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LES RISQUES EN MICROFINANCE :

Quelle ampleur pour le réseau OTIV « Zone Littorale » ?

N°09-80

Hariniaina ANDRIANIRINASOA
Université d’Antananarivo – Fac DEGS Département économie – Option Gestion

andrianirinasoa@yahoo.fr
RESUMÉ :

Les risques en microfinance sont regroupés en quatre catégories. La première


catégorie regroupe les risques opérationnels qui sont liés aux activités courantes de
l’Institution de Micro Finance (IMF). La deuxième catégorie rassemble les risques externes
dont le contrôle échappe généralement à l’IMF. La troisième catégorie de risques est liée à
la gestion financière de l’IMF ; tandis que la quatrième catégorie concerne les risques dits
institutionnels (ChurchilL, 2001).

Parmi les différents risques sus cités, nos enquêtes auprès de l’Union des OTIV « Zone
Littorale » en ont révélé plusieurs dont les plus marquants sont les risques opérationnels et
externes. D’abord, dans la mesure où la zone littorale s’étend sur 600 km et couvre une
superficie de 46.865 km² avec ses 120 communes et environ 2 millions d’habitants en 2005,
les suivis réguliers de ses trentaines de caisses OTIV 1 (allant de Maroantsetra au Nord à
Mahanoro au Sud) requièrent d’importants moyens humains, matériels et financiers que le
réseau ne dispose pas forcément. Il en résulte un laxisme qui favorise à tout moment les
fraudes et les détournements en tous genres. Ensuite, l’expansion du réseau OTIV « Z.L »
au-delà des zones urbaines, l’incite à financer des activités liées de près ou de loin à
l’agriculture. Cependant, très peu d’IMF avaient réussi à maîtriser les risques inhérents à ce
segment de marché que les banques ont toujours délaissé. Enfin, dans un milieu rural à
faible densité démographique, et souvent à faible monétisation de la production, le réseau
OTIV « Z.L » atteint rarement son autosuffisance opérationnelle et financière de sorte qu’il
doit dépendre des subventions dont les effets pervers en matière de dynamisme des IMF
continuent de faire couler beaucoup d’encre. Notons finalement la prévalence de la zone
littorale aux cyclones, rendant volatile une part non négligeable de son portefeuille.

Malgré cela, beaucoup d’efforts ont été réalisés par le réseau en matière de gestion
des risques depuis sa création en 1990. Des manuels de procédure ont été conçus auxquels
s’ajoute l’implication de structures interne et externe de contrôle. En outre, le réseau procède
régulièrement au renforcement des compétences de ses dirigeants élus et salariés.
Toutefois, la forte expansion du réseau s’accompagne irrémédiablement d’une hausse des
risques dont certains demeurent difficilement maîtrisables. Finalement, la gestion des
risques suppose une permanence dans leurs évaluations, qui seront suivies par la
conception de systèmes de contrôles dont l’efficacité se mesure à travers leurs aptitudes à
restituer avec fidélité la réalité des risques.

Mots clés : Risques opérationnels, concurrence urbaine, aléas climatiques.

Codes JEL : G21 - 017

1
Service Administratif et Financier de l’Union, 2007.

2
Introduction

Toute IMF s’expose en permanence à une forte probabilité de perte appelée


« risques » pouvant nuire non seulement à la pérennité de ses interventions, mais également
à la viabilité des projets financés et à l’impact socio-économique que ses initiatives peuvent
avoir sur les populations cibles. Souvent, on associe à l’expansion de l’IMF une plus grande
vulnérabilité aux risques, et cela à mesure qu’elle franchit les différentes phases1 de sa
croissance. Cette profusion de risques dans un marché où prédomine le secteur informel
légitime en quelque sorte l’appréhension du secteur bancaire classique à servir cette
clientèle servie par les IMF bien que le taux de bancarisation soit encore très faible 2 à
Madagascar.

Après que l’ancienne banque malgache de développement rural (BTM) ait essuyé en
19893 de lourdes pertes dans le domaine du microcrédit aux particuliers, les premières
initiatives mutualistes d’épargne et de crédit ont éclos depuis 1990. C’est ainsi que les
premières caisses du réseau OTIV « ZL » virent le jour avec l’AEPME (Association pour
l’Encadrement des Petits et Moyens Epargnants) à Tamatave en 1990. Par la suite, le
réseau connut de fortes expansions pour atteindre aujourd’hui une envergure régionale,
voire multirégionale. Malgré cela, la préoccupation principale paraît être la maîtrise d’un
accroissement substantiel des risques porté par le secteur de la microfinance en général et
par le réseau OTIV « ZL » en particulier. En effet, l’éventualité d’une faille au niveau de la
supervision, de la prévention ou de la détection des risques réels et potentiels accroîtra la
vulnérabilité de l’institution. C’est pourquoi, la gestion des risques devient une priorité pour le
réseau OTIV « ZL » à cause, non seulement du nombre grandissant de ses membres mais
également du volume4 et de la diversification de son actif. Cela implique en amont une
capacité de détection des risques, accompagnée de mesures de contrôle et de
redressement au cas où des pertes surviendraient inélucta-blement. Par contre, l’efficacité
des mesures prises sera évaluée en aval afin de les ajuster parallèlement à l’évolution des
risques.

Cela nous a amené à revoir et à analyser l’importance des risques auxquels s’expose
le réseau OTIV « ZL », malgré la préexistence de système de contrôle et de gestion de ces
risques mis en place depuis quelques années. Dans ce cadre, la question suivante doit être
posée : à quels risques le réseau OTIV « ZL » est-il pertinemment confronté par rapport à
son expansion ? Toutefois, l’objectif de ce travail n’est pas de dresser un éventail de tous les
risques habituels en matière de microcrédit, mais plutôt d’identifier les plus pertinents d’entre
eux en fonction des caractéristiques particulières du réseau, de sa clientèle et de son
environnement.

L’identification de ces risques avait nécessité non seulement une analyse des modes
de fonctionnement du réseau dans tous ses aspects, mais également plusieurs descentes
sur terrain pour s’enquérir des réalités locales, difficilement observables au niveau des
hautes sphères de la hiérarchie administrative du réseau. Notre démarche comprenait alors
deux phases. La première phase consistait à éplucher les manuels de procédure du réseau
OTIV « ZL » pour nous imprégner rapidement de ses modes de gestion afin d’en détecter les
failles éventuelles qui seront confirmées ou infirmées par les travaux de terrain. Cette
première phase avait aussi nécessité des recherches bibliographiques susceptibles de nous
aider à délimiter les recherches, étant donné l’étendue du sujet étudié. En même temps,
nous avions recueilli des avis émanant des professionnels du métier en matière de risques
en microfinance, concernant les régions couvertes par le réseau OTIV « ZL ». Cette phase
préliminaire de notre recherche avait abouti à l’édition de questionnaires munis d’hypothèses
1
Généralement le développement du secteur de la microfinance suit les quatre (4) phases suivantes : démarrage,
expansion, consolidation et intégration. Adechoubou 2003. p.12.
2
3 % et 7 guichets de banque pour 1 million d’habitants. Source : La Gazette de la Grande Île, 17 juillet ; p.9,
3
2008.
Taux de recouvrement entre 40 et 50 %. MAEP-Madagascar, 2003, Atelier de concertation nationale pour
l’amélioration du financement de l’Agriculture. Ed MAEP, p.3.
4
Evolution de l’encours de crédit (en milliers d’Ariary) : 1332134 (en 2004), 1423731 (en 2005), 2716785 (en
2006) et 4108243 (juin 2007). Source : Service d’Encadrement Technique, juin 2007.

3
concernant les risques réels et potentiels en matière de microcrédit. Par suite, la deuxième
phase de notre recherche nous emmenait à faire des études de terrain pendant lesquelles
des entrevues ont été menées avec les responsables élus du réseau OTIV et une partie de
ses salariés.

Les recherches vont alors démontrer une forte propension du réseau à la vulnérabilité
due aux risques opérationnels, externes et institutionnels. Par ailleurs, l’identification de ces
points de vulnérabilité nous permet de suggérer des solutions face aux risques afin de les
gérer efficacement.

Ainsi, cet article sera divisé en trois points :

1. Les facteurs à risques opérationnels,


2. Les risques externes : la concurrence et les aléas climatiques,
3. Quelques éléments de suggestion.

1. Les facteurs à risques opérationnels

Selon le manuel de gestion des risques (Churchill, 2001), les risques opérationnels font
référence aux pertes d’argent à travers les crédits défaillants, les fraudes et les vols. Ainsi,
les facteurs à risques peuvent émaner de la clientèle du réseau (Risques de crédit), de son
personnel (Fraude) ou de personnes extérieures à l’institution (Sécurité). Nous allons donc
les présenter successivement et par ordre d’importance.

1.1 Les risques de crédit

Les causes des détériorations de la qualité du portefeuille de prêts sont nombreuses.


Toutefois, pour le réseau OTIV « Z.L », elles proviennent de trois choses : d’une étude
insuffisante des dossiers de crédit, d’un manque de suivi après l’octroi des prêts, et de
l’instabilité de la gouvernance.

1.1.1 Une étude insuffisante des dossiers de crédit

Pour le réseau OTIV « Z.L », l’octroi de crédit aux demandeurs dépend des décisions
de la Commission de Crédit (C.C.) qui se réunit deux fois par mois pour statuer sur la
faisabilité et la rentabilité des projets à financer, mais aussi sur la solvabilité des clients.
Toutefois, il incombe conjointement aux agents de crédits et aux gérants d’analyser au
préalable les dossiers de prêt, en respectant les procédures définies par le réseau. A ce
propos, nos observations n’ont relevé aucune infraction aux règles et procédures citées plus
haut. Malgré cela, les risques ayant trait à la Rationalité limitée 1 pourraient à tout moment
compromettre même les analyses les plus sophistiquées, d’autant plus que les sujets à
analyser ressortent plus du domaine de la psychologie que de simples transactions
commerciales impersonnelles. Ceci implique de fait des approches très subjectives 2 des
demandes de crédit, avec ce que cela représente en terme de risques ex ante3 et ex post.
Dans le cadre de l’analyse des dossiers de prêts, les facteurs de risques ex ante sont
décisifs et devront par conséquent faire l’objet d’une attention particulière.

L’une des missions fondamentales assignées, aussi bien aux agents de crédit et/ou
gérants qu’aux autorités d’octroi de crédit « C.C », consiste à apprécier la moralité des
1
La Rationalité limitée – Concept emprunté au Prix Nobel de Sciences Economiques Herbert Simon – concerne
les limites neurophysiologiques de l’individu et les limites tenant au langage. Elle renvoie d’une part aux
difficultés qu’éprouve un individu pour recevoir ; emmagasiner et trier l’information et d’autre part aux
difficultés qu’ont les individus à communiquer leurs savoirs et leurs sentiments aux autres. (Baudry, 1995, p.
2
14).
Selon S. Plattner (1985), les transactions dans les pays en développement « may be governed by reciprocity
3
rather than impersonal market ».
Pour Oliver Williamson, l’opportunisme ex ante renvoie à l’exemple d’un individu désireux de se faire
embaucher par une entreprise et qui par conséquent triche sur ses véritables qualités et compétences. Dans le
second cas, (opportunisme ex post), la tricherie a lieu en cours d’exécution du contrat, le salarié ne fournissant
pas le niveau d’effort convenu dans le contrat en cas d’inobservation de son travail. (Baudry, 1995, p.14).

4
demandeurs de prêts. Pour ce faire, les agents de crédit se doivent de consacrer trente (30)
minutes d’entrevue à chaque demandeur. Cette première phase est fondamentale dans la
mesure où les recommandations qui en découlent influeront nécessairement les décisions
ultérieures des instances supérieures du réseau1. Toutefois, face à la hausse des
demandeurs de prêts et au nombre limité d’agents de crédit (ADCR) par caisse 2 de base, il
serait difficile pour ces derniers de garantir une objectivité sans faille, tout en respectant
scrupuleusement les temps qui leur sont impartis. En effet, le traitement des dossiers à partir
du jour de réception de la demande jusqu’au jour de prise de décision ne doit pas excéder
15 jours. Le cas échéant, le risque d’opportunisme ex ante s’accroît en fonction des dossiers
analysés puis accordés, et par rapport au nombre d’ADCR.

En juillet 2007 par exemple, il a été accordé 6.608 crédits (sur 39.847 membres). Ne
sachant pas le nombre exact de dossiers rejetés, nous avons estimé le nombre total de
demandes de crédits à environ 10.000 (du 1er janvier au 31 juillet 2007, soit 6 mois). Par
conséquent, chaque ADCR aurait enquêté 5 demandeurs3 de crédit par jour. En outre,
compte tenu des 30 minutes d’enquête par individu, l’ADCR devra consacrer au total 150
minutes de travail journalier aux entretiens. Compte non tenu du temps consacré à la
validation des dossiers et celui réservé aux délibérations et aux va-et-vient, il est évident
qu’un ADCR vit un rythme de travail assez soutenu, susceptible de l’induire en erreur. En
effet, l’évolution du ratio de productivité des ADCR nous dévoile en 2007 une réelle
intensification de leurs obligations par rapport à l’année 2006, avec respectivement des
ratios de 472 et 271.

Tableau n°1 : Evolution du ratio de productivité des ADCR.


2006 Juillet 2007
Nombre total de crédits octroyés 3.517 6.608
Nombre d’ADCR 13 14
Ratio de productivité des ADCR 271 472
Source : Service Encadrement de crédit, 2007 et auteur.

Quant aux gérants des caisses de base, leur responsabilité à l’égard des dossiers de
prêts consistent également à assumer les tâches inhérentes à la gestion courante et au
recouvrement du crédit, conformément à la politique 4 de crédit en vigueur. Pour ce faire, ils
doivent vérifier les conditions d’admissibilité de la demande de crédit, et les analyses qui lui
ont été proposées par les ADCR. Par ailleurs, ils doivent veiller à ce que la trésorerie
permette la mise en place des prêts, puis entamer par la suite une visite des lieux
accompagnée des ADCR et des commissaires en crédit afin de valider sur le terrain les
données fournies. Finalement, si la demande est acceptée par la commission de crédit, les
Gérants prendront en charge la gestion du prêt en signant le contrat, en comptabilisant les
opérations financières et en faisant trimestriellement une évaluation des créances à risques
en coopération avec les ADCR et l’Union « Z.L ».

Ainsi, les implications du gérant en matière d’étude insuffisante des dossiers de prêts
sont dues à ses multiples responsabilités qui l’empêchent de faire des suivis simultanés à la
fois des activités de ses centres administratifs et aussi celles des points de service 5 qui leur
sont rattachés. Pour l’OTIV Fiavotana II (centre administratif) situé au centre ville de
Tamatave (Bd Augagneur) par exemple, les suivis quotidiens de ses deux6 points de service
localisés dans la même ville (Rue de la libération et Tanamakoa) posent moins de difficulté
1
IL s’agit du gérant et de la Commission de crédit « C.C ».
2
Le nombre d’ADCR est de 1 agent par caisse de base ou centre administratif. En tout, il y avait 13 centres
3
administratifs en juillet 2007 pour 39.847 membres. En 2008, il y avait 43.000 membres.
En divisant : 10.000 demandeurs/14 ADCR/6 mois/4 semaines/6 jours par semaine = 5,34 ~ 5 clients/j.
4
Ces politiques précisent la nature des activités finançables, les montants des crédits pouvant être approuvés, la
désignation des autorités d’approbation des prêts, etc.
5
Les points de service sont des annexes créées dans le but de renforcer la collecte de l’épargne et d’assurer le
service de proximité du réseau OTIV. Ces points ou caisses de service sont sous la supervision du gérant d’un
centre administratif. Aujourd’hui, le nombre de caisses de service s’élève à 17 contre 14 pour les centres
administratifs.
6
En juillet 2007, ce centre recensait 4.891 membres dont 228 bénéficiaires de crédits (soit 4,7 %), taux de
recouvrement : 91,6%. Source : Service Administratif et Financier, 2007.

5
par rapport à ceux du centre administratif OTIV « Sandrify »1 de Mananara Nord. En effet, à
ce dernier sont rattachés quatre points de service situés à Sandrakatsy, à Manambolosy, à
Tanambaobe et à Iimorona. (Cf. Carte)2. Ainsi, dans la mesure où ces localités sont
éloignées les unes des autres, les fréquences des visites y sont limitées à une visite par
mois en moyenne. Il en résulte nécessairement une part d’arbitraire lors des prises de
décisions qui engagent le gérant en matière de validation des dossiers, sans pour autant
compromettre3 définitivement la qualité des portefeuilles. Malgré tout, il lui sera plus difficile
de s’enquérir avec certitude de la réalité financière et morale des clients avec qui il ne peut
s’entretenir que très rarement. Ainsi, le manque d’ADCR souligné plus haut, associé à
l’éloignement, sont autant de facteurs devant fragiliser à terme la qualité du portefeuille du
réseau OTIV « Z.L », en accentuant en amont les risques ex ante, et en aval les risques ex
post dus aux difficultés de suivi des crédits après leur mise à disposition (Voir, infra, p.6).

Quant aux responsabilités de la « C.C » en terme d’évaluation des risques de crédit ;


les faiblesses ne résultent ni du non respect des politiques et procédures d’approbation des
prêts, ni d’une non implication aux suivis des prêts ou à la gestion des défaillances. Elles
proviennent plutôt d’un manque d’expérience ou de compétence de la « C.C ». En effet, ses
trois membres élus par l’Assemblée Générale (Président, Vice Président et Secrétaire) ne
sont pas forcément des experts en matière d’appréciation des risques en microfinance. Il en
est de même des ADCR et des Gérants. Le cas échéant, les besoins de formation exprimés
lors des enquêtes CAPAF/CGAP4 (2005) sont révélateurs de cette faiblesse. D’après les
résultats de ces enquêtes, les besoins des IMF concernent la formation dans 65 % des cas,
dont 9% en terme de contrôle et de gestion des risques opérationnels (Cf. Tableau n°2).

Tableau n°2 : Besoins exprimés en formation.


Nombre Fréquence
Gestion du crédit 9 21 %
Gestion des ressources humaines 6 14 %
Comptabilité 5 12 %
Contrôle/Gestion des risques opérationnels 4 9%
Marketing 4 9%
Analyse financière 3 7%
Management 3 7%
Reporting 2 5%
Bases de la microfinance 2 5%
Autres5 5 12 %
TOTAL 43 100 %
Sources : CAPAF, Note de synthèse, juin 2005, p.17.

Le tableau ci-dessus nous montre l’intérêt particulier des IMF pour la gestion des crédits
face à l’augmentation de la demande dans ce sens. Ces besoins témoignent alors d’une
insuffisance de compétence que devront combler les formations. Concernant les autres
actions de renforcement de capacité, les résultats d’enquête de la CAPAF (2005) ont noté un
besoin en matière d’étude de marché (30 %). A ce propos, l’insuffisance de compétence
devient manifeste lorsque des évaluations trop optimistes du marché ont été faites dans la
zone AMBATOSOA (Mananara et Maroantsetra) avec le crédit vanille. N’ayant pas envisagé
la baisse du prix de la vanille sur le marché international, des crédits ont été octroyés avec
l’aval de la « C.C », et se sont soldés par de nombreuses demandes de rééchelonnement. Il
en découlait des retards, voire des impayés importants. De cette façon, il est incontestable
que les compétences de la « C.C » en matière d’analyse des prêts peuvent être remises en
cause. Toutefois, les risques résident également dans les difficultés de suivi des prêts.

1
En juillet 2007, ce centre dénombrait 2.555 membres dont 167 bénéficiaires de crédits (soit 6,5 %), taux de
recouvrement : 98,5 %. Source : Service Administratif et Financier, 2007.
2
Voir, infra, p.9.
3
Le taux recouvrement dépend aussi des technologies de prêt : Remboursements mensuels en milieu urbain
4
(sauf caisses féminines), et hebdomadaires en milieu rural.
CAPAF/CGAP (Programme de Renforcement des Capacités des Institutions de Microfinance en Afrique
5
Francophone). CAPAF propose 7 modules de cours : formation de formateurs. CLEAR, 2005, p.35.
Les besoins classés en « Autres » couvrent des thèmes tels que système d’information de gestion,
administration ou développement de nouveaux produits.

6
1.1.2 Les difficultés de suivi après l’octroi des prêts

Les suivis en question concernent l’usage des prêts aux fins prévues dans le contrat ainsi
que leurs recouvrements afin d’éviter entre autres le problème de fongibilité 1 des prêts et à
fortiori tous ce qui s’en suivront : ratios de PàR supérieurs aux normes, taux de créances
irrécouvrables inquiétants, taux important de rééchelonnement des crédits, etc. En matière
de détournement des objets de prêts par exemple, une étude lointaine faite par la Banque
mondiale (1976) dans cinq pays avait noté un taux de substitution allant de 25 % à 75 %.
Pour notre part, nous n’avons pas de données à fournir en la matière, bien que nous soyons
conscient de l’ampleur du phénomène que reflète le taux de PàR (30) anormalement élevé
par rapport aux normes (3 à 5 %) des principales SFD de Madagascar, comme le souligne
MIX/CGAP2. Pour le cas du réseau OTIV « Z.L », les taux calculés par nos soins sont
révélateurs d’un PàR encore élevé par rapport à la norme précitée. En conséquence, cela
attesterait d’une insuffisance de contrôle après la mise à disposition des prêts, et malgré la
vigilance des gérants, celle des ADCR et de la « C.C ».

Tableau n°3 : Evolution du PàR et des encours de crédit OTIV « Z.L ».


2001 2002 2003 2004 2005 2006
Membres 25.264 31.264 37.542 25.860 26.943 30.643
Nombre de crédits en cours 1.698 1.872 2.731 1.005 1.320 2.702
En cours en retard (30 j & +) 295.479 686.277 1.118.606 293.365 124.814 120.542
En cours de crédit 2.058.477 1.962.142 2.299.829 1.239.527 1.423.731 2.390.585
PàR (30) 14,354 % 34,975 % 48,638 %3 23,667 % 8,767 % 5,04 %
PàR (90) 20,659 % 19,677 % 26,490 % 20,630 % 4,050 % 3,672 %
Sources : Service d’Encadrement Technique, 2007 et auteur.

Pourtant, le système de suivi des prêts OTIV est assez draconien dans la mesure où
l’ADCR ou le Gérant doit rendre visite à l’emprunteur (au maximum 7 jours après l’octroi du
prêt) pour vérifier si la somme prêtée a été utilisée aux fins déclarées. En cas de
détournement d’objet, le remboursement intégral (ou partiel)4 et immédiat de la somme
prêtée sera exigé. Concernant la gestion des défaillances, tout emprunteur qui ne rembourse
pas dans les délais impartis fera aussitôt l’objet d’envoi de lettres de relances et d’action en
justice. De même, il lui sera mise à charge une pénalité de retard de 24 % l’an, calculé sur le
montant dû (capital et intérêt). Néanmoins, le client peut obtenir un rééchelonnement des
prêts après 90 jours de retard, sur proposition de l’ADCR et après approbation de la
Commission de Crédit. Ce rééchelonnement nécessite le paiement des frais de dossier et ne
doit en aucun cas excéder six mois. D’habitude, il ne dépasse pas les 90 jours au-delà
desquels une lettre recommandée de mise en demeure sera transmise au débiteur. En cas
d’échec des recouvrements à l’amiable, des procédures de recouvrement avec ou sans
demande de mesures conservatoires seront intentées.

Malgré cet arsenal de procédures, les données du tableau n°3 retracent toujours des
PàR (30) supérieurs aux normes, attestant ainsi, selon les intervenants en microfinance,
d’une crise de délinquance dont les causes sont le nombre insuffisant d’ADCR et de Gérants
pour surveiller davantage les prêts, l’absence parfois de finesse de la « C.C » en terme
d’appréciation des risques, etc. Notons toutefois que les contrôles inopinés et fréquents des
ADCR peuvent être à l’origine de tracasseries et donc de défaillance. En effet, non
seulement certains les qualifient de méthode paternaliste, mais ils réduisent l’efficience de
l’institution. D’où les limites citées auparavant en matière de fongibilité et de difficultés de
suivi des prêts, ainsi que leurs conséquence en matière de PàR (30). En outre, qu’en est-il
des risques liés à l’instabilité de la gouvernance ?
1
La fongibilité des crédits est la possibilité de les utiliser à une autre destination que celle pour laquelle ils sont
2
prévus sans solliciter d’autorisation particulière. Source : J-M Servet, 2005. p.12.
Etude sur la portée et les performances financières des institutions de microfinance en Afrique, MIX, avril
2005, www.mixmarket.org/medialibrary/mixmarket/MIX_Etude_Afrique_Fr[2].pdf.
3
Les années 2002 et 2003 étaient une situation exceptionnelle car le réseau avait subi l’effet néfaste de la crise
politique. Par la suite, le réseau avait affronté la dissidence de ses quatre caisses urbaines les plus importantes
(en termes de ressources : 60 %, et de membres).
4
Si la totalité du crédit n’a pas été investie, le reliquat doit être remis à l’OTIV en déduction des montants dus
(capital et intérêt) et sans que les conditions initialement prévues dans le contrat ne soient changées.

7
1.1.3 Les risques liés à l’instabilité de la gouvernance

Ces risques sont dus aux mandats limités des responsables élus, qui sont limités à
deux ou trois ans, et renouvelables une fois. Ainsi, malgré leur manque de compétence
spécifique, leur présence passagère au sein de l’institution inhibe toutes initiatives en termes
de formation. Le cas échéant, la relève devient une problématique à chaque fin de mandat. Il
en sera de même pour la continuité et la pérennité du réseau. Sinon, qu’en est il des risques
au niveau du personnel de l’institution ?

1.2 Les risques de fraude

Au sein d’une IMF, les fraudes peuvent se manifester sous plusieurs aspects. Elles
peuvent concerner aussi bien l’octroi de crédits, leurs remboursements, les garanties etc.
Cependant, quelle que soit leur nature, elles proviennent surtout de la faiblesse du système
de contrôle1 et d’audit2 internes.

1.2.1 Les limites du système de contrôle interne

Pour le réseau OTIV « Z.L », les contrôles internes incombent en premier lieu au
Comité de Contrôle (CoCo) dont les responsabilités s’étendent à la protection des actifs, à la
fiabilité des registres, à la rentabilité, à la prévention et la détection des fraudes, et au
respect des cadres légaux et réglementaires. Dans cette optique, le CoCo s’investit d’un
double mandat de vérificateur et de conseil. En tant que vérificateur, il s’assure que les
contrôles soient faits régulièrement et que les opérations faites par l’OTIV respectent la loi,
les règlements, les statuts et les codes de déontologie. Il veille aussi à ce que l’OTIV réalise
aussi bien sa mission sociale que financière. En tant que conseil, le CoCo doit émettre ses
recommandations aux gérants, aux « C.C » et aux membres du Conseil d’administration
(C.A) en vue d’améliorer les prestations du réseau.

Le contrôle interne incombe en deuxième lieu au Service d’Encadrement Technique


(SET) qui assure l’encadrement et l’appui technique à la gestion des caisses de base
affiliées au réseau. A ce titre, il met en place les politiques et les procédures concernant la
gestion de leurs activités et l’orientation du réseau (priorité, évolution, etc.). Il exerce aussi
des activités de contrôle et gère les affaires juridiques du réseau. Finalement, le SET
s’occupe de la gestion immobilière des OTIV. Toutefois, son effectif limité à deux 3 individus
empêche parfois le SET de satisfaire à tous les besoins en terme de contrôle. En effet, à
l’issue du plan de redressement du réseau en 2004, le nombre d’agents du SET a été réduit,
et certains d’entre eux ont été affectés aux postes de gérants, soit en vue de réduire les
charges de fonctionnement de l’union, soit pour disposer de gérants compétents. De plus,
l’effectif réduit du SET le contraint à des contrôles à distance qui n’offrent pas les mêmes
garanties de fiabilité que les validations sur le terrain : il s’ensuit dès lors un non respect des
normes prudentielles en terme d’allocation des ressources, de sécurité de l’épargne, etc.

Le contrôle interne incombe en troisième lieu au Gérant qui, pour éviter les fraudes soit
volontaires soit intentionnelles, doit procéder au contrôle quotidien du numéraire en
comparant l’existant en caisse avec la Récapitulation des Opérations et Brouillards
d’Encaisses (ROBE). Les écarts feront l’objet de recherches immédiates. Par la suite, la
ROBE doit être comparée aux fiches individuelles d’épargne des membres qui doivent être
mises à jour.

1
Le système de contrôle interne est l’ensemble des systèmes établis et maintenus par la direction en vue de
faciliter la réalisation de son objectif et d’assurer, dans la mesure du possible, la conduite ordonnée et efficiente
des activités de l’entité : DID (2003), La surveillance des Coopératives d’Epargne et de Crédit ISPEC. 3ème
édition, janvier 2003, p.41.
2
L’audit interne est une appréciation systématique et objective par les auditeurs internes des activités et
contrôles d’une institution. CGAP (2001), Gestion des risques opérationnels. Juin 2001, p.28.
3
Un responsable et un agent.

8
Pourtant, malgré les mesures précitées, le système de contrôle interne présente les
faiblesses suivantes :

- Malgré les formations déjà dispensées, les CoCo ne sont pas encore en mesure
d’assumer correctement leur rôle : Le bénévolat pourrait en être la cause.
- Le nombre restreint d’employés est un obstacle majeur aux activités de contrôle : La
séparation des fonctions incompatibles n’a pu être respectée.
- Le coût élevé de certains contrôles1 : Pour gagner du temps et/ou pour minimiser les
dépenses allouées à certains contrôles, les contrôles des opérations dont les risques de
perte sont jugés moins importants (selon l’opinion des contrôleurs) seront effectués par
sondage et en fonction de leur importance relative. Ainsi, l’abandon de certains contrôles
jugés trop coûteux2 rend le système moins efficace et augmente les risques. Sinon,
l’encadrement se fait par courrier ou par téléphone, et cela tous les mois afin de
transmettre les recommandations et les rapports de situation.
- Parfois, les Gérants sont occupés par les rapports financiers et les suivis financiers, la
recherche des écarts de gestion, la mise à jour des documents comptables et les visites
des points de service (P.S) qui durent 15 jours sur 22 jours ouvrables de sorte qu’il reste
peu de temps aux activités de contrôle.
En conséquence, il a été constaté que :
- Les caissiers utilisent des fiches d’épargne parallèles : une fiche réelle et une fiche factice
où sont faits des dépôts fictifs suivis de retraits réels.
- Il existe des crédits de connivence entre les élus, les employés et les membres, etc. Dans
certains cas, ces fraudes sont passées inaperçues.

1.2.2 Les faiblesses de l’Audit interne

Au sein du réseau OTIV « Z.L », le service d’audit interne se nomme Service de la


Surveillance et de la Sécurité Financière (SSSF). Ce dernier est constitué de quatre agents
et d’un responsable, et est assigné d’un double mandat de vérification et d’inspection au
moins une fois par an. En matière de vérification, le SSSF doit s’assurer que les états
financiers du réseau présentent une image fidèle de sa situation financière à une date
donnée, tout en se conformant aux normes de vérification généralement reconnues. Quant à
son mandat d’inspection, le SSSF veille à ce que les affaires du réseau soient gérées
sainement et prudemment en se conformant aux règlements et lois qui les régissent. Le
SSSF veille3 aussi à ce que le réseau applique les politiques et les pratiques appropriées de
gestion, leur permettant de contrôler les risques auxquels il s’expose dans leurs opérations.
Pourtant, malgré la systématisation de ses activités de contrôle, le SSSF reste aussi
confronté aux mêmes contraintes de contrôle citées auparavant. Il en découle tout au plus
deux visites par an des inspecteurs vérificateurs du SSSF. Ceci est dû, non seulement aux
coûts élevés des déplacements vers les zones éloignées de l’union (zone Mananara, zones
Mavam4 et Maroantsetra), mais aussi au nombre restreint des inspecteurs vérificateurs. En
réalité, les difficultés résident dans les modes d’intervention et dans le plan organisationnel
du SSSF.

Sur le mode d’intervention, les deux interventions annuelles du SSSF paraissent


insuffisantes malgré les risques encourus cités plus haut. De plus, l’audit des centres fait par
une seule équipe par mission retarde la production de rapports, et l’adoption de mesures
rectificatives aux moments adéquats. Enfin, étant donné le nombre de centres à auditer, le
SSSF n’aura qu’une analyse superficielle des risques, et par conséquent, les
recommandations qui s’en suivent ont des portées limitées en matière d’identification et de
maîtrise des risques. Sur le plan organisationnel, dans la mesure où l’objectif de l’audit
1
Contrôles faits par le Service d’Encadrement Technique (tous les trois ou quatre mois).
2
Certaines zones comme Mananara, Maroantsetra et Sainte Marie sont difficiles d’accès. On ne peut s’y rendre
rapidement qu’en avion, ce qui rend le déplacement coûteux.
3
Pour ce faire, son mandat d’inspection couvre les aspects suivants : la réglementation, la gestion des différents
risques, les opérations avec les personnes apparentées, les politiques, les délégations de pouvoir, les décisions
et les pratiques administratives, le contrôle interne, etc.
4
Comprend les districts de Mahanoro, de Vatomandry et de Brickaville.

9
interne consiste entre autres à identifier et à réduire au minimum les risques, la seule
périodisation de l’audit jointe à l’insuffisance d’effectifs ne permettent pas au SSSF de
s’enquérir à temps et dans leur intégralité des risques auxquels s’exposent les caisses. En
l’occurrence, les fréquentes visites sur le terrain, accompagnées de réunions de travail avec
les agents techniques, lui font certainement défaut. Ainsi, cette insuffisance de
communication1 ne garantit pas nécessairement l’adoption des mesures correctives et donc
l’atteinte des objectifs du réseau.

1.3 Les risques d’insécurité

Le risque d’insécurité se traduit par des risques de vols aussi bien des fonds que des
biens mobiliers et immobiliers du réseau. Pourtant, malgré l’amélioration de la sécurité
publique et la dotation en coffres forts, la sécurité de certains locaux du réseau OTIV « Z.L »
reste précaire et mérite de ce fait des attentions particulières.

En effet, il a été constaté que :

- La plupart des portes et fenêtres des OTIV ruraux est en bois.


- La toiture de certaines caisses est en tôles. Il est souhaitable qu’elle soit en béton et dotée
de système d’alarme.
- Les agents de sécurité ne sont pas armés.
- L’éloignement des caisses rurales par rapport aux établissements bancaires entraîne une
encaisse trop importante, sujette à toutes les convoitises. De plus, le transfert des fonds,
soit à l’union, soit à la banque n’est pas sécurisé (absence de véhicule blindé).

Finalement, ces risques opérationnels deviennent plus prépondérants à mesure que le


réseau étend ses activités, notamment vers les zones rurales éloignées. De plus, il en éclot
des risques externes supplémentaires issus de la concurrence urbaine des autres IMF et
banques, et des aléas climatiques.

2. Les risques externes

Les risques externes sont de différentes natures. Il peut s’agir de risques liés à la
réglementation, à la concurrence, à la démographie, à l’environnement physique et aux
risques macro économiques (ChurchilL, 2001). Toutefois, pour le réseau OTIV « Z.L », les
plus pertinents d’entre eux sont les risques liés à la concurrence et ceux qui sont liés aux
calamités naturelles.

2.1 La concurrence locale

La concurrence dans le domaine de la microfinance reste forte. Elle provient des autres
IMF, des établissements bancaires et de projets ou d’ONG. Pour le cas du réseau OTIV
« Z.L », la concurrence urbaine est très omniprésente, notamment dans la commune urbaine
de Toamasina. Ses conséquences peuvent être mesurées grâce à l’analyse de la part de
marché du réseau dans cette localité où est installée l’union des OTIV « Z.L ».

1
En ajoutant à cela les besoins en formations non assouvis.

10
2.1.1 La perte d’une part du marché
Tableau n°4 : Evolution de la part du marché du réseau OTIV « Z.L ».
2001 2002 2003 2004 2005 2006
Membres du réseau. 25.264 31.264 37.542 25.860 26.943 30.643
Nombre de crédits en 1.698 1.872 2.731 1.005 1.320 2.702
cours.
Taux de pénétration 2% 7%
(emprunteurs et (estimation) 3 %1 5% (estimation) 8,182 8,3 %3
épargnants confondus)
Estimation des Taux de
pénétration (des prêts 0,58% 0,87 % 1,45 % 2,04 % 2,38 %4 2,41%
uniquement).
Nombre d’emprunteurs
présumés actifs dans la 10.387 16.017 27.442 39.689 47.600 49.550
« zone littorale »5.
Population totale estimée 1.790.843,1 1.840.986,7 1.892.534,3 1.945.525,2 2.000.00 2.056.000
de la « zone littorale ». 0 0 3 9 0
Part de marché du 16,35 % 11,69 % 9,95 % 2,53 % 2,77 % 5,45 %6
réseau OTIV « Z.L ».
Sources : SET OTIV « Z.L » (2007) et auteur (2008).

La part du marché du réseau OTIV peut être calculée par le ratio : Nombre de
prêts en cours / Nombre total de prêts en cours (ou clients actifs) dans le secteur des
IMF. Ne sachant pas exactement le nombre total d’emprunteurs actifs dans « la zone
littorale », nous devons les estimer compte tenu du taux de croissance démographique
moyen du pays (2,8 %)7 et du taux de pénétration des IMF au niveau national en
matière de prêts (soit 2,38 % de la population en 2005). Partant d’une estimation de
deux millions d’habitants en 2005 dans la zone littorale, le tableau ci-après nous
révèlera une perte assez conséquente de la part de marché du réseau en 2004. Ce
recul est dû à la dissidence de quatre OTIV 8. Toutefois, le réseau a depuis regagné
progressivement sa clientèle en diversifiant sa gamme de prêts et en intégrant dans son
portefeuille une nouvelle clientèle de plus en plus rurale. Quoi qu’il en soit, de 2001 à
2006, sa part du marché avait reculé de 10,9 points. Le réseau OTIV avait donc ainsi
perdu 67 % de sa part du marché en cinq ans. Ce constat devrait alors inquiéter les
responsables du réseau d’autant plus que les interventions concurrentes fleurissent de
partout dans cette zone littorale. Il s’agit à titre d’exemple d’ADéFi, de SIPEM, de
MICROCRED, OTIV (ACOA), BFV-SG, BOA, etc.

2.1.2 La faiblesse du taux de rétention

La perte d’une part du marché signalée plus haut suppose un taux de rétention
assez faible part rapport aux prévisions de Hatch J. (1989) 9 en la matière. Notons
cependant qu’un taux de rétention assez élevé mettrait momentanément l’institution à
l’abri de la concurrence, jusqu’à ce qu’un nouveau concurrent propose sur le marché
des produits plus attrayants. Le cas échéant, le taux de rétention devrait diminuer
brusquement, et le réseau s’expose à davantage de risques externes. Néanmoins,
malgré l’importance du taux de rétention en tant qu’indicateur d’exposition du réseau
OTIV à la concurrence, les bases de données permettant de le calculer étaient
inaccessibles. Les seules données dont nous disposons à titre indicatif et qui, de ce fait
1
B.Poitevin, 2002, Le Point sur : Regard Technico-économique participatif d’Activités Génératrices de
Revenus (RTEAGR) : Leçons apprises et recommandations. Programme de Développement Rural –
2
SAHA. Inter coopération Suisse – Madagascar ; Coordination Nationale. Janvier, 2002.
Taux sans (CEM) : 241.857 clients / [(75 % « pauvres » x 17.739.000 habitants)/4,5] x 100 = 8,18 %.
3
4
APIFM, 2007
Taux de pénétration : 70.307 prêts / [(75 % « pauvres » x 17.739.000 habitants)/4,5] x 100 = 2,38 %.
5
(Population totale estimée de la zone) x (taux de pénétration des prêts exclusivement).
6
7
Maximum = (3.517 prêts octroyés/49.550) x100 = 7,09 %.
REPOBLIKAN’I MADAGASIKARA, (2004), DSNMF. 2004-2009. Juin, 2004, p.47.
8
9
ROBISTA Valpinson, MODELY Ampasimazava, FAMONJENA Mangarivotra et OTIV du Port.
J. Hacth, (1989), “FINCA village banking manual”. Ed. Finca. 1989. Dans J. Painter & B. Mc Nelly,
(1999), Village Banking Dynamics Study, Journal of Microfinance, n°1, p.1.
ne pourront pas se substituer aux données OTIV, concernent le réseau Action pour le
Développement et le Financement des entreprises (ADéFi). En effet, ces deux réseaux
ont respectivement octroyé 7.500 et 7.219 prêts en 2005, bien que les montants
moyens prêtés soient différents (358,74$ et 606,33$ pour ADéFi) 1. Néanmoins, par
rapport aux prévisions2 de Hatch, il en ressort par exemple que le réseau ADéFi retient3
moins bien ses emprunteurs en 2003 malgré ses taux d’intérêt moins chers (16 à 18 %
par an) que ceux des OTIV (24 à 36 % par an). Dans un article paru dans la revue
Techniques Financières et Développement en mars 2003 (n°70), on attribuait ce faible
taux de rétention au contre coup d’une politique de standardisation des produits
adoptés par les IMF pour une meilleure performance financière, etc.

Ainsi, la réduction de la part du marché soulevée plus haut, jointe aux faibles taux
de rétention de la clientèle, témoigne de l’existence d’une concurrence assez sévère
dans le secteur de la microfinance à Madagascar, et en particulier dans la zone littorale.
Cet état de choses contraint alors le réseau à élargir son portefeuille et y inclure depuis
un certain temps des prêts ruraux. Cependant, outre les risques liés aux faibles
dotations en facteurs de production et en rendement en milieu rural, le réseau OTIV
« Z.L » s’expose davantage aux risques covariants dont l’un des facteurs est climatique.

2.2 Les risques ruraux et climatiques

La zone littorale s’étend sur une distance de 600 Kilomètres en longeant le littoral
de l’océan indien, et de 100 Kilomètres vers l’intérieur des terres. Elle couvre une
superficie de 46.865 Km² et est limitée au Nord par le district de Maroantsetra et au Sud
par celui de Mahanoro. Cette zone compte trois formations géologiques :

- La partie au Nord et à l’Ouest est difficile d’accès et par conséquent très peu peuplée,
- La partie des collines à forte culture de riz selon la technique du « Tavy »4 et au sol
fortement lessivé,
- La partie côtière, pourvue de voies routières et partiellement de voies ferroviaires, et
dans laquelle l’agriculture, la chasse et la pêche constituent plus de 90% de l’activité
des ménages.

Ainsi, l’économie de la zone littorale est dominée par les activités liées de près ou
de loin à l’agriculture et le commerce, la pêche et la chasse, ce qui la rend tributaire
entre autres des conditions climatiques, des risques covariants, etc. Pourtant, le réseau
OTIV « Z.L » y avait progressivement étendu sa présence en répartissant
administrativement ses interventions dans cinq secteurs :

- Secteur 1 MAVAM : Districts de Mahanoro, Vatomandry et Brickaville,


- Secteur 2 TOAMASINA I : Commune urbaine de Toamasina
- Secteur 3 TOAMASINA II : Districts de Tamatave II et de l’île Sainte Marie
- Secteur 4 ANALANJIROFO : Districts de Vavatenina, Fénérive Est, Soanierana Ivongo
- Secteur 5 AMBATOSOA : Districts de Mananara Nord et de Maroantsetra.
Il en découlera une densification graduelle des portefeuilles ruraux avec ce que
cela représente en termes de charges et de risques dus à l’éloignement, et au manque
de contrôle. Par ailleurs, les cinq secteurs servis rentrent fréquemment dans les
trajectoires des cyclones tropicaux qui sévissent dans l’océan indien. Ainsi, la
survenance d’un aléa climatique de grande envergure compromettra la survie du
réseau.

2.2.1 Une clientèle rurale non négligeable

1
Auteur, 2008.
2
En effet, ce dernier prévoyait un taux de rétention de 65 % à la fin de la première année, puis 53 % après
deux ans, et 35 % au bout de trois années.
3
De 1 à 2 ans = 53,7 % ; de 1 à 3 ans = 36,4 % et de 1 à 4 ans = 21,1 %. Source : DIAL/GRET/MADIO,
(2003), Suivi d’impact ADéFi, p.52.
4
Culture sur brûlis.

12
Hormis quelques exceptions dues à l’emplacement urbain des caisses de base,
seuls les quatorze centres administratifs en 2007 sont normalement implantés en milieu
urbain. Quant aux dix-sept points de service qui leur sont rattachés, la plupart d’entre
eux sont localisés en zones rurales. Grâce aux informations confinées dans les tableaux
ci-après, nous aurons un aperçu des risques que représentent les prêts ruraux,
notamment à travers les crédits en souffrance. Ainsi, nous allons exploiter des données
datées de juillet 2007.
Tableau n°5 : Répartition géographique des OTIV « Z.L » en juillet 2007.
i

Localité/Urbaine Dénomination Membres Bénéficiaires Encours Crédits en


de prêts de prêts souffrance
Vavatenina Andry 3 226 271 351 314 790 8 027 505
Fénérive Est Ezaka 5 995 733 1 113 788 717 38 041 957
Toamasina I SOLIRAF 4 429 231 258 866 720 31 349 654
Brickaville Vohitra 2 478 239 191 609 577 11 907 886
Toamasina I Fiavotana II 4 891 228 302 789 058 25 541 961
Mananara Sandrify 2 555 167 247 610 069 3 664 090
Maroantsetra Tsimanavaka II 2 347 134 204 445 732 39 247 489
Sainte Marie Mahatsara 1 160 59 114 976 273 28 939 637
Caisse féminine - 4 563 3 764 581 079 000 166 000
Sous total Urbain 31 644 5 826 3 366 479 936 186 886 179
Localité/Rurale Dénomination Membres Bénéficiaires Encours Crédits en
de prêts de prêts souffrance
Soanierana Ivongo Tanjona 2 394 149 173 006 838 4 883 052
Foulpointe Mahavelombola 1 187 182 190 222 778 19 279 325
Ilaka Est Mahasoa 1 068 102 81 139 227 15 192 642
Vatomandry Toky 1 907 176 139 890 358 11 797 117
Mahanoro Tranämbo 1 647 173 164 906 957 2 074 551
Sous total Rural 8 203 782 749 166 158 53 226 687
TOTAUX GENERAUX 39 847 6 608 4 115 646 094 240 112 866
Sources : Service Administratif et Financier OTIV « Z.L », juillet 2007 ; Auteur, 2008.

L’observation de ce tableau nous révèle que les prêts aux ruraux sont moindres
par rapport aux prêts urbains, en termes de nombre de bénéficiaires. En effet, la
clientèle rurale représente uniquement 11,83 % des prêts, contre 88,17 % pour les
emprunteurs urbains. Cependant, nous constatons que 18,20 % des encours de prêts
leur reviennent, contre 81,80 % pour la clientèle urbaine. Ceci s’explique par la politique
d’extension géographique du réseau OTIV « Z.L ». Malgré cela, la part assez élevée
des crédits en souffrance attribuée à cette clientèle rurale atteste de la vulnérabilité du
portefeuille. En conséquence, des octrois de crédits en leur faveur, et au-delà des 20 %
du portefeuille compromettront sérieusement la rentabilité du réseau. Selon le manuel
de gestion des risques (Churchill, 2001), ce pourcentage ne doit pas excéder 10 à 20 %
du portefeuille. Pourtant, il y a lieu de noter que le réseau OTIV frôle ce seuil avec
18,20 % d’encours de prêts ruraux.

Tableau n°6 : Importance des crédits en souffrance dans le portefeuille OTIV « Z.L ».
Membres % Nb Prêts % Encours de prêts % Crédits en souffrance %
TOTAUX URB 31 644 79,41 5 826 88,17 3 366 479 936 81,80 186 886 179 77,83
TOTAUX RUR 8 203 20,59 782 11,83 749 166 158 18,20 53 226 687 22,17
TOT GEN 39 847 100,00 6 608 100,00 4 115 646 094 100,00 240 112 866 100,00
Sources : Service Administratif et Financier OTIV « Z.L », juillet 2007 ; Auteur, 2008.

Toutefois, dans la mesure où la vocation agricole et rurale de la zone est


déterminante dans l’économie de la région 1, la part actuelle déjà élevée des crédits en
souffrance (RUR = 22,17 %) n’est que la face cachée d’un iceberg, risquant à tout moment
de fragiliser le réseau OTIV « Z.L ». Notons que celui-ci souffre déjà d’un taux de
délinquance de 5,8 %2. Finalement, les cyclones sévissant tous les ans dans l’océan indien
ne feront qu’amplifier ce phénomène.

1
Voir, Supra, p.11.
2
Service Administratif et Financier du réseau OTIV « Z.L », juillet 2007.

13
2.2.2 Une forte prévalence des cyclones

L’un des défis auxquels le réseau OTIV « Z.L » devra faire face serait les
cyclones. En effet, la zone littorale est fréquemment touchée par des cyclones depuis
des années. Dans la mesure où son économie reste profondément tributaire des
activités agricoles, la survenance des cyclones constitue un risque non négligeable pour
la survie de l’IMF et celle des activités financées. A ce propos, durant ces vingt
dernières années, nous avons dénombré 37 cyclones 1 dont 30 ont touché Madagascar,
soit une moyenne de 1,5 cyclones par année. Par ailleurs, il s’avère que ces fléaux
causent parfois des pertes humaines et des dégâts matériels importants, même s’ils ont
seulement affleuré les côtes de l’île. Sans être exhaustif, les plus connus d’entre eux
sont les cyclones GAFILO (6 mars 2004), HARY (9 mars 2002), ANDO (6 janvier 2001),
ELINE (17 février 2000), GLORIA (3 janvier 2000), etc.

Durant la saison 2003-2004, GAFILO, avec des vents de 250 à 330 km/h avait
détruit 85 % des habitations d’Antalaha (au Nord). On déplorait 237 décès, 181 disparus
et 879 blessés. Ce cyclone avait causé 304.000 sans abris et inondé 2 plus de 6.000
Hectares de terrains agricoles, causant ainsi des pertes importantes sur les récoltes. Il
en était de même du cyclone HARY avec ses vents de 200 à 250 Km/h. Celui-ci avait
amené des pluies torrentielles de sorte qu’à Antalaha, deux ponts ont été emportés. En
outre, dans le district de Fénérive Est une route a été coupée à cause de la destruction
d'un pont. Finalement, HARY avait coûté la vie à une personne à Maroantsetra. Quant
aux autres cyclones ELINE et GLORIA, ils avaient fait plus de 160 victimes et des
milliers de sans abri (http://www.malango.fr/). Ainsi, nous pouvons en déduire qu’en cas
de cyclone, il serait difficile pour le réseau OTIV de se prémunir des risques covariants 3,
d’autant plus que l’éloignement et le délabrement des voies de dessertes vers ses
points de service constituent un sérieux handicap.

Finalement, les cyclones représentent non seulement des menaces récurrentes


pour l’île, mais ils s’intensifient 4, et constituent un frein au développement de la zone
littorale, d’autant plus que leurs trajectoires varient très peu au vu des photos
satellitaires des cyclones HARY et ANDO5 . En générale, la zone littorale servie par le
réseau OTIV est constamment touchée, sinon frôlée. La saison cyclonique s’étale de
décembre à mars avec une précipitation de 513 mm (en mars). Notons que la moyenne
pluviométrique annuelle est de 3.420 mm. D’où les inondations citées plus haut.

1
Voir, tableau 7 : Liste des cyclones ayant sévi à Madagascar depuis 1988.
2
Entre le 3 et le 10 mars 2004, le total des précipitations atteint 500 mm.
3
Malgré un effort de diversification de son portefeuille, la prédominance de l’agriculture dans l’économie
de la zone est un facteur à risques covariants.
4
A Madagascar comme dans la plupart des pays situés en zone tropicale ou sub-tropicale, les catastrophes
naturelles (cyclones, fortes pluies…) s’intensifient et causent des dégâts de plus en plus importants ces
dernières années. En 2008, par exemple, les cyclones Fame, Jokwe et Ivan ont causé la mort d’une
centaine de personnes. Source : http://www.mediaterre.org/madagascar/.
5
La saison cyclonique 2001 a débuté dès le 2 janvier 2001 quand le cyclone "Ando" est né par 11°S et
61°E. C'est approximativement à 1200 km au sud-est de Madagascar. Le 5 janvier, Ando est parti vers le
Sud, en passant entre Madagascar et la Réunion. Son parcours l'a amené à moins de 240 km des côtes
réunionnaises. Si Ando avait touché une des îles, les dommages auraient probablement été considérables.
Il est classé en catégorie 5 des cyclones tropicaux. Le "Joint Typhoon Warning Centre" basé sur l'île de
Guam a relevé des vents de 225 à 270 km/h. La hauteur maximum des vagues était de 6 mètres. Source :
http://www.malango.fr.
Tableau n°7 : Liste des cyclones ayant sévi à Madagascar.
NOM ANNEE PASSE ENTREE
GAFILO 2004 touche 3/6/2004
KESINY 2002 ne touche pas 5/6/2002
HARY 2002 ne touche pas 3/9/2002
ANDO 2001 ne touche pas 1/6/2001
ELINE 2000 touche 2/17/2000
GLORIA 2000 touche 1/3/2000
HUDAH 2000 touche 2/4/2000
FABRIOLA 1997 touche 3/1/1997
GRETELLE 1997 touche 1/23/1997
JOSIE 1997 touche 8/2/1997
BONITA 1996 touche 10/1/1996
EDWIGE 1996 touche 2/26/1996
FODAH 1995 ne touche pas 1/24/1995
JOSTA 1995 touche 10/3/1995
KELVINA 1994 ne touche pas 6/3/1994
DAISY 1994 touche 1/13/1994
GERALDA 1994 touche 1/2/1994
JULITA 1994 touche 2/16/1994
LITANNE 1994 touche 3/15/1994
NADIA 1994 touche 3/22/1994
FINELLA 1993 ne touche pas 11/2/1993
DESSILIA 1993 touche 1/20/1993
GRACIA 1993 touche 2/22/1993
HUTELLE 1993 touche 1/3/1993
IONIA 1993 touche 3/3/1993
BRYNA 1992 touche 1/1/1992
ELISABETHA 1992 touche 2/23/1992
CYNTHIA 1991 touche 2/17/1991
ALIBERA 1990 touche 12/30/1989
HANTA 1990 touche 4/13/1990
JINABO 1989 ne touche pas 3/25/1989
CALASANJY 1989 touche 1/13/1989
IANA 1989 touche 2/26/1989
CALIDERA 1988 touche 1/14/1988
DOAZA 1988 touche 1/25/1988
FILAO 1988 touche 2/24/1988
HELY 1988 touche 3/27/1988

Source : http://www.malango.fr/

3. Eléments de suggestion

La gestion des risques au sein d’un réseau de microfinance concerne à la fois la


prévention et l’atténuation des risques au cas où ils surviennent. Elle concerne aussi la
réévaluation périodique des stratégies en cours car les risques évoluent avec le temps.
Dans le cadre de cette étude, nos suggestions se rapportent à la gestion des risques les
plus pertinents, qui ont été soulignés plus haut. Il s’agit notamment de :

3.1 Augmenter le nombre d’agents de terrain

Etant donné le nombre croissant des demandeurs de crédits, il importe


d’augmenter le nombre d’ADCR dans le but de ne pas les surcharger malgré la quête
d’une meilleure productivité1. Ainsi, les clients à risques seront rapidement identifiés
puis rejetés, tandis que les autres seront mieux encadrés afin de garantir les
recouvrements ultérieurs.

3.2 Doter les gérants de moyens nécessaires

Il s’agit d’abord de moyens humains supplémentaires qui doivent les assister dans
la gestion opérationnelle des caisses. Dans la mesure où la validation du travail des
ADCR, ainsi que celui des responsables de caisse relèvent de leur responsabilité, un
accroissement du volume d’activités les réduira tout au plus à des administrateurs de
prêts, s’occupant des questions administratives, plutôt que d’évaluer en long et en large
les risques associés. En outre, des moyens de déplacement adéquats sont requis pour
rallier les points de service éloignés des centres administratifs.

1
Voir, supra, Tableau n°1 : Evolution du Ratio de productivité des ACDR, p.4.

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3.3 Adopter des systèmes de motivation appropriés

Le désintérêt peut résulter d’une insuffisance de compétence ou de rémunération.


De plus, un surcroît de clientèle et donc de travail et de responsabilité méritera un savoir
faire et une technicité que ne sauraient acquérir les responsables sans les contributions
du réseau. Par ailleurs, des récompenses sous forme de primes seront promises aux
plus performants, notamment du point de vue qualité des portefeuilles. Symétriquement,
des sanctions seront prévues à l’encontre des responsables (ADCR, Agents, …) en cas
de défaillances flagrantes afin de les responsabiliser. Il en sera de même de la clientèle
en matière de possibilité de renouvellement des prêts ou de traitements de faveur, sinon
de pénalités de retard ou de non renouvellement des prêts, en mettant en exergue la
notion de tolérance « zéro ».

3.4 Améliorer le contrôle et l’audit interne

Il s’agit de renforcer l’équipe du SET pour pallier les irrégularités des contrôles,
dues entre autres au nombre élevé de caisses et à l’éloignement de certaines d’entre
elles. En outre, il faudra mettre à pied d’œuvre le CoCo à coups de motivations. Face à
l’éloignement de certaines caisses par rapport à l’Union, des moyens de communication
et de déplacement supplémentaires sont requis, pour permettre à la fois l’encadrement,
les suivis et les contrôles (BLU, Téléphones par satellite, motos, …). Par ailleurs, les
compétences du personnel et celles des inspecteurs devront être améliorées après
identification de leurs besoins de formation respectifs. Le réseau pourra ainsi amoindrir
les risques de fraude.

3.5 Faire face à la concurrence locale

En raison de la perte d’une part du marché (de 16,35 % en 2001 à 5,45 % en


2006), le réseau OTIV devra entre autres affiner ses produits en réajustant par exemple
certaines de leurs caractéristiques dont les taux d’intérêt, les niveaux de garantie requis,
l’accès. Le taux d’intérêt élevé (entre 24 et 36 % l’an), jugé contre productif par les
clients, devra être revu à la baisse sans pour autant décapitaliser l’IMF. La garantie
exigée devra être revisitée par rapport avec celle voulue par les IMF concurrentes. La
standardisation des produits ayant comme objectif initial l’atteinte d’un rendement
d’échelle devra être moins rigide et plus personnelle pour éviter ses contre-coups
spécifiques : l’abandon. D’après Plattner (1985), « In many developing countries, actors
may be governed by reciprocity, as characterized by personal market exchange, rather
than by impersonal markets ». Le cas échéant, le réseau devra faire preuve
d’innovations en recherchant à répondre de près aux attentes de la clientèle en termes
de produits. Finalement, l’accès aux caisses du réseau devra être élargi en mettant en
place de nouvelles caisses, et de nouvelles agences. En outre, les horaires d’ouverture
actuels devront être prolongés.

3.6 Tenir compte des calamités naturelles

D’après nos résultats de recherche, environ 19 % des encours de crédit sont


alloués aux zones rurales avec 22,17 % des crédits en souffrance. Cependant, face aux
effets dévastateurs des cyclones qui y sévissent, il faudra financer par exemple des
activités hors saison cyclonique et sécheresse. Toutefois, son exécution requiert la
participation active de techniciens dont les charges salariales pourront peser sur la
finance des IMF. A défaut de moyen de planification plus élaboré, le réseau pourra
recourir aux systèmes d’assurance indice climatique.

Conclusion

Bien qu’il soit plus facile pour nous de proposer des solutions aux problèmes de
gestion des risques, leurs concrétisations relèvent d’un autre domaine dans lequel
interagissent des contraintes surmontées de dilemmes, de priorités. Ceci étant, la

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gestion des risques devient un apprentissage permanent dont l’issue dépend non
seulement le l’IMF, mais aussi de la clientèle et d’autres facteurs imprévisibles. N’étant
pas en mesure de maîtriser tous les risques, il subsistera toujours une part de réalités
qui ne pourra que remettre en cause la survie et la pérennité du réseau OTIV.

Néanmoins, comme tout apprentissage, la maîtrise des risques est un processus


long et coûteux, nécessitant l’implication de tous les acteurs concernés. Pour y parvenir,
il faudra une prise de conscience collective grâce aux formations et aux sensibilisations,
mais aussi grâce aux systèmes de sanctions. Il faudra également améliorer l’efficacité
de l’organisation et des structures en place, etc.

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