaire « super-brut »-, mais aussi les heures
supplémentaires, les avantages en nature, les primes diverses, l’intéressement, etc.
Un dernier facteur de production apparaissant dans le document 1, est une interprétation
un peu originale de ce que constituent les dépenses liées aux impôts sur la production prélevés
par l’Etat. Ces impôts servent à financer des services publics, qu’il s’agisse de services régaliens
comme la justice et la police ou de notre système éducatif et de formation, etc. Force est de
constater qu’un pays qui n’organise pas ces services publics ne peut pas disposer
d’organisations productives efficaces. Cela devient difficile d’entreprendre si le respect des
contrats n’est pas garanti par des tribunaux, si les biens ne sont pas protégés, si les travailleurs
n’ont pas été formés, etc. C’est visible dans les pays où l’Etat est défaillant qui restent peu
développés. Ainsi, se justifient ces prélèvements obligatoires sur la valeur de la production, en
tant que contrepartie de l’apport d’un facteur spécial de production, les services étatiques.
En ce qui concerne la comptabilisation de la production, il faut tout d’abord prendre en
compte la distinction réalisée par la CN entre trois types de production :

16
1/ la production « marchande » qui est destinée à être écoulée sur un marché à un prix
« économiquement significatif », ce qui est le cas lorsqu’il est supérieur à 50% des coûts de
production. Ce seuil signifie que la production doit permettre d’obtenir un excédent financier,
un profit. Pour comptabiliser la valeur de sa production marchande, il faut calculer le montant
des recettes perçues au moment de sa commercialisation. C’est ce qu’on appelle le chiffre
d’affaires en comptabilité d’entreprises, auquel il faut rajouter la valeur de la production stockée
qui est destinée à être écoulée plus tard. Un point technique réside dans le fait que ces recettes
sont comptabilisées au « prix de base ». Celui-ci est ce que perçoit le producteur réellement et
diffère du « prix d’acquisition » par la soustraction des « impôts sur les produits » et l’ajout des
« subventions sur les produits ». La logique en est qu’il s’agit de connaître ce que rapporte
véritablement la production marchande aux producteurs, en excluant par exemple la TVA (taxe
sur la valeur ajoutée) que paye l’acheteur qui ne leur revient pas. Nous verrons plus loin
comment le PIB intègre ces éléments de comptabilisation.
2/ la production « non marchande », elle, n’est pas destinée à obtenir un profit car elle est
fournie soit gratuitement, soit à un prix qui n’est pas « économiquement significatif », inférieur
donc à 50% des coûts de production. On considère que seuls des services sont non marchands,
ce qui est le cas aussi bien des services régaliens (justice, police, défense) que des services
divers comme l’éducation, la santé -l’une comme l’autre en partie non marchandes-, des loisirs
comme le sport, l’accès à la culture (là encore, en partie non marchands), etc. Pour mesurer leur
valeur, il n’y a pas de possibilité de calculer le chiffre d’affaires puisqu’il n’y a pas de ventes
ou que les produits de la vente ne correspondent pas aux coûts de production. Ce sont ces coûts
qui sont la base de la valeur de la production non marchande calculée par la CN. Il s’agit
essentiellement des rémunérations des salariés, mais aussi les fournitures qui sont utilisées au
cours de la production, autrement dit les CI.
Cette convention comptable aboutit automatiquement à diminuer la valeur d’une
production non marchande par rapport à ce qu’elle serait si elle était marchande. Ainsi, la valeur
pour la CN d’un cours à l’Université -production non marchande- est moins importante que ce
même cours s’il a lieu au sein d’une école de commerce, auquel cas il devient une production
marchande. Elle exclut aussi du calcul du PIB les activités issues du travail bénévole, puisqu’il
n’y a pas de coûts de production à partir desquels mesurer la valeur produite.
3/ La production pour emploi final propre (PEFP) est le troisième type de production mesuré
par la CN. Elle consiste dans l’autoproduction des ménages, autrement dit une production
effectuée et consommée par eux-mêmes. Seule une petite partie de cette autoproduction est

17
prise en compte, ce qui renforce les critiques adressées au PIB comme mesure partielle de la
richesses créée dans un pays :
-les produits des jardins potagers qui sont utilisés à la place de fruits et de légumes achetés,
-les services produits par du personnel payé par les ménages (gardes d’enfant, femmes de
ménages, etc.) ce qui met en exergue le fait que ces mêmes services, lorsqu’ils sont produits
par les personnes mêmes du ménage (garder ses propres enfants, faire son ménage, etc.), ne
rentrent pas dans les calculs de la CN.
-les « loyers imputés », qui sont l’essentiel de la PEFP, partent de l’idée que les ménages
occupant un logement dont ils sont propriétaires, sont dispensés d’un loyer qu’ils payeraient en
tant que locataires. Ils sont en quelque sorte auto-producteurs d’un service de logement.
Pour donner un ordre de grandeur de l’importance relative de ces trois types de
production, la production marchande est à l’origine de 80% du PIB en France, la production
non marchande de 12% et la PEFP de 8%. C’est à l’image de notre économie de marché dans
laquelle les producteurs prédominants sont ceux qui visent le profit. Nous allons maintenant
voir qu’il existe néanmoins une grande diversité de producteurs.

1.2 La caractérisation des producteurs


L’introduction a permis de préciser les différentes catégories d’agents économiques que
différencie la CN formant les secteurs institutionnels (SI). Explorons maintenant la diversité
des agents productifs pour comprendre comment notre économie fonctionne sur une logique
principale de profit, complétée par d’autres logiques. Cela demande d’introduire une double
ligne de clivage, comme représenté sur la figure du document 2, entre production marchande
versus non marchande d’une part, et statut public versus privé d’autre part. Le premier clivage
reprend la différence vue ci-dessus entre un objectif de vente d’une production à un prix
supérieur au coût de production et d’autres objectifs que nous allons détailler plus loin. Le
second clivage met en avant la collectivisation d’une partie de l’économie avec le rôle
particulier joué par le secteur public dans la production. Ce qui importe est de comprendre que
ces deux clivages ne se recoupent pas, autrement dit que le secteur privé n’est pas seulement
associé à marchand et le secteur public à non marchand.
Cette disjonction aboutit à faire apparaître quatre quartiers dans l’ensemble des
organisations productives représenté dans le document 2. Deux de ces quartiers font les
associations « naturelles » entre les deux critères :

18
-les entreprises privées font coïncider « statut privé » et « production marchande », ce qui
correspond bien à la logique de profit, les recettes issues de la vente étant la source de ce profit.
-les administrations publiques font coïncider, elles, « statut public » et « production non
marchande », correspondant à une logique étatique de fourniture de services gratuits ou
presque. Pour couvrir les coûts de production, elles se financent par les différents prélèvements
obligatoires que l’Etat fait peser sur les activités (taxes sur la consommation ou les importations
ou impôts sur la production) ou sur les revenus (impôts sur les revenus des personnes physiques
ou sur les sociétés, etc.).

DOCUMENT 2

Deux autres quartiers apparaissent cependant avec des associations plus incongrues :
-les entreprises publiques, elles, associent la « production marchande » avec le « statut public ».
Il s’agit d’entreprises vendant donc leur production, et non pas d’administrations l’offrant
gratuitement ou quasi. On y retrouve EDF, La Poste, la SNCF, etc. La frontière entre entreprises
publiques et privées est variable dans le temps, les nationalisations et les privatisations
aboutissant à faire passer certaines entités d’un côté ou de l’autre. Il faut aussi reconnaître que
le fait que les entreprises soient publiques influent sur leurs objectifs, même si la production est
vendue. L’Etat peut intervenir en tant que dirigeant pour atténuer la logique de profit, de façon
à poursuivre des objectifs collectifs à travers les entreprises qu’il contrôle. Un exemple récent
nous a été donné par la décision de l’Etat, annoncée au début d’année 2022, de forcer EDF à
limiter la hausse du prix auquel l’entreprise revend son électricité. Cette décision contre laquelle
se sont mobilisés d’ailleurs les syndicats de salariés, mais aussi le dirigeant d’EDF lui-même,

19
devrait aboutir à priver EDF d’environ 8 milliards d’€ de chiffre d’affaires. Mais, l’Etat,
différemment d’un actionnaire privé, a voulu amortir le choc de la hausse des coûts de l’énergie
par cette décision, en étant prêt à renoncer à ses profits.
-les associations forment le dernier quartier en associant statut privé et production non
marchande. Leur statut, datant de 1901, les caractérise par le fait d’être « à but non lucratif »
(ce qu’on retrouve dans l’appellation d’ISBLSM, cf. introduction), autrement dit de ne pas viser
le profit. Mais, il faut bien les différencier des administrations car elles ne sont pas sous le
contrôle de l’Etat, mais de personnes privées qui les dirigent. On les retrouve dans de multiples
activités, loisirs, culture, soins aux personnes, etc. Dans la CN, rappelons que seules les activités
réalisées par des salariés sont comptabilisées, et non pas celles réalisées par les bénévoles.
Une analyse économique des organisations productives nécessite d’introduire encore
des nuances parmi les entreprises privées, certaines d’entre elles ayant une « lucrativité
limitée », autrement dit ne recherchent pas le profit maximum. Il s’agit des « mutuelles » et des
« coopératives ». Les premières, agissant dans le domaine de la couverture des dépenses de
santé ou d’autres risques, ont la particularité de ne pas avoir d’actionnaires privés, mais ce sont
les assurés eux-mêmes qui possèdent le capital social. Cela transforme leur logique d’entreprise

DOCUMENT 3
DENOMI- SECTEURS INS-
LOGIQUE FINANCEMENT EXEMPLES
NATION TITUTIONNELS
Société générale, Renault,
Profit. Peut être limité si SF et SNF
Entreprise Recettes liées à la etc.
coopératives, mutuelles ou
privée vente Ménages Entreprises individuelles
sociétés à mission
(artisans, commerçants)
Profit mais limité par des Recettes liées à la
Entreprise Caisse des dépôts et con-
considérations d’intérêt vente, complétées par SF et SNF
publique signations, La Poste, EDF…
public des dotations de l’Etat
Adminis- Apporter un service Prélèvements obliga-
Mairie, ministère des
trations collectif et œuvrer à toires et parfois des APU
armées, Région, etc.
publiques l’intérêt général recettes de vente
Apporter un service à ses Cotisations des mem-
Associa- Association sportive,
membres et œuvrer à bres et parfois subven- ISBLSM
tions Médecins du monde, etc.
l’intérêt général tions publiques

puisque les assurés n’ont pas intérêt à avoir des tarifs les plus élevés possibles pour maximiser
le profit, alors même qu’ils sont assujettis à ces tarifs. Il n’y a d’ailleurs pas à proprement parler
de profits, mais des excédents que les assurés peuvent choisir de se reverser à eux-mêmes sous
forme de « ristournes ». On voit bien la différence de logique avec des compagnies d’assurance
privées qui distribueront plutôt ce surplus à leurs actionnaires. Les coopératives peuvent être

20
abordées selon le même point de vue que les mutuelles ; prenons le cas d’une coopérative
agricole, le principe est de rendre service à ses membres et non pas de réaliser la marge la plus
importante. Cette limitation de la lucrativité est toutefois parfois contestable, comme les dérives
de certaines banques coopératives l’ont montré.
En fait, on aborde à travers ces exemples les dimensions politiques de la production,
portant sur les objectifs dont se prévalent certaines organisations privées. Celles qui s’éloignent
de la logique lucrative pure sont ainsi constitutives d’un type d’activité que l’on a baptisé du
terme d’« économie sociale et solidaire » (ESS). Comme le montre le document 2, elle
rassemble d’une part, des organisations non marchandes comme les associations et les
fondations, et d’autre part, des organisations marchandes particulières, coopératives et
mutuelles. D’autres entreprises encore peuvent y être adjointes depuis la loi ESS de 2014, à
partir du moment où elles s’engagent à respecter certains principes. La loi Pacte (Programme
d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019 a rajouté encore de la
complexité à ce schéma avec la possibilité pour des entreprises de se doter d’une « raison
d’être » autre que le profit, et même de devenir des « sociétés à mission ». Cela montre la
nécessité d’aller au-delà de la classification fonctionnelle de la CN pour connaître la nature des
différentes organisations productives. Le document 3 présente les liens que l’on peut tisser entre
cette classification et l’analyse menée ici.
Nous allons voir maintenant comment le PIB est calculé et quels sens on peut donner à
son résultat comptable.

21
2. Calcul et sens du PIB
2.1 Les trois approches du PIB
En cohérence avec la mesure de la richesse par la production, le PIB est d’abord le total
de la production des agents résidents sur le territoire français (cf. introduction). Par contre, ce
total n’est pas obtenu à partir des chiffres de la « production » telle que nous l’avons présentée
dans le point 1. La raison est que cette production, qu’elle soit marchande, non marchande ou
même la PEFP, intègre dans sa comptabilisation les produits utilisés dans le cycle de
production, qu’il s’agisse de biens (matières premières, produits intermédiaires, etc.) ou de
services (gardiennage, comptabilité, etc. quand ils sont « externalisés », c’est-à-dire effectués
par des entreprises extérieures). Ainsi, la valeur d’une même production peut être décomptée
de multiples fois, si elle est réutilisée tout au long d’une chaîne de valeurs. L’annexe 1 donne
un exemple à partir du cas de la filière de la papèterie, partant du bois comme matière première
et débouchant sur la fabrication de feuilles de papier. La pâte à bois, dans cette filière, est une
production intermédiaire résultant de la transformation du bois et qui est ensuite réutilisée pour
fabriquer du papier. Ainsi, en partant des chiffres de la production -le chiffre d’affaires des
producteurs essentiellement puisqu’il s’agit de production marchande-, on comptabilise la
valeur de la pâte à papier deux fois. Ce petit exemple est illustratif, mais ce problème est
beaucoup plus large dans nos économies, que l’on pense à l’utilisation du pétrole.
Afin de résoudre ce problème de comptabilisations multiples, la CN a élaboré un
concept, celui de « valeur ajoutée » (VA), qui vise à bien mesurer la « valeur » que l’activité
d’un producteur « ajoute » à ce qu’il utilise. Le raisonnement est basé sur le fait que le prix des
feuilles de papier, pour reprendre notre exemple, inclut le coût de la pâte à papier et que la VA
par l’entreprise de production de papier est l’écart entre leur prix de vente et leurs coûts en
fournitures diverses, en particulier la pâte à papier quand elle est achetée à un autre producteur.

Valeur ajoutée brute = Production – Consommation intermédiaire

VAB = P – CI

Il reste encore la question de la consommation de capital fixe (CCF), qui est aussi une
dépense à déduire de la valeur produite si l’on veut poursuivre ce même raisonnement de la
valeur « ajoutée » par l’activité. Il faut bien prendre en compte le fait que la production dégrade
peu à peu ce capital fixe qu’il faudra un jour remplacer et que la valeur réellement créée doit
être minorée de cette CCF. Il faut remarquer toutefois qu’il ne s’agit pas d’une dépense réelle,
mais fictive, et donc difficile à estimer. C’est ce qui explique que l’on n’en tienne pas souvent

22
compte. La CN le fait, toutefois, en passant des agrégats dit « bruts » aux agrégats dits « nets »,
ici de la VA brute à la VA nette. D’où ce nouveau calcul :

Valeur ajoutée nette = Valeur ajoutée brute – Consommation de capital fixe

VAN = VAB – CCF

Cette VAN va alors servir à financer les revenus versés aux apporteurs de capital comme
nous le verrons plus loin. Mais, finissons d’abord par conclure sur cette approche du PIB
comme production par le biais de la notion de VA. Le PIB peut donc être défini comme la
somme des valeurs ajoutées réalisées par les producteurs résidant sur le territoire français. En
partant des chiffres issus de la CN pour l’année 2020, accessibles en particulier dans le TEE
édité sur le site de l’INSEE, on peut reconstituer le calcul aboutissant au PIB de cette année-
là comme indiqué dans le document 4 :

DOCUMENT 4

Source : INSEE, 2020, en milliards d’€

Vous retrouvez les trois types de production, dont le total dépasse les 4 000 milliards
d’€, dont on déduit la CI totale selon le calcul de la VA, sans oublier toutefois de réintégrer les
« impôts et subventions sur produits ». Pour rappel, ces montant avaient été déduits du calcul
de la « production » car celle-ci se mesure au « prix de base », le prix qui rémunère réellement
les producteurs. Mais, pour tenir compte du fait que le PIB mesure la VA telle qu’elle est
« payée » par les consommateurs, il faut passer au « prix d’acquisition » et donc réintégrer ces
« impôts et subventions sur produits ». Cela amène donc à un montant de PIB d’un peu plus de
2 300 milliards d’€ qui de « brut » passe à « net » et devient le PIN, en soustrayant la CCF.
Le passage au prix d’acquisition est justifié également par le fait que la seconde
approche du PIB, celle selon la demande, doit aboutir au même montant que celui obtenu par

23
la première approche de la production. Cette seconde approche est à la base de l’« équilibre en
ressources et emplois » dont il sera question dans le chapitre 3 qui précisera les notions
rapidement évoquées ici. Elle part de l’idée que tout ce qui est produit en un an sur un territoire
correspond forcément à tout ce qui est utilisé sur la même période et sur le même espace.
Ainsi, en prenant l’exemple de la production automobile, toutes les voitures produites
sur le territoire français sont d’abord vendues à des ménages qui vont les utiliser pour leurs
déplacements. Si ces ménages sont résidents sur le territoire, cette dépense est une
« consommation finale » (CF), servant à satisfaire un besoin « final » au contraire des CI
utilisées dans le cours de la production de façon intermédiaire. Si ces ménages sont à l’étranger,
on parle alors d’« exportations » (X). Ces voitures peuvent ensuite être acquises par des
producteurs (des APU, des entreprises individuelles, des SF ou SNF) et ce sont alors des achats
de capital fixe, ce qu’on appelle des investissements que la CN appelle « formation brute de
capital fixe » (FBCF). Similairement à la CF, lorsque les producteurs acquéreurs sont à
l’étranger, alors ces achats seront considérés aussi comme des X. Enfin, ces voitures peuvent
ne pas être vendues et alors être stockées dans les hangars des constructeurs automobiles, ce
qui aboutit à calculer une « variation des stocks » (VS) entre le début et la fin de l’année. Une
ultime possibilité, très marginale, est le fait d’acquérir une voiture pour en faire un objet de
collection, ce que la CN appelle « acquisition moins cession d’objets de valeur » (OV). On a là
toutes les utilisations possibles des voitures produites sur le territoire français.

DOCUMENT 5

Source : INSEE, 2020, en milliards d’€

Toutefois, pour avoir une égalité entre ces utilisations -ou « emplois »- de biens et
services et leur production -ou « ressources »-, il faut tenir compte du fait que des voitures
produites à l’étranger peuvent être utilisées en France, soit achetées par des ménages au titre de

24
la CF, soit achetées par des producteurs au titre de la FBCF. On parle alors bien sûr
d’« importations » (M), ce qui constitue une autre « ressource » à prendre en compte pour
assurer l’égalité entre la production et son utilisation. Le document 5 reprend les données de la
CN qui amènent en additionnant toutes les demandes, nettes des importations, au même résultat
du PIB que celui calculé par la somme des VA. La différence de 0,1 milliard d’€ par rapport au
premier calcul n’est pas significative et s’explique par des arrondis. On a donc bien une égalité
entre la production, calculée par le PIB, et la demande, avec les différentes composantes
énoncées ci-dessus. Cette égalité est le fruit des conventions de calcul comptable et n’est pas
une égalité au sens économique, nous reviendrons sur ce point.
La troisième approche du PIB est celle dite « par les revenus ». Là encore, il y a une
justification logique à l’égalité entre le total des revenus primaires et la production, à savoir que
la création de richesses soit source de rentrées financières équivalentes pour celles et ceux qui
y ont contribué. Autrement dit, toute richesse créée par la production est à l’origine d’un revenu
perçu par les contributeurs à cette production. Précisons tout d’abord que nous parlons de
répartition primaire, celle des revenus liés à la production, qui diffère de la répartition
secondaire résultant de l’action de l’Etat. Celui-ci effectivement met en œuvre la redistribution,
en prélevant des impôts, taxes, cotisations sociales, etc. sur les revenus primaires et en versant
des revenus sociaux -pensions de retraite, RSA, remboursements santé, etc.-, à certains
ménages. Cette redistribution est « horizontale » lorsqu’elle vise à compenser des pertes de
revenus liés à la retraite, au chômage, à la maladie, etc., mais aussi « verticale » lorsqu’elle vise
la réduction des inégalités (cf. chapitre 3).

DOCUMENT 6

Source : INSEE, 2020, en milliards d’€

Tout d’abord, vous remarquerez que l’ajustement entre prix de base et prix d’acquisition
est nécessaire ici aussi pour obtenir l’égalité, avec un périmètre plus large car les « impôts et
subventions » portent sur la « production » mais aussi sur les « importations ». C’est lié à
l’existence de flux de revenus avec l’étranger qui impose cet élargissement de l’ajustement.

25
Ce qui est plus important est de constater que la plus grande part du PIB revient aux
salariés, ce qu’on peut considérer comme justifié par l’importance de leur apport en travail à la
production. Les apporteurs de capital vont, eux, bénéficier de l’« excédent brut d’exploitation »
(EBE) qui est le solde entre la VAB et les rémunérations des salariés au niveau d’une entreprise.
Cet EBE est considéré comme une approximation du profit que réalise l’entreprise, ce que
mesure le taux de marge calculé comme EBE / VAB. En réalité, l’EBE bénéficie à de multiples
agents économiques puisqu’il va être utilisé pour payer les frais financiers liés à l’endettement,
pour réaliser des amortissements en vue du renouvellement du capital fixe et ce qui reste
finalement, pourra alors revenir aux actionnaires. Il y a donc une grande diversité de flux
financiers derrière l’EBE, mais qui tous correspondent à la mobilisation de capital.
Les « revenus mixtes » qui apparaissent dans le document 6 sont ceux que reçoivent les
entrepreneurs individuels, comme les artisans et commerçants. Leurs revenus, qui portent le
nom en comptabilité d’entreprise de « bénéfices industriels et commerciaux » sont un « mixte »
de rémunération du travail et du capital. La particularité de leur statut d’indépendant est
précisément d’avoir une activité de travail -prenons le cas d’un plombier qui effectue des
travaux pour des clients-, mais aussi d’apporter des fonds pour disposer d’un capital technique
-ce plombier a acheté un véhicule, des outils, des fournitures, etc. Ainsi, leurs revenus
rémunèrent ces deux apports, le bénéfice du plombier provenant du fruit de son travail et aussi
de ses apports financiers.
Au final, on peut donc avancer que le PIB comme somme de la production réalisée dans
un pays est égal à la somme des demandes de biens et services des résidents de ce pays et
également au total des revenus perçus par celles et ceux qui y ont contribué. Ces trois approches,
coïncidentes quant à leurs résultats, du PIB ne doivent toutefois pas amener à une méprise sur
leur sens. Ces égalités, comptables, ne valident pas une loi classique, celle des débouchés de
Jean-Baptiste Say, économiste français de la première moitié du 19ème siècle. Cette loi a été
résumée en une phrase par Keynes : « l’offre crée sa propre demande ». Keynes, avec sa vision
du circuit (cf. introduction) avait précisément démenti la validité de cette loi, les crises de
surproduction pouvant survenir du fait d’une demande insuffisante à l’offre. La CN est bien
keynésienne et si le total des demandes est égal au total de l’offre, c’est en introduisant un solde
comptable, la variation des stocks, qui assure cette égalité dans tous les cas. Cela ne signifie pas
pour autant que toutes les productions sont forcément écoulées puisque précisément, une partie
peut être stockée. Similairement, celui qui pense que les revenus distribués étant équivalents à
la valeur produite, il est normal que toutes les productions soient écoulées, oublierait que ces
revenus passent par la redistribution, qu’une partie peut être épargnée, qu’au contraire des

26
dépenses peuvent être financées à crédit… Bref, la CN ne doit pas donner lieu à des
interprétations économiques du fait des égalités qu’elle établit par un souci de cohérence. C’est
en cela que les interprétations théoriques restent primordiales, la CN apportant des informations
chiffrées qui nourrissent ces interprétations, sans en décider.
Nous allons maintenant voir précisément quelles interprétations peuvent être faites des
chiffres du PIB lorsqu’on les utilise pour connaître la situation d’un pays et son évolution.

2.2 La croissance du PIB


A l’instar d’Adam Smith, nous souhaitons savoir comment évolue la « richesse des
Nations » et comprendre les causes de leur rythme variable d’enrichissement à partir de cette
mesure du PIB. En termes modernes, nous parlons de croissance économique. On peut voir tout
d’abord dans les documents 7 & 8 comment les différences de rythme de croissance
économique ont rebattu les cartes des grandes puissances économiques mondiales. Le
document 7 montre comment, en 30 ans, la Chine est devenue la première puissance économi-

DOCUMENT 7

Source : Banque mondiale, données 2020 (cf. données du document 8) Echelle verticale logarithmique

que mondiale. Elle a dépassé les Etats-Unis au milieu des années 2010 grâce à un rythme de
croissance économique près de 4 fois plus rapide. Le taux de croissance annuelle moyen
(TCAM) sur ces trente dernières années s’est effectivement élevé à 9,3% pour le PIB de la
Chine contre 2,5% pour celui des Etats-Unis (cf. document 8). On voit par ailleurs comment

27
certains pays en développement, Inde et Indonésie, ont dépassé des pays développés anciens
comme l’Allemagne, le Japon, la France, etc. qui connaissent un taux de croissance plus lent.

DOCUMENT 8

RANG PAYS 1990 2020 TCAM


1 Chine 1 115 24 274 9,3%
2 États-Unis 5 963 20 894 2,5%
3 Inde 1 049 8 972 6,2%
4 Japon 2 417 5 251 1,1%
5 Allemagne 1 542 4 517 1,6%
6 Fédération de Russie 1 188 4 133 0,7%
7 Indonésie 559 3 301 4,9%
8 Brésil 998 3 152 2,2%
9 France 1 025 3 148 1,6%
10 Royaume-Uni 973 3 082 1,9%

Source : Banque mondiale, données 2020) En milliards de $ PPA (parité de pouvoir d’achat)

Il faut préciser que ces données sont exprimées en $ PPA pour « parité de pouvoir
d’achat ». La conversion en $ des différentes devises doit effectivement être réajustée pour tenir
compte des écarts de coût de la vie entre le pays et du fait que le taux de change du marché,
celui qui est utilisé quand on effectue une opération de change, n’est pas représentatif pour
effectuer des comparaisons valables. Une façon simple d’obtenir ce taux de change en $ PPA
consiste à trouver la somme en devises qui, une fois convertie en $, permet d’acheter le même
produit. Depuis 2013, le magazine The Economist a ainsi créé un « indice Big Mac » qui donne
une indication simple. Bien sûr, les données de la Banque Mondiale en $ PPA sont issues de
calculs beaucoup plus complexes, mais qui suivent le même principe.
Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution dans le temps du PIB d’un même pays, une autre
difficulté survient qui provient de l’évolution des prix chaque année, ce qu’on appelle
l’inflation. Ainsi, la croissance du PIB d’une année sur l’autre est le résultat de la hausse des
prix des biens et services produits combinée à la hausse des quantités produites. Il faut arriver
à séparer cet effet « volume » de l’effet « valeur », faute de quoi les chiffres de la croissance ne
seraient pas fiables quant à l’enrichissement réellement procuré. Une inflation élevée introduit
une illusion d’optique sur le rythme de croissance, ce qui nécessite donc cette opération dite de
« déflatage » de façon à la neutraliser. Voilà ce qu’elle donne pour 2020 :

28
Suite à la suppression de l’effet de la hausse des prix (3% en 2020, d’où le déflateur de
1,03), la croissance est passée de -5% « en valeur », à -8% « en volume ». Le document 9
récapitule le vocabulaire utilisé afin de différencier les deux sortes de données. Ce chiffre
négatif de -8% en 2020 correspond à une « récession », d’une ampleur jamais vue depuis les
années 1930 en France, ce qui s’explique bien sûr par les retombées de la crise sanitaire.

DOCUMENT 9

Généralement, les chiffres de croissance économique sont fournis « en volume » et ceux


du PIB sont fournis en « € constants », donc après déflatage. On retrouve souvent comme unité
« € 2014 » ce qui indique que toutes les valeurs sont ramenées aux prix de 2014, année de base
pour la CN. C’est ce qui garantit que les comparaisons sont possibles au cours du temps.
La croissance économique est l’indicateur fondamental de la conjoncture dans un pays,
c’est-à-dire de sa situation économique à l’instant T. La conjoncture est à l’économie ce que la
météo est au temps qu’il fait. Il faut la différencier de ce qui constitue le contexte structurel de
l’économie, qui serait en quelque sorte le climat. Ainsi, on peut dire que le climat de l’économie
a changé depuis la fin des 30 Glorieuses, correspondant à la période de 1945 à 1975. On s’en
aperçoit à travers le document 10 qui se présente comme un « relevé des températures » de
l’économie française depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

DOCUMENT 10

29
Ce changement de climat est visible au travers des tendance décennales de la croissance
économique, mesurées par les TCAM. Elles ont ralenti continûment depuis les années 1970
pour atteindre un niveau d’1,2% par an sur la décennie 2010. On peut considérer, en fait, que
la croissance économique est revenue à son rythme séculaire, celui que l’on connaissait depuis
la Révolution industrielle du 19ème siècle. C’est la période des 30 Glorieuses qui a été
exceptionnelle avec des taux de croissance que nous n’avions jamais connus et que nous ne
connaîtrons sans doute pas de sitôt. Ce nouveau climat de « croissance molle », selon
l’expression de Jean-Paul Fitoussi, a eu une incidence sur la météo, la conjoncture économique
que représentent les chiffres annuels. On s’aperçoit que les « fluctuations économiques », c’est-
à-dire les variations annuelles du taux de croissance autour de la tendance, sont devenues plus
fortes, autrement dit les « hauts » et les « bas » s’écartent de plus en plus du trait représentant
le TCAM sur le document 10. Ainsi, 1975, l’année suivant les premiers chocs pétroliers
marquant la fin des 30 Glorieuses, a été la première récession d’après-guerre, suivie de
beaucoup d’autres depuis, dont la dernière, en 2020, a été la plus importante comme on le voit
graphiquement. Certes, la croissance économique a fortement rebondi l’année suivante, en
2021, le PIB augmentant de 6,7%.
Afin de juger de la météo, on use d’une métaphore un peu équivalente à celle des
« températures de saison » en parlant du PIB potentiel. Il est défini comme le niveau de
production qu’il est possible d’atteindre sans tensions inflationnistes. Effectivement, lorsque
l’on dépasse un certain niveau de production, des goulots d’étranglement dans
l’approvisionnement -en matières premières, en composants particuliers-, amènent à des
hausses de prix, de même que les pénuries de main d’œuvre sur le marché de l’emploi. Pour
aborder ce PIB potentiel, un indicateur utilisé est celui du « taux d’utilisation des capacités de

DOCUMENT 11

30
production », rapport entre les capacités utilisées et les capacités disponibles. Le document 11
présente les chiffres de ce taux d’utilisation pour l’industrie et l’on y voit très nettement la
traduction des phases conjoncturelles qu’a connues la France, en particulier le plongeon du PIB
en 2020. Le taux d’utilisation a ainsi reculé à près de 60%, contre 82% en moyenne depuis l’an
2000. Cet écart de près de 22 points est lié à l’arrêt d’une grande part de l’activité économique
en France suite aux mesures prises contre la crise sanitaire, en particulier le confinement. Des
usines, des magasins, les hôtels et restaurants, etc. sont restés fermés une partie de l’année et
n'ont donc pas été utilisés, ce qui explique l’ampleur de la récession.
Pour les analystes de la conjoncture, les « conjoncturistes » comme on les appelle, une
notion importante pour forger leur diagnostic est précisément « l’écart de production », ou
« output gap ». Pour filer encore une fois notre métaphore météorologique, on pourrait
l’assimiler à « l’écart avec les températures de saison ». Cet écart de production peut être
négatif, le PIB effectif ou observé étant inférieur au PIB potentiel, auquel cas on peut parler de
« crise » si cet écart est important. Il peut aussi parfois être positif, si le PIB effectif dépasse le
PIB potentiel, avec cette fois-ci un risque de « surchauffe » économique et donc des tensions
inflationnistes.
Finissons en présentant le cas américain actuel en utilisant ces notions. Le document 12
indique les prévisions concernant l’écart du PIB effectif (ligne orange) et du PIB potentiel
(droite grise), les données étant en milliards de $.

DOCUMENT 12

Source : L. Ferrara, « Le plan Biden de relance va-t-il faire surchauffer l’économie américaine ? », The conversation 10/2/2021
CBO : Congressional Budget Office ou Bureau du budget du Congrès américain

31
C’est à partir de ces prévisions que le plan Biden de relance de l’économie américaine
a été jugé potentiellement dangereux car surdimensionné à la situation conjoncturelle. Compte
tenu de la faiblesse de l’écart de production anticipé, représenté par l’écart entre la ligne orange
et la droite grise, ce plan de 3 000 milliards de $ -près de 4 fois plus important que celui de
l’Union Européenne- semble effectivement exagéré. C’est ce qui a amené Olivier Blanchard,
un français, ancien économiste en chef du FMI, à émettre ce jugement via un tweet paru le 6
février 2021 : « Je suis d’accord que trop est mieux que trop peu et nous devons viser une
certaine surchauffe. La question est de savoir de combien ? Beaucoup trop est autant possible
que dangereux. Et je pense que ce plan est trop important » (notre traduction).
On peut reconnaître une certaine pertinence à ce jugement alors qu’aujourd’hui,
l’inflation est à des niveaux inconnus depuis des décennies aux Etats-Unis, avec un taux annuel
de plus de 7%. On sait aussi que le marché de l’emploi américain est en tensions et que les
hausses de salaire se répandent dans les entreprises américaines, ce qui peut encore accroître
les tensions inflationnistes.
Ces explications montrent tout l’intérêt des analyses menées ainsi à un niveau
macroéconomique, avec le besoin de se baser sur les informations fiables que donne la CN.
Mais, bien sûr, les interprétations qui en sont faites peuvent être contradictoires et l’analyse
théorique reste toujours nécessaire et susceptible d’être démentie par les faits. Comme pour la
météo, les prévisions ne se vérifient pas toujours et tout ne peut pas être anticipé…

32
Conclusion. La Comptabilité Nationale confrontée à l’immatériel

Un ouvrage paru en 2019 (J. Haskel et S. Westlake, « Le capitalisme sans capital »,


Editions PUF, Paris), met en avant une mutation fondamentale de nos économies qui est la
montée en puissance de l’« intangible », de ce qui n’est pas matériel. Cette importance
croissante de l’immatériel se donne à voir dans les activités de production et dans les produits
eux-mêmes, les deux étant bien sûr liés. Les produits, d’abord, sont de plus en plus des services
qui, par définition, correspondent à des prestations de travail dont le résultat n’est pas, ou
accessoirement, matériel. Pensez à l’enseignement, aux soins de santé, à la culture, etc. Mais,
pour les produits matériels, les services ont pris aussi une plus grande importance, qu’il s’agisse
de services classiques comme l’après-vente, la commercialisation, mais aussi moins classiques
comme les formules de mise à disposition, l’accompagnement dans l’utilisation du bien, etc. Si
le premier phénomène s’appelle la tertiarisation, le second est maintenant désigné du
néologisme de « servicisation ».
On observe, au niveau de la production également, cette dématérialisation, à deux
niveaux : d’une part, parce que la qualité du produit est fonction croissante du « temps de
cerveau » incorporé, et non pas de la valeur des matières premières. Qu’il s’agisse de
l’innovation par la Recherche et Développement, de l’image du produit par le marketing, de sa
fiabilité, de sa créativité, etc., ce sont essentiellement des qualités apportées par le travail
humain intellectuel qui se concrétise dans le produit. Un smartphone n’a pas un prix déterminé
principalement par le prix des matériaux utilisés, mais plutôt par les fonctions qu’il propose, le
design, la réputation de sa marque, etc. D’autre part, les processus de production eux-mêmes
reposent sur des opérations qui mettent en œuvre du capital humain -la logistique, la qualité de
la coordination intra et inter-entreprises, le traitement des données, etc.
C’est un changement révolutionnaire de la forme de la « richesse » d’un pays, si l’on
repart de l’interrogation séminale d’Adam Smith. Ce qu’il faut compter est de moins en moins
des produits concrets dont la valeur est donnée par les matériaux utilisés et destinés à être
consommés, mais de plus en plus des « solutions », avec une forte dimension intangible,
adaptées aux besoins des consommateurs. La CN est confrontée de ce fait à de nouvelles
difficultés quant à la mesure de cette richesse créée dont la nature a changé. Deux problèmes
très concrets sont survenus dont nous présentons les enjeux :

1/ L’appréciation de l’inflation : le déflatage, opération essentielle pour suivre la croissance


« en volume », est perturbé par une compréhension complexe des évolutions de prix. Pour bien

33
mesurer les évolutions de prix, il faut comparer des produits de même qualité dans le temps.
Or, avec la part d’intangible qu’ils comportent, il devient de plus en plus difficile de savoir si
le prix plus élevé relève de l’inflation ou d’une amélioration de la qualité. Ainsi, pour du
matériel électronique, un prix fixe d’une année sur l’autre peut cacher, en fait, un phénomène
de baisse des prix -de déflation, mot désignant le contraire de l’inflation- si le nouveau matériel
a une capacité plus grande et de meilleures fonctionnalités. Cette mauvaise appréciation de
l’inflation a un impact direct sur la vision de la croissance économique, calculé en volume.

2/ La mesure de l’investissement : la formation n’est toujours pas comptabilisée comme un


investissement alors même que l’accumulation du capital humain devient essentielle dans notre
monde productif. Concrètement, une entreprise qui dépense à former ses salariés va considérer
ses dépenses comme de la consommation intermédiaire (CI), et non pas de la formation brute
de capital fixe (FBCF). Mais, cela concerne aussi les dépenses de l’Etat dans l’éducation de sa
population. On estime que cette exclusion de la formation de la mesure de la FBCF amène à
sous-estimer le niveau d’investissement actuel et de ce fait, à ne pas rendre compte de l’apport
du capital humain à la croissance économique.

Certes, ces questionnements semblent très techniques et ne pas avoir d’incidences


concrètes. Mais, n’oublions pas que la CN est un outil d’observation de la réalité économique,
dont les vues qu’elle fournit servent à analyser les phénomènes économiques et à en tirer des
préconisations d’action, en particulier de la part de l’Etat. Autrement dit, la CN a une dimension
performative car les enseignements que l’on en tire débouchent sur des décisions qui
transforment la réalité. La CN est à l’instar des lunettes que l’on porte et qui doivent être
révisées régulièrement, faute de quoi il devient dangereux de conduire. C’est pour cette raison
que des révisions en continu des conventions de la CN sont effectuées, révisions qui renvoient
bien au-delà de simples questions techniques, aux questions toujours fondamentales de savoir
quelle est la « nature » et quelles sont les « causes » de la « Richesse des Nations ».

34
ANNEXE
Voilà les comptes de deux entreprises appartenant à la filière « papier ». En tant que
comptables nationaux, vous êtes chargés de retrouver les contributions de ces deux entreprises
aux agrégats nationaux en calculant leurs soldes comptables.

PATAPAPIER est une entreprise qui produit de la pâte à papier et FEUILLAPAPIER une autre
entreprise qui produit des feuilles de papier. La 2nde se fournit exclusivement auprès de la 1ère
qui lui vend toute sa production. Voici les comptes de ces deux entreprises ;

PATAPAPIER FEUILLAPAPIER
 Achat de bois ; 1,5 million d’€  Achat de pâte à papier ; 3,2 millions d’€
 Vente de 20 000 tonnes de pâte à papier à 160 €  Produits chimiques utilisés ; 0,8 million d’€
la tonne  Vente de feuilles de papier ; 8 millions d’€
 Consommation d’électricité ; 0,6 million d’€  Montant des feuilles stockées ; 1 million d’€
 Valeur du capital fixe utilisé : 30 millions d’€  Valeur du capital fixe utilisé : 75 millions d’€
 Durée d’utilisation du capital fixe : 30 ans  Durée d’utilisation du capital fixe : 25 ans

1°) Calculez le montant du chiffre d’affaires, de la production, des consommations


intermédiaires, de la consommation de capital fixe et finalement, de la valeur ajoutée brute et
nette, de chacune des entreprises.

Ces deux entreprises ayant fusionné, elles ne forment plus qu’une seule dont le nom
est PATAFEUILLE ; il faut reprendre les chiffres du dessus, mais en considérant que les
échanges entre les deux entreprises n’ont plus lieu d’être puisqu’elles n’en forment plus qu’une
et que ces échanges sont internes à la nouvelle structure.

2°) Refaites les comptes de l’entreprise (même chose que pour le 1°)
3°) Comparer les chiffres de la production et ceux de la VA obtenus dans le 1°) et le 2°).
Pourquoi le calcul de la VA est-il préférable à celui de la production ?

35
CORRIGE

1°) et 2°)
PATAPAPIER FEUILLAPAPIER PATAFEUILLE
 CA : 20 000 X 160 = 3,2 M€  CA : 8 M€  CA : 8 M€
 Production = CA = 3,2 M€  Production : 8 + 1 = 9 M€  Production : 8 + 1 = 9 M€
 CI : 1,5 + 0,6 = 2,1 M€  CI : 3,2 + 0,8 = 4 M€  CI : 1,5 + 0,6 + 0,8 = 2,9 M€
 VAB = 2,4 – 2,1 = 1,1 M€  VAB = 9 – 4 = 5 M€  VAB = 9 – 2,9 = 6,1 M€
 CCF = 30 M€/30 = 1 M€  CCF = 75 M€/25 = 5 M€  CCF = 1 +5 = 6 M€
 VAN = 1,1 – 1 = 0,1 M€  VAN = 5 – 5 = 0 M€  VAN = 6,1 – 6,1 = 0,1 M€

3°) En prenant les chiffres de la production ; avant fusion, la production (12,2 millions d’€) est
plus importante qu’après fusion (9 millions d’€). Par contre, la VA, brute ou nette, ne change
pas avant et après la fusion. Donc, il est préférable d’utiliser la VA car elle n’entraîne pas de
doubles comptes des productions et elle n’est pas dépendante de la structure industrielle.

36
Chapitre 2 :
Les diverses utilisations de la production :
l’équilibre au bout du compte

Plan

Les diverses utilisations de la production


1.1. La consommation
1.1.1. La consommation finale (CF)
1.1.2. La consommation productive
1.2. L’investissement
1.2.1. La formation brute de capital fixe (FBCF)
1.2.2. La variation des stocks (VS)
1.2.3. Les acquisitions nettes d’objets de valeur (OV)
1.3. Les opérations avec le reste du monde

L’équilibre ressources-emplois des produits et le PIB selon l’optique de la demande


1.1. L’égalité ressources-emplois : un équilibre comptable
1.1.1. Les ressources et les emplois en produits
1.1.2. L’équilibre ressources-emplois en produits
1.1.3. Passage de l’ERE pour un bien i à un ERE agrégé à l’ensemble des biens au prix d’acquisition
1.2. Le PIB selon l’optique de la demande et contributions au PIB
1.2.1. Le PIB sous l’angle de la demande
1.2.2. La contribution des composantes de la demande au PIB

Le tableau entrées-sorties (TES) : synthèse des opérations sur produits et méso-analyse


de la production
1.3. L’architecture du TES
1.3.1. Le tableau des ressources en produits (T1)
1.3.2. Tableau des entrées intermédiaires (T2)
1.3.3. Tableau des emplois finals (T3)
1.3.4. Compte de Production et d’Exploitation des branches (T4)
1.3.5. Illustration : le TES en 2017
1.4. Le modèle « input-output » de Leontief et les utilisations du TES
1.4.1. Le modèle « input-output » de Leontief à l’origine du TES
1.4.2. Les coefficients techniques et la description du système productif
1.4.3. Illustration : la matrice des coefficients techniques du TES en 2017
1.4.4. Les coefficients techniques et la prévision économique

37
Dans ces deux premiers chapitres, nous abordons, à partir de la comptabilité nationale
(CN), l’image de l’économie comme système productif dont les sujets sont les branches. Si
dans le chapitre 1, il a été question de savoir quelles sont les quantités de produits dont
dispose l’économie, dans ce chapitre 2, nous nous intéressons aux différentes utilisations
auxquelles ces produits sont affectés. Cela nous permettra ensuite d’aborder la relation
entre la richesse créée et ses utilisations à travers l’égalité entre les ressources et les
emplois sur les biens et services. La réalisation de cette égalité entre ce qui est produit et
ce qui est utilisé se trouve notamment au cœur de la théorie de l’équilibre
macroéconomique. Enfin, cet équilibre et l’analyse détaillée des opérations sur biens et
services et du processus de production de l’économie seront présentés dans un tableau de
synthèse, à savoir le tableau Entres-Sorties (TES).

Les diverses utilisations de la production


Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux diverses utilisations possibles des produits (biens
et services) disponibles dans l’économie. En CN, ces opérations économiques font aussi partie
de la catégorie des opérations sur produits, et elles sont regroupées en 7 catégories selon
l’utilisation du produit (la consommation finale, la consommation intermédiaire, la
consommation de capital fixe, la FBCF, la variation des stocks, les acquisitions nettes d’objet
de valeur, les exportations) que l’on va classer ici en 3 grands types (la consommation,
l’investissement et les opérations avec le Reste du Monde).

1.4. La consommation

La consommation correspond à la valeur des produits destinés à disparaître immédiatement ou


progressivement, par destruction ou par transformation, à travers leur utilisation. En CN, il n’y
a de consommation que de biens et services produits, excluant donc la consommation de
certains facteurs de production comme la terre ou le travail qui seront pris en compte au travers
de leur rémunération (salaire, loyer des terrains non bâtis).

Deux types de consommation peuvent être distingués : la consommation finale et la


consommation productive.

1.4.1. La consommation finale (CF)

La consommation finale est la valeur des biens et services produits utilisés pour la satisfaction
directe des besoins humains, individuels et collectifs. Elle concerne donc principalement les
ménages mais également les producteurs non marchands (APU et ISBLSM) qui leur fournissent

38
gratuitement ou presque un certain nombre de biens et services et en supportent le coût. Les
sociétés financières et non financières, n’ont pas de consommation finale.

Exemple : Un ménage qui achète un sandwich 4€, dépense pour 4€ de consommation finale.
Un ménage qui prend un repas, dont le coût est évalué à 4€, aux Restos du cœur, consomme 4€
de repas mais ne dépense rien car c’est l’association qui supporte les 4€ de dépenses de
consommation.

a. Les différents types de consommation finale

-La consommation individuelle des ménages qui correspond aux achats de biens (sauf les
achats de logements) et les achats de services par les ménages.

On y ajoute la production non marchande payée par les ménages à un « prix économiquement
non significatif », c’est-à-dire les paiements partiels aux APU et aux ISBLSM pour les biens et
services non marchands individualisables qu’elles leur fournissent comme les frais
d’inscription à l’université, ticket d’entrée au musée national ou à la piscine municipale…

Y figure aussi la consommation finale issue de la production pour emploi final propre comme
les services de logement produits par les propriétaires-occupants, les services domestiques
résultant de l’emploi de personnel rémunéré… Les services domestiques effectués directement
par les ménages ne sont pas comptabilisés comme de la production donc sont exclus de leur
consommation finale.

-La consommation individuelle des APU et des ISBLSM qui se compose pour l’essentiel de
ce qu’on appelle les transferts sociaux en nature, à savoir les biens et surtout les services, non
marchands, à caractère individuel, fournis gratuitement ou presque aux ménages.

Elle correspond au montant des dépenses consacrées par les APU à l’achat de biens et services
marchands, en vue de leur transfert, sans transformation, aux ménages. Les plus importants de
ces transferts sont les prestations sociales en nature fournies par les APU, principalement les
soins de santé fournis directement ou remboursés aux ménages par les administrations
compétentes (hôpitaux publics, organismes de sécurité sociale, etc.).

Elle comprend également tous les autres services individualisables rendus aux ménages par les
APU et les ISBLSM qui correspond à la valeur de leur production non marchande (service
public d’enseignement, services sociaux fournis par les crèches municipales, repas servis par
les Restos du cœur etc.).

39
-La consommation collective qui est la consommation, par les ménages, de services non
marchands non individualisables rendus par les administrations à la collectivité tout entière (la
défense nationale, la justice …).

b. Les deux concepts de consommation finale : dépense de consommation finale et


consommation finale effective

Les différents types de consommation finale précédents donnent lieu à deux concepts qui visent
à identifier respectivement qui (quels secteurs institutionnels) supportent les dépenses de
consommation finale en question, on parle alors de dépense de consommation finale, et qui en
bénéficient effectivement, on parle dans ce cas de consommation finale effective.

Dépense de consommation finale

Il s’agit des dépenses de consommation finale supportées par les secteurs institutionnels, qu’ils
en soient ou non les bénéficiaires. Selon cette logique nous distinguons donc :

-La dépense de consommation finale des ménages, qui correspond au total de leurs dépenses
de consommation individuelle.

-La dépense de consommation finale des APU et des ISBLSM, qui correspond au total de leurs
dépenses de consommation individuelle et la consommation collective. La consommation de
ces biens et services non marchands est donc portée non au compte des ménages (à défaut d’être
aisément répartie entre eux) mais à celui des APU et ISBLSM (pour une portion minime).

Consommation finale effective

Il s’agit du montant des biens et services de consommation finale dont bénéficient effectivement
les secteurs institutionnels, qu’ils aient fait l’objet ou non d’une dépense de leur part. Selon
cette logique, nous distinguons :

-La consommation finale effective des ménages ou individuelle, qui réaffecte aux ménages les
transferts sociaux en nature, correspondant à la dépense de consommation individualisable des
APU et des ISBLSM.

-La consommation effective des APU ou collective, qui attribue, par défaut, aux
administrations publiques la part de dépense de consommation finale associée aux services dont
bénéficient tous les membres de la collectivité qu’il n’est pas possible de répartir entre eux. Il
s’agit essentiellement des dépenses collectives des administrations publiques en matière de

40
sécurité et de défense, de maintien de l’ordre public, de législation et de réglementation, de
protection de l’environnement etc.

Le tableau 2.1 synthétise ces différentes notions de consommation finale.

Tableau 2.1 : La consommation finale

Secteur qui effectue la dépense


Ménages APU ISBLSM Total
Consommation Consommation Consommation Consommation Consommation
finale individuelle des individuelle des individuelle des finale effective
individuelle ménages APU (transferts ISBLSM des ménages ou
sociaux en (transferts individuelle
nature) sociaux en
nature)
Consommation - Consommation - Consommation
finale collective collective effective des
(services APU ou
collectifs) collective
Total Dépense de Dépense de Dépense de Consommation
consommation consommation consommation effective totale
finale des finale des APU finale des = Dépense de
ménages ISBLSM consommation
finale

1.4.2. La consommation productive

Elle concerne tous les agents producteurs et correspond à la valeur de biens utilisés pour générer
un autre bien économique au cours du processus de production. On distingue deux types de
consommation productive selon la durée de vie du bien utilisé dans le processus productif : la
consommation intermédiaire et la consommation de capital fixe. Pour les distinguer, on se
réfère au cycle de production qui correspond à une année.

c. La consommation intermédiaire (CI) :

C’est la valeur de biens et services intégralement consommés ou transformés au cours d’un


cycle de production en vue de créer d’autres biens ou services. Ces biens et services

41
intermédiaires disparaissent donc au cours du processus de production soit par destruction
(comme l’électricité ou l’essence), soit par incorporation (en l’état comme pour les pneus pour
fabriquer les vélos ou après transformation comme les planches pour fabriquer un meuble). On
parle aussi de capital circulant.

Par extension, on inclut dans les biens et services intermédiaires le petit outillage, des biens de
production durables mais de faible valeur (outils à main, calculatrices de poche etc.) ; les
travaux d’entretien et de réparation des machines ; les intérêts et autres services
d’intermédiation financière payés par les unités productrices. Sont exclus de la consommation
intermédiaire, les services collectifs fournis par les APU (comptabilisés en dépense de
consommation finale des APU en raison de leur indivisibilité) ; les produits non marchands.

d. La consommation de capital fixe (CCF)

La CCF représente la dépréciation subie, au cours d’un cycle de production, par le capital fixe
(un produit dont la durée de vie est supérieure à un an) par suite d’usure normale et
d’obsolescence prévisible ou encore à la suite de dommages accidentels assurables (dégâts
d’incendie, d’eau etc.). A chaque cycle de production, une partie du capital fixe va ainsi être
transférée dans le processus de fabrication d’un autre bien et service et il va perdre
progressivement de la valeur. Synonyme d’amortissement économique, la consommation de
capital fixe représente symétriquement le montant nécessaire à chaque période pour compenser
cette perte de valeur.

L’ensemble des biens et services utilisés au cours d’une période peuvent être donc classés parmi
ces trois types de consommation distingués par la CN (consommation finale, consommation
intermédiaire et consommation de capital fixe). Par défaut, le terme « consommation » sans
plus de précision fait référence à la consommation finale.

La consommation finale et la consommation intermédiaire sont évaluées au prix d’acquisition.


La consommation de capital fixe est évaluée de façon assez approximative sur la base des prix
de la période courante des biens d’équipement et en appliquant un taux d’amortissement
constant et une durée de vie fixée selon des règles conventionnelles.

1.5. L’investissement

Au sens large, l’investissement correspond à une dépense immédiate en vue de maintenir,


d’améliorer et/ou d’accroître ses capacités de production. Seuls les producteurs sont concernés
42
par cette notion. Le terme d’« investissement », bien que très parlant, n’appartient pas au
vocabulaire de la comptabilité nationale à cause de son ambiguïté, pouvant désigner autant un
investissement en actifs réels (machines) qu’un investissement en actifs financiers (titres). En
CN, l’investissement en tant qu’opération sur produits s’appelle formation brute de capital
(FBC). Elle comprend trois types d’opérations.

1.5.1. La formation brute de capital fixe (FBCF)

La FBCF recouvre les acquisitions moins les cessions d’actifs fixes réalisées par les unités
productrices résidentes au cours de la période. Les actifs fixes peuvent être corporels
(machines, bâtiments, équipement…) ou incorporels (logiciel, prospection minière et
pétrolière, recherche et développement …). Les acquisitions correspondent (i) à l’achat par les
producteurs d’actifs fixes, neufs ou d’occasion ; (ii) à la conservation par le producteur d’actifs
fixes pour son propre usage (acquisition ou construction de logements par les propriétaires-
occupants) ; (iv) ainsi qu’aux améliorations majeures apportées aux actifs fixes existants
(travaux de rénovation, de reconstruction, d’agrandissement… excluant les travaux ordinaires
d’entretien ou de réparation d’actifs fixes relevant de la consommation intermédiaire). Les
actifs fixes vendus ou cédés (souvent des matériels d’occasion) sont pris en compte en tant que
variation négative dans la FBCF.

La FBCF est dite brute car elle correspond au flux total de l’investissement et intègre la
consommation de capital fixe qui permet de compenser la dépréciation du stock de capital
existant par le remplacement du capital fixe usé ou obsolète, c’est-à-dire l’investissement de
remplacement ou de renouvellement qui maintient la valeur du stock de capital. En soustrayant
de la FBCF la consommation de capital fixe, on obtient la formation nette de capital fixe
(FNCF), qui correspond à l’investissement net, ou nouveau, et qui nous renseigne sur la
véritable augmentation du stock de capital disponible (𝐹𝑁𝐶𝐹 = 𝐹𝐵𝐶𝐹 – 𝐶𝐶𝐹).

1.5.2. La variation des stocks (VS)

La VS est la différence entre les entrées en stocks et les sorties de stocks et des éventuelles
pertes courantes sur les stocks (détériorations physiques, dommages accidentels ou les vols).
La variation positive traduit une augmentation des stocks et une variation négative une
diminution. Tous les biens détenus par une unité productrice, sauf les biens de capital fixe, sont
comptés en stocks : produits finis, semi-finis et bruts. En pratique, les données distinctes
d’entrée et de sortie de stocks sont rares et les pertes courantes sur les stocks ainsi que les
variations des prix sont difficiles à mesurer. La méthode généralement retenue pour évaluer la

43
variation des stocks d’un produit consiste à multiplier la variation de leur volume par les prix
moyens de la période.

1.5.3. Les acquisitions nettes d’objets de valeur (OV)

Les acquisitions moins les cessions d’objets de valeur concernent les biens utilisés ni à la
production ni à la consommation, ne se détériorent pas avec le temps et détenus à titre de réserve
de valeur : pierres et métaux précieux, bijoux, antiquités, objets d’art et de collection etc. Ce
poste concerne exclusivement les ménages et peut par ailleurs être négligé dans une optique
macro-économique pour son très faible montant1.

La FBC correspond donc à l’investissement « total » qui englobe ces trois composantes :
𝐹𝐵𝐶 = 𝐹𝐵𝐶𝐹 + 𝑉𝑆 + 𝑂𝑉.

La FBCF et les OV sont évaluées au prix d’acquisition, et les VS au prix de base ou au prix
d’acquisition selon la nature du produit.

1.6. Les opérations avec le reste du monde

Les exportations (X) sont une autre utilisation possible de la production. Elles correspondent
aux transferts définitifs de biens et services, à titre onéreux ou gratuits, de la France vers le reste
du monde. Les importations (M) sont les transferts en sens inverse. Si par définition, il s’agit
de transferts entre unités résidentes et unités non-résidentes, certains produits peuvent ne pas
franchir la frontière nationale pour qu’ils soient exportés ou importés (exemples : achats d’un
touriste étranger en France, achats d’un touriste français à l’étranger).

La différence entre exportations et importations (exportations nettes) est appelée solde de la


balance commerciale ou solde du commerce extérieur : si elle est positive, on a un excédent
commercial ou une balance commerciale excédentaire, si elle est négative, on parle de déficit
commercial ou de balance commerciale déficitaire.

Les exportations sont enregistrées FAB, c’est-à-dire Franco A Bord (prix de la marchandise au
départ de la France), et les importations CAF, c’est-à-dire Coût, Assurance, Fret (prix de départ
dans le pays de provenance plus les frais de transport, d’assurance etc.).

1
C’est pour cette raison que dans certains ouvrages, les OV ne sont pas prises en compte dans les analyses ou
intégrées à la FBCF pour simplifier.

44
L’équilibre ressources-emplois des produits et le PIB selon l’optique de la demande
En CN, l’équilibre ressources-emplois (ERE) est la base de la description des échanges de biens
et services sur un marché spécifique ou dans l’ensemble de l’économie. Cet équilibre décrit la
relation entre les quantités de biens et services créées et leur utilisation au sein de l’économie.

1.5. L’égalité ressources-emplois : un équilibre comptable

1.5.1. Les ressources et les emplois en produits

e. Les ressources en produits (cf. chapitre 1)

En ressources, nous avons la production totale réalisée au cours de la période qui correspond à
l’ensemble des biens et services disponibles au sein de l’économie qui ont deux origines :

-La production intérieure ou nationale provenant de l’ensemble des unités institutionnelles


productrices résidentes (notée P),

-La production extérieure ou étrangère provenant du reste du monde, c’est-à-dire les


importations (notées M)

𝑹𝒆𝒔𝒔𝒐𝒖𝒓𝒄𝒆𝒔 = 𝑷 + 𝑴

f. Les emplois en produits

En emplois, nous avons les diverses utilisations de l’ensemble des biens et services disponibles
dans l’économie (vues précédemment) :

-par les résidents : consommation finale (CF), consommation intermédiaire (CI), formation
brute de capitale fixe (FBCF), variation de stocks (VS) ou acquisitions nettes d’objets de valeur
(OV).

-par les non-résidents, au titre des exportations (X).

𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒊𝒔 = 𝑪𝑭 + 𝑪𝑰 + 𝑭𝑩𝑪𝑭 + 𝑽𝑺 + 𝑶𝑽 + 𝑿

1.5.2. L’équilibre ressources-emplois en produits

Tous les produits disponibles dans l’économie (les ressources) ont donc nécessairement un
emploi, immédiat ou différé (cf. VS), et tous les produits utilisés proviennent de quelque part.

C’est ce que traduit l’égalité ressources-emplois :

45
𝐏 + 𝐌 = 𝐂𝐅 + 𝐂𝐈 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕 + 𝐗

C’est une égalité fondamentale au niveau économique, l’ERE des produits est toujours vérifié,
c’est un équilibre comptable non un équilibre économique.

Cet ERE agrégé à l’ensemble des biens est le produit de la somme des ERE de chaque bien i de
l’économie qui s’écrit :

𝐏𝐢 + 𝐌𝐢 = ∑ 𝐂𝐈𝐢𝐣 + 𝐂𝐅𝐢 + 𝐅𝐁𝐂𝐅𝐢 + 𝐕𝐒𝐢 + 𝐎𝐕𝐢 + 𝐗 𝐢


𝐣

Dans une économie, cet ERE est une égalité en quantités physiques (i.e. en volume). Le
problème est que les grandeurs de part et d’autre du signe égal ne sont pas évaluées de la même
façon. Pour obtenir un ERE « harmonisé » et assurer l’équilibre en volume et en valeur (i.e. en
quantités monétaires), certaines corrections doivent être apportées.

1.5.3. Passage de l’ERE pour un bien i à un ERE agrégé à l’ensemble des biens au
prix d’acquisition

L’ERE d’un produit s’écrit :

Pi + Mi = ∑ CIij + CFi + FBCFi + VSi + OVi + Xi


j

La P est au prix de base, les M sont CAF et tous les emplois sont au prix d’acquisition. Ainsi,
pour assurer l’équilibre, il faut corriger de façon à ce que ressources et emplois soient mesurés
au même étalon. En corrigeant les ressources (en ajoutant les marges commerciales MC, les
marges de transfert MT, les impôts sur les produits IP et en retranchant les subventions sur les
produits IP) l’ERE au prix d’acquisition (prix de marché) s’écrit pour chaque bien i :

Pi + Mi + MCi + MTi + IPi − SPi = ∑ CIij + CFi + FBCFi + VSi + OVi + Xi


j

En additionnant les ERE de tous les produits, on obtient un équilibre général après corrections
qui s’écrit :
𝐏 + 𝐌 + 𝐈𝐏 − 𝐒𝐏 = 𝐂𝐈 + 𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕 + 𝐗
Dans cette écriture de l’ERE agrégé :
-on a enlevé les signes de sommation : par exemple CF = ∑i CFi
-Au niveau agrégé, les marges sont intégrées dans la P : P = ∑i Pi + ∑i MCi + ∑i MTi

46
1.6. Le PIB selon l’optique de la demande et contributions au PIB

1.6.1. Le PIB sous l’angle de la demande

L’ERE des produits permet d’obtenir une relation importante pour apprécier la situation d’une
économie. Toutefois, l’écriture de l’ERE précédente n’est pas très intéressante. Cet équilibre
ne nous renseigne pas réellement sur les quantités dont dispose l’économie nationale pour les
différents emplois finals, c’est-à-dire la somme des ventes finales nettes effectuées par les
agents économiques et donc la richesse nouvelle créée. En effet, une partie des ressources,
correspondante à la consommation intermédiaire, est utilisée pour produire ces mêmes
ressources.

En réécrivant l’équation de l’équilibre général précédente en passant la CI à gauche du signe


égal et les M à droite, nous obtenons :

𝐏 − 𝐂𝐈 + 𝐈𝐏 − 𝐒𝐏 = 𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕 + 𝐗 − 𝐌

Or, comme la définition de la VA (cf. chapitre 1) est : 𝑃 − 𝐶𝐼 = 𝑉𝐴 ;

Et que la VA augmentée des IP et nettes des SP donne la VAB qui correspond au PIB, nous
savons qu’à gauche du signe égal, nous avons l’expression du PIB sous l’angle du produit ou
encore le PIB mesuré par l’offre : 𝐏 − 𝐂𝐈 + 𝐈𝐏 − 𝐒𝐏 = 𝑽𝑨𝑩 = 𝑷𝑰𝑩. Le PIB correspond selon
cette optique (vue en chapitre 1) à la valeur, au prix d’acquisition, des biens et services produits
par des unités résidentes.

La réécriture de l’ERE nous indique que ces produits sont disponibles pour des emplois finals
nets des importations, c’est-à-dire que la richesse produite dans l’économie est disponible pour
les utilisations indiquées à droite du signe égal.

Elle fait ainsi apparaitre une autre expression du PIB selon l’optique de la demande :

𝐏𝐈𝐁 = 𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕 + 𝐗 − 𝑴

Il s’agit de l’écriture la plus « connue » en macroéconomie qui exprime la relation la plus


synthétique entre les opérations sur biens et services d’une économie donnée. Elle offre un
cadre adéquat pour établir des prévisions économiques ou des comparaisons dans le temps
(entre trimestres ou années) et dans l’espace (entre territoires ou pays).

Cette expression indique que le PIB est donc nécessairement la somme de la demande
intérieure (𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕) et du solde extérieur (𝐗 − 𝑴), ou la somme des emplois finals
(CF + FBCF + VS + OV + X) moins les M.

47
1.6.2. La contribution des composantes de la demande au PIB

La relation entre le PIB et les différentes utilisations de ce dernier est particulièrement


importante, dans une analyse conjoncturelle, i.e. à court terme, pour comprendre le poids de
chacun des « moteurs » de la demande, dans la croissance économique. Toute variation de l’une
des composantes de la demande a un effet sur la croissance du PIB. Plus le poids d’un moteur
est relativement important dans la dynamique de création de richesse, plus une relance de la
croissance économique basée sur ce dernier aura un impact, à court terme, plus important sur
le PIB qu’une relance d’une autre composante moins contributive.

Tableau 2.2 : Le poids de chaque composante de la demande dans le PIB

France
Les agrégats 2015*(en Milliards d’€) 2015(%)
PIB 2181,1 100
CF 1723,4 79
FBCF 469,2 21,5
VS 18,0
X 651,9 29,9
M 685,0 -31,4
Solde Extérieur (X-M) 33,1 1,5
*Sans OV=0,6 milliard
Source : Percheron (2018), INSEE 2015

Dans le tableau 2.2, nous pouvons constater que le moteur consommation finale représente un
poids considérable de 80% du PIB en 2015. Une relance basée sur cette dernière aura donc, à
court terme, un impact plus important sur le PIB, qu’une relance de la FBCF ou du solde
commercial extérieur.

Par ailleurs, nous pouvons calculer les contributions à la croissance du PIB qui vont permettre
de comprendre l’origine de l’évolution de l’activité. Elles expriment le poids de chaque
composante de la demande globale (𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐎𝐕 + 𝐗 − 𝑴), en points de croissance
du PIB, dans l’évolution de ce dernier. Chaque contribution entre t et t-1 est calculée en
multipliant le taux de variation de la composante, exprimé en volume, par son poids dans le
PIB en volume à la période t-1.

48
Contribution à la croissance du PIB = Part dans PIB * taux de croissance du poste en %
𝑨𝒊(𝒕−𝟏) 𝑨𝒊(𝒕) −𝑨𝒊(𝒕−𝟏)
Pour une composante 𝑨𝒊 ∶ Contribution = 𝑷𝑰𝑩 ×
𝒕−𝟏 𝑨𝒊(𝒕−𝟏)

La croissance du PIB peut être décomposée en la somme des contributions de ses différentes
composantes.

𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑐𝑟𝑜𝑖𝑠𝑠𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑃𝐼𝐵 = ∑ 𝐶𝑜𝑛𝑡𝑟𝑖𝑏𝑢𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑐𝑜𝑚𝑝𝑜𝑠𝑎𝑛𝑡𝑒𝑠 𝐴𝑖

Tableau 2.3 : Le PIB et les opérations sur biens et services

Évolution en volume
aux prix de l’année 2020
précédente (en %)
En Évolution Évolution Contribution à
2018 2019 2020 milliards des prix en valeur la croissance du
d'euros (en %) (en %) PIB en volume

Produit intérieur brut (PIB) 1,9 1,8 -7,9 2 302,9 2,5 -5,5 -7,9
Importations 3,1 2,3 -11,9 688,4 -1,6 -13,2 -3,9
Total des emplois finals 2,2 2,0 -8,8 2 991,3 1,6 -7,4 -11,7
Consommation effective des ménages 0,9 1,5 -6,6 1 601,2 2,5 -4,2 -4,5
dont :
dépense de consommation des ménages 1,0 1,8 -7,1 1 175,0 0,6 -6,5 -3,6
individualisable des administrations 0,7 0,6 -4,9 377,5 8,8 3,5 -0,7
Consommation collective des 0,9 1,8 -0,1 199,8 2,3 2,3 0,0
administrations publiques
Formation brute de capital fixe, dont : 3,3 4,0 -8,6 528,8 1,1 -7,6 -2,0
entreprises non financières 4,3 2,6 -7,7 296,7 0,7 -7,0 -1,0
ménages 1,8 2,8 -12,1 118,4 2,2 -10,2 -0,7
administrations publiques 3,2 9,0 -4,1 86,1 0,9 -3,3 -0,2
Variations de stocks (contribution à la
0,0 0,0 -0,2 19,5 0,0 0,0 -0,2
croissance)
Exportations 4,5 1,6 -15,8 641,9 -1,0 -16,6 -5,0

Source : Insee (2021), comptes nationaux, base 2014.

Dans le tableau 2.3 ci-dessus (tiré du document Insee Première N°1860 publié en mai 2021), qui
relate la situation économique de la France pendant la crise du confinement en 2020, nous
pouvons constater le recul vertigineux de l’activité et les contributions des composantes de la
demande à la baisse du PIB, que nous trouvons à la dernière colonne du tableau. L’analyse de
ces contributions nous permet de comprendre l’origine du ralentissement économique suite à la
crise du covid19.

49
En 2020, le PIB a donc chuté de 7,9% et la consommation des ménages a contribué pour plus
de la moitié à cette baisse (-4,5 points), en plus de l’investissement (-2,0 points) et du solde
extérieur (-1,1 points) ; la contribution des variations de stocks a été légèrement négative (-0,2
point).

La contribution de chaque composante (dans la dernière colonne) a été calculée à partir de la


formule précédente, en pondérant le taux de variation de la composante (dans la colonne
évolution en % et en volume de 2020) par son poids dans le PIB en volume en 2019 (données
non disponibles directement dans ce tableau2).

Document 2.1 : extrait Insee Première N°1860 (2021)

Pour plus d’informations sur les branches et les secteurs d’activités les plus touchés par la crise et sur
l’évolution détaillée des différents postes des emplois finals ainsi que celle d’autres agrégats sur cette période,
lire le document Insee Première N°1860 de mai 2021 :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/5387891#graphique-figure2
Vous pouvez, en vous référant aux notions vues dans le chapitre 1 et le chapitre 3 comprendre l’information
économique et les commentaires contenus dans ce document.

La figure 2.1 (qui est une représentation graphique des données du tableau dans la figure 2.2),
nous permet de constater l’ampleur et le caractère exceptionnel du recul de l’activité pendant
la crise, et d’apprécier en situation « normale » le rôle des différents moteurs de la croissance
économique en France.

2
Les valeurs en volume du PIB et de ses composantes de 2019 s’obtiennent en divisant les valeurs en volume de
2020 de chaque grandeur par (1-taux de croissance).

50
Nous pouvons constater que les années précédant la crise, l’économie française a connu une
petite embellie avec un taux de croissance avoisinant les 2% après une période de croissance
faible. Durant cette période, la consommation et l’investissement sont les deux principaux
moteurs de la croissance économique.

De par son poids dans le PIB, la consommation est de manière structurelle le moteur le plus
stable (par la stabilité des comportements de consommation) et contribue très fortement à
stabiliser la croissance économique, à la hausse comme à la baisse ; comme nous pouvons le
remarquer en 2020.

Le moteur FBCF tire également à parts quasi égales la croissance économique mais avec une
certaine inconstance. Sa contribution est faible lors des phases de ralentissement économique
ou de récession et, à l’inverse, elle est particulièrement élevée lors des phases de reprise ou de
croissance économique. Notons que ce moteur est stratégique en termes de modernisation de
l’appareil productif – qui aura un impact sur la compétitivité à long terme, comme débouché au
secteur des biens d’équipement ainsi qu’en termes de création d’emploi.

Figure 2.1 : Evolution du PIB en volume et contributions à cette évolution (Graphique)

Le moteur de la VS est complexe à analyser en termes de dynamique économique et nécessite


une connaissance fine de la conjoncture. Notons toutefois le caractère relativement procyclique

51
de ses contributions, c’est-à-dire à tendance positives en période croissance et négatives en
période de récession.

Le moteur du solde extérieur est également complexe à analyser. En France, sa contribution est
traditionnellement négative. Une amélioration de son impact sur la croissance peut résulter de
deux tendances (qui peuvent être combinées) : une hausse des X ou une baisse des M. La
première (hausse des X) peut traduire une amélioration de la compétitivité du pays. En
revanche, la deuxième (baisse des M) peut traduire un ralentissement de la demande interne.

Figure 2.2 : Evolution du PIB en volume et contributions à cette évolution (Tableau)

Le tableau entrées-sorties (TES) : synthèse des opérations sur produits et méso-analyse3


de la production
Le TES est un tableau de synthèse de la CN, publié chaque année avec le TEE (le Tableau
Economique d’Ensemble, cf. chapitre 3). Il s’agit d’un ensemble de tableaux d’échanges
interindustriels qui permet une analyse désagrégée de la production selon la nature des produits.
Il permet également l’analyse des processus de production des différentes branches, plus
précisément de l’interdépendance entre ces dernières (dans le TEE, la production est évaluée
globalement, sans que la nature des produits soit prise en considération). Le TES s’appuie sur
un découpage de l’ensemble des produits et des unités de production en grandes catégories
homogènes qui se correspondent (voir la nomenclature de produits, de branches et d’activités
dans le chapitre 1.). Il est construit sur la base d’une présentation croisée des comptes de
production des branches et des produits. Il permet ainsi de décrire l’ERE pour les produits et
les branches. Schématiquement, le TES se présente comme un ensemble articulé de quatre

3
La méso-analyse correspond à une analyse située à mi-chemin ou intermédiaire entre l’analyse totalement agrégée
ou macro-analyse et l’analyse détaillée ou micro-analyse.

52
tableaux, illustrés dans la figure 2.3 où les lignes représentent les produits et les colonnes les
branches.

Figure 2.3 : La structure simplifiée du TES

T1 : Tableau des ressources T2 : Tableau des entrées T3 : Tableau des emplois


en produits intermédiaires finals

T4 : Compte de Production
et d’Exploitation des
branches

1.7. L’architecture du TES

Nous allons présenter ici la structure de chaque tableau composant le TES.

1.7.1. Le tableau des ressources en produits (T1)

Pour chaque type de produit i, chaque ligne de ce tableau présente l’origine des ressources
(Pi et Mi ), dont la somme en donne une évaluation au prix de base. En corrigeant ces ressources,
en ajoutant les différentes marges et les impôts sur les produits et en retranchant les subventions
sur les produits, on obtient une évaluation au prix d’acquisition (Pi + Mi + MCi + MTi + IPi −
SPi ), à la dernière colonne. Le total de chaque opération en colonne, pour les n produits, se
trouve à la dernière ligne. Et le total des ressources dans l’économie correspondant à la somme
des différentes opérations de chaque produit se trouve à la dernière case de la dernière colonne.

Tableau des ressources en produits (T1)

Produit i 𝐏𝐢 𝐌𝐢 Total 𝐌𝐂𝐢 𝐌𝐓𝐢 𝐈𝐏𝐢 𝐒𝐏𝐢 Total des ressources


(avec i = 1 à n) (au prix de (au prix d’acquisition)
base)
1 P1 M1 P1 + M1 MC1 MT1 IP1 SP1 R1
=Pi + Mi + MCi + MTi + IPi − SPi

… … … … … … … … …
n P𝑛 M𝑛 P𝑛 + M𝑛 MC𝑛 MT𝑛 IP𝑛 SP𝑛 R𝑛
Total des ∑ 𝑃𝑖 ∑ 𝑀𝑖 ∑ 𝑃𝑖 + 𝑀𝑖 ∑ 𝑀𝐶𝑖 ∑ 𝑀𝑇 ∑ 𝐼𝑃𝑖 ∑ 𝑆𝑃𝑖 ∑ 𝑅𝑖 = 𝑅
ressources

1.7.2. Tableau des entrées intermédiaires (T2)

Ce tableau, qui constitue le cœur du TES, représente le système productif comme un ensemble
de branches se livrant mutuellement des CI. Il permet de décomposer la consommation
53
intermédiaire du produit et de décrire l’interdépendance entre les branches. Chaque case du
tableau fait apparaître la 𝑪𝑰𝐢𝐣 qui correspond à la consommation intermédiaire d’un produit i
par la branche j ; l’indice i est toujours l’indice du produit et j l’indice de la branche.

Exemple : 𝑪𝑰𝟏𝟐 = consommations intermédiaires de la branche 2 en produit 1

Tableau des entrées intermédiaires (T2)

Branche j 1 … n TOTAL
(avec j = 1 à n)
Produit i
(avec i = 1 à n)
1 𝐶𝐼11 𝐶𝐼1𝑛 CI du produit 1

∑ 𝐶𝐼1𝑗

… … … … …

n 𝐶𝐼1𝑛 𝐶𝐼𝑛𝑛 CI du produit n

∑ 𝐶𝐼𝑛𝑗

TOTAL CI de la branche 1 CI de la branche n ∑ 𝐶𝐼


∑ 𝐶𝐼𝑖1 ∑ 𝐶𝐼𝑖𝑛

Chaque ligne, associée à un produit i, indique, pour chaque produit i, l’emploi de ce dernier par
les différentes branches j en consommation intermédiaire. La dernière case à la fin de chaque
ligne correspond au total des emplois en consommation intermédiaire de chaque produit i.

Chaque colonne, associée à une branche j, indique la consommation intermédiaire de produit i


effectuée par la branche j. La dernière ligne de chaque colonne indique le total des
consommations intermédiaires des n produits de chaque branche.

En totalisant les lignes et les colonnes, on aura la somme des consommations intermédiaires
des produits qui est égale à la somme des consommations intermédiaires des branches.

1.7.3. Tableau des emplois finals (T3)

Si le tableau T2, présente la première utilisation des ressources en produit i sous forme de CI
par les différentes branches, le tableau des emplois finals T3 le complète en analysant les autres
utilisations par les différents secteurs institutionnels, à savoir la consommation finale 𝑪𝑭𝐢 , la
formation brute de capital fixe 𝑭𝑩𝑪𝑭𝐢 , les variations des stocks 𝑽𝑺𝐢 et les exportations 𝑿𝐢 .

54
Tableau des emplois finals (T3)

Produit i CI des SIR* FBCF des SIR VS X Total des emplois Total des emplois
(avec i = 1 à n) finals
1 𝐶𝐼1 𝐹𝐵𝐶𝐹1 𝑉𝑆1 𝑋1 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 1 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 1+∑ 𝐶𝐼1

n 𝐶𝐼𝑛 𝐹𝐵𝐶𝐹𝑛 𝑉𝑆𝑛 𝑋𝑛 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 1 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 1+∑ 𝐶𝐼1

Total par ∑ 𝐶𝐼 𝑑𝑒𝑠 𝑆𝐼𝑅 ∑ 𝐹𝐵𝐶𝐹 𝑑𝑒𝑠 𝑆𝐼𝑅 ∑ 𝑉𝑆 ∑𝑋 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 ∑ 𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑙𝑠 + ∑ 𝐶𝐼

opération
Note : SIR = Secteurs institutionnels résidents

L’avant dernière colonne du tableau T3 indique le total des emplois finals de chaque produit i,
et la dernière colonne (Total des emplois) le total des emplois finals et des consommations
intermédiaires de chaque produit, issues du tableau T2, évalués au prix d’acquisition. Nous
pouvons vérifier que le total des emplois est égal au total des ressources du tableau T1 (à la
dernière colonne).

A partir de ces trois tableaux, le TES nous fournit donc une présentation des ERE pour chaque
produit i (lecture en ligne) :

𝐏𝐢 + 𝐌𝐢 + 𝐌𝐂𝐢 + 𝐌𝐓𝐢 + 𝐈𝐏𝐢 − 𝐒𝐏𝐢 = ∑ 𝐂𝐈𝐢𝐣 + 𝐂𝐅𝐢 + 𝐅𝐁𝐂𝐅𝐢 + 𝐕𝐒𝐢 + 𝐗 𝐢


𝐣

Et d’un équilibre pour un produit i, nous pouvons passer à un équilibre global en additionnant
les ERE de tous les produits (en se référant à la dernière ligne des tableaux) :

𝐏 + 𝐌 + 𝐈𝐏 − 𝐒𝐏 = 𝐂𝐈 + 𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐗

Et aboutir à l’expression du PIB selon l’optique de la demande :

𝐏𝐈𝐁 = 𝐂𝐅 + 𝐅𝐁𝐂𝐅 + 𝐕𝐒 + 𝐗 − 𝑴

1.7.4. Compte de Production et d’Exploitation des branches (T4)

Le compte de production des branches indique, pour chaque branche j, sa production (au prix
de base), la somme de ses consommations intermédiaires (issues du tableau T2), et sa VAB
(au prix de base) :

𝐏𝐣 = 𝐂𝐈𝐣 + 𝐕𝐀𝐁𝐣

55
La richesse créée par chaque branche est donc 𝐕𝐀𝐁𝐣 = 𝐏𝐣 − 𝐂𝐈𝐣

La production totale des branches à la dernière ligne du tableau T4a correspond à la


production des produits (à la première colonne du tableau des ressources en produits T1).

La dernière case de la dernière ligne correspond donc à la somme des productions de chaque
branche j : Pbranches = ∑j Pj

Encadré 2.1 : Le compte de passage de la production des branches à la production


des produits
Sous le compte de production, en annexe de celui-ci (que nous ne présentons pas dans le
tableau T4 par simplification), est placé immédiatement un compte de passage de la
production des branches à la production des produits. Il existe en effet un léger écart entre
la production individuelle des branches et la production des produits dû à des transferts (TR)
entre certaines branches. A partir de ce compte de passage, on peut retrouver la production
des produits (dernière ligne du tableau T1) :

𝐏𝐢 = 𝐏𝐣 + 𝐓𝐑 𝐢

Le compte d’exploitation des branches complète le compte de production et indique comment


se répartit la VAB par branche entre le travail (la rémunération des salariés), les APU (impôts-
subventions) et le solde (EBE et revenus mixtes). Nous détaillerons la construction de ce
compte dans le chapitre 3.

Compte de production des branches (T4a)

CI des branches j 𝐶𝐼1 … 𝐶𝐼𝑛 ∑ 𝐶𝐼

VAB des branches 𝑉𝐴𝐵1 … 𝑉𝐴𝐵𝑛 ∑ 𝑉𝐴𝐵

Production totale Production totale de … Production totale de ∑𝑃

des branches la branche 1 la branche n

56
Compte d’exploitation des branches (T4b)

VAB des 𝑉𝐴𝐵1 … 𝑉𝐴𝐵𝑛 ∑ 𝑉𝐴𝐵


branches j
Rémunération Rémunération de la Rémunérations ∑ 𝑅é𝑚𝑢𝑛é𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠
des salariés branche 1 de la branche n
Impôts – Impôts – … Impôts – SP de la ∑ 𝐼𝑚𝑝ô𝑡𝑠 − 𝑆𝑃
Subventions sur Subventions sur la branche n
la production production
EBE et Revenus EBE et Revenus .. EBE+Rev. ∑ 𝐸𝐵𝐸
mixtes mixtes Mixtes de la
+ 𝑅𝑒𝑣. 𝑚𝑖𝑥𝑡𝑒𝑠
branche n

57
Figure 2.4 : Structure du TES

58
1.7.5. Illustration : le TES en 2017

Pour illustrer, examinons le TES de 2017 présenté dans la figure 2.4 ci-dessous, tiré du manuel
de Piriou et al. (2014).

Prenons l’exemple des produits industriels associés à la deuxième ligne du TES. L’ERE des
produits s’écrit :

𝐏𝟐 + 𝐌𝟐 + 𝐌𝐂𝟐 + 𝐌𝐓𝟐 + 𝐈𝐏𝟐 − 𝐒𝐏𝟐 = ∑ 𝐂𝐈𝟐𝐣 + 𝐂𝐅𝟐 + 𝐅𝐁𝐂𝐅𝟐 + 𝐕𝐒𝟐 + 𝐗 𝟐


𝐣

La partie gauche de l’égalité de l’ERE se lit à la deuxième ligne du tableau des ressources en
produits (T1) :

- La production des produits industriels est égale à 947 et leurs importations à 539, dont
la somme donne la valeur des ressources au prix de base.
- Pour passer au prix d’acquisition, on ajoute les marges commerciales (349) et de
transport (29), les impôts sur les produits (149), et retrancher les subventions sur les
produits (-9).
- La valeur des ressources au prix d’acquisition (2005) se trouve à la dernière colonne.

La partie droite de l’ERE se lit à la deuxième ligne du tableau des entrées intermédiaires (T2)
et le tableau des emplois finals (T3) :

- A la dernière colonne du tableau des entrées intermédiaires T2, on constate que les
produits industriels ont été utilisés comme CI par les différents producteurs (826).
- Le tableau des emplois finals T3 nous indique que les produits de l’industrie ont fourni
les dépenses de consommation finale des ménages (536) et des administrations (31), ont
servi à la FBC (131) et ont été exportés (480), soit au total 1178 d’emplois finals.
- La somme des CI et des emplois finals donne le total des emplois des produits industriels
qui est égal aux ressources (826 + 1178 = 2005).

L’analyse tableau des entrées intermédiaires T2 permet de décomposer la CI des produits


industriels :

- Une lecture en ligne (deuxième ligne) nous montre les débouchés des produits de
l’industrie à titre de CI de chaque branche. 826 de produits de l’industrie ont été utilisés
comme CI : par l’agriculture (28), par l’industrie elle-même (468), par la construction

59
(83), par les services principalement marchands (192) et par les services principalement
non marchands (56).
- Une lecture en colonne (deuxième colonne), nous indique la consommation
intermédiaire de la branche industrie en différents produits. Ainsi, pour produire, la
branche industrie a consommé en produits intermédiaires 40 de produits agricoles, 468
de produits industriels, 4 de produits de construction, 122 de services principalement
marchands et 5 de services principalement non marchands. Au total, l’industrie a donc
consommé pour 638 de produits de toutes les branches (dernière case de la colonne 2).
- Ce tableau montre l’interdépendance des branches : la valeur des CI qu’elles absorbent
(1986) correspond à la moitié de la valeur de leur production.
- La dernière ligne du T2 correspond à la première colonne du tableau T1.

Dans le Compte de Production et d’Exploitation des branches (T4), nous pouvons voir que
pour la branche industrie a dégagé 286 de VAB, obtenue par la différence entre la production
de la branche (924) et de sa CI (638). Cette VAB est répartie entre la rémunération des salariés,
l’EBE et les impôts sur la production et les imports.

Figure 2.4 : Le tableau des entrées-sorties en 2017 (en milliards d’euros)

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.49)

1.8. Le modèle « input-output » de Leontief et les utilisations du TES

1.8.1. Le modèle « input-output » de Leontief à l’origine du TES

60
Les premiers TES, appelés tableaux input-output, ont été inventés dans les années 1930 par
l’économiste américain d’origine russe, Wassily Leontief. Le modèle de Leontief vise à poser
et à résoudre le problème de détermination des productions à réaliser dans chaque branche,
compte tenu des emplois finals prévus pour chaque produit. Le modèle est donc orienté en
grande partie vers la planification de la production. C’est une méthode que Leontief a développé
dans le cadre d’une étude sur l’économie américaine où il a élaboré le premier tableau
d’échanges interindustriels, constituant la base de l’analyse entrées-sorties (input-output
analysis). Le TES peut donc être considéré comme un prolongement de la pensée de Leontief.

Ce modèle encore appelé modèle d’échanges inter-industriels ou modèle « Input-Output »


repose sur le calcul des coefficients techniques ou coefficients technico-économiques de
production qui sont estimés à partir des données du tableau des entrées intermédiaires (T2) du
TES (et celles du compte de production des branches T4a).

1.8.2. Les coefficients techniques et la description du système productif

Pour chaque branche, on peut calculer une série de coefficients techniques, notés 𝐚𝐢𝐣 , qui sont,
chacun, le rapport de la consommation intermédiaire de la branche j en un produit i (CIij dans
le tableau T2 du TES) à la production totale de la branche (Pj dans le tableau T4a du TES) :

𝐂𝐈𝐢𝐣
𝐚𝐢𝐣 =
𝐏𝐣

Il y a donc, par branche, autant de coefficients techniques qu’il y a de produits. Nous pouvons
alors, à partir du tableau des entrées intermédiaires (T2) du TES, déterminer l’ensemble des
coefficients techniques, que l’on présente dans un tableau appelé matrice des coefficients
techniques.

Matrice des coefficients techniques

Branche j 1 2 … n
(avec j = 1 à n)
Produit i
(avec i = 1 à n)
1 𝐶𝐼11 𝐶𝐼12 𝐶𝐼1𝑛
𝑎11 = 𝑎12 = 𝑎1𝑛 =
𝑃1 𝑃2 𝑃𝑛
2 𝐶𝐼21 𝐶𝐼22 … 𝐶𝐼2𝑛
𝑎21 = 𝑎22 = 𝑎2𝑛 =
𝑃1 𝑃2 𝑃𝑛
… … … … …

n 𝐶𝐼𝑛1 𝐶𝐼𝑛2 𝐶𝐼𝑛𝑛


𝑎𝑛1 = 𝑎𝑛2 = 𝑎𝑛𝑛 =
𝑃1 𝑃2 𝑃𝑛

61
Exemple : 𝒂𝟏𝟐 = 𝟎, 𝟐𝟓 indique que pour produire 1€ de produit 2, la branche 2 utilise
0,25€ de produit 1. Ou encore, pour produire, la branche 2 utilise le produit 1 et que
cette utilisation correspond à 25% de la production totale de la branche.

La matrice des coefficients techniques permet donc de décrire l’interdépendance entre les
branches de l’économie. La somme des coefficients techniques d’une branche (en colonne) peut
renseigner sur la dépendance d’une branche aux consommations intermédiaires, mais
également sur les effets d’entraînement de la branche sur l’activité des autres branches. Notons
que la VAB de la branche constitue l’autre part de sa production totale ; la somme des
coefficients techniques d’une branche et le rapport de sa VAB à sa production totale vaut par
VABj
conséquent 1 : aij + = 1.
Pj

1.8.3. Illustration : la matrice des coefficients techniques du TES en 2017

A partir du TES en 2017 de la figure 2.4, nous pouvons donc construire la matrice des
coefficients techniques présentée dans la figure 2.5.

Figure 2.5 : Matrice des coefficients techniques du TES 2017

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.53)

En prenant l’exemple de l’intersection de la première colonne de la branche 1 « agriculture » et


de la ligne 2 de produits industriels, le coefficient technique est 𝒂𝟐𝟏 = 𝟎, 𝟑𝟐𝟗. Il a été calculé
en rapportant la consommation intermédiaire de la branche « agriculture » en produits
industriels à la production totale de la branche « agriculture » (à partir des données des tableaux
T2 et T4a du TES 2017 de la figure 2.4)

𝐶𝐼21 28,2
𝒂𝟐𝟏 = = = 0,329
𝑃1 85,6

Ce coefficient technique indique que pour produire 1€ de produits agricoles, la branche


« agriculture » a consommé en moyenne 0,329€ de produits industriels. Ou bien, pour produire,

62
la branche « agriculture » utilise des produits industriels à hauteur de 33% de sa production
totale.

1.8.4. Les coefficients techniques et la prévision économique

En plus de décrire le système productif d’une économie et son évolution, le TES permet surtout
de réaliser de la prévision, de la planification et de la simulation économique.

Destiné principalement à la prévision économique, le modèle de Leontief repose tout d’abord


sur l’hypothèse générale que l’avenir n’est pas entièrement aléatoire mais est en partie
déterminé par les structures existantes. Les prévisions de production, dans le cadre du modèle
de Leontief, consistent à estimer la production future en supposant stable la structure de
production. Telle est donc l’hypothèse principale du modèle de Leontief : stabilité de la
structure productive. Cette hypothèse consiste à définir des coefficients techniques de
production et à les supposer constants pendant une période au moins égale à l’horizon de la
prévision.

La matrice des coefficients techniques, définie précédemment, qui est censée refléter les
techniques de production, est donc supposée constante à court terme, c’est-à-dire toute la
période de prévision.

Dès lors, les coefficients permettent de déterminer comment toute variation de la demande
finale peut affecter la production. De même, le modèle permet de montrer comment toute
variation de la production peut impacter la demande finale.

En partant de la condition d’égalité des emplois et des ressources d’un produit d’une branche,
nous avons de façon simplifiée :

𝐏𝐢 = ∑𝐣 𝐂𝐈𝐢𝐣 + 𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒊𝒔 𝒇𝒊𝒏𝒂𝒍𝒔𝐢 (les emplois finals incluant ici le solde commercial)

CIij
Comme aij = alors, CIij = aij × Pj
Pj

L’ERE précédent peut s’écrire :

𝐏𝐢 = ∑ 𝐚𝐢𝐣 × 𝐏𝐣 + 𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒊𝒔 𝒇𝒊𝒏𝒂𝒍𝒔𝐢


𝐣

Dans une économie à n branches, on peut avoir une forme plus générale de cette équation :

𝒀 = 𝑨𝒀 + 𝒁

63
Où Y est désigne le vecteur des productions, A est la matrice des coefficients techniques et Z
le vecteur des emplois finals.

Ainsi, si on fixe un objectif d’utilisation finale (vecteur Z), i.e. si les emplois finals sont donnés,
on peut déterminer la production de chaque branche (vecteur Y).

𝒀 = |𝟏 − 𝑨|−𝟏 × 𝒁

Inversement, si les objectifs de production de l’économie pour chaque branche sont connus
(vecteur Y), on peut déterminer les utilisations finales (vecteur Z).

𝒁 = |𝟏 − 𝑨| × 𝒀

A partir du modèle de base de Leontief, le TES est un outil de simulation de l’activité


économique qui permet d’étudier les effets directs et indirects, branche par branche, produit par
produit, sur les prix et les quantités, d’évènements affectant l’économie : la variation du prix de
l’énergie, des salaires, dépréciation monétaire etc. Une augmentation significative du prix de
l’énergie va, par exemple, avoir des effets directs sur les branches d’activité qui en sont grosses
consommatrices. Elle aura également des effets indirects sur les branches d’activité qui utilisent
les productions des précédentes.

L’hypothèse de la stabilité des coefficients techniques reste toutefois critiquable sur le long
terme, puisque les méthodes de production peuvent évoluer, notamment grâce au progrès
technique. Une autre limite du TES, précisément de la représentation du système productif, est
de réduire l’analyse du processus de production à son seul contenu technique, en omettant les
autres dimensions comme l’emploi, les qualifications etc. C’est ce que Piriou et al. (2019, p.52)
soulignent en disant que la représentation de l’interdépendance entre les branches mise en
évidence par le TES est très riche mais : « l’analyse de la production est réduite à celle de
certaines relations marchandes qui la conditionnent (rien sur l’emploi, les qualifications etc.),
et les sujets du processus sont censés être les branches, c’est-à-dire des réalités analytiques
dont la consistance est principalement technique ».

64
Chapitre 3 :
Les flux de revenus : distribution et redistribution de la richesse
Plan

1. Les opérations de répartition


1.1. Les opérations de répartition du revenu primaire
1.1.1. La rémunération des salariés
1.1.2. Les revenus de la propriété
1.1.3. Les impôts sur la production et les importations
1.1.4. Les Subventions
1.2. Les opérations de répartition secondaire du revenu
1.2.1. Les impôts courants sur le revenu et le patrimoine
1.2.2. Les cotisations et prestations sociales
1.2.3. Les autres transferts courants

1.3. Les transferts en capital

2. Les différents comptes et la formation des revenus


2.1. Les comptes des secteurs
2.1.1. Les sous-comptes du compte de secteur
2.1.2. La séquence des comptes de secteurs

2.2. Les comptes d’opérations


2.2.1. Structure d’un compte d’opération
2.2.2. Le compte d’une opération de revenu : le principe du « compte écran »
2.2.3. Le compte des opérations sur biens et services : un compte « miroir »

2.3. Formation et composition du revenu disponible des ménages


2.3.1. Les revenus primaires
2.3.2. Les transferts

3. Synthèse des comptes et analyse des résultats


3.1. Le TEE (tableau économique d’ensemble)
3.1.1. Origine et définition du TEE
3.1.2. Structure et lecture du TEE

3.2. Les ratios dans le TEE


3.2.1. Les ratios de consommation et d’épargne des ménages
3.2.2. Le taux de marge
3.2.3. Le taux d’investissement.
3.2.4. Le taux d’épargne
3.2.5. Le taux d’autofinancement

3.3. Le PIB sous l’angle des revenus

4. Répartition des revenus et inégalité


4.1. La répartition des revenus à partir des PCS
4.2. La mesure de l'inégalité de la répartition

65
L’approche par les revenus, qui sera abordée dans ce chapitre, consiste à donner une
représentation de l’économie sous la forme d’un circuit économique qui met en œuvre
l’ensemble des opérations économiques (les opérations sur produits vues dans les deux premiers
chapitres et les opérations de répartition que nous verrons ici) entre les différents agents
économiques. Pour cela, nous allons présenter les différentes opérations de répartition avant de
détailler les différents comptes où sont enregistrées toutes les opérations économiques et qui
vont permettre d’analyser le comportement des agents et leurs interactions. La synthèse de
l’ensemble des opérations et des comptes sera présentée à travers l’analyse du tableau
économique d’ensemble (TEE).

Les opérations de répartition


Les opérations de répartition relatent le partage de la valeur ajoutée et la redistribution du revenu
par secteurs et par branches. Le revenu est la contrepartie de la production, après déduction de
la consommation intermédiaire et de la consommation de capital fixe.

1.1. Les opérations de répartition du revenu primaire


Le revenu, qualifié de primaire, est la rémunération directe des facteurs de production. C'est la
répartition du revenu primaire entre les titulaires de facteurs de production qui est décrite, en
premier lieu, par les opérations de répartition. La CN fait un partage primaire de la valeur
ajoutée entre revenus du travail et revenus du capital.

1.1.1. La rémunération des salariés

Le plus important des facteurs de production étant le travail salarié, la rémunération des salariés
est la principale des opérations de répartition. Elle représente, dans le coût total de la production,
le coût du facteur travail et inclut toutes les cotisations sociales (des salariés et des employeurs).

1.1.2. Les revenus de la propriété

Le prix des services du capital est versé à leurs détenteurs. Dans la production capitaliste, le
travail des salariés est combiné avec l'utilisation d'un capital qui, généralement, ne leur
appartient pas. Ce prix concerne essentiellement les intérêts et les dividendes, correspondant au
prix des services du capital financier, et, dans une moindre mesure, les loyers de terrains et
gisements, correspondant au prix des services du capital foncier. L’ensemble forme les revenus
de la propriété.

66
1.1.3. Les impôts sur la production et les importations

Cette catégorie d'opérations de répartition est constituée en grande partie par la taxe à la valeur
ajoutée ou TVA. Elle est associée à la répartition primaire du revenu car les impôts sur la
production peuvent être considérés comme la « rémunération » de l'État qui, en contrepartie,
fournit aux entreprises un cadre institutionnel stable favorable à leur production.

1.1.4. Les Subventions

De même, les subventions sur les produits ou sur la production sont le « prix » versé aux
entreprises pour leur maintien en « bonne santé » économique qui peut être considéré comme
un facteur de production primordial. Cela explique son lien direct avec la répartition primaire
du revenu.

1.2. Les opérations de répartition secondaire du revenu


En second lieu, les opérations de répartition décrivent aussi la répartition secondaire du revenu,
c'est-à-dire la redistribution du revenu primaire entre les individus par l’intermédiaire de divers
transferts ou prélèvements. Ces opérations ont pour finalité de corriger la répartition des revenus
primaires et aboutir à une répartition normalement moins inégalitaire des revenus secondaires
ou revenus disponibles. Cette redistribution est décrite par trois catégories d'opérations.

1.2.1. Les impôts courants sur le revenu et le patrimoine

Cette catégorie d’opérations comprend les impôts sur le revenu des personnes physiques, les
impôts sur les bénéfices des sociétés, les impôts locaux payés par les ménages (taxe
d’habitation, taxes foncières) etc.

1.2.2. Les cotisations et prestations sociales

Dans cette catégorie d’opérations figurent les cotisations sociales effectives des salariés, des
employeurs et des non-salariés, les prestations sociales en espèces (retraites, allocations
familiales, indemnités de chômage ou de maladie et de maternité) et les transferts sociaux en
nature fournis aux ménages gratuitement ou à des prix économiquement non significatifs par
les unités des administrations publiques et les ISBLSM.

67
1.2.3. Les autres transferts courants

Cette catégorie d’opérations comprend les primes et indemnités d'assurance dommage, les
transferts courants entre administrations publiques, les transferts liés à la coopération
internationale, les loteries et les paris, les amendes et les pénalités, etc.

1.3. Les transferts en capital


Cette dernière catégorie d'opérations de répartition ne concerne pas la répartition des revenus
mais celle des patrimoines. Elle comprend, entre autres, les impôts en capital (droits de
succession payés par les ménages par exemple) et les aides à l'investissement.

En plus des opérations sur produits vues aux chapitres 1 et 2 et des opérations de répartition
que nous venons d’exposer, la CN distingue deux autres catégories d’opérations économiques,
à savoir les opérations financières et les opérations de patrimoine que nous n’aborderons pas
dans ce cours. Les opérations financières portent sur des actifs et passifs financiers et les
opérations de patrimoine sont un prolongement de ces dernières.

Les différents comptes et la formation des revenus


Toutes les opérations économiques que nous avons détaillées dans les trois chapitres sont
enregistrées par la CN dans différents comptes de manière à pouvoir retracer et analyser le
comportement économique des différents agents regroupés en secteurs institutionnels. Nous
pouvons distinguer deux catégories de comptes selon la perspective de l’analyse : les comptes
des secteurs institutionnels et les comptes des opérations.
La construction de ces comptes se basent sur un cadre comptable précis et détaillé. Ainsi, à
chaque opération correspond un code (voir l’encadré 3.1). La période comptable pour les
comptes annuels est l’année civile (du 1er janvier au 31 décembre). L’enregistrement des
opérations économiques suit le principe de l’écriture en partie double, méthode traditionnelle
en comptabilité. Il repose sur des écritures symétriques (emplois à gauche, ressources à droite)
afin de présenter une situation équilibrée pour chaque agent.

68
Encadré 3.1 : Opérations et codes

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.64)

2.1 Les comptes des secteurs


Le compte de secteur est le regroupement ordonné de toutes les opérations ayant concerné un
secteur institutionnel au cours d’une période de temps donnée. Ces opérations sont équilibrées
et sont réparties, selon leur nature, en différents sous-comptes. Ces derniers sont reliés entre
eux, suivant un certain ordre, par leurs soldes.

2.1.1 Les sous-comptes du compte de secteur

L'ensemble des opérations du compte de secteur est réparti dans sept sous-comptes. Les cinq
premiers sont appelés comptes d'opérations courantes ou comptes courants. Dans ces comptes
les flux sortants sont dénommés emplois, et les flux entrants ressources. Les deux derniers sous-

69
comptes sont appelés comptes d'accumulation. Dans ces comptes, les flux sortants sont
dénommés variations d'actifs, et les flux entrants variations de passifs.

a. Les comptes d’opérations courantes


Les comptes d'opérations courantes retracent toutes les opérations du secteur depuis sa
production jusqu'à son épargne et vont permettre de calculer les principaux agrégats de
l’économie nationale (PIB, RNB, Revenu National Disponible Brut, épargne nationale, capacité
ou besoin de financement de la Nation). On trouve successivement les cinq sous-comptes :

- le compte de production qui décrit les opérations sur produits conduisant à la formation
de la valeur ajoutée de chaque secteur ;
- le compte d'exploitation qui montre comment se répartit la valeur ajoutée liée à la
production ;
- le compte d'affectation des revenus primaires qui indique comment se partage les
revenus liés à la production (les revenus primaires) entre les différents facteurs de
production ;
- le compte de distribution secondaire du revenu qui regroupe les opérations de
redistribution et indique comment se forme le revenu disponible à partir des revenus
primaires ;
- le compte d'utilisation du revenu qui indique le partage du revenu disponible entre
consommation finale et épargne.

b. Les comptes d’accumulation

Les comptes d'accumulation enregistrent les opérations du secteur ayant entraîné une variation
de son patrimoine, aussi bien à l'actif (ce que le secteur possède) qu'au passif (ce qu’il doit). On
trouve les deux sous-comptes :
- le compte de capital qui montre comment est utilisée l’Epargne en la mettant en balance
avec la FBC du secteur de façon à déterminer si cette épargne couvre la FBC ou si, au
contraire, ne la couvrant pas, le secteur a besoin d'un financement externe, autrement
dit déterminer sa Capacité ou Besoin de financement.
- le compte financier, qui ne sera pas analysé dans le cadre de ce cours, retrace les
opérations financières du secteur au cours de la période. Il permet de savoir comment le
secteur a satisfait son besoin de financement ou comment, au contraire, il a employé son
excédent d'épargne, c’est-à-dire sa capacité de financement, au profit d'autres secteurs.

70
2.1.2 La séquence des comptes de secteurs

La séquence des comptes, c’est-à-dire l’enchainement des sous-comptes décrits précédemment,


de la valeur ajoutée à la capacité de financement, est présentée dans le tableau de la figure 3.1.
Une astuce mnémotechnique pour retenir cette séquence des comptes est de penser à PERRUC :
- Compte de production (P)
- Compte d'exploitation (E)
- Compte d'affectation des revenus primaires (R)
- Compte de distribution secondaire du revenu (R)
- Compte d'utilisation du revenu (U)
- Compte de capital (C)

Figure 3.1 : La séquence des comptes de secteurs : de la valeur ajoutée à la capacité/besoin


de financement

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.73)

71
Le compte de secteur est établi sur deux colonnes :
- la colonne gauche enregistrant les opérations associées à des flux sortants ou emplois
(flux de valeur versée par le secteur);
- la colonne droite enregistrant les flux entrants ou ressources (flux de valeur reçue).
Chaque sous-compte est présenté en équilibre par l’intermédiaire de son solde qui est calculé
par la différence entre les ressources et les emplois et qui est inscrit du côté des emplois.
Le code de chaque solde commence par la lettre B (Balance en anglais) et il peut être présenté
brut ou net de la consommation de capital fixe (CCF).
Les soldes des sous-comptes ne servent pas uniquement à les présenter chacun en équilibre. Ils
servent aussi de point d'articulation entre ces sous-comptes par le report du solde. En effet, les
sous-comptes sont ordonnés de façon à ce que chaque solde calculé en emplois d'un sous-
compte est reporté en ressources du sous-compte suivant. De cette façon, les sous-comptes se
trouvent liés les uns aux autres et susceptibles de redonner, par agrégation, le compte général
consolidé de tout le secteur qui est donc, par construction, équilibré.
La structure des comptes de tous les secteurs institutionnels est fondamentalement identique
même si le traitement de certaines opérations est spécifique pour certains d’entre eux (par
exemple, seules les administrations reçoivent des impôts, les sociétés ne perçoivent pas de
salaires).

2.2 Les comptes d’opérations


Comme vu précédemment, le compte de secteur retrace toutes les opérations réalisées par un
même secteur institutionnel. A l’inverse, un compte d'opération regroupe tous les secteurs
institutionnels concernés par une opération donnée. Trois grandes catégories de comptes sont
associées aux trois types d’opérations distinguées par la CN : le compte des opérations sur
biens et services, les comptes de revenus (avec un compte pour chaque type de revenu) et les
comptes financiers (un compte pour chaque type d’opération financière).

2.2.1 Structure d’un compte d’opération

Pour chaque type d’opération économique, le compte d'opération présente en ligne, les
ressources et les emplois de chaque secteur institutionnel qui la réalise sans montrer les relations
directes entre les secteurs concernés. Comme chaque opération est toujours simultanément un
emploi pour un secteur et une ressource pour un autre, un compte d'opération est donc
nécessairement équilibré. Une présentation de la structure générale d’un compte d’opération
donnée dans le tableau 3.1 ci-après.

72
Tableau 3.1 : Structure d’un compte d’opération
Emplois Ressources
Opérations
SNF SF APU MEN ISBL RdM Total Total RdM ISBL MEN APU SF SNF
Une opération
économique

2.2.2 Le compte d’une opération de revenu : le principe du « compte écran »

Le principe du « compte écran » est une technique de comptabilisation qui indique pour une
opération effectuée par chaque secteur institutionnel ce qu’il verse (ses emplois) et ce qu’il
perçoit (ses ressources). En revanche, il ne permet pas de savoir « qui verse à qui ». Ce principe,
qui s’applique aux opérations de répartition (ou même aux opérations financières), permet
d’assurer l’équilibre des comptes, étant donné qu’à chaque emploi correspond une ressource.
Le compte d’opération « rémunération des salariés » en 2017 dans le tableau 3.2 ci-dessous,
par exemple, se présente ainsi. Il indique le montant des salaires versés par chaque secteur
institutionnel résident et par le reste du monde en emplois, et indique dans la partie ressources
les secteurs qui perçoivent ces salaires à savoir les ménages et le reste du monde. Et on vérifie
dans les colonnes de total qu’on a bien une égalité entre emplois et ressources.
Tableau 3.2 : L’opération « rémunération des salariés » en 2017 (milliards d’euros)
Emplois Ressources
Opérations
SNF SF APU MEN ISBL RdM Total Total RdM ISBL MEN APU SF SNF
778,2 54,2 290 ,1 41,5 32 21,6 1257,6 Rémunération 1257,6 1,3 1216 ,2

des salariés

Ce compte ne permet cependant pas de savoir quelle est l’origine des rémunérations reçues par
les ménages ou les non-résidents. De même, on ne connait pas le montant des salaires versés
par chaque secteur aux ménages ou aux non-résidents.

2.2.3 Le compte des opérations sur biens et services : un compte « miroir »

Pour les opérations sur biens et services, une convention supplémentaire appelée compte
« miroir » est nécessaire pour donner une présentation équilibrée du compte associé. En effet,
comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, chaque opération sur biens et services est enregistrée
soit en ressources (P, M), soit en emplois (CF, CI, FBCF, VS, X). L’équilibre ressources-
emplois n’apparaît donc que sur l’ensemble des opérations.
Ainsi, pour présenter un équilibre ligne par ligne dans le compte des opérations sur biens et
services, la CN intègre une colonne supplémentaire, considérée comme un secteur fictif
(supposé représenter le marché), qui est associée à un compte « miroir » appelé compte biens

73
et services où le total de chaque opération sur produit est enregistré. Le compte des opérations
sur biens et services est donc obtenu en « miroir ».
L’exemple du compte de la « dépense de consommation finale » en 2017 dans le tableau 3.3
ci-après nous permet d’illustrer cela.

Tableau 3.3 : La dépense de consommation finale en 2017 (milliards d’euros)


Emplois Ressources
Opératio
SN S AP ME ISB Rd B& Tot. Tot. B& Rd ISB ME AP S SN
F F U N L M S ns S M L N U F F
540 1191 48 177 Dépense 177 177
9 de conso. 9 9

finale

Note : B&S = biens et services


Dans ce tableau, du côté des emplois, nous pouvons lire successivement la dépense de
consommation finale des administrations publiques (540 milliards d’euros), la dépense de
consommation finale des ménages (1191 milliards d’euros) et la dépense de consommation
finale des ISBLSM (48 milliards d’euros) dont le total donne la dépense de consommation
finale totale (1 779 milliards d’euros). Pour présenter l’équilibre ressources-emplois pour cette
ligne, ce total se lit également en ressources à l’aide du compte « miroir » biens et services (1
779 milliards d’euros). Pour chaque opération sur produits, une telle intervention a donc lieu.

2.3 Formation et composition du revenu disponible des ménages


Les comptes des secteurs présentés plus haut permettent d’analyser la formation des revenus
des secteurs institutionnels qui, rappelons-le, sont issus, directement ou indirectement, de la
production. Nous allons ici analyser la formation du revenu disponible des ménage à partir des
comptes des ménages présentés dans le tableau de la figure 3.2 ci-après, et apporter quelques
éléments de sa composition.
Les données du tableau sont donc relatives aux ménages et incluent les entreprises individuelles
(EI)4. La CN fait apparaitre, en dessous de chaque donnée, les opérations des EI lorsqu'il est
possible de les isoler.

4
L’EI est une unité économique dont la personnalité juridique n’est pas distincte de son exploitant (agriculteurs,
petits commerçants, artisans, professions libérales etc.). Le patrimoine de l’entreprise se confond donc avec celui
du ménage auquel l’entrepreneur appartient, c’est pourquoi les EI sont intégrées au secteur des ménages.

74
Figure 3.2 : Les comptes des ménages (dont EI) en 2017 (milliards d’euros)

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.88-89)

75
Le revenu disponible est le revenu que les ménages affectent à la consommation ou à l'épargne
(cf. compte d’utilisation du revenu disponible).
Il est la somme algébrique de revenus primaires, qui sont la contrepartie d'une participation
directe à la production, et de transferts (positifs ou négatifs) correspondant à une redistribution
de revenus.

2.3.1 Les revenus primaires

Le revenu primaire brut des ménages est le solde des revenus primaires qu'ils reçoivent
(salaires, revenus des entrepreneurs individuels, intérêts et dividendes reçus, revenus de terrains
ou gisements, etc.) et des revenus primaires qu'ils versent (intérêts payés, fermages à charge,
etc.). En France, en 2017, ce revenu s'élève à 1 603 milliards d'euros (cf. compte d’affectation
des revenus primaires). Il se décompose en un revenu brut d'activité et en revenus de la
propriété.

c. Revenu brut d’activité

Le revenu brut d'activité constitue l'essentiel du revenu primaire brut des ménages. En 2017, il
s'élève à 1 523 milliards d'euros. Il se décompose en revenu du travail (rémunération des
salariés), en revenu brut de la production d'entreprises individuelles (revenu mixte brut), et
en revenu brut de la production hors entreprises individuelles (excédent brut d’exploitation).
Le revenu du travail
Le revenu du travail, s’élevant à 1 216 milliards d'euros en 2017, représente la composante
principale du revenu primaire brut des ménages (80 %). Il est constitué par les salaires, dont le
montant est brut car incluant toutes les cotisations sociales, notamment la part patronale.
Le revenu du travail comprend deux types de salaires : les salaires proprement dits et les
traitements, qui sont la rémunération des fonctionnaires.
La fixation des salaires proprement dits résulte d'un contrat de travail entre un salarié et une
entreprise ; le salaire étant le prix du travail fourni par le salarié. Les salaires sont en général
fixés dans le cadre de conventions collectives conclues entre organisations syndicales
représentatives des travailleurs et organisations patronales. Toutefois, le salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) est fixé et révisé périodiquement par décret. Le salaire
est le plus souvent fixé au temps, généralement au mois, mais peut également être fixé à la
tâche. Au salaire de base peut s'ajouter un nombre variable d'éléments complémentaires de
rémunération comme les majorations pour heures supplémentaires, les primes (de rendement,

76
de travail de nuit, etc.), les indemnités (de transport ou de congé payé), les gratifications
(treizième mois, etc.) ou les avantages en nature (nourriture, logement, etc.).
Quant aux traitements des fonctionnaires de l'État, ils sont déterminés par un indice numérique
correspondant à la place de chaque agent sur une grille hiérarchique. L'indice dépend de la
catégorie (A, B ou C) de fonctionnaires à laquelle appartient l'agent, de son corps de
rattachement à l'intérieur de cette catégorie, de son grade dans le corps, et enfin du nombre
d'échelons atteints dans le grade. Le traitement du fonctionnaire est calculé en multipliant son
indice par la valeur du point d'indice, elle-même fixée par décret souvent après négociation avec
des organisations représentatives de fonctionnaires.
Le revenu brut de la production d'entreprises individuelles (ou revenu mixte brut)
Il s’agit de la rémunération des entrepreneurs individuels pour leur apport tant en travail qu'en
capital à l'activité de production, d’où la dénomination Revenu Mixte Brut. Il s’élève à 121
milliards d'euros en 2017, soit 8% du revenu primaire brut des ménages.
Le revenu brut de la production hors entreprises individuelles (excédent brut
d’exploitation)
Le revenu brut de la production hors entreprises individuelles est l'excédent brut d'exploitation
du secteur des ménages. Il est constitué essentiellement de revenus fictifs associés à la
production auto-consommée des ménages, à l'exception de l'autoconsommation en services de
logement, qui fait partie des revenus de la propriété. En 2017, il s’élève à 186 milliards d'euros,
soit 12 % du revenu primaire brut des ménages.

d. Revenus de la propriété

Cette seconde composante du revenu primaire brut des ménages comprend les intérêts et
dividendes (rémunération du capital financier) ainsi que les loyers et fermages (rémunération
du capital foncier) incluant les loyers fictifs des logements occupés par leur propriétaire. Les
revenus de la propriété des ménages s'élèvent à 80 milliards d'euros en 2017 (soit 5 % du revenu
primaire brut), montant obtenu par la différence entre les revenus reçus (102 milliards d'euros)
et les revenus versés (22 milliards).

2.3.2 Les transferts

Le solde (positif ou négatif) des transferts de redistribution est ajouté aux revenus primaires
pour obtenir le revenu disponible des ménages. On distingue deux sortes de transferts : les
prélèvements et, en sens contraire, les prestations sociales ou transferts sociaux.

77
a. Les prélèvements

Les prélèvements sont des transferts obligatoires des ménages vers les administrations
publiques, notamment l'État et les organismes de sécurité sociale. L’essentiel des prélèvements
est formé par les impôts et les cotisations sociales.
Seuls les impôts directs, à savoir les impôts sur le revenu et le patrimoine, sont considérés ici
comme des prélèvements. Les impôts indirects ne sont pas considérés comme des prélèvements
sur le revenu, mais comme la dépense de ce revenu. En effet, la TVA est versée par les
entreprises à l’administration fiscale mais ce sont les ménages qui supportent le coût de cet
impôt.
Les cotisations sociales sont prélevées sur les salaires bruts et sont à la charge des salariés et
des employeurs. Afin de donner un ordre de grandeur, celles à la charge des salariés constituent
un prélèvement égal à 70 % de celui des impôts ; quant à la part patronale, non négligeable,
représente les deux tiers de l'ensemble des cotisations sociales.

b. Les prestations sociales ou transferts sociaux

Les prestations sociales (ou transferts sociaux) sont des indemnités versées aux ménages en cas
d’occurrence de risques qualifiés de « sociaux ». Elles représentent au total près du tiers du PIB.
Il existe six familles de risques sociaux :
- le risque « santé » (risques de maladie, d'invalidité ou d'infirmité, d'accident du travail) dont
les prestations sociales, fournies en grande partie en nature, représentent, 35 % de l'ensemble
des transferts sociaux en 2016 ;
- le risque « vieillesse-survie » dont les prestations associées (pensions de retraite, pensions de
réversion et prise en charge de la dépendance) représentent, en 2016, 46 % de tous les revenus
sociaux ;
- la «maternité-famille» dont les prestations sont en majeure partie des prestations familiales
(allocations familiales, prestations liées à la maternité ou d'aides pour la garde d'enfants) et
représentent 8% des transferts sociaux en 2016 ;
- le risque « emploi » avec des prestations (indemnités de chômage ou aides à l'insertion
professionnelle) représentant 6 % des transferts sociaux en 2016 ;
- le risque « logement » dont les diverses allocations-logement (allocation de logement à
caractère familial ALF ou social ALS, aide personnalisée au logement APL) représentent 2,5
% des transferts sociaux en 2016 ;

78
- le risque « pauvreté-exclusion » avec des prestations correspondant à des « minima sociaux »
(revenu minimum d’insertion -RSA, minimum vieillesse) qui représentent 2,5 % des transferts
sociaux en 2016.

3. Synthèse des comptes et analyse des résultats

3.1 Le TEE (tableau économique d’ensemble)


Le TEE est un document de synthèse de la comptabilité nationale, publié chaque année par
l’INSEE, qui donne un tableau de bord de l’économie nationale. Il est consultable en détail sur
le site de l’INSEE (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4494213?sommaire=4494218).

3.1.1 Origine et définition du TEE

Depuis longtemps, le TEE a été une exclusivité de la comptabilité nationale française que le
Système Européen des Comptes (SEC) a ensuite adopté sous le nom de Comptes économiques
intégrés (CEI). Les comptables nationaux français ont préféré lui conserver son nom
traditionnel en hommage à la tradition de la CN française et au célèbre Tableau économique de
François Quesnay (1758).
Le TEE est la représentation synthétique du circuit économique national au cours d'une année
qui synthétise l’ensemble des opérations effectuées par chaque secteur institutionnel.
Le TEE est le tableau le plus complet proposé par la CN puisqu’il intègre l’ensemble des
comptes PERRUC ainsi que le tableau des opérations financières (les comptes financiers) et les
comptes de patrimoine pour chaque secteur institutionnel.

3.1.2 Structure et lecture du TEE

Nous allons ici nous appuyer sur le TEE de 2017 présenté dans la figure3.3 ci-après, qui a été
extrait de l’ouvrage de Piriou et al. (2019). Il s’agit d’une version « simplifiée » du TEE dont
la version complète est donnée dans le fichier Excel joint à ce cours qui est téléchargeable sur
le site de l’INSEE.
Le TEE présente de façon simultanée les compte de secteur et les comptes d’opérations en les
croisant. Plus précisément, le TEE est une juxtaposition de tous les comptes de secteur y
compris le compte du reste du monde (comptes PERRUC). L’organisation de cette
juxtaposition permet de donner une représentation équilibrée de chaque opération ainsi qu'une
représentation croisée de l'ensemble des comptes d'opérations et des comptes de secteurs.

79
Appréhender la structure du TEE et les interprétations auxquelles il peut donner lieu repose
donc essentiellement sur la compréhension de la construction des différents comptes que nous
avons détaillée précédemment.
Ainsi, les comptes des secteurs institutionnels figurent en colonnes du TEE et les comptes
d’opérations en lignes. Dans la partie gauche du TEE figurent les emplois et dans la partie droite
les ressources. Pour chacune des parties, chaque secteur institutionnel est présenté dans une
colonne : S1 (l’économie nationale), S11 (les SNF), S12 (les SF), S13 (les APU), S14 (les
ménages), S15 (les ISBLSM) et S2 (le reste du monde).
Dans chacune des parties (version complète du TEE), trois colonnes sont ajoutées : Impôts-
subventions sur produits, Biens et services et Total. Les colonnes Total dans les deux parties,
permettent de vérifier l’équilibre ressources-emplois pour les opérations de répartition.
Cette égalité ne se produit pas pour l’opération Impôts-subventions sur produits à cause des
difficultés de la mesure de la production aux prix de base, d’où l’ajout de la colonne en emplois
et en ressources dans le TEE. La colonne Biens et services est le compte « miroir », vu
précédemment, qui permet de réaliser l’égalité ressources-emplois pour chaque opération sur
produits à chaque ligne.
Notons que pour des raisons de simplification, ces trois colonnes ne figurent pas dans le tableau
issu de l’ouvrage de Piriou et al. (2019) présenté dans la figure 3.3.
A partir de cette structure, la lecture du TEE peut donc s’effectuer de deux manières possibles :
- Lecture en colonne via un secteur institutionnel qui vise à examiner l’ensemble des
opérations économiques effectuées par ce dernier. Cette lecture consiste à reconstituer
la séquence des comptes de chaque secteur institutionnel, et de faire apparaitre les
opérations économiques qu’il a effectuées ainsi que les soldes des comptes.
- Lecture en ligne via une opération économique qui vise à examiner, pour chaque
opération, les ressources et les emplois de chaque secteur institutionnel. Cette lecture
consiste à analyser chaque opération économique pour l’ensemble des secteurs
institutionnels, afin de mettre en évidence les relations entre les secteurs institutionnels
pour chaque opération économique.

80
Figure 3.3 : Tableau économique d’ensemble (TEE) 2017 (milliards d’euros)

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.146-147)

3.2 Les ratios dans le TEE


A partir du TEE, notamment de la lecture en lignes, il est possible de calculer les principaux
agrégats et un certain nombre de ratios qui serviront à suivre l’évolution du comportement des
différents secteurs institutionnels. Ces ratios vont aussi servir à déterminer les paramètres des
fonctions qui permettront d’alimenter les modèles macroéconomiques, en particulier le modèle
keynésien.

81
3.2.1 Les ratios de consommation et d’épargne des ménages

Ces ratios caractérisent la relation entre la consommation, l’épargne et le revenu des ménages.
La propension moyenne à consommer (PMC) indique la part du revenu des ménages
consacrée à la consommation :
𝑪𝑭
𝑷𝑴𝑪 =
𝑹𝑫𝑩
La propension moyenne à épargner (PME) ou taux d’épargne des ménages indique la part
du revenu qui est épargné :
𝑬𝒑𝒂𝒓𝒈𝒏𝒆
𝑷𝑴𝑬 =
𝑹𝑫𝑩

3.2.2 Le taux de marge

C’est le ratio entre l’excédent brut d’exploitation (EBE) et la valeur ajoutée (VA) qui peut être
calculé pour l’ensemble de l’économie nationale ou par secteur institutionnel. Il correspond au
taux de profit résultant de l’exploitation courante. Il donne aussi la répartition de la richesse
créée entre le travail et le capital :
𝑬𝑩𝑬
𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒎𝒂𝒓𝒈𝒆 =
𝑽𝑨

3.2.3 Le taux d’investissement.

C’est le ratio entre la formation brute de capital fixe (FBCF) et la valeur ajoutée (VA) qui
indique la part de la valeur ajoutée que le secteur institutionnel consacre à l’accumulation et au
renouvellement de son capital physique. Pour les entreprises, ce ratio, traduisant un effort
d’investissement, peut être un indicateur du potentiel de croissance dans les années à venir :
𝑭𝑩𝑪𝑭
𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅′𝒊𝒏𝒗𝒆𝒔𝒕𝒊𝒔𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 =
𝑽𝑨

3.2.4 Le taux d’épargne

C’est le ratio entre l’épargne et la valeur ajoutée (VA) qui indique la part de la valeur ajoutée
conservée qui pourra être consacrée à l’autofinancement de futurs investissements pour les
entreprises :
𝑬𝒑𝒂𝒓𝒈𝒏𝒆
𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅′é𝒑𝒂𝒓𝒈𝒏𝒆 =
𝑽𝑨

82
3.2.5 Le taux d’autofinancement

C’est le ratio entre l’épargne et la formation brute de capital fixe (FBCF) qui indique pour
l’économie nationale et pour chaque secteur institutionnel, quelle est la part de l’investissement
couvert par l’épargne, c’est-à-dire financé à partir des ressources propres :
𝑬𝒑𝒂𝒓𝒈𝒏𝒆
𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅′𝒂𝒖𝒕𝒐𝒇𝒊𝒏𝒂𝒏𝒄𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 =
𝑭𝑩𝑪𝑭

3.3 Le PIB sous l’angle des revenus


A partir de l’approche par les revenus abordée dans ce chapitre, on a mis en évidence que la
valeur ajoutée est la source de tous les revenus. Selon cette optique, le PIB est par conséquent
un agrégat de revenus. On fait apparaitre ici une troisième expression du PIB sous l’angle des
revenus qui est obtenu à partir de la somme des revenus primaires distribués par les unités
résidentes : rémunérations des salariés, excédent brut d’exploitation, revenu mixte brut, impôts
sur la production et les importations nets des subventions. Cette définition peut être comprise à
partir de la lecture du compte d’exploitation d’un secteur institutionnel.

𝐏𝐈𝐁 = 𝐑é𝐦𝐮𝐧é𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐥𝐚𝐫𝐢é𝐬 + 𝐄𝐁𝐄 + 𝐑𝐞𝐯𝐞𝐧𝐮 𝐦𝐢𝐱𝐭𝐞 𝐛𝐫𝐮𝐭


+ 𝐈𝐦𝐩ô𝐭𝐬 𝐬𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐩𝐫𝐨𝐝𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐞𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐢𝐦𝐩𝐨𝐫𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 − 𝑺𝒖𝒃𝒗𝒆𝒏𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔

Dans la figure 3.4 ci-dessous est présentée une synthèse des trois approches du PIB calculé à
partir des données de 2017.
Figure 3.4 : Les trois approches du PIB en 2017 (milliards d’euros)

Source : Piriou, Bournay, Biausque (2019, p.143)

83
4. Répartition des revenus et inégalité
4.1 La répartition des revenus à partir des PCS
Il est possible d’étudier la répartition des revenus entre les ménages en se référant, notamment,
à la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles dite PCS. Pour notre étude
présente, nous en resterons au niveau 1 des 8 groupes socio-professionnels (il existe une
nomenclature à des niveaux plus détaillés) :
- agriculteurs exploitants ;
- artisans, commerçants et chefs d'entreprise ;
- cadres et professions intellectuelles supérieures ;
- professions intermédiaires ;
- employés;
- ouvriers;
- retraités;
- autres personnes sans activité professionnelle.
L'Insee et diverses autres institutions établissent les statistiques portant sur la répartition des
revenus des ménages par groupe socio-professionnel à partir de l'enquête Revenus fiscaux et
sociaux. Le tableau de la figure 3.5 ci-dessous présente, le revenu déclaré annuel moyen, c'est-
à-dire le revenu fiscal, et le revenu disponible annuel moyen, pour chaque groupe socio-
professionnel.

Encadré 3.2 : Revenu fiscal et revenu disponible


Le revenu fiscal (revenu déclaré), se distingue du revenu primaire car il est net de cotisations
sociales et inclut une part des prestations sociales (retraites, allocations chômage, etc.). Le
revenu fiscal moyen déclaré par les ménages représente leur revenu annuel moyen avant
impôt.

Le revenu disponible est obtenu à partir du revenu fiscal en y ajoutant les prestations sociales
et en retirant les impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d'habitation etc.).

84
Figure 3.4 : Revenu fiscal et revenu disponible selon les groupes socio-professionnels en
2015

Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2015, dans Berr (2019, p.232)

Le tableau nous révèle une nette inégalité de répartition des revenus entre ménages. En
s’intéressant uniquement aux actifs, les deux groupes extrêmes (« employés » et « cadres et
professions intellectuelles supérieures ») sont, par leur revenu annuel moyen déclaré, dans un
rapport de l à 2,6. Autrement dit, le revenu moyen des « employés » est 2,6 fois inférieur à celui
des « cadres et professions intellectuelles supérieures ». L'inégalité serait bien plus importante
si l'on tenait compte, à l'intérieur de ces groupes, les différentes « catégories socio-
professionnelles » qui les composent.
Ces inégalités devraient être quelque peu corrigées par la redistribution, qui conduit au revenu
disponible. En examinant à présent la répartition du revenu disponible parmi les groupes
d'actifs, les extrêmes sont toujours les groupes « employés » et « cadres et professions
intellectuelles supérieures ». Mais ils sont maintenant, par leur revenu disponible annuel moyen,
dans un rapport de 1 à 2,2 (au lieu de 1 à 2,6). L'inégalité a donc été sensiblement réduite par
la redistribution mais elle demeure.

4.2 La mesure de l'inégalité de la répartition


La mesure de l'inégalité pose un certain nombre de problèmes, aussi bien éthiques que
techniques. L'inégalité des revenus, qui nous intéresse ici, n'est qu'un aspect de l'inégalité
sociale. Elle découle peut-être, au départ, d'une « inégalité des chances » qui peut, elle-même,
prendre plusieurs formes d’inégalités (selon le sexe, la classe sociale d'appartenance, la région
de naissance, etc.). Même si l'on suppose que l'inégalité des revenus est la conséquence de

85
toutes celles-ci, il serait pertinent de lui associer d'autres inégalités, souvent ignorées, telles que
les différences dans la durée ou dans la pénibilité du travail.
Un indice de mesure d'inégalité des revenus permet d’évaluer l'écart entre la répartition
observée et la répartition de référence qui est « égalitaire ».
Deux indices d’inégalité les plus utilisés, que nous allons présenter très sommairement ici, sont :
le rapport interdécile et l’indice de Gini G.
Le rapport interdécile est un indicateur de dispersion qui donne une évaluation synthétique de
la dispersion des revenus individuels. Le principe est de classer les ménages par ordre de revenu
croissant et on les divise en 10 groupes de proportion égale. On obtient les déciles de revenu
(de 𝑫𝟏𝟎 à 𝑫𝟗𝟎 ) qui permet de partager les ménages en 10 groupes représentant chacun 10% de
l’ensemble des ménages. Ainsi 10% des ménages ont un revenu inférieur au premier décile 𝑫𝟏𝟎
et 10% des ménages ont un revenu supérieur au neuvième et dernier décile 𝑫𝟗𝟎 . Le rapport
𝑫𝟗𝟎
interdécile est le rapport entre le neuvième et le dernier décile : .
𝑫𝟏𝟎

Ce rapport interdécile rapporte le niveau de revenu minimum des 10% les plus riches au revenu
maximum des 10% les plus pauvres. L’égalité parfaite est indiquée par la valeur 1, lorsque tous
les revenus sont égaux, soit 𝑫𝟗𝟎 = 𝑫𝟏𝟎 .
L’indice de Gini G, quant à lui, est un indicateur de concentration. Sa valeur varie entre 0 et 1.
Si la répartition est parfaitement inégalitaire, c’est-à-dire qu’un seul individu détient la totalité
des revenus, G=1. A l’inverse, si la répartition est uniforme (égalité parfaite), G=0.

86

Vous aimerez peut-être aussi