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UNIVESITE DE GOMA
UNIGOM

Faculté de Droit

DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS


TOME II. Procédure pénale
Par

Professeur Télesphore KAVUNDJA MANENO

Docteur en droit judiciaire de l’Université Catholique de Louvain (U.C.L.)


Spécialiste en droit judiciaire comparé
Ancien juge au tribunal de grande instance de Bukavu
Avocat honoraire au Barreau de Bruxelles
Président honoraire de la sous commission de droit judiciaire
de la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais
Expert international en réforme de la justice

Janvier 2016
4ème édition
2

INTRODUCTION GENERALE

I. NOTIONS DE DROIT JUDICIAIRE

1. Définitions et place de la procédure pénale dans les branches de droit judiciaire


La procédure pénale fait partie des branches de droit judiciaire. Le professeur Antoine
Rubbens définit le droit judiciaire comme étant l’ensemble des règles suivant lesquelles les
organes juridictionnels sont constitués et exercent leurs pouvoirs, il régit donc l’organisation
judiciaire, la compétence, la procédure et les voies d’exécution1. Cette définition a le mérite
d’être technique et énumère les composantes du droit judicaire qui sont l’organisation et
compétence judiciaires, la procédure civile, la procédure pénale et les voies d’exécution.

D’autres auteurs définissent le droit judiciaire comme étant l’ensemble des règles
relatives à la solution du litige par le juge ainsi que les règles de procédure2. Cette définition
ne concerne que la procédure civile et n'englobe pas les autres branches du droit judiciaire. Le
professeur Cyr Cambier considère que le droit judiciaire comprend l'ensemble des normes et
des principes qui régissent l'administration de la justice par les cours et tribunaux3. Dans ce
sens, le droit judiciaire porte sur l'organisation, les attributions et les compétences de ces
diverses institutions; il fixe les procédures, les sûretés et les contraintes qui règlent et assurent
l'accomplissement de leur oeuvre.

Nous proposons une définition qui semble simple et pratique: le droit judiciaire est
l'ensemble des lois, des règles relatives à l'organisation et compétences judiciaires et aux
procédures judiciaires (procédure pénale, procédure civile et les voies d'exécution). Cette
définition est intéressante dès lors qu'elle regroupe les différentes branches du droit judiciaire
qui sont l’organisation et compétence judiciaires, la procédure civile, la procédure pénale et
les voies d’exécution. L'organisation et compétence judiciaires est l’ensemble des règles,
des lois relatives à l’organisation, fonctionnement et compétences des cours et tribunaux
(juridictions judiciaires et juridictionnelles). Elle comprend donc les principes régissant
l’organisation de la justice en général et ceux relatifs aux compétences des cours et tribunaux
tant nationaux qu’internationaux (compétences matérielles, compétence territoriale et
personnelle).

Les procédures judiciaires englobent la procédure civile, la procédure pénale et les voies
d'exécution. Le mot "procédure" désigne une manière de faire pour aboutir à un certain

1
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Ed. Maison Ferd. Larcier,
1970, p. 37.
2
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 4, p. 2.
3
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil. Tome I. Fonction et organisation judiciaires, Bruxelles, éd. Maison
Ferdinand Larcier, 1974, p.9
3

résultat; il vient du mot latin "procedere" qui signifie littéralement "aller de l'avant"4 dans le
respect des droits de la défense.

Juridiquement, la procédure recouvre deux réalités:


- dans un sens large et au sens courant, la procédure est l'ensemble de formalités à accomplir
pour atteindre un résultat déterminé, un processus à suivre, sans qu'il ait conflit, sans qu'il ait
contentieux. Par exemple: la procédure d'inscription à l'université ou la procédure de
participation au concours Miss RDC, Miss Vodacom, etc.
- dans un sens étroit, le mot procédure évoque les formalités à accomplir devant une
juridiction pour mener à bien un procès. Mais un procès pénal est précédé d'une accusation, et
la recherche des preuves, avant même l'audience de jugement, suppose elle aussi le respect
d'une certaine procédure.

La procédure pénale ne se limite pas aux règles applicables au déroulement d'une procédure
devant la juridiction de jugement. Elle part de la commission de l'infraction jusqu'au
jugement, c'est-à-dire:
- le constat des infractions et la recherche de leurs auteurs;
- la recherche des preuves, l'instruction;
-le jugement et, éventuellement, la condamnation ainsi que l'exécution de cette condamnation.

De manière concrète, la procédure pénale que l'on peut appeler droit judiciaire répressif
ou droit judiciaire pénale5 est l'ensemble des règles de procédure à suivre depuis la
commission de l’infraction pénale jusqu’à l’exécution du jugement ou arrêt. Elle est la mise
en oeuvre du droit pénal car elle est le trait d'union entre l'infraction et la peine. Elle traite du
procès pénal et comprend les règles du déroulement du procès pénal au cours des différentes
phases: l'enquête préliminaire, l'instruction préparatoire, le jugement et son exécution. Elle
fixe les règles qui doivent être suivies et les formes qui doivent être respectées pour la
recherche, la constatation et la poursuite des infractions, pour l'établissement des preuves
(enquêtes préliminaires et instruction préparatoire) et le jugement du délinquant à l'audience.
Elle réglemente l'autorité et les effets des jugements répressifs et les voies susceptibles d'être
exercées contre ces jugements6.

La procédure pénale a pour objet de déterminer les règles qui assurent la mise en oeuvre
du droit pénal: comment, à quelle conditions et suivant quelles règles une personne peut-elle
être poursuivie devant les juridictions pénales du chef d'une infraction et se voir infliger une
peine ? De quelles garanties bénéficie-t-elle ? Quelles sont les droits reconnus à la victime de
l'infraction ? Quels sont les droits des tiers ?7. La procédure pénale englobe également
l'administration de la preuve en matière pénale.

4
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2, p. 1.
5
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1, p. 11.
6
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n°2, p.2.
7
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1.Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.9.
4

A l'inverse, la procédure pénale peut s'appliquer sans procès pénal, par exemple en cas de
non-lieu à renvoyer devant une juridiction de jugement ou par le jeu de modes alternatifs de
règlement des litiges (médiation, conciliation). En ce sens, la procédure pénale est la mise en
oeuvre du droit pénal de fond par des lois de forme, à tous les stades de la réaction sociale,
dès la commission de l'infraction, en tout cas dès sa révélation et sans pour autant aller jusqu'à
un procès devant une juridiction de jugement8.

La procédure civile que beaucoup appellent droit judiciaire privé9 est l'ensemble des
règles de procédure à suivre entre l'examen du litige porté devant une juridiction (ou autre
institution) jusqu'à l'exécution de la décision définitive vidant ledit litige (ou jugement ou
arrêt). Certains auteurs sont explicitent et définissent la procédure civile comme étant la
marche à suivre pour obtenir, attaquer ou exécuter une décision de justice ou encore elle est
forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, y intervenir,
instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter10. Elle englobe aussi
l'administration de la preuve en matière de droit privé, la conciliation, la médiation et
l'arbitrage.

Les voies d'exécution quant elles sont toutes les règles de procédure relatives à l'exécution
de jugements ou arrêts (y compris les saisies).

Il convient de préciser que certains doctrinaires11 utilisent parfois l'expression droit


processuel pour désigner le droit judiciaire. Comme son nom l'indique, processuel vient du
mot procès, autrement dit c'est l'ensemble des lois, règles, mécanismes mis en place pour le
déroulement du procès depuis sa préparation, son commencement jusqu'à son exécution. C'est
pratiquement le droit judiciaire. Dans ce sens, la procédure pénale est aussi appelé droit
processuel pénal.

Bref, la procédure pénale fait partie du droit judiciaire et a comme objet d'indiquer les
règles à suivre depuis la commission de l'infraction jusqu'au jugement voire même à son
exécution. Les matières d’organisation et compétence judiciaires font l’objet du tome I de
notre ouvrage qui a déjà fait l'objet de la publication, le tome II est consacré à la procédure

8
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2, p. 2.
9
Notamment G. CLOSSET MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009;
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009; O. STAES, Droit judiciaire
privé, Paris, éd. Ellipses, 2006; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire. Tome I. Institutions
judiciaires et éléments de compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014; J. HERON et Th. LE BARTS,
Droit judiciaire privé, Paris, 3ème éd. Montchrestien, 2006; A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome
II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé, Kinshasa, éd. PUC, 2012; MATADI NENGA
GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant, Droit et Idées
Nouvelles, 2006.
10
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier,
2015, n° 1, p. 15; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire. Tome 1. Institutions judiciaires et
éléments de compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 9, p. 21.
11
Notamment S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 8 ème éd.
Dalloz, 2015; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012; L.
CADIET, J. NORMAND et S. AMRAMI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010.
5

pénale et le tome III sera consacré à la procédure civile ainsi que les saisies et les voies
d’exécution que nous publierons prochainement.

2. Différence entre la procédure pénale et la procédure civile


Comme nous l'avons souligné, la procédure pénale et la procédure civile sont deux
branches de droit judiciaire mais qui se distinguent au regard de plusieurs aspects. La
différence fondamentale réside au niveau de l'intérêt, l'initiative, l'activité du juge, l'objet et
l'exécution du procès pénal et du procès civil.

Concernant l'intérêt, le procès civil (commercial, social et de la famille) ne met en jeu que
les intérêts particuliers de deux individus alors que le procès pénal oppose le délinquant à
l'Etat, partie principale et nécessaire.

Concernant l'initiative, le procès civil (commercial, social et de la famille) est de


l'initiative privée car les particuliers peuvent décider librement d'intenter ou non un procès
étant donné qu'ils défendent leurs intérêts subjectifs. A cet égard, ils peuvent renoncer à agir
et peuvent transiger en monnayant la renonciation de l'un d'eux au procès, ou même son
désistement, s'il l'a déjà engagé, ou son acquiescement s'il a déjà obtenu une décision en
première instance. Le procès pénal est généralement d'initiative publique car l'autorité
publique ne se borne pas à attendre que les particuliers (victimes ou témoins) viennent lui
signaler la commission d'infractions; elle a un rôle d'initiative pour rechercher les infractions
et les découvrir. De plus, l'ouverture du procès pénal est une affaire d'Etat. La charge de saisir
les juridictions n'est pas laissée à la victime même si celle-ci a exceptionnellement la
possibilité de saisir directement la juridiction du premier degré par voie de citation directe en
déclenchant l'action publique. Le principe demeure que la charge de mettre l'action publique
en mouvement, qui aboutira à la condamnation du coupable, repose essentiellement sur une
autorité officielle, le ministère public. Enfin, le ministère public n'a la possibilité ni de se
désister, ni d'acquiescer.

Concernant l'activité du juge, dans le procès civil (commercial, social et de la famille),


généralement, le juge est tenu par le principe du dispositif c'est-à-dire, il s'en tient à ce que les
parties demandent, il ne peut statuer extra ou ultra petita. Ce sont donc les particuliers qui
peuvent décider l'enjeu de leur litige, le juge ne peut pas changer le domaine du litige
librement fixé par les parties. En cette matière, le juge est passif (même si actuellement, ce
rôle a beaucoup évolué en devenant actif). De plus, c'est aux parties qu'incombe la charge de
prouver ce qu'elles avancent, en respectant les règles légales. Les juges n'ont pas à apporter
une aide aux parties, ils se bornent à apprécier les éléments de preuve que les parties leur
soumettent. Dans le procès pénal, c'est en principe le ministère public qui met l'action
publique en mouvement qui est demandeur et c'est sur lui que repose la charge de la preuve de
la culpabilité de la personne poursuivie.

Concernant l'objet, le procès pénal vise à l'application d'une sanction pénale ou d'une
mesure de sûreté, en vue de protéger la société, tandis que le procès civil (commercial, social
6

et de la famille) vise à consacrer un droit de nature privée. La nature de la sanction et ses


conséquences donnent au procès pénal une gravité particulière se traduisant par une prise en
considération plus grande du rôle de la personne comparaissant en justice que dans la procès
civil.

En outre, le procès pénal est plus étroitement lié au droit pénal que le procès civil ne l'est au
droit civil12. La procédure pénale se fonde sur la défense de l'ordre public, la paix publique.
Ainsi, la procédure pénale connait des moyens intrusifs comme le mandat d'amener, les
perquisitions, la garde à vue, la mise détention préventive (mandat d'arrêt provisoire), la
possibilité de la condamnation à une peine d'emprisonnement qu'ignore la procédure civile.
La police judiciaire n'a pas d'équivalent en procédure civile. L'officier du ministère public en
procédure pénale n'est pas comparable au juge en procédure civile, notamment en ce qu'il
dirige la police judiciaire, lance les poursuites et l'instruction préparatoire alors qu'en
procédure civile, c'est un demandeur privé qui généralement et presque toujours agit.

Enfin, le juge agissant en procédure pénale est actif dans la recherche de la vérité alors que
le juge agissant en procédure civile est lié en principe par les demandes des parties. En ce
sens, le juge agissant en procédure civile est lié par le principe de dispositif (ce que les parties
demandent au tribunal) alors que le juge agissant en procédure pénale est actif pour découvrir
la vérité. Il n'est pas donc lié par la demande des parties, dans ses recherches actives des
éléments constitutifs de l'infraction, il instruit à charge et à décharge, il peut aussi disqualifier
les faits et les requalifier.

Concernant l'exécution du jugement; dans le procès civil (commercial, social et de la


famille), une fois le procès gagné, c'est au plaideur gagnant que repose la charge de faire
mettre la décision de justice à exécution effective et s'il ne le fait pas, l'autorité publique ne se
substituera pas à lui. Dans le procès pénal, le ministère public qui a poursuivi l'infraction, se
voit aussi confier la charge de faire mettre la décision à exécution effective, que celui-ci soit
conforme ou non à ce qu'il requit.

En résumé, le procès civil (commercial, social et de la famille) est une pièce à deux
personnages qui ont tous deux la charge de mener le procès à bien, le juge n'étant qu'un
spectateur auquel est seulement dévolue la charge de trancher le litige une fois qu'il aura été
éclairé par les parties. Par contre, le procès pénal est un procès opposant un individu à l'Etat.
Il en résulte que dans son déroulement, le procès pénal est infiniment plus complexe que le
procès civil (commercial, social et de la famille). Alors que les juges siégeant en procédure
civile ont pour tâche de juger après avoir entendu les arguments des parties, de dire qui a
raison et qui tort; les juges siégeant en procédure pénale sont responsables du déroulement de
toute l'affaire depuis le stade de la recherche des infractions, l'enquête préliminaire,
l'instruction préparatoire, le jugement ainsi que son exécution.

12
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 20.
7

Un point commun existe au contraire entre la procédure pénale et la procédure civile eu


égard à l'unité des juridictions et à la recherche des preuves. Concernant l'unité des juridiction,
ce sont en effet les mêmes juridictions instituées par l'Etat et représentant le pouvoir
judiciaire, qui sont chargées de juger les procès civils et les procès pénaux. Il s'agit des
juridictions de l'ordre judiciaire (tribunaux de paix, tribunaux de grande instance, tribunaux de
commerce, tribunaux de travail, tribunaux pour enfants, cours d'appel, Cour de cassation,
tribunaux militaires de police, tribunaux militaires de garnison, cours militaires, cours
militaires opérationnelles et Haute Cour militaire). Concernant la recherche des preuves, la
procédure pénale et la procédure civile mettent l'accent sur le respect des droits de la personne
humaine: la découverte de la vérité en justice ne peut jamais intervenir au prix d'une atteinte à
ceux-ci13.

II. DIFFERENCE ENRE LE DROIT PENAL ET LA PROCEDURE PENALE


Le droit pénal est la discipline qui définit les infractions (la qualification) et fixe leurs
peines. Il relève du fond. Dans ce sens, les règles de fond sont toutes les dispositions légales
qui ont pour objet la définition des infractions, la responsabilité pénale du délinquant et la
fixation des peines.

La procédure pénale est la discipline qui étudie les règles suivant lesquelles les auteurs
d'infractions peuvent être découverts, poursuivis, jugés, s'il y a lieu, condamnés et
éventuellement exécuté le jugement prononcé. Il s'agit de la procédure (mécanisme à mettre
en marche) à suivre pour sanctionner l'infraction qui a été commise et exécuter la sanction
prise. Elle relève de la forme. Dans ce sens, les règles de forme sont celles qui sont établies en
vue d'assurer une bonne administration de la justice pénale, et qui sont relatives à la
compétence des juridictions pénales, à la découverte, à la constatation et la poursuite des
infractions, à la procédure qu'elles soient favorable ou défavorables au justiciable. Il s'agit
précisément toutes les lois qui ont trait à l'organisation et compétence des juridictions pénales,
les lois qui concernent l'ouverture, le déroulement et le jugement du procès pénal et même, les
lois qui concernent la prescription de l'action publique14.

III. DIFFERENTS SYSTEMES DE PROCEDURE PENALE


Historiquement, trois systèmes se sont manifestés en procédure pénale: le système
accusatoire (1), le système inquisitoire (2) et le système retenu en procédure pénale
de la RDC (3).

1. Le système (ou procédure de type) accusatoire


Ce système tire son nom du fait qu'il est déclenché par un accusateur (d'où le nom
accusatoire) qui est généralement la victime et qu'il se poursuit par un débat entre l'accusateur
et l'accusé. Dans la procédure accusatoire, ceux qui sont chargés de juger les infractions ne

13
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 21.
14
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n°8, pp.5-6.
8

peuvent pas se saisir eux-mêmes de celles-ci, même s'ils en ont une connaissance personnelle.
Ils doivent attendre que les infractions leur aient été officiellement dénoncées par quelqu'un
qui jouera dans les procès le rôle fondamental d'accusateur15. Ce donc les parties qui lancent
la procédure.

Les preuves sont recherchées sur le plan d'égalité par la partie poursuivante (victime) et
par la partie poursuivie (inculpé) devant un organe privé (un pair) qui a rôle assez passif16.
C'est à l'accusation de faire la preuve et les magistrats sont purement et simplement appelés à
juger du caractère déterminant de ces preuves. Durant le procès, le rôle du juge est davantage
celui d'un arbitre qui veille au bon déroulement des débats. Ce procès est, par là, assez
semblable au procès civil. Le juge ne rend la décision qu'une fois qu'on lui a présenté toutes
les preuves17. Il se fonde sur des preuves légales et non son intime conviction18.

Le système accusatoire pratique la méthode de la "cross examination". Les témoins ne


déposent pas spontanément, ils ne font que répondre aux questions qui leur sont posées
d'abord par la partie, accusation ou défense, qui les a fait citer et ensuite par la partie adverse.
Le magistrat reste totalement passif, se bornant, sur la demande des parties, à exclure les
questions tendancieuses19.

Le système accusatoire apparaît historiquement très tôt. On la trouve utilisée dans la Grèce
antique, la Rome primitive ainsi qu'en France après les invasions barbares et pendant le
Moyen Age20 où non seulement le principe de la justice était sa publicité mais encore, où elle
se rendait en plein air, en sorte que les citoyens n'avaient même pas à faire une démarche
spéciale pour se rendre au procès mais pouvaient y assister chaque fois qu'ils passaient à
proximité du lieu de justice21. Habituellement, il garantit efficacement les droits de la
personne poursuivie. Le procès pénal se déroule en une seule phase et tout sera réglé en une
seule audience qui se tiendra sans désemparer, au vu et au su de tous les membres de la
communauté qui le souhaitent22.

Ce procès pénal se déroule aussi publiquement, oralement et de manière contradictoire23.


Le système accusatoire est une procédure publique signifie qu'elle est non secrète, c'est-à-dire
que tout est fait en présence des parties, chaque partie en présence apportant des arguments

15
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 22, p. 34; M. L.
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 11, p. 29.
16
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 3, p. 17; J. PRADEL, Procédure pénale
Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 375, p. 302.
17
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 204, p. 320.
18
J. PRADEL, Procédure pénale Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 375, p. 303.
19
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 206, p. 323.
20
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 54, p.47; M. FRANCHIMONT, A.
JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p. 24.
21
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 11, p. 30.
22
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 11, p. 29.
23
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.11; S. GUINCHARD et
J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 23, p. 34.
9

pour défendre sa thèse. Tous les citoyens doivent pouvoir assister à l'audience, voir l'accusé,
l'accusateur et ceux qui vont juger. Le peuple doit contrôler les acteurs du déroulement du
procès; cela correspond d'ailleurs à un type de civilisation, celle où l'on peut se réunir
facilement en plein air, que ce soit en Grèce (à l'agora) ou à Rome (au forum), ou en Afrique
(l'arbre de la palabre). C'est le pendant judiciaire des divertissements en plein air; c'est en soi
un spectacle. Le peuple est souverain, regarde, contrôle24. La procédure publique signifie
aussi que chaque partie peut être défendue par un avocat ou conseil qui a accès au dossier et
peut proposer des investigations.

Le système accusatoire est une procédure orale signifie que tous les citoyens qui assistent
à l'audience doivent écouter et comprendre le procès. Point n'est besoin de recourir à l'écrit
pour accéder au dossier. L'oralité s'explique par le fait qu'à l'époque, l'écriture était peu
répandue, même parmi les classes dirigeantes25. Ce trait entraîne d'autres conséquences
procédurales: seul ce qui aura été dit à l'audience pourra être retenu. Le procès se déroule
publiquement et oralement signifie que ce qui sera pris en compte pour le jugement sera
uniquement ce qui a été exposé publiquement et oralement à l'audience.

Le système accusatoire est une procédure contradictoire signifie que l'on prend bien soin de
n'accorder aucun avantage ni à une partie ni à une autre: l'accusateur ne bénéficie d'aucun
privilège par rapport à la personne qu'il accuse. Il signifie aussi que tout doit pouvoir être
discuté entre l'accusateur et l'accusé, sous les yeux ou, plutôt, près des oreilles des juges! Le
procès pénal est ainsi très proche, avec ce type de procédure, du procès civil où les parties
échangent leurs arguments sous le contrôle de juges-arbitres. Le caractère impartial de ceux-ci
s'en trouve renforcé26.

Le système accusatoire a comme avantage d'offrir des garanties à l'inculpé qui peut discuter
les preuves. Il offre d'autres garanties plus fondamentales dans la procès: la publicité qui
permet aux autres citoyens de contrôler ce qui se passe, la contradiction et l'égalité entre
accusateur et accusé, la passivité de l'autorité publique qu'on ne peut pas soupçonner d'exercer
des pressions dans un sens ou dans l'autre.

Le système accusatoire a comme inconvénient de sacrifier les intérêts de la répression,


d'abord parce que les victimes manifestent souvent peu d'empressement à déclencher la
poursuite (s'il n'y a pas d'accusateur, pas de répression), ensuite parce qu'elle exclut toute
instruction véritable: en raison de l'insuffisance des pouvoirs d'investigation du magistrat
instructeur, l'affaire n'est pas vraiment mise en état d'être jugée lorsqu'elle arrive devant le
tribunal27. De même, le système accusatoire manque d'efficacité dans la recherche des preuves
ce qui entraîne la relaxe de nombreux coupables. Parfaite pour les petites sociétés
consensuelles qu'étaient les villes grecques, la procédure accusatoire est, à l'état pur,
impraticable dans les grands pays surtout s'il s'agit de sociétés de type plus ou moins
24
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 23, p. 34.
25
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 11, p. 30.
26
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 23, p. 35.
27
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 3, p. 18.
10

conflictuel où des différences profondes existent entre les différents membres ou groupes qui
constituent la société globale. Dans ces hypothèses, une procédure pénale de type accusatoire
risque de ne pas permettre d'assurer un maintien suffisant de l'ordre public.

Aussi, il faut bien remarquer que ce type de procédure orale et donc dépourvue de dossier,
ne permet pas de juger, dans de bonnes conditions, les affaires compliquées ou douteuses. Il
est dépourvu de toute efficacité dès que le jugement de l'affaire suppose des investigations
plus approfondies qu'il ne peut mener. Enfin, l'oralité et la publicité des débats apportent,
certes, des garanties à la personne poursuivie, mais risquent aussi de faire monter la passion
populaire et d'aboutir à un manque de sérénité très préjudiciable à la bonne marche de la
justice28.

2. Le système (ou procédure de type) inquisitoire


Ce système tire son nom du fait qu'il comporte une enquête préliminaire (ou inquisitio en
latin, qui a donné son nom à l'inquisition ecclésiastique, qui fonctionnait selon ce type de
procédure). Ce système apparaît historiquement après le système accusatoire et a connu son
développement maximum à la fin du Moyen Age devant les juridictions ecclésiastiques. Dans
ce système, en effet, ce qui compte ce n'est pas la procédure publique devant les juges amenés
à se prononcer sur la réalité des faits et la culpabilité, mais la phase qui précède, c'est-à-dire
celle qu'on appelle aujourd'hui l'instruction préparatoire dans laquelle on va s'efforcer de faire
la lumière sur le dossier et apporter toute la vérité aux juges avant la phase de jugement29.

Dans le système inquisitoire, on considère que la collectivité a un véritable droit à la preuve.


Elle ne doit pas se contenter de la vérité des parties. Les autorités, au premier rang desquelles
figurent, naturellement, les juges, doivent tenter d'établir, même en dehors des parties, voire
contre elles, la vérité objective. Les magistrats ont donc, dans un système totalement
inquisitoire, un devoir d'investigation qui les oblige à rechercher personnellement la
manifestation de la vérité quelles que soient l'action ou l'inaction déployée par les parties. Ce
système place le juge au premier plan: il peut se saisir lui-même aussi qu'être saisi par un
tiers, il recherche activement les preuves et il (ou un autre juge) rend une décision sur la base
de son intime conviction30. Ce système implique l'établissement des preuves avant l'audience.

La procédure inquisitoriale est secrète, écrite et unilatérale (non contradictoire).


La procédure inquisitoire est secrète et même une procédure dans laquelle le secret est
entendu d'une façon particulièrement stricte. En effet, non seulement les actes de justice ne
passeront pas au vu et au su de tous, mais encore la procédure est secrète à l'égard de ceux qui
y participent. La personne poursuivie n'est pas informée de ce qu'on lui reproche, ce qui peut
compliquer singulièrement sa défense si elle est innocente. Il en est de même pour les témoins
qui sont interrogés sur un certain nombre de faits sans savoir quelle est l'affaire qu'on est
entrain d'instruire et quelles pourront être les conséquences de leurs réponses. N'assistent donc

28
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 13, pp. 32-33.
29
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 32, p. 39.
30
J. PRADEL, Procédure pénale Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 375, p. 303.
11

à chaque fois aux actes d'instruction que le juge et la personne (présumé coupable ou témoin)
à l'égard de laquelle il est entrain d'instruire31.

La procédure inquisitoriale est entièrement écrite. Tous les actes d'instruction donnent lieu
à la rédaction d'un procès-verbal afin d'élaborer un dossier qui sera complet qu'après
l'exécution de la sentence. Même les actes d'instruction qui sont de leur essence oraux (un
interrogatoire) sont transformés en procès-verbaux écrits qui figureront seuls, ensuite, au
dossier.

La procédure inquisitoriale est unilatérale32 c'est-à-dire non contradictoire car l'accusé n'a
qu'un rôle passif33. La procédure n'est donc pas contradictoire et la présence d'un avocat n'est
pas de l'essence de ce système. Dans ce système, la poursuite est exercée par un magistrat du
parquet. Les preuves sont recherchées activement par un magistrat du parquet, aidé par la
police. Les parties privées, et notamment l'inculpé, ne sont pas sur un pied d'égalité avec les
magistrats. La procédure inquisitoire recherche avant tout l'efficacité, accorde une place
prépondérante aux spécialistes de l'administration de la justice, ainsi qu'à l'instruction
préparatoire et attribue au juge un rôle actif en vue de la recherche de la vérité.

Alors que dans la procédure accusatoire tout était réglé en une audience unique, la
procédure inquisitoriale (inquisitoire) exige de très longues investigations de l'ordre de
plusieurs mois puisqu'elle consiste, pour l'essentiel, à entendre les différentes personnes
impliquées et à les confronter plusieurs fois de suite avec leurs déclarations antérieures pour
noter les variations éventuelles34.

Le système inquisitoire a comme avantage de se préoccuper par le désir de ne pas laisser


les coupables impunis. Il va donc, contrairement au système accusatoire, multiplier les
possibilités de saisine des magistrats. Ils peuvent être saisis par la victime, sa famille,
n'importe quel dénonciateur privé et par l'accusateur public. Le magistrat qui a directement
connaissance d'une infraction, peut se saisir lui-même. Une telle conception permet de
procéder à une instruction préparatoire sérieuse et elle entraîne en conséquence une répression
rapide et énergique. Bref, dans ce système, peu de coupables, au moins parmi ceux qui ont été
découverts, échappent à la sanction.

Le système inquisitoire a comme inconvénient d'avoir le risque non négligeable de la


condamnation des innocents étant donné qu'il a pour objectif de sanctionner tous les
coupables découverts. De même, en privilégiant trop l'écriture, ce système aboutit à une
déshumanisation, particulièrement gênante en matière pénale. En effet, il y a une différence
très importante entre le fait d'entendre les déclarations orales d'une personne (suspect ou
témoin) et celui d'en lire la déposition écrite car l'écrit n'est pas toujours le reflet de la réalité

31
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 14, p. 33.
32
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.12.
33
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 65, p.55.
34
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 15, p. 35.
12

pour ceux en prennent connaissance. L'écrit déforme, car il transcrit sans nuances une vérité
exprimée souvent avec hésitations, des doutes dans l'intonation, dans des silences, dans des
soupirs, dans des exclamations et bien d'autres choses qui font la vigueur et la richesse du
débat oral. Or, ces interrogatoires ne seront pas repris au moment de la procédure de
jugement. L'écrit présente un autre défaut, celui de pouvoir être reproduit servilement, sans
tenir compte de l'évolution du dossier.

Aussi, l'on peut déplorer dans ce système la longueur inévitable de la procédure alors
qu'on sait qu'une sanction pénale est d'autant plus efficace lorsqu'elle plus proche du moment
de la commission de l'infraction. La longueur d'un tel type de procès n'est plus aujourd'hui
compatible avec le procès équitable, particulièrement, le délai raisonnable de la procédure.

Enfin, il y a dans ce type de procédure une disproportion voulue entre les moyens dont
dispose l'autorité publique qui accuse et les moyens de défense qui sont accordés au suspect
placé dans une situation délicate du seul qu'il n'est pas informé de ce qu'on lui reproche. En ce
sens, ce système sacrifie les intérêts de l'individu35.

3. Le système (ou procédure type) appliqué par la Cour pénale internationale


La Cour pénale internationale (CPI) suit la procédure mixte, mi accusatoire, mi-inquisitoire,
mais à dominante largement accusatoire, le partage n'étant pas moitié-moitié. Il n'en reste pas
moins que le modèle common Law n'a pas été adopté pour l'ensemble de la procédure36.

Ainsi, les poursuites sont engagées à l'initiative du procureur (à condition qu'il obtienne
l'accord de la chambre préliminaire) ou à la suite d'une plainte d'un Etat partie ou du Conseil
de sécurité de l'ONU. Ce dernier peut suspendre des poursuites engagées, pendant un an
renouvelable, afin de permettre à des opérations de maintien de la paix de se dérouler
normalement.

Il y a une phase préalable de mise en état du procès pénal. Celle-ci est placée sous la
domination du procureur qui juge de la nécessité d'ouvrir une enquête, d'engager des
poursuites. S'il décide de ne pas poursuivre, il en informe les Etats concernés, le Conseil de
sécurité et la chambre préliminaire (équivalent à la chambre du conseil belge ou français) qui
ont un pouvoir d'examen de cette décision de ne pas poursuivre. S'il décide de poursuivre, le
procureur demande la remise de la personne ou sa présentation devant la chambre
préliminaire. C'est lui qui a la charge de la preuve. Commence alors la phase inquisitoire.

En effet, l'instruction devant la chambre préliminaire est, en partie, inspirée du modèle


français et est conçue comme l'avait souhaité la France avec une procédure en deux temps.
Dans un premier temps, la chambre préliminaire instruit, c'est-à-dire prend des actes relatifs à
la liberté individuelle, comme le fait jusqu'à présent un juge d'instruction français ou un

35
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 3, p. 18.
36
M. DELMAS-MARTY, "la CPI et les interrogations entre droit international pénal et droit pénal interne à la
phase d'ouverture du procès pénal", Rev. sc. crim. , 2005, p. 473.
13

ministère public de la RDC (mise en détention préventive, mise en liberté provisoire et mise
en liberté); mais la chambre ne fait qu'aider les personnes à rassembler les preuves; elle
dispose cependant de prérogatives particulières quand les preuves risquent de disparaître
(exhumation de cadavres, personnes malades). Mais la chambre n'instruit pas au sens français
du terme, puisqu'il appartient au procureur de rassembler les preuves (comme en RDC).

Dans un deuxième temps, la chambre préliminaire organise une audience de confirmation


des charges, au besoin sans la présence de la personne poursuivie, mais selon une procédure
plus proche du modèle anglo-saxon; au cours de cette audience, le procureur présente ses
charges, que les personnes poursuivies peuvent contester. L'audience se termine par une
décision de renvoi devant la Cour ou de non-lieu ou de suspension de confirmation; la
majorité simple est requise et les opinions dissidentes ne sont pas exprimes.

4. Le système (ou procédure type) retenu en procédure pénale de la RDC


Par le biais de la colonisation belge, la RDC a hérité du système mixte qui est appliqué en
Belgique (hérité aussi du système mixte français issu du Code napoléonien d'instruction
criminelle du 16 novembre 180837). Dans ce système, on applique le système inquisitoire à la
phase de l'instruction préliminaire et l'instruction préparatoire et le système accusatoire est
appliqué à l'audience publique. Mais, il ne s'agit pas du système accusatoire au sens plus strict
comme dans le droit anglo-saxon dans la mesure où la conduite de la procédure à l'audience
publique n'est pas laissée aux parties qui débattent devant le juge et ont l'initiative de produire
des preuves. Dans le système mixte par contre, c'est la partie poursuivante, le ministère public
qui apporte les preuves devant les juridictions même si les parties peuvent contribuer à la
manifestation de la vérité.

Au niveau de l'instruction préparatoire, les pouvoirs importants sont donnés à l'organe


étatique d'instruction (le parquet), et cette instruction est écrite, secrète vis-à-vis des tiers mais
non contradictoire. Mais, les parties privées doivent connaître les charges retenues contre elles
et ont le droit de demander l'assistance d'un avocat. De même, la procédure est partiellement
orale en ce sens que la plupart du temps, on attend oralement tout ce qui peut être dit, ce qui
ne dispense pas d'en dresser des procès-verbaux essentiellement aux fins de preuve.

Au niveau de l'audience, les débats sont contradictoires et oraux mais les parties peuvent
prendre connaissance du dossier. Il convient de préciser que cependant malgré cette évolution,
le droit anglo-saxon (USA, Canada, Grande Bretagne, Afrique du Sud, Zambie, Namibie,
Zimbabwe, Tanzanie, Ouganda, etc.) a gardé majoritairement le système accusatoire.

37
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 51, p. 50; M.
FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 28.
14

IV. HISTORIQUE DU DROIT JUDICIAIRE


A l’origine des sociétés traditionnelles, le droit judiciaire au sens que nous le connaissons
aujourd’hui était inexistant. Chaque fois qu’il y avait litige entre hommes, ceux-ci
réglementeraient leur différend à leur guise. Avant que les juges judiciaires modernes
existent, c’était d’abord la loi de la jungle où l’on recourait à la force et à l’arbitraire. C’est
donc la période de la vengeance privée qui sera suivie de la loi du Talion alors qu’en Afrique
traditionnelle, il existait des mécanismes de conciliation.

1. La vengeance privée
Elle consistait à ce que la victime outragée, lésée, puisse elle-même se rendre justice. On
constatera que celui qui se rendait justice dépassait même la proportion du préjudice qui lui a
été causé. A titre d’illustration, la victime du vol pouvait même tuer, assassiner le voleur, la
victime d’adultère pouvait tuer celui qui a commis l’adultère avec son épouse. Bref, tout le
monde se rendait justice à sa manière, selon son vouloir. Autrement dit, c’est la loi du plus
fort qui s’imposait au plus faible. Mais cette « justice privée » qui n’est pas une justice est
contraire à l’Etat de droit38. C’est ainsi que suite à ce désordre public, les hommes ont eu
l’idée de proportionner la vengeance à l’agression. C’est ce qu’on appelle la loi du Talion,
« œil pour œil, dent pour dent ».

2. La loi du Talion
La loi du Talion consistait à ce que celui qui a tué soit également tué d’où : « œil pour
œil, dent pour dent ». C’est qu’avec la loi du Talion, la vengeance a été proportionnée à
l’attaque. On trouve également la loi du Talion dans le Code d’Hammourabi (Chaldée), la loi
de Moïse (Israël) et la loi de 12 Tables (Rome). C’est dans le même ordre d’idées qu’on a
institué « l’abandon Noxal » qui consistait dans le fait d’abandonner l’auteur de l’infraction
entre les mains de la famille de la victime, qui est libre d’en faire ce qu’elle veut : le vendre,
en faire un esclave, etc.39 Dans la loi de 12 Tables de Rome, avec le temps (en 450 avant
Jésus-Christ), la vengeance a été remplacée par un procès dirigé par le roi, aussi bien en
matière civile que pénale. Le roi protégeait souvent la partie susceptible de faire l’objet d’une
vengeance mais pouvait aussi autoriser une vengeance mesurée40.

D’autres mécanismes verront le jour pour limiter la vengeance privée, tels que la
composition qui permet aux familles en conflit de s’asseoir autour d’une table et de négocier
la nature et le montant des indemnités du fait du préjudice causé.

38
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 4, p.2.
39
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, Ed. Droit et Société « DES »,
1989, p. 13.
40
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 33, p. 43.
15

3. Le mécanisme de règlement de conflits dans les sociétés africaines: la conciliation


Le mécanisme de conciliation a surtout existé dans l’Afrique traditionnelle41. En effet, la
justice y était une occasion de réconciliation plutôt qu’un moment de division. La justice était
rendue par les chefs de village, assistés des anciens et, à un niveau supérieur, par les chefs des
cantons entourés des notables42.

Ce juge de l’Afrique traditionnelle apparaissait plutôt comme un conciliateur soucieux de


distribuer équitablement le blâme et la louange. C’est pourquoi le but recherché n’était pas
tellement de punir que de régler le différend en restaurant l’harmonie des rapports sociaux43.
Ainsi dans les juridictions coutumières congolaises, quelques vieux juges ont encore gardé le
souci de ne jamais renvoyer les parties en ennemis où un vainqueur arrogant provoque la
rancune d'un vaincu humilié; c'est la belle tradition du tribunal africain où les parties rentrent
réconciliées, acquiesçant à la sagesse des juges, satisfaites non simplement d'avoir obtenu
leurs droits mais encore d'être rentrées dans l'ordre juridique et de pouvoir sans honte ni
orgueil se donner l'accolade44. Ce qui est significatif dans les sociétés traditionnelles
africaines est qu’à la fin du litige, de manière générale, les parties une fois leur litige réglé par
la palabre, sont conviées à faire un geste symbolique de réconciliation ; ce peut être le fait de
partager une noix de cola, de boire le vin traditionnel de banane « Kasigisi » ou le vin de
palme « masanga ya mbila » ou « pombe ya ngazi » l’un après l’autre dans une même
calebasse, ou plus simplement de se serrer la main.

Lorsque les conflits opposaient les individus des clans différents, si les litiges ne prenaient
pas encore la dimension d’une guerre clanique, « les sages » s’employaient par la persuasion
à lui trouver, en accord avec l’ensemble de la collectivité, une issue pacifique45. Ainsi, dans
une tribu du Soudan, lorsque survenait un grave différend interne tel un meurtre, il était
possible de dédommager la famille de la victime en lui offrant du bétail. Le chef de la tribu
approchait les deux familles, accomplissait des rites de purification et de réconciliation, faisait

41
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-
Neuve, 25 juin 2005, pp. 610-611 ; K. MBAYE et Y. NDIAYE (sous direction), Encyclopédie juridique de
l’Afrique, vol. IV, Organisation judiciaire, procédures et voies d’exécution, Paris, éd. Les nouvelles éditions
africaines, 1982, pp. 42-44 ; A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires,
Bruxelles, Kinshasa, éd. Larcier et Université Lovanium, 1970, pp. 11-12 ; S. KOWOUVIH, « La Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle du concept spécificité
africaine en matière de droits de l’homme », in RTDH, 2004, pp. 762-763 ; BALANDA MIKUIN LELIEL,
« Les tribunaux de paix au Zaïre-fonctionnement-procédure et compétence », in Revue juridique du Zaïre,
janvier à décembre 1984, n° 1-3, p. 44.
42
A. MOYRAND, « Destruction et reconstruction d’un appareil judiciaire : le cas du Tchad », in J. DU BOIS
DE GAUDUSSON et G. CONAC (sous-direction), La justice en Afrique, Paris, la Documentation française,
1990, p. 46.
43
P.F. GONIDEC, Les droits africains-Evolution et sources, Paris, LGDJ, 1968, p. 195.
44
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé,
Kinshasa, éd. PUF, 2012, n° 154, p. 141.
45
L.A. DEGUENON et B. HOUNDEKANDJI, La participation des juges populaires à l’administration de la
justice en République populaire du Bénin, mémoire de fin de formation des cadres supérieurs A1 de la
magistrature, Centre de formation administrative et de perfectionnement de Cotonou, Université nationale du
Bénin, 1982-1984, p. 7.
16

admettre à la famille victime un certain nombre de bêtes en compensation du dommage et


évitait ainsi les représailles46. Comme on peut le remarquer, le chef ne tranchait pas le litige
mais il facilitait une réconciliation entre parties.

Bref, dans l’Afrique traditionnelle, il n’y avait pas de juridictions légalement instituées et
organisées comme celles d’aujourd’hui car ce sont les autorités coutumières47 qui organisaient
le fonctionnement de la justice. Celles-ci ne se référaient pas à une loi préétablie pour trouver
le tribunal compétent selon la matière ou pour trouver les éléments de solution, mais se basant
sur la coutume ancestrale, elles cherchaient avant tout à rapprocher les positions des parties en
litige. Leur rôle était plus de préserver les équilibres sociaux que de donner raison l’un contre
l’autre. Ces « juges » saisis se comportaient alors en véritables conciliateurs, remplissant une
fonction maïeutique, aidant les parties à trouver une solution du litige48.

4. Etapes de l'institution du droit judiciaire


Nous avons montré qu'avec la loi du Talion, la personne lésée n’était pas satisfaite
complètement en ce sens que celle-ci n’obtenait pas toute la réparation dont elle avait besoin.
Il a fallu qu’une autorité supérieure aux différentes familles et groupes ethniques existe pour
que naisse l’idée de procès. L’autorité supérieure, un roi, tranchait le litige en usant de son
autorité et en se présentant comme le représentant de Dieu sur la terre. Il faut, en effet, noter
qu’à l’origine la procédure était ritualiste et mêlée au religieux. On trouve cette situation en
Mésopotamie (actuel Irak) et aux origines du droit hébreux, grec et romain. Il semble aussi
que le droit soit en grande partie né de ces procès49. L’origine du droit n’est pas la loi mais
plutôt le jugement. Les lois sont précisément intervenues pour codifier les solutions dégagées
par les juges. Le processus était le suivant : le juge tranchait un litige puis était confronté à
une affaire similaire ; il décidait alors d’apporter la même solution ; est née alors une règle
générale selon laquelle à chaque fois que l’on se trouvait dans telle situation, le juge prenait
telle décision. A noter aussi qu’aucune distinction n’était encore faite entre procédure pénale,
civile et administrative.

Dans les sociétés primitives, le droit s’apparente au sacré. En effet, le droit hébraïque n’a
jamais été détaché de la religion, c’est d’ailleurs par la Bible et le Talmud (du mot hébreux
signifie étude, c’est la forme écrite de la loi orale reçue selon la tradition par Moïse) qu’il est
connu. Selon la tradition hébraïque, le premier commandement que Dieu a donné à Noé, a été
d’établir la justice en créant des tribunaux50. Au départ, les patriarches étaient les juges de leur
propre groupe et l’on recourrait à la vengeance entre tribus. Lorsque la royauté fut instaurée
vers l’an mille avant Jésus-Christ, le roi se mit à assurer la justice en déléguant ce pouvoir à
une Cour composée de prêtres et de juges royaux51. Cette Cour traitait aussi bien les affaires
46
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 27, p. 40.
47
Le Mwami, le Roi ou Empereur.
48
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat, Vol. II, L’impartialité du juge, Fac. Droit, UCL, Louvain-la-Neuve,
25 juin 2005, pp. 611-612.
49
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 28, p. 40.
50
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 29, p. 41.
51
E. JEULAND, op.cit, p. 41.
17

civiles, criminelles que religieuses. Elle cherchait à interpréter la volonté de Dieu et rendait,
en ce sens, des jugements de Dieu. Il existait également des juridictions inférieures nommées
Conseils des anciens qui étaient une survivance de l’organisation tribale de la justice52.
Comme on peut le remarquer, selon le droit hébraïque, les premières juridictions avaient
vocation d’appliquer la volonté de Dieu, c’est pourquoi, les premiers juges sont des prêtres53.

En Grèce, la vengeance privée fut remplacée par les procès à partir du moment où il exista
une autorité assez forte pour imposer cette solution aux parties54. Puis le roi a délégué ses
pouvoirs à des juges. A l’époque de la démocratie athénienne, l’organisation des tribunaux est
devenue très complexe en raison des réformes successives. La juridiction la plus importante
était le tribunal de l’Héliée créé pour servir de Cour d’appel. Il s’agissait d’un tribunal
entièrement composé de citoyens tirés au sort au nombre de 6.000 répartis dans 10 Cours de
501 personnes (les 1.000 citoyens restants sont des suppléants). Les affaires criminelles et
civiles n’étaient pas distinguées. Ce tribunal était à la justice ce qu’est la démocratie directe à
la politique : le peuple devient juge des citoyens à partir du moment où il n’y a plus de roi.
L’instruction est cependant confiée à un magistrat spécialisé mais il n’y avait pas de ministère
public. L’arrêt était rendu sans délibéré et par vote général55. On voit là l’origine des jurys
populaires qui continuent d’exister de manière générale dans les procédures de Commun Law
et particulièrement devant la Cour d’assises en France, en Belgique et dans plusieurs pays de
l’Afrique francophone. Puis la justice a été progressivement rendue par des fonctionnaires et
des possibilités d’appel ont été reconnues aux parties. Enfin, devant l’Assemblée qui est un
organe politique, tout citoyen pouvait intenter une action dite publique, lorsqu’il considérait
qu’un décret émis par l’Assemblée était illégal56. On peut voir là l’ancêtre du recours pour
excès de pouvoir devant les juridictions de l’ordre administratif (tribunal administratif, Cour
administrative d’appel et Conseil d’Etat).

Ces éléments ont été à la base de la naissance du droit judiciaire moderne. En Afrique, les
juridictions modernes ont été instituées par le biais de la colonisation. Celle-ci a transposé les
règles du droit judiciaire appliquées dans la métropole (Belgique et France, Angleterre selon
le cas). C'est ainsi que le Code de procédure pénale de la RDC57 a été élaboré par la Belgique
le 6 août 1959 et le Code de procédure civile le 7 mars 1960, soit respectivement 10 et 3 mois
avant l'indépendance de la RDC le 30 juin 1960.

52
E. JEULAND, op.cit., p. 41.
53
A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5ième éd. Sirey, 2005, p. 3.
54
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 31, p. 42.
55
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 31, p. 42.
56
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 31, p. 42.
57
Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, B.O., 1959, p. 1934.
18

5. Historique de la procédure pénale congolaise


Le Code de procédure pénale de la RDC58 a été élaboré par la Belgique le 6 août 1959
(pendant que la RDC était une colonie belge, soit 10 mois avant l'indépendance) et s'est
largement inspiré du Code d'instruction criminelle belge, qui lui, a hérité du même Code
d'instruction criminelle français (Code Napoléon) du 16 décembre 1808 étant donné qu'à
l'époque la Belgique était rattachée à la France depuis 179559. Avec le Congrès de Vienne de
1815, la Belgique est rattachée aux Pays-Bas et subit une occupation hollandaise jusqu'en
1830, année de son indépendance et c'est le même Code d'instruction criminelle français
(Code Napoléon) qui a continué à s'appliquer en en Belgique.

Après la Conférence de Berlin en 1885, la RDC est devenue la propriété privée du Roi des
belges Léopold II. En 1908 la RDC est devenue une colonie belge, autrement dit un territoire
belge. C'est ainsi que le Code d'instruction criminelle belge s'appliquait en RDC. Le 11 juillet
1923 un décret sur la procédure pénale congolaise a été pris par la Belgique et sera abrogé par
le décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale de la RDC (10 mois avant
l'indépendance). Ce décret qui est toujours en vigueur a repris les grandes lignes du Code
d'instruction criminelle belge de 1808 (Code Napoléon). Le Code d'instruction criminelle
belge a subi plusieurs réformes60, sous l'impulsion notamment de la Cour européenne des
droits de l'homme de Strasbourg (créée en 1959) alors que le Code de procédure pénale de la
RDC du 6 août 1959 n'a pas subi de modifications majeures, et est restée presque statique en
gardant la même conception (vision, philosophie) de l'époque (19 ème siècle et deuxième
millénaire). Il est temps que ce Code soit adapté à l'ère du 21 siècle et au troisième millénaire.

La France a subi des réformes profondes en procédure pénale car le Code d'instruction
criminelle de 1808 a été abrogé par plusieurs textes successifs et un nouveau Code de
procédure pénale a vu le jour depuis le 2 mars 195961 et celui-ci continue à subir différentes
modifications sous l'impulsion notamment de la Cour européenne des droits de l'homme de
Strasbourg. De même, la Belgique a mis sur pied un projet du nouveau Code de procédure
pénale62 qui abrogera le Code d'instruction criminelle de 1808. Ce projet intègre la vision
moderne de procédure pénale.

58
Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, B.O., 1959, p. 1934.
59
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 27.
60
Voyez M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, pp. 29-33.
61
Voyez B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 80-98, pp.65-78.
62
Code de procédure pénale en projet tel qu'adopté par le Sénat et transmis à la Chambre des Représentants,
Documents parlementaires, Sénat, session ordinaire 2005-2006, n° 3-450/21. Ce projet de loi est appelé
communément "Code Franchimont" en référence du nom de son initiateur et président de la commission
qui avait travaillé sur ce projet, le professeur Michel Franchimont (professeur à l'université de Liège et
ancien Bâtonnier de l'ordre des avocats de Liège).
19

V. SOURCES DE PROCEDURE PENALE


Le mot « source » n’a pas été défini par la loi. Nous retenons une définition simple et
pratique. Dans le cadre du présent ouvrage, par source, nous entendons la base, la référence,
le soubassement, le fondement, en d’autres termes par où reposent les règles de droit
judiciaire, particulièrement la procédure pénale. Ces sources sont subdivisées en deux : les
sources internes et les sources internationales.

1. Les sources internes

a) La Constitution
C’est la loi suprême d’un pays qui détermine le mode d’exercice des pouvoirs. La
Constitution constitue une source de procédure pénale dans la mesure où elle définit
notamment la mission du pouvoir judiciaire et l’indépendance de celui-ci ainsi que
l’inamovibilité des juges. C'est la Constitution qui détermine les grandes options du pouvoir
judiciaire (articles 149-169 de la Constitution du 18 février 2006), du Conseil supérieur de la
magistrature, des juridictions de l'ordre judiciaire (en ce compris les juridictions militaires),
des juridictions de l'ordre administratif et de la Cour constitutionnelle.

C'est aussi la Constitution qui garantit les droits à toute personne d'avoir un juge que la
loi lui assigne, sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent, les
droits à la défense, le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d'un défenseur de
son choix à tous les niveaux de procédure pénale, y compris l'enquête policière, l'instruction
criminelle et devant les services de sécurité (articles 19 à 21 de la Constitution du 18 février
2006); la publicité des audiences des cours et tribunaux (article 20), l'obligation de la
motivation des jugements et arrêts (article 21), la présomption d'innocence dont bénéficie
toute personne accusée d'une infraction jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie par un
jugement définitif (article 17) ainsi que les droits de former un recours contre les jugements et
arrêts (article 21), le principe de la liberté individuelle comme règle et la détention comme
exception (article 17), le principe d'égalité (articles 11 et 12), le principe de la légalité des
incriminations, de délit, des peines et des poursuites ainsi que la protection individuelle
(article 17), le principe de l'inviolabilité du domicile (article 29), la liberté d'expression
(article 23), le droit au respect de la vie familiale, le droit de l'enfant au respect de son
intégrité morale, physique et sexuelle, la liberté de la presse (article 24), les règles relatives
aux poursuites pénales du Président de la République et du Premier ministre, des
parlementaires (sénat et Assemblée nationale), les membres du gouvernement central, les
ministres provinciaux, les gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces, les présidents des
assemblées provinciales (article 153 de la Constitution du 18 février 2006), etc.

Bref, la Constitution est une source de procédure pénale car c'est elle qui fixe les principes
fondamentaux de la procédure pénale en ce compris les règles de libertés publiques.
20

b) La loi
Au sens juridique, c'est le texte voté au Parlement63. Nous pouvons définir en général la loi
comme étant l’expression de la volonté populaire coulée sous forme des textes juridiques,
élaborée par un organe compétent (Assemblée Nationale ou le Sénat ou Parlement provincial)
et prévoyant des sanctions ou non en cas de sa violation. L’expression de la volonté populaire
se manifeste par les élus du peuple, et l’organe compétent dont il est question c’est le
parlement. La loi au sens large comprend la loi votée au Parlement et les ordonnances-loi.

La loi constitue une source de procédure pénale car c’est par la loi que les cours et
tribunaux sont constitués ; le statut des magistrats, la compétence des cours et tribunaux, les
règles de procédure, la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la
magistrature; l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire relèvent du domaine de
la loi (article 153 alinéa 5 de la Constitution du 18 février 2006). Ainsi, l'article 122, points 6,
7 et 9 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que la loi fixe les règles concernant
notamment la procédure pénale, l'assistance judiciaire et la représentation en justice,
l'amnistie et l'extradition, les forces armées, la police et les services de sécurité.

C'est par la loi que notamment la procédure devant les tribunaux pour enfants, la
procédure pénale à l'égard des auteurs de violences sexuelles, la procédure des poursuites
pénales à l'égard des bénéficiaires du privilège de juridiction ont été élaborées. Nous
soulignerons enfin que c'est par la loi que notamment, les tribunaux de commerce ont été
créés en 2001 et leurs règles de procédure, les juridictions militaires ainsi que les tribunaux du
travail en 2002 et leurs règles de procédure, les tribunaux pour enfants le 10 janvier 2009 et
leurs règles de procédure, la procédure devant la Cour de cassation le 19 février 2013, les
juridictions de l'ordre judiciaire le 11 avril 2013, la Cour constitutionnelle et ses règles de
procédure le 15 octobre 2013. C'est aussi par la loi qu'un nouveau statut des magistrats a vu le
jour le 10 octobre 2006 ainsi que le Conseil supérieur de la magistrature le 05 août 2008.
Bref, la loi est une source de procédure pénale car c'est elle qui réglemente toutes les règles de
procédure pénale.

c) La coutume
C’est l’ensemble des usages, des pratiques qui à force d’être répétés, dans une société bien
déterminée ont acquis une force obligatoire. Précisons qu’il serait difficile de trouver une
coutume unique dans toute l’étendue du territoire national étant donné qu’elle change selon
les villages, clans, tribus ou ethnies. Cette coutume doit donc être appréciée en tenant compte
du lieu où elle devrait être appliquée car c’est la coutume locale que les cours et tribunaux
sont appelés à appliquer pour trancher les litiges.

C'est d'ailleurs l'esprit de l'article 10 alinéas 2 et 3 de loi organique n°13/011-B du 11 avril


2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui dispose: " (...) Le tribunal de paix siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a

63
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p. 560.
21

lieu de faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des
notables du lieu désigné par le président de la juridiction. Le notable ainsi assumé prête,
devant le président, le serment suivant : « Je jure de respecter la Constitution et les lois de la
République démocratique du Congo et de remplir loyalement et fidèlement, avec honneur et
dignité, les fonctions qui me sont confiées".

Les articles 17 et 77 du Code de procédure pénale vont dans le même sens car ils
prévoient que l'officier du ministère public peut imposer au témoin, avant de déposer, la
forme du serment d'après les coutumes locales. L'article 25 des décrets coordonnés sur les
juridictions coutumières (Décret du 17 mars 1938) dit que les règles de procédure sont pour
diverses juridictions, les règles coutumières du ressort. Enfin, l’ordonnance de
l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative aux principes à suivre dans les
décisions judiciaires64 dit que quand la matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou
une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la compétence des tribunaux
du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes locales. En ce cas, le juge pourra
prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes (entendez les congolais) ou non indigènes, choisis
parmi les notables les plus capables. Bref, tous ces textes montrent clairement que la coutume
à appliquer est celle du ressort, autrement dit la coutume locale.

Exemple : la coutume des Bashi de Bukavu (Province du Sud-Kivu) ou des Nande ou Hunde
(Nord-Kivu) est différente de celle de Mongo de l'ancienne Province de l’Equateur ou des
Lunda de l'ancienne du Katanga, etc. Cela signifie concrètement lorsqu'un justiciable ou
avocat a une procédure judiciaire devant les juridictions du Katanga, il ne peut pas invoquer la
coutume de Bashi de Bukavu mais celle du Katanga (lieu de la procédure) et si cette
procédure se passe à Kalemie, l'on appliquera la coutume de batabwa. Par exemple, si la
procédure se passe à Kisangani et les justiciables sont des Baluba de l'ancienne province du
Kasaï Oriental, la juridiction saisie de cette procédure pourrait requérir l'expertise des Baluba
se trouvant à Kisangani qui connaissent bien la coutume des Baluba afin qu'elle soit appliquée
si l'affaire querellée concernait les étapes coutumières du mariage. Si l'affaire concerne le
conflit collectif de terre régi par la coutume, dans ce cas, on appliquera la coutume locale.

Par ailleurs, en matière de filiation ou de droit de la famille ; pour un justiciable se trouvant au


Bas-Congo, c’est la coutume matriarcat qui sera appliquée tout comme à Mweka chez les
kuba du Kasaï Occidental, mais par exemple dans l'ancienne a province de l’Equateur ou chez
les lulua du Kasaï Occidental et les baluba de Mbuji-Mayi et de Mwene-Ditu au Kasaï
Oriental, c’est le patriarcat qui sera appliqué. A titre illustratif, tous les jugements rendus dans
la province du Kongo central en matière coutumière sont basés sur l’application de la
coutume matriarcat et la Cour suprême de justice est du même avis au vu de sa
jurisprudence65.

64
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp. 188 et
189.
65
N. KILOMBA NGOZI MALA, Le règlement des conflits fonciers régis par la coutume en droit congolais,
Kinshasa, éd. Mgr Noël Mala, 2008, p.93.
22

La force, le fondement juridique de la coutume reposent sur les dispositions de l’article


153 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006, les articles 10, 95, 96, 108, 110, 116 et 118
de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. En effet, à titre illustratif, l’article 153
alinéa 4 de la Constitution déclare : « Les cours et tribunaux, civils et militaires (…)
appliquent les lois et la coutume pour autant que celle-ci soit conforme à l’ordre public ou
aux bonnes mœurs ». Aussi, l'article 10 alinéas 2 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que le tribunal de paix siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a lieu de
faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des notables du
lieu désigné par le président de la juridiction. Le notable ainsi assumé prête, devant le
président, le serment suivant : «Je jure de respecter la Constitution et les lois de la
République démocratique du Congo et de remplir loyalement et fidèlement, avec honneur et
dignité, les fonctions qui me sont confiées ».

L'article 95 de la même loi organique dit : " La Cour de cassation connaît des pourvois en
cassation pour violation des traités internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de la coutume
formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux
civils et militaires de l’ordre judiciaire". L'article 116 de la loi organique susvisée dit : "La
Cour de cassation connaît des pourvois en cassation pour violation des traités internationaux
dûment ratifiés, des lois et de la coutume contre les arrêts et jugements rendus en dernier
ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire en matière civile, commerciale et sociale". Et
l’article 108 de la même loi organique déclare : « (...), les tribunaux répressifs saisis de
l’action publique prononcent d’office les dommages intérêts et réparations, qui peuvent être
dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux ».

Aussi, l’article 118 de loi organique précitée affirme : « Si une contestation doit être
tranchée suivant la coutume, les cours et tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle
soit conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. En cas d’absence de coutume
ou lorsque celle-ci n’est pas conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, les
cours et tribunaux s’inspirent des principes généraux du droit". Les articles 17 et 77 du Code
de procédure pénale prévoient que l'officier du ministère public peut imposer au témoin, avant
de déposer, la forme du serment d'après les coutumes locales.

De même, le règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice66 prévoit des


experts en coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Aussi, il est tenu au
siège des cours et tribunaux un tableau des consultants coutumiers. En cas d’enquête sur la
coutume, les présidents des cours et tribunaux peuvent désigner un consultant coutumier
parmi les experts inscrits à ce tableau ou les personnes possédant une expérience éprouvée en
la matière. Les présidents des cours et tribunaux prennent une ordonnance de taxation suivant

66
Article 19 de l’ordonnance 0166 du premier président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant le
règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in JORZ, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746 .
23

le tarif fixé par le ministre de la Justice67. L’article 86 de la loi organique n° 06/020 du 10


octobre 2006 portant statut des magistrats68 prévoit les juges assesseurs auprès des tribunaux
de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci font application de la coutume. La circulaire
du Procureur général de la République n°2/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des parques
oblige les officiers du ministère public à se mettre au courant des traditions locales.

L’article 18 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières (Décret du 17 mars
1938) prévoient que « les tribunaux indigènes (coutumières) appliquent les coutumes, pour
autant qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public universel. Toutefois, lorsque des
dispositions légales ou règlementaires ont eu pour but de substituer d’autres règles à la
coutume indigène (locales), les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions ». En ce qui
concerne l’ordre public universel dont il est question ici, le tribunal de première instance
d’Elisabethville (Lubumbashi) a estimé qu’il s’agit de l’ordre public international et non de
l’ordre public interne du droit écrit congolais69. L'article 25 des décrets coordonnés sur les
juridictions coutumières (Décret du 17 mars 1938) dit que les règles de procédure sont pour
diverses juridictions, les règles coutumières du ressort.

Enfin, l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative aux


principes à suivre dans les décisions judiciaires70 dit que quand la matière n’est pas prévue par
un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la
compétence des tribunaux du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes locales.
En ce cas, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes (entendez les congolais)
ou non indigènes, choisis parmi les notables les plus capables.

Tous ces textes montrent que la coutume est une source indispensable en droit judiciaire
congolais et en procédure pénale. Toutefois, il ressort de l’esprit de ces textes, pour que la
coutume soit appliquée par les cours et tribunaux, les conditions suivantes doivent être
respectées :

- Elle doit être conforme aux lois, c’est-à-dire si une coutume est à l’encontre de la loi, elle
ne sera applicable par les cours et tribunaux. Ainsi, lorsque la loi ou les règlements ont prévu
d’autres règles en lieu et place de la coutume, ce sont ces dispositions légales ou
règlementaires qui s’appliquent. Exemple: une coutume qui reconnait un second mariage
contracté avant la dissolution d'un premier mariage monogamique est contraire à la loi71, il en
est de même de la coutume qui permet à une femme d'avoir plusieurs maris; comme ce deux
coutumes sont contraires à la loi, elles ne peuvent pas être appliquées par les cours et

67
Article 21 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquets.
68
JORDC, numéro spécial, 25 octobre 2006, p.21.
69
Tribunal de Ière Instance Elisabethville, 8 octobre 1913, in Jurisprudence du Congo, 1921, p. 327.
70
Articles 1 et 2 de l’ordonnance précitée, in Bulletin Officiel de l’Etat indépendant du Congo, 1886, pp. 188 et
189.
71
Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa, 20 avril 1979, RC 2/158, RJZ, 1987, p. 111.
24

tribunaux. Une coutume qui en cas de décès du père, permet de confier la tutelle des enfants
soit à son frère, soit au frère de la mère est conforme à la loi, donc elle sera applicable72.

- Elle doit être conforme à l’ordre public. L'ordre public est défini comme étant une norme
impérative dont les individus ne peuvent s'écarter ni dans leur comportement ni dans leur
convention73. L'ordre public de l'Etat doit être entendu comme l'ordre nécessaire dans le cadre
de l'Etat. Cet ordre public se trouve exprimé dans la Constitution de la RDC du 18 février
2006 (préambule et différents droits fondamentaux: articles 11 à 67), la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et différents traités internationaux ratifiés par la RDC. Il
s'agit donc de tous les droits fondamentaux des citoyens. Tenant compte de sens, la coutume
appliquée doit être conforme à l'ordre public c’est-à-dire que la coutume ne peut permettre ce
que cet ordre public interdit. Exemple : La coutume qui permet de soumettre des sévices à une
femme qui vient de perdre son mari ; cette coutume n’est pas conforme à l’ordre public car la
torture, les sévices sont des infractions prévues et punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du
Code pénal congolais, livre II). La coutume sera subordonnée à cet ordre et non un ordre qui
serait limitée à une province. L'idée de base est que l'ordre public national doit l'emporter sur
les différentes coutumes provinciales ou locales74.

- Elle doit être conforme aux bonnes mœurs. Celles-ci constituent l'ensemble de règles
imposées par une certaine morale sociale, reçue en un temps et en lieu donnés, qui en
parallèle avec l'ordre public, constitue une norme par référence à la quelle les comportements
sont appréciés75. En langage simple, les bonnes mœurs signifient les règles morales, le savoir
vivre. Exemple: le fait que deux amants consomment des rapports sexuels en pleine réunion
au vu de tout le monde ou dans la salle des cours à l'université en présence d'autres étudiants
ou d'autres personnes; cela n'est pas conforme aux bonnes mœurs. Autre exemple: le fait pour
une personne de se promener nu dans la ville en exhibant son sexe, cela n'est pas conforme
aux bonnes mœurs. Cela signifie que si une coutume est contraire aux bonnes mœurs, elle ne
sera pas appliquée par les cours et tribunaux

La coutume constitue une source de procédure pénale car les juridictions peuvent s’y
référer en cas du silence de la loi dans la matière concernée, à condition qu’elle soit conforme
aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

d) La jurisprudence
C’est l’ensemble des décisions, jugements ou arrêts rendus par les cours et tribunaux. Il
s’agit simplement de l’ensemble des solutions apportées par les décisions constantes de
justice dans l’application du droit (lorsqu’il y a lieu à interprétation de loi, lorsqu’il ya
ambiguïté ou obscurité, etc.) ou même dans la création du droit lui-même (quand il faut

72
Tribunal de territoire d'Ilebo, 25 mars 1963, jugement n°288, RJB, 1973, p.231; Tribunal de Secteur des
Pende, 09 janvier 1968, n°9, RJZ, 1973, p. 241; Tribunal de ville de Kananga, jugement n°415/394/66,
RJZ, 1973, p. 240.
73
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, 644.
74
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II, Kinshasa, éd. PUF, 2012, p. 213.
75
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2007, p.120.
25

compléter la loi, suppléer une règle qui fait défaut)76. C'est donc l'ensemble de décisions
suffisamment concordantes rendues par les hautes juridictions sur une question précise du droit.

C’est par la voie de la jurisprudence que les usages, les principes généraux du droit et les
solutions d’équité ont été admis d’une manière stable et précise en droit congolais. En effet,
certaines juridictions, tels que la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle, eu égard à leur
prestige et leur notoriété, jouissent d’une autorité reconnue. Aussi, lorsqu’elles définissent une
règle jurisprudentielle, les juridictions inférieures se trouvent « moralement dans
l’obligation » d’appliquer cette règle. Ce pouvoir qu’incarnent les hautes juridictions est le
garant et l’instrument de la démocratie s’il conserve une indépendance certaine, et s’il prend
soin de bien motiver ses décisions pour éviter tout risque d’arbitraire77.

La jurisprudence peut être source du droit judiciaire à condition qu’elle soit constante car,
en ce cas, elle fait partie du droit et l’on ne peut pas s’en écarter sans mettre en cause la
sécurité juridique, qui est un facteur du maintien de l’ordre et de la paix sociale78. Cela
signifie que la jurisprudence doit s'insérer, de façon cohérente, dans l'ordre juridique légal.
Elle n'est réelle que si elle reçoit la consécration d'une juridiction supérieure, le plus souvent
la Cour de cassation. Comme toute règle générale et abstraite, elle s'impose au juge, lequel
sauf mépris des justiciables, ne peut s'en écarter qu'au prix d'une motivation générale et
objective qu'il chercherait à faire partager par les autres juridictions. Dans cette mesure, la
jurisprudence a une valeur normative, elle contribue à la détermination du contenue du droit et
à l'interprétation de celui-ci. Ainsi, est-il fréquent que la jurisprudence influe sur l'évolution
de la législation elle-même.

Il appartient donc à la Cour de cassation de veiller à l'application exacte et uniforme de la


loi, en prévenant ou en sanctionnant la diversité de la jurisprudence et d'assurer l'évolution
équilibrée et harmonieuse du droit grâce à des décisions qui peuvent à la fois promouvoir le
progrès tout en posant des balises dans cette évolution. Il y a lieu de noter qu’un seul arrêt de
cassation peut fixer d’une manière constante et définitive la jurisprudence, surtout lorsqu’il
s’agit d’un arrêt de principe.

Cependant, la jurisprudence n'est pas pour autant immuablement figée.


Exceptionnellement, la Cour de cassation reverra sa jurisprudence. On parle alors de
revirement ou de retournement. Les causes de revirement de jurisprudence peuvent être:
- en cas d'erreur manifeste de droit (critère de légalité);
- lorsque la paix judiciaire n'est pas réalisée (critère d'effectivité);

76
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°17, p.35.
77
J.P. SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 28, p.25.
78
E. LUZOLO BAMBI LESSA et N. A. BAYONA BA MEYA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, édition
PUC, 2011, p. 59.
26

- en raison d'un changement de circonstances (critère de légitimité); il s'agit pour la Cour de


cassation de participer à l'actualisation du droit79. Mais un revirement de jurisprudence doit
être utilisé avec d'autant plus de prudence. C'est pourquoi, l'on admet qu'un revirement de
jurisprudence ne peut s'opérer que pour l'avenir lorsque son application immédiate aboutirait à
priver le demandeur de son accès au juge80. Et la Cour Européenne des Droit de l'Homme de
Strasbourg exige une motivation suffisante du revirement81.

La jurisprudence constitue une source de procédure pénale dans la mesure où les


juridictions inférieures peuvent se référer aux juridictions supérieures, la façon dont elles ont
jugé une affaire donnée qui a de similitude avec celle soumise devant le juge inférieur. Et
d'ailleurs, même la Cour Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit,
entre autres et, en pratique de façon subsidiaire, les décisions juridictionnelles. Partant de
cela, la jurisprudence est une source de procédure pénale.

e) Les principes généraux de droit


Le Premier avocat général honoraire de la République démocratique du Congo Nkata
Bayoko les définit comme étant des règles de droit non écrites, dérivant de l’esprit des lois et
des principes auxquels obéit généralement le législateur, lesquelles règles s’appliquent aux
contestations en l’absence de textes de lois régissant la matière82. Pour le Bâtonnier Matadi
Nenga Gamanda, ce sont des propositions premières non écrites, normatives et juridiques qui
fondent, à côté d’autres sources de droit l’unité du système juridique83. De manière simple,
nous pensons que les principes généraux de droit sont des solutions juridiques admises en
droit par la jurisprudence en l'absence de règles écrites telles que notamment les lois et qui se
conforment aux lois. Les principes généraux du droit doivent être distingués des principes ou
règles ou adages qui ne sont pas reconnus comme principes généraux de droit.

Leur force juridique vient de l’article 118 alinéa 2 de la loi organique n° 13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui déclare : « En cas d’absence de coutume ou lorsque celle-ci n’est pas conforme
aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs, les cours et tribunaux s’inspirent des
principes généraux du droit ». Leur force juridique vient également de l’ordonnance
législative du 14 mai 1886 qui a toujours force de loi. Cette ordonnance prévoit de juger les
contestations d’après « les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité »,

79
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1. Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 115-117, pp.110-111.
80
CEDH, 18 mars 2009, Unedic c/ France, requête n° 20153/04, §§ 71-78; Cour de cassation française, 11 juin
2009, Recueil Dalloz, 2009, p. 2064, J.CP., 2009, n° 38, p. 18 et observations X. LAGARDE, Gazette du
Palais, 26-27 août 2009, p. 18.
81
CEDH, 14 janvier 2010, requête n° 36815/03; CEDH, 26 mai 2011, n° 23228/08, Legrand c/France, JCP, 20
juin 2011, n° 25, p. 1213, JCP, 27 juin 2011, n° 26, p. 1238.
82
NKATA BAYOKO, De la violation des principes généraux du droit au moyen de cassation, Kinshasa, éd.
Kinsel, 2003, p. 20.
83
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°21, p.41.
27

pour suppléer aux silences de la loi, d’un décret ou d’un règlement84. Enfin, leur force vient
du fait que la Cour Internationale de Justice de la Haye s'inspire des différentes sources de
droit, entre autres, des principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées et
l'équité si les Etats concernés en sont d'accord85. L’expression « coutumes locales » signifie
les usages locaux dans tel ou tel domaine du droit86.

Voici quelques exemples des principes généraux de droit:


- In doubio pro reo: le doute profite au prévenu ;
- Le criminel (pénal) tient le civil en état;
- le secret de l'instruction préparatoire;
- Electa una via, non datur recursus ad alteram: lorsqu'on est engagé dans une voie, le
renoncement n'a pas d'incidence;
- Non bis in idem: Nul ne peut être poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits auxquels
il a déjà été condamné ou acquitté;
- L'autorité de la chose jugée;
- La non rétroactivité de la loi pénale;
- L'interdiction de se faire justice à soi-même;
- Le droit à un procès équitable;
- Le double degré de juridiction;
- Le respect des droits de la défense;
- La présomption d'innocence;
- Res judicita pro veritate habetur: la chose jugée est tenue pour vérité;
- Nemo judex in re sua: Personne ne juge sa propre cause;
- Actori incumbit probatio: la preuve incombe au demandeur (à celui qui agit);
- Pas d’intérêt, pas d’action ou pas d’action sans intérêt ;
- Actor sequitur forum rei: le demandeur doit porter son action devant le tribunal du
Défendeur ;
- L'obligation pour le juge de vider sa saisine;
- Nul ne plaide par procureur;
- Le juge saisi d'une question préjudicielle doit sursoir à statuer en attendant que la question
soit tranchée;
- Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude ;
- Nul ne peut s'enrichir au détriment d'autrui.

Mais d'autres ne sont pas reconnus comme principes généraux de droit. C'est le cas
notamment de:
- L'unité du droit;

84
A. RUBBENS, op. cit. p. 41 ; ordonnance de l’administrateur général du Congo, in Bulletin officiel, 1886, pp
188 et 189.
85
L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010, n° 59,
p. 236.
86
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°16, p.34.
28

- La bonne foi dans le procès;


- L'égalité de traitement d'actes similaires;
- Toute personne est présumée être de bonne foi jusqu'à la preuve du contraire;
- L'indivisibilité des moyens de preuve;
- "Copie vaut original";
- Qui peut le plus peut moins87.
De même, l'adage latin "lex specialis derogat priori generalibus" (les règles spéciales
dérogent aux règles générales) ne constitue pas un principe général de droit88.

Il convient de préciser que la loi prime les principes généraux du droit. En d'autres termes,
les principes généraux du droit peuvent s'appliquer à côté de la loi mais pas contre la loi; de la
sorte, ils ne peuvent être appliqués par le juge dans une cause déterminée lorsque cette
application serait inconciliable avec la volonté du législateur. Cela signifie qu'ils ont un
caractère supplétif, ils ne peuvent donc être invoqués ou n’être d’application qu’en l’absence
d’une loi spécifique qui régit la matière.

Aussi, lorsqu’un principe général du droit est coulé sous forme de loi dans la suite, il n’est
plus à considérer comme un principe général du droit mais plutôt un principe légal. Dans ce
cas, il complète la loi et est hiérarchiquement supérieur aux ordonnances, décrets, arrêtés,
édits, etc. De même, lorsqu'un principe général de droit est prévu dans la Constitution, il cesse
d'être un principe général de droit mais il devient plutôt un principe constitutionnel. Par
conséquent, il devient hiérarchiquement supérieur à la loi89. C'est le cas notamment de
principes la responsabilité pénale est individuelle, la personnalité de la peine et nul n'est
censé ignoré la loi qui étaient auparavant les principes généraux de droit mais comme ils sont
actuellement prévus par les articles 17 alinéa 8 et 62 alinéa 1 de la Constitution du 18 février
2006, ils sont devenus principes constitutionnels.

Jusqu'à une certaine époque (période coloniale), on pouvait dans certaines mesures
invoquer les dispositions du Code belge par exemple en droit congolais en tant que principes
généraux de droit à condition qu’il y ait silence de la loi et de la coutume ou celle-ci n’est pas
conforme aux lois et à l’ordre public. Mais depuis l'indépendance de la RDC, il n'est plus
nécessaire de continuer de se référer au Code belge en tant que « principes généraux de
droit ». En effet, l’ordonnance législative réglant cette question date de 1886 lorsque le Congo
était la propriété privée du Roi Léopold II de Belgique. Or aujourd’hui, la République
démocratique du Congo est indépendante, et le droit judiciaire a beaucoup évolué, les cours et
tribunaux internationaux qui n’existaient pas à l’époque sont une réalité, et contribuent à
dégager les normes universelles du procès équitable.

87
A. BOSSUYT, " Les principes généraux du droit dans la jurisprudence de la Cour de cassation", in Journal
des Tribunaux, 2005, n°50-52, p.733.
88
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1444.
89
A. BOSSUYT, "Les principes généraux du droit dans la jurisprudence de la Cour de cassation", in Journal des
Tribunaux, 2005, n°57, p.735.
29

Aussi, la jurisprudence de la Cour suprême de justice est très abondante et donne


quelques arrêts de principe qui peuvent combler le silence d'une loi dans une matière bien
déterminée. C'est pourquoi, on ne peut plus invoquer aujourd'hui le droit belge en RDC en
tant que principes généraux de droit. La seule possibilité de s'inspirer du droit belge serait
lorsque la disposition légale belge a été transposée en RDC et son interprétation pose
problème d'applicabilité (comme le Code de procédure pénale date du 6 août 1959 et le Code
de procédure civile du 7 mars 1960, soit 10 mois ou 3 mois avant l'indépendance de la RDC,
selon le cas); dans ces conditions, on peut voir le sens téléologique ou l'esprit de ladite loi en
Belgique afin de faciliter une bonne application de la dite loi en RDC. Dans ce cas d'espèce, il
ne s'agirait donc plus de principes généraux de droit dès lors que la loi existe déjà.

Pour éviter tout mal entendu, nous pensons qu’à l’avenir, l’on devrait abroger ladite
ordonnance législative et prévoir comme « principes généraux de droit », notamment les
normes universelles du procès équitable (droit à un juge indépendant et impartial, droit d’être
jugé dans un délai raisonnable etc.). D’ailleurs, les principes généraux du droit tendent à
devenir de plus en plus communs à tous les pays qui se réclament d’un Etat de droit. C’est
dans ce sens que la doctrine moderne reconnaît par exemple que le principe d’impartialité
constitue un principe général de droit90 et paraît aujourd’hui comme étant un principe de
procédure universelle91. Mais en RDC, le principe d'impartialité n'est pas un principe général
du droit car c'est un principe légal étant donné qu'il est prévu par les articles 49 et suivants de
la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et par les articles 6 à 13 de la résolution
n°001/2011 du 26 mail 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats.

Pour plus de sécurité juridique, il serait mieux de ne retenir que les principes généraux de
droit approuvés par les hautes juridictions (Cour de cassation, Conseil d'Etat, Cour
constitutionnelle) et les juridictions internationales (le tribunal de la Communauté de
Développement de l'Afrique Australe, la Cour de Justice du Marché Commun de l'Afrique
Orientale et Australe, la Cour Commune de Justice d'Arbitrage de l'OHADA, la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Cour Européenne des Droits de l’Homme,
la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de la Haye et le Comité des
Droits de l’Homme de l’ONU. Et d'ailleurs, la Cour Internationale de Justice de la Haye
s'inspire des différentes sources de droit, entre autres, des principes généraux de droit
reconnus par les nations civilisées et l'équité si les Etats concernés en sont d'accord92.

Les principes généraux du droit constituent une source de procédure pénale car les
juridictions peuvent s’y inspirer en cas du silence de la loi et de la coutume en la matière.

90
B. QUIRINY, « Actualité du principe général d’impartialité administrative », in Revue du Droit Public et la
Science Politique en France et à l’étranger, 2006, pp. 376-389.
91
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p. 177.
92
L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010, n° 59,
p. 236.
30

f) La doctrine
C’est l’ensemble des écrits, des savants de droit, des professeurs, des chercheurs et
praticiens de droit. C'est aussi des analyses, des commentaires de la loi et de la jurisprudence.
La doctrine guide le législateur et le juge dans la formation du droit. Elle peut proposer des
solutions de droit de lege ferenda. Leurs opinions ne seront cependant incorporés dans le
droit positif qu'au moment où un usage constant les aura fait admettre universellement, ou que
la jurisprudence les aura consacrés, ou encore lorsque le législateur les aura adoptés pour
formuler une loi.

Le plus souvent la doctrine est par ses écrits une source d’inspiration indirecte. L'influence
de la doctrine sur la jurisprudence est avant tout d'ordre intellectuel et scientifique93. Par ses
travaux, la doctrine œuvre à la cohérence du droit judiciaire et facilite sa compréhension en
analysant la jurisprudence et en exposant les fondements et finalités des règles de droit. La
doctrine peut être aussi une source d’inspiration directe lorsque les juridictions s’y réfèrent ou
lorsque le législateur demande à des auteurs de participer à des commissions de réforme94.

Ex. : - La publication d’un ouvrage ayant comme titre : Droit judiciaire congolais, Tome III.
Procédure pénale.
- La thèse de doctorat en droit judiciaire ayant comme titre : « L’indépendance et
l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de l’Afrique francophone », Faculté
de Droit, Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, juin 2005.

Il y a lieu de mentionner qu'en RDC, deux ouvrages seulement de procédure pénale ont été
publiés: celui d'Antoine Rubbens (Droit judiciaire congolais: Tome III. Procédure pénale,
publié en 1965) et d'Emmanuel Janvier Luzolo Bambi Lessa et Nicolas Abel Bayona Ba
Meya (Manuel de procédure pénale, publié en 2011).

La doctrine constitue une source de procédure pénale car les tribunaux peuvent s’y référer
pour suppléer au silence de la loi ou en cas de l’absence de jurisprudence sur un point précis
de droit ou lorsqu’ils veulent renforcer la motivation de ses jugements. Et d'ailleurs, même la
Cour Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit, entre autres la
doctrine des auteurs les plus qualifiés.

g) L’équité
Le mot équité vient du latin "equus" qui signifie équilibre. On peut la définir comme
étant la solution éprouvée comme juste par la communauté à laquelle appartient le juge; c'est
donc le sens humain de la pondération et de la conscience sociale du juge; autrement dit le bon
sens du juge. L'article 155 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que le
Conseil d’Etat se prononce en équité en tenant compte de toutes les circonstances d’intérêt
public ou privé. De même, l’ordonnance de l’administrateur général du Congo du 14 mai
1886 permet également aux cours et tribunaux, en cas de silence de la loi, de recourir à

93
Voyez P.-Y.. GAUTIER, " L'influence de la doctrine sur la jurisprudence", Recueil Dalloz, 2003, p. 2839.
94
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n°20, p.12.
31

l’équité, c’est-à-dire au sens personnel de la justice et de l’ordre social. A ce sujet, la Cour


d'appel de Bandundu a jugé "lorsque le montant postulé par une partie au procès semble
manifestement exorbitant et en dehors de critère d'appréciation, la Cour le ramera selon le
bons sens et l'équité"95. Aussi, la Cour Internationale de Justice de la Haye, peut, avec
l'accord des parties, se référer à l'équité.

L’on précisera que l’équité jouera un rôle purement supplétif, c’est-à-dire chaque fois
que législateur n’aura pris aucune disposition légale dans une matière96 et cette équité n’est
pas à confondre avec les normes du procès équitable. Mais le juge doit être prudent pour cette
source qui ne lui permet pas de faire ce que le législateur a entendu lui interdire car ce bon
sens, qui n’est pas la chose la mieux partagée du monde, échappe à une analyse qualitative et
quantitative ; il n’est pas observable comme le serait une loi, un principe général du droit,
préalablement énoncé et ayant son existence en dehors du juge.

Comme nous pouvons le constater, la notion d’équité échappe donc au droit entendu
comme science et dont l’objet, le droit, relève nécessairement de l’observation et de
l’objectivité97. C’est pourquoi, une décision judiciaire qui se réfère uniquement à l’équité pour
justifier une décision n’est pas motivée. Et d’ailleurs, la Cour de cassation française avait
affirmé que l’équité n’est pas une source de droit98.

Enfin, il est nécessaire de préciser que le droit de la famille romano-germanique à


laquelle appartient la RDC (comme la Belgique et la France) accorde moins d’importance à
l’équité en tant que source de droit par rapport au droit Anglo-Saxon ou le Common Law
(comme l'Angleterre, les Etats-Unis et les anciennes colonies britanniques, entre autres la
Tanzanie, l'Ouganda, etc.) mais c’est celui-ci qui a tendance à influencer les juridictions
internationales tels que la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, la Cour
Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de La Haye et le Comité des Droits de
l’Homme de l’ONU.

h) Les usages
Ils sont prévus par l'article 108 de la loi organique n°13/011 du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire qui déclare :
« (...), les tribunaux répressifs saisis de l’action publique prononcent d’office les dommages
intérêts et réparations, qui peuvent être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages
locaux". Ils peuvent être définis comme étant des pratiques applicables devant les juridictions
bien déterminées. Dans ce sens, ce sont des pratiques judiciaires ayant acquis force de droit,

95
Cour d'appel de Bandundu, 14 mai 2010, MP et partie civile Bennie Luwayi c/ Bethy Kayembe, RPA 1249, in
H. MASANI MATSHI et P. NAMWISI KASEMVULA, Les arrêts de la Cour d'appel de Bandundu
(2009 à 2010), 2011, pp.139-142.
96
Article 1er de l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886, in Bulletin Officiel, 1886,
pp.188-189.
97
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-Bruylant,
Droit et Idées Nouvelles, 2006, n °26, p.47.
98
Cassation française (chambre. sociale), 4 décembre 1996, Bulletins des arrêts de la Cour de cassation en
matière civile, V, n° 421 ; JCP, 1997, I, 4064, n° 11, obs. Cadiet, RTDciv., 1998, 221, obs. Molfessis.
32

complémentaire à la loi. En effet, l’on ne doit pas oublier l’importance de la pratique


judiciaire qui crée des procédés que la loi n’avait point prévus mais qui varient suivant les
tribunaux établis dans les différents ressorts des cours d’appel. C'est ainsi qu'il est d'usage
d'interpeller le prévenu in limine litis pour savoir s'il reconnaît les faits libellés à la citation
et ce avant la lecture des procès-verbaux de constat et l'audition des témoins99.

De même, la réouverture des débats lorsqu'un élément surgit pendant le délibéré est une
procédure consacrée par les usages. Si l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006 impose
un jugement écrit et motivé qui doit être prononcé en audience publique, c'est en général
l'usage quia fixé le déroulement de la procédure à huis clos.

Ces usages peuvent être une explication des textes trop incomplets ou flous. Il en y en
a qui sont « praeter legem », c’est-à-dire qui vont au-delà de la pensée du législateur, et ceux
qui sont « contra legem» ; c'est-à-dire contraires à la loi. Ces derniers ne peuvent pas être
appliqués. Mais les usages ne l’emporteront pas sur la règle légale s’ils sont en contradiction
avec elle, encore que la loi a souvent adopté certains usages qui s’étaient imposés en
les « coulant » dans des textes juridiques100.

i) Les résolutions du Conseil supérieur de la magistrature


Il s'agit de décisions qui sont prises par le Conseil supérieur de la magistrature en tant
qu'organe de gestion du pouvoir judicaire (article 152 de la Constitution du 18 février 2006).
Le Conseil supérieur de la magistrature élabore des propositions de nomination, promotion,
mise à la retraite, révocation, démission et réhabilitation des magistrats. Il exerce le pouvoir
disciplinaire sur les magistrats. Il donne ses avis en matière de grâce. Il décide de la rotation
des juges sans préjudice du principe de l'inamovibilité. Il désigne trois membres de la Cour
constitutionnelle. Il organise et dirige l'école supérieure de la magistrature et la formation des
magistrats. Il assure la gestion technique du personnel judiciaire non magistrat mis à sa
disposition. Il procède à son évaluation et fait rapport au Gouvernement. Il élabore le budget
du pouvoir judiciaire101.

Ainsi, c'est par de résolutions du Conseil supérieur de la magistrature que le Code


d'éthique et de déontologie des magistrats a été adopté par l'Assemblée générale dudit Conseil
le 26 mai 2011102, le règlement intérieur du Conseil supérieur de la magistrature adopté le 13
juin 2009 par l'Assemblée générale de ce même Conseil lors de la session extraordinaire de
juin 2009, le règlement portant procédure de désignation de membres du Secrétariat
permanent du Conseil supérieur de la magistrature a été adopté par le Bureau dudit Conseil le

99
Article 74 du Code de procédure pénale.
100
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena Ntambua,
1999, p.2.
101
Article 2 de la loi organique n° 08/013 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil
supérieur de la magistrature, JORDC, n°spécial, 11 août 2008; article 2 du règlement intérieur du Conseil
supérieur de la magistrature du 13 juin 2009, JORDC, n°spécial, 15 juin 2009.
102
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
33

23 juin 2009, le cadre et structure organiques du Conseil supérieur de la magistrature a été


adopté par le Bureau de ce Conseil le 23 décembre 2010103.

De même, dans sa mission d'organe de gestion du pouvoir judiciaire, le Conseil supérieur


de la magistrature a pris notamment, les résolutions suivantes:
- Résolution n°002/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application des
modalités pratiques de nomination et de promotion des magistrats selon les normes de la
transparence et de mérite;
- Résolution n°003/ 2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du plan de
modernisation judiciaire et feuille de route du pouvoir judiciaire 2011-2016;
- Résolution n° 002/ 2012 du 24 août 2012 portant adaptation du plan de modernisation
judiciaire et feuille de route du pouvoir judiciaire à la révolution de la modernité;
- Résolution n°005/2012 du 24 août 2012 portant critères et procédure de désignation des
membres de la Cour constitutionnelle, du parquet près cette Cour et des référendaires;
- Résolution n°003/2012 du 24 août 2012 portant modalités pratiques de désignation des membres
de la Cour et du parquet près la Cour constitutionnelle ainsi que des conseillers référendaires;
- Résolution n° 010/2013 du 30 avril 2013 relative aux critères pour la désignation des
conseillers référendaires à la Cour constitutionnelle;
- Résolution n° 009/2013 du 30 avril 2013 relative aux critères de désignation des conseillers
référendaires à la Cour de cassation;
- Résolution n° 008/ 2013 du 30 avril 2013 portant adoption et mise en application du plan de
recrutement, rotation, mutation, promotion et formation des magistrats;
- Résolution n° 007/ 2013du 30 avril 2013 portant adoption du projet de budget du pouvoir
judiciaire pour l’exercice budgétaire 2014;
- Résolution n°006 /2013 du 30 avril 2013 relative à la communication interne et externe du
Conseil supérieur de la magistrature;
- Résolution n°005/2013 du 30 avril 2013 relative au recrutement des juges assesseurs;
- Résolution n° 004/2013 du 30 avril 2013 relative à la rotation des magistrats;
- Résolution n° 003 /2013 du 30 avril 2013 relative à la formation initiale et continue des
Magistrats ;
- Résolution n° 002/2013 du 30 avril 2013 relative aux critères de représentativité des femmes
aux postes de commandement;
- Résolution n° 001/2013 du 30 avril 2013 relative à l'application de la parité homme-femme
dans la magistrature.

En considération de ces différents pouvoirs reconnus au Conseil supérieur de la


magistrature (CSM) dans la gestion du pouvoir judiciaire, nous pouvons le considérer
aujourd'hui comme la pièce maitresse ou la plaque tournante ou encore le chef d'orchestre du
pouvoir judiciaire. C'est pourquoi, le Conseil supérieur de la magistrature est une source de
droit judiciaire et en particulier la procédure pénale.

103
JORDC, n°spécial, 12 février 2011.
34

j) Le pouvoir réglementaire du Président de la République


Il est prévu, notamment par les articles 82, 87 et 158 de la Constitution du 18 février 2006.
Il ressort de l'article 82 de la Constitution, le Président de la République nomme, relève de
leurs fonctions et le cas échéant, révoque par ordonnance, les magistrats du siège et du
parquet sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Il convient de préciser qu'en
cette matière, la nomination ou la révocation des magistrats par le Président de la République
est de pure forme c'est-à-dire il ne fait que signer les propositions élaborées par le Conseil
supérieur de la magistrature; en conséquence, il ne peut pas le faire de sa propre initiative au
risque que sa décision soit attaquée soit au Conseil d'Etat (pour violation de la loi) soit à la
Cour constitutionnelle (pour de violation de la Constitution). Cela signifie que si le Président
de la République décide lui-même de nommer tel ou autre magistrat sans que cela soit
proposé par le Conseil supérieur de la magistrature, cette décision est inconstitutionnelle
(comme elle vile la Constitution) et illégale (comme elle viole la loi). De même, au sens de
l'article 87 de la Constitution, le Président de la République exerce le droit de grâce, il peut
remettre, commuer ou réduire les peines prononcées par les cours et tribunaux, et l'article 158
de la Constitution dit que le Président de la République propose 3 parmi les 9 membres de la
Cour constitutionnelle.

Enfin, l’article 156 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 déclare : « En temps


de guerre ou lorsque l’état de siège ou d’urgence est proclamé, le président de la République
(…) peut suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions
qu’il fixe, l’action répressive des cours et tribunaux de droit commun au profit de celle des
juridictions militaire ». Cette situation peut avoir des répercussions dans la procédure pénale
congolaise. Ce pouvoir réglementaire du Président de la République est une source de
procédure pénale dès lors qu'il donne au Président de la République d'intervenir d'une manière
limitée dans le processus pénal des cours et tribunaux.

En principe, dans les régimes démocratiques, ce pouvoir réglementaire est extrêmement


rare étant donné que c’est le Parlement (composé des élus du peuple) qui élabore les lois. Par
contre, dans les régimes dictatoriaux ou militaires, le Président de la République dispose d’un
pouvoir réglementaire très étendu dans la mesure où il a tendance à se substituer au
Parlement. C’est la raison pour laquelle on trouve plusieurs textes réglementaires sous le
règne du Maréchal Mobutu104 et de Laurent Désiré Kabila105.

Au regard de toutes ces dispositions, le pouvoir réglementaire du Président de la


République est une source de procédure pénale.

104
Notamment le décret-loi du 18/12/1964 portant code provisoire de justice militaire ; ordonnance-loi n° 72/060
du 25/091972 portant institution d’un Code de justice militaire; ordonnance-loi portant Code d'organisation et
compétence judiciaires du 31 mars 1982.
105
Notamment le décret-loi constitutionnel n° 003 du 18 mai 1997 relatif à l’exercice du pouvoir en République
démocratique du Congo ; décret-loi n° 19 du 23 août 1997 portant création de la Cour d’ordre militaire.
35

k) Le pouvoir réglementaire du ministre de la Justice


Traditionnellement, il est du pouvoir du ministre de la Justice et garde des Sceaux de
créer des sièges secondaires des cours, tribunaux et parquets par voie d’arrêté106. Ainsi, le
ministre de la Justice peut créer dans le ressort des tribunaux de paix un ou plusieurs sièges
secondaires107. Mais le siège ordinaire et le ressort des tribunaux de grande instance sont fixés
par décret du Premier ministre108. De même, le ministre de la Justice peut établir, pour toutes
les juridictions, des sièges secondaires dans la même localité ou les localités de leurs ressorts
autres que celles où sont établis leurs sièges ordinaires. Dans ce cas, il détermine le nombre et
la périodicité des sessions qui y seront tenues et y affecte un greffier chargé de recevoir des
actes de procédure. Le greffier peut être chargé d’exercer ses fonctions auprès de toutes les
juridictions dont le siège principal ou secondaire est établi dans la même localité109. Cela
signifie que le ministre de la Justice peut créer des sièges secondaires de tribunaux de paix, de
tribunaux de grande instance, de tribunaux de commerce, de tribunaux de travail, de tribunaux
pour enfants, de cours d'appel et de la Cour de cassation.

Tel est le cas notamment de l'arrêté d'organisation judiciaire n°108/78 du 22 avril 1978
et l'arrêté n° 117/78 du 26 avril 1978 portant rattachement de certaines sous-régions
administratives au ressort des tribunaux de grande instance voisins110, de l’arrêté
n°001/CAB/MINI/J&DH/2011 du 05 janvier 2011 portant création des sièges secondaires des
tribunaux pour enfants et fixation de leur ressort111. C’est dans cette logique que le ministre de
la Justice avait créé, différents sièges secondaires des tribunaux et parquets. Ainsi dans
l'ancienne province de Bandundu, il y a les parquets secondaires de Mushie, de Nioki et de
Bolobo dans le ressort de parquet de grande instance d'Inongo; le parquet secondaire de
Kahemba dans le ressort du parquet de grande instance de Kenge, les parquets secondaires
d'Idiofa et de Gungu dans le ressort du parquet de grande instance de Bulungu.

Dans la province du Kongo central, il y a les parquets secondaires de Songololo et


Luozi dans le ressort du parquet de grande instance de Mbanza-Ngungu, de Kinzau-Mwete
dans le ressort du parquet de grande instance de Tshela, de Moanda dans le ressort du parquet
de grande instance de Boma. Dans l'ancienne province du Kasaï Occidental, il y a les
parquets secondaires de Tshikapa et d'Ilebo dans le ressort du parquet de grande instance de
Luebo.

Dans l'ancienne province du Katanga, il y a les parquets secondaires de Kongolo,


Manono et Nyunzu dans le ressort du parquet de grande instance de Kalemie, parquets

106
Articles 8 et 46 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
107
Article 8 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
108
Article 14 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
109
Article 46 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
110
JORZ, n°19, 1 er octobre 1978, p.65.
111
JORDC, n°8, 15 avril 2011.
36

secondaires de Pweto, Sakanya, Kasumbalesa et Kambove dans le ressort du parquet de


grande instance de Kipushi, de Lubudi dans le ressort du parquet de grande instance de
Kolwezi, de Malemba-Nkulu et de Bukama dans le ressort du parquet de grande instance de
Kamina. Dans le ressort du parquet général près la Cour d'appel de Kinshasa/Matete, il y a le
parquet secondaire de Kinkole dans le ressort du parquet de grande instance de
Kinshasa/N'Dili.

Dans la province du Maniema, il y a les parquets secondaires de Punia et Kasongo


dans le ressort du parquet de grande instance de Kindu. Dans la province du Nord-Kivu, il y
avait les sièges secondaires du tribunal de grande instance de Goma à Butembo et à Béni. Il
en est de même des parquets secondaires de Butembo et Béni dans le ressort du parquet de
grande instance de Goma. Mais depuis le 8 mai 2014, ce deux sièges secondaires sont
devenus autonomes c'est-à-dire il existe actuellement les tribunaux de grande instance de Béni
et celui de Butembo. Dans l'ancienne province orientale, il y a le parquet secondaire d'Aru
dans le ressort du parquet de grande instance de Bunia. Dans la Province du Sud-Kivu, il y
avait les sièges secondaires du tribunal et du parquet de grande instance d’Uvira à Kavumu et
à Kamituga. Depuis le 8 mai 2014, ces deux sièges secondaires sont devenus les tribunaux de
grande instance de Kavumu et de Kamituga qui sont désormais autonomes112.

Mais dans la pratique, depuis la promulgation de loi organique du 10 octobre 2006


portant statut des magistrats et la loi organique du 05 août 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, ce pouvoir de créer les sièges
secondaires des tribunaux et parquets, se fait désormais en concertation avec le Conseil
supérieur de la magistrature.

Aussi, le ministre de la justice peut prendre des arrêtés d'organisation judicaire portant
modalités d’application d’une loi qui a été votée au Parlement étant donné que la loi ne peut
pas tout prévoir. Tel est le cas notamment, de l'arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du
20/08/1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets, de l'arrêté n° 247/78
du 14 décembre 1978 portant mesure d'application de l'ordonnance n°78/289 du 03 juillet
1978 relative à l'exercice des attributions d'officier et agent de police judiciaire près les
juridictions de droit commun, de l'arrêté n°129 du 22 août 1984 portant création d'une
commission mixte de contrôle des activités des officiers de police judiciaire près les
juridictions de droit commun113, de l'arrêté interministériel
n°12/CAB.MIN./ETPS/JHD/063/2008 du 18 septembre 2008 portant création, organisation et
fonctionnement du comité de pilotage des tribunaux du travail114, de l'arrêté ministériel n°
490/CAB./MINI./J&DH/2010 et 2011/CAB./MIN.GEFAE du 29 décembre 2010 portant
composition, organisation et fonctionnement du comité de médiation en matière de justice
pour mineurs, de l'arrêté n°88/010 du 1er mars 1988 portant tarification des frais de

112
Décret d'organisation judiciaire n°14/015 du 08 mai 2014 fixant les sièges et les ressorts des tribunaux de
grande instance.
113
JORZ, n°4, 15 février 1985, p. 15.
114
JORZ, n°20, 20 octobre 2008, p.37.
37

postulation et actes de procédure applicables à tous les membres des barreaux et ceux des
corps des défenseurs judiciaires devant toutes les juridictions congolaises115.

Ces arrêtés complètent les différentes lois en matière de procédure pénale. Mais les
arrêtés pris par le ministre de la Justice ne doivent pas mettre en cause l’indépendance des
magistrats telle que prévue par la Constitution du 18 février 2006, la loi du 10 octobre 2006
portant statut des magistrats, la loi du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du
Conseil supérieur de la magistrature ainsi que le règlement intérieur du 13 juin 2009 du
Conseil supérieur de magistrature.

De même, le ministre de la Justice peut par arrêté, conférer la qualité d’officier de police
judiciaire soit par nomination personnelle, soit par commission générale à une catégorie
d’agents des services publics, des établissements publics ou des entreprises publiques ou
privées. L’arrêté détermine la compétence matérielle et territoriale116. En sus, il est reconnu au
ministre de la Justice d’accorder la libération conditionnelle par voie d’arrêté après avis du
directeur de la prison et du Parquet117. Elle se définit comme une mise en liberté que
l’administration pénitentiaire accorde au condamné, et qui est destinée à stimuler
l’amendement de ce dernier par la perspective d’une libération définitive en cas de bonne
conduite118. Le ministre de la Justice a le pouvoir de fixer par voie d'arrêté, les taux, droits,
taxes et redevances à percevoir à son initiative119, les taux et taxes des recettes administratives
et judiciaires120.

Ensuite, le ministre de la Justice a le pouvoir d'injonction sur le Parquet. En effet, il


ressort de l'article 70 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire: "Les officiers du
ministère public sont placés sous l’autorité du Ministre ayant la justice dans ses
attributions. Celui-ci dispose d’un pouvoir d’injonction sur le Parquet. Il l’exerce en
saisissant le Procureur général près la Cour de cassation ou le Procureur général près la
Cour d’appel selon le cas sans avoir à interférer dans la conduite de l’action publique".

De même, l'article 72, alinéas 2 et 3 de la même loi organique dit: " Le procureur
général près la Cour de cassation peut, sur injonction du ministre de la Justice, initier ou
continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels qui ne ressortent
pas de la compétence de la Cour de cassation ; requérir et soutenir l’action publique devant
tous les cours et tribunaux à tous les niveaux. Il peut également, sur injonction du ministère
de la Justice, ou d’office et pour l’exécution de mêmes devoirs, faire injonction aux

115
JORZ, n°9, 1 er mai 1988, p.16.
116
Article 5 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
117
Article 38 du Code pénal congolais livre I; article 95 et suivants de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965
portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais, 1965, p. 813.
118
NYABIRUNGU MWENE SONGA, op. cit., p. 335
119
Arrêté interministériel n° 213/CAB/MIN/J/2009 et n° 253/CAB/MIN/FINANCES/2009 du 23 décembre
2009.
120
Arrêté interministériel n° 25/CAB/MIN/R.I&GS FIN/98 du 14 décembre 1998.
38

Procureurs généraux près la Cour d’appel. Aussi, le Procureur général près la Cour de
cassation peut, sur injonction du ministre de la Justice, requérir et soutenir l’action
publique devant tous les cours et tribunaux à tous les niveaux".

L'article 73 in fine de la loi organique susvisée va dans le même sens: " Le procureur
général ne peut, cependant, à peine de nullité de la procédure, poser des actes d’instruction
ou de poursuite dans le dossier reçu en communication que sur injonction du ministre de la
Justice".

Enfin, l''article 15 alinéa 2 de la loi organique portant statut des magistrats tel que modifié et
complété par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015121 va dans le même sens en ces
termes: "(...), le ministre de la Justice dispose d'un pouvoir d'injonction sur le parquet. Il
l'exerce en saisissant le Procureur général près la Cour de cassation, l'Auditeur général des
forces armés près la Haute Cour militaire, selon le cas, sans avoir interférer dans la conduite
de l'action publique".

Comme nous pouvons de le remarquer, les articles 70, 72 et 73 de loi organique de loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire et l'article 15 alinéa 2 de la loi organique n° 06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats tel que modifié et complété par la loi organique n°
15/014 du 1er août 2015 confient au ministre de la Justice le pouvoir d'injonction sur le
Procureur général près la Cour de cassation ou le procureur général près la Cour d'appel ou
l'Auditeur général des forces armées près la Haute Cour militaire c'est-à-dire qu'il peut
adresser des instructions générales d'action publique. Ce pouvoir d'injonction du ministre de
la Justice fait qu'il intervienne en procédure pénale (nous y reviendrons en détail lorsque nous
examinerons l'indépendance du ministère public par rapport au pouvoir exécutif).

Enfin, la fonction du ministre de la justice permet à ce dernier d'avoir la politique


criminelle du gouvernement ainsi que les grandes réformes de la Justice. Au regard de tous
ces éléments, le pouvoir réglementaire du ministre de la Justice est une source de procédure
pénale.

l) Le pouvoir réglementaire des présidents des juridictions et chefs d'offices des parquets

Concernant les présidents des juridictions, ce pouvoir réglementaire est visible à la


Cour constitutionnelle, à la Cour de cassation ainsi qu'aux autres juridictions. Ainsi, le
Président de la Cour constitutionnelle est chargé de l'administration de la Cour. Il est
l'ordonnateur de son budget. Les conseillers référendaires sont placés sous son autorité122. Le
Premier président de la Cour de cassation et le Premier président de la Cour d’appel, règle
chacun par voie d’ordonnance le service intérieur des cours et tribunaux de son ressort, leurs

121
Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par
la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015, JORDC, n° spécial, 5 août 2015.
122
Articles 20 et 38 de la de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
39

greffes, la tenue des registres et la répartition du service123. En attendant l'installation de la


Cour de cassation, le Premier président de la Cour suprême de justice124 règle par voie
d'ordonnance le service intérieur des cours et tribunaux de la RDC.

Les premiers présidents des cours et tribunaux déterminent le nombre de chambres civiles
et pénales nécessaires au bon fonctionnement des juridictions et fixent leurs compétences
respectives. Ils répartissent les présidents et les juges entre les sections et les chambres. Ils
distribuent les affaires entre les sections, s’il en existe, ou les chambres et fixent les dates
d’audience. Ils sont assistés dans l’exercice de leurs attributions par les présidents des cours et
tribunaux, s’il y en a. Ils président les audiences solennelles, l’assemblée plénière et la
conférence des présidents. Ils peuvent, lorsqu’ils l’estiment utile, présider les audiences de
toute section ou chambre des cours et tribunaux. Ils veillent à l’expédition régulière des
affaires. Ils assurent la discipline envers les magistrats des cours et tribunaux et le personnel
qui y est attaché125.

De même le Président du tribunal de grande instance et le Président du tribunal de paix


disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’organisation du service du siège et la répartition
des services. Ainsi, le Président du tribunal de paix et le président du tribunal de grande
instance ou celui qui le remplace est chargé de la répartition de service126. Exemple :
ordonnances des présidents de juridictions portant organisation des chambres. Il est prohibé
qu’une chambre d’une juridiction s’attribue sans l’avis du chef de cette juridiction une cause
attribuée à une autre chambre, étant donné que l’attribution des dossiers aux juges est une
prérogative exclusive du chef de cette juridiction127.

Dans le cas où l’effectif des juges du tribunal de grande instance présents au lieu où le
tribunal tient une audience ne permet pas de composer le siège, le président du tribunal peut
assumer, au titre de juge, sur réquisition motivée du Procureur de la République, un magistrat
du Parquet près le tribunal de grande instance, un avocat ou un défenseur judiciaire résidant
en ce lieu ou un magistrat militaire du tribunal militaire de garnison ou du parquet militaire
près cette juridiction. L’avocat ou le défenseur judiciaire assumé prête entre les mains du
président, le serment suivant: «Je jure de respecter la Constitution et les lois de la République
démocratique du Congo et de remplir loyalement et fidèlement, avec honneur et dignité, les
fonctions qui me sont confiées »128.
123
Articles 21 et 26 de la de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
124
Ordonnance 0166 du premier président de la Cour Suprême de Justice modifiant et complétant le règlement
d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in JORZ, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746, in T. KAVUNDJA
(sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa,
Media St Paul, 2013, pp. 451-456.
125
Article 6 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquets.
126
Articles 11 et 18 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
127
Tribunal de Paix de Kinshasa-Ndjili, 17 juin 1996, MP et M contre T. RP 23955/XIII, in RAJC, fascicule
unique, janvier à décembre 2000, p. 71.
128
Articles 10, 16 et 17 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
40

Aussi, le président de la juridiction désigne les huissiers parmi les agents de l’ordre
judiciaire mis à sa disposition. Les présidents des tribunaux de grande instance et les
présidents des tribunaux de paix peuvent désigner des huissiers suppléants parmi les agents
administratifs des services publics de leur ressort. Ces huissiers suppléants ne peuvent être
chargés du service intérieur des tribunaux129. De même, avant d’entrer en fonction, toute
personne appelée à remplir les fonctions de greffier ou d’huissier prête verbalement devant la
juridiction ou par écrit entre les mains du magistrat qui l’a désignée ou assumée, le serment
suivant : « Je jure de remplir fidèlement et loyalement les fonctions qui me sont confiées »130.

Le président du tribunal de paix a le pouvoir de désigner deux juges assesseurs qui sont
des notables du lieu pour compléter le siège lorsqu'il y a lieu de faire application de la
coutume locale. Le notable ainsi assumé prête, devant le président, le serment suivant : « Je
jure de respecter la Constitution et les lois de la République démocratique du Congo et de
remplir loyalement et fidèlement, avec honneur et dignité, les fonctions qui me sont confiées
»131. Le Président du tribunal pour enfants est chargé de la répartition des tâches au sein de
cette juridiction132.

Le Premier président de la Haute Cour militaire fixe par voie d'ordonnance, le règlement
intérieur de la Haute Cour militaire133. Il s'agit de l'ordonnance n°HCM/037/2012 du 03 août
2012 modifiant et complétant l'ordonnance n° HCM/008/2003 du 10 juillet 2003 portant
règlement intérieur de la Haute Cour militaire134. De même, le Premier président de la Cour
militaire fixe par voie d'ordonnance, le règlement intérieur de la Cour militaire135.

Concernant les chefs d'offices des parquets, les articles 74 et 78 de la loi organique n°
13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire reconnaissent au Procureur général près la Cour de cassation
et au Procureur général près la Cour d'appel, selon le cas, de fixer l'ordre intérieur de leurs
parquets respectifs. De même, le Procureur général près la Cour constitutionnelle fixe
l'organisation intérieure du parquet136. Aussi, l'Auditeur général des Forces Armées fixe par
voie de décision, le règlement intérieur de tous les auditorats de la RDC137. Il s'agit de la
décision n° AG/001/2005 du 28 janvier 2005 portant règlement intérieur de l'Auditorat
129
Article 40 alinéas 2 à 4 de la de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
130
Article 48 de la de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
131
Article 10 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
132
Article 89 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n° spécial, 25 mai
2009, pp.23-33.
133
Article 11 du Code judiciaire militaire.
134
Voyez à ce sujet T. KAVUNDJA (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, pp. 584-598.
135
Article 17 alinéa 3 du Code judiciaire militaire.
136
Article 14 alinéa 1 de la loi organique n°013/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
137
Article 43 alinéa 3 du Code judiciaire militaire.
41

général et des auditorats militaires138. Enfin, l’Auditeur militaire supérieur a la plénitude de


l’exercice de l’action publique dans son ressort et peut siéger aux audiences de n’importe quel
tribunal militaire de son ressort. Il répartit entre les magistrats de son office les affaires dont
l’instruction relève directement de l’Auditorat militaire supérieur139.

Comme on le voit, le pouvoir réglementaire des présidents des juridictions et offices des
parquets sont une source de procédure pénale. En principe, ce pouvoir réglementaire
contribue à l’indépendance du pouvoir judiciaire dans la plus large mesure possible, mais le
président de juridiction ne peut pas donner les injonctions au juge de son ressort dans sa
mission de juger.

2. Les sources internationales


Elles sont constituées par des conventions internationales ou des traites internationaux
(articles 213 à 217 de la Constitution du 18 février 2006). Ces sources sont des accords
bilatéraux ou multilatéraux dont l’objet est le plus souvent de régler les problèmes de
compétence ou de la loi applicable aux litiges internationaux ou de faciliter la notification des
jugements ou leur exécution140.

Ainsi, l’article 215 de la Constitution du 18 février 2006 dit que les traités et accords
internationaux régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, à la condition
qu’ils soient également appliqués par l’autre partie. De même, la Cour de cassation connaît des
pourvois en cassation pour violation des traités internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de
la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et
tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire. Il s'agit de la matière pénale, civile,
commerciale, sociale et de la famille141. En sus, les cours et tribunaux, civils et militaires,
appliquent les traités internationaux dûment ratifiés, les lois, les actes réglementaires pour
autant qu'ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit
pas contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs142. Au regard de ces éléments, les traités
internationaux constituent une source de procédure pénale.

La plupart des traités internationaux en matière de justice constituent une source de


procédure pénale dans la mesure où tous les Etats parties aux traités s’engagent à prendre, en
accord avec leurs procédures constitutionnelles et avec les dispositions desdits traités, les
arrangements devant permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou autres,
propres à donner effet aux droits reconnus qui ne seraient pas déjà en vigueur dans leurs

138
Voyez à ce sujet T. KAVUNDJA (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, pp. 570-584.
139
Article 23 de la décision n°AG/001/2005 du 28 janvier 2005 portant règlement intérieur de l'Auditorat général
et des auditorats militaires.
140
O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 15, p.10.
141
Articles 95 et 116 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
142
Article 153 alinéa 4 de la Constitution du 18 févreir 2006.
42

territoires143. La Cour Internationale de Justice de la Haye applique comme source du droit,


entre autres, les traités internationaux.

Il convient aussi de souligner qu'actuellement le droit judiciaire s’internationalise sous


l’effet de deux facteurs :
- d’une part, le développement des relations internationales entre les sujets de droit qui
multiplie les causes de survenance de litiges internationaux ;
- d’autre part, les Etats acceptent, généralement par la conclusion de conventions
internationales multilatérales, de respecter, dans la conduite de procédures se déroulant au
sein de leur ordre juridique, certains principes ou standards, que l’on peut qualifier de
fondamentaux144 voire universels à tous les procès145. Ces principes constituent les normes
universelles du procès équitable.

La délinquance n’a pas de frontières ; aujourd’hui, l’on constate le crime organisé (la
fausse monnaie, le proxénétisme, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme et le
blanchiment d’argent). En même temps, il existe des recommandations internationales qui
touchent au fonctionnement de la justice des différents Etats.

Sans être exhaustif, nous citerons :


- La Commission rogatoire internationale : c’est l’ensemble des actes de police judiciaire,
d’information ou d’instruction qu’une autorité judiciaire compétente relevant d’un Etat
(autorité requise) accomplit ou fait accomplir sur son territoire pour le compte d’une
autorité judiciaire relevant d’un autre Etat (autorité requérante)146.
- La résolution 1973 sur le terrorisme du Conseil de sécurité de l’ONU en 2001 : cette
résolution a édité un guide législatif contre le terrorisme. C’est une source de droit
judiciaire et particulièrement de procédure pénale car elle donne un cadre rigoureux qui
devrait être intégré dans la procédure pénale des Etats du monde.
- Les principes fondamentaux de l’ONU relatifs à l’indépendance de la magistrature147, les
principes directeurs applicables au rôle des magistrats du Parquet de 1990 ainsi que les

143
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Academia-
Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n°18, p.37.
144
S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges Jacques Van
Compernolle , Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 210 ; S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits
fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n° 46, p.111 ; F. FERRAND et T. MOUSSA, « Le
projet de l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure civile transnationale :
vers une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en
tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp.199-228 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris,
2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p.177.
145
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p. 177 .
146
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp.1709-1740; G.
DEMANET, « Considérations sur l’entraide judiciaire en matière pénale », Revue de droit pénal et
criminologie, 1997, p.81.
147
Assemblée Générale de l’ONU, A/RES/40/32, du 29 novembre 1985 ; A/RES/40/146, 13 décembre 1985.
Dans le même sens E/CN.4/RES/1996/34 du 19 avril 1996 sur l’indépendance et l’impartialité du pouvoir
judiciaire des jurés et assesseurs et indépendance des avocats ; E/CN./1995/39 du 6 février 1995 ; Rapport du
Rapporteur spécial M. Param Cumaraswamy, soumis conformément à la résolution 1994/41 de la
Commission des droits de l’homme ; E/CN.4/1998/39/Add.3 du 16 février 1998 ; E/CN.4/sub.2/1993/25, 30
43

règles pour l’application effective des principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de


la magistrature148. Ces principes constituent une source de droit judiciaire étant donné que
l’Assemblée générale de l’ONU avait invité les gouvernements à en tenir compte dans
leur législation et leur pratique nationales, et à les accepter.
- Les principes de base relatifs au rôle du Barreau149 : ce sont des principes qui ont été fixés
par l’ONU afin que chaque Etat les intègre dans son arsenal juridique. C’est une source de
droit judiciaire étant donné qu’ils sont censés être incorporés dans les textes législatifs
organisant les différents barreaux du monde.
- La Déclaration Universelle des droits de l’homme de l’ONU du 10 décembre 1948. C’est
la mère de tous les instruments internationaux de protection des droits de l’homme.
Ex : • l’article 8 prévoit le droit à un recours devant les juridictions nationales.
• l’article 10 prévoit le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial.
• l’article 7 est consacré à l’égalité devant la loi.
- La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981, ratifiée par la
République démocratique du Congo le 20 juillet 1987.
Ex : • l’article 3 prévoit l’égalité devant la loi.
• l’article 7 prévoit le droit de saisir les tribunaux compétents selon la matière, le
droit d’avoir un avocat de son choix, le droit d’être jugé par une juridiction
impartiale.
• l’article 26 oblige les Etats à garantir l’indépendance des tribunaux.

- Le protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant
création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 10 juin 1998, entré
en vigueur le 25 janvier 2004, ratifié par la République démocratique du Congo le 9
septembre 1999;
- Le Statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet
2002, ratifié par la République démocratique du Congo le 11 avril 2002.

Ces deux juridictions supranationales (la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples et la Cour Pénale Internationale) sont une source de procédure pénale étant donné que
dans certaines circonstances, leur jurisprudence peut avoir une incidence en droit judiciaire
congolais et les congolais peuvent y être jugés.

- Le Pacte International des Droits Civils et Politiques de l’ONU du 19 décembre 1966,


ratifié par la République démocratique du Congo le 1er novembre 1976.
Ex : • L’article 14 est consacré au droit à un procès équitable (égalité devant la justice,
le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, publicité des

juillet 1993, Rapport sur l’indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des avocats dans l’exercice de
leur profession, établi par M. Louis Joinet, en application de la résolution 1992/38 de la sous-commission de la
lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités, Commission des Droits de l’Homme,
Conseil Economique et Social des Nations Unies.
148
Résolution 1989/60 du Conseil Economique et Social de l’ONU et approuvé par l’Assemblée Générale de
l’ONU dans sa résolution 44/ du 15 décembre 1989.
149
Résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU n° 45/121 du 14 décembre 1990 ; Résolution 45/166 du 18
décembre 1990 de l’Assemblée générale de l’ONU.
44

audiences, présomption d’innocence, délai raisonnable du procès, droit de se


défendre par un défenseur de son choix, droit d’avoir un interprète, droit à un
recours, etc.). Le Comité des Droits de l'Homme de l'ONU peut être saisi sur la
violation du Pacte International des Droits Civils et Politiques (elle statue
comme une juridiction internationale en cette matière).

- La Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 dans sa
résolution 44/25, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, ratifiée par la République
démocratique du Congo le 27 septembre 1990. L’article 3 de cette Convention prévoit que
l’intérêt de l’enfant doit être pris en considération dans toutes les décisions judiciaires.
- Le Statut universel du juge150. Ce document règle l’indépendance et l’impartialité du juge
ainsi que la rémunération. Il fournit aux Etats du monde les diverses recommandations.
- La Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950
Ex : • L’article 6 prévoit les règles du procès équitable (droit d’être jugé dans un délai
raisonnable, droit à un juge indépendant et impartial, le caractère public du
jugement, la présomption d’innocence, droit d’être assisté par un avocat de son
choix, et.).

Cet instrument international peut être considéré comme source de droit judiciaire étant
donné que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a compétence notamment
pour connaître de toutes affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et
de tout instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés151.
En effet, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples tend à compléter et renforcer
la mission de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples152. Or, celle-ci
s’inspirait notamment de la jurisprudence relative à la convention européenne des droits de
l’homme rendue par la Cour européenne des droits de l’homme. Ce qui veut dire que cette
jurisprudence pourrait inspirer la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui
pourrait à son tour, inspirer le droit judiciaire des différents Etats de l’Afrique. C’est pour
cette raison que cet instrument international peut être une source de droit judiciaire153,
particulièrement la procédure pénale.

Les traites internationaux et conventions internationales constituent une source de


procédure pénale étant donné qu'ils ont de répercussion dans la procédure pénale congolaise.
Les sources de procédure pénale étant déjà déterminées, il convient d’aborder l'interprétation
des lois de procédure.

150
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1999 ; en Europe, on peut citer le Statut du juge en Europe adopté en 1992 et
amendé en 1996 ainsi que la Charte européenne sur le Statut des juges.
151
Article 3 du Protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une
Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
152
Préambule dudit Protocole.
153
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 254-
255, 620-621, 623-624.
45

VI. INTERPRETATION DES LOIS DE PROCEDURE

1. L’application dans le temps


L'application dans le temps des lois de procédure n'est pas encore réglementée par les
lois en RDC car elle n'a pas été prévue par le Code de procédure pénale. C'est donc une
création doctrinale et jurisprudentielle. On l'applique en RDC en tant que principe général du
droit. Par contre en Belgique154 et en France155, cette question est réglementée par les lois.

a) Principe
Le principe de la non-rétroactivité, en vertu duquel une loi pénale nouvelle ne peut
être appliquée à des faits commis avant son entrée en vigueur joue pour les lois de fond156. Par
lois de fond, il s'agit notamment de la loi pénale qui détermine les infractions et les peines.
Cela signifie que quand une nouvelle loi concernant les infractions et les peines est
promulguée, elle ne peut pas être appliquée pour les faits qui sont en cours car elle ne
rétroagit pas (la loi pénale ne rétroagit pas, elle est là pour l'avenir). Par contre, les lois de
procédure sont d’application immédiate.

Les lois de procédure sont celles qui concernent l'organisation et la compétence


judiciaires ainsi que celles relatives à la procédure pénale. En effet, il y va de l’intérêt de la
justice que soient appliquées sans délai les règles procédurales nouvelles présumées
meilleures que les précédentes étant donné qu'elles sont destinées toujours à assurer une
meilleure administration de la justice. C’est dire que, dès leur promulgation, les lois nouvelles
de procédure (organisation et compétence judiciaires, procédure et prescription) s'appliquent
immédiatement, même à des faits réalisés avant leur entrée en vigueur, à moins que le
législateur n'ait déclaré la loi nouvelle non applicable aux infractions commises avant son
entrée en vigueur ou ait prévu des mesures transitoires.

En vertu de cette règle, les lois nouvelles concernant l'organisation et compétence


judiciaires s'appliquent au jugement des infractions commises avant leur entrée en vigueur,
pourvu qu'il n'ait pas eu de décision sur le fond. Aussi, en cas de modification de la
législation relative aux voies de recours, c'est la loi en vigueur au jour de la décision qui règle
les voies de recours contre celle-ci157.

De même, les lois relatives à la procédure pénale, c'est-à-dire touchant à la marche du procès,
reçoivent une application immédiate pour les instances déjà engagées avant leur promulgation
à condition qu'une décision définitive ne soit pas intervenue ou que ces lois nouvelles ne
portent atteinte à un droit acquis par l'inculpé ou le prévenu, ou qu'elles n'entrainent pas la
nullité d'actes régulièrement accomplis sous l'empire de la loi antérieure. C'est dans ce sens
que l'article 17 alinéas 3 et 4 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que nul ne peut être
154
Article 3 du Code judiciaire belge.
155
Articles 112-1 C, 112-2 C et 112-2, 3 ° C et 112-3 du Code pénal.
156
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2011, n° 11, p. 9.
157
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.79.
46

poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où
elle est commise et au moment des poursuites. Nul ne peut être condamné pour une action ou
une omission qui ne constitue pas une infraction à la fois au moment où elle est commise et
au moment de la condamnation.

L'article 17 alinéa 6 de la Constitution du février 2006 est plus explicite car il dit : "La
peine cesse d’être exécutée lorsqu’en vertu d’une loi postérieure au jugement :
- elle est supprimée ;
- le fait pour lequel elle était prononcée, n’a plus le caractère infractionnel".

En règle, les lois de procédure et de compétence sont d'application aux procès en cours
sans qu'elles puissent cependant avoir pour effet de dessaisir la juridiction qui avait été
valablement saisie. La loi nouvelle régit tous les actes de procédure postérieurs à son entrée
en vigueur sans porter préjudice aux actes déjà accomplis sous l'empire de la loi antérieure.

Aussi, les lois relatives à la prescription de l'action publique, s'appliquent à la


prescription des infractions commises avant leur promulgation, à condition que la
prescription ne soit pas encore réalisée à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Les
lois relatives à la nature et aux cas d'ouverture des voies de recours, ainsi qu'aux délais
d'exercice, sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur
entrée en vigueur. Les lois relatives au régime d'exécution et de l'application des peines sont
aussi déclarées applicables immédiatement.

b) Exceptions
L’application immédiate des dispositions nouvelles de la procédure pénale est souvent
écartée pour certaines raisons variables. Il en est ainsi dans certains cas, les lois de
compétence, des voies de recours et des règles procédurales de fond.

Concernant les lois de compétence, le principe de l’effet immédiat d’une loi de


procédure nouvelle n’est admis que si l’affaire n’a pas déjà subi, sur le fond, l’épreuve d’un
jugement en premier ressort. Cela signifie que si le jugement a déjà été rendu, une
modification des règles de compétence en matière pénale ne s'applique aux procédures en
cours158. En effet, on estime que le prévenu qui a déjà été jugé par un premier jugement a
acquis un droit de demeurer justiciable du même ordre juridictionnel jusqu’à la fin du procès.
La doctrine étend au jugement interlocutoire le régime applicable au jugement sur le fond en
cas de loi nouvelle de compétence. Lorsque la loi nouvelle de procédure annule une voie de
recours alors qu’il est déjà intervenu un jugement sur le fond en rapport avec l’ancienne loi,
c’est l’ancienne loi qui demeure d’application.

Concernant les voies de recours, on admet que, lorsqu’une loi supprime une voie de
recours, le condamné conserve le droit de se pourvoir conformément à l’ancienne loi, malgré

158
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.78.
47

la nouvelle, parce qu’il a déjà fait l’objet d’un jugement en première instance. De même,
lorsqu'une décision définitive est intervenue ou que ces lois nouvelles portent atteinte à un
droit acquis par l'inculpé ou le prévenu, ou elles entrainent la nullité d'actes régulièrement
accomplis sous l'empire de la loi antérieure, la loi nouvelle ne sera pas appliquée159. Aussi,
lorsque les infractions reprochées au prévenu sont définitivement jugées ou prescrites, la
nouvelle loi ne sera pas en principe appliquée160.

Concernant les règles de procédure, elles ne peuvent être appliquées immédiatement


appliquées aux faits commis avant leur entrée en vigueur lorsque l'application immédiate des
nouvelles dispositions porte atteinte aux droits de la défense. Autrement dit, si les lois
nouvelles portent atteinte aux droits de la défense, elles ne pourraient pas être appliquées.

Concernant les règles procédurales considérées comme règles de fond, on applique la


distinction entre les lois nouvelles plus douces et les lois plus sévères. C’est la plus douce au
prévenu qui sera retenue (rétroactivité in mitius). C'est ainsi que l'article 17 in fine de la
Constitution du février 2006 prévoit:" En cas de réduction de la peine en vertu d’une loi
postérieure au jugement, la peine est exécutée conformément à la nouvelle loi".

Exemples d'application de la loi la plus douce au prévenu:


- lois réglementant la prescription de la peine : on ne peut pas appliquer aux
infractions non encore jugées définitivement la loi nouvelle qui allonge la durée de la
prescription considérée comme plus sévère que la précédente ;
- lois modifiant les conditions d’exercice de l’action publique : on doit distinguer selon
que les lois améliorent ou rendent plus difficile la situation du prévenu ;
- la loi nouvelle subordonnant les poursuites à la plainte de la victime : elle est plus
favorable à la personne poursuivie puisqu’elle dresse un obstacle nouveau à l’exercice de la
répression.

En résumé, la règle de l’application immédiate des règles de procédure souffre des


exceptions qui tiennent aux notions suivantes :
- les voies de recours ;
- la compétence des juridictions ;
- la rétroactivité in mitius (application immédiate des lois pénales plus douces).

2. L’application dans l’espace


Le droit judiciaire régissant le fonctionnement d’un service public (cours, tribunaux et
parquets) ne peut concerner que les institutions judiciaires établies sur le territoire national.
Ainsi, le droit judiciaire congolais ne s’applique pas à l’étranger, même entre ressortissants
nationaux. Toutefois, des conventions internationales peuvent organiser la coopération des
services judiciaires entre les Etats. Le droit congolais prévoit que les décisions des juridictions

159
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2011, n° 12, p. 10.
160
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.78.
48

étrangères peuvent s’exécuter en République démocratique du Congo en tenant compte de la


procédure d'exequatur.

Ainsi, les tribunaux de grande instance connaissent l’exécution des décisions des
juridictions étrangères en République démocratique du Congo dès qu’elles remplissent les
conditions fixées à l’article 119 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire :
- qu’elles ne contiennent rien de contraire à l’ordre public congolais ;
- que, d’après la loi du pays où les décisions ont été rendues, elles soient passées en force de
chose jugée ;
- que, d’après la même loi, les expéditions produites réunissent les conditions nécessaires à
leur authenticité ;
- que les droits de la défense aient été respectés ;
- que le tribunal étranger ne soit pas uniquement compétent en raison de la nationalité du
demandeur.

Au cas où un congolais commettait une infraction à l’étranger, les dispositions suivantes


sont appliquées : «Toute personne qui, hors du territoire congolais, s’est rendue coupable
d’une infraction pour laquelle la loi congolaise prévoit une peine d’emprisonnement de plus
de deux mois peut être poursuivie et jugée au Congo, sauf application des dispositions légales
sur l’extradition».

La poursuite ne peut être intentée qu’à la requête du ministère public. Lorsqu’un particulier
est victime d’une infraction et que la peine maximum en droit congolais est d’au moins cinq
ans de servitude pénale principale, cette requête doit être précédée d’une plainte de la partie
offensée ou d’une dénonciation officielle à l’autorité du pays où l’infraction a été commise. Il
n’en est pas de même des infractions relatives à la sûreté de l’Etat et à la foi publique
(contrefaçon, falsification, usurpation des fonctions publiques). Aucune poursuite n’a lieu si
l’inculpé justifie qu’il a subi sa peine ou que celle-ci est prescrite ou qu’il a obtenu sa grâce ;
la poursuite n’a lieu que si l’inculpé est trouvé au Congo, sauf l’exception ci-dessus.

On considère que le prévenu sera trouvé au Congo au sens de l’article 3 du Code pénal
lorsqu’il sera, pour le fait commis hors de la frontière, mis sous la main de la justice, c’est-à-
dire arrêté, ou lorsque sa présence sera constatée par un acte judiciaire tel un procès-verbal
d’interrogatoire portant sur cette infraction.

VII. PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES PENAL


Le Code de procédure pénale n'a pas prévu les principes directeurs du procès pénal mais
certains d'entre eux sont prévus par la Constitution et d'autres sont l'oeuvre de la jurisprudence
et de la doctrine. En effet, le procès pénal obéit à un certains nombre de principes qui fixent
son cadre. Les principes directeurs du procès pénal se distinguent des autres règles de
procédure par leur degré élevé de généralité, destiné à inspirer diverses applications et
s'imposant avec une autorité supérieure. La plus part de ces principes ont été fixés par la
49

jurisprudence du Comité des Droits de l'Homme de l'ONU (article 14 du Pacte international


des droits civils et politiques) et de la Cour africaine des droits de l'homme et des Peuples qui
appliquent la même jurisprudence que la Cour européenne des droits de l'homme (article 6 de
la Convention européenne des Droits de l'Homme). Ces principes offrent des garanties
fondamentales aux justiciables. Tous ces principes ont comme base: le droit à un procès
équitable.

Le droit à un procès équitable constitue l’élément moteur, le pivot du droit judiciaire


moderne. Par procès équitable, il faut entendre le procès équilibré entre toutes les parties161.
Le mot équitable est relatif à équité. L'équité vient du mot latin "equus" qui signifie équilibre,
les deux termes sont équipollents. Il faut ici dissiper toute ambigüité, l'équité dont il est
question n'est pas celle qui s'oppose au droit. C'est la justice fondée sur l'égalité ou le devoir
de rendre chacun le sien ou encore principe qui commande de traiter également des choses
égales162. Le procès équitable repose sur les garanties qui tendent à faire régner l’idéal de
justice. Pour apprécier le caractère adéquat et équitable d’une procédure, il convient de
prendre en considération l’ensemble de celle-ci ainsi que la gravité de son enjeu pour le
justiciable163.

La doctrine moderne la plus avisée est d’avis qu’il existe un modèle universel de
procès équitable164 étant donné qu’il est construit et même façonné par la jurisprudence du
Comité des Droits de l’homme de l’ONU (appliquant l’art. 14, §1er du Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg (article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’homme).

Ces deux juridictions supranationales, à travers leurs instruments juridiques sur le


procès équitable (article 14, §1) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et
l’article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, ont beaucoup contribué
au rapprochement des procédures, tout au moins, au-delà de leur diversité maintenue, à la
construction d’un fond commun procédural qui s’impose à tous les Etats soumis à l’emprise
de ces instruments internationaux. Véritable socle de standards d’une bonne justice, le procès
équitable contribue déjà à un modèle des procès, quel que soit d’ailleurs le type de
contentieux (notamment civil, administratif, constitutionnel, pénal et disciplinaire) et quel que
soit le pays165.

161
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n°
225, pp. 524-528.
162
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p.367.
163
CEDH, 11 janvier 2005, Blucher c/ Tchéquie, § 65.
164
S.GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n°
223, p. 521-535 ; S. GUINCHARD, « Quels principes directeurs pour les procès de demain ? », in Mélanges
Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, p. 210 ; F. FERRAND et MOUSSA, « le projet de
l’American Law Institute et d’UNIDROIT de principes et règles de procédure civile transnationale : vers
une procédure civile mondiale modélisée ? », in Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en
tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, pp. 199-228 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris,
2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p.177,
165
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013,
n° 224, p. 522.
50

Le droit à un procès équitable implique notamment le droit d’accès à un tribunal (1) ;


le droit à un tribunal indépendant et impartial (2), le droit à comparaître dans la langue de son
choix (3), le droit à la publicité des débats (4), le droit d’être jugé dans un délai raisonnable
(5), le droit au respect aux droits de la défense (6), le droit à l’égalité des armes et la
contradiction (7), le droit à la motivation des décisions judiciaires (8), le droit à la liberté
individuelle (9) ainsi que le droit à la présomption d’innocence (10).

1. Le droit d’accès à un tribunal (juge)


Le droit d’accès à un tribunal est prévu par l’article 19 de la Constitution congolaise du 18
février 2006, l’article 7 de la Charte Africaine de Droits de l’Homme et des Peuples et par
l’article 14, § 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques. Ainsi, l’article
19 alinéas 1 et 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 déclare que nul ne peut être
ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne. Toute personne a droit à
ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent.

Ce droit implique le droit à un juge au sens strict, le droit d’un recours et le droit à un
bon juge. Il est défini comme étant le droit pour toute personne physique ou morale ou
étrangère, d’accéder à la justice pour y faire valoir ses droits. Il s’agit d’un principe
fondamental dans le sens où il comporte une valeur qui est celle de toujours pouvoir
s’adresser à un tribunal pour trancher une contestation juridique et empêcher ainsi le recours à
la vengeance. C’est aussi un principe essentiel au fonctionnement de l’Etat de droit. L’Etat de
droit est un Etat qui doit respecter la loi et ne commettre aucun abus vis-vis de ses habitants
et des étrangers se trouvant sur son territoire.

Concernant le tribunal, trois conditions doivent être réunies pour qu’une institution
soit qualifiée de tribunal : le tribunal doit être créé par la loi, le tribunal doit être indépendant
et impartial et respecter les principes fondamentaux de procédure, le tribunal doit trancher
les prétentions selon les règles de droit166. Cette condition reflète le principe de l'Etat de droit.
Si une institution ne remplit pas cette condition, ce n'est pas un tribunal, c'est donc autre
chose. Le mot " doit être créé par la loi" signifie non seulement la base légale de l'existence
même du tribunal mais aussi la composition du siège dans l'affaire.

Dans une affaire examinée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, un
condamné à mort souhaitait que la Cour constitutionnelle de son pays puisse examiner les
irrégularités qu’il prétendait avoir été commises au cours de son procès pénal ; or, il ne
disposait pas de moyens financiers suffisants lui permettant de faire face aux dépenses à
engager devant l’organe constitutionnel ; le Comité juge successivement que l’article 2, §3 du
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques oblige l’Etat partie à faire en sorte
que le recours à la Cour constitutionnelle soit disponible et efficace en matière de violation

166
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 67, p.89 ; S. GUINCHARD
(sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 211.05,
p.667.
51

des droits fondamentaux et que ce droit à un recours soit conforme aux garanties énoncées
dans l’article 14, §1er, ce qui, en l’espèce, obligeait l’Etat à fournir au requérant une assistance
judiciaire, si l’intérêt de la justice l’exige, ce qui était le cas la nature de la condamnation à
mort167.

Mais, l'application de ce principe en RDC n'est pas simple. Comme le souligne le


rapport de la Fondation OSISA de juillet 2013 sur le fonctionnement de la Justice en RDC:
"Véritable sous-continent de 2.345.000 kilomètres carré et plus de 70.000.000
d’habitants, la RDC ne compte guère que 230 juridictions et offices de parquet, soit une
juridiction et office de parquet pour environ 10.196 kilomètres carré et 285.714 habitants.
Le nombre d’institutions judiciaires disponibles dans ce pays est très bas au regard
des besoins et des standards internationaux en la matière estimés, selon le ministre de
la Justice et des droits humains, à une institution judiciaire pour 3000 kilomètre carré.
Dans la pratique, l’insuffisance des institutions judiciaires en RDC se traduit dans la vie de
la majeure partie de la population par une sorte de vide judiciaire. Pour ne citer que cet
exemple, selon Marc Dubois, ancien coordonnateur du projet relatif à la restauration de la
justice au Congo (REJUSCO), il a fallu que ce programme financé par notamment par la
Commission européenne organise des audiences foraines pour que « certaines populations
qui n’avaient plus vu un juge depuis l’époque coloniale » puissent porter leurs affaires devant
la justice"168.

De manière générale, les sièges de toutes les juridictions sont situés aux chefs-lieux
des circonscriptions administratives. Il s’en suit beaucoup de difficultés d’accès auxdites
juridictions par les populations habitant loin de ces chefs-lieux. Dans la province du Nord
Kivu, par exemple, tant le siège de la Cour d’appel que celui du tribunal de grande instance
de Goma sont situés à Goma. Comme on peut le deviner, il n’est pas facile aux populations
de Walikale, Masisi et Rutshuru situées respectivement à 250, 100 et 60 kilomètres
d’accéder à cette juridiction. Une situation similaire prévaut au Katanga où Lukonzolwa est
séparé du siège du parquet compétent, le parquet de Kipushi d’environ 496
kilomètres169.

Enfin, la RDC compte actuellement 3500 magistrats, or il faut au moins 10.000


magistrats pour permettre aux juridictions de mieux fonctionner. Il y a donc urgence
d'engager au moins 6.500 magistrats.

167
Décision du 3 novembre 1989, affaire n° 286/1987, M.G.P. et S.P. contre Trinité et Tobago, A/45/40, Vol. 2.,
p. 177 ; 26 mars 1990, affaire n° 275/1988, S.E.C. contre Argentine, A/45/40, vol. II, p. 179.
168
KIFWABALA TEKILAZAYA, D. FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur de
la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa,
Kinshasa, Open Society Foundations, juillet 2013, p. 127.
169
Ibidem.
52

2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial


Cette garantie est affirmée à l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme du 10 décembre 1948 et par les articles 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples. Aussi l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils
et Politiques, et l’article 6, §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme disent
que : « Toute personne a droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ». C’est la
garantie la plus importante d’une bonne justice170. En effet, le juge doit être impartial, les
parties doivent se défendre et prouver ce qu’elles avancent. Il y va de la notion même de
tribunal et lorsque ce minimum n’est pas réuni, il n’existe qu’un simulacre de justice171.

L’indépendance et l’impartialité du juge constituent une garantie essentielle voire le


socle du procès équitable172 et sont autant de conditions préalables nécessaires pour protéger
les droits de l’homme et garantir l’absence de discrimination de la justice173. De surcroît, dans
le procès pénal, l’indépendance et l’impartialité du juge sont également des gages du respect
de la présomption d’innocence174. L’exigence d’indépendance et d’impartialité est donc
universelle car elle est dans tous les Etats, ce qui consacre la raison d’être et la légitimité de la
fonction judiciaire.

Dans l’élaboration de sa propre jurisprudence, le Comité des Droits de l’Homme de


l’ONU en se référant à l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques, a déclaré que « le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial est un
droit absolu qui ne souffre aucune exception »175. L’indépendance et l’impartialité sont donc
des conditions nécessaires à l’existence d’une société libre, vivant sous un régime de légalité
fondé sur le principe de la primauté du droit. Elles constituent enfin le fondement même non
seulement des dispositions constitutionnelles qui règlent l’existence du pouvoir judiciaire
mais de tout Etat démocratique176.

Le fondement de la reconnaissance du droit à l’indépendance et à l’impartialité n’est-


elle pas que ces droits relèvent de l’essence-même de la fonction juridictionnelle ? Le juge, en

170 S. GUINCHARD et alii, op. cit. n° 332, p. 819.


171
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 162, p. 177.
172
Ibidem ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 198-227, pp. 205-
232; S . GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J.
VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et loyauté
procédurale : une double exigence du procès équitable », in Revue du Droit Public et des Sciences
Administratives, 1/2006, pp. 33-37; J. VAN COMPERNOLLE, « crise du juge et contentieux judiciaire civil
en droit belge », in J. LENOBLE, la crise du juge, Paris, éd. LGDJ, 1990, p. 29 ; J. VAN COMPERNOLE,
« L’indépendance et l’impartialité du juge », in P. LEMMENS et M. STORME, confiance dans la justice,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, p. 17.
173
Résolution 1993 / 44 du 5 mars 1993 de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU.
174
R. KOERING-JOULIN, « Le juge impartial », Justices, 10 / 1998, p.1.
175
Communication n° 263 / 1987, Affaire Miguel Gonzalez del Rio c/ Pérou, décision du 28 octobre 1992, A /
48/ 40, Partie I, p. 200 et Partie II, p. 20 ; CCPR / C / 46 / D. / 263 / 1987, § 5. 2.
176
Cass. Belge (2è ch.), 11 décembre 1996, 14 octobre 1996, JLMB, 1997, p. 175, note M. Uyttendaele et R.
Witmeur, pp. 117 – 201, Rev. Dr. Pén. et crim., 1997, p. 470, note A. Jacobs, pp. 472 à 491.
53

effet, a pour fonction de trancher le litige, de dire qui a tort et qui a raison dans le conflit qui
oppose les protagonistes de ce litige. Et ceci en considérant des faits de l’espèce et par
application de la règle de droit que ces faits mettent en cause. Les seules considérations qui
doivent le guider sont la recherche de la vérité des faits, de la solution que commande la règle
de droit, le tout, en fonction de ce qui est débattu devant lui, et sur les faits, et sur le droit. Ne
suffirait-il pas d'observer qu'un juge doit être impartial comme il respire et que l'exigence
d'impartialité est tellement évidente qu'elle s'impose sans qu'il soit utile de disserter
longuement ? C'est que l'atteinte au devoir d'impartialité serait une négation de la fonction
même de juger. Un juge partial n'est plus un juge, au point que la volonté délibérée
d'avantager une partie non seulement invaliderait complètement la décision suivant l'exercice
normal des voies de recours mais aussi exposerait son auteur à des poursuites disciplinaires.

Ainsi, ni les pressions exercées (en rapport avec son indépendance), ni les préjugés
dont il peut être porteur ou les « préjugements » qu’il a pu formuler déjà (en rapport avec son
impartialité), ne doivent avoir de place dans la formulation de son jugement. La garantie doit
être donnée au justiciable que le juge a l’esprit totalement libre dans l’exercice de sa fonction.
Indépendance, impartialité, principe de la contradiction sont en définitive, les trois piliers de
l’activité juridictionnelle car lorsque ces principes font défaut pour un tribunal, il n’existe
qu’un simulacre de justice177.

La bonne compréhension et le respect des principes de l’indépendance et impartialité du


juge font partie des fondements de tout Etat démocratique aussi bien dans les pays développés
que dans ceux en voie de développement. Aussi, le tribunal dont le manque d’indépendance et
d’impartialité a été établi ne peut, en principe, garantir un procès équitable aux personnes
soumises à sa juridiction178. Il ne fait aucun doute que l’application de ce principe peut
apporter une contribution précieuse au développement national et à la consolidation de l’Etat
de droit surtout dans les pays en phase de démocratisation comme la République
démocratique du Congo.

L’indépendance et l’impartialité sont deux éléments essentiels du procès équitables179 et


ces deux notions sont très proches, associées et mêlées180, elles sont cependant différentes. En
effet, l’indépendance s’exprime généralement par rapport aux pressions que peut subir le juge
de la part d’autres pouvoirs comme l’exécutif, le législatif, mais aussi d’autres pouvoirs de

177
E. JEULAND, Droit processuel, Paris, éd. L.G.D.J., 2007, n° 162, p. 174.
178
CEDH, 4 décembre 2003, Duran c/ Turquie, §§ 15 et 16 ; CEDH, 13 novembre 2003, Al c/ Turquie, § 25 ;
CEDH, 9 octobre 2003, Fadime Ozkan c/ Turquie, § 24 ; CEDH, 10 juillet 2003, Yurtdas c/ Turquie, § 23 ;
CEDH, 19 juin 2003, Hulki Gunes c/ Turquie ; § 84 ; CEDH, 30 janvier 2003, NK c/ Turquie, § 33 ; CEDH,
10 novembre 2004, Canevi et autres c/ Turquie ; CEDH, 9 juin 1998, Incal c/ Turquie ; CEDH, 28 octobre
1998, Ciraklar c/ Turquie ; CEDH, 12 mai 2005, A. Ocalan c/ Turquie.
179
S. GUINCHAARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7ème éd. Dalloz, 2013, n°
340, pp. 864 et s. ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit
fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.3.
180
La Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg et le Comité des Droits de l’homme de l’ONU les
utilisent souvent ensemble.
54

fait (partis politiques, groupes de pression, opinion publique, médias, etc.). Elle relève donc
d’un statut plus ou moins protecteur. L’impartialité quant elle se perçoit comme une sorte
d’indépendance par rapport à soi-même c’est-à-dire une attitude qu’un juge peut avoir dans un
processus juridictionnel. Elle est donc liée à l’organisation et au fonctionnement interne des
juridictions, aux qualités personnelles du juge ; c’est donc une vertu.

Même si ces deux notions se distinguent, elles sont cependant très complémentaires ;
l’on ne peut revendiquer l’une et négliger l’autre. L’indépendance constitue le fondement, la
racine même de l’impartialité du juge et légitimise seule la force obligatoire des décisions
judiciaires, une fois les délais et voies de recours épuisés, et l’impartialité constitue le verrou
du procès équitable. Nous pouvons aussi dire que l’indépendance est la sauvegarde et le
bouclier de l’impartialité. L’indépendance constitue, par conséquent, la condition sine qua
non de l’impartialité du juge en ce sens qu’un juge qui manque d’indépendance ne peut guère
être considéré comme impartial en raison de ses relations avec l’une des parties ou l’activité
antérieure dans un processus juridictionnel mais à l’inverse, un juge indépendant de tout
pouvoir peut devenir partial dans un dossier particulier181.

Concernant l'indépendance du juge, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (se


fondant à l’art. 14, §1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) a affirmé,
haut et fort que « le droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial est un droit
absolu qui ne souffre d’aucune exception »182. La Cour Européenne des Droits de l’Homme se
fondant à l’article 6, § 1er de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, estime que
pour établir si un tribunal peut passer pour indépendant, il faut notamment prendre en compte
le mode de désignation des juges, la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une
protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s’il y a ou non apparence
d’indépendance183. En conséquence, la juridiction contestée doit apparaître indépendante des
pouvoirs exécutif ou législatif dans chacune des trois phases de la procédure, à savoir
l’instruction, le procès et le verdict184.

Concernant l’impartialité du juge, elle constitue à l’instar de l’indépendance du juge


le fondement de toute justice sur laquelle repose les fondations de l’Etat de droit. Elle
constitue donc le rempart contre l’éventuel arbitraire du juge. Son importance dans la fonction
de juger est fondamentale, et c’est pourquoi l’impartialité est prévue par la Bible, les textes
nationaux et internationaux.

La Bible montre la nécessité d’un juge impartial. En effet, Deutéronome 1, 16-17 dit :
« Ecoutez avec une attention égale les causes de vos compatriotes et jugez avec équité les

181
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, p. 2.
182 Décision du 28 octobre 1992, Affaire Miguel Gonzalez del Rico contre Pérou, n° 263/1987, Rapport du
Comité A/48/40, partie 1, p. 200 et partie 2, p. 20.
183
CEDH, 1 er mars 2005, Brudnicka c/ Pologne, Unanimité, § 38 ; CEDH, 9 novembre 2006, Scilor-Lormines c/
France, § 59.
184
CEDH, 12 mai 2005, Ocalan c/ Turquie, § 114.
55

différends de chacun dans ses rapports avec son compatriote ou avec un étranger. Soyez
impartiaux dans vos décisions, écoutez le petit comme le grand et ne vous laissez pas
intimider par qui que ce soit, car la justice relève de Dieu ».

Dans Deutéronome 16, 19, nous pouvons lire : « vous ne fausserez pas le cours de la
justice, vous ne ferez pas preuve de partialité envers les personnes et vous ne vous laisserez
pas corrompre par des cadeaux, car ceux-ci aveuglent même les sages et compromettent la
cause des innocents ».

Proverbe 24, 23 nous enseigne : « voici encore les proverbes émanant des sages : la
partialité en justice est une mauvaise chose ». Lévitique 19, 15 dit : « vous ne commettrez pas
d’injustice dans les jugements. Tu n’avantageras pas le pauvre et tu ne favoriseras pas le
grand ; tu jugeras ton prochain selon la justice »185.

Exode 23, versets 3, 6 à 8 disent : «Tu ne favoriseras pas le faible dans son procès.
(...)Tu ne porteras pas atteinte au droit du pauvre dans son procès. Tu t'éloigneras de tout
mensonge et tu ne feras pas mourir l'innocent et le juste, car je ne déclarai pas juste le
coupable.(...). Tu n’accepteras aucun cadeau, car les cadeaux aveuglent ceux qui ont les yeux
ouverts et pervertissent les paroles des justes".

Esaïe 33, 15 dit: " C'est celui qui se conforme à la justice et parle avec droiture, qui
rejette un gain obtenu par extorsion, qui secoue les mains pour refuser un pot-de-vin, qui se
bouche l'oreille pour ne pas voir le mal: celui-là aura pour résidence des endroits élevés et
des rochers escarpés lui serviront de forteresse; du pain lui sera fourni, de l'eau lui sera
assurée".

En République démocratique du Congo, l'impartialité est prévue par les articles 49 à 62


de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et par les articles 6 à 13 du Code d'éthique et
de déontologie des magistrats du 26 mai 2011186.

Les textes internationaux soulignent aussi la nécessité du juge impartial. En effet, l’article
10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme de l’ONU dit que toute personne a
droit, en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial. Les principes
des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature187 aux points 2 et 8
recommandent que les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement. Et
d’ailleurs, l’exigence d’impartialité a été confirmée par la jurisprudence du Comité de l’ONU

185
Bible version du Semeur 2000, Cléon d'Andran, éd. Excelsis, 2001.
186
JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
187
Adoptés par le cinquième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et traitement des
délinquants, Milan 26 août au 6 septembre 1985 et confirmés par l’Assemblée Générale dans ses résolutions
40/32 du 29 novembre 1985 et 40/146 du 13 décembre 1985.
56

pour l’élimination raciale en ce qui concerne l’article 5a) de la Convention internationale sur
l’élimination de toutes formes de discrimination raciale188.

Les articles 1, 5 et 7 du Statut Universel du juge189 ont mis l’accent sur la nécessité de
l’impartialité du juge. Son article 5 affirme : « Le juge doit être et apparaître impartial dans
l’exercice de son activité juridictionnelle. Il doit accomplir sa tâche avec modération et
dignité au regard de sa fonction et de toute personne concernée ». Cette formule a été reprise
par l’article 3 du Statut du juge en Europe190. Aussi, les points 1.1 et 4.2 de la Charte
européenne sur le statut des juges tendent à assurer l’impartialité que toute personne attend
légitimement des juridictions et chacun des juges auxquels est confiée la protection de ses
droits191.

La recommandation R(94)12 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats


Membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges dudit Conseil192 aux points 2 et 3
a montré la nécessité d’un juge impartial. Enfin, l’article 6, §1er de la Convention Européenne
des Droits de l’homme, l’article 14, §1 al. 1er du Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques, et l’article 7, 1°, d, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
font de l’impartialité une obligation des Etats membres.

Ces versets bibliques, textes internationaux, les dispositions de la loi organique susvisée
ainsi que le Code d'éthique et de déontologie des magistrats montrent à suffisance que
l’impartialité est la clef du procès équitable. Dès lors, il convient de la définir et préciser ses
sortes.

Il existe plusieurs définitions de l’impartialité193. Nous n’allons pas nous lancer dans une
controverse doctrinale, et nous avons retenu une définition qui nous semble claire et pratique.
L’impartialité est un état d’esprit de celui qui est guidé parle souci de la justice en se référant
au droit ; elle implique que le juge soit sans opinion préconçue, sans parti pris, sans préjugés

188
Communication n° 3/1991, 24 mars 1994, Narrainen contre Norvège, CERD/C/44/D/3/1991, §1-10.
189
Approuvé à l’unanimité par le Conseil Central de l’Union Internationale des Magistrats lors de sa réunion à
Taipei (Taiwan) le 17 novembre 1989.
190
Approuvé par l’Association Européenne des Magistrats en 1992 et amendé le 20 avril 1996 au cours de
réunion de Bratislava.
191
Réunion multilatérale sur le statut des juges en Europe, organisée par le Conseil de l’Europe les 8-10
juillet1998.
192
Adopté par le Comité des Ministres le 13 octobre 1994 lors de la 518ème réunion des délégués des ministres.
193
F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, pp. 21-23 ; S.
JOSSERAND, L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, éd. L.G.D.J., 1998, n° 5, p. 590 ; D.
ROETS, Impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, n° 9, p. 18 ; M.A. FRISON-ROCHE,
« L’impartialité du juge », in Dalloz, chroniques, 1999, n° 6, 11 février 1999, p. 54 ; J. PRADEL, « La notion
européenne de tribunal indépendant et impartial selon le droit français », in Rev. Sc. Crim., n° 4, octobre-
décembre 1990, p. 693 ; F. MATCHER, « La notion de tribunal au sens de la Convention européenne des
droits de l’homme », in Les nouveaux développements du procès équitable au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 35 et 36 ; G. DE LEVAL, Institutions
judiciaires, Liège, 2ème éd. Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, 1993, p. 37 ; J.P. GRIDEL,
« L’impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation » , in Mélanges en l’honneur de
Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchestien, 2004, p.243.
57

et sans préjugement194. L’opinion préconçue du juge veut dire que celui-ci s’est exprimé avant
sa décision en dévoilant sa conviction personnelle sur une affaire qu’il doit examiner ou en
montrant son opinion négative ou positive sur l’une des parties au procès. Le parti pris
exprime que le juge est favorable à l’égard de l’une des parties ; d’où il a un parti pris. Le
préjugé consiste en toute opinion préconçue par le juge sur la base de certaines orientations
qui imprègnent tout son être et dépendent le plus souvent de ses valeurs, de l’influence de son
milieu social ou intellectuel, de son époque, de son éducation, de sa culture, de ses
convictions religieuses ou philosophiques, de ses conceptions politiques, de son expérience,
de ses sentiments ou encore de ses émotions, indépendamment des éléments concrets et
objectifs de l’affaire qu’il est appelé à juger.

Le préjugé tout comme le parti pris est donc attaché à la personne du juge et ne dépend pas
d’une intervention précédente. Le préjugement quant à lui est relatif à la formation d’une
opinion anticipée sur l’issue d’une procédure. Il signifie concrètement que le juge a soit
tranché provisoirement une affaire où il est intervenu dans la connaissance d’une affaire, et
cette intervention montre que ledit juge a une conviction profonde qu’il pourra certainement
prendre lorsqu’il jugera une affaire donnée en tant que juge. D’où le mot préjugement étant
donné qu’il risque de confirmer son « jugement » antérieur.

On distingue deux sortes de l’impartialité : l’impartialité subjective ou personnelle et


l’impartialité objective ou fonctionnelle ou organique. L’impartialité subjective ou
personnelle s’attache à la personne du juge, autrement dit l’on vise ici à protéger les
justiciables contre les convictions personnelles du juge. Elle cherche à déterminer ce que le
juge pensait dans son for intérieur, son attitude, sa conduite, son comportement. Il s’agit de
vérifier que le juge n’a manifesté aucun parti pris, aucun préjugé personnel, aucune opinion
préconçue, aucune amitié, inimitié ou malveillance quelconque, qu’il n’a exercé aucune
influence injuste sur l’issue de la procédure ou n’a fait montre de faveur ou de défaveur à
l’égard d’une partie195. Certains l'appellent tantôt "l'impartialité personnelle" ou "convictions

194
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 262-263.
195
CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou contre Chypre, unanimité, §32 ; CEDH, 17 juin 2003,
Pescador Valero contre Espagne, §23 ; CEDH, 10 octobre 2000, Daktaras contre Lituanie, unanimité, §30 ;
CEDH, 6 mai 2003, Kleyn contre Pays-Bas, § 195 ; CEDH, 15 novembre 2001, Papon contre France,
unanimité, n° 54210, §6 ; CEDH, 26 octobre 1984, De Cubber contre Belgique, unanimité, §24 ; CEDH, 1er
octobre 1982, Piersack contre Belgique, unanimité, § 30 ; CEDH, 22 février 1996, Bulut contre Autriche, §32 ;
CEDH, 15 novembre 2001, Werner contre Pologne, unanimité, §39 ; CEDH 28 octobre 1998, Castillo Algar
contre Espagne, unanimité, §43 ; CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt contre Danemark, §46 ; CEDH, 6 juin 2000,
Morel contre France, unanimité, §42 ; CEDH, 22 avril 1994, Saraiva de Carvalho contre Portugal, unanimité,
§35 ; CEDH, 5 septembre 2002, Strivay et Simon contre Belgique, n° 44559 ; CEDH, 25 juillet 2000, Tierce et
crts contre Saint-Martin, unanimité, §76 ; CEDH, 24 février 1993, Fey contre Autriche, §30 ; CEDH, 25
septembre 2001, Yalgin et crsts contre Turquie ; CEDH, 7 août 1996, Ferrantelli et Santagelo contre Italie,
§56 ; CEDH, 10 juin 1996, Thoman contre Suisse, unanimité, §30 ; CEDH, 16 décembre 2003, Cooper contre
Royaume Uni, unanimité, §104 ; Voyez T. KAVUNDJA, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en
droit, U.C.L. Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 270-331 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure
pénale, Bruxelles, Larcier, 2005, pp. 47-48.
58

personnelles" ou "attitudes personnelles"196. Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU a


considéré à juste titre que "l’impartialité du tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées
préconçues au sujet de l’affaire dont ils sont saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à
favoriser les intérêts de l’une des parties"197.

L’impartialité objective ou fonctionnelle ou organique est celle qui s’apprécie en tenant


compte des fonctions antérieures exercées par le juge. Elle consiste à se demander si les
fonctions antérieures exercées dans une affaire et les actes antérieurs posés par le juge ne l’ont
pas amené à montrer la conviction qu’il pourrait prendre dans une autre affaire. Comme son
nom l’indique, cette impartialité est liée à la fonction du juge, d’où impartialité fonctionnelle.

Elle s'apprécie sans tenir compte ni comportement du juge, ni de ses convictions; le seul
exercice de ses fonctions suffit à le rendre partial, comme elle aurait rendu partial tout juge
placé dans la même situation. L’impartialité objective ou fonctionnelle ou organique renvoie
en général aux règles d’organisation judiciaire et d’administration de la justice appelées à
offrir des garanties susceptibles d’exclure tout doute légitime de partialité. Elle suppose la
prise en considération des diverses interventions d’un juge dans le cadre d’une même cause.
L’exercice de plusieurs fonctions judiciaires dans les circonstances concrètes où le juge les a
remplies, peut constituer un préjugement pouvant conduire au défaut d’impartialité. En
d’autres termes, l’exercice de plusieurs fonctions judiciaires dans une même affaire peut
entraîner la partialité étant donné que le juge est censé avoir montré son préjugement, donc sa
conviction profonde qu’il pourrait prendre dans une affaire198.

Pour que les justiciables aient confiance en justice, ceux-ci doivent voir qu'elle est
effectivement bien rendue; ce qui se résume par l'adage " justice must not only be done, it
must also be seen to be done" (il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut que chacun se
rende compte qu'elle l'a été ou encore il faut que chacun la voit en train d'être rendue).

C'est ainsi que le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (au regard de l’article 14, §
er
1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques) a estimé que l’impartialité du
tribunal exige que les juges n’aient pas d’idées préconçues au sujet de l’affaire dont ils sont
saisis et qu’ils n’agissent pas de manière à favoriser les intérêts de l’une des parties199.
L'impartialité est la pierre angulaire du procès équitable.

196
S. GUINCHARD et alii, Droit processuel. Droits fondamentaux du procès, Paris, 7 ème éd. Dalloz, 2013,
n°363, p. 886.
197
Décision du 23 octobre 1992, Arvo Karttunen c/ Finlande, Affaire n° 387/ 1989, A/ 48/ 40, Partie I, p. 201 et
Partie II, P. 134.
198
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit composé belge,
français et de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
25 juin 2005, pp. 332-622 ; F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, Larcier, 2005,
pp. 251-666.
199
Décision du 23 octobre 1992, Affaire n° 387 / 1989, Arvo Karttunen c/ Finlande, A / 48 / 40, Partie I, p. 201
et Partie II, p. 134.
59

Ce double principe d'indépendance et d'impartialité doit s'apprécier chez tout membre du


pouvoir judiciaire, pas seulement dans le tribunal qui statue sur une accusation portée contre
une personne en matière pénale, mais aussi chez celui qui connaît du contrôle de la légalité
d'une arrestation ou d'une détention, de même que chez celui qui enquête, poursuit et instruit.

3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix


Ce droit est prévu à l’article 18 alinéa 1 de la Constitution du 18 févreir 2006 qui déclare
que toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et
de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Lorsque le
justiciable n’est pas en mesure de comprendre la langue utilisée par le tribunal (s’il n’y a pas
d’interprète), cela peut constituer un obstacle à un procès équitable. Ainsi, l’ignorance de la
langue utilisée par le tribunal devait conduire la juridiction à prévoir la présence d’un
interprète et la traduction des principaux éléments écrits du procès.

Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU (article 14 du Pacte International relatif


aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966) a considéré que l’obligation de rédiger
les actes de procédure en français n’enfreint pas la garantie d’un procès équitable dans la
mesure où le requérant connaissait cette langue, pour une requête devant le tribunal
administratif rédigée en breton200.

4. Le droit à la publicité des débats


Ce droit est proclamé par l’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme
de l’ONU, l’article 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques ainsi
que l’article 6, §1er de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Ce droit est aussi
prévu à l’article 20 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 qui déclare que les
audiences des cours et tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit jugée
dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce cas, le tribunal ordonne le huis
clos. De même, l'article 21 alinéa 1 de la Constitution prévoit que le jugement est prononcé en
audience publique (même si la procédure est huis clos).

Ce droit signifie que le procès doit être public. En effet, il est une exigence qui est
essentielle à la vie de la démocratie par l’existence d’une justice transparente, c’est le
caractère public des débats, des audiences201. L’oralité renforce la publicité. D’où l’adage :
" justice is no only to be done, but to be seen to be done" ce qui se traduit par: " la justice ne
doit pas seulement être rendue, il faut aussi que chacun puisse voir qu’elle est rendue ».

Ainsi, l’impartialité du tribunal et la publicité de la procédure sont des aspects


importants du droit à un procès équitable202. Par la transparence qu’elle donne à

200
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, 8 novembre 1989, RUDH, 1991, 167.
201 P. KAYSER, « Le principe de la publicité de la justice dans la procédure civile », Mélanges Hébraud, Paris,
éd. Dalloz, 1981, p. 515.
202 Comité des droits de l’homme de l’ONU, 23 octobre 1992, affaire n° 387/ 1989, Arvo Kartturnen c/
Finlande, A / 48/ 40, Partie I, p. 201 et Partie II, p. 134; F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens
de la jurisprudence strasbourgeoise en 2010", JLMB, 2011, p. 396.
60

l’administration de la justice, la publicité des débats aide à atteindre le but du procès


équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique203. Il y a
méconnaissance du droit à une audience publique lorsque le justiciable ne reçoit la citation
que quatre jours après la tenue de l’audience, de sorte qu’il a été privé de l’opportunité d’y
assister204.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, à eu l’occasion d’en proclamer la


prééminence, à propos de jugements rendus par les tribunaux militaires en Uruguay, qui
présentaient la double particularité, loin des standards d’une véritable démocratie, d’avoir été
rendus à la suite d’un procès s’étant déroulés à huis clos et de ne pas être écrits205. Le huis
clos, qu'il soit total ou partiel, doit être strictement commandé par les circonstances objectives
de l'affaire.

Le fondement de la publicité des débats réside par le fait de protéger les justiciables
conter une justice secrète échappant au contrôle du public206. Elle préserve la confiance des
justiciables dans l'institution judiciaire et participe pleinement, par cette transparence, du droit
à un procès équitable et de sa finalité207 dans la mesure où chacun doit voir comment la justice
est donnée.

Il convient de préciser qu'on peut déroger à la publicité des audiences lorsque cette
publicité est jugée dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs. Dans ce cas, le
tribunal ordonne le huis clos208. Enfin, la procédure pour juger les mineurs est à huis clos.

5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable


Les articles 14, §1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques et 6, §1
de la Convention Européenne des Droits de l’homme stipulent que la durée des procédures
doit s’inscrire dans « un délai raisonnable ». L’art. 7, 1.d. de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples va dans le même sens. Ce droit est aussi prévu à l’article 19 alinéa 2
de la Constitution congolaise du 18 février 2006 qui déclare que toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent.

La recherche de la vérité sur le fait doit se faire dans la célérité, c’est-à-dire dans un
temps le plus rapproché possible de la commission de l’infraction; ceci pour éviter la
dénaturation du fait, car, en effet, plus on laisse couler le temps, plus la vérité sur le fait

203
CEDH, 15 décembre 2005, Hurter c/ Suisse, Unanimité, § 26.
204 CEDH, 15 mars 2005, Yakovlev c/ Russie, Unanimité, § 22.
205 Constations du 31 mars 1981, affaire n° 32/1978, Lucia Sala de Touron (jugement non écrit), Sélection de
décisions, Vol. 1, p. 61 ; constatations du 29 mars 1983, affaire N° 74/1980, Miguel Angel Estrella (huis
clos), sélection de décisions, Vol. 2, p. 80.
206
CEDH, 24 novembre 1997, Werner c/Autriche, JCP 1998, I, 107, n° 27, obs. Sudre; Rev. sc. crim. 1998, 393,
obs. R. Koering-Joulin.
207
CEDH, 8 décembre 1983, Axen C/Allemagne, série A, n° 72, § 25, CEDH, 22 février 1984, Sutter c/Suisse,
série A, n° 74, 26; CEDH, 29 octobre 1991, Helmers c/ Suède, série A, n° 212-A, §§33-36; CEDH 8
février 2000, Stefanelli c/ Saint Martin, JDI 2000, 167, obs. Fr. Darribehaude.
208
Article 20 de la Constitution du 18 février 2006.
61

s’envole : les traces des preuves se dissipent, s’entament ou se détériorent. Il est des traces
ou indices qui ne résistent pas au piège du temps : ils disparaissent après l’écoulement d’un
laps de temps.

Les raisons en faveur de la célérité sont nombreuses:


- L'opinion publique réclame un châtiment rapide, surtout pour les infractions les plus graves;
- Avec le temps, l'obtention des preuves se fait plus difficilement et c'est d'ailleurs cette idée
qui est l'un des fondements de la prescription de l'action publique;
- Enfin, la célérité va dans le sens de l'intérêt des justiciables: de la victime dont il faut hâter
l'indemnisation et la personne poursuivie car au bout d'un certain temps, la défense devient
plus malaisée209.

Malgré tout, il faut prendre garde: si la célérité est nécessaire, la précipitation est un grand
mal car il faut du temps malgré tout pour que les affaires, notamment les plus graves, puissent
se décanter. Il faut chercher à atteindre un juste milieu entre excessive rapidité et lenteur à
caractère dilatoire.

Selon une règle connue par la plupart des systèmes juridiques, si la justice est retardée, il
n’y a pas de justice : « justice delayed, justice denied » ("justice tardive équivaut à l'injustice"
ou "justice rétive, justice fautive"). Le principe de célérité est surtout pris en considération en
procédure pénale. Dans cette matière, il est en effet nécessaire d’indemniser rapidement les
victimes, sans, le cas échéant, laisser le suspect en détention provisoire trop longtemps. Il ne
faut pas perdre de vue que la justice pénale met en cause non seulement l'honneur des
citoyens, qui ont donc le souci légitime de le rétablir rapidement, lorsqu'il est écorné, mais
aussi, en cas de détention provisoire, leur liberté; leur préoccupation de célérité en est d'autant
plus forte et justifiée.

Par ailleurs, plus le temps passe, plus il est difficile d’apporter les preuves et plus la
défense peut être difficile. L'absence injustifiée de décision par la juridiction saisie pour une
période particulièrement prolongée peut, par la force des choses, s'assimiler à un déni de
justice210.

Le délai raisonnable est impérieux lors de l'enquête préliminaire (police judiciaire),


l'instruction préparatoire devant l'officier du ministère public (parquet), l'instruction à
l'audience, le jugement, le recours et l'exécution de jugement.

L'article 18 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que toute personne arrêtée doit
être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée
contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de
ses droits. La personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa

209
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 377, p. 305.
210
F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2012", JLMB, 2013,
p. 243.
62

famille ou avec son conseil. La garde à vue ne peut excéder quarante huit heures. A
l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de
l’autorité judiciaire compétente.

La célérité dans les procédures de contrôle d'une arrestation ou d'une détention vise
particulièrement la garde à vue, dont on concevrait mal que, dans un Etat de droit, elle puisse
se prolonger longtemps sans intervention de l'autorité judiciaire compétente. La Constitution
prévoit sans équivoque que la garde à vue ne peut dépasser quarante huit heures; à
l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de
l’autorité judiciaire compétente. Cela signifie qu'au delà du délai de quarante huit heures, soit
la personne est relâchée, soit elle est mise à la disposition de l'officier du ministère public
(parquet). C'est donc une mesure automatique qui n'a pas être demandé par le justiciable.

Les critères du délai raisonnable tiennent compte de circonstances de la cause et non pas
in abstracto. Il s'agit de trois critères qui sont: la complexité de l’affaire, le comportement du
requérant et celui des autorités compétentes211. La Cour Européenne des Droits de l’Homme,
se fondant à l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme a considéré
que, même en présence d’une affaire complexe, un délai de près de dix ans entre la mise à
l’instruction et le jugement de première instance était excessif212. De même, le maintien de
poursuites pénales contre une personne pendant plus de quinze ans est a priori déraisonnable
et ne saurait être qu’exceptionnellement justifié, même s’il ne ressort ni des faits de l’espèce
ni des allégations de l’inculpé qu’il y aurait eu de la part des autorités des périodes
d’inactivité ou de lenteur injustifiées dans la conduite de l’affaire213. Enfin, une période de
trente-et-un mois de latente ne peut être considérée comme raisonnable, de même que la
charge de travail de cette juridiction ne peut être considérée comme excuse du retard
encouru214. Cette position a été suivie par les juridictions nationales. Ainsi, des délais,
respectivement de sept ans, de cinq ans et demi, de cinq ans et six ans, pour trancher des
affaires soumises au Conseil d’Etat, sans qu’il soit établi que la complexité de ces affaires
serait la cause du retard dans le prononcé des arrêts, dépassent le délai raisonnable215.

En ce qui concerne la complexité de la cause, elle s'apprécie en fait et en droit, en nombre


de parties, en difficultés de preuve, etc. Le contexte local peut aussi jouer. En revanche,
l'enjeu du litige est toujours pris en considération dans un procès pénal, car toutes les
procédures pénales ont de l'importance, compte tenu de la nature des sanctions encoures.
Ainsi, la complexité de la cause, peut se déduire de la seule quantité de documents saisis lors
de l’enquête pénale216 ou les procédures portant sur la criminalité organisée impliquant un

211 A. VALERY, « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l’homme ? », in Le procès équitable et la protection jurisprudentielle du citoyen, Colloque de
Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 91 et suivantes; CEDH, 8 janvier 2013,
Bucur et Toma c/Roumanie, , unanimité, § 148.
212
CEDH, 15 juillet 2005, Lerov c/ Belgique, unanimité, § 27.
213
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, unanimité, § 51.
214
CEDH, 10 octobre 2013, Dimitrijoski c/ Macédoine, unanimité, §, 22.
215
Tribunal civil de Bruxelles (4 ème chambre), 23 mars 2007, S.A.I c/Etat belge, ministre de l’Intérieur.
216
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
63

grand nombre de prévenus, de témoins, de plaignants, d'infractions dont les justiciables sont
soupçonnés et du volume des dossiers217 ou encore la nécessité de recourir à des commissions
rogatoires218, à d’importantes expertises comptables et financières219 ou à des traducteurs220.

Une affaire est complexe lorsque les charges portent sur des infractions économiques
d’une grande ampleur ayant touché plusieurs milliers de personnes, que l’examen de l’affaire
nécessitait la réalisation de nombreux actes d’investigation et que des dizaines de témoins et
d’experts avaient été entendus par le tribunal221. C’est aussi lorsqu’il renferme de nombreux
documents qui doivent être étudiés et nécessite l’examen d’un montage financier à degrés
multiples élaborés sur une période de plusieurs années222. La portée et la complexité d’une
affaire de droit pénal fiscal, qui est souvent compliquée par l’implication de plusieurs
suspects, peut justifier une durée de procédure importante, notamment lorsque les charges
portées contre le prévenu, requalifiées dans l’intervalle, étaient liées à sa fonction de président
de plusieurs sociétés223.

Concernant le comportement du requérant, il est très important: a-t-il été coopératif ? Sans
aller jusqu'à exiger qu'il facilite la preuve des accusations portées conter lui, a-t-il eu un
comportement abusif ou dilatoire, par exemple en changeant d'avocat en permanence, en ne
communiquant ses pièces qu'avec retard224. Le comportement du requérant constitue un
élément objectif non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour
déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable225. Ainsi, l’attitude de
l’inculpé contribue incontestablement à ralentir considérablement la marche de la procédure
lorsqu’il fait des aveux, qu’il retrace ultérieurement pour ensuite faire de nouvelles révélations
sur les faits, de sorte que les enquêteurs doivent procéder à des vérifications et recoupements
ou des nouvelles recherches de preuves226. Il en est de même, de demandes répétées de report
d'audience formulées par le prévenu; qui entendait se faire représenter par un avocat de son
choix ou défendre lui-même sa cause227. Mais il ne peut être reproché au prévenu d'avoir
demandé quelques remises pour préparer sa défense ni d'avoir utilisé les recours internes pour
défendre ses droits228.

217
CEDH, 23 février 2010, Yesilmen et autres c/Turquie, § 23, unanimité; CEDH, 5 janvier 2010, Sevin et autre
c/ Turquie, § 43, unanimité.
218
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
219
Ibidem.
220
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 214.
221
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyolkov c/ Bulgarie, Unanimité, § 89.
222
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 26.
223
CEDH, 24 mai 2005, Intiba c/ Turquie, Unanimité, § 40.
224
CEDH, 25 février 1993, Dobbertin c/France, série A, n° 256-D, § 44.
225
CEDH, 28 avril 2005, De Staerke c/ Belgique, Unanimité, § 50.
226
Ibidem
227
F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2013", JLMB,
2014/8, p. 382.
228
F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2012", JLMB, 2013,
p. 244.
64

Concernant le comportement des autorités compétentes, il permet de compléter l'opinion


de la Cour. L'Etat est débiteur de célérité à travers l'action des institutions judiciaires et est
tenu d'une obligation de résultat, devant adapter ses services à l'exigence de célérité et prendre
les mesures nécessaires, sous peine d'encourir une nouvelle condamnation229. Ainsi, l’Etat est
responsable de la piètre qualité des investigations230 ou de la piètre organisation de
l’instruction. Il en va aussi lorsque l’affaire a été successivement confiée à quatre juges
d’instruction231, ou même cinq, dont aucun n’a eu la charge du dossier plus de deux ans et que
certains d’entre eux se sont abstenus de tout acte pendant de longues périodes232.

De même, les nombreuses réouvertures de l’enquête en raison d’irrégularités de procédure


ou de son caractère incomplet sont des circonstances imputables aux autorités et dont le
caractère répétitif ne peut s’expliquer par la seule complexité de l’affaire233. Il en va encore
ainsi des renvois répétés de l’affaire à une instance inférieure en vue de son réexamen
ordonnés en raison d’illégalités commises par les juridictions inférieures dans le cadre d’une
même procédure234 ou lorsque le tribunal saisi du jugement de la cause est contraint de la
renvoyer à diverses reprises aux enquêteurs enfin de leur permettre de remédier aux violations
de droits des prévenus qui l’empêcheraient d’en connaître235. L’Etat est encore responsable de
la durée anormale d’une remise qui avait fait quinze mois236, du délai mis par le parquet à
rédiger le réquisitoire237ou encore de la période d’inactivité entre l’introduction d’un pourvoi
en cassation jusqu'à l’adoption de la décision définitive par la cour suprême pour une durée de
deux ans et demi238.

En RDC, l'article 47 de la loi portant statut des magistrats prévoit des sanctions
disciplinaires pour les magistrats qui n'ont pas rendu leurs décisions dans un délai raisonnable.
C'est ainsi que si la faute du non respect du délai raisonnable incombe au magistrat (siège ou
officier du ministère public), le justiciable peut saisir la chambre de discipline du Conseil
supérieur de la magistrature pour que le magistrat fautif fasse l'objet de poursuites
disciplinaires. Le justiciable peut également saisir la Cour de cassation contre le magistrat
concerné dans la procédure de la prise à partie (nous y reviendrons).

6. Le respect aux droits de la défense


Les droits de la défense spécifiques en matière pénale sont reconnus soit au profit de la
personne arrêtée, soit à toute personne contre laquelle une accusation pénale est portée contre
elle. S'agissant des droits de la personne arrêtée, ils sont prévus à l'article 18 de la Constitution

229
CEDH, 7 juillet 1989, Union alimentaire Sanders c/ Espagne, série A, n° 157, § 40.
230
CEDH, 8 févier 2005, Panchenko c/ Russie, Unanimité, § 135.
231
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
232
CEDH, 8 novembre 2005, Authouart c/ France, Unanimité, § 45.
233
CEDH, 3 novembre 2005, Nedyalkov c/ Bulgarie, Unanimité, §92.
234
CEDH, 8 novembre 2005, Smirnova c/ Ukraine, Unanimité, § 70 ; CEDH, 8 novembre 2005, Baglay c/
Ukraine, Unanimité, § 31.
235
CEDH, 8 novembre 2005, Khudoyorov c/ Russie, Unanimité, § 216.
236
CEDH, 28 avril 2005, Robyns de Schneidaver c/ Belgique, Unanimité, §20.
237
CEDH, 15 juillet 2005, Leroy c/ Belgique, Unanimité, § 27.
238
CEDH, 8 novembre 2005, Wojda c/ Pologne, Unanimité, §16.
65

du 18 février 2006 qui prévoit que toute personne arrêtée doit être immédiatement informée
des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue
qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à
vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La
garde à vue ne peut excéder quarante huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne
gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente.
Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale
ainsi que sa dignité.

Comme on peut le remarquer, la personne arrêtée a droit d'être informé des raisons de son
arrestation et toute accusation portée contre la personne arrêtée. Cela implique que cette
personne connaisse dans le plus bref délai les raisons de son arrestation et l'accusation portée
contre elle. La personne arrêtée doit être informée dans la langue qu'elle comprend. Si
l'autorité qui procède à l'arrestation de la personne ne parle pas sa langue, il faudra avoir
recours à un interprète, dont les frais seront pris en charge par l'Etat. En outre, l'autorité
judiciaire devrait informer la personne arrêtée dans un langage simple, accessible et ne pas
être trop de juridique ou technique.

L'information à donner à la personne arrêtée doit être complète, en fait et en droit,


notamment quant aux raisons de l'arrestation, sinon il y aurait arrestation arbitraire. Le respect
de cette exigence permettra à l'intéressé de préparer sa défense et éventuellement un recours
devant la juridiction compétente. En tout état de cause, les garanties essentielles d'un procès
équitable doivent être respectées: temps nécessaire à la préparation de la défense et
l'assistance d'un avocat.

S'agissant des droits reconnus à toute personne contre laquelle une accusation pénale est
portée contre elle, ils sont prévus par l'article 19 alinéas 3 à 5 de la Constitution du 18 février
2006 qui prévoit que le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit
de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les
niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction
préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité.

Le droit d'être assisté par un avocat implique le droit de se défendre soi-même ou avec
l'assistance d'un avocat. Le droit de se défendre soi-même signifie que l'accusé doit bénéficier
de toutes les prérogatives de l'avocat: notification des actes de procédures et accès au dossier,
autorisation de prendre la parole à l'audience, un refus constituant une violation du procès
équitable239. Mais, l'accusé doit lui-même faire preuve de diligences, dès lors qu'il a renoncé à
un avocat. Cette garantie entraîne des obligations positives à la charge des Etats et des
tribunaux: si le juge national s'aperçoit que l'accusé ne se défend pas réellement, efficacement,
en raison de son inexpérience judiciaire et de la technicité des questions en cause, il doit

239
CEDH, 25 mars 1998, Belziuk c/ Belgique, Rev. sc. crim., 1999, 405, obs. Koering-Joulin.
66

exiger l'intervention d'un avocat240, pour l'effectivité de l'assistance d'un avocat commis
d'office.

Le droit à l'assistance d'un avocat signifie d'abord le droit de choisir un avocat et de


s'entretenir librement avec lui. En effet, le choix de l'avocat doit être libre, ce qui suppose un
Barreau libre, non contrôlé par l'Etat et que ce dernier permette à l'accusé de communiquer
librement avec son avocat, surtout s'il est détenu. C'est aussi le droit de changer un avocat en
cours de procédure. L'entretien avec un avocat doit être sans entraves. C'est pourquoi, la
présence d'un policier pendant le premier entretien du requérant avec son avocat enfreint le
droit de l'intéressé à exercer de façon effective les droits de la défense241.

Le droit à l'assistance d'un avocat signifie aussi le droit de se faire assister d’un défenseur
de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et
l’instruction préjuridictionnelle ainsi que le droit de se faire assister devant les services de
sécurité. Cela implique que l'auteur présumé de l'infraction doit bénéficier d'un avocat à tous
les stades de procédure, y compris pendant l'enquête préliminaire (devant la police judiciaire)
et voire même devant les services de sécurité. Ce qui signifie que le refus d'autoriser un
suspect arrêté à consulter un avocat pendant les 24 premières heures de sa garde à vue est
incompatible avec les droits garantis par l'article 19 alinéas 3 à 5 de la Constitution du 18
février 2006.

Le droit à l'assistance d'un avocat signifie enfin le droit à l'assistance gratuite d'un avocat
commis d'office. Cela implique l'aide juridictionnelle à payer un avocat. Autrement dit, si le
justiciable ne dispose de moyens suffisants pour payer un avocat, l'Etat a l'obligation de
prendre en charge les frais y afférents.

Les droits de la défense sont constitués de tout droit résultant d'une disposition de droit
écrit ou consacré par les principes généraux du droit, pour toute partie, de soutenir ou
combattre librement une demande devant une juridiction. L'exercice de ces droits suppose la
possibilité de demander des devoirs complémentaires et l'accès à la totalité du dossier, en ce
compris les pièces à conviction et le temps nécessaire pour préparer l'audience242.

Tout accusé a droit notamment à:


- être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière
détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;
- disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense;
- se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et ce, à tous les
niveaux de procédure, y compris devant les services de renseignements;

240
CEDH, 25 avril 1993, Pakeli c/ Allemagne, série A, n° 264, § 38.
241
CEDH, 16 octobre 2001, Brennan c/Royaume Uni, Journal des droits de l'homme, supplément au n° 79 des
Annonces de la Seine, 26 novembre 2001, p. 10; JDI 2002, 272, obs. Bachelet.
242
M. FRANCHIMONT, "Les droits de la défense et leur contexte procédural, le discours de la réalité", in Les
droits de la défense en matière pénale, Liège, éd. Jeune Barreau de Liège, 1985, pp. 31-32.
67

- faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins
à décharge dans les mêmes conditions que le témoin à charge;
- se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue
employée à l'audience243.

7. Le droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire)


Ce droit a un lien avec l’égalité devant la loi que nous avons analysée antérieurement. Le lien
entre les deux a d’ailleurs été fait par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU, dans
plusieurs constatations244.

Ce principe peut être défini comme étant l’obligation d’offrir à chaque partie une
possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans
une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Il signifie que le justiciable doit
disposer des mêmes armes juridiques, des mêmes moyens (arguments) à présenter devant le
juge que la partie adverse ou l’organe de la loi. Il correspond bien au sens premier du procès
équitable, c'est-à-dire équilibré245. D’où le mot «égalité des armes» autrement dit, on doit
avoir les armes égales. Ainsi, le droit à un procès équitable implique nécessairement l’égalité
de moyens entre l’accusation et la défense246. En effet, la détention de témoins est une mesure
exceptionnelle, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur qui, de surcroît, était le fils de l’auteur
de la communication. Cela laisse supposer l’éventualité d’une intimidation et d’un
témoignage extorqué et amène le Comité des droits de l’homme à conclure qu’il y a en
violation du droit à un procès équitable.

Ainsi, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU a considéré que le refus du


président du tribunal d’accorder un renvoi pour permettre à l’auteur de bénéficier des services
d’un défenseur… soulève des questions d’équité et d’égalité devant les tribunaux, la violation
est alors prononcée au nom de l’inégalité des armes247.

L’égalité des armes et des moyens c’est aussi d’avoir le temps et les facilités
nécessaires pour préparer sa défense, temps et facilités qui sont un corollaire du principe de
l’égalité des moyens. Et concrètement, ce temps et ces facilités ne sont pas effectivement
accordés lorsque l’avocat de l’accusé qui encourait la peine de mort, n’a disposé que de quatre
heures pour étudier le dossier248.

243
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp.35-41.
244
Constatations du 30 mars 1989, affaire B. de B. c/ Pays-Bas, A/44/40, p. 298 et affaire n° 223/1987, Robinson
c/ Jamaïque, A/44/40, p. 250.
245
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2009, n° 457, p. 393.
246 Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 24 mars 1993, affaire n° 307/1988, John
Campbell c/ Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 49.
247
Constations du 30 mars 1989, affaire 223/1987, Robinson c/ Jamaïque, A/44/40, partie I, p. 250.
248
Comité des Droits de l’homme de l’ONU, constatation du 31 mars 1993, affaire n° 282/1988, Leaford Smith
contre Jamaïque, A/48/40, partie I, p. 201 et partie II, p. 33.
68

Le principe de l’égalité des armes « représente un élément de la notion plus large du


procès équitable qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de
l’instance »249. Le droit à un procès équitable contradictoire implique par principe, pour une
partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre,
ainsi que d’en discuter250. Aussi, la Cour Européenne des Droits de l’homme a estimé que la
remise au tribunal, par le Procureur général, d’observations que la défense ne connaît pas et
ne peut pas discuter méconnaît le principe de l’égalité des armes251. De même, le fait que le
parquet près la juridiction d’appel bénéficie d’un droit d’appel dont le délai est supérieur à
celui du prévenu, conjugué à l’impossibilité pour le prévenu d’interjeter appel incident une
fois son délai de recours expiré, place ce dernier dans une position de net désavantage par
rapport au ministère public, contrairement au principe de l’égalité des armes252.

De même, la Cour Européenne des Droits de l’homme a condamné la présence du


ministère public au délibéré de la Cour de cassation alors que le prévenu (demandeur) n’a pas
été autorisé à y assister. Cette pratique viole l’égalité des armes253 étant donné qu’elle a
favorisé le ministère public. De même, il y a violation à l'égalité des armes au cours d'un
procès lorsque le ministère public est le dernier à prendre la parole sans que les parties ne
puissent pas avoir la possibilité de lui répondre.

Quelques éléments posent problème au regard de l'égalité des armes. Il s'agit des
réquisitions du ministère public et la production des pièces nouvelles par le parquet.

249
CEDH, 23 juin 1993, Ruez Mateos c/ Espagne, série A, n° 262, §63 ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner
c/Autriche, série A, n° 262, §63; CEDH, 5 septembre 2013, Wyssenbach c/Suisse, §35, unanimité.
250
CEDH, 24 février 1995, Mc Michaël c/ Royaume Uni, série A, n° 307-B, Dalloz, 1995, p. 449, note
Huyette ; CEDH, 24 novembre 1997, Werner c/ Autriche, série A, n° 282, Rec. 1997-VII, Vol. 56, p. 2496 ;
E. BARADUC, « Le juge civil de cassation, le moyen relevé d’office et le principe de la contradiction », in
Mélanges en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p.6,
§5 ; D. VANDERMEERSCH, " La place du ministère public dans l'instance en cassation, ", Revue de droit
pénal et criminologie, 2009, pp; 780-792; CEDH, 31 octobre 2006, Aksoy c/ Turquie, §21 ; CEDH, 31
octobre 2006, Gunez Curum c/ Turquie, Unanimité, §21.
251
CEDH, 22 février 1996, Bulut c/Autriche, Rec. 1996, II, n° 5, p. 346 ; AJDA 1996, 1013, obs. Flauss ; JCP
1997, I, 4000, n° 10, obs. Sudre ; CEDH, 20 octobre 2005, Ozata c/ Turquie, Unanimité, §§ 38-42.
252
F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2006 », in JLMB,
2007, p. 261.
253
CEDH, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, série A, n° 214-A ; CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/
Belgique et Lobo Machado c/ Portugal, Rec. 1996-I, Vol. 3, 210 ; AJDA, 1996, 1013, obs. Flauss ; RTD civ.
1996, 1028, obs. Marguenaud ; CEDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, D. 2001, p. 2611 et note R. Drago, p.
2619 ; CEDH, 10 octobre 2002, Theraube c/ France ; Procédures, février 2003, n° 50, obs. S. Deygas ;
CEDH, 14 novembre 2006, Assad c/ France, unanimité, § 35 ; Voyez F. KUTY, « Le droit à un procès
équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2005 », in J.L.M.B, 2006, pp. 417-418; CEDH, 25
juin 1997, Van Orshoven c/Belgique, Rec. 1997-III, vol. 39, 1039; D. 1997, somm. 359, obs. Fricero; AJDA
1997, 988, obs. Flauss; JDI 1998, 1997, obs. P. Tavernier; RGDP 1998, 237, obs. Flauss; RTD civ. 1997,
1006, obs. J. P. Marguenaud; CEDH, 24 novembre 1997, Werner c/Autriche, RGDP 1998, 238, obs. Flauss;
CEDH, 27 mars 1998, J.J. c/ Pays-Bas, série A, n° 202, JDI, 1999, 232, obs. H. Ascensio (en matière
fiscale); CEDH, 27 mars 1998, K.D.B. c/Pays-Bas, série A, n° 202, JDI 1999, 232, obs. H. Ascension; D.
1998, somm. 368, obs. N. Fricero (en matière civile); CEDH, 17 janvier 2002, J. Fisher c/ Autriche, Journal
des droits de l'homme, supplément au n° 14 des Annonces de la Seine, 4 mars 2002.
69

Concernant les réquisitions du ministère public; il n'est pas d'usage que le parquet, en
matière pénale, que le parquet transmette ses réquisitions antérieurement à leur soutenance à
l'audience car la spécificité de la procédure pénale ne connaît pas le principe dispositif
puisque, par hypothèse, le prévenu n'a pas la libre disposition de la matière du litige, semble
s'opposer à la transposition de cette solution; pourtant, à y bien regarder, est-il normal, qu'à
l'audience pénale, le représentant du ministère public assène des arguments de fait et, surtout
de droit, que le prévenu ne pourra pas discuter s'il ne bénéficie pas d'une suspension
d'audience entre le réquisitoire et la plaidoirie de son avocat ? Et même en cas de suspension
d'audience, ne serait-il pas plus conforme au respect du contradictoire et la garantie d'un
procès équitable que les arguments juridiques parfois assenés avec autant d'assurance que
d'incompétence soient communiqués au prévenu pour discussion et, peut-être, réfutation ?

Concernant la production des pièces nouvelles par le parquet; le parquet peut


produire à l'audience tous les documents nouveaux qui lui paraissent utiles à la manifestation
de la vérité. Au nom du respect du contradictoire, nous pensons que toute communication de
pièce nouvelle, même sans incidence démontrée sur la décision, doit entraîner la réouvertures
des débats afin que les parties pour prendre connaissance et réagir.

Le principe du contradictoire est le cœur des principes de l’égalité des armes et des
droits de la défense. Il devrait exister dans toutes les procédures (civile, pénale,
administrative, disciplinaire et constitutionnel). En procédure civile, ce principe signifie au
minimum que toute personne doit avoir été appelée, c’est-à-dire mise en mesure de se
défendre. Chacune des parties doit connaître les pièces du dossier et les discuter254. Il s’agit de
protéger les parties et aussi de s’orienter vers une solution du litige. En matière pénale, la
présence des parties est nécessaire lors de la recherche des preuves et si un détenu refuse de
comparaître, le procès verbal concernant la recherche des preuves lui sera lu.

8. Le droit à la motivation des décisions judiciaires


Ce droit prévu à l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006 qui déclare que tout
jugement est écrit et motivé. En principe, toute décision à caractère juridictionnel prise par un
juge doit être motivée. Cette obligation de motivation est un corollaire du principe du respect
dû aux droits de la défense. La motivation de la décision doit permettre aux justiciables de
connaître les raisons pour lesquelles le juge a pris telle ou telle décision255.

9. Le droit à la liberté individuelle


L'article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966
prévoit que tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. De même, l'article
17 alinéas 1 et 2 de la Constitution du 18 février 2006 dit que la liberté individuelle est
garantie. Elle est la règle, la détention l’exception. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu
ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit.

254
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 242, p. 249-251.
255
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.57.
70

Nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas prévus par la loi. La liberté est la règle
et la détention est l'exception. Aussitôt qu'une personne est détenue, elle dispose des droits
suivants:
- elle doit être informée dans le plus bref délai et dans une langue qu'elle comprend, des
motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle;
- elle doit être traduite aussitôt devant une juge;
- elle doit être jugée dans un délai raisonnable ou être libérée pendant la procédure;
- elle doit introduire un recours devant un tribunal afin qu'il statue à bref délai sur la légalité
de sa détention256.

Comme on le voit, la liberté est la règle et la détention est l'exception. En ce qui concerne la
détention, elle doit intervenir dans les cas suivants:
- soit parce que la détention intervient après le prononcé d'une condamnation (c'est-à-dire
avec un lien de causalité entre les deux)257;
- soit parce que l'arrestation ou la détention préventive découle de l'insoumission à une
ordonnance rendue par un tribunal, conformément à la loi, ou est procéder en vue de garantir
l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;
- soit parce que l'arrestation et la détention sont effectuées en vue de conduire l'individu
devant le tribunal compétent lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de
l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci,
cela concerne à la fois la garde à vue et la détention provisoire;
- soit encore, pour un mineur, parce que sa détention est nécessaire à son éducation surveillée
ou pour le traduire devant le tribunal compétent;
- soit enfin, parce que l'arrestation ou la détention a pour but d'empêcher une personne de
pénétrer irrégulièrement dans le territoire ou parce qu'une procédure d'expulsion ou
d'extradition est en cours contre elle.

10. Le droit à la présomption d’innocence


Ce droit est garanti par l’article 17 alinéa 9 de la Constitution congolaise du 18 février
2006, par l’article 14, §2 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, l’article
6, §2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’article 48, §1 de la Charte des
Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, l’article 7, 1.b de la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples et par l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme de l’ONU. Ainsi, l'article 17 alinéa 9 de la Constitution du 18 février 2006
prévoit que toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa
culpabilité ait été établie par un jugement définitif.

La répartition des rôles en matière de preuve est dominée par cette idée que la
personne attaquée est présumée innocente et que c’est celui qui attaque d’apporter la preuve.

256
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome 1. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.59.
257
Article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966.
71

Cette idée peut être traduite par le principe de la présomption d’innocence qui ne s’applique a
priori qu’en matière pénale car il est question de la présomption d’innocence. On peut
cependant considérer qu’il s’agit, comme l’expression du droit de la défense, d’une notion qui
peut être étendue à toutes les procédures258. Le principe de la présomption d’innocence se
traduit dans les autres procédures par un adage latin actori incumbit probatio, " la preuve
incombe à celui qui agit ". Celui qui reproche quelque chose à quelqu’un doit prouver car les
hommes sont en principe présumés honnêtes et respectueux des lois. En réalité, dans tous les
contentieux, le juge peut compléter les preuves apportées par le demandeur lorsqu’elles sont
insuffisantes259.

Le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU se fondant à l’article 14 du Pacte


International relatif aux Droits Civils et Politiques adopte une conception large de la garantie
de la présomption d’innocence : « nul ne peut être présumé coupable tant que l’accusation
n’a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable. En outre, la présomption d’innocence
implique le droit à être traité conformément à ce principe. C’est donc un devoir pour toutes
les autorités politiques de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès »260.

La présomption d'innocence signifie que seul un tribunal peut la renverser en


condamnant une personne après un procès conforme aux normes du procès équitable. La
conséquence en est qu'aucune personne, membre d'une autorité publique, ne doit porter
atteinte, par des propos tenus publiquement par exemple, à la présomption d'innocence de
quelqu'un, même en dehors de tout procès.

La présomption d’innocence se trouve méconnue si une décision judiciaire concernant


un prévenu reflète le sentiment qu’il est coupable, alors que sa culpabilité n’a pas été
préalablement établie. Tel est le cas lorsqu’une autorité judiciaire constate, sans réserve et en
des termes particulièrement absolus et imprécis, qu’un justiciable a commis des actes
d’escroquerie ou d’assassinat alors que l’une des affaires d’escroquerie ou d’assassinat est
pendante devant les juridictions pénales261. De même, le fait d’exiger d’une personne qu’elle
apporte la preuve de son innocence apparaît déraisonnable en ce qu’elle donne à penser que la
juridiction considère l’intéressé comme coupable et révèle une atteinte à la présomption
d’innocence. Ainsi, le fait d'exiger du justiciable, sans nuance ni réserve, qu'il prouve son
innocence pendant une période où il bénéficiait de la présomption d'innocence et de tirer des
conséquences négatives de sa prétendue omission de le faire, notamment en rejetant sa
demande d'indemnisation, se concilie mal avec le droit à la présomption d'innocence262. Mais,

258
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 258, p. 265.
259
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 258, p. 265.
260
Voyez P. TAVERNIER, « Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence du Comité des Droits de
l’Homme des Nations Unies », in RTDH, 1996, p. 12.
261
CEDH, 19 mai 2005, Diamantides c/ Grèce, Unanimité, § 48 ; CEDH, 21 septembre 2006, Pandy c/Belgique,
unanimité, § 42.
262
F. KUTY, " Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2013", JLMB,
2014/8, p. 384..
72

ne constitue pas une violation de la présomption d'innocence, le fait de communiquer au


tribunal des informations sur les antécédents judiciaires du prévenu.

L'application de ce principe en RDC n'est pas facile car non seulement il y a trop
de gens en détention préventive, mais plusieurs détenus restent plusieurs mois sans être
interrogés. Certains obtiennent des « non lieu » (c’est-a-dire des décisions constatant qu’ils
n’ont pas commis les infractions dont ils étaient soupçonnés) seulement après plusieurs
mois de détention.

11. La recherche de la vérité


L'une des grandes fonctions des institutions judiciaires pénales est de traduire devant les
tribunaux les présumés délinquants. Or cet objectif suppose la mise en oeuvre d'institutions
permettant de découvrir la vérité dans sa double dimension, factuelle et criminologique.
Toute enquête ne concourt qu’à la recherche de la vérité sur le fait, c’est-à-
dire établissement du fait dont l’application de la loi est requise. La recherche de la vérité
reste un objectif fondamental de la procédure pénale afin d'éviter de condamner des
innocents263. Les enquêteurs peuvent joindre à une procédure pénale une autre procédure
pénale pour contribuer à la manifestation de la vérité. C’est cette vérité qui fonde l’autorité
de la chose jugée de toute décision judiciaire, l’autorité de la chose jugée étant considérée
comme la présomption de vérité légale que contient tout jugement ou arrêt rendu
publiquement.

Tous les éléments relevés montrent que le droit à un procès équitable est le cœur et le
poumon de tout procès. Etant donné qu’ils constituent un modèle universel de procès
équitable, ils devraient donc être intégrés dans l’arsenal juridique de tous les Etats du monde
aspirant à l’Etat de droit et l’Etat démocratique.

263
J. PRADEL, Procédure pénale Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 376, p. 304.
73

PREMIERE PARTIE : LA PREUVE

CHAPITRE I : NOTIONS

La définition de la preuve varie selon qu'il s'agit de la matière pénale ou civile. Tout
moyen de produire la certitude est un moyen de preuve. En matière pénale, la preuve est tout
moyen permettant d'affirmer l'existence d'une infraction ou son absence, la culpabilité ou
l'innocence du prévenu. Il s'agit de tout moyen permettant d'affirmer l'existence ou la non
existence d'un fait donné ou encore l'exactitude ou la fausseté d'une proposition264. La preuve
judiciaire a donc pour objets les moyens de démonstration; elle a pour fonction de convaincre
le juge.

En matière civile, prouver, au sens courant du mot, c'est faire apparaître quelque chose
comme vrai et certain. C'est établir la réalité d'un fait ou d'une assertion. Dans le domaine du
droit, prouver, c'est établir le fondement d'une prétention, c'est faire la démonstration de ce
sur quoi l'on se fonde pour faire valoir un droit265.

Nous n'examinerons que la preuve en matière pénale. Nous aborderons ainsi la charge
de la preuve (section 1) et les moyens de la preuve (section 2).

SECTION 1 : LA CHARGE DE LA PREUVE

La charge de la preuve est le fait de présenter au juge les éléments de conviction. L'article
2 du Pacte international des droit civils et politiques du 19 décembre 1966 prévoit: "Toute
personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie". Il en découle que c'est la partie poursuivante qu'il incombe d'apporter la
preuve de l'infraction.

Pour qu'un individu soit condamné, il faut que le juge ait procédé à la reconstitution des
faits, et ait établi une correspondance entre ces faits et la définition légale d'une infraction.

264
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Paris, 5 ème éd. Cujas, 2001, p. 117.
265
G. DE LEVAL et F. GEORGES (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile,
Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 5.1, p. 461.
74

Mais, pour parvenir à cette vérité, à cette certitude judiciaire, l'accusation et la défense auront
chacune exprimé leurs prétentions. Dans ce duel judiciaire, des obligations pèsent sur l'une ou
l'autre partie. Elles découlent toutes de trois principes fondamentaux: la charge de la preuve
incombe au ministère public lorsqu'il intervient comme partie principale (§1), la charge de la
preuve incombe à la partie civile en cas de citation directe (§2) et le doute profite au
prévenu (§3).

§ 1. La charge de la preuve incombe au ministère public


lorsqu'il intervient comme partie principale

I. Principe
Il s'agit d'un principe général de droit. Tout prévenu bénéficie de la présomption
d'innocence. C'est la culpabilité du prévenu qui doit être démontrée, non son innocence266. En
d'autres termes, l'individu étant présumé innocent, il n'est jamais tenu d'apporter la preuve de
cet état.

1. Rôle de la partie poursuivante

La charge de la preuve incombe à la partie poursuivante qui joue un rôle important dans la
manifestation de la vérité. La partie poursuivante doit supporter la charge de la preuve et c'est
à elle qu'il renvient de démontrer l'existence de tous les éléments constitutifs de l'infraction
(éléments matériels: action, omission, circonstances aggravantes, et élément moral: intention
de commettre l'infraction) de même que l'inexactitude de toute défense non dépourvue de
crédit. C'est au ministère public de prouver l'existence de l'infraction, la culpabilité et la
responsabilité du prévenu, l'absence de tout élément de nature à faire disparaître l'une ou
l'autre des conditions de la poursuite ou de la condamnation267. Prenons un exemple simple.
Quand le ministère public poursuit quelqu'un pour coups et blessures volontaires, il devrait
démontrer positivement tous les éléments constitutifs de l'infraction (éléments matériels et
moral de l'infraction: quel acte a t-il fait pour justifier qu'il entre dans telle qualification de
l'infraction ?) et l'imputabilité de ces faits au prévenu, mais aussi, négativement, qu'il n'y a,
dans les faits, la trace d'aucune institution à faire disparaître l'infraction ou atténuer la
responsabilité pénale, excuse de provocation).

266
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1603, p. 802.
267
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 198, p. 309.
75

Ainsi, le ministère public doit, en premier lieu, établir le préalable légal à la poursuite.
Lorsque le ministère public engage l'action publique, il doit qualifier les faits et viser
précisément les textes du Code pénal qu'il prétend avoir été violés. Il doit démontrer que le
texte pénal s'applicable et que la poursuite pénale est justifiée. C'est ainsi qu'il doit prouver
que les dispositions du Code pénal violées ne sont pas encore abrogées et que les faits ne sont
ni prescrits ni amnistiés. Si les dispositions du pénal sur lesquelles il s'appuie est un acte
réglementaire, il doit démontrer sa légalité puisque, si la valeur de la loi n'est pas discutable,
l'acte réglementaire n'est lui, pénalement applicable que s'il est régulier.

Le ministère public doit établir l'élément matériel de l'infraction. Il doit prouver que les faits
accomplis par le prévenu correspondent bien à la définition que le Code pénal donne de
l'infraction retenue: une soustraction frauduleuse d'un bien appartenant à autrui en matière de
vol, un défaut d'assistance à une personne en danger en matière d'infraction de non assistance
à personne en danger, etc. Il doit établir toutes les circonstances accessoires qui sont de nature
à influer sur la qualification des faits: l'âge de la victime s'il s'agit de l'infraction sanctionnée
différemment en fonction de l'âge, les liens éventuels des protagonistes, la qualité particulière
de l'auteur de la victime. Il doit démontrer la réalité des circonstances aggravantes de nature à
modifier la qualification des faits ou la gravité de la peine encourue.

Le ministère public doit aussi prouver l'élément moral de l'infraction dans toutes ses
composantes. En général, l'élément moral c'est l'intention de commettre l'infraction. Mais
l'élément moral de l'infraction dépend de la nature de l'infraction. Si par exemple le ministère
public veut poursuivre un complice, il doit prouver l'élément intentionnel de cette complicité.
Le ministère doit éventuellement établir les caractéristiques particulières de cet élément
moral, s'il en est requis dans le cadre de l'incrimination en question, et notamment s'il s'agit
d'une infraction qui comporte un dol spécial, c'est-à-dire une intention particulière.

Le ministère public doit prouver également que les infractions qu'il entend poursuivre ont
été commises par la personne (prévenu) déféré par lui à la justice. En effet, un procès pénal ne
peut être intenté contre qui ne serait pas physiquement identifiée. Certes, il existe, en droit
congolais, la possibilité d'ouvrir une instruction contre une personne non dénommée dans
l'hypothèse où une infraction a été commise sans qu'on sache avec précision par qui
(poursuite contre X). Mais, si à l'issue de l'instruction qui a précisément pour but, entre autres,
de déterminer quel peut être le coupable, celui-ci n'a pu être identifié avec un minimum de
76

certitude, l'instruction sera clôturée par un non-lieu. Aucun procès de jugement ne peut être
intenté tant que le ou les auteurs ne sont pas physiquement identifiés. C'est au ministère public
qu'incombe la charge de déterminer cette identité de la personne poursuivie.

De même, lorsque le prévenu invoque une cause de justification ou circonstance qui exclut
sa responsabilité et que son allégation n'est pas dépourvue de tout élément de nature à lui
donner crédit, il incombe à la partie poursuivante (ministère public et/ou partie civile)268 d'en
prouver l'inexactitude269. La partie poursuivante doit donc réfuter toute défense pertinente du
prévenu à propos des faits, dès lors que celle-ci n'est pas dénuée de crédibilité.

Or en matière répressive (pénale), le ministère public agit comme partie principale au


procès c'est à-dire, il recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont
commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations,
accomplit tous les actes d’instruction et saisit les cours et tribunaux270. Autrement dit, en
matière pénale, le ministère public recherche, constate les infractions, exerce les poursuites,
instruit, requiert l’application des peines contre les délinquants et surveille l’exécution des
condamnations prononcées. C’est le ministère public en effet qui soutient l’accusation c’est-
à-dire il demande au nom de la société qu’il représente la condamnation des auteurs présumés
de l’infraction, veille à l’exécution des condamnations prononcées par les tribunaux
répressifs, fait incarcérer les condamnés et surveille l’exécution des peines prononcées par
eux.

C'est le ministère public qui agit au nom de la société à laquelle l’infraction a porté
atteinte (on dit souvent qu’il est l’avocat de la société). Il a le pouvoir d’exercer l’action
publique, de poursuivre, d’instruire mais n’a pas le pouvoir de juger, c’est-à-dire de décider
de l’innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou une condamnation à
une peine. En ayant l'initiative de poursuites pénales, et étant la pièce maitresse d'action

268
A. FETTWEIS, " La charge de la preuve en droit pénal belge et la présomption d'innocence", Les droit de la
défense en matière pénale, Liège, éd. Jeune Barreau, 1985, pp. 133-157.
269
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1137; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale
Tome II. Le jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire
internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1112; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale,
Paris, éd. PUF, 2001, n° 202, p. 318.
270
Article 67 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
77

publique, le ministère public agit comme partie principale au procès. Le ministère public
intervient avant toutes décisions des juridictions et il le fait au moyen de réquisitions ou
réquisitoires dans lesquels il demande à ces juridictions de statuer dans tel sens. L’article 66
de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire oblige le ministère public d'assister à toutes
les audiences y compris aux tribunaux de paix. Tous ces éléments font du ministère public
la partie principale au procès pénal.

C'est pourquoi, la preuve de tous les éléments constitutifs de l’infraction et de l’absence


des causes d’exonération incombe au ministère public « actori incumbit probatio » (la preuve
incombe à celui qui agit). La charge de la preuve porte non seulement sur les éléments
constitutifs, matériel y compris l'élément moral mais aussi sur les éléments négatifs que
comporte éventuellement la définition légale de l'infraction. Dans le système inquisitoire (qui
est appliqué à l'instruction préparatoire), on considère que la collectivité a un véritable droit à
la preuve. Elle ne doit pas se contenter de la vérité des parties. Les autorités, au premier rang
desquelles figurent, naturellement, les juges, doivent tenter d'établir, même en dehors des
parties, voire contre elles, la vérité objective. Les magistrats ont donc, dans un système
totalement inquisitoire, un devoir d'investigation qui les oblige à rechercher personnellement
la manifestation de la vérité quelles que soient l'action ou l'inaction déployée par les parties271.

La partie poursuivante doit réfuter toute défense pertinente du prévenu à propos des
faits, dès lors que celle-ci n'est pas dénuée de crédibilité272. Si l’accusation ne peut apporter la
preuve de la culpabilité du prévenu, celui-ci sera immédiatement libéré de toute charge.

De manière concrète et en synthèse; pendant l'instruction préparatoire, le magistrat


instructeur rassemble toutes les preuves possibles (y compris les indices) à charge ou à
décharge l'inculpé, il apprécie lui-même (sous le contrôle de ses supérieurs hiérarchiques) si
ces preuves justifient ou non la continuation de l'instruction et le cas échéant, l'opportunité
des poursuites. Ce n'est que lorsque le ministère public demande l'autorisation de mettre
l'inculpé en détention préventive que le juge a un contrôle sur la valeur des preuves, plus
précisément des indices.

271
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 204, p. 320.
272
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1113.
78

Devant la juridiction de jugement, c'est la partie poursuivante qui doit apporter la


preuve des faits qu'elle impute au prévenu, et des circonstances qui en déterminent la gravité.
Le prévenu n'est jamais obligé de prouver son innocence. Mais lorsque l'accusation a réuni
des preuves des faits, le prévenu peut avoir intérêt à prouver un ou plusieurs faits qui,
détruisent la force probante de ces preuves.

La charge de la preuve incombe à la partie poursuivante; le principe "actori incumbit


probatio" (la preuve incombe à celui qui agit) est d’application en tant que principe
général de droit car aucun texte légal ne le proclame.

2. Rôle du juge

Le problème de la charge de la preuve en matière pénale ne se pose pas de la même


manière qu’en matière civile. En effet, le juge pénal n'est pas tenu par la défense des
parties lors de l'appréciation de l'action publique; il est tenu d'apprécier l'action publique
uniquement sur la base des pièces qui ont été régulièrement produites et qui ont été
soumises à la contradiction des parties.

A la différence de la procédure anglaise où le juge joue uniquement, au cours de


l'instruction à l'audience, un rôle d'arbitre, dans le système congolais, hérité du système
belge, le juge doit contribuer activement à la recherche de la vérité273. Le juge pénal n'est
pas un arbitre passif qui dépendrait entièrement du bon vouloir des parties. Non seulement
il a la police de l'audience et la direction des débats, il est aussi personnellement engagé
dans la recherche de la vérité et porte de ce chef une grande responsabilité274. Le juge peut
et doit, dans les limites des faits dont il est saisi, prendre toute initiative utile pour faire
apparaître la vérité sur les faits et leurs circonstances étant donné qu'à l'audience, il a un rôle
actif. Il doit avoir un rôle actif qui se traduit d'abord par la possibilité de compléter
l'instruction préparatoire menée (ordonner une expertise, faire une descente sur les lieux,
ordonner une information complémentaire) dont la juridiction apprécie librement
l'opportunité. C'est pourquoi les débats se passent oralement devant le tribunal afin de
permettre à celui-ci de chercher à connaître par différentes questions la vérité.

273
Ph. QUARRE, "De pouvoirs du juge répressif pour la recherche de la vérité dans le cadre d'une procédure
d'audience accusatoire", Liber amicorum H. Bekaert, 1977, pp. 309-319.
274
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1678, p. 840.
79

En conséquence, si nécessaire, le juge doit ordonner d'office les actes d'instruction


utiles pour la manifestation de la vérité. Si une partie sollicite l'audition d'un témoin à
l'audience, le juge peut décider que l'audition du témoin n'est pas utile pour se forger sa
conviction. A défaut d'une telle décision, le juge doit laisser la possibilité à la partie
d'appeler à la barre le témoin dont elle sollicite.

A tous moments donc, le juge a le droit de prendre des mesures qu'il estime
indispensables à la manifestation de la vérité, mais il doit le faire de manière impartiale275
et contradictoire. Ainsi, par exemple l'instruction du président doit être exempte de toute
appréciation personnelle pouvant apparaître comme une opinion arrêtée.

Le juge du fond apprécie souverainement la nécessité ou l'opportunité d'une mesure


complémentaire demandée par les parties. Il peut donc refuser de faire droit à une
demande. Mais pareil refus méconnaîtrait les droits de la défense dans la mesure où la
conviction du juge serait de nature à être modifiée à la suite de ce complément
d'instruction.

Ce principe signifie aussi que le juge doit prendre toutes les initiatives nécessaires
lorsque le matériel de preuves est recueilli est insuffisant pour conduire à une décision
justifiée. Mais le juge n'est pas compétent pour ordonner au ministère public de joindre un
autre dossier pénal à la cause pénale dont le il est saisi (sauf en matière d'instruction à
l'audience infractions intentionnelles fragrantes ou réputées telles).

Mais ce principe connaît certains tempéraments résultant de la singularité de la matière


pénale. Ce principe est tempéré par la mission du ministère public qui ne peut être comparé à
celle du demandeur civil poursuivant uniquement la satisfaction de ses intérêts privés. En
effet, représentant de la société, le ministère public n’a pas pour mission de poursuites à
tout prix car là où après le déclenchement de l’action publique, il s’avère que les poursuites
ne sont pas fondées, le ministère public devra requérir l’acquittement. En outre, il n’y a pas

275
T. KAVUNDJA N. MANENO, L'indépendance et l'impartialité du juge en droit comparé belge français et
de l'Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de Droit, UCL, 2005, pp. 260 et s.; F. KUTY,
L'impartialité du juge en procédure pénale. De la confiance décrétée à la confiance justifiée, Bruxelles,
éd. Larcier, pp. 45-52.
80

égalité absolue entre le ministère public, partie poursuivante et le prévenu, partie


poursuivie car certains procès-verbaux établis par le ministère public ont une force probante
particulière, liant les juges.

Un autre tempérament de ce principe résulte de deux situations propres aux juges


répressifs :

- le rôle actif des juges dans la recherche des preuves, qui fait que la tâche de la partie
poursuivante se trouve fort allégée ;

- l’intime conviction des juges allège considérablement la tâche de la partie


poursuivante. Le prévenu ne va pas se trouver dans l’attitude passive du défendeur
civil, il va chercher à ébranler les preuves fournies par le ministère public et ce faisant, se
découvre.

A cet égard, le juge apprécie souverainement si le fait ou la circonstance dont le prévenu


se prévaut au titre de cause de justification l'exonère de sa responsabilité pénale. En
conséquence, le juge qui, sur base de considération de fait, considère comme dépourvues de
tout élément de nature à leur donner du crédit les allégations formulées par le prévenu à
l'appui de ses moyens de défense, motive régulièrement sa décision et ne méconnaît pas les
règles relatives à la charge de la preuve en matière pénale276.

§ 2. La charge de la preuve incombe à la partie civile en cas de citation directe

Pour rappel, il y a citation directe lorsque la victime d’une infraction saisit directement le
tribunal répressif d’une demande de réparation du préjudice subi par le fait de l’infraction sans
passer par le parquet. En cas de citation directe, c'est la partie civile à qui il est demandé
d'apporter les preuves étant donné qu'elle a saisi directement le tribunal sans passer par le
parquet. Toutefois, le juge pénal joue un rôle actif dans la formulation de la preuve277 qui peut
contribuer à la manifestation de la vérité. Ce principe signifie qu'il doit prendre toutes
initiatives nécessaires lorsque le matériel de preuves recueilli est insuffisant pour conduire une
décision de justifiée. Certes il doit le faire de manière contradictoire et impartiale. Dans la
procédure anglaise par contre, le juge pénal joue uniquement, au cours de l'instruction
d'audience, un rôle d'arbitre.

276
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1137.
277
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 3 ème éd. Larcier, 2009, p.
1032.
81

§ 3. Le doute profite au prévenu

Il s'agit d'un principe général de droit. S'il subsiste un doute ou si les preuves réunies par
la partie civile ou le ministère public sont insuffisantes pour emporter la conviction du
tribunal, le prévenu doit être acquitté278. La condamnation ne peut être fondée que sur la
certitude du fait et de culpabilité de l’agent. Le doute que n’a pas dissipé le ministère public
profitera au prévenu « in dubio pro reo ». Le doute qui doit profiter au prévenu est le doute
qui, dans l'esprit du juge, porte sur la culpabilité du prévenu concernant les faits pour lesquels
il est poursuivi279. Ainsi, un acquittement fondé sur le doute est légalement justifié lorsque le
prévenu invoque une cause de justification et que le juge estime que l'exactitude de cette
thèse, qui n'est dépourvue de toute crédibilité, ne peut être contrôlée au moyen des éléments
disponibles280. De même, le doute qui doit profiter au prévenu est le doute du juge et non le
doute d'une autre personne quelle que soit sa qualité. Ainsi, le doute émis par un expert ne
constitue pas ipso facto le doute qui doit profiter à l'inculpé, le juge reste libre d'apprécier
l'existence de ce doute.

Ce principe est en fait le corollaire de celui de la « présomption d’innocence ». En effet,


toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente tant que sa culpabilité n’est
pas établie par un tribunal indépendant et impartial. Il en résulte que le prévenu n'est pas tenu
d'établir son innocence par des preuves décisives. Il suffit qu'il allègue sa version des faits
d'une manière vraisemblable, plausible, de nature à semer le doute dans l'esprit du juge.

Toutefois, en pratique, la personne poursuivie aura intérêt à établir la preuve de ses


allégations si elle peut. L'inculpé ou le prévenu peut invoquer des éléments qui lui sont
favorables (alibi, témoignages, etc.) sans attendre que l'accusation ait fourni contre lui la
preuve de l'infraction. En effet, nous trouvant dans le système de l'intime conviction du juge,
cette personne doit se méfier de l'effet que peuvent produire sur le juge d'une part les preuves
produites par le ministère public et, d'autre part, son silence ou ses hésitations. Attendre

278
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 123, p. 106; M. L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 222, p. 351.
279
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, pp.1117, 1152; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF,
2001, n° 222, p. 351.
280
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1624, p. 812.
82

passivement peut s'avérer désastreux, et il est plutôt vivement conseillé que l'accusé apporte
dans la mesure du possible les éléments tendant à asseoir son innocence.

SECTION 2 : LES MOYENS DE PREUVE

§ 1. Principe de la liberté de preuve

Le principe de la liberté implique d'une part, le libre choix des moyens de preuve et,
d'autre part, la libre appréciation de la valeur probante de la preuve281. Contrairement au droit
judiciaire civil, la procédure pénale ne prévoit aucune réglementation générale des preuves, ni
une théorie générale des preuves. Le principe consacré en droit pénal est celui de la liberté de
la preuve.

Ce principe signifie d'abord qu'en matière pénale, lorsque la loi n'établit pas un mode
spécial de preuve, le juge peut asseoir sa conviction sur tous les éléments régulièrement
obtenus que les parties ont pu contredire. Il en découle qu'une infraction et son imputabilité à
la personne mise ne cause peuvent être établies par tout moyen de preuve, pour autant que
celui-ci soit régulièrement obtenue et soumis à la contradiction des parties. Ce principe
signifie aussi que les modes de preuve ne sont donc nullement limités par la loi; tout élément
peut être invoqué pour autant qu'il soit de nature à entrainer la conviction du juge282. Il
n'existe donc, en règle, pas de mode de preuve devant nécessairement être produit pour
pouvoir déclarer une infraction établie, tout élément remplissant les conditions précitées peut
être pris en considération par le juge pour fonder sa conviction, qu'il doit ensuite motiver. En
RDC, le principe de la liberté de la preuve n'est pas énoncé expressément par la loi, il
s'applique en tant principe général de droit.

La justification du principe de la liberté de la preuve tient d'abord, le plus souvent à la


nature des choses dans la mesure où les faits infractionnels laissent peu de place à une
éventuelle préconstitution de la preuve. Elle est justifiée, en second lieu, par le souci
d'efficacité de la justice pénale qui ne manquerait pas d'être désarmée si elle ne pouvait agir,
faute de pouvoir prouver par tout moyen, à l'égard de délinquants inventifs qui font tout pour
effacer les traces de leurs infractions. Ce principe s'impose encore par le caractère très concret

281
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume I., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, p. 5.
282
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 4, p. 15.
83

des preuves pénales à apporter, caractère qui fait que même à l'égard d'éléments de preuve de
même nature, la procédure pénale se comporte différemment de la procédure de droit privé.
L'aveu par exemple, susceptible d'être retenu dans l'un et l'autre cas, n'est cependant pas
apprécié de la même manière puisqu'il est nécessairement indivisible dans la procédure de
droit privé alors qu'il peut parfaitement être scindé dans la procédure pénale283.

Ainsi, lorsqu'une action en justice devant le juge est fondée sur une infraction à la loi pénale,
ce sont les règles de preuve en matière pénale qui sont applicables. En cette matière, la preuve
peut être établie par toute voie de droit, par tous les moyens. Cela signifie que les modes de
preuve ne sont pas limités en procédure pénale.

Aussi, le principe est celui de la liberté dans l'administration de la preuve, qui constitue un
contrepoids au principe de la charge de la preuve qui incombe à la partie poursuivante: sauf
lorsque la loi prévoit un mode de preuve particulier ou restreint la force probante d'un élément
de preuve, le juge peut asseoir sa conviction sur tous les éléments régulièrement obtenus et
que les parties ont pu librement contredire284.

Le fondement rationnel du principe de la liberté dans l'administration de la justice résulte


du souci de rechercher la vérité en ne limitant pas les moyens qui peuvent la manifester. La
preuve de l'infraction peut, sauf lorsque la loi établit un mode spécial de preuve, être
rapportée par tous les moyens dont le juge apprécie souverainement en fait la valeur probante
et sur lesquels il fonde sa conviction, à condition que ces éléments et moyens aient été
produits régulièrement et que les parties aient pu les contredire. La preuve est admise pour
toute voix de droit, à l'exclusion des moyens incompatibles avec la loyauté du procès et les
principes généraux de droit.

Contrairement au droit civil, il n’existe donc pas des modes de preuve exclus du champ du
débat a priori, pas ni préalablement constitués. Ce principe est lui-même le corollaire de
l’intime conviction du juge. Le juge ne peut refuser, sans motivations particulières, de
recevoir les preuves que les parties sont prêtes à fournir.

283
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 209, p. 328.
284
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1142.
84

§ 2. Limitations au principe de la liberté de preuve

Les limitations de certains modes de preuve s'expliquent par des considérations diverses. Si
la loi ne limite les modes de preuve qui peuvent être invoqués, en revanche, la manière dont la
preuve est recueillie et dont elle doit être traitée est soumise à certaines exigences. Si tout peut
faire preuve, tout ne peut pas faire preuve à n'importe quelle condition. Cela signifie que le
mode de preuve est donc libre, mais la manière dont il est obtenu et la manière dont il est
traité sont soumises à certaines exigences. C'est ainsi que certains modes de preuve, autrefois
pratiqués, sont exclus parce qu'ils ne correspondent plus à la légalité congolaise ou à la
conception de l'Etat de droit.

Pour servir de base à une décision pénale, le moyen de preuve retenu par le juge doit:
- être compatible avec les principes généraux de droit, le respect de la personnalité humaine et
les droits de la défense;
- être reconnu par la raison et l'expérience comme pouvant conduire le juge à la conviction;
- avoir été régulièrement recueilli et produit285.

En ce sens, il existe des limitations aux principes de la liberté de la preuve et de l’intime


conviction :
- Les moyens de preuves doivent respecter la légalité;
- Les moyens de preuves doivent respecter la force probante que la loi attache à certains actes
(exemple : les procès verbaux) ;
- Les moyens de preuve doivent être rationnels ;
- Les moyens de preuve doivent respecter la dignité humaine ;
- Les moyens de preuve doivent respecter les droits de la défense et être soumis à la
contradiction des débats.

I. Les moyens de preuves doivent respecter la légalité

On ne doit pas récolter les preuves par tous les moyens même en violation de la loi car en
matière de preuves, la fin ne justifie pas les moyens. Les preuves illégales sont celles obtenues
en violation de la loi (par exemple, des actes expressément interdits par la loi).

285
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 4, p. 15.
85

1. Le respect des règles particulières

La preuve est admise pour toute voix de droit, à l'exclusion des moyens incompatibles avec
la loyauté du procès et les principes généraux de droit. Les preuves doivent avoir été obtenues
dans le respect des règles qui gouvernent l'obtention de chacune d'elles (aveu, perquisition,
saisie, témoignage, écoutes téléphoniques, observation avec moyens techniques et vue dans
une habitation, analyse ADN, prise de sang, etc.). Le non respect de certaines dispositions
régissant la récolte des preuves peut priver ces preuves de toute force probante ou atténuer
celle-ci.

L'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire sont des procédures largement


inquisitoires. De ce fait, dans la recherche et la présentation des preuves, il convient de
respecter les règles propres à ce type de procédure et notamment le secret de l'enquête
préliminaire et l'instruction préparatoire. En revanche devant les juridictions de jugement, la
procédure est accusatoire. Il est donc requis que les preuves soient soumises à la libre
contradiction des parties.

C'est ainsi qu'il est interdit au juge de fonder sa décision sur sa connaissance personnelle
des faits. Cela signifie que le juge saisi ne peut faire état d'élément qu'il connaît de science
personnelle ou de fait qui ne résulte pas du dossier qui lui est soumis286. Le juge ne peut pas,
par exemple, se prévaloir de sa connaissance d'un quartier pour considérer qu'il y a trop de
bandits ("kuluna", "shégé", "maibobo") à une heure précise à tel endroit. Il ne peut pas, non
plus, condamner un prévenu sur la base d'éléments puisés dans un autre dossier répressif dès
lors que les deux dossiers n'ont pas été joints et, partant, que leur leurs pièces respectives n'ont
pas été soumises à la sagacité des parties. Tant la partie civile que le ministère public peuvent
se prévaloir de ce principe de la même manière que le prévenu.

2. Les preuves entachées d'irrégularité

Les preuves irrégulières, sont des preuves qui, sans êtres illégales, consistent en des actes
inconciliables avec les règles substantielles de la procédure pénale ou avec les principes

286
R. DECLERCQ, La preuve en matière pénale, Bruxelles, 1988, p. 61, note 261; A. de NAUW, "Les règles
d'exclusion relatives à la preuve en procédure pénale belge", Revue de droit pénal et criminologie, 1990,
p. 715.
86

généraux de droit, dont les droits de la défense287. La notion de régularité de la preuve


renvoie aux valeurs considérées comme essentielles à une bonne administration de la justice
et qui ne sont pas formulées, en tant que telles, dans un texte de loi. Il s'agit notamment des
exigences de dignité de la justice et de loyauté dans la recherche des preuves qui, toutes deux,
touchent au respect de la personne, de la dignité humaine, des principes généraux du droit et
des droits de la défense288. Cette notion renvoie également au respect aux exigences résultant
du respect des droits et libertés fondamentaux et plus particulièrement, du droit à un procès
équitable.

Les preuves ne peuvent être recueillies au bénéfice de moyens illégaux ou déloyaux289. Sont
irrégulières, les preuves obtenues non seulement par un acte qui est expressément interdit par
la loi mais aussi par un acte qui est inconciliable avec les règles substantielles de la procédure
pénale ou avec les principes généraux de droit ou la manière dont elles ont été recueillies sont
en contradiction avec les principes généraux de droit, et en particulier avec le respect des
droits de la défense. Les droits de la défense sont constitués de tout droit résultant d'une
disposition de droit écrit ou consacré par les principes généraux de droit, pour toute partie, de
soutenir ou combattre librement une demande devant une juridiction290. Aussi, la preuve
obtenue en violation des principes généraux de droit, même en dehors de toute législation est
irrégulière291. Ainsi, en est-il, notamment, de la violation de l'impartialité du juge et du droit à
la contradiction292.

287
N. COLETTE-BASECQZ, "Les dernières évolutions concernant les preuves irrégulières en matière pénale",
in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal, éd.
Anthémis, 2013, p.9; N. COLETTE-BASECQZ et N. BLAISE, Manuel de droit pénal général, Limal, 2
ème éd. Anthémis, 2013, p.417.
288
F. KUTY, " Le droit de la preuve au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation", Questions
d'actualité de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2005, p. 60.
289
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 146, p. 120; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 853, p. 750; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris,
éd. PUF, 2001, n° 214, p. 334; D. MOUGENOT, "L'administration de la preuve et les mesures
d'instruction", in H. BOULABAH et F. GEORGES (sous direction), Actualités en droit judiciaire, CUP,
volume 143, Bruxelles, éd. Larcier, 2013, n° 4, p. 307.
290
M. FRANCHIMONT,"Les droits de la défense et leur contexte procédural, le discours de la réalité", in Les
droits de la défense, Liège, éd. Jeune Barreau de Liège, 1985, p.25.
291
M. FRANCHIMONT, "Les nullités en procédure pénale. Une protection lacunaire de la régularité", in Les
nullités en droit belge. Sanction du vice et conséquences. Actes du colloque organisé le 7 juin 1991 par la
conférence Libre du Jeune Barreau de Liège, Liège, éd. Jeune Barreau de Liège, 1991, p. 133-137.
292
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume I., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, p. 51.
87

Les preuves irrégulières englobent celles récoltées notamment en violation de la dignité


humaine, de la dignité de la justice et de la loyauté dans la recherche des preuves, ainsi que
celles qui ne respectent pas les exigences du procès équitable. Il en est ainsi des violences
physiques (tortures) à l'encontre des suspects, inculpés ou témoins. Ce qui exclut des
interrogatoires musclés ou même les interrogations trop longs sans repos.

Sont également prohibées les traitements inhumains ou dégradants, les tortures, méthodes
qui impliquent une diminution ou une suppression du contrôle de soi-même telle que
l'hypnose293, de procédés narcotiques (injection de penthotal, appelé "sérum de vérité")294, les
moyens chimiques ou médicaux destinés à forcer la volonté d'une personne295. De telles
pratiques portent manifestement atteinte à la fiabilité de la preuve ainsi recueillie et
impliquent l'irrégularité à peine de nullité ainsi que le caractère inéquitable du procès. Bref,
les cours et tribunaux doivent écarter la preuve matérielle des débats lorsque:
- elle a été obtenue en violation d'une formalité prescrite à peine de nullité;
- l'irrégularité entache sa fiabilité;
- l'irrégularité compromet le droit au prévenu à un procès équitable.

De preuves illégales ou irrégulières, est nulle ainsi que toutes les autres preuves qui en
découlent. Une preuve est illégale lorsqu'elle est obtenue au moyen d'une infraction, comme
le vol296. Les preuves illégales ou irrégulières ne peuvent servir à former la conviction du
juge. Si celui-ci les admet, sa décision serait est elle-même entachée de nullité et devrait être
censurée par la juridiction d'appel et cassée par la Cour de cassation dès lors qu'il s'agit dans
ce cas de la violation d'une formalité substantielle qui entraîne l'irrégularité de la preuve et,
partant son exclusion. Ainsi des aveux obtenus sous une torture sont nulles et illégales.

Le juge de fond doit vérifier la régularité des preuves car il ne peut fonder sa conviction que
sur des preuves régulièrement obtenues. Dès lors, s'il y a irrégularité, la preuve irrégulière doit

293
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1149.
294
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 148, p. 121; A. RUBBENS, Le droit
judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale, Kinshasa, Bruxelles, éd.
Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 19, p. 45.
295
S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 556, p. 459; M. L.
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 213, p. 334.
296
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1704, p. 854.
88

être écartée des débats ainsi que tout ce qui en découle297. Ainsi, le juge pénal ne peut déclarer
une infraction établie si la preuve en a été obtenue à la suite d'un fait punissable ou de toute
autre manière irrégulière, soit de la part de l'autorité chargée de la recherche, de la
constatation et des poursuites. De même, le juge doit écarter la preuve irrégulière lorsque son
abstention est entachée d'un vice de nature à lui ôter sa fiabilité, tel serait le cas d'une audition
beaucoup plus longue dans des conditions inacceptables. En conséquence, le juge ne saurait
retenir comme preuves, les éléments figurant dans les actes annulés ou les documents obtenus
pas la commission de l'infraction298.

De même, l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire sont des procédures largement


inquisitoires. Dans la recherche et la présentation des preuves, il convient de respecter les
règles propres à ce type de procédure et notamment le respect de l'enquête préliminaire et
l'instruction préparatoire. En revanche, devant les juridictions de jugement, la procédure est
accusatoire. Il est donc requis que les preuves soient soumises à la libre contradiction des
parties. C'est ainsi qu'il est interdit au juge de fonder sa décision sur sa connaissance
personnelle des faits. Dans ce sens, le juge a l'obligation de se limiter aux preuves qui ont été
produites devant lui pour fonder sa conviction.

Enfin, les preuves obtenues en violation de formalités substantielles sont assimilées aux
formalités prescrites à peine de nullité et entraînent la nullité de la preuve299 car étant
considérées comme preuves illégales. Ce sont des formalités à ce point essentielles à une
administration de la justice dont leur violation doit être sanctionnée de nullité300. C'est le cas
des formalités qui touchent à l'organisation des cours et tribunaux au sens large, à un vice
inhérent à un acte d'instruction, à une preuve obtenue de manière déloyale ou attentatoire aux
droits de la défense et une preuve obtenue suite à la commission d'une infraction301.

297
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1152; N. COLETTE-BASECQZ, "Les dernières évolutions concernant les preuves irrégulières en matière
pénale", in B. FOSSEPREZ et A. PUTZ, La preuve au carrefour de cinq disciplines juridiques, Limal,
éd. Anthémis, 2013, p.22; L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume I., Bruxelles, éd. Kluwer,
2005, pp. 49-51.
298
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 152, p. 126.
299
F. KUTY, "Le droit de la preuve au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation", Questions
d'actualité de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2005, pp. 80-81.
300
M. FRANCHIMONT et C. DERENNE-JACOBS, " Les nullités en procédure pénale. Une protection
lacunaire de la régularité", Les nullités en droit belge. Sanction du vice et conséquences, Liège, éd. Jeune
Barreau, 1991, pp. 126 et 138 et s.; B. DE SMET, " Le contrôle de la régularité de l'instruction et les
mécanismes d'atténuation de la sanction de nullité", Revue de droit pénal et criminologie, 2000, p. 773.
301
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume I., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, p. 52.
89

L'atteinte à la fiabilité de la preuve recouvre les hypothèses où l'irrégularité commise


entache la valeur intrinsèque de la preuve. Il s'agirait, par exemple, du recours à l'hypnose, à
la violence ou à la privation d'aliments ou de repos, ou à des procédés déloyaux pour
extorquer un aveu302. La question de la fiabilité de preuve n'est pas fondamentalement
distincte de la préoccupation du droit à un procès équitable, qui ne se limite pas à la phase du
procès, mais également à la manière dont les preuves sont recueillies. Le droit à un procès
équitable s'apprécie par rapport à l'ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la
défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de
contester l'authenticité des preuves et de s'opposer à leur utilisation, en vérifiant si les
circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus jettent le doute sur la
crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l'influence de l'élément de preuve obtenu
irrégulièrement sur l'issue de l'action publique. L'atteinte à la fiabilité de la preuve peut être
prise en compte au niveau de l'appréciation du respect du droit à un procès équitable.
L'atteinte au droit à un procès équitable, qui est la plus souvent invoquée par la défense,
s'apprécie en tenant compte tenu de l'ensemble des éléments de l'ensemble des éléments de la
cause, de la manière selon laquelle la preuve a été recueillie et des circonstances dans
lesquelles l'irrégularité a été commise. Ainsi, lors de son examen des éléments de la cause, le
juge peut avoir égard aux circonstances suivantes:
- le fait que l'autorité chargée de l'enquête préliminaire, de la poursuite des infractions, de
l'instruction préparatoire ait ou non commis intentionnellement l'acte illicite;
- la circonstance que l'illicéité commise soit sans commune mesure avec la gravité de
l'infraction dont l'acte irrégulier a permis la constatation;
- le fait que la preuve obtenue illicitement ne concerne qu'un élément matériel de l'existence
de l'infraction.

Il ressort de ces éléments que la preuve obtenue de manière irrégulière, doit être écartée des
débats. Tel serait le cas, par exemple, pour un acte accompli par un magistrat instructeur en
dépassement de sa saisine ou en violation des règles relatives à l'immunité parlementaire303. Il
a en est de même de l'audition du prévenu pendant l'enquête préliminaire devant les services
de renseignement ou l'OPJ et l'instruction préparatoire devant l'OMP dont l'assistance d'un
avocat lui a été refusée au mépris de l'article 18 de la Constitution du 18 février 2006 qui

302
F. KUTY, "La règle de l'exclusion de la preuve illégale ou irrégulière: de la précision au bouleversement", in
Revue critique de la jurisprudence belge, 2004, pp. 428-429.
303
J. DE CODT, " Preuve pénale et nullités", Revue de droit pénal et criminologie, 2009, pp. 642-648.
90

prévoit que "Toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son
arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend.
Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit
d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La garde à vue ne
peut excéder quarante huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit
être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit
bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa
dignité".

De même l'article 19 de la même Constitution déclare: "Le droit de la défense est organisé
et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un
défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête
policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité".
Lorsqu'il n'y a que des preuves illégales, elles doivent être rejetées par le tribunal et
l'illégalité en cause devrait conduire à l'acquittement du prévenu304.

II. Les moyens de preuves doivent respecter la force probante que la loi attache à certains actes

Si la loi n'attribue , en règle, aucune valeur probante déterminée aux éléments de preuve
pouvant être pris en considération par le juge, le raisonnement et les déductions que celui-ci
effectue sur la base des preuves prises en considération, et dont il apprécie souverainement la
force probante, sont soumis aux exigences de ne pas méconnaître la foi due aux actes. La foi
due aux actes est le respect que l'on doit attacher à ce qui est constaté par écrit305. Ainsi, par
dérogation au principe de la libre appréciation des preuves, il existe différentes hypothèses
dans lesquelles la loi fixe la valeur probante de certains modes de preuves. C'est le cas, en
particulier pour certains procès-verbaux. C'est ainsi que l'article 75 du Code de procédure
pénale déclare: "Sauf pour les procès-verbaux auxquels la loi attache une force probante
particulière, le juge apprécie celle qu'il convient de leur attribuer". L'interprétation de cette
disposition signifie que, les procès verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire et des
procès verbaux valant jusqu'à inscription en faux ont la force probante. Pour les autres procès-
verbaux, il est entendu que "le juge apprécie la force probante qu'il convient de leur

304
R. DECLERCQ, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Swinnen, 1988, pp. 58-59.
305
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 19, p. 25.
91

attribuer". Par conséquent, le juge est libre d'apprécier le crédit qu'il faut attribuer aux procès-
verbaux qui lui sont soumis. Il n'est pas lié par les constatations des OPJ contenues dans ces
procès-verbaux306. Le juge apprécie certes souverainement la valeur probante qu'il attribue à
un acte mais ne peut pas faire mentir l'acte, en tronquer le contenu, lui faire dire autre chose
que ce qu'il dit. Le juge viole la foi due à un acte s'il lui fait dire ce qu'il ne dit pas ou s'il
déclare que l'acte ne dit pas ce qui s'y trouve en réalité307.

Le juge du fond est tenu de répondre aux conclusions contestant la valeur probante de tel
ou tel élément du dossier. En vertu de son obligation de motivation, il doit rencontrer ces
conclusions sans pour autant que sa liberté d'appréciation soit mise en cause. Dans son
interprétation, le juge ne peut méconnaître les termes des textes qu'il apprécie. Des nombreux
pourvois en cassation sont fondés sur la violation de la foi due aux actes soit des procès-
verbaux, soit des témoignages, soit des conclusions, etc. La Cour de cassation doit vérifier si
l'interprétation d'un texte est conciliable avec ses termes, mais l'appréciation de la valeur
probante d'un témoignage n'implique pas, par elle-même, la violation de la foi due à celui-
ci308.

Bref, l'appréciation du juge est souveraine, ce qui signifie qu'il n'est pas tenu de rendre
compte des motifs de sa conviction. Mais la Cour de cassation devrait disposer du droit de
vérifier, sans empiéter sur la souveraineté des appréciations, si celui-ci sont rationnellement
justifiées: elle devrait refuser sans doute à substituer son appréciation à celle des juridictions
de fond mais elle devrait examiner si cette appréciation n'est pas entachée d'un vive radical.

III. Les moyens de preuve doivent être rationnels

Tout élément de preuve est admis pourvu que ce moyen soit rationnel et qu'il soit reconnu
par la raison et l'expérience qu'il peut conduire le juge à la conviction. En d'autres termes, la
preuve d'une infraction ne dépend pas d'un ou de plusieurs moyen(s) déterminé(s). Bien au
contraire, "tout peut faire farine au moulin de la démonstration"309.

306
CSJ, 5 juillet 1983, Mabiala c/Ministère public et Mbombo, RP 237, inédit.
307
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 19, p. 25.
308
R. SCREVENS, " La preuve pénale en droit belge", La présentation de la preuve et la sauvegarde des
libertés individuelles, Bruxelles, éd. Bruylant, 1977, p. 76.
309
J. DE CODT, "Preuve pénale et nullités", Revue de droit pénal et criminologie, 2009, p. 636.
92

Seront rejetés ceux qui, logiquement ou d'après l'expérience, ne sont pas de nature à
contribuer à la manifestation de la vérité. C'est le cas des pratiques divinatoires, la magie et la
sorcellerie. En effet, dans l'Ancien droit (Au Moyen-âge), la procédure pénale était basée sur
le système accusatoire et probatoire de nature divine. La culpabilité résultait de la volonté
exprimée à travers la capacité du prévenu à subir certaines épreuves, telles que l'ordalie, le
duel judiciaire ou le serment purgatoire. La preuve était donc déduite de la résistance
physique des prévenus à résister aux épreuves. Cette endurance qui dépendait fortement des
qualités physiques du prévenu, était censée être l'expression de la volonté de Dieu310. A partir
du XII ème siècle, le système probatoire divin fut progressivement abandonné au profit du
droit romain.

C'est la même exigence qui explique, pour partie, la méfiance dont font l'objet certains
procédés scientifiques utilisés en vue d'arracher les aveux, tel que notamment le l'hypnotisme.
Cette pratique a été condamnée et constitue un moyen de preuve illicite pouvant être exclu
comme moyen de preuve311. Un tel procédé est dangereux étant donné que les aveux obtenus
n'étant pas nécessairement conformes à la vérité, dès lors qu'ils tendent à un "déballage" dans
lequel sont mêlés les souvenirs conscients et les pulsions refoulées dans l'inconscient.

De même, nous pensons que le juge pénal ne peut en aucune manière baser une éventuelle
condamnation sur une preuve illégalement recueillie. En principe, les règles relatives à
l'administration de la preuve exigent que le juge écarte des débats les preuves entachées
d'illégalité ou d'irrégularité en même temps que les éléments qui en sont la suite. Une telle
preuve doit être écartée des débats ainsi que les autres éléments qui en sont la conséquence
directe et immédiate.

A l'audience, les différents éléments de preuve sont soumis à la contradiction des parties. Il
s'agit d'abord de l'ensemble des preuves recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire ou
de l'instruction préparatoire qui reposent dans le dossier écrit de la procédure. Ensuite, la
juridiction de fond peut également prendre en compte les éléments révélés lors de l'audience

310
Voyez J.-P. LEVY, "Le problème de la preuve dans les droits savants du Moyen-âge", Recueil de la société
Jean Bodin pour l'histoire comparative des institutions, Vol. XVII, Bruxelles, Librairie encyclopédique,
1965, pp. 114-122.
311
Voyez P. DE CANT, "Les procédés nouveaux d'investigation scientifique et la protection des droits de la
défense", Revue internationale de droit comparé, 1958, pp. 437-449.
93

publique (déclarations et aveu éventuel du prévenu, auditions de témoins ou d'experts à


l'audience, expertise complémentaire, descente sur les lieux).

IV. Les moyens de preuve doivent être respectueux de la dignité humaine

Sur ce point, doivent être combattus les passages à tabac, les tortures, etc. utilisés en vue
d'arracher les aveux. L'article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1948, l'article 7 du Pacte International des Droits Civils et Politiques du 19 décembre 1966,
interdisent les pratiques de tortures sous toutes ses formes. En RDC, les tortures constituent
des infractions pénales punies par les articles 48 bis, 48 ter et 48 quater de 5 à 20 ans de SPP,
voire même à perpétuité lorsqu'elles ont causé la mort et une amende de 100.000 à 200.000
francs congolais.

La violence sous toutes ses formes, physique ou morale, est évidemment prohibée dans la
recherche des preuves, de manière absolue dans la mesure où elle ne peut être fondée sur une
quelconque nécessité, laquelle ne pourrait consister que dans la réaction de la police à la
violence que leur opposerai la personne interrogée, hypothèse peu probable. Cette prohibition
s'applique dans l'administration de la preuve312. Est ainsi exclu, le recours à la narco-analyse
ou toute autre forme d'utilisation de méthodes en vue de provoquer une diminution ou une
suppression du contrôle de soi-même ou qui permettent de percer toute résistance du sujet313.

L'utilisation de la force physique qui n'est pas rendue strictement nécessaire par le
comportement de cette dernière porte atteinte la dignité humaine314. En conséquence, une
preuve obtenue dans ces circonstances est nulle et illégale.

V. Les moyens de preuve doivent respecter les droits de la défense


et être soumis à la contradiction des débats

Les droits de la défense sont constitués de tout droit résultant d'une disposition de droit
écrit ou consacré par les principes généraux de droit, pour toute partie, de soutenir ou

312
S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 556, p. 459; C. -A.
CHASSIN, "La torture comme mode de preuve à l'aune du droit international contemporain", B.
HERVOUET (sous direction), L'évolution des modes de preuve. Du duel de Carrouges à nos jours,
Limoges, éd. Pulim, 2014, pp. 190-196.
313
H. D. BOSLY, "La régularité de la preuve en matière pénale", Journal des Tribunaux, 1992, p.122.
314
CEDH, 18 octobre 2001, Indelicato c/Italie, JCP, 2002, I, 105, note F. Sudre.
94

combattre librement une demande devant une juridiction315. Conformément au principe de


droit du respect des droits de la défense, tout élément de preuve pris en compte par le juge
pénal doit être soumis oralement à la contradiction des débats, donc devant la juge. Si le
ministère public a la charge de la preuve en tant que partie poursuivante, cela ne signifie pas
pour autant que les autres parties sont confinées dans une attitude purement passive. Le
prévenu doit bénéficier des mêmes armes que celles qui lui sont opposées. Par conséquent, le
prévenu doit pouvoir contredire les éléments de fait et l'argumentation présentés au juge par
la partie poursuivante. La partie civile doit également pouvoir contredire les arguments
avancés tant par le prévenu que par le ministère public. Le principe du contradictoire
implique seulement que chacune des parties doit recevoir la possibilité de contredire
l'ensemble des données sur lesquelles le juge peut se baser pour prendre sa décision et de
solliciter les devoirs d'enquête complémentaires. Le droit à un procès pénal contradictoire
implique aussi pour l'accusation comme la défense, la faculté de prendre connaissance des
observations ou éléments de preuve présentés au juge par l'autre partie en vue d'influencer sa
décision et de les discuter316.

Le juge ne peut recevoir des moyens parvenus à sa connaissance en dehors des débats et
non soumis au débat contradictoire des parties. Il ne peut donc fonder sa conviction sur des
renseignements acquis en dehors de l'instruction ou des débats et que, partant, les parties n'ont
pu contredire à l'audience317. Ainsi, un prévenu ou un accusé ne peut être condamné que s'il
ressort des éléments de la preuve, admis et soumis à la contradiction des parties, qu'il est
coupable au-delà de tout doute raisonnable des faits qui lui sont reprochés. Cela signifie
concrètement que l'ensemble des éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête
préliminaire ou de l'instruction préparatoire sont ainsi soumis à la contradiction des parties et
ils sont discutés, complétés ou contredits lors de l'instruction à l'audience. La défense, si elle
veut être exhaustive, doit donc veiller à discuter tous les éléments de preuve figurant au
dossier et anticipe ce qui pourrait être le raisonnement du juge sur la base de ceux-ci.

315
M. FRANCHIMONT,"Les droits de la défense et leur contexte procédural, le discours de la réalité", in Les
droits de la défense, Liège, éd. Jeune Barreau de Liège, 1985, p.25.
316
CEDH, 9 novembre 2000, Gôc c/Turquie, § 34.
317
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1124; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 853,
p. 750; S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd.
Larcier, 2015, n° 9, pp. 17-18.
95

Le droit à un débat contradictoire implique également que le juge ne peut asseoir sa


décision sur des éléments de fait qu'il connaît par ses propres constatations ou son expérience
personnelle, dont il n'a acquis la connaissance qu'en dehors de la salle d'audience et qui ne
ressortent pas des constatations matérielles des procès-verbaux ou d'autres pièces du dossier,
ni de l'instruction d'audience, de sorte que les parties n'ont pu les contredire. Il est donc
interdit au juge de baser sa décision sur des fiches scientifiques ou techniques, qui n'ont pas
soumises à la contradiction des parties318. Le juge est tenu de rendre sa décision, non d'après
ce qu'il connaît comme homme, mais d'après ce qu'il a appris comme juge.

En matière pénale, le juge apprécie de manière souveraine la valeur probante des éléments
de preuve qui lui sont présentés et qui ont été soumis à la contradiction des parties, à
condition de ne pas violer le droit à un procès équitable et les droits de la défense; ces droits
requièrent que, lorsque le juge fonde sa conviction sur certains éléments de preuve qui
renvoient à d'autres éléments non soumis à la contradiction des parties, il ne peut pas fonder
sa conviction sur ces derniers éléments sans violer lesdits droits s'il ne permet pas au prévenu
de les examiner ou de les faire examiner.

De même, les renseignements qui reposent sur des pièces ou documents identifiés par les
enquêteurs mais qui n'ont pas été joints au dossier, ne peuvent se voir reconnaître une force
probante dès lors que les pièces sur lesquelles ils reposent n'ont pas été soumises à la
contradiction des parties: ils ne valent que comme indication permettant d'ouvrir une enquête
ou d'orienter celle-ci dans une direction déterminée et collecter des preuves de manière
autonome.

318
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1125; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 853,
p. 750; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 213, p. 334.
96

CHAPITRE II : L'APPRECIATION DES PREUVES

SECTION 1: PRINCIPE DE LA LIBRE APPRECIATION DE LA PREUVE

Le système congolais s'est inspiré du système belge et français qui a opté pour le
système de la libre appréciation de la preuve par le juge (principe de la liberté de la preuve)
par opposition au système de la preuve légale dans lequel la force probante des moyens de
preuve est fixé par la loi. En effet, sous l'Ancien Régime, il existait le système des preuves
dites légales, qui attribuait à certains faits une valeur déterminé à l'avance et s'imposant au
juge. Dans le système des preuves légales, la valeur des preuves était tarifée de sorte que, si
la force probante est rapportée, le juge est tenu de condamner, même s'il a une conviction
contraire. Le verdict résulte d'une espèce d'opération arithmétique où l'on évalue des preuves
produites. A chaque moyen de preuve, la loi attachait telle valeur probante, et dès qu'elle était
produite, elle s'imposait au juge qui devrait acquitter ou condamner selon le cas, quelle que
soit par ailleurs sa conviction personnelle.

Ce système comportait des preuves pleines, des preuves semi-pleines, et des preuves
imparfaites319. Le juge devrait condamner du moment que telle preuve, dont la force
probante est légalement déterminée, a été administrée320 de sorte que son pouvoir
d'appréciation était presque nul. Ce système de preuves objectives avait précisément été
élaboré de manière à prémunir du risque de subjectivité lié à l'intervention humaine dans
l'appréciation de la preuve321.

Ce système s'expliquait en un temps où la procédure étant inquisitoire, il servait de


contrepoids à l'arbitraire et aux pouvoirs considérables du juge. Il supprimait tout pouvoir
d'appréciation du juge, contraint par exemple, de condamner en cas d'aveu obtenu par la
torture, et à la limite détruisant la notion même de délibération. C'est pourquoi, la Révolution

319
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 220, p. 347.
320
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 150, p. 125; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 851, p. 747; F. DESNOS, "Des preuves légales à l'intime
conviction: expériences et défenses de la preuve libre à l'époque moderne", in B. HERVOUET (sous
direction), L'évolution des modes de preuve. Du duel de Carrouges à nos jours, Limoges, éd. PULIM, 2014,
pp. 77-100.
321
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, p. 127.
97

française, en même temps qu'il en revenait à la procédure accusatoire, abolissait le système


de preuve légale pour le remplacer par celui de l'intime conviction ou preuves morales322.
L'expérience a révélé les inconvénients de ce système de preuves légales (notamment
l'impossibilité de prévoir le comportement des délinquants) et le Code d'instruction criminelle
de français de 1808 qui a été retenu en Belgique y a renoncé en préférant le système de la
liberté des moyens de preuve323. C'est qui justifie que le système congolais applique le
système de la liberté des moyens de preuve ou la preuve morale.

Le principe de la preuve morale, laisse en effet, au juge le soin de se prononcer sur la


valeur démonstrative des éléments de preuves et de décider si une infraction est ou non
établie. Le juge demeure en ce sens, libre d'évaluer la fiabilité et la force de conviction des
preuves recueillies. Cela signifie qu'actuellement, le juge forme sa conviction librement sans
être tenu par telle preuve plutôt que par telle autre. Il interroge sa conscience et décide en
fonction de son intime conviction. Ce système est en accord avec une procédure de jugement
contradictoire et, dans ce cadre, plus favorable au prévenu. Il existe toutefois des cas, dans
lesquels la loi précise la force probante de certains modes de preuve. Le juge apprécie les
moyens qu'on lui soumet souverainement, d'après son intime conviction, pourvu que son
raisonnement soit motivé. Dès lors que la preuve recueillie est admissible, sa valeur probante
est librement appréciée.

Sauf exception prévue par la loi, il n'existe pas de hiérarchie entre les différents moyens
de preuves; le juge est appelé à prendre sa décision à partir de l'appréciation libre de la valeur
probante des éléments de preuve produits324. Ce système est appelé donc système de l'intime
conviction appelé aussi le système de preuves morales. C'est donc ce système que la RDC
applique dans toutes les phases du procès pénal: à l'enquête préliminaire (devant l'OPJ), à
l'instruction préparatoire (devant l'OMP) et à l'audience (devant la juridiction de jugement).

Avec le système de l'intime conviction, la loi se borne à réglementer la recherche, la

322
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 851, p. 748; L. KENNES, "Vérité et preuve
pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire,
Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, pp. 124 et 126.
323
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1122.
324
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1149.
98

constatation et la production des preuves, mais laisse au juge la liberté entière de leur
appréciation sur la valeur démonstrative des preuves et de décider si un fait est tenu ou non
pour établi. Ainsi, le juge reste libre d'évaluer la fiabilité et la véracité des preuves
régulièrement recueillis et produites, lesquelles n'obéissent pas, sauf exception légales, à un
système de hiérarchisation325. Ce système de la libre appréciation de la preuve par le juge
s'oppose au système de la preuve légale dans lequel la force probante des moyens de preuve
est fixée par la loi.

L'intime conviction du juge ne signifie pas que celui-ci peut se livrer à des décisions
arbitraires ou fantaisistes. Il n'empêche pas le juge à fournir un effort d'analyse des éléments
qui lui sont soumis. L'intime conviction n'est pas fondée sur une simple impression, sur un
sentiment ressenti, mais sur une analyse des faits objectifs avec un appel au raisonnement
inductif et/ou déductif fondé des faits sur l'enchainement des faits326. Et l'on doit préciser que
l'intime conviction ne vaut que pour les juridictions de jugement car les officiers du ministère
public ne statuent que sur la pertinence des charges et non sur la culpabilité. La conviction du
juge doit être raisonnable et sa décision doit être motivée. C'est ainsi que le juge est
notamment libre de fonder sa décision sur des déclarations de témoins qui ne sont pas
mentionnés dans le procès verbal initial mais sont présentés ultérieurement par une partie.

En matière pénale, le juge peut appuyer sa conviction sur tout élément de preuve. Elle
peut être puisée dans les preuves produites à l'occasion des débats à l'audience, peu importe la
gravité de l'infraction ou de la peine prononcée. Il suffit que les moyens de preuve aient été
327
régulièrement versé aux débats et soumis à la libre discussion des parties . Lorsque la loi
n'établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie souverainement, en fait, la
valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction, pour autant qu'ils aient été
soumis à la libre contradiction des parties et il est seul juge de l'utilité que peuvent revêtir les
preuves proposées par les parties pour former son jugement.

Le juge peut ainsi condamner quelqu'un qui nie avoir participé aux faits qu'on lui
reproche. Il peut acquitter quelqu'un qui a avoué avoir commis l'infraction si cet aveu lui

325
O. BACHELET, "La hiérarchie des preuves", in Les transformations de l'administration de la preuve pénale,
Paris, Société de législation comparée, 2006, p. 68.
326
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 851, p. 748.
327
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 152, p. 126.
99

paraît suspect. Il est libre d'accorder ou non du crédit aux différents témoignages. Il peut aussi
s'estimer convaincu par une déposition pourtant discutée par une expertise, se fonder sur de
simples renseignements à l'encontre d'un témoignage sous serment, préférer la déclaration
d'une des personnes poursuivies à celles, concordantes en sens contraire, émanant de
plusieurs autres, tenir compte d'aveux rétractés, retenir des déclarations recueillies sans
serment au cours de l'instruction préparatoire alors même qu'elles ne sont pas confirmées sous
serment à l'audience, se déterminer par rapport à des éléments ne concordant pas avec
certaines constatations des services de police ou s'appuyer sur les seules déclarations de la
victime328. Le juge est enfin libre de combiner entre elles les différentes preuves produites
pour conforter par l'une les insuffisances de l'autre ou inversement329. Il lui est ainsi loisible
de refuser crédit à certaines déclarations et de fonder sa conviction sur d'autres éléments qui
lui sont soumis et qui paraissent constituer des présomptions suffisantes alors même qu'il
existerait dans la cause des éléments en sens contraire330.

La règle de l'intime conviction du juge ne doit pas être prise pour une solution de
facilité. Dire que le juge en fonction de l'intime conviction ne les dispense pas, bien entendu,
ni de recevoir et d'apprécier toutes les preuves, ni même, rechercher eux-mêmes celles qui
leur paraîtraient disponibles et n'auraient pas été produites. L'intime conviction n'est pas la
consécration de la paresse et la fantaisie des magistrats. Ce principe impose donc aux juges
de faire des efforts raisonnables et leur interdit de se déclarer convaincus d'une culpabilité en
l'absence de tout élément de preuve ou l'inverse.

C'est ainsi que le juge ne peut fonder sa conviction que sur des éléments qui ressortent
du dossier et qui ont été soumis à la libre contradiction. En conséquence, le juge ne peut
fonder sa conviction sur des pièces transmises en cours de délibéré et non discutés
contradictoirement.

En conséquence, il résulte de qui précède que la preuve produite ne lie pas le juge, qu'il
n'y a pas de hiérarchie entre les moyens de preuve et que le juge n'est pas lié par une
appréciation antérieure des moyens de preuve soit par une autre juridiction soit par une

328
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1160.
329
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 221, p. 348.
330
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 16, p. 24.
100

juridiction de premier degré. Toutefois, la conviction du juge n'est pas une preuve. Pour être
juridiquement suffisante, cette conviction doit être l'effet d'une preuve.

Comme on le voit, sauf exception prévue par la loi, il n'y a pas une véritable
hiérarchisation des preuves pénales. Néanmoins, afin que la liberté laissée au juge ne mène
pas à l'arbitraire, certaines limites sont prévues reposant pour l'essentiel sur un système
d'exclusion des preuves illégalement admissibles.

Cela signifie que le principe de la liberté de preuve n'est pas absolu; d'une part, la
recherche et l'utilisation des preuves sont soumises au respect des formalités légales et à la
contradiction des parties; d'autre part, les moyens de preuve doivent être compatibles avec
les principes généraux de droit, le respect de la personne humaine et les droits de la défense,
ce qui amène l'exclusion des éléments de preuve obtenus par des procédés déloyaux331.

SECTION 2 : L'EXIGENCE DE LA PREUVE AU DELA


DE TOUT DOUTE RAISONNABLE

En règle, pour déclarer le prévenu coupable, le juge se fondera sur différents éléments
de preuve dont la conjonction emporte sa conviction au-delà de tout doute raisonnable. Toute
fois un seul élément de preuve déterminant pourrait suffire. Dès lors que la preuve est très
solide et ne prête à aucun doute, le besoin d'autres éléments à l'appui devient moindre332.

Ce qui signifie qu'un prévenu ne peut être condamné que s'il ressort des éléments de
preuve, admis et soumis à la contradiction des parties, qu'il est coupable au-delà de tout doute
raisonnable des fais qui lui sont reprochés. En conséquence, l'élément de preuve doit d'abord
être suffisamment précis et constant pour pouvoir être considéré comme fiable. Ensuite, pour
ne pas retomber dans le subjectivisme de l'intime de l’intuition, il doit être objectif en ce sens
qu'il doit pouvoir s'imposer à tous. Il est requis en outre qu'il soit pertinent, c'est-à-dire qu'on
doit pouvoir en inférer une conséquence quant à la culpabilité. Enfin, les éléments de preuve
doivent être concordants: une contradiction entre les éléments de preuve retenus comme
concluants à la culpabilité entraîne nécessairement l'incohérence de la décision. Dès lors
qu'ils se neutralisent ou s'excluent mutuellement, des éléments incompatibles ou

331
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1144.
332
CEDH, 11 juillet 2006, Jalloh c/Allemagne, § 96.
101

contradictoires ne peuvent être retenus cumulativement ou même simultanément pour fonder


une décision de culpabilité333.

La déclaration de culpabilité ne peut être que la conclusion d'un examen rigoureux et


impitoyable des différents éléments de preuve de la culpabilité du prévenu qui ont été
régulièrement présentés par le juge. En d'autres termes, une personne ne peut être déclarée
coupable au terme du procès que si l'accusation a apporté la preuve au-delà de tout doute
raisonnable de la culpabilité de l'accusé. A cet effet le juge doit se poser successivement trois
questions:
- la version donnée par le prévenu soutenant son innocence paraît-il convaincante ou
même plausible ? (si c'est le cas, le juge doit acquitter le prévenu);
- même si la version du prévenu ne me convainc pas, la défense présentée par ce dernier
ou son conseil a-t-elle soulevé en moi un doute raisonnable ? (si c'est le cas, le juge doit
acquitter le prévenu);
- dans l'hypothèse négative, est-ce que l'ensemble des éléments de preuve apportés par
l'accusation établi la preuve hors doute raisonnable de chacun des éléments essentiels de la
prévention retenue à charge du prévenu ?334

En tout état de cause, le juge ne peut déclarer une personne coupable que s'il considère
que la preuve de sa culpabilité a été rapportée au-delà de tout doute raisonnable. En d'autres
termes, l'accusation doit apporter la preuve de la culpabilité du prévenu au-delà de tout doute
raisonnable et les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis en l'espèce et imputables à
ce prévenu. La certitude que l'on demande au juge c'est la certitude de la raison. A défaut
d'avoir été convaincu au-delà de tout doute raisonnable, le juge doit acquitter la personne
concernée, compte tenu du principe de la présomption d'innocence dont elle bénéficie.

Quoi qu'il en soit, jamais un système judiciaire ne pourra être jugé moral s'il accepte
la condamnation d'un innocent. Admettre l'inverse, ce serait admettre que le système
judiciaire puisse poser un acte immoral et, osons le dire, criminel: priver de sa liberté un être

333
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1151.
334
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1152.
102

humain pour un acte qu'il n'as pas commis. Agir de la sorte reviendrait à rendre le système
intrinsèquement antinomique. Il ne méritait pas mieux que le délinquant.

SECTION 3: CHAMP D'APPLICATION DES REGLES DE PREUVE

Toutes les preuves peuvent être présentées devant le tribunal pour emporter sa
conviction. A l'audience, les différents éléments de preuve sont soumis à la contradiction des
parties. Il s'agit d'abord de l'ensemble des preuves recueillies dans le cadre de l'enquête
préliminaire ou de l'instruction préparatoire qui reposent dans le dossier (écrit) de la
procédure. Ensuite, la juridiction de fond peut également prendre en compte les éléments
révélés lors de l'audience publique (déclarations et aveu éventuel du prévenu, auditions de
témoins ou d'experts à l'audience, expertise complémentaire, descente sur les lieux, etc.).

Ainsi, en principe, la procédure accusatoire de jugement a nécessairement un caractère


d'oralité qui implique l'audition des parties et la production de tout le corps de preuves, non
par l'intermédiaire du dossier écrit, mais directement devant le juge qui doit statuer sur la
culpabilité. Le juge peut fonder sa conviction sur des éléments du dossier de l'enquête
préliminaire ou de l'instruction préparatoire et que la déposition écrite d'un témoin, prévenu,
actée antérieurement, peut avoir valeur probante dans le cadre de l'instruction à l'audience.

Le dossier écrit de la procédure, constitué dans le cadre de l'enquête préliminaire de


l'OPJ ou de l'instruction préparatoire de l'OMP, constitue, en règle, la base du débat judiciaire
qui s'organise devant la juridiction de fond. Le dossier pénal est au greffe dans son intégralité
pour être consulté par les parties à compter du moment où la citation devant la juridiction de
fond est signifié aux parties. L'ensemble des éléments de preuve recueillis au cours de
l'enquête préliminaire de l'OPJ ou de l'instruction préparatoire de l'OMP sont ainsi soumis à
la contradiction des parties et ils sont discutés complétés ou contredits lors de l'instruction à
l'audience. Rien n'empêche le juge de prendre en compte des pièces du dossier pénal
contenant des passages soulignés ou entourés par une personne déterminée. Au terme de
l'enquête préliminaire de l'OPJ ou de l'instruction préparatoire de l'OMP, le dossier pénal est,
en principe, inventorié et classé en sous-fardes et contenant différentes pièces.

Au cours de la phase de jugement, le dossier est complété par toutes les pièces de
procédure devant la juridiction de fond: citations, procès-verbaux d'audience, conclusions et
103

pièces déposées par les parties, jugements ou arrêts avant dire droit, jugement ou arrêt sur le
fond, acte d'appel ou pourvoi en cassation, etc.

Ce sont tous ces éléments et pièces qui fonderont la conviction de la juridiction à prendre une
décision dans un sens donné.

De même, il est à observer que les règles de preuve propres à la matière pénale (charge
de la preuve, liberté dans l'administration et dans l'appréciation de la preuve) sont
d'application dès que le fait à prouver est de nature pénale, que l'on se trouve devant les
juridictions pénales ou civiles. En conséquence, si un demandeur au civil sollicite la
réparation d'un dommage causé par une infraction, il lui faut apporter la preuve de tous les
éléments constitutifs de l'infraction et le défendeur peut alléguer avec vraisemblance une
cause de justification, avec pour conséquence qu'il appartiendra au demandeur de renverser
cette vraisemblance335.

SECTION 4: QUELQUES MOYENS DE PREUVE

En vertu du principe de la liberté de la preuve, tout élément susceptible de prouver peut


être utilisé. On devrait donc être, en théorie, dans l'impossibilité d'énumérer les moyens de
preuve pénale. D'une façon générales cependant, les preuves pénales se rattachent toutes plus
ou moins à certains modes de preuves essentiels: le renseignement, premier élément
susceptible d'être recueilli par la police, la police judiciaire, éléments de nature matérielle,
rassemblés sur les lieux de l'infraction ou chez des personnes qui y sont plus ou moins liées;
les déclarations de la personne poursuivie, les témoignages des tiers, les indices matériels ou
de comportement qui ne portent aucune preuve directe mais sont susceptibles de produire des
éléments de conviction par le raisonnement ou l'expertise.

De même, il y a un lien étroit entre chaque type de preuve et une procédure de


rassemblement et de production spécifiques. Le renseignement est recueilli par l'enquête, les
pièces à conviction par sur les perquisitions et saisies, les déclarations du prévenu par
l'interrogatoire, le témoignage par l'audition des témoins tandis que l'indice recueilli avec les
pièces à conviction par les perquisitions et les saisies est interprété par l'expertise.

335
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1172.
104

Selon le principe de la liberté de preuve, aucune de ces preuves n'est exclue ni n'a une
autorité supérieure à celle des autres. Comme nous nous l'avons souligné, sauf exception
prévue par la loi, il n'existe pas de hiérarchie entre les différents moyens de preuves en
matière pénale; le juge est appelé à prendre sa décision à partir de l'appréciation libre de la
valeur probante des éléments de preuve produits336. Cela se justifie par le fait que la
procédure pénale s'attache généralement à établir des faits juridiques dont la preuve ne peut
être préconstituée. La finalité du procès pénal est précisément la manifestation de la vérité, ce
qui implique la liberté de la preuve. Il faut en effet éviter les contraintes du formalisme,
nuisible à l'efficacité du travail de recherche de la vérité en procédure pénale. Cependant,
certaines preuves ont une valeur particulière. Il convient de les examiner.

§ 1. Les constatations directes

Elles portent sur les données matérielles qui font l'infraction ou entourent sa
commission. Elles forment la preuve la plus simple et la plus sûre car elles donnent une vue
directe et immédiate sur l'activité infractionnelle, l'auteur matériel et les circonstances du fait.
Elles peuvent porter sur l'objet ou l'instrument de l'infraction, le plan des lieux, bref, sur toute
personne a priori impliquée dans la commission de l'infraction, sur toute chose ayant fait
l'objet de l'infraction au ayant servi à sa réalisation. Ces constatations peuvent porter sur des
pièces à conviction, à savoir des armes, des effets ou ustensiles divers qui ont servi ou ont été
destinés à commettre l'infraction, des objets qui en étaient le produit et enfin des objets de
nature à servir à la manifestation de la vérité, par exemple des choses découvertes au cours
d'une perquisition, une lettre diffamatoire ou injurieuse, un document faux. A partir de ces
constatations ou objets trouvés sur les lieux, et éventuellement saisis, d'autres déductions
pourront être faites337.

Les constatations matérielles peuvent également concerner la victime qui pourra être
soumise à un examen corporel (par exemple, en matière de viol ou pour les coups et blessures
volontaires). En cas de décès de la victime, elles prennent la forme de l'autopsie. Elles

336
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1149; L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous
direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume
126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, p. 124.
337
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 134, p. 114.
105

peuvent aussi viser la personne poursuivie, soit à l'occasion d'un examen mental ou d'une
enquête de personnalité, soit encore pour faire des constatations médicales, cliniques,
biologiques et notamment une prise de sang.

Les constatations directes peuvent aussi porter sur les plans et des photographies des
lieux de l'infraction et des traces y laissées. La pratique recourt à ces documents
photographiques dans toutes les affaires criminelles et souvent à l'occasion d'accidents
graves. C'est le cas aussi notamment de l'infraction d'audience "délit d'audience" (qui se
commet dans la salle d'audience et les preuves sont visibles) et l'infraction intentionnelle
fragrante ou réputée telle dès lors que l'auteur de l'infraction est arrêté et conduit
immédiatement devant la juridiction compétente avec les effets qui ont servi à l'infraction.

Enfin, les constatations matérielles peuvent résulter d'une visite des lieux de
l'infraction. La police judicaire, le ministère public et le tribunal, ont chacun, soit d'office, soit
sur demande d'une partie, le droit de se transporter sur les lieux car la visite ou descente sur
les lieux peut se faire à tous les stades de la procédure mais pas de la même façon (nous
avons déjà expliqué comment elle se fait au niveau de l'enquête préliminaire et à l'instruction
préparatoire). Au niveau du tribunal, la descente sur les lieux est ordonnée par une décision
préparatoire et les constatations se font contradictoirement dans le respect des droits de la
défense. La visite des lieux se fait publiquement puisqu'elle est le prolongement de
l'audience, sauf si le tribunal ordonnerait légalement le huis clos; elle peut s'accompagner de
devoirs d'instruction comme l'audition de témoins ou d'experts, ou une confrontation338. C'est
une audience foraine: tous les membres de la juridictions doivent y être (tous les juges de la
composition du siège, le ministère public et le greffier), toutes les parties (prévenu, partie
civile, partie civilement responsable, etc.), doivent être présentes, sinon, le défaut sera retenu.

Ainsi, le tribunal peut décider de se rendre sur les lieux pour y faire des constats
directs sur certaines traces des faits ou encore en vue de procéder à une reconstitution
(matérielle ou en imagination) des faits dans le souci de tenter de recréer le cadre concret
où ces faits se sont déroulés. En l’absence des textes de procédure pénale, ce sont des règles des
articles 46 à 48 du Code de procédure civile, qui organisent ce mode d’instruction :

- le tribunal peut décider de se transporter sur le lieu de l’infraction ;


- le tribunal doit ordonner cette mesure par voie de jugement fixant le jour et l’heure de la
338
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Paris, 5 ème éd. Cujas, 2001, p.273.
106

visite ;
- les parties peuvent assister aux opérations de la visite ;
- le tribunal peut commettre un juge du siège qui a rendu le jugement ordonnant la visite
pour accomplir le devoir prescrit ;
- les juges durant la visite, peuvent se faire accompagner par des experts notamment désignés
dans le jugement ;
- le greffier du siège dresse le procès-verbal que signeront le ou les juges, le greffier et
éventuellement les experts;
- le serment des experts éventuels peut avoir lieu avant la signature du procès-verbal donc
après les opérations.

Toutefois, il est nécessaire de procéder à l'évaluation objective de la preuve matérielle,


en confrontant celle-ci notamment aux autres indices, et à l'évaluation subjective, en vérifiant
si les choses n'ont pas été altérées ou falsifiées par l'homme dans un but trompeur. Ainsi, une
veste tachée de sang trouvée chez l'accusé peut être la preuve matérielle de l'infraction
d'homicide, mais, il n'est pas exclu que cette même tâche ait été faite, ou que cette veste ait
été déposée par un ennemi de l'accusé, ou encore par le véritable criminel dont l'objectif est
d'égarer la justice.

En vue d'éviter ce genre de difficultés, il est vivement conseillé à l'instruction de se


transporter sur les lieux immédiatement ou dans le temps le plus proche de la commission de
l'infraction, pour reconstituer les faits, voir l'état des lieux, entendre l'accusé, la victime, les
témoins, apprécier la valeur probante d'une action, d'un événement quelconque, d'une
attitude, etc. Il apparaît ainsi, dès maintenant, qu'un moyen de preuve se suffit rarement, et
que, souvent, le magistrat instructeur ou le juge doivent assurer la jonction des preuves.

Tout ce qui sera fait ou observé lors de la descente sur les lieux, devra donner lieu à un
procès-verbal d'audience, à une discussion et un droit de réplique de toutes les parties
concernées.
107

§ 2. Les procès-verbaux et les écrits

I. Les procès verbaux

1. Notions

Le procès-verbal est l'acte dans lequel un fonctionnaire qualifié relate les faits
dont il a vérifié l'existence et dont la recherche entre dans ses attributions. Les
procès verbaux sont des moyens de preuves qui ont une autorité particulière du fait
qu’ils émanent d’un officier de justice, sa valeur probante est laissée à l’appréciation du
juge. Mais dans certains cas, la loi attache à un procès-verbal une valeur probante
particulière. Ils contiennent le plus souvent, soit des constatations directes, soit des
auditions de suspects ou des parties civiles ou des témoins ou encore le résultat des
opérations effectuées dans la cadre de leur mission de police judiciaire par les membres de
service de police.

2. Valeur probante

Par dérogation au principe de la libre appréciation des preuves, il existe différentes


hypothèses dans lesquelles la loi fixe la valeur probante de certains modes de preuves. C'est le
cas, en particulier pour certains procès-verbaux. C'est ainsi que l'article 75 du Code de
procédure pénale déclare: "Sauf pour les procès-verbaux auxquels la loi attache une force
probante particulière, le juge apprécie celle qu'il convient de leur attribuer". L'interprétation
de cette disposition signifie que, les procès verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire et
des procès verbaux valant jusqu'à inscription en faux ont la force probante, contrairement aux
procès-verbaux classiques qui ne lient pas le juge et pour lesquels, celui-ci apprécie
souverainement leur valeur probante. Pour les autres procès-verbaux, il est entendu que "le
juge apprécie la force probante qu'il convient de leur attribuer".

De manière concrète, certaines infractions ne peuvent être établies que par des modes
de preuve ayant une efficacité particulière et que les magistrats ne pourront pas négliger. Ce
sont pour la plupart, des infractions de droit pénal technique qui, ou bien sont difficiles à
prouver parce qu'elles sont peu susceptibles d'avoir des témoins ou qu'elles laissent peu de
traces, ou bien laissent le public très largement indifférent en sorte qu'on ne peut guère
compter sur sa collaboration à l'établissement de la preuve. Le législateur a prévu que ces
infractions seraient établies par les procès-verbaux ayant une force probante particulière.
108

Dans certains cas, il s'agit de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire et
que le prévenu pourra combattre en démontrant la fausseté de leurs énonciations. C’est le cas
des procès-verbaux des fonctionnaires et agents spécialement chargés de surveiller des
infractions de falsification des denrées alimentaires. Ces procès-verbaux font foi jusqu’à
preuve contraire. Leur effet est de renverser la charge de la preuve. Cela signifie que le juge
est tenu d'accepter ce qui est affirmé dans le procès-verbal, sauf si la preuve contraire est
faite. La preuve contraire pèse alors sur le contrevenant qui ne peut attendre aucune aide de
juridiction. Dans ce cas, la partie au procès qui y a intérêt aura donc à s'efforcer de démontrer
l'inexactitude de ce qui est affirmé dans le procès verbal; ce sera normalement le prévenu. Il
en est ainsi de la preuve de toutes les infractions techniques comme les fraudes alimentaires.

Une variante peut, d'ailleurs, être introduite selon que la preuve contraire peut être faite
par tous les moyens ou selon que les moyens de la preuve contraire sont limitativement
énumérés ou leur production enfermée dans des règles procédurales particulières. C'est ainsi
qu'on peut prouver contre un procès-verbal constatant une infraction que par l'écrit ou le
témoignage. Il s'agit donc des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve du contraire.

Mais le procès-verbal ne vaut jusqu'à preuve contraire s'il est dressé sur la base de
constatations obtenues d'une manière illégale ou incompatible avec les principes généraux de
droit339.

Dans d'autres cas, les procès-verbaux de constatation des infractions font preuve jusqu'à
inscription de faux en sorte que le prévenu visé ne peut les combattre qu'en faisant condamner
leur rédacteur comme faussaire par la procédure de l'inscription de faux qui est tellement
compliquée qu'elle a, en pratique, fort peu de chances d'aboutir. On les appelle les procès-
verbaux faisant foi jusqu'à inscription en faux. On les trouve notamment dans le domaine
douanier. C’est le cas de certains procès-verbaux reflétant les opérations ou les constatations
faites par l’officier ou l’agent de douanes verbalisateur. Cela se justifie par le fait qu'en
matière de douanes, le verbalisant doit indiquer le passage à la frontière d'un objet
déterminé. Ces procès verbaux font foi jusqu’à inscription en faux. Ces procès-verbaux ne
peuvent être attaqués que par la voie d'une procédure très formaliste, dite de l'inscription de
faux, visant à établir que le rédacteur est un faussaire: des écrits et des témoins ne sont donc
pas suffisants.

339
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1752, p. 876.
109

La valeur probante particulière de ces procès-verbaux (procès-verbaux qui font foi jusqu'à
preuve contraire et procès-verbaux faisant foi jusqu'à inscription en faux) est cependant
subordonnée au respect de conditions suivantes:
- la force probante ne s'attache qu'aux constatations faites directement par l'agent lui-même;
-la constatation doit être d'ordre matériel et non d'une opinion (les déductions et
interprétations faites par le rédacteur peuvent être discutées par le prévenu à l'audience);
- la constatation doit être faite par l'agent dans le cadre de l'exercice régulier de ses fonctions;
- le procès-verbal doit régulier au fond (uniquement pour les infractions particulières) et en la
forme (respect de toutes les formalités pour ces infractions particulières).

Si un tel procès-verbal perd pour l'une ou l'autre de ces raisons sa force probante particulière,
il pourrait conserver tout de même valeur ordinaire de simple renseignement dont le juge
pourrait apprécier librement. Exemples: en cas d'infractions relatives aux douane et accises,
l'OPJ peu proposer à l'auteur de ces infractions, en cas d'accord, le dossier peut être clôturé;
en cas désaccord, le dossier peut être transmis à l'officier du ministère public pour que les
poursuites pénales puissent avoir lieu.

Par conséquent, le juge est libre d'apprécier le crédit qu'il faut attribuer aux procès-verbaux
qui lui sont soumis. Il n'est pas lié par les constatations des OPJ contenues dans ces procès-
verbaux340. Le juge apprécie certes souverainement la valeur probante qu'il attribue à un acte
mais ne peut pas faire mentir l'acte, en tronquer le contenu, lui faire dire autre chose que ce
qu'il dit.

Si l'on reconnait habituellement aux procès-verbaux une force probante, c'est en raison de la
confiance qui s'attache aux membres de la police judiciaire qui en sont les auteurs. Il en
résulte que ces actes ne font preuve que des faits qui ont été personnellement constatés par les
verbalisateurs et dans la mesure où ils avaient pour mission de les constater. Ainsi, un écrit
contenant certaines constatations, qui n'est pas un véritable procès-verbal en raison de
l'incompétence du rédacteur constitue un simple renseignement. Il en est aussi d'un écrit
rédigé par un auxiliaire de police qui n'a pas qualité d'OPJ pour constater une infraction et

340
CSJ, 5 juillet 1983, Mabiala c/Ministère public et Mbombo, RP 237, inédit.
110

rédiger le procès-verbal ne peut pas avoir la valeur probante car il est considéré comme
simple renseignement.
Sauf les exceptions légales, la valeur probante d'un procès-verbal consiste en ce que le juge
ne peut en faire le fondement de sa conviction, mais conserve sa complète liberté
d'appréciation quant au contenu du document. Il ne peut évidemment violer la foi due à l'acte,
mais il reste libre de décider le contraire de ce que le procès-verbal énonce. S'il ne peut faire
mentir l'acte, il n'est cependant pas forcé de considérer comme vrai tout ce que le rédacteur du
procès-verbal affirme avoir vu, entendu, appris ou fait.

La force probante des procès verbaux est apprécié par le juge, comme pour toute
autre preuve. Toutefois, comme nous l'avons souligné, les procès verbaux peuvent
avoir, par la volonté de la loi, une force probante différenciée: jusqu'à inscription en
faux (c'est-à-dire qu'ils sont probants jusqu'à prouver il s'agit de faux), jusqu'à
preuve du contraire (c'est-à-dire qu'ils sont probants à moins de prouver le contraire)
ou titre à de renseignements (ce qui est souvent les cas). C'est le cas des déclarations
faites au cours de l'instruction préparatoire sous procès-verbal.

La jurisprudence admet qu’il faut accorder plus de crédit aux procès-verbaux de constat
qu’aux procès-verbaux d’enquête: il s’agit d’une appréciation tirée de l’article 74 du Code de
procédure pénale qui, réglementant l’oralité, dispose que le greffier doit donner lecture des
procès-verbaux de constat. Enfin, l'article 75 du Code de procédure pénale prévoit que sauf
pour les procès-verbaux auxquels la loi attache une force probante particulière, le juge
apprécie celle qu'il convient de leur attribuer.

Seules les constatations personnelles du verbalisant, agissant en personne et dans les


limites de sa compétence et de sa mission, les éléments constitutifs de l'infraction et les
circonstances y afférant ont une force probante, à la différence de déductions du verbalisant et
les informations qu'il obtient hors de ces constatations341. En d'autres termes, lorsqu'un procès
verbal est revêtu d'une force probante particulière, celle-ci ne vaut que pour les constatations
matérielles faites par les agents verbalisateurs, et non pour les déductions ou présomptions
que ceux-ci tirent de leurs constatations, ni pour les appréciations personnelles des

341
Cour de cassation belge, 15 janvier 2001, Pasicrisie belge, 2001, p.90.
111

rédacteurs342. Enfin, la force probante jusqu'à preuve du contraire ne vaut pas non plus pour la
sincérité ou l'exactitude des déclarations ou dépositions des tiers autres que les verbalisateurs.

II. Les écrits

1. Notions

Sauf dans le cas du faux et de l'usage de faux où le corps même de l'infraction est un
écrit, les preuves écrites des infractions sont rares. Il arrive cependant qu'un écrit
extrajudiciaire (correspondance, agenda, comptabilité, etc.) contienne un aveu, révèle une
intention doleuse. La production de pareil écrit, soit par le ministère public (document saisi
pendant l'instruction préparatoire), soit par une partie privée peut évidemment être reçue et
former la conviction des juges. Il est aussi fréquent que le prévenu produise, pour sa
justification ou son excuse, des écrits établis antérieurement aux poursuites.

Les écrits peuvent constituer la preuve d'une infraction. Ils s'agit des documents,
comptabilité, lettres, missives, même confidentielles, etc. Ces écrits peuvent être trouvés sur
les lieux ou dans des habitations, par l'intermédiaire de perquisitions et saisies. Cette preuve,
qui ressort de l'examen de documents, est parfois appelé "preuve littérale". Les documents
écrits forment la preuve écrite ou littérale. Elle est une des preuves les plus sûres car, lorsque
la preuve est complète, elle est parfaite. Une preuve écrite est complète lorsque, quant à la
forme, elle émane de la personne qui a qualité pour l'établir et, quant au fond, elle a un
contenue sincère et exact au regard de la cause qui est jugée et de ce qu'il faut prouver.

Les écrits constituent une forme des autres preuves, en ce sens que, s'ils sont reconnus
authentiques et vrais, ils peuvent consister en des aveux quand ils émanent de l'accusé, en
témoignages lorsqu'ils sont le fait d'un tiers étranger au procès, en des indices, si, a défaut
d'aveu ou témoignage, l'écrit contient des indications d'où peuvent être tirées des
présomptions, en constatations même, dans le cas où l'écrit constitue le corps de l'infraction
ou sa preuve (cas de faux en écriture, de dénonciation calomnieuse, diffamation, de
l'infraction de presse, etc.).

342
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1159.
112

2. Valeur probante

Les écrits les plus probants sont les actes authentiques, dressés par un officier public
compétent sous certaines formalités substantielles, et qui font foi tant que leur caractère faux
n'a pas été établi par un jugement définitif. Il en est ainsi des actes notariés, des actes de l'état
civil, ceux dressés par un huissier, un greffier ou un consul, etc. Les actes authentiques
ordinaires sont d'usage plus courant en matière civile qu'en matière pénale. Dans la catégorie
d'actes écrits, il convient de mentionner également les procès-verbaux qui sont spécialement
dressés pour constater les infractions.

Toutefois, l'écrit, en tant que preuve en matière pénale, a une portée tout autre que celle
qui lui est conférée dans l'administration de la preuve en matière civile.

L'écrit peut constituer le corps de l'infraction. La preuve se fera, alors, par constatation
directes. C'est le cas notamment en matière de faux en écritures, de menaces de mort par écrit,
etc. L'écrit peut aussi contenir des déclarations d'inculpé ou de tiers; c'est le cas des lettres
missives, des notes particulières, des papiers trouvés sur les lieux de l'infraction, des registres
et papiers domestiques, de la comptabilité d'entreprise, etc. Dans ce cas, nous nous trouvons
en face d'indices et de présomptions, ou même d'aveux extrajudiciaires ou de déclaration de
témoins ou de personnes susceptibles de devenir des témoins. Ces documents peuvent avoir
été trouvés lors d'une perquisition suivie d'une saisie, mais l'utilisation des écrits dans le
procès pénal est évidemment subordonnée à des conditions rigoureuses, notamment quant aux
procédés par lesquels ils sont entrés en possession du juge343.

Enfin, constituent des écrits et peuvent servir de preuve les différents éléments du dossier
de l'enquête préliminaire et de l'instruction préparatoire; il faut évidemment qu'ils aient été
mis à la disposition des parties, qu'elles aient pu en avoir connaissance et les contredire. Le
juge du fond apprécie souverainement la valeur des documents apportés par diverses parties,
notamment les lettres qui seraient utilisées par elles344.

343
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1202.
344
A. BRAAS, Précis de procédure pénale, Paris, Bruylant, 1950-1951, n° 708.
113

Lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, le juge peut fonder sa conviction sur
des preuves écrites, à condition qu'il n'en viole pas la foi. La foi due à un acte est le respect
que l'on doit attacher à ce qui est constaté par un écrit; il ne peut y avoir de violation de la foi
due à une photographie annexée à un écrit que dans la mesure où cette photo forme un
ensemble avec le texte qui la commente345.

Les attestations, certificats et dépositions écrits, bref tous les actes extrajudiciaires dressés
pour les besoins de la cause, doivent être accueillis avec la plus grade grande circonspection:
il faut toujours se demander s'ils n'ont pas été sollicités. Cependant, il n'y a aucune raison de
les rejeter des débats, s'il n'apparaît pas qu'ils auraient été obtenus par des moyens
inavouables. Il ne se justifie pas de récuser d'office les témoins qui auraient souscrit de tels
écrits. Il peut être fort utile au contraire de les entendre car aucun texte ne s'y oppose.

§ 3. L'aveu

I. Notions

On appelle l'aveu, les déclarations du prévenu par lesquelles il reconnaît en totalité ou


en partie le bien fondé des accusations portées contre lui. De manière concrète, l'aveu est
l'acte par lequel un individu reconnaît, librement et volontairement, avoir posé un acte
qualifié d'infraction par la loi, devant un représentant de l'autorité policière ou judiciaire.

L'aveu peut être partiel ou total. On parle d'aveu partiel lorsque le suspect reconnaît
certains éléments constitutifs d'une infraction mais en conteste d'autres. Il en va ainsi
lorsqu'il admet la matérialité des faits mais nie sa responsabilité pénale à défaut
d'éléments moral. On parle d'aveu total lorsque le suspect (auteur présumé de
l'infraction, prévenu) reconnaît la totalité de bien fondé des accusations portées contre
lui.

L'aveu peut être aussi judiciaire et extrajudiciaire. L'aveu est judiciaire s'il est formulé
devant un juge ou l'OMP. L'aveu est extrajudiciaire s'il est exprimé devant toute autre

345
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1150.
114

autorité judiciaire ou par écrit346. C'est lorsqu'il n'est connu qu'indirectement par le juge
soit par les procès-verbaux, témoignages, confessions écrites. De même, l'aveu
extrajudiciaire est celui qui peut être déduit du comportement de l'intéressé: aveu fait à un
tiers pour soulager sa conscience ou par inadvertance, indices de comportement (fuite,
déplacements successifs, destructions d'objets, etc.). Généralement, l’aveu judiciaire
formulé à l’audience par le prévenu est considéré comme la preuve parfaite. C'est l'aveu
judiciaire qui est fondamental car la déclaration faite à un tiers et rapportée par celui-ci est
un témoignage; les indices de comportement, comme son non l'indique, sont des indices.

La personne avoue spontanément, après avoir été sollicitée par les autorités judiciaires
ou après avoir été confrontée à d'autres éléments de preuve. Mais l'aveu doit être libre et
volontaire. A défaut, la notion même d'aveu n'est pas d'application car la question de
l'autonomie de la volonté fait d'ailleurs l'objet de la majorité des contestations de la validité
de ce mode de preuve présenté par les parties poursuivantes.

Alors qu'en droit anglais, la preuve par ouï-dire est en principe interdite, les droits belge
et congolais tolèrent l'aveu extrajudiciaire dont la force probante est, dans une certaine
mesure, laissée à l'appréciation des juges. L'aveu fait en justice, s'il est qu'un élément de
preuve parmi beaucoup d'autres, a, dans la psychologie judiciaire, une importance
beaucoup plus grande. Il rassure la conscience du juge, tranquillise ses scrupules ou ses
hésitations et rend plus facile le déroulement du procès pénal; il en est de même à l'égard
de l'opinion publique. L'aveu est dès lors la preuve la plus recherchée au stade de l'enquête,
l'information, de l'instruction et du jugement347.

L'aveu a été considérée pendant longtemps comme la reine des preuves (preuve par
excellence), preuve à la fois suffisante et indispensable de culpabilité car il était
synonyme de vérité-réalité, l'ultima probatio d'une part parce qu'il était de nature à
rassurer la conscience du juge, d'autre part, parce qu'on estimait que personne n'avait
intérêt à témoigner contre soi-même. Seul l'aveu, permettait dans l'Ancien droit (entre le

346
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 589, p. 310; L.
KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 35, p.
148.
347
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.
1173.
115

XII ème et XVIII ème siècle), de prononcer les condamnations à mort et qu'en l'absence
d'aveu une décision manquait d'autorité de la chose jugée348. Ainsi, lorsque l'aveu était
fait en justice, il avait valeur de notoriété et se suffisait donc à lui-même, ce qui justifiait
automatiquement la condamnation dans la mesure où la preuve contraire était impossible
à rapporter voire même interdite de sorte qu'il était inutile, pour les autorités judiciaires,
de poursuivre les investigations. L'aveu facilitait donc la tâche du juge dans son travail
de vérité judiciaire et le dispensait de rechercher la vérité-réalité par l'audition de témoins
ou l'examen d'un écrit.

De même, les preuves orales étaient majoritaires en raison de l'illettrisme frappant la


grande majorité de la population de sorte que les aveux étaient privilégiés. Ces derniers
présentaient par ailleurs, le double avantage d'être rationnels et d'offrir une proximité,
certes apparente, avec la réalité des faits puisqu'ils provenaient de l'auteur lui-même349.

La nécessité d'obtenir des aveux à tout prix a malheureusement eu pour dérive


d'institutionnaliser le recours à la torture. Dans ce contexte, la vérité judiciaire n'est plus
établie par le seul aveu de la personne poursuivie de sorte qu'il appartient à l'accusation
d'utiliser diverses preuves pour établir la culpabilité de la personne qu'il entend voir
condamner. C'est ainsi qu'aujourd'hui, avec l'enseignement de la psychologie judiciaire,
l'aveu ne bénéfice plus d'un aussi grand crédit et n'est plus un mode de preuve décisif.
Des aveux peuvent être mensongers pour des raisons diverses. Le plus grand nombre
d'aveux se font sous l'effet de l'intimidation, de la peur, de la souffrance ou de la torture
(surtout dans les pays où L'Etat de droit n'est pas encore enraciné) ou par la fatigue due à
la longueur d'un interrogatoire; dans ce cas, l'aveu peut ne pas s'avérer probant. Ainsi,
des auditions longues et effectuées de nuit fragilisent les aveux et les informations
qu'elles contiendraient.

C'est pourquoi, il faut s’en méfier car des nombreux aveux sont inexacts: il peut y avoir
des aveux de jactance, de désespoir ou de complaisance ou de ceux qui sont les faits des
malades mentaux (débiles légers) ou des personnes psychologiquement faibles (jeunes

348
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 210, p. 329.
349
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, pp. 126-
127.
116

enfants) ou des mythomanes faisant des aveux de vantardise, sans compter qu’il y en a qui
sont extorqués par les procédés odieux (tortures physiques ou morales). Il existe aussi des
aveux de désespoir. De même certains aveux ont pu être faits par lassitude, ou par des
personnes voulant protéger un tiers, ou dont l'équilibre psychologique était douteux, voire
des personnes soucieuses d'appeler l'attention sur elles350. Il peut y avoir des aveux de
diversion de détenus qui veulent varier leur vie carcérale, être transférés dans un autre
établissement pénitentiaire ou s'ouvrir de perspectives d'évasion. Il existe également des
aveux passés qui sont douteux alors même qu'ils sont spontanés.

Enfin, il existe des aveux par intérêt, de dévouement (par exemple pour sauver un être
cher), de défi ou destinés à protéger le vrai coupable, des aveux de couverture de
personnes innocentes, au moins des faits précis en cause, et qui s'accusent pour en
dégager d'autres. Dans certains cas, il s'agit d'une couverture affective pour protéger un
proche. Dans d'autres cas, il s'agit de couvertures raisonnées à partir des antécédents des
personnes susceptibles d'être impliquées pour choisir le coupable qui risque le moins.
C'est le cas de personnes placées dans l'hypothèse d'un concours réel d'infraction et qui
ne risquent rien à avouer des infractions supplémentaires par rapport à celles déjà établies
à leur charge au moins si elles sont assez graves. C'est le cas, à l'inverse de personnes qui
n'ont pas d'antécédents relevés et qui risquent, à infraction d'égale gravité, des peines
moindres que le coupable effectif au lourd casier judiciaire. Ce peut être celui de
l'homme de main qui s'accuse, par discipline de gang, à la place de son chef351.

Vu le caractère subjectif de l'aveu, la volonté de faire une déclaration dépend de


facteurs psychologiques liés à la personnalité de l'intéressé et qui peuvent être renforcés
dans des circonstances déterminées. Si la personne interrogée est faible ou simplement
nerveuse et se trouve devant un enquêteur dominant, il est probable qu'elle fera des
déclarations dans le sens voulu par l'enquêteur. Au cas où une telle situation est
accompagnée par l'emploi de méthodes manipulatrices, il est à craindre que l'inculpé
fasse encore plus facilement des confessions, même s'il est innocent. Il arrive
régulièrement que les prévenus rétractent leurs confessions en disant qu'ils furent poussés
à faire une déclaration. Surtout dans les affaires sensibles qui ont attiré l'attention des

350
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 136, p. 115; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 852, p. 749.
351
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 246, p. 396.
117

médias, la police est soumise à une pression pour appréhender les auteurs, de sorte qu'il
n'est pas douteux que certaines méthodes agressives puissent être employées. Ces
dangers doivent être pris en considération lorsque le juge est confronté à un aveu, afin
qu'une condamnation automatique soit exclue352.

Pourtant en RDC, de manière générale, l'application de la procédure pénale est encore


fondée sur la recherche sacro-sainte d'aveux. Ce mode de preuve demeure la preuve par
excellence de culpabilité ou de reconnaissance de la commission de l'infraction. En ce
sens, il est exceptionnel que des aveux, lorsqu'ils sont déclarés recevables, n'entrainent
pas la condamnation par le tribunal. C'est ainsi que dans certaines affaires, les OPJ
(durant l'enquête préliminaire), les OMP (durant l'instruction préparatoire) ont l'habitude
d'utiliser des stratégies critiquables afin d'obtenir coûte que coûte un aveu dès que la
culpabilité soupçonnée leur paraît être incontestable. Cette situation est d'autant plus
délicate qu'il est pratiquement impossible pour le prévenu qui comparaît à l'audience
publique devant le tribunal, de démontrer la manière dont s'est effectivement déroulé un
interrogatoire devant l'OPJ (surtout l'Agence Nationale de Renseignements-ANR), réalisé
par définition dans un lieu clos.

Mais l'aveu est considéré par beaucoup de praticiens comme une bonne preuve,
comme un moyen sécurisant et il correspond le plus souvent à la vérité353. C'est
pourquoi, certains juristes estiment que le juge de fond serait tenu de motiver sa décision
de ne pas retenir les aveux d'un prévenu. Ils justifient cette position, en particulier, par le
principe de la foi due aux actes354.

352
B. DE SMET, "La valeur de l'aveu en matière pénale", Revue de droit pénal et de criminologie, 1994, p. 651;
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête
de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 43,
p. 153.
353
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 852, p. 749.
354
P.- E. TROUSSE et R. LEGROS, Les Novelles-Droit pénal, Tome I, Volume II, Bruxelles, éd. Larcier, 1962,
n° 3554.
118

II. Conditions de validité

1. Le prévenu doit être interrogé

Il faut que le prévenu soit à mesure d'expliquer et de se justifier. L'interrogatoire est


très important dans le cadre de l'instruction pénale. Il l'est davantage dans le cadre
devant les juridictions de fond et constitue, une procédure normale de l'audience.

2. Les aveux doivent respecter la légalité et les principes généraux de droit

Le but d'un interrogatoire devant la police ou l'OPJ ou l'OMP n'est pas d'obtenir à
tout prix l'aveu de la personne soupçonnée, mais de recueillir tous les renseignements
utiles concernant les circonstances particulières de l'infraction qui vient d'être commise.
En ce sens, les interrogatoires policiers qui sont uniquement destinés à arracher un aveu
sans preuve corroborante doivent être exclus.

Les aveux ne peuvent être retenus que s'ils ont été obtenus d'une manière loyale et
régulière; dès lors les déclarations obtenues par violences, menaces, pression, ou
provocations doivent être considérés comme non avenues et être écartées des débats. Il
en est de même des aveux extorqués sous la torture ou bénéfice de traitements
inhumains ou dégradants ou qui résulteraient d'une procédure illégale ou annulée.
Pourraient être aussi annulées, les informations recueillies grâce à l'usage de la
contrainte ou de pressions355. Dans ce sens, ni les enquêteurs ni le magistrat instructeur
ne peuvent menacer une personne de dire la vérité sous peine d'être placée sous mandat
d'arrêt provisoire. De tels aveux sont considérés comme entachant l'inéquité l'ensemble
de la procédure, que l'admission de ces éléments ait ou non été déterminante pour le
verdict de la culpabilité qui avait frappé le requérant356. L'article 15 de la Convention

355
J. DE CODT, "Les nullités de l'instruction préparatoire et le droit de la preuve. Tendances récentes", in Revue
de droit pénal et criminologie, 2000, p. 40.
356
CEDH, 6 juin 2000, Magee c/Royaume Uni, § 44; CEDH, 20 juin 2006, Örs et autres c/Turquie, n° 46213/99,
§ 60; CEDH, 28 juin 2007, Haroutyounian c/ Arménie, n° 36549, §§ 63, 65 et 66; CEDH, 21 septembre
2006, Söylemez c/Turquie, n° 46661/99, §§107 et 122-124; CEDH, 16 décembre 2008, Levinta
c/Moldavie, n° 17332/03, §§ 101 et 104-105; CEDH, 17 octobre 2006, Göçmen c/Turquie, n° 72000/01,
§§ 73-74; CEDH, 30 juin 2008, Gäfgen c/ Allemagne, § 99; CEDH, 1 er juin 2010, Gäfgen c/ Allemagne.
Sur cet arrêt, voyez O. MICHELS et A. JACOBS, "Les implications de la jurisprudence récente de la
Cour de européenne des droits de l'homme sur les preuves-la jurisprudence Salduz et l'arrêt Gäfgen",
Journal des Tribunaux, 2011, pp 153-161; M.-A. BEERNAERT, "La Cour européenne des droits de
119

des Nations Unies contre la torture de 1984 prévoit l'irrecevabilité des aveux obtenus par
torture devant la justice357. Ces aveux peuvent être rejetés par le tribunal étant donné
qu'ils constituent un traitement inhumain et dégradant au sens de la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme et le Pacte international des droits civils et politiques
du 19 décembre 1966.

De même, les auditions menées jusqu'au finish, doivent être sanctionnées de


l'irrecevabilité. Ces auditions, caractérisées par une durée excessive, sont fréquemment
exécutées la nuit. Les auditions longues effectuées de nuit fragilisent les aveux et les
informations qu'elles contiennent. Il en est ainsi d'un interrogatoire de police de plus 14
heures entrecoupé d'une fouille vestimentaire traumatisante358.

Aussi, des études scientifiques ont montré que la privation de nourriture et de sommeil lors
d'un interrogatoire entraîne un état mental affaibli du suspect. Il devient inattentif, sensible
aux questions suggestions, ce qui facilite l'arrachement d'un aveu359. La privation du sommeil
et de nourriture, la station débout dans une posture de tension et l'encapuchonnement360 des
suspects, destinés à arracher des aveux, sont des méthodes condamnées361. Ainsi, des aveux
obtenus pendant une longue garde-à-vue, subie en secret, forment un des éléments permettant
de conclure qu'il ya eu violation du droit à un procès équitable362. C'est le cas des aveux
arrachés au niveau de l'Agence nationale des renseignements (ANR). En ce sens, le tribunal
pourra écarter les aveux du prévenu arrachés pendant l'enquête préliminaire dont les
verbalisants avaient reconnu s'être énervé et avoir haussé le ton sur le suspect alors que celui-

l'homme en demi-teinte sur les limites de l'interdiction des traitements inhumains et dégradants", Revue
trimestrielle des droits de l'homme, 2011, pp. 359-373; Voyez aussi F. KUTY, Justice pénale et procès
équitable, Volume 2, Bruxelles, éd. Larcier, 2006, p. 621.
357
Voyez C. -A. CHASSIN, "La torture comme mode de preuve à l'aune du droit international contemporain",
in B. HERVOUET (sous direction), L'évolution des modes de preuve. Du duel de Carrouges à nos jours,
Limoges, éd. PULIM, 2014, pp. 199-204; L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous
direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126,
Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 51, p. 161.
358
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 43, p.
154.
359
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 617, p. 322.
360
Selon le dictionnaire Larousse, c'est couvrir d'un capuchon, ramener la tête contre le poitrail pour échapper à
l'action du mors, en parlant du cheval.
361
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume Uni, Publication de la Cour Européenne des Droits de l'Homme,
Série A, n° 25, § 167.
362
CEDH, 6 décembre 1988, Barberà, Messegué et Jabardo c/ Espagne.
120

ci était attaché par des menottes363.

Selon la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, il est en principe porté
une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des aveux faits lors d'un
interrogatoire de police subi sans assistance possible d'un avocat sont utilisés pour
fonder une condamnation364. Il en est également des juges d'appel qui prennent en
compte, pour conclure à la crédibilité de la plainte et, de là, au bien fondé des
poursuites, des déclarations auto-accusatrices faites à la police dans les vingt-quatre
heures de la privation de liberté par un suspect qui, en l'absence de conseil, a pu ne pas
appréhender les conséquences juridiques de ses dires365.

Cependant, les enquêteurs peuvent, avoir recours à la ruse pour vérifier la véracité des
déclarations de la personne interrogée. Il n'est par conséquent pas irrégulier, en soi, de
feindre connaître la vérité, avoir de l'empathie pour l'intéressé ou utiliser le profil
psychologique du suspect pour l'exhorter à dire la vérité.

Il nous paraît, à défaut pour l'audition d'avoir été filmée, absolument nécessaire que les
enquêteurs dressent un procès-verbal détaillant les techniques d'interrogatoire auxquels ils ont
eu recours. Cela permettra aux juridictions d'apprécier, non seulement la régularité de ces
techniques, mais également la valeur probante des déclarations ainsi formulées.

III. Valeur probante

L'aveu n'a pas de valeur probante en matière pénale366 même s'il s'agit d'un aveu
spontané et réitéré de bout en bout de la procédure. C'est une des différences
fondamentales entre le système procédural congolais (hérité de la Belgique, lui aussi
hérité de la France) et le système anglo-saxon. Dans le système anglo-saxon, le prévenu
choisit, à l'origine du procès, de plaider coupable ou non coupable et l'aveu de sa
culpabilité lie la procédure sans qu'on puisse se préoccuper de savoir s'il correspond ou

363
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 52, p.
162.
364
CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c/Turquie (Grande chambre), §55.
365
Cour de cassation belge, 15 décembre 2010, RG P.10.0914.F., Pasicrisie belge, n° 743.
366
B. DE SMET, "La valeur de l'aveu en matière pénale", in Revue de droit pénal et criminologie, 1994, pp. 631-
664; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 237, p. 378.
121

non à la réalité. La culpabilité est considérée comme acquise, le jury est renvoyé et la
Cour, demeurée seule, se borne à statuer sur la peine367.

Dans le système congolais, l'aveu comme élément de preuve, est laissé à


l'appréciation du juge étant donné que les déclarations du prévenu n'ont pas de force
probante particulière. Le juge appréciera celle qu'il convient d'accorder aux déclarations
ainsi que les conséquences des éventuelles contradictions relevées au travers de celles-
ci. Par conséquent, le juge peut écarter un aveu suspect ou de ne pas tenir compte de sa
rétractation. Le juge peut acquitter le prévenu nonobstant l'aveu. Il peut aussi se passer
de l'aveu et se contenter des déclarations des coprévenus lorsqu'elles sont corroborées
par d'autres éléments comme les indices368. L'aveu, même judiciaire, ne constitue pas, en
matière pénale, une dispense de preuve et ne vaut que comme présomption369.

C'est pourquoi, l'appréciation de la sincérité d'un aveu en matière répressive relève du


pouvoir souverain du juge du fond. Le juge apprécie souverainement la sincérité d'un
aveu fait par le prévenu au cours de l'enquête préliminaire, l'instruction préparatoire et
même quand cet aveu a été rétracté devant le tribunal à l'audience. De même, la
circonstance qu'un prévenu a admise en conclusions des faits d'une prévention mise en
sa charge ne prive pas le juge pénal du pouvoir de déclarer ces faits non établis370.

De ce que l'aveu n'a pas, en droit processuel pénal congolais, de valeur probante, on
déduit logiquement que cet aveu est susceptible d'être utilisé dans la mesure que l'on
veut et, en particulier, qu'il peut être divisé pour faire que l'on tienne compte de certains
des éléments qui ont été avoués et non d'autres qui ont fait également l'objet d'un aveu
mais semblent plus douteux. C'est cette fois-ci une différence avec l'aveu de la
procédure civile. En effet, contrairement à l'aveu civil, l'aveu en matière pénale est
divisible c'est-à-dire que le juge peut apprécier l'aveu dans chacune de ses parties et ne
retenir que ce qui lui paraît probant. Ainsi, en vertu du principe de la libre appréciation
de la valeur probante de la preuve, le juge peut refuser de donner crédit à certaines
déclarations et d'en accorder à d'autres, de diviser un aveu selon sa propre conviction,

367
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 246, p. 394.
368
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 852, p. 749.
369
Cour d'appel de Bruxelles, 19 janvier 1998, in Jurisprudence de Liège, Mons et Bruxelles, 1999, p. 240.
370
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1171.
122

d'apprécier la portée des déclarations faites par un coprévenu et de prendre en


considération tous les éléments qui lui sont régulièrement soumis et qui lui paraissent
constituer des présomptions suffisantes de culpabilité, alors même qu'il existerait dans la
cause des éléments en sens contraire.

Par contre en matière civile, l'aveu est indivisible, en ce sens que ce qui a été avoué
forme un tout qui ne peut être scindé371. Un problème particulier peut se poser lorsqu'un
procès pénal inclut des éléments de nature civile comme hypothèse classique du
jugement de l'infraction d'abus de confiance. On sait que dans l'hypothèse où le
détournement de l'abus de confiance fait suite à un contrat entre l'auteur et la victime de
l'infraction, l'existence de celui-ci doit être prouvée par les moyens de preuve civile. Il
en résulte que lorsque le prévenu avoue avoir conclu le contrat mais ajoute qu'elle l'a
exécuté, ces deux éléments d'un unique aveu civil, indivisible, ne peuvent être scindés.
L’aveu est indivisible s’il porte sur la preuve d’un rapport de droit privé préalable ou
préjudiciel au caractère infractionnel des faits. L’aveu est indivisible s’il porte sur les faits
infractionnels ou sur des faits qui ont préparé l’infraction.

En procédure pénale, l'aveu pourra être retenu comme élément de conviction que s'il
circonstancié ou est corroboré par d'autres indices372. Pour avoir égard à un aveu, il doit
être soumis à la critique comme n'importe quel autre moyen de preuve. L'aveu doit être
certain, sincère, et vrai. Seuls sont probants les aveux précis et circonstanciés. Ainsi, l'aveu
doit être corroboré par d’autres éléments. C’est ce qu’on appelle un aveu de circonstance.
La condamnation du coupable peut même reposer sur des présomptions graves, précises,
constantes et concordantes.

L'aveu peut être librement rétracté. Le juge apprécie souverainement la portée de la


rétractation d'un aveu.

Bref, il faut se monter très prudent dans l'utilisation des aveux. Il paraît raisonnable de
ne pas en tenir compte à l'état pur et de toujours exiger qu'ils soient corroborés par un
certain nombre d'autres preuves soit matérielles, soit tirées de témoignages. Enfin, l'aveu
obtenu par la contrainte ou d'actes de torture est sans valeur probante373.

371
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 246, p. 395.
372
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 136, p. 115.
373
Circulaire n° 4/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
123

§ 4. Les témoignages

I. Notions

Au sens large, le témoignage est tout renseignement fourni à la justice par un autre que la
personne en cause. Il peut porter sur les faits eux-mêmes, sur les circonstances, soit
antérieurs, soit postérieurs qui ont entouré ces faits et qui peuvent éclairer ceux-ci, ou même
sur la conduite et la moralité du prévenu. Le témoignage se distingue néanmoins du simple
renseignement fourni eux services de police qui sera, le cas échéant, exploité par ceux-ci en
vue de récolter des preuves, dont les témoignages; il se distingue également de la
dénonciation par laquelle une personne porte la commission d'une infraction à la
connaissance des autorités; il se distingue enfin de la plainte par laquelle la victime d'une
infraction, fût-elle témoin des faits, déclare vouloir obtenir réparation de son dommage.

Au sens strict, le témoignage est la relation (fait de relater les faits), la déposition, le récit
des faits en justice par une personne, non partie à la procédure en cours, à propos de ce qu'elle
a observé par ses propres sens (ce qu'elle a vu, entendu et ce qu'elle sait).

Au stade de la juridiction de jugement, un témoin est une personne qui est interrogée par la
juridiction pénale parce qu'elle a connaissance de l'infraction ou de ses circonstances ou parce
qu'elle est censée être à même de donner des renseignements utiles au juge. Ce mode de
preuve suppose donc l'audition de personnes qui ont assisté à une scène, viennent relater ce
qu'elles ont constaté et en certifier l'existence car "les témoins sont les yeux et les oreilles de
la justice"374.

Ainsi, lorsqu'une personne a pu voir l'auteur d'une infraction, ou un individu poser un acte
lié à cette infraction, son témoignage peut porter sur la reconnaissance de la personne qu'elle
a vue. Il arrive aussi souvent que les services de police disposent d'albums photos de
personnes déjà connues de leurs services. Ces albums sont souvent présentés aux témoins
visuels ou aux victimes d'infractions dans l'espoir de lancer l'enquête. De même, les autorités
judiciaires peuvent confronter un témoin ou une victime avec la photo d'un suspect. Le
témoin peut se présenter d'initiative ou être sollicité par las autorités judiciaires.

2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p.304; S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La
preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 7, pp. 16, 153-176; CEDH, 1 er juin 2010,
Magnus c/ Allemagne.
374
R. MOUGENOT et D. MOUGENOT, La preuve, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2002, n° 213, p. 272.
124

Le témoignage est, avec l'aveu, la preuve pénale la plus utilisée. On a l'habitude de dire que
le témoignage est la reine des preuves du procès pénal contemporain375 et il est vrai qu'il
occupe, dans la procédure pénale congolaise, une place prédominante sans pour autant,
cependant, être doté de valeur particulière. Plusieurs raisons militent en faveur de cette
importance. La première raison, de fond, tient à ce que le témoignage des tiers paraît toujours
moins suspect que les déclarations du prévenu qui, pour des raisons plus ou moins avouées ou
avouables, peut toujours avoir tendance ou à s'accuser de choses qu'elle n'a pas commises ou à
essayer de se dégager d'accusations don elle fait l'objet. La seconde raison, de forme, est que
le témoignage est un mode de preuve qui convient très bien au type de procédure orale et
contradictoire qui prévaut à l'audience pénale. La troisième raison, de fait, tient à l'étendue des
questions sur lesquelles on peut témoigner au procès pénal. Il est bien rare, en effet, qu'il n'y
ait pas de témoins dans une affaire donnée alors qu'il peut n'y avoir ni déclarations du
prévenu, ni pièces à conviction, ni indices.

De même, l'on a souvent accordé aux témoignages une confiance excessive, qui est sans
doute une survivance des idées du religieuses du Moyen Age et de l'importance donnée
autrefois au serment. Longtemps, le témoignage a bénéficié de beaucoup de crédit, surtout
lorsqu'il était le fait de quelqu'un de bonne réputation, désintéressé, et qui déposait sous
serment. On considère que le serment améliore le témoignage, non seulement sous le rapport
de la sincérité, mais même sous celui de l'exactitude, en attirant l'attention du témoin sur
l'importance de ses déclarations et en rendant ses assertions plus réservées, de façon à ne pas
donner pour certains ce dont il n'est pas bien sûr ; or, le serment a perdu de sa valeur dans
l'esprit public376.

Mais les progrès de la psychologie ont permis de relativiser ce moyen de preuve. Le


témoignage peut être peut être douteux en raison du mauvais jugement, de la mauvaise foi ou
de la corruption possible des témoins. Il est rare qu'un témoignage soit fidèle. De même, la
preuve par témoin est incertaine: "la fragilité de la preuve testimoniale est actuellement une
proposition sur laquelle il est banal d'attirer l'attention des juges"377.

375
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 247, p. 397.
376
R. MERLE et VITU, Traité de droit criminel, Paris, 5 ème éd. Cujas, p. 277.
377
C. MARNEFFE, " De la critique du témoignage à sa contribution à la justice", Revue de droit pénal et
criminologie, 2009, pp. 260-298.
125

La bonne foi et l'assurance du témoin concourent souvent à la sincérité d'un témoignage,


mais n'assure pas toujours son exactitude. Le témoin peut en effet prendre ses impressions et
ses désirs pour des réalités. Il faut surtout se méfier des dépositions des enfants, à cause de
leur extrême suggestibilité, des personnes âgées, à cause de leur perte de mémoire. Il faut se
méfier des témoignages collectifs, et retenir qu'une minorité peut avoir raison contre une forte
majorité. Enfin, un témoignage peut être faux par intérêt ou par vengeance.

II. Mise en oeuvre

Toutes les parties au procès pénal: ministère public, partie civile, personne civilement
responsable, prévenu ont le droit de produire tout témoin. Mais les motifs de reproche
invoqués contre les témoins sont souverainement appréciés par le juge378. Cela signifie que
les juridictions ont le pouvoir d'apprécier souverainement en fait la nécessité ou l'opportunité
de l'audition d'un témoin sollicité par une partie; ce pouvoir souverain d'appréciation de
juridictions ne peut s'exercer que dans le respect des droits de la défense; il pourrait donc y
avoir violation des droits de la défense si une partie avait, par conclusions, démontré en quoi
l'audition à l'audience de tel témoin était indispensable à sa défense et que l'audition de ce
témoin lui a été refusée. Le juge doit en tout état de cause répondre de manière explicite à la
demande d'audition d'un témoin et décider en quoi cette audition n'est pas nécessaire à la
manifestation de la vérité. Aussi, le tribunal peut procéder à l'audition des témoins même s'ils
ont déjà été entendus par l'officier de police judiciaire pendant l'enquête préliminaire, l'officier
du ministère public pendant l'instruction préparatoire.

De même, tout accusé a le droit d'être confronté, à un moment ou un autre de la procédure,


aux témoins qui l'accusent, à moins que cette confrontation soit impossible pour des raisons
matérielles, non imputables aux autorités judiciaires379, telles que la disparition380 ou le décès
du témoin381 ou dans le cadre de procès visant les agissements d'organisations mafieuses,

378
Article 76 du Code de procédure pénale.
379
CEDH, 13 novembre 2003, Rachdad c/France, § 24, Recueil Dalloz, 2004, sommaire, p. 988, observations J. -
F. Renucci; CEDH, 14 juin 2005, Mayali c/ France, § 32; CEDH, 13 avril 2006, Zentar c/ France, § 28;
CEDH, 20 avril 2006, Carta c/ Italie, § 48; CEDH, 22 juin 2006, Guilloury r c/ France, § 54; CEDH, 18
juillet 2006, Balsan c/ République tchèque, § 30.
380
CEDH, 28 août 1992, Artner c/Autriche, §§ 17 et 21.
381
CEDH, 7 août 1996, Ferrantelli et Santangelo c/Italie, § 52.
126

d'éviter à un témoin de devoir réitérer ses dépositions en public par crainte de conséquence
pour sa sécurité382. La juridiction doit en outre tenir compte des particularités pénales portant
sur des infractions à caractère sexuel, lesquelles peuvent justifier que certaines mesures soient
prises aux fins de protéger la victime, pourvu qu'elles puissent être conciliées avec un
exercice adéquat et effectif des droits de la défense.

Dans chaque affaire où le problème de l'équité de la procédure se pose en rapport avec une
déposition d'un témoin absent, la juridiction concernée doit savoir s'il existe des éléments
suffisamment compensateurs des inconvénients liés à l'admission d'une telle preuve pour
permettre une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de celui-ci383.

L'article 14.3. e du Pacte international des droits civils et politiques, reconnait à tout accusé
le droit à interroger ou de faire interroger des témoins à charge et d'obtenir la convocation et
l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
Ce droit a pour but d'assurer à la défense, dans le domaine qu'i définit, une entière égalité de
traitement par rapport à l'accusation; ce droit n'est applicable que devant la juridiction de
fond384. Ainsi, l'accusé peut contester un témoignage à charge et d'en interroger l'auteur, au
moment de la déposition ou ultérieurement.

En ce qui concerne la convocation et l'interrogation des témoins à décharge, la Cour


européenne des droits de l'homme considère qu'il n'existe pas un droit absolu de convoquer
tout témoin à charge; il appartient à la juridiction saisie d'évaluer la pertinence d'une telle
demande. Il appartient dès lors, au prévenu non seulement de faire la demande d'entendre tel
témoin à décharge mais également de préciser l'importance et l'intérêt pour la manifestation
de la vérité de cette audition. En cette matière, la juridiction s'efforcera à ne pas violer le
procès équitable, particulièrement l'égalité des armes385. Quoi qu'il en soit, la juridiction de
fond a un large pouvoir d'appréciation si un témoin tant à charge qu'à décharge doit être
entendu pour former sa conviction.

382
CEDH, 27 février 2001, Luca c/Italie, § 33.
383
CEDH, 15 décembre 2011, Al-Khawaja et Tahery c/Royaume Uni, § 147; voyez O. MICHIELS, " Le
principe de la preuve unique ou déterminante", RTDH, 2012, pp. 693-711.
384
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1172.
385
CEDH, 27 juillet 2000, Pisano c/ Italie, RUDH, 2000, p. 430.
127

De la sorte, le tribunal écartera les témoins qui seraient cités en vue de prolonger
abusivement et inutilement les débats. De même, le juge apprécie aussi la nécessité de
procéder à une nouvelle audition d'un témoin déjà entendu dans le cadre de la phase
préliminaire du procès pénal; notamment, lorsque le témoin a déjà été entendu au cours de la
phase de l'enquête préliminaire de l'OPJ ou l'instruction préparatoire de l'OMP, le juge du
fond peut légitimement considérer que le procès-verbal d'audition du témoin par les
enquêteurs ou le magistrat instructeur suffit. Il n'est donc pas tenu de procéder lui-même à
l'audition. Le juge doit néanmoins répondre à la demande formulée par les parties de faire
entendre un témoin.

III. Convocation et audition des témoins

1. Considérations générales

L'officier du ministère public (article 16 du Code de procédure pénale), comme le juge


(articles 17 et 78 du Code de procédure pénale), peuvent faire citer devant eux toute personne
dont ils estiment l'audition nécessaire devant la juridiction. Cela signifie que les témoins sont
convoqués par citation.

Le juge du fond peut décider de faire entendre un témoin, que ce dernier ait fait l'objet
d'une audition lors de la phase de l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire ou non.
Au début de l’audience, le tribunal procède à l’appel des témoins afin de les isoler. Le
président rappelle les témoins un à un. Généralement, sont d’abord entendus les témoins à
charge, ensuite les témoins à décharge cités par le prévenu.

Le Président fait acter l’identité de chaque témoin et il est d’usage qu’il lui demande à
chacun ses éventuelles relations avec le prévenu: parenté, alliance, lien de subordination ou
d’autorité, ceci en vue de guider le tribunal pour juger du «reproche des témoins» qui
éventuellement peut être soulevé et aussi en vue de permettre au tribunal d’apprécier la valeur
du témoignage. Si le témoin a des relations de parenté ou de voisinage ou travaille avec l'une
des parties, il peut être entendu à titre de renseignements et dans ce cas, il prêtera pas serment.
Au cas où le témoin n'a pas des relations avec l'une des parties, le Président du tribunal lui fait
prêter serment débout, main droite levée horizontalement. La personne citée comme témoin
peut prêter serment avant de déposer. Le serment est ainsi conçu: «Je jure de dire toute la
vérité, rien que la vérité». Toutefois l'officier du Ministère public peut imposer la forme de
128

serment dont l'emploi, d'après les coutumes locales, paraît le plus propre à garantir la sincérité
de la déposition386. C'est le cas lorsque l'affaire est au niveau de l'instruction préparatoire
devant l'OMP. Mais quand l'affaire est devant la juridiction à l'audience, c'est le président de
juridiction qui apprécie la forme du serment. Dans la pratique, c'est la même formule du
serment qui est reprise et les témoins sont entendus comme au cours de l'instruction
préparatoire mais les formalités sont appliquées ici strictement.

Ensuite commence l’audition des témoins: les questions jugées pertinentes et


admissibles que posent la partie qui les a cités et les autres parties. Le président lui-même et
ses assesseurs peuvent ensuite poser d’office des questions qu’ils estiment utiles à la
manifestation de la vérité.

Le ministère public ou la partie civile font poser des questions aux témoins à charge.
Le prévenu fait entendre les témoins à décharge ; mais ces deux parties (poursuivante et
poursuivie) peuvent faire poser des questions aux témoins cités par l’adversaire, notamment
dans le but de souligner les contradictions ou d’ébranler la force de certains témoignages.
Mais c’est le président qui, ayant la direction de l’audience et de débats, décide quelles
questions peuvent être posées. Le tribunal peut d’office faire citer les témoins qu’il juge à
même de mieux l’éclairer.

Le greffier tient note de la procédure à l'audience, des noms, prénoms, âge approximatif,
profession des témoins et de leurs principales déclarations387. Il note ainsi l'identité des
témoins, leur adresse, leur prestation de serment ou pas (il note dans ce cas qu'ils entendus à
titre de renseignements). Avant sa constitution, la partie civile peut être entendue comme
témoin. Une fois constituée, elle devient partie et, à ce titre, ne peut plus témoigner. Le
greffier acte les questions et dépositions. Sous le contrôle du tribunal, le greffier note les
principales déclarations des témoins, apprécie ce qui doit ou non être considéré comme
principal et, en conséquence, être consigné au procès-verbal de l'audience. La confrontation
des témoins peut s’avérer bénéfique pour la découverte de la vérité.

386
Article 17 du Code de procédure pénale.
387
Article 79 du Code de procédure pénale.
129

2. La convocation des hautes personnalités

Le Code de procédure pénale ne prévoit pas l'éventuellement de la convocation comme


témoins des hautes personnalités, tels que le Premier ministre, les ministres, les députés
(nationaux et provinciaux), les sénateurs, les gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces,
les maires et maires adjoints, les membres du Conseil urbain, les bourgmestres et bourgmestres
adjoints, les etc. En théorie, ils peuvent être convoqués par le tribunal, même par l'OMP
pendant l'instruction préparatoire. Mais nous pensons qu'il serait plus sage de leur envoyer une
invitation afin de venir témoigner devant le tribunal ou leur demander de fournir leur
témoignage par écrit et le faire parvenir au tribunal.

Il en est de même des membres du corps diplomatique. En ce qui les concerne, la déposition
écrite comme témoins devrait être sollicitée par le ministre des Affaires étrangères. Elle ne
pourrait être reçue que par le Premier président de la Cour d'appel ou son délégué. Les
dépositions ainsi reçues devraient être remises au greffe et expédiées sous pli fermé et cacheté
à la juridiction requérante qui les communiquerait aux parties.

3. Le reproche du témoin

L'article 74 du Code de procédure pénale prévoit le reproche des témoins. La loi se


borne à dire que les reproches sont proposés et jugés. L'article 76 du Code de procédure
pénale prévoit "les motifs de reproche invoqués contre les témoins sont souverainement
appréciés par le juge". C’est dire donc que le tribunal reste libre d’entendre tout témoin tant
qu’aucune partie ne s’y oppose. Il apprécie librement ce témoignage compte tenu de la
qualité du témoin et de ses relations avec les parties388. Si un reproche est proposé, le tribunal
vide cet incident par un jugement. Suivant le reproche soulevé, la partie qui a cité le témoin
renonce à le faire entendre, l’incident est clôturé par un simple donné acte. La loi ne
détermine pas les causes de reproche des témoins, c’est le tribunal qui les apprécie compte
tenu de la nature des faits, de la personnalité du témoin et des circonstances les plus
diverses. Généralement, il y a incompatibilité entre la qualité du témoin et celle des parties
au procès.

388
Article 76 du Code de procédure pénale.
130

4. Obligation de répondre sincèrement aux questions

Le témoin, qui a juré de dire toute la vérité et rien que la vérité, est tenu de répondre
sincèrement aux questions qui lui sont posées, sous peine de se voir infliger les peines édictées
par la loi pour le refus de témoignage. Il ne doit pas se taire et doit parler. Il doit
obligatoirement déposer et même, au besoin, se déranger pour dire qu'il ne sait rien s'il le
prétend. La personne appelée à rendre témoignage en justice, ne peut se retrancher derrière un
intérêt personnel tel la sauvegarde de son honneur ou la crainte de poursuites pour refus de
témoigner389, sous réserve des particularités des actes couvets par le secret professionnel.

5. L'audition d'un témoin détenteur du secret professionnel

Le secret professionnel constitue pour le témoin un motif légitime de déposer


mais non de comparaître et de prêter serment. Le secret ne s'étend pas à des secrets confiés en
dehors de la profession ou aux éléments confiés dans le cadre de la relation professionnelle
mais étrangers à l'exercice de la profession. De même, le secret professionnel ne s'étend pas à
des faits constitutifs d'une infraction, ou directement contraires à l'exercice de la profession
considérée et à ses fins légitimes.

Sont dispensés de témoigner, les personnes qui sont dépositaires par état ou par profession
des secrets qu'on leur confie. On pense ici notamment aux médecins et à toutes les personnes
qui exercent l'art de guérir (infirmiers), aux avocats et défenseurs judiciaires, aux ministre de
cultes (prêtres, pasteurs), aux banquiers, aux collaborateurs des personnes tenues au secret
professionnel, etc. C’est au tribunal d’apprécier si un témoin est tenu ou non par le secret
professionnel.

L'article 73 du Code pénal congolais livre II punit de un à six mois et d'une amende de
10.000 à 50.000 francs ou l'une de ces peines seulement, les personnes dépositaires par état ou
par profession des secrets qu'on leur confie qui, hors le cas où elles sont appelées à
témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront
révélés. Les mots " personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur
confie" englobe le personnel médical, les pharmaciens, les avocats et défenseurs judiciaires,

389
O. KLESS, "De l'obligation de témoigner au droit au silence", RTDH, 1994, p. 254.
131

les ministres du culte (prêtres, pasteurs), et associés du Ministre du culte390 (diacres de


l'église, les responsables des différents départements de l'église comme la chorale, la jeunesse,
groupe de musique, le groupe de prière, groupe de dames, groupe de papas, etc.), les notaires,
les banquiers, etc. Cela signifie lorsqu'ils sont appelés à témoigner en justice devant la
juridiction de fond (tribunal, Cour) à l'audience voire même devant l'OPJ pendant l'enquête
préliminaire ou l'OMP pendant l'instruction préparatoire, les titulaires du secret professionnel
sont autorisés à révéler ces secrets sans qu'ils puissent faire l'objet de poursuites pénales.

Dans ce cas, le dépositaire du secret professionnel qui, entendu comme témoin devant le
tribunal, est tenu de dire sincèrement la vérité. Ainsi, le médecin qui se retranche dernière le
secret professionnel pour refuser de témoigner en justice afin de couvrir les agissements
culpeux d'un tiers détourne de son but le secret professionnel dès lors que la question qui lui
était posée portait sur un fait matériel qui ne présentait aucun caractère secret et qui n'était pas
de nature à faire souhaiter la discrétion ni dans l'intérêt du patient ni dans celui de la
profession médicale.

Au cas où le dépositaire du secret professionnel donnait des fausses informations lors de son
témoignage, il pourrait être condamné pour faux témoignage d'une peine qui peut s'élever à 5
ans d'emprisonnement. Si l'accusé a été condamné soit à la peine de perpétuité, soit à la
peine de mort, le faux témoin qui a déposé contre lui peut être condamné à la peine de
perpétuité391. Il est à remarquer que le législateur n'a prévu que la peine l'emprisonnement et
il exclut donc l'amende compte tenu de la gravité de ces faits.

Les déclarations des témoins sont protégées contre les conséquences fâcheuses que
pourrait avoir pour lui son témoignage. C'est ainsi que le témoin ne peut être poursuivi en
diffamation à l'occasion de sa déposition puisqu'il est justifié par l'ordre de la loi qui lui
intime de dire toute la vérité. Les injures ou diffamations qui seraient commises contre lui à
raison de sa déposition sont, à l'inverse punissables (articles 74 à 77 du Code pénal
congolais Livre II).

390
P. DE POORTER, " Secret professionnel et secret de la confession", Journal des tribunaux, 2000, pp. 201-
207; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale
Tome II. Le jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire
internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp.393-401.
391
Article 128 du Code pénal congolais Livre II.
132

6. La déposition du témoin sans prestation de serment

Dans certains cas, le tribunal peut se contenter de recevoir des dépositions à titre de
simple renseignement sans exiger la prestation de serment. C’est le cas d’un témoin reproché
qui peut malgré tout, doit être entendu. Il en est de même de la déposition des enfants
mineurs (moins de 18 ans), des faibles d’esprit, des coprévenus et des personnes
intéressées, mais l’obligation de dire la vérité demeure. De même, si le témoin a des
relations de parenté (ascendants, descendants, frères, sœurs ou alliés jusqu'au troisième degré,
conjoint même après le divorce avec le prévenu) ou de voisinage ou travaille avec l'une des
parties, il peut être entendu à titre de renseignements et dans ce cas, il prêtera pas serment.
Aussi, s'il y a opposition d'une partie à l'audition de témoin, celui-ci peut être entendu à titre de
renseignement. L'absence de prestation de serment, quel qu'en soit le motif a pour
conséquence que la déclaration ne vaudra que comme simple renseignement. Cela signifie que
le témoignage n'aura pas de valeur probante mais uniquement de simple indication à l'enquête
d'évoluer392. Le tribunal doit garder la possibilité d'apprécier la légitimité du motif invoqué
pour justifier le refus de témoigner. La déposition sans prestation de serment n’est légalement
pas prévue, elle s’applique en tant que principe général de droit.

7. La condamnation du témoin récalcitrant

Tout témoin régulièrement cité est tenu de comparaître et de fournir son témoignage
à la justice pénale. Si sur citation, le témoin est défaillant, il peut être condamné par le
tribunal. Le tribunal peut contraindre le témoin à comparaître, par la délivrance d’un
mandat d’amener, il peut également le citer encore à comparaître après la condamnation si
le témoin comparaît soit sur une nouvelle invitation (citation sur mandant d’amener, il peut
être déchargé des condamnations s’il présente des excuses légitimes).

Le tribunal peut condamner un témoin qui refuse de comparaître, de prêter serment ou de


déposer. La non comparution est assimilée au refus de prêter serment ainsi que le refus de
déposer. La peine prévue est d’un mois de prison et d’une amende393. Le témoin

392
O. KLESS, "De l'obligation de témoigner au droit au silence", in Revue trimestrielle des Droits de l'homme,
1995, p. 251.
393
Article 78 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
133

récalcitrant est également condamné aux frais de justice. A défaut de ce payement des frais,
il est passible de la contrainte par corps d’une durée maximum de 14 jours394.

Ainsi, le témoin qui, sans justifier d'un motif légitime d'excuse, ne comparaît pas, bien que
cité régulièrement, ou qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l'obligation,
peut, sans autre formalité ni délai et sans appel, être condamné à une peine d'un mois de
servitude pénale au maximum et à une amende qui n'excédera pas dix mille francs congolais,
ou à l'une de ces peines seulement. Dans tous les cas, le tribunal peut, en outre, ordonner que
les témoins soient contraints à venir donner leur témoignage. La servitude pénale subsidiaire à
l'amende, ainsi que la contrainte par corps pour le recouvrement des frais, ne peuvent excéder
quatorze jours. Le témoin condamné pour défaut de comparution, qui sur une seconde citation
ou sur mandat d'amener, produira des excuses légitimes, pourra être déchargé de la peine395.

8. Condamnation de faux témoignage, renseignements et serment

Le témoin a l'obligation de dire toute la vérité et rien que la vérité. Celui qui fait des
fausses déclarations ou dit les mensonges peut être condamné par le tribunal. Ainsi, l'article
128 du Code pénal congolais livre II punit le faux témoignage (mensonge) devant les
tribunaux d'une peine qui peut s'élever à 5 ans d'emprisonnement. Si l'accusé a été
condamné soit à la peine de perpétuité, soit à la peine de mort, le faux témoin qui a déposé
contre lui peut être condamné à la peine de perpétuité. L'article 129 du même Code pénal
congolais livre II punit de la même peine la subordination des témoins. Cette infraction
s'applique à celui qui a fait dire quelque chose de faux au témoin. L'article 130 du Code
pénal congolais livre II punit d'une peine d'emprisonnement de 8 jours à un an et d'une
amende ou l'une de ces peines seulement, toute personne appelée en justice pour donner de
simples renseignements, qui se sera rendu coupable de fausses déclarations. Enfin, l'article
132 du Code pénal congolais livre II punit de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement et une
amende ou l'une de ces peines seulement celui à qui le serment aura été déféré ou référé en
matière civile et qui aura fait un faux serment.

En cas de suspicion de faux témoignage devant le tribunal, la procédure applicable est


pratiquement la même que celle relative à l'infraction d'audience (délit d'audience) et
l'infraction flagrante ou réputée telle ou la procédure ordinaire. Si le juge du fond, appelé à

394
Article 78 du Code de procédure pénale.
395
Article 78 du Code de procédure pénale.
134

statuer dans le cadre de l'action principale, choisi la procédure ordinaire, il a la faculté de


sursoir à statuer jusqu'à ce qu'il soit décidé du fondement de l'instruction préparatoire
menée à propos de l'infraction éventuellement commise dans le cadre du témoignage.

Au cas où le juge décide d'appliquer la procédure prévue aux infractions d'audience,


l'instruction de la cause pendante, peut être suspendue jusqu'à ce que la juridiction, instruise
toutes affaires cessantes, les faits en rapport au faux témoignage. Cette instruction doit se
poursuivre jusqu'à ce qu'il soit statué dans la procédure en faux témoignage. Le juge du
fond apprécie souverainement si la cause dont il est saisi doit ou non être remise. Dans le
cas où la cause n'est pas remise, le tribunal prononcera sur-le champ la condamnation pour
faux témoignage avec arrestation immédiate. Il en est de même en cas de la commission des
infractions de calomnie ou diffamation lors du témoignage à l'audience. Les voies de
recours restent ouvertes selon la procédure de droit commun.

Si l'auteur de faux témoignage est bénéficiaire du privilège de juridiction dépassant la


compétence personnelle de la juridiction concernée, en vertu de l'adage tout juge est aussi
procureur général, (applicable uniquement aux infractions d'audience), le président
d'audience pourra exceptionnellement ordonner l'arrestation de l'auteur de cette infraction,
l'interroger, dresser le procès-verbal des faits, puis ordonner la conduite de l'auteur de ladite
infraction (et toutes les pièces possibles) devant le ministère public compétent afin que celui-ci
le mettre immédiatement à la disposition de la juridiction compétente pour y être jugé. En effet,
une juridiction n'est pas compétente pour juger l'infraction dépassant ses compétence matérielle
et personnelle, fut-elle commise à l'audience. Il en sera de même lorsque l'infraction de faux
témoignage dépasse la compétence matérielle de la juridiction saisie.

9. Les taxes ou allocations des indemnités aux témoins

Le témoin a le droit d'être indemnisé des frais que va entraîner pour sa comparution:
indemnisation de sa perte de temps, de gains, de frais de voyage et séjour. Ainsi, au niveau de
l’instruction préparatoire, c’est l’officier du ministère public qui alloue aux témoins
l’indemnité qui doit les dédommager du préjudice matériel subi en répondant à l’invitation
de la justice. L’article 21 du Code de procédure pénale est la base légale de ce pouvoir du
ministère public lorsque l'affaire est au niveau de l'instruction préparatoire. Cet article
prévoit: "L'officier du Ministère public peut allouer aux témoins une indemnité dont il fixera
le montant conformément aux instructions du Procureur général".
135

Lorsque l'affaire est au niveau de la juridiction de jugement, c'est celle-ci qui pourra fixer
les indemnités aux témoins. Ainsi, l'article 51 du Code de procédure pénale déclare: "La
juridiction de jugement ou, pendant la durée de l'instruction, le ministère public, fixe les
indemnités à allouer aux interprètes, traducteurs, experts et médecins pour les actes de leur
ministère. Ces indemnités sont de droit acquises au Trésor lorsque le ministère a été prêté par
des personnes qui touchent un traitement à sa charge. Toutefois, le gouverneur de la province
peut attribuer aux intéressés tout ou partie de ces indemnités".

Même si cet article ne cite pas de manière expresse les témoins mais la pratique
judiciaire invoque l’article 51 du Code de procédure pénale, en alignant d’office les
témoins au rang d’experts dont le tribunal fixe les indemnités à leur allouer. Lorsque le
tribunal arrive à la fin de l’audition de chaque témoin, la pratique judiciaire veut que le
président de l’audience lui pose la question de savoir s’il veut être taxé. Dans l’affirmative, il
est invité à fournir au greffier les éléments objectifs d’appréciation du préjudice subi. Ce
n’est pas dans le corps du jugement qu’est décidée l’allocation d’une indemnité au témoin.
C’est par ordonnance du président de la juridiction.

IV. Conditions de validité

1. Conditions de fond

En principe, le témoin doit être majeur et ne pas avoir des liens avec l'une des parties. En
principe, le témoin ne doit pas être parmi les ascendants, descendants, conjoint même divorcé,
frères et sœurs et alliés jusqu'au troisième degré, voire les collègues du service du côté de
prévenu, la partie civile et la partie civilement responsable. Les personnes se trouvant les cas
d'incompatibilités ou de minorité d'âge ne sont écartées d'office du témoignage, mais la
juridiction va être informée du caractère possiblement suspect de leurs propos. Cette
information découle du fait que le témoin dépose, au moins devant la juridiction de jugement,
sans avoir prêté serment et après avertissement qu'il sera entendu à titre de renseignement.
Dans ce cas, le président de juridiction devrait lui faire préciser sa qualité.

De même, le témoin ne doit présenter une cause d'incompatibilités. Les incompatibilités


créent un empêchement à être témoin en raison d'une qualité particulière. Cette
incompatibilité est absolue en ce sens que la personne qui en est frappée est radicalement
exclue du procès dont il s'agit. On ne peut pas être à la fois témoin et juge de jugement,
membre du ministère public, greffier et interprète. On ne peut pas être témoin dans son procès
136

et en même temps être auteur présumé de l'infraction, co-inculpé et prévenu ou coprévenu.


Chacun pourra faire toutes les déclarations qu'il voudra durant son propre interrogatoire et
lors des confrontations avec les autres prévenus, mais aucun ne pourra témoigner dans la
poursuite dont les autres suspects font l'objet. La règle ne s'applique cependant que pour les
prévenus compris dans la même procédure. Elle ne joue donc pas s'il y a deux procédures
distinctes ou si l'un des prévenus initialement poursuivis a bénéficié d'un non-lieu ou
d'acquittement.

2. Conditions de forme

a) Le serment

Les témoins avant de déposer doivent prester serment qui est ainsi conçu: «Je jure de dire
toute la vérité, rien que la vérité»396. Toutefois l'officier du Ministère public peut imposer la
forme de serment dont l'emploi, d'après les coutumes locales, paraît le plus propre à garantir
la sincérité de la déposition. Cela s'applique uniquement lorsque l'affaire est encore au niveau
de l'instruction préparatoire mais quand l'affaire est déjà à l'instruction à l'audience, c'est le
président de juridiction qui a la police des débats qui demande au témoin de prêter serment
prévu par la loi.

L'obligation de prêter serment a pour but, d'une part, d'attirer l'attention du témoin sur la
gravité de ce qu'il va dire car elle est considérée comme une mesure de contrainte dès lors
qu'elle implique des sanctions pénales à défaut de réponse ou dans l'hypothèse d'un faux
témoignage, et, d'autre part, elle a pour but de faire que l'on puisse accorder toute confiance à
ce qui est dit. On a considéré en effet, que même une société officiellement laïque (non
chrétienne ou croyante) pouvait conserver certains sentiments moraux susceptibles d'être
animés par une prestation de serment397.

Lorsque le ministère public entend un témoin et qu'il détient des éléments qui lui permettent
de croire que celui-ci pourrait ultérieurement être inculpé ou pourrait avoir commis une
infraction dont il n'est pas saisi, il est préférable qu'il ne sollicite pads du témoin la prestation
du serment.

396
Article 17 alinéa 2 et 77 du Code de procédure pénale.
397
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 255, p. 409.
137

Cette obligation de prêtre serment est cependant limitée au cadre juridictionnel, c'est-à-dire
qu'elle n'existe pas durant la phase des enquêtes policières et de l'OPJ sans doute parce qu'on
est au niveau de l'enquête préliminaire. Devant l'OMP (à l'instruction préparatoire) et le
tribunal (à l'audience), le témoin est obligé de prêter serment. La prestation de serment peut
n'être qu'une fois en cas de pluralité d'auditions. Cela signifie que le témoin qui a prêté
serment devant le tribunal à l'audience du 20 janvier 2016 et s'il est à nouveau cité pour
témoigner dans la même affaire à l'audience du 20 février 2016, il ne pourrait pas prêté
serment à nouveau. Mais le témoin qui a prêté serment devant l'OMP devra renouveler le
même serment devant le tribunal (à l'audience). Les enfants de 18 ans entendus en qualité de
témoin ne peuvent pas, non, plus, prêter serment, et cela sous peine de nullité. Le faux
témoignage et faux serment sont sanctionnés par le Code pénal (voir ci-dessus).

b) L'oralité

Le principe de l'oralité du témoignage veut que les témoins soient entendus oralement
directement par le juge chargé de juger. Cela ressort des termes utilisés par l'article 74 du

Code de procédure pénale qui dit: "Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a
lieu et les reproches, proposés et jugés". Les témoins ne peuvent lire de texte ou de projet
écrit. La doctrine admet l'usage des notes dans des matières techniques ou d'ordre spécial,
dans lesquelles il est question de chiffes qui doivent être donnés ou reproduits avec précision
dans l'intérêt de la cause398. Toutefois, les juridictions peuvent fonder leur conviction sur les
éléments écrits du dossier recueillis d'une manière non contradictoire lors de l'enquête
préliminaire et de l'instruction préparatoire. Cela semble très rare et risque de violer le procès
équitable.

Le fait qu'un témoin dépose cagoulé mais non anonyme ne viole pas les principe de l'oralité
et de la contradiction399.

398
A. BRAAS, Précis de procédure pénale, Tome II., Bruxelles, éd. Bruylant, 1951, n° 697; F. HELIE, Traité de
l'instruction criminelle, Bruxelles, éd. Bruylant, 1865, n° 2462.
399
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1812, p. 900.
138

V. Valeur probante

Nous avons souligné la distinction entre les témoins véritables et les témoins qui ne sont
entendus à titre de renseignement et ne prête pas serment. On pourrait être tenté de croire qu'il
y a deux catégories de témoignages d'inégale valeur: un témoignage plein et un témoignage
diminué. Telle était la situation dans l'Ancien droit où les éléments de preuve étaient
quantifiés400.

A partir du moment au contraire où toutes les preuves et donc les témoignages ont une
valeur identique, les juges tirent les conséquences qu'ils veulent des dépositions entendues. Il
n'y a donc plus lieu d'établir une distinction entre différentes sortes de témoignage puisque
cette distinction n'entraîne, en réalité, aucun intérêt pratique.

C'est ainsi qu'en matière pénale, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve401, le
juge du fond apprécie souverainement en fait la valeur probante des dépositions des témoins à
charge ou à décharge. Il peut apprécier la valeur des témoignages et choisir, s'ils sont
contradictoires, ceux qui lui semblent les plus sincères. Le témoignage est soumis à la libre
appréciation du juge du fond qui devra déterminer la crédibilité qu'il lui accorde. Lorsqu'un
témoin procède à des déclarations successives ou a été entendu à plusieurs reprises, le juge
apprécie souverainement en fait, la foi qui doit être accordée à ces déclarations successives
d'un témoin, et ce conformément au principe de la libre appréciation de la preuve.

De même, le juge peut légalement décider que la déclaration d'un témoin entendu sans
serment au cours de l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire présente plus de crédit
que celle faite ultérieurement par celui-ci à l'audience, fût-ce sous serment.

Aussi, les déclarations des "repentis" doivent être corroborées de manière déterminante par
d'autres éléments de preuve et, d'autre part, les témoignages indirects doivent être confirmés
par des éléments objectifs402. Les termes "repentis" désignent les auteurs d'infractions
déterminées qui consentent à coopérer avec les autorités pénales et qui, en retour, obtiennent

400
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 262, p. 416.
401
Comme par exemple, certains procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
402
CEDH, 6 avril 2000, Labita c/ Italie, §§ 157 à 160; voyez M.-A. BEERNAERT, " Mafia, maltraitance en
prison et repentis", Revue trimestrielle des droits de l'homme, 2001, pp. 124-136.
139

des bénéfices divers et échappent, en particulier, à tout ou partie de la peine qu'ils auraient
normalement dû encourir403. Sur ce point, la Cour européenne des droits de l'homme de
Strasbourg a estimé si les déclarations de repentis peuvent valablement fonder, à son début, la
détention de l'intéressé, elles perdent nécessairement de leur pertinence au fil du temps,
particulièrement si la progression des investigations ne permet de déceler aucun élément de
preuve ultérieure404.

Il se déduit que les déclarations d'une personne issue du milieu criminel qui a reçu un
avantage des autorités en échange de sa collaboration ne peuvent pas être seules retenues par
le juge pour prononcer une condamnation. Il faut que ces déclarations soient corroborées de
manière déterminante par d'autres éléments de preuve. Il ne s'agit pas seulement de constater
que certains faits exposés par le repenti correspondent aux constatations matérielles, mais bien
de découvrir d'autres éléments de preuve qui confirment la culpabilité de la personne accusée
par le repenti. A défaut, le procès est inéquitable405.

Aussi, la condamnation d'une personne ne peut jamais être fondée de manière exclusive ni
dans une mesure déterminante sur des témoignages recueillis sous couvert d'anonymat
complet, mais ceux-ci doivent, au contraire être nécessairement corroborés dans une mesure
déterminante par les éléments recueillis par d'autres modes de preuve406. C'est aussi la
position suivie par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg qui a considéré
qu'un tel témoignage ne peut fonder exclusivement la conviction du juge, voire même
déterminante407.

403
Voyez M.-A. BEERNAERT, Repentis et collaborateurs de justice dans le système pénal: analyse comparée
et critique, Bruxelles, éd. Bruylant, 2002, p. 498 et s.
404
CEDH, 6 avril 2000, Labita c/Italie, requête n° 26772/95, revue trimestrielle des droits de l'homme, 2001, p.
121, §§ 157-159.
405
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 27, p.
141.
406
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, pp.1160 et 1187; L. KENNES, La preuve en matière pénal. Volume II,
Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 717, p. 360; L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL
(sous direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais,
Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 25, p. 137; S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L.
KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 21, p. 26.
407
CEDH, 28 mars 2002, Birutis c/ Lituanie, § 32; CEDH, 23 avril 1997, Van Mechelen et csrts c/Pays-Bas, §
55; CEDH, 26 mars 1996, Doorson c/Pays-Bas, § 76; CEDH, 20 novembre 1989, Kostovski c/Pays-Bas,
§§ 44 et 45.
140

Cela signifie que la condamnation d'une personne ne peut jamais être fondée de manière
exclusive ni dans une mesure déterminante sur des témoignages recueillis sous couvert
d'anonymat complet. Ce témoignage ne peut être ni la seule preuve ni une preuve
déterminante de culpabilité du prévenu408. En conséquence, une condamnation ne peut être
justifiée au regard du procès équitable que si le témoin à la base de la décision a été
introuvable malgré des recherches sérieuses et que si ce témoin ne constitue pas le seul
élément fondant cette décision409.

Il appartient au juge de fond de mesurer l'incidence, sur la valeur probante d'un


témoignage, de la vénalité prêtée au mobile qui l'inspire. Cette liberté dans l'appréciation des
témoignages est la conséquence de la fragilité et l'incertitude de ce mode de preuve. C'est
pourquoi une doctrine pense que le témoignage est un moyen de preuve fragile410 et le
témoignage est une preuve dangereuse411 mais s'il est bien souvent le seul mode de preuve, il
doit donc être évalué avec prudence; car non seulement le témoin peut mentir par intérêt, par
haine ou par sympathie, mais encore il peut tout simplement se tromper, tant sont complexes
les mécanismes psychologiques de l'appréhension de la vérité et de sa relation sous forme de
témoignage412.

Pour que le témoignage (comme d'ailleurs les autres modes de preuve) puisse avoir
beaucoup de crédit devant la juridiction, il faut les confronter aux autres témoignages
recueillis et, plus généralement, à tous les autres types de preuves que l'on possède dans
l'affaire dont il s'agit.

Enfin, le témoignage obtenu sous les tortures ou traitements inhumais et dégradants n'ont
pas de valeur probante.

408
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1160; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 854,
p. 750.
409
CEDH, 13 novembre 2003, Rachdad c/France, § 24, Recueil Dalloz, 2004, sommaire, p. 988, observations J. -
F. Renucci; A. J. Pénal 2004, 76, observations J. Leblois-Heppe.
410
C. MARNEFFE, " De la critique du témoignage à sa contribution à la justice", Revue de droit pénal et
criminologie, 2009, pp. 260-300.
411
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 852, p. 749.
412
R. MERLE et A. VITU, Traité de droit criminel, Paris, 5 ème éd. Cujas, 2001, p.275.
141

VI. Propositions pour une réforme

Le Code de procédure pénale n'a pas prévu le statut d'un témoin menacé. Il serait
souhaitable de créer une commission dans chaque ressort du tribunal de grande instance qui
devrait décider d'octroyer des mesures ordinaires ou spéciales de protection aux témoins
menacés, aux membres de sa famille ainsi qu'à ses autres parents s'ils courent un danger à la
suite de leurs déclarations. Les mesures ordinaires ou spéciales devraient viser à garantir la
sécurité du témoin.

§ 5. Les indices et présomptions

I. Les indices

1. Notions

L'indice est tout fait, tout élément, toute circonstance, en rapport avec l'infraction dont la
preuve est recherchée, permettant d'inférer l'existence ou les modalités de cette infraction. De
manière concrète, c'est l'élément de fait, qui exclusif du simple soupçon de l'enquêteur, doit
être apparent et rendre vraisemblable la commission d'une infraction413. Les indices sont
formés de tout fait ou de toute circonstance pouvant conduire à la vérité. Ils forment une
preuve indirecte, dont le point de départ est constitué par des faits ou des circonstances qu'on
suppose établis et dont il s'agit de dégager le rapport avec le fait recherché. C'est aussi une
preuve de second degré en ce sens que les indices s'appuient, pour être connus, sur le
témoignage, les constatations, les aveux ou les expertises. Les indices peuvent être matériels
ou moraux.

Parmi les indices matériels pouvant éclairer la justice, se trouvent les cheveux, les taches
de sang ou de sperme, les habits, qui par une analyse de l'ADN permettent de dire que telle
personne s'est trouvée sur les lieux, mais sans aucune date précise414. Il s'agit des de divers
indices constatés sur les lieux de l'infraction (leur état, les objets qui s'y trouvent ou ne s'y
trouvent plus, les traces qu'ils portent, empreintes digitales par exemple) ou en d'autres lieux
qui modifient à une date voisine des faits, ou sur les personnes elles-mêmes (traces portées
par leur corps ou leurs vêtements et permettant de les associer à l'infraction-cheveux, traces
de coups, empreintes génétiques établissant un rapport entre la victime et le suspect).

413
S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 663, p. 503.
414
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 133, p. 114.
142

La preuve par indices matériels a pris de plus en plus d'importance en matière pénale. En
effet, il existe une très grande variété d'indices et les techniques de récolte d'interprétation de
ceux-ci ont fait d'éminents progrès. Ces indices sont recueillis, soit au cours de descente sur
les lieux, soit à l'occasion de perquisitions, de fouilles ou de saisies. Certains juristes
(doctrinaires) pensent que les indices ont l'avantage de ne pas mentir et constituent une
procédure pénale hautement scientifique415. C'est une vision idéaliste des choses qui néglige
le fait que l'indice est la preuve indirecte par excellence et que s'il ne ment pas, c'est
essentiellement parce qu'il ne parle pas non plus. Pour faire parler un indice, il faut recourir
soit au raisonnement, soit à l'expertise qui n'offrent, ni l'un ni l'autre de garantie de certitude.

2. Valeur probante

La force probante des indices est limitée. C'est ainsi que les indices doivent être maniés
avec beaucoup de prudence, car ils conduisent rarement à une conclusion immédiate de la
culpabilité. Ils sont plutôt le point de départ d'un raisonnement qui, lorsqu'il est bien mené,
conduit à la vérité. Ils peuvent faire l'objet éventuellement d'une expertise par les hommes de
l'art, comme les taches, les empreintes, les traces de poudre, les résultats d'une prise de sang,
etc. Pour qu'ils puissent être pris en considération, les indices doivent être sérieux, précis et
concordants.

II. Les présomptions

1. Notions

Les présomptions sont les conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu pour
les appliquer à un fait inconnu. C'est l'essence même de la réflexion du juge. La preuve par
présomption consiste également à faire une déduction à partir de la constatation de certaines
choses ou de certains faits. Les présomptions peuvent être tirées des comportements de la
victime, du suspect, des témoins et cela aussi dans un temps contemporain de l'infraction,
qu'avant ou après.

Ainsi, lorsqu'une infraction à la police de roulage a été constatée sans que le conducteur du
véhicule ait pu être identifié, le détenteur du n° d'immatriculation qui a été relevé est
légalement présumé être l'auteur de l'infraction, à moins qu'il n'apporte des éléments de

415
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 210, p. 329.
143

nature à établir qu'elle ne lui est pas imputable. De même, justifie légalement sa décision le
juge qui déclare une prévention établie en se fondant sur des circonstances régulièrement
connues de lui, qu'il qualifie légalement de présomptions graves, précises et concordantes416.

La conviction du juge pénal peut se fonder sur des présomptions précises et certaines dès
lors qu'elles sont renforcées par des éléments concordants et qu'elles ne sont déduites d'autres
présomptions; de pures coïncidences d'événements ou de dates ne constituent des
présomptions que lorsqu'il existe entre elles un lien établi avec certitude. En conséquence, le
juge ne peut notamment déduire des faits constatés par lui des conséquences qui seraient sans
lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.
Ainsi, les déclarations faites par le biais d'une conférence téléphonique ou vidéoconférence ne
peuvent être prises en considération à titre de preuve que si elles sont corroborées dans une
mesure déterminante par d'autres moyens de preuve417.

Constituent des présomptions: des vues cinématographiques, des cassettes vidéo, des films
vidéo, les images recueillis par une caméra de surveillance, une reconstitution d'une
infraction, la reconnaissance sur la base de photos, messagerie de téléphone, mails, les
empreintes digitales, etc. Par exemple, l'examen de téléphonie (GSM, mobile) permet, d'avoir
connaissance de messages écrits (SMS) en consultant le téléphone de l'intéressé voire par
l'intermédiaire du destinataire du message. De même, les enquêteurs ont la possibilité de
prendre connaissance du contenu des messages laissés sur la boîte vocale d'un appareil de
téléphone fixe ou mobile.

Il en est également de caméras de surveillance. On attend par caméras de surveillance, les


appareils de technologie fixes destinées à prévenir, constater ou déceler des infractions contre
les personnes ou les biens, les nuisances ou à maintenir l'ordre public. En ce qui les concerne,
les enquêteurs peuvent visionner les images afin de détecter les visages des personnes qui ont
commis des infractions.

416
Cour de cassation belge, 25 mars 1981, Pasicrisie belge, 1981, I, p.805.
417
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1163; L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous
direction), La preuve et la difficile quête de la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume
126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 26, pp. 138-139.
144

2. Valeur probante

Le juge apprécie souverainement en fait si les présomptions graves, précises et


concordantes formant une preuve résultent de certains éléments que les parties ont pu
librement contredire, même si certains de ces éléments, pris isolement, ne fournissent pas une
certitude suffisante. Ainsi, une bande enregistrée constatant un fait connu dont le juge peut
tirer une conséquence peut être retenue comme présomption418.

La conviction du juge pénal peut se fonder sur des présomptions précises et certaines dès
lors qu'elles sont renforcées par des éléments concordants et qu'elles ne sont pas déduites
d'autres présomptions. De même, de pures coïncidentes d'événements ou de dates ne
constituent des présomptions que lorsqu'il existe entre elles un lien établi avec certitude419.

La preuve par présomption est donc laissée à la sagesse du juge; il est toutefois nécessaire
qu'il déduise en termes non équivoques, des présomptions qu'il indique, que sa conviction est
certaine. Pour qu'elles puissent être prises en considérations, les présomptions doivent être
graves, précises et concordantes. Ainsi, la condamnation du coupable peut même reposer
sur des présomptions graves, précises, constantes et concordantes. C'est dans ce sens que
les présomptions favorables à l'accusation, si elles déplacent le fardeau de la preuve,
constituent des exceptions à l'intime conviction puisqu'elles s'imposent au juge lorsqu'elles ne
sont pas renversées420.

Concernant la téléphonie, ces techniques de recherche sont considérées comme très fiables
et il n'y a que très rares contestations de l'exactitude des informations fournies par l'opérateur
du réseau de télécommunication421.

418
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012,
pp. 1143, 1201.
419
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 895, p. 427; R.
DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1780, p. 887; L. KENNES,
"Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de la vérité
judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, p. 129.
420
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 854, p. 750.
421
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 472, p. 52.
145

Certains doctrinaires pensent que le terme présomption devrait être banni dès lors que
cette notion ne traduit pas la rigueur à laquelle doit répondre la preuve. Suivant la première
définition qui en est donnée par le dictionnaire Le nouveau Petit Robert, la présomption est
une opinion fondée seulement sur des signes de vraisemblance (apparences, commencement
de preuve)-(synonymes: conjecture, supposition, hypothèse). Force est de constater que,
s'agissant d'établir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable, le recours à ce terme est
peu heureux. Plutôt que d'évoquer un faisceau de présomptions pour justifier une déclaration
de culpabilité, ces doctrinaires, pensent qu'il est plus correct de faire état d'un ensemble
d'éléments de preuve-précis, objectifs, pertinents, concordants et convergents-permettant au
juge de conclure à la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable422.

§ 6. L'expertise

I. Notions

L'expertise peut être définie comme étant une forme particulière de recherche confiée à une
ou plusieurs personnes qui, par leur art ou leur profession, sont en mesure de mettre en
lumière des éléments de fait, ce que les instances judiciaires ne pourraient faire dès lors
qu'elles ne disposent pas de la compétence technique nécessaire. Elle peut aussi être définie
comme étant l'examen par l'expert qu'un officier du ministère public ou une juridiction a
commis, d'une question de fait qui requiert son avis purement technique de nature à l'éclairer,
avis qu'il inscrit dans un rapport remis dans le délai prescrit pour être joint au dossier de
procédure. L'expertise est le moyen de découvrir et d'utiliser certains indices ou certaines
preuves, à l'aide de connaissances techniques particulières; ces connaissances, le juge ne le
possède pas, mais il les trouve auprès des spécialistes, les experts, auxquels il demande
d'apporter leur collaboration dans la recherche de la vérité. De manière concrète, l'expertise
judiciaire est une mesure d'instruction destinée à fournir, en vue de la solution d'un litige,
des renseignements d'ordre technique que le juge ne peut se procurer lui-même et qui ne
peuvent s'obtenir qu'avec le concours d'un spécialiste dans une science, un art ou un métier.
Elle est réglementée par les articles 48 à 52 du Code de procédure pénale.

422
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1151.
146

L'expertise revêt une grande importance dans la vie judiciaire; elle est inévitable pour
éclairer le juge. Comme l'a bien résumé le professeur Emmanuel Jeuland :"L'expertise est un
mode "à la mode": chaque époque a une prédilection pour un mode de preuve. Le Moyen Age
chrétien avait une préférence pour l'ordalie et le serment. L'Ancien Régime a développé
l'écrit et l'aveu qui impliquait la torture. Mais notre époque a une prédilection pour
l'expertise"423.

L'expertise n'est pas en elle-même un mode de preuve, elle est plutôt la mise en oeuvre des
éléments fournis par d'autres preuves, comme les constatations directes ou les indices. Mais
elle participe à l'administration de la preuve car elle a pour objet de mettre en oeuvre ou en
relief des éléments fournis par d'autres preuves, comme les constatations directes ou les
preuves indiciaires relevées.

L'expertise a pour objet de donner un avis aux magistrats et aux particuliers sur des
questions de fait, techniques ou scientifiques, qui échappent à leur compétence, en vue de leur
permettre de résoudre ou de prévenir un litige424. L'expertise pénale a ainsi pour but d'éclairer
les juridictions pénales sur les éléments techniques qui n'apparaissent pas du dossier ou qui
méritent un examen plus approfondi par une personne techniquement plus qualifiée. De
même, l'expertise peut être ordonnée pour éclairée le juge, soit en vue du jugement de l'action
425
publique, soit en vue de trancher la question des intérêts civils (action civile) . Toute
personne qui en est légalement requise par un officier du ministère public ou par un juge est
tenue de prêter son ministère comme, expert426. L'expert est le collaborateur indispensable
indiqué par la loi, pour aider au bon fonctionnement de la justice, pour aider à la recherche de
la vérité.

II. Nature et caractère de l'expertise

L'expertise constitue une mesure d'instruction à laquelle le juge ne recourt que s'il l'estime
utile à la manifestation de la vérité, soit à la formation de sa conviction. L'expert peut, par son

423
E. JEULAND, V°, Expertise, in L. CADIET (sous direction), Dictionnaire de la justice, Paris, éd. PUF, 2004,
p. 503.
424
P. LURQUIN, Traité de l'expertise en toutes matières, tome 1, Bruxelles, éd. Bruylant, 1985, p.6.
425
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, pp.1188-1189.
426
Article 48 du Code de procédure pénale.
147

expérience, aider le juge à prendre trois types de décision: celle portant sur la culpabilité,
celle portant sur le choix de la peine ou de la mesure à adopter en réaction à l'acte asocial et
celle portant sur l'évaluation du dommage causé. Le juge du fond apprécie souverainement,
compte tenu des éléments déjà recueillis au cours de l'enquête préliminaire ou éventuellement
de l'instruction préparatoire, l'opportunité d'une mesure d'expertise (en vue de statuer sur
l'action publique) ou d'instruction à l'audience ou devoirs complémentaires proposés soit par
le ministère public, soit par une des parties. Il peut perdre cette décision soit d'office ou à la
demande de l'une des parties.

Lorsqu'il est appelé à statuer sur les intérêts civils, le juge pénal peut ordonner une expertise
en vue d'être éclairé sur la question des dommages et intérêts à octroyer à la partie civile de
l'infraction. Si l'expertise est ordonnée uniquement en vue de trancher l'action civile qui a été
jointe à l'action publique, cette expertise a un caractère quasi civil et les règles du Code
procédure civile lui sont applicables. Inversement, lorsque l'expertise est ordonnée tant en vue
du jugement de l'action publique que pour trancher la question des intérêts civils, cette
expertise à caractère mixte est régie par les règles applicables à l'expertise sur le plan pénal,
l'action publique formant l'objet principal du procès pénal et l'action civile en constituant
l'objet accessoire427.

En principe, au stade de l'instruction à l'audience, l'expertise est contradictoire car les


parties peuvent réagir, poser des questions en rapport à l'expertise présentée. Par contre, au
stade de l'enquête préliminaire de l'OPJ et de l'instruction préparatoire de l'OMP, l'expertise
n'est pas contradictoire compte tenu de la particularité de cette période (unilatérale,
inquisitoriale).

III. Qualité et choix de l'expert

La qualité de l'expert est subordonnée à l'existence d'une mission confiée par la justice.
L'expert judiciaire est une personne qualifiée en raison de ses connaissances qui, sans être
mandataire, est désignée par le juge pour lui donner en toute indépendance et impartialité un
avis d'ordre technique en vue de l'exercice de la mission dont ce juge est saisi; il ne livre ses
constatations et conclusions qu'après avoir prêté serment de faire rapport en honneur et

427
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1190.
148

conscience, avec exactitude et probité. A l'instar du juge, l'expert se doit d'être impartial et il
peut faire l'objet d'une récusation pour les motifs pour lesquels la récusation est permise à
l'égard des juges428.

Le Code de procédure pénale ne comporte aucune règle particulière quant au choix des
experts, sinon qu'ils doivent être des personnes présumées par âge ou profession, capables
d'apprécier la nature et les circonstances d'une infraction. Un mineur ne peut pas être expert.
L'officier du ministère public ou le juge désigne librement l'expert qui lui paraît le plus
indiqué pour exécuter la mission qu'il lui impartit; sa décision ne doit pas être motivée. L'OPJ
peut également désigner l'expert mais uniquement par délégation de l'OMP ou si l'infraction
est flagrante ou réputée telle.

En principe, le juge du fond comme le ministère public choisit librement l'expert parmi les
personnalités connues et appréciées sur la base de leur qualification professionnelle ou de
leur compétence reconnue en ce domaine. L'expert n'est pas choisi par les parties, le choix
incombe toujours à l'autorité, maîtresse de la procédure au moment où l'on se trouve. L'expert
doit être désigné nominativement mais rien n'empêche au juge de charger un collège
d'experts de la mission. Il doit en cas mentionner le nom de chacun d'entre eux. En
conséquence, seule l'expert désigné peut réaliser l'expertise et aucune délégation n'est
permise.

Le réquisitoire ou la demande de désignation de l'expert désigne et balise la mission de ce


dernier. Mais l'expert ne doit pas être partie dans la cause ou être proche parent ou allié de
l'une des parties, ni des membres de la composition du siège, ni le greffier, ni l'interprète ni
le témoin429. L'impartialité de l'expert est nécessaire pour garantir au prévenu le droit de
bénéficier d'un procès équitable.

428
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1193.
429
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 268, p. 429.
149

IV. Rôle de l'expert

La mission des experts se limite à donner des avis sur des questions techniques relevant
de leurs compétences particulières et les aspects juridiques échappent à leur mission: ces
dernières missions relèvent exclusivement de la fonction de cours et tribunaux430.

Technicien, l'expert n'est pas un juge scientifique. C'est le juge qui décide et lui seul,
l'expert n'a pas à s'immiscer dans ces fonctions; si tel est le cas, le rapport d'expertise et tout
ce qui en est la suite devrait être écarté des débats. Il a pour mission de procéder à un examen
et de donner un avis d’ordre technique sur une ou des questions précises qui ont été posées.
Cet avis n'est qu'un élément d'information du juge. L'expert n’est pas chargé de résoudre un
litige, il n'a pas à affirmer que l'infraction a été commise mais il ne fait qu’émettre un avis qui
ne lie pas le juge, toujours maître de la décision finale431 même contre l'avis de l'expert432.

De même, l'expert ne peut en aucun cas se substituer au juge, en tirant lui-même les
conclusions juridiques de ses observations ou en émettant une hypothèse étrangère aux
questions qui lui sont posées, touchant de la sorte le fond du problème soumis à l'appréciation
du magistrat. Ainsi, l'expert est tenu de respecter la présomption d'innocence dont jouit toute
personne et ne peut empiéter sur les compétences du juge en se prononçant de manière
formelle et définitive sur les questions de culpabilité. Tout au plus peut-il émettre des avis et
des hypothèses. S'il mentionne une conviction dans le cadre de sa mission, son impartialité
sera mise en cause. Mais les conclusions de l’expert peuvent utilement éclairer le juge et lui
permettre de mieux comprendre le problème technique pour en tirer ensuite les conséquences
juridiques qui s’imposent433. Dans tous les cas, l’expert doit se cantonner à sa mission
factuelle et ne pas chercher à donner une interprétation juridique des questions posées434.
Mais nous pensons qu'estimant crédible la déclaration d'une personne affirmant avoir été

430
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1187.
431
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16ème éd. Cujas, 2011, n° 203, pp. 164-167 ; B. BOULOC, Procédure
pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 766, p. 737; S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale,
Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, p. 242.
432
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 266, p. 424.
433
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 482, p. 369.
434
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, pp.545, 1211; J.P. SCARANO, op. cit, n° 328, p. 227.
150

victime de violences sexuelles et en énonçant que ces violences ont provoqué des séquelles,
l'expert ne se prononce pas sur la culpabilité du prévenu.

Technicien, l'expert n'est pas officier de police judiciaire, il est donc tenu au respect du
secret professionnel même vis-à-vis du juge qui l'a mandaté pour tout ce qui ne se rattache pas
directement à sa mission technique.

L'expert n'est pas non plus mandataire du juge; il est indépendant par rapport à celui-ci et
il exécute sa mission en conscience et avec probité, selon les règles propres à sa discipline ou
à sa technique. L'expert n'est pas le confident du prévenu car il est désigné pour éclairer la
justice.

L'expert n'est pas enfin un témoin. Alors que le témoin relate ce qu'il a vu ou entendu des
faits auxquels il a assisté, l'expert qui ne connaît l'affaire qu'après coup, a pour mission de
procéder à un examen et de donner un avis d'ordre technique. Le juge lui demande plutôt un
avis, sur les causes et les conséquences d'un fait. Cette demande d'avis est justifiée par les
compétences scientifiques ou techniques particulières de l'expert, ce qui suppose qu'il soit
objectif et respecte la présomption d'innocence.

L'expert est et n'est qu'un technicien, donc "le conseiller technique du juge", indépendant
et impartial, qui fournit des informations à propos d'éléments de fait de la cause. Le juge
demande à l'expert de l'instruire sur des faits dont il ne pourrait, livré à lui-même, à défaut des
connaissances exigées, saisir la possibilité, le sens et la portée. Il doit répondre complètement
mais uniquement à la ou aux questions posées par le juge. D'où l'expertise est le complément
de l'expérience personnelle du juge: elle est l'instrument de meilleure information et meilleure
justice. L'expert est un facteur de sécurité judiciaire. Par conséquent, le juge ne peut lui
confier ni les tâches qu'il pourrait exécuter lui-même, ni surtout le soin de dire le droit, c'est-à-
dire de dégager les conséquences juridiques des faits constatés ou appréciés. Le juge ne peut
pas demander à l'expert de dire le droit, il ne peut que lui demander un avis dans un domaine
qui échappe à ses compétences. Le juge ne peut non plus lui confier en principe une mission
d'interrogatoire ou d'enquête. Ce qu'il convient d'attribuer à l'expert, ce sont des missions
d'ordre scientifique ou technique435.

435
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS, A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, p.1211.
151

Et le juge apprécie l'expertise qui lui est soumise car le juge est l'expert des experts. En
effet, quelle que soit la technicité du rapport d'expertise, le juge garde la liberté de s'en
éloigner ou de le suivre, en fonction des arguments relevant débattus devant lui. Il estime que
les règles du procès équitable doivent distingués du régime des preuves et de leur appréciation
par la juridiction nationale436.

V. Différentes catégories d'expertise en matière pénale

Les expertises peuvent être classées en trois grandes catégories: les expertises
d'investigations pénales, les expertises de personnalité et les expertises d'évaluation du
dommage.

1. Les expertises d'investigations pénales

Ce sont celles qui permettent d'identifier l'auteur des faits, de mettre à jour le déroulement
des faits et leur enchaînement causal. Elles permettent aussi de cerner toutes les circonstances
des faits. L'expert peut tirer les informations relevantes, des informations accessoires, en vue
de permettre au juge de se prononcer sur les questions juridiques qui lui sont soumises.

2. Les expertises de personnalité

Ce sont celles qui permettent au juge d'apprécier la personnalité du prévenu et partant,


lorsque les faits sont établis, de choisir la peine ou la mesure la plus adéquate.

3. Les expertises d'évaluation du dommage

Ce sont celles qui portent sur les indications techniques nécessaires pour permettre
l'indemnisation de la partie civile.

VI. Les expertises les plus courantes

L'expertise s'est développée en corrélation avec les progrès des sciences exactes et des
sciences humaines. Le juge désigne des experts dans des domaines variés: médical (en cas de
viol, avortement, violences sexuelles), chimique, mécanique, automobiles, comptables

436
S. CUYKENS, D. HOLZAPFEL et L. KENNES, La preuve en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2015,
n° 438, pp. 326-327.
152

(détournement des fonds publics), balistiques, informatiques, etc. Un rapport dressé par des
fonctionnaires de la police, quelles que soient leurs compétences, ne constitue jamais une
expertise, même si leur procès-verbal est ainsi intitulé.

1. L'autopsie

L'autopsie est l'analyse, extérieure et intérieure, de la dépouille d'une personne décédée


en vue d'obtenir des informations sur la cause du décès ou utiles à la manifestation de la
vérité dans le cadre d'une instruction437. Elle est souvent réalisée en cas du décès suspect
d'une personne (empoisonnement, étranglement, étouffement, viol, meurtre par balles,
noyade, etc.). Dans certains cas, l'officier du ministère public, peut désigner un médecin
légiste en vue de procéder à un premier examen extérieur du cadavre et, le cas échéant, en
vue de procéder à l'autopsie du corps. Par exemple, en cas d'une mort violente ou d'une mort
dont la cause est inconnue et suspecte, le ministère public se fera assister d'un ou de trois
médecins qui feront leur rapport sur les causes de la mort et sur l'état du cadavre.

Lorsqu'une autopsie est ordonnée, les proches du défunt sont autorisés à voir le corps.
L'officier du ministère public qui a ordonné l'autopsie apprécie la qualité de proche des
requérants et décide du moment où le corps du défunt pourra leur être présenté.

2. L'expertise médicolégale

Hormis l'autopsie, la désignation d'un médecin légiste peut se justifier pour décrire les
conséquences des blessures causées à la victime d'une infraction, ou analyser divers dossiers
constituées en dehors de l'enquête.

3. L'expertise toxicologique

La toxicologie est la science étudiant les poisons (la détection, les effets, les remèdes). Elle
est utile pour assister le médecin légiste à déterminer la cause du décès, surtout en cas
d'empoisonnement. Ainsi, en cas d'empoisonnement, l'attention du médecin légiste sera
focalisée sur l'examen de foie. Son analyse approfondie permet de détecter qu'il y a eu bien
empoisonnement.

437
P. BOXHO,"Introduction à la médecine légale", in La criminalistique: du mythe à la réalité quotidienne (1
ère partie)-Manuel de police, Bruxelles, éd. Kluwer, 2000, n° 6, pp. 142 et s.
153

La toxicologie peut être également utilisée pour déterminer le taux d'imprégnation


alcoolique dans le sang et détecter la présence de stupéfiants.

4. L'expertise d'identification par analyse ADN ou la preuve génétique

a) Notions

L'ADN est l'abréviation de l'Acide Désoxyribo Nucléaire. Cette expertise permet, avec un
degré de fiabilité important, de comparer des cellules humaines découvertes sur un lieu
précis, le plus important celui d'une infraction, avec celles d'un suspect, voire celles encodées
dans une banque de données de profils ADN438.

Cette expertise est réalisée par l'analyse génétique. La doctrine l'appelle preuve
génétique439. Elle a littéralement révolutionné l'enquête criminelle de par le degré de
certitude qu'elle peut apporter aux magistrats et aux enquêteurs de sorte qu'elle est de plus en
plus utilisée dans la recherche de la vérité judiciaire aux dépens parfois d'autres techniques
d'enquête. La preuve génétique représente, en outre, dans l'opinion commune la preuve
scientifique par excellence permettant de confondre un suspect et partant, de refléter la vérité.
Ce moyen probatoire bénéficie dans l'inconscient collectif, d'un statut de preuve parfaite ou
infaillible de sorte qu'elle ne pourrait être invalidée par une autre preuve.

L'analyse génétique est en procédure pénale une technique d'identification reposant sur la
comparaison entre, d'une part, les profils génétiques des traces découvertes sur les lieux de
l'infraction et, d'autre part, les profils génétiques d'échantillons prélevés sur une personne en
cours d'instruction judiciaire. La comparaison peut également porter sur les profils de traces
trouvées sur les lieux de l'infraction, d'une part, et sur les profils de traces stockées dans des
bases de données ADN, d'autre part, ou sur le profil génétique d'échantillons de cellules
prélevés, d'une part, et les données de la banque, d'autre part.

438
A. LERICHE, "Profils génétiques: un exploit technologique en matière d'identification des individus", Revue
de droit pénal et criminologie, 1999, pp. 597-607; B. HOSTE, "La preuve par l'ADN dans les affaires
criminelles. Impact des résultats et calculs des probabilités", Revue de droit pénal et criminologie, 1999,
pp. 608-625.
439
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 62, p.
169.
154

La comparaison permet d'établir, avec un degré de certitude élevé, que la personne


concernée par l'analyse se trouvait ou ne se trouvait pas sur les lieux de l'infraction440. Les
prélèvements pour l'analyse ADN se font généralement par une quantité de sang, de
muqueuses de la joue ou de bulbe pileux sur un être humain. Une quantité suffisante doit être
prélevée pour permettre une contre-expertise.

Il s'agit d'une expertise, toujours réalisé par un expert, même si certains prélèvements
peuvent être réalisés par les autorités policières.

b) Efficacité de tests génétiques nucléaires

L'analyse génétique est fondée sur le principe selon lequel toute personne dépose et
emporte à son insu des traces et indices. L'ADN est présent dans la plupart des cellules et peut
être transférée sur la victime ou sur les lieux au moment de la commission de l'infraction.

Les molécules de l'Acide Désoxyribo Nucléaire (ADN), longues molécules à double


chaîne, contiennent les informations dont toutes les cellules du corps humain ont besoin pour
fonctionner. En outre, elles déterminent les caractéristiques génétiques léguées par un parent à
son enfant. Hormis l'hypothèse de jumeaux univitellins qui possèdent un profil ADN
identique, chaque individu présente les éléments composant une molécule d'ADN dans un
ordre spécifique et unique. L'analyse ADN présente donc, eu égard à cette unicité de profil
génétique, une utilité et une fiabilité toute particulière dans l'identification de victimes ou de
résolution d'affaires judiciaires. Les techniques d'analyse permettent l'obtention de profils à
partir de la plupart des substances biologiques, mais également en analysant les traces laissées
par contact, même minime441.

De même, le test ADN peut être réalisé en matière de meurtre, viol, vol, etc. On peut
découvrir les traces génétiques sur un lieu lié à la commission de l'infraction ou à une victime.
C'est ainsi qu'on peut par exemple prélever les traces de spermatozoïde (sperme), de l'urine,
de sang, cheveux, poils, habits, salive (mégots de cigarette), squames de peau et/ou sur des
objets liés aux faits (tels qu'un véhicule, un vêtement, une arme), etc. trouvés sur le lieu de

440
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, p.1216.
441
OIPC-INTERPOL, Guide Interpol sur l'échange de données génétiques et sur les pratiques en matière
d'analyse d'ADN, juin 2001, disponible sur le site http://www.interpol.int.
155

l'infraction afin de déterminer l'ADN de la personne suspectée d'avoir commis les infractions
concernées. Une fois que l'ADN est trouvé, il peut être comparé à celui ou ceux suspectés
d'avoir commis ces infractions. Si c'est le même ADN, on peut être sûr à 99, 99 % que la
personne concernée est bien l'auteur de l'infraction commise sur le lieu.

c) Valeur probante de la preuve génétique

En raison du principe de la libre appréciation des preuves, le juge devra apprécier la preuve
génétique comme toute autre preuve régulièrement administrée. Il convient cependant de
préciser que la preuve génétique a une influence primordiale sur la formation de sa décision
quant à la culpabilité ou à l'innocence d'une personne. Sa valeur de conviction basée sur la
théorie mathématique des probabilités, a conduit certains avocats, enquêteurs ou juges à
placer ce mode de preuve au sommet d'une hiérarchie imaginaire et informelle. La preuve
génétique permet d'établir une probabilité, certes extrêmement élevée, un élément matériel442.

Toutefois, le juge doit apprécier cette preuve avec prudence. Par exemple, l'auteur d'une
infraction qui connaît la méthode de l'analyse ADN, pourrait brouiller les pistes en polluant
intentionnellement une scène de crime avec du matériel génétique provenant d'autres
personnes, tel qu'un mégot de cigarette par exemple. Il peut ainsi modifier son comportement
de manière à essayer, avec plus ou moins de succès, de ne laisser aucune trace de sa présence,
de sorte les analyses génétiques ne pourront pas établir la vérité de ce fait.

A l'instar de la connaissance de l'utilisation de la localisation téléphonique, les délinquants


pourraient donc adapter leur comportement aux méthodes scientifiques de plus en plus utilisés
dans les enquêtes pénales, en laissant par exemple, leur GSM à la maison, en le confiant à une
autre personne ou en plaçant du matériel génétique appartenant à une tierce personne sur les
lieux d'une infraction. C'est la raison pour laquelle les résultats des analyses de comparaison
génétique doivent être examinés de manière critique par les enquêteurs et les magistrats, qui
ne doivent les considérer que comme élément d'enquête et non comme une preuve absolue,
une certitude dans la recherche de la vérité.

442
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, n° 64 et
106, pp. 170, 186-187.
156

Les limites des méthodes scientifiques de manière générale et de la preuve génétique en


particulier, révèlent la nécessité pour les enquêteurs de ne pas perdre de vue les méthodes
traditionnelles d'investigation et de ne pas négliger les autres aspects de l'enquête. Le risque
de recourir exclusivement à la preuve scientifique en raison de son objectivité et de sa
certitude, serait de conduire à une simplification de la recherche de la vérité en omettant de
rechercher d'autres éléments probatoires, alors que la réalité des faits est toujours complexe.

Il serait prudent de ne pas accorder une confiance aveugle dans les preuves génétiques,
mais au contraire, d'exercer son esprit critique en ne négligeant pas de rechercher et
d'examiner d'autres preuves. Si l'analyse génétique ne doit pas se substituer à l'enquête, ni
diminuer l'esprit critique des praticiens dans l'interprétation de ses résultats, elle constitue
toutefois en pratique, généralement, un élément essentiel dans la recherche de la vérité, de par
son caractère objectif et presque certain de sorte qu'elle peut considérablement en améliorer
l'efficacité.

5. L'expertise des traces palmaires ou indiciales

Il s'agit de la comparaison des empreintes digitales d'un suspect celles découvertes sur un
objet ou dans un lieu déterminé. Plus il existe de points concordants de comparaison, plus le
degré de fiabilité de l'expertise est grande443.

6. L'expertise psychiatrique et l'examen psychologique

Les rapports d'expertise psychiatrique donnent souvent lieu à discussion à mesure de la


subjectivité dont sont empreintes les considérations du psychiatre. Il n'en demeure pas moins
que l'intervention de ces experts est essentielle pour la solution d'une affaire pénale.
L'examen psychologique est souvent plus axé sur la réalisation des tests psychologiques.

7. L'expertise balistique

Il s'agit de l'examen de toutes les données relatives aux armes à feu ainsi que leur usage.
Ainsi, on peut exploiter tous les éléments balistiques recueillis dans le cadre d'une enquête,
tels que l'arme en elle-même, une douille, une balle, etc. L'expertise permettra notamment
d'identifier l'arme utilisée, de reconstituer la trajectoire du projectile, la distance de tir ou
l'usage récent par une personne d'une arme à feu.

443
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 798, p. 389.
157

8. L'expertise comptable

Les magistrats ont parfois recours à un expert comptable dans les dossiers de droit pénal
financier, surtout en matière de détournement des fonds.

9. L'expertise en écritures

Les autorités judiciaires peuvent avoir recours à ce type d'expertise aux fins d'identifier
l'auteur d'un texte ou d'une signature444.

10. L'expertise automobile

En matière d'accident de la circulation routière, les autorités judiciaires peuvent recourir à


des experts automobiles pour déterminer la vitesse des véhicules au moment de l'impact ou,
au moment où le conducteur a freiné, l'état du véhicule avant l'accident, les causes de
l'accident, son déroulement précis445, etc.

11. L'expertise en incendie

Dans le cadre d'enquêtes liées à un incendie, les autorités judiciaires peuvent recourir à une
personne spécialisée dans la recherche de l'origine des incendies et explosions. Leur
intervention peut être également utile lors de l'explosion de gaz ou de vapeurs.

12. La reconnaissance par l'odeur

Les techniques de recherche auxquelles les services de police peuvent avoir recours, sans
qu'il s'agisse à proprement parler d'expertises, sont nombreuses et peu connues des acteurs
judiciaires. Il en va notamment ainsi de l'utilisation de chiens policiers aguerris à reconnaître
un individu entré en contact avec un objet ou un vêtement, grâce à son odeur446. Si le résultat
de ces techniques ne peut être utilisé comme élément de preuve, il permet d'orienter l'enquête.

444
L. IONESCU, "L'expertise de l'écriture exécutée sous l'empire d'une forte émotion", Revue internationale de
criminologie et de police technique, 1988, n° 1, pp. 108 et s.
445
Voyez A. LOVERS, "L'expertise en accidentologie", Custodes, 2001, pp. 75-78.
446
G. DENIS, "Le chien policier détecteur d'odeurs humaines. Un appui spécialisé dans le domaine de la
recherche judiciaire", Custodes, 2001, pp. 33-42.
158

VII. Mise en oeuvre de l'expertise

1. Le serment

Avant de procéder aux actes de leur ministère, les experts prêtent le serment de les
accomplir et de faire leur rapport en honneur et conscience447. En principe, ils prêtent ce
serment verbalement avant le commencement de la mission. Les experts doivent donc
s'engager solennellement à accomplir leur mission en honneur et conscience, avec exactitude
et probité. Ils doivent prêter serment lors de chaque expertise. Ils ne sont néanmoins pas tenu
de prêter une nouvelle fois serment lorsque au cours de la même mission, ils sont invités à
réaliser de nouveaux devoirs.

2. Sanction en cas de refus de prêter serment ou d'exécuter la mission

La mission confiée à l'expert est obligatoire car le refus d'obtempérer à la réquisition ou


de prêter serment sera puni d'un mois de servitude pénale au maximum et d'une amende qui
n'excédera pas mille francs congolais, ou de l'une de ces peines seulement. La servitude
pénale subsidiaire à l'amende, de même que la contrainte par corps pour le recouvrement des
frais, ne peuvent excéder quatorze jours. Cette infraction prévue sera recherchée, poursuivie
et jugée conformément aux règles ordinaires de compétence et de procédure448.

3. Mission de l'expert

L'expert est chargé d'une mission qui doit être soigneusement libellée par le juge.
Rappelons qu'il résulte du rôle de l'expert que les missions qui lui sont confiées doivent être
d'ordre technique, se limitant aux points nécessaires à la formation de la conviction du juge, à
l'exclusion de toute appréciation de fait ou de droit qui relèverait de la compétence du juge.

L'expert est tenu de respecter les limites de sa mission dans le délai qui lui est imparti. Ce
délai peut être éventuellement prolongé à la demande de l'expert mais il faut qu'il le
demande et que la juridiction l'accorde. En principe, l'expert est soumis aux mêmes devoirs
que lorsqu’il avait exercé sa mission durant l’instruction préparatoire. Il revient ainsi à
l'OMP ou le tribunal, selon le cas, de déterminer clairement l'étendue de la mission de
l'expertise et les modalités de l'exécution de celle-ci.

447
Article 49 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
448
Article 52 du Code de procédure pénale.
159

En principe, le prévenu ne peut pas exiger d’assister aux opérations de l’expertise


ordonnées par le tribunal à la demande de la partie civile car la contradiction est assurée
à suffisance par la production au dossier du rapport des experts. Cependant, s’il n'y a pas
d’inconvénients majeurs, il faut laisser le prévenu suivre toutes les opérations de
l’instruction complémentaire et notamment les expertises ordonnées par le tribunal.
Comme l'instruction à l'audience est contradictoire, le prévenu a le droit de poser des
questions à l'expert par l'intermédiaire du président du tribunal.

4. Pouvoirs et investigations de l'expert

L'expert est indépendant. Il remplit personnellement sa mission avec une entière liberté
suivant les règles de la discipline scientifique dont il relève. Il dispose d'une très grande
latitude dans la recherche et la réunion des éléments nécessaires à l'exécution de sa mission.

L'expert ne doit pas sortir de son rôle. Il n'a pas le droit (et le juge ne peut le lui octroyer) de
procéder à de véritables interrogatoires ou à des enquêtes ou auditions de témoins; s'il entend
des personnes liées par le secret professionnel, celles-ci ne peuvent violer le secret. Ce sont là
les pouvoirs du juge. Il ne peut fonder son avis que sur des observations valides et fiables; il
ne peut se livrer à des interprétations qui ne reposeraient pas sur des données vérifiables. Il ne
doit pas non plus se faire l'auxiliaire de la police ou de l'OMP en essayant d'obtenir, à
l'occasion de ses contacts avec le prévenu, des confidences que celui-ci ne ferait pas
spontanément. Il ne peut pas méconnaître la présomption d'innocence, se faire communiquer
des renseignements couvets par le secret professionnel.

Il peut cependant se produire dans que dans le cadre de ses opérations, l'expert rencontre
une difficulté relevant d'une autre spécialité technique que la sienne et pour laquelle il
s'estimerait inapte. Il peut dans ce cas demander au magistrat ou le tribunal qui l'a commis
l'autorisation de faire appel à un ou plusieurs autres experts (techniciens). Si le magistrat
accepte (ce qui est souvent le cas en pratique), ces techniciens seront autorisés à collaborer
avec l'expert dans la mesure où celui-ci le jugera bon. Ils dresseront un rapport particulier sur
le point précis qu'ils auront examiné et ce document sera annexé par l'expert à son rapport
principal.
160

En vue de pallier sa propre incompétence dans le domaine justifiant l'intervention de


l'expert et de garantir une plus grande fiabilité de l'expérience mise en oeuvre, le juge peut
ordonner une contre-expertise et ainsi limiter le risque d'erreur.

5. Rapport de l'expertise

C'est la relation écrite (fait de relater) par l'expert de sa mission. Ce rapport est substantiel
à l'expertise. Quand l'expert a terminé ses opérations, il dépose simultanément au greffe de la
juridiction qui l'a commis, d'une part les pièces et documents qui lui avaient été remis ou ce
qu'il en reste, et d'autre part, un rapport écrit. L'expert dépose un rapport écrit établi dans la
langue de la procédure et peut être entendu sous serment à l'audience à ce sujet.

En principe, le rapport d'expertise et l'audition de l'expert sont soumis à la contradiction


des débats lorsque l'instruction est devant le tribunal (à l'audience) et non à l'instruction
préparatoire devant l'OMP. Le prévenu est naturellement libre de contredire les éléments
soumis au juge, en ce compris le rapport d'expertise.

Ce rapport comprend les préliminaires, les travaux et constatations de l'expert, ainsi que
ses conclusions. Ce rapport doit respecter une certaine présentation qui est traditionnelle. Il
commence par rappeler la date de la nomination de l'expert, puis l'autorité qui l'a commis et
les questions qui lui ont été posées. Après quoi il fait l'historique des faits analysés, décrit ses
opérations puis donne ses conclusions. L'expert est tenu de faire connaître au juge, non
seulement ses conclusions, mais ce qui les sous-entend: il doit donc décrire scrupuleusement
ses investigations et sa méthode, faire état des devoirs accomplis et de leurs résultats, afin de
permettre la libre contradiction de son rapport. S'il gardait le silence sur quelques points, il
outrepasserait sa mission et se substituerait au juge449.

Le tribunal qui désigne un expert lui fixe un délai pour accomplir sa mission et déposer
son rapport. Le Code de procédure pénale ne prévoit pas la réglementation ni générale ni
détaillée de la l'expertise. Son article 49 prévoit seulement qu'avant de procéder aux actes de
leur ministère, les experts prêtent le serment de les accomplir et de faire leur rapport en
honneur et conscience. Nous pensons qu'il convient de prévoir un ensemble de dispositions

449
R. TAHON, "Les libertés individuelles et un nouveau procédé d'expertise mentale", Revue de droit pénal et
criminologie, 1947-1948, pp. 113 et s.
161

qui réglementent de façon spécifique l'expertise aux différents stades du procès pénal: devant
l'OPJ (enquête préliminaire), l'officier du ministère public (instruction préparatoire) et le
tribunal (audience). Ainsi, pendant l'enquête préliminaire (devant l'OPJ) et l'instruction
préparatoire (devant l'OMP), l'expertise devrait être, en règle, unilatérale et secrète, compte
tenu de la spécificité de cette période dans la recherche des preuves.

Par contre devant le tribunal (à l'audience), les débats sur le rapport d'expertise devaient
être contradictoires. Il en est également en cas d'expertise portant exclusivement sur les
intérêts civils. En cette matière, l'absence de contradiction devrait entraîner l'inopposabilité à
l'égard de la partie dont les droits de la défense ont été méconnus.

6. Frais de l'expertise

La juridiction de jugement ou, pendant la durée de l'instruction préparatoire, le ministère


public, fixe les indemnités à allouer aux, experts pour les actes de leur ministère. Ces
indemnités sont de droit acquises au Trésor lorsque le ministère a été prêté par des personnes
qui touchent un traitement à sa charge. Toutefois, le Gouverneur de la province peut attribuer
aux intéressés tout ou partie de ces indemnités450.

VIII. Valeur probante de l'expertise

La conclusion d'un rapport d'expertise n'a que la valeur d'un avis soumis à l'appréciation du
juge (il le lie pas donc le juge), sous la réserve que celui-ci ne peut attribuer à l'expert une
opinion qu'il n'a pas émise ou des circonstances autres que celles qu'il a faites et ainsi violer la
foi due au rapport d'expertise. Les considérations et les conclusions d'un rapport d'expertise ne
sont qu'un avis que le juge ne suit, même au point de vue technique, que s'il y trouve les
éléments propres à déterminer sa décision et s'il ne lui apparaît pas en contradiction avec
d'autres éléments saisissables et probants que la cause révèle.

En vertu du principe de la liberté des moyens de preuve et de la libre appréciation de la


valeur probante des éléments de preuve, il appartient au juge d'apprécier la validité et la force
probante de l'expertise et il n'est pas lié par les constations ou les conclusions de l'expert, son
appréciation pouvant tenir compte du caractère contradictoire ou non de l'expertise. C'est au
juge qu'il appartient de forger sa conviction conformément aux principes de l'appréciation des

450
Article 51 du Code de procédure pénale.
162

preuves en matière pénale. Le juge a le devoir de se faire une conviction personnelle même
s'il consulte des experts. Cette liberté dans l'appréciation des conclusions de l'expert vise aussi
bien les constatations matérielles du rapport que les conclusions.

Cette liberté est du reste nécessaire en fait, parce que malgré les progrès de la science, les
experts sont sujets à erreurs, aussi bien dans leurs constatations que dans leurs conclusions et
l'on sait que les experts ont parfois déterminé des erreurs judiciaires graves451. C'est pourquoi,
pour impressionnantes qu'elles soient, les preuves scientifiques et techniques n'échappent ni
au principe de l'intime conviction ni au formalisme qui caractérisent le procès pénal. Il
appartient au juge non seulement de bien en comprendre la signification mais aussi d'en
apprécier la portée en fonction de l'ensemble des éléments recueillis par l'enquête452.

De même, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, le juge pénal apprécie
souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont soumis et que les parties ont pu
contredire. Aucune disposition légale, ni le principe général de droit relatif au droit de la
défense, ni le droit à un procès équitable n'interdisent au juge pénal d'apprécier la valeur
probante du rapport de l'expertise ordonnée par un juge civil dans une instance entre le
prévenu et la partie civile, lorsque ce rapport a été régulièrement produit et soumis à leur
contradiction même si toutes les règles relatives au caractère contradictoire de l'expertise n'ont
pas été respectées par l'expert à l'occasion de l'exécution de sa mission453. Enfin, lorsque
l'expert a excédé sa mission, le juge répressif écarte son rapport, en tout ou en partie.

Mais il faut bien voir qu'il y a dans cette absence de force probante de l'expertise en tant
que moyen de preuve un certain paradoxe. Si les magistrats ont recours à des experts c'est
parce qu'ils estiment eux-mêmes qu'ils ne sont pas aptes à traiter les questions dont il s'agit.
Venir décider, ensuite, que ce sont eux qui trancheront et qu'ils seront libres de tenir le compte
qu'ils voudront des conclusions des experts n'est pas très satisfaisant sur le plan intellectuel. Il
reste, qu'en fait, la plupart des conclusions d'expertise sont suivies, au moins autant qu'elles
paraissent donner une piste sérieuse et c'est la raison pour laquelle la bataille autour de

451
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, pp.1096, 1215.
452
J. DE CODT, "Preuve criminalistiques et vérité judiciaire", Journal des Tribunaux, 2005, pp. 205-209.
453
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1198.
163

l'organisation de l'expertise est tellement passionnée454. C'est pourquoi, en pratique, l'expertise


pèse d'un poids considérable455 et le juge est donc souvent amené à se référer purement et
simplement aux conclusions de l'expert.

§ 7. Les preuves informatiques

I. Fondement

Les nouvelles technologies permettent la transmission de données à une vitesse très rapide.
Ces données sont autant d'éléments susceptibles d'intéresser les enquêteurs et de servir de
preuves. A cet égard, il est nécessaire aux services d'enquête de pouvoir prendre "la balle au
bond" et de réagir vite, très vite. Or, le cadre légal actuel est relativement procédurier, il est
parfois lent, très lent. L'intervention indispensable de l'officier du ministère public pour
effecteur certaines mesures d'enquête, pas exemple, peut ralentir la procédure entraînant la
perte potentielle d'éléments utiles à l'enquête. Les autorités répressives seront donc tentées de
favoriser des mesures d'investigation plus rapides et de passer outre un cadre légal considéré
comme rigide à jamais à maints égards. Toutefois, ce cadre sert de rempart contre l'arbitraire
et les risques d'abus de sorte qu'une certaine prudence s'impose.

Or en RDC, le Code de procédure pénale n'a pas encore intégré les mesures d'investigations
liées aux nouvelles technologies. Et pourtant certaines mesures peuvent s'avérer utiles dans la
collecte de preuves informatiques en matière pénale: la saisie des données informatiques (II),
le rôle des intermédiaires privés dans la collecte de preuves (III), les méthodes particulières de
recherches et les nouvelles technologies (IV) et l'interception de communications
électroniques (V).

II. La saisie des données informatiques et la recherche informatique

Ils constituent dans la plupart des Etats industrialisés les nouvelles techniques d'enquêtes
relatives aux systèmes informatiques.

454
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 274, p. 437.
455
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 852, p. 749.
164

1. La saisie informatique

La saisie de support informatique (par exemple un téléphone portable ou un ordinateur) est


une saisie mobilière. La saisie de données stockées dans un système informatique est une
saisie des données immatérielles, dont la mise en oeuvre peut soulever de difficultés.

La saisie de données informatiques peut s'effectuer tant au stade de l'enquête préliminaire


(devant l'OPJ) que de l'instruction préparatoire (devant l'OMP). Le ministère public peut
requérir la copie des données stockées, leur blocage et leur retrait. De même, le blocage d'un
site internet peut intervenir dans le cadre d'une saisie.

Dans le cadre de la saisie, les données informatiques peuvent être rendues indisponibles
soit parce qu'elles serviront à titre de preuve, soit parce qu'elles portent atteinte à l'ordre
public, aux bonnes mœurs, ou qu'elles représentent un danger. La personne responsable du
système informatique dont les données sont saisies, devrait être informée a posteriori de la
mise en oeuvre de la mesure. Enfin, l'autorité compétente devrait disposer de tous les moyens
techniques appropriés pour assurer la confidentialité et l'intégrité des données saisies.

2. La recherche informatique

C'est une consultation de données stockées dans un système informatique456. Pour que la
recherche informatique soit autorisée, elle doit répondre aux conditions suivantes:
- Elle doit être nécessaire à la manifestation de la vérité au regard de l'infraction visée;
- Il ne faudrait pas qu'il existe un risque de perdre certains éléments de preuve457.

L'intrusion et le système informatique non accessible pour exploiter les données


informatiques supposent une pénétration dans un espace informatisé. Cette intrusion pourrait
s'analyser en une perquisition d'où découleraient certaines garanties protégeant les droits
fondamentaux des personnes en cause458. Le ministère public pourrait interdire l'accès aux
données informatiques si elles forment l'objet de l'infraction ou ont été produites par

456
O. LEROUX, "Criminalité informatique", in X., Postal Mémorialis. Lexique du droit pénal et des lois
spéciales, juillet 2014, C 362/46, p. 58.
457
C. FORGET, "La collecte de preuves informatiques en matière pénale", in J. -F. HENROTTE et F. JONGEN
(sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, p.254.
458
C. FORGET, "La collecte de preuves informatiques en matière pénale", in J. -F. HENROTTE et F. JONGEN
(sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, p.257.
165

l'infraction et si elles sont contraires à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ou constituent un
danger pour l'intégrité.

III. Le rôle des intermédiaires privés dans la collecte de preuves

Certaines données informatiques ne sont accessibles qu'aux acteurs privés de sorte que les
enquêteurs devraient les solliciter.

1. L'obligation de collaboration

Une obligation de collaboration devrait exister entre à les personnes présumées disposer
d'une connaissance particulière du système informatique et les enquêteurs. Il s'agit par
exemple, des personnes gérant les services permettant de protéger ou de crypter les données
stockées dans un système informatique. Ces personnes doivent fournir des informations aux
enquêteurs à leur demande.

2. Les réquisitions informatiques

Le ministère public devrait requérir le concours d'opérateur de réseau de communications


électroniques pour obtenir certaines données susceptibles d'être demandées au stade de
l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire dans le cadre d'une réquisition
informatique. Il s'agit notamment de l'identité de l'abonné d'une ligne téléphonique, d'une
adresse de courrier électronique, d'une connexion internet, etc.

3. Le repérage

C'est une mesure par laquelle le ministère public devrait requérir les opérateurs de
télécommunications d'isoler certaines données d'appel, par exemple d'isoler les différents
numéros de téléphones composés par un téléphone.

4. La rétention de données

Elle consiste en une obligation de rétention de données envers les fournisseurs de services
de téléphonie fixe et mobile, les fournisseurs d'accès internet, les fournisseurs de réseaux
publics de communications électroniques et de courrier électroniques ou téléphonie par
internet. Ceux-ci doivent conserver les données de trafic, de localisation, d'identification des
utilisateurs finaux, d'identification des services de communications électroniques utilisés et
les données d'identification de l'équipement terminal présumé avoir été utilisé.
166

Il s'agit donc des données traitées et générales dans le cadre de la fourniture de services de
communication, c'est-à-dire toutes les données générées par les communications électroniques
(listes de contacts, date, heure des échanges de communications électroniques, sites internet
consultés, etc.), à l'exception du contenu des messages envoyés459. Une loi devrait déterminer
les modalités de l'obligation de collaboration légale en cas de demandes concernant les
communications électroniques.

IV. Les méthodes particulières de recherches et les nouvelles technologies

Il s'agit au sens strict des méthodes d'observation, d'infiltration et de recours aux indicateurs.
A la différence des autres méthodes d'enquêtes, par exemple l'interception des
communications, les enquêteurs établissent un dossier confidentiel où sont glissées certaines
pièces de dossier. Ces méthodes ont pour finalité la découverte des infractions et de leurs
auteurs. La plupart peuvent être mises en oeuvre dans un cadre proactif, l'enquêteur doit
néanmoins disposer d'indices sérieux de la commission d'une infraction déjà commise mais
non encore connue ou en passe d'être commise.

1. L'infiltration dans un contexte informatique

L'infiltration est le fait, pour un fonctionnaire de police, appelé infiltrant, d'entretenir, sous
une identité fictive, des relations durables avec une ou plusieurs personnes concernant
lesquelles il existe des indices sérieux qu'elles commettent ou commettraient des infractions
dans le cadre d'une organisation criminelle. L'infiltrant établi nécessairement sous une identité
fictive un contact durable avec l'infiltré. Ce contact pouvant néanmoins être occasionnel.

En matière informatique, l'enquêteur peut créer une identité fictive et l'utiliser pour collecter
certaines informations. La mesure suppose dès lors la commission de deux infractions à savoir
le faux informatique et le port public du faux nom. Ces dernières ne pourront être commises
sans l'autorisation de l'officier du ministère public.

Sur les réseaux sociaux par exemple, les enquêteurs pourraient utiliser un pseudonyme pour
intégrer un groupe lié à un intérêt particulier et se présenter comme susceptible de proposer

459
C. FORGET, "La collecte de preuves informatiques en matière pénale", in J. -F. HENROTTE et F. JONGEN
(sous direction), Pas de droit sans technologie, CUP, volume 158, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, p.268.
167

des services. Une fois que l'infiltrant et le pseudonyme de réseaux sociaux auront toutes les
preuves de la commission des infractions, ils feront arrêter leurs auteurs.

2. L'observation sur internet

Elle consiste à placer un espion qui est implanté dans le système informatique d'une
personne en vue soit d'exploiter le contenu d'un disque dur, soit intercepter le contenu de
conversations en cours de transmission.

V. L'interception de communications électroniques

Il s'agit de toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d'écrits,


d'images, de sons ou de données de toute nature, par fil, radioactivité, signalisation optique ou
autre système électromagnétique. Cette définition englobe également les messages envoyés
par téléphone portable et les courriers électroniques460.

§ 8. La descente sur les lieux

La descente sur les lieux n'est pas au vrai sens du mot les preuves mais elle constitue
un acte d'administration de la preuve qui peut contribuer à la manifestation de la vérité
et étayer ainsi la religion du juge. Sa finalité est diverse: le constat d'une infraction, les
constatations à l'endroit où a été commise l'infraction, la reconstitution des faits, une
perquisition, une saisie.

La constatation désigne l'opération par laquelle un officier ou un agent de la police


judiciaire ou un agent chargé de certaines fonctions de la police judiciaire perçoit une
infraction; en d'autres termes c'est le constat. Mais les constatations ont un autre
contenu. Elles consistent dans l'ensemble des opérations qui, postérieures au constat,
tendent à l'administration de la preuve, au recueil des divers traces ou indices ou à la
saisie des pièces à conviction, le plus souvent à l'aide des moyens de l'identité
judiciaire461.

460
D. VANDERMEERSCH, Les recherches en matière de téléphonie et de (télé)communications, Bruxelles, éd.
Jeune Barreau, 2006, p. 49.
461
S.GUINCHARD et J.BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 596, p. 478.
168

L'officier de police judiciaire, l'officier du ministère public ou le tribunal, peut chacun, à la


demande d'une partie ou d'office, ordonner une descente sur les lieux afin d'y faire certaines
constatations. La descente sur les lieux fait partie de l'enquête préliminaire, l'instruction
préparatoire et l'instruction d'audience et soumise aux mêmes exigences de publicité et de
contradiction. Mesure exceptionnelle dans la pratique, la descente sur les lieux vise
habituellement les lieux de la commission de l'infraction mais rien n'empêche la juridiction de
se déplacer en d'autres lieux.

§ 9. Les mesures d'instruction complémentaire

Ces mesures d'instruction complémentaire ne sont pas au vrai sens du mot les
preuves mais elles constituent des éléments qui peuvent étayer la religion du juge.
Lorsqu’une juridiction estime que le dossier qui lui a été soumis par le ministère public
comporte des lacunes, et qu’il y a lieu de compléter l’instruction, elle décide par jugement
avant dire droit de toute mesure complémentaire : expertise, descente sur les lieux, production
des pièces à conviction etc. Toutes les parties (ministère public, prévenu, partie civile, partie
civilement responsable) peuvent solliciter des devoirs complémentaires mais le juge du fond
apprécie souverainement la nécessité ou l'opportunité d'une mesure complémentaire demandée
par les parties.

Le juge apprécie souverainement le caractère nécessaire, utile et adéquat de mesures


d'instruction complémentaire. C'est ainsi qu'une violation des droits de la défense ne saurait
se déduire de la seule circonstance que le juge du fond a statué sur l'action publique sans
attendre le résultat d'une instruction relative à des faits susceptibles d'affecter la régularité de
l'administration de la preuve; il lui revient en effet d'apprécier en fait dans quelle mesure cette
instruction est nécessaire pour former sa conviction quant aux faits dont il est saisi.

Il convient de préciser que jamais une juridiction ne peut ordonner au ministère public
de compléter l’instruction dans tel ou tel autre sens. Cette pratique fort ancrée dans la
jurisprudence a été condamnée par la Cour suprême de justice à l’occasion de l’affaire
Gécamines. L’interdiction de ce principe repose sur un principe de droit, à savoir
l’indépendance des magistrats du parquet vis-à-vis des juges. Cependant l’article 6 de
l’ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes donne compétence à la juridiction saisie de commettre le ministère
public pour procéder aux devoirs d’instruction qu’elle précise.
169

I. Les pièces à conviction

Pendant l’instruction préparatoire, certains objets peuvent être saisis à titre de pièces à
conviction :

- le ministère public et la partie civile peuvent produire des pièces à conviction et ce, durant
l’instruction à l’audience ;
- le tribunal peut ordonner la production de certains objets qui n’avaient pas été saisis au
niveau de l’instruction préparatoire.

II. La communication des pièces judiciaires

L’on peut recourir à des dossiers judiciaires ou des pièces judiciaires pour
faire la preuve en procédure pénale. S’agissant des pièces de procédure pénale ou
disciplinaire, le greffier ne les délivre en copie que sur autorisation du Procureur général
près la cour d’appel ou du Procureur général près la Cour de cassation selon les cas. Il se pose
un problème de communication des pièces ou documents de procédure civile pour lesquels
il faut recourir à la procédure de compulsoire, non prévue par un texte légal mais que la
jurisprudence applique de manière prétorienne en tant que principe général de droit. La
procédure du compulsoire permet de se faire délivrer par un notaire ou par un autre officier
public une expédition ou une copie d’un acte auquel on n’avait pas été partie mais dont on a
intérêt à avoir communication pour une instance.

III. Les moyens techniques et scientifiques

Parmi les moyens techniques, scientifiques que l’on peut utiliser comme moyens de
preuve en justice, il y a lieu de citer :

- les relevés dactyloscopiques pour aider à identifier l’auteur d’une manipulation ;


- la photographie ;
- la radiographie ;
- les enregistrements au magnétophone ;
- les discours publics ou d’interrogatoires judiciaires.

Il est aussi à noter que le juge ne doit pas laisser éblouir par ces moyens techniques au
point d’accepter hâtivement les conclusions qui en découlent. Le juge doit pouvoir les
soumettre à la critique pour en apprécier l’efficience. Au sujet du problème de
170

l’administration de la preuve en justice, des limites doivent être fixées à l’utilisation des
moyens de preuve. Cependant, jamais le tribunal ne peut recevoir et encore moins provoquer
des preuves et des présomptions qui ont été obtenues par des voies illicites telles que :

- les enregistrements des propos confidentiels par des microphones dissimulés ;


- tables d’écoute téléphoniques ;
- les pratiques des «moutons» dans les cachots et maisons d’arrêts ;
- les provocateurs ;
- les pressions morales ;
- les pratiques d’otages ;
- les contraintes diverses.

Le problème de l’emploi des techniques scientifiques de la révélation de la vérité


reste discuté. L’on peut affirmer que le rejet a priori de ces moyens techniques ne peut se
justifier, car le dosage d’alcool dans le sang, la détermination du groupe sanguin,
l’enregistrement d’un discours public, etc. sont des procédés valables des preuves
objectives à condition d’en faire un usage loyal. L’emploi des méthodes de narco-analyse
(penthotal ou sérum de vérité) ou du polygraphe comme détecteur de mensonge tant pour le
témoin que pour le prévenu, est admis par certains et rejeté par d’autres.

IV. La commission rogatoire

Par jugement motivé, une juridiction peut commettre un de ses membres ou un juge
appartenant à une autre juridiction en vue d’effectuer des enquêtes, notamment l’audition
d’un témoin. Cependant, un tribunal ne peut commettre un juge appartenant à une juridiction
du rang supérieur à la sienne. Les juridictions congolaises peuvent commettre des juges
étrangers, mais elles ne peuvent exécuter des commissions rogatoires émanant des juges
étrangers qu’avec l’autorisation du ministre de la Justice.
171

SECTION 5: L'INTIME CONVICTION DU JUGE

La doctrine distingue classiquement le principe de la liberté de la preuve du principe de


l'intime conviction462. L'intime conviction se mesure à l'aune de la réduction, dans des
proportions les plus larges possible, voire, dans l'idéal, à la disparition de toute part de doute
quant à la culpabilité de celui qui va être amené à juger463. A notre sens le second est corollaire
au premier.

Le juge ne peut déclarer une prévention établie que si l'ensemble des éléments qui lui sont
soumis par la partie poursuivante entraînent son intime conviction que l'individu a commis
l'infraction. Le juge du fond apprécie la faute du prévenu suivant sa conviction intime et le
condamne lorsqu'il a acquis la certitude humaine que le prévenu est coupable du fait mis à sa
charge464. Lorsque plusieurs éléments de preuve sont présentés au juge, celui-ci les confronte
naturellement, ce qui signifie qu'il apprécie la valeur probante de l'ensemble de ces éléments
pour déterminer son intime conviction, sans nécessairement apprécié la valeur probante de
chaque élément de manière distincte avant de la confronter465.

De même, il n'est pas nécessairement exigé que plusieurs preuve soient réunies pour
pouvoir déclarer une prévention établie, une seule preuve pouvant suffire si le juge l'estime
suffisamment probante et qu'elle emporte sa conviction.

Sous réserve de ne pas déduire, de ses constatations en fait, des conséquences qui seraient
sans lien avec elles ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification,
le juge apprécie souverainement, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, la
valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et qui ont régulièrement été
soumis au débat contradictoire. Il peut ainsi s'estimer convaincu par une déposition pourtant
discutée par une expertise, se fonder sur des simples renseignements à l'encontre d'un
témoignage sous serment, préférer la déclaration d'une des personnes poursuivies à celles,
concordantes en sens contraire, émanant de plusieurs autres, tenir compte d'aveux rétractés,
retenir des déclarations recueillies sans serment au cours de l'instruction préparatoire alors

462
Voyez notamment, J. DU JARDIN, "Des quelques aspects récents de l'évolution du droit de la preuve en
matière pénale", in Annales de droit de Louvain, Volume 61, n° 2, p. 147.
463
D. BOSQUET, "Le polygraphe", Actualités de droit pénal et de procédure pénale, Bruxelles, éd. Jeune
Barreau de Bruxelles, 2001, p. 181.
464
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément
tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1647, p. 822.
465
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 717, p. 360.
172

même qu'elles ne sont pas confirmées sous serment à l'audience, se déterminer par rapport à
des éléments ne concordant pas avec certaines constatations des services de police ou de
s'appuyer sur les seules déclarations de la victime466.

Dans le système de l’intime conviction, le juge apprécie librement les preuves. Le juge peut
condamner la faute du prévenu que lorsqu'il a acquis la certitude humaine qu'il est coupable du
fait mis à sa charge. Toutefois, la liberté d’appréciation ne doit pas s’entendre comme un
arbitrage complet chez le juge dans l’examen des preuves.

C’est pourquoi trois limites viennent guider le juge dans sa libre appréciation des
preuves produites devant lui :
- aucune contradiction ne peut exister dans les motifs des décisions de
condamnation ou d’acquittement ;
- la loi attache à certains procès-verbaux la force probante particulière.

A cet égard, on peut distinguer :


- les procès-verbaux ayant valeur de simples renseignements : ils constituent le droit
commun, leur valeur probante est laissée à l’appréciation du tribunal ;
- les procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire : seules les preuves contraires
écrites ou testimoniales apportées par le prévenu ou puisées par le tribunal dans les mesures
d’instruction par lui ordonnées permettent de les écarter. Exemple : les procès-verbaux des
fonctionnaires et agents chargés spécialement de surveiller les infractions de falsification des
denrées alimentaires ;
- les procès-verbaux faisant foi jusqu’à inscription en faux, tels que les procès-verbaux
en matières douanières.

Le juge statuant en matière pénale ou appelé à statuer incidemment sur une question
civile, doit le faire à l’aide des moyens de preuves de droit civil et ce compte tenu de la valeur
probante que le code civil attache à ces moyens de preuve.

466
L. KENNES, "Vérité et preuve pénale", in G. DE LEVAL (sous direction), La preuve et la difficile quête de
la vérité judiciaire, Commission-Université-Palais, Volume 126, Bruxelles, éd. Anthémis, 2011, p. 133.
173

SECTION 6: JUSTIFICATION ET CRITIQUE DU SYSTEME


DE LA LIBERTE D'APPRECIATION DES PREUVES

L'objet de la conviction du juge est une action humaine qui, par définition, est mouvante,
complexe, difficile à appréhender, ce qui a pour corollaire la nécessité de faire confiance à la
sagesse du juge. En ce sens, paradoxalement, la notion même de l'intime conviction, qui
révèle la part essentielle de subjectivité lors de l'appréciation de la preuve, constitue à la fais
une garantie nécessaire et une faiblesse fondamentale du système de preuve du pénal
positif467.

En outre, la certitude judiciaire et les moyens d'y parvenir implique une acène intellectuelle
que le législateur doit bien reconnaître à ceux qui ont la redoutable mission de juger. Tel est
cependant le problème. L'exigence intellectuelle et morale n'est pas également partagée par
tous les hommes.

Le système de la libre appréciation de la preuve emportant la conviction du juge, même si


celui-ci ne constitue pas une preuve mais le résultat d'une preuve, reste un système très
largement subjectif.

Ce système ne protège pas suffisamment le juge contre les dangers, parfois mal connus,
des différents modes de preuve. Il altère pratiquement la portée de la présomption
d'innocence, au point de laisser parfois l'interprète dans une indécision en ce qui concerne la
charge de la preuve. Le problème se trouve renforcé avec ce que l'on appelle désormais "les
preuves scientifiques", telles l'analyse ADN, les expertises éminemment techniques, etc.: quel
est le réel pouvoir d'appréciation du juge face à ces données techniques qui lui échappent
complètement et comment se forme sa conviction dans ce contexte ?

Certes, il n'est pas question de revenir à un système de preuve légale, encore que justement
il a été constaté qu'il serait injuste d'oublier que, la torture mise à part, ce système protégerait
l'accusé souvent mieux que le régime de la libre appréciation des preuves.

Nous souscrivons pleinement à cette réflexion: "mais ce qu'il importerait de faire ou de


refaire, c'est une théorie de l'intime conviction sous l'angle d'une logique du raisonnable, de
tracer par conséquent un cadre où l'intime conviction s'inscrit. Cadre infiniment moins
rigoureux que celui qui est exigé par le savant pour admettre la certitude d'un fait, mais

467
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume I., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, p. 11.
174

cadre qui à mon sens existe"468. Le système de la preuve de tout doute raisonnable ne
pourrait-il, adéquatement prendre le relais ? Encore faudrait-il que l'on prenne toute la mesure
du changement, sans le réduire à une question de vocabulaire.

468
G. LEVASSEUR, "La présentation de la preuve et la sauvegarde des libertés individuelles", La preuve en
droit, Etudes publiées par Ch. PERELMAN et P. FORIERS, Bruxelles, éd. Bruylant, 1981, p.24.
175

CHAPITRE III: REGLES DE PREUVE DANS LE CADRE


DU JUGEMENT DE L'ACTION CIVILE

De manière générale, les règles de preuves propres en matière pénale (charge de la preuve,
liberté dans l'administration de la justice, liberté dans l'appréciation de la valeur probante)
sont d'application dès que le fait à prouver est une infraction. Peu importe que l'on se trouve
devant une juridiction pénale ou une juridiction civile. En conséquence, si un demandeur au
civil sollicite la réparation d'un dommage causé par l'infraction, il lui faut apporter la preuve
de tous les éléments constitutifs de l'infraction et le défendeur peut alléguer avec
vraisemblance une cause de justification, avec pour conséquence qu'il appartiendra au
demandeur de renverser cette vraisemblance469.

Cela résulte du principe d'unité entre la faute pénale et la faute civile. Ainsi, lorsque
l'action civile est fondée sur une infraction, ce sont donc les règles de la preuve en matière
pénale qui sont applicables; en cette matière, la preuve du fait litigieux peut être établie par
toutes voies de droit. Cependant lorsque l'infraction se rattache à l'exécution d'un contrat,
dont l'existence est déniée ou dont l'interprétation est contestée, le juge pénal est tenu de se
conformer aux règles de droit civil pour statuer sur l'existence de ce contrat ou son
exécution470.

De même, lorsque le prévenu invoque, pour obtenir le partage de responsabilité, une faute
dans le chef de la victime, il lui appartient de prouver cette faute de causalité avec le
dommage selon les règles de droit civil. Cela signifie que pour la preuve de l'existence du
dommage et de son étendue, les règles de droit civil sont d'application471.

En matière civile, il appartient à la partie qui a introduit une demande fondée sur une
infraction de prouver que tous les éléments constitutifs de celle-ci sont réunis, qu'elle est

469
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, pp.1096, 1172; R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire pratique du
droit belge. Complément tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant 2006, n° 1634, p.
815.
470
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n° 144 et 154, pp. 118, 128
471
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1165; R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale. Extrait du répertoire
pratique du droit belge. Complément tome IX, 2004, V°, Procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant 2006,
n° 1602 et 1641, pp. 801, 818.
176

imputable à la personne adverse et, si cette dernière invoque une cause de justification sans
que son allégation soit dépourvue de tout élément de nature à lui donner crédit, que cette
cause de justification n'existe pas. Par contre, lorsque la défense du prévenu contre l'action
civile introduite contre lui est sans rapport avec la preuve de l'infraction, les règles de la
preuve en matière civile s'appliquent472. Ainsi, lorsque l'infraction se rattache l'exécution d'un
contrat dont l'existence est déniée ou l'interprétation est contestée, le juge pénal en statuant
sur l'existence de ce contrat ou sur son exécution se conforme aux règles de droit civil.

472
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge,
7 ème éd. La Charte, 2014, p.1165; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd., Dalloz, 2010, n°
144, p. 118.
177

CHAPITRE IV : PROPOSITIONS POUR UNE


REFORME SUR LA PREUVE

De manière général, le système de preuve peut paraître souple et même laxiste en RDC: au
niveau du fond, c'est le principe de l'intime conviction du juge qui prévaut et les règles
d'exclusion de preuves sont rares. Il en très rare que la Cour de cassation écarte les preuves
irrégulières.

Depuis que le Code de procédure pénale a été mis sur pied (le 6 août 1959), il n'y a pas eu
d'autres dispositions qui ont été prises pour compléter cette matière qui est très pauvre. Ce
Code accorde les pouvoirs exorbitants dans l'appréciation des preuves. Or depuis le 6 août
1959 (soit 57 ans), beaucoup de choses ont évolué. A titre d'exemple, certaines dispositions
du Code de procédure pénale sont très loin de l'esprit de la Constitution du 18 février 2006.

Ainsi, l'article 18 de la Constitution du 18 février 2006 dit: "Toute personne arrêtée doit
être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée
contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de
ses droits. La personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa
famille ou avec son conseil. La garde à vue ne peut excéder quarante huit heures. A
l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition
de l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve
sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité".

De même l'article 19 de la même Constitution déclare: "Le droit de la défense est organisé
et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un
défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête
policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité".

Comme on le voit, ce deux dispositions constitutionnelles accordent une place particulière


à l'auteur présumé de l'infraction tant à l'enquête préliminaire de l'OPJ qu'à l'instruction
préparatoire de l'OMP.

C'est pourquoi, nous pensons qu'il convient d'actualiser le Code de procédure pénale
actuel par une meilleure protection des droits du prévenu et plus généralement de l'homme
178

dans la société. Une théorie générale de la preuve en matière pénale devrait être inscrite dans
le Code de procédure pénale.

Dans ce contexte, il serait mieux d'y inclure un système comparable au système anglais, à
savoir un système de preuve légales par exclusion. A cet égard, quelques suggestions
pourraient retenir l'attention:
- ne jamais se contenter d'une seule preuve si elle n'est pas étayée par d'autres éléments;
- exclure radicalement les preuves obtenues par les services de renseignements (notamment
les tortures ou toute forme de violences physiques ou morales) dès lors qu'ils sont contestés
par le prévenu;
- exclure dans les textes les moyens illégaux et déloyaux et donner à la partie poursuivante la
charge de prouver la légalité de la preuve présentée (lettres produites, régularité de la
perquisition), etc.;
- exclure radicalement les éléments qui ne reposent pas sur une preuve vérifiable tels
l'impression des verbalisateurs, les personnes dignes de fois, les renseignements de moralité,
le casier judiciaire;
- étendre le contrôle de la juridiction d'appel et la Cour de cassation au caractère probant de
l'élément retenu par le juge tant au point de vue de la matérialité des faits qu'au point de vue
de l'intention;
- faire une théorie de l'intime conviction sous l'angle de l'exigence de la preuve au delà de
tout doute raisonnable;
- inclure les grands principes de la preuve figurant en tête du Code, comme premiers
principes généraux de droit;
- inclure la présomption d'innocence et ses corollaires imposant la charge de la preuve à la
partie poursuivante, y compris lorsque la défense invoque une cause de justification ou
d'excuse;
- inclure la liberté de la preuve, à l'exclusion des moyens incompatibles avec la loyauté de la
procédure et les principes généraux de droit, le législateur pouvant toutefois prévoir des
modalités particulières d'administration de la preuve;
- inclure la liberté dans l'appréciation des preuves régulièrement recueillies et produites, sauf
les exceptions prévues par la loi;
- prévoir l'obligation pour la juridiction d'entendre le prévenu sur les faits;
- prévoir la convocation des experts à l'audience afin de permettre au prévenu de contredire le
179

DEUXIEME PARTIE :

LA PROCEDURE AVANT L'AUDIENCE

Il s'agit de la phase de l'instruction préjuridictionnelle (avant la saisine des juridictions).


L'instruction est la phase du procès pénal au cours de la quelle le magistrat instructeur
procède aux recherches tendant à identifier l'auteur de l'infraction, à éclairer sa personnalité, à
établir les circonstances et les conséquences de cette infraction, afin de décider de la suite à
donner à l'action publique473. Le mot "préjuridictionnelle" signifie la période avant la saisine
du tribunal, autrement dit, avant le procès. L'instruction préjuridictionnelle signifie toutes les
enquêtes, procédures qui se passent avant la saisine du tribunal. C'est donc celles qui sont
l'oeuvre des OPJ et du ministère public (parquet).

CHAPITRE I : L’ACTION PUBLIQUE

SECTION 1 : NOTION ET PLENITUDE DE L’ACTION PUBLIQUE

§ 1. Notions de l’action publique

L'action publique est l'action d'intérêt général, née d'un fait qualifiée infraction, qui a pour
objet la poursuite devant les autorités compétentes, spécialement les cours et tribunaux, dans
les formes prescrites par la loi, de la personne prévenue ou accusée de la dite infraction, aux
fins d'examiner sa culpabilité, et de lui appliquer, si elle est coupable, les sanctions ou
mesures prévues par les lois pénales474. C'est celle qui est exercée au nom de la société par le
ministère public et a pour objet l'application, par une juridiction pénale, de la loi pénale à
l'auteur d'une infraction, afin de réparer le dommage qu'il a causé à la société.

La mise en mouvement de l'action publique est l'acte initial de la poursuite, celui par lequel
l'action publique est déclenchée et qui saisit la juridiction de jugement. Elle est le premier acte
de l'exercice; mais elle ne constitue pas à elle seule l'exercice. C'est qu'en effet, l'exercice
proprement dit comprend l'ensemble des actes par lesquels l'action, une fois mise en
mouvement, se poursuit jusqu'à la décision définitive. Il consiste dans la direction de l'action
et notamment dans les réquisitions à prendre en vue de l'instruction et du jugement du procès
pénal, et dans l'exercice des voies de recours contre la décision intervenue475.

473
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p.500.
474
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 42; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n°
969, p. 601.
475
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 167, p. 140.
180

L’action publique ou l’action pénale a pour but la répression de l’infraction considérée


comme ayant porté atteinte à l’ordre social et pour objet l’application d’une peine ou d’une
mesure de sûreté au délinquant. Objet principal du procès pénal, l’action publique est un droit
de poursuivre qui naît par le fait même qu’une infraction est commise. Ce droit théorique se
concrétise lorsque l’action est exercée en fait, c’est-à-dire portée à l'institution habilitée à
mettre l'action publique en mouvement (le parquet). Exercer l'action publique, c'est-à-dire
saisir les tribunaux répressifs et soutenir devant eux l'accusation en vue de faire punir les
coupables, est la mission essentielle du ministère public.

Dans le régime procédural congolais, le ministère public est l'acteur principal de la


procédure pénale, celui qui, ayant pour mission de veiller au respect de l'ordre public et de
l'intérêt général, reçoit, à cette fin, le pouvoir d'user du droit d'action publique. Mais si la loi
confère collectivement un tel pouvoir devant toutes les juridictions pénales, l'action publique
est d'abord confiée au magistrat qui, dans son ressort, a la mission d'exercer l'action publique
devant les juridictions pénales et de décider ainsi que tel dossier de la procédure (transmis par
l'officier de police judiciaire ou initié du parquet) sera porté à la connaissance d'une
juridiction de jugement. L’exercice ultérieur de l’action est constitué par les actes tendant à
maintenir et à poursuivre la mise en œuvre de l’action devant le juge.

L'action publique a donc pour objet la saisine d'une juridiction et éventuellement


l'application de la peine à un prévenu ainsi que pour finalité le rétablissement de l'ordre public
troublé par l'infraction que celui-ci a commise. Sous l'angle du droit public, ce droit d'action
publique s'analyserait plutôt en un pouvoir dans la mesure où l'action publique est laissée à
une autorité publique considérée comme appartenant à l'autorité judiciaire.

§ 2. La plénitude de l’exercice de l’action publique

L’exercice de l’action publique dans toute sa plénitude (sa totalité) et devant toutes les
juridictions du ressort de la Cour d'appel, appartient au Procureur général près la Cour
d’appel476. C'est ce magistrat qui est le véritable maître de l'action publique pour quelque
infraction que ce soit, puisque de lui dépend en quelque sorte la naissance d'un procès pénal
par l'exercice de l'action publique. De même, le Procureur général près la Cour de cassation,
exerce les fonctions du ministère public près cette Cour, en ce compris l'action publique.
Il peut cependant, sur injonction du ministre de la Justice :
- initier ou continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels
qui ne ressortent pas de la compétence de la Cour de cassation ;
- requérir et soutenir l’action publique devant tous les cours et tribunaux à tous les
niveaux.

476
Article 77 alinéa 1 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
181

Il peut également, sur injonction du ministère de la Justice, ou d’office et pour l’exécution de


mêmes devoirs, faire injonction aux Procureurs généraux près la Cour d’appel477.

Le ministère public qui agit au nom de la société à laquelle l’infraction a porté atteinte
(on dit souvent qu’il est l’avocat de la société) n’est pas un juge. Il a le pouvoir d’exercer
l’action publique, de poursuivre, d’instruire mais n’a pas le pouvoir de juger, c’est-à-dire de
décider de l’innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou une
condamnation à une peine.

En matière répressive, le ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et
réglementaires qui sont commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les
dénonciations, accomplit tous les actes d’instruction et saisit les cours et tribunaux478. Mais
c’est rare que les officiers du ministère public constatent eux-mêmes les infractions,
généralement ce sont les OPJ qui leur transmettent les procès-verbaux de constat et autres.
Autrement dit, en matière pénale, le ministère public recherche, constate les infractions,
exerce les poursuites, instruit, requiert l’application des peines contre les délinquants et
surveille l’exécution des condamnations prononcées. C’est le ministère public en effet qui
soutient l’accusation c’est-à-dire il demande au nom de la société qu’il représente la
condamnation des auteurs présumés de l’infraction, veille à l’exécution des condamnations
prononcées par les tribunaux répressifs, fait incarcérer les condamnés et surveille l’exécution
des peines prononcées par eux.

SECTION 2: SUJETS DE L'ACTION PUBLIQUE

L'action publique appartient à la société; c'est elle qui été atteinte par l'infraction et c'est
dans l'intérêt commun de tous ses membres qu'elle doit réagir. La société a pour devoir de
défendre ses citoyens, de les protéger et de réprimer les actes qui portent atteinte à son ordre
juridique. En outre, seule la société peut assumer une responsabilité aussi lourde que d'infliger
des peines à ceux qui ont transgressé ses lois. La société dans son abstraction, ne peut exercer
elle-même l'action publique. Aussi, ce droit sera t-il confié à un corps spécialisé des autorités
de l'Etat, le ministère public, qui aura pour tâche de rechercher les infractions et d'en requérir
la répression. La législation congolaise, héritée de la législation belge a opté pour le système
de l'accusation publique. Si l'action publique appartient à la société, le ministère public est
dépositaire de cette action qu'il exercera dans l'intérêt de la société.

§ 1. Sujets actifs

Il s'agit des organes ou structures qui peuvent contribuer de manière active à mettre l'action
publique en mouvement.

477
Article 72 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
478
Article 67 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
182

I. Le ministère public

Il joue un rôle essentiel et prépondérant dans l'exercice de l'action publique dont il est le
dépositaire. En principe, la décision de poursuivre à l'état pur est le fait du ministère public
qui, en présence d'une infraction, va déclencher l'action publique. Le ministère public est
omniprésent tout au long du procès pénal et c'est lui qui veillera à l'exécution des décisions
répressives.
Saisi d'un procès verbal de la police judiciaire ou d'une plainte ou d'une dénonciation, le
ministère public doit d'abord vérifier qu'il est compétent pour traiter l'affaire: compétente
territoriale (lieu de la commission de l'infraction, lieu de résidence des auteurs présumés de
l'infraction, lieu où ceux-ci ont été arrêtés, etc.), compétence matérielle, compétence
personnelle (qualité de l'auteur de l'infraction: bénéficiaire du privilège de juridiction,
militaire et mineur). Si le ministère est saisi à tort par rapport à sa compétence, il doit alors
renvoyer le dossier au ministère public compétent.

Convaincu que l'affaire relève bien de sa compétence, le ministère public doit encore
s'assurer que l'infraction est légalement susceptible d'être poursuivie: les faits décrits peuvent
recevoir une qualification pénale; la loi pénale n'a pas été abrogée, il n'y a pas eu d'amnistie
concernant les faits; l'action publique n'est pas éteinte notamment par l'écoulement d'un délai
de prescription.

Même juridiquement possible, l'action publique devrait encore ne pas être intentée si, pour
des raisons diverses, elle est d'avance vouée à l'échec: l'auteur présumé de l'infraction peut
invoquer avec succès une cause de justification (l'acte de nécessité, la légitime défense et
l’ordre de la loi ou le commandement de l’autorité), une cause de non imputabilité (démence
ou minorité d'âge); ou encore, les faits, relativement peu graves, sont tels qu'il n'y a pas un
espoir raisonnable de pouvoir en identifier l'auteur pour le moment inconnu, même en ouvrant
une instruction contre la personne non dénommée.

Arrivé au stade où il est convaincu que la poursuite est légalement justifiée, le ministère
public doit aussi ternir compte de l'opportunité de poursuite. Celle-ci accorde au ministère
public un pouvoir d'appréciation qui l'autorise à poursuivre ou non selon que la poursuite lui
paraît ou non socialement opportune. Ce droit d'apprécier l'opportunité de poursuite peut se
faire au moment de la mise en mouvement de l'action publique car le ministère public a le
droit de déclencher ou non cette action.

Exemple: Kasereka est étudiant à l'Université de Goma. Il commet l'infraction de destruction


méchante au domicile du Maire de la ville de Goma. Au moment où le procureur de la
République de Goma ouvre un dossier judiciaire à sa charge; les étudiants Goma organisent
les manifestations de grande ampleur dans toute la ville. Dans ce cas, au nom d'opportunité de
poursuite, le procureur de la République de Goma peut sursoir les poursuites judiciaires à
charge de Kasereka pendant ce laps de temps et quitte à les activer au moment opportun,
notamment quand ce dernier aura déjà terminé ses études universitaires.
183

II. La partie civile

La victime de l'infraction n'exerce pas l'action publique. Mais pour lui permettre de porter
son action civile devant la juridiction répressive en cas d'inertie du ministère public, le Code
de procédure pénale lui a donné la possibilité de mettre en mouvement l'action publique, par
la citation directe devant la juridiction de jugement. La victime de l'infraction obtient la
qualité de la partie civile que si elle s'est constituée partie civile soit au greffe de la juridiction
saisie soit à l'audience publique. En devenant partie civile, seul le droit d'action action civile
lui accorde la faculté d'obtenir d'un juge répressif qu'il se prononce simultanément sur le
dommage qu'elle a subi et sur la culpabilité de l'auteur de l'infraction génératrice de ce
dommage, donc d'obliger à un déclenchement de l'action publique en ouvrant un procès pénal
par la saisine d'une juridiction de jugement.

La victime doit avoir un intérêt à agir en matière pénale, ce qui implique qu'elle a subi un
préjudice directement causé par une infraction. Pour faire admettre l'existence de son droit,
cette personne doit apporter la preuve qu'elle subi un préjudice personnel directement causé
par une infraction pénale, ce préjudice devant par ailleurs avoir les caractéristiques exigées
par le droit civil. En d'autres termes, elle ne peut affirmer être victime pénale que pour autant
qu'elle peut faire valoir qu'elle a subi un préjudice certain né d'une infraction punissable479.
Cette expression suppose que l'infraction générateur du dommage soit constituée, c'est-à-dire
qu'elle ne soit pas annihilée par un fait justificatif , qu'elle ne soit susceptible de poursuite,
c'est-à-dire que l'action publique ne soit pas affectée d'une cause d'extinction de l'action
publique (prescription, abrogation de la loi pénale ou dépénalisation, autorité de la chose
jugée, etc.). Comme en procédure civile, le préjudice subi doit être certain, actuel et non
hypothétique.

Mais la citation directe ne peut pas être exercée lorsque l'auteur de l'infraction est bénéficiaire
du privilège de juridiction.

§ 2. Sujets passifs

Il s'agit des personnes à charge de qui la poursuite est dirigée.

I. L'auteur de l'infraction

Il porte le nom de l'inculpé (au sens strict, ce terme est utilisé dans le cadre de l'instruction
pour la personne ayant fait l'objet de l'inculpation) devant l'officier du ministère public et du
prévenu devant les juridictions pénales. L'auteur de l'infraction peut être soit la personne
physique soit la personne morale.

479
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1018, p. 620.
184

II. La personne civilement responsable

La personne qui est civilement responsable de l'auteur présumé de l'infraction (parents,


employeur, etc.) devra supporter les frais de l'action publique et sera mise à la cause à cette
fin. Cependant, la mise en cause du civilement responsable ne peut jamais avoir lieu
indépendamment de celle du prévenu. Il s'ensuit que l'acquittement de ce dernier aura comme
conséquence de déclarer sans objet la mise en cause du civilement responsable480.

SECTION 3 : LES OBSTACLES A L’EXERCICE DE L’ACTION PUBLIQUE

L'exercice ou la mise en mouvement de l'action publique peut être confronté à certains


obstacles qui peuvent l'empêcher provisoirement ou conditionner l'exercice de l'action
publique. Ces obstacles sont généralement liés à la qualité de la personne poursuivie et sont
temporaires soit à l'intentement de l'action publique par le parquet, soit à la poursuite déjà
intentée.

En principe, le ministère public a le droit et le devoir d’exercer des poursuites chaque fois
qu’une infraction est portée à sa connaissance. Néanmoins, dans certains cas, le pouvoir du
ministère public se trouve soit paralysé, soit limité, et ce, pour diverses raisons. C'est le cas
des poursuites pénales de certains justiciables. En effet, la poursuite pénale de certains
justiciables prévoit certaines conditions qui, si elles ne sont pas réunies, la poursuite pénale ne
peut pas avoir lieu. Il s'agit du Président de la République et du Premier ministre, les membres
du Gouvernement central, les membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat, les hauts
magistrats de la Cour constitutionnelle, de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, les
magistrats de la Cour des comptes, les gouverneurs et vice-gouverneurs, les ministres
provinciaux, les membres des assemblées provinciales, les membres du Conseil économique
et social, les magistrats et hauts fonctionnaires, les autorités urbaines, communales, de
secteur, de chefferie et les agents diplomatiques et consulaires.

§ 1. Cas du Président de la République ou du Premier Ministre

Le Président de la République et le Premier ministre, compte tenu de leur rang, peuvent être
jugés pénalement que par la Cour constitutionnelle pour les infractions politiques de haute
trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour délit
d’initié. La Cour constitutionnelle connaît aussi des infractions de droit commun commises
par l’un ou l’autre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Elle est
également compétente pour juger leurs coauteurs et complices481.

480
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 160.
481
Articles 163 et 164 de la Constitution du 18 février 2006; article 72 de la loi organique n° 13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, 18 octobre
2013.
185

Avant de poursuivre en matière pénale le Président de la République ou le Premier


ministre, le Procureur général près la Cour constitutionnelle, doit obtenir l'autorisation des
poursuites et la mise en accusation du Parlement réuni en Congrès482. A défaut de cette
autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. En réalité, il
s'agit d'une immunité de poursuite déguisée car leur poursuite serait trop difficile à
envisager surtout lorsque le Président de la République et le Premier ministre
appartiennent à la majorité parlementaire en place (nous y reviendrons dans la troisième
partie lorsque nous aborderons les procédures spéciales). Et pourtant la Constitution de la
RDC n'a pas prévu les immunités à l'égard du Président de la République ou du Premier
ministre. La Constitution et la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle n'ont pas prévu des mécanismes qui peuvent autoriser directement les
poursuites pénales du Président de la République ou le Premier ministre, comme en cas
d'infractions flagrantes ou de violences sexuelles.

§ 2. Cas des autres membres du gouvernement

Les membres du Gouvernement central (vices-premiers ministres, ministres et vice-


ministre) sont en matière pénale, justiciables devant la Cour de cassation483. Ils n'ont pas les
immunités en RDC. Mais leur poursuite pénale n'est pas facile. Ainsi, avant de poursuivre en
matière pénale les membres du Gouvernement central (ministres et vice-ministres), le
Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la
mise ne accusation de l'Assemblée nationale. A défaut de cette autorisation, les poursuites
judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. Ainsi, la décision de poursuites ainsi que la
mise en accusation des membres du Gouvernement sont votées à la majorité absolue des
membres composant l’assemblée nationale suivant la procédure prévue par le règlement
intérieur. Tout membre du Gouvernement mis en accusation présente sa démission dans les
vingt-quatre heures. Passé ce délai, il est réputé démissionnaire484. La mise en accusation d’un
membre du gouvernement entraîne ipso facto sa démission485. Cette autorisation ne joue pas
en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles486.

482
Article 166 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006; articles 100 à 102 de la loi organique n°13/026 du
15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial,
18 octobre 2013.
483
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 80 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
484
Article 166 alinéas 2 à 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 80 de la loi organique n°13/010 du 19
février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
485
Article 166 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
486
Article 80 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
.JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
186

§ 3. Cas des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat

Les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat sont en matière pénale, justiciables


devant la Cour de cassation487. Mais leurs poursuites pénales ne sont pas faciles. C'est ainsi
qu'avant de poursuivre en matière pénale les membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat,
le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la
mise en accusation de l'Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas. A défaut de cette
autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. Cette autorisation
ne joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Même si les textes ne le disent clairement, en réalité, les parlementaires bénéficient d'une
immunité pour les infractions qui pourraient être commises à l'occasion des opinions ou des
votes qu'ils émettent dans l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité qui va jusqu'à la fin de
leur mandat empêche toute poursuite à leur encontre en rapport de leurs opinions émises ou
votes au sein de leurs assemblées pendant les sessions parlementaires. Elle couvre tous les
actes de la fonction parlementaire dans leurs assemblée plénières, comme au sein des
commissions. On a voulu permettre le libre exercice des opinions. Par conséquent, si les
paroles ou écrits du parlementaire constituent des injures, diffamations ou provocations à la
commission d'une infraction, ces faits échappent à toute responsabilité pénale (et aussi
civile)488.

Il s'agit d'une immunité temporaire, qui n'existe que pendant la session parlementaire; il
s'agit aussi d'une immunité partielle, puisqu'elle cède en cas de flagrant délit et en cas
d'autorisation de l'assemblée parlementaire. L'immunité est également personnelle et d'ordre
public, le parlementaire ne pouvant y renoncer: elle est en effet établie pour protéger moins la
personne que la fonction.

Ainsi, aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi, recherché, arrêté,
détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions489.
L'immunité n'existe que sur les opinions et votes du parlementaire. Elle est fondée sur
l'impérieuse nécessité de donner aux parlementaires tous les moyens d'exercer leur fonction,
sans crainte d'être poursuivis490.

Même lorsque les parlementaires commettent des infractions non couvertes par leurs
immunités (opinions et votes), les poursuites pénales sont difficilement envisageables. Ainsi,
aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de
487
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 73 à 79 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
488
J. PRADEL, Procédure pénale Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 232, p. 188.
489
Article 107 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006; article 73 alinéa 1 de la loi organique n°13/010 du
19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
490
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1289, p. 730.
187

flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas. En


dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau
de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites
autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est
suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la
durée de la session en cours491.

Même dans le cas où les faits seraient flagrants ou réputés tels, si la Chambre dont il relève
décide, en cours d’instruction d’une cause, de suspendre les poursuites et la détention d’un
membre de la Chambre, cette décision est immédiatement exécutoire, mais elle cesse de
produire ses effets dès la clôture de la session492.

Comme nous pouvons le remarquer, lorsque l'assemblée compétente refuse son


autorisation ou requiert la suspension des poursuites, il y a suspension temporaire de la
procédure, en ce sens que l'action publique de même que la prescription de l'action publique
sont suspendues pendant la durée de la session. Après la session, le parlementaire peut faire
l'objet de poursuites comme tout autre personne. Il en est de même, lorsque l'intéressé perd la
qualité de parlementaire.

§ 4. Cas des juges et officiers du ministère public près la Cour constitutionnelle, hauts
magistrats des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif

Les membres de la Cour constitutionnelle et du parquet près cette Cour, les membres de la
Cour de cassation et du Parquet Général près cette Cour, les membres du Conseil d'Etat et du
parquet près ce Conseil, les premiers présidents des cours d'appel et procureur général près
cette Cour, les premiers présidents des cours administrative d'appel et procureur général près
cette Cour, sont en matière pénale, justiciables devant la Cour de cassation493.

Avant de poursuivre en matière pénale, les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du


parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de cassation ainsi que ceux du parquet près
cette Cour, les membres du Conseil d’État et ceux du parquet près ce Conseil, les Premiers
présidents des cours d’appel ainsi que les Procureurs généraux près ces cours, les Premiers
présidents des cours administratives d’appel et les Procureurs généraux près ces cours, le
Procureur général près la Cour de cassation doit obtenir l'autorisation du Bureau du Conseil
supérieur de la magistrature494. A défaut de cette autorisation, les poursuites judiciaires ne

491
Article 107 alinéas 2 à 4 de la Constitution du 18 février 2006.
492
Article 73 in fine de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
493
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
494
Article 85 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
.JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
188

peuvent jamais être envisageables. Cette autorisation ne joue pas en cas d'infractions
intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

§ 5. Cas de magistrats de la Cour des comptes et parquet près cette Cour

Les membres de la Cour des comptes et du parquet près cette Cour, sont en matière pénale,
justiciables devant la Cour de cassation495. Avant de poursuivre en matière pénale, les
membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour, le Procureur général près
la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation de poursuites et la mise en accusation de
l'Assemblée nationale. A défaut de cette autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent
jamais être envisageables. En principe, cette autorisation ne joue pas en cas d'infractions
intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Ainsi, sans préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, les


membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour ne peuvent être
poursuivis et mis en accusation que par l’Assemblée nationale, statuant au scrutin secret et à
la majorité absolue des suffrages exprimés et ce, à la requête du Procureur général près la
Cour de cassation496.

§ 6. Cas des gouverneurs, vice-gouverneurs et ministres provinciaux

Les Gouverneurs, vice-gouverneurs et ministres provinciaux, sont en matière pénale,


justiciables devant la Cour de cassation497. Avant de poursuivre en matière pénale, les
gouverneurs, les vice-gouverneurs des provinces et les ministres provinciaux, le Procureur
général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la mise en
accusation de l'Assemblée provinciale dont ils relèvent. A défaut de cette autorisation, les
poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. En principe, cette autorisation ne
joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Ainsi, sans préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, les


gouverneurs, les vice-gouverneurs des provinces et les ministres provinciaux ne peuvent être
poursuivis et mis en accusation que par l’Assemblée provinciale, statuant au scrutin secret et à
la majorité absolue des membres qui la composent498.

495
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
496
Article 86 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
.JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
497
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
498
Article 87 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
.JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
189

§ 7. Cas des membres des assemblées provinciales

Les parlementaires provinciaux bénéficient également d'une immunité pour les infractions
qui pourraient être commises à l'occasion des opinions ou des votes qu'ils émettent dans
l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité qui va jusqu'à la fin de leur mandat empêche
toute poursuite à leur encontre en rapport de leurs opinions émises ou votes au sein de leurs
assemblées pendant les sessions parlementaires. Elle couvre tous les actes de la fonction
parlementaire dans leurs assemblées plénières, comme au sein des commissions. L'immunité
n'existe que sur les opinions et votes du parlementaire. Elle est fondée sur l'impérieuse
nécessité de donner aux parlementaires provinciaux tous les moyens d'exercer leur fonction,
sans crainte d'être poursuivis. Même lorsque les parlementaires commettent des infractions
non couvertes par leurs immunités (opinions et votes), les poursuites pénales sont
difficilement envisageables. Il convient de distinguer les présidents des assemblées
provinciales (I) et membres des assemblées provinciales (II).

I. Concernant les présidents des assemblées provinciales

Les présidents des assemblées provinciale, sont en matière pénale, justiciables devant la
Cour de cassation499. Avant de poursuivre en matière pénale le Président de l’Assemblée
provinciale, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des
poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée provinciale dont il relève. A défaut de cette
autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. En principe, cette
autorisation ne joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Ainsi, le Président de l’Assemblée provinciale ne peut être poursuivi, recherché, arrêté,


détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Il
ne peut, en cours des sessions être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec
l’autorisation de l’Assemblée provinciale. En dehors des sessions, il ne peut être arrêté
qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée provinciale, sauf en cas de flagrant délit, des
poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite du Président
de l’Assemblée provinciale est suspendue si l’Assemblée provinciale le requiert. La
suspension ne peut excéder la durée de la session en cours500.

499
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
500
Article 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
.JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
190

II. Concernant les membres des assemblées provinciales

Les membres des assemblées provinciales, sont en matière pénale, justiciables devant la
Cour d'appel501. Avant de poursuivre en matière pénale les membres de l’Assemblée
provinciale, le Procureur général près la Cour d'appel, doit obtenir l'autorisation des
poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée provinciale dont ils relèvent. A défaut de
cette autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. En principe,
cette autorisation ne joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Ainsi, aucun député provincial ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en
raison des opinions ou vote émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours
de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de
l'Assemblée provinciale. En dehors de sessions, il ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du
Bureau de l'Assemblée provinciale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou
de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d'un député provincial est suspendue
si l'Assemblée provinciale dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la
durée de la session en cours502.

§ 8. Cas des membres du Conseil économique et social


Les membres du Conseil économique et social, sont en matière pénale, justiciables devant
la Cour d'appel503. Les membres du Conseil économique et social ne peuvent, en cours de
session, être poursuivis ou arrêtés qu'avec l'autorisation de l'Assemblée générale504. A défaut
de cette autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. Mais
cette autorisation ne joue pas en dehors de session. En principe, cette autorisation ne joue pas
en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

§ 9. Cas des magistrats, hauts fonctionnaires, maires et maires adjoints

Les magistrats ayant le grade jusqu'au président de la Cour d'appel (avocat général) et les
fonctionnaires ayant au moins de grade de directeur, les maires et les maires adjoints, sont en
matière pénale, justiciables devant la Cour d'appel505. Avant de poursuive en matière pénale,
les magistrats et hauts fonctionnaires, le magistrat instructeur doit obtenir préalablement l'avis
d'ouverture d'information de son chef hiérarchique. A défaut de cet avis d'ouverture
d'information de son chef hiérarchique, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être

501
Article 91 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
502
Article 9 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration
des provinces, JORDC, n° spécial, 7 juillet 2008.
503
Article 11 de la loi organique n° 13/027 du 30 octobre 2013 portant organisation, et fonctionnement du
Conseil économique et social.
504
Article 10 de la loi organique n°13/027 du 30 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement du Conseil
économique et social.
505
Article 91 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
191

envisageables. En principe, cet avis d'ouverture d'information de son chef hiérarchique ne


joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles et les infractions de
violences sexuelles.

Ainsi, l’officier de police judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit une plainte
ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un magistrat, d’un cadre de
commandement de l’administration publique ou judiciaire, d'un cadre supérieur d'une
entreprise publique ou territoriale, d'un bourgmestre, d'un chef de secteur ou d’une personne
qui les remplace ne peut, sauf infraction flagrante ou infraction relative aux violences
sexuelles, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie qu’après en avoir préalablement
informé l’autorité hiérarchique dont dépend le prévenu506. Elle recourt pour ce faire à l’avis
d’ouverture d’information, technique qui permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses
supérieurs hiérarchiques507.

§ 10. Cas des membres du Conseil urbain, bourgmestres, bourgmestres adjoints,


Conseil communal, chefs de secteurs et conseillers de secteurs, chefs de
chefferies et conseillers de chefferie

Les autorités urbaines, communales, de secteur et chefferie, sont en matière pénale,


justiciables devant le tribunal de grande instance. Mais en réalité, leur poursuite pénale est
difficilement dans la pratique. Ainsi, avant de poursuivre en matière pénale les conseillers
urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi
que les conseillers communaux, les conseillers de secteur et les conseillers de chefferie, le
Procureur de la République près le tribunal de grande instance, doit obtenir l'autorisation des
poursuites du Conseil dont ils relèvent. Sur ce point, l'officier de police judiciaire ou le
magistrat du ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate une
infraction à charge d'un chef de chefferie (chef coutumier) ne peut, sauf infraction flagrante,
procéder à l'arrestation de la personne poursuivie qu'après en avoir préalablement informé
l'autorité hiérarchique dont dépend le prévenu508. Dans ces circonstances, la décision de
poursuites est réservée au Procureur général près la Cour d'appel509. A défaut de cette
autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. En principe, cette
autorisation ne joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles et les
infractions de violences sexuelles.

506
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
507
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
508
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
509
Article 13 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
192

Comme pour les parlementaires, les membres du Conseil urbain et Conseil communal
bénéficient d'une immunité pour les infractions qui pourraient être commises à l'occasion des
opinions ou des votes qu'ils émettent dans l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité qui va
jusqu'à la fin de leur mandat empêche toute poursuite à leur encontre en rapport de leurs
opinions émises ou votes au sein de leurs assemblées pendant les sessions de leur conseils
respectifs. Elle couvre tous les actes de la fonction du membre de conseil dans les assemblées
plénières, comme au sein des commissions. L'immunité n'existe que sur les opinions et votes
de membre du Conseil urbain et Conseil communal. Elle est fondée sur l'impérieuse nécessité
de donner au membre du Conseil urbain et Conseil communal tous les moyens d'exercer leur
fonction, sans crainte d'être poursuivis. Même lorsque les membres du Conseil urbain et
Conseil communal commettent des infractions non couvertes par leurs immunités (opinions et
votes), les poursuites pénales sont difficilement envisageables.

Ainsi, aucun Conseiller urbain, communal, de secteur ou de chefferie ne peut être


poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans
l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en
cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation du Conseil dont il relève. En dehors de session, il
ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau du Conseil, sauf en cas de flagrant délit, de
poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d'un
conseiller est suspendu si le Conseil dont il est membre le requiert. La suspension ne peut
excéder la durée de la session en cours510.

§ 11. Cas des autorités coutumières

Les chefs coutumiers n'ont pas le privilège de juridiction à moins qu'ils puissent avoir la
qualité de chefs de chefferie; dans ces conditions, ils seront justiciables de tribunaux de
grande instance. En effet, les conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les
chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les conseillers de
secteur et les conseillers de chefferie, sont en matière pénale, justiciables des tribunaux de
grade instance511. Si le chef coutumier est aussi chef de chefferie, dans ce cas, les poursuites
pénales applicables sont celles qui concernent les bénéficiaires du privilège de juridiction de
tribunaux de grade instance (voir 5ème partie de cet ouvrage: les procédures spéciales,
chapitre XI consacré aux poursuites pénales des bénéficiaires du privilège de juridiction de
tribunaux de grande instance et de la Cour d'appel).

Sur ce point, l'officier de police judiciaire ou le magistrat du ministère public qui reçoit
une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d'un chef de chefferie

510
Article 120 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces,
JORDC, n°spécial, 10 octobre 2008, p.31.
511
Article 89 alinéa 2 de la loi n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai, 2013; article 121 de la loi
organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités
territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n°spécial, 10 octobre
2008, p.31.
193

(chef coutumier) ne peut, sauf infraction flagrante, procéder à l'arrestation de la personne


poursuivie qu'après en avoir préalablement informé l'autorité hiérarchique dont dépend le
prévenu512. Dans ces circonstances, la décision de poursuites est réservée au Procureur
général près la Cour d'appel513.

Au cas où le chef coutumier n'a pas la qualité de chef de chefferie, la seule particularité à
retenir est qu'il ne pourra faire l'objet d'arrestation que sur mandat du ministère public. Mais
en cas d'infraction flagrante ou infraction relative aux violences sexuelles, il peut être
poursuivi, arrêté selon la procédure prévue c'est-à-dire même l'officier de police judicaire peut
procéder à son arrestation514. De manière concrète, il sera poursuivi comme un citoyen
ordinaire.

§ 12. Cas des autorités religieuses

Le Code de procédure pénale est muet sur cette question. Les autorités religieuses n'ont pas
le privilège de juridiction, c'est-à dire qu'elles sont justiciables des juridictions ordinaires,
même les tribunaux de paix. Mais la circulaire n° 3/008/IM/PGR/2011 relative à
l'organisation intérieure des parquets prévoit que c’est aux procureurs généraux près les cours
d’appel que sont réservés les droits de poursuites et d’arrestation en ce qui concerne les
autorités religieuses. Il y a une exception à cette règle en ce qui concerne les chefs des
religions dont le culte est admis sur le territoire de la République. Le cas de ceux-ci est
réservé au Procureur Général près la Cour de cassation. C'est le cas des affaires qui
concernent les chefs des religions dont le culte est admis sur le territoire de la République :
catholique, protestant, musulman et kimbanguiste515. Il s'agit précisément du Cardinal
(archevêque de Kinshasa), le représentant de l'église protestante, le représentant du culte
musulman et le représentant de l'église protestante l'église kimbanguiste.

§ 13. Cas des chefs d'Etat et membres de gouvernement étrangers,


autorités diplomatiques ou consulaires

Certaines personnes échappent à la compétence des juridictions congolaises en raison de


leur qualité d'agent ou de représentant d'un Etat étranger ou d'une organisation internationale:
il s'agit des chefs d'Etat, des ministres, des envoyés spéciaux, des diplomates et des consuls
ainsi que des fonctionnaires des organisations internationales à qui une protection particulière
est reconnue en vertu d'instruments de droit international. En fait, il s'agit davantage d'un

512
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
513
Article 13 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
514
Article 28 de la loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers.
515
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, pp. 179 et 181.
194

obstacle à l'exercice de l'action publique que d'une question de compétence. La raison d'être
de cette immunité de juridiction provient du fait que ces personnes incarnent une parcelle de
la souveraineté de l'Etat étranger ou de l'organisation internationale.

La Cour internationale de Justice de La Haye a dit que l'immunité de juridiction dont


bénéficient les ministres des Affaires étrangères en exercice ne signifie pas qu'ils bénéficient
d'une impunité au titre des crimes qu'ils auraient pu commettre. Elle ne fait pas obstacle à ce
que leur responsabilité soit recherchée dans certaines circonstances.

La Cour relève quatre exceptions à la règle consacrant l'immunité et l'inviolabilité:


- Les dirigeants ne bénéficient en vertu du droit international d'aucune immunité de juridiction
pénale dans leur propre pays et peuvent être traduits devant les juridictions de ce pays
conformément aux règles fixées en droit interne.
- Les dirigeants ne bénéficient plus de l'immunité de juridiction à l'étranger si l'Etat qu'ils
représentent ou ont représenté décide de lever cette immunité.
- Dès qu'une personne a cessé d'occuper la fonction de ministre des Affaires étrangères, elle
ne bénéficie plus de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis avant ou après la
période pendant laquelle elle occupé cette fonction, ainsi que pour les actes qui, bien
qu'accomplis durant cette période, l'ont été à titre privé.
- Enfin, un ministre des Affaires étrangères ou un ancien ministre des Affaires étrangères peut
faire l'objet de poursuites pénales devant certaines juridictions pénales internationales, dès
lors que celle-ci sont compétentes516.

L'immunité sera également refusée si la qualité de chef d'Etat ou la qualité officielle de


membre de Gouvernement étranger n'est pas reconnue à la personne en cause517.

I. Les chefs d'Etat et membres de gouvernements étrangers

En règle, un chef d'Etat étranger en fonction bénéficie d'une immunité de juridiction et


d'exécution absolue. La coutume internationale s'oppose à ce que les chefs d'Etat et de
gouvernement en exercice puissent, en l'absence de dispositions internationales contraires
s'imposant aux Etats, faire l'objet de poursuites devant les juridictions pénales d'un Etat
étranger. L'action publique est dès lors irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre un premier
ministre en exercice mais cette immunité n'empêche pas les poursuites à la l'encontre des
coauteurs et complices qui ne jouissent pas d'une telle protection.

Concernant la personne ayant le statut d'ancien Chef d'Etat, elle cesse de jouir des
immunités conférées à l'exercice de sa fonction lorsque celle-ci prend fin. Elle continue
cependant à jouir des immunités pour tous les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions

516
Cour Internationale de Justice (CIJ), 14 février 2002, Journal des Tribunaux, 2002, p. 282 et s., §61.
517
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 169.
195

de Chef d'Etat pour autant que cette immunité ne soit pas levée518. Les chefs ou membres d'un
gouvernement étranger et les ministres des Affaires étrangères jouissent de la même
protection lorsque leur qualité officielle a été reconnue par le pays hôte. De même, une
immunité d'exécution absolue doit être reconnue à tout représentant d'un Etat qui est accueilli
sur le territoire de l'Etat hôte en visite officielle. L'accueil d'une telle personnalité étrangère en
tant que représentant officiel d'un Etat souverain inclut l'engagement de l'Etat accueillant de
ne prendre aucune mesure coercitive à son égard.

II. L'immunité diplomatique

Les agents diplomatiques, qui n'ont pas la nationalité de l'Etat accréditaire et qui n'y ont pas
leur résidence permanente, y jouissent de l'immunité totale de juridiction pénale et
d'exécution519. Par agent diplomatique, on attend le chef de la mission et les membres du
personnel de la mission qui ont la qualité de diplomate520. Cette immunité s'étend dans les
mêmes conditions:
- aux membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage pourvu
qu'ils ne soient pas ressortissants de l'Etat accréditaire521;
- aux membres du personnel administratif et technique de la mission et aux membres de leur
famille qui font partie de leur ménage s'ils n'ont pas la nationalité de l'Etat accréditaire ou n'y
ont pas leur résidence permanente522. L'expression membre du personnel administratif et
technique s'entend comme les membres du personnel de la mission employés dans le service
administratif et technique de la mission (dactylos, commis, chauffeurs, etc.) par opposition
aux membres du service domestique523.

L'agent diplomatique, qui a la nationalité de l'Etat accréditaire ou qui a dans celui-ci sa


résidence permanente, ne bénéficie, en principe, de l'immunité de juridiction pénale et
d'exécution que pour les actes officiels accomplis dans l'exercice de ses fonctions, à moins
que des privilèges et immunités supplémentaires n'aient été accordés par l'Etat accréditaire.
Les membres de la famille de cet agent diplomatique ne jouissent d'aucune immunité.

Les membres du personnel employé au service domestique des missions diplomatiques ne


jouissent de l'immunité que pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions524. Les
membres de la famille de ces personnes ne jouissent d'aucune immunité. Les membres du
personnel domestique au service privé d'un diplomate ne jouissent d'aucune immunité quelles
que soient leur nationalité ou leur résidence (sauf concession particulière accordée par l'Etat
accréditaire)525. Il en est de même pour les membres de la famille de l'agent diplomatique et

518
J. SALMON, Manuel de droit diplomatique, Bruxelles, éd. Bruylant, 1994, p.602.
519
Article 31, § 4 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
520
Article 1er de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
521
Article 37, § 1er de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
522
Article 37, § 2 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
523
Article 1er de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
524
Article 37, § 3 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
525
Article 37, § 4 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
196

les membres du personnel technique et administratif (et leur famille) qui sont ressortissants de
l'Etat accréditaire ou qui y ont leur résidence permanente. L'Etat accréditaire doit cependant
exercer sa juridiction sur ces personnes de façon à ne pas entraver d'une manière excessive
l'accomplissement des fonctions de la mission526.

III. L'immunité consulaire

En l'absence de la Convention consulaire bilatérale, le statut du personnel des postes


consulaires est régi par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963.
Aux termes de cette Convention, les fonctionnaires consulaires et, à certaines conditions, les
employés consulaires, qui ne sont pas ressortissants ou résidents permanents de l'Etat de
résidence, ne sont pas justiciables des autorités judiciaires de l'Etat de résidence pour les actes
accomplis dans l'exercice de fonctions consulaires527. Les membres de la famille des
fonctionnaires et employés consulaires ne bénéficient d'aucune immunité.

L'immunité consulaire est donc nettement plus restreinte que l'immunité diplomatique. Elle
peut également être levée par les autorités compétentes de l'Etat représenté. Les
fonctionnaires consulaires sont les personnes, y compris le chef de poste consulaire, chargées
en cette qualité de l'exercice de fonctions consulaires528. L'immunité est reconnue tant aux
fonctionnaires consulaires tant aux fonctionnaires consulaires de carrière qu'aux
fonctionnaires honoraires. Toutefois, s'ils sont ressortissants ou résidents permanents de l'Etat
de résidence, ils ne bénéficient de l'immunité de juridiction que pour les actes officiels dans
l'exercice de leurs fonctions sauf concession particulière de l'Etat de résidence529.

Les employés consulaires sont les personnes employées dans les services administratifs ou
techniques d'un poste consulaire530. Ils jouissent de l'immunité de juridiction pour les actes
accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires aux conditions suivantes:
- qu'ils ne soient pas employés dans un poste consulaire dirigé par un consul honoraire;
- qu'ils ne soient pas ressortissants ou résidents permanents de l'Etat de résidence;
- qu'ils n'exercent pas, dans l'Etat de résidence, une occupation privée à caractère lucratif531.

En outre, il y a lieu de noter que les fonctionnaires consulaires ne peuvent être mis en état
d'arrestation ou de détention préventive qu'en cas de crime grave et à la suite d'une décision
de l'autorité judiciaire compétente. En dehors de cette hypothèse, ils ne peuvent être
incarcérés, ni soumis à aucune autre forme de limitation de leur liberté personnelle sauf en
exécution d'une décision judiciaire définitive532.

526
Articles 37, § 4 et 38 § 2 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
527
Article 43, § 1 er de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
528
Article 1 er, d, de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
529
Article 71, § 1er de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
530
Article 1 er, e, de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
531
E. DAVID, Eléments de droit pénal international et de droit européen, Bruxelles, éd; Bruylant, 2009, p. 71.
532
Article 41 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
197

IV. L'immunité des fonctionnaires et des agents des organisations internationales

En général, les plus hauts fonctionnaires des organisations internationales ont un statut
diplomatique et jouissent des mêmes immunités que les agents diplomatiques des ambassades,
tandis les autres fonctionnaires jouissent de l'immunité de juridiction uniquement pour les
actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Il s'agit des fonctionnaires et agents de
l'ONU533, PNUD, UNICEF, PAM (Programme alimentaire mondial), OIM (organisation
Internationale pour les Migrations), HCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés), Banque mondiale, Union européenne, Union africaine, CEAC (Communauté
Economique des Etats de l'Afrique Centrale), CEPGL (Communauté Economiques des Pays
des Grands Lacs), etc.

Les fonctionnaires et agents des Communautés européennes, quelle que soit leur
nationalité, jouissent de l'immunité de juridiction pour les actes accomplis en leur qualité
officielle, sous réserve de l'application des dispositions des Traités relatives aux règles de la
responsabilité des fonctionnaires et agents envers l'Union européenne534. Ils continuent à
bénéficier de cette immunité après la cessation de leurs fonctions.

V. L'immunité des représentants des Etats auprès des organisations internationales

Les immunités reconnues aux membres des missions accréditées auprès d'une organisation
internationale sont généralement définies dans les dispositions de l'acte constitutif de
l'organisation internationale concernée, dans l'accord de siège entre cette organisation et l'Etat
hôte, dans une convention générale sur les privilèges et immunités ou encore dans une loi de
l'Etat hôte535.

VI. Les locaux des missions diplomatiques et consulaires et des organisations internationales

La protection spéciale dont bénéficient les locaux des ambassades, des consulats et de
certaines organisations internationales ne crée pas une situation d'extraterritorialité mais
constitue une limite au pouvoir de perquisition et de saisie des autorités de l'Etat hôte. La
Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques consacre l'inviolabilité
des locaux de la mission diplomatique et, en conséquence, ces locaux, leur ameublement et les
autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire
l'objet d'aucune perquisition, saisie ou mesure d'exécution536. Les agents de l'Etat accréditaire
peuvent toutefois pénétrer dans ces locaux avec le consentement du chef de la mission. Par
locaux de la mission, on entend des bâtiments ou des parties de bâtiments et du terrain

533
Voyez la Convention des Nations Unies sur le privilège et immunités du 13 février 1946.
534
Article 12 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes.
535
Voyez l'article IV, section 11 de la Convention des Nations Unies sur le privilège et immunités du 13 février
1946; E. DAVID, Eléments de droit pénal international et de droit européen, Bruxelles, éd; Bruylant,
2009, p. 72.
536
Article 22, §§ 1er et 3 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
198

attenant qui, quel qu'en soit le propriétaire, son utilisés aux fins de la mission, y compris la
résidence du chef de la mission537.

Les archives et documents de la mission sont inviolables à tout moment et en quelque lieu
qu'ils se trouvent538. Il en est de même de la correspondance officielle de la mission (appelée
communément la valise diplomatique). Cette expression vise toute correspondance relative à
la mission et à ses fonctions 539. La demeure privée de l'agent diplomatique (le chef de la
mission et le membre du personnel de la mission qui a qualité de diplomate) jouit de la même
inviolabilité et de la même protection que les locaux de la mission. Ses documents, sa
correspondance et ses biens (y compris le moyen de transport), jouissent de le même
inviolabilité540. La protection des locaux des missions consulaires est plus restreinte que celle
des missions diplomatiques: elle est limitée aux locaux mêmes abritant le consulat et elle ne
s'étend pas à la demeure privée du consul ou des fonctionnaires541. Les archives, les
documents et la correspondance officielle de la mission consulaire sont inviolables. La
demeure privée des hauts fonctionnaires internationales qui, se sont vu reconnaître le statut
diplomatique, jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux
diplomatiques.

VII. Les effets de l'immunité

Lorsqu'un inculpé jouit de l'immunité de juridiction, les tribunaux congolais sont sans
juridiction à l'égard de cette personne. Ils restent toutefois compétents à l'égard des coauteurs
ou complices de l'agent diplomatique qui ne bénéficient pas de cette protection. Cela signifie
qu'aucun acte de poursuite ou d'instruction ne peut être accompli à l'égard de l'inculpé tant
qu'il peut revendiquer le statut diplomatique.

De manière pratique, aussi longtemps que l'agent diplomatique n'est pas mis directement
en cause, le ministère public peut ouvrir une information, mener les poursuites ou même
ouvrir une instruction pénale à charge d'inconnu. Dans ce cadre, des déclarations spontanées
des personnes jouissant de l'immunité diplomatique ou leurs explications transmises par voie
diplomatique peuvent être recueillies. En cas de constat d'indices sérieux de culpabilité à
charge de l'intéressé, le ministère public devra constater son incompétence et, le cas échéant,
transmettre son dossier au parquet général près la Cour de cassation ou la Cour d'appel aux
fins de dénonciation éventuelle des faits aux autorités de l'Etat accréditant. Cette règle ne fait
pas obstacle à des poursuites ou une instruction à l'égard des tiers, susceptibles d'être les
coauteurs ou complices d'un diplomate, pour autant qu'ultérieurement aucun acte de poursuite
ou d'instruction ne soit accompli directement à l'égard de ce dernier.

537
Article 1er, i de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
538
Article 24 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
539
Article 27 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
540
Article 30 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
541
Article 33 de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.
199

Les règles relatives aux immunités sont d'ordre public et doivent être donc soulevées
directement par le ministère public ou par la juridiction saisie. L'Etat accréditant peut
renoncer à l'immunité de juridiction de ses agents diplomatiques et des autres personnes qui
bénéficient de l'immunité en vertu de l'article 37 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961
sur les relations diplomatiques, pour autant que cette renonciation soit expresse542. Il en est de
même pour les Etats ou les Organisations dont relèvent les autres personnes jouissant d'une
immunité.

La demande de levée d'immunité peut être adressée, sur l'initiative du procureur général
près la Cour de cassation ou la Cour d'appel, par l'intermédiaire du ministère des Affaires
étrangères aux autorités compétentes de l'Organisation ou de l'Etat concerné. La levée de
l'immunité ne peut être accordée que par les autorités compétentes de l'Etat accréditant et non
par la personne protégée elle-même dont la renonciation au bénéfice de l'immunité reste sans
effet. L'Etat accréditant est habilité à fixer des limites à cette levée d'immunité ou à n'accorder
qu'une levée d'immunité partielle (par exemple, aux fins de procéder à une visite domiciliaire
des lieux ou à l'audition d'une personne protégée à l'exclusion de toute autre mesure
coercitive).

Lorsque l'immunité de juridiction n'est pas levée, il appartient aux autorités de l'Etat du lieu
des faits de les dénoncer aux autorités de l'Etat accréditant en vue de permettre à ces dernières
d'exercer elles-mêmes les poursuites. C'est pourquoi, il est souvent de l'intérêt de l'Etat
accréditant de permettre aux autorités judiciaires de l'Etat accréditaire de mener les premières
investigations en vue de recueillir les preuves de l'infraction, notamment par le biais d'une
levée de l'immunité limitée à certains actes.

L'immunité prend fin avec la cessation des fonctions diplomatiques sous la seule réserve
qu'elle persiste pendant le temps nécessaire à l'agent diplomatique pour régler ses affaires et
quitter le pays. Les poursuites sont, à ce moment, possibles même pour les infractions
commises pendant l'exercice des fonctions à l'exception de ceux commis dans l'exercice de
celles-ci.

Bref, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 dispose que
la personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune forme
d’arrestation ou de détention. L’Etat accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et
prend toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa liberté et sa
dignité543. Il faut cependant admettre que l’inviolabilité dont jouit un agent diplomatique n’est
pas absolue. L’agent diplomatique est tenu de respecter les lois locales de l’Etat accréditaire.
Dans des cas exceptionnels, l’Etat accréditaire peut arrêter un agent diplomatique qu’on
interroge et qu’on déclare ensuite personna non grata. L’agent diplomatique jouit en outre de
l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire544.

542
Article 32, § 1er de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
543
Article 29 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
544
Article 31 de la même Convention.
200

SECTION 4: EXTINCTION DE L’ACTION PUBLIQUE

§ 1. Notions

L’extinction de l’action publique est un processus qui met fin à l'action publique et constitue
un obstacle permanent qui empêche définitivement de saisir les juridictions compétentes.

§ 2. Causes

Diverses et multiples sont les causes d’extinction de l’action publique : le décès du


délinquant, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la dépénalisation, le retrait de la plainte,
la transaction, la médiation pénale, la chose jugée et la prescription de l'action publique.

I. Le décès de l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction

En cas de décès du délinquant, l'action publique ne peut plus être exercée car son décès
rend sans objet la poursuite pénale car dans le droit moderne, on ne fait plus de procès aux
cadavres ni à la mémoire des morts545. Le principe de la responsabilité pénale individuelle et
de la personnalité des peines, d'après lequel la peine ne peut frapper que celui-là même qui a
commis l'infraction, fait obstacle également à ce que l'on poursuive et condamne pénalement
les héritiers du délinquant. Ainsi, en RDC, les poursuites pénales ne peuvent pas être exercées
contre les membres de la famille du défunt ou ses héritiers car la responsabilité pénale est
individuelle et nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour fait d'autrui (article
17 alinéa 8 de la Constitution du 18 février 2006). En conséquence, les actes de poursuite
posés après le décès sont nuls et la condamnation pénale prononcée est sans effet.

Si le décès intervient avant l'intentement de l'action ou bien encore après l'intentement de


l'action mais avant la saisine de la juridiction de fond, l'action publique est éteinte et la partie
lésée ne peut porter son action devant le juge répressif. Par contre, si le procès pénal est déjà
engagée devant une juridiction de fond, celui-ci ne peut plus être poursuivi et cette juridiction
devra déclarer l'action éteinte et devant rayer l'affaire du rôle, les frais demeurant à charge de
l'Etat.

Si un jugement était rendu par défaut ou contradictoirement, mais n'était pas encore coulé
en force de chose jugée, au moment du décès, l'exécution en serait impossible; la procédure et
la condamnation seraient anéanties. Si une voie de recours était exercée avant le décès, la
juridiction saisie par celle-ci devrait se borner à constater l'extinction de l'action publique. Si
le jugement a acquis l'autorité de la chose jugée mais n'a pas encore été exécuté, le décès est
sans incidence sur l'action publique mais les peines prononcées par les arrêts ou jugements
devenus irrévocables s'éteignent par la mort du condamné546.

545
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 193, p. 165; M.-A. BEERNAERT, H. D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase
préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 187.
546
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, pp. 101-102.
201

Mais si le décès éteint l'action publique contre l'auteur de l'infraction décédé et ses héritiers,
il ne l'éteint pas vis-à-vis des coauteurs et des complices; ceux-ci peuvent toujours être
poursuivis. De plus, il n'éteint que l'action publique. L'action civile engagée devant le tribunal
répressif avant la mort du prévenu, survit devant cette juridiction même devant la Cour de
cassation. Et si elle n'a pas été intentée auparavant, malgré la mort du délinquant, la victime a
la possibilité de demander la réparation du dommage en exerçant l'action civile contre les
héritiers et les tiers civilement responsables de l'auteur décédé. Mais elle doit alors porter son
action civile devant les tribunaux civils547.

II. L’amnistie

1. Notions

L'amnistie, étymologiquement, la perte de la mémoire, émane de la volonté du législateur


de pardonner certaines infractions en les faisant tomber dans l'oubli du groupe social par
l'emploi d'une fiction réputant que les faits en question n'ont pas été infractionnels. C'est l'acte
par lequel le pouvoir législatif défend d'exercer ou de continuer les poursuites pénales et
efface les condamnations déjà prononcées. C'est une mesure législative par laquelle un fait
qualifié d'infraction par la loi pénale est soustrait de son caractère infractionnel, soit en faveur
d'une catégorie de personnes, soit lorsqu'il a été commis dans une période ou un lieu
déterminé, soit lorsqu'il a été commis dans des circonstances définies par la loi. C'est la
mesure qui ôte rétroactivement à un fait son caractère infractionnel. C’est une mesure de
clémence ayant effet d’enlever rétroactivement à certains faits leur caractère délictueux. Les
faits ont bel et bien eu lieu et ils ne sont pas effacés, seul est effacé leur caractère
infractionnel, leur dimension pénale.

L’amnistie concerne en général une personne ou une catégorie des personnes, telles que les
anciens rebelles, etc. Elle a généralement pour objet d’apaiser les passions et les esprits après
une crise politique. Comme son nom l’indique, elle est une loi de l’oubli. C'est l'oubli pénal
complet. La plupart du temps, il s’agit, comme on dit, de «passer l’éponge», au profit d’une
réconciliation recherchée et d’une paix ardemment souhaitée, sur des crimes commis dans
un espace de temps précis.

Les lois d'amnistie ont généralement une portée politique, elles peuvent ainsi être
promulguées par mesure de clémence en vue de favoriser la réconciliation nationale. Lorsque
l'amnistie intervient avant le jugement, c'est une cause d'extinction de l'action publique; et
lorsqu'elle intervient après le jugement de condamnation, c'est une cause d'extinction de
peine. Il n'existe pas de statut permanent de l'amnistie mais des lois occasionnelles répondant
à des circonstances exceptionnelles.

547
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 193, p. 165; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1248, p. 712.
202

2. Conditions

Etant donné que c’est la loi qui crée les infractions, il est logique que l’amnistie, qui en
supprime l’élément légal, relève aussi de la loi. Donc, c’est le Parlement qui vote une loi qui
est promulguée par le Président de la République. En principe, cette loi fixe les critères
d'amnistie et tous ceux remplissent ces critères bénéficient de l'amnistie.

L'amnistie ne peut éteindre pleinement l'action publique que si elle est réelle,
inconditionnelle et survenue avant tout jugement. En effet, si l'amnistie est personnelle,
l'action publique demeurera à l'égard de tous les coprévenus de celui qui en bénéficie. Si elle
est conditionnelle, subordonnée au paiement d'une amende, elle n'éteint pas l'action publique,
tandis que si elle est promulguée après qu'une décision définitive a été prise (jugement), elle
ne peut avoir d'effet que sur les peines. Dans ce cas, la peine prononcée par la juridiction ne
sera pas exécutée.

3. Effets

L'amnistie a pour effet d'éteindre l'action publique ou la peine suivant qu'elle intervient
avant ou après la condamnation coulée en force de chose jugée. L’amnistie est d’ordre public,
c'est-à-dire que l’individu qui en est bénéficiaire ne peut y renoncer. Si les poursuites ont
commencé, il ne peut exiger qu’elles aillent à leur terme afin que son innocence soit établie.
L’autorité judiciaire doit lui donner application d’office même si l’individu ne l’invoque pas.
En conséquence, le prévenu amnistié ne peut plus être jugé, même s'il le demande pour faire
constater son innocence548. L'amnistie a aussi pour effet d'empêcher les poursuites des faits
(ou des personnes) qu'elle couvre et d'annuler en tous ses effets les jugements qui ont
sanctionné déjà ses faits.

Si les infractions amnistiées ne font pas encore l’objet des poursuites, celles-ci ne peuvent
plus être engagées, et si les poursuites sont en cours, elles cessent immédiatement. L’action
s’éteint. Si l’individu bénéficiaire de l’amnistie a déjà été condamné, la condamnation
s’efface et s’il exécute déjà la peine, celle-ci doit s’éteindre immédiatement. L’amnistie
concerne les peines principales, complémentaires et accessoires. La condamnation ne peut
donc figurer dans le casier judiciaire, ni constituer un empêchement à l’octroi du sursis, ni être
prise en considération pour la récidive ou la délinquance d’habitude. La condamnation ne peut
plus être rappelée, ni fonder ou justifier une quelconque prétention en justice ou devant
l’administration, ni figurer dans un document quelconque. L’amnistie, c’est l’oubli.

Pour savoir dans quelle mesure l'action publique est éteinte cela dépend des conditions
exigées par la loi. Lorsque l'amnistie est pure et simple, les faits non encore découverts ne
sont plus recherchés et faits découverts ne sont plus poursuivis. En cas de pluralité
d'infractions et si l'amnistie est personnelle, c'est-à-dire accordée à certaines catégories de

548
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 102.
203

délinquants (anciens rebelles), elle ne produit d'effet qu'à leur égard et laisse subsister l'action
publique vis-à-vis des coauteurs et complices549. Si l'amnistie est générale c'est-à-dire à
l'égard de tous, elle éteint l'action publique pour tout le monde. De même, lorsque les
agissements reprochés sont susceptibles de plusieurs qualifications et que l'une d'entre elles
est amnistiée, la poursuite peut avoir lieu pour les autres.

Mais en général, l'amnistie éteint l'action publique contre tous ceux ont participé à
l'infraction, aussi bien les auteurs que les complices, à la condition qu'elle soit réelle et
s'applique à tel fait commis avant telle date. La condamnation amnistiée ne peut plus être
tenue comme premier terme d'un état de récidive. Mais elle n'éteint pas en principe l'action
civile car le fait amnistié, s'il n'est plus infractionnel, reste un fait dommageable, dont la
victime est en droit de demander la réparation devant le juge civil550.

4. Application d'amnistie en RDC

La loi n° 014/006 du 11 février 2014 portant amnistie pour faits insurrectionnels, faits de
guerre et infractions politiques pour faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions
politiques prévoit que cette loi d'amnistie couvre les faits insurrectionnels, les faits de guerre
et les infractions politiques commis sur le territoire de la République Démocratique du
Congo, au cours de la période allant du 18 février 2006 au 20 décembre 2013.

Cette période a été retenue aux fins de couvrir les faits insurrectionnels, les faits de guerre
et les infractions politiques commis à partir de la promulgation de la Constitution du 18
février 2006 jusqu’à la date du 20 décembre 2013 correspondant à l’expiration de l’ultimatum
lancé à tous les groupes armés à déposer les armes. Cette mesure de clémence emporte les
effets suivants :
- pour les faits infractionnels qui ne font pas encore l'objet de poursuites, l'action publique
s'éteint ;
- si les poursuites sont en cours, elles cessent immédiatement ;
- les condamnations non encore revêtues de l'autorité de la chose jugée sont anéanties et
celles devenues irrévocables sont considérées comme n'ayant jamais été prononcées.
En tout état de cause, bien qu'ayant perdu leur caractère infractionnel, les faits amnistiés
laissent subsister la responsabilité civile de leurs auteurs. Telle est l'économie générale de la
loi susvisée.

L'article 4 de la loi concernée exclut du champ d'application de l'amnistie, le crime de


génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, le terrorisme, les infractions de
torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants, les infractions de viol et autres
violences sexuelles, l'utilisation, la conscription ou l'enrôlement d'enfants et toutes autres
549
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 252, p. 206; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1255, p. 715.
550
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 194, pp. 166-167;. S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1256, p. 715; A. RUBBENS, Le droit
judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale, Kinshasa et Bruxelles, éd.
Université Lovanium et Maison Ferd. Larcier, 1965, n° 325, p. 349.
204

violations graves, massives et caractérisées des droits humains. Sont également exclus, les
infractions de détournement des deniers publics et de pillage, de même que les infractions à la
réglementation de change et le trafic des stupéfiants.

L'article 5 de la même loi dit que pour bénéficier de l'amnistie, les auteurs, co-auteurs ou
complices des faits insurrectionnels et des faits de guerre visés par la cette loi sont tenus
préalablement de s'engager personnellement, par écrit, sur l'honneur, à ne plus commettre les
actes qui font l’objet de l'amnistie concernée. L'engagement est pris par tout prétendant à
l'amnistie, fugitifs et latitants compris, dans un délai de six mois, auprès du ministre.
Toute violation de cet engagement rendra automatiquement nulle et non avenue l’amnistie
ainsi accordée et disqualifierait l’auteur de cette violation du bénéfice de toute amnistie
ultérieure.

III. L'abrogation de la loi pénale et la dépénalisation

L'abrogation de la loi pénale et la dépénalisation enlèvent à l'acte son caractère


infractionnel et fait disparaître l'élément légal de l'infraction. L'action publique est donc
éteinte si une loi nouvelle vient à être promulguée qui abroge l'infraction poursuivie, avant
toute décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée. C'est dire qu'elle ne peut plus être
exercée si elle ne l'avait pas encore été et que son exercice est simultanément paralysé dans le
cas contraire.

En principe, la loi applicable à l'infraction est celle qui était en vigueur au jour de sa
commission. On sait cependant que, par exception au principe de la non-rétroactivité de la loi
pénale, la loi la plus douce rétroagit: tel est bien le cas de celle qui ôte à un fait son caractère
infractionnel. Les poursuites deviennent donc impossibles si elles n'avaient pas encore
commencé. Elles s'arrêtent si l'action publique avait déjà été lancée551.

A raison, de son caractère accessoire, l'action civile devrait être également éteinte et la
partie civile perdre l'exercice de son droit d'action civile. En réalité, cette action ne sera
également éteinte que dans l'hypothèse où aucune décision n'est intervenue sur le fond avant
l'abrogation de la loi pénale, la partie civile étant alors obligée d'exercer son action en
réparation devant le juge civil. Comme on le voit, lorsque l'action publique est éteinte, la
victime du dommage résultant de ce fait a tout de même la possibilité d'exercer une action
civile en réparation; elle doit alors l'intenter devant le tribunal civil552.

IV. Le retrait de la plainte

En principe, le retrait de la plainte n'a aucune incidence sur l'action publique. Mais il existe
quelques infractions dont la poursuite pénale est conditionnée à une plainte de la partie lésée;
et en cas de retrait de la plainte, l'action publique est éteinte. Dans ce cas, le ministère public

551
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 252, p. 206.
552
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 195, p. 168; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 1254, p. 714.
205

n'aura aucun pouvoir pour continuer la poursuite. Pour ces infractions, la nécessité d'une
plainte préalable à l'exercice de l'action étant une exception au droit du ministère public d'agir
d'office, elle est de stricte interprétation.

1. L’adultère

L’article 468 du code de la famille subordonne la poursuite pour adultère à la plainte


préalable de l’époux (épouse) qui se prétendra offensé (e). La raison d’être de cette exigence
réside dans la considération selon laquelle l’unité et la stabilité de la famille risquent d’être
compromises par l’intervention du ministère public et qu’ainsi la victime de l’infraction
d’adultère doit être considérée comme le meilleur juge des suites à donner à l’infraction.
L’époux plaignant peut demander, en tout état de cause, l’abandon de la procédure par retrait
de la plainte à condition de consentir à reprendre la vie commune. Le retrait de cette plainte
éteint l'action publique. Nous pensons que la poursuite pour adultère sur plainte du mari se
trouve arrêtée par la mort de celui-ci même si n'avait pas retiré sa plainte de son vivant.

2. La grivèlerie

L’exposé des motifs du décret du 4 août 1953 sur la grivèlerie indique que cette infraction
ne trouble que très légèrement l’ordre public. Ainsi, le paiement du prix ou le désistement de
la partie plaignante éteint l’action publique.

3. Les infractions commises à l’étranger

Les infractions commises à l’étranger et passibles d’une peine d’emprisonnement d’au


moins 2 mois sont poursuivies sur requête du ministère public553. Mais lorsqu’elles lèsent les
particuliers et que la loi congolaise prévoit, à cet effet, une peine d’emprisonnement d’au
moins 5 ans, la requête du ministère public doit être précédée d’une plainte de la partie
offensée ou d’une dénonciation officielle de l’autorité du pays où l’infraction a été commise.

4. Les infractions aux droits d’auteur

Il s'agit des infractions qui sont prévues par l’ordonnance-loi n°86/0033 du 5 avril 1986
portant protection des droits d’auteur et des droits voisins. Elles sont poursuivies sur la plainte
préalable de la personne qui se prétend lésée554. Ainsi, les infractions d'atteinte aux droits du
propriété intellectuelle ne peuvent être poursuivies que sur plainte de la partie lésée. Le retrait
de la plainte éteint l'action publique.

553
Article 3 du Code pénal congolais, livre I.
554
Article 102 de l'ordonnance-loi n°86/0033 du 5 avril 1986.
206

5. Les poursuites en matière fiscale

Les poursuites en cette matière sont exercées par le procureur de la République à la requête
de l’agent de l’administration des impôts revêtus de la qualité d’OPJ à compétence restreinte,
du Directeur général ou des directeurs compétents selon le cas555.

6. L'infraction de diffamation et de calomnie

Les poursuites pénales des auteurs de ces infractions est conditionnée par la plainte de la
partie lésée et en cas de retrait de la plainte, l'action publique est éteinte.

V. La transaction

La transaction est une procédure proposée par le ministère public qui permet de renoncer
aux poursuites ou d'y mettre fin (extinction de l'action publique) par un règlement
extrajudiciaire de la cause moyennant le paiement d'une somme d'argent par le suspect,
l'inculpé ou le prévenu556. La transaction a pour but de proposer une réaction sociale
alternative face à l'acte du délinquant en faisant l'économie d'un procès pénal.

En principe, la transaction est sans effet sur le droit d'action publique qui doit rester intact
entre les mains du ministère public. Elle ne peut donc éteindre l'action publique que dans
l'hypothèse où la loi prévoit expressément que l'administration titulaire de ce droit dispose du
droit de mettre en mouvement l'action publique. En toute hypothèse, la transaction ne peut
avoir d'effet que sur l'action publique relative à l'infraction pour laquelle a été accordé ce
droit, et pour la seule personne impliquée qu'elle concerne.

Le but et l'avantage de la transaction sont évidemment de pallier l'encombrement et la


surcharge des cours et tribunaux. L'augmentation considérable des affaires, le développement
de la vie économique, des activités industrielles, de la circulation automobile ont rendu
nécessaire une solution à la fois plus simple, plus rapide et peut-être plus efficace que le
procès pénal. En outre, dans les matières spéciales, le droit de transaction laisse à la partie
poursuivante, qui est parfois une administration, une certaine latitude et une plus grande
souplesse dans l'exercice des poursuites. Elle s'applique en principe en cas d'infractions
relatives aux impôts (direction générales des impôts) et en matière des douanes et accises.
Dans ce cas, l'OPJ peut proposer la transaction et si cela aboutit, l'action publique est éteinte.

555
Article 103 de la loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, JORDC, n°spécial,
31 mars 2003, p.5.
556
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 234.
207

VI. La médiation pénale

Elle constitue une mesure alternative à la sanction pénale. Elle permet d'offrir une réaction
sociale face à l'acte du délinquant tout en évitant la lourdeur d'un procès. Elle s'applique en
principe en cas d'infractions commises par les mineurs. La médiation est le mécanisme qui
vise à trouver un compromis entre l'enfant en conflit avec la loi ou son représentant légal, et la
victime ou son représentant légal ou ses ayants droits sous réserve de l'opinion de l'enfant
intéressé dûment entendu. Elle a pour objectif d'épargner l'enfant des inconvénients d'une
procédure judiciaire, d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au
trouble résultant du fait qualifié d'infraction à la loi pénale, et de contribuer ainsi à la
réinsertion de l'enfant en conflit avec la loi557.

En cas de manquement qualifié d'infraction à la loi pénale punissable de moins de dix ans
de servitude pénale, le président du tribunal pour enfants peut transmettre l'affaire au comité
de médiation ou engager a procédure judiciaire558. La médiation est ouverte à toutes les étapes
de la procédure judiciaire. Elle suspend la procédure devant le juge saisi, sauf en ce qui
concerne les mesures provisoires559.

La médiation est notamment conclue sur la base d'une ou plusieurs des mesures ci-après:
l'indemnisation de la victime, la réparation matérielle du dommage, la restitution des biens à
la victime, la compensation, les excuses expresses présentées de façon verbale ou écrite à la
victime, la réconciliation, l'assistance à la victime et le travail d'intérêt général ou prestation
communautaire. Le travail d'intérêt général consiste en une orientation utile à la collectivité ne
dépassant pas quatre heures par jour, pour une durée d'un mois au plus. Ce travail doit être
effectué dans le respect de la dignité humaine, avec le consentement éclairé de l'enfant et sous
la supervision de l'assistant social560.

VII. La chose jugée

1. Notions

C'est l'ensemble des effets attachés à la décision juridictionnelle. Le mode le plus normal et
général d'extinction de l'action publique est le jugement de l'affaire. Une fois l'infraction jugée
par une décision de justice qui n'est plus susceptible de voies de recours, les mêmes faits ne
peuvent plus donner lieu à une nouvelle action publique qu'il ait eu condamnation ou

557
Articles 132 à 133 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25
mai 2009, pp. 23-33; article 2 de l'arrêté interministériel n°490/CAB/MIN/J&DH/2010 et
011/CAB/MIN.GEFAE du 29 décembre 2010 portant composition, organisation et fonctionnement du
comité de médiation en matière de justice pour mineurs.
558
Article 137 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
559
Article 139 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
560
Article 134 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
208

acquittement et cela même en leur donnant une qualification juridique différente de celle qui
avait été d'abord retenue. Cela signifie qu'en principe, une personne ne peut être poursuivie
une deuxième fois pour des faits ayant donné lieu à un jugement coulé en force de chose
jugée; ainsi, la chose jugée constitue une cause d'extinction de l'action publique, elle éteint
l'action publique. C'est l'application du principe général de droit non bis in idem. La garantie
offerte à ce principe entre en jeu lorsque de nouvelles poursuites sont engagées et que la
décision antérieure d'acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose
jugée.

Ce principe est garanti par l'article 14.7 du Pacte international des droits civils et Politiques
qui dispose que "Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour la quelle
il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la
procédure pénale de chaque pays".

La chose jugée s'applique aussi bien aux décisions d'acquittement qu'aux décisions de
condamnation dans la mesure où la juridiction qui a statué avait le pouvoir d'épuiser la
poursuite. La chose jugée est un principe d'ordre public. Cela signifie que ce principe ne peut
faire l'objet de convection entre parties qui ne peuvent renoncer à son application, et
soumettre à une juridiction des faits déjà jugés. Le principe de l'autorité de la chose jugée peut
être soulevé en tout état de cause (à l'instruction préparatoire, en première instance, en appel
et en cassation) et même d'office par la juge qui a l'obligation d'en vérifier l'application561.

2. Conditions

L'application du principe non bis idem exige des conditions suivantes:


- Il s'applique qu'aux décisions définitives du juge pénal. Une décision définitive est celle qui
a vidé l'instance (qui s'est prononcée au fond). Il ne s'applique donc pas concernant les
jugements avant dire droit de type préparatoire ou interlocutoire;
- L'extinction de l'action publique n'est acquise que lorsque la chose a été irrévocablement
jugée (coulée en force de chose jugée) et non pas seulement dès que la décision a l'autorité de
la chose jugée. Il faut donc que la décision ne puisse plus faire l'objet ni d'un recours ordinaire
(opposition ou appel) ni d'un pourvoi en cassation;
- Les secondes poursuites doivent porter sur les mêmes faits et les mêmes personnes que ceux
faisant l'objet de la première décision aux termes de laquelle il a été statué irrévocablement
sur les poursuites (c'est-à-dire identité d'objet, de cause et des parties)562. En effet, l'autorité de
la chose jugée suppose, pour être opératoire, que les faits infractionnels, objet de nouvelles
poursuites, et les parties poursuivies, soient identiques à ceux qui ont déjà été jugés.

561
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1258, p. 716.
562
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 225-228; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1259, p. 716.
209

3. Effets

L'autorité de chose jugée a pour effet d'éteindre l'action publique. Une décision définitive
(irrévocable c'est-à-dire non susceptible de toutes voies de recours tant ordinaires
qu'extraordinaires) rendue par une juridiction pénale, quel qu'en soit le contenu, interdit à
l'encontre de la personne déjà jugée toute nouvelle poursuite pour les mêmes faits.

VIII. La prescription de l’action publique

1. Notions

La prescription est un droit accordé par la loi à l’auteur d’une infraction de ne pas être
poursuivi ni jugé après l’écoulement d’un certain laps de temps depuis la perpétration du fait
déterminé par la loi. De manière simple, la prescription est l'irrecevabilité à agir pour le
titulaire d'un droit s'il est resté longtemps inactif. On dit que son droit s'éteint par l'effet de la
prescription. La prescription est une cause d'extinction de l'action publique et une cause
d'extinction de la peine.

En tant que cause d'extinction de l'action publique, lorsque l’action publique n’est pas
exercée pendant un certain délai, elle s’éteint par l’effet de la prescription. Une infraction est
prescrite quand un certain délai est s'est écoulé depuis sa commission sans qu'elle été
poursuivie. La prescription est donc un mode d’extinction de l’action publique résultant du
non-exercice de celle-ci avant l'expiration du délai fixé par la loi, dont la survenance résulte
du seul écoulement du temps. Ainsi quand l'officier du ministère public a omis de poursuivre
un délinquant dans les délais fixés par la loi, l'action publique est prescrite de sorte que
l'infraction va rester impunie.

En tant que cause d'extinction de la peine, lorsqu’un certain délai s’est écoulé depuis la
condamnation non exécutée, la prescription met obstacle à l’exécution de la sanction. La
prescription est donc une cause d’extinction de la peine. Dans le présent chapitre nous,
analyserons que la prescription de l'action publique, nous aborderons la prescription de la
peine à la sixième partie de cet ouvrage consacré aux causes de suspension ou d'effacement de
la condamnation.

2. Fondement

La prescription est l’expression de la grande loi de l’oubli : ou bout d'un certain temps,
l’opinion publique cesse de réclamer vengeance de sorte qu'il devient inutile de raviver le
souvenir d'une infraction tombée dans l'oubli. Dans un intérêt de paix et de tranquillité
sociale, mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir563. Ce premier fondement est
donc l'intérêt social. Lorsqu'un certain temps-qui varie d'ailleurs en fonction de la gravité de
l'infraction s'est écoulé depuis la perpétration de celle-ci et que le trouble social qui en est

563
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 203, p. 174; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1206, p. 694.
210

résulté est pratiquement oublié, il est préférable de renoncer aux poursuites qui deviennent
inutiles pour l'ordre public564.

On justifie aussi la prescription par cette considération psychologique que le coupable,


aussi longtemps qu'il a réussi à échapper à la poursuite ou au châtiment, a dû vivre dans
l'inquiétude et dans l'angoisse, peut être même torturé par les remords et qu'ainsi il dû vivre
son châtiment. Déjà puni une première fois, ce serait trop que de le punir une seconde565.

On justifie également la prescription de l'action publique à l'idée de négligence de la partie


poursuivante à mettre l’action publique en mouvement; ainsi, la société perdrait son droit de
punir parce qu’elle ne l’aurait pas exercé en temps utile566.

La justification classique et le plus convaincant est que la preuve devient, après un certain
temps, plus difficile à administrer. En effet, au fur et à mesure que le temps s’écoule depuis
que l’infraction a été commise, les preuves disparaissent ou du moins perdent beaucoup de
leur valeur, les expertises sont rendues plus incertaines et les témoignages plus fragiles; les
faits s'estompent dans l'imprécision du souvenir. L'inculpé ou le prévenu éprouvent des
difficultés à faire valoir leur innocence. Plusieurs années après la commission de l’infraction,
certains devoirs risquent de ne plus être sollicités après un certains délai, il serait difficile de
découvrir les traces et indices de l'infraction ou de les chercher du moins ; ces derniers auront
peut-être été oubliés ou ne seront que vagues et imprécis. En exerçant l’action publique dans
ces conditions, on court le risque d’une erreur judiciaire; pour l’éviter dans l’intérêt même de
la justice et de la société, le mieux est de renoncer à exercer l'action publique.

Enfin, dans le cadre d'une espèce de contrat social qu'est la poursuite pénale, on considère
qu'il est légitime que la négligence des autorités publiques chargée de lutte contre la
délinquance soit sanctionnée.

Malgré tous les mérites du fondement de la prescription de l'action publique, il existe


certains arguments qui s'opposent à sa consécration. En effet, la prescription de l'action
publique nuit à la protection de la société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs
qu'aux petits délinquants, alors que le temps ne saurait atténuer les dangers des premiers.
L'institution de la prescription a pour effet de favoriser plus que les autres les délinquants les
plus dangereux parce qu'ils vivent dans des réseaux assez organisés pour leur fournir les
moyens d'échapper à la justice. Elle exclut toutes les mesures de traitement pour certains
coupables qui en auraient pourtant besoin, il n'est pas moins nécessaire de les traiter parce que
leur faute n'a été révélée que tardivement. C'est pourquoi, certains criminalistes

564
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 124.
565
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 236, p. 191.
566
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 203, p. 174; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1206, p. 694.
211

contemporains désireraient la supprimer à peu près totalement, et d'ailleurs le droit de la


Common Law ou droits anglo-saxons l'ignorent totalement567.

3. Caractères de la prescription de l'action de l'action publique

a) Caractère général

La prescription a un caractère général en ce sens qu'elle s'applique à toutes les infractions,


même les plus graves, à l'exception de crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes
de guerre. Elle ôte même aux faits poursuivis tout caractère infractionnel568.

b) Caractère d'ordre public

La prescription a un caractère d'ordre public, ce qui signifie que l'exception de prescription


peut être soulevée en tout état de cause devant toutes les juridictions c'est-à-dire à tous les
stades de procédure, en première instance (à l'instruction préliminaire ou préparatoire, au
début de l'instance, à la fin de l'instance, au délibéré ou après le délibéré), même pour la
première fois en appel et devant la Cour de cassation. Elle doit être soulevée d'office par le
juge même si les parties le l'ont pas invoquée569. Elle acquise à l'inculpé de plein droit et
même à son insu570. Le bénéficiaire ne peut y renoncer. Enfin, il incombe à la partie
poursuivante, qui doit prouver l'infraction, d'établir que l'infraction n'est pas prescrite. La
prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public, qui
doit être soulevée d'office par le juge, et il appartient au ministère public d'établir que l'action
n'est pas éteinte par la prescription.

Il serait souhaitable à toutes les juridictions de faire un contrôle rigoureux en ce domaine


d'autant que plusieurs justiciables sont poursuivis, détenus voire condamnés sur des faits
prescrits. Si la Cour de cassation a constaté que l'action publique était prescrite le jour où la
décision attaquée a été rendue, cette décision est cassée sans renvoi571.

c) Caractère réel

La prescription de l'action publique s'applique aux faits, indépendamment des personnes en


cause (elle n'est pas personnelle); elle s'applique à toutes les infractions étroitement liées à
l'infraction principale; elle rejaillit en conséquence sur tous les auteurs, coauteurs et complices
de celle-ci572.

567
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 236, p. 192; M.L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n°297, p. 476.
568
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 205, p. 175.
569
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 125; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 205, p. 175; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1299, p. 700.
570
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 189.
571
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 189.
572
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 125.
212

4. Conditions de la prescription

Pour que l'action publique soit éteinte par prescription, il faut tout d'abord, qu'un certain
temps se soit écoulé depuis l'infraction. C'est le délai de prescription. Il faut aussi que ce délai
n'ait pas été interrompu, car l'interruption a pour effet d'allonger la durée légale de la
prescription. Nous examinerons ainsi les délais de prescription de l'action publique (a) et
l'interruption de la prescription de l'action publique (b).

a) Délais de la prescription de l’action publique

A raison du fondement de la prescription, le législateur a prévu normalement, par nature


d'infraction, une durée au terme de laquelle l'action publique est prescrite, à partir d'un point
de départ déterminé par le droit positif.

a.1. Durée du délai

La durée de la prescription est déterminée par le maximum de la peine prévue par la loi
pour chaque infraction. Ces délais sont prévus et réglementés par les articles 24 à 26 du Code
pénal. La prescription de l’action publique est acquise en :
- Un an, si l’infraction est punie d’une simple peine d’amende ou d’une peine de servitude
pénale d’un an au maximum;
- Trois ans, si l’infraction est punie d’une servitude pénale de 5 ans au maximum ;
- Dix ans, si l’infraction est punie d’une servitude pénale dépassant 5 ans ou de la peine de
mort.
Bien que la loi n’en dise rien, nous pensons que le détournement se prescrit après 10 ans,
compte tenu de la durée de la peine de travaux forcés qui le sanctionne (1 à 20 ans). Lorsque
plusieurs faits entrent en concours idéal, la prescription n’est acquise que lorsque est atteinte
la prescription la plus longue, c’est-à-dire celle afférente au plus grave des faits incriminés.

a.2. Point de départ du délai

Le délai de prescription a pour point de départ le jour où tous les éléments constitutifs ont
été réunis c'est-à-dire l'infraction est consommée, encore fait-il que ce jour soit compté dans le
délai. Le point de départ de ces délais est défini par l’article 25 du Code pénal : « Les délais
de la prescription commenceront à courir du jour où l’infraction a été commise (dies a quo).
Celui-ci est compris dans le délai (art. 26, al. 2 CP). Il faut avoir présent à l’esprit la
distinction des infractions selon le moment de leur réalisation. Le délai commencera à courir :
- pour les infractions instantanées, le jour où l’infraction a été commise ;
-pour les infractions continues, le jour où la situation infractionnelle a cessé ;
- pour les infractions d’habitude, le jour où le dernier acte formant l’habitude a été posé.

Il convient de rappeler la différence entre l'infraction instantanée, infraction continue et


l'infraction d'habitude car leur précision permettra de savoir le point de départ du calcul de
délai de prescription de l'action publique.
213

L’infraction instantanée est celle qui s’accomplit en un instant, qui se réalise donc en trait
de temps. Exemples : Un meurtre, coups et blessures volontaires, un vol, un viol, corruption,
diffamation, dénonciation calomnieuse, violation du secret professionnel etc. Pour ces
infractions, la prescription commence à courir le jour où elles ont été commises.

L’infraction continue est celle qui vise la création et le maintien d'une situation
infractionnelle ou dans une omission permanente infractionnelle; en d'autres termes elles
impliquent une prolongation de l'activité infractionnelle. De manière simple, elle suppose une
action qui se prolonge dans le temps573. Ce qui caractérise cette infraction, c’est la volonté
persistante de l’agent de se maintenir dans un état contraire à la loi, la volonté actuelle et
permanente de l’agent de délinquer. Exemples : la détention illégale et arbitraire (article 67 du
Code pénal congolais livre 2), le recel (article 101 du Code pénal congolais livre 2), etc. Pour
ces infractions, la prescription commence à courir le jour où la situation infractionnelle a
cessé.

L’infraction d’habitude est celle qui est caractérisée par la répétition d'un fait illicite qui,
pris isolement, ne serait pas susceptible des poursuites574; autrement dit c'est celle qui résulte
de la commission de deux ou plusieurs actes identiques575. Ici c’est l’habitude qui est
sanctionnée et non un seul fait isolé. Exemples : la prostitution forcée ou le proxénétisme (art.
174 c, art. 174 b du Code pénal livre 2), l’exercice illégal de l’art de guérir (décret du 19 mars
1952). Pour ces infractions, la prescription commence à courir le jour où le dernier acte
formant l’habitude a été posé.

b) Interruption de la prescription

b.1. Notions

Définie comme l'arrêt du cours de la prescription pour des causes déterminées par la loi qui
efface rétroactivement le délai déjà écoulé antérieurement, l'interruption de la prescription de
m'action publique est fondée sur le fait que la partie poursuivante ayant montré sa volonté de
poursuivre, son droit d'action publique doit être préservé intact par une prescription toujours
renouvelée.

L'interruption de la prescription de l'action publique se produit lorsque l'autorité


compétente pose un acte qui dénote qu'elle n'oublie pas l'action publique mais qu'elle veut au
contraire la mener à bien. Dans ce cas, le délai de prescription est renouvelé, en ce sens que le
délai ne court plus à partir de la date de l'infraction mais à compter du dernier acte interruptif,

573
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 207, p. 179.
574
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 131.
575
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 241, p. 195.
214

intervenu dans le délai originaire576. De manière simple, l’interruption veut dire non
seulement que le cours de la prescription s’arrête, mais encore que le laps de temps passé est
effacé, et qu’un nouveau délai de prescription, égale au délai initial, prend cours. C'est l'arrêt
du cours de la prescription pour des causes déterminées par la loi qui efface rétroactivement le
délai déjà écoulé antérieurement. L'interruption est fondée sur le fait que la partie
poursuivante ayant montré sa volonté de poursuivre, son droit d'action publique doit être
préservée intact par une prescription toujours renouvelée.

L’article 26 du Code pénal dispose : « La prescription sera interrompue par des actes
d’instruction ou de poursuite faits dans un le délai de un, de trois ou de dix ans, à compter du
jour où l’infraction a été commise ». Cependant, les actes interruptifs ne peuvent jouer
indéfiniment. La loi a prévu des limites : il faut qu’ils soient posés « dans le délai de un, de
trois ou de dix ans à compter du jour où l’infraction a été commise », c'est-à-dire que le temps
de la prescription peut se porter au double, mais il ne peut pas dépasser cette limite.

b.2. Les causes d'interruption de la prescription de l'action publique

Quelle que soit la gravité de l'infraction, les causes d'interruption de l'action publique sont
les mêmes. Ainsi, les actes interruptifs de la prescription sont, soit les actes de poursuite, soit
les actes d’instruction.

Les actes de poursuite visent à mettre en mouvement l'action publique, ils émanent en
général du ministère public (ou toute autorité agissant par délégation, comme la police
judiciaire). Ce sont des actes du ministère public, des fonctionnaires habilités ordonnant ou
sollicitant une investigation ou saisissant les autorités judiciaires ou soutenant l'action
publique577. Ils ont pour but de provoquer la répression et recueillir les preuves et traduire
l'inculpé en jugement578. Ces actes doivent émaner des magistrats ou d'OPJ agissant dans les
limites de leurs compétences territoriales et matérielles. Ils doivent en outre être valables.

Les actes d’instruction sont ceux qui visent la recherche et la réunion des preuves de
l'infraction aux fins de parvenir à la manifestation de la vérité, qu'ils soient accomplis par les
officiers du ministère public ou même par des OPJ. Ce sont les actes émanant d'une autorité
qualifiée à cet effet et ayant pour objet de recueillir des preuves ou mettre l'affaire en l'état
d'être jugés. Ils visent surtout à recueillir les preuves de l’existence de l’infraction, de
l’identité et de la culpabilité de l’auteur.

Constituent les actes d'instruction, interrompant la prescription de l'action publique, tous les
actes émanant d'une personne qualifiée, à savoir d'une personne ayant la compétence requise

576
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 201.
577
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 301, p. 485.
578
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 135.
215

pour intervenir dans la procédure pénale et pour recueillir les éléments nécessaires relatifs à
une cause, posés soit dans le cadre d'une information ou d'une instruction judiciaire, soit au
stade de la juridiction de jugement, et qui visent à recueillir des éléments en vue de constituer
le dossier de la manière usuelle et de mettre la cause en l'état579. Il en est ainsi des procès-
verbaux des OPJ. Ne constituent pas cependant les actes d'instruction, les actes d'une mesure
administrative et les mesures d'administration judiciaire, telle que la décision de jonction de
causes.

Ont été considérés comme interruptifs, les actes de poursuite et les actes d'instruction
suivants :
- l’assignation du prévenu faite à la requête du ministère public pour statuer sur l’appel du
prévenu ; un jugement de la remise de la cause ;la visite domiciliaire ;
- le dépôt du rapport d’expertise ; les mandats de comparution, d’amener et d’arrêt provisoire;
- l’interrogatoire du prévenu par l’officier du ministère public ou l’audition d’un témoin ;
- le jugement de condamnation non encore coulé en force de chose jugée ;
- l’appel régulier du ministère public ; la réquisition d’information du ministère public ;le
réquisitoire du ministère public;
- la demande du ministère public tendant à obtenir in extrait de casier judiciaire du
prévenu;les ordonnances statuant sur l'autorisation, la confirmation et la prorogation de mise
en détention préventive;
- les citations à prévenu;
- la vérification par un OPJ, à la demande du ministère public, d’un bulletin
de renseignements ;
-l’apostille datée et signée du ministère public chargeant un service de police de
procéder à des constatations ou auditions ou de recueillir des renseignements ;
- notification de citation à comparaître devant le juge de fond;
- l’instruction faite à l’audience ;
- la citation directe de la partie civile;
- une commission rogatoire sur un ensemble de faits infractionnels; les jugements de
condamnation non encore passés en force de chose jugée;
- le jugement de remise;
- l'appel du ministère public;
- la signification d'un jugement par défaut.

Un acte accompli par l'inculpé ou le prévenu ne peut jamais être interruptif car il ne peut
jamais lui porter préjudice. Ainsi, ne constituent pas des actes interruptifs les faits suivants :
- l'appel du prévenu;
- la notification de l’appel du prévenu au ministère public ;
- l’acte d’opposition du prévenu ;la plainte de la partie civile, sauf lorsque celle-ci est un
préalable à toute poursuite (exemple : adultère et grivèlerie) ;

579
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 202; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1231, p. 706.
216

- l’échange de correspondance entre l’officier de police judicaire et l’officier du ministère


public.

L'interruption de la prescription ne peut résulter d'un acte nul ou annulé. En d'autres termes,
la nullité d'un acte de poursuite ou d'instruction est une cause générale ôtant tout caractère
interruptif à cet acte de poursuite ou d'instruction580. Cela signifie pour avoir un effet
interruptif, l'acte de poursuite ou d'instruction doit être accompli par l'autorité qualifiée, être
régulier (un acte accompli par un magistrat ou OPJ incompétent territorialement ou
matériellement n'est pas valable) et accompli dans le délai originaire (l'acte accomplit en
dehors du délai originaire n'est pas valable).

b.3. Effets de l''interruption de la prescription de l'action publique

L'interruption de l'action publique a pour effet d'effacer tout le temps écoulé avant sa
survenance; c'est un nouveau délai qui commence à courir à compter du jour du jour de l'acte
interruptif. Cet effet se produit d'une façon générale et absolue, en ce qui concerne les
personnes. Ainsi, un acte interruptif concernant l’un des inculpés interrompt la prescription à
l’égard des autres, les auteurs, coauteurs et complices de l'infraction connus ou inconnus,
effectivement poursuivis ou non, bien que les poursuites n'aient été dirigées que contre un
seul d'entre eux ou même seulement contre X. Ainsi une citation lancée contre l'une des
personnes ayant participé à la commission de l'infraction interrompt la prescription à l'égard
de toutes les autres.

En revanche, l'interruption de la prescription de l'action publique n'a d'effet que pour les
faits poursuivis, quelles soient la ou les qualifications qui leur sont données. Ainsi, la
procédure suivie pour homicide involontaire et la condamnation consécutive ne sauraient
avoir d'effet interruptif dans la poursuite ultérieure lancée contre un tiers pour un meurtre
commis sur la victime, les faits étant distincts.

De même, l'interruption de la prescription a un effet contagieux de la connexité en ce que


l'acte interruptif accompli pour l'une des infractions produit effet à l'égard de toutes les autres,
alors même que les poursuites auraient été exercées séparément, même si les infractions n'ont
pas le même auteur. Cela signifie que l'interruption de la prescription de l'action publique
s'étend à toutes les infractions connexes qui leur sont instruites ensemble et qui sont rattachées
intimement les unes aux autres par les liens de connexité intrinsèque581. C'est ainsi que
l'interruption de la prescription de l'action publique relative à des blessures involontaires a

580
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 141; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009,
n° 1233, p. 706.
581
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 208; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1236, p. 708; M. L.
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 302, p. 486.
217

effet sur la contravention connexe si l'acte interruptif a été accompli dans le délai prescription
de la contravention.

L'effet contagieux dû à la connexité ne se produit qu'à l'égard des infractions connexes qui
n'étaient pas encore prescrits lorsqu'a été accompli l'acte interruptif. Ainsi, l'interruption de la
prescription de l'action publique relative à un meurtre ne peut avoir d'effet pour l'infraction
connexe qui était déjà prescrit lorsqu'est survenu l'acte interruptif. De même, lorsque les
infractions ne sont pas connexes, l'interruption de la prescription ne se limite qu'à l'infraction
elle-même qui est visée par les actes de poursuite ou d'instruction582.

5. Calcul du délai de prescription de l'action publique

Le délai de prescription se calcule « de dies ad quem », de date à date. Le « dies ad quem »


n’est pas compté. Le calcul du délai de prescription est difficile surtout lorsque celle-ci a
précisément connu une ou plusieurs interruptions. Il est pourtant essentiel de savoir
déterminer exactement quand le dernier acte interruptif peut intervenir. Nous allons essayer de
déterminer quelques règles.

A la question ainsi posée, il faut répondre ce qui suit : le dernier acte interruptif doit
intervenir à une date telle que le nouveau délai de prescription ne dépasse pas le double du
délai initial. Comment retrouver alors cette date au-delà de laquelle l’acte interruptif
entraînerait le dépassement du délai initial ? Il faut procéder de la manière suivante :
- Retenir la date de la prescription initiale. Elle s’obtient de date à date, en comptant le jour
de la commission de l’infraction (dies a quo) et en ne comptant pas la date d’arrivée (dies ad
quem) :

- Calculer un nouveau délai de prescription égal au premier, en respectant les règles


habituelles : le dies a quo (c’est-à-dire la veille du jour où le premier délai de prescription est
acquis) est compté et le dies ad quem est soustrait.

On constatera alors que le « dies a quo » du dernier délai de prescription correspond au


dernier jour où un acte interruptif peut être posé sans qu’il n’entraîne un délai de prescription
dépassant le double du délai initial. Exemple : le faux témoignage (art. 128 CP) est puni de 5
ans d'emprisonnement, donc, il se prescrit par 3 ans. L’infraction est commise le 21 juin 2016.
Le délai initial de prescription va jusqu’au 21 juin 2019 moins un jour, soit le 20 juin 2019.
L’acte interruptif ne peut intervenir que pendant ce laps de temps de 3 ans à partir du 21 juin
2016, date de la commission de l’infraction jusque le 20 juin 2019. Par exemple, si le prévenu
est interrogé le 15 juillet 2016 (c'est la date d'interruption de la prescription), la nouvelle date
prescription partira du 15 juillet 2016 jusque le 15 juillet 2019 moins 1 jour, soit le 14 juillet
2019. C'est à cette date que la prescription de l'action publique sera acquise. En effet, il faut
toujours avoir présent à l’esprit que « le jour où l’acte interruptif de la prescription de

582
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 218, p. 191.
218

l’action publique a été fait est compté dans le nouveau délai de prescription, qui a commencé
à courir à cette date ».

Quand est-ce que le dernier acte interruptif peut intervenir ? Nous prenons comme point de
départ (dies a quo) la veille du jour où est acquis le premier délai de prescription, soit le 19
juin 2019. A cette date, un nouveau délai repart, égal au premier : le dernier acte interruptif ne
peut ainsi intervenir qu’à cette date-là, c’est-à-dire le 19 juin 2019, et la prescription ne sera
alors acquise que le 18 juin 2022. Mais elle ne saurait aller au delà étant donné que le délai de
prescription ne doit pas dépasser le double du délai initial.

6. Les effets de la prescription de l'action publique

La prescription de l'action publique a pour effet d'éteindre l'action publique. On considère


alors le fait infractionnel comme "oublié". L'action publique est éteinte vis-à-vis de tous les
auteurs, coauteurs et complices. L'exception de la prescription est péremptoire, automatique
et d'ordre public583. Elle doit être relevée d'office par le ministère public, le juge en tout état
de la procédure: en première instance, en appel et en cassation, même si les parties ne l'ont
pas soulevé. En pratique, il suffira au demandeur de soulever la prescription pour que, à
raison de l'obligation qu'il a de s'assurer de l'absence de prescription, le juge doive
entreprendre lui-même la vérification.

Lorsque le délai étant écoulé, la prescription de l'action publique est acquise, l'action
publique est éteinte à l'égard de tous ceux qui ont participé à la commission de l'infraction.
C'est dire que la prescription de l'action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère
infractionnel. Ainsi, en cas de prescription, l'officier du ministère public, la chambre du
conseil, les juridictions de jugement doivent déclarer les poursuites pénales irrecevables parce
qu'éteintes par l'effet de la prescription. Les poursuites contre les justiciables qui auraient
commis des infractions prescrites doivent cesser immédiatement et les justiciables qui sont
arrêtés doivent immédiatement être libérés, sinon ils feraient l'objet d'arrestation arbitraire.

7. Imprescriptibilité de l'action publique

Au plan international; les différents résolutions, conventions des Nations Unies et le statut
de la Cour pénale internationale déclarent imprescriptibles le génocide, les crimes contre
l’humanité et les crimes de guerre.

Le génocide est défini à la Convention de 1948 et le statut de la Cour pénale internationale;


il consiste en des actes commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe
national, ethnique, racial ou religieux (meurtres, atteintes à l’intégrité physique ou mentale,
imposition de conditions de vie inhumaines pouvant entrainer la destruction physique totale

583
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1219, p. 700; ; M. L.
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 304, p. 488.
219

ou partielle du groupe, de mesures empêchant les naissances dans le groupe, le transfert forcé
d’enfants d'un groupe à un autre).

Les crimes contre l’humanité sont définis par l'article 7, paragraphe 2 du statut de la Cour
pénale internationale. Ce sont des actes commis en connaissance de cause "dans le cadre
d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute une population civile
(meurtres, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de
populations, emprisonnements, tortures, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse
forcée, stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité, persécution de tout
groupe (… ) pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux
ou sexiste (…), disparitions forcées de personnes, crimes d’apartheid et autres actes
inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des
atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale".

Les crimes de guerre sont des actes violant les conventions de Genève de 1949 et les lois et
coutumes de la guerre en vigueur dans le droit international. Ils peuvent être réalisés non
seulement dans le cadre de conflits internationaux mais également de conflits internes.
D’après le statut de la Cour pénale internationale, toute infraction aux Conventions de Genève
du 12 Août 1949 perpétrée contre toute personne ou tout bien est considéré comme crime de
guerre :
- L'homicide intentionnel ;
- La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
- Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte
à l'intégrité physique ou à la santé ;
- La destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
- Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les
forces d'une puissance ennemie ;
- Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée
de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement ;
- La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;
- La prise d'otages.

La poursuite des délinquants pour tous les faits non encore prescrits ne pose aucun
problème. Les faits infractionnels qui peuvent être considérés comme le génocide, les crimes
contre l’humanité et les crimes de guerre sont donc imprescriptibles. Le Code judiciaire
militaire, prévoit l’imprescriptibilité de l’action publique dans les cas suivants :
- la désertion à bande armée ;
- la désertion à l’ennemi ou en présence de l’ennemi ;
- le fait pour un déserteur ou un insoumis de s’être réfugié ou d’être resté à l’étranger pour se
soustraire à ses obligations militaires ;
- les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
220

SECTION 5: MODE DE CONNAISSANCE DES INFRACTIONS

En général, avant toute enquête préliminaire ou une instruction préparatoire, l'officier de


police judiciaire ou le ministère public doit avoir connaissance de l'infraction. Mais celui-ci
n'a que très rarement une connaissance personnelle des infractions car elles lui sont apportées
soit par des dénonciations (§1), soit par des plaintes (§2), soit encore par la recherche qui en
est faite par la police judiciaire (§3).

§ 1. Les dénonciations

I. Notion

La dénonciation est une déclaration signalant une infraction à l'autorité avec ou sans
désignation de l'auteur de l'infraction. Elle est officielle si elle émane d'une autorité
constituée, un fonctionnaire habilité ou un officier public, autre que ceux qui sont chargés de
la recherche des infractions. C'est dans ce sens que l'article 67 alinéa 2 de la loi organique
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
prévoit que le ministère public reçoit les plaintes et les dénonciations. La dénonciation est
privée si elle émane d'un particulier ou d'un fonctionnaire agissant en dehors de l'exercice de
ses fonctions. La dénonciation privée est tantôt anonyme, tantôt signée par le dénonciateur.

II. Conditions

La dénonciation n'exige aucune formalité particulière, le simple entendement suffit. Elle


peut être envoyée à l'officier du ministère public (article 67 alinéa 2 de la loi organique
précitée) ou être adressée aux officiers de police judiciaire (OPJ), ce qui se fait dans la
pratique.

III. Effets

La dénonciation ne met pas en mouvement l'action publique, l'officier du ministère public


apprécie la suite qu'il y a lieu de lui réserver: elle aboutira généralement à une enquête
préliminaire à moins qu'elle n'apparaisse d'emblée comme mal fondée; dans ce cas, l'officier
du ministère public opérera immédiatement un classement sans suite. Dans d'autres cas, il
pourra également requérir les poursuites pénales. Si la dénonciation est calomnieuse, son
auteur peut faire l'objet des poursuites pénales pour l'infraction de dénonciation calomnieuse,
punie par l'article 76 du Code pénal congolais Livre II, sans préjudice d'une condamnation à
des dommages et intérêts.

IV. Valeur de dénonciations

En général, l'on se méfie de dénonciation et les motifs de cette méfiance sont évidentes: la
dénonciation peut être inspirée par des sentiments douteux, vengeance, jalousie, méchanceté;
elle peut être provoquée par la cupidité, la haine ou plus simplement par des psychologiques
ou mentaux. Néanmoins, la justice ne peut faire l'économie de la dénonciation et celle-ci peut-
221

être, dans bien des cas, un devoir moral et civique. Que penser des voisins qui par lâcheté, ne
dénonceraient pas les infractions d'assassinat ou meurtre commises ? Que penser de valeur
des dénonciations anonymes ou encore des renseignements donnés par "des personnes dignes
de confiance" qui désirent garder l'anonymat ? Ces dénonciations n'ont évidemment aucune
valeur probante mais elles peuvent être à l'origine d'une information et si les éléments
contenus dans la dénonciation étaient prouvés par d'autres voies, la poursuite pénale serait
justifiée.

§ 2. Les plaintes

I. Notion

La plainte est la dénonciation signalant l'infraction à l'autorité par la personne qui se prétend
lésée par cette infraction.

II. Conditions

La plainte n'exige aucune formalité particulière, mais elle contient les noms, prénoms et
adresse des plaignants, motifs de la plainte. Elle peut être écrite ou orale; mais dans la
pratique l'on exige qu'elle soit écrite. De même, la plainte est adressée à la police, à la police
judiciaire ou au ministère public. Enfin, elle doit émaner de la personne lésée et montrer de
manière certaine la volonté de voir poursuivre l'auteur présumé de l'infraction.

III. Effets

La plainte ne met pas en mouvement l'action publique. Elle laisse entier au pouvoir
d'appréciation du ministère public quant à la suite à lui réserver (enquête préliminaire,
instruction préparatoire, classement sans suite, amendes transactionnelles). Mais dans certains
cas exceptionnels, l'exercice de l'action publique est subordonné à la plainte de la partie lésée.
C'est le cas des infractions d'adultère, la grivèlerie, les infractions commise à l'étranger, les
infractions aux droits d'auteur, les infractions en matière fiscale, la diffamation et la calomnie.
Si la plainte est calomnieuse, son auteur peut faire l'objet des poursuites pénales pour
l'infraction de dénonciation calomnieuse, punie par l'article 76 du Code pénal congolais Livre
II, sans préjudice d'une condamnation à des dommages et intérêts.

§ 3. Recherche par les agents de l'autorité (police judiciaire)

En principe, c'est la police judiciaire qui recherche les auteurs des infractions, en rassemble
les preuves et les met à la disposition du ministère public (nous y reviendrons en détail dans le
chapitre suivant).
222

CHAPITRE II : L’ENQUETE PENALE

Dans la recherche de l’infraction, on distingue la phase d’enquête sommaire


ou préliminaire et la phase de l’instruction préparatoire. La période préparatoire de
l’enquête préliminaire est confiée à la police judiciaire. La période de l'instruction
préparatoire est confiée au parquet. C'est le parquet qui «instruit», doit rassembler les
éléments de preuve qui constituent le dossier sur la base duquel il articulera ses réquisitions
tendant à obtenir du tribunal la condamnation du coupable.

SECTION 1: ENQUETE PRELIMINAIRE

L’enquête préliminaire peut être définie comme l’ensemble des activités


spécifiquement organisées par des autorités publiques en vue de permettre aux cours et
tribunaux de statuer sur la matérialisation et l’imputabilité d’un fait pénal. De manière
concrète, c'est une procédure diligentée par la police judiciaire agissant d'office ou sur les
instructions du parquet et destinée à obtenir sur une infraction les premiers renseignements afin
de permettre au procureur de la République de prendre une décision sur l'opportunité des
poursuites584. L'enquête préliminaire a pour objet des investigations destinées à fournir au
procureur de la République les renseignements relatifs à un fait susceptible de constituer une
infraction, afin qu'il puisse décider de la suite à lui donner.

§ 1. Organe chargé de l'enquête préliminaire: la police judiciaire

L'enquête préliminaire est effectuée en principe par la police judiciaire et par les agents de
police judiciaire. Il arrive parfois que le parquet, saisi le premier des faits par une plainte ou
une dénonciation, requiert une enquête de la police. Tantôt la police judiciaire ayant été
informée la première par ses agents ou bien par une plainte ou dénonciation, transmet ses
informations au parquet qui, à son tour, lui donne par le biais d'un ordre écrit mandat de le
compléter. L'initiative de l'enquête préliminaire appartient donc alternativement aux policiers
et aux magistrats du parquet et il n'y a pas à distinguer selon que la police judiciaire agit
d'office ou sur instructions du parquet. Quelle que la situation, en général dans la pratique,
c'est la police judiciaire à qui l'on confie l'enquête préliminaire, sous la direction de l'officier
du ministère public.

I. Catégorie de la police judiciaire (OPJ)

Nous allons distinguer les officiers de police judicaire (1) et les agents de police judiciaire (2)
avant de voir les éléments qui peuvent être reformés (3).

584
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 552, p. 493; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 830, p. 564.
223

1. Les officiers de police judicaire (OPJ)

Sont officiers de police judiciaire ceux auxquels cette qualité est conférée par la loi ou par
arrêté du ministre de la Justice. Le ministre de la Justice dans se attributions, peut par arrêté
conférer la qualité d’officier de police judiciaire soit par nomination personnelle, soit par
commission générale à une catégorie d’agents des services publics, des établissements publics
ou des entreprises publiques ou privées. L’arrêté détermine la compétence matérielle et
territoriale. Les officiers de police judiciaire du parquet sont chacun régis par le statut dont ils
relèvent585 et sont, dans les limites de leur compétence matérielle, plus spécialement chargés
de l'exécution de leurs attributions dans les ressorts desquels ils son affectés586.

Dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, et quelle que soit l'étendue de leur
compétence territoriale, les officiers de police judiciaire ne peuvent exercer effectivement les
attributions attachées à leur qualité d'officiers de police judiciaire, ni se prévaloir de cette
qualité qu'après y avoir été personnellement habilités par le procureur de la République du
ressort et prêté entre ses mains, verbalement ou par écrit, le serment suivant: « Je jure (...),
obéissance à la Constitution et aux lois de la République démocratique du Congo, de remplir
fidèlement les fonctions qui me sont confiées et d’en rendre loyalement compte à l’officier du
ministère public ». Nous pouvons déduire qu’au regard de l’article ci-dessus, les actes posés
par l’O.P.J. non assermenté sont nuls et de nul effet car n’ayant jamais reçus la qualité
d’O.P.J.

L'habilitation ainsi que la prestation de serment sont constatées sur procès-verbal. Elles
donnent lieu à l'octroi à l'intéressé d'un numéro d'identification et d'une carte d'officier de
police judiciaire conformes aux modèles déterminés, pour chaque ressort du tribunal de
grande instance, par arrêté du ministre de la Justice587.

Le procureur de la République accorde ou refuse par décision motivée l'habilitation à


exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire. Il peut aussi,
lorsque l'officier de police judiciaire se révèle par son comportement ou ses connaissances,
inapte à exercer ses attributions et sans préjudice des sanctions disciplinaires prévues par le
statut auquel l'officier de police judiciaire est assujetti, suspendre cette habilitation pour une
durée n'excédant pas six mois ou la retirer à titre définitif588.

Les officiers de police judiciaire exercent leur pouvoir sous les ordres et l'autorité du
ministère public589; ceci veut dire que le ministère public peut aussi faire injonction
585
Article 5 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
586
Articles 2 et 6 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
587
Articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
588
Article 13 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
589
Article 1 er du Code de procédure pénale.
224

qu'interdiction aux officiers de police judiciaire d'user de ces pouvoirs dans un cas déterminé.
L'autorité du ministère public se traduit encore par l'obligation imposée à lui transmettre les
procès-verbaux.

a) Les inspecteurs de police judiciaire (I.P.J.) à compétence générale

Ce sont des officiers de police judiciaire attachés directement au parquet, à la place de


l’ancienne police des parquets pour aider les magistrats des parquets dans leur mission de la
recherche des infractions. Dans l'exercice de ses attributions, la police judiciaire est placée,
dans le ressort de chaque tribunal de grande instance sous la direction du procureur de la
République, dans le ressort de chaque Cour d'appel, sous la surveillance du procureur général
près la Cour d'appel et à l'échelon national, sous l'autorité du Procureur général près la Cour
de cassation590. La police judiciaire comprend les OPJ et les agents de police judiciaire. Ont
qualité d'officiers de police judiciaire ceux à qui cette qualité a été conférée par la loi ou par
arrêté, du Procureur général près la Cour de cassation591.

Les inspecteurs de police judiciaire forment ce que l’on appelle la brigade judiciaire. La
loi n'a pas encore prévu l'inspecteur de la police judicaire au niveau du tribunal de paix. En
toute logique, c'est celui du parquet de grande instance qui est compétent. Au niveau du
parquet de grande instance, c’est l’inspecteur judiciaire divisionnaire qui a le grade le plus
élevé, il a le rang de chef de division dans l’administration publique. Il est assisté d’un ou de
plusieurs inspecteurs judiciaires principaux et d’inspecteurs judiciaires de première ou de
deuxième classe.

Au niveau du parquet général près la Cour d’appel, c’est l’inspecteur judiciaire en chef qui
a le grade le plus élevé, il a le rang de directeur dans l’administration publique. Il est assisté
d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires divisionnaires.

Au niveau du parquet général près la Cour de cassation, c'est l’inspecteur judiciaire général
de police judiciaire qui a le grade le plus élevé, il a le rang de Secrétaire général dans
l’administration publique. Il est assisté d’un ou de plusieurs inspecteurs judiciaires en chef.

Précisons que la compétence des I.P.J. (inspecteurs de police judiciaire) s’étend à toutes
infractions et sur tout le territoire de la République.

b) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence générale

On range ici les gendarmes et agents de la police nationale affectés en qualité d’O.P.J. Leur
compétence s’étend à tout le territoire national. Les agents de la police nationale congolaise
(PNC) qui appartiennent à la catégorie d’emploi de commandement et de collaboration, ont
la qualité d’officiers de police judiciaire à compétence générale.

590
Article 3 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
591
Articles 4 et 5 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
225

L'article 13 du décret-loi n°002/2002 du 28 janvier 2002 portant institution, organisation


et fonctionnement de la police nationale congolaise a prévu les missions ordinaires assignées
à la Police nationale congolaise :
- prévenir les infractions ; rechercher les infractions et en saisir les auteurs de la manière et
dans les formes prévues par la loi ;
- veiller particulièrement au respect des lois et règlements de la police ;
- rechercher et saisir les personnes surprises en flagrant délit ou poursuivies par la
clameur publique ;
- rechercher les personnes dont l’arrestation a été légalement ordonnée et les mettre à la
disposition de l’autorité compétente ;
- rechercher les objets dont la saisie est prescrite ;
- se renseigner auprès des autorités et auprès de toute personne digne de foi sur les infractions
qui auraient été commises sur des faits de nature à troubler l’ordre public, sur le lieu de
retraite des individus signalés ou poursuivis par la clameur publique, de même que sur tous
les faits de nature à porter atteinte à l’ordre public et la sûreté de l’Etat. En principe, ce
sont des officiers de police judiciaire de la PNC qui sont les auxiliaires attitrés et permanents
des officiers du ministère public.

La Police nationale congolaise intervient judiciairement quand l’ordre public a été


effectivement troublé et que des infractions ont été commises. Dans ce cas, il sera alors
nécessaire de rechercher les auteurs de ces infractions.

c) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence restreinte

Ce sont généralement les maires592, les bourgmestres593 ou les administrateurs de


territoires594, les chefs de secteurs ou de chefferie595. Ils sont O.P.J. dans les limites de leur
territoire.

d) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence spéciale

Ce sont des fonctionnaires de certains départements chargés de veiller à l’application des


décisions de ces départements. Ils n’ont de compétence que pour les affaires concernant leur
département. Exemples : O.P.J. de la DGM, l'ANR, de l’OFIDA, de la Direction Générale des
Impôts, de la SNEL, de la REGIDESO, de la GECAMINES, de la SNCC, etc. Ainsi, les

592
Article 41 de la loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC,
n°spécial, 7 juillet 2008.
593
Article 60 de la loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC,
n°spécial, 7 juillet 2008.
594
Article 12 de la loi n°10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions territoriales à l'intérieur des
provinces, JORDC, n°spécial, 7 juin 2010.
595
Article 86 de la loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC,
n°spécial, 7 juillet 2008.
226

agents et fonctionnaires de la Direction Générale de Migration (DGM) ayant au moins le


grade d'inspecteur adjoint sont OPJ à compétence générale. Leur compétence s'étend sur
toute l'étendue du territoire national. Ils sont placés sous les ordres et la surveillance du
directeur général de migration. Ils transmettent immédiatement leurs PV au directeur général
de migration qui les envoie à l'officier du ministère public près les juridictions de droit
commun ou militaires selon le cas596. Les officiers de police judiciaire de la Direction
générale de migration (DGM) ont le droit de requérir, dans l’exercice de leur fonction,
l’assistance de la force publique et celle des autres officiers de police judiciaire,
conformément aux lois et règlements. Ces fonctionnaires et agents sont tenus d’obéir à ces
réquisitions et d’assurer, s’il y a lieu, pour leur exécution, le concours des fonctionnaires et
agents sous leurs ordres597.

De même, les agents et fonctionnaires de l'Agence Nationale de Renseignements (ANR)


ayant le grade inférieur à celui de l'inspecteur adjoint sont agents de Police judiciaire. Les
agents et fonctionnaires de l'Agence Nationale de Renseignements (ANR) ayant au moins le
grade d'inspecteur adjoint sont OPJ à compétence générale. Leur compétence s'étend sur
toute l'étendue du territoire national. Les OPJ de l'ANR sont, dans l'exercice de leurs
fonctions attachés à cette qualité, placés sous les ordres et la surveillance exclusifs de
l'administrateur général et accomplissent leurs missions de police judiciaire dans le respect
des lois et règlements. Ils transmettent immédiatement leurs PV à l'administrateur général qui
les envoie à l'officier du ministère public près les juridictions de droit commun ou militaires
selon le cas598.

Sur ce point le rapport de la Fondation OSISA de juillet 2013 sur le fonctionnement de la


Justice en RDC souligne: "Dans la pratique, cependant, les policiers officiers de police
judiciaire ont tendance à obéir plus à leurs supérieurs hiérarchiques qu’au parquet dont
les magistrats ne font pas preuve de rigueur dans l’accomplissement de leur mission de
contrôle à l’égard des officiers de police judiciaire. Cette situation concerne
particulièrement les officiers des services de renseignement dont ceux de l’Agence
nationale de renseignements qui se sont quelquefois arrogé le droit d’arrêter les
magistrats. Ainsi, selon l’ASADHO, le 2 février 2002, le magistrat Samy Bunduki
Baombelwa a été enlevé et séquestré par les agents de l’ANR/Katanga pour avoir procédé à
la libération d’une personne détenue sans motif valable. Le 20 mai 2002, le même sort a
été réservé par les agents de la même institution au magistrat Ngopos Manankatsh qui a
également été tabassé, le tout pour avoir rendu un jugement qui n’a pas rencontré

596
Article 17 du décret-loi n°002-2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de la direction
générale de migration (DGM), in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais.
Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 307.
597
Article 18 du décret-loi n°002-2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de la direction
générale de migration (DGM), in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais.
Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 307.
598
Articles 22 te 23 du décret-loi n°003-2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l'Agence
nationale de Renseignements (ANR), in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire
congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013 , Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p.
307.
227

l’assentiment desdits agents. Les magistrats, comme le relève Sambay Mutenda, le


Président du Syndicat autonome des magistrats, n’ont aucun pouvoir sur les agents des
services de sécurité"599.

Les membres du personnel de l’Agence nationale des renseignements (ANR) ayant le grade
inférieur à celui de l'inspecteur adjoint, ont droit de requérir, dans l’exercice de leurs fonctions
d’officier de police judiciaire, l’assistance de la force publique et de celle des autres officiers
de police judiciaire, conformément aux lois et règlements. Ces fonctionnaires et agents sont
tenus d’obéir à ces réquisitions et d’assurer, s’il y a lieu, pour leur exécution, le concours des
fonctionnaires et agents sous leurs ordres600.

Aussi, les OPJ des accises peuvent rechercher les infractions à la législation des accises.
Ils sont compétents pour exercer le contrôle et la surveillance des fabriques, dépôts,
transports et commerces de produits aux droits601. Les agents de douanes ayant qualité
d'OPJ sont compétents de mener les enquêtes et arrêter s'il échet les auteurs des infractions
relatives à la législation douanière602.

De même, les fonctionnaires attachés à la direction générale et aux services des affaires
économiques, les médecins et les vétérinaires sont plus spécialement chargés de la police
des denrées alimentaires. Leur compétence territoriale s'étend à tout le territoire de la
République603.

Enfin, les agents de commandement de la direction de l'aéronautique sont officiers de


police judiciaire à compétence générale. Leur compétence s'étend sur tout le territoire de la
République. Les commandants de l'aéroport et les comandants adjoints, sont officiers de
police judiciaire à compétence générale. Leur compétence territoriale s'étend sur la province
où ils exercent leurs fonctions. Les agents désignés comme chefs d'aérodromes sont
officiers de police judiciaire à compétence générale. Leur compétence territoriale s'étend sur
l'aérodrome où ils exercent leurs fonctions, sur ses dépendances et sur la zone qui l'entoure
sur une profondeur de 50 kilomètres. Les agents désignés comme expert aéronautique, sont
officiers de police judiciaire. Leur compétence matérielle est limitée à la recherche et à la

599
KIFWABALA TEKILAZAYA, D. MASTAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur
de la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa, ,
Kinshasa, open Society Foundations, Juillet 2013, p.110.
600
Articles 24 du décret-loi n°003-2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l'Agence nationale
de Renseignements (ANR), in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais.
Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013 , Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 307.
601
Article 20 de l'ordonnance-loi n° 007/2012 du 21 septembre 2012 portant Code des accises, JORDC, n°
spécial, 18 octobre 2012, pp. 5-34.
602
Articles 31, 36, 43 à 45 de l'ordonnance-loi n° 10/002 du 20 août 2010 portant Code des douanes, JORDC, n°
spécial, 26 décembre 2010.
603
Articles 1er et 2 de l'ordonnance du Gouverneur général du 29 mars 1927 relative aux officiers de police
judiciaire; Décret du 26 juillet 1910, B.A.C., 1910, p. 132.
228

constatation des infractions aux dispositions concernant la navigation aérienne. Leur


compétence territoriale s'étend sur tout le territoire de la République604.

2. Les agents de police judiciaire

Les agents de la police judiciaire des parquets sont officiers de police judiciaire. Leur
compétence s’étend à toutes les infractions et sur tout le territoire de la République605. Sont
agents de police judiciaire, les personnes auxquelles cette qualité a été reconnue par la loi ou
les règlements. Ils ont pour mission de seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les
officiers du ministère public et les OPJ. Ils transmettent les convocations et exécutent les
mandats de ces autorités. Ils peuvent être chargés par ces autorités d'une mission de
surveillance ou d'une opération de recherche, d'arrestation ou de saisie, hormis celle qui
implique une perquisition. Ils sont placés sous la direction des OPJ sous les ordres desquels
ils exercent leurs fonctions et la surveillance du ministère public. Ils rendent compte
verbalement ou par écrit, sous forme de rapport, des opérations qu'ils effectuent ainsi que des
constatations qu'ils font. Leurs déclarations verbales sont reçues sur procès verbal dans les
formes ordinaires d'audition des dénonciations ou des témoins606.

Les agents de police judiciaire n'ont pas qualité pour décider seuls des mesures de saisie ou
d'arrestation. Toutefois, en cas d'infraction flagrante ou réputée telle, ils peuvent se saisir de la
personne du suspect à charge de le conduire immédiatement devant l'officier du ministère
public ou l'officier de police judiciaire le plus proche. Ils peuvent aussi, dans les mêmes
circonstances et sous les mêmes conditions, procéder à la saisie des objets sur lesquels
pourrait porter la confiscation prévue par la loi et de tous autres qui pourraient servir à
conviction ou à décharge607.

II. Attributions de la police judiciaire

Les officiers de police judiciaire constatent les infractions qu'ils ont mission de rechercher;
ils reçoivent les dénonciations, plaintes et rapports relatifs à ces infractions. Ils consignent
dans leurs procès-verbaux la nature et les circonstances de ces infractions, le temps et le lieu
où elles ont été commises, les preuves ou indices à la charge de ceux qui en sont les auteurs
présumés ainsi que les dépositions des personnes qui auraient été présentes ou auraient des
renseignements à fournir. Ils interrogent les auteurs présumés des infractions et recueillent
leurs explications. Les procès-verbaux se terminent par le serment écrit: «Je jure que le
présent procès-verbal est sincère» Ils sont transmis directement à l'autorité compétente608.

604
Articles 1 à 4 de l'ordonnance n° 11-173 du 26 mars 1959 nommant officiers de police judiciaire certains
agents du service de l'aéronautique, B.A., 1959, p. 1004.
605
Article 4 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
606
Articles 23 à 25 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers
et agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
607
Articles 26 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
608
Article 2 du Code de procédure pénale.
229

Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie, où qu'ils se trouvent, des
objets sur lesquels pourrait porter la confiscation prévue par la loi et de tous autres qui
pourraient servir à conviction ou à décharge. Les objets saisis seront présentés au détenteur
s'il est présent, à l'effet de les reconnaître et, s'il ya lieu, de les parapher. Le procès-verbal de
saisie décrira les objets saisis et sera signé par leur détenteur. S'il est absent ou s'il ne peut ou
ne veut parapher les objets ou signer le procès-verbal, mention en sera faite sur celui-ci. Il
sera disposé conformément aux ordonnances du gouverneur général des objets saisis qui sont
périssables ou dont la conservation est dispendieuse609.

Comme on le voit, la police judiciaire est chargée suivant les dispositions prévues par les
lois et règlements, de rechercher et constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler
les preuves et d'en rechercher les auteurs aussi longtemps qu'une information n'est pas
ouverte. Lorsqu'une information est ouverte, elle exécute les délégations du magistrat
instructeur et défère se réquisitions610.

La police judiciaire est chargée aussi d’exécuter toutes missions qui lui sont confiées par
les autorités compétentes à l’effet de constater les infractions, en rassembler les preuves et en
rechercher les auteurs, et notamment déférer aux réquisitions du ministère public. Les
officiers de police judiciaire sont comme on le dit souvent, « l’œil et le bras » du ministère
public. Ce sont eux qui rassemblent les premiers éléments du dossier, qui appréhendent les
infracteurs et qui les défèrent aux réquisitions des magistrats instructeurs611. Dans l'exercice
de ses attributions, la police judiciaire est placée, dans le ressort de chaque tribunal de grande
instance sous la direction du procureur de la République, dans le ressort de chaque Cour
d'appel, sous la surveillance du Procureur général près la Cour d'appel et à l'échelon national,
sous l'autorité du Procureur général près la Cour de cassation612. La police judiciaire
comprend les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire613.

L'omniprésence des officiers de police judiciaire assure l'efficacité de la recherche des


infractions, soit par leur constat direct, soit en prenant acte des plaintes et dénonciations ainsi
des rapports de police.

609
Article 3 du Code de procédure pénale.
610
Article 2 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
611
M. NKONGOLO TSHILENGU, Droit judiciaire congolais. Le rôle des cours et tribunaux dans la
restauration d’un droit violé ou contesté, Kinshasa, éd. Service de Documentation et d’Etudes du
Ministère de la Justice et Garde des sceaux, 2003, p. 21.
612
Article 3 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
613
Article 4 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1er août 1978, p.7.
230

III. Propositions pour une réforme

1. Nécessité d'une loi relative à l’exercice des attributions


d’officiers et agents de police judiciaire

L’article 122, point 6 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 qui dit que la loi
fixe les règles concernant, notamment la procédure pénale. Or, les attributions d’officier et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun concerne la procédure pénale.
Cela signifie que c'est une loi qui devrait réglementer cette matière. Et pourtant le texte qui
régit l’exercice des attributions d’officier et agent de police judiciaire près les juridictions de
droit commun est une simple ordonnance au lieu d'une loi. Donc, on devrait prendre une loi
pour réglementer cette matière. Etant donné qu'on a pris seulement une ordonnance au lieu de
prendre une loi pour réglementer cette question, cette ordonnance est inconstitutionnelle. Cela
signifie donc que l’ordonnance n°78/289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions
d’officier et agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun est
inconstitutionnelle. L’on devrait en toute urgence abroger cette ordonnance qui réglemente les
attributions des OPJ et prévoir une loi sur cette matière ou intégrer ces matières dans le Code
de procédure pénale.

2. Tenir compte de l'avis du Procureur général près la Cour de cassation


concernant la désignation des officiers de police judiciaire

Nous pensons que l’on devrait soumettre la désignation des officiers de police judiciaire
au ministre de la justice sur propositions conformes (qui lient le ministre) du Procureur
général près la Cour de cassation. L’on devrait aussi conférer à chaque chef de parquet le
pouvoir d’exercer l’action disciplinaire sur les officiers de police judiciaire, afin d’acquérir un
atout supplémentaire pour lutter contre les irrégularités constatées dans le chef de quelques
officiers de police judiciaire.

3. Renforcement de l’autorité disciplinaire de l’officier du ministère public


sur tous les officiers de Police judiciaire même militaires

La pratique judiciaire montre que certains officiers de police judiciaire, particulièrement


de la gendarmerie et de la police militaire, ont une fâcheuse tendance à s’affranchir de tout
contrôle du ministère public dans l’exercice de leurs missions. A telle enseigne que les
nombreux abus auxquels ils ont pu se livrer n’ont pas gêné leur promotion en grade. C’est
pourquoi nous estimons que l’on devrait souligner dans une loi l’exercice par l’officier du
ministère public de l’autorité disciplinaire sur tous les officiers du police judiciaire afin que,
influant par ce biais dans le signalement et partant dans la promotion, puisse s’améliorer le
rendement des officiers de police judiciaire.

Enfin, il serait souhaitable d'engager en priorité les juristes comme OPJ ou IPJ étant
donné qu'ils ont le prérequis pour assumer ces fonctions. Cela permettrait de réduire le
231

nombre de chômeurs juristes d'autant plus que la RDC a besoin de leurs compétences en ce
domaine.

§ 2. Principes de l'enquête préliminaire

I. Le caractère écrit de l'enquête préliminaire

Le caractère écrit s'applique au cours de l'enquête préliminaire devant la police judicaire.


Tous les actes de l'enquête donnent lieu à l'établissement de procès-verbaux et rapports, actes
écrits par lesquels les membres de la police judiciaire relatent les infractions par eux
constatées et le résultat des opérations qu'ils ont effectuées, soit pour en administrer la preuve,
soit à toute autre fin (exemple: placement d'une personne en position de garde à vue). Le
procès-verbal est l'acte écrit dans lequel un fonctionnaire qualifié relate les faits dont il a
vérifié l'existence et dont la recherche entre dans ses attributions. De manière précise, c'est
l'acte officiel émanant d'un officier ou agent de police judiciaire qui tend à recueillir la preuve
d'une infraction, ou qui contient la constatation de certains faits ou les déclarations de
certaines personnes, avec éventuellement des renseignements complémentaires et la
description des devoirs d'enquête accomplis614.

Les procès verbaux relatent les plaintes et dénonciations et consignent leurs opérations. Ils
doivent être écrits en français, datés et signés et doivent indiquer le nom et la qualité de leur
auteur. Ils doivent être rédigés sur-le-champ en cas de flagrance, et dans d'autres cas, dans un
délai très bref puisque les officiers de police judiciaire doivent les communiquer au procureur
de la République dès la clôture de leurs opérations. Enfin les procès verbaux d'audition ou
d'interrogatoire doivent comporter les questions auxquelles il est répondu.

L'expression procès verbal date du XIX siècle, époque où les agents inférieurs habilités à
constater certaines infractions étaient souvent illettrés et faisaient devant le juge le récit oral
de leurs constatations615.

II. Le caractère secret de l'enquête préliminaire

La procédure de l'enquête et de l'instruction préjuridictionnelle est secrète. Toute personne


qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les
peines prévues à l'article 73 du Code pénal congolais livre II. Toutefois, le procureur de la
République peut, lorsque l'intérêt d'une enquête l'exige ou que la mesure est impérieusement
réclamée par l'opinion publique, autoriser, par une décision motivée, la communication à la

614
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.375.
615
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 516, p. 554 ; R. MERLE et VITU, Traité de
droit criminel, Paris, 5ème éd. Cujas, 2001, p. 335.
232

presse de tels éléments d'enquête qu'il précise. La décision indique le mode de diffusion ainsi
que la personne qui en est chargée616.

Le fondement du secret de l'enquête préliminaire réside, d'une part, dans la nécessité d'une
enquête efficace et, d'autre part, dans la protection indispensable des droits des personnes
concernées, dans la mesure où une enquête préliminaire peut évidemment aboutir à un
classement sans suite. De même, la publicité nuit à la bonne marche des investigations617, les
suspects sont mis au courant de la procédure et il est possible que lui ou le témoin ne
collabore pas à la manifestation de la vérité.

Il convient de souligner même si l'enquête préliminaire est secrète (sens interne c'est-à-dire
à l'égard des partie), la Constitution du 18 février 2006 reconnaît à toute personne arrêtée le
droit d'être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle et ce, dans la langue qu'elle comprend. Elle doit immédiatement être
informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit d'entrer immédiatement en contact
avec sa famille ou avec son conseil618. La Constitution prévoit également que toute personne a
le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d'un défenseur de son choix et ce, à
tous les niveaux de procédure pénale, y compris l'enquête policière et l'instruction
préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité619.
Comme on le voit, la conception du secret de l'enquête préliminaire du 17 ème siècle a
beaucoup évolué et n'est plus la même aujourd'hui.

Il serait souhaitable d'adapter en toute urgence les dispositions légales en cette matière à la
Constitution du 18 février 2006. En attendant cette modification législative, une circulaire
devrait être prise rapidement par le Procureur général près la Cour de cassation afin
d'expliquer aux officiers du ministère public les moyens de garantir aux justiciables ce droit
constitutionnel et le justiciable qui se verrait priver de ce droit constitutionnel, peut saisir la
Cour constitutionnelle.

III. Le caractère non contradictoire de l'enquête préliminaire


L'enquête préliminaire est non contradictoire car la personne considérée comme suspecte,
ou vers laquelle se dirige l'enquête préliminaire, ne prouve pas dans la loi la possibilité de
contredire l'avancement de l'enquête, de solliciter et d'exiger l'accomplissement de devoirs
particuliers d'enquête, ou d'avoir accès au dossier de l'enquête en tant que tel; la victime de
l'infraction se trouve dans la même situation. L'enquête préliminaire, les recherches des
auteurs et des preuves des infractions devraient être menées d'autorité, sans interférence des
parties afin de favoriser l'efficacité.

616
Article 32 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
617
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 513, p. 452.
618
Article 18 alinéas 1 à 3 de la Constitution du 18 février 2006.
619
Article 19 alinéas 4 et 5 de la Constitution du 18 février 2006.
233

Cependant, toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son
arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend.
Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit
d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil (article 18 alinéas 1 à
3 de la Constitution du 18 février 2006). Toute personne a le droit de se défendre elle-même
ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure
pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire
assister également devant les services de sécurité (article 19 alinéas 4 et 5 de la Constitution
du 18 février 2006).

§ 3. Déroulement de l'enquête préliminaire

L'enquête préliminaire est formaliste et structurée. Elle comporte l'enquête initiale (I), la
procédure ordinaire de l'enquête (II), la décision d'orientation (III), les pouvoirs des OPJ
durant l'enquête préliminaire (IV) et la clôture de l'enquête préliminaire (V).

I. L'enquête initiale

Tout au long de cette phase, le personnage principal reste évidemment le suspect contre
lequel apparaissent les débuts de preuve et en faveur duquel est déclenchée la présomption
d'innocence. L'enquête initiale est la partie du procès pénal qui se déroule avant le
déclenchement des poursuites. Il ne faudrait pas conclure que ce stade procédural est l'oeuvre
de la police judiciaire seule. Celle-ci agit sous l'autorité du ministère public. Il existe deux
grandes formes d'enquête initiale: celle qui est menée aux fins d'identification d'une personne
(1) et celle (plus importante) conduite aux fins d'élucidation des faits (2).

1. L'enquête menée aux fins d'identification d'une personne

La détermination de l'identité d'une ou plusieurs personnes est souvent nécessaire à une


enquête, soit pour que celle-ci puisse démarrer, soit pour qu'elle puisse progresser utilement.
Dans le premier cas, la recherche d'identité tend à prévenir la commission d'une infraction et
l'on parle de recherche de police; toutefois, une telle investigation peut déboucher sur la
détection d'une infraction et donc aussitôt sur une enquête.

Dans le deuxième cas, la recherche d'identité tend à permettre le développement d'une


enquête sur une infraction déjà détectée par le policier; et l'on parle de recherches de police
judiciaire. C'est cette deuxième possibilité qui souvent conduit à l'arrestation du suspect. Et si
le contrôle d'identité révèle que l'intéressé est impliqué dans une infraction pénale dans une
infraction pénale commise ou tentée, il y a lieu de donner à la vérification d'identité une suite
judiciaire: ouverture d'une enquête générale ou d'une instruction judiciaire ou extension à la
personne contrôlée d'enquêtes déjà ouvertes. Une fois que la personne soupçonnée de la
commission de l'infraction est identifiée, il convient de mener de recherches sur sa
personnalité. C'est l'interrogatoire du suspect qui permettra d'obtenir les éléments recherchés.
234

Il s'agit de l'interrogatoire effectué par l'OPJ sur la vie du suspect depuis sa naissance
jusqu'aux faits pour lesquels il est poursuivi.

2. L'enquête conduite aux fins d'élucidation des faits

Les enquêtes préliminaires sont effectuées soit d'office, soit sur instructions de l'officier du
ministère public. L'objectif de la police judiciaire est d'élucider les faits afin de voir si de tels
faits répondent à des infractions déterminées. Les éléments recueillis par la police judiciaire
sont souvent embryonnaires. Seule une enquête plus étoffée lui permettra d'apprécier l'inanité
(caractère de ce qui est vain, inutile) d'une plainte ou d'une dénonciation, soit encore au
contraire la complexité ou la gravité d'une affaire. Et si l'on estime que la plainte est sérieuse,
la police judiciaire doit recueillir les preuves qui permettront de mettre l'action publique en
mouvement sur des faits plus ou moins précis.

Par exemple, concernant l'enquête de mort suspecte, la recherche des causes d'une mort
peut être faite dans le cadre d'une enquête d'infraction flagrante si l'on est certain que la
victime est morte d'une infraction et que celle-ci répond aux critères d'ouverture de ce type
d'enquête. A défaut, il faut procéder à la recherche des causes de la mort par l'enquête
ordinaire (non flagrante) de mort suspecte. De manière concrète, l'enquête sur la mort
suspecte a pour but de déterminer les causes de la mort. L'officier de police judiciaire devrait
se faire assister de personnes capables d'apprécier la nature et les circonstances du décès,
c'est-à-dire d'experts médicaux. Une fois cette détermination opérée, l'enquête prend fin si le
décès ne paraît pas lié à une infraction pénale. Elle donne lieu, dans le cas contraire et selon
les circonstances, à l'ouverture d'une enquête d'infraction flagrante si l'infraction vient de se
commettre ou à une instruction préparatoire si la mort est plus ancienne.

II. Procédure ordinaire de l'enquête

Les officiers de police judiciaire peuvent effectuer des enquêtes préliminaires, soit d'office,
soit sur instruction de l'officier du ministère public ou sur plainte ou dénonciation d'un
justiciable. L'enquête a pour but de déterminer la nature de l'infraction commise, les
circonstances et la manière dont elle a été commise, le temps et le lieu de sa commission,
l'identité de ses auteurs et complices, ainsi que les preuves ou indices à leur charge. L'enquête
de l'officier de police judiciaire est de portée immédiate. Elle doit être menée sans désemparer
de manière à fournir à l'officier du ministère public les principaux éléments d'appréciation620.

III. La décision d'orientation

Lorsqu’une infraction est portée à la connaissance de la police judiciaire,


celle-ci doit procéder à l’établissement d’un procès-verbal de constat ou déposition. L’officier
de police judiciaire procède aux devoirs d’enquête suivants :

620
Articles 33 à 35 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
235

- entendre le plaignant ou le dénonciateur ;


- interroger les auteurs présumés de l’infraction et entendre les témoins ;
-procéder aux constats, aux saisies, aux perquisitions et à l’arrestation des
auteurs présumés de l’infraction, s’il y a lieu.

S’il ne peut accomplir tous ces devoirs parce qu’il est trop tard ou parce que les devoirs
dépassent sa compétence, il envoie immédiatement le procès-verbal et éventuellement les
objets saisis et le présumé délinquant sous escorte à l’officier du ministère public dont il
relève.

IV. Pouvoirs des OPJ durant l'enquête préliminaire

Les officiers de police judiciaire exercent, dans les limites de leur compétence, les pouvoirs
et attributions sous les ordres et l'autorité du ministère public621. L'officier du ministère public
peut déléguer aux officiers de police judiciaire aux fins de mener des enquêtes; la réquisition
peut prescrire des devoirs précis que l'officier de police judiciaire devra exécuter
méticuleusement.

1. La recherche des infractions et leur constat

Les constatations consistent dans l'ensemble des opérations qui, postérieures au constat,
tendent à l'administration de la preuve, au recueil des divers traces ou indices ou à la saisie
des pièces à conviction, le plus souvent à l'aide des moyens de la police technique et
scientifique622. Les officiers de police judiciaire constatent les infractions qu'ils ont mission de
rechercher; ils reçoivent les dénonciations, plaintes et rapports relatifs à ces infractions. Ils
consignent dans leurs procès-verbaux la nature et les circonstances de ces infractions, le
temps et le lieu où elles ont été commises, les preuves ou indices à la charge de ceux qui en
sont les auteurs présumés ainsi que les dépositions des personnes qui auraient été présentes ou
auraient des renseignements à fournir623.

Les officiers de police judiciaire sont tenus de rechercher personnellement et activement


les infractions qu'ils ont pour mission de constater. Ils s'informent, s'il y a lieu, auprès de toute
personne digne de foi. Les personnes qui en sont requises sont tenues d'informer l'officier de
police judiciaire de toute infraction dont elles ont connaissance. Ce dernier en dresse aussitôt
procès-verbal.

Ils sont tenus de recevoir toute plainte, dénonciation ou rapport relatif à une infraction
qu'ils ont pour mission de constater. Ils en dressent aussitôt procès-verbal. Ils sont tenus au
secret professionnel sur l'identité de tout dénonciateur qui, a près s'être fait connaître, réclame

621
Article 1 du Code de procédure pénale; article 1 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à
l'exercice des attributions d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15,
1 er août 1978, p.7.
622
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 714, p. 516.
623
Article 2 alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale.
236

le bénéfice de l'anonymat, pourvu que lui-même n'ait commis, pas sa dénonciation, aucune
faute. Toute plainte, toute dénonciation et tout rapport doivent faire l'objet d'une enquête de
l'officier de police judiciaire. Lorsque l 'OPJ ou l'APJ a reçu le plaignant ou la victime d'une
infraction, il devra informer celui-ci (celle-ci) qu'il sera avisé des suites de sa plainte déposée
contre personne inconnue qu'au seul cas d'identification de l'auteur.

Les officiers de police judiciaire mènent leurs enquêtes individuellement. Toutefois,


lorsque les circonstances l'exigent, ils peuvent, avec l'accord de leurs chefs ou sur ordre de
l'officier du ministère public, concourir à deux ou à plusieurs à une même enquête. En ce cas,
la coordination de leurs activités est assurée par le magistrat qui les a mandatés ou leur chef
hiérarchique ou encore celui d'entre eux que ces autorités désignent. Ils se transportent sur les
lieux de l'infraction toutes les fois que cela est nécessaire. Ils y constatent, s'il y a lieu, le
corps de l'infraction et y recherchent le mode d'opération ainsi que les traces ou indices laissés
par les auteurs624.

2. Interrogatoire des suspects, auditions de victimes et des témoins

Il a pour objet d'entendre une personne, témoin ou victime, que celle-ci dépose ou non
plainte, et pour finalité de découvrir des éléments de preuve utiles à la manifestation de la
vérité. Elle peut même être l'occasion d'une parade d'identification625, ou encore d'une
confrontation, audition simultanée de plusieurs personnes aux fins de confrontation de leurs
positions. Les OPJ interrogent les auteurs présumés des infractions et recueillent leurs
explications sur procès-verbaux. Ceux-ci doivent indiquer l'heure à laquelle l'audition prend
cours, est éventuellement interrompue, reprend et prend fin. A la fin de l'audition, le procès-
verbal est donné en lecture à la personne interrogée, à moins que celle-ci ne sollicite que la
lecture lui en soit faite. Il lui est demandé si ses déclarations ne doivent pas être corrigées ou
complétées. Les procès-verbaux se terminent par le serment écrit: «Je jure que le présent
procès-verbal est sincère». Ils sont transmis directement à l'autorité compétente.

Le suspect a le droit d'être entendu dans la langue de son choix. Il s'agit d'un droit garanti
par l'article 18 alinéa 1 er de la Constitution du 18 février 2006 qui dit: " Toute personne
arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend". Dans cette hypothèse, il est fait
appel à un interprète assermenté dont l'identité et la qualité sont mentionnées.

De même, le suspect a le droit d'être assisté d'un avocat. Il s'agit également d'un droit
garanti par l'article 19 in fine de la Constitution du 18 février 2006 qui dit: "Toute personne a
le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à

624
Articles 37 à 40 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
625
C'est l'opération qui consiste à présenter à un témoin des personnes mises en cause mélangées à d'autres
personnes tierces, notamment des policiers, afin qu'il précise s'il reconnaît les auteurs de l'infraction
motivant l'enquête.
237

tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction


préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité".

Les officiers de police judiciaire entendent tout suspect afin de recueillir ses explications
sur les faits qui lui paraissent imputables. Lors de l'audition, la procédure pénale congolaise,
héritée de la Belgique est encore fondée sur la recherche sacro-sainte d'aveux. Ce mode de
preuve demeure la preuve par excellence de la culpabilité626. Certains policiers ont l'habitude
d'utiliser des stratégies critiquables afin d'obtenir coûte que coûte un aveu dès que la
culpabilité de la personne soupçonnée leur paraît être incontestable. Le but de l'interrogatoire
policier n'est pas d'obtenir à tout prix l'aveu de la personne soupçonnée, mais de recueillir tous
les renseignements utiles concernant les circonstances particulières de l'infraction qui vient
d'être commise627.

Les auditions menées jusqu'au finish, doivent être sanctionnées de l'irrecevabilité. Ces
auditions, caractérisées par une durée excessive, sont fréquemment exécutées la nuit. Les
auditions longues effectuées de nuit fragilisent les aveux et les informations qu'elles
contiennent. Des études scientifiques ont montré que la privation de sommeil lors d'un
interrogatoire entraîne un état mental affaibli du suspect. Il devient inattentif, sensible aux
questions suggestions, ce qui facilité l'arrachement d'un aveu628. La privation du sommeil et
de nourriture, la station débout dans une posture de tension et l'encapuchonnement des
suspects, destinés à arracher des aveux, sont des méthodes condamnées629. De même, des
aveux obtenus pendant une longue garde-à-vue, subie en secret, forment un des éléments
permettant de conclure qu'il ya eu violation du droit à un procès équitable630.

Cependant, les enquêteurs peuvent, avoir recours à la ruse pour vérifier la véracité des
déclarations de la personne interrogée. Il n'est par conséquent pas irrégulier, en soi, de feindre
connaître la vérité, avoir de l'empathie pour l'intéressé ou utiliser le profil psychologique du
suspect pour l'exhorter à dire la vérité.

Les officiers de police judiciaire peuvent convoquer, pour les entendre, toutes les
personnes susceptibles de leur fournir des renseignements sur l'infraction commise, ses
auteurs ainsi que les objets ayant contribué à la commission de l'infraction. Les personnes
ainsi convoquées sont tenues de comparaître et de déposer, mais ne prêtent serment. Si elles
sont en défaut de comparaître ou ayant comparu, elles refusent de déposer, l'officier de police
judiciaire en informe l'officier du ministère public qui peut les y contraindre par la force s'il ya
lieu. Les officiers de police judiciaire entendent tout suspect afin de recueillir ses explications

626
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 594, p. 312.
627
B. DE SMET, "La valeur de l'aveu en matière pénale", Revue de droit pénal et de criminologie, 1994, pp.
637-639, 645.
628
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 617, p. 322.
629
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume Uni, Publication de la Cour Européenne des Droits de l'Homme,
Série A, n° 25, § 167.
630
CEDH, 6 décembre 1988, Barberà, Messegué et Jabardo c/ Espagne.
238

sur les faits qui lui paraissent imputables. Les personnes ainsi convoquées sont tenues de
comparaître mais non de s'expliquer. Elles ne prêtent pas serment. Si elles refusent de
comparaître, ou ayant comparu elles refusent de répondre, mention en est portée au procès-
verbal631.

En cas de nécessité de l'enquête, l'audition ou l'interrogatoire d'une personne ainsi que la


confrontation entre plusieurs personnes peuvent être effectués en plusieurs points dans le
ressort compétent. La confrontation peut se dérouler entre un témoin et un suspect mais
également entre plusieurs témoins soutenant des postions différentes. La confrontation peut
être mise en oeuvre à tous les stades de la procédure.

3. Perquisition
La perquisition implique nécessairement qu'un représentant des autorités judiciaires
pénètre, physiquement, au sein d'un lieu privilégié de la sphère de la vie privée, dans le cadre
de la recherche d'éléments de preuve d'une infraction.

Les officiers de police judiciaire ont le droit de suivre tous les objets susceptibles de saisie
en quelque lieu qu'ils se trouvent632. Si la nature de l'infraction est telle que la preuve en
puisse être acquise par la saisie de papiers, documents ou autres objets, l'officier de police
judiciaire se transporte sans délai au domicile des personnes qui paraissent soit avoir participé
à l'infraction, soit détenir, même de bonne foi, des pièces ou objets relatifs aux faits
incriminés. Il y procède à des perquisitions et à des saisies, même sans leur consentement en
se conformant aux dispositions des articles 48 et suivants de la présente ordonnance. En cas
d'infractions intentionnelles flagrantes, les visites domiciliaires et perquisitions peuvent se
faire en tout lieu et à toute heure du jour et de la nuit.

Les visites domiciliaires et perquisitions ne peuvent être commencées avant 5 heures du


matin ni après 21 heures. La personne chez qui la perquisition a lieu ainsi que le suspect s'il y
a lieu, assistent à toutes les opérations. S'ils ne peuvent ou ne veulent pas y assister, l'officier
de police judiciaire requiert deux témoins choisis parmi les personnes autres que celles qui
sont sous ses ordres. Les témoins ainsi requis assistent à toute l'opération et signent avec lui le
procès-verbal de perquisition633. Si le chef de l'habitation refuse la visite domiciliaire ou la
perquisition, l'officier de police judiciaire s'en réfère à l'officier du ministère public qui peut
l'y contraindre par la force s'il ya lieu. Dans ce cas, le consentement prévu est formulé de la
manière suivante: "Sachant que je puis m'opposer à la visite de mon domicile, je consens

631
Articles 41 à 42 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
632
Article 50 alinéa 1 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
633
Article 52 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
239

expressément à ce que vous y opériez les perquisitions et saisies que vous jugerez utiles à
l'enquête en cours»634.

L'officier de police judiciaire a seul, avec le détenteur, le droit de prendre connaissance au


préalable des papiers et documents trouvés au cours d'une perquisition. Il est tenu au secret
professionnel de tout ce qui ne se rapporte pas à l'enquête en cours, à moins que les choses
trouvées constituent par elles-mêmes une infraction à la loi pénale635.

Les officiers de police judiciaire ne peuvent perquisitionner dans les cabinets des
médecins ou avocats, ainsi que de toute personne dépositaire par état ou profession des secrets
qu'on lui confie, qu'en présence du président de l'Ordre ou du bâtonnier ou de toute personne
représentant les intérêts de la profession. S'ils ne peuvent ou ne veulent y assister, l'officier de
police judiciaire s'en réfère à l'officier du ministère public636.

4. Saisie d'objets

Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à la saisie, où qu'ils se trouvent, des
objets sur lesquels pourrait porter la confiscation prévue par la loi et de tous autres qui
pourraient servir à conviction ou à décharge. Même si le pouvoir de saisie appartient de plano
à l'officier de police judiciaire, cependant l'officier du ministère public peut faire injonction
de procéder à telle saisie qu'il juge utile. En outre, il peut donner délégation pour procéder à la
saisie des correspondances.

Les objets saisis seront présentés au détenteur s'il est présent, à l'effet de les reconnaître et,
s'il y a lieu, de les parapher. Le procès-verbal de saisie décrira les objets saisis et sera signé
par leur détenteur. S'il est absent ou s'il ne peut ou ne veut parapher les objets ou signer le
procès-verbal, mention en sera faite sur celui-ci. Il sera disposé conformément aux
ordonnances du Président de la République des objets saisis qui sont périssables ou dont la
conservation est dispendieuse637.

Les officiers de police judiciaire recueillent ou font recueillir par les spécialistes des
laboratoires techniques les traces et indices laissés par les auteurs des infractions. Ils peuvent
se saisir de tout objet susceptible de servir à la manifestation de la vérité. Les objets saisis
sont présentés à leurs détenteurs ou propriétaires aux fins de les reconnaître et de les
identifier, ils sont paraphés par ces derniers ou marqués au moyen d'un signe distinctif
indélébile. Ils sont soigneusement décrits dans un procès-verbal signé par l'officier de police
judiciaire et le détenteur ou propriétaire. Ils saisissent tout objet susceptible de confiscation.

634
Article 50 alinéa 3 et article 51 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des
attributions d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août
1978, p.7.
635
Article 54 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
636
Article 60 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
637
Article 3 du Code de procédure pénale.
240

Les objets saisis sont présentés à leurs détenteurs ou propriétaires aux fins de les reconnaître
et de les identifier. Ils sont paraphés par ces derniers ou marqués d'un signe distinctif
indélébile. Ils sont soigneusement décrits dans un procès-verbal signé par l'officier de police
judiciaire et le détenteur ou propriétaire638.

Il est délivré au détenteur des objets saisis un exemplaire ou une copie certifiée conforme
du procès-verbal de saisie. Le procès-verbal constate la remise de cet exemplaire. Lorsque les
objets saisis ne peuvent être inventoriés sur place, l'officier de police judiciaire les met sous
scellés. Les scellés ne peuvent être ouverts qu'en présence du détenteur ou s'il ne peut ou ne
veut y assister, de deux témoins choisis en dehors des personnes se trouvant sous l'autorité de
l'officier de police judiciaire. Le procès-verbal d'ouverture des scellés constate au préalable
qu'ils sont intacts639.

Lorsque les objets saisis ne peuvent être emportés, l'officier de police judiciaire en
constitue un gardien pris parmi les personnes résidant dans le domicile ou près du local où ils
se trouvent. Il peut aussi, lorsque les circonstances le permettent, placer ledit local sous
scellés. L'ouverture desdits scellés se fera conformément à la procédure ci-dessus. qu'il est dit
à l'article précédent. Le procès-verbal de constitution de gardien d'objets saisis contient une
description détaillée des objets placés sous sa garde. Il est signé par l'officier de police
judiciaire et le gardien auquel il est laissé copie du procès-verbal. Le gardien ne peut user des
objets saisis que s'il s'agit d'un immeuble dans lequel il est établi ou des meubles qui le
composent ou encore des instruments de son travail. Le gardien sera averti qu'il ne peut
disposer ou dilapider les objets saisis sous peine des sanctions prévues à l'article 83 du Code
pénal congolais Livre II qui sanctionne le vol des biens saisis640.

Lorsque la saisie porte sur un fonds de commerce ou une entreprise industrielle ou


artisanale, l'officier de police judiciaire en informe le procureur de la République qui pourra
désigner un administrateur provisoire chargé d'en poursuivre l'activité et d'en recueillir les
fruits dont la destination se fera conformément aux ordres de ce magistrat. Le procureur de la
République détermine s'il y a lieu, en se conformant aux usages de la profession, la
rémunération à laquelle aura droit l'administrateur provisoire. Celle-ci sera prise sur les
bénéfices de l'entreprise. Un bilan sera établi au début et à la fin des fonctions de
l'administrateur provisoire641.

Les officiers de police judiciaire ne peuvent ni saisir ni faire saisir des lettres ou objets
confiés au service des postes et télégrammes que sur réquisition de l'officier du ministère

638
Articles 47 à 48 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
639
Articles 53 et 55 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
640
Articles 56 à 58 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
641
Article 59 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7
241

public. La saisie est pratiquée par le directeur de la poste ou son préposé. Les lettres ou colis
ne peuvent être ouverts qu'en présence de leur expéditeur ou de leur destinataire. S'ils ne
peuvent y assister, l'officier de police judiciaire se fera assister de deux témoins pris parmi les
personnes autres que celles se trouvant sous ses ordres642.

Les officiers de police judiciaire doivent transmettre tous les objets saisis à l'officier du
ministère public, à la fin de leurs opérations et en même temps que tous les procès-verbaux
dressés en la cause. Lorsqu'ils opèrent en dehors d'une localité où siège le ministère public et
que la garde des objets saisis s'avère impossible parce qu'ils sont périssables ou de
conservation dispendieuse, les officiers de police judiciaire peuvent faire vendre ceux de ces
objets qui sont susceptibles de confiscation643.

La vente est réalisée à la requête de l'officier de police judiciaire saisissant par un agent
désigné à cette fin par le commissaire de zone ou le chef de collectivité ou de localité. Elle est
faite aux enchères après que le jour en ait été annoncé au public quarante-huit heures au
moins à l'avance. Elle peut être faite de gré à gré si les objets saisis sont susceptibles de
dépérir très rapidement ou si leur valeur est estimée à moins de 5000 francs congolais. Il est
dressé procès-verbal de la vente et le produit en est consigné entre les mains du comptable du
Trésor qui en délivre quittance. L'officier de police judiciaire ainsi que le détenteur des objets
saisis peuvent assister à la vente. L'officier de police judiciaire joint la quittance et deux
exemplaires du procès-verbal de la vente à son dossier. Il les transmet à l'officier du ministère
public. Les objets nuisibles à la santé ou dangereux pour la sécurité publique ne peuvent être
vendus. Ils sont détruits sur décision de l'officier du ministère public. Il est dressé procès-
verbal de cette destruction644.

5. L'exploration corporelle

Les officiers de police judiciaire ne peuvent ni procéder ni faire procéder à des


explorations corporelles que sur ordre exprès de la loi ou sur réquisition de l'officier du
ministère public. L'exploration corporelle ne peut être effectuée que par un médecin. La
personne qui doit être l'objet d'une exploration corporelle peut se faire assister par un médecin
de son choix ou par un parent ou allié ou par toute autre personne majeure du même sexe
qu'elle choisit parmi les résidents de l'endroit645. N'est pas assimilé à l'exploration corporelle

642
Article 61 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
643
Article 66 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
644
Articles 67 à 71 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
645
Article 62 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
242

la fouille ou le palpage des vêtements du suspect en vue de s'assurer que ce dernier ne détient
pas d'arme, ou tout autre objet prohibé646.

6. Réquisition d'interprète, traducteur, médecins ou expert

Les officiers de police judiciaire ne peuvent requérir des interprètes, traducteurs, médecin
ou expert qu'en vertu d'une réquisition de l'officier du ministère public ou lorsque, étant
officiers de police judiciaire à compétence générale, ils agissent en cas de flagrance (article 5
du Code de procédure pénale). Toutefois, l'officier de police judiciaire peut, lorsque les
circonstances l'exigent et que la personne concernée y consent volontairement et sans frais,
user du concours d'un interprète pour les auditions d'une personne dont il ne comprend pas la
langue. Ils ne peuvent faire procéder aux exhumations des cadavres qu'en vertu d'une
réquisition de l'officier du ministère public647.

7. Décerner le mandat d'amener en cas d'infraction flagrante

En cas d'infraction flagrante passible de six mois au moins de servitude pénale, l'officier de
police judiciaire saisi peut décerner mandat d'amener. En aucun autre cas, les officiers de
police judiciaire ne peuvent décerner de mandat648.

8. Dresser les procès-verbaux et les transmettre à l'officier du ministère public

Les officiers de police judiciaire ont l'obligation de dresser sur-le-champ procès-verbal de


toutes opérations auxquelles ils procèdent, ainsi que de toutes auditions ou dépositions qu'ils
reçoivent pour toute infraction qu'ils ont mission de constater. Ils énoncent leurs noms,
postnoms et prénom, leur fonction principale ainsi que leur qualité d'officiers de police
judiciaire en tête de tous les procès-verbaux qu'ils établissent en matière de police judiciaire.
Ils indiquent en outre, le lieu où ils instrumentent, leur numéro d'identification et l'étendue de
leur compétence matérielle. Tout procès-verbal se termine par le serment suivant: «Je jure
que le présent procès-verbal est sincère»649.

Lorsque, au cours d'une même enquête, l'officier de police judiciaire effectue plusieurs
opérations distinctes, il peut les relater dans un seul et même procès-verbal, à condition
d'indiquer pour chacune d'elles la date et le lieu où elle se déroule ainsi que les personnes qui
y sont entendues ou y participent. Chaque partie de ce procès-verbal se terminera par la
signature des comparants précédée des mentions relatives à l'approbation de leur contenu et

646
Article 63 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
647
Articles 64 et 65 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
648
Article 115 alinéa 2 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
649
Article 125 à 126 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
243

celles des ratures et renvois s'il y a lieu. Toutefois, lorsqu'ils agissent sur commission
rogatoire ou réquisition d'information, les officiers de police judiciaire doivent établir un
procès-verbal séparé pour chaque opération qu'ils effectuent650.

Lorsque plusieurs officiers de police judiciaire concourent à une même enquête, le procès-
verbal doit faire apparaître pour chacune des opérations le nom et les qualités de l'officier de
police judiciaire qui l'a personnellement accomplie ainsi que sa signature précédée du serment
prévu par la loi. Lorsqu'une ou plusieurs personnes concourent à une enquête en qualité de
plaignant, de dénonciateur, de témoin ou de suspect, leur identité complète doit être établie en
tête du rapport des opérations auxquelles chacune d'elles aura concouru. Avant la clôture du
procès-verbal, celui-ci doit être présenté pour lecture au comparant, à moins qu'il ne sache
lire, auquel cas mention en est faite et lecture lui est faite par l'officier de police judiciaire651.

Lorsque lecture du procès-verbal a été faite, l'officier de police judiciaire interpelle le


comparant aux fins de savoir s'il persiste dans ses déclarations et n'a rien à y ajouter ou
retrancher. Si aucune remarque n'est faite, l'officier de police judiciaire porte la mention
suivante au bas de la déclaration du comparant: "Lecture faite de la déclaration ci-dessus, j'y
persiste et n'ai rien à y changer, à y ajouter ou à y retrancher". La déclaration est alors signée
par le comparant652.

Si dans la cause il a été fait appel au ministère d'un interprète, son identité est établie en
début du procès-verbal et il est invité à signer ce dernier avec l'officier de police judiciaire et
le comparant653.

L'article 2 in fine du Code de procédure pénale déclare que les procès verbaux de l'OPJ
sont transmis directement à l'autorité compétente, à savoir l'officier du ministère public. Le
mot directement s'oppose aussi bien aux délais qu'aux intermédiaires. En cas d'infraction non
flagrante, les procès-verbaux seront transmis dès que les personnes présentes auront fait leurs
dépositions et qu'auront été interrogés les auteurs présumés de l'infraction pour autant que ces
auditions puissent faire sur le champ, ou du moins sans longue interruption.

Les procès-verbaux doivent être transmis immédiatement ou au plus tard dans les huit jours
qui suivent la clôture des opérations par l'officier de police judiciaire. Ceux dans les causes
desquelles se trouve une personne arrêtée ou gardée à vue sont obligatoirement transmis en
même temps que cette personne et au plus tard à l'expiration du délai de garde à vue prévu par

650
Article 128 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
651
Article 129 à 130 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
652
Article 131 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
653
Article 134 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
244

la loi. Les objets saisis sont dans le même temps mis à la disposition du procureur de la
République654. À moins que la loi n'en dispose autrement, les procès-verbaux sont
obligatoirement transmis au procureur de la République ou son représentant au parquet de
grande instance dans le ressort duquel l'officier de police judiciaire exerce ses activités655.

9. Arrestation du suspect: la garde à vue

a) Notion et conditions

La garde à vue est une détention policière d'une personne soupçonnée d'avoir commis une
infraction. Elle répond à des conditions de fond et de forme. Ainsi, les officiers de police
judiciaire peuvent procéder à l'arrestation de toute personne soupçonnée d'avoir commis une
infraction punissable de six mois au moins de servitude pénale, à la condition qu'il existe
contre elle des indices sérieux de culpabilité. Ils peuvent aussi, lorsque l'infraction est
punissable de moins de six mois et de plus de 7 jours de servitude pénale, se saisir de la
personne du suspect contre lequel existent des indices sérieux de culpabilité à la condition
qu'il y ait danger de fuite ou encore que son identité soit inconnue ou douteuse. Le suspect est
préalablement entendu dans ses explications656 (nous y reviendrons lorsque nous aborderons
la détention préventive).

Seul l'OPJ peut décider d'une telle mesure. La garde à vue est une mesure exceptionnelle.
Le placement en garde à vue est facultatif si l'auteur présumé de l'infraction s'est présenté
spontanément à l'OPJ.

b) Nécessité de procès-verbal

L'arrestation ainsi que la garde à vue sont constatées sur procès-verbal. L'officier de police
judiciaire y mentionne l'heure du début et de la fin de la mesure ainsi que les circonstances
qui l'ont justifiée. Le procès-verbal d'arrestation est lu et signé par la personne arrêtée ou
gardée à vue ainsi que par l'officier de police judiciaire dans les formes ordinaires des procès-
verbaux657.

c) Durée

La durée totale de la garde de vue ne peut dépasser 48 heures (deux jours). Toutefois,
lorsque les nécessités de l'enquête l'exigent et que l'arrestation n'a pas été opérée à la suite
d'une infraction flagrante ou réputée telle, l'officier de police judiciaire peut retenir par-devers

654
Article 136 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
655
Article 135 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
656
Article 4 du Code de procédure pénale; article 72 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à
l'exercice des attributions d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15,
1 er août 1978, p.7.
657
Article 74 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
245

lui la personne arrêtée pour une durée ne dépassant pas quarante-huit heures. À l'expiration de
ce délai, la personne gardée à vue doit obligatoirement être laissée libre de se retirer ou mise
en route pour être conduite devant l'officier du ministère public, à moins que l'officier de
police judiciaire se trouve, en raison des distances à parcourir, dans l'impossibilité de ce
faire658.

A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la


disposition de l’autorité judiciaire compétente659 (l'officier du ministère public). Cela signifie
qu'une personne ne peut être retenue en garde à vue, à l'occasion des mêmes faits, pour une
durée totale excédant 48 heures, même si les mesures ont été successivement ordonnées dans
deux cadres juridiques différents, un dépassement constituant une atteinte aux intérêts de la
personne concernée.

De même, une personne ne peut subir une garde de vue supérieure à la durée maximale
constitutionnellement prévue, même si cette durée a été fractionnée par des gardes à vue
décidées pour des faits différents et dans des cadres juridiques distincts, un dépassement de
cette durée maximale portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.
Ainsi, la durée totale d'une garde à vue, décidée d'abord pour faux en écriture puis pour
infraction d'escroquerie, ne peut excéder les 48 heures fixées par la Constitution du 18 février
2006. Mais, nous pensons que des gardes à vue exécutées pour des faits différents peuvent
dépasser la durée maximale de garde à vue constitutionnellement et légalement prévue, à la
condition qu'elles l'aient été à des moments éloignés les uns des autres, de manière
discontinue. Exemple:

Le point de départ de la garde à vue demeure fixé soit du moment de l'arrestation de la


personne, soit au moment où l'officier de police judiciaire a décidé d'un placement en garde à
vue au cas de présentation spontanée de l'intéressé. Dans cette dernière hypothèse, l'officier de
police judiciaire fera, dans l'intérêt de la personne concernée, courir la garde à vue à partir de
l'instant où celle-ci s'est présentée à au bureau de la police judiciaire.

Ainsi, le point de départ du délai de garde à vue est déterminé de la manière suivante:
- Lorsqu'un individu est surpris alors qu'il commet ou vient de commettre une infraction, la
mesure de garde à vue prend effet à partir du moment où il est appréhendé quelle que soit la
personne qui a procédé à cette mesure;
- Lorsqu'un individu a comparu volontairement et que l'officier de police judiciaire décide de
le retenir après son audition, la garde à vue commence du début de cette audition;
- Lorsqu'une personne, après avoir été entendue et laissée libre de se retirer, est arrêtée à la
suite d'une autre audition, la garde à vue court à partir du début de cette dernière audition;

658
Article 73 alinéas 2 et 3 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions
d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
659
Article 18 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006.
246

- Lorsqu'une personne a été successivement gardée à vue puis relâchée et à nouveau gardée à
vue à propos de la même infraction, la durée totale des délais fractionnés de garde à vue ne
doit pas dépasser quarante-huit heures.

En cas d'infractions multiples poursuivies simultanément ou successivement, les durées de


garde à vue ne peuvent se cumuler660.

d) Droits de la personne placée en garde à vue

Toute personne arrêtée a le droit d'être immédiatement informée des motifs de son
arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend.
Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a le droit
d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil. La garde à vue ne
peut excéder quarante huit heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit
être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente (l'officier du
ministère public). Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé
physique et mentale ainsi que sa dignité661.

Le droit pour la personne en garde à vue d'être immédiatement informée des motifs de son
arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend
signifie que cette personne doit être notifiée par écrit afin qu'elle puisse être en état de
comprenne la portée de son accusation. Ce droit consiste en la notification de la nature de
l'infraction, objet de l'enquête. Si la personne arrêtée ne comprend pas la langue française,
l'officier de police judiciaire est tenu de requérir un interprète pour traduire. Cela implique
aussi pour la personne atteinte de surdité qui ne sait ni lire ni écrire, le droit à l'assistance d'un
interprète en langue de signes ou d'une personne qualifiée maîtrisant un langage ou une
méthode permettant de communiquer avec des sourds ou au recours à tout dispositif technique
permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Dans cette logique, cette notification devrait porter, dans tous les cadres d'enquête, non
seulement sur la qualification légale de l'infraction qui lui est reprochée, mais encore sur les
faits eux-mêmes dont le contenu doit être exposé à la personne gardée à vue, à tout le moins
dans les grandes lignes connues de l'enquêteur. Elle devra, intervenir en premier lieu, et être
renouvelée chaque fois qu'est découverte une nouvelle infraction. Mais une erreur sur la
qualification ne paraît pas de nature à entraîner la nullité de la garde à vue, à moins de
caractériser une déloyauté.

Nous pensons qu'on peut accepter une notification verbale, sous réserve qu'elle soit la
seule possible en raison des investigations, que les droits soient effectivement énoncés à
l'intéressé et possible en pratique. En toute hypothèse, tout retard injustifié dans la mise en
oeuvre de cette obligation (de notification) porte nécessairement atteinte aux intérêts de la

660
Article 75 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
661
Article 18 de la Constitution du 18 février 2006.
247

partie qu'elle concerne, si n'est pas démontrée l'existence d'une circonstance insurmontable,
telle que la difficulté à trouver un interprète, ou l'ivresse de l'intéressé.

De même, la personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa


famille ou avec son conseil. Ce droit doit être d'application dès la première heure de
l'arrestation. L'officier de police judiciaire a donc l'obligation de permettre la personne gardée
à vue d'entrer en contact avec sa famille (époux, parents, frères et sœurs, cousins, oncles,
tantes, etc.). Ainsi, l'officier de police judiciaire qui procède à une arrestation est tenue de
prévenir immédiatement les membres de la famille de la personne arrêtée et doit veiller à ce
que ses biens personnels soient en sûreté662.

Aussi, tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et
mentale ainsi que sa dignité663. Cela implique que le détenu ne doit pas être victime
d'exécution sommaire (assassinat extrajudiciaire), de tortures physiques et morales. La
personne gardée à vue a le droit de demander à être examiner par un médecin si son état de
santé l'exige. Elle a le droit à l'alimentation dès lors que celle-ci constitue un impératif
minimum de la dignité humaine.

Enfin, la personne gardée à vue a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister


d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris
l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également
devant les services de sécurité664. Cela signifie que la personne gardée à vue a droit de
s'entretenir avec un avocat, choisi par lui ou commis d'office, qui aura lieu dès le début de la
garde à vue. L'avocat doit être informé non seulement de nature de l'infraction, objet de
l'enquête mais encore de la date présumée de la commission de l'infraction. L'avocat doit aussi
être informé de la qualification légale de l'infraction qui est reprochée à la personne gardée à
vue ainsi que les faits eux-mêmes, dont le contenu doit être précisé.

L'avocat devrait disposer d'un entretien d'une durée minimale de trente minutes avec la
personne gardée à vue. Cela pourrait assurer une confidentialité inhérente aux droits de la
défense, après que l'OPJ ou, sous le contrôle de celui-ci, l'APJ, a informé l'avocat de la nature
de l'infraction recherchée. Au terme de l'entretien, cet avocat se voit légalement impartir un
droit, celui de formuler des observations écrites que l'OPJ a l'obligation de joindre au dossier
de la procédure, et une obligation, celle de ne faire aucunement état de cet entretien pendant la
durée de la garde à vue, afin de concilier l'exercice des droits de la défense avec les
récessivités des investigations. L'entretien, qui ne permet pas à l'avocat de consulter le dossier
de la procédure, devrait être conçu essentiellement comme destiné à assurer du bon
déroulement de la garde à vue.

662
Article 78 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
663
Article 18 in fine de la Constitution du 18 février 2006.
664
Article 19 de la Constitution du 18 février 2006.
248

Un procès-verbal relatant le déroulement de la garde à vue doit être signé par l'OPJ. Celui
comporte les motifs de la garde à vue, les mentions de la notification des droits de la personne
concernée, ainsi que la comptabilité horaire de la garde à vue mentionnant les jours et heures
du début et de la fin de la garde à vue, la durée des interrogatoires et des périodes de repos,
cette comptabilité devant être reportée sur le registre que doit contenir chaque antenne de
police judiciaire susceptible de recevoir une personne en garde à vue.

e) Mode d'exécution de la garde à vue

Les personnes gardées à vue sont enfermées dans un local prévu à cet effet ou placées sous
la surveillance des agents de l'ordre. Les hommes, les femmes et les enfants sont tenus
séparés665.

f) Contrôle par le ministère public

L'officier du ministère public est tenu de contrôler régulièrement les délais de garde à vue
des OPJ. Il devra ainsi libérer les détenus en garde à vue qui ont été placés dans l'amigo plus
de 48 heures. Le magistrat qui aura couvert une éventuelle irrégularité de la garde à vue fera
l'objet des poursuites disciplinaires. C'est ainsi que les officiers du ministère public procèdent
régulièrement et à tout moment à la visite des locaux de garde à vue. Ils s'assurent de leur
salubrité et des conditions matérielles et morales des personnes qui y sont maintenues. Ils se
font communiquer les procès-verbaux établis à l'encontre de ces personnes et recueillent leurs
doléances éventuelles. Ils dressent procès-verbal de toute contravention à la loi ou aux
dispositions de la présente ordonnance. Ils peuvent, lorsque la garde à vue leur paraît
injustifiée, ordonner que la personne gardée à vue soit laissée libre de se retirer. Les officiers
de police judiciaire sont tenus d'obtempérer à leurs ordres et doivent tenir constamment à leur
disposition les procès-verbaux des personnes gardées à vue666.

Les locaux de garde à vue doivent être salubres et suffisamment aérés. L'officier du
ministère public peut interdire l'usage de tels locaux qu'il estime incompatibles avec la dignité
humaine667.

g) Violation de la loi de la garde à vue

La méconnaissance ou la violation des dispositions constitutionnelles sur la garde à vue


porte grief aux droits aux droits de la personne concernée. Toute arrestation ou garde à vue
des membres de la famille du suspect au titre de garantie de représentation de ce dernier est
prohibée. L'officier de police judiciaire qui y procède est passible des sanctions prévues à

665
Article 77 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
666
Article 80 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
667
Article 81 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
249

l'article 67 du Code pénal qui sanctionne l'arrestation arbitraire668. En conséquence, la


méconnaissance de ces dispositions constitutionnelles peut entrainer une annulation de la
garde à vue dans la mesure où elle a porté atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue.

Les sanctions des violations de toutes les dispositions de fond et de forme sont d'ordre
pénal et civil. Elles s'attachent d'abord à la personne de l'OPJ responsable qui peut être
poursuivi pour arrestation et détention arbitraire (article 67 du Code pénal congolais Livre II),
mais aussi à la garde à vue elle-même qui peut être annulée ainsi que tous les actes
subséquents, en considérant que tout manquement aux règles qui régissent les garanties de la
personne cause une atteinte aux droits de la défense.

Enfin, la personne gardée à vue qui s'estime victime d'un préjudice résultant d'une telle
violation pourrait engager à l'encontre de l'Etat une action en responsabilité civile.

V. La clôture de l'enquête préliminaire

L'enquête préliminaire de l'OPJ peut prendre fin, soit par la renonciation des poursuites (1),
soit par l'ouverture des poursuites (2).

1. La renonciation des poursuites

Il s'agit du classement sans suite. Il est utilisé lorsque les poursuites pénales ne s'avèrent pas
indispensables. L'OPJ doit indiquer les motifs du classement sans suite: soit les éléments
constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis, soit les faits sont prescrits, soit l'auteur de
l'infraction est inconnu, soit l'auteur présumé de l'infraction est décédé, soit les poursuites sont
inopportunes. L'OPJ peut aussi renoncer aux poursuites à la suite de payement des amendes
transactionnelles par l'auteur présumé de l'infraction (article 9 du Code de procédure pénale).

Toutefois, le ministère public peut mettre en mouvement un dossier qui a été classé sans
suite par l'OPJ, notamment lorsqu'il y a des éléments nouveaux. Mais cela est rare dans la
pratique.

2. L'ouverture des poursuites

Si l'OPJ estime que le dossier ne peut pas être classé sans suite ou par amende
transactionnelle par qu'il y a lieu d'approfondir les enquêtes pénales, il peut entendre tous les
suspects, récolter différentes preuves, éventuellement mettre l'auteur présumé de l'infraction
en garde à vue et le déférer devant l'officier du ministère public pour une instruction
préparatoire. Dans ce cas, quand les opérations d'enquête sont terminées, l'ensemble des
pièces, objets et documents sont transmis à l'officier du ministère public qui, sur leur vu, se
déterminera sur la suite à donner à l'affaire pendant l'instruction préparatoire.

668
Article 79 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
250

SECTION 2: L'INSTRUCTION PREPARATOIRE

Au sens large, l'instruction préparatoire comprend toute la partie du procès antérieure au


jugement, au cours de laquelle sont rassemblées les preuves. Elle inclut à la fois l'enquête
effectuée par la police judiciaire et la procédure menée ensuite par le parquet. Au sens plus
restreint, l'instruction préparatoire est la phase du procès pénal au cours de la quelle, l'action
publique étant mise au mouvement, le parquet recueille les éléments nécessaires au jugement
et décide de la suite à donner à la poursuite et à l'instruction pénale. De manière simple, c'est
la procédure confiée au parquet pour rechercher les auteurs d'infractions, rassembler les
preuves et prendre les premières mesures judiciaires destinées à permettre aux juridictions de
fond de statuer en connaissance de cause. L'instruction préparatoire, à la différence de
l'enquête préliminaire, implique la mise en mouvement de l'action publique, par le ministère
public. L'instruction préparatoire comporte non seulement une recherche d'éléments sur les
faits et sur la personnalité, mais encore une appréciation de ces éléments.

L'instruction préparatoire a un double objet: recueillir officiellement les preuves de


l'infraction et les apprécier au point de vue de l'inculpation669.

§ 1. Organe chargé de l'instruction préparatoire: le ministère public (parquet)

I. Origine

Son origine remonte au Moyen Age (vers le XIV siècle) où lorsque le Roi voulait défendre
ses intérêts devant les tribunaux, il confiait cette mission à des procureurs (du latin :
procuratores, on dirait aujourd’hui, à de mandataires) qui n’étaient autres que des avocats
ordinaires, lesquels, parmi leur clientèle comptaient un client de choix : le Roi lui-même.
Dans la suite, leur mission se transforme et devient exclusivement une mission de sauvegarde
des intérêts généraux de la société devant les tribunaux670. Actuellement, la mission du
ministère public consiste principalement à veiller au respect de l’ordre public, à la défense de
l’intérêt social et à la bonne application de la loi. Il s'agit pour cet office de faire observer,
dans les jugements à rendre, les lois qui intéressent l'ordre public et faire exécuter les
jugements rendus671.

L’expression "magistrat du parquet"672 vient de ce que, dans l’ancien régime français,


les procureurs et avocats du Roi ne siégeaient pas sur l’estrade à côté des juges, mais sur le

669
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 1, p. 9
670
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de
compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n°328, p. 263; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris,
15e éd., Montchrestien, 2012, n° 510, pp. 392-393 ; S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD
et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris, 10ème éd. , Dalloz, 2009, n° 820-821, pp. 835-836 ; G.
DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed. Collections Scientifique de la Faculté de droit de
Liège, 1993, n° 242, pp. 293-294.
671
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n°328, p. 263.
672
En 1336, le terme parquet désignait les espaces d'une salle d'audience où se tiennent le juges d'une part et les
procureurs et avocats du Roi d'autre part, voyez G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed.
251

parquet de la salle d’audience comme les justiciables et les représentants de ceux-ci. Cette
expression est restée, bien qu’actuellement les magistrats du ministère public se trouvent
placés sur l’estrade sur le même plan que les juges673.

Même si ces magistrats occupent la place à la même hauteur que les juges du siège à
l’audience, nous pensons que cela n’est pas contraire au procès équitable, plus spécialement
l’égalité des armes. En effet, le fait pour le procureur de la République d'avoir une place
déterminée dans la salle d'audience ne suffit pas à mettre en cause l'égalité des armes dans la
mesure où, si elle donne au procureur de la République une position physique privilégiée, elle
ne place pas le prévenu dans une situation de désavantage concret pour la défense de ses
intérêts674.

De même, la circonstance que le procureur de la République porte une toge semblable à


celle des juges siégeant dans l'affaire mais différente de celle des avocats, qu'il entre dans la
salle d'audience en même temps que la formation de jugement et par la même porte, alors que
l'avocat est déjà présent dans la salle et utilise la porte réservée au public, qu'il se place dans
un endroit qui lui est réservée, très proche de la table des juges, dans une partie de la salle
clairement délimitée et réservée aux juges et au greffier tandis que l'avocat se trouve dans la
partie de la salle accessible aux parties, aux témoins et au public, qu'il se trouve dans
l'alignement des magistrats du siège et qu'il quitte la salle d'audience avec les juges par la
même porte, ne sont ni de nature à placer le prévenu dans une situation de désavantage quant
au principe de l'égalité des armes ni à prouver un parti pris ou un préjugé personnel des juges
de la formation de jugement ou à mettre en doute les garanties d''mpartailité offertes par le
tribunal, notamment à traves sa composition675.

II. Définition du ministère public

Le ministère public est un corps de magistrats hiérarchisés qui représente l’Etat devant les
juridictions judiciaires, il est chargé de défendre les intérêts de la société en vue du maintien
de l’ordre public. C'est le ministère public qui est chargé d'assurer la défense des intérêts de la
société et de l'ordre public en veillant à ce que la loi soit appliquée; et c'est lui qui a la mission
de rechercher les infractions qui perturbent l'ordre public en exerçant l'action publique,
d'arrêter leurs auteurs et de les traduire devant les cours et tribunaux afin de solliciter
l'application des sanctions prévues par la loi. Les magistrats du parquet constituent donc le
ministère public parce qu'ils ont pour mission de défendre non pas les particuliers de tel ou
tel plaideur mais ceux de la collectivité toute entière et de la loi qui en est l'expression676.

Collections Scientifique de la Faculté de droit de Liège, 1993, n° 242, pp. 293-294. Actuellement le
ministère public est placé à l'estrade à côté des juges.
673
M.L. RASSAT, Institutions judiciaires, Paris, 2e éd., PUF, 1996, p. 225.
674
CEDH, 17 juin 2014, Aslan et Sezen c/ Turquie (n° 2), § 24, unanimité; CEDH, 8 avril 2014, Blaj c/
Roumanie, § 78, unanimité.
675
CEDH, 8 avril 2014, Blaj c/ Roumanie, § 47 et 79, unanimité.
676
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n°329, pp. 263-264.
252

Les magistrats des parquets ou « officiers du ministère public » constituent la magistrature


debout et ils sont appelés « magistrat debout » parce qu’ils doivent se mettre debout lorsqu’ils
prennent la parole à l’audience (en matière pénale ou civile) pour présenter leurs réquisitions
(en matière pénale) ou donner leurs avis (en matière civile), ceci par opposition aux juges ou
magistrats assis parce qu’ils restent dans cette position durant les audiences et ce sont eux qui
assurent la police d'audience nonobstant le pouvoir du ministère public de veuille au maintien
de l'ordre public dans les coirs et tribunaux.

Le ministère public est aussi appelé "l'organe de la loi" ou "l'avocat de la société" car
c'est lui à qui il incombe la charge de veiller à l'application de la loi afin de mieux assurer la
défense de l'intérêt général et de la société.

Tout en étant membre du pouvoir judiciaire, le magistrat du parquet exerce un rôle


différent de celui du juge, il ne juge pas, il remplit les devoirs de son office auprès des cours
et tribunaux pour requérir une exacte application de la loi ainsi que pour défendre les
exigences de l'ordre public et l'intérêt de la justice. Alors que le magistrat du siège rend la
justice par ses jugements, le magistrat du parquet poursuit devant celui-ci les atteintes à
l'ordre public.

Les magistrats du siège ont la préséance sur les magistrats des parquets de même rang, du
fait qu’ils sont les véritables représentants du pouvoir judiciaire, contrairement aux magistrats
de parquets qui ont une nature hybride (en principe, ils font partie du pouvoir judiciaire mais
s'ils peuvent recevoir parfois des injonctions du ministre de la Justice). En tant que membre
du pouvoir judiciaire, leur traitement est fixé par la loi au même titre que les juges (à grade
égal, salaire égal) et leur carrière relève du même statut des magistrats que les juges. Et
d'ailleurs la loi organique portant statut de magistrat ne fait une moindre différence entre les
magistrats du siège et du parquet.

Concernant la préséance, le Premier président de la Cour de cassation a la préséance sur le


Procureur général près cette Cour, le Premier président de la Cour d’appel a la préséance sur
le Procureur général près cette Cour, le président du tribunal de grande instance a la préséance
sur le procureur de la République, le juge des tribunaux de grande instance a la préséance sur
le premier substitut du procureur de la République, le juge du tribunal de paix a la préséance
sur le substitut du procureur de la République, etc.

III. Structure du ministère public

Le ministère public remplit les devoirs de son office auprès des juridictions établies dans
son ressort677. Cela signifie qu'auprès de chaque juridiction, il y a un parquet, c'est-à-dire un
ministère public affecté qui est seul compétent pour poser les actes relevant de sa mission

677
Article 71 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
253

dans le ressort territorial de cette juridiction. Par exemple, un magistrat du parquet près le
tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe n'exerce ses fonctions que dans le ressort de
celui-ci, il ne lui est donc pas permis d'aller exercer ses fonctions à Kinshasa/N'djili ou à
Matadi, Bandundu, Mbandaka, Mbuji-Mayi, Kananga, Goma, Bukavu, Lubumbashi,
Kisangani, etc.

1. Le parquet près les tribunaux de paix

La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l'ordre judiciaire a créé le parquet près le tribunal de paix678.
Ce parquet est composé de premier substitut du procureur de la République qui exerce sous la
surveillance et la direction du Procureur de la République les fonctions de ministère public
près les tribunaux de paix679. Il est assisté d'un ou plusieurs substituts du procureur de la
République.

Le premier substitut du procureur de la République devient un véritable chef du parquet


près le tribunal de paix. A ce titre, il a désormais les attributions suivantes:
- il distribue les affaires aux magistrats sous ses ordres;
- il approuve (visa) les dossiers classés sans suite: il prescrit la proposition d'une amende
transactionnelle ou de la poursuite devant le tribunal compétent (tribunal de paix), si le dossier
est de la compétence du tribunal de grande instance, il le transmet au parquet près ce tribunal
afin qu'il soit fixé par la procureur de la République;
- il peut demander en communication le dossier instruit par un de ses substituts;
- il organise la formation des jeunes magistrats mis à sa disposition;
- il organise le secrétariat et surveille le personnel y attaché;
- il établit le programme général des inspections des amigos et des offices secondaires sous sa
surveillance;
- il établit les prévisions budgétaires, les rapports périodiques, les notes bibliographiques, etc.
- il signe toutes les pièces périodiques et toutes correspondances avec les tiers680.

2. Le parquet près les tribunaux grande instance

Il est institué près le tribunal de grande instance, un parquet qui est composé d’un
Procureur de la République assisté d’un ou de plusieurs premiers substituts et d’un ou de
plusieurs substituts du Procureur de la République681. Ces derniers exercent les fonctions du
ministère public sous sa surveillance et sa direction. Le Procureur de la République exerce
sous la surveillance et la direction du Procureur général près la Cour d’appel les fonctions de

678
Il s'agit de la proposition du professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de ce projet de loi
organique à la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais en août 2006.
679
Articles 65 alinéa 2, 1 er tiret et 82 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
680
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 113, p. 54.
681
Articles 65 alinéa 2, 2 ème tiret de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
254

ministère public près le tribunal de grande instance et les tribunaux de paix de son ressort. En
cas d’absence ou d’empêchement, le procureur de la République est remplacé par le plus
ancien des premiers substituts ou, à défaut, par le plus ancien substitut résidant au siège du
tribunal de grande instance682. L’ancienneté est réglée par la date et l’ordre de nomination683.

Le procureur de la République est chargé de la distribution des affaires au fur et à mesure


de leur entrée, selon les opportunités et son appréciation. Le premier substitut est chargé de
superviser l’activité des substituts. Il se consacre en outre à la critique des jugements, avis
d’ouverture et notes de fin d’instruction transmis par l’officier du ministère public près le
tribunal de paix. Il siège aux audiences d’appel du tribunal de grande instance. L’instruction
des affaires est essentiellement assurée par les substituts684.

À l’expiration de chaque trimestre, le procureur de la République transmet au procureur


général près la Cour d'appel, un rapport sur l’activité de son ressort ainsi que les rapports des
magistrats sur la situation de leur cabinet. Il procède au moins deux fois par an à l’inspection
des parquets de son ressort685.

3. Le parquet général près la Cour d’appel

Il existe près la Cour d'appel, un parquet général composé d’un Procureur général assisté
d’un ou de plusieurs avocats généraux et d’un ou plusieurs substituts du Procureur général686.
L’exercice de l’action publique dans toute sa plénitude et devant toutes les juridictions du
ressort de la Cour d’appel appartient au Procureur général près cette Cour. Le Procureur
général porte la parole aux audiences solennelles de la Cour d’appel. Il peut aussi le faire aux
audiences des chambres s’il le juge nécessaire. Le Procureur général près la Cour d’appel
règle l’ordre intérieur des parquets. Il répartit entre les magistrats de son office les affaires
dont l’instruction relève directement du parquet général. En cas d’absence ou d’empêchement,
le Procureur général est remplacé par le plus ancien des avocats généraux ou, à défaut, par le
plus ancien des substituts du Procureur général687.

L’avocat général assiste le procureur général dans la direction du parquet. Il représente le


ministère public aux audiences de la Cour. Chaque substitut du procureur général supervise
l’activité judiciaire du ressort d’un tribunal de grande instance. Il se consacre en outre à la

682
Articles 80 et 81 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
683
Article 83 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
684
Articles 85 et 87 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
685
Article 88 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
686
Articles 65 alinéa 2, 3 ème tiret et 79 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
687
Articles 77 à 79 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013; article 77 alinéa 2 de
l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquet.
255

critique des jugements, des avis d’ouverture et notes de fin d’instruction transmis par le
parquet de grande instance dont il supervise le ressort688.

À l’expiration de chaque trimestre, le procureur général près la Cour d'appel transmet au


procureur général près la Cour de cassation, un rapport sur l’activité de son ressort ainsi que
les rapports des magistrats sur la situation de leur cabinet. Il procède au moins deux fois par
an à l’inspection des parquets de son ressort689.

En matière répressive ou disciplinaire, sans préjudice du droit des parties en cause de


prendre connaissance et de recevoir copie du dossier de la poursuite, lorsque le tribunal est
saisi du fond de la cause et jusqu’à décision définitive, aucun acte d’instruction ou de
procédure ne peut être communiqué et aucune expédition ou copie des actes d’instruction ou
de procédure ne peut être délivrée sans autorisation du Procureur général près la cour d’appel
ou au niveau de la Cour de cassation, du Procureur général près cette Cour. Toutefois, sur
demande des parties, la plainte, la dénonciation, les ordonnances, les jugements et les arrêts
sont communiqués ou délivrés en expéditions690. L’absence de l’autorisation du procureur
général pour l’obtention des copies des procès-verbaux n’est sanctionnée de nullité ou de rejet
de procès-verbaux produits au dossier et obtenus sans cette autorisation691.

4. Le parquet général près la Cour de cassation

Il existe un Parquet général près la Cour de cassation qui est composé d’un Procureur
général assisté d’un ou de plusieurs premiers avocats généraux, un ou plusieurs avocats
généraux692. Le Procureur général près la Cour de cassation exerce les fonctions du ministère
public près cette juridiction en ce compris l’action publique. Il peut cependant, sur injonction
du ministre de la Justice : initier ou continuer toute instruction préparatoire portant sur des
faits infractionnels qui ne ressortent pas de la compétence de la Cour de cassation, requérir et
soutenir l’action publique devant tous les cours et tribunaux à tous les niveaux. Il peut
également, sur injonction du ministère de la Justice, ou d’office et pour l’exécution de mêmes
devoirs, faire injonction aux procureurs généraux près la Cour d’appel693. Par exemple, le
Procureur général près la Cour de cassation peut soutenir l'action publique devant le tribunal
de paix de Ruchuru (Nord-Kivu) ou d'Uvira (Sud-Kivu) ou de Matadi (Kongo central) mais
uniquement sur injonction du ministre de la Justice et non d'office. Lorsqu'il agit d'office sur
injonction du ministre de la Justice, il ne pourra que faire injonction aux procureurs près la
Cour d'appel afin que ces derniers mettent l'action publique en mouvement.

688
Article 86 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
689
Article 88 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
690
Article 84 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
691
CSJ, 3 juin 1981, RC 239, inédit.
692
Article 65 alinéa 2, in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
693
Article 72 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
256

Le Procureur général près la Cour de cassation règle l’ordre intérieur du parquet près la
Cour de cassation. Il a un droit de surveillance et d’inspection sur les parquets généraux près
les cours d’appel. Il peut, à ce titre, demander et recevoir en communication tout dossier
judiciaire en instruction à l’office du Procureur général près la Cour d’appel ou à celui du
Procureur de la République. Il ne peut, cependant, à peine de nullité de la procédure, poser
des actes d’instruction ou de poursuite dans le dossier reçu en communication que sur
injonction du ministre de la Justice694.

En cas d’absence ou d’empêchement, le Procureur général près la Cour de cassation est


remplacé dans l’exercice de ses fonctions par le premier avocat général le plus ancien dans le
grade ou, à défaut, par l’avocat général le plus ancien695.

Le Parquet général près la Cour de cassation comprend une section judiciaire et une
section de l’action publique. La section judiciaire donne ses avis et conclusions sur les
pourvois en cassation formés en toute matière ainsi que sur toute procédure introduite devant
la Cour de cassation, hormis celles qui ont trait à l’exercice de l’action publique696.

La section de l’action publique supervise l’activité de tous les magistrats du ministère


public et des officiers et agents de police judiciaire. Elle reçoit les avis d’ouverture et notes de
fin d’instruction ainsi que tout rapport des parquets destiné au Procureur général près la Cour
de cassation et donne en son nom les directives utiles pour le bon exercice de l’action
publique. Elle instruit les causes de premier et dernier ressort ou d’appel qui sont
normalement de la compétence de la Cour de cassation et prépare les réquisitions du
Procureur général près cette Cour. En aucun cas, les magistrats attachés au Parquet général
près la Cour de cassation ne peuvent ouvrir un dossier répressif ni instruire aucune autre
cause que celles reprises ci-dessus, sauf autorisation expresse du Procureur général près la
Cour de cassation697.

Chaque section est dirigée par un premier avocat général près la Cour de cassation
assisté d’un ou plusieurs avocats près cette Cour. Le procureur général près la Cour de
cassation désigne les premiers avocats généraux près cette Cour, chefs de section et répartit
les magistrats entre les sections698.

Toutes les sections et tous les services du Parquet général près la Cour de cassation sont
placés sous la surveillance d’un premier avocat général près la Cour de cassation désigné par

694
Articles 73 et 74 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
695
Article 75 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
696
Articles 90 et 91 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
697
Article 92 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
698
Article 93 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
257

le Procureur général près la Cour de cassation et qui porte le titre de premier avocat général
près la Cour de cassation coordonnateur. Il veille à la discipline de tous les magistrats et du
personnel qui y est attaché. Il est obligatoirement tenu informé de tout fait important qui
survient au sein du parquet général près la Cour de cassation ou dont ce dernier est saisi. Il
règle tous les problèmes qui ne relèvent de la compétence d’aucune section du parquet général
près la Cour de cassation. Il tient le Procureur général près la Cour de cassation pleinement
informé des activités du ministère public699.

Le premier avocat général près la Cour de cassation, chef de section distribue les affaires
aux avocats généraux près cette Cour. Il fixe le rôle des avocats généraux aux audiences et
réunions de l’assemblée plénière de la Cour de cassation. Il assure la bonne marche de la
section700.

Le premier avocat général près la Cour de cassation, chef de section peut proposer la
réunion de tous les magistrats du Parquet général près cette Cour au premier avocat général
près la Cour de cassation coordonnateur pour débattre de toute question qui lui paraît devoir
être soumise aux débats. La réunion est présidée par le premier avocat général près la Cour de
cassation coordonnateur701.

5. Le parquet général près la Cour constitutionnelle

Les fonctions du ministère public sont assumées par le Procureur général près la Cour
constitutionnelle, assisté d’un ou de plusieurs premiers avocats généraux et d’un ou de
plusieurs avocats généraux qui sont nommés, conformément au statut des magistrats, par le
Président de la République pour un mandat de trois ans renouvelable une seule fois parmi les
magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif ayant au moins quinze ans d’expérience, sur
proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Ils sont soumis au statut des membres de
la Cour. Le Procureur général fixe l’organisation intérieure du parquet702. Tous les magistrats
du parquet général703 près la Cour constitutionnelle avaient été nommés depuis le 19
novembre 2014 ont prêté serment depuis samedi 4 avril 2015.

699
Article 73 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
700
Article 74 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
701
Article 75 de l'arrêté d'organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
702
Articles 12 à 14 de la loi organique n°13/013 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
703
Il s'agit de Emmanuel Minga Nyamakweng (Procureur général), Mokola Pikpa et Songul Fumwash (premiers
avocats généraux) et Kalambayi Tshikulu Mukishi, Mme Jeanne Mobele Bomana et Mme Delphine
Banza Zengalenge (avocats généraux).
258

IV. Caractères du ministère public

1. L’indépendance du ministère public

Les membres du ministère public jouissent de l’indépendance nécessaire à


l’accomplissement de leurs fonctions tant vis-à-vis des juridictions auprès desquelles ils sont
attachés (a) que vis-à-vis des justiciables (b) et du ministre de la Justice (c).

a) L’indépendance du ministère public à l'égard des juridictions

Le ministère public est indépendant des juridictions auprès desquelles il exerce ses
fonctions et le magistrat du siège est sans qualité pour censurer le ministère public, c'est-à-
dire émettre des appréciations sur la manière dont il exerce ses fonctions, critiquer l'usage
qu'il fait de ses pouvoirs, lui adresser de reproches ou des éloges, et ils ne peuvent, en
principe, lui adresser un blâme, des injonctions ou des ordres704. En effet, le ministère public
est seul habilité à exercer l'action publique, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité
des poursuites et de mettre lui-même l'action publique en mouvement. Et lorsque l'instruction
préparatoire se révèle incomplète, il appartient au juge saisi d'être très actif à l'audience et par
conséquent de la compléter. Ainsi, doit être cassé d’office l’arrêt avant dire droit enjoignant
au ministère public de procéder à un complément d’information, faute de disposition légale
autorisant pareil devoir705. L'indépendance du ministère public à l'égard des juridictions a
pour fondement principal le souci de sauvegarder l'autonomie de cet organe, principalement
en matière pénale.

Cependant, le siège a le pouvoir d'apprécier, dans un procès où le ministère public est


partie, la légalité et la régularité de ses actes ainsi que le fondement de ses prétentions. La
première exception est prévue en matière d'infraction intentionnelle fragrante. En effet, en
cette matière, si l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement et qu’une instruction
prolongée paraît nécessaire, le tribunal peut décider de mettre le prévenu en détention
préventive. En ce cas, le tribunal pourra commettre l’officier du ministère public pour y
procéder et le tribunal en ordonne le renvoi à l’une de ses plus prochaines audiences pour plus
amples informations et commet, s’il échet, l’officier du ministère public pour procéder, toutes
les affaires cessantes, aux devoirs d’instructions qu’il précise. Le prévenu est, s’il y a lieu,
placé en détention préventive 706.

Une autre exception concerne les matières relatives aux visites domiciliaires durant
l'instruction préparatoire. Ainsi, l'article 22 du Code de procédure pénale prévoit que les
visites domiciliaires ne peuvent pas commencer avant 5 heures du matin et aller au delà de 21

704
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p.56.
705
CSJ, 8 octobre 1969, Affaire Kini, Yav, Mukuta, Kibwe et Bindscedler, RCD, 1970, II, p. 18, RJC, 1970, p.
7.
706
Article 6 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 févreir 1978 relative à la répression intentionnelle fragrante,
JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
259

h sauf autorisation du président du tribunal de grande instance; autrement dit, au delà des
heures fixées par la loi, c'est le président du tribunal de grande instance qui peut autoriser les
visites domiciliaires et si ce dernier refuse, lesdites visites n'auront pas lieu. De même, l'article
26 du Code de procédure pénale prévoit qu'en dehors des cas d'infraction flagrante, l'officier
du ministère public ne peut faire procéder à aucune exploration corporelle qu'en vertu d'une
ordonnance motivée du juge président du tribunal de grande instance. Cela signifie
concrètement que sans cette autorisation par voie d'ordonnance, l'exploitation corporelle ne
peut avoir lieu.

Une autre exception concerne le jugement d'incompétence. L'article 86 du Code de


procédure pénale prévoit que le juge de paix qui a rendu un jugement d'incompétence peut
faire conduire le prévenu, sans délai, devant l'officier du ministère public près le tribunal
compétent. Cela s'explique par le fait que l'article 86 de la loi organique prévoit lorsqu'un
tribunal de paix se déclare incompétent en raison du taux de la peine à appliquer, le jugement
n'est susceptible d'aucun recours. C'est donc pour empêcher le prévenu de s'enfuir que la loi a
prévu au juge de paix de conduire le prévenu devant l'officier du ministère public près le juge
compétent. Comme on peut le remarquer, le juge de paix fait en quelque sorte "obligation" au
ministère public de mettre l'action publique en mouvement à l'égard du prévenu concerné.

Une autre exception concerne l'infraction d'audience. Ainsi, les cours et tribunaux peuvent
se saisir des infractions commises à l'audience (délit d'audience et à titre exceptionnel, devant
les tribunaux pour enfants). Ainsi l'article 108 du Code judiciaire militaire prévoit que la
juridiction ordinaire peut juger sans désemparer, et dans les limites du droit commun, après
l’avoir toutefois pourvue d’un défenseur d’office, lorsqu’elle n’en aura pas choisi, la personne
justiciable de la juridiction militaire ayant commis une infraction aux lois ordinaires à
l’audience de la juridiction civile, ou la renvoyer devant l’Auditeur militaire compétent. Cela
signifie concrètement que dans le cas d'espèce, le juge, de sa propre initiative, peut "renvoyer"
le prévenu militaire qui a commis une infraction d'audience (devant la juridiction de droit
commun) devant l'officier du ministère public compétent (militaire) afin d'ouvrir les
poursuites judiciaires à sa charge.

Ce faisant, dans toutes ces circonstances, le ministère public ne s'immisce pas dans les
fonctions du ministère public et ne méconnaît pas le principe de l'indépendance de celui-ci.
De même, le ministère public est sans qualité pour adresser des injonctions au siège mais il
vielle à la régularité des cours et tribunaux. Il peut cependant au cours d'un procès, demander
le dossier en communication. En cas de faute disciplinaire par le magistrat du siège, le
ministère public peut s'adresser à son chef hiérarchique.

Malgré cette indépendance, il existe une collaboration entre les juridictions et le ministère
public. Ainsi, les juges pénaux ne peuvent pas en principe se saisir eux-mêmes, ils doivent
attendre que le parquet ait exercé l'action publique (sauf la citation directe devant les
juridictions du premier degré où les parties saisissent directement les tribunaux) car il s'agit
des matières réservées au ministère public.
260

b) L’indépendance du ministère public à l'égard des justiciables

Le ministère public est indépendant à l’égard des justiciables tant en matière pénale que
civile. En matière pénale, lorsque l'action publique est mise en mouvement, c'est le ministère
public qui décide du sort à réserver à cette action car il peut classer le dossier sans suite ou par
amende transactionnelle en dépit de point de vue des parties. Il demeure entièrement libre
d'accorder ou de refuser les mesures d'instruction sollicitées par les parties. Il décide de la
liberté de la personne inculpée; il peut la mettre sous mandat d'arrêt provisoire, la mettre en
liberté, contre le gré des parties.

Le ministère public peut fixer le dossier au tribunal bien que les parties se soient entendues
de le clôturer en faveur de l'une des parties ou malgré le retrait de la plainte du plaignant. Le
désistement ou l’acquiescement de la victime ne l’empêche pas de demander une
condamnation ni d’exercer des voies de recours, sauf dans le cas où le retrait de la plainte
entraine l’extinction de l’action publique (exemple : l’adultère, grivèlerie, diffamation,
infractions de droit d'auteur et voisins, outrages et violences envers les membres de
l'Assemblée nationale ou du Sénat, les membres du gouvernement, les dépositaires de
l'autorité ou de la force publique707, infraction fiscale). Dans ces hypothèses, le ministère
public ne peut pas se saisir d'office sans préalablement qu'il y ait plainte de la partie lésée.
Concernant l'infraction d'adultère, si le plaignant se désiste en cours d'instance, les poursuites
pénales à l'égard de son auteur sont éteintes et ce dernier doit être renvoyé de fins de poursuite
judiciaire.

Le ministère public peut se saisir d'office des infractions dont les parties ne veulent pas ou
n'ont pas voulu soumettre aux instances judiciaires, son seul souci étant celui de veiller à la
protection de l'ordre public. Cela signifie que l’inaction de la victime n'interdit pas au
ministère public d’engager des poursuites pénales. De même, en cas de citation directe, il
n’est pas obligé de soutenir la partie civile qui l'a introduite devant la juridiction.

En matière de droit privé (civile, commerciale, sociale et de la famille), le ministère public


est également indépendant. Il peut ainsi intervenir en tant que partie jointe (voie d'avis) ou
partie principale (voie d'action). Lorsqu'il donne son avis, il ne peut jamais être orienté par
l'une des parties au procès; il donne l'avis selon ce que lui dicte sa conscience et n'a devant lui
que le souci de sauvegarder l'intérêt général et l'ordre public. En tant qu'organe de la loi, ses
avis doivent être émis en toute indépendance et impartialité, envers toutes les parties. Il en est
de même lorsqu'il intervient en tant partie principale par voie d'action.

c) L’indépendance du ministère public à l'égard du ministre de la Justice

L'indépendance du ministère public envers le ministre de la Justice est relative. En effet, les
officiers du ministère public sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice. Celui-ci
dispose d’un pouvoir d’injonction sur le Parquet. Il l’exerce en saisissant le Procureur général

707
Articles 136 à 138 quinquies du Code pénal congolais livre II.
261

près la Cour de cassation ou le Procureur général près la Cour d’appel selon le cas sans avoir
à interférer dans la conduite de l’action publique708. De même, l'article 15 alinéa 2 de la loi
organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et
complétée par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015 prévoit que le ministre de la Justice
a un pouvoir d'injonction sur le parquet. Il l'exerce en saisissant le Procureur général près la
Cour de cassation, l'Auditeur général près la Haute Cour militaire, selon le cas, sans avoir
interférer dans la conduite de l'action publique.

Aussi, le Procureur général près la Cour de cassation peut, sur injonction du ministre de
la Justice initier ou continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels
qui ne ressortent pas de la compétence de la Cour de cassation, requérir et soutenir l’action
publique devant tous les cours et tribunaux à tous les niveaux. Aussi, il peut, sur injonction du
ministère de la Justice, ou d’office et pour l’exécution de mêmes devoirs, faire injonction aux
procureurs généraux près la Cour d’appel709. Enfin, le Procureur général près la Cour de
cassation a un droit de surveillance et d’inspection sur les parquets généraux près les cours
d’appel. Il peut, à ce titre, demander et recevoir en communication tout dossier judiciaire en
instruction à l’office du Procureur général près la Cour d’appel ou à celui du Procureur de la
République. Il ne peut, cependant, à peine de nullité de la procédure, poser des actes
d’instruction ou de poursuite dans le dossier reçu en communication que sur injonction du
ministre de la Justice710.

Comme nous pouvons le remarquer, les articles 70, 72 et 73 in fine de loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire confient au ministre de la Justice le pouvoir d'injonction sur le
Procureur général près la Cour de cassation ou le Procureur général près la Cour d'appel c'est-
à-dire qu'il peut donner de l'ordre à chacun de ce haut magistrat de mettre l'action publique en
mouvement. Il en est également de l'article 15 alinéa 2 de la loi organique n°06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi organique
n° 15/014 du 1er août 2015 qui prévoit que le ministre de la Justice a un pouvoir d'injonction
sur le parquet. Malheureusement ces lois n'ont pas indiqué les contours de leur application. En
effet, le droit d'injonction du ministre de la Justice envers le Procureur général près la Cour de
cassation ou le Procureur général près la Cour d'appel ou l'Auditeur général près la Haute
Cour militaire signifie deux choses:

- Le ministre de la Justice peut donner l'injonction positive au Procureur général près


la Cour de cassation ou au Procureur général près la Cour d'appel ou à l'Auditeur
général près la Haute Cour militaire de mettre l'action publique en mouvement, ce qui

708
Article 70 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
709
Article 72 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
710
Article 73 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
262

signifie qu'il peut adresser des instructions générales d'action publique711 et ne signifie pas
que le ministre de la Justice doit prescrire à ces hauts magistrats du ministère public
d'entendre les personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions. Même concernant cette
injonction d'instructions générales d'action publique, le magistrat du parquet reste libre de
classer le dossier sans suite au cas où il arrivait à la conclusion que les preuves ne sont pas
solides pour arrêter lesdites personnes poursuivies ou les déférer devant le juge compétent.

En effet, le ministre de la Justice n'est pas membre des juridictions de l'ordre judiciaire, ni
de l'ordre administratif ou ni de la Cour constitutionnelle; il n'est pas magistrat du ministère
public, il n'a pas donc l'exercice de l'action publique et ne peut se substituer au parquet pour
agir à sa place. Le ministre de la Justice peut évidemment se faire rendre compte des actes du
ministère public, adresser au Procureur général près la Cour de cassation des instructions
générales ou coordonner une politique criminelle712. Bref, le pouvoir d'injonction du ministre
de la Justice doit être limité, encadré et surtout compatible avec le respect des pouvoirs que
ces magistrats tiennent directement de la loi.

- Le ministre de la Justice ne peut pas donner d'injonction négative au Procureur


général près la Cour de cassation ou au Procureur général près la Cour d'appel c'est-à-
dire donner des ordres de ne pas poursuivre tel justiciable713. Il en est également à l'égard de
l'Auditeur général près la Haute Cour militaire. Le ministre de la Justice ne peut donc pas
donner des ordres de ne pas poursuivre ou de classer sans suite dans des dossiers
individuels714. Il ne peut pas par exemple empêcher les enquêtes diligentées par le parquet
dans un dossier ouvert ou dire au magistrat de ne pas poser tel acte judiciaire (mandat
d'amener ou mandat d'arrêt provisoire). Bref, tout droit d'injonction négative est exclu, qu'elle
soit générale ou spéciale715.

A ce sujet, toute la doctrine moderne n’a jamais voulu reconnaître au ministre de la Justice
un droit de veto, consistant à empêcher l’exercice de l’action publique716 car l’ordre de

711
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, 171, p. 144; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n°1321, p. 743.
712
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p. 57.
713
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 351 , p.280; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd.
Cujas, 2011, n° 157, p. 127; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome I, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.147; S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris, 10 ème éd. Dalloz,
2009, n° 829, p. 843; F. DUMON, "Le pouvoir judiciaire", Journal des Tribunaux, 1981, pp. 460-461; R.
CHARLES, "Du ministère public", Journal des Tribunaux, 1982, pp.533-563; P. TROISFONTAINES e.
a., " Le ministre de la justice peut-il adresser aux magistrats des parquets des injonctions négatives à
caractère général ?", Annales de la Faculté de droit de l'Université de Liège, 1983, pp. 25-41.
714
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, , 2012, p. 57.
715
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 351 , p.280.
716
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de
compétence, Bruxelles, 2ème éd. Larcier, 2014, n° 351, p.280; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.147; S.
263

poursuivre ne préjuge rien étant donné que l’exercice de l’action publique peut aboutir à
l’acquittement: la justice aura éclairci la situation. Par contre, les conséquences de
l'interdiction de poursuites sont autrement plus graves, car en ce cas, l'autorité qui interdit se
substitue à la fonction judiciaire et absout le coupable sans qu'aucune garantie ne soit donnée
à la vindicte publique. Le ministre dispose d’un droit d’impulsion, il ne peut pas se substituer
aux officiers du ministère public pour agir en leur lieu et place; il ne peut arrêter l’action
publique mise en mouvement par le parquet.

Malgré ces cas exceptionnels, le ministre public reste le seul maître de l'action publique;
par conséquent, le ministre de la Justice n'a aucun pouvoir d'ériger les obstacles à l'exercice de
cette action. Cela signifie dès qu'une action publique est en mouvement, le ministre de la
Justice ne peut pas par exemple enjoindre au ministère public de poser tel acte de procédure et
non tel autre, contre telle ou telle personne; il n'a pas non plus un droit de veto contre les actes
du ministère public. Ce serait là, s'immiscer gravement dans le domaine réservé au ministère
public. Nous pensons que le magistrat a droit et pouvoir de refuser d'appliquer les instructions
du ministre de la Justice lorsqu'elles ne respectent pas la légalité.

Comme on peut le remarquer, ces deux lois organiques n'ont pas précisé de manière plus
concrète en quoi peut consister le pouvoir d'injonction du ministère public. Or comme cela
n'est pas bien encadré en RDC, il y a risque que le ministre de la Justice abuse de ce pouvoir
d'injonction en poursuivant par exemple les opposants politiques (ou les défenseurs des droits
de l'homme ou les membres de la société civile) ou en donnant injonction de ne pas
poursuivre les membres de la famille politique de la majorité en place à laquelle
appartiendrait le ministre de la Justice ou le Président de la République en fonction. Et
pourtant dans les pays qui reconnaissent ce pouvoir d'injonction comme en Belgique et en
France, cela est soigneusement encadré pour éviter le dérapage du ministre de la Justice.

Nous constatons que les articles 70, 72 et 73 in fine de loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire ainsi que l'article 15 alinéa 2 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006
portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du
1er août 2015 viennent de ramener l'indépendance du magistrat du parquet en arrière c'est-à-
dire à la même période que sous l'empire du Code d'organisation et compétence judicaires du
31 mars 1982, autrement dit sous la période du MPR-Parti-Etat où le pouvoir d'injonction du
ministre de la Justice envers le Parquet était utilisé à des fins politiques: traquer les opposants
politiques et les défenseurs des droits de l'homme (injonction de les poursuivre en justice) et
protéger surtout les cadres du MPR-Parti-Etat (injonction de ne pas les poursuivre en justice).

GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris,


10 ème éd. Dalloz, 2009, n° 829, p. 843; M. L. RASSAT, Procédure pénale, Paris, éd; PUF; 2001, n°157, p.
236; F. DUMON, « Le pouvoir judiciaire », Journal des tribunaux, 1981, pp. 460-461 ; R. CHARLES, « Du
ministère public », Journal des tribunaux, 1982, pp. 533-564 ; P. TROISFONTAINES e.a., « Le ministre de
la justice peut-il adresser aux magistrats des parquets des injonctions négatives à caractère général ? », in
Annales de la Faculté de droit de Liège, 1983, pp. 25-41 ; A. MEEUS, « L’institution du ministère public »,
Annales de droit de Louvain, 1988, pp. 15 et s.
264

Même pendant cette période sombre, l'injonction du ministre de la Justice se limitait


seulement au Procureur général de la République (Procureur général près la Cour de
cassation) alors que dans ces nouvelle lois organiques susvisées, cette injonction peut aller
jusqu'au Procureur général près la Cour d'appel et à l'Auditeur général près la Haute Cour
militaire. C'est une grande régression en RDC au sens négatif.

En effet, depuis la promulgation de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant


statut des magistrats, le pouvoir d’injonction du ministre de la Justice avait été supprimé car,
l’ancien article 15 de cette loi organique déclarait que le magistrat du parquet assume sa
mission d’officier du ministère public sous la direction de l’autorité hiérarchique. Toutefois,
sans préjudice des articles 149, 150 et 151 de la Constitution, le Gouvernement peut, sans
avoir interférer de quelque manière que ce soit dans le cours de l’instruction, saisir le
Procureur général près la Cour de cassation des faits qui relèvent de sa compétence, afin de
mettre l’action publique en mouvement. Cette disposition était assez éloquente pour montrer
que désormais le ministre de la Justice n’avait plus un droit d’injonction à l’égard des officiers
du ministère public. La règle était donc celle de l’indépendance du ministère public vis-à-vis
du ministre de la Justice. Ce retour en arrière en matière d'indépendance du ministère public
vis-à-vis du ministère du ministre de la Justice, plaçant ce magistrat de facto comme un agent
du pouvoir exécutif ne va pas contribuer à la qualité de la justice en République
démocratique du Congo717.

Nous pensons qu’en vue d’éviter les difficultés d’interprétation des textes et l'immixtion
intempestive du ministre de la Justice dans le procès pénal en cours, l’on devrait supprimer ce
pouvoir d'injonction du ministre de la Justice et reprendre la formule prévue à l'ancien article
15 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats qui prévoyait
que le Gouvernement peut, sans avoir à interférer de quelque manière que ce soit dans le
cours de l'instruction, saisir le Procureur général près la Cour de cassation des faits qui
relèvent de sa compétence, afin de mettre l'action publique en mouvement. Ainsi, en
Belgique, le ministre de la Justice ne peut adresser que des instructions générales718 et jamais
des injonctions individuelles719. Et d'ailleurs en France, la doctrine la plus autorisée est d'avis
qu'il faut "dépolitiser la justice" en supprimant tout pouvoir du ministre de la Justice dans les
actions individuelles et en imaginant un système d'un parquet véritablement indépendant du
pouvoir exécutif720. C'est cette solution qui est appliquée en Italie et au Portugal721.

717
Il s'agit surtout de la modification de l'article 15 de la loi organique n° 06/020 de 10 octobre 2006 portant
statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015,
JORDC, n° spécial, 5 août 2015.
718
C'est le cas notamment de la directive ministérielle du 16 mai 2003 relative à la politique des poursuites en
matière de détention et de vente au détail de drogues illicites, Moniteur belge, 2 février 2003.
719
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p. 57.
720
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 158, p. 127; S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris, 10 ème éd. Dalloz,
2009, n° 829, p. 843.
721
J. PRADEL et J.-P. LABORDE, "Du ministère public en matière pénale. A l'heure d'une éventuelle
autonomie ?", Recueil Dalloz, 1997, chronique, p. 141.
265

Cela signifie qu'en RDC, il convient d'amender les articles 70, 72 et 73 in fine de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire ainsi que l'article 15 alinéa 2 de la loi organique n°06/020
du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi
organique n° 15/014 du 1er août 2015 en précisant de manière claire et sans équivoque qu’à
l’égard du magistrat du parquet, le ministre de la Justice n’a pas un droit d’injonction de
poursuites, ni un droit d’ordonner des arrestations, ni un droit d'ordonner les libérations des
détenus, ni un droit de mettre fin aux poursuites judiciaires.

En attendant l'amendement législatif de ces quatre dispositions des lois organiques


susvisées, une circulaire devrait être prise rapidement, par le Premier président de la Cour de
cassation et le Procureur général près cette Cour, le Premier président de la Haute Cour
militaire et l'Auditeur général des forces armées près cette Haute Cour afin d'expliciter les
modalités pratiques d'application de ces articles 70, 72 et 73 in fine de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire ainsi que l'article 15 alinéa 2 de la loi organique n°06/020 du
10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la loi
organique n° 15/014 du 1er août 2015. Et d'ailleurs l'article 33, 9° du Règlement du 13 juin
2009 du Conseil supérieur de la magistrature dit que le Bureau de cette institution a pour
tâches notamment de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer l'indépendance du
pouvoir judiciaire. En procédant ainsi, ces quatre hautes personnalités du Conseil supérieur de
la magistrature contribueraient à sauvegarder ce qui est essentiel de l'indépendance du pouvoir
judiciaire. Cela créerait une sécurité juridique et empêcherait le pouvoir exécutif d'interférer
de manière abusive dans le procès pénal en cours. La qualité de la justice pourrait ainsi être
sauvegardée.

2. L’unité et indivisibilité du ministère public

Ce principe signifie que le ministère public constitue un corps hiérarchisé dont chaque
membre exerce une autorité sur ceux qui sont placés au-dessous de lui et dont la direction est
fortement organisée722. Cette unité et indivisibilité réside dans la concentration entre les mains
du Procureur général près la Cour de cassation et le Procureur général près la Cour d’appel de
l’autorité sur les magistrats des différents parquets du ressort respectif. Ainsi, le Procureur
général près la Cour de cassation a un droit de surveillance et d’inspection sur les parquets
généraux près toutes les cours d’appel. Il peut, à ce titre, demander et recevoir en
communication tout dossier judiciaire en instruction à l’office du Procureur général près la
Cour d’appel ou à celui du Procureur de la République. Il ne peut, cependant, à peine de
nullité de la procédure, poser des actes d’instruction ou de poursuite dans le dossier reçu en
communication que sur injonction du ministre de la Justice723.

722
R. HAYOIT DE TERMICOURT, "Propos sur le ministère public », in Rev. dr.pén. crim., 1936, p. 972.
723
Article 73 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
266

De même, le Procureur général près la Cour d'appel exerce le même droit envers les
procureurs de la République de son ressort, ceux-ci exercent le même droit à l'égard des
premiers substituts près les tribunaux de paix. Les dossiers communiqués au parquet général
près la Cour d'appel ou près la Cour de cassation, peuvent être retournés aux magistrats
instructeurs, attribués à un autre ou même exceptionnellement instruits à l'office du Procureur
général près la Cour de cassation. Toutes les instructions légales (et non illégales) de la
hiérarchie du parquet doivent être scrupuleusement exécutées par les officiers du ministère
public subalternes, sinon, ils peuvent être poursuivis en matière disciplinaire.

L'unité du ministère public consiste dans le lien hiérarchique puissant qui existe entre les
membres de cette institution et qui en fait un instrument agissant sous l’impulsion d’une seule
volonté. Il n’y a qu’une action du parquet à qui son chef imprime une direction unique. Le
supérieur hiérarchique peut surveiller l’exercice de l’action publique par les magistrats qui
sont subordonnés et se faire rendre compte de leurs actes. De même, le Procureur général près
la Cour d'appel peut donner des instructions générales qui sont contraignantes pour tous les
membres du ministère public de son ressort de la Cour d’appel. C’est l’origine de la plénitude
de l’exercice de l’action publique qui appartient au Procureur général près la Cour de
cassation et le Procureur général près la Cour d’appel selon le cas. Chaque Procureur général
près la Cour d’appel est maître de l'action pénale dans tout le ressort de la Cour d'appel auprès
de laquelle il exerce ses fonctions du ministère public.

La conséquence de ce principe est la subordination hiérarchique : tous les officiers du


ministère public dépendent d’un supérieur commun : le Procureur général près la Cour de
cassation. Le magistrat du parquet assume sa mission d’officier du ministère public sous la
direction de son autorité hiérarchique724. Ainsi, il apparaît bien que le Procureur général près
la Cour d'appel dispose des fonctions essentielles: tous les autres membres du parquet pouvant
être considérés comme exerçant leurs attributions en vertu d'une sorte de délégation du
Procureur général. Cela signifie que ce dernier peut enjoindre à un procureur de la
République, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente de réquisitions écrites qu'il juge opportunes.

La subordination hiérarchique conduit tout membre du ministère public à informer son


supérieur de ce qui lui paraît important dans son ressort. Ce système, très militaire
d'inspiration, a été calqué sur l'organisation très hiérarchisée des officiers généraux725.
L’obéissance hiérarchique se traduit par l’obligation, pour les procureurs généraux près les
cours d’appel de tenir le Procureur général près la Cour de cassation informé des affaires
importantes de son ressort. Cependant dans la pratique, chaque chef de parquet peut prendre à
tout moment et dans toute affaire des décisions ou accomplir des actes, sans avoir à se référer
constamment à ses supérieurs. Ce serait ralentir gravement le cours de la justice que
d'imposer, par exemple au procureur de la République de solliciter à tout moment les ordres
724
Article 15 alinéa 1er de la loi organique n° 06/020 de 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que
modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015, JORDC, n° spécial, 5 août 2015.
725
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris,
10 ème éd. Dalloz, 2009, n° 830, p. 844.
267

du Procureur général près la Cour d'appel. En effet, le magistrat instructeur a la responsabilité


des dossiers judiciaires sous le contrôle de leurs seuls chefs hiérarchiques. En conséquence,
toute intervention, d'où qu'elle vienne, qui n'émanerait pas du chef hiérarchique direct ou ne
s'inscrirait pas dans le cadre de l'orientation de l'action du parquet est interdite. Aussi, il est
interdit aux chefs hiérarchiques d'exercer des interventions ou instructions intempestives à
l'égard des magistrats instructeurs du dossier726.

Certains pays comme la Belgique ont évolué vers le remplacement de l'ancien modèle
hiérarchique de type bureaucratique par le modèle de synergie, la complémentarité et la
concertation permanente727. Ainsi, actuellement en Belgique, le procureur du Roi n'agit plus
sous la direction du Procureur général près la Cour d'appel mais exerce ses fonctions sous son
autorité. Il y a là une volonté de relâcher le lien hiérarchique entre le Parquet général et le
parquet du procureur du Roi et d'y substituer le principe de collaboration, en responsabilisant
davantage les parquets locaux728.

La subordination hiérarchique fait que tout représentant du ministère public doit obéir aux
ordres reçus par ses supérieurs et les magistrats du parquet sont amovibles (peuvent être
déplacés) à la différence des juges qui sont inamovibles. En permanence, chaque magistrat du
parquet représente le parquet tout entier. Cela signifie que les magistrats de ministère public,
faisant partie d'un même parquet, sont considérés comme ne formant qu'une seule et même
personne. La personnalité de chacun d'eux est absorbée par la fonction exercée, tandis que
l'action et la parole de chaque officier du ministère public sont censées avoir eu lieu au nom
du parquet tout entier. Il n'agit jamais en son nom personnel mais au nom du parquet entier
qu'il représente; c'est pourquoi les magistrats du parquet sont interchangeables "d'où le mot
substitut" (peuvent se substitués), car c'est toujours le même ministère public qui s'exprime
par des voix différentes, mais naturellement dans la mesure et les limites de leurs attributions
légales729. Ainsi, au cours d'une même affaire, les différents actes de procédure peuvent être
réalisées par différents substituts. De même, un acte portant mention du procureur de la
République peut fort bien avoir été signé par l'un de ses substituts730. La personne du
magistrat qui agit se confond avec la personne morale formée de l’ensemble des magistrats du
même parquet731.

En raison de l'unité et l’indivisibilité du ministère public, les membres d’un même parquet
peuvent à l'audience se suppléer et se remplacer les uns aux autres au cours du même procès.

726
Circulaire n°03/008/IM/PGR/2011 relative à l'organisation intérieure des parquets, in T. KAVUNDJA N.
MANENO, Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, éd. Média
Saint Paul, 2013, pp. 172-195.
727
Projet de loi portant intégration verticale du ministère public, Documents parlementaires, Chambres des
Représentants, 2003-2004, n° 51-0613/001, p.5.
728
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 357 , p.282.
729
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 359 , p.284.
730
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 162, p. 131.
731
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.146.
268

Ainsi, un officier du ministère public peut se faire remplacer pendant une partie de l'audience
par l'un des magistrats du parquet, puis ensuite, réoccuper son siège. De même, plusieurs
magistrats du parquet peuvent siéger à l'audience en matière pénale, et soutenir chacun
l'action du parquet. Aussi, le réquisitoire écrit du ministère public peut être signé par un
magistrat du parquet autre que celui qui a siégé à l'audience et pris de conclusions orales.

Les officiers du ministère public sont donc interchangeables alors qu’un juge du siège n’a
jamais la possibilité de se faire remplacer par un autre juge au cours des débats d’un procès,
sous peine de cassation732. Ainsi, une poursuite peut être commencée par un magistrat du
ministère public et continuée par un ou plusieurs autres officiers du ministère public,
également compétents. De manière concrète, par exemple lors d'une instruction, un même
dossier instruit au cabinet d'un officier du ministère public peut lui être retiré et attribué à un
autre officier du ministère public. Ce dernier n'aura à poser que les actes d'instruction non
encore posés par le premier; il ne recommencera pas l'instruction ab ovo au risque du double
emploi qui peut empêcher que ladite instruction soit menée dans un délai raisonnable.

De même, un dossier attribué à un officier du ministère public précis, peut, en cas de son
empêchement, être instruit par un autre sans que l'attribution du dossier change de
destinataire. Ce dossier peut toujours demeurer sous les initiales du premier magistrat
instructeur à qui il a été originairement attribué et l'officier du ministère public substitué
continuera l'instruction sans aucun problème là elle s'est arrêtée. Aussi, un dossier peut être
entièrement instruit par un officier du ministère public X mais que les décisions de classement
sans suite ou par amende transactionnelle, de fixation ou de transmission à un autre parquet le
soient par l'officier du ministère public Y. Cela signifie que les officiers du ministère public
représentent toujours une et une seule personne : l’Etat. D’où, on dit le ministère public est
« un ».

Cependant, en dépit de l'indivisibilité du ministère public, chaque acte irrégulier posé par
l'officier du ministère public n'engage que sa seule responsabilité et non celle de tout le
parquet. De même, l’indivisibilité du ministère public n’empêche pas un magistrat du parquet,
devenu magistrat du siège, de juger une affaire à la poursuite de laquelle, il n’a pris aucune
part directe ou indirecte.

Il convient de préciser qu’à l’intérieur d’un même parquet, la subordination est plus
étroite. Ainsi, les substituts du procureur de la République sont tenus de se conformer aux
instructions du procureur de la République dont ils relèvent et ce dernier peut se substituer à
ses subordonnés. Ainsi, le procureur de la République peut non seulement donner toutes les
catégories d'ordres (aussi bien de poursuivre que de ne pas poursuivre ou d'agir dans tel ou tel
sens) à ses substituts sur la façon de conduire l'action publique, mais encore il peut toujours,
au cours du traitement d'une affaire, les remplacer pour accomplir ce qu'il souhaite s'il pense

732
Cour suprême de justice, 10 janvier 1973, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1973, p.3; Cour
suprême de justice, 26 juin 1974, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1974, p.187; Cour
suprême de justice, 20 février 1975, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1976, p.58;
269

que "le délégataire" (substitut) le fait mal ou ne l'a pas fait du tout. Il peut aussi reprendre un
dossier à l'un de ses substituts pour le donner à un autre ou le traiter lui-même. Il peut se
rendre à l'audience pour le jugement d'un dossier traité par l'un de ses collaborateurs, etc. On
traduit cette complète concentration des pouvoirs au sein du parquet en disant que le parquet
peut avoir plusieurs bras mais qu'il a nécessairement une seule tête.

Mais, il a été admis que l’obéissance des magistrats du ministère public ne concerne que
leurs actes écrits étant donné que leurs réquisitions orales sont entièrement libres et ne
relèvent que de leur conscience. Cela signifie concrètement si le magistrat du parquet, tenu à
l'obéissance envers le procureur de la République, ne peut refuser d'entamer et d'exercer des
poursuites, il jouit à l'audience d'une entière liberté d'expression. C’est ce qu’on traduit
généralement par l’adage : « La plume est serve mais la parole est libre ». Voyons d'abord la
signification de mot serve avant de voir le sens de cet adage. Le mot "serve" est relatif au mot
"serf" qui signifie état de dépendance d'une personne, la plume est serve signifie donc être
lié par ce qui est écrit. Au sens usuel la plume est serve mais la parole est libre pourrait
signifier qu'on est lié sur ce qui est écrit mais on a la liberté de la parole.

Au sens juridique et judiciaire, l'adage la plume est serve mais la parole est libre signifie
qu'à chaque audience pénale, le parquet prépare le réquisitoire écrit qui sera lu au nom du
parqe gnifical i re lt i q908(i)-619(g)-1.117408(e)47 0 174(u)-11.1332( )]TJ 64(e)3.00964( )-251.118(d
270

Comme nous venons de souligner, cet adage n'est applicable qu'à l'audience sur une
procédure judiciaire bien déterminée. En effet, si le magistrat du ministère public est autorisé
à parler librement, c'est parce que les pièces écrites du dossier comprendront toujours par
hypothèse, une opinion différente de la sienne et qu'il appartiendra en fin de compte à la
juridiction de jugement, dont c'est le rôle, de statuer au vu de tous les aspects de l'affaire. Cela
suppose donc que le lieu de la liberté de parole soit une audience véritable où est débattu un
procès pénal au fond. La liberté de parole ne peut jouer en faveur des officiers du ministère
public dans leur vie extrajuridictionnelle ni même au cours de cérémonies qui ne portent que
par abus de langage le nom "d'audience" solennelle de rentrée d'une juridiction ou à l'occasion
de décès d'un magistrat, par exemple.

Cet adage consacre l'indépendance d'expression du magistrat du parquet qui développe


librement les observations qu'il croit convenables au bien de la justice. Il n'est pas l'adversaire
ou l'accusateur systématique de la personne poursuivie; il défend une thèse qui lui paraît
servir au mieux les intérêts de la société en recherchant avant tout la manifestation de la vérité
après avoir pesé en toute impartialité les éléments à charge et à décharge. Cet adage est la
pierre angulaire du statut des magistrats du ministère public . Il caractérise une institution
reposant sur un équilibre subtil et fragile entre indépendance et autonomie735. Cet adage
s'applique en RDC en tant que principe général du droit mais il serait souhaitable qu'il soit
prévu dans la loi comme en France736. Cela mettrait les magistrats du parquet à l'abris
d'ouverture intempestive des dossiers disciplinaires par leurs chefs hiérarchiques sous prétexte
qu'ils n'ont pas respecté les instructions de la hiérarchie.

3. L’irrecusabilité du ministère public

En principe, le ministère public est irrécusable en matière répressive étant donné qu'il est
partie principale et nécessaire au procès pénal (demandeur) car une partie ne peut pas récuser
son propre adversaire. Concrètement, en matière répressive (pénale), le ministère public
poursuit l’action publique au nom de la société et en cette qualité là, il ne peut pas être récusé.
De même, en matière de droit privé (civile, commerciale, sociale et du travail), au cours de
l'instance, le ministère public peut exceptionnellement agir par voie d’action principale dans
l’intérêt de toute personne physique lésée qui serait inapte à ester en justice, à assurer sa
défense et à y pourvoir (article 68 alinéa 3 à 5 de la loi organique) étant donné qu'il assume
dans ce cas, les mêmes rôles que les parties privées c'est à dire il peut ici être soit demandeur
soit défendeur, la partie adverse ne peut jamais le récuser. Dans ce cas, comme il est
exceptionnellement la partie principale, il ne peut jamais faire l'objet de récusation étant
donné qu'il n'est pas permis à une partie de récuser son adversaire d'autant plus que les propos
du récusant n'auront plus de contradicteur.

735
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 358 , p.283.
736
L'article 5 in fine de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant statut des magistrats dit " à
l'audience, leur parole est libre" et l'article 33 du Code de procédure pénale dit " il développe librement
les observations orales qu'il croit convenables au bien de la justice".
271

La récusation du ministère public est envisageable lorsqu'il intervient en matière de droit


privé en tant partie jointe et exceptionnellement en matière pénale durant l'instruction
préparatoire. S'agissant de son intervention en matière de droit privé en tant que partie jointe;
l’article 55 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire étend la possibilité de
récusation aux représentants du ministère public lorsque celui-ci intervient par voie d’avis
c’est-à-dire comme partie jointe dans une affaire civile, commerciale, sociale, de la famille et
non en matière pénale lorsqu’il est partie principale car on ne saurait récuser son propre
adversaire. La récusation du ministère public en tant partie jointe n’est applicable qu’à
l’audience; on voit mal comment elle peut être enviseable en dehors de l'audience étant
donné que les parties ne sont pas encore au courant du représentant du ministère public qui
donnerait son avis en cette matière. Le législateur a prévu la récusation dans cette situation car
le ministère public se trouve dans les mêmes conditions que le juge tel que prévu à l'article 49
de la loi organique d'autant plus qu'en lui reconnaissant qualité de donner un avis, il devrait en
conséquence être impartial dès lors que le juge peut suivre son avis.

S'agissant de l' intervention du ministère public en matière pénale durant l'instruction


préparatoire, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
l’inculpé qui estime que l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 (et non par erreur de saisie l'article 50),
adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir ce magistrat être déchargé de
l'instruction de la cause; il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu.

Comme on peut le remarquer, pour que l’officier du ministère public soit déchargé de
l’instruction préparatoire pour absence d’impartialité, l’une des conditions de l’article 49 de la
loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire doit être réunie. Autrement dit, l’une des 8
causes de récusation prévues par cette loi organique doit être réunie dans la chef dudit
magistrat et ce qui suppose que la récusation du ministère public à l’audience de jugement en
matière pénale ne peut être accueillie si celui-ci agit comme partie principale.

Pour rappel, ces huit causes de récusation prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée
sont:
1. si le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire ;
2. si le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale
jusqu’au troisième degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son
mandataire ;
3. s’il existe une amitié entre le juge et l'une des parties ;
4. s’il existe des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou d’employé
entre le juge et l’une de parties ;
272

5. s’il existe une inimitié entre le juge et l’une des parties ;


6. si le juge a déjà donné son avis dans l’affaire ;
7. si le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète,
d’expert, d’agent de l’administration, d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
8. si le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou
d’officier du ministère public.

Il convient de souligner que le droit de demander de décharger l'officier du ministère


public n'appartient qu'à l'inculpé (article 59 de la loi organique) et non à toutes les parties en
cause. Ainsi, l'inculpé devra demander au chef hiérarchique du magistrat du parquet suspecté
de partialité afin de retirer à celui-ci le dossier et l'attribuer à un autre magistrat du parquet
parmi ses collègues. Dans la pratique, le chef d'office de parquet en informe au concerné et le
dossier lui est retiré par voie d'ordonnance ou pas. Le magistrat suspecté de partialité ne s'y
oppose pas en général. Nous pensons que l'on devrait offrir à toutes les parties cause
(également le plaignant) cette possibilité de demander de décharger l'officier du ministère
public lorsque le magistrat du parquet se trouve dans les conditions de récusation.

En revanche en droit belge737 et français738, la récusation du ministère public est interdite


de manière expresse en matière pénale qu’il s’agisse de l’audience ou durant l'instruction
préliminaire ou préparatoire.

Au vu de ces éléments, en principe, le ministère public est irrécusable en matière


répressive étant donné qu'il est partie principale et nécessaire au procès pénal (demandeur)
car une partie ne peut pas récuser son propre adversaire, surtout qu'en matière répressive
(pénale), le ministère public poursuit l’action publique au nom de la société et en cette qualité
là, il ne peut pas être récusé. En effet, le ministère public, au sens général du terme, est par
principe l'adversaire de la personne poursuivie et on ne peut attendre de lui qu'il soit favorable
ni même qu'il soit neutre en ce qui le concerne. D'autre part, la récusation ne se conçoit qu'à
l'égard de quelqu'un qui prendra des décisions juridictionnelles impliquant le demandeur. Or
le ministère public ne juge pas, il se contente de soumettre ses prétentions à la juridiction qui
tranchera. Enfin, on ne peut même pas dire qu'il serait possible sans récuser le ministère
public car la règle d'indivisibilité qui fond les hommes dans la fonction, interdit de considérer
personnellement l'officier qui agit.

En tout état de cause, la procédure de récusation reprochée à un magistrat du ministère


public est très rare dans la pratique judiciaire congolaise d’autant plus que cet article 49 de la
loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
737
Article 832 du Code judiciaire belge; Voyez M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de
procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.1351; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Le jugement, les voies de recours,
procédures particulières et la coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014,
p.1517; G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd.
Larcier, 2015, n° 6.8, p. 575.
738
Article 669 alinéa 2 du Code de procédure pénale; Voyez B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd.
Dalloz, 2010, n° 177, p. 148; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 45, p. 91.
273

compétences des juridictions de l'ordre judiciaire vise principalement le magistrat du siège


c’est-à-dire le juge.

Mais les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats739 donnent


des obligations déontologiques d'impartialité à tout magistrat en ce compris l'officier du
ministère public et l'obligent à se déporter lorsque les conditions dudit Code sont réunies.
Ainsi, le magistrat doit faire preuve d’objectivité et se prémunir notamment de l’influence de
son milieu, de sa culture, de ses préjugés et de ses conceptions religieuses, ethniques ou
philosophiques comme de ses opinions politiques740. Il doit, dans l’exercice de ses fonctions,
éviter tout conflit d’intérêts ainsi que toute situation susceptible d’être perçue comme tel741. Il
doit aussi s’abstenir de faire tout commentaire sur une affaire dont il est saisi ou il va être
saisi, susceptible de faire craindre qu’il affecte le résultat du procès ou de faire obstacle au
caractère équitable de ce procès742. De même et surtout, le magistrat est tenu de se déporter
immédiatement dès qu’il a connaissance de toute affaire ayant un lien avec ses intérêts
personnels, ceux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de ses amis. Il en est de même de
tous ses réseaux d’appartenance chaque fois qu’il existe des motifs pouvant mettre en cause
son impartialité743. Désormais, le déport est une obligation déontologique du magistrat
lorsque l'une des conditions prévues à l'article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire ainsi que les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats744
sont réunies.

Dans le même sens, les paragraphes 9 et 24 de la Recommandation R(2000)19 du


Conseil de l'Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale mettent
l'accent sur l'impartialité. Ainsi, le paragraphe 9 de cette recommandation dit: "S'agissant de
l'organisation et du fonctionnement interne du ministère public notamment la répartition des
affaires et l'évocation des dossiers, elles doivent répondre à des conditions d'impartialité et
être exclusivement guidées par le souci du bon fonctionnement du système de justice pénale,
notamment la prise en considération du niveau de la qualification juridique et de
spécialisation (...)". Le paragraphe 24 souligne: " Dans l'exercice de sa mission, le ministère
public doit notamment agir de façon équitable, impartiale et objective".

Comme on peut le remarquer, la tendance actuelle est d'obliger tous les magistrats (juge
et ministère public) à respecter leur devoir d'impartialité. Quelle confiance le justiciable peut-
il avoir dans la justice où le parquet est représenté par un avocat général parrain du fils du
prévenu ? Il est donc clair que l'obligation d'impartialité s'impose aussi au parquet. Par
exemple, l'existence d'un lien de parenté, d'alliance ou simplement affectif (entre parrain et
739
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
740
Article 7 alinéa 2 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
741
Article 8 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
742
Article 11 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
743
Article 9 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
744
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
274

filleul) entre le représentant du parquet et le prévenu (ou sa famille) peut troubler l'image de la
justice quant à l'objectivité du parquet. C'est pourquoi, le magistrat du parquet doit se déporter
s'il se trouve dans l'une des conditions prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée sinon
il pourra être poursuivi en matière disciplinaire pour violation des articles 6 à 13 du Code
d'éthique et de déontologie des magistrats.

4. L’irresponsabilité du ministère public

En principe, l’officier du ministère public ne peut être condamné aux frais ou à des
dommages et intérêts si le prévenu est acquitté au bénéfice de doute ou pour absence
d’éléments constitutifs de l’infraction ou si le dossier est classé sans suite pendant l'instruction
préparatoire. Mais son irresponsabilité n'est pas absolue car la doctrine moderne745 admet que
le magistrat peut engager sa responsabilité lorsqu’il est à la base du dysfonctionnement de la
justice. Aussi, s’il a commis une faute personnelle (dol, concussion et déni de justice), sa
responsabilité civile peut être engagée, comme celle des magistrats du siège, par la procédure
de la prise à partie.

S'il commet une faute disciplinaire, il peut être poursuivi en matière disciplinaire devant la
Chambre de discipline du CSM de son ressort. Ainsi, l'article 47 de la loi organique n°06/020
du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats retient comme fautes disciplinaires à son
égard:
1. le fait, pour un magistrat du parquet, de ne pas rendre son avis dans les délais
suivants:
a) endéans dix jours au pénal ;
b) endéans trente jours pour les matières du travail ;
c) endéans trente jours pour les affaires civiles ou commerciales ;
2. Le fait pour un magistrat de chercher directement ou indirectement à entrer en
contact avec les parties en cause avant son avis ou sa décision selon le cas ;
3. Le fait de procéder à des arrestations et détentions arbitraires ;
4. Le fait de ne pas informer l’inculpé ou prévenu de ses droits, conformément aux
articles 17746 et 18747 de la Constitution ;

745
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 88-93, pp. 89-94; B.
BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 178, p. 149; S. GUINCHARD, G.
MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions juridictionnelles, Paris, 10e éd. Dalloz, 2009,
n° 816 à 817, pp. 832-833.
746
Aux termes de cette disposition constitutionnelle : « La liberté individuelle est garantie. Elle est la règle, la
détention l’exception. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans
les formes qu’elle prescrit. Nul ne peut être poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue
pas une infraction à la fois au moment où elle est commise et au moment des poursuites. Nul ne peut être
condamné pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction à la fois au moment où elle
est commise et au moment de la condamnation. Il ne peut être infligé de peine plus forte que celle
applicable au moment où l’infraction est commise. La peine cesse d’être exécutée lorsqu’en vertu d’une
loi postérieure au jugement :
1. elle est supprimée ;
2. le fait pour lequel elle était prononcée n’a plus le caractère infractionnel.
En cas de réduction de la peine en vertu d’une loi postérieure au jugement, la peine est exécutée conformément
à la nouvelle loi ».
275

4. le fait d’encourager ou de pratiquer la torture ;


5. le fait pour un magistrat de violer les termes de son serment ;
6. Le fait pour un magistrat, au cours de l’instruction, de se rendre coupable des tortures
ou d’autres traitements cruels, inhumains, dégradants ou encore d’harcèlements et des
violences sexuelles748 ».

Enfin, s’il commet une infraction, l'officier du ministère public peut évidemment faire l’objet
de poursuites pénales devant les juridictions compétentes.

V. Attributions du ministère public

1. Attributions générales

Elles sont prévues par les articles 66 à 69 et 71 de la loi organique n°13/011-B du 11


avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre
judiciaire. Le ministère public remplit les devoirs de son office auprès des juridictions établies
dans son ressort749 sans exercer la fonction juridictionnelle. Ainsi, le ministère public surveille
l’exécution des actes législatifs, des actes réglementaires et des décisions de justice. Il
poursuit d’office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l’ordre public. Il a la
surveillance de tous les officiers de police judiciaire, des officiers publics et des officiers
ministériels, sauf des agents du greffe et de l’office des huissiers. Il veille au maintien de
l’ordre dans les cours et tribunaux sans préjudice des pouvoirs du juge qui a la police de
l’audience. Cela signifie que le maintien de l'ordre dans tous les services des cours et
tribunaux incombe particulièrement au ministère public car c'est lui qui doit veiller à ce que la
justice soit rendue dans l'ordre et sans la moindre dérage des justiciables.

Il assiste à toutes les audiences de la Cour de cassation, des cours d’appel, des tribunaux de
grande instance et des tribunaux de commerce, des tribunaux de travail, des tribunaux pour
enfants et des tribunaux de paix. Il ne prend pas part au délibéré750.

Aucune juridiction ne peut statuer sans que le ministère public n’ait été entendu. L’article
66 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire oblige le ministère public d'assister à toutes
les audiences y compris aux tribunaux de paix. Il intervient avant toutes décisions des

La responsabilité pénale est individuelle. Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné pour fait
d’autrui. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité
ait été établie par un jugement définitif ».
747
Cette disposition est libellée de la manière suivante : « Toute personne arrêtée doit être informée des motifs
de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle
doit être immédiatement informée de ses droits. La personne gardée à vue a ne peut excéder quarante huit
heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de
l’autorité judiciaire compétente. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé
physique et mentale ainsi que sa dignité ».
748
Article 47 de la loi organique portant statut des magistrats.
749
Article 71 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
750
Article 66 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
276

juridictions et il le fait au moyen de réquisitions ou réquisitoires (matière pénale) ou d'avis


(matière de droit privé) dans lesquels il demande à ces juridictions de statuer dans tel sens.

2. Attributions en matière pénale

Le ministère public recherche les infractions aux actes législatifs et réglementaires qui sont
commises sur le territoire de la République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations,
accomplit tous les actes d’instruction et saisit les cours et tribunaux751. Mais c’est rare que les
officiers du ministère public constatent eux-mêmes les infractions, généralement ce sont les
OPJ qui leur transmettent les procès-verbaux de constat et autres. Bien que l'officier du
ministère public possède tous les pouvoirs et compétences de l'OPJ, son rôle, en matière de
recherche des infractions, est bien plus de diriger l'OPJ que de se substituer à lui.

Bref, en matière pénale, le ministère public recherche, constate les infractions, exerce les
poursuites, instruit, requiert l’application des peines contre les délinquants et surveille
l’exécution des condamnations prononcées. C’est le ministère public en effet qui soutient
l’accusation c’est-à-dire il demande au nom de la société qu’il représente la condamnation des
auteurs présumés de l’infraction, veille à l’exécution des condamnations prononcées par les
tribunaux répressifs, fait incarcérer les condamnés et surveille l’exécution des peines
prononcées contre eux.

Le ministère public qui agit au nom de la société à laquelle l’infraction a porté atteinte (on
dit souvent qu’il est l’avocat de la société) n’est pas un juge. Il a pour mission d'assurer la
défense de l'intérêt général et de veiller au respect de l'ordre public comme à l'observation et à
l'exacte appréciation de la loi. Il est chargé dans l'intérêt de la société, de la recherche, de la
poursuite et de la répression des infractions. Il a le pouvoir d’exercer l’action publique (c'est
la poursuite intentée en vue de faire appliquer aux délinquants les peines portées par le Code
pénal et les autres lois752), de poursuivre, d’instruire mais n’a pas le pouvoir de juger, c’est-à-
dire de décider de l’innocence ou de la culpabilité et de prononcer un acquittement ou une
condamnation à une peine. C’est pourquoi, il ne peut être l’objet ni d’une récusation comme
un juge déterminé, ni d’une requête en suspicion légitime comme un tribunal entier.

De même, le ministère public intervient comme partie principale car c'est lui qui exerce
l'action publique en poursuivant les auteurs qui ont commis infractions. L’action publique est
la poursuite intentée en vue de faire appliquer aux délinquants les peines portées par le Code
pénal et les autres lois753. Une plainte préalable de la victime n'est en principe pas requise.

L'action publique est mise en mouvement par:

751
Article 67 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
752
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 366, p.287.
753
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 366, p.287.
277

- soit par le parquet par voie de l'ouverture d'une instruction pénale. Celle-ci est l'ensemble
des actes qui ont pour objet de rechercher les auteurs d'infraction, de rassembler les preuves et
de prendre les mesures destinées à permettre aux juridictions de statuer en connaissance de
cause;
- soit par la partie civile, c'est-à-dire par la personne ayant subi un dommage par suite d'une
infraction et saisit directement la juridiction compétente par voie de citation directe. Celle-ci
est le fait de saisir directement le tribunal (sans passer par l'instruction du parquet) afin que
l'instruction pénale soit menée par le tribunal lors de l'audience publique et qu'un jugement
soit également prononcé. Mais la citation directe n'est pas applicable lorsque l'auteur de
l'infraction est bénéficiaire du privilège de juridiction.

3. Attributions en matière pénale du ministère public près la Cour constitutionnelle

En matière pénale, le Procureur général près la Cour constitutionnelle recherche et


constate les infractions relevant de la compétence de la Cour (infractions commises par le
Président de la République et le Premier ministre), soutient l’accusation et requiert les peines.
Dans les autres matières de la compétence de la Cour, il émet des avis motivés, assiste à
toutes les audiences de la Cour. Il peut y présenter des observations et ne prend pas part au
délibéré. Le Procureur général autorise la levée des pièces des dossiers instruits par le Parquet
général. Avant leur entrée en fonction, les membres du Parquet général prêtent le serment ci-
après, dans les conditions déterminées à l’article 10 de la loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle : « Je jure de respecter la Constitution et les lois
de la République démocratique du Congo et de remplir loyalement et fidèlement, avec
honneur et dignité, les fonctions qui me sont confiées ».

§ 2. Instruction préparatoire du ministère public (parquet)

I. Caractères et principes à respecter durant l'instruction préparatoire

1. Procédure écrite

Le caractère écrit est une donnée permanente de l'instruction préparatoire. Il permet une
instruction plus approfondie, en gardant les traces écrites qui seront utiles aux juridictions de
jugement en comparaison des déclarations orales. L'instruction est écrite signifie que les
propos tenus par l'auteur présumé de l'infraction, les victimes et témoins au cours de cette
étape, sont transcrits. L'officier du ministère public établit des procès verbaux pour relater les
résultats de ces recherches et mandats qui sont souvent eux-mêmes écrits. On appelle procès-
verbal, l'acte relatant une infraction ou les recherches effectuées au sujet d'une infraction dont
un magistrat ou un agent compétent a été témoin ou a eu connaissance. Ces procès verbaux
qui reprennent ce que ces personnes ont personnellement vu, entendu et fait, sont versés au
dossier répressif et continuent d'ailleurs l'essentiel de celui-ci.

Le procès verbal doit contenir le nom et la qualité du magistrat, notamment pour permettre
de vérifier s'il avait bien compétence pour agir. Il doit contenir aussi le nom, l'âge et le
278

serment de l'interprète ou expert s'il échet. Il doit indiquer également diverses mentions
propres à l'acte considéré: le nom de l'inculpé comparant ou témoin, la représentation des
pièces à conviction, les saisies effectuées, les opérations de reconstitution, la circonstance que
les témoins sont entendus séparément ou confrontés; le refus par l'inculpé ou le témoin de
répondre ou de signer, les outrages de l'inculpé ou du témoin, la date et heure des opérations
(utile pour apprécier l'interruption de la prescription de l'action publique), la lecture des
dépositions, la signature du magistrat verbalisant et des comparants.

Le procès verbal doit indiquer avec exactitude les actes du magistrat verbalisateur et les
opérations effectuées (descente sur le lieu, audition au cabinet du magistrat, perquisition,
saisie, etc.), ou les déclarations des comparants ainsi que l'attitude des comparants. Une fois
établi soit à la machine soit à la main, le procès verbal doit être lu par le comparant ou toute
personne auditionnée afin de lui permettre de vérifier l'exactitude de ses déclarations avant de
le signer.

Les procès verbaux ont une valeur probante car les mentions portées au procès-verbal
constituent la preuve de ce qui s'est dit ou passé devant le magistrat instructeur. Ils font foi
jusqu'à inscription de faux, qu'ils soient relatifs aux paroles ou actes imputés aux témoins et
parties ou qu'ils concernent l'accomplissement des formalités prévues par la loi, qu'ils soient
imprimés, dactylographiés ou manuscrits.

L'ensemble des documents ainsi rassemblés constitue le dossier de l'instruction. Toutes les
pièces sont cotées par le magistrat instructeur au fur et à mesure de leur établissement ou leur
réception. Le but de la cotation est de permettre de vérifier la chronologie de l'instruction et
qu'il n'y a pas eu de fraudes aux parties. Il est conseillé d'établir le dossier en double
exemplaire: un exemplaire sera envoyé devant la juridiction de jugement au cas où le
magistrat estime que les faits doivent se clôturer par un jugement, et un autre exemplaire
restera au cabinet de magistrat instructeur. Si dans l'entretemps une procédure en cours a
disparu, seules les pièces établies en double exemplaire permettent la poursuite de
l'instruction. A défaut de telles copies, celle-ci doit être recommencée à partir du point où les
pièces se trouvent manquées.

Quand bien même la procédure est encore largement écrite, pour autant, l'oralité progresse
dans l'instruction préparatoire: parce qu'il faut bien interroger les intéressés. Surtout, parce
que le législateur a instillé, progressivement, de l'oralité dans la procédure pénale, avec le
débat sur la mise en détention préventive, avec la comparution personnelle des parties devant
la chambre du conseil.

2. Procédure secrète

a) Sens traditionnel

L'expression "secret de l'instruction préparatoire" est susceptible de deux sens: sens


interne (à l'égard des parties) et sens externe (à l'égard des tiers). Le secret interne de
279

l'instruction préparatoire (à l'égard des parties) signifie que les parties n'ont pas le droit d'être
tenues au courant du dossier. Il a pour conséquence la non contradiction, c'est-à-dire
l'impossibilité pour les parties d'apporter leurs preuves et de discuter celles qui leur sont
opposées. Cette conception ancienne date de 1670 (17 ème siècle)754. Le secret externe de
l'instruction préparatoire (vis-à-vis des tiers) signifie la non-publicité des actes de
l'instruction: les inculpations, les investigations de toute sorte, les décisions des magistrats
instructeurs restent inconnues du public755. Cette conception date du XIX ème siècle756. C'est
ce dernier sens qui est souvent pris en considération.

En RDC, la procédure de l'enquête préliminaire et de l'instruction préjuridictionnelle est


secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans
les conditions et sous les peines prévues à l'article 73 du Code pénal congolais livre II qui
punit la violation des secrets professionnels de un à 6 mois et une amende ou l'une de ces
peines seulement. Toutefois, le procureur de la République peut, lorsque l'intérêt d'une
enquête l'exige ou que la mesure est impérieusement réclamée par l'opinion publique,
autoriser, par une décision motivée, la communication à la presse de tels éléments d'enquête
qu'il précise. La décision indique le mode de diffusion ainsi que la personne qui en est
chargée757.

b) Sens moderne

Concernant le sens interne du secret de l'instruction préparatoire (à l'égard des parties); il


convient de préciser qu'actuellement, pendant l'instruction préparatoire, les différentes
législations autorisent d'informer les personnes poursuivies les charges qui pèsent contre elles
et les victimes ont en général accès au dossier. Au nom du droit à la défense, la personne
poursuivie et les parties civiles ne sont pas tenus au secret de l'instruction préparatoire. Cela
ne devrait pas ne devrait pas être admis de la part des témoins qui concurrent à la procédure
d'instruction et, par là même, à l'oeuvre de justice758.

Même en RDC, ce sens a beaucoup évolué. Ainsi, il convient de souligner même si


l'instruction préparatoire est secrète (sens interne c'est-à-dire à l'égard des partie), la
Constitution du 18 février 2006 reconnaît à toute personne arrêtée le droit d'être
immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre
elle et ce, dans la langue qu'elle comprend. Elle doit immédiatement être informée de ses
droits. La personne gardée à vue a le droit d'entrer immédiatement en contact avec sa famille
ou avec son conseil759. La Constitution prévoit également que toute personne a le droit de se
défendre elle-même ou de se faire assister d'un défenseur de son choix et ce, à tous les
niveaux de procédure pénale, y compris l'enquête policière et l'instruction préjuridictionnelle.

754
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 370, p. 587.
755
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 92, p. 105.
756
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 371, p. 588.
757
Article 32 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
758
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1677, p. 865.
759
Article 18 alinéas 1 à 3 de la Constitution du 18 février 2006.
280

Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité760. Comme on le voit, la
conception du secret de l'instruction préparatoire du 17 ème siècle a beaucoup évolué et n'est
plus la même aujourd'hui.

Il serait souhaitable d'adapter en toute urgence les dispositions légales en cette matière à la
Constitution du 18 février 2006. En attendant cette modification législative, une circulaire
devrait être prise rapidement par le Procureur général près la Cour de cassation afin
d'expliquer aux officiers du ministère public les moyens de garantir aux justiciables ce droit
constitutionnel et le justiciable qui se verrait priver de ce droit constitutionnel, peut saisir la
Constitutionnelle.

Concernant le sens externe du secret de l'instruction préparatoire (à l'égard des tiers), il a


aussi beaucoup évolué. Ainsi, le secret de l'instruction préparatoire (au sens externe c'est-à-
dire à l'égard des tiers) fait face au droit à l'information où la presse a tendance à chercher
l'information pour voir la livrer au public. Doit-on au nom du secret de l'instruction
préparatoire ne rien dire à la presse à propos d'une enquête menée ? Nous pensons qu'au XXI
siècle, cela n'est plus possible mais il serait mieux de prendre une solution intermédiaire qui
consiste à désigner au sein de chaque parquet un porte-parole qui répondrait en cas de besoin
aux questions de journalistes pour corriger les erreurs diffusées dans la presse et permettre à la
justice de remplir une fonction pédagogique. C'est cette solution qui est appliquée en
Allemagne761. Ainsi, les lois des Länder sur la presse obligent les autorités à communiquer à
la presse les renseignements dont elle a besoin pour l'accomplissement de sa mission, sauf s'il
peut résulter une gêne pour le bon déroulement de la procédure ou si un intérêt prépondérant
ou un intérêt légitime serait lésé762.

De même en Belgique, la plupart des parquets ont désigné en leur sein un magistrat chargé
plus spécialement des relations avec la presse et des communications relatives aux affaires
sensibles en cours. Il revient au parquet, en sa qualité de la partie poursuivante, de prendre la
responsabilité première de communication à la presse763.

Il en est de même de la France, l'Espagne et l'Italie. Ainsi en France, le Code de procédure


pénale donne au procureur de la République de publier, d'office ou la demande des parties,
publiques et privées, des éléments objectifs tirés de la procédure, à la condition que ceux-ci ne
comportent aucune appréciation sur le bien fondé des charges retenues contre les personnes
mises en cause, tout en renforçant le droit de la personne bénéficiaire d'un non-lieu d'obtenir
la publication d'un communiqué764. C'est pourquoi, des circulaires autorisent le parquet à faire
des communiqués à la presse, notamment "afin de mettre un terme à la propagande des
rumeurs et des contre-vérités"; l'Espagne reconnaît au ministère public le droit de faire des
760
Article 19 alinéas 4 et 5 de la Constitution du 18 février 2006.
761
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 514, p. 454.
762
J. PRADEL, Droit pénal comparé, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2008, pp. 243-244.
763
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.357.
764
Articles 11 alinéa 3 et 177-1 du Code de procédure pénale; Voyez S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1677, p. 867.
281

communiqués "dans son domaine de compétence et dans le respect de l'instruction"; la


jurisprudence italienne reconnaît l'existence d'une "véritable liberté d'information des
journalistes et d'un intérêt commun à l'information" et consacre "la valeur constitutionnelle
tant des intérêts relatifs à l'instruction judiciaire que ceux relatifs à l'information"765. Enfin,
le système anglais ne connaît pas le caractère secret de l'instruction: la presse est donc libre
d'en révéler le contenu766.

En RDC, dans un premier pas, l'Assemblée générale du CSM a crée un porte-parole du


Conseil supérieur de la magistrature au niveau national et provincial: au niveau national c'est
le Procureur général près la Cour de cassation et au niveau provincial, c'est le procureur
général près la Cour d'appel. Toutes les questions relatives au CSM et à la justice, seront
adressées à ces autorités767. L'on devrait étendre cela au niveau de chaque ressort du tribunal
de grande instance et tribunal de paix.

Dans ce contexte, au nom du droit à l'information, la loi devrait reconnaître au ministère


public la faculté de communiquer des informations à la presse lorsque l'intérêt public l'exige.
De même, l'avocat devrait fournir des informations aux médias lorsque l'intérêt de son client
l'exige. Ces communications à la presse devraient avoir lieu qu'en respectant la présomption
d'innocence, les droits de la défense des suspects, des victimes et des tiers, la vie privée et la
dignité des personnes.

c) Fondement du secret de l'instruction préparatoire

Le fondement du secret de l'instruction préparatoire réside, d'une part, dans la nécessité


d'une enquête efficace et, d'autre part, dans la protection indispensable des droits des
personnes concernées, dans la mesure où une instruction préparatoire peut évidemment
aboutir à un classement sans suite. De même, la publicité nuit à la bonne marche des
investigations768, les suspects sont mis au courant de la procédure et il est possible que lui ou
le témoin ne collabore pas à la manifestation de la vérité.

De manière simple, l'exigence du secret de l'instruction est justifiée par le souci de :


- faciliter l'oeuvre répressive en évitant d'étaler en public un travail de recherche et de
décantation des preuves et en évitant les pressions de l'opinion publique sur une magistrature
qui doit être indépendant et libre;
- mettre l'inculpé à l'abri de la calomnie, dont un non-lieu n'effacera pas toujours les effets;
- protéger le public contre les abus d'une presse qui cultive trop aisément le goût du scandale
et des affaires pénales à sensation769.

765
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.355.
766
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 464.
767
Résolution n° 006/2013 du 30 avril 2013 relative à la communication interne et externe du Conseil supérieur
de la magistrature.
768
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 513, p. 452.
769
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 447.
282

3. Procédure non contradictoire

a) Sens traditionnel

L'instruction préparatoire est non contradictoire: la personne considérée comme suspecte, ou


vers laquelle se dirige l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire ne trouve pas dans la
loi la possibilité de contredire l'avancement de l'enquête ou l'instruction, de solliciter et
d'exiger l'accomplissement de devoirs particuliers d'enquête, ou d'avoir accès au dossier de
l'enquête en tant que tel; la victime de l'infraction se trouve dans la même situation.

Ainsi, dans la procédure non contradictoire, les recherches devraient être menées d'autorité,
sans interférence des parties afin de favoriser l'efficacité des recherches. Cela signifie que le
magistrat conduit son enquête librement sans être tenu de prendre en considération les
requêtes de la personne mise en cause ou la victime770.

b) Sens moderne

Actuellement, l'affirmation que la procédure d'instruction préparatoire n'est pas


contradictoire est à nuancer. Elle reste vraie, assez largement dans les relations des parties
privées avec le parquet mais il s'agit plus d'un problème d'égalité des armes, que de
contradictoire. Il est vrai qu'un équilibre des armes est mieux établi depuis, que comme le
ministère public, les parties privées peuvent solliciter l'exécution de tous les actes
d'instruction771.

II. Dispositions générales de l'instruction préparatoire du ministère public

1. Réception et constitution du dossier de la procédure

En général, le ministère public reçoit le dossier de la procédure de l'OPJ ou encore toute


autorité qui a l'obligation légale de lui dénoncer les infractions et de lui transmettre les
procédures. Mais, il arrive que le ministère public est saisi directement d'une plainte d'un
particulier ou d'une institution, dans les deux cas, il constituera un dossier de la procédure
nécessaire à l'appréciation des charges éventuelles et à la prise de décision de l'action publique
sous RMP (registre du ministère public).

Lorsque l’officier du ministère public a reçu sous escorte de l'OPJ le prévenu


délinquant, il peut éventuellement poursuivre l’instruction soit personnellement, soit par le
canal d’un officier de police judiciaire pour compléter certains devoirs omis ou pour
accomplir des devoirs qui nécessitent un mandat du ministère public. De même, les officiers
du ministère public peuvent exercer eux-mêmes toutes les attributions des officiers de police
judiciaire.

770
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.351.
771
Article 82-1 du Code de procédure pénale français; Voyez S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure
pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1679, p. 868.
283

2. Appréciation du dossier de la procédure

Quand un dossier RMP a été ouvert au parquet, le procureur de la République va le confier


un des magistrats du parquet pour procéder à son étude afin d'en apprécier l'état, c'est-à-dire la
consistance et la pertinence des preuves recueillis ainsi que les possibilité légales qu'il offre
sous l'angle de l'action publique. Le dossier prendre l'initial du magistrat instructeur. Si le
magistrat instructeur du dossier s'appelle François Malikidogo Katembo, le dossier sera
dénommé RMP/FMK. C'est désormais ce magistrat qui sera chargé d'instruction préparatoire
dudit dossier sous la direction de son chef hiérarchique.

Le magistrat instructeur pourra apprécier si les preuves sont solides et éventuellement les
éléments constitutifs de l'infraction, dans ce cas, il mènera à bien l'instruction préparatoire du
dossier. Dans le cas contraire, il pourra le classer sans suite dès lors que les circonstances
particulières le justifient. Le ministère public possède un pouvoir d'appréciation en tenant
compte de l'opportunité des poursuites. Il y a opportunité des poursuites lorsque l’abstention
est de poursuites est dictée par des considérations d’ordre politique ou social, c’est-à-dire
la répression serait plus punissable qu’utile à l’ordre public. En effet, il peut arriver des cas où
l’exercice des poursuites judiciaires peut être à l’origine de graves troubles sociaux auxquels
cas l’intérêt supérieur du pays requiert que ces poursuites n’aient pas lieu afin de sauvegarder
la paix sociale. De même, l'inopportunité des poursuites peut résulter du faible préjudice
causé par l'infraction reprochée, du caractère mineure du rouble à l'ordre public qu'elle
provoqué, de la personnalité de l'auteur présumé de l'infraction, de son honorabilité ou de sa
volonté affichée, et corroborée, de ne pas réitérer les faits alors qu'il est délinquant primaire,
ou encore du fait qu'il a indemnisé la victime.

Lorsqu'ils veulent clôturer le dossier par amende transactionnelle, l'action publique n'est
éteinte que si le magistrat sous l'autorité duquel ils exercent leurs fonctions ne décide pas de la
poursuivre. Ils peuvent en outre inculper les auteurs présumés des infractions, les confronter
entre eux ou avec les témoins et, en général, effectuer ou ordonner tous les devoirs prévus par
la loi. Ils dressent procès-verbal de toutes leurs opérations772. Les officiers du ministère public
peuvent charger les officiers de police judiciaire d'effectuer les devoirs d'enquêtes, de visites
de lieux, de perquisitions et de saisies qu'ils déterminent. Ils ont, dans l'exercice de leurs
fonctions, le droit de requérir la force publique773.

L’officier du ministère public doit interroger l’inculpé, et peut le placer sous mandat
d’arrêt provisoire ou le mettre en liberté s'il estime que les preuves ne sont pas suffisantes.
Le ministère public apprécie si le dossier est suffisamment instruit. Lorsqu’il s’avère qu’il en
est effectivement ainsi, il décidera de saisir le tribunal compétent dans l’éventualité où
l’infraction se cristalliserait. Lorsque l’instruction a débuté par un avis d’ouverture
d’instruction, elle s’achèvera par une note de fin d’instruction. Le magistrat instructeur peut
proposer la saisie de la juridiction compétente, le classement sans suite ou le paiement

772
Article 11 du Code du procédure pénale.
773
Articles 12 et 14 du Code du procédure pénale.
284

d’une amende transactionnelle. Le chef hiérarchique peut choisir l’une des solutions qui
lui sont proposées mais peut aussi renvoyer pour complément d’information.

Lorsque le ministère public estime avoir terminé l’instruction préparatoire, il doit


adresser à son supérieur hiérarchique une note de fin d’instruction ayant pour but d’informer
l’autorité supérieure avant de saisir le tribunal compètent. Après cette étape, il adresse au
président du tribunal compétent une requête aux fins de fixation de la date d’audience. Il est à
noter que tout acte d’instruction ou d’enquête préliminaire doit faire l’objet d’un écrit :
procès-verbal, mandat, réquisition, ordonnance, etc.

III. Pouvoirs et moyens d'investigation du ministère public durant l'instruction préparatoire

Les principales preuves de la commission de l'infraction sont les constatations matérielles,


l'aveu, le témoignage et les indices. Pour les obtenir, le magistrat instructeur dispose de
certains moyens qui traduisent l'importance de ses pouvoirs. Les constatations matérielles
s'effectuent souvent à partir d'une descente sur les lieux, excellent moyen pour le magistrat
instructeur de se forger une opinion. L'aveu ou du moins certaines explications sur les faits
sont obtenus grâce à l'interrogatoire de l'inculpé. Les témoignages sont obtenus par l'audition
des témoins ou du plaignant. Les indices enfin résultent des visites domiciliaires, perquisitions
et saisies, à moins que le magistrat instructeur ne soit dans l'obligation d'ordonner une
expertise pour interpréter les données tirées d'une saisie.

Ces divers moyens d'investigation sont souvent utilisés par le magistrat instructeur dans sa
recherche de la vérité de la commission de l'infraction et mais également la vérité
criminologique. Par exemple, l'interrogatoire de l'inculpé peut servir aussi bien à obtenir des
renseignements sur la vie et les antécédents de l'inculpé que sur les agissements
infractionnels. De même l'expertise peut porter sur le psychisme de l'inculpé aussi bien que
sur un objet774.

Pour ce faire, les officiers du ministère public et de police la judiciaire disposent des
pouvoirs exorbitants dans leur mission d'investigation. Ils ne peuvent user de ces pouvoirs
dans les strictes limites de leur compétence, dans le respect des formes légales, et
exclusivement lorsqu'ils sont impérieusement exigés par l'accomplissement de leur mission.

1. Mener les enquêtes

a) Notions

L'enquête est la partie du procès pénal qui se déroule avant le déclenchement des poursuites.
Il ne faudrait pas en conclure que ce stade procédural est l'oeuvre de la police judiciaire seule.
Celle-ci agit sous l'autorité et la surveillance de l'officier du ministère public de son ressort.
Aussi, les officiers du ministère public peuvent exercer eux-mêmes toutes les attributions des

774
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 342, p. 356.
285

OPJ775. Cependant, le rôle de la police judiciaire est si essentiel que l'enquête est souvent
appelée le "stade policier" du procès776.

Il existe deux grandes formes de l'enquête, celle qui est menée aux fins d'identification de
l'identité d'une personne et celle-plus-importante-qui est conduite aux fins d'élucidation des
faits. La détermination de l'identité d'une personne ou plusieurs personnes est souvent
nécessaire à une enquête (flagrante ou non), soit pour que celle-ci puisse démarrer, soit pour
qu'elle puisse progresser utilement. Outre les OPJ, organes actifs dans la recherche des
preuves, l'enquête met en face trois autres personnages: la victime de l'infraction, l'auteur
présumé de l'infraction "l'inculpé" et l'officier du ministère public.

b) Procédure

L'officier du ministère public peut faire citer devant lui toute personne dont il estime
l'audition nécessaire. La personne régulièrement citée est tenue de comparaître et de satisfaire
à la citation777.

Dans la pratique, le plaignant ou la victime est entendue la première, surtout lorsqu'elle a


déposé plainte. Après on interroge l'auteur présumé de l'infraction ou inculpé ainsi que les
autres personnes qui peuvent étayer la religion du parquet. Lorsque le parquet est saisi des
faits par une plaine ou dénonciation, elle requiert une enquête de la police. Tantôt, la police
judiciaire ayant été informée la première par ses agents ou bien par une plainte ou
dénonciation, transmets ses informations ainsi que les procès verbal y afférent au parquet.

Lorsqu’un procès-verbal ou une plainte parvient au parquet, le magistrat qui l’examine doit
le faire avec la plus grande attention, de manière à en dégager le ou les points importants.
Lorsqu’une enquête menée par l’officier de police judiciaire est insuffisante, le magistrat-
instructeur doit combler les lacunes constatées et déterminer tous les éléments qui lui sont
indispensables pour étayer les conclusions et se former une conviction. Il peut charger de cette
mission l’officier de police judiciaire premier saisi ou un autre officier de police judiciaire au
moyen d’une réquisition d’information. Toutefois, le magistrat vérifie toujours si tel ou tel
autre devoir ne peut être accomplit par lui-même plus rapidement et plus complètement que
par un officier de police judiciaire requis d’informer778.

Les réquisitions d’information adressées aux officiers de police judiciaire, ainsi que les
réquisitions à experts sont rédigées en termes précis et clairs. Le recours aux réquisitions
d’information ne vaut uniquement qu’à l’égard des officiers de police judiciaire du ressort.
Dans les autres hypothèses, il doit être adressé une commission rogatoire au magistrat du
parquet dans le ressort duquel le devoir doit être effectué, avec pouvoir de délégation à un

775
Article 11 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
776
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 519, p. 459.
777
Article 16 alinéas 2 et 3 du Code de procédure pénale.
778
Articles 120 et 122 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
286

officier de police judiciaire. En cas d’urgence, elle pourra être adressée directement à
l’officier de police judiciaire. Outre les devoirs prescrits, le magistrat-instructeur laisse à
l’officier de police judiciaire la faculté de poser toutes les questions utiles et de procéder à
tout devoir d’instruction nécessaire à la manifestation de la vérité779.

2. Mener l'instruction

Les officiers du ministère public peuvent inculper les auteurs présumés des infractions, les
confronter entre eux ou avec les témoins et, en général, effectuer ou ordonner tous les devoirs
d'enquête et d'instruction. Ils dressent procès-verbal de toutes leurs opérations780. Ils peuvent
charger les officiers de police judiciaire d'effectuer les devoirs d'enquêtes, de visites de lieux,
de perquisitions et de saisies qu'ils déterminent. Ils ont, dans l'exercice de leurs fonctions, le
droit de requérir la force publique781.

3. Interroger les auteurs présumés de l'infraction, auditionner les plaignants et les témoins

a) Notion d'interrogatoire

L'interrogatoire peut être défini comme étant l'audition guidée concernant des infractions
qui peuvent être mises à charge par une personne habilitée à cet effet et acté dans un procès-
verbal, dans le cadre d'une enquête préliminaire, d'une instruction préparatoire, dans le but
d'établir la vérité. Le secret de l'instruction préparatoire étant la règle, l'interrogatoire se
déroule en principe au cabinet du magistrat instructeur; aucune disposition n'empêche les
agents de la force publique d'assister à l'interrogatoire en cas de nécessité.

L'interrogatoire présente les caractéristiques suivantes:


- elle implique une situation de questions-réponses, où le verbalisateur procède à une enquête
ciblée;
- elle est menée par une personne habilitée à cet effet (agent de police, fonctionnaires à
compétences judiciaires particulières et autorités judiciaires);
- lors de l'audition, la personne qui interroge mène, guide et interpelle, spécifiquement aux
fins d'obtenir des renseignements de la part de la personne interrogée;
- l'interrogatoire doit être ciblé et porte sur la qualification de l'infraction, les preuves et des
particularités pertinentes y afférentes;
- la personne auditionnée est priée d'assumer personnellement ses déclarations et de signer sa
déposition.

La procédure pénale congolaise, héritée de la procédure pénale belge par le biais de la


colonisation, elle aussi héritée de la procédure pénale française, diffère de la procédure
britannique qui, de type accusatoire même au stade de l'instruction préparatoire, interdit

779
Article 123 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
780
Article 11 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
781
Articles 12 à 14 du Code de procédure pénale.
287

l'interrogatoire de l'inculpé qui plaide coupable; celui-ci n'est pas tenu de fournir une
déclaration sur les faits, de craindre qu'il ne soit amené à fournir ainsi des arguments
susceptibles d'être exploités contre lui. La procédure pénale congolaise considère au contraire
que l'interrogatoire de la personne soumise à l'enquête préliminaire ou à l'instruction
préparatoire, est un acte normal, et que le concours de celle-ci est particulièrement utile à la
manifestation de la vérité quoique son manque de sincérité ne soit pas pénalement
répréhensible. Si l'interrogatoire concerne le plaignant ou le témoin, il s'appelle l'audition, et
s'il concerne l'auteur présumé de l'infraction, il prend le non de l'interrogatoire.

b) L'audition de plaignants ou victimes de l'infraction

L'audition peut se définir comme l'acte consistant, au cours de l'instruction préparatoire, à


entendre un plaignant ou un témoin. Il en généralement conseillé d'auditionner d'abord les
plaignants ou les victimes de l'infraction si celle-ci n'est pas flagrante ou réputée telle, surtout
si la justice a été saisie par voie de plainte de la victime. La victime d'une infraction peut faire
une déclaration, soit pour dénoncer les faits, soit pour toute information. Elle peut intervenir
soit d'initiative soit sur sollicitation des autorités judiciaires ou d'une partie à la procédure.

Le magistrat instructeur est tenu de les convoquer et recueillir leurs déclarations (par procès-
verbal) qui peuvent donner certains détails utiles à l'instruction. Il devrait vérifier
préalablement leur identité et celle de l'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé. Le
plaignant ne prête pas serment avant d'être auditionné.

c) L'interrogatoire de l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction

L'interrogatoire de l'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé constitue un acte essentiel,


peut-être le plus important de tous ceux accomplis par le magistrat instructeur. Il a pour but
d'obtenir les explications de ce dernier sur les faits qui lui sont reprochés et de lui permettre
de se justifier et de se défendre ainsi que de recueillir toutes autres informations pertinentes
pour le jugement de la cause. L'interrogatoire permet d'abord au magistrat instructeur de faire
connaître à l'auteur présumé de l'infraction les faits dont il est saisi et pour lesquels il est
poursuivi. Il tend ensuite à l'obtention de la vérité au sens plein de l'expression:
l'interrogatoire, on le sait, est en effet un moyen d'instruction et un moyen de défense. Par cet
interrogatoire, le magistrat instructeur doit déterminer le moment à partir duquel il doit y
procéder, notamment à partir de quel stade les indices sont suffisants pour autoriser à
considérer la personne non plus comme un auteur présumé de l'infraction à entendre mais
comme un inculpé à interroger. Il est à noter que le magistrat instructeur peut prévoir des
interrogatoires ultérieurs.

Pour ce faire, le magistrat-instructeur doit, dès la réception d’une plainte ou d’un procès-
verbal d’information préliminaire, relever les éléments nécessaires à soutenir les poursuites et
à entraîner la conviction du tribunal saisi. Lors du premier interrogatoire du prévenu arrêté, le
magistrat instructeur vérifie si l’officier de police judiciaire a pris les mesures nécessaires à la
désignation du gardien des biens laissés à son domicile. Il vérifie également si tous les biens
saisis entre les mains dudit prévenu ont été transmis au parquet ou bien, dans le cas où la
288

saisie a été levée, restitués soit au prévenu, soit au gardien de ces biens. Il en est de même de
la récupération des sommes qui resteraient éventuellement dues au prévenu notamment à titre
de salaire. Ce dernier sera interpellé à ce sujet et le nécessaire sera fait pour que ces sommes
soient liquidées par l’employeur moyennant décharge782.

Lors de l'interrogatoire, le magistrat instructeur doit éviter:


- les interrogatoires et les questions trop suggestifs;
- toute manœuvre qui fait pression sur la personne entendue pour obtenir des aveux ou une
version déterminée des faits;
- tout comportement traduisant, dans le chef de l'interrogateur, un parti pris ou une attitude
partiale;
- toutes formes de menace tant verbale que physique à l'égard de la personne entendue;
- toutes formes de violence physique;
- toutes mesures considérées comme contraires au principe de loyauté de l'administration de la
preuve, tels que notamment, le chantage à la libération, les promesses ou les menaces783. Mais
il est admis qu'on peut utiliser la ruse de manière à confondre l'inculpé ou l'amener à
avouer784.

L'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé ne prête pas serment. Non seulement cette
prestation n'est pas requise, mais elle est même interdite en sorte qu'elle doit être refusée
même à celui qui voudrait le prêter. La loi ne prévoit pas le nombre d'interrogatoires de
l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction, nous pensons que le magistrat instructeur, peut
interroger celui-ci autant de fois que cela soit nécessaire, pourvu qu'il contribue à la
manifestation de la vérité.

Dans la pratique, le magistrat instructeur demande d'abord à l'inculpé ses nom, âge,
profession, adresse et antécédents judiciaires. Ensuite, l'interrogatoire ou l'audition de
l'inculpé se déroule de la manière suivante: au début de l'audition, la personne interrogée doit
être informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue. Lors de l'interrogatoire,
la procédure pénale congolaise, hérité de la Belgique est encore fondée sur la recherche sacro-
sainte d'aveux. Ce mode de preuve demeure la preuve par excellence de la culpabilité785.
Certains policiers ont l'habitude d'utilise des stratégies critiquables afin d'obtenir coûte que
coûte un aveu dès que la culpabilité de la personne soupçonnée leur paraît être
incontestable786.

782
Articles 125 et 126 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
783
Voyez C. DE VALKENEER, La tromperie dans l'administration de la preuve pénale, Bruxelles, éd. Larcier,
2002, pp. 319-324, 537-556; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de
la procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, pp. 381-382.
784
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 500.
785
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, n° 594, p. 312.
786
B. DE SMET, "La valeur de l'aveu en matière pénale", Revue de droit pénal et de criminologie, 1994, p. 645.
289

Le procès-verbal d'audition doit reproduire de la façon la plus complète et fidèle les propos
de la personne entendue. Il est conseillé d'utiliser le langage le plus proche de celui pratiqué
par la personne entendue. Il faut éviter dans la mesure du possible, les résumés, les
interprétations ou les réflexions personnelle de l'interrogateur qui n'apparaîtraient pas dans
l'audition comme telles.

Le procès-verbal de l'audition doit indiquer avec précision l'heure du début et de la fin de


l'audition ainsi que du début et de la fin des interruptions éventuelles. Cela pourrait permettre
de mieux apprécier le caractère anormalement long d'un interrogatoire ou l'incidence du
contenu des interruptions éventuelles sur l'audition. A la fin de l'audition, le verbalisant doit
demander au suspect (inculpé) si ses déclarations ne doivent pas être corrigées ou complétées.
Si la personne interrogée souhaite s'exprimer dans une autre langue que le français, le
verbalisateur doit faire appel à un interprète dont l'identité doit être reprise au procès verbal.

Bien cela ne soit pas prévu par le Code de procédure pénale, dans la pratique, le
verbalisateur peut confronter l'inculpé à d'autres inculpés ou témoins ou même confronter les
témoins entre eux. La confrontation peut se dérouler entre un témoin et un suspect mais
également entre plusieurs témoins soutenant des postions différentes. La confrontation peut
être mise en oeuvre à tous les stades de la procédure.

La confrontation est une acte par lequel le témoin est présenté à l'accusé, pour que celui-ci
fournisse contre lui, ses reproches, s'il en a, et pour que le témoin reconnaisse l'accusé et lui
soutienne la vérité des sa déposition787. Elle se définit comme étant l'interrogatoire ou
l'audition simultanée de plusieurs personnes dont les déclarations sont divergentes788. Elle
peut consister en la mise en présence directe des personnes intéressées dans le cadre d'un
interrogatoire où elles sont appelées tour à tour à répondre aux questions. La confrontation
constitue sans conteste un moyen efficace de découvrir la vérité, ainsi qu'un procédé
permettant de préciser certains éléments tels que le temps, le lieu de la commission de
l'infraction, etc. Bref, elle a pour but d'obtenir des auteurs présumés des infractions, des
précisions supplémentaires. Mais le magistrat instructeur peut préférer ne pas y procéder
lorsqu'il estime qu'il a des risques d'intimidation, de pression ou des représailles789.

La confrontation a lieu hors la présence des avocats790. Le recours à la confrontation


repose sur le postulat que les accusations ou des dénégations sont plus facilement émises sans
contradicteur et on cherche, dès lors, à placer accusé et accusateur face à face en spéculant sur
la pression psychologique résultant de leur mise en présence pour faire éclater la vérité en
faisant craquer celui qui ment. En d'autres termes, on place les antagonistes dans un rapport
de forces où l'on présume que celui ne dit pas la vérité sera le premier à fléchir.

787
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 414.
788
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1899, p. 957.
789
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 676, p. 641.
790
M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p. 512.
290

L’interrogatoire de l'inculpé et les mesures prises sont consignées dans un procès-verbal,


versé au dossier administratif. Ce dossier est consulté chaque fois que le prévenu ou le
condamné introduira une réclamation relative à la récupération de ses biens. Le prévenu, le
plaignant et le témoin peuvent déposer dans la langue de leur choix. Le procès-verbal est
néanmoins acté en français soit directement par l’officier de police judiciaire ou le magistrat-
instructeur, soit avec le concours d’un interprète à ce requis régulièrement791.

d) L'audition de témoins

L'officier du ministère public peut faire citer devant lui toute personne dont il estime
l'audition nécessaire. La personne régulièrement citée est tenue de comparaître et de satisfaire
à la citation. Il peut aussi entendre le témoin. Les personnes à entendre en qualité de témoins
sont déterminées par le magistrat instructeur d'après la dénonciation ou la plainte, les dires de
l'inculpé ou du plaignant ou victime de l'infraction ou de toute autre manière. Néanmoins, si le
magistrat instructeur a l'obligation d'entendre toute personne susceptible de contribuer à la
manifestation de la vérité, il apprécie librement si l'audition de telle personne est nécessaire
ou si elle ne ferait que retarder l'instruction sans apporter d'élément pertinent. Le jeu des
incompatibilités est forcément limité à ce stade de la procédure.

Etre témoin c'est attester la vérité d'un fait dont on a la connaissance personnelle, soit pour
l'avoir vu, soit pour l'avoir entendu. Le témoin peut se définir comme la personne qui,
extérieure aux faits, objet de l'instruction préparatoire, est capable de fournir à l'officier du
ministère public des renseignements utiles à la manifestation de la vérité. Le témoin peut-
ajouter, est la personne qui fait à une autorité, en l'espèce au magistrat instructeur, le récit de
ce qu'elle a vu et entendu. Le témoin doit révéler ce qu'il sait.

Le témoin peut déposer d'abord sur les faits eux-mêmes, en indiquant au magistrat
instructeur ce qu'il a constaté personnellement ou ce qu'il entendu dire par des tiers
(témoignage indirect, par ouï-dire). Il peut aussi déposer sur la personne de l'inculpé, c'est-à-
dire sur sa vie, ses antécédents, ses relations, sa moralité, etc. Si le témoin est atteint de
surdité, le magistrat instructeur peut recourir à l'assistance d'un interprète en langue des signes
ou toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de
communiquer avec des sourds (cet interprète, s'il n'est pas assermenté, doit prêter serment).

Le témoin s'exprime verbalement; cependant étant donné que l'instruction préparatoire est
écrite, le magistrat instructeur reçoit ces déclarations sous un procès-verbal d'audition ou de
comparution de témoin. Les témoins sont entendus séparément, hors la présence de l'inculpé
ou le plaignant (victime). Le témoin commence par décliner ses nom, prénom, âge, domicile
et profession. Le magistrat instructeur lui demandera également le genre des relations qu'il a
avec l'inculpé ou le plaignant. Le témoin fait sa déclaration dans la langue de son choix, au
besoin, avec l'aide d'un interprète. Les déclarations et actes du témoin sont reproduits sous
forme de procès verbal, signé par le magistrat instructeur, rédigé dans la langue de la
791
Articles 127 et 128 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
291

procédure (le français), quelle que soit la langue de la déposition. A la fin de la déposition,
après l'avoir lu le procès verbal au témoin qui a déclaré qu'il persiste dans ses déclarations,
l'OMP et le témoin signent. Si le témoin ne sait pas lire, le magistrat instructeur procédera à la
lecture à son intention et dans cas, le témoin y apposera sa pouce. Le témoin peut à la fin de
sa déposition y apporter encore toutes les précisions ou rectifications qu'il souhaite. Celles-ci
sont mentionnées au bas du procès-verbal.

Outre les mentions obligatoires lors de toute audition, l'officier du ministère public doit
mentionner:
- les circonstances dans lesquelles l'audition s'est déroulée;
- les questions posées et les réponses fournies dans la formulation utilisée et, éventuellement,
- les raisons pour lesquelles il a empêché le témoin de répondre.

Si l'officier du ministère public l'en requiert, le témoin prête serment avant de déposer. Le
serment est ainsi conçu: «Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité». Toutefois l'officier
du ministère public peut imposer la forme de serment dont l'emploi, d'après les coutumes
locales, paraît le plus propre à garantir la sincérité de la déposition. L'officier du ministère
public peut décerner un mandat d'amener contre le témoin défaillant792. Sont dispensées de
témoigner, les personnes qui sont dépositaires par état ou par profession des secrets qu'on leur
confie793. De même, les témoins qui paraissent proches de l'inculpé ou du plaignant sont
dispensés de prêter serment et sont entendus à titre des renseignements.

Le témoin est tenu de dire toute la vérité et rien que la vérité conformément au serment
qu'il a prêté. Il s'expose aux peines du faux témoignage s'il dissimule la vérité. La personne
citée comme témoin a l'obligation de se présenter devant le magistrat instructeur, et même si
elle pense qu'elle n'a rien à dire, ne connaît rien de l'affaire, ne veut rein dire. Le témoin qui,
sans justifier d'un motif légitime d'excuse, ne comparaît pas, bien que cité régulièrement, ou
qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l'obligation, peut, sans autre formalité
ni délai et sans appel, être condamné par l'officier du ministère public à une peine d'un mois
de servitude pénale au maximum et à une amende qui n'excédera pas 10.000 francs congolais,
ou l'une de ces peines seulement. La servitude pénale subsidiaire à l'amende, ainsi que la
contrainte par corps pour le recouvrement des frais, ne peuvent excéder quatorze jours. Le
témoin condamné pour défaut de comparution qui, sur une seconde citation ou sur mandat
d'amener, produira des excuses légitimes, pourra être déchargé de la peine. L'officier du
ministère public peut allouer aux témoins une indemnité dont il fixera le montant
conformément aux instructions du procureur général près la Cour d'appel794.

792
Articles 17 et 18 du Code de procédure pénale.
793
Article 16 in fine du Code de procédure pénale.
794
Articles 19 à 21 du Code de procédure pénale.
292

4. Décerner le mandat de comparution et le mandat d'amener

a) Notions de mandat

Dans un sens général, le mandat se définit comme étant l'ordre donné par un officier du
ministère public à la force publique de s'assurer d'une personne à des fins diverses. Dans un
sens qui sous entend la comparution, le mandat est un acte judiciaire par lequel le magistrat
instructeur compétent ordonne soit la comparution, soit l'arrestation d'un individu soupçonné
d'avoir commis une infraction. De manière concrète, c'est un ordre écrit, délivré en principe
par l'officier du ministère public et permettant la comparution ou l'arrestation de l'individu
soupçonné. Les mandats de comparution et d'amener constituent des actes d'instruction. Ils
tendent en effet à la manifestation de la vérité. Ces mandats ne peuvent être décernés que
contre un auteur présumé d'une infraction ou un inculpé ainsi que le témoin ou toute personne
que le magistrat instructeur juge utile pour la manifestation de la vérité. Ils sont donc délivrés
en principe par le magistrat instructeur.

Les officiers et agents de police judiciaire peuvent être chargés de l'exécution des mandats
de justice. Les mandats sont exécutoires sur toute l'étendue du territoire de la République795.
Pour l'exécution des mandats, les officiers et agents de police judiciaire peuvent, s'il y a lieu,
solliciter le concours de l'officier du Ministère public de tout contingent de la force publique
qui leur paraît nécessaire pour en garantir l'exécution796. Au cours de l'instruction
préliminaire, l'officier du Ministère public peut décerner mandat de comparution, d'amener ou
d'arrêt provisoire797.

b) Le mandat de comparution
b.1. Notions
Le mandat de comparution est un ordre donné à l'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé
ou le témoin ou toute personne que le magistrat instructeur juge utile pour la manifestation de
la vérité de se présenter à une date et une heure précises à son cabinet pour y être interrogé. Il
est utilisé si l'intéressé a fait preuve de mauvaise foi à la suite d'une simple convocation. Le
mandat de comparution a pour objet de mettre l'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé ou
le témoin ou toute personne que le magistrat instructeur juge utile pour la manifestation de la
vérité, en demeure de se présenter devant celui-ci à la date et heure indiquées par ce mandat.
Il porte le nom et l'adresse de la personne convoquée, la date et heure de la comparution. Il est
valable jusqu'à la date et à l'heure indiquées.

Mis en demeure de se présenter, l'auteur présumé de l'infraction ou l'inculpé ou le témoin ou


toute personne que le magistrat instructeur juge utile pour la manifestation de la vérité, a le

795
Article 114 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
796
Article 124 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
797
Article 115 alinéa 1 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
293

choix entre deux attitudes. Ou bien, il répond à l'invitation du magistrat instructeur, celui-ci
doit alors l'interroger immédiatement, ou il ne répond pas, le magistrat instructeur délivre un
mandat d'amener.

b.2. Procédure de mandat de comparution

Lorsque l'officier du ministère public a convoqué l'auteur présumé de l'infraction ou le


témoin ou toute personne qu'il juge utile pour la manifestation de la vérité, et celui ne répond
pas, il peut décerner contre lui (elle) le mandat de comparution ou d'amener. Dans la pratique,
le mandat de comparution est envoyé après trois convocations. C'est après cela que l'officier
du ministère public peut décerner mandat de comparution contre les auteurs présumés des
infractions. Le mandat de comparution est signifié par l'huissier, soit par un agent de la force
publique mais pas à celui-ci de force coercitive. En cas de comparution, le ministère public
interroge le concerné. À défaut par l'intéressé de satisfaire à ce mandat, l'officier du ministère
public peut décerner contre lui un mandat d'amener.

Les mandats de comparution sont remis pour exécution en double exemplaire. Lorsqu'ils
sont chargés de notifier un tel mandat, les officiers et agents de police judiciaire en délivrent
une copie à l'intéressé et retournent l'original au magistrat mandant. Ils inscrivent sur ledit
original ainsi que sur la copie le lieu, la date et l'heure de la notification et les font signer par
l'intéressé. Ils peuvent aussi dresser procès-verbal de la notification s'il y a lieu. Si l'intéressé
ne veut ou ne peut le recevoir ou le signer, mention en est portée sur le mandat798.

Les officiers et agents de police judiciaire chargés de l'exécution d'un mandat se rendent au
domicile de la personne recherchée. Ils se renseignent aux fins de savoir si la personne est
présente en ce lieu et lui notifient aussitôt le mandat. Si elle n'est pas présente et s'il s'agit d'un
mandat de comparution et qu'il soit établi que la personne visée y réside toujours et y
reviendra avant l'expiration du mandat, ils en laissent copie à un de ses parents, domestiques
ou voisins et en font mention sur ladite copie ainsi que sur l'original qu'ils retournent aussitôt
à l'officier du Ministère public qui l'a décerné. S'il s'agit d'un mandat d'amener, ils se
renseignent sur le lieu où cette personne peut être trouvée et s'y rendent aussitôt s'ils le jugent
à propos799.

Si la personne recherchée en vertu d'un mandat de comparution ou d'amener s'est


transportée dans une localité située dans le ressort d'un autre parquet de grande instance,
l'officier ou l'agent de police judiciaire en avise aussitôt le magistrat qui l'a décerné et se
conforme à ses ordres800.

798
Article 116 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
799
Article 117 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
800
Article 118 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
294

c) Le mandat d'amener
c.1. Notions
Le mandat d'amener est l'ordre donné en principe par le magistrat instructeur à la police
judiciaire ou la force publique de se saisir immédiatement de l'auteur présumé de l'infraction
ou l'inculpé ou le témoin ou toute personne que le magistrat instructeur juge utile pour la
manifestation de la vérité et de le conduire immédiatement devant lui. De manière concrète, il
s'agit d'un ordre donné par l'officier du ministère public à la force publique de conduire
immédiatement la personne à l'encontre de laquelle il est décerné devant lui (sous peine de
contrainte, d'avoir à se présenter devant lui aux fins d'audition). Le mandat d'amener est
l'ordre donné à la force publique par celui qui l'a délivré de conduire immédiatement devant
lui la personne qui y est désignée. La force publique conduit la personne concernée devant
l'officier du ministère public. Ce mandat a donc un caractère coercitif. Il permet l'arrestation
de l'intéressé pour le conduire immédiatement devant l'officier du ministère public qui doit
l'entendre aussitôt. S'il a été décerné par un officier du Ministère public, il est valable pour
trois mois. S'il l'a été par un officier de police judiciaire, sa validité est limitée à deux mois801.

Comme on le voit, ce mandat permet l'emploi de la force ou la contrainte. C'est pourquoi,


son exécution est confiée à la force publique (la police). Il autorise une détention de brève
durée et implique un interrogatoire rapide. Le mandat d'amener déborde le domaine de la
détention préventive puisqu'il peut aussi bien s'adresser à un suspect, à un témoin ainsi qu'à
l'égard de personnes n'ayant pas répondu à ses convocations et mandats de comparution.

Indépendamment de tout mandat de comparution antérieur, l'officier du ministère public


peut également décerner mandat d'amener, lorsque l'auteur présumé d'une infraction n'est pas
présent, ou lorsqu’il existe contre lui des indices graves de culpabilité et que l'infraction est
punissable de deux mois de servitude pénale au moins.

Au vu de ces éléments, la délivrance d'un mandat d'amener requiert des conditions


suivantes:
- la délivrance au préalable d'un mandat de comparution et refus de l'auteur présumé de
l'infraction à y répondre;
- lorsque l'auteur présumé d'une infraction n'est pas présent;
- lorsqu’il existe contre l'auteur présumé d'une infraction des indices graves de culpabilité;
- l'infraction doit être punissable de deux mois de servitude pénale au moins. Les deux
dernières conditions sont plus importantes car l'officier du ministère public peut décerner
directement le mandat d'amener si seulement ces deux dernières conditions sont réunies. Mais
dans la pratique, l'officier du ministère public envoie d'abord le mandat de comparution avant
le mandat d'amener.

Le mandat d'amener est valable pour trois mois; il est renouvelable. La personne qui est
l'objet d'un mandat d'amener doit être conduite, dans le plus bref délai, devant l'officier du

801
Article 115 alinéa 4 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
295

ministère public qui a décerné le mandat. La personne qui est l'objet d'un mandat de
comparution ou d'un mandat d'amener doit être interrogée au plus tard le lendemain de son
arrivée dans le lieu où se trouve l'officier du ministère public qui a décerné le mandat802. Dans
la pratique, aussitôt que la personne faisant l'objet de mandat d'amener est conduit au cabinet
du magistrat instructeur, il est déposé d'abord à l'amigo (cachot) avant d'être interrogé.

c.2. Procédure de mandat d'amener

Les officiers et agents de police judiciaire chargés de l'exécution d'un mandat se rendent au
domicile de la personne recherchée. Ils se renseignent aux fins de savoir si la personne est
présente en ce lieu et lui notifient aussitôt le mandat. Si elle n'est pas présente et, s'il s'agit
d'un mandat d'amener, ils se renseignent sur le lieu où cette personne peut être trouvée et s'y
rendent aussitôt s'ils le jugent à propos803.

Si la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener s'est transportée dans une localité
située dans le ressort d'un autre parquet de grande instance, l'officier ou l'agent de police
judiciaire en avise aussitôt le magistrat qui l'a décerné et se conforme à ses ordres804.

Si la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener est trouvée dans le ressort d'un
autre parquet de grande instance, elle est conduite aussitôt devant l'officier du Ministère
public le plus proche. Si la personne recherchée en vertu d'un mandat d'amener ne peut être
découverte ni à son domicile ni en aucun autre lieu, le mandat est présenté au chef de
collectivité ou de localité du dernier domicile de la personne intéressée qui y appose son visa.
Il est aussitôt renvoyé au magistrat mandant accompagné du procès-verbal de recherches
infructueuses, lequel contiendra tous renseignements utiles à la poursuite des recherches. Ce
magistrat procédera aussitôt à la diffusion dudit mandat dans toutes les localités où la
personne peut être trouvée805.

Pour l'exécution d'un mandat d'amener, les officiers de police judiciaire qui en sont chargés
peuvent pénétrer dans le domicile de la personne recherchée et procéder à une perquisition
aux fins de l'appréhender ou de trouver les indices permettant de déterminer le lieu de sa
retraite. La perquisition est effectuée en présence des parents de l'intéressé ou de deux proches
voisins. Il en est dressé procès-verbal par l'officier de police judiciaire en présence des
témoins qui signent ce document avec lui. S'ils ne savent ou ne veulent signer, mention en est
portée sur le procès-verbal806.

802
Article 15 du Code de procédure pénale.
803
Article 117 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
804
Article 118 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
805
Article 119 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
806
Article 120 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
296

Les porteurs de mandats d’arrestation, doivent prendre toutes les mesures pour procéder
autant que possible à leur exécution sans éveiller l’attention des personnes qui n’y sont pas
intéressées. Ainsi, la personne à arrêter sera autant que possible interpellée au moment où il n’
y aura pas de témoins. Elle sera invitée à accompagner volontairement l’exécuteur du mandat.
Il sera laissé à la personne, objet du mandat, le délai normalement nécessaire pour prendre
soin de ses affaires, éventuellement de trouver un gardien de ses biens et prendre les autres
mesures nécessitées par son éloignement. L’exécuteur du mandat l’assistera par tous les
moyens dans cette tâche et assurera la garde de la personne arrêtée, soit pendant ses apprêts,
soit pendant son transport. Le porteur du mandat n’appréhendera la personne arrêtée que dans
l’hypothèse où quelque danger de fuite serait raisonnablement à craindre. L’emploi de la
force, et notamment des menottes, ne se justifiera qu’en cas de nécessité. La personne arrêtée
sera conduite à l’endroit prescrit dans le mandat avec toute la bienveillance compatible avec
les mesures imposées par la nécessité d’assurer l’exécution du mandat et elle sera soignée au
mieux des circonstances locales807.

5. Procéder à des visites des lieux et perquisitions

a) Notions

Le magistrat instructeur peut également procéder à des mesures d'investigation


susceptibles de faciliter la manifestation de la vérité, par la découverte de certains indices,
objets, documents, etc. Ces investigations auront lieu au cours de visites domiciliaires et
perquisitions. La visite des lieux est très proche de la perquisition puisqu'elle est l'entrée dans
un lieu aux fins de constatations ou de vérifications. Ce deux notions sont très proches et c'est
pourquoi les praticiens les confondent parfois. D'ailleurs, le Code de procédure pénale les
utilise ensemble808. Il y a pourtant une différence: la visite des lieux est plus superficielle que
la perquisition, laquelle comporte une recherche d'objets en rapport aux saisies éventuelles.

b) Les visites des lieux ou visite domiciliaire ou descente sur les lieux
b.1. Notions

L'expression "visites des lieux" ou "visite domiciliaire" ou "descente sur les lieux" recouvre,
en procédure pénale, tout transport des autorités judiciaires en dehors des lieux où elles
exercent habituellement leurs fonctions, dans le but de visiter, décrire, reconstituer les faits,
perquisitionner, saisir, examiner et enlever le corps. Les "visites des lieux" ou "visite
domiciliaire" ou "descente sur les lieux" est une mesure d'instruction très éclairante; elle est
tout à fait habituelle, notamment sous forme de reconstitution des faits. Ces visites ou
descente sur les lieux peuvent s'avérer fort utiles pour la manifestation de la vérité.

807
Circulaire n° 4/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 févreir
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 305.
808
Article 22 du Code de procédure pénale.
297

b.2. Procédure de descente sur les lieux

Le magistrat instructeur a, en matière de "visites des lieux" ou "visite domiciliaire" ou


"descente sur les lieux", une très grande latitude; il y procède d'office, soit à la demande des
parties, au début de l'instruction ou en cours d'instruction, autant de fois qu'il le juge utile. Le
magistrat instructeur peut se transporter sur les lieux où les faits se sont déroulés afin d'avoir
une perception plus précise de la disposition des lieux et en vue de l'établissement d'un dossier
de photographies. Dans les affaires les plus graves et chaque fois qu'il estime opportun, le
magistrat instructeur peut également se transporter sur les lieux d'une infraction aux fins d'y
procéder à sa reconstitution. Dans ce cas, la présence du suspect ou de l'inculpé, du plaignant
ou victime est nécessaire. Rien ne s'oppose à ce que la reconstitution ou certaines phases de
celle-ci soient prises sur bande vidéo-magnétique lorsque le magistrat instructeur l'estime
opportun.

L'officier du ministère public peut procéder à des visites et à des perquisitions au domicile
ou à la résidence de l'auteur présumé de l'infraction ou des tiers. Les visites domiciliaires ne
peuvent être commencées avant cinq heures et après vingt et une heures sauf autorisation du
juge président du tribunal de grande instance. Ces visites et perquisitions se font en présence
de l'auteur présumé de l'infraction et de la personne au domicile ou à la résidence de laquelle
elles ont lieu, à moins qu'ils ne soient pas présents ou qu'ils refusent d'y assister 809.

c) Les perquisitions
c.1. Notions

Les perquisitions sont souvent liées aux visites domiciliaires car le Code de procédure
pénale (articles 22 et 23) les utilise ensemble. Ce sont des pouvoirs propres de l'officier du
ministère public mais qui peuvent être délégués aux officiers de police judiciaire. Le
rassemblement des indices s'effectue en général par voie de perquisition. Leur exploitation se
fait grâce à des expertises.

La perquisition est la recherche minutieuse, en lieu non apparent aux yeux de tous (tout lieu
clos, dont un domicile), d'indices ou pièces à conviction utiles à la manifestation de la vérité,
permettant d'établir l'existence d'une infraction ou d'en déterminer l'auteur. La perquisition
constitue une mesure coercitive, par laquelle l'autorité compétente, dans les cas prévus par la
loi et selon les règles qu'elle prescrit, pénètre dans un endroit bénéficiant de la protection liée
à l'inviolabilité du domicile en vue d'y rechercher des preuves, d'y saisir des pièces à
conviction d'une infraction, d'arrêter les auteurs ou complices présumés de cette infraction810.

809
Articles 22 et 23 du Code de procédure pénale.
810
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 515; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 672.
298

La perquisition présuppose l'existence d'indices sérieux de l'existence d'une infraction et


elle constitue une mesure d'instruction réservée à la recherche des preuves. Elle suppose
nécessairement que les recherches sont effectuées pour retrouver des éléments nécessaires à la
procédure. Toute perquisition ne peut être entreprise que dans un lieu où sont susceptibles
d'être découverts des objets ou autres indices utiles à la manifestation de la vérité. La
perquisition a pour finalité de rechercher des preuves, arrêter les auteurs ou saisir les pièces à
conviction ou les choses susceptibles de confiscation.

Ne constituent donc pas de perquisition le simple contrôle de registres dont la tenue est
imposée pour se livrer à une autorité donnée, la présentation à un domicile pour prier
l'occupant de se rendre à la police, la remise volontaire de documents faite par l'occupant des
lieux, les constatations visuelles faites de l'extérieur même avec des photographies, etc.

c.2. Procédure de la perquisition


Comme pour les visites des lieux" ou "visite domiciliaire" ou "descente sur les lieux",
l'officier du ministère public peut procéder à des visites et à des perquisitions au domicile ou à
la résidence de l'auteur présumé de l'infraction ou des tiers. Ces visites et perquisitions se font
en présence de l'auteur présumé de l'infraction et de la personne au domicile ou à la résidence
de laquelle elles ont lieu, à moins qu'ils ne soient pas présents ou qu'ils refusent d'y assister811.
Si l'officier du ministère public ne peut personnellement procéder à la perquisition, il peut
charger de ces devoirs l'OPJ, qui aura dans ce cas, le mandat de perquisition. Cela signifie que
l'officier du ministère public peut déléguer son pouvoir de perquisition aux officiers de police
judiciaire.

La perquisition est effectuée en présence des parents de l'intéressé ou de deux proches


voisins. Il en est dressé procès-verbal par l'officier de police judiciaire en présence des
témoins qui signent ce document avec lui. S'ils ne savent ou ne veulent signer, mention en est
portée sur le procès-verbal812.

Le mandat de perquisition doit préciser le domicile où la perquisition doit être effectuée ce


qui peut, en principe, se faire en mentionnant l'adresse et, le cas échéant, le nom de l'occupant.
L'OMP a le pouvoir de retenir sur place, le temps strictement nécessaire à l'exécution de la
perquisition, des personnes présentes lors de la perquisition qui sont susceptibles d'apporter
des renseignements sur les indices saisis. Les opérations de perquisition donnent lieu à
l'établissement d'un procès-verbal, comme en cas de flagrance.

La régularité d'une perquisition n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe des
indices de culpabilité dans le chef des personnes chez qui la perquisition est effectuée. En
revanche, il est exigé que le magistrat instructeur dispose de données donnant à penser que se
trouveraient dans les lieux visés par la perquisition des pièces ou des objets qui peuvent

811
Articles 22 et 23 du Code de procédure pénale.
812
Article 120 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
299

contribuer à la manifestation de la vérité à propos des faits infractionnels visés le mandat de


perquisition.

Lors de la perquisition, la police peut prendre toutes les mesures nécessaires pour
s'assurer de leur sécurité et de la maîtrise des lieux en limitant notamment la liberté de
manœuvre et de circulation des occupants des lieux et en interdisant à d'autres personnes d'y
pénétrer. Le magistrat instructeur ou la police judiciaire peut procéder également à un
contrôle d'identité, à une fouille des personnes présentes ou à la saisie provisoire de certains
objets. L'officier du ministère, ou l'OPJ, sous sa responsabilité, peut, dans les lieux où il opère
une perquisition, accéder à des données qui, stockées dans un système informatique existant
ou un autre, intéressent l'enquête en cours dès lors qu'elles sont accessibles par ce système
informatique existant.

La perquisition doit s'effectuer en présence des titulaires des droits sur les lieux visités, qu'il
s'agisse de l'inculpé ou d'un tiers, et en présence de témoins majeurs, aptes à attester de la
régularité des opérations menées et surtout à certifier l'origine des pièces saisies dont la
personne poursuivie pourrait toujours être tentée de soutenir qu'elles ont été apportées par
l'enquêteur lui-même. Un procès-verbal relatant l'exécution doit être aussitôt établi par l'OMP.
Il indique les nom de la personne perquisitionnée et éventuellement les témoins, et relate
l'exécution de la perquisition dont il indique les résultats, en décrivant les objets saisis lorsque
cette perquisition est positive. Les témoins doivent signer le procès-verbal de ces opérations,
un refus de signature éventuel est mentionné dont le tribunal tirera les conséquences qu'il
voudra.

Nous avons souligné que les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant cinq
heures et après vingt et une heures sauf autorisation du juge président du tribunal de grande
instance. Il en est de même pour la perquisition. Mais une perquisition entamée avant 21
heures peut se poursuivre au-delà de 21 heures, c'est-à-dire jusqu'à la fin, même si elle se
termine au delà de minuit. Pour que la perquisition soit valable, il suffit qu'elle ait commencé
avant 21 heure. En cas d'infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle ou les infractions
de violence sexuelle, la perquisition peut se faire à tout moment. De même, une première
perquisition à un stade procédural donné n'empêche pas qu'il y en ait d'autres en d'autres lieux
ou dans le même à un stade ultérieur de la procédure.

Peuvent être soumis à la perquisition, la résidence ou le lieu de travail. Mais certains lieux
sont protégés d'une manière particulière de la perquisition; il en est notamment des cabinets
d'avocats et des médecins, des locaux des services de renseignements, des locaux des
parlementaires, des locaux de journalistes, des locaux des personnes couvertes par le secret
professionnel, des locaux jouissant de la protection diplomatique813. Ces lieux sont protégés

813
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 519; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, pp. 680-690; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec,
2009, n° 806, p. 555.
300

puisque l'enquêteur serait appelé à connaître des documents couvets par le secret
professionnel.

En dehors des locaux jouissant de la protection diplomatique, en cas d'infraction


intentionnelle flagrante ou réputée telle ou les infractions de violences sexuelles, la
perquisition peut se faire dans tous ces locaux sur autorisation du Procureur général près la
Cour d'appel.

Dans les cabinets d'avocats, si l'avocat est auteur de l'infraction, il est de pratique que la
perquisition se fasse en présence du bâtonnier ou son délégué (exemple: un membre du
Conseil de l'Ordre). Dans ce cas, peuvent être saisis, tous les documents relatifs aux activités
de l'avocat ayant donné lieu à instruction judiciaire contre lui. Cela se justifie par le fait qu'il
faut protéger les documents couverts par le secret professionnel de l'avocat. Habituellement,
les officiers du ministère public qui détectent les pièces couvertes par le secret professionnel
au cours de ces perquisitions le font placer dans une enveloppe scellée. Néanmoins, vu la
délégation habituelle de la perquisition par l'officier du ministère public aux OPJ, cet examen
leur est par conséquent également délégué, de sorte qu'il y perd en efficacité.

Il appartient au bâtonnier de veiller à la réputation et à la protection des conditions de


travail de l'avocat perquisitionné à tire individuel, mais également de garantir si à travers lui,
ce n'est pas l'image de toute la profession qui serait malmenée. Il est permis de présumer que
l'officier du ministère public est motivé par l'intérêt public de la recherche de la vérité et par le
respect de la loi, en ce compris le secret professionnel, tandis que le bâtonnier l'est par l'intérêt
public de la protection du secret professionnel et celui de l'honneur de la profession d'avocat.

Pour l'exécution matérielle d'une telle perquisition, l'OMP doit se faire assister par des OPJ
ou APJ. Par contre, si l'avocat n'est pas auteur de l'infraction et exerce tout simplement sa
mission en tant que conseil, la protection des droits de la défense interdit de saisir dans une
procédure les documents relatifs à une telle mission. Toute perquisition accomplie par des
OPJ ou APJ en ses lieu et place serait sanctionnée d'une nullité pour excès de pouvoir. Dans
les locaux des journalistes, le magistrat instructeur devrait veiller à ce que la perquisition ne
porte pas atteinte au libre exercice du métier de journaliste et ne constitue pas un obstacle
injustifié à la diffusion de l'information814.

6. Procéder à des explorations corporelles et fouille corporelle

a) Notions

Ce sont des pouvoirs propres de l'officier du ministère public mais qui peuvent être
délégués aux officiers de police judiciaire. L'exploration corporelle est mesure d'instruction
qui consiste en la visite du corps ou certaines parties du corps que l'on a l'habitude de couvrir
par pudeur. C'est un constat fait sur le corps de la victime (et éventuellement l'inculpé) des

814
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 684, p. 647; M. L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 234, p. 373.
301

traces de traumatismes. Elle constitue un acte médical qui ne peut être exécuté que par un
médecin désigné en qualité d'expert. L'exploration corporelle sera surtout ordonnée dans le
cadre d'instruction relative à des infractions portant atteinte à l'intégrité sexuelle, tels
l'avortement, le viol, etc. L'exploration corporelle est toujours accompagné d'une réquisition à
médecin aux fins de déterminer la nature et les causes des traumatismes qui seraient
éventuellement révélés.

L'exploration corporelle se distingue des recherches faites sur les vêtements, les examens
superficiels, l'autopsie, l'examen mental, la simple fouille policière. Dans la pratique, on
utilise tantôt le terme "exploration corporelle" (comme en RDC et en Belgique815) ou la
fouille corporelle (fouille à corps) comme en France pour désigner pratiquement la même
chose.

En général, la fouille corporelle implique un contact physique au niveau des parties intimes
du corps, plus particulièrement lorsqu'elle implique l'exploration des orifices du corps. C'est
une sorte d'expertise ordonnée en vue d'explorer les parties intimes du corps. C'est une visite
du corps ou de certaines parties du corps ou de certaines parties du corps que l'on a l'habitude
de découvrir par pudeur816. La fouille corporelle est une sorte de perquisition effectuée sur le
corps et les vêtements d'une personne. A cette fouille, on assimile parfois la simple palpation
ou vérification sommaire et rapide sur les vêtements, effectuée en général par les policiers817.
Elle est pratiquée pour mettre en évidence certains éléments de preuve pénale et elle peut être
effectuée pour prévenir des troubles (vérifier qu'une personne arrêtée n'est pas porteuse d'une
arme, par exemple). Il est conseillé que cette fouille corporelle soit faite par la personne de
même sexe. Ainsi, la femme pourra être fouillée par une autre femme.

La fouille corporelle n'est pas à confondre avec la simple fouille. La fouille est la recherche
d'indices dans tous les autres endroits qu'un immobilier clos (personne, véhicule, bateau, etc.)
dans le but de vérifier si la personne ne porte pas sur lui des objets ou documents, constituant
le corps de l'infraction ou rapportant les preuves des faits infractionnels. Ainsi, lorsqu'il existe
à l'égard du conducteur ou d'un passager une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner
qu'il a commis comme auteur ou complice, une infraction, le véhicule peut faire l'objet d'une
fouille. La différence sémantique de la fouille avec la perquisition présente un intérêt dans la
mesure où si elle suit normalement le régime juridique de la perquisition, la fouille n'obéit
évidemment pas au respect des heures.

b) Procédure
L'officier du ministère public, disposant des pouvoirs exorbitants pendant l'instruction
préparatoire, peut ordonner des fouilles corporelles aux fins d'éclairer la justice. Hors les cas

815
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 537; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 703.
816
L. KENNES, La preuve en matière pénale. Volume II., Bruxelles, éd. Kluwer, 2005, p. 174.
817
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 441, pp. 465-466.
302

d'infraction flagrante, l'officier du ministère public ne peut faire procéder à aucune


exploration corporelle qu'en vertu d'une ordonnance motivée du président du tribunal de
grande instance. Cette autorisation n'est pas requise dans le cas de consentement exprès de la
personne intéressée ou, si elle est âgée de moins de seize ans, de la personne sous l'autorité
légale ou coutumière de qui elle se trouve. Ce consentement doit être constaté par écrit. De
même, en cas d'infraction flagrante ou réputée telle, l'officier du ministère public peut se
passer de l'autorisation du président du tribunal de grande instance pour autoriser la
réquisition à médecin818. Dans ce cas, l'officier du ministère public peut ordonner l'exploration
corporelle de sa seule autorité.

L'exploration corporelle ne peut être effectuée que par un médecin. Dans tous les cas, la
personne qui doit être l'objet d'une exploration corporelle peut se faire assister par un médecin
de son choix ou par un parent ou allié ou par toute autre personne majeure du même sexe
qu'elle et choisie parmi les résidents de l'endroit819. S'il s'impose de déshabiller la personne
soumise à la fouille corporelle, cela doit se faire qu'en un isoloir.

7. Ordonner les saisies d'objets

a) Notions

Il s'agit des pouvoirs propres de l'officier du ministère public mais qui peuvent être délégués
aux officiers de police judiciaire. La saisie est généralement la suite d'une perquisition
positive. C'est la mise sous main de justice d'éléments de preuve utiles à la manifestation de la
vérité (papiers, documents, données informatiques ou autres objets ou informations), en vue
de leur conservation et éventuellement de leur interprétation par des experts. La saisie est une
mesure conservatoire par laquelle l'autorité compétente, selon la loi et à propos d'une
infraction, soustrait une chose à la libre disposition de son propriétaire ou de son possesseur
et, en vue de la manifestation de la vérité, de la confiscation, de la restitution ou de la sécurité
des intérêts civils, et la place sous elle. La saisie peut porter sur les objets ayant servi à
commettre l'infraction (armes, véhicule, etc.) ou les objets paraissant avoir été le produit de
l'infraction.

b) Procédure

L'officier du ministère public peut ordonner la saisie des télégrammes, des lettres et objets
de toute nature confiés au service des postes et au service des télégraphes, pour autant qu'ils
apparaissent indispensables à la manifestation de la vérité. Il peut en ordonner l'arrêt pendant
le temps qu'il fixe. Les pouvoirs ci-dessus s'exercent par voie de réquisition au chef du bureau
postal ou télégraphique. L'officier du ministère public s'assure du contenu des objets saisis en
vertu de la loi, après avoir, s'il le juge possible, convoqué le destinataire pour assister à
l'ouverture. En cas de réintégration de ces objets dans le service intéressé, l'officier du

818
Article 26 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
819
Article 26 du Code de procédure pénale.
303

ministère public les revêt au préalable d'une annotation constatant leur saisie et, le cas
échéant, leur ouverture 820.

L'ouverture du courrier trouve à s'appliquer chaque fois qu'il est possible d'intercepter et de
saisir le courrier à destination ou en provenance du suspect, ainsi que le courrier le
concernant. Les lettres visées sont les envois postaux confiés à un opérateur postal (la Poste
ou autre société de transport de lettres, quel que soit le mode de transport). Le terme lettres est
pris ici dans un sens large possible: courriers ouverts et fermés, carets postales, imprimés,
circulaires, paquets postaux, avis, envoies recommandés, lettres transfrontalières, etc.

Le parquet doit retenir les sommes d’argent ou valeurs, saisies à l’occasion d’une
instruction judiciaire, jusqu’à ce qu’intervienne soit une mainlevée ordonnée par le magistrat-
instructeur, soit une décision de poursuites devant la juridiction répressive. En cas de
mainlevée, les sommes et valeurs sont, par le magistrat, restituées comme telles contre
décharge aux ayants-droit. En cas de décision de poursuites, elles sont transmises à titre
d’objets saisis, et ce contre décharge, au greffe de la juridiction répressive dès la saisine de
celle ci. Dans les deux cas, ces sommes et valeurs saisies ne peuvent pas être versées à un
comptable public, elles doivent être représentées à titre d’objets saisis821.

Lorsqu’il détient des fonds à un autre titre, et notamment les montants de dommages-
intérêts alloués d’office par le tribunal, l’officier du ministère public, si le bénéficiaire est sur
place, n’est qu’un intermédiaire entre le débiteur et le créancier. Dans ce cas, il peut remettre
immédiatement, contre décharge ou suivant un procès-verbal de remise, les fonds détenus au
bénéficiaire. Dans cette hypothèse, les fonds ne peuvent pas être versés au comptable
public822.

Le magistrat instructeur peut procéder à la saisie de documents informatiques, et même


appréhender les donnés stockées dans un système informatique, accessibles à partir du
système initial. Pour procéder à la saisie d'un ordinateur situé dans un lieu privé, les autorités
judiciaires doivent respecter les règles applicables en matière de perquisition. Si l'ordinateur
se trouve dans un lieu accessible au public, tel qu'un cybercafé, les autorités judiciaires ne
devront pas procéder à la saisie préalable dès lors que l'accès est libre. Les données en cause
peuvent être copiées sur tout support, et les supports de stockage peuvent être placés sous
scellés. Font manifestement partie de ces données les courriers informatiques déjà enregistrés
sur le disque dur.

Lorsque la saisie du support n'est pas souhaitable, le ministère public peut se borner à
copier ces données sur les supports appartenant à l'autorité ou, en cas d'urgence ou pour des
raisons techniques, sur des supports disponibles sur place. Le ministère public est tenu
d'informer le responsable du système informatique de la recherche effectuée dans le système
820
Articles 24 et 25 du Code de procédure pénale.
821
Articles 168 et 169 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
822
Article 70 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquet.
304

examiné par les autorités et de lui communiquer un résumé des données qui ont été copiées,
rendues inaccessibles ou retirées. Il est tenu de garantir l'intégrité et la confidentialité de ces
données, conservées au greffe. Il en va de même lorsque les données sont saisies avec leur
support.

La saisie est mentionnée dans le procès-verbal de perquisition ou des visites des lieux. Les
objets, documents ou données informatiques saisis doivent être immédiatement inventoriés
dans un procès-verbal de saisie, et placés sous scellés.

Lorsque a été saisi ou retiré un animal vivant, l'OMP peut le placer dans un lieu de dépôt à
cet effet jusqu'à ce qu'il ait statué sur l'infraction. Il peut encore solliciter du président du
tribunal de grande instance que, par ordonnance motivée, il décide que cet animal sera cédé,
confié à un tiers ou tué si son placement peut le rendre dangereux ou mettre sa santé en péril.

La restitution des objets saisis, dont la propriété n'est pas sérieusement contestée, incombe
à l'OMP lorsque aucune juridiction n'est compétente au moment de la demande formulée par
la partie intéressée. Il en sera de même si le prévenu est acquitté et si la juridiction condamne
le prévenu en autorisant la restitution des objets saisis.

8. Requérir des experts, médecins, interprètes et traducteurs

Il s'agit des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux officiers du ministère public et qui ne
peuvent pas être délégués à la police judiciaire.

a) Les experts
a.1. Notions

L'interprétation des indices ne peut pas toujours être assurée par le magistrat instructeur lui-
même. Celui-ci doit donc recourir à des techniciens qui seuls peuvent donner un avais éclairé.
Ces techniciens, ces hommes de l'art, ce sont les experts. Il y a lieu de recourir à une expertise
toutes les fois que se présente dans un procès certaines questions dont la solution exige des
connaissances toutes particulières et pour lesquelles les magistrats instructeurs n'auraient pas
de compétence scientifiques ou techniques suffisantes.

L'expertise est réglementée par les articles 48 à 52 du Code de procédure pénale.


Conformément aux principes régissant l'instruction préparatoire, le magistrat instructeur
décide souverainement de l'opportunité de procéder à la désignation d'un expert en vue de
l'exécution d'une mission déterminée. L'expertise n'est pas en elle-même un mode de preuve,
elle est plutôt la mise en oeuvre des éléments fournis par d'autres preuves, comme les
constatations directes ou les indices. Mais elle participe à l'administration de la preuve car elle
a pour objet de mettre en oeuvre ou en relief des éléments fournis par d'autres preuves,
comme les constatations directes ou les preuves indiciaires relevées.

L'expertise peut être définie comme étant une forme particulière de recherche confiée à
une ou plusieurs personnes qui, par leur art ou leur profession, sont en mesure de mettre en
305

lumière des éléments de fait, ce que les instances judiciaires ne pourraient faire dès lors
qu'elles ne disposent pas de la compétence technique nécessaire. L'expertise est le moyen de
découvrir et d'utiliser certains indices ou certaines preuves, à l'aide de connaissances
techniques particulières; ces connaissances, le ministère public ne le possède pas, mais il les
trouve auprès des spécialistes, les experts, auxquels il demande d'apporter leur collaboration
dans la recherche de la vérité.

L'expertise a pour objet de donner un avis aux magistrats et aux particuliers sur des
questions de fait, techniques ou scientifiques, qui échappent à leur compétence, en vue de leur
permettre de résoudre ou de prévenir un litige823. Le rôle de l'expert se limite à éclairer le
magistrat instructeur sur les éléments techniques qui lui échappent. Il ne peut en aucun cas se
substituer au magistrat en tirant lui-même les conclusions juridiques de ses observations. Il ne
peut procéder à des interrogations ou recueillir des témoignages, sauf à entendre la personne
soumise à l'expertise de manière à remplir sa mission. L'expert n'est pas le mandataire du
magistrat qui le désigne. Il est indépendant par rapport à ce dernier et exécute sa mission en
conscience et avec probité, selon les règles de sa discipline ou technique. A l'instar du juge, il
se doit d'être impartial824.

Toute personne qui en est légalement requise par un officier du ministère public ou par un
juge est tenue de prêter son ministère comme, expert, médecins825. L'expertise s'est
développée en corrélation avec les progrès des sciences exactes et des sciences humaines. Le
magistrat instructeur désigne des experts dans des domaines variés: médical, exploration
corporelle, biologie, autopsie, expertise en écriture, dactyloscopie, chimique, incendie,
mécanique, automobiles, comptables, balistiques, informatiques, psychologique,
psychiatrique, etc. Ainsi, l'OMP peut requérir l'expert en cas d'infractions de meurtre,
assassinat précédé ou accompagné d'un viol, pour des actes de torture, pour agressions ou
atteintes sexuelles commis à l'encontre de majeur ou mineur. Le rapport de l'expert n'a que la
valeur d'un avis qui ne lie pas le magistrat instructeur sous la réserve que celui-ci ne peut
attribuer à l'expert une opinion qu'il n'a pas émise ou des constatations qu'il n'a pas faites.

En RDC, il n'y a pas un corps d'experts-jurés, qui ayant été agréés par les tribunaux, prêtent
un serment valable pour toute mission qui leur serait ultérieurement confiée par un organe de
justice.

b.1. Procédure

Dans le cadre de la recherche de la vérité, toute personne qui en est légalement requise par
un officier du ministère public ou par un juge est tenue de prêter son ministère comme expert

823
P. LURQUIN, Traité de l'expertise en toutes matières, tome 1, Bruxelles, éd. Bruylant, 1985, p.6.
824
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 715.
825
Article 48 du Code de procédure pénale.
306

ou médecin. Avant de procéder aux actes de leur ministère, les experts et médecins prêtent le
serment de les accomplir et de faire leur rapport en honneur et conscience826.

Le refus d'obtempérer à la réquisition ou de prêter serment sera puni d'un mois de servitude
pénale au maximum et d'une amende qui n'excédera pas 1.000 francs, ou de l'une de ces
peines seulement. La servitude pénale subsidiaire à l'amende, de même que la contrainte par
corps pour le recouvrement des frais, ne peuvent excéder quatorze jours. Cette infraction sera
recherchée, poursuivie et jugée conformément aux règles ordinaires de compétence et de
procédure827.

La juridiction de jugement ou, pendant la durée de l'instruction, le ministère public, fixe les
indemnités à allouer aux experts et médecins pour les actes de leur ministère. Ces indemnités
sont de droit acquises au Trésor lorsque le ministère a été prêté par des personnes qui touchent
un traitement à sa charge. Toutefois, le gouverneur de la province peut attribuer aux intéressés
tout ou partie de ces indemnités828.

b) Les interprètes et traducteurs


b.1. Notions

La loi n'a pas déterminé de manière précise le rôle des interprètes et traducteurs mais
nous pensons qu'ils ont pour mission d'interpréter ou de traduire à l'égard du magistrat
instructeur ou du comparant la langue employée. Les premiers présidents des cours d'appel,
les présidents des tribunaux de grande instance et les présidents des tribunaux de paix
peuvent, après telles enquêtes et épreuves qu'ils déterminent et de l'avis conforme du
ministère public, revêtir certaines personnes de la qualité d'interprète ou de traducteur juré
pour remplir ces fonctions d'une façon constante auprès des juridictions ou des parquets de
leur ressort. Ces personnes ne sont revêtues de cette qualité qu'après avoir prêté entre les
mains du magistrat qui les nomme, le serment de remplir fidèlement les devoirs de leur
charge. Ce serment une fois prêté dispense les interprètes et les traducteurs jurés de prêter le
serment chaque fois qu'ils sont appelés à remplir leurs fonctions829.

Si l'auteur présumé d'infraction est atteint de surdité, il peut être assisté d'office par un
interprète en langue des signes, dans les mêmes conditions que l'enquête préliminaire devant
l'OPJ.

b.2. Procédure concernant les interprètes et traducteurs

Dans le cadre de la recherche de la vérité, toute personne qui en est légalement requise par
un officier du ministère public ou par un juge est tenue de prêter son ministère comme

826
Article 48 du Code de procédure pénale.
827
Article 52 du Code de procédure pénale.
828
Article 51 du Code de procédure pénale.
829
Article 50 du Code de procédure pénale.
307

interprète ou traducteur. Avant de procéder aux actes de leur ministère, les experts et
médecins prêtent le serment de les accomplir et de faire leur rapport en honneur et conscience.
À moins qu'ils n'en soient parmi les interprètes agrées par les tribunaux, les interprètes et
traducteurs prêtent le serment de remplir fidèlement la mission qui leur est confiée830.

Le refus d'obtempérer à la réquisition ou de prêter serment sera puni d'un mois de servitude
pénale au maximum et d'une amende qui n'excédera pas 1.000 francs, ou de l'une de ces
peines seulement. La servitude pénale subsidiaire à l'amende, de même que la contrainte par
corps pour le recouvrement des frais, ne peuvent excéder quatorze jours. L'infraction prévue
au présent article sera recherchée, poursuivie et jugée conformément aux règles ordinaires de
compétence et de procédure831.

La juridiction de jugement ou, pendant la durée de l'instruction, le ministère public, fixe les
indemnités à allouer aux interprètes ou traducteurs pour les actes de leur ministère. Ces
indemnités sont de droit acquises au Trésor lorsque le ministère a été prêté par des personnes
qui touchent un traitement à sa charge. Toutefois, le gouverneur de la province peut attribuer
aux intéressés tout ou partie de ces indemnités832. Comme on le voit, il s'agit d'une assistance
gratuite obligatoire pour le justiciable. Elle concerne la partie civile comme l'inculpé ou le
prévenu à l'audience.

9. Procéder à la réquisition de la force publique

Il s'agit des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux officiers du ministère public et qui ne
peuvent pas être délégués à la police judiciaire. En effet, seuls les officiers du Ministère
public ont, dans l'exercice de leurs fonctions, le droit de requérir la force publique833.

Si l'officier de police judiciaire n'a jamais le pouvoir de requérir la force publique, il peut
solliciter une réquisition au ministère public dont il relève; lorsque l'officier de police
judiciaire a en vertu de sa fonction administrative le commandement d'un détachement de la
force publique (police), il peut l'utiliser, dans les limites de la mission qui lui est impartie par
l'autorité exécutive, pour l'exécution de sa mission judiciaire, sans aucune réquisition.

10. Solliciter la commission rogatoire à exécuter en RDC en cas de nécessité

Il s'agit des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux officiers du ministère public et qui ne
peuvent pas être délégués à la police judiciaire.

a) Notions
La commission rogatoire peut se définir comme une délégation de pouvoirs consentie par un
officier du ministère public à un magistrat instructeur d'un autre ressort, pour l'exécution d'un

830
Articles 48 et 49 du Code de procédure pénale.
831
Article 52 du Code de procédure pénale.
832
Article 51 du Code de procédure pénale.
833
Article 14 du Code de procédure pénale.
308

ou de plusieurs actes d'instruction qu'il précise. La commission rogatoire est établie en raison
de l’incompétence de l’officier du ministère public d’instruire en dehors de son ressort.

Définie comme délégation de pouvoir, la commission rogatoire ne peut donc être délivrée
que pour déléguée des pouvoirs dont le magistrat instructeur est titulaire. Elle peut porter sur
l'audition de l'inculpé ou du plaignant ou du témoin s'il n'habite pas le ressort duquel se trouve
le parquet qui instruit l'affaire. Elle mentionne l’infraction qui justifie l’ouverture de
l’instruction non seulement par l'énoncé des articles du Code pénal violés, mais également par
la qualification de l’infraction : vol simple, vol qualifié, abus de confiance, escroquerie, etc.

La commission rogatoire est adressée directement au magistrat du parquet compétent pour


en assurer l’exécution, avec pouvoir de délégation à un officier de police judiciaire à
condition qu'il s'agisse des actes rentrant dans sa compétence propre ou par délégation. La
copie de la commission rogatoire versée au dossier judiciaire porte, en marge, mention de
l’envoi d’une copie aux procureurs généraux et aux procureurs de la République. L’envoi des
mandats d’amener en dehors du ressort du parquet chargé de l’instruction se fait
conformément à la procédure fixée pour l’envoi des commissions rogatoires834.

b) Procédure

Lorsqu’un dossier est à transmettre, pour compétence ou disposition, à un autre parquet, il


est, après avoir été inventorié, communiqué au procureur de la République qui en vérifie la
nécessité. C’est lui qui l’adresse au parquet secondaire compétent de son ressort ou à son
collègue s’il fait partie d’un autre ressort. Si la transmission doit être faite à un parquet du
ressort d’une autre Cour d’appel, le dossier est adressé au Procureur général près la Cour
d'appel qui en assure l’acheminement835.

La commission rogatoire doit être écrite, datée, signée par le magistrat instructeur, et doit
indiquer la nature de l'infraction poursuivie, les actes à effectuer, l'identité des inculpés ou des
personnes à auditionner, l'autorité requise pour en assurer l'exécution, prévoir un délai
d'exécution.

En vue d’accélérer l’exécution des commissions rogatoires adressées aux parquets


dépendant d’un autre ressort, les magistrats suivront les règles ci-dessous :
- La commission rogatoire sera adressée directement au magistrat du parquet compétent pour
l’exécuter, avec pouvoir de délégation à un officier de police judiciaire. En cas d’urgence, elle
pourra être adressée directement à l’officier de police judiciaire compétent;
- Copies de cette commission rogatoire seront adressées au Procureur général et au procureur
de la République dont dépend le parquet commis ; copies seront adressées également pour

834
Articles 133 à 135 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
835
Article 150 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
309

information au Procureur général et procureur de la République dont dépend le magistrat


instructeur;
- L’original de la commission rogatoire portera mention en marge de l’envoi des copies au
procureur général et au procureur de la République;
- Copie de la commission rogatoire reposant au dossier judiciaire portera en marge mention de
l’envoi des copies aux procureurs généraux et aux procureurs de la République;
- Il sera procédé, mutatis mutandis, de la même façon pour les commissions rogatoires à
exécuter par les parquets situés dans un même ressort de la Cour d’appel836.

Il sera procédé pour l’envoi des mandats d’amener en dehors du ressort du parquet chargé
de l’instruction conformément à la procédure fixée pour l’envoi des commissions rogatoires.

11. Procéder à la réquisition d'information d'OPJ

Il s'agit des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux officiers du ministère public et qui ne
peuvent pas être délégués à la police judiciaire.

a) Notion

La réquisition d'information est l'ordre par lequel l'officier du ministère public donne à
l'officier de police judiciaire d'exécuter les devoirs requis dans le délai qu'il précise. Elle se
distingue de la commission rogatoire par le fait que celle-ci concerne une demande d'un OMP
à son collègue OMP d'un autre ressort en vue d'accomplir certains devoirs d'instruction
préparatoire; le magistrat à qui on demande l'accomplissement de ces devoirs, peut les
déléguer à l'OPJ de son ressort. La réquisition d'information quant elle concerne l'ordre que
l'OMP donne à l'OPJ de son ressort en vue d'exécuter certains devoirs requis.

b) Procédure

En tout état de la procédure et quelle que soit l'infraction commise, l'officier du Ministère
public peut requérir tout officier de police judiciaire territorialement compétent pour
accomplir tel devoir d'enquête qu'il précise. L'officier de police judiciaire ainsi requis est tenu
de déférer à cette réquisition. Il doit faire rapport de l'exécution de ces devoirs au magistrat
qui l'aura requis dans les délais impartis par ce magistrat. À défaut de délais, les procès-
verbaux doivent lui parvenir dans les 15 jours qui suivent la réquisition. Si des empêchements
ou des difficultés s'opposent à la clôture des opérations ou à la transmission des procès-
verbaux dans les délais impartis par le magistrat ou dans celui repris ci-dessus, l'officier de
police judiciaire les signale au magistrat mandant et se conforme à ses instructions837.

836
Circulaire n°3/008/IM/PGR/2011 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 178.
837
Article 99 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
310

Dans le cadre et pour le temps déterminé par sa réquisition, l'officier du Ministère public
peut investir l'officier de police judiciaire requis, quelles que soient les limites de sa
compétence matérielle, de tous les pouvoirs normalement dévolus à l'officier du Ministère
public qui lui sont nécessaires pour l'accomplissement de sa mission. Il peut notamment,
même en cas d'infraction non flagrante, lui déléguer les pouvoirs de contraindre les témoins à
déposer et à prêter serment, de requérir interprète, traducteur, médecin ou expert, de procéder,
même sans l'assentiment du chef de l'habitation, aux visites domiciliaires et perquisitions838.

L'officier de police judiciaire dresse procès-verbal contre tout témoin qui, convoqué, refuse
de comparaître, de prêter serment ou de déposer, ainsi que contre tout interprète, traducteur,
médecin ou expert qui refuse le concours de son ministère. Il transmet aussitôt ces pièces à
l'officier du Ministère public839.

Les réquisitions d'information sont adressées à tel officier de police judiciaire nommément
désigné, par l'intermédiaire de son chef hiérarchique s'il ya lieu. Elles peuvent aussi être
adressées à ce chef avec mission d'en confier l'exécution à tel officier de police judiciaire de
son choix se trouvant sous ses ordres. L'officier de police judiciaire ainsi désigné est tenu
d'obtempérer à cette désignation dans les mêmes conditions que s'il avait été requis
directement par l'officier du Ministère public840.

12. Décerner le mandat d'arrêt provisoire

Il s'agit des pouvoirs qui n'appartiennent qu'aux officiers du ministère public et qui ne
peuvent pas être délégués à la police judiciaire.

Le mandat d'arrêt provisoire est l'ordre donné par l'officier du Ministère public au gardien
de la maison d'arrêt de recevoir et détenir la personne qui en est l'objet et à la force publique
de l'y conduire841. Ainsi, l'officier du ministère public peut mettre sous mandat d'arrêt
provisoire tout inculpé lorsqu'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu'en
outre le fait paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de
servitude pénale au moins842(nous y reviendrons en détails lorsque nous aborderons la
détention préventive).

838
Article 100 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
839
Article 101 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
840
Article 102 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
841
Article 115 in fine de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
842
Article 27 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
311

IV. Synthèse de l'instruction préparatoire du ministère public


Dès qu'un fait infractionnel parvient à la connaissance de police judiciaire, procès-verbal de
constat ou de déposition est dressé; l'officier de police judiciaire procède sans désemparer aux
devoirs d'enquête qui rentrent dans sa compétence (plus ou moins étendue suivant qu'il s'agit
d'une infraction flagrante ou non), s'ils peuvent être accomplis immédiatement; dans tous les
cas il reçoit les dépositions du plaignant ou du dénonciateur, ainsi que celles des auteurs
présumés de l'infraction et des témoins, s'ils sont sur les lieux afin de l'éclairer sur les faits; il
procède éventuellement aux constats, aux saisies, aux perquisitions (sur autorisation ou
délégation du pouvoirs de l'OMP) et l'arrestation des auteurs présumés de l'infraction s'il
échet.

S'il ne peut accomplir ces devoirs sans désemparer, soit que les devoirs requis dépassent sa
compétence, soit que leur accomplissement sur le champ ne soit pas possible, il envoie
immédiatement le procès-verbal (et éventuellement les objets saisis, ainsi que le prévenu sous
escorte) à l'officier du ministère public dont il relève; celui-ci mène éventuellement
l'instruction, soit personnellement, soit en commettant l'officier de police judiciaire pour
accomplir les devoirs que celui-ci aurait omis d'accomplir, ou qu'il n'a pas pu accomplir sans
un mandat un mandat du ministère public.

L'officier du ministère public doit entendre l'inculpé, arrêté par l'officier de police judiciaire,
dès qu'il lui est amené, il peut le placer sous mandat d'arrêt provisoire ou le relâcher; si les
besoins de la cause requièrent que l'inculpé reste en détention plus de cinq jours, l'officier du
ministère public doit requérir l'autorisation du juge du tribunal de paix siégeant en chambre du
conseil, lorsque le magistrat instructeur estime avoir terminé l'instruction préparatoire, il fait
rapport à son chef hiérarchique du parquet qui décide de l'exercice de l'action publique.

Il apparaît donc que tous les pouvoirs d'instruction sont aux mains du ministère public sous
contrôle hiérarchique, tandis que certains actes sont contrôlés par les juges siégeant en
chambre du conseil (régularisation de la détention préventive); la plupart de ces pouvoirs
peuvent être délégués aux OPJ; ceux-ci ont d'ailleurs, sous l'autorité de l'OMP, certains
pouvoirs propres, plus ou moins étendus suivant que l'infraction est flagrante ou non.
L'instruction préparatoire est écrite, secrète et inquisitoriale (non contradictoire).

Le schéma de l'instruction préparatoire du ministère public se présente comme suit:


- Audition du plaignant sur PV: vérification de son identité, profession, adresse; s'assurer du
motif de la plainte, si possible solliciter les preuves éventuelles;
- Audition de l'inculpé sur PV: vérification de son identité, profession, adresse; s'assurer que
l'inculpé est bien l'auteur de l'infraction;
- Audition de toutes parties éventuellement impliquées dans le dossier: témoins, expert, etc.;
- Vérification des éléments constitutifs de l'infraction par toutes les preuves possibles.
312

SECTION 2 : CLOTURE DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE

§ 1. Etapes de clôture de l'instruction préparatoire

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi


du dossier, le magistrat-instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou
complète l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et
contient, le cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une
importance primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir
l’énumération de tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en
droit et la référence du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de
la détention est précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la
mention des circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être
concise, objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de
reproduire dans une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou
l’exposé des faits843.

§ 2. Modalités de clôture de l'instruction préparatoire

C'est le ministère public qui a le pouvoir d'apprécier quand une cause est suffisamment
instruite et qu'il y a lieu de saisir la juridiction de jugement. Par des dispositions d'ordre
intérieur, le parquet a cependant organisé un échelon de contrôle: lorsque le magistrat
instructeur estime que l'instruction est complète, il fair rapport à son chef hiérarchique avec
proposition de saisir la juridiction compétente, de classement sans suite pour insuffisances de
preuves ou de classement par amende transactionnelle. Le chef hiérarchique peut suivre l'une
de ces solutions ou encore renvoyer le dossier pour complément d'instruction. En RDC
(contrairement en Belgique et en France), la décision de clôturer le dossier d'instruction
préparatoire est une décision administrative et non juridictionnelle.

De manière concrète, lorsque les éléments de l'infraction à charge de l'auteur présumé de


l'infraction ou l'inculpé ne sont pas établis, le magistrat instructeur proposera le dossier au
classement sans suite (I); lorsque les faits sont sans gravité, le plus souvent, il l'invitera à
payer une amende transactionnelle (II), assortie, s’il échet, du paiement des dommages-
intérêts à la victime844. Mais lorsque le magistrat instructeur estime que les éléments
constitutifs de l'infraction sont solides et qu'il n'y a pas lieu de clôturer le dossier par amende
transactionnelle, il devra l'envoyer en fixation devant le tribunal compétent (III) aux fins de
solliciter la condamnation du prévenu.

843
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
844
Article 172 alinéa 2 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
313

I. Le classement sans suite


C'est la décision par laquelle l'officier du ministère public, décidant de ne pas poursuivre,
classe le dossier dans les archives de son parquet. L'officier du ministère public décidera de
classer sans suite s'il pense que les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis ou la
charge de la preuve présente des obstacles insurmontables ou encore lorsque les poursuites
pénales sont irrecevables, notamment par la prescription de l'action publique, chose jugée,
abrogation de la loi pénale ou dépénalisation, amnistie, etc. Enfin, il aura classement sans
suite si l'officier du ministère public estime simplement que les poursuites pénales sont
inopportunes.

1. Motifs du classement sans suite

Les motifs du classement sans suite ne sont pas énumérés de manière exhaustive par
la loi. Divers motifs peuvent donner lieu au classement sans suite. C'est le cas lorsque la
victime a retiré sa plainte, principalement s'il s'agit de poursuites des infractions
conditionnées par la plainte de la partie lésée (adultère, grivèlerie, infractions de droits
d'auteurs et voisins, dénonciation calomnieuse et diffamation, infractions fiscales, infractions
commises à l'étranger, etc.).

De même, lorsque le préjudice est médiocre, cela peut être un motif de classement sans
suite. En effet, moins grave est l'infraction, moins graves sont les chances de poursuites
(principe de proportionnalité). En ce sens, l’équité peut dicter un classement sans suite
lorsque l’infraction est trop minime. On citera les exemples du vol d'un maïs dans un champ,
vol d'un biscuit ou d'un stylo dans un magasin pour un faible montant (50, 100, 300, 500,
1000 francs congolais) et commis par un délinquant primaire. Aussi, lorsque le délinquant
est une personne honorable cela peut être un motif de classement sans suite s'il a remboursé
spontanément la victime.

D'autres motifs de classements peuvent être relevés :

- l’absence des éléments constitutifs de l’infraction ;


- l'absence d'infraction, infraction non établie ou charges insuffisantes;
- auteur inconnu, l’impossibilité de retrouver l’auteur présumé de l’infraction,
hypothèse fréquente dans la pratique ;
- action publique éteinte, la prescription de l'action publique est éteinte, le décès de
l’inculpé, abrogation de la loi pénale, amnistie, poursuites non opportunes.

Enfin, l’inopportunité des poursuites peut conduire au classement sans suite : c’est le
lorsque l’abstention est dictée par des considérations d’ordre politique ou social, c’est-à-
dire la répression serait plus punissable qu’utile à l’ordre public. Ce motif peut prêter à
critique dans la mesure où il peut servir de motif de classement sur base des intérêts
politiques partisans. La considération d’ordre politique qui peut justifier le classement sans
suite fait appel à l’intérêt supérieur de l’Etat. C’est la politique prise en son sens ethnologique
et philosophique qui consiste à se préoccuper de la bonne gestion de la «cité», de la société.
314

Il peut arriver des cas en effet où l’exercice des poursuites judiciaires peut être à l’origine de
graves troubles sociaux auxquels cas l’intérêt supérieur du pays requiert que ces poursuites
n’aient pas lieu afin de sauvegarder la paix sociale. L’application de ce principe, dans le
contexte constitutionnel actuel permet de se demander si le ministère public peut seul
apprécier l’opportunité politique de poursuivre. C’est mêler le pouvoir judiciaire à la
politique. De même, l'inopportunité des poursuites peut résulter du faible préjudice causé par
l'infraction reprochée, du caractère mineure du rouble à l'ordre public qu'elle provoqué, de la
personnalité de l'auteur présumé de l'infraction, de son honorabilité ou de sa volonté affichée,
et corroborée, de ne pas réitérer les faits alors qu'il est délinquant primaire, ou encore du fait
qu'il a indemnisé la victime845.

L'opportunité de poursuite trouve sa complète expression lorsqu'il apparaît constituée une


infraction dont l'auteur présumé de l'infraction est identifié. Elle peut, bien sûr, fonder à elle
seule le classement sans suite, se situant dans la vraie logique de l'opportunité des
poursuites. C'est elle en réalité, qui fait suspecter une telle décision, puisque aucun critère
certain ne peut alors être avancé qui soit susceptible de démontrer d'emblée qu'il ne
consacre aucune inégalité devant la justice.

En revanche, ne serait pas une cause de classement sans suite l'incompétence matérielle,
territoriale ou personnelle relevée par le ministère public à l'examen du dossier, qui ne peut
qu'amener le ministère public saisi d'un tel dossier à le transmettre à son collègue près le
tribunal qui paraît compétent.

L'officier du ministère public dispose d'une certaine marge d'appréciation qu'il doit cependant
utiliser avec prudence et sans omettre les références éthiques et morales. Il ne saurait oublier
non plus que le principe reste tout de même la poursuite, même si la loi ne le dit pas
expressément.

2. Avantages de classement sans suite

Le classement sans suite évite les poursuites inutiles lorsque les faits sont prescrits,
amnistiés, ou lorsqu'il s'avère impossible d'en découvrir les auteurs. De plus, dans certains
cas, les poursuites causeraient plus du tort à l'ordre public qu'elles ne répareraient un soi-
disant préjudice.

Le classement sans suite, qu'il intervienne pour des motifs juridiques ou d'opportunité, évite
aux personnes concernées les inconvénients de poursuites injustifiées, à la société des troubles
inutiles, et enfin, permet dans une certaine mesure de réduire l'encombrement des juridictions.

845
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1314, p. 740.
315

3. Inconvénients de classement sans suite

L'inconvénient majeur est l'absence de notification et d'information aux parties. En effet, il


résulte incontestablement du système de classement sans suite une insécurité juridique: non
seulement il laisse l'inculpé dans l'ignorance de l'issue de l'instruction à cause de l'absence
d'acte constatant le classement sans suite, mais; quand bien même l'inculpé en serait
officiellement averti, le classement sans suite ne le met pas à l'abri d'une reprise de l'action au
gré du parquet. De son côté, la victime de l'infraction ne sera pas avisée officiellement du
classement éventuel de l'affaire.

Nous pensons qu'au nom du respect du procès équitable, le ministère public doit informer la
victime du classement sans suite de son dossier et en même temps lui donner toute précision
sur son droit d'exercer l'action civile par voie de citation directe. Il doit également informer le
prévenu que le dossier a été classé sans suite.

4. Mécanismes de mettre fin aux abus du classement sans suite

Il est évident qu’à côté des avantages qui justifient le classement sans suite, le pouvoir
d’appréciation peut être source d’abus. Il doit être affirmé que l’officier du ministère public
ne peut jamais s’abstenir de poursuivre suivant des inclinations personnelles, tribales ou
partisanes. C'est dans le but d'éviter ce risque que l’organisation hiérarchique du parquet
permet au chef d’office de contrôler les actes de ses subordonnés. Une note de classement est
envoyée au chef hiérarchique chaque fois qu’il s’agit d’une affaire qui, le cas échéant, requiert
l’autorisation préalable du procureur général près la Cour de cassation, du procureur général
près la Cour d'appel ou du procureur de la République pour l’exercice des poursuites846.

Chaque chef d’office veillera à ce que ses magistrats communiquent régulièrement les
dossiers classés. Il visera ces dossiers. La transmission au chef d’office des dossiers se fera
mensuellement. Le chef d’office avisera son supérieur hiérarchique, s’il constate que certains
classements ordonnés par ses magistrats sont injustifiés ou lorsque l’instruction traîne sans
raison plausible847.

De même, l'article 139 du règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets prévoit que
le Procureur général près la Cour de cassation, le Procureur général près la Cour d'appel et le
procureur de la République peuvent revenir sur chaque décision de classement. Le procureur
de la République veille à ce que ses substituts lui communiquent régulièrement les dossiers
classés. Il vise ces dossiers (il donne son approbation). Le procureur de la République avise le

846
Article 137 alinéa 2 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
847
Circulaire n°3/008/IM/PGR/2011 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 182.
316

procureur général s’il constate que certains classements ordonnés par ses substituts sont
injustifiés ou lorsque l’instruction traîne sans raisons plausibles848.

Cependant, la circulaire n° 03/008/IM/2011 relative à l'organisation intérieur des parquets


dit que l’autorisation préalable du Procureur général près la Cour d'appel ou du procureur de
la République n’est jamais nécessaire en ce qui concerne les classements. Cette circulaire
précise lorsqu’une telle décision est raisonnable, qu’elle soit prise immédiatement, ne fût-ce
que pour mettre fin à l’incertitude de l’inculpé et aux suspicions dont il fait l’objet. Mais une
note de classement leur sera envoyée chaque fois qu’il s’agit d’une affaire qui, le cas échéant,
requiert l’autorisation du Procureur Général près la Cour de cassation, du Procureur général
près la Cour d'appel ou du procureur de la République pour l’exercice des poursuites849.

5. Effets du classement sans suite

Le classement sans suite se traduit par un archivage du dossier, matériellement puisque le


dossier est classé dans les archives du parquet et juridiquement il s'analyse comme une
mesure purement administrative et non juridictionnelle en ce sens que le parquet peut toujours
revenir sur le classement sans suite et tant que la prescription de l'action publique n'est pas
acquise, le classement sans suite reste provisoire. Dans ce cas, l’action publique peut être
relancée s'il y a des éléments nouveaux qui sont découverts. Il arrive aussi parfois que le
même officier du ministère public qui avait classé sans suite change d'avis, estimant qu'il est
libre de classer ou non850.

De même, il n'existe pas de recours judiciaire contre la décision de classement sans suite,
mais il est de pratique constate que la victime de l'infraction ou le plaignant peut s'adresser à
l'autorité hiérarchique de l'officier du ministère qui a clôturé le dossier sans suite afin que
l'action publique poursuive son cours. Et si c'est de l'avis de cette autorité hiérarchique, elle
peut revenir sur la décision de classement sans suite d'autant plus que le classement sans suite
n'étant pas de nature juridictionnelle n'a pas d'autorité de la chose jugée. Aussi, le procureur
de la République, le Procureur général près la Cour d'appel ou le Procureur Général près la
Cour de cassation conservent le droit de revenir sur des classements dont ils ont eu l’occasion
d’apprécier les motifs, soit par des notes de classement, soit en cours d’inspections, soit par
l’examen des pièces périodiques851. Enfin, le classement sans suite n'empêche pas la victime
de saisir directement le tribunal compétent par voie de citation directe.

848
Article 140 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
849
Circulaire n°3/008/IM/PGR/2011 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 182.
850
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 285, p. 457.
851
Circulaire n°3/008/IM/PGR/2011 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 182.
317

6. Appréciation du système de classement sans suite

Dans bien des circonstances, le classement sans suite est devenu le moyen utilisé pour en
sauver des amis, des membres de famille ou des personnes jouissant des appuis politiques ou
financiers. C’est une source de revenu pour beaucoup de magistrats instructeurs qui n’ont
pas de conscience professionnelle. Sans doute, le contrôle hiérarchique devrait corriger
ces abus, mais il faut noter aussi que l’inconscience de certains magistrats va jusqu’à
falsifier la vérité dès la phase de l’instruction préparatoire en dressant des procès-verbaux
dans un sens orienté vers le classement sans compter que parfois le magistrat refuse tout
simplement de transmettre certains dossiers au contrôle hiérarchique. Il faut alors toute la
vigilance de la hiérarchie pour découvrir lors des instructions, les nombreux dossiers classés
de manière irrégulière, et redresser disciplinairement les magistrats concernés par ces abus.

II. L'amende transactionnelle

1. Notions

L'article 9 alinéa 1 du Code de procédure pénale prévoit que pour toute infraction de sa
compétence, l'officier de police judiciaire peut, s'il estime qu'à raison des circonstances la
juridiction de jugement se bornerait à prononcer une amende et éventuellement la
confiscation, inviter l'auteur de l'infraction à verser au Trésor une somme dont il détermine le
montant sans qu'elle puisse dépasser le maximum de l'amende encourue augmentée
éventuellement des décimes légaux. L’amende transactionnelle, prévue par cette disposition
intervient avant qu’une juridiction soit saisie. La décision en cette matière peut être prise
soit par l’officier de police judiciaire, soit par le ministère public, lesquels estiment en lieu
et place d’une juridiction.

Ainsi donc, l’amende transactionnelle a comme but d’éviter aux justiciables les ennuis
que le système de répression peut leur causer tels l’emprisonnement et la condamnation aux
frais de justice lorsqu’ils n’ont commis que des infractions mineurs. Elle diminue en même
temps les charges publiques en désencombrant les tribunaux, ainsi que les prisons, tel est le
cas du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa, toujours en surpopulation, ce qui
implique que l’amende transactionnelle puisse procéder d’une ligne de conduite aussi
régulière que possible et fasse l’objet d’un contrôle sévère de la part du Ministère public852.
En établissant cette procédure, le législateur veut d’abord désencombrer les tribunaux, ensuite
éviter aux justiciables des ennuis et des frais hors de proportion avec la gravité de l’infraction
commise, enfin, diminuer les charges publiques. Il va de soi que si le contrevenant accepte,

852
Circulaire n°008/IM/002/PGR/2004 du 11 mai 2004 relative aux amendes transactionnelles, in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 204.
318

lorsqu’il est pris sur le fait, de verser l’amende qui lui est proposée, le tribunal n’est pas mis
en mouvement853.

L’amende transactionnelle est appelée, à éviter aux justiciables lorsqu’il s’agit de simples
infractions, les ennuis que le système de répression peut leur causer. La justice, ainsi
appliquée, coûte moins cher au contrevenant, puisqu’en acceptant de payer l’amende, celui-ci
évite la condamnation aux frais d’instruction. On lui évite également la menace d’une
éventuelle condamnation à la servitude pénale et les inconvénients que son séjour en prison
peut avoir pour lui-même, à cause de la promiscuité avec les détenus moins intéressants et
pour sa famille, pendant qu’il est absent. Il se comprend que si, au lieu de mettre en branle
l’appareil judiciaire, on a recours à l’amende transactionnelle, on soulage les juges de cette
besogne. Du même coût, on évite l’incarcération de nombreux individus dont l’entretien coûte
à l’Etat, on réalise incontestablement une économie que les circonstances actuelles rendent
encore plus souhaitables854.

Le mot "transaction" n'apparaît nullement dans le texte de l'article 9 du Code de


procédure pénale et c'est par analogie que le mot est entré dans la pratique et la doctrine
dominante. L’épithète "transactionnelle "ne signifie pas que l’officier de police judiciaire
ou le ministère public transige sur le montant mais plutôt sur le principe. Le paiement de
l’amende transactionnelle n’implique pas aveu de culpabilité d’autant plus que l’auteur
présumé de l’infraction peut se rétracter et revenir sur le paiement qu’il a effectué. C’est
seulement lorsqu’il a satisfait à toutes les invitations qui lui sont faites par l’officier de
police judiciaire, que l’action publique s’éteint à moins que le ministère public n’en décide
autrement.

2. Conditions

L'article 9 alinéa 1er du Code de procédure pénale déclare : "Pour toute infraction de sa
compétence, l'officier de police judiciaire peut, s'il estime qu'à raison des circonstances la
juridiction de jugement se bornerait à prononcer une amende et éventuellement la
confiscation, inviter l'auteur de l'infraction à verser au Trésor une somme dont il détermine
le montant sans qu'elle puisse dépasser le maximum de l'amende encourue augmentée
éventuellement des décimes légaux".

L'interprétation de cette disposition montre que l'amende transactionnelle exige les


conditions suivantes:

853
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 304.
854
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 304.
319

- l'OPJ doit estimer que la juridiction de jugement pourrait prononcer une amende et
éventuellement une confiscation;
- l'OPJ doit estimer que la juridiction de jugement pourrait prononcer uniquement une
amende et non la servitude pénale principale ou une autre peine.

Ceci exclut de manière absolue toutes les infractions pour lesquelles une peine de servitude
pénale est comminée sans alternative. A cet effet, les officiers du ministère public devront
réagir contre la tendance qu’aurait tel officier de police judiciaire à inviter des personnes à
payer une amende forfaitaire pour des fais qui n’ont aucun caractère infractionnel ou pour des
faits infractionnels tellement anodins qu’ils ne donneraient normalement pas lieu à des
poursuites judiciaires855.

Quant aux infractions sanctionnées à la fois de peines de servitude pénale et d'amende ou


l'une de ces peines seulement, le règlement par amende transactionnelle peut être fait
lorsqu'on est certain qu'en raison des circonstances, le tribunal n'appliquerait pas la peine de
servitude pénale.

3. Autorités judiciaires compétentes

Il ne s'agit pas ici de juridiction compétente ou compétence juridictionnelle puisque la


caractéristique de l'amende transactionnelle est d'éviter le jugement, mais il s'agit bien des
autorités judiciaires au sens administratif du mot.

a) L'officier de la police judiciaire

Il s'agit de l’officier de police judiciaire verbalisant qui formule, sur-le-champ ou après


enquête ou information sommaire, l'invitation à effectuer les paiements des amendes
transactionnelles et les abandons volontaires en vue d'effectuer les poursuites. Les officiers
de police judiciaire à compétence restreinte ont également qualité pour proposer les amendes
transactionnelles pour les infractions de leur compétence.

b) L'officier du ministère public

Lorsque l'infraction est constatée par l'officier du ministère public, c'est celui-ci qui peut
proposer le paiement des amendes transactionnelles. De même, Il peut arriver que l'officier
de police judiciaire transmet les procès-verbaux en vue des poursuites, et l'officier du
ministère public prenne l'initiative d'inviter l'inculpé (ancien auteur présumé de l'infraction) à
un paiement d'amende transactionnelle. En ce cas, l'officier du ministère public prenant
l'initiative de la transaction ne peut pas prendre la responsabilité de laisser l'action publique

855
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 306.
320

s'éteindre par l'amende transactionnelle sans transmettre le dossier à son supérieur


hiérarchique du parquet ou du moins obtenir l'avis de ce dernier.

Il convient toutefois de préciser que le procureur général près la Cour d'appel en tant
qu'autorité qui a la plénitude de l'action publique, a le pouvoir de décider de poursuivre après
qu'il a été satisfait aux invitations de l'amende transactionnelle même si, après contrôle, le
chef hiérarchique de l'officier de police judiciaire n'a pas décidé de poursuivre.

4. Qui perçoit les amendes transactionnelles

L'article 9 alinéa 3 du Code de procédure prévoit que l'officier de police judiciaire en avise
également le fonctionnaire ou l'agent chargé de recevoir les amendes transactionnelles. Au
sens de cet alinéa, celui qui perçoit les amendes transactionnelles est un fonctionnaire, plus
précisément le greffier. Cet article ne précise pas s'il s'agit du greffier du tribunal de grande
instance ou du tribunal de paix. Le silence de cette disposition signifie qu'il s'agit du greffier
du tribunal près lequel l'officier du ministère public (en ce compris l'officier de police
judiciaire) exerce ses fonctions. Lorsque le greffier perçoit les amendes transactionnelles, il
avise le parquet du paiement effectué.

L'article 106 de l'ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des


attributions d'officiers et agents de police judiciaire près les juridictions de droit prévoit que
l'amende est obligatoirement payée entre les mains d'un comptable du Trésor ou au greffe de
la juridiction compétente. Elle ne peut en aucun cas être perçue par l'officier de police
judiciaire. En proposant au contrevenant le paiement de l'amende transactionnelle, l'officier
de police judiciaire lui indique le comptable ou le greffier auprès duquel l'amende doit être
versée856.

Mais dans la pratique, ce n'est plus le greffier qui perçoit les amendes transactionnelles.
En effet, il convient de souligner que toute perception de l’amende doit donner lieu à une
quittance en l’occurrence une note de perception délivrée par les agents de la DGRAD. Tel,
n’est malheureusement pas, le cas dans les différents bureaux des officiers de police
judiciaire. Et il faudra rappeler à ces derniers que leurs procès-verbaux de perception des
amendes doivent mentionner les références de ces quittances ou notes de perception délivrées
aux contrevenants. En cas d’omission, les officiers du Ministère public ont l’impérieuse
obligatoire d’interpeller les officiers de police judiciaire concernés857.

Le comptable qui perçoit l'amende transactionnelle est tenu de délivrer à l'intéressé une
quittance tirée d'un carnet à souche du modèle autorisé par le ministre des Finances. Le

856
Article 107 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978, p. 7.
857
Circulaire n°008/IM/002/PGR/2004 du 11 mai 2004 relative aux amendes transactionnelles, in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 205.
321

contrevenant doit remettre cette quittance à l'officier de police judiciaire avant l'expiration du
délai imparti858.

5. Déroulement de la procédure

Un officier de la police judiciaire constate une infraction et en dresse procès-verbal, mais au


lieu d'envoyer ce procès-verbal à l'autorité du parquet qui dispose de l'action publique, il
propose à l'auteur présumé de l'infraction de verser au Trésor une certaine somme d'argent et
d'abandonner les objets susceptibles d'être confisqués si une juridiction pénale était saisie, il
l'invite en outre à payer les dommages et intérêts; lui signifiant que s'il satisfait à l'invitation,
les poursuites n'auront plus lieu...sauf si le ministère public décide de poursuivre malgré le
règlement.

En face se trouve un particulier qui conteste ou non les faits et leur caractère infractionnel,
qui a le droit de se défendre devant une juridiction, mais qui peut redouter les frais et
désagrément d'une procédure judiciaire et plus spécialement le risque d'une condamnation, ou
plus concrètement les traces qu'elle laisse au casier judiciaire.

Nous voyons bien d'une part, l'auteur présumé de l'infraction renonçant à se défendre en
justice, et décide de payer volontairement une somme au titre d'amende et des dommages et
intérêts sans discuter devant le tribunal, de sa faute, de la hauteur du préjudice ou du lien de
causalité. L'officier de la police judiciaire se borne à inviter l'auteur présumé de l'infraction à
faire volontairement ce que le juge lui imposerait d'autorité. En s'exécutant, l'auteur présumé
de l'infraction se met en bonne position pour voir le ministère public s'abstenir de mettre en
mouvement l'action publique.

L'officier de police judiciaire détermine le montant de l'amende en s'inspirant de la


jurisprudence locale. Ce montant ne peut dépasser le maximum de l'amende prévue par la loi
pour l'infraction commise. Il est augmenté des décimes additionnels dans les cas où la loi le
prévoit859. L'officier de police judiciaire ne peut ni imposer, ni contraindre l'auteur présumé de
l'infraction à payer l'amende transactionnelle. Si ce dernier refuse la proposition, il en est
dressé procès-verbal860. Il est indispensable que l’officier de police judiciaire fasse
comprendre au justiciable qu’il n’est pas obligé de payer l’amende, mais qu’il risque, dans le

858
Article 108 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978, p. 7.
859
Article 104 alinéa 2 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions
d'officiers et agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978,
p. 7.
860
Article 105 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978, p. 7.
322

cas où il n’accepterait pas de la payer, d’être poursuivi devant les tribunaux répressifs où, par
contre, il aura l’occasion d’exposer à nouveau ses moyens de défense861.

Comme on le voit, l’amende transactionnelle doit être proposée et acceptée mais non
imposée par l’Officier du Ministère public ou l’Officier de Police Judiciaire au justiciable.
Celui-ci doit l’accepter pour qu’elle soit effective. Il peut en discuter le montant qui peut être
réduit dans la marge fixée par la loi, en tenant compte de la situation sociale de l’assujetti. Ce
dernier sera invité à dédommager au préalable la personne lésée par l’infraction avant tout
classement du dossier par amende transactionnelle pour l’Officier du Ministère public862.

La loi n'invite pas le ministère public à exprimer son intention de ne pas poursuivre, et
moins encore à la formuler dans une ordonnance. Il ne poursuit pas mais il garde le pouvoir
de poursuivre. L'action appartenant au parquet, organe hiérarchisé du pouvoir judiciaire, tout
supérieur du magistrat traitant le dossier peut, sans ou contre son avis, décider des poursuites,
et ce sans aucune limitation de délai, sauf la prescription de l'action publique. En fait, l'auteur
présumé de l'infraction sait qu'il ne sera plus inquiété après paiement d'amende
transactionnelle, mais il n'a acquis aucun titre opposable au ministère public.

L'article 9 du Code de procédure pénale décrit la marche à suivre pour le payement de


l'amende transactionnelle. De manière plus concrète, il faut qu'il existe d'abord une infraction
qui peut être constaté par un procès-verbal, ou un procès-verbal actant une plainte ou une
dénonciation; il faut ensuite un procès-verbal d'interrogatoire ou d'interpellation ou d'audition
de l'auteur présumé de l'infraction, mais il n'est pas exigé que l'auteur présumé de l'infraction
avoue les faits et de leur caractère infractionnel, la voie du paiement de l'amende
transactionnelle reste ouverte.

Aucune forme n'est imposée pour formuler l'invitation à payer l'amende transactionnelle et
les dommages et intérêts éventuels. Un écrit est cependant indispensable pour permettre
l'opération de contrôle. L'invitation peut être faite par simple missive dont une copie signée
sera versée au dossier administratif destiné à l'officier du ministère public; si l'invitation est
verbale, elle doit faire l'objet d'un procès-verbal.

Aussi, l’Officier de police judiciaire invite-t-il l’auteur de l’infraction à verser à la


personne lésée ou à consigner les dommages-intérêts qu’il détermine. Lorsque, en raison de
l'infraction commise, il y a une personne lésée par l'infraction, l'officier de police judiciaire ne
peut proposer au suspect le paiement d'une amende transactionnelle qu'après que le suspect a
accepté de verser à cette personne les dommages-intérêts que l'officier de police judiciaire
détermine. Si cette personne refuse de les recevoir, l'auteur de l'infraction peut être autorisé à

861
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 306.
862
Circulaire n°008/IM/002/PGR/2004 du 11 mai 2004 relative aux amendes transactionnelles, in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 204.
323

en consigner le montant auprès d'un comptable du Trésor ou au greffe de la juridiction


compétente. Toutefois, l'invitation à consigner les dommages-intérêts n'a pas lieu si le refus
de la partie lésée est motivé par sa volonté de ne percevoir aucune indemnité pour l'infraction
commise. Le comptable du Trésor ou le greffier auprès duquel la somme a été consignée
délivre à l'intéressé une quittance comportant la mention consignation de dommages et
intérêts. L'officier de police judiciaire dresse du tout procès-verbal. Il y mentionne les
références de la quittance de consignation et laisse celle-ci entre les mains de celui qui a
effectué la consignation863.

Et lorsque l’infraction peut donner lieu à confiscation, le délinquant fait, sur invitation de
l’officier de police judiciaire et dans le délai fixé par lui, abandon des objets sujets à
confiscation. Si ces objets ne sont pas saisis, le délinquant s’engage à les remettre à l’endroit
indiqué par l’Officier de police judiciaire. L’Officier de police judiciaire informe, sans délai,
l’Officier du Ministère public à qui il transmet le procès-verbal relatif à l’infraction ainsi que
les invitations adressées à l’auteur de celle-ci. Il en avise également le fonctionnaire ou
l’agent chargé de recevoir les amendes judiciaires864.

L'officier de police judiciaire fixe en même temps à l'auteur présumé de l'infraction le


délai dans lequel l'amende devra être payée. Ce délai est au maximum de huit jours sauf
prorogation éventuelle par l'officier du Ministère public865. Le manque de diligence à
effectuer le paiement expose l'auteur présumé de l'infraction à voir l'officier du ministère
public exercer l'action publique. L’attention des officiers du ministère public et officiers de
police judiciaire est attiré sur l’utilité de fixer un délai de paiement de l’amende
transactionnelle proposée, afin qu’il n’y ait aucune doute quant au refus du prévenu de payer
l’amende en question et que les poursuites puissent être intentées sans qu’il faille encore les
retarder par un échange de correspondance souvent inutile866.

De même, la loi impose à l’officier de police judiciaire de fixer un délai pour remettre les
objets susceptibles de saisie à l'endroit qu'il détermine. En pratique, l’officier de police
judiciaire ne transmettra un dossier avec proposition de ne pas exercer les poursuites que s'il
a pu acter en forme de procès-verbal et l'abandon des biens confiscables et le paiement des
dommages et intérêts dus aux victimes, en principe ce règlement doit se faire sur-le-champ.

863
Article 112 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978, p. 7.
864
Circulaire n°008/IM/002/PGR/2004 du 11 mai 2004 relative aux amendes transactionnelles, in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 205.
865
Article 107 alinéa 3 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions
d'officiers et agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978,
p. 7.
866
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 306.
324

Pour le paiement de l'amende transactionnelle, l’officier de police judiciaire ne peut pas


toucher lui-même, cela sera à la comptabilité (DGRAD).

L'article 9 alinéa 3 du Code de procédure pénale impose à l’officier de police judiciaire


d'aviser également le fonctionnaire ou l'agent chargé de recevoir les amendes judiciaires les
invitations qu'il a faites à l'auteur présumé de l'infraction. Nous ne voyons pas l'utilité de cette
formalité !! Ce qui serait plus utile c'est d'instaurer une procédure en vue de faire connaître à
l'officier du ministère public que le paiement a été effectué, cela pourrait être imposé au
greffier du tribunal de la juridiction compétente du ressort ou bien abandonner à la diligence
de l'auteur présumé de l'infraction qui a intérêt à faire parvenir la quittance (preuve de
paiement) à l'officier du ministère public, soit directement, soit par l'intermédiaire de l’officier
de police judiciaire qui l'a invité à payer l'amende transactionnelle.

6. Modalités d'application de l'amende transactionnelle

L'officier de la police judiciaire qui invite l'auteur présumé de l'infraction à payer une
amende transactionnelle en vue d'éteindre l'action publique, doit exiger que l'auteur présumé
de l'infraction satisfasse à toutes les prétentions que le ministère public aurait pu soutenir
devant la juridiction pénale.

Le taux de l'amende proposé doit être celui que le ministère public aurait pu voir appliquer
(avec modération) par le tribunal et ne peut en aucun cas dépasser le maximum de l'amende
comminée par la loi pénale en répression du fait reproché867.

Si l'infraction donne lieu à confiscation facultative, l’officier de police judiciaire dispose du


même pouvoir d'appréciation pour inviter à l'abandon d'objets visés qu'aurait le juge pou en
prononcer la confiscation.

Si l'action publique peut donner lieu à l'allocation de dommages et intérêts d'office,


l’officier de police judiciaire doit exiger le paiement des dommages et intérêts tels qu'il
estime que le juge les allouerait s'il était saisi. Nous pensons qu'il est nécessaire que la
victime se déclare satisfaite de cette allocation.

Lorsque dans les poursuites exercées à propos d'une même infraction, il ya plusieurs
auteurs et des coauteurs ou des complices, l'officier de police judiciaire doit proposer
individuellement à chacun d'eux un montant distinct, au titre d'amende transactionnelle.
Celui-ci sera déterminé en fonction de la fortune et de la responsabilité de chacun dans la
commission de l'infraction. Les dommages-intérêts pourront toutefois être évalués pour le
tout. En ce cas, l'un quelconque de ces auteurs pourra les payer, sauf à lui à se retourner
contre ses codébiteurs868.

867
Article 9 alinéa 1 er du Code de procédure pénale.
868
Article 113 de l'ordonnance n° 78/289 du 3 juillet 1978 relative à la l'exercice des attributions d'officiers et
agent de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n° 15, 1 er août 1978, p. 7.
325

Bref, l’officier de police judiciaire dresse un procès-verbal des faits, il recueille au besoin
les éléments de preuve qui les établissent et adresse le tout à l’officier du ministère public en
l’informant qu’il a proposé au contrevenant, pour mettre fin aux poursuites, une amende de tel
montant, par application de tel texte, relatif aux faits incriminés et que le contrevenant a
accepté de payer et a effectivement payé dans le délai imparti. Si l’application du texte aux
faits est légitime et si l’amende est juste et équitable et acceptée par l’officier du ministère
public, l’affaire est terminée et la somme prise définitivement en recette. Sinon, l’officier du
ministère public corrigera par des observations appropriées ce que l’application de la
législation aurait d’illégal ou d’inopportun, en certains cas particuliers, fera restituer l’amende
et exercera l’action publique, s’il l’estime opportun869.

7. Effets juridiques

a) L'invitation de l'officier de police judiciaire à l'auteur présumé de l'infraction à payer


l'amende transactionnelle ne sort aucun effet juridique, elle n'est notamment pas suspensive
de l'action publique; elle n'empêche pas la citation directe; par contre, la citation directe fera
obstacle à l'amende transactionnelle si le tribunal est saisi avant que l'action publique ne soit
éteinte.

b) Le fait pour l'auteur présumé de l'infraction d'avoir accepté de payer l'amende


transactionnelle ne sort pas plus d'effets juridiques, il n'implique nullement une
reconnaissance de culpabilité870; il ne crée aucun titre exécutoire, il n'est pas non plus
suspensif de l'exercice de l'action publique. En s'abstenant de payer après avoir accepté
l'invitation de l'officier de police judiciaire, l'auteur présumé de l'infraction s'expose
simplement à avoir le ministère public exercer les poursuites.

c) L'effet juridique certain du fait d'avoir satisfait à l'invitation de l'officier de police


judiciaire est:

- l'officier du ministère public qui a formulé la proposition ne pourra plus disposer de l'action
publique, non plus qu'aucun magistrat du même niveau hiérarchique, seuls les chefs
hiérarchiques du parquet pouvant en décider;

- la citation directe ne sera pas recevable après satisfaction aux invitations de l'officier de
police judiciaire à payer l'amende transactionnelle. Cependant si l'officier du ministère public
décide de poursuivre, l'action sera réputée n'avoir été éteinte et la partie civile pourra se
constituer;

- l'auteur présumé de l'infraction ne peut plus répéter les sommes payées au titre des
dommages et intérêts, ni récupérer les objets abandonnés au titre de restitution ou de

869
Circulaire n°04/008/IM/PGR/2011 relative à l'action des officiers de police judiciaire, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 306.
870
Article 9 in fine du Code de procédure pénale.
326

confiscation, si ce n'est lorsque le ministère public reprend l'initiative des poursuites; en


d'autres termes, l'auteur présumé de l'infraction qui a exécuté les conditions imposées en vue
d'une amende transactionnelle ne peut plus revenir sur son option et demander d'être jugé.

d) L'effet juridique de l'approbation de l'amende transactionnelle par l'officier du ministère


public, chef hiérarchique de celui qui a fait l'invitation à payer, est d'empêcher ce magistrat
(ou tout autre magistrat du même rang) à revenir sur son appréciation et à exercer les
poursuites. Seul le magistrat, supérieur hiérarchique de celui qui a approuvé l'amende
transactionnelle dispose de l'action.

e) L'extinction de l'action publique

L'article 9 du Code de procédure pénale prévoit que lorsqu'il a été satisfait aux invitations
faites par l'officier de police judiciaire, l'action publique s'éteint à moins que l'officier du
Ministère public ne décide de la poursuivre. Les termes de cette dispositions affirment
l'inaliénabilité de l'action publique aux mains du parquet, ils indiquent en même temps que,
dès que l'auteur présumé de l'infraction s'est conformé aux invitations à payer l'amende
transactionnelle, l'action publique est retirée à l'officier de police judiciaire, à l'officier du
ministère public qui a proposé le paiement de cette amende et au magistrat qui l'a approuvé,
tandis que la victime n'a plus le pouvoir de la mettre en mouvement par voie de citation
directe.

D'autre part l'accomplissement du paiement de l'amende transactionnelle fournit au ministre


public une motivation pour ne pas exercer les poursuites, quand bien même il en garde
légalement le pouvoir.

Enfin, l'auteur présumé de l'infraction qui a satisfait aux invitations de l'officier de police
judiciaire et qui n'apprend pas, en un délai normal que le ministère public a décidé de
poursuivre malgré la transaction de paiement de l'amende transactionnelle, sait qu'en fait il ne
sera plus inquiété, encore que le pouvoir des autorités hiérarchiques du parquet reste entier.

8. L'exercice de l'action publique après satisfaction

Le Code de procédure pénale n'a pas prévu cette hypothèse, mais l'usage veut que lorsque
le ministère public décide de poursuivre, les amendes transactionnelles soient remboursées.
Ceci ne présente pas de difficulté, quand bien même l'auteur présumé de l'infraction refuserait
d'aller répéter l'amende, du fait qu'il a été avisé que la somme est à sa disposition, le
ministère public pourrait rembourser la somme payée.

Pour ce qui est des objets abandonnés, le ministère public couvre par une saisie lesdits
objets restés aux mains de la justice. Si les dommages et intérêts ont été payés en vertu d'une
transaction séparée entre l'auteur et les victimes de l'infraction, ce contrat de droit privé
subsiste. Le fait que l'inculpé n'a pas été remboursé du montant payé de l'amende
327

transactionnelle ne paralyse pas l'action publique. Enfin, le paiement de la somme déterminée


de l'amende transactionnelle ne constitue ni un aveu ni une présomption de culpabilité871.

9. Critique de l'institution de l'amende transactionnelle

- Il y a d’abord à déplorer la formulation du texte du point de vue de la logique rigoureuse :


«lorsqu’il a été satisfait, aux invitations faites par l’officier de police judiciaire, l’action
publique s’éteint, à moins que l’officier du ministère public ne décide de la poursuite »
(article 9 in fine du Code de procédure pénale).

L’effet apparemment automatique de l’extinction de l’action publique, au cas où toutes les


invitations ont été satisfaites, est anéanti par la restriction apportée par la locution conjonctive
« à moins que… » pour autant que le texte reste muet sur le fait de savoir quand et comment
l’officier du ministère public va-t-il manifester son approbation.

- La victime de l’infraction à qui des dommages intérêts ont été alloués court le risque d’être
privée de la possibilité de pouvoir saisir le tribunal par citation directe au cas où les
dommages intérêts lui paraissent non satisfaisants. En effet, étant donné que la loi ne
précise pas quand et comment l’officier du ministère public va manifester son approbation de
l’action entreprise par l’officier de police judiciaire, la victime peut voir sa citation directe
être déclarée irrecevable parce que l’officier du ministère public aura déjà approuvé les
invitations faites à l’inculpé. Par ailleurs, la voie civile risque aussi de lui être fermée en lui
apposant l’exception « Electa una via non datur recursus ad alteram». Mais ceci pourrait se
discuter.

- Il y a aussi l’insécurité juridique dans laquelle l’institution place l’inculpé qui, après
paiement se trouve toujours à la merci du parquet qui peut à tout moment décider de
poursuivre.

- Enfin, le principe même de l’amende transactionnelle amène un officier de police


judiciaire, donc un non juriste, à se substituer à une juridiction sur le plan même de
l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la fixation des dommages intérêts. Comment
un officier de police judiciaire peut-il, sans formation juridique complète, se comporter
comme un tribunal, notamment pour appliquer les règles de la responsabilité civile pour fixer
les dommages-intérêts.

III. La fixation du dossier au tribunal

Si le ministère public estime que toutes les conditions de l'action publique paraissent
réunies, et que la poursuite pénale devant les juridictions de jugement est opportune, il va
décider d'engager l'action publique pour saisir la juridiction compétente en matière pénale.
Mais, alors que la décision de classement sans suite peut toujours être modifiée, la décision de
poursuite, au contraire est irrévocable et irréversible, lorsqu'elle s'est manifestée par un acte
871
Article 9 in fine du Code de procédure pénale.
328

mettant l'action publique en mouvement devant la juridiction pénale; celle-ci se trouve saisie,
et elle ne pourra se dessaisir qu'après avoir apprécié juridiquement les faits de la cause y
compris la recevabilité de l'action publique déclenchée par une jugement de condamnation ou
d'acquittement.

De même, lorsque le ministère public a clôturé l’instruction préparatoire, et qu’il décide de


poursuivre, il transmet le dossier au président du tribunal compétent. Ce dossier est transmis
avec les éventuels objets saisis. Ce dossier est transmis par la «requête aux fins de fixation de
la date d’audience» qui contient les éléments suivants : l’identité du magistrat instructeur,
l’adresse du tribunal compétent, le n° du registre du ministère public, l’identité complète de
l’inculpé ; le libellé de la prévention avec référence aux articles du code pénal qui ont été
violés.

1. Conséquences du dépôt du dossier

Le dépôt du dossier entraine une série d’effets sur le plan juridique :


- Dès cet instant, le ministère public perd toute liberté, singulièrement celle de revenir sur sa
décision de poursuivre, même lorsqu'il estime ensuite la poursuite infondée;
- Le parquet est désormais dessaisi;
- L’action publique est irrévocablement déclenchée et n'appartient plus au ministère public,
sa décision ayant eu pour conséquence de saisir la juridiction de jugement en ce sens que le
ministère public ne peut plus retirer le dossier ni pour le compléter, ni pour le classer sans
suite ou pour le classer par le paiement de l’amende transactionnelle;
- La phase inquisitoriale et secrète de la procédure est terminée : le ministère public ne dispose
plus de pouvoirs exorbitants du magistrat instructeur;
- Les parties privées (prévenu, partie civile et partie civilement responsable) peuvent prendre
connaissance de toutes les pièces que le ministère public entend verser aux débats.

2. La présaisine du tribunal

Le seul dépôt du dossier ne permet pas au tribunal d’exercer sa mission de juridiction


mais lui donne cependant certains pouvoirs:

- le tribunal peu fixer la date à laquelle l'affaire sera entendue. La fixation se faut par
l'inscription d'une date au dossier mentionnée dans une missive adressée à l'officier du
ministère public qui a fait le dépôt des pièces872;

- Le tribunal a compétence pour recevoir la requête de l’inculpé à mainlevée de la détention


ou pour lui accorder le bénéfice de la mise en liberté provisoire sous caution (le ministère
public entendu) s'il était en détention préventive873;

872
Article 53 du Code de procédure pénale.
873
Article 45 du Code de procédure pénale.
329

- Le tribunal peut à la requête des parties ou d’office, lorsque la partie lésée est un
citoyen congolais ou un habitant d’un pays voisin ou des contrées voisines, prendre
certaines mesures d’instruction qui requièrent célérité. L’article 67 du Code de procédure
pénale précise en effet que lorsque le tribunal est saisi, le juge peut, avant le jour de
l’audience et sur la réquisition de l’une des parties, ou même d’office, estimer ou faire
estimer, les dommages, dresser ou faire dresser les procès-verbaux faire ou ordonner tous les
actes requérant célérité.

La formulation de cet article peut donner lieu à diverses interprétations. Les termes
légaux ne semblent viser que le moment où le tribunal est saisi, le moment où la citation à
prévenu est signifiée. Mais la doctrine constante semble plutôt considérer la pré-saisine, c’est
-à-dire le moment situé entre le dépôt du dossier et la signification de la citation. Par
ailleurs, l’on pourrait se permettre, avec raison, de considérer que logiquement les mesures
d’instruction prévues par l’article 67 du Code de procédure pénale sont de la compétence du
président de juridiction et non du tribunal. La formulation grammaticale de cet article permet
cette interprétation : «lorsque le tribunal est saisi. Le juge peut avant le jour de l’audience» ce
qui laisse entendre que le législateur distingue bien» tribunal» et «juge».

D’autre part, les mesures préalables que visent l’article 67 du Code de procédure pénale ne
peuvent juridiquement être que des mesures d’instruction avant l’audience et, à ce titre, elles
relèvent de la compétence du président du tribunal qui agira par voie d’ordonnance.

S’agissant essentiellement des mesures d’instruction, avant l’audience, le recours à un


jugement pour les consacrer est difficile à concevoir sur le plan judiciaire car ne pouvant
dire le droit quant au fond, le tribunal ne pourrait en ce cas que rendre un jugement avant
dire droit, jugement qui dans le respect du principe du contradictoire, ne peut être rendu
que contradictoirement et publiquement. Or, cela paraît exclu puisque la citation qui a
saisi le tribunal a déjà fixé la date de comparution à l’audience. Il faut aussi noter que
l’article 67 du Code de procédure pénale dit que ces mesures sont prises à la requête de
l’une des parties, voire même d’office. Ce qui paraît exclure une procédure contradictoire et
surtout l’idée d’une audience d’instruction dont on ne voit aucune modalité de fixation
dans le respect des délais et des formalités légales. Ainsi donc, la pensée du législateur
semble bien être celle de permettre aux juges siégeant en chambre du conseil, de prendre ces
mesures d’instruction, qui les seront donc par voie d’ordonnance.

L’article 67 du Code de procédure pénale tel que rédigé, n’est pas limitatif : il donne au
président de juridiction un pouvoir d’instruction préjuridictionnelle limité aux faits et
circonstances de l’infraction et à imputation, à condition qu’il y ait urgence et requête des
parties. Le professeur Antoine Rubbens pense que cet article vise également le ministère
public qui peut avoir intérêt à faire réquisition en vue de faire exécuter un devoir qu’il
330

aurait omis d’accomplir avant le dépôt du dossier ou dont l’utilité lui est apparue seulement
à cette phase de la procédure874.

Nous pensons que cet article est incohérent étant donné que rien ne justifie lorsque le
tribunal est saisi que le juge puisse avant le jour de l'audience et sur la réquisition de l'une des
parties, ou même d'office estimer ou faire estimer les dommages, dresser ou faire dresser les
procès-verbaux, faire ou ordonner tous actes requérant célérité. En effet, la saisine du tribunal
a pour mission de donner au tribunal de juger l'affaire, d'acquitter ou condamner. Il semble
incohérent au tribunal de faire l'estimation des dommages avant même de connaître l'affaire
au fond à l'audience au risque de préjuger l'issue du jugement, ce qui peut enfreindre le
principe de l'impartialité. Lorsqu'un juge agit de la sorte, il peut faire l'objet de la récusation
dès lors qu'il a anticipé la solution qu'il pourrait prendre au fond.

De même, le professeur Antoine Rubbens pense que cet article permet au ministère public
de faire exécuter un devoir qu’il aurait omis d’accomplir avant le dépôt du dossier ou dont
l’utilité lui est apparue seulement à cette phase de la procédure. Or, lorsque le ministère a
envoyé le dossier en fixation d'audience, il est dessaisi, il ne peut plus accomplir un moindre
devoir qu'il a omis. Ce n'est qu'en procédure des infractions flagrantes ou réputées telles qu'un
tel devoir lui est reconnu. Comme on le voit, cet article est incohérent, et d'ailleurs, il n'a
jamais été appliqué dans la pratique; c'est pourquoi, il devrait donc être abrogé.

SECTION 3: LA DETENTION PREVENTIVE

§ 1. Notions

I. Définition

Il s'agit de mesures privatives de liberté pendant l'enquête préliminaire et l'instruction


préparatoire. La détention préventive est l'incarcération d'un inculpé à la prison centrale ou
au centre de rééducation pendant tout ou partie de la période qui s'étend du début de
l'instruction préparatoire jusqu'au jugement définitif sur le fond de l'affaire. C'est donc la
privation de liberté que subit l'auteur présumé d'une infraction avant qu'il soit statué de
manière définitive par les juridictions de fond sur la culpabilité et la sanction à infliger à une
personne poursuivie pénalement. Il résulte de cette définition que la détention préventive
déborde le cadre de l'instruction préparatoire puisqu'elle peut se poursuivre au-delà de la
clôture de cette dernière.

874
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A, 1965, n° 98, p. 120.
331

II. Buts de la l'arrestation et la détention préventive

L'arrestation et la détention préventive ont pour but principal de mettre le prévenu à la


disposition de la justice et d'éviter qu’il ne se soustraie par la fuite à la répression, fasse
disparaître les preuves de l’infraction ou en dissimule le produit et nuise gravement à la bonne
marche de l’instruction. Elles peuvent aussi se justifier lorsque l'inculpé tente de dissimuler le
produit de l'infraction ou il essaie de subordonner les témoins, menace les plaignants, etc.
L’arrestation et la mise en détention préventive ne peuvent être envisagées comme le
commencement d’une sanction éventuelle. Ce serait tout à fait contraire au droit de chaque
individu de jouir de sa liberté d’aller et de venir et de vaquer à ses occupations.

La décision de priver quelqu’un de sa liberté devra dans chaque cas être mûrement
réfléchie et ne pourra en aucun cas procéder d’un mouvement d’humeur ou d’une solution de
facilité. La détention préventive sera levée dès que les nécessités de l’instruction n’en
justifient plus le maintien. A ce sujet le magistrat instructeur tiendra à cœur de terminer par
priorité les affaires dans lesquelles des prévenus sont détenus875.

III. Avantages de la détention préventive

La détention préventive empêche que le délinquant ne prenne pas la fuite, continue son
activité criminelle, fasse pression sur les témoins, menace sa victime, détruise les preuves
matérielles de son infraction (indices), de son acte, les obligations du contrôle judiciaire
s'avérant impuissant à exclure de tels risques. En outre, certaines infractions créent une telle
émotion dans l'opinion publique que l'arrestation provisoire du présumé coupable peut
contribuer au rétablissement de l'ordre, et parfois même protéger utilement l'auteur contre les
réactions de vengeance de la victime ou de la foule. De même, la détention peut utilement
faciliter, dans une politique de défense sociale, son observation, voire l'application d'un
traitement médical. La détention préventive, peut aussi faciliter l'instruction en tenant le
détenu à la disposition de la justice.

La justification de la détention préventive réside dans l'impérieuse nécessité d'empêcher


un délinquant de poursuivre l'accomplissement de ses desseins, de se soustraire par la fuite à
l'exécution de la peine qui sera prononcée contre lui ou enfin de faire disparaître le corps de
l'infraction ou les preuves, de subordonner ou de menacer les témoins. La détention
préventive peut aussi faciliter l'instruction en tenant l'intéressé à la disposition du magistrat
instructeur.

875
Circulaire n°5.008/IM/002/PGR/2011 relative à l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire
congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p.
2010.
332

IV. Inconvénients de la détention préventive

La détention préventive est une mesure grave. Elle fait peser sur l'individu une véritable
présomption de culpabilité (alors qu'il n'est pas encore jugé, le principe est la présomption
d'innocence) entraînant parfois un risque de plus forte condamnation en conduisant les juges à
"couvrir" la détention, c'est-à-dire à prononcer un emprisonnement de durée au moins égale
au temps de la détention provisoire.

La détention préventive a un autre inconvénient pour le détenu puisqu'elle peut risquer


d'être une cause de perte de son emploi et d'ébranlement de sa famille. De même, si tout
homme est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été reconnu par le tribunal, il
n'est pas permis de priver de liberté celui contre lequel il n'existe encore que de simples
présomptions et de lui appliquer une mesure qui, au fond, ne diffère pas de celles à laquelle il
serait soumis si sa culpabilité était déclarée.

Enfin, l'expérience a démontré que des personnes dont le jugement s'est terminé par un
acquittement ou une condamnation avec sursis, avaient passé parfois de nombreux mois en
prison avant la décision définitive qui les remettrait en liberté et que leur réinsertion sociale
apparaissait difficile parce qu'entre-temps leur emploi leur avait été retiré, et leur ménage se
trouvait ébranlé876. De manière concrète, la détention préventive constitue une étape
déterminante dans la perspective de la phase de jugement. Effet, il se vérifie qu'un prévenu
comparaissant devant la juridiction de fond sous les liens de détention préventive a beaucoup
moins de chance de ne pas purger la peine d'emprisonnement qui sera prononcée qu'un
prévenu comparaissant libre.

§ 2. Différentes phases de la détention préventive

I. Pendant l'enquête préliminaire

1. Arrestation opérée par un particulier

L’article 6 du Code de procédure pénale reconnaît à tout particulier le pouvoir de


procéder à l’arrestation de l’auteur présumé de l’infraction sous la réunion des conditions
suivantes :
- l’infraction doit être flagrante ou réputée telle ;
- l’infraction doit être punissable de trois ans au moins ;
- il ne doit y avoir sur les lieux aucun officier de police judiciaire ni officier du
ministère public ;
- la personne arrêtée doit être conduite immédiatement devant un officier de police
judiciaire, qui doit dresser un procès-verbal de l’événement.

Lorsqu'une arrestation a été opérée dans ces conditions par un particulier, il faut que la
personne arrêtée soit transportée ou conduite immédiatement devant un officier de police
judiciaire qui doit dresser procès-verbal de l'événement, soit qu'il maintienne l'arrestation, soit

876
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 714, p. 680.
333

qu'il relâche la personne arrêtée.

Il est à noter que le particulier qui procède à l’arrestation d'un délinquant présumé au
mépris des conditions ci-dessus indiquées est passible des poursuites du chef d’arrestation
arbitraire. Cependant, dans la majorité des cas, il sera facile pour les tribunaux de ne pas
déclarer l’infraction établie étant donné que l’arrestation arbitraire exige, entre autres,
comme élément constitutif, la connaissance par l’auteur que l’arrestation est illégale et
arbitraire. Or, c’est cette connaissance qui, justement fait défaut.

Un officier de police judiciaire peut se saisir de la personne du délinquant sous la


réunion des conditions suivantes :
- il faut interpeller l’auteur présumé de l’infraction ;
- il faut qu’il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité ;
- l’infraction doit être punissable de six mois de servitude pénale principale au moins,
ou à défaut, soit il y a des raisons sérieuses de craindre la fuite de l’auteur présumé de
l’infraction, soit son identité est douteuse.

Il est à noter que cette arrestation constatée sur le procès-verbal de saisie du prévenu
peut donner lieu à une détention souvent longue dans les cachots. Et c’est pour remédier à
ces abus que le législateur a institué depuis 1978 la garde à vue. La garde à vue de l'OPJ ne
doit pas dépasser quarante-huit heures (deux jours).

2. Arrestation opérée par un agent des forces de l'ordre

Les agents de forces de l'ordre (policiers) n'ont, par eux-mêmes, pas plus de pouvoirs
d'opérer une arrestation judiciaire qu'un simple particulier. Il rendre par contre dans leur
mission normale d'opérer les arrestations en vertu d'un mandat d'amener ou d'un mandat de
pise de corps (pour la personne qui est condamnée par un jugement). En outre, leur mission
du maintien de l'ordre matériel leur permet-elle de mettre fin à tout trouble créé e des lieux
publics en emmenant les perturbateurs au poste de police (où siège un officier de police
judiciaire), même si les faits reprochés ne sont pas des infractions justifiant l'arrestation par un
particulier.

3. Arrestation opérée par l'OPJ : la garde à vue

Lorsque l'infraction est punissable de six mois de servitude pénale au moins ou lorsqu'il
existe des raisons sérieuses de craindre la fuite de l'auteur présumé de l'infraction ou lorsque
l'identité de ce dernier est inconnue ou douteuse, les officiers de police judiciaire peuvent,
après avoir interpellé l'intéressé, se saisir de sa personne et le conduire immédiatement devant
l'autorité judiciaire compétente, s'il existe des indices sérieux de culpabilité877.

Les officiers de police judiciaire peuvent procéder à l'arrestation de toute personne


soupçonnée d'avoir commis une infraction punissable de six mois au moins de servitude

877
Article 4 du Code de procédure pénale.
334

pénale, à la condition qu'il existe contre elle des indices sérieux de culpabilité. Ils peuvent
aussi, lorsque l'infraction est punissable de moins de six mois et de plus de sept jours de
servitude, pénale, se saisir de la personne du suspect contre lequel existent des indices sérieux
de culpabilité à la condition qu'il y ait danger de fuite ou encore que son identité soit inconnue
ou douteuse. Le suspect est préalablement entendu dans ses explications878.

L'interprétation de ce deux dispositions montre que la garde à vue impose des conditions
suivantes:
- l'infraction doit être punissable de six de servitude pénale principale au moins;
- si l'infraction concernée est punissable des peines moins fortes, il faut qu'il ait des raisons de
craindre la fuite de l'auteur présumé de l'infraction ou l'identité de celui-ci doit être inconnue
ou douteuse;
- il faut qu'il y ait des indices sérieux de culpabilité et la personne arrêtée doit avoir
préalablement été interpellé.

Les officiers de police judiciaire sont tenus d'acheminer immédiatement devant l'officier
du ministère public le plus proche les personnes arrêtées . Toutefois, lorsque les nécessités de
l'enquête l'exigent et que l'arrestation n'a pas été opérée à la suite d'une infraction flagrante ou
réputée telle, l'officier de police judiciaire peut retenir par-devers lui la personne arrêtée pour
une durée ne dépassant pas quarante-huit heures. À l'expiration de ce délai, la personne gardée
à vue doit obligatoirement être laissée libre de se retirer ou mise en route pour être conduite
devant l'officier du ministère public, à moins que l'officier de police judiciaire se trouve, en
raison des distances à parcourir, dans l'impossibilité de ce faire.

L'arrestation ainsi que la garde à vue sont constatées sur procès-verbal. L'officier de
police judiciaire y mentionne l'heure du début et de la fin de la mesure ainsi que les
circonstances qui l'ont justifiée. Le procès-verbal d'arrestation est lu et signé par la personne
arrêtée ou gardée à vue ainsi que par l'officier de police judiciaire dans les formes ordinaires
des procès-verbaux879. Les personnes gardées à vue sont enfermées dans un local prévu à cet
effet ou placées sous la surveillance des agents de l'ordre. Les hommes, les femmes et les
enfants sont tenus séparés. L'officier de police judiciaire qui procède à une arrestation est tenu
de prévenir immédiatement les membres de la famille de la personne arrêtée et doit veiller à
ce que ses biens personnels soient en sûreté. Toute arrestation ou garde à vue des membres de
la famille du suspect au titre de garantie de représentation de ce dernier est prohibée.
L'officier de police judiciaire qui y procède est passible des sanctions prévues à l'article 67 du
Code pénal livre II relatif à l'arrestation arbitraire880.

878
Article 72 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
879
Article 73 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
880
Articles 77 à 79 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
335

II. Pendant l'instruction préparatoire

Lorsqu'un auteur présumé de l'infraction comparaisse libre devant lui, ou qu'il soit amené
en état d'arrestation, soit en exécution d'un mandat d'amener, soit à l'initiative d'un officier de
police judiciaire, l'officier du ministère public peut le placer sous mandat d'arrêt provisoire.
L'arrestation de l'inculpé doit tenir compte de la nature des faits commis, le degré de gravité
de l'infraction commise et l'interrogatoire de l'inculpé.

1. Nature des faits commis

Le souci de sauvegarder la liberté individuelle de chacun justifie cette condition que le


législateur entend protéger en émettant le principe de légalité des délits et des peines. Le
même législateur, qui ne prévoit pas maintien classification des infractions à l’instar de ses
collègues dans d’autres pays, n’est pas non plus explicite sur la nature des infractions
pouvant donner lieu à une mise en détention préventive. Par «nature des faits commis
susceptibles de donner lieu à une détention préventive», il faut l’entendre simplement au sens
de toute infraction d’une certaine gravité qu’il convient d’examiner. Bref, il faut d'abord qu'il
ait l'existence d'une infraction. Le magistrat-instructeur doit particulièrement veiller à ce que
la détention préventive ne soit pas la règle, mais l’exception881.

2. Les indices sérieux de culpabilité

L'article 27 alinéa 1 du Code de procédure pénale prévoit que l'inculpé ne peut être mis en
état de détention préventive que s'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et
qu'en outre le fait paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six
mois de servitude pénale au moins. La première condition de la détention préventive est donc
les indices sérieux de culpabilité; à défaut de ceux-ci, point de mise en détention préventive.
Le mot indices signifie des sérieuses apparences; il s'agit du caractère grave et concordant de
l'infraction, un peu comme, au degré supérieur, dans l'échelle des certitudes, l'absence de tout
doute raisonnable de la commission de l'infraction.

Ces indices sérieux de culpabilité doivent être à charge de l'auteur présumé de l'infraction.
Il faut observer qu'il s'agit bien d'indices, et non de charges ou des preuves définitives. Ces
indices doivent constituer des éléments sérieux dignes, s'ils sont vérifiés et s'ils ne sont pas
contredits ultérieurement, de devenir des preuves et fonder la conviction du juge dans le cadre
du procès pénal882. Peuvent par exemple, constituer des indices sérieux de culpabilité, des
aveux, des témoignages, des expertises, des photographies, des écoutes téléphoniques, etc.
Les indices sérieux de culpabilité ne peuvent pas être fondés sur des éléments recueillis de
manière irrégulière: de tels indices ne pourraient pas fonder la décision ou le maintient d'un
mandat d'arrêt provisoire et, à défaut d'autres indices réguliers, la mise en liberté doit être

881
Article 172 alinéa 1 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
882
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 907.
336

décidée883. Ainsi, un mandat d'arrêt provisoire ne peut être légalement délivré s'il existe des
indices sérieux de culpabilité que les poursuites se fondent sur une provocation dans le chef
des autorités884. Le droit anglo-américain utilise le mot soupçons885; en RDC, ils sont
insuffisants pour autoriser le mandat d'arrêt provisoire.

Nous pensons qu'il serait souhaitable d'utiliser dans la loi les termes "indices suffisants de
culpabilité" au lieu de "indices sérieux de culpabilité" étant donné que le mot suffisant évoque
davantage la nécessité de mettre en relation les indices avec la mesure prise: ainsi, des indices
peuvent être sérieux sans pour autant être suffisants pour justifier respectivement une
arrestation, un mandat d'arrêt provisoire, tandis que s'ils sont suffisants pour justifier une telle
mesure , ils devront être considérés comme sérieux.

3. Le degré de gravité de l'infraction commise

La deuxième condition prévue à l'article 27 alinéa 1 du Code de procédure pénale est


la gravité de l'infraction commise telle que le montre les termes utilisés dans la loi le fait
paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude
pénale au moins. La peine prévue pour cette infraction doit être d'au moins six mois
d'emprisonnement. Il s'agit donc du degré de gravité de l'infraction commise. Les faits
susceptibles de donner lieu à une détention préventive doivent présenter une certaine
gravité886. La règle s'explique notamment par l'impossibilité d'imputer la détention sur
une peine par hypothèse très légère, le plus souvent une amende. L'inculpé ne peut être
mis en état de détention préventive que s'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité
et qu'en outre le fait paraisse constituer une infraction que la loi réprime d'une peine de six
mois de servitude pénale au moins887.

Le seuil de gravité à considérer fait référence à la peine maximum prévue par la loi pour la
qualification provisoirement retenue par l'officier du ministère public et non pas la peine
maximum qui pourrait être prononcée par le juge du fond en tenant compte des circonstances
atténuantes. Si le suspect est poursuivi du chef de plusieurs infractions, il y a lieu non pas de
procéder à un cumul des peines mais de faire référence à la peine applicable au fait le plus
grave. De manière concrète, lorsque l'inculpé est soupçonné d'avoir commis plusieurs
infractions, punissables des peines inférieures à six mois, il ne peut être question de déceler un
mandat d'arrêt provisoire à son encontre, le cumul des différentes peines étant proscrit pour

883
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, pp. 682-683.
884
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 908.
885
J. PRADEL, L'instruction préparatoire, Paris, éd. Cujas, 1990, n° 619, p. 639.
886
Circulaire n°5.008/IM/002/PGR/2011 relative à l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire
congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p.
2010.
887
Article 27 alinéa 1 du Code de procédure pénale
337

atteindre le seuil de six mois. Le mandat d'arrêt provisoire doit énoncer la qualification
retenue et viser les textes de lois applicables.

Il convient de relever que parfois une infraction moins grave peut justifier une mesure
de détention préventive. Ces conditions paraissent constituer des exceptions à la règle
énoncée par l’article 27, alinéa 1er du Code de procédure pénale. En effet, l'article 27 alinéa
2 de ce même article déclare que :
«Néanmoins, l’inculpé contre qui il existe des indices sérieux de culpabilité peut être
mis en état de détention préventive lorsque le fait paraît constituer une infraction que la
loi punit d’une peine inférieure à six mois de servitude pénale mais supérieure à sept
jours, s’il y a lieu de craindre la fuite de l’inculpé ou si son identité est inconnue ou
douteuse ou encore si, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, la détention
préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique ».
Ainsi, même pour des faits qui paraissent constituer une infraction que la loi punit
d’une peine inférieure à six mois de servitude pénale, la détention préventive peut être
requise quand la condition des indices sérieux de culpabilité, condition primordiale, existe
cumulativement avec l’une des conditions suivantes :
- l'infraction doit être punie d’une peine inférieure à six mois de servitude pénale
mais supérieure à sept jours,
- crainte de la fuite de l’inculpé;
- l'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse;
- l’existence des circonstances graves et exceptionnelles qui fait que la détention
préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique.

L'article 27 alinéa 2 du Code de procédure pénale a prévu donc des circonstances


exceptionnelles (lorsque la peine est punissable de moins de six d'emprisonnement mais
supérieur à sept jours) qui peuvent motiver l'officier du ministère public à mettre l'inculpé
sous mandat d'arrêt provisoire. Par les expressions utilisées dans cet alinéa, le législateur a eu
le souci de rendre les détentions préventives moins fréquentes: celles qui ne peuvent être
ordonnées qu'en cas de la crainte de la fuite de l’inculpé, l'identité de l'inculpé est inconnue
ou douteuse, l’existence des circonstances graves et exceptionnelles qui fait que la détention
préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique.

Cela signifie qu'en principe le mandat d'arrêt provisoire en tant que tel ne peut être
fondé sur des faits passibles d'une peine de six mois au moins, les autres faits punissables
d'une peine moindre (supérieur à sept jours) pouvant au plus, être retenus à titre de
circonstances de la cause (crainte de la fuite de l’inculpé, l'identité de l'inculpé est inconnue
ou douteuse) ou liées à la personnalité de l'inculpé justifiant l'absolue nécessité pour la
sécurité publique dans la motivation du mandat d'arrêt provisoire.

4. Crainte de la fuite de l'inculpé

Le souci d'éviter que les suspects se soustraient à l'action de la justice est lié à la
considération que la répression des infractions est d'intérêt public. Il est donc exigé que
d'autres circonstances viennent s'ajouter au risque de fuite pour satisfaire au critère d'intérêt de
338

la sécurité publique. La crainte de la fuite de l'inculpé ne peut être fondé uniquement sur des
éléments subjectifs: il doit reposer sur des éléments objectifs tirés des faits de la cause et/ou
de la personnalité de l'inculpé.

5. L'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse

Pour tomber dans cette condition, l'identité de l'inculpé doit être floue, inconnue ou
douteuse. Le mot identité de l'inculpé englobe le nom, postnom, prénoms, état civil, adresse
fixe, profession, etc. Bref, l'absence d'éléments précis qui peuvent permettre de retrouver
facilement l'inculpé. A défaut d'adresse précise (résidence ou domicile) et profession (lieu où
il travaille), l'identité de l'inculpé sera considérée comme douteuse. Ainsi, l'absence de
résidence fixe sur le territoire peut justifier à elle seule la délivrance du mandat d'arrêt
provisoire.

6. La détention préventive est impérieusement réclamée


par l'intérêt de la sécurité publique

Il convient de souligner que la notion de sécurité publique utilisé dans l'article 27 alinéa 2
du Code de procédure pénale a un sens restreint que celle d'intérêt public. La sécurité
publique implique une dimension collective: l'intérêt menacé doit intéresser l'ordre social ou
la collectivité dans son ensemble, même s'il se caractérise dans une situation particulière. Elle
ne recouvre pas seulement la sécurité physique et matérielle des citoyens mais également leur
sécurité psychologique et la notion beaucoup plus vague de paix publique. La menace pour la
sécurité publique peut résulter du scandale ou la perturbation grave de l'opinion et de la
tranquillité publique que pourrait provoquer la mise en liberté de l'inculpé. Il peut, à cette
occasion, être fait référence à la paix publique et à la conscience sociale.

L'intérêt de la sécurité publique peut être déduit de la multiplicité des atteintes aux biens
d'autrui, du savoir-faire démontré à ces occasions par l'inculpé et de l'importance des
préjudices causés aux victimes. Elle peut résulter aussi de la nuisance sociale pour la santé
tant physique que morale de la jeunesse ou du trouble causé par l'inculpé à la sécurité des
transactions financières et commerciales. Bref, l'intérêt de la sécurité publique peut résulter à
la crainte que l'inculpé commette d'autres infractions ou l'extrême violence des faits.
Finalement, la notion l'intérêt de la sécurité publique renvoie à l'impossibilité de prévoir des
alternatives à la détention préventive. Comme on le voit, cette notion est laissée à
l'appréciation souveraine de l'officier du ministère public, sous réserve de son obligation de
motivation.

Il faudrait pouvoir considérer que la gravité des faits, l'existence d'antécédents judiciaires,
les nécessités de l'instruction ou le scandale qui résulterait d'un maintien en liberté sans risque
339

cependant des désordres violents dans la population ne peuvent légalement, en tant que tels et
à eux seuls, justifier la détention préventive888.

7. L'interrogatoire de l'inculpé

Le placement en détention préventive peut être décidé en tout état de l’instruction, du


début à sa fin, contre une personne inculpée dans des limites du dossier ouvert au registre du
ministère public mais après l'avoir préalablement interrogé.

a) Obligation d'entendre l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction

L’article 28 du Code de procédure pénale subordonne l’arrestation et la détention


préventive de l’inculpé à d’autres conditions que celles énoncées plus haut: il s’agit
notamment de l’interrogatoire de cette personne. Ainsi, aux termes de l’article 28 du Code de
procédure pénale : «...lorsque les conditions de mise en état de détention préventive sont
réunies, l’officier du ministère public peut, après avoir interroge l’inculpé, le placer sous
mandat d’arrêt provisoire, à charge de le faire conduire devant le juge le plus proche pour
statuer sur la détention préventive ... ». En principe, les faits sur lesquels devrait porter
l'audition, sont ceux qui fondent l'inculpation et qui peuvent donner lieu à la délivrance du
mandat d'arrêt provisoire, ce qui relève du bon sens.

Cette disposition signifie que le ministère public, doit avant de décerner le mandat d'arrêt
provisoire, interroger l'inculpé sur les faits qui sont à la base de son inculpation et qui
peuvent donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt provisoire. Mais, à ce stade, l'auteur
présumé de l'infraction ou l'inculpé n'a pas encore eu la possibilité de prendre connaissance du
dossier que détient le magistrat instructeur.

De même, l'article 18 alinéas 1, 2 et 5 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que


toute personne arrêtée doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de
toute accusation portée contre elle et ce, dans la langue qu’elle comprend. Elle doit être
immédiatement informée de ses droits. Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui
préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité. L'auteur présumé de
l'infraction a le droit de s'expliquer dans la langue de son choix (soit il peut faire appel à un
interprète); il peut donc contester les indices sérieux de culpabilité, le danger de récidive ou
collusion avec des tiers, etc.

L'audition sur les faits constitue l'exercice d'un droit de la défense élémentaire: l'inculpé
doit recevoir l'occasion de s'expliquer sur les préventions dont il est soupçonné afin d'être en
mesure de préparer sa défense. En effet, au cours de cet interrogatoire, le magistrat instructeur
doit faire connaître à la personne inculpée :

888
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 685; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome I. Les actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La
Charte, 2014, p. 911.
340

- les faits qui lui sont reprochés (inculpation) ;


- son droit de ne faire aucune déclaration ;
- son droit de demander les précisions sur toutes les questions qui lui sont posées et les
réponses qu'elle donne soient actées dans les termes utilisés; son droit à l’assistance d’un
conseil lors de cette audition.

Enfin, le magistrat instructeur peut informer l'inculpé de la possibilité de décerner un


mandat d'arrêt provisoire et pourrait recueillir ses observations à cet égard. C'est en effet le
moment, pour l'inculpé, de faire valoir par exemple des considérations plus personnelles,
tenant à sa famille, sa situation professionnelle, son état de santé, etc.

b) Obligation d'informer l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction


de son droit de choisir et d'être assisté d'un avocat

L'article 19 alinéas 3 à 5 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que le droit de la


défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se
faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y
compris l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister
également devant les services de sécurité. Cela signifie que lors de la première comparution
devant le magistrat instructeur, celui-doit informer l'inculpé qu'il a le droit de se faire assister
par un avocat de son choix. C'est un droit constitutionnel. Malheureusement dans la pratique,
les magistrats instructeurs s'opposent à la présence de l'avocat à ce stade, estimant à tort que
l'instruction préparatoire est secrète et le Code de procédure pénale n'est pas encore modifié,
la présence de l'avocat n'est pas autorisé. C'est une interprétation erronée de la Constitution et
elle est contraire à la Constitution.

De même, si l'inculpé n'a pas d'avocat, le magistrat instructeur doit rappeler à l'inculpé son
droit d'en choisir un et avertir le bâtonnier qui désignera un avocat d'office. Le magistrat
instructeur peut informer l'avocat à temps des lieu et heure de l'interrogatoire auquel il peut
assister. Si l'avocat n'est pas présent à l'heure indiquée, l'interrogatoire peut débuter; il se joint
à l'audition au moment de son arrivée. Aucune concertation préalable entre l'avocat et son
client ne pourrait être prévue à ce stade de la procédure. L'avocat peut donc assister l'inculpé
lors de son interrogatoire. Il peut ainsi acter au procès-verbal des violations des droits de son
client (pressions ou contraintes illicites). Son intervention s'arrête toutefois là: il ne peut
plaider la cause de son client et le magistrat instructeur n'est pas tenu de rencontrer se
observations ou d'ouvrir les débats et l'avocat n'a pas, à ce stade accès au dossier. L'inculpé,
peut toujours renoncer au droit d'être assisté par un avocat.

c) Obligation de dresser un procès-verbal de comparution ou d'audition

L'officier du ministère public entend l'auteur présumé de l'infraction sur les faits qui sont à
la base de l'inculpation et qui peuvent donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt
provisoire. C'est donc une obligation pour l'officier du ministère public de l'entendre sur
procès-verbal. L'auteur présumé de l'infraction doit lire ses déclarations qui ont été transcrites
sur le procès-verbal d'audition ou de comparution avant de le signer. Ce procès-verbal relate
341

l'audition de l'auteur présumé de l'infraction, les heures de début et de fin de l'interrogatoire,


les interruptions, etc. En ne procédant pas à cet interrogatoire ou en refusant à l’inculpé la
possibilité, même le droit de le subir, le magistrat instructeur porterait atteinte a
l’organisation de la défense.

L’interrogatoire de première comparution permet aussi au magistrat instructeur de procéder


à une enquête sur la personnalité de l’inculpé, même si la loi ne lui en fait pas obligation.
La définition de l’enquête de personnalité n’appelle guère d’observations. Elle constitue
un véritable portrait, a la fois personnel et social (relations avec les tiers, emplois
successifs, liens de famille, etc.) de la personne poursuivie. Procéder à cette enquête au
cours de l’interrogatoire de première comparution peut réduire l’application de la détention
préventive en permettant aux magistrats d’obtenir, en quelques heures, divers
renseignements sur le domicile et la profession de l’inculpé.

§ 3. Procédure de mise en détention préventive

La décision de mise en détention préventive doit reposer sur une base matérielle solide
qu’est l’infraction. La détention préventive est une mesure exceptionnelle et provisoire.
Lorsqu'elle est appliquée, les règles ci-après doivent être respectées. Lorsque les conditions de
la mise en état de détention préventive sont réunies, l'officier du ministère public peut, après
avoir interrogé l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à charge de le faire conduire
devant le juge le plus proche compétent pour statuer su la détention préventive.

Si le juge se trouve dans la même localité que l'officier du ministère public, la comparution
devant le juge doit avoir lieu, au plus tard dans les cinq jours de la délivrance du mandat
d'arrêt provisoire. Dans le cas contraire, ce délai est augmenté du temps strictement nécessaire
pour effectuer le voyage, sauf le cas de force majeure et celui de retards rendus nécessaires
par les devoirs de l'instruction. À l'expiration de ces délais, l'inculpé peut demander au juge
compétent sa mise en liberté ou sa mise en liberté provisoire. Dans les cas prévus à l'article
27, alinéa 2, le mandat d'arrêt provisoire spécifie les circonstances qui le justifient889.

I. Le mandat d'arrêt provisoire

C'est le titre qui fonde la détention préventive. Il est rendu par l'officier du ministère public et
est valable pendant 5 jours, après ce délai, le détenu doit être présenté devant le juge de paix
pour autoriser la détention préventive.

1. Conditions de fond

Les conditions de mandat d'arrêt provisoire sont fixées par l'article 27 alinéa 1 du Code de
procédure pénale qui prévoit que l'inculpé ne peut être mis en état de détention préventive que
s'il existe contre lui des indices sérieux de culpabilité et qu'en outre le fait paraisse constituer

889
Article 28 du Code de procédure pénale.
342

une infraction que la loi réprime d'une peine de six mois de servitude pénale au moins.
Concrètement, deux éléments essentiels de fond doivent être réunies:
- existence des indices sérieux de culpabilité c'est-à-dires des sérieuses apparences;
- le fait doit constituer une infraction que la loi punie d'une peine de six mois au moins.

De même, l'article 27 alinéa 2 du Code de procédure pénale dit: "Néanmoins, l'inculpé


contre qui il existe des indices sérieux de culpabilité peut être mis en état de détention
préventive lorsque le fait paraît constituer une infraction que la loi punit d'une peine
inférieure à six mois de servitude pénale, mais supérieure à sept jours, s'il a lieu de craindre
la fuite de l'inculpé, ou si son identité est inconnue ou douteuse ou si, eu égard à des
circonstances graves et exceptionnelles, la détention préventive est impérieusement réclamée
par l'intérêt de la sécurité publique".

Cet alinéa a pour objectif de prévoir d'autres conditions de fond de mandat d'arrêt
provisoire si l'infraction est punie d'une peine de moins de 6 mois de servitude pénale
principale. Il s'agit des cas suivants:
- existence des indices sérieux de culpabilité;
- crainte de la fuite de l’inculpé;
- l'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse;
- l’existence des circonstances graves et exceptionnelles qui fait que la détention
préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique.

Dans la pratique, les conditions de fond du mandat d'arrêt provisoire se trouvent cumulées
dans les deux alinéas de l'article 27 du Code de procédure pénale. Ces conditions cumulées
sont les suivantes:
- les indices sérieux de culpabilité;
- l'infraction doit être punie d’une peine inférieure à six mois de servitude pénale mais
supérieure à sept jours,
- crainte de la fuite de l’inculpé;
- l'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse;
- l’existence des circonstances graves et exceptionnelles qui fait que la détention
préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique.

2. Conditions de forme

Elles sont fixées à l'article 28 alinéa 2 du Code de procédure pénale qui déclare: " Lorsque
la détention préventive est appliquée, les règles ci-après doivent être respectées. Lorsque les
conditions de la mise en état de détention préventive sont réunies, l'officier du ministère
public peut, après avoir interrogé l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à
charge de le faire conduire devant le juge le plus proche compétent pour statuer sur la
détention préventive".
343

L'interprétation de cet alinéa signifie qu'avant de placer l'inculpé sous mandat d'arrêt
provisoire, les conditions suivantes doivent être respectées:
- l'officier du ministère public doit d'abord interroger l'inculpé;
- l'officier du ministère public doit dans les 5 jours qui suivent la signature du mandat d'arrêt
provisoire, saisir la chambre du conseil du tribunal de paix pour régulariser la détention
préventive de l'inculpé.

Ainsi l'article 28 alinéas 3 et 5 du Code de procédure pénale prévoient: Si le juge se trouve


dans la même localité que l'officier du ministère public, la comparution devant le juge doit
avoir lieu, au plus tard dans les cinq jours de la délivrance du mandat d'arrêt provisoire. À
l'expiration de ces délais, l'inculpé peut demander au juge compétent sa mise en liberté ou sa
mise en liberté provisoire. Dans les cas prévus à l'article 27, alinéa 2, le mandat d'arrêt
provisoire spécifie les circonstances qui le justifient890. Cela signifie qu'une fois l'officier du
ministère public a signé le mandat d'arrêt provisoire, la liberté ou la liberté provisoire peut
être sollicitée devant le juge du tribunal de paix siégeant en chambre du conseil en tenant
compte des conditions de fond décrites ci-dessus.

3. Effets du mandat d'arrêt provisoire

L'inculpé placé sous mandat d'arrêt provisoire est incarcéré à la prison centrale ou au centre
de rééducation indiqué(e) par l'officier du ministère public. L'inculpé ne peut pas interjeter
appel de la décision de placement sous mandat d'arrêt provisoire. La contestation devra être
menée devant la chambre du conseil du tribunal de paix du ressort statuant dans les cinq jours.
Cela signifie que la durée du mandat d'arrêt provisoire est limité à cinq jours; à défaut de
confirmation ce celui-ci dans le délai par la chambre du conseil, l'inculpé sera remis en
liberté. Pendant ce délai de cinq jours, l'officier du ministère public peut décider lui-même de
remettre la personne en liberté ou ordonner la main levée de cette mesure si les motifs qui
l'ont justifié ont cessé d'exister sans solliciter l'avis de la chambre du conseil du tribunal de
paix compétent.

II. L'autorisation de mise en détention préventive par la chambre du conseil

1. Décision de la chambre du conseil

Il s'agit d'une ordonnance rendue par les juges du tribunal de paix siégeant en chambre du
conseil (au nombre de 3 membres) et est valable pendant 15 jours, après ce délai, le détenu
doit être présenté devant les juges de paix siégeant en chambre du conseil (au nombre de 3
membres) pour confirmer la détention préventive. La chambre du conseil a pour mission de
vérifier si les conditions de détention préventive sont réunies. Elle peut décider le maintien ou
non en détention préventive. Cette appréciation se fait sur la base des mêmes critères que pour
la mise sous mandat d'arrêt provisoire: indices sérieux de culpabilité, crainte de la fuite de
l’inculpé, l'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse, l’existence des circonstances graves

890
Article 28 alinéas 3 et 5 du Code de procédure pénale.
344

et exceptionnelles qui fait que la détention préventive est impérieusement réclamée par
l’intérêt de la sécurité publique (article 27 du Code de procédure pénale).

Nous venons de souligner qu'après le mandat d'arrêt provisoire délivré par l'officier du
ministère public valable de 5 jours, celui-ci doit présenter l'inculpé devant la chambre du
conseil du tribunal de paix pour autoriser la détention préventive. A ce sujet l'article 29 du
Code de procédure pénale décale : "La mise en état de détention préventive est autorisée par
le juge du tribunal de paix". L'ordonnance statuant sur la détention préventive est rendue en
chambre du conseil (siégeant en audience à huis clos en présence des avocats de l'inculpé) sur
les réquisitions du ministère public, l'inculpé doit préalablement être entendu, et, s'il le désire,
assisté d'un avocat ou d'un défenseur de son choix. Il est dressé acte des observations et
moyens de l'inculpé. L'ordonnance est rendue au plus tard le lendemain du jour de la
comparution. Le juge la fait porter au plus tôt à la connaissance de l'inculpé, par écrit, avec
accusé de réception, ou par communication verbale, actée par celui qui la fait891.
L'ordonnance autorisant la mise en état de détention préventive est valable pour 15 jours, y
compris le jour où elle est rendue892.

Concrètement, si l'ordonnance autorise la mise en détention préventive, elle vaut pour


quinze jours, à partir du jour où elle est rendue. Habituellement, l'ordonnance d'autorisation de
mise en détention préventive est rendue le même jour de l'audience de la chambre du conseil
et signifiée à la prison le jour même ou le lendemain. A défaut d'être maintenue par une
nouvelle ordonnance de la chambre du conseil dans les quinze jours, la détention préventive
prend fin et l'inculpé doit être remis en liberté puisqu'étant détenu sans titre.

Le magistrat-instructeur doit, sous la surveillance du chef d’office, présenter toute


personne détenue préventivement en chambre du conseil dans le respect strict des délais
impartis par la loi. Il ne présentera au juge que les pièces strictement nécessaires à lui
permettre d’établir la réunion des conditions légales de détention893.

2. Recours devant la chambre du conseil de la juridiction d'appel

Au cas où le tribunal refuse d’autoriser ou de confirmer la détention préventive, le


procureur de la République doit être averti aussitôt, même verbalement ou par téléphone, afin
qu’il puisse éventuellement exercer le droit d’appel prévu par les articles 37 et 39 du Code de
procédure pénale894. Le magistrat-instructeur devra interjeter appel de l’ordonnance du juge

891
Article 30 du Code de procédure pénale.
892
Article 31 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
893
Article 173 alinéas 1 et 2 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement
intérieur des cours, tribunaux et parquet.
894
Circulaire n°5.008/IM/002/PGR/2011 relative à l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire
congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p.
2010.
345

refusant la détention préventive toutes les fois que les circonstances qui la justifient ne lui
paraîtront pas fondées895. Le délai d'appel est de vingt-quatre heures; pour le ministère public,
ce délai court du jour où l'ordonnance a été rendue; pour l'inculpé, il court du jour où elle lui a
été notifiée896. L'appel est adressé à la chambre du conseil du tribunal de grande instance897.

A cet égard, le délai d'appel est de vingt-quatre heures; pour le ministère public, ce délai
court du jour où l'ordonnance a été rendue; pour l'inculpé, il court du jour où elle lui a été
notifiée. La déclaration d'appel est faite au greffier du tribunal qui a rendu l'ordonnance. Si le
greffier n'est pas sur les lieux, l'inculpé fait sa déclaration à l'officier du ministère public ou en
son absence, au juge, qui en dresse acte. L'officier du ministère public dresse acte de son
propre appel. Le magistrat ou le greffier qui reçoit la déclaration d'appel acte également les
observations ou moyens éventuellement invoqués par l'inculpé à l'appui de son recours et joint
à cet acte les mémoires, notes et autres documents que l'inculpé lui remettrait pour être soumis
au tribunal qui doit connaître de l'appel. Il lui en est donné récépissé. L'acte d'appel et les
documents y annexés sont transmis sans délai par celui qui l'a dressé, au greffier du tribunal
qui doit connaître de l'appel898.

Pendant le délai d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la décision, l'inculpé est maintenu en
l'état où l'ordonnance du juge l'a placé, aussi longtemps que le délai de validité de cette
ordonnance n'est pas expiré. Toutefois, lorsque l'infraction est de celle que la loi punit d'un an
de servitude pénale au moins, l'officier du ministère public peut, dans le cas d'une ordonnance
refusant d'autoriser la détention préventive, ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens
du mandat d'arrêt provisoire et, dans le cas d'une ordonnance refusant de proroger la
détention, ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens de l'ordonnance qui l'autorisait.
Dans l'un ou l'autre cas, l'inculpé ne sera replacé sous les liens du mandat d'arrêt ou de
l'ordonnance antérieure que pendant le délai d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la décision.
L'ordre du ministère public doit être motivé; copie doit en être adressée simultanément par
l'officier du ministère public à son chef hiérarchique, au juge d'appel et au gardien de la
maison de détention. Le gardien en donne connaissance à l'inculpé. L'ordre ne vaut que pour
vingt-quatre heures si le gardien ne reçoit pas entre-temps notification de l'appel899.

Le juge saisi de l'appel en connaîtra, toutes affaires cessantes, il devra statuer dans les
vingt-quatre heures à partir de l'audience au cours de laquelle le ministère public aura fait ses
réquisitions. Si l'inculpé ne se trouve pas dans la localité où le tribunal tient audience ou s'il
n'y est pas représenté par un porteur de procuration spéciale, le juge peut statuer sur pièces900.
Si l'ordonnance du premier juge refusant d'autoriser ou de proroger la mise en détention est
infirmée par le juge d'appel, la durée pour laquelle l'autorisation ou la prorogation serait

895
Article 173 in fine de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
896
Article 39 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
897
Article 38 du Code de procédure pénale.
898
Article 39 du Code de procédure pénale.
899
Article 40 du Code de procédure pénale.
900
Article 41 du Code de procédure pénale.
346

accordée, est fixée par le juge d'appel, sans pouvoir être supérieure à un mois. Cette durée
commence à courir à partir du jour où l'ordonnance d'appel est mise à exécution901.

Enfin, le magistrat-instructeur reste tenu de présenter régulièrement les détenus préventifs


en chambre du conseil, durant toute la période de transmission du dossier au procureur de la
République ou au procureur général près la Cour d'appel902.

III. La confirmation de mise en détention préventive par la chambre du conseil

1. Décision de la chambre du conseil

Il s'agit de l'ordonnance de confirmation de mise en détention préventive rendue par les


juges du tribunal de paix siégeant en chambre du conseil (au nombre de 3 membres) et est
valable pendant 30 jours. Dans la pratique, on l'appelle l'ordonnance de confirmation de mise
en détention préventive étant donné qu'elle confirme la mise en détention préventive de
l'inculpé de 15 jours, cette fois-ci pour 30 jours.

Ainsi, à l'expiration de ce délai de 15 jours, la détention préventive peut être prorogée pour
un mois. C'est ce temps de prorogation qui fait qu'on l'appelle ordonnance de confirmation de
mise en détention préventive mais qui ne peut dépasser 30 jours. Mais avant de confirmer
cette détention préventive, la chambre du conseil doit vérifier si les conditions de détention
préventives sont réunies. Cette appréciation se fait sur la base des mêmes critères que pour la
mise sous mandat d'arrêt provisoire: indices sérieux de culpabilité, crainte de la fuite de
l’inculpé, l'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse, l’existence des circonstances graves
et exceptionnelles qui fait que la détention préventive est impérieusement réclamée par
l’intérêt de la sécurité publique (article 27 du Code de procédure pénale).

2. Recours

L'ordonnance de confirmation de mise en détention préventive (qui est valable de 30


jours) peut faire l'objet d'appel dans les 24 heures devant la chambre du conseil du tribunal de
grande instance et après l'appel, du pourvoi en cassation devant la Cour de cassation. L'appel
des décisions rendues en chambre du conseil concernant l'ordonnance de confirmation de
mise en détention préventive s'applique de la même manière que l'ordonnance d'autorisation
de mise en détention préventive.

901
Article 42 du Code de procédure pénale.
902
Article 174 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
347

IV. La prorogation de mise en détention préventive par la chambre


du conseil pendant l'instruction préparatoire

1. Décision de la chambre du conseil

Il s'agit de l'ordonnance de prorogation de mise en préventive rendue par les juges du


tribunal de paix siégeant en chambre du conseil (au nombre de 3 membres) et est valable
pendant 30 jours, ainsi de suite sans pour autant dépasser 3 fois consécutive . Mais cela reste
théorique car en pratique, l'on dépasse plus de 3 fois consécutives. Dans la pratique, on
l'appelle l'ordonnance de prorogation de mise en détention préventive étant donné qu'elle peut
proroger la mise en détention préventive aussi longtemps possible.

Ainsi, à l'expiration de ce délai de 30 jours, la détention préventive peut être prorogée pour
un mois et ainsi de suite de mois en mois, aussi longtemps que l'intérêt public l'exige.
Toutefois, la détention préventive ne peut être prolongée qu'une seule fois si le fait ne paraît
constituer qu'une infraction à l'égard de laquelle la peine prévue par la loi n'est pas
supérieure à deux mois de travaux forcés ou de servitude pénale principale. Si la peine
prévue est égale ou supérieure à 6 mois, la détention préventive ne peut être prolongée plus
de 3 fois consécutives903.

A chaque prorogation mensuelle de détention préventive, le détenu doit être entendu et la


chambre du conseil vérifie si toutes les conditions de détention préventive sont réunies. Le
rôle de la chambre du conseil dans le cadre des comparutions mensuelles de l'inculpé est
identique à celui qui lui est assigné dans le cadre de la comparution dans les cinq jours après
le mandat d'arrêt provisoire par l'officier du ministère public. Elle vérifie en conséquence les
indices sérieux de culpabilité, la crainte de la fuite de l’inculpé, l'identité de l'inculpé est
inconnue ou douteuse, l’existence des circonstances graves et exceptionnelles qui fait que la
détention préventive est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique904.

2. Recours

L'ordonnance de prorogation de mise en détention préventive peut faire l'objet d'appel


dans les 24 heures devant la chambre du conseil du tribunal de grande instance et après
l'appel, du pourvoi en cassation devant la Cour de cassation.

903
Article 31 alinéas 1, 2 et 3 du Code de procédure pénale.
904
Article 27 du Code de procédure pénale.
348

V. Prorogation de mise en détention préventive après la saisine de la juridiction au fond

1. Décision sur la détention préventive

Lorsque le tribunal compétent est saisi au fond, il peut renouveler l'ordonnance de


prorogation de mise en détention préventive de manière illimitée jusqu'au jugement définitif.
Il s'agit d'une ordonnance rendue par les juges du tribunal compétent saisi de l'affaire, siégeant
en chambre du conseil. Il peut être soit les juges du tribunal de paix siégeant au fond de
l'affaire ou soit ceux du tribunal de grande instance ou ceux de la Cour d'appel, selon le cas.
C'est la composition du siège appelée à connaître l'affaire au fond qui en connaîtra. En
principe, cette ordonnance de prorogation de mise en détention préventive est valable pendant
30 jours, ainsi de suite sans pour autant dépasser 3 fois consécutives. Mais cela reste théorique
car en pratique, l'on dépasse plus de 3 fois consécutives. A cet égard, l'article 31 alinéa 3 du
Code de procédure pénale dit que dépassé ce délai, la prolongation de la détention est
autorisée par le juge compétent statuant en audience publique.

Les ordonnances de prorogation sont rendues en observant les formes et les délais prévus
par la loi. L'assistance d'un avocat ou d'un défenseur ne peut cependant être refusée à l'inculpé
pendant toute l'instruction préparatoire. Dans les cas où la chambre du conseil ou la
juridiction de jugement estime autoriser ou proroger la détention préventive, elle (il) doit
spécifier les circonstances qui la justifient905.

2. Recours de la décision sur détention préventive

Le Ministère public et l'inculpé peuvent appeler des ordonnances rendues en matière de


détention préventive906. Le recours se déroule de la même manière que les autres étapes de la
détention préventive.

3. La mise en dépôt du prévenu cité ou sommé

Exceptionnellement, lorsque le prévenu a été cité ou sommé à comparaître au fond devant la


juridiction de jugement, l'officier du ministère public peut, quelle que soit la nature ou
l'importance de l'infraction, ordonner qu'il sera placé en dépôt à la maison de détention
jusqu'au jour du jugement, sans que la durée de cette détention puisse excéder cinq jours et
sans qu'elle puisse être renouvelée907.

L'application de cette hypothèse est rare dans la pratique. En effet, les travaux préparatoires
de l'élaboration du Code de procédure pénale expliquent que ce pouvoir exorbitant qui
appartient, suivant le texte, au seul officier du ministère public a été prévu en réalité pour
permettre au juge de police, en sa qualité d'officier du ministère public près sa propre
905
Article 31 in fine du Code de procédure pénale.
906
Article 37 du Code de procédure pénale.
907
Article 68 du Code de procédure pénale.
349

juridiction de retirer un prévenu en détention préventive lorsqu'il ne peut rendre un jugement


sur le champ908. Or, depuis la promulgation de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire909, il
n'existe plus en RDC le juge de police qui cumulait les fonctions du ministère public et de
juge. La fonction de juge de police a été remplacée par celle du juge de paix. Celui-ci est
devenu simple juge et ne cumule plus les attributions du ministère public. C'est pourquoi,
nous pensons cet article ne se justifie aujourd'hui et devrait être abrogé pour éviter de créer de
confusions.

VI. La détention préventive en l'instance du pourvoi en cassation

Le délai et l’exercice du pourvoi en cassation sont suspensifs de l’exécution de la décision à


l’égard de toutes les parties. Le condamné qui se trouve en détention préventive ou dont
l’arrestation immédiate a été prononcée par la juridiction d’appel est, toutefois, maintenu en
cet état jusqu’à ce que la détention subie ait couvert la servitude pénale principale prononcée
par la décision entreprise.

En outre, lorsqu’il y a des circonstances graves et exceptionnelles qui le justifient ou


lorsqu’il y a des indices sérieux laissant croire que le condamné peut tenter de se soustraire
par la fuite à l’exécution de la servitude pénale, le ministère public près la juridiction d’appel
qui a rendu la décision peut ordonner, par ordonnance motivée, son incarcération pendant le
délai et l’exercice de pourvoi en cassation, laquelle se maintient jusqu’à ce que la détention
subie ait couvert la servitude pénale principale prononcée par la décision entreprise. Il doit,
dans les 48 heures, transmettre sa décision au Procureur général près la Cour de cassation par
lettre recommandée ou par porteur avec accusé de réception.

Toutefois, le condamné qui se trouve en état de détention préventive ou dont l’arrestation a


été ordonnée par la juridiction d’appel ou par le Ministère public près cette juridiction peut
introduire devant la Cour de cassation une requête de mise en liberté ou de mise en liberté
provisoire avec ou sans cautionnement. Si le condamné n’est pas présent ou s’il n’y est pas
représenté par un avocat, porteur de procuration spéciale, la Cour statue sur pièces. La Cour
statue, toutes affaires cessantes, dans les vingt-quatre heures à partir de l’audience à laquelle
le Ministère public a fait ses réquisitions910.

Si le prévenu se trouve en état de détention préventive, avec ou sans liberté provisoire, au


jour où la juridiction de jugement est saisie, il restera en cet état jusqu'au jugement. Toutefois,
la détention préventive ne peut être prolongée qu'une seule fois si le fait ne paraît constituer
qu'une infraction à l'égard de laquelle la peine prévue par la loi n'est pas supérieure à deux

908
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier S.A, 1965, n° 76, p. 101.
909
JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
910
Article 47 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
350

mois de travaux forcés ou de servitude pénale principale. Le prévenu incarcéré peut demander
au tribunal saisi, soit la mainlevée de la détention préventive, soit sa mise en liberté
provisoire. Le tribunal n'est tenu de statuer que sur la première requête et sur celles qui lui
sont adressées quinze jours au moins après la décision rendue sur la requête précédente911.

L'officier du Ministère public peut faire réincarcérer le prévenu qui manque aux charges qui
lui ont été imposées par la juridiction saisie de la poursuite. Le prévenu qui conteste être en
défaut peut, dans les vingt-quatre heures de son incarcération, adresser un recours à cette
juridiction. Celle-ci est également compétente pour connaître du recours exercé par le prévenu
contre la décision du Ministère public ordonnant sa réincarcération pour manquement aux
charges imposées par le juge qui avait accordé la liberté provisoire pendant l'instruction. La
décision rendue sur ce recours n'est pas susceptible d'appel912.

En cas de retrait du bénéfice de la liberté provisoire, le cautionnement lui est restitué, à


moins que la réincarcération n'ait été motivée pour inexécution de sa charge. La restitution du
cautionnement est opérée sur le vu d'un extrait du registre d'écrou délivré à l'inculpé par les
soins de l'officier du Ministère public913.

§ 4. Conditions spécifiques à certains justiciables

I. Les bénéficiaires du privilège de juridiction

1. Au niveau du tribunal de grande instance et de la Cour d'appel

La qualité des bénéficiaires du privilège de juridiction de ces juridictions est accompagnée de


l’instruction requérant des formalités spéciales en matière de privation de liberté : arrestation et
détention préventive. En effet, l’arrestation de ces justiciables exige d’abord l’information
préalable des chefs hiérarchiques de ces derniers. Cependant, cette règle comporte une
double nuance. D’une part, cette information ne paralyse pas le pouvoir d’arrestation de
l’auteur présumé de l’infraction ou de l’inculpé, et ce compte tenu de l’indépendance du
magistrat dans l’exercice de ses fonctions. D’autre part, la formalité de l’information
préalable est écartée en cas d’infraction flagrante ou de violences sexuelles. En outre, le
magistrat instructeur est tenu d’aviser la hiérarchie judiciaire de l’ouverture et de la fin de
chaque instruction judiciaire. Cet avis est à son tour diffusé par le destinataire judiciaire dont
relève la personne concernée.

Si la qualité de l’agent d’investigation peut influer sur la régularité du mandat d’arrêt


provisoire et de la détention préventive, il en est également ainsi de juges de cette mesure en
chambre du Conseil. La décision de la mise en détention préventive relève désormais pour
ces justiciables du seul tribunal de paix siégeant en trois membres en chambre du Conseil,

911
Articles 31 alinéa 2, 45 du Code de procédure pénale.
912
Article 47 du Code de procédure pénale.
913
Article 35 du Code de procédure pénale.
351

sous réserve d’installation de cette juridiction dans le ressort du magistrat instructeur, à


défaut de laquelle le tribunal de grande instance est compétent. L'appel sera adressé au
tribunal de grande instance si c'est le tribunal de paix qui avait siégé en premier ressort, il sera
à la Cour d'appel si c'est tribunal de grande instance qui s'était prononcé au premier degré.
Cependant, ce tribunal devient incompétent à l’égard des justiciables de la Cour de cassation.

2. Au niveau de la Cour de cassation

En matière de détention préventive, l’inculpé justiciable de la Cour de cassation bénéficie


d’un régime particulier dérogatoire du droit commun. En effet, la détention préventive est
remplacée par l’assignation à résidence surveillée du justiciable intéressé, mesure dont seule
la Cour de cassation détermine, selon le cas, les modalités d’application. A ce sujet, l'article
76 alinéas 2 et 3 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la Cour de cassation dit que la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la
mise en détention préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention
préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée.

3. Au niveau de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle est seule juridiction compétente pour autoriser la mise en


détention préventive du Président de la République ou du Premier ministre, dont elle
détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est remplacée par
l’assignation à résidence surveillée914.

II. Les personnalités étrangères

Le droit international prévoit certaines dérogations au principe de la territorialité


de la loi pénale, notamment en permettant à certaines personnalités d’échapper aux
poursuites judiciaires des juridictions pénales des pays où elles exercent leurs fonctions. Il
en est ainsi de la République démocratique du Congo où les personnalités étrangères
bénéficiaires d’une immunité de juridiction. Il s’agit de diplomates, consuls, personnalités
politiques en séjour en RDC ou les coopérants couverts par une clause conventionnelle
bilatérale ou multilatérale. Il faut cependant préciser que ce genre d’immunité accordée aux
souverains étrangers et leurs représentants ne concerne que la compétence des juridictions
pénales du pays hôte et ne supprime pas la responsabilité pénale qui pourra être engagée
devant les juridictions du pays d’origine.

Le droit à l’immunité de juridiction dont bénéficient ces personnes, et en particulier les


diplomates, procède du souci de sauvegarder à la fois l’intérêt politique de l’Etat étranger, en
respectant sa souveraineté et aussi celui de la communauté internationale en général. Il
importe cependant de faire deux observations au sujet de cette question. D’abord, cet

914
Article 102 alinéa 2 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
352

avantage judiciaire n’est accordé aux intéressés que sous la condition de réciprocité.
Ensuite, le domaine de cette immunité est différent selon que la personne concernée est un
diplomate ou non. Dans le premier cas, en effet, l’immunité est générale tandis qu’elle est
restreinte dans le second.

SECTION 4: LA MISE EN LIBERTE PROVISOIRE PENDANT L'ENQUETE


PRELIMINAIRE ET L'INSTRUCTION PREPARATOIRE

§ 1. La mise en liberté de l'auteur présumé de l'infraction pendant


l'enquête préliminaire devant l'officier de police judiciaire

L'officier de police judiciaire (OPJ) peut mettre en liberté l'auteur présumé de l'infraction
lorsque les poursuites pénales ne s'avèrent pas indispensables: soit les éléments constitutifs de
l'infraction ne sont pas réunis, soit les faits sont prescrits, soit l'auteur de l'infraction est
inconnu, soit l'auteur présumé de l'infraction est décédé, soit les poursuites sont inopportunes.
L'OPJ peut aussi renoncer aux poursuites à la suite de payement des amendes
transactionnelles par l'auteur présumé de l'infraction (article 9 du Code de procédure pénale).

§ 2. La mise en liberté ou la mise en liberté provisoire pendant


l'instruction préparatoire devant l'officier du ministère public

Nous avons souligné que le mandat d'arrêt provisoire de l'officier du ministère public est
de cinq jours. Pendant ce délai de cinq jours et avant que l'inculpé ne soit présenté à la
chambre du conseil du tribunal de paix, l'officier du ministère public peut décider lui-même
de remettre la personne en liberté ou ordonner la main levée du mandat d'arrêt provisoire sans
solliciter l'avis de la chambre du conseil du tribunal de paix compétent. C'est surtout le cas
lorsque le ministère public a décidé de ne pas poursuivre, et surtout dès que les mesures
restrictives de liberté ne sont plus impérieusement requises. De même, à chaque étape de la
détention préventive, le parquet peut solliciter de la chambre du conseil ou de la juridiction de
jugement, la mise en liberté ou la mise en liberté provisoire de l'inculpé. Le ministère public
n'a plus le pouvoir de donner main levée lorsque le dossier a été déposé au tribunal en vue de
jugement.

Lorsque le ministère public n'a pas présenté l'inculpé dans le délai de 5 jours en chambre du
conseil pour régulariser la détention préventive (mandat d'arrêt provisoire), l'inculpé peut
demander au juge compétent (chambre du conseil) sa mise en liberté ou sa mise en liberté
provisoire915. En sus, avant l'échéance de chaque étape de la détention préventive, le magistrat
instructeur a l'obligation de solliciter le renouvellement ou la prorogation de la détention
préventive devant la chambre du conseil ou la juridiction de jugement selon les cas. A défaut
de le faire, l'inculpé peut être mis en liberté ou en liberté provisoire. Aussi, lorsque le
ministère public décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre, il doit donner en même temps

915
Article 28 in fine du Code de procédure pénale.
353

mainlevée de la mise en détention préventive et, éventuellement, ordonner la restitution du


cautionnement916.

Le cautionnement est la consignation par l'inculpé, entre les mains du secrétaire du parquet
de l'officier du ministère public compétente ou du greffier du tribunal siégeant en chambre du
conseil, d'une somme d'argent déterminée et destinée à garantir sa représentation en justice
ainsi que les suites pécuniaires de la condamnation. Il doit être remboursé en cas de
réincarcération ou en cas de mise en liberté pure et simple. Il peut être pris en recette en tout
ou en partie si la réincarcération est motivée par un manquement imposée par l'ordonnance
d'avoir à se présenter devant le magistrat instructeur ou le juge917 et a fortiori en cas de fuite.

Pendant l'instruction préparatoire, la restitution du cautionnement se fait sur ordonnance du


ministère public918; si le cautionnement était toujours consigné au moment du jugement, c'est
le tribunal qui, dans son jugement, en disposera919.

Aussi longtemps qu'il n'a pas saisi la juridiction de jugement, l'officier du ministère public
peut accorder à l'inculpé mainlevée de la détention préventive et ordonner la restitution du
cautionnement. Il peut aussi lui accorder la mise en liberté provisoire, dans les mêmes
conditions et sous les mêmes modalités que le juge peut lui-même le faire. Dans ce cas la
décision du ministère public cesse ses effets avec ceux de l'ordonnance du juge qui autorisait
ou prorogeait la détention préventive, sauf nouvelle ordonnance de celui-ci. Il peut de même
retirer à l'inculpé le bénéfice de la liberté provisoire qu'il lui avait accordée, si des
circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire920.

De même, l'inculpé à l'égard duquel l'autorisation de mise en état de détention préventive


n'a pas été accordée ou prorogée, ne peut être l'objet d'un nouveau mandat d'arrêt provisoire
du chef de la même infraction que si des circonstances nouvelles et graves réclament sa mise
en détention préventive921.

L'officier du ministère public peut faire réincarcérer l'inculpé qui manque aux charges qui
lui ont été imposées. Si la liberté provisoire a été accordée par le juge, l'inculpé qui conteste
être en défaut peut, dans les vingt-quatre heures de sa réincarcération, adresser un recours au
juge qui avait statué en premier ressort sur la mise en détention ou sur sa prorogation la
décision rendue sur ce recours n'est pas susceptible d'appel. Lorsque l'inculpé est déchu du
bénéfice de la liberté provisoire, le cautionnement lui est restitué, à moins que la
réincarcération n'ait été motivée pour inexécution de la charge prévue par la loi. La restitution

916
Article 44 du Code de procédure pénale.
917
Article 35 du Code de procédure pénale.
918
Article 44 du Code de procédure pénale.
919
Article 84 du Code de procédure pénale.
920
Article 33 du Code de procédure pénale.
921
Article 43 du Code de procédure pénale.
354

du cautionnement est opérée sur le vu d'un extrait du registre d'écrou délivré à l'inculpé par les
soins de l'officier du ministère public922.

§ 3. La mise en liberté provisoire pendant l'instruction préparatoire


devant la chambre du conseil de la juridiction

I. Devant la chambre du conseil du tribunal de paix

Lorsque l'ordonnance de mise en détention préventive est de 30 jours, l'inculpé peut, de


mois en mois, déposer une requête de mise en liberté provisoire au greffe de la chambre du
conseil et ce avant l'expiration du délai de 30 jours. Le juge peut, si l'inculpé le demande,
ordonner qu'il sera mis en liberté provisoire, à condition de déposer entre les mains du
greffier, à titre de cautionnement, une somme d'argent destinée à garantir la représentation de
l'inculpé à tous les actes de la procédure et l'exécution par lui des peines privatives de liberté
aussitôt qu'il en sera requis. La liberté provisoire sera accordée à charge pour l'inculpé de ne
pas entraver l'instruction, de ne pas occasionner de scandale par sa conduite et de verser une
somme d'argent au titre de cautionnement.

Le juge peut en outre imposer à l'inculpé:


1° d'habiter la localité où l'officier du ministère public a son siège;
2° de ne pas s'écarter au-delà d'un certain rayon de la localité, sans autorisation du magistrat
instructeur ou de son délégué;
3° de ne pas se rendre dans tels endroits déterminés, tels que gare, port, etc., ou de ne pas s'y
trouver à des moments déterminés;
4° de se présenter périodiquement devant le magistrat instructeur ou devant tel fonctionnaire
ou agent déterminé par lui;
5° de comparaître devant le magistrat instructeur ou devant le juge dès qu'il en sera requis.

L'ordonnance, qui indiquera avec précision les modalités des charges imposées, peut ne
soumettre la mise en liberté provisoire qu'à l'une ou l'autre de celles-ci. Sur requête du
ministère public, le juge peut à tout moment modifier ces charges et les adapter à des
circonstances nouvelles; il peut également retirer le bénéfice de la liberté provisoire si des
circonstances nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire923.

Le ministère public et l'inculpé peuvent appeler des ordonnances rendues en matière de


détention préventive. L'appel des ordonnances rendues par le président ou le juge du tribunal
de paix est porté devant le tribunal de grande instance. Le délai d'appel est de vingt-quatre
heures; pour le ministère public, ce délai court du jour où l'ordonnance a été rendue; pour
l'inculpé, il court du jour où elle lui a été notifiée. La déclaration d'appel est faite au greffier
du tribunal qui a rendu l'ordonnance. Si le greffier n'est pas sur les lieux, l'inculpé fait sa
déclaration à l'officier du ministère public ou en son absence, au juge, qui en dresse acte.
L'officier du ministère public dresse acte de son propre appel. Le magistrat ou le greffier qui

922
Articles 34 et 35 du Code de procédure pénale.
923
Article 32 du Code de procédure pénale.
355

reçoit la déclaration d'appel acte également les observations ou moyens éventuellement


invoqués par l'inculpé à l'appui de son recours et joint à cet acte les mémoires, notes et autres
documents que l'inculpé lui remettrait pour être soumis au tribunal qui doit connaître de
l'appel. Il lui en est donné récépissé. L'acte d'appel et les documents y annexés sont transmis
sans délai par celui qui l'a dressé, au greffier du tribunal qui doit connaître de l'appel924.

II. Devant la chambre du conseil de la juridiction d'appel

Pendant le délai d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la décision, l'inculpé est maintenu en
l'état où l'ordonnance du juge l'a placé, aussi longtemps que le délai de validité de cette
ordonnance n'est pas expiré. Toutefois, lorsque l'infraction est de celle que la loi punit d'un an
de servitude pénale au moins, l'officier du ministère public peut, dans le cas d'une ordonnance
refusant d'autoriser la détention préventive, ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens
du mandat d'arrêt provisoire et, dans le cas d'une ordonnance refusant de proroger la
détention, ordonner que l'inculpé sera replacé sous les liens de l'ordonnance qui l'autorisait.
Dans l'un ou l'autre cas, l'inculpé ne sera replacé sous les liens du mandat d'arrêt ou de
l'ordonnance antérieure que pendant le délai d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la décision.
L'ordre du ministère public doit être motivé; copie doit en être adressée simultanément par
l'officier du ministère public à son chef hiérarchique, au juge d'appel et au gardien de la
maison de détention. Le gardien en donne connaissance à l'inculpé. L'ordre ne vaut que pour
vingt-quatre heures si le gardien ne reçoit pas entre-temps notification de l'appel925.

Le juge saisi de l'appel en connaîtra, toutes affaires cessantes, il devra statuer dans les
vingt-quatre heures à partir de l'audience au cours de laquelle le ministère public aura fait ses
réquisitions. Si l'inculpé ne se trouve pas dans la localité où le tribunal tient audience ou s'il
n'y est pas représenté par un porteur de procuration spéciale, le juge peut statuer sur pièces. Si
l'ordonnance du premier juge refusant d'autoriser ou de proroger la mise en détention est
infirmée par le juge d'appel, la durée pour laquelle l'autorisation ou la prorogation serait
accordée, est fixée par le juge d'appel, sans pouvoir être supérieure à un mois. Cette durée
commence à courir à partir du jour où l'ordonnance d'appel est mise à exécution926.

SECTION 5 : LA MISE EN LIBERTE PROVISOIRE DEVANT


LA JURIDICTION DE JUGEMENT

§ 1. Principe

Lorsque le ministère public a terminé son instruction préparatoire avec ou sans inculpé en
détention, il doit saisir la juridiction compétente afin que celle-ci juge le fond. Mais en
attendant le jugement sur le fond de l'affaire, la juridiction de jugement peut soit accorder la
liberté provisoire ou la liberté de l'inculpé en détention. Etant donné que la juridiction de

924
Articles 37 à 39 du Code de procédure pénale.
925
Article 40 du Code de procédure pénale.
926
Articles 41 à 42 du Code de procédure pénale.
356

jugement est déjà saisie, ce n'est plus donc la chambre du conseil qui peut accorder cette
liberté mais bien le tribunal compétent saisi au fond de l'affaire.

Ainsi, si le prévenu se trouve en état de détention préventive, avec ou sans liberté


provisoire, au jour où la juridiction de jugement est saisie, il restera en cet état jusqu'au
jugement. Le prévenu incarcéré peut demander au tribunal saisi, soit la mainlevée de la
détention préventive, soit sa mise en liberté provisoire. Le tribunal n'est tenu de statuer que
sur la première requête et sur celles qui lui sont adressées quinze jours au moins après la
décision rendue sur la requête précédente. La décision est rendue le lendemain. L'assistance
d'un avocat ou d'un défenseur agréé par le tribunal ne peut toutefois être refusée au prévenu.
Si le tribunal accorde la mise en liberté provisoire, l'inculpé déposera entre les mains de
greffier le cautionnent927.

Le ministère public ne peut interjeter appel de cette décision que si elle donne mainlevée
de la mise en détention préventive. Le prévenu ne peut interjeter appel que si la décision
maintient la détention sans accorder la liberté provisoire. L'appel est fait dans les formes et
délais mentionnés ci-dessus. Pendant le délai d'appel, et, en cas d'appel, jusqu'à la décision, le
prévenu est maintenu en l'état où il se trouvait avant la décision du tribunal. L'appel est porté
devant la juridiction compétente pour connaître de l'appel du jugement au fond.

La juridiction de jugement peut accorder la liberté provisoire selon les mêmes modalités
que la chambre du conseil durant l'instruction préparatoire. Ainsi, le tribuanl peut, si l'inculpé
le demande, ordonner qu'il sera mis en liberté provisoire, à condition de déposer entre les
mains du greffier, à titre de cautionnement, une somme d'argent destinée à garantir la
représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et l'exécution par lui des peines
privatives de liberté aussitôt qu'il en sera requis. La liberté provisoire sera accordée à charge
pour l'inculpé de ne pas entraver l'instruction et de ne pas occasionner de scandale par sa
conduite.

Le tribunal peut en outre imposer à l'inculpé:


1 ° d'habiter la localité où l'officier du ministère public a son siège;
2° de ne pas s'écarter au-delà d'un certain rayon de la localité, sans autorisation du magistrat
instructeur ou de son délégué;
3° de ne pas se rendre dans tels endroits déterminés, tels que gare, port, etc., ou de ne pas s'y
trouver à des moments déterminés;
4° de se présenter périodiquement devant le magistrat instructeur ou devant tel fonctionnaire
ou agent déterminé par lui;
5° de comparaître devant le magistrat instructeur ou devant le juge dès qu'il en sera requis.

§ 2. La réincarcération du prévenu

L'officier du ministère public peut faire réincarcérer le prévenu qui manque aux charges
qui lui ont été imposées par la juridiction saisie de la poursuite. Le prévenu qui conteste être

927
Article 45 du Code de procédure pénale.
357

en défaut peut, dans les vingt-quatre heures de son incarcération, adresser un recours à cette
juridiction. Celle-ci est également compétente pour connaître du recours exercé par le prévenu
contre la décision du ministère public ordonnant sa réincarcération pour manquement aux
charges imposées par le juge qui avait accordé la liberté provisoire pendant l'instruction. La
décision rendue sur ce recours n'est pas susceptible d'appel. En cas de retrait du bénéfice de la
liberté provisoire, le cautionnement lui sera remis928.

De même, si le prévenu commet une nouvelle infraction, ou encore qu'une infraction


ancienne est nouvellement découverte et retenue à sa charge, le ministère public peut user de
son pouvoir d'arrestation.

928
Articles 46 et 47 du Code de procédure pénale.
358

TROSIEME PARTIE :

LA PROCEDURE A L'AUDIENCE

Il s'agit de la procédure d'audience devant les juridictions de jugement ou l'instruction


juridictionnelle.

CHAPITRE I :
CARACTERES DE LA PROCEDURE
DEVANT LES JURIDICTIONS DE JUGEMENT

Alors que la procédure pendant l'instruction préliminaire et l'instruction préparatoire est


écrite, mais devant les juridictions de jugement, le procès se déroule oralement (section 1);
la procédure pendant l'instruction préliminaire et l'instruction préparatoire est secrète mais
celle devant les juridictions de jugement est publique (section 2); pendant l'instruction
préliminaire et l'instruction préparatoire, la procédure est inquisitoriale, la procédure devant
les juridictions de jugement est accusatoire; la procédure pendant l'instruction préliminaire et
l'instruction préparatoire est unilatérale et non contradictoire mais devant les juridictions de
jugement, elle est contradictoire (section 3). Pendant l'enquête préliminaire ou l'instruction
préparatoire et l'instruction à l'audience, le prévenu peut être assisté d'un avocat (section 4).

SECTION 1: CARACTERE ORAL

L'article 74 du Code de procédure pénale dit que les procès-verbaux de constat sont lus par
le greffier, les témoins entendus, le prévenu interrogé, le ministère public résume l'affaire et
fait ses réquisitions, le prévenu propose sa défense. Cela signifie que la procédure devant les
juridictions de jugement en RDC est orale.

Le procès pénal se déroule oralement. L'oralité découle de l'intime conviction selon


laquelle la valeur des preuves est appréciée librement par le juge: en vertu de l'oralité, le juge
ne doit pouvoir se décider que sur des preuves qui ont été directement et emmêlement
soumises aux débats, donc devant lui. L'oralité conduit donc à limiter la possibilité d'utiliser
directement comme preuves les actes réalisés au cours de l'enquête préliminaire et
l'instruction préparatoire. Le principe de l'oralité implique que le si le témoin a varié au cours
de la procédure, ce qu'il dit à l'audience doit être préféré à ce qu'il a exprimé lors de la phase
de l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire lors de son audition. L'oralité, c'est pour
le juge l'équivalent du cours magistral donné à l'étudiant: une garantie de meilleure
compréhension929.

929
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 847, p. 740.
359

L'oralité permet de connaître la personnalité du prévenu car les juges auront à juger un
homme et non une abstraction. Elle a aussi pour effet de garantir au mieux les intérêts de la
défense: il faut que le prévenu ou son conseil aient entendu à l'audience les éléments sur
lesquels va se baser la conviction du juge, de façon pouvoir y répliquer.

Devant les juridictions de jugement, les débats à l'audience sont oraux mais dans certaines
situations, les juges peuvent utiliser à l'audience les éléments recueillis au cours de
l'instruction préparatoire. Les parties peuvent citer les témoins à charge ou décharge mais le
juge du fond apprécie souverainement si un témoin, tant à charge qu'à décharge, doit être
entendu pour former sa conviction. L'oralité de la procédure d'audience a pour but de garantir
le caractère vivant et efficace de la discussion des preuves.

Les interventions du président du tribunal, du ministère public, des avocats, des témoins,
des experts, des interprètes et traducteurs, se font toujours oralement mais cela n'exclut pas
que certaines pièces soient versées au dossier. L'interrogatoire du président, les explications
des parties et leurs avocats, les questions que les uns et les autres posent aux témoins ou se
posent entre eux, ont lieu également de façon orale; une importante partie de l'audience est
consacrée aux plaidoiries orales des avocats des parties et au réquisitoire du ministère public.
Ainsi, le réquisitoire du ministère public doit toujours exposé oralement même s'il est écrit,
les avocats exposent leurs plaidoiries oralement même si à la fin ils déposent leurs notes
écrites de plaidoirie, les témoins interviennent toujours oralement et il est très rare qu'ils le
fassent par écrit, les experts font leur rapport oralement même si ils déposent le rapport écrit;
il en de même des interprètes et traducteurs.

En effet, l'ensemble des preuves doit être débattu oralement devant la juridiction de
jugement: le prévenu est interrogé oralement; les personnes qui ont constaté les infractions
sont entendus ainsi que les témoins et les experts qui déposent avant de répondre à des
questions; les pièces à conviction circulent ou sont montrées; le ministère public et les avocats
des parties civiles, prévenus et parties civilement responsables font oralement leurs
réquisitions et leurs plaidoiries; les défenseurs des personnes poursuivies plaident oralement.

Si l'écrit n'est pas totalement banni de l'audience (il figure au dossier), il peut peser sur les
débats d'autant que les procès-verbaux ont valeur probante jusqu'à l'inscription en faux. Le
témoin à l'audience doit être entendu oralement en sorte qu'il est interdit de lire les dépositions
qu'il a pu faire à un stade antérieur de la procédure soit avant, soit même pendant son
audition. Il est de même interdit de se référer uniquement aux pièces écrites pour refuser de
renvoyer la cause pour audition d'un témoin défaillant.

Plus discutable, sur terrain de l'oralité est le fait d'estimer qu'on peut lire, même en sa
présence, les déclarations de la partie civile. S'il est vrai que la partie civile n'est pas un
témoin, cela n'en porte moins atteinte au principe de l'oralité, seul ici en cause. Les
déclarations des témoins peuvent, en revanche, être lues lorsque le témoin, soit a été sujet à un
malaise au cours de sa déposition, soit a déjà déposé, soit pour mettre en lumière une
360

éventuelle contradiction entre les déclarations successives de la même personne. De même,


les experts et, plus exceptionnellement les témoins peuvent s'aider de documents ou des notes
écrites.

L'oralité des débats n'interdit pas aux juges de fonder leur conviction sur les pièces du
dossier écrit constitué au cours de l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire. En effet,
en règle, le dossier écrit de la procédure, constitué dans le cadre de l'enquête préliminaire ou
dans le cadre de l'instruction préparatoire, forme le point de départ et la base du débat
judiciaire qui se noue devant la juridiction de fond. Ce dossier répressif se trouve dans son
intégralité au greffe de la juridiction de jugement pour être consulté par les parties à compter
du moment où la citation devant la juridiction de fond est notifiée aux parties.

De même, étant donné que l'enquête préliminaire et l'instruction préparatoire sont toujours
écrites, le juge peut fonder sa conviction sur l'audition des témoins ou des experts (dont les
auditions et rapports figurent au dossier répressif) qui a eu lieu au cours de cette phase sans
obligation de procéder à une autre audition à l'audience publique ou ordonner des mesures
d'instruction complémentaire. Cela n'enlève pas à la défense, comme à l'accusation, le droit de
citer des témoins à charge ou décharge.

Nonobstant le caractère oral des débats, différents actes de procédure sont consignés dans
des écrits de procédure: citations à prévenu, citations à témoin, rapports d'experts, notes de
plaidoirie des avocats, réquisitoire du ministère public, procès-verbal d'audience (écrit par le
greffier), jugement. D'ailleurs l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que
tout jugement est écrit et motivé. Il est prononcé en audience publique.

Il est à remarquer que le greffier prend note de tout ce qui se passe à l'audience (plumitif
d'audience), il n'intervient donc pas oralement. Le procès verbal d'audience rédigé par lui aura
surtout comme objet de se rendre compte de tout ce qui été dit à l'audience publique, il permet
de garder les traces des débats; mais attention, pour les partie, il n'est qu'une transcription de
la manière dont le greffier perçoit les débats et il peut y avoir un écart entre cette transcription
et ce qui s'est réellement dit. Tous ces écrits ne sont pas neutres pour la suite de la procédure,
ils certainement influencer les juges dans leur délibéré.

Enfin, lorsqu'une pièce a été détruite ou disparu et qu'il n'existe pas d'expédition ou de
copie authentique de la dite pièce, la preuve de l'existence et de la teneur de cette pièce peut
être faite par toutes voies de droit930.

930
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1107.
361

SECTION 2: CARACTERE PUBLIC

La publicité des audiences des cours et tribunaux stricto sensu s'entend de la possibilité
pour tous de se déplacer et d'être admis dans les lieux où se tiennent les audiences au moment
où celles-ci sont tenues. Ainsi, en RDC, les audiences des cours et tribunaux sont publiques, à
moins que cette publicité ne soit jugée dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs.
Dans ce cas, le tribunal ordonne le huis clos931. Comme on le voit, ce principe est prévu par la
Constitution et l'article 14.1 du Pacte international des Droits civils et politiques du 19
décembre 1966, ratifié par la RDC.

Cela signifie qu'en principe, toutes les audiences des cours et tribunaux (au Palais de
justice, visites des lieux ou descente sur les lieux, etc.) sont publiques sauf si la publicité est
dangereuse à l'ordre public ou les bonnes mœurs. De manière concrète, la procédure devant
les juridictions de jugement est publique mais à certaines exceptions, le tribunal peut ordonner
le huis clos. C'est le cas du danger pour l'ordre public ou pour les mœurs. A titre illustratif, la
procédure relative aux violences sexuelles ainsi que celle de l'enfant en conflit avec la loi se
font à huis clos. Ainsi, l'officier du ministère public ou juge saisi en matière de violences
sexuelles prend les mesures nécessaires pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et
psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes ou de toute autre personne
impliquée. A ce titre, le huis clos est prononcé à la requête de la victime ou du ministère
public932.

Le public qui assiste aux débats ne doit donner aucun signe d'approbation ou
d'improbation, encore moins provoquer un trouble quelconque. Le huis clos peut être
prononcé pour tout ou partie des débats. La mention à huis clos est porté au procès-verbal
d'audience. Elle concerne la durée prescrite par décision non rapportée et peut s'étendre
jusqu'au jugement définitif toujours rendu en audience publique. L'audience à huis clos est
une audience normale où peuvent prendre place tous les actes habituels de la procédure.

De même, tout jugement est prononcé en audience publique933, ce principe ne souffre


d'aucune exception. Cela signifie même si l'audience peut être à huis clos (puisque jugée
dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs), mais la prononcé du jugement se fait
toujours à l'audience publique. Le jugement faisant suite à l'audience doit mentionner que
celle-ci s'est déroulée publiquement, ou dans le cas contraire, à huis clos. L'absence de
publicité non légalement justifiée entrainerait la nullité de jugement ou de l'arrêt.

931
Article 20 de la Constitution du 18 février 2006 et article 14.1 du Pacte international des droits civils et
Politiques du 19 décembre 1966.
932
Article 74 bis du Code de procédure pénale.
933
Article 21 de la Constitution du 18 février 2006 et article 14.1 du Pacte international des droits civils et
Politiques du 19 décembre 1966.
362

La publicité représente une des plus solides garanties des droits de la défense. L'importance
de cette publicité est aussi grande. Quelle confiance pourrait-on faire à une justice rendue
secrètement?

SECTION 3: CARACTERE CONTRADICTOIRE

Ce caractère contradictoire signifie que le juge ne peut statuer que sur des éléments qui ont
été soumis régulièrement et qui ont été soumis à la libre contradiction des parties au procès.
En conséquence, les parties doivent avoir pleinement accès au dossier avant l'audience et la
possibilité de répondre ou réagir à toute accusation. Ainsi, à l'audience, l'ensemble du dossier
répressif comprenant les éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête préliminaire ou
de l'instruction préparatoire doit être soumis à la contradiction des parties et ces éléments sont
discutés, complétés ou contredits lors de l'instruction à l'audience. Les parties peuvent ainsi
contredire et discuter les éléments recueillis au cours de la phase préliminaire et d'instruction
préparatoire du procès pénal mais le juge du fond peut fonder sa conviction sur certains
éléments recueillis durant cette phase.

Cette règle, qui est sans doute la plus importante pour la régularité de la phase de jugement,
a pour conséquence que les preuves que les parties au procès n'ont pas la possibilité de
contredire librement, doivent être exclues. Ainsi, le droit à un procès équitable,
particulièrement le droit à un débat contradictoire sont respectés lorsque les parties ont la
possibilité de faire connaître les éléments nécessaires à leur défense et de prendre
connaissance de tout document ou de toute remarque présentée au juge et de les contester.

De même, le prévenu, assisté de son conseil, doit avoir eu la possibilité de présenter sa


défense. Le droit à un procès équitable, englobe, entre autres, le droit des parties au procès à
présenter les observations qu'elles estiment pertinentes pour leur affaire. Pour ce faire, le
tribunal a l'obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de
preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence.

Aussi, devant la juridiction de jugement, les parties se trouvent à égalité; elles peuvent
discuter les éléments apportés à l'audience, sans qu'il ait été nécessaire que les parties se les
soient communiqués préalablement les unes aux autres comme en procédure civile. Le
ministère public, le prévenu, la partie civile ont les mêmes droits, et notamment celui de poser
des questions aux témoins. Aucune des parties des débats ne doit échapper à ce contrôle, non
seulement de la défense mais du prévenu. Ce droit s'exerce sous le contrôle du président de
juridiction.

En sus, chacune des parties peut solliciter toute mesure d'instruction qu'elle estime
opportune ou même un supplément général d'information; elle peut soulever des exceptions,
susciter un incident, etc. Du moment que le ministère prend des réquisitions expresses à ce
sujet, ou que le prévenu ou la partie civile dépose des conclusions écrites, la juridiction de
363

jugement doit rendre une décision sur le point soulevé, après que les autres parties aient été
mises à même de faire connaître leur point de vue.

Enfin, lors des débats à l'audience, le juge doit respecter le principe du contradictoire:
aucune nouvelle pièce ne peut être déposée ou jointe au dossier si elle n'a pas été soumise à la
contradiction des parties.

SECTION 4: L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT

Pendant l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire et l'instruction à l'audience, le


prévenu peut être assisté d'un conseil de son choix. Il s'agit d'un droit essentiel de la défense.
La Constitution prévoit que la personne gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en
contact avec sa famille ou avec son conseil934. Elle prévoit également que le droit de la
défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se
faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y
compris l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister
également devant les services de sécurité935. Cela signifie que toute personne a droit d'avoir
un conseil de son choix pendant l'enquête préliminaire (devant l'OPJ), l'instruction
préparatoire (au parquet ou devant l'officier du ministère public) et au tribunal (devant le juge
à l'audience publique).

Ces dispositions constitutionnelles n'interdisent cependant pas au juge de fond de rejeter


une demande de surséance lorsque celle-ci apparaît dilatoire ou que les délais déjà accordés à
cette fin ont permis l'exercice effectif du droit garanti; la nécessité d'assurer la continuité du
cours de la justice et de celle de permettre le jugement de la cause dans un délai raisonnable
justifient que, malgré l'absence de défenseur imputable au prévenu, la remise de la cause ne
soit pas ordonnée.

Enfin, devant la juridiction de jugement, l'assistance d'un avocat est un droit et le prévenu
peut donc être jugé seul de son plein gré ou contraint si l'avocat qu'il a avait librement choisi
a un empêchement et que le tribunal refuse une remise. Néanmoins, si le prévenu est atteint
d'une infirmité de nature à compromettre sa défense ou si l'infraction pour laquelle il est
poursuivi est punissable de la peine de mort, l'assistance d'un avocat est obligatoire.

934
Article 18 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
935
Article 19 alinéas 3 à 5 de la Constitution du 18 février 2006.
364

CHAPITRE II: LA SAISINE DU TRIBUNAL

SECTION 1: PRELIMINAIRE DE LA SAISINE DU TRIBUNAL

§ 1. Transmission des pièces et dossier à la juridiction

Lorsque l'instruction préparatoire a pris fin et qu'il y a lieu de poursuivre l'inculpé,


l'officier du ministère public doit saisir la juridiction compétente. A cet égard, lorsque le
Ministère public décide d'exercer l'action publique, il communique les pièces au juge
compétent pour en connaître. Celui-ci fixe le jour où l'affaire sera appelée936. L'inculpé
devient prévenu pendant que l'affaire est en instance devant la juridiction. Les citations qui
saisissent la juridiction de fond doivent être libellées de telle sorte que le prévenu puisse
organiser sa défense en pleine connaissance de cause car le prévenu doit se défendre et doit
connaître les faits qui lui sont reprochés avec suffisamment de précision.

Il est d'usage que le ministère public mentionne dans la requête aux fins de fixation
d'audience, la qualification de l'infraction et une référence aux articles du Code pénal ou de la
loi pénale qui ont été violés. Cette requête aux fins de fixation d'audience prévoit le libellé de
la prévention. Exemple: Avoir à Kinshasa, ville de ce nom, capitale de la RDC, en date du.....,
date non couverte par le délai de prescription, violé la nommée........., faits prévus et punis par
les articles....... du Code pénal congolais Livre II.

La saisine du tribunal compétent se fait en transmettant le dossier et les objets saisis, au


greffe du tribunal compétent. Cette transmission est, suivant l'usage, accompagnée d'une lettre
de transmission adressée au président de la juridiction a pour but de solliciter la fixation
d'audience. Elle permet de garder les traces et date de transmission de dossier aux fins de
fixation d'audience. La juridiction saisie de la requête est tenue d'examiner l'infraction
reprochée au prévenu et de décider, elle ne pourrait statuer sur des faits différents de ceux qui
font l'objet des actes instructifs d'instance.

§ 2. Dessaisissement du magistrat instructeur

Dès la transmission de la requête aux fins de fixation d'audience du ministère public au


président du tribunal accompagnée de toutes les pièces du dossier, le ministère public est
dessaisi, il ne peut plus poser le moindre acte juridique sur le dossier, ses pouvoirs exorbitants
en tant que magistrat instructeur sont terminés car le dossier est maintenant de la compétence
du tribunal pour jugement.

936
Article 53 du Code de procédure pénale.
365

SECTION 2: MODES DE SAISINE DU TRIBUNAL

La juridiction de jugement peut être saisie de plusieurs façons. La juridiction ne peut


statuer que si elle est régulièrement saisie. Si au contraire la juridiction de jugement n'est pas
régulièrement saisie, elle ne peut statuer valablement.

§ 1. La citation à prévenu

La citation à prévenu est la voie ordinaire pour saisir une juridiction répressive. Elle consiste
en une notification faite en forme authentique au prévenu de l’ouverture des poursuites.
L'article 54 du Code de procédure pénale prévoit que la juridiction de jugement est saisie par
la citation donnée au prévenu, et éventuellement à la personne civilement responsable, à la
requête de l'officier du ministère public ou de la partie lésée. Toutefois, lorsqu'il y a lieu de
poursuivre une personne jouissant d'un privilège de juridiction, cette citation ne sera donnée
qu'à la requête d'un officier du ministère public.

Le Ministère public pourvoit à la citation du prévenu, de la personne civilement


responsable et de toute personne dont l'audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité.
Le greffier de la juridiction compétente pourvoit à la citation des personnes que la partie lésée
ou le prévenu désire faire citer. À cet effet, ceux-ci lui fournissent tous les éléments
nécessaires à la citation. Si le requérant sait écrire, il remet au greffier une déclaration
signée937.

La citation doit indiquer à la requête de qui elle est faite. Elle énonce les noms, prénoms et
demeure du cité, l'objet de la citation, le tribunal devant lequel la personne citée doit
comparaître, le lieu et le moment de la comparution. Elle indique la qualité de celui qui
l'effectue et la façon dont elle est effectuée. La citation à prévenu contient, en outre,
l'indication de la nature, de la date et du lieu des faits dont il aura à répondre938.

La citation doit nécessairement définir les faits qui seront soumis à l'appréciation du
tribunal avec l’indication du lieu et date de leur commission. L’usage prévoit aussi de
qualifier ces faits et de citer les textes légaux. La citation doit également indiquer
l’identité du prévenu, c’est-à-dire les noms, profession, domicile, état civil. Elle doit aussi
mentionner le tribunal saisi, le lieu, le jour et l’heure de l’audience à laquelle la cause a été
fixée afin de permettre aux parties d’y défendre leur droit ou d’y soutenir leurs prétentions. Elle
doit renseigner la personne citée sur l'identité de la partie citante afin de vérifier si elle qualité
pour exercer les poursuites939.

937
Article 56 du Code de procédure pénale.
938
Article 57 du Code de procédure pénale.
939
Article 57 du Code de procédure pénale.
366

La citation doit être signifiée en forme d’exploit par un officier ministériel, huissier,
greffier ou officier du ministère public940 qui doit mentionner son nom et sa qualité ainsi que
la date à laquelle il a effectué la signification.

§ 2. La citation directe

La citation directe est un acte par lequel la personne poursuivie comme auteur de
l'infraction, éventuellement partie civilement responsable, est assignée directement devant la
juridiction941. De manière simple, c'est l'acte par lequel la victime d'une infraction pénale
saisit directement une juridiction de jugement. La citation directe permet de saisir la
juridiction de fond sans qu'il ait eu une instruction préparatoire au préalable. La victime d’une
infraction peut directement saisir le tribunal répressif d’une demande de réparation du
préjudice subi par le fait de l’infraction. Afin de permettre aux parties d’y défendre leur droit
ou d’y soutenir leurs prétentions, la citation doit être signifiée en forme d’exploit par un
officier ministériel (huissier, greffier) qui doit mentionner son nom et sa qualité ainsi que la
date à laquelle il a effectué la signification.

Mais la citation directe ne sera fondée que si les faits infractionnels sont établis. Elle
devra donc mentionner ces faits avec indication du lieu et de la date de leur commission. Elle
doit également mentionner le préjudice invoqué avec évaluation provisoire de sa hauteur.
Enfin, elle doit indiquer le lien de causalité entre le fait infractionnel et le préjudice causé. A
défaut de l’un de ces éléments, l’action civile sera irrecevable et n’aura pas déclenché des
poursuites.

La partie civile doit en principe citer toutes les personnes qu’elle met en cause, c’est-à-dire
le prévenu et la partie civilement responsable. Le ministère public n’est jamais cité, car il est
toujours présent à l’audience du tribunal. Du reste, il est toujours informé par le greffier des
citations directes qui sont faites devant sa juridiction ainsi que l'extrait du rôle de l'audience
qui doit se tenir chaque jour. Mais la citation directe n’est pas recevable à l'égard des
bénéficiaires du privilège de juridiction, justiciables des tribunaux de grande instance, des
cours d'appel et de la Cour de cassation étant donné qu'ils ne peuvent être poursuivis qu'à la
requête d'un officier du Ministère public, c'est-à-dire uniquement après l'instruction
préparatoire de celui-ci (article 54 du Code de procédure pénale).

Les citations directes sont communiquées au ministère public le jour où elles sont
signifiées aux parties citées. Les pièces dont il est fait usage lui sont communiquées au plus
tard trois jours avant la date d’audience. Les parties citées directement peuvent prendre
connaissance du dossier au greffe où il doit être déposé par la partie citante. Lorsque le
greffier constatera que la citation directe met en cause une personne jouissant du privilège de

940
Article 58 du Code de procédure pénale.
941
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 604, p. 536.
367

juridiction, il sera tenu d’aviser la partie citante que pareille citation ne peut être donnée qu’à
la requête du ministère public942. Dans ces conditions, la citation directe ne sera pas recevable.

De même, lorsqu'une instruction préparatoire a été ouverte à charge du prévenu, la


citation directe de ce prévenu devant la juridiction de jugement en raison du même fait est
irrecevable. Aussi, tant que l'instruction préparatoire n'a pas été clôturée, la citation directe
d'un prévenu, même non cité dans ladite instruction préparatoire, devant la juridiction de
jugement en raison du fait faisant l'objet de cette instruction est irrecevable943.

Enfin, il convient de souligner que la citation directe de la partie civile saisit le juge
répressif de l'action publique et l'action civile, mais l'exercice de l'action publique appartient
au seul ministère public944. Malheureusement dans la pratique, certains jeunes magistrats
lorsqu'ils sont à l'audience pénale (en tant que représentant du ministère public) sur saisine du
tribunal par voie de citation directe, n'assument pas leur rôle de l'exercice de l'action publique
et pensent à tort que c'est à la partie civile elle-même qui a doit apporter la preuve étant donné
que le dossier n'émane pas du parquet. C'est une grosse erreur car même si le tribunal a été
saisi par voie de citation directe par la partie civile, le ministère public, doit apporter sa
contribution pour la manifestation de la vérité de la commission de l'infraction poursuivie.

§ 3. La comparution volontaire

La juridiction de jugement est également saisie par la comparution volontaire du prévenu


et, le cas échéant, de la personne civilement responsable sur simple avertissement945. En effet,
en règle, le prévenu qui n'a pas été régulièrement cité peut comparaître volontairement. La
comparution volontaire ne s'analyse pas en une reconnaissance de responsabilité; elle se fait
donc sur une base volontaire, le prévenu acceptant d'être jugé pour des faits dont le tribunal
n'est pas encore saisi ou dont le tribunal n'est pas valablement saisi. Il est cependant exclu
qu'un prévenu accepte de comparaître volontairement au mépris des règles de compétence
ratione materiae.

La comparution volontaire est souvent réalisée pour couvrir les irrégularités de forme
d’exploit (mention incomplète de la citation, non respect des délais) pour accepter de
comparaître volontairement. Dans ce cas, si le prévenu se présente néanmoins, il pourra
comparaître volontairement, ce qui permettra au tribunal de siéger valablement. D'ailleurs, la
nullité est couverte par le fait que le prévenu s'abstient de soulever cette nullité dès le début
de l'audience.

942
Article 48 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours,
tribunaux et parquet.
943
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1205.
944
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 778.
945
Article 55 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
368

La comparution volontaire est aussi utilisée pour justifier une extension de la saisine du
tribunal. La comparution volontaire permet d'éviter les retards résultant d'une nouvelle
citation. Le fait que la personne poursuivie consente à comparaître volontairement devant la
juridiction de jugement pour y être jugée sur certains faits précis, suffit à saisir valablement
cette juridiction. En effet, il est généralement de l’intérêt du prévenu qui a répondu à la
citation que l’affaire soit vidée sans délai plutôt que de retarder la solution du litige en
exigeant les garanties d’une procédure de citation régulière.

Enfin, la comparution volontaire peut exister lorsque des faits nouveaux apparaissent et que
le ministère public en demande la jonction aux faits dont le tribunal est régulièrement saisi. Le
juge ne peut en connaître que si le prévenu accepte d'être jugé sur ces faits et comparaît dès lors
volontairement à ce sujet946.

La validité de la comparution volontaire est subordonnée aux conditions suivantes :


- les faits ne doivent pas être punissables d’une peine de prison dépassant cinq ans ;
- si ces faits sont punissables de plus de cinq ans de prison, la comparution volontaire
n’est valable que si le prévenu est averti par le juge, qu’il peut réclamer la formalité de citation
et déclare expressément y renoncer.

L’accomplissement de cette formalité doit être acté à la feuille d’audience. La même


formalité est exigée lorsque le prévenu est détenu ou lorsqu’il est appelé à répondre des faits
qui ne figurent pas dans la citation947.

§ 4. La saisine d'office en cas d'infraction d'audience

Il s'agit du délit d'audience. Au plan de la terminologie, il nous faut observer qu’en droit
congolais, l’expression «délit d’audience» est impropre pour deux raisons : d’abord le droit
pénal ignore la répartition des infractions en trois catégories : contravention, délit, crime qui
entraîne les conséquences au point de vue de la compétence matérielle des juridictions
appelées à les juger. Ensuite en droit congolais, c’est toute infraction qui peut être sanctionnée
séance tenante.

Cette possibilité est souvent applicable en matière de délit d'audience. On appelle délit
d’audience toute infraction commise dans la salle et pendant la durée de l’audience948. En cas
d'infraction d'audience (délit d'audience), le tribunal se saisira d'office sans attendre les
formalités de la saisine. Ainsi, la saisine d'office vaut pour les infractions d'audience lorsqu'elles
relèvent de la compétence de la juridiction devant laquelle ces infractions ont été commises.

946
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1212.
947
Article 55 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
948
Article 1er alinéa 1 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience,
Moniteur congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
369

C'est ainsi que le tribunal de paix connaît des infractions punissables de la peine de 5 ans de
d'emprisonnement commises à l'audience; le tribunal de grande instance connaît des infractions
punissables au delà de la peine de 5 ans de d'emprisonnement commises à l'audience ou les
infractions d'audience commises par les bénéficiaires du privilège de juridiction du niveau du
tribunal de grande instance; la Cour d'appel connaît les infractions d'audience de la compétence
de cette Cour (crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide) commises à l'audience et
les infractions commises par les bénéficiaires du privilège de juridiction du niveau de cette
Cour; la Cour de cassation connaît les infractions d'audience commises par les bénéficiaires du
privilège de juridiction du niveau de cette Cour.

Par contre, si un meurtre se commet à l'audience du tribunal de paix, ce tribunal ne pourra


juger sur le fond cette infraction étant donné que c'est une infraction qui dépasse sa compétence
matérielle. Dans ce cas, le tribunal a le choix: soit il peut en vertu de l'adage "tout juge est aussi
procureur général", procéder à l'arrestation de l'auteur de l'infraction et quitte à le conduire
devant le ministère public compétent aux fins de le faire comparaître devant le tribunal de
grande instance; soit le tribunal de paix peut laisser le ministère public siégeant à l'audience se
saisir selon la procédure de flagrance, comme l'infraction est punissable au delà de 5 ans
d'emprisonnement (c.-à-d. au delà de la compétence du tribunal de paix), le ministère public
pourra ordonner l'arrestation de l'auteur de cette infraction, l'interroger, dresser le procès-verbal
des faits, puis ordonner la conduite de l'auteur de ladite infraction (et toutes les pièces possibles)
devant le procureur de la République compétent. En effet, une juridiction n'est pas compétente
pour juger l'infraction dépassant ses compétence matérielle et personnelle, fut-elle commise à
l'audience.

Si l'infraction qui se commet à l'audience vise la juridiction elle-même ou les juges qui la
composent (comme en cas d'outrages à la magistrature, par exemple), le droit à un tribunal
impartial s'oppose à ce que cette infraction soit jugée dans le cadre de la de la saisine
d'office949. En effet lorsque les magistrats se sentent victimes d'outrages à la magistrature, il
n'appartient pas à ceux-ci de se faire justice eux-mêmes, le mieux est de se déporter, quitte à
une autre composition du siège de la même juridiction de juger les auteurs de cette infraction.
Dans ce cas, l'officier du ministère public présent à l'audience, doit dresser le procès-verbal et
s'il échet, arrêter l'auteur de cette infraction et saisir la juridiction compétente afin de juger les
auteurs de l'infraction d'outrage à la magistrature.

§ 5. La sommation

La citation peut être remplacée par une simple sommation verbale, faite à personne, par
l'officier du ministère public ou par le greffier de la juridiction qui devra connaître de l'affaire,
d'avoir à comparaître devant le tribunal à tel lieu et à tel moment, lorsqu'il s'agit de la
comparution, soit de la partie lésée ou des témoins, soit du prévenu ou de la personne
civilement responsable si la peine prévue par la loi ne dépasse pas cinq ans de servitude
949
CEDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c/Chypre (GC); M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les jugements, les voies de recours, les
procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014,
p. 1214.
370

pénale ou ne consiste qu'en une amende. La sommation à prévenu lui fait de plus, connaître la
nature, la date et le lieu des faits dont il est appelé à répondre. Il est dressé procès-verbal de la
sommation par celui qui l'effectue950. Ainsi, peuvent être sommés : la partie lésée, les témoins,
le prévenu, la partie civilement responsable.

La sommation doit faire connaître au prévenu la nature, la date et le lieu des faits dont il
est appelé à répondre. Les faits soumis à la juridiction doivent être punissables d’une peine de
prison ne dépassant pas cinq ans ou d’une simple amende. Il doit être dressé un procès-verbal
de la sommation par celui qui l’effectue951.

La sommation a particulièrement été instituée pour la procédure devant le tribunal de


police952; le procès verbal de sommation peut être incorporé dans la feuille d'audience du
tribunal, lorsqu'il se saisit sans désemparer. La saisine par voie de sommation n'exclut
nullement que par décision de remise, le tribunal accorde au prévenu des délais pour lui
permettre de préparer sa défense.

La sommation est très rare dans la pratique parce qu'elle avait été conçue pour les tribunaux
de police. Or, depuis la promulgation de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, les
tribunaux de police n'existent plus. C'est pourquoi, nous pensons qu'elle devrait être
supprimée.

§ 6. La saisine par comparution immédiate du délinquant

Cette modalité particulière de saisine du tribunal s’applique pour la procédure accélérée


du jugement des infractions intentionnelles flagrantes ou réputés telles. En cette matière,
l'auteur de l'infraction est conduit immédiatement devant la juridiction compétente sans
formalité préalable de saisine et sa comparution aura lieu le même jour ou au plus tard le
lendemain. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons les infractions intentionnelles
flagrantes.

§ 7. La saisine par une voie de recours après une décision au fond

Lorsque, à la suite d'une décision au fond, une partie forme, par acte d'huissier ou du
greffier, opposition, interjette appel ou introduit un pourvoi en cassation par déclaration au
greffe (ou exerce toute autre voie de recours extraordinaire), c'est cet acte d'opposition,
d'appel ou autre qui saisit la juridiction appelée à connaître du recours. La citation qui
s'ensuivra ne constituera qu'un avertissement officiel visant à porter la date d'audience à la
connaissance du prévenu953.

950
Article 66 du Code de procédure pénale.
951
Article 66 du Code de procédure pénale.
952
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S. A., 1965, n ° 117, p. 134.
953
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 781.
371

§ 8. La saisine par décision de renvoi

Défini comme la décision par laquelle une juridiction compétente saisie d'une
affaire est dessaisie pour raison de bonne administration de la justice954, le renvoi a
pour objet d'enlever un dossier de procédure à une juridiction saisie pour le confier à
une autre, de même nature et de même degré, mais dans un autre ressort, et a pour
effet de déroger à la compétence territoriale ordinaire, la dernière juridiction saisie
étant incompétente territorialement. Dans plusieurs hypothèses, le renvoi peut saisir
une juridiction.

I. En cas de renvoi pour cause de sureté publique et suspicion légitime

Le tribunal de grande instance peut, pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime,
renvoyer la connaissance d’une affaire, d’un tribunal de paix de son ressort à un autre tribunal
de paix du même ressort. La Cour d’appel peut, pour les mêmes causes, renvoyer la
connaissance d’une affaire d’un tribunal de grand instance de son ressort à un autre tribunal
de grande instance du même ressort. La Cour de cassation peut, pour les mêmes causes,
renvoyer la connaissance d'une affaire d'une Cour d'appel à une autre ou d'une juridiction du
ressort d'une Cour d'appel à une juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour
d'appel955. C'est cette décision de renvoi qui saisit la juridiction désignée.

II. En cas de litispendance

En cas de litispendance, la décision de renvoi s'impose à l'autre juridiction et aux


parties: l'une de juridiction sera obligatoirement dessaisie et l'autre sera obligatoirement
désignée et ne pourra plus vérifier la régularité de sa saisine. La litispendance cesse dès que
l’une de deux juridictions est dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit par un
désistement, soit un déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de l'autre,
soit par le renvoi. En cas de litispendance, une expédition de la décision de renvoi est
transmise avec les pièces de la procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause est
renvoyée956. Cela signifie que le transfert du dossier se fait de greffe à greffe et la cause est
inscrite d'office et sans frais au rôle de la juridiction de renvoi. C'est cette décision de
désignation de juridiction compétente qui saisit la juridiction ainsi désignée.

III. En cas de connexité

En cas de connexité, si le juge saisi de l'exception de connexité estime qu'il est de


l'intérêt d'une bonne justice de juger ensemble les deux affaires, il se dessaisit de l'affaire et
ordonne le renvoi de la cause dont il est saisi devant l'autre juridiction. La juridiction de
renvoi devant laquelle l'affaire est renvoyée doit accepter le renvoi qui s'impose à elle et aux
parties.

954
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p.803.
955
Article 60 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
956
Article 145 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
372

Dans ce cas, une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la
procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée957. Il est alors procédé
comme en matière d'incompétence: le dossier de l'affaire est transmis par le greffe de la
juridiction à l'autre juridiction dont le greffe invite les parties à poursuive l'instance. En
principe, la juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée ne peut décliner sa compétence
sur les causes dont elle est saisie. La connexité cesse dès que l’une de deux juridictions est
dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit par un désistement, soit un
déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de l'autre, soit par le renvoi.
C'est cette décision de renvoi qui saisit la juridiction compétente.

IV. En cas de règlement des juges


373

prévues par la loi. L’arrêt de règlement de conflit s’impose aux deux ordres de juridictions958.
C'est donc cet arrêt de la Cour constitutionnelle qui saisit la juridiction désignée.

SECTION 2: MODALITES ET DELAIS DE SIGNIFICATION DE CITATION

§ 1. Modalités de signification

Le terme «citation» vise ici toutes les citations à comparaître, c’est-à-dire aussi bien la
citation directe, la citation à partie civilement responsable et la citation à témoin. Il y a cinq
modalités de signification.

I. La signification à personne

C’est celle qui est faite en donnant lecture de citation en présence du cité, à n’importe quel
endroit où il se trouve (à son domicile, à la prison, au greffe ou à tout autre lieu). La citation
doit indiquer à la requête de qui elle est faite. Elle énonce les noms, prénoms et demeure du
cité, l'objet de la citation, le tribunal devant lequel la personne citée doit comparaître, le lieu et
le moment de la comparution. Elle indique la qualité de celui qui l'effectue et la façon dont
elle est effectuée. La citation à prévenu contient, en outre, l'indication de la nature, de la date
et du lieu des faits dont il aura à répondre959.

II. La signification à résidence ou à domicile

C’est celle qui est faite à résidence ou à domicile, en y parlant à un parent, allié, maître ou
serviteur960. Ce n’est que si l’officier instrumentant constate qu’il n’y a au domicile ni parent,
ni allié, ni maître ou serviteur qu’il peut signifier à un voisin ou lorsque le cité est domicilié
dans une circonscription coutumière, au chef de cette circonscription ou au chef de la
subdivision coutumière de la chefferie ou au chef du groupement coutumier incorporé dans le
secteur auquel appartient l'intéressé.

Après lecture, l’huissier complète son exploit en y relatant tous les incidents survenus lors
de la signification. Il date l’exploit. Ceci est important, car, c’est à partir de cette date que le
délai commence à courir, ensuite il invite la personne à laquelle il a parlé à signer son exploit,
éventuellement, il acte son refus ou impossibilité de signer. Il lui remet une copie de l’exploit,
l’original devant être remis au greffier pour être joint au dossier.

958
Articles 69 à 71 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
959
Article 57 du Code de procédure pénale.
960
Article 59 du Code de procédure pénale.
374

III. La signification par missive

C’est celle qui consiste à envoyer une copie de l’exploit sous pli fermé à découvert, soit
recommandé à la poste avec avis de réception, soit remis par un messager ordinaire contre
récépissé, daté et signé, par le cité ou par un parent ou allié ou maître ou serviteur ou voisin,
avec indication éventuelle de ses rapports de parenté, d'alliance, de sujétion ou de voisinage
avec le cité. Même dans le cas où le récépissé n'est pas signé par la personne qui a reçu le pli
ou si ce récépissé ne porte pas qu'elle est une de celles auxquelles le pli pouvait être remis ou
s'il existe des doutes quand à sa qualité pour le recevoir, la citation est néanmoins valable si,
des déclarations assermentées du messager ou d'autres éléments de preuve, le juge tire la
conviction que le pli a été remis conformément à la loi. La date de la remise peut être établie
par les mêmes moyens 961.

De manière concrète, l'huissier envoie la copie de l'exploit par la poste ou par le messager,
en y mentionnant qu'il recourt à ce procédé, et en y portant la date à la quelle il en a ainsi usé.
Le pli sera fermé à découvert c'est-à-dire qu'il ne sera pas mis sous enveloppe, mais plié et
cacheté de façon à ne pouvoir être lu sans briser (ou déchirer) le cachet, l'adresse du cité étant
inscrite au verso de la copie. S'il est envoyé par la poste, il sera recommandé avec accusé de
réception; s'il est posté par un massage, il sera délivré contre accusé de réception. Le pli doit
être remis à l'une des personnes (parent, allié, maître ou serviteur ou voisin) capables de
recevoir lecture de la citation verbale.

Bref, la copie de l’exploit sera pliée et cachetée de façon à pouvoir être lue sans briser ou
déchirer le cachet sans que copie ne soit mise sous enveloppe. La signification par missive
peut être recommandée à la poste avec accusé de réception.

IV. La signification par édit et missive

Elle est utilisée lorsque la personne à citer n'a pas de résidence ou domicile connu en
RDC et se trouve à l’étranger où elle a une résidence connue962. En ce cas, l’huissier fait
afficher une copie de l’exploit à la porte principale du tribunal qui doit être saisi. Il envoie
une copie à l’étranger soit directement à la personne elle-même sous pli recommandé à la
poste, soit au ministère des affaires étrangères qui transmettra au pays de la résidence de la
personne citée et mentionne toutes ces opérations dans l'exploit, dont l'original est remis au
greffier. En ce cas, le délai court dès le jour de l’affichage.

V. La signification par édit et publication (affichage)

Elle est utilisée lorsque la personne à citer n’a pas d’adresse connue ni au Congo, ni à
l’étranger. On l'appelle dans le langage courant signification par voie d'affichage. En ce cas,
l’huissier fait afficher une copie de l’exploit à la porte principale du tribunal qui sera saisi. Il

961
Article 60 du Code de procédure pénale.
962
Article 61 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
375

envoie un extrait au Journal Officiel sur décision du juge, un autre extrait est publié au journal
que le juge détermine963.

Toutes ces modalités de signification de la citation créent la présomption que la personne


citée a été avertie de la procédure.

§ 2. Les délais de signification

I. Principe

La citation a pour but d’avertir qu’une instance judiciaire s’ouvre et que la personne citée
doit se présenter. Il est normal que la comparution à l’audience fixée ne puisse avoir lieu
qu’après un délai, qui est nécessaire à la personne citée pour préparer sa défense.

Pour le prévenu et la partie civilement responsable, ce délai est de huit jours, c’est-à-dire
que ni le jour de la signification (dies a quo), ni le jour de la comparution (dies ad quem) ne
sont comptés. Ce délai est augmenté du délai de distance, calculé en raison d’un jour par
cent kilomètres. Les fractions supplémentaires n’entrent pas en ligne de compte, le délai de
distance est forfaitairement fixé à trois mois si la personne citée se trouve à l’étranger ou si
son domicile est inconnu964. Une vive controverse divise la doctrine et même la jurisprudence
quant au point de savoir le moyen de communication qui doit servir de base pour évaluer la
distance.

Il a été soutenu que c’est la distance à vol d’oiseau qui doit être prise en considération,
la droite géographique. Nous partageons quant à nous l’opinion suivant laquelle le délai de
distance ne doit pas se calculer de manière abstraite sur la droite la plus directe entre la
distance du cité et le lieu du tribunal. Il faut à notre avis, tenir compte des ressources du cité
en rapport avec les divers moyens de transport utilisables dans la région. Dans cette optique,
la distance varie selon l’état des ressources de la personne citée.

Le délai doit être compté du lendemain du jour où le cité a normalement pu être averti de la
citation. C'est le lendemain de la date de l'exploit lorsque la signification a été faite à
personne; c'est le lendemain de la signature de l'accusé de réception lorsque la signification a
été faite par missive; c'est le lendemain de l'affichage (sans égard à la date de publication ou
de délivrance de la copie adressée par la poste) lorsque la signification a été faite par écrit965.

La partie lésée et le témoin peuvent dans tous les cas, être cités à comparaître le même jour
sauf respect du délai de distance966. Cela signifie qu'ils ne bénéficient d'aucun délai, sauf le
délai de distance; ils peuvent être cités à comparaître le jour même de l'audience.

963
Article 61 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
964
Article 62 du Code de procédure pénale.
965
Article 65 du Code de procédure pénale.
966
Article 64 du Code de procédure pénale.
376

II. Abréviation et prolongation des délais

Dans les cas qui requièrent célérité, le juge, par décision motivée dont connaissance sera
donnée avec la citation à prévenu et, le cas échéant, à la partie civilement responsable, peut
abréger le délai de 8 jours lorsque la peine comminée ne dépasse pas cinq ans de prison ou ne
consiste qu’à une amende967.

C’est la partie poursuivante qui, par requête, sollicite cette abréviation de délai en
s’adressant au président de la juridiction saisie, qui y répondra par voie d’ordonnance. Il
est à noter que la loi n’autorise l’abréviation que du seul délai ordinaire, à l’exclusion du
délai de distance. Ce qui est regrettable car dans un pays comme la RDC aux dimensions
quasi-continentales, le délai de distance peut facilement dépasser le délai ordinaire qui seul,
peut être abrégé.

Cette rigidité des termes de l'article 63 du Code de procédure pénale ne répond nullement
aux exigences d'une justice saine. En effet, il se peut qu'un prévenu qui réside à grande distance,
mais en un lieu qui, en fait, est desservi par un courrier rapide et régulier disposera de plus de
facilités pour organiser sa défense qu'un prévenu résidant à proximité, mais en un lieu
difficilement accessible et où il ne peut trouver un conseil; les inconvénients du système
apparaîtront surtout lorsque le prévenu de l'action principale se trouve en détention au lieu
même du siège tandis qu'un vague comparse ou une partie civilement responsable, voire une
partie civile, se trouve à grande distance, retardant de ce fait toute la procédure répressive qui
requiert célérité.

Il y a lieu de considérer les délais fixes de l'article 62 du Code de procédure pénale comme
des forfaits auxquels le juge peut déroger, pourvu qu'il ait l'assurance que les citations ont été
faites en temps utile pour respecter les droits de la défense. L'article 62 du Code de procédure
pénale prévoit d'ailleurs le cas où une personne, domiciliée à l'étranger et y résidant de manière
ordinaire, a été touchée par une citation à l'occasion d'un passage sur le territoire de la
République. Pareille citation faite à personne n'emporte que les délais fixes et délais de distance
comptés à l'égard des résidents de la République, mais autorise le juge à accorder une remise.

Une remise pour permettre au prévenu d’organiser sa défense doit être accordée chaque fois
que le bien-fondé de la demande est justifié. Il en sera ainsi pour le prévenu résident de la
République, assigné dans les délais ordinaires, ou par abréviation de délais.

Lorsque la citation est signifiée par la poste ou par messager, le délai commence à courir
du jour où décharge a été donnée à la poste ou au messager. Lorsque la citation est faite par
voie d'affichage, le délai commence à courir le jour de l'affichage968.

967
Article 63 du Code de procédure pénale.
968
Article 65 du Code de procédure pénale.
377

SECTION 3 : LES EFFETS DE LA SAISINE

La saisine crée le lien d'instance car le procès peut maintenant avoir lieu. La juridiction de
jugement n'est saisie que si l'acte délivré à cette fin est valable. Le juge de fond doit vérifier sa
saisine, avant même de vérifier sa compétence.

§ 1. La juridiction de jugement est saisie des faits infractionnels (in rem)

La juridiction de jugement doit statuer sur des faits dont elle est valablement saisie (quel
que soit le procédé ou mode de saisine) et uniquement sur ceux-là. La saisine ayant pour objet
un fait et pas seulement une qualification, le juge prend connaissance d'un fait qualifié
infraction commis à une date déterminée ou au cours d'une période déterminée. La juridiction
de jugement est saisie des faits et n'est pas liée par la qualification donnée aux faits dans l'acte
introductif d'instance. La juridiction peut et doit examiner ces faits sous toutes leurs
qualifications possibles, et retenir la véritable qualification que ces faits comportent969 et
toutes les infractions qu'ils constituent, se prononcer sur la culpabilité du prévenu dans
chacune, et prononcer la peine en application des règles de cumul réel des infractions. La
juridiction de jugement peut donc changer la qualification des faits dont elle est saisie970. Elle
peut ainsi disqualifier l'infraction saisie et la requalifier. Cela signifie qu'elle peut retenir une
autre qualification d'infractions qui n'était pas retenue par l'acte de saisine de la juridiction, du
moment que cette qualification s'applique bien aux faits dont elle est saisie et ne comporte pas
d'éléments nouveaux.

En effet, la qualification donnée aux faits dans l'acte introductif d'instance pénale
(provenant du ministère public ou de la partie civile) ne lie pas le juge de fond. En effet, la
citation à comparaître devant la juridiction de jugement ou la requête du ministère public aux
fins de fixation d'audience ne saisit pas les juridictions de jugement de la qualification et du
libellé de la prévention y figurant, mais des faits tels qu'ils ressortent des pièces de
l'instruction préparatoire et fondent la citation. Il incombe au juge pénal de donner aux faits
punissables leur qualification et leur libellé exact; à cet effet, il peut adapter, rectifier ou
remplacer l'énoncé de la prévention, à condition, ce faisant, de s'en tenir aux faits commis, tel
qu'ils ont été déterminés ou visés dans l'acte qui est à l'origine de sa saisine. La qualification
des faits figurant dans l'ordonnance de renvoi ou dans la citation à comparaître est provisoire
et il appartient à la juridiction de jugement, dans les limites de sa saisine et dans le respect des
droits de la défense, de donner à ces faits leur qualification exacte971.

969
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1215; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5
ème éd. Litec, 2009, n° 2255, p. 1177.
970
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 840, p. 830.
971
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1216; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, 5 ème
éd. Litec, 2009, n° 2255, p. 1177.
378

De même, il appartient au juge de fond, moyennant respect des droits de la défense, de


substituer aux faits de l'acte introductif d'instance, la qualification adéquate, c'est-à-dire de
modifier, corriger, compléter ou remplacer la qualification initiale, et cela même si la
qualification nouvelle implique l'existence d'autres éléments que cette dernière. Le juge n'a ce
pouvoir que pour autant que les faits de la prévention restent les mêmes que ceux qui
fondaient la poursuite ou l'instruction préparatoire. Ainsi le juge peut requalifier d'abus de
confiance des faits initialement qualifiés d'escroquerie. Pour que le juge puisse procéder à la
requalification des faits, il s'impose qu'il soit toujours compétent sur la base de la nouvelle
qualification et que le prévenu ait eu l'occasion de se défendre contre la prévention mise à
charge972.

La saisine du juge concerne uniquement le fait précis indiqué dans l'acte de saisine; ce
dernier ne doit mentionner ni tous les éléments juridiques constitutif du fait mis à charge ni
tous les éléments de fait. Il appartient au juge, si besoin est, d'apprécier la portée de l'acte de
saisine, sans toutefois violer la foi due à cet acte, et de rectifier la qualification du fait mis à
charge, à la condition qu'il constate que le fait mis ainsi à charge est le même que celui
servant de fondement aux poursuites, ou y est inclus, et que le prévenu ait eu la possibilité de
faire valoir ses moyens de défense contre la nouvelle qualification. La circonstance que
qualification initiale du fait mentionne des éléments spécifiques pour préciser en quoi a
consisté l'infraction n'empêche pas que la requalification indique d'autres éléments de fait,
pour autant que ceux-ci aient été inclus dans la qualification initiale973.

Mais la juridiction de jugement ne saurait substituer ou ajouter aux faits dont elle est saisie
d'autres faits non visés dans l'acte de saisine ou retenir une circonstance aggravante non visée
à la prévention. Elle doit statuer sur toutes les réquisitions initiales du ministère public et
toutes les demandes de la personne poursuivie, du moment que celles-ci se rapprochent aux
faits dont elle est saisie. En matière pénale, les juridictions de jugement ne peuvent statuer sur
des faits dont elles ne sont pas saisies et les juges d'appel ne peuvent statuer sur des faits
autres que ceux sur lesquels portait la décision du premier juge.

Lorsque la partie poursuivante considère que des faits complémentaires ou d'autres


personnes doivent également être jugées avec les faits dont est déjà saisie une juridiction de
fond statuant en première instance, elle peut, dans le respect des droits de la défense, faire
signifier une citation complémentaire qui viendra compléter la saisine originaire. En tant que
partie poursuivante, le ministère public peut toujours, même en cours de procès, signifier
successivement des citations complémentaires pour préciser les faits ou élargir la période
incriminée sous réserve du droit au contradictoire devant le juge du fond, le fait que la citation
complémentaire soit signifiée après que le prévenu a déjà fait part de son point de vue quand à
la citation donnée préalablement n'entache pas le caractère équitable du procès, ne porte

972
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 785.
973
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1216.
379

nullement atteinte aux droits de la défense, et ne méconnaît pas davantage le devoir de loyauté
du ministère public974.

Les règles de compétence tiennent compte des faits qualifiés par le tribunal et non la
qualification donnée par la partie poursuivante. La requalification des faits entrainera une
décision d'incompétence chaque fois que la qualification retenue par la juridiction saisie
dépasse la compétence matérielle de celle-ci; dans ce cas, la juridiction de jugement pourra
rendre un jugement d'incompétence, quitte au ministère public de saisir la juridiction
compétente. A cet égard, l'article 86 du Code de procédure pénale prévoit que le juge de paix
qui a rendu un jugement d'incompétence peut faire conduire le prévenu, sans délai, devant
l'officier du ministère public près le tribunal compétent.

Exemple: le tribunal de paix a été saisi par le parquet près ce tribunal des faits qualifiés de
coups et blessures volontaires (articles 46 et 47 du Code pénal congolais Livre II) punissables
de huit jours à 5 ans de SPP. Lors de l'instruction à l'audience du tribunal de paix, les juges
disqualifient cette infraction et la requalifient en retenant les coups et blessures ayant entrainé
la mort sans intention de la donner (article 48 du Code pénal congolais Livre II) punissables
de cinq à 20 de SPP. Comme cette dernière infraction dépasse la compétence matérielle du
tribunal de paix, les juges prononceront un jugement d'incompétence et il appartiendra au
ministère public près cette juridiction de transmettre le dossier, pièces (et éventuellement le
prévenu s'il est en détention) au parquet près le tribunal de grande instance afin de saisir le
tribunal compétent.

§ 2. La juridiction de jugement n'est saisie qu'à l'égard


des personnes poursuivies (in personam)

La juridiction est chargée de juger les personnes qui lui ont été déférées (seules les
personnes régulièrement citées ou sommées ou mises en accusation), et elle ne peut juger que
celles-là. Lorsqu'il y a comparution volontaire, le tribunal ne peut juger que les seules
personnes qui comparaissent volontairement et pour les seules faits qu'ils acceptent de
soumettre au jugement du tribunal.

A la différence du ministère public, qui peut poursuivre toutes les personnes qui lui
paraissent avoir participé aux faits sur lesquels l'action publique a été mise en mouvement, les
juridictions de jugement ne peuvent pas englober dans les poursuites des personnes qui n'ont
pas été renvoyées devant elles à titre de prévenus, et ne peuvent prononcer des peines contre
elles. Ainsi, la personne citée en qualité de civilement responsable ne pourrait être condamnée
pénalement. Sauf en matière d'infraction intentionnelle fragrante ou réputée telle ou les
infractions d'audience, les juridictions de jugement ne peuvent non plus enjoindre au
ministère public d'étendre des poursuites à d'autres personnes.

974
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les
jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1205.
380

§ 3. La juridiction de jugement a la maîtrise du procès pénal

Lorsque le tribunal est saisi en matière pénale, la poursuite déclenchée échappe au parquet,
l'instance devant maintenant se poursuivre sous la direction du tribunal. Le procès pénal est
totalement indisponible entre les mains des personnes poursuivies; il n'y a pas en procédure
pénale, de principe dispositif (lié à la demande des parties), les parties privées ne sont maîtres
de la matière litigieuse; celle-ci appartient désormais au tribunal qui instruit tout en tenant
compte des droits de la défense et le principe de contradictoire.

§ 4. La juridiction de jugement ne peut se dessaisir que par une décision sur le fond

Réserve faite de la vérification de sa compétence (qui peut entrainer son dessaisissement),


la juridiction de jugement, une fois saisie, ne peut se dessaisir de l'affaire que par une décision
sur le fond. Cela signifie que la juridiction de jugement doit répondre à toutes les questions
qui lui sont posées tant par le ministère public que par la personne poursuivie du moment
qu'elles ont un rapport avec l'affaire jugée et qu'elles sont clairement exprimées. Elle ne peut
renvoyer l'affaire au ministère public dont il a été saisi sauf en cas d'infractions intentionnelles
flagrantes. Si elle estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés ou l'affaire n'est pas
suffisamment instruite, la juridiction de jugement devra ordonner toute mesure
complémentaire, telle qu'une expertise, descente sur les lieux, etc. et statuera ensuite au fond.

Pour parvenir à une solution sur le fond du procès pénal, la juridiction de jugement sera
souvent amenée à prendre des décisions avant-dire droit. Qu'elles soient préparatoires ou
interlocutoires, ces décisions avant-dire droit ne dessaisissent pas la juridiction de l'affaire,
celle-ci revient devant elle après la fin de l'incident qui se posait. Par contre, la décision sur le
fond dessaisit la juridiction de jugement du premier ou du second degré. Lorsque cette
décision est rendue par défaut, ce dessaisissement n'est cependant pas définitif, l'affaire peut
revenir devant la même juridiction par le biais d'une voie de recours de l'opposition
(rétractation).
381

CHAPITRE III: L'INSTRUCTION A L'AUDIENCE

L'instruction à l'audience a pour but de rapporter et de discuter de façon contradictoire les


éléments destinés à servir au jugement de la cause. Elle a pour base les éléments du dossier
pénal. Ils feront l'objet d'un débat contradictoire et seront complétés ou contredits par
l'instruction à l'audience.

SECTION 1: L'INSTRUCTION PRELIMINAIRE

Au cours de l’audience, il y a : le prévenu, le ministère public, la victime ou partie civile (à


condition qu'elle se constitue partie civile) et le civilement responsable comme parties. En
procédure pénale, l’accusateur est le ministère public et l’accusé, le prévenu. On assiste à un
échange entre les parties et le juge en vue d’éclater la vérité sur le fait auquel l’application de
la loi s’impose.

§ 1. Rappel des règles relatives à l'organisation des juridictions

Pour aboutir à un jugement régulier, la juridiction doit présenter certaines caractéristiques à


défaut desquelles la procédure serait entachée de nullité. Elle doit être régulièrement
composée et ses magistrats doivent assister à l'intégralité des audiences. A défaut, il faudrait
recommencer toute la procédure de jugement. Ainsi, lorsque la décision de jugement
démontre que les magistrats qui ont statué dans la cause n'étaient pas les mêmes que ceux qui
ont assisté aux débats, la Cour de cassation peut casser ce jugement pour composition
irrégulière du siège. Et cas de changement de siège au cours des débats, ceux-ci doivent être
repris à zéro (ab initio). Lorsque, après une modification de la composition du siège, le
tribunal reprend l'instruction ab initio, il peut fonder sa décision sur des dépositions de
témoins reçues devant un siège autrement composé lorsque ces dépositions ont été consignées
dans le procès-verbal d'audience.

De même la juridiction doit siéger avec le concours du ministère public et la présence du


greffier. Si l'audience s'est tenue en l'absence du ministère public, cela est un motif de
cassation du jugement pour composition irrégulière. Il convient de préciser que la personnalité
du ministère public et du greffier importe peu et ils peuvent changer au cours de la procédure
puisque le ministère est un et indivisible et que le greffier ne joue qu'un rôle matériel exempt
de toute décision. Le ministère public doit obligatoirement être entendu sur l'action publique
et sur l'action civile. La mention que la juridiction était assistée d'un greffier fait présumer que
celui-ci avait la capacité requise.

§ 2. Etapes de l'instruction préliminaire

Il s’agit pour le tribunal compétent et régulièrement saisi de connaître les faits et les
circonstances qui appellent l’application de la loi. Pour ce faire, le tribunal doit se livrer à
une recherche active afin de découvrir tous les éléments matériels et moraux que la loi
382

considère comme éléments constitutifs d’une infraction ; ceci accompli, le tribunal doit
procéder à l'appel du rôle (I) et vérifier sa saisine (II).

I. Appel du rôle

Lorsqu’un tribunal doit siéger, le Président doit prendre une ordonnance de fixation
d’audience et au jour de la première audience, il vérifie le dossier en état d’être examiné.
Le juge fait appeler selon l’ordre du rôle, toutes les affaires y inscrites, en indiquant :
- celles qu’il porte d’emblée à une audience de remise;
- celles pour lesquelles la saisine n’est pas régulière,
- celles pour lesquelles le tribunal va d’office prononcer l’irrecevabilité pour incompétence.

Mais, le juge peut aussi appeler les affaires une à une sans appel au rôle d’audience,
lorsque le juge appelle les affaires inscrites dans le dossier du greffe. A cet effet, il se met à la
disposition des avocats et défenseurs judiciaires selon l’ordre de préséance de faire appeler les
affaires.

II. Vérification de la saisine

Le tribunal vérifie si le prévenu a été régulièrement cité à comparaître et s’il est présent.
L’audience va se dérouler contradictoirement. A contrario, elle se déroulera par défaut
parce que le prévenu n’a pas répondu à la citation. Le juge interpelle le prévenu et procède
d’abord à la vérification de son identité. A l’appel du prévenu, celui-ci ou son mandataire
peuvent aussi répondre.

Si le prévenu n’est pas valablement représenté, le tribunal doit poursuivre l’instruction


de l’affaire par défaut. Le tribunal peut ordonner la comparution personnelle du
prévenu, malgré sa représentation par un mandataire. A cet égard l'article 71 du Code
de procédure pénale prévoit que le prévenu comparaît en personne. Toutefois dans les
poursuites relatives à des infractions à l'égard desquelles la peine de servitude pénale prévue
par la loi n'est pas supérieure à deux ans, le prévenu peut comparaître par un avocat porteur
d'une procuration spéciale ou par un fondé de pouvoir spécial agréé par le juge. Nonobstant la
comparution par mandataire, le tribunal peut toujours ordonner la comparution personnelle du
prévenu à l'endroit et au moment que le jugement détermine. Le prononcé du jugement en
présence du mandataire vaut citation.

Mais, le tribunal peut constater aussi que le prévenu n’est pas régulièrement cité. Dans ce
cas, il donne une remise de la cause à une audience ultérieure. Cette remise est réputée
contradictoire et le tribunal demeure saisi à l’audience de renvoi. Précisons qu’une remise
contradictoire équivaut à une citation régulièrement signifiée. La personne civilement
responsable peut, dans tous les cas, comparaître soit par un avocat porteur d'une procuration
spéciale, soit par un fondé de pouvoir spécial agréé par le juge.
383

III. Constitution de la partie civile

1. Définition

La constitution de la partie civile peut, être définie comme l'exercice, par la victime d'une
infraction pénale, de son droit d'action civile par la saisine de la juridiction pénale de
jugement afin d'obtenir réparation du préjudice causé par la commission de l'infraction. Pour
exercer son droit d'action civile devant une juridiction pénale, la victime doit, comme en
procédure civile, avoir la capacité pour agir, question qui ne se posait évidemment pas pour
l'action publique. En conséquence, disposent de cette qualité la personne majeure (18 ans), le
mineur émancipé (articles 288 à 293 du Code de la famille), etc. Les personnes morales sont
logiquement représentées par le mandataire légalement qualifié.

2. Objet de l'action civile

L'objet propre de la l'action civile est la prétention juridique à une réparation adéquate du
préjudice causé par une infraction. La partie civile a un légitime intérêt à établir les faits
infractionnels, puisque c'est une condition d'existence de son action, mais il ne lui appartient
jamais de demander une peine ! La réparation de la lésion causée par une infraction se résoud
le plus souvent en une condamnation aux dommages et intérêts, mais la partie civile peut
postuler d'autres réparations: restitution, destruction d'ouvrage, publication de jugement, etc.

Le préjudice matériel s'évalue suivant la perte causée au patrimoine de la victime; la partie


civile ne peut obtenir plus qu'elle n'a réellement perdu. Le préjudice moral, la condamnation
aux souffrances physiques ou psychologiques, d'un dommage sexuel (causé par la mort de
l'époux ou épouse), d'un dommage esthétique, d'un deuil sont évidemment plus délicats à
apprécier.

3. Etendue de la saisine civile

a) Principe

Dès qu'il y a partie civile à la cause, elle peut jusqu'à la clôture des débats postuler
réparation de tout préjudice résultant des faits infractionnels dont le tribunal est saisi. En
principe, le tribunal ne peut accorder plus ni autre chose que ce qui est postulé, à peine de
statuer ultra petita.

Lorsque l'action publique est éteinte (par décès du prévenu, abrogation de la loi pénale ou
pénalisation, prescription de l'action publique, amnistie, etc.), cela n'empêche pas le tribunal
de répondre aux prétentions civiles formulées avant l'extinction de cette action publique975.

975
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 125, p. 141.
384

b) Désistement ou renonciation de l'action civile

Le titulaire de l'action civile, peut renoncer à l'instance (se désister), renoncer à l'action, ou
renoncer à toute prétention aux dommages et intérêts. Mais le renoncement à l'action civile
par la partie civile n'a pas d'incidence sur la poursuite de l'action publique devant la juridiction
de jugement, sauf s'il s'agit des infractions conditionnées par la plainte de la partie lésée
(adultère, grivèlerie, diffamation, infractions aux droits d'auteurs et voisins, infractions
fiscales, etc.).

2. L'option de la victime: entre la voie pénale et la voie civile

Vestige de la procédure accusatoire où le déclenchement du procès pénal était lié à la


plainte de la victime, cette option entre deux voies a, aujourd'hui, comme fondements l'intérêt
d'éviter au prévenu d'être assigné successivement devant deux juridictions, la faveur faite à la
victime en lui permettant un seul procès, enfin la bonne administration de la justice qui tend à
empêcher la contrariété des jugements civil et pénal.

L'option est donc ouverte à la victime de l'infraction de choisir soit la voie civile (juge
civil), soit la voie pénale (juge pénal), du fait qu'elle a subi un dommage causé par une
infraction pénale. Si la victime décide de saisir le juge civil (siégeant en matière civile) c'est
ce juge qui se prononcera sur l'éventuelle réparation du préjudice subi du fait de l'infraction;
dans ce cas, le juge pénal ne statuera que sur l'action publique.

Si le juge pénal est saisi de l'action publique et le juge civil est saisi de l'action en
réparation du préjudice causé par la commission de l'infraction, et qu'en l'espèce, il y a
identité de cause, d'objet et des parties; compte tenu de la logique du régime procédural
congolais, la coordination entre l'action publique et l'action en réparation civile nées d'une
infraction nécessite la prééminence de l'action publique par l'instauration de deux principes:
l'autorité de la chose jugée au criminel (pénal) sur le civil et, son moyen, le principe selon
lequel le criminel (pénal) tient le civil en état.

a) Principe de l'autorité de la chose jugée au criminel (pénal) sur le civil

Il assure la primauté de la décision du juge pénal sur le celle du juge civil. Le droit
congolais applique ce principe en tant que principe général de droit. En effet, la sentence
pénale a autorité au juge civil, ce qui signifie que ce qui est jugé par le juge pénal s'impose au
juge civil (et au pénal statuant sur l'action civile); l'inverse n'est pas vrai, le juge pénal n'étant
pas tenu par la chose jugée au civil (mais si le juge pénal juge au civil, il doit respecter la
chose irrévocablement jugée au civil dans la même affaire, entre les mêmes parties, pour le
même objet et avec la même cause). L'autorité est absolue, le juge civil doit statuer dans le
même sens que le juge pénal976.

976
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2435, p. 1247; A.
BOTTON, Contribution à l'étude de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, thèse, Toulouse,
2008 (direction B. DE LAMY).
385

b) Principe selon lequel "le criminel (pénal) tient le civil en état"

Ce principe n'est que le moyen qui vient d'être évoqué. En effet, dans son intégralité, ce
principe oblige le juge civil à sursoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal
lorsque la victime d'une infraction pénal a porté son action en réparation du dommage né de
cette infraction devant le juge civil, afin que, évitant une éventuelle contrariété de décisions,
la primauté de la décision du juge pénal soit assurée pour la raison déjà exprimée.
L'application de ce principe par le juge civil suppose toutefois la réunion de deux conditions:
- l'action publique doit avoir été effectivement exercée devant le ministère public (même
contre une personne non dénommée) ou la juridiction compétente; une simple plainte ne suffit
donc pas;
- l'action publique et l'action en réparation civile doivent être relatives aux mêmes faits, même
objet et même cause977.

Ce principe se justifie par le fait qu'il permet au juge civil de bénéficier des investigations
du juge pénal qu'il ne pourra pas mener avec autant de moyens et de liberté. Ce principe est
d'ordre public, en ce que le juge civil doit, à peine de nullité de la procédure sursoir à statuer
d'office, et doit être invoqué à toute hauteur de la procédure (en tout état de cause: en
première instance, en appel et en cassation) et les parties ne doivent y renoncer978.

c) Intérêt du choix de la voie pénale


c.1. Avantages de la voie pénale

Pour la victime, le choix de la voie pénale présente principalement des avantages par
rapport à la voie civile. D'abord, l'exercice de l'action civile donne à la victime, du fait de sa
nature vindicative la faculté d'obtenir vengeance à l'encontre de l'auteur de l'infraction
dommageable, mais aussi d'aboutir à une indemnisation plus rapide et plus économique que
celle que lui octroierait le juge civil, à raison de l'unité des procès pénal et civil et de la plus
grande simplicité de la procédure pénale dont la maîtrise revient alors à l'autorité publique.
Plus encore, la voie pénale offre à la victime la possibilité de recueillir à l'encontre de l'auteur
de son dommage des preuves que l'autorité judiciaire recherche à son profit avec les moyens
coercitifs qui sont les siens.

Ensuite pour la justice, la voie pénale présente quelque intérêt. En effet, la constitution de la
partie civile permet de lutter contre l'inertie éventuelle du ministère, ce qui explique d'ailleurs
le mouvement législatif contemporain en faveur d'un droit d'action civile accordée à des
associations de plus en plus nombreuses. Par ailleurs, le ministère public peut encore obtenir
un apport de preuve de la part de la partie civile, qui se présente comme un de ses auxiliaires
tout au long de la procédure, même s'il dispose des moyens les plus efficaces d'administration
de cette preuve. Comme il peut, grâce à cette constitution de la partie civile, intégrer la
réparation dans la poursuite et le jugement de la personne poursuivie.

977
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1509, p. 802.
978
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1510 et 2436, pp. 802 et
1249.
386

c.2. Inconvénients de la voie pénale

La voie pénale interdit d'abord à la victime devenue partie civile de témoigner dans la
procédure, en application de l'adage selon lequel "nul ne peut être témoin de sa propre cause".
Mais surtout, lorsqu'elle a exercé son droit par une plainte pendant l'enquête et l'instruction
préparatoire, puis se constitue partie civile devant la juridiction de jugement, la partie civile
peut, en cas de non lieu ou acquittement, être poursuivie devant le tribunal compétent par la
personne poursuivie ou visée dans la plainte pour dénonciation calomnieuse (article 76 du
Code pénal congolais Livre II) et condamnée au paiement de dommages et intérêts pour ce
préjudice .

3. L'application de l'adage Electa una via

L'adage prétorien Electa una via non datur recursus ad alteram; avait pour sens au départ,
il voudrait signifier à la victime d'une infraction pénale qu'elle ne pouvait revenir sur son
choix et décider d'emprunter l'autre voie qu'elle avait initialement délaissée (une voie ayant
été choisie, il n'est pas possible d'en emprunter une autre). Concrètement, il signifiait
auparavant qu'il était interdit d'emprunter aune voie après avoir emprunté l'autre: dans le deux
sens. Mais, cette règle est aujourd'hui édictée dans un seul sens procédural: il n'est pas
autorisé à la victime d'une infraction d'exercer son action civile devant le juge répressif après
avoir sollicité du juge civil la réparation du dommage causé par une infraction pénale979. En
effet, par cet adage qui est un principe général de droit en RDC, il voudrait signifier à la
victime d'une infraction pénale qu'elle ne pouvait revenir sur son choix et décider d'emprunter
l'autre voie qu'elle avait initialement délaissée. De manière concrète, il est interdit à la vicime
de l'infraction de passer de la voie civile à la voie pénale980.

Le fondement de cette irrévocabilité limitée est la faveur que l'on ferait au prévenu en
permettant à la victime de l'assigner devant une juridiction civile après l'avoir attrait devant
une juridiction répressive mais non d'emprunter la voie répressive sur les intérêts civils après
avoir saisi le juge civil car la voie civile est plus favorable au prévenu que la voie pénale plus
rigoureuse981. A l'inverse, si la partie lésée a d'abord opté pour la voie pénale, plus sévère, elle
peut abandonner cette voie et revenir à la voie civile, qui place le prévenu dans une situation
meilleure, à moins évidemment que la juridiction pénale saisie la première n'ait déjà statué au
fond982.

Certains magistrats et avocats, par ignorance, interprètent très mal cet adage. Pour certains,
cet adage signifie lorsqu'une victime d'infraction a saisi le paquet afin qu'une instruction
pénale soit ouverte dans le chef de X, au cas où le parquet arrive à classer sans suite le
dossier, ladite victime ne peut plus saisir la juridiction de jugement par voie de citation directe

979
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1504, p. 800.
980
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 631, p. 565.
981
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 294, p. 278; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1504, p. 800.
982
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 294, p. 278.
387

pour les mêmes faits. C'est une grosse erreur. De même, une certaine doctrine est également
dans l'erreur. Elle pense que cet adage signifie qu'une fois la partie lésée a fait son option
entre la voie civile et la voie pénale pour obtenir les dommages et intérêts, il ne lui est plus
possible de revenir en arrière, d'abandonner la juridiction saisie pour s'adresser à l'autre car le
choix de l'une ferme la porte de l'autre983.

C'est pourquoi, il convient d'expliquer d'abord l'origine de cet adage, son évolution ce qui
permettre de comprendre davantage son sens actuel. En effet, sous l'ancien droit; l'interdiction
de changer de voie avait une portée considérable puisqu'on interdisait aussi bien le passage de
la voie pénale à la voie civile que de la voie civile à la voie pénale. Selon cet adage
traditionnel Electa una via non datur recursus ad alteram, une fois choisie une voie, on ne
peut plus s'engager dans l'autre. Malgré le silence du Code Napoléon d'instruction criminelle
de 1808, la doctrine officielle, notamment avec la note secrète du président Barris, adoptée
par la Cour de cassation française de 1813 "comme fondé sur l'humanité et même sur la
justice qui ne permettent pas qu'on traîne un accusé d'une juridiction devant une autre"984,
restait favorable à l'irrévocabilité de l'option dans les deux sens. Mais par la suite, la
jurisprudence devait réduire l'irrévocabilité en ne le maintenant qu'à sens unique985 c'est-à-dire
en permettant à la victime de passer de la voie répressive à la voie civile et non plus de la
voie civile à la voie répressive.

C'est ainsi que lors d'élaboration du Code français de procédure pénale de 1959, l'on a
prévu à l'article 5 dudit Code que "la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile
compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive". On ne doit plus parler
aujourd'hui d'irrévocabilité de l'option, mais seulement d'interdiction pour la victime de passer
de la voie civile à la voie pénale986. Par contre, lorsque l'on été à la voie pénale, l'on peut aller
à la voie civile. Le changement pénal-civil est totalement libre de la part de la victime qui n'a
pas à se demander où obtenir d'acceptation de la personne poursuivie. Ce choix se justifie par
le fait que la voie civile est plus favorable au prévenu que la voie pénale plus rigoureuse987.

L'application de l'adage Electa una via non datur recursus ad alteram étant d'intérêt privé,
exige les conditions suivantes:

- Cet adage ne concerne que les intérêts civils et non l'action publique étant donné que celle-ci
est indépendante de l'action civile même si c'est-celle-ci qui a été à la base de son
déclenchement;
- les deux juridictions (pénales et civiles) doivent être congolaises, compétentes et saisies;

983
E. J. LUZOLO BAMBI LESSA et N. A. BAYONA BA MEYA, Manuel de procédure pénale, Kinshasa, éd.
PUC, 2011, p. 384; G. KILALA PENE-AMUNA, Attributions du ministère public et procédure pénale.
Tome 2, Kampala, 2 ème éd. Blessing, 2014, n° 54, p. 72.
984
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 293, p. 277.
985
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 287, p. 461.
986
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 631, p. 565.
987
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 294, p. 278.
388

- la victime doit ignorer quand elle avait agi au civil le caractère pénal du fait dommageable.
Ainsi, si la victime a engagé un procès civil dans l'ignorance du caractère pénal du fait
dommageable, puis le procès civil étant encours, elle apprend que le ministère public exerce
l'action pénale sur les mêmes faits, elle peut alors se désister de son action devant le tribunal
civil pour intervenir devant le tribunal pénal. En pareil cas, la victime peut joindre son action
civile à celle du parquet; il faut seulement qu'un jugement sur le fond n'ait pas encore été
rendu par la juridiction civile. Un tel changement de voie ne nuit à personne, puisque l'action
publique ayant été exercée, le prévenu risque de toute façon d'être condamné à une peine988.

- les deux actions (pénale et civile) doivent avoir le même objet (c'est-à-dire la réparation du
dommage subi du fait de l'infraction), la même cause (c'est-à-dire la source du dommage,
donc l'infraction) et les mêmes parties989. Rien n'empêche donc la partie lésée d'intenter
devant le juge pénal une action différente par son objet, sa cause ou ses sujets, de celle qui a
déjà été exercée devant le juge civil. Ainsi, une personne a prêté à une autre des fonds dissipés
par cette dernière, le créancier peut agir successivement devant le tribunal civil et réclamer la
restitution des fonds prêtés, puis elle peut se constituer partie civile devant le tribunal pénal à
raison de l'infraction d'abus de confiance sans qu'on puisse lui opposer Electa una via. En
effet, la première action exercée devant le tribunal civil a pour cause le contrat de prêt et pour
objet la restitution des fonds, tandis que la seconde action exercée devant le tribunal pénal a
pour cause l'infraction d'abus de confiance et pour objet la réparation du dommage causé par
cette infraction.

- l'interdiction de passer du civil au pénal ne joue pas tant que le débat civil n'a pas été lié au
fond par un échange de conclusions;

- Enfin, la règle d'interdiction de passer du civil au pénal n'est pas d'ordre public puisqu'elle a
été édictée dans le seul intérêt du prévenu. En conséquence, cette règle doit être invoquée in
limine litis (dès qu'on a connaissance et sans attendre) avant toute défense au fond et ne
saurait donc être soulevée pour la première fois en appel ou devant la Cour de cassation.
Ensuite, le défenseur peut renoncer à se prévaloir de cette la règle. De plus, la règle ne peut
être soulevée d'office ni par le parquet, ni par la juridiction de jugement mais c'est la partie
elle-même qui doit l'invoquer.

Cependant, exceptionnellement, si la partie lésée a d'abord opté pour la voie pénale, plus
sévère, elle peut abandonner cette voie et revenir à la voie civile, qui place le prévenu dans
une situation meilleure, à moins que la juridiction pénale saisie la première n'ait déjà statué au

988
Cour de cassation française, 22 avril 1958, JCP 1958. II. 10620.
989
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 295, p. 279; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1505, p. 800 ; M. L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 287, p. 460.
389

fond990. Au cas où la juridiction pénale a déjà statué au fond, la saisine de la juridiction civile
sera irrecevable.

4. Modalités de constitution de la partie civile

a) Procédés de la constitution de partie civile ou pour introduire l'action civile


a.1. La constitution de la partie civile par voie d'action ou la citation directe

Lorsque le ministère public ne veut pas exercer l'action publique ou qu'il ne l'a pas encore
fait, la victime se constituera partie civile par voie d'action, c'est-à-dire, selon la terminologie
juridique, qu'elle saisira le juge pénal de jugement par voie de citation directe, des faits
constitutifs d'infraction pénale dont il n'était pas, jusque là saisi. Ce faisant la victime,
devenue partie civile du fait de l'exercice de son droit, va engager l'action publique
indirectement, effet pénal de l'action civile ainsi exercée. Le ministère public est alors
contraint de suivre cette décision et d'exercer l'action publique qui a été ainsi indirectement
déclenchée par la victime.

De même, indépendamment du ministère public, la victime de l'infraction peut décider de


saisir le juge de jugement afin de solliciter de l'auteur de l'infraction qui lui causé préjudice,
les dommages et intérêts. L'exemple type de cette hypothèse est aussi la citation directe.

De manière concrète, la nature l'action de la citation directe se reflète dans la forme de la


citation; l'objet de la demande est la réparation du préjudice subi par la fait de l'infraction; les
causes de la demande sont l'existence des faits infractionnels, le préjudice subi et la relation
de cause à effet entre ces faits et le préjudice. Cette action ne sera recevable devant la
juridiction pénale que pour autant que celle-ci puisse être saisie de l'action publique qui
détermine sa compétence principale, puisque la citation directe a pour effet de déclencher les
poursuites; chaque fois que son action est recevable, elle définir les faits sur lesquels elle se
fonde, affirmer (à charge de le prouver à l'audience) l'exercice du préjudice, en faire une
évaluation (au moins provisoire) et indiquer le lien de causa qui est invoqué.

Si l'action publique est éteinte au moment de la citation (décès de l'inculpé, abrogation de la


loi pénale ou dépénalisation, amnistie, prescription de l'action publique, chose jugée), ou si les
faits ne rentrent pas dans la compétence du tribunal saisi ou les faits concernent les
bénéficiaires du privilège de juridiction à tous les niveaux, la citation directe sera irrecevable.
Si l'instance est en cours par le fait des poursuites du ministère public ou d'une autre victime,
la citation directe est recevable et donne lieu à la jonction des causes. Par décision de jonction
de causes, la partie citante se trouvera exactement dans la position d'une partie civile "jointe",
par voie de constitution partie civile incidente991.

990
Cour de cassation française, 16 novembre 1955, Bull, n° 484; Cour de cassation française, 14 juin 1983, Bull.,
n° 179, JCP 1984.II. 20238 note Barbieri; Cour de cassation française (2 ème ch. civil), 10 janvier 2002,
Bull. civ. II., n° 1.
991
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 127, p. 142.
390

a.2. La constitution de la partie civile par voie de l'intervention


ou la constitution de la partie civile en cours d'instance

Cette hypothèse est envisageable lorsque la juridiction de jugement est déjà saisie de
l'affaire. Ainsi, a raison de son caractère accessoire, l'action civile s'exerce différemment selon
que l'action publique a été engagée ou non. Or cette action a pu être déjà mise en oeuvre soit
directement par le ministère public, soit indirectement par l'une des victimes de l'infraction
pénale reprochée. De la sorte, lorsque le ministère public ou l'une des victimes de l'infraction
pénale ont déjà engagé les poursuites en saisissant un juge pénal de jugement, une victime qui
entend user de son droit d'action civile ne peut qu'intervenir devant le juge saisi, au sens
procédural du terme992, c'est-à-dire entrer dans le procès pénal pour y faire valoir son
préjudice directement né d'une infraction pénale devant le juge de jugement.

L'acte d'intervention consiste pour la victime de l'infraction de se constituer partie civile


devant un tribunal par une déclaration que doit consigner le greffier ou voies de conclusions
écrites, que le greffier d'audience doit viser, ou orales, en justifiant, là encore, de l'exercice de
son préjudice et du montant des dommages et intérêts qu'elle demande.

De manière concrète, lorsque le ministère public prend l'initiative de l'exercice de l'action


publique, la victime de l'infraction peut, dès le dépôt du dossier, se joindre à cette action pour
soutenir ses prétentions à réparation du préjudice que l'infraction lui a causé. Cette
intervention peut se faire hors des audiences par une déclaration au greffe, ou à l'audience de
la cause, par voie de simples conclusions verbales ou écrites993. Le greffier prend acte de la
déclaration ou du dépôt des conclusions après consignation d'une provision pour les frais. La
constitution de la partie civile suppose nécessairement une prétention à obtenir réparation d'un
préjudice causé par l'infraction.

b) Application de la constitution de partie civile

Lorsque la juridiction de jugement est saisie de l'action publique, la partie lésée peut la
saisir de l'action en réparation du dommage en se constituant partie civile. La partie civile
peut se constituer à tout moment depuis la saisine du tribunal (soit avant l'audience, soit
pendant l'audience) jusqu'à la clôture des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à
l'audience, et dont il lui est donné acte. Au cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les
parties intéressées.

En toute hypothèse, la partie civile peut demander à la juridiction déjà saisie des dommages
et intérêts correspondant au préjudice qu'elle subi, sans y être obligée. En effet, sa constitution
de partie civile peut n'avoir d'autre finalité que renforcer la poursuite déjà exercée, alors
même qu'elle ne pourrait prétendre à une indemnisation. En revanche, la constitution de partie

992
L'intervention est définie, en procédure pénale comme en procédure civile, comme la demande incidente par
laquelle un tiers entre, volontairement ou de manière forcée, dans un procès déjà engagé (G. CORNU,
Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p. 512).
993
Article 69 du Code de procédure pénale.
391

civile est irrecevable pour la première fois en cause d'appel, par application de la règle d'ordre
public qu'engendre le respect du double degré de juridiction994.

La constitution de la partie civile avant l'audience résulte formellement de la déclaration


faite par la partie civile au greffe de la juridiction saisie. Le greffier donne acte à cette
déclaration et en avise les parties intéressées. La constitution de la partie civile pendant
l'audience se fait devant la juridiction jusqu'à la clôture des débats. Dans les deux cas, la partie
civile devra payer au greffe le montant de la consignation, à peine d'irrecevabilité de sa
constitution de partie civile.

La partie lésée qui a agi par la voie de la citation directe ou qui s'est constituée partie civile
après la saisine de la juridiction de jugement, peut se désister à tout moment jusqu'à la clôture
des débats par déclaration à l'audience ou au greffe. Dans ce dernier cas, le greffier en avise
les parties intéressées995.

5. Effets de la constitution de la partie civile

Par sa constitution de la partie civile, quel qu'en soit le mode, par la voie de l'action ou de
l'intervention, la victime d'une infraction pénale acquiert immédiatement le statut de partie
civile, devenant ainsi partie privée au procès pénal engagé, après avoir versé à la comptabilité
du greffe le montant de la consignation. Ce statut de partie civile comporte des droits mais
aussi des contraintes.

S'agissant des droits; du fait de sa double nature, vindicative et indemnitaire, l'action civile
permet normalement, par son exercice, la réparation du préjudice que l'infraction pénale a
causé à la victime. De même, pendant l'instruction à l'audience, la partie civile a droit à la
présence d'un avocat lors de ses auditions et l'accès au dossier de la procédure par
l'intermédiaire de celui-ci, à la signification de tous les actes importants de la procédure à
l'adresse déclarée, notamment de ceux qui sont susceptibles de voies de recours, à l'appel
contre les décisions lui faisant grief et au pourvoi en cassation. De même, la partie civile
bénéficie du droit à la production de preuves, du droit de poser des questions aux témoins, du
droit de déposer des conclusions, du droit à l'accès au dossier de la procédure, du droit
d'interjeter appel des jugements et former pourvoi en cassation des jugements et arrêts.

S'agissant des contraintes, toute partie civile doit, qu'elle agisse par la voie de l'action ou
celle de l'intervention, déclarer une adresse personnelle ou avec son accord produit, celle d'un
tiers, adresse à laquelle lui seront notifiés les actes de procédure qui doivent l'être. De même,
la partie civile ne peut témoigner sur les faits constitutifs de l'infraction qui lui a causé un
dommage, conformément au principe selon lequel "nul ne peut être témoin dans sa propre
cause", devant le juge de jugement.

994
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1553, p. 817.
995
Article 70 du Code de procédure pénale.
392

Enfin, la partie civile dont la constitution aboutit à la relaxe ou l'acquittement du prévenu,


peut être condamnée civilement ou pénalement lorsque, ayant agi par la voie de citation
directe, elle a indirectement mis en mouvement l'action publique.

SECTION 2: L'INSTRUCTION PROPREMENT DITE A L'AUDIENCE

§ 1. Notions

L'instruction à l'audience a pour but de rapporter et de discuter de façon contradictoire les


éléments destinés à servir au jugement de la cause. Elle est la suite de l'instruction
préparatoire qui s'est déroulée généralement de manière secret et unilatérale. Cette instruction
d'audience doit contribuer à la manifestation de la vérité selon les modalités qui diffèrent
largement de celles qui président au déroulement de l'enquête préliminaire et l'instruction
préparatoire. Elle a pour base les éléments du dossier pénal. Ils feront l'objet d'un débat
contradictoire et seront complétés ou contredits par l'instruction à l'audience. Les débats à
l'audience rappellent les éléments figurant d'ores et déjà au dossier, en y ajoutant la note
vivante résultant de l'oralité, et complétant au besoin ces éléments par d'autres qu'il apparaît
possible de réunir pour aider à la manifestation de la vérité. De même, divers éléments sont
discutés par chacune des parties qui fait connaître les conclusions qu'elle en tire et fixe la
position définitive qu'elle adopte sur tous les aspects du procès pénal.

§ 2. Déroulement des débats à l'audience

I. Schéma de la procédure à l'audience

Lorsque le tribunal a vérifié la régularité de sa saisine et sa compétence et qu'aucun obstacle


ne l'empêche d'exercer sa mission juridictionnelle, il lui importe de connaître les faits et les
circonstances qui requièrent l'application de la loi pénale. Le tribunal pénal procède à une
recherche active portant sur tous les éléments matériels et moraux requis par la loi pour
déterminer si les faits dont il est saisi sont constitutifs de l'infraction et quelle est leur gravité.
L'article 74 du Code de procédure pénale propose, en une forme impérative, un ordre de
procéder qui n'est cependant pas prescrit à peine de nullité. Ce qui importe, c'est que les juges
acquièrent une connaissance suffisante des faits infractionnels et des circonstances objectives
et subjectives de leur commission. L'instruction doit être menée avec cet objectif, sans
entraves formalistes.

L'article 74 du Code de procédure pénale déclare:

"L'instruction à l'audience se fera dans l'ordre suivant:


Les procès-verbaux de constat, s'il yen a, sont lus par le greffier;
Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches, proposés et
jugés;
Le prévenu est interrogé;
La partie civile, s'il en est une, prend ses conclusions;
393

Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la


manifestation de la vérité;
Le ministère public résume l'affaire et fait ses réquisitions;
Le prévenu et la personne civilement responsable, s'il y en a, proposent leur défense;
Les débats sont déclarés clos".

Mais cet article n'est pas adapté à la réalité car il avait été transposé de la pratique de
l'instruction de la Cour d'assises en Belgique. Aussi, cet ordre n’est cependant pas prescrit à
peine de nullité. L’essentiel est que le tribunal parvienne à acquérir une connaissance
exacte et suffisante des faits et qu’il soit informé de toutes les circonstances objectives et
subjectives de la commission de l’infraction. C'est ainsi que l’ordre légal du déroulement de
l’instruction à l’audience est corrigé par la pratique judiciaire de la manière suivante :

1. Le ministère public résume l'affaire si l'affaire vient du parquet.


C’est après cela que la parole sera donnée à la partie civile pour qu’elle développe ses
conclusions. Si le tribunal a été saisi par citation directe, on peut commencer par partie
civile.
2 .La partie civile, s'il en est une, prend ses conclusions;
3. Le prévenu est interrogé; l’instruction sommaire débute par l’interrogatoire du prévenu.
4. Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches, proposés et
jugés;

C’est après l’interrogatoire du prévenu et l’audition des témoins que le tribunal peut
constater des lacunes éventuelles de l’instruction préparatoire. C’est alors qu’il peut rendre
un jugement avant dire droit, c’est-à-dire, un jugement qui ordonne une mesure d’instruction
complémentaire.

5. Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la


manifestation de la vérité (par exemple descente sur terrain, recours à un expert, etc.);
Les résultats de cette instruction complémentaire seront soumis à la vérification
contradictoire en ce sens que le tribunal va de nouveau interroger le prévenu et entendre les
témoins sur base de ces résultats.

6. Les procès-verbaux de constat, s'il y en a, sont lus par le greffier; Ces procès-verbaux sont
soumis au débat contradictoire de toutes les parties au procès. En pratique la lecture des
procès-verbaux par le greffier ne doit être effectuée que si le prévenu le demande
expressément et que si cette lecture peut exercer une influence sur les faits de la cause. En
général, la lecture des procès-verbaux par le greffier, ne se fait plus.

7. Le prévenu et la personne civilement responsable, s'il yen a, proposent leur défense; la


parole est ensuite accordée au prévenu et à la partie civilement responsable s’il y en a, pour la
présentation de leur défense.
394

8. Réaction des avocats ou des parties;


9. Réactions du ministère public et confrontations des débats avec les avocats ou avec le
prévenu; un tour de parole est accordé aux différentes parties pour voir si elles ont à
répliquer.
10. Réquisitoire du ministère public;
11. La partie civile intervient pour solliciter les dommages et intérêts;
12. Plaidoiries des avocats des parties civiles et parties civilement responsables suivie du
prévenu;
13. Parole donnée à tour de rôle à la partie civile et au prévenu s'ils ont quelque chose à
ajouter;
14. Les débats sont déclarés clos et le tribunal prend la cause en délibéré.

1. Formalités préliminaires

Les débats à l'audience sont contradictoires et dirigés d'un bout à l'autre par le président de
juridiction ou de chambre et peuvent s'étendre sur plusieurs audiences (séparées les unes des
autres par l'examen d'autres affaires, le cas échéant): en effet, si les débats ne peuvent être
terminées au cours de la même audience, le tribunal peut continuer à la prochaine audience
qui sera indiquée par le président. Le président a la police à l'audience et la direction des
débats, en conséquence, c'est lui qui donne avant tout lecture de l'acte de saisine du tribunal.
Contrairement à la procédure anglo-saxonne où le juge joue uniquement un rôle d'arbitre, la
procédure pénale congolaise (héritée de la Belgique, elle aussi héritée de la France), le juge
adopte ici une attitude active, notamment en vue de la recherche de la vérité.

2. L'appel du rôle

Il est d'usage que le greffier établisse un rôle d'audience sur lequel figurent toutes les
affaires qui ont été fixées à une même date devant la même chambre. Ce rôle est généralement
affiché, soit à la salle d'audience soit au greffe. L'affichage du rôle est un usage adopté par
plusieurs juridictions. Il n'a aucune base juridique.

Le juge peut faire appeler de suite toutes les affaires inscrites au rôle de l'audience en
indiquant celles qu'il retiendra par priorité, celles qu'il reporte d'emblée à une audience de la
remise et celles qu'il écarte du rôle par une décision de non saisie. C'est ce qu'on appelle
"régler le rôle". Le juge peut aussi appeler et traiter une à une les affaires inscrites sans
règlement de rôle liminaire.

Le président de juridiction ou de chambre commence par s'assurer de l'identité exacte du


prévenu (nom, postnom, prénoms, état civil, nom de l'époux, profession, adresse). Cette
précaution paraît élémentaire pour éviter toute erreur et surtout connaître la personnalité du
prévenu. Après l'interrogatoire d'identité, le président vérifie la présence à l'audience (ou
l'absence) des parties en cause (parties civiles, personnes civilement responsables) ainsi que
celles des témoins (qu'il fera retirer dans la salle d'isoloir), des experts et des interprètes.
395

L'absence non excusée d'un témoin peut être pénalement sanctionnée, ce qui est rare dans la
pratique.

Avant de commencer les auditions de différentes parties, les témoins et les experts sont
invités à se retirer dans un local voisin (isoloir) jusqu'au moment de leur déposition afin qu'ils
ne puissent pas suivre les auditions des autres parties du procès ou entendre les débats qui ont
précédé.

Il doit être recouru aux services d'un interprète ou traducteur lorsque le prévenu ou l'un des
témoins ne comprend ou ne parle pas suffisamment le français ou est sourd-muet. Cet
interprète ou traducteur doit prêter serment avant son audition. L'interprète ne peut être choisi
parmi les témoins même avec l'accord du ministère public et du prévenu.

Un débat contradictoire peut s'instaurer par la nécessité de permettre aux parties de se


répondre, sous l'autorité du président; le prévenu a toujours la parole en dernier, même
lorsque les débats portent non sur le fond mais un incident soulevé par les parties. Il convient
d'analyser différentes étapes.

3. Résumé de l'affaire et réquisitions préliminaires par le ministère public

Rappelons que le ministère assiste à toutes audiences du procès pénal, sous peine de
cassation du jugement. Rappelons également que le parquet étant indivisible, il peut être
représenté par n'importe quel membre, interchangeable au besoin.

Concernant le résumé de l'affaire, il s'agit du résumé de l'affaire par le ministère public ou


exposé de l'affaire par le ministère public. En général le ministère public reprend le libellé de
la prévention tel qu'il a été préparé par le parquet. Cela est applicable lorsque l'affaire vient du
parquet. En principe, dans les réquisitions, le ministère public doit veiller à établir les faits
infractionnels et en réclamer la répression dans le cadre des sanctions prévues. Le ministère
public doit aussi chercher à rencontrer les exceptions lorsqu’elles ont été soulevées.
Cependant, la tâche du ministère public ne consiste pas à réclamer la répression à tout prix. Par
conséquent, son obligation constitutionnelle d’instruire à charge et à décharge ne doit pas
l’empêcher de requérir l’acquittement à l’issue des débats. Ainsi, lorsqu’il a acquis la
conviction depuis la saisine du tribunal, notamment par un complément d’informations que le
prévenu qu’il a traduit en justice est innocent, il se doit de requérir son acquittement même si le
réquisitoire écrit du parquet prévoyait de requérir une peine pénale. Dans ce cas, il s'agit de
l'application de l'adage "la plume est serve mais la parole est libre".

L’on doit cependant regretter une double pratique judiciaire du ministère public à
l’audience qui consiste au moment de prendre des réquisitions à se contenter de demander
l’application de la loi. Ceci ne permet pas aux jeunes magistrats d’être édifiés sur la manière
dont doit se pratiquer l’art de prendre des réquisitions. Il arrive même d’entendre un officier du
ministère public, au moment de requérir, se référer à la sagesse du tribunal ; ce qui est une
396

grave entorse en matière pénale. Les officiers du ministère public arrivent à ne plus soigner
leurs réquisitions en ce sens que les juges, lors du délibéré, ne se soucient pas au cas où les faits
infractionnels sont établis, à tenir compte du taux de la peine requise par le ministère public.
Or, dès qu’une infraction revêt une gravité, les juges ont intérêt à prêter l’oreille aux
réquisitions du parquet organe qui est bien au pouls social.

Autre pratique à dénoncer, celle qui consiste pour l’officier du ministère public à venir lire
purement et simplement son réquisitoire rédigé sous forme d’«attendu que». Il s’agit là
d’une pratique malheureuse car ce faisant le parquet ne paraît pas comme il se doit à sa
mission d’accusateur public. Le parquet doit jouer le rôle d’avocat de la société et à cet égard,
ses réquisitions doivent prendre la forme d’une véritable plaidoirie pour la sauvegarde de
l’ordre public qui a été brouillée par un comportement délictueux.

Bref, à cette étape, le ministère se contente de résumer l'affaire en expliquant les raisons qui
l'ont poussé à faire comparaître le prévenu devant la juridiction compétente; autrement dit, les
infractions retenues à charge du prévenu. A ce stade, il ne s'agit pas de réquisitions au vrai
sens du mot.

4. Auditions sommaires de la partie civile

Rappelons que lorsque la juridiction de jugement est saisie de l'action publique, la partie
lésée peut la saisir de l'action en réparation du dommage en se constituant partie civile. La
partie civile peut se constituer partie civile à tout moment depuis la saisine du tribunal jusqu'à
la clôture des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à l'audience, et dont il lui est
donné acte. Au cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les parties intéressées996. La
partie lésée qui a agi par la voie de la citation directe ou qui s'est constituée partie civile après
la saisine de la juridiction de jugement, peut se désister à tout moment jusqu'à la clôture des
débats par déclaration à l'audience ou au greffe. Dans ce dernier cas, le greffier en avise les
parties intéressées997.

Si le tribunal a été saisi par citation directe, la procédure peut commencer par l'audition de
partie civile, et si le tribunal a été saisi sur requête aux fins de fixation d'audience du ministère
public, on peut donner la parole au ministère public afin qu'il dise les motifs d'accusation
portés contre le prévenu. La partie civile peut comparaître soit en personne soit par son avocat
et se constituer partie civile à cette occasion si elle le souhaite. Mais le tribunal pourra
ordonner la comparution en personne de la partie civile.

5. L'interrogatoire ou comparution du prévenu

Le prévenu comparaît en personne. Toutefois dans les poursuites relatives à des infractions
à l'égard desquelles la peine de servitude pénale prévue par la loi n'est pas supérieure à deux

996
Article 69 du Code de procédure pénale.
997
Article 70 du Code de procédure pénale.
397

ans, le prévenu peut comparaître par un avocat porteur d'une procuration spéciale ou par un
fondé de pouvoir spécial agréé par le juge. Nonobstant la comparution par mandataire, le
tribunal peut toujours ordonner la comparution personnelle du prévenu à l'endroit et au
moment que le jugement détermine. Le prononcé du jugement en présence du mandataire vaut
citation998. Le prévenu, personne morale, peut également comparaître en personne ou se faire
représenter par un avocat. La personne morale est, en principe, représentée par la ou les
personnes habilitées à la représenter en justice.

Après que le président de juridiction ait donné l'indication en substance de l'acte saisissant
le tribunal, il procède à l'interrogatoire sur le fond du prévenu. Cette audition est importante
de telle manière que la juridiction peut ordonner la comparution personnelle du prévenu, et s'il
échet, la juridiction peut tenir l'audience à la prison centrale afin de faciliter cette ladite
audition. L'interrogatoire du prévenu est obligatoire car la procédure de jugement qui ne
comporte d'interrogatoire du prévenu peut faire l'objet d'appel voire de cassation.

Toutes les parties intéressées ont le droit de faire poser des questions au prévenu, sous la
réserve de passer par l'intermédiaire du président de la chambre qui instruit l'affaire. La
défense du prévenu varie de forme et de portée selon que le prévenu se reconnaît coupable
ou pas. Dans l’affirmative, la défense peut concentrer ses efforts sur l’obtention des
circonstances atténuantes et pour ce faire, elle décrira sous un meilleur jour la personnalité
du prévenu : passé irréprochable, bon citoyen, bon père de famille, vie difficile et agitée
durant l’enfance, etc. Dans la négative, la défense peut chercher à réfuter les différentes
positions soutenues par le ministère public en rejetant tous les faits au x motifs qu'ils ne sont
pas établis et éventuellement les témoignages à charge. Elle peut contester la valeur probante
des éléments de présomption et faire ressortir la contrariété des témoignages ou leur caractère
ambigu. Elle peut en outre relever à partir des faits retenus lors de l’instruction tant
préparatoire que juridictionnelle, des éléments de preuve qui viennent contredire soit
affaiblir l’accusation. Elle peut aussi contester l’applicabilité du texte légal invoqué aux faits
pour lesquels il est poursuivi.

En fait, le prévenu s'efforcera de contester les éléments allégués par la partie poursuivante
ou d'affaiblir sa portée. Elle peut rarement se borner à la simple défensive, car elle ignore
l'effet produit sur l'esprit du juge par les arguments de son adversaire. En outre son manque
d'empressement à concourir aux recherches de la justice risque d'être interprété
défavorablement.

Le prévenu aura aussi à se défendre contre la partie civile au cas où il y a eu constitution


de partie civile ou citation directe. Dans ce cas, la défense du prévenu peut porter sur divers
éléments : contester l’existence de l’infraction, contester soit l’existence soit l’importance du
préjudice allégué, contester le lieu de cause à effet entre les faits reprochés et le préjudice
allégué, invoquer la faute de la victime ou d’un tiers aux fins d’établir le partage de
responsabilité.
998
Article 71 du Code de procédure pénale.
398

Si la personne citée ne comparaît pas, elle sera jugée par défaut999 (à moins que l'infraction
faisant l'objet de poursuite pénale soit punissable d'une peine ne dépassant pas deux de SPP et
que le prévenu soit représenté par son avocat). En cas de remise non contradictoire d'une
affaire, le prévenu qui a fait le choix de ne pas comparaître doit être cité en vue de l'audience
de remise, afin de lui permettre de décider de comparaître ultérieurement, en cas, notamment,
de changement de circonstances.

6. Audition des témoins à charge et à décharge

Comme son nom l'indique, les témoins à charge sont ceux qui chargent le prévenu qu'il a
bel et bien commis l'infraction: par exemple, ils l'ont vu commettre l'infraction. Les témoins à
décharge sont ceux qui déchargent le prévenu qu'il n'a pas commis l'infraction: par exemple,
au moment de la commission de l'infraction, le prévenu n'était pas sur le lieu.

Contrairement à l'interrogatoire par un officier du ministère public, l'audition d'un témoin à


l'audience est, par définition, contradictoire. Avant d'entendre les témoins à charge ou à
décharge, le président de juridiction va demander les relations qui existeraient entre chaque
témoin et différentes parties du procès. Le témoin doit décliner, dans l'ordre son identité: nom,
postnom et prénom, lieu et date de naissance, nom du père et de la mère, profession et
adresse. Le témoin doit dire s'il a des liens avec l'une des parties en cause.

Les motifs de reproche invoqués contre les témoins sont souverainement appréciés par le
juge1000. Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches,
proposés et jugés1001. Il faut déduire de ces textes que le tribunal ne doit jamais refuser
d'office l'audition d'un témoin, si aucune partie ne s'y oppose. Le tribunal garde bien entendu
sa libre appréciation quant à la valeur probante du témoignage; il tiendra notamment compte
de la qualité du témoin et de ses relations avec les parties et les interpellera sur ces points.

Il faut d'autre part, lorsqu'un reproche est proposé, que le tribunal vide cet incident. Si la
partie qui avait cité le témoin reproché renonce à le faire entendre, l'incident peut se clore par
un simple donné acte. Les causes de reproche de témoins ne sont pas explicitées par le Code
de procédure pénale, elles sont laissées à l'appréciation souveraine des juges1002. La nature des
faits à déterminer, la personnalité du témoin, les circonstances les plus diverses peuvent
orienter la décision du tribunal.

Le tribunal peut d'ailleurs décider d'entendre un témoin reproché aux fins de simple
renseignement. De même, au cas où les témoins auraient de relation de parenté, conjoints,
amitié ou voisinage, contrat de travail, etc., ils ne pourront pas prêter serment mais seront
entendus à titre de renseignement. De même, les enfants âgés de moins de 18 ans, ne peuvent
999
Article 72 du Code de procédure pénale.
1000
Article 76 du Code de procédure pénale.
1001
Article 74 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
1002
Article 76 du Code de procédure pénale.
399

pas être entendus sous serment. Si par contre, les témoins n'ont pas de relations particulières
avec les parties au procès, ils pourront prêter serment en levant la main droite. Le serment est
ainsi conçu: «Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité».

Le témoin qui, sans justifier d'un motif légitime d'excuse, ne comparaît pas, bien que cité
régulièrement, ou qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l'obligation, peut,
sans autre formalité ni délai et sans appel, être condamné à une peine d'un mois de servitude
pénale au maximum et à une amende qui n'excédera pas dix mille francs, ou à l'une de ces
peines seulement. Dans tous les cas, le tribunal peut, en outre, ordonner que les témoins soient
contraints à venir donner leur témoignage. La servitude pénale subsidiaire à l'amende, ainsi
que la contrainte par corps pour le recouvrement des frais, ne peuvent excéder quatorze jours.
Le témoin condamné pour défaut de comparution, qui sur une seconde citation ou sur mandat
d'amener, produira des excuses légitimes, pourra être déchargé de la peine1003. De même, si le
témoin a donné un faux témoignage, il s'expose à des peines d'emprisonnement allant de huit
jours jusqu'à la peine de perpétuité (articles 128 à 132 du Code pénal congolais Livre II).

La victime ne peut être entendue comme témoin qu'autant qu'elle n'est pas partie civile. La
personne citée comme civilement responsable ne peut non plus être entendue comme témoin.

L'audition des témoins à l'audience est l'acte d'instruction le plus fréquemment ordonnée
par les juridictions de jugement. Il est procédé à l'audition orale des témoins, même si ceux-ci
ont déjà été entendus lors de l'enquête préliminaire ou l'instruction préparatoire. Par contre, il
n'est pas d'usage d'entendre à nouveau, devant la juridiction d'appel, les témoins qui ont
déposé en première instance. L'oralité est indispensable, en sorte que le témoin ne peut pas
lire à l'audience un document qu'il aurait préparé à l'avance. De même, sauf empêchement
majeur (le témoin est mort en cours de procédure ou il est hospitalisé), la juridiction ne peut
remplacer la comparution du témoin par la lecture de sa déposition enregistrée par écrit. Il en
va différemment pour les témoignages des hautes personnalités de l'Etat ou diplomatiques qui
ne peuvent qu'être un écrit.

On commence par les témoins à charge pour terminer par les témoins à décharge. Le
déroulement du témoignage est précis. Au non du respect du procès équitable,
particulièrement le débat contradictoire, chacune des parties peut faire citer devant le tribunal
les témoins qu'elle veut, à moins que les demandes ne soient manifestement fantaisistes ou
impossible à satisfaire. Il est de règle que les juridictions de première instance entendent
l'intégralité des témoins. En revanche, ceux-ci ne comparaissent devant la juridiction d'appel
qu'autant que cette juridiction l'estime opportun, sous réserve de l'incidence du droit à
entendre les témoins. L'audition des témoins à charge ou à décharge doit être dans les mêmes
conditions.

En général, le témoignage porte sur la commission des faits, la personnalité et la moralité


du prévenu. Concernant la personnalité et la moralité du prévenu, il est fréquent que soient
1003
Article 78 du Code de procédure pénale.
400

citées comme témoins des personnes qui ignorent tout des faits mais viennent dire ce qu'elles
savent de la prévenu, de ses antécédents, de ce qu'il a fait et pourrait rendre vraisemblable ou
non l'accomplissement par elle de l'infraction. Non seulement que les témoins peuvent dire ce
qu'ils ont vu et entendu personnellement mais également ce qu'ils ont pu voir ou entendre
d'autres personnes à propos de l'infraction. Mais sur ce dernier cas, le tribunal devrait être
prudent à la lui accorder le crédit étant donné que c'est une preuve indirecte. Le témoin appelé
au tribunal ne doit pas faire part de son opinion ou de ses déductions. Si c'est le cas, le
président de juridiction, devrait refuser d'entendre ou mettre un terme à l'audition de
personnes qui déclarent elles-mêmes tout ignorer des faits de l'espèce ou du prévenu mais
souhaitent émettre une opinion sur l'esprit de l'infraction.

Les témoins cités par les parties poursuivantes (ministère public ou partie civile) sont
entendus, en principe, les premiers. Les témoins sont entendus successivement et séparément
les uns des autres afin d'éviter qu'un témoin suive le témoignage de l'autre avec le risque que
l'un des témoignages ne soit faussé. De même, le tribunal peut ordonner la confrontation des
témoins entre eux ou avec le prévenu et la partie civile afin faciliter la manifestation de la
vérité. C'est pourquoi, ils ne doivent pas s'éloigner, sauf autorisation du président, avant la
clôture des débats. Il appartient au juge du fond d'apprécier la crédibilité des témoignages
ainsi confrontés. Il conviendra de veiller à tenir compte des rapports de force qui peuvent
exister ou s'établir entre les personnes confrontées. Celui qui se rétracte pourrait agir de la
sorte uniquement en raison de la crainte de l'autre ou de son ascendance. Par contre, il est
souvent utile pour les parties et le juge di fond d'assister à une confrontation dès lors qu'elle
peut fournir des renseignements sur la relation qui existe entre les personnes confrontées. Le
témoin peut se voir écarter momentanément de la salle d'audience après sa déposition, pour
aider à la manifestation de la vérité, par exemple pour rendre une confrontation plus
fructueuse.

Le président pose des questions aux témoins et ces derniers déposent par narration
(oralement); cependant des questions peuvent être posées à l'issue de leur déposition. Le
ministère public et les avocats peuvent poser directement des questions aux témoins et aux
personnes appelées à la barre, en demandant la parole au président, tandis que le prévenu et la
partie civile posent leurs questions par l'intermédiaire du président. Le prévenu a le droit de
demander toute l'audition qui lui paraît utile à la manifestation de la vérité. La déposition ne
peut porter que sur les faits reprochés à la personne poursuivis et sur la personnalité ou la
moralité de cette dernière. Sauf règle particulière, le tribunal est libre dans l'appréciation de la
force probante du témoignage.

Sont dispensées de témoigner, les personnes qui sont dépositaires par état ou par profession
des secrets qu'on leur confie1004. On pense ici notamment aux médecins et à toutes les
personnes qui exercent l'art de guérir (médecins, infirmiers), aux avocats, aux ministres de
cultes (prêtres, pasteurs), aux banquiers, aux collaborateurs des personnes tenues au secret
professionnel, etc. C’est au tribunal d’apprécier si un témoin est tenu ou non par le secret
1004
Article 16 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
401

professionnel. L'article 73 du Code pénal congolais livre II punit de un à six mois et d'une
amende de 10.000 à 50.000 francs ou l'une de ces peines seulement, les personnes
dépositaires par état ou par profession des secrets qu'on leur confie qui, hors le cas où elles
sont appelées à témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets,
les auront révélés.

Les mots "personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie"
englobe le personnel médical, les pharmaciens, les avocats et défenseurs judiciaires, les
ministres du culte (prêtres, pasteurs), et associés du Ministre du culte1005 (diacres de l'église,
les responsables des différents départements de l'église comme la chorale, la jeunesse, groupe
de musique, le groupe de prière, groupe de dames, groupe de papas, etc.), les notaires, les
banquiers, etc. Cela signifie lorsqu'ils sont appelés à témoigner en justice devant la juridiction
de fond (tribunal, Cour) à l'audience voire même devant l'OPJ pendant l'enquête préliminaire
ou l'OMP pendant l'instruction préparatoire, les titulaires du secret professionnel sont
autorisés à révéler ces secrets sans qu'ils puissent faire l'objet de poursuites pénales.

Dans ce cas, le dépositaire du secret professionnel qui, entendu comme témoin devant le
tribunal, est tenu de dire sincèrement la vérité. Au cas où, il donnait des fausses informations
lors de son témoignage, il pourrait être condamné pour faux témoignage d'une peine qui peut
s'élever à 5 ans d'emprisonnement. Si l'accusé a été condamné soit à la peine de perpétuité,
soit à la peine de mort, le faux témoin qui a déposé contre lui peut être condamné à la peine
de perpétuité1006.Il est à remarquer que le législateur n'a prévu que la peine
l'emprisonnement et il exclu donc l'amende compte tenu de la gravité de ces faits.

7. Intervention des avocats pour faire poser des questions aux témoins par le tribunal

Dans la pratique, on commence par l'avocat de partie civile si elle existe (pour compléter
la partie civile), suivie de l'avocat du prévenu. L'avocat de la partie civile pourra par exemple,
montrer le degré de préjudice subi à la suite de la condamnation de l'infraction du prévenu et
l'avocat du prévenu pourra montrer différentes contradictions des témoignages.

8. Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire


qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité

Le tribunal apprécie souverainement la nécessité, l'utilité et l'opportunité de toute mesure


d'instruction complémentaire. Il s'agit par exemple le recours à un expert, la descente sur les
lieux, etc.

1005
P. DE POORTER, " Secret professionnel et secret de la confession", Journal des tribunaux, 2000, pp. 201-
207; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale
Tome II. Le jugement, les voies de recours, procédures particulières, la coopération judiciaire
internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp.393-401.
1006
Article 128 du Code pénal congolais Livre II.
402

a) L'audition de l'expert

Le Code de procédure pénale prévoit que toute personne qui en est légalement requise par
un officier du ministère public ou par un juge est tenue de prêter son ministère comme
interprète, traducteur, expert ou médecin1007. Avant de procéder aux actes de leur ministère,
les experts et médecins prêtent le serment de les accomplir et de faire leur rapport en honneur
et conscience1008. Les experts exposent oralement leur rapport. Après leur audition, des
questions rentrant dans le cadre de la mission qui leur a été confiée peuvent leur être posées
par le président, ainsi que par le ministère public et les avocats des parties. Après leur exposé,
les experts assistent aux débats, à moins que le président ne les autorise à se retirer.

La présence de l'expert à l'audience est d'autant plus utile que s'il se trouve qu'un témoin ou
une personne entendue à titre de renseignement, contredise à l'audience les conclusions de
l'expertise, ou apporte au point de vue technique des indications nouvelles, le président peut
demander aux experts, au ministère public et aux parties de présenter leurs observations sur
cet incident. Puis, par décision motivée, la juridiction de jugement déclare soit qu'il sera passé
outre aux débats, soit que l'affaire sera renvoyée à une date ultérieure et, dans ce derniers cas,
elle prescrit toute mesure qu'elle juge utile pour compléter l'expertise contestée. On
remarquera qu'il est nécessaire que la critique ait été exprimée verbalement à l'audience par un
technicien qu'on aura pu questionner.

Le président de juridiction, peut s'en passer de l'expert s'il estime que les éléments du
dossier sont suffisants pour la manifestation de la vérité.

b) La descente sur les lieux ou visite des lieux

Le tribunal peut procède d'office, soit à la demande des parties, au début de l'instruction ou
en cours d'instruction à l'audience, la descente sur les lieux ou visite des lieux autant de fois
qu'il le juge utile. Le tribunal peut se transporter sur les lieux où les faits se sont déroulés afin
d'avoir une perception plus précise de la disposition des lieux et en vue de l'établissement d'un
dossier de photographies pour y faire des constats directs sur certaines traces des faits ou
encore aux fins de reconstitution (matérielle ou en imagination) des faits, mieux
compréhensibles dans la cadre concret où ils se sont déroulés, que dans l'abstraction des
dossiers des dossiers et des explications fournies oralement au prétoire.

Dans les affaires les plus graves et chaque fois qu'il estime opportun, le tribunal peut
également se transporter sur les lieux d'une infraction aux fins d'y procéder à sa reconstitution.
Dans ce cas, les parties et leurs avocats doivent y assister et il est dressé un procès-verbal de
ces opérations. Rien ne s'oppose à ce que la reconstitution ou certaines phases de celle-ci
soient pries sur bande vidéo-magnétique lorsque le tribunal l'estime opportun.

1007
Article 48 du Code de procédure pénale.
1008
Article 49 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
403

La descente sur les lieux ou visite des lieux n'est pas organisée par le Code de procédure
pénale. Il faut dès lors s'inspirer du Code de procédure civile qui a expressément prévu et
organisé ce mode d'instruction. Il y a lieu d'admettre:
- le tribunal pénal peut décider de se transporter sur les lieux de l'infraction ou des événements
antérieurs ou subséquents aux faits1009;
- le tribunal doit ordonner cette mesure en fixant le jour et l'heure de la visite1010;
- les parties peuvent assister aux opérations de la visite;
- le tribunal se rendant sur les lieux, peut se faire accompagner par des experts nommément
désignés1011.

c) Mesures d'instruction complémentaires

L'article 74 alinéa 6 du Code de procédure pénale prévoit que le tribunal ordonne toute
mesure d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité,
sans énumérer même à titre indicatif ces moyens.

Nous pensons que cela signifie que la juridiction de jugement peut ordonner des mesures
d'instruction nouvelles. Elle peut par exemple, descendre sur les lieux et faire des
constatations directes, ordonner la reconstitution des faits, admettre ou ordonner la production
de pièces à conviction, de documents, de livres domestiques ou comptables, de relevés
d'indices, de croquis, de photographies, l'audition d'enregistrements, la production de certains
objets qui n'auraient pas été saisis (épaves, vêtements portés lors de la perpétration de
l'infraction, etc.), faire citer un témoin pour aune audience ultérieure, ordonner l'apport de
certaines pièces ou prescrire une autre expertise. Au cours de cette expertise, les parties
peuvent demander à la juridiction de prescrire certaines recherches ou l'audition de certains
techniciens.

S'il est nécessaire de procéder à une série d'opérations complexes (pouvant comprendre au
besoin, des constatations hors du ressort), la juridiction de jugement peut décider qu'il sera
procéder à une commission rogatoire. Elle apprécie souverainement l'opportunité de cette
mesure, mais elle ne doit pas relaxer le prévenu en faisant état de l'incertitude résultant des
mesures d'instruction entreprises sans constater qu'aucune mesure complémentaire ne
permettrait de parvenir à la manifestation de la vérité.

Les résultats de cette instruction complémentaire seront soumis à la vérification


contradictoire en ce sens que le tribunal va de nouveau interroger le prévenu et entendre les
témoins sur base de ces résultats.

1009
Article 74 alinéa 6 du Code de procédure pénale.
1010
Article 46 du Code de procédure civile.
1011
Article 47 du Code de procédure civile.
404

9. Les procès-verbaux de constat, s'il y en a, sont lus par le greffier

Si le législateur a exigé cette lecture c'est à cause du caractère de preuve privilégiée du


procès-verbal de constat qui peut à lui seul former la conviction du juge1012. Ces procès-
verbaux sont soumis au débat contradictoire de toutes les parties au procès. En pratique la
lecture des procès-verbaux par le greffier ne doit être effectuée que si le prévenu le demande
expressément et que si cette lecture peut exercer une influence sur les faits de la cause. C'est
pourquoi, il est très rare que cette lecture des procès verbaux se fasse à l'audience d'autant
plus l'omission de sa lecture à l'audience n'entache pas la procédure de nullité, pourvu que les
droits des parties privées n'aient pas été violés. En général et dans la pratique, la lecture des
procès-verbaux par le greffier, ne se fait plus.

10. Réquisitoire du ministère public

Lorsque les juges estiment être suffisamment éclairés sur les faits (et qu'ils considèrent
qu'aucun devoir complémentaire d'instruction n'est nécessaire), et après avoir entendu la
partie civile, le président du tribunal donne la parole au ministère public aux fins de
réquisitions. C'est le moment où le ministère public prononce son réquisitoire complet après
l'audition de toutes les parties, les témoins, les experts et éventuellement toutes les mesures
d'instruction complémentaire.

Dans la pratique, s'il y a eu des éléments nouveaux depuis le premier jour d'instruction à
l'audience, le ministère public aura entretemps actualisé son réquisitoire qu'il dépose au
besoin des réquisitions écrites conformes qu'il a reçues. Si l'instruction à l'audience a altéré,
ébranlé ou modifié sa première version de réquisitoire, le ministère public justifiera la
position qu'il adopte. Si les exceptions ont été soulevées, les réquisitions devront formuler la
position de droit que le ministère public soutient à ce sujet.

Le réquisitoire du ministère public porte sur la commission de l'infraction ou pas et s'il


échet la peine à prononcer par le tribunal. L'officier du ministère public doit préciser la peine
qu'il estime adéquate et les motifs de son appréciation. Il arrive que le ministère public
maintienne son réquisitoire préliminaire donné le jour d'introduction d'audience ou y apporter
quelques modifications ou faire un autre réquisitoire plus étoffé tenant compte de tous les
éléments développés à l'audience et parfois différents aux instructions reçues de la part du
chef du parquet en application de l'adage "la plume est serve mais la parole est libre".

Quoi qu'il en soit, l'intervention du ministère public est fondamentale devant les juridictions
répressives, et ce réquisitoire doit être constaté avec beaucoup d'attention, quand bien même
ces juridictions n'auraient plus à statuer que sur l'action civile.

1012
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 151, p. 165.
405

11. Conclusions de la partie civile

Un tour de parole est accordé aux différentes parties pour voir si elles ont à répliquer.
Dans la pratique, on commence par l'avocat de partie civile si elle existe (pour compléter la
partie civile), suivi de l'avocat de la partie civilement responsable et enfin celui du prévenu.

De même, pendant l'instruction à l'audience, les uns et les autres peuvent déposer, à tout
moment, des conclusions tendant à ce que telle ou telle décision soit prise sur tel ou tel point
(par exemple: "dire et juger que..."); du moins en est-il ainsi du moment que ces conclusions
sont régulières en la forme. Il est rappelé que les exceptions tirées de la nullité de la citation
ou de la procédure antérieure doivent, être présentées avant la clôture des débats. Les parties
en cause peuvent également déposer des conclusions tendant à ce qu'il leur soit donné acte te
tel ou tel fait, par exemple d'un incident qui s'est produit à l'audience, d'un propos qui a été
tenu, etc.

La partie civile reçoit la parole pour conclure et plaider lorsque le tribunal estime que
l'instruction est terminée. Ainsi, une fois que le tribunal estime que l’instruction à l’audience
est terminée, la parole est accordée à la partie civile qui pourra dire au tribunal les motifs et
les raisons de saisir celui-ci, par voie de citation directe. Mais si le tribunal a été saisi sur
requête aux fins de fixation d'audience du ministère public, la partie civile si elle s'est déjà
constituée, interviendra après le ministère public.

Dans ce cas, elle pourra compléter le ministère public et aura :


- à demander au tribunal de dire les faits établis (mais elle ne peut pas réclamer une peine car
c'est le rôle mu ministère public) ;
- à prouver les préjudices subis et leur importance ;
- à prouver que ce préjudice est la conséquence des faits infractionnels faisant l’objet de
l’instance ;
- à demander une justice réparatrice du préjudice subi.

Il existe diverses réparations examinées auxquelles le tribunal peut condamner le prévenu.


Cependant, dans la mentalité congolaise, traditionnellement, l’on ne fait pas une ligne de
démarcation entre la demande de réparation et la réquisition tendant à condamner à une
peine. Aussi ne peut-on pas s’étonner de voir les congolais victimes d’une infraction réclamer
au magistrat instructeur ou à l’officier de police judiciaire ou au tribunal l’arrestation de
l’inculpé ou la condamnation de la peine la plus sévère possible.

Les personnes qui, en vertu de leur possession légitime, prétendent disposer de droits sur
des biens susceptibles d'être confisqués, peuvent ainsi intervenir volontairement devant la
juridiction de fond pour faire valoir leurs droits.
406

12. Conclusions de la partie civilement responsable

La partie civilement responsable, c'est la personne qui devra supporter le payement des
dommages et intérêts dus à la commission de l'infraction par le prévenu. En principe, après le
réquisitoire du ministère public, on procède à l'audition de la partie civilement responsable et
éventuellement les tiers menacés par les effets de la peine à caractère réel encourue par le
prévenu. Ils doivent être appelés à présenter leur point de vue. La personne civilement
responsable peut, dans tous les cas, comparaître soit par un avocat porteur d'une procuration
spéciale, soit par un fondé de pouvoir spécial agréé par le juge1013. Mais le tribunal pourra
ordonner la comparution en personne de la partie civilement responsable. Il ne peut pas la
citer au titre de témoin, puisqu'elle est partie au procès. Il peut cependant l'inviter à
comparaître et à répondre à ses questions, sans pouvoir lui appliquer aucune sanction en cas
de refus.

L’infraction commise par le prévenu peut entraîner la responsabilité civile de la personne


avec laquelle il entretient des relations. Ici vont jouer toutes les règles de la responsabilité
civile spécialement la présomption de la faute d’autrui.

Plusieurs situations peuvent se présenter1014:


- La partie civilement responsable peut être le père ou la mère du prévenu, l’artisan, le maître
ou le commettant du prévenu ;
- La défense de la partie civilement responsable peut revêtir plusieurs aspects :
elle peut contester la responsabilité pénale du prévenu (son acquittement écarte
nécessairement la condamnation de la partie civile);
elle peut contester l’existence ou la hauteur du préjudice ;
elle peut contester le lien de causalité entre le préjudice invoqué et les faits dont le tribunal
répressif est saisi ;
elle peut invoquer la faute de la victime ou d’un tiers et le partage de la responsabilité ;
elle peut contester le lien juridique entre elle-même et le prévenu : ici, la contestation
peut porter sur le principe même de l’existence du lien juridique, soit sur l’établissement de
la présomption de faute en démontrant qu’il n’y pas eu faute de sa part.

13. Plaidoirie des avocats

Dans la pratique, on commence par l'avocat de partie civile si elle existe, suivie de l'avocat
suivi de l'avocat de la partie civilement responsable et enfin celui du prévenu. L'avocat de la
partie civile développe les conclusions qu'il dépose devant le tribunal, et qui précisent la
nature et le montant de la réparation civile que la victime réclame. Un écrit signé porte le nom
de "conclusions" quand il émane du prévenu ou de la partie civile, et "réquisitions" quand il
émane du ministère public. La partie civile peut désormais se borner à conclure à la

1013
Article 71 in fine du Code de procédure pénale.
1014
Article 260 du Code civil congolais livre III.
407

culpabilité du prévenu en se réservant de demander au juge compétent la réparation de son


préjudice.

En principe, la plaidoirie de la partie civile ne traite pas du taux de la peine. Elle s'en tient à
démontrer en quoi sa constitution de la partie civile est fondée (c'est-à-dire en quoi l'infraction
est établie) et que ce qui est réclamé à titre de réparation du préjudice est justifié et est en
relation causale avec l'infraction.

La plaidoirie de la défense porte à la fois sur la culpabilité, le taux de la peine et la


réclamation de la partie civile. Ces trois aspects du procès pénal étant traités en même temps,
cela peut évidemment rendre la plaidoirie de la défense très difficile, notamment lorsqu'elle ne
plaide l'acquittement qu'à titre principal, par exemple à raison du doute. Le président de
juridiction peut admettre une réplique de la partie civile, du ministère public et du prévenu.

La phase d'argumentation et de discussion est d'importance matérielle très variable; elle


peut se réduire à quelques instants s'il n'y a pas de partie civile, si le ministère public se borne
à requérir "l'application de la loi", et si le prévenu déclare n'avoir rien à ajouter aux
explications qu'il a déjà fournies au cours de l'instruction à l'audience. Dans d'autres cas, au
contraire, cette phase de plaidoirie peut prendre beaucoup de temps. Les avocats ne doivent
rien dire contre leur conscience ni le respect aux lois et aux tribunaux et doivent s'exprimer
avec décence et modération. Dans l'exercice de sa défense, le prévenu (et son conseil)
disposent de la plus grande liberté, pourvu que les propos tenus soient réellement orientés
pour la défense. Cette défense ne peut en effet être un prétexte pour formuler les injures
gratuites ou pour tenir des propos subversifs sans rapport avec la cause. Le président doit
rappeler à l'ordre le conseil qui s'écarterait de cette règle.

Les parties peuvent, jusqu'à la clôture des débats, déposer des conclusions par lesquelles
elles font valoir leurs demandes, leurs moyens de défense ou des exceptions, de telle sorte que
le juge soit tenu d'y répondre. L'intérêt du dépôt de conclusions est l'obligation pour le juge de
les rencontrer dans son jugement afin que la motivation soit correcte (article 21 alinéa 1 de la
Constitution du 18 février 2006). En matière pénale, ces conclusions doivent nécessairement
être déposées par la partie ou son avocat à l'audience; en pratique, elles sont déposées au
greffe quelques jours après la plaidoirie. Elles doivent, en règle, résulter d'un écrit; il n'est pas
nécessaire qu'elles soient au préalable communiquées au ministère public ou autres parties,
sous réserve pour ceux-ci du droit d'en demander communication.

Toutefois, si la procédure ne concerne que les intérêts civils jugés en prosécution de cause,
distinctement de l'action publique, les conclusions seront déposées au greffe. Le fait que
l'instruction de la cause soit entièrement reprise par un siège autrement composé implique que
les conclusions déposées au cours d'une audience antérieure qui font partie du dossier sont
présumées avoir été reprises par la partie présente, à moins qu'elle y ait renoncé.
408

Le Code de procédure pénale prévoit l’ordre de la prise de parole, tel qu’il vient d’être
décrit ci-haut, corrigé par la pratique mais il est évident que le président peut toujours
accorder la parole aux fins de répliquer à la partie qui aurait un légitime intérêt de le faire. Cet
ordre n'est pas prescrit à peine de nullité et peut être modifié du moment qu'il n'en résulte
aucune atteinte aux droits de la défense et que le prévenu a toujours eu la parole le dernier.

14. La clôture des débats

L'ordre dans lequel nous avons présenté les interventions des parties aux débats est celui
qui est proposé par la pratique. Cependant le juge peut toujours donner la parole, aux fins de
réplique, à toutes les parties qui auraient un légitime intérêt à parler. Lorsque l'instruction à
l'audience se termine, les débats sont clos. Toutefois, il est possible qu'ils se prolongent au
cours d'un certain nombre d'audiences; c'est le président qu'il appartient de fixer le moment
et la durée de la clôture des débats. Le président peut limiter dans le temps l'importance des
interventions et y mettre un terme quand la juridiction est suffisamment éclairée.

Avant la clôture des débats, le président donne la parole en dernier au prévenu


personnellement, cela se fait selon l’interpellation formulée comme suit : «avez vous
encore quelque chose à ajouter pour votre défense ?» (aux plaidoiries de votre avocat).
Souvent le prévenu en profite pour mieux crier son innocence s’il a reconnu les faits soit pour
implorer la clémence des juges lorsqu’il a reconnu avoir commis l’infraction au motif qu'il est
père d'une grande famille nombreuse. Le Président peut alors prononcer la clôture des débats.

La conséquence de cette clôture est qu’à partir de ce moment plus aucune communication
nouvelle ne peut être faite aux juges. Il n'est plus possible à la victime de se constituer partie
civile après la clôture des débats. L’on admet cependant que les avocats peuvent par la suite,
déposer les conclusions écrites ou notes de plaidoiries à condition qu’elles contiennent aucun
élément non traité oralement et contradictoirement à l'audience publique. L'on admet
également que les réquisitions du ministère public (actualisées) puissent être déposées dans les
mêmes circonstances. Mais des écrits qui proposeraient des moyens nouveaux ou même
simplement des arguments neufs doivent être écartés des débats, à moins que le tribunal ne
décide la réouverture des débats.

Dans la pratique, la clôture des débats connaît deux modalités : Le Président déclare: "le
prévenu étant le dernier à prendre la parole, le tribunal estime qu'il est suffisamment éclairé,
clôt les débats, prend la cause est prise en délibéré et le jugement sera rendu dans le délai
légal ou dans la huitaine". C’est la formule la plus couramment utilisée. Dans ce cas, le
tribunal, en application de l’article 80 du Code de procédure pénale doit rendre un jugement
dans la huitaine c'est-à-dire dans les huit jours.

Mais ce délai n’est guère respecté parce que les travaux préparatoires indiquent qu’au bas de
l’article 80 précité, un membre signale qu’il s’agit d’un vœu utile mais pas toujours
réalisable et sans sanction. Nous estimons que la pratique judiciaire courante n’a pas raison
de violer un texte légal express en se basant uniquement sur l’opinion d’un membre du
409

conseil de législation. Les juges semblent tellement conscients de cette violation qu’ils en
arrivent à détourner le texte même de l’article 80 du Code de procédure pénale en disant : «
l’affaire est prise en délibéré, le jugement sera prononcé ultérieurement ou à une date
ultérieure». Cette interprétation malheureuse est la base de la lenteur de notre justice
longtemps décriée par les justiciables.

Mais l'article 47 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats telle que modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du 05 août 2015
prévoit que le fait pour le juge de ne pas rendre le jugement dans le délai de 10 jours constitue
une faute disciplinaire, et le juge concerné peut être poursuivi devant les chambres de
discipline du Conseil supérieur de la magistrature.

Le tribunal peut aussi, une fois l’instruction terminée, renvoyer la cause en prosécution à
une audience ultérieure, en ce sens le tribunal ne prononce la clôture des débats qu’au
moment où il va prononcer son jugement. Cette seconde modalité a application rare,
présente un certain nombre d’avantages :
- elle permet éventuellement au tribunal de soumettre aux débats ultérieurs, un nouveau
moyen soulevé par une partie (il suffira que le juge en donne lecture à l'audience suivante et
autorise la réplique pour leur assurer la caractère contradictoire) ;
- il se peut que la nécessité d'un complément d'instruction apparaisse en cours de délibéré;
- la clôture des débats oblige les juges à prononcer leur jugement dans les huit jours qui
suivent la clôture des débats1015, bien que cette obligation ne soit pas sanctionnée, on
comprend que les juges ne désirent pas s'exposer à enfreindre un texte formel de la loi;
- le tribunal reste contradictoirement saisi à l'audience de prosécution.

Mais cette pratique comporte certains inconvénients:


- à l’audience de renvoi, les parties peuvent être tentées de trop prolonger les débats et même
de formuler des demandes d’instruction complémentaire qui peuvent s’avérer purement
dilatoires;
- le tribunal restant contradictoirement saisi à l’audience en prosécution, si une partie n’y
comparaît pas, cela donnera lieu à un jugement par défaut1016.

La clôture des débats n'est pas toujours définitive car la juridiction de jugement peut les
rouvrir, notamment à la suite d'une note de délibéré qui contient des éléments non développés
lors de l'instruction à l'audience. C'est donc la réouverture des débats.

15. La réouverture des débats

Il y a ouverture des débats lorsqu'une juridiction ordonne toute mesure d'instruction


complémentaire qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, les

1015
Article 80 du Code de procédure pénale.
1016
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 179, p. 194.
410

résultats de tout ceci devront en effet être soumis à des débats contradictoires avant que la
décision puisse être délibérée et prononcée.

Après la clôture des débats et avant le prononcé de la décision, aucune nouvelle pièce ne
peut être prise en considération par le juge dans sa décision, à moins qu'il n'ait ordonné la
réouverture des débats en vue de soumettre les pièces nouvelles à la contradiction des parties.
Lorsque les pièces sont jointes au dossier après la clôture des débats, le juge a le choix: soit il
ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre connaissance des
pièces et les contredire, soit il déclare dans son jugement qu'il n'a pas égard à ces pièces
nouvelles, mais il doit prendre l'une ou l'autre option et cela doit résulter de sa décision.

De même, au cour du délibéré, la juridiction peut, d'office ou à la requête d'une des parties,
ordonner la réouverture des débats. Durant le délibéré, une partie peut déposer une requête en
réouverture des débats si une pièce ou fait nouveau et capital de nature à influencer la
décision à intervenir est découvert. Une partie qui n'a pas comparu à l'audience mais qui,
pendant le délibéré, découvre une nouvelle pièce ou un nouvel élément, peut introduire une
requête en réouverture des débats aussi longtemps que le jugement n'est pas prononcé.

L’on admet que lorsque la note en délibéré (déposée en principe par les avocats lors de la
plaidoirie)1017 soulève des moyens nouveaux ou des arguments au point que la physionomie
même du procès pourrait s’en trouver altérée, les juges puissent décider la réouverture des
débats dans le but d’inviter les parties à conclure sur ces nouveaux moyens ou arguments.
Dans la pratique courante, cela se fait par une simple déclaration actée à la feuille
d’audience. Une décision de cette importance doit faire l’objet d’un acte juridictionnel
(jugement avant dire droit); ce qui va faire ressortir la motivation de la réouverture.

On peut envisager quatre hypothèses qui peuvent justifier la réouverture des débats :
- il peut arriver qu’au cours de délibéré, les juges se rendent compte qu’ils ne sont pas éclairés
à suffisance des faits ou de droit (sur les éléments constitutifs de l'infraction ou sur ses
circonstances voire même sur la demande civile) ;
- les parties (ministère public ou parties privées) peuvent obtenir, après la clôture des débats,
des renseignements ou des nouveaux moyens de preuve qui sont susceptibles d’influencer
sur le cours du délibéré. En ce cas, la partie intéressée adresse une requête au président de la
composition du siège pour demander la réouverture des débats ;
- si pendant le délibéré, une pièce ou un fait nouveau et capital sont découverts par une partie-
comparante ou défaillante; celle-ci peut tant que le jugement n'a pas été prononcé, demander la
réouverture des débats;
- notes (partie privée) ou réquisitions (ministère public) soulevant des arguments ou nouveaux
moyens si le tribunal estime qu’il s’agit là des moyens ou arguments susceptibles de modifier
le cours du délibéré, il peut ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux diverses
parties de conclure sur ces arguments ou moyens.

1017
Mais elle ne s'applique pas en RDC.
411

Après la clôture des débats, les parties peuvent déposer des notes (partie privée) ou
réquisitions (ministère public), soulevant des arguments ou moyens nouveaux si le tribunal
estime qu’il s’agit là des moyens ou arguments susceptibles de modifier le cours du délibéré.
Il peut ordonner la réouverture des débats afin de permettre aux diverses parties de conclure
sur ces arguments ou moyens. Il faut regretter qu’un acte aussi important de procédure ne
fasse pas l’objet d’une disposition légale car la réouverture des débats est appliquée à titre de
principe général de droit. Il faut que la réouverture de débats fasse l’objet d’une loi.

Le tribunal apprécie souverainement la nécessité ou l'opportunité de faire droit ou non à la


demande réouverture des débats; la décision de ne pas rouvrir les débats et n'est pas tenu de
motiver sa décision de ne pas les rouvrir sans préjudice du respect des droits de la défense. Le
tribunal peut ordonner une telle réouverture des débats d'office, par exemple pour inviter les
parties à se défendre sur un changement de qualification de l'infraction (pour permettre à toutes
les parties de proposer leurs moyens de défense) ou sur d'autres éléments essentiels qui
n'étaient pas apparus au cours des débats.

La réouvertures des débats est ordonnée par un jugement avant dire droit motivé, signifié
aux parties si elle n'a pas été ordonnée en leur présence. Sur la réouverture des débats, les
parties comparaissent pour s'expliquer sur les points qui l'ont motivée. Ce sont nécessairement
les mêmes juges que ceux qui ont connu de l'affaire avant la réouverture des débats qui doivent
en connaître et statuer au fond. A défaut de quoi, l'examen de l'affaire doit être repris ab initio.

Si en revanche, le tribunal n'estime pas devoir rouvrir les débats en raison de nouvelles
pièces produites après la clôture des débats, il ne peut qu'écarter ces pièces de la procédure qui
lui sont parvenues alors que la cause était en délibéré1018. Tout élément de conviction qui
parviendrait au tribunal après la clôture des débats ne pourrait être pris en considération, faute
d'avoir pu faire l'objet des débats contradictoires1019. Le jugement motivé ordonnant la
réouverture des débats est signifié aux parties si la réouverture n'a pas été ordonnée en leur
présence.

La procédure d'appel se déroule de la même manière, étant acquis que l'audition des experts
et des témoins est exceptionnelle. L'autre particularité de l'appel est qu'on donne d'abord la
parole à l'appelant (celui qui a fait l'appel) puis l'intimé (l'adversaire de l'appelant).

II. Remise de la cause

Le déroulement de la procédure à l'audience telle que décrite ci-dessus se réalise en


principe au cours d'une seule et même audience, mais il est fréquent et presqu'en général
qu'un même procès s'étale sur plusieurs audiences, suite à des remises successives lorsqu'une

1018
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 805; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale, Tome II. Le jugement, les voies de recours, Procédures particulières, La coopération
judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1257.
1019
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 858, p. 854.
412

audience n'est pas suffisante pour envisager l'ensemble des questions; ainsi une remise peut
être décidée pour permettre l'audition d'un témoin ou d'un expert à la barre, ou permettre une
des parties de préparer son argumentation suite au dépôt de pièces nouvelles, ou tout
simplement parce que l'affaire n'a pas pu être traitée entièrement à la même audience, faute de
temps. Elle peut aussi être remise lorsqu'il existe un empêchement dans le chef du tribunal ou
d'une des parties.

Ainsi, les autres causes de remise peuvent être: l'absence d'un des juges, l'encombrement
du rôle de la chambre saisie, un défaut ou une irrégularité dans la citation, le temps demandé à
une partie pour préparer sa défense, le souhait de consulter un avocat, l'indisponibilité de
l'avocat d'une des parties, l'assistance d'un interprète, la jonction d'autres dossiers, la
comparution personnelle d'une partie, la convocation d'un témoin, les mesures d'instruction
complémentaires, le dépôt de conclusion et la réponse aux conclusions déposées par une autre
partie, le temps de la plaidoirie des avocats, la composition du siège, un incident tel que la
récusation d'un juge, etc.

Une affaire peut être remise à la date fixe ou sine die; c'est-à-dire sans que la date de
remise soit précisée. Le tribunal apprécie souverainement l'opportunité de la remise.

Lorsque la remise est décidée en l'absence du prévenu et de son conseil, le prévenu doit
être informé de la nouvelle date d'audience par une nouvelle citation lancée par le ministère
public. Si le prévenu est présent à l'audience, la remise a lieu de façon contradictoire et il est
invité à comparaître à l'audience fixée sans nouvelle citation. S'il ne comparaît pas à
l'audience fixée, il peut être jugé par défaut.

III. Les incidents

Le déroulement normal de la procédure peut être perturbé par une grande quantité
d'incidents qui peuvent apparaître. Ceux-ci peuvent concerner la compétence ou le doute
d'impartialité de la juridiction concernée ou une fin de non recevoir (amnistie, prescription de
l'action publique, chose jugée, abrogation de la loi pénale, le décès du prévenu) ou autres. En
cas d'incidents soulevés à l'audience, la juridiction peut les examiner in limine litis (dès le
commencement de l'audience) ou en tout état de cause (à tout moment de la procédure mais
avant la clôture des débats). Les incidents qui concernent la prescription de l'action publique,
l'amnistie, le décès du prévenu, la chose jugée, l'abrogation de la loi pénale, nous les avons
déjà abordés dans la première partie concernant l'action publique. D'autres incidents peuvent
être aussi, soit l'incident relatif à la compétence de juridiction, soit l'incident relatif au doute
d'impartialité du juge.

Parmi ces incidents, certains sont d'ordre public c'est-à-dire qu'ils s'imposent aux
juridictions et peuvent être soulevés tout au long de la procédure (en tout état de la cause, à
tout moment) et les juridictions doivent les soulever (relever) d'office. Il s'agit de la
compétence, la prescription de l'action publique, le décès du prévenu, le principe de non bis in
idem (on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits), l'amnistie, la chose jugée,
413

abrogation de la loi pénale, immunités et d'une certaine manière la litispendance (car elle peut
être soulevée d'office par le juge).

L'incident relatif au doute d'impartialité du juge nous semble d'ordre public dans la mesure
où il est admis actuellement que le juge a l'obligation se déporter s'il est se trouve dans les
conditions de récusation au risque des poursuites disciplinaires et toute demande de récusation
est recevable avant la clôture des débats. Et chaque fois que l'incident d'impartialité est
soulevé devant la juridiction, celle-ci sursoit à statuer jusqu'au jugement sur cet incident.
Mais, il est à préciser que cet incident doit être soulevé par les parties et le tribunal ne peut le
soulever d'office. Au vu de différents éléments de l'incident relatif au doute d'impartialité du
juge, sa procédure montre qu'elle a une nature hybride mais à prédominance d'ordre public.

Lorsque les incidents (exceptions) d'ordre public sont soulevés, la juridiction doit y
répondre dans un jugement sans attendre. Par exemple, si l'incident concerne l'incompétence
du tribunal, celui-ci ne doit pas prononcer un jugement avant dire droit mais un jugement de
compétence s'il estime qu'il est compétent) ou un jugement de déclinatoire de compétence ou
d'incompétence (s'il estime qu'il n'est pas compétent soit matériellement, soit territorialement,
soit personnellement). Un tel jugement n'est pas susceptible d'appel.

Certains magistrats et avocats par ignorance, demandent de joindre cette exception au fond,
c'est une grosse erreur. Les incidents (exceptions) d'ordre public doivent faire l'objet d'un
jugement sur cet incident (un jugement sur l'incident ou un jugement avant dire droit) et non
être joints au fond. En clair, la juridiction doit y répondre directement et sans attendre sous
prétexte de joindre l'exception au fond.

D'autres exceptions (incidents) qui ne sont pas d'ordre public ne peuvent être soulevés
qu'in limine litis c'est-à-dire dès le commencement de la procédure, et si ce n'est pas les cas,
ces exceptions (incidents) seront irrecevables. C'est le cas notamment de l'exception soulevée
concernant la jonction ou la disjonction des causes, la connexité (car elle est soulevée qu'in
limine litis). Ces exceptions peuvent être jointes au fond.

La juridiction peut aussi décider de rendre un jugement avant dire droit sur cet incident, ce
qui serait souhaitable. En effet, en statuant sur cet incident par un jugement avant dire droit,
on gagne plus de temps dans la mesure où cet incident est clos avant l'examen au fond. Dans
ces conditions, cela permet que le jugement soit rendu dans le délai raisonnable. Par contre,
en joignant l'incident au fond, cela risque de retarder la procédure surtout que ledit incident ne
serait examiné que lors du jugement au fond.

Ces exceptions doivent être présentées sous formes de conclusions régulières avant toute
défense au fond, la sanction étant l'irrecevabilité présentée tardivement. Ces incidents sont
tranchés à la suite d'une procédure contradictoire où toutes les parties sont entendues. La
juridiction n'est cependant pas obligée de soumettre à la discussion des parties un élément de
nature à priver les poursuites de leur fondement légal et qu'elle soulève d'office. Les
414

jugements incidents ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation qu'avec le fond de


l'affaire1020. En vertu du principe du double degré de juridiction, toute décision de cause de
nullité non présentée pour la première fois devant le tribunal ne peut ensuite être présentée
pour la première fois devant la juridiction d'appel ni devant la Cour de cassation.

IV. Procès verbal d'audience

Le procès-verbal de chaque audience est dressé et signé par le greffier. L'établissement d'un
procès-verbal de l'audience n'est pas prescrit à peine de nullité mais l'absence d'un tel procès-
verbal entraine la nullité de la décision si celle-ci ne contient pas elle-même les mentions
requises pour établir la régularité de la procédure. Le greffier tient note de la procédure à
l'audience, ainsi que des noms, prénoms, âge approximatif, profession et demeure des parties
et des témoins et de leurs principales déclarations1021.

En règle, le procès-verbal d'audience relate le déroulement de l'audience. Ainsi, le greffier


prend note dans la feuille d'audience, de noms de toutes les parties à l'audience et leurs
avocats, la date et l'heure du début et de la fin de l'audience, les actes de procédure accomplis,
la liste des affaires traitées avec le n° d'ordre (rôle pénal, RP ou rôle pénal en appel, RPA),
toutes les constations nécessaires afin de vérifier si les formabilités substantielles et prescrites
à peine de nullité ont été respectées.

De même, le procès-verbal d'audience indique la langue dans laquelle les parties, prévenus,
partie civile, témoins, experts, ont fait leur déclaration et celle dont il est fait usage des
plaidoiries, les parties présentes et non présentes au procès, la publicité ou non des débats, le
dépôt des pièces ou de conclusions, les personnes qui reprennent la parole à l'audience; il
mentionne aussi le tribunal saisi ainsi que les noms des magistrats faisant partie de la
composition du siège (tant du siège que du ministère public), du greffier, que l'audience a été
publique ou à huis clos.

La formalité d'une transcription des déclarations des parties à l'audience ne relève pas de la
loi mais de la pratique. C'est ainsi qu'en pratique, le greffier doit prendre note dans le procès-
verbal d'audience, toutes les déclarations à l'audience: les interrogatoires des prévenus, les
déclarations des témoins, celles des experts, etc. Le greffier apprécie, sous le contrôle du
président, ce qui doit être consigné dans le procès-verbal d'audience, le principal et
l'accessoire dans les déclarations pour n'en noter qu'un résumé. Les parties sont toutefois en
droit de demander expressément que certaines déclarations soient actées mot à mot; en cas de
refus du président de faire acter ainsi les propos tenus à l'audience, il appartient à la partie de
conclure sur ce point.

Le procès-verbal d'audience mentionne les différentes mesures d'instruction complémentaires


accomplies, tel la descente ou visites des lieux, etc. Il fait également état de l'accomplissement
des différentes formalités prescrites à peine de nullité, à défaut de quoi on considère qu'elles

1020
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 460, p. 734.
1021
Article 79 du Code de procédure pénale.
415

n'ont pas été respectées, sauf si le jugement lui-même fait état de leur accomplissement. Au
cas où le juge aurait omis certaines constatations dans son jugement, la feuille d'audience
régulièrement tenue y suppléera à raison de la foi due à ses mentions. Lorsqu'une partie
désapprouve le comportement du juge à l'audience ou estime qu'incident mérite d'être
mentionné au procès-verbal d'audience, il lui appartient d'inviter à en prendre acte, car ce n'est
pas le juge qui tient la plume de l'audience mais le greffier. Faute d'avoir formulé cette
demande et ne disposant d'aucun commencement de preuve de la cause de récusation qu'elle
invoque, elle ne peut établir par témoin la suspicion de partialité qu'elle nourrit dans le cadre
d'une procédure de récusation1022.

Les ratures, les surcharges, les interlignes et ajouts doivent être approuvées. Lorsque le
procès-verbal d'audience présente des ratures non approuvées, il doit être lu avec les mots
biffés; la décision n'est pas nulle si les mots biffés sans approbation n'entachent pas la
régularité de la procédure. Ainsi, pour qu'elle porte connaissance, il faut que la rature non
approuvée ait un lien avec la mention d'une formalité substantielle ou prescrite à peine de
nullité.

Les procès-verbaux d'audience font foi jusqu'à inscription en faux pour toutes les
mentions, qu'elles soient manuscrites ou imprimées. La procédure en inscription en faux peut
être dirigée contre un procès-verbal d'audience soit qu'il contienne des mentions inexactes,
soit qu'il omette de mentionner l'accomplissement d'une formalité qu'il avait pour objet de
constater. Lorsque la minute d'un procès-verbal d'audience est détruite ou disparu en tout ou
en partie et qu'il n'en existe point d'expédition ou de copie authentique, la preuve de
l'existence ou de la teneur dudit procès-verbal peut être faite par toutes voies de droit.

Dans la pratique, en RDC, le greffier prend note à l'audience de tout ce qui se dit sur ce
qu'on nomme plumitif d'audience. A la fin de l'audience, le greffier rédige un procès-verbal
d'audience sur base du plumitif d'audience. Celui-ci, même s'il est rédigé en abréviation et en
signes conventionnels pour le seul usage personnel du greffier, ne doit jamais être détruit. Une
ambiguïté dans le procès-verbal d'audience peut être levée par la production du plumitif
d'audience, éventuellement éclairée par l'interpellation du greffier.

En RDC, le procès-verbal d'audience est un acte authentique rédigé et signé par le greffier
seul. Sauf le cas de contradiction avec le jugement, le procès-verbal d'audience la force
probante d'un acte authentique faisant foi jusqu'à inscription en faux1023. Les mentions du
procès-verbal d'audience peuvent guider le juge dans la rectification d'erreurs matérielles qui
se seraient glissées dans le jugement. Inversement une mention omise dans le procès-verbal
d'audience se trouve suffisamment établie si elle est constatée dans le jugement.

1022
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II.
Les jugements, les voies de recours, les procédures particulaires et la coopération judiciaire
internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1252.
1023
Tribunal de première instance d'Elisabethville (Lubumbashi), 15 septembre 1927, Revue juridique du Congo
belge, 1928, p. 26; A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la
procédure pénale, Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n°
180, p. 196.
416

CHAPITRE IV: LE JUGEMENT

Au sens large, le jugement est toute décision rendue par une autorité juridictionnelle dans
le cadre d'une contestation et sur les arguments de droit. Au sens plus technique, le jugement
est l'action de juger, plus précisément d'examiner une affaire en vue de lui donner une
solution, en général après une instruction et des débats1024. Tout jugement rendu est précédé
obligatoirement d'une délibération, si brève soit-elle, et même s'il n'y a qu'un seul juge. Nous
aborderons le délibéré (section 1), le prononcé du jugement (section 2) et la particularité du
jugement par défaut (section 3).

SECTION 1: LE DELIBERE

§ 1.Notions

Délibérer c'est réfléchir à plusieurs et confronter des solutions possibles d'un litige dans le
but d'atteindre une solution commune. Au sens propre du mot, il n'est de délibération que de
plusieurs juges; il existe aussi le délibéré à juge unique. En règle générale, délibérer c’est
confronter les opinions pour aboutir à une commune décision qui est formulée dans la
collégialité. Même quand un juge a composé le siège à lui seul l’on dit aussi qu’il délibère en
ce sens qu’il confronte les positions des parties au procès pour arriver à éclairer sa religion et
d’aboutir à la décision conséquente. Pendant le cours de délibéré, les juges conservent avec
eux le dossier, qu'ils peuvent donc consulter à leur guise jusqu'au prononcé de jugement.

La définition du terme "délibéré" pourrait faire croire que les juges se réunissent pour
aborder immédiatement le sujet principal, à savoir si les préventions mises à charge du
prévenu sont-elles établies ou pas ? Quelle conclusion en tirer sur le plan du droit ? A la
vérité, le chemin pour aboutir à la décision conséquente est long sur le parcours, car les
juges doivent aborder une série de problèmes au sujet desquels une solution doit être prise.

§ 2. Nécessité et formes du délibéré

Toute décision prise par une juridiction de jugement doit avoir été délibérée. Le délibéré est
facile lorsqu’il s’agit d’une juridiction collégiale : des échanges des vues et des discussions
interviennent entre les membres de la juridiction, les opinions différentes venant des
personnes à caractère et des tempéraments forts divers se confrontent, l’expérience des plus
anciens guide les plus jeunes, certains points qui avaient échappé aux uns sont signalés par les
autres, les pièces du dossier peuvent être revues de près, etc. Les juges qui participent à la
délibération doivent être les mêmes que ceux qui ont assisté aux débats et entendu le
réquisitoire et les plaidoiries, sous peine de cassation.

1024
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, p. 525.
417

Mais le délibéré s'impose tout aussi au juge unique. Quand le siège est à juge unique, ce
dernier délibère seul sur la sentence qu’il va rendre, c’est-à-dire qu’il réfléchit, qu’il essaye de
s’éclairer sur les points qui lui paraissent douteux. Il est à préciser que depuis la promulgation
de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, il n' y a plus de composition du siège à juge
unique car dans toutes les matières, le siège est collégial.

Le délibéré peut-être bref, il en est ainsi dans les cas fréquents où la décision est rendue
« sur le banc » (c’est-à-dire immédiatement après la clôture des débats à la fin de l’audience
même). Cela suppose une affaire simple. Mais pour les affaires complexes ou un peu délicates
qui nécessitent recherche et solution, le tribunal se retire pour délibérer, souvent même le
tribunal annoncera simplement qu'il prend la cause en délibéré et que le jugement sera rendu
dans le délai légal ou il fixe le jour où le jugement sera rendu; le délibéré se prolonge jusqu'a
la prononciation de la décision en audience publique.

Dès lors que les parties étaient présentes ou représentées lors de la clôture des débats, et
spécialement lors de la prise en délibéré, la décision est contradictoire même si elle est
prononcée à une autre date que celle fixée et en l'absence des parties. Mais en matière pénale,
lorsque le jugement ou l’arrêt est prononcé en l’absence des parties et au-delà du délai sans
notification préalable de la date du prononcé aux parties, le délai de recours court à partir de
la signification de la décision1025 (nous y reviendrons lorsque nous aborderons les voies de
recours).

§ 2. Procédure du délibéré

I. Magistrats admis au délibéré

Participent au délibéré les magistrats du siège qui ont participé à l'instruction à l'audience
(en aucun cas un magistrat empêché ne peut être remplacé pour la délibération sous peine de
cassation). Le ministère public, le greffier, les parties et leurs avocats ne peuvent ni prendre
part, ni assister au délibéré. Les juges prennent leur décision à la majorité des voix, après que
chacun ait exprimé son opinion en commençant par le moins gradé ou le jeune dans le grade
et en terminant par le président. Lors du délibéré, le juge le moins ancien du rang le moins
élevé donne son avis le premier ; le président le dernier1026. Cette disposition s'est inspirée de
l'article 35 du Code français d'instruction criminelle de 1808 (Code Napoléon) qui a été
abrogé. Actuellement en France, l'on applique l'article 449 du Nouveau Code de procédure
civile (de 1975) selon lequel la décision est rendue à la majorité des voix, les dispositions de
procédure civile constituant le droit commun procédural dans le silence du Code de procédure
pénale. Dans la pratique, en tout cas, c'est le juge le plus jeune qui opine le premier1027.

1025
Article 43 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1026
Article 41 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1027
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 866, p. 762.
418

II. Le secret du délibéré


Dans toutes les juridictions, la délibération est secrète, elle a lieu hors de la présence de
toute personne étrangère, y compris le ministère public et le greffier. Les juges sont tenus au
secret du délibéré. Ils ne peuvent dévoiler à quelque époque que ce soit et à qui que ce soit de
ce qu'ont été les discussions et de la façon dont chacun des magistrats s'est prononcé. Les
projets de décision rédigés et les points de vue adoptés par les juges concernant la décision à
prendre relèvent du secret du délibéré même s'ils n'ont pas encore été collégialement tenus en
délibéré. Le délibéré du juge pénal se poursuit jusqu'à la prononciation en audience publique,
de sorte que la rédaction du jugement ou de l'arrêt non encore prononcé fait partie du délibéré.
Une fois la décision rendue, aucun des membres de la juridiction qui ont assisté à la
délibération et y ont participé ne doit en révéler quoi que ce soit1028 au risque de poursuites
disciplinaires. Il en résulte que le secret professionnel s'impose de façon absolue à tous les
magistrats. Ainsi, le secret des délibérations s'oppose à ce que le juge qui y prend part révèle
son opinion individuelle en faisant connaître publiquement son désaccord par le refus de
signer le jugement1029.

Le délibéré se fait à huis clos, généralement dans le cabinet du Président du tribunal ou de


chambre ou dans un bureau approprié, à l'absence du ministère public et du greffier. Les
délibérés sur toutes les affaires à trancher sont gardés secrets1030. Aucune divulgation de
secret du délibéré. Le secret de délibéré protège l'anonymat de la de la décision, ce qui permet
aux magistrats de délibérer dans une plus grande sérénité1031. Si l’on organise une plénière
(séance réunissant les magistrats du siège, d’une Cour ou d’un tribunal pour débattre un point
de droit qui se pose à une composition), les éléments de la cause et les opinions émises par les
membres de la composition sont présentés d’une manière générale.

Le droit pénal congolais, tout comme le droit pénal belge1032 auquel la RDC a hérité, et le
droit pénal français1033 auquel la Belgique a hérité, ne prévoit pas, à la différence du droit
anglo-américain et celui des juridictions internationales, l'expression des opinions minoritaires
ou dissidentes. Par ce mécanisme, l'opinion dissidente ou individuelle ou minoritaire du
magistrat contraire aux opinions des autres lors du délibéré est intégralement reproduite à la

1028
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 868, p. 867.
1029
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Tome II. Le
jugement, les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1225.
1030
Article 41 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1031
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 264, p. 216.
1032
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET , Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 805.
1033
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 874, p. 871.
419

fin de l'arrêt ou jugement. C'est le système qui a été prévu pour les arrêts de la Cour
constitutionnelle1034.

En effet, l'opinion dissidente consiste pour celui (ou ceux) qui a (ont) une opinion contraire
que celle qui a été retenue lors du délibéré de l'arrêt de la de la Cour constitutionnelle de
développer leurs arguments pourquoi il (s) n'a (ont) pas approuvé la position de la Cour et ces
arguments sont intégralement reproduits en fin de l'arrêt. C'est une pratique qui vient du droit
anglo-saxon et qui s'applique dans les juridictions internationales telles que la Cour
Européenne des Droits l'Homme de Strasbourg1035, la Cour pénale internationale, la Cour
Internationale de Justice de la Haye et la Cour Africaine des Droits de l'Homme. Ce système
permet de faire évoluer la jurisprudence de la Cour étant donné que les membres de la
composition peuvent connaître toutes les raisons qui ont poussé un (ou certains) membres à
prendre une opinion contraire. Ces opinions dissidentes qui sont transparentes car publiées,
enrichissent la Cour et parfois, à l'avenir, la Cour pourrait en tenir compte pour faire évoluer
le droit. Le délibéré des décisions de la Cour constitutionnelle réalisé en tenant compte de
l'opinion dissidente de ses membres est conforme aux standards internationaux.

III. Modalités d'expression de la conviction lors du délibéré

Le délibéré en siège collégial porte à la fois sur les motifs et les dispositifs de l’arrêt ou
jugement. Si un jugement ou arrêt est rédigé par un seul juge, le collège examine et corrige
éventuellement ce projet. Avant le délibéré, le président de chambre est tenu de résumer
l’affaire aux autres juges et de rappeler les textes de lois applicables, avant l’examen des
motifs et du dispositif. Ainsi, il fait, à l’intention des membres de la composition, un rapport
succinct sur l’état de la procédure et sur les faits leur soumis.

Si quelques points paraissent difficiles sur le plan de droit et nécessitent des recherches ; le
délibéré peut être ajourné ; car la majorité judiciaire qui vise la vérité juridique ne dépend pas
du nombre. Cela ne signifie nullement que le membre réduit en minorité doit traîner en
longueur le délibéré, il devra à défaut d’éléments convaincants, se rallier aux autres en vue
d’éviter de retarder le prononcé. Au cas où il reviendrait de provoquer une séance plénière,
celle-ci ne se substitue pas à la composition, mais elle éclaire cette dernière sur les points de
droit complexes.

Lorsque le délibéré est terminé, le président de chambre passe au vote le projet d’arrêt ou
jugement en commençant par le juge le moins ancien. En réalité, il s'agit du juge moins gradé
ou moins précéant dans le grade de la magistrature. Lors du délibéré, le juge le moins ancien

1034
Article 92 in fine de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013. Il s'agit de la proposition de Professeur
Télesphore Kavundja lors de la conception du projet de cette loi à la Commission permanente de réforme
de droit congolais en septembre 2006.
1035
Article 45, § 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme; Voyez également DE LEVAL et F.
GEORGES, Droit judiciaire Tome I. Institutions judiciaires et éléments de compétence, Bruxelles, 2ème
éd. Larcier, 2014, n° 264, p. 216.
420

du rang le moins élevé donne son avis le premier ; le président le dernier1036. Les décisions
sont prises à la majorité des voix. Toutefois en matière répressive, s’il se forme plus de deux
opinions dans le délibéré, le juge qui a émis l’opinion la moins favorable au prévenu, est tenu
de se rallier à l’une de deux autres opinions1037.

Le droit pénal congolais, hérité du droit pénal belge, lui aussi hérité du droit pénal français,
ne prévoit pas, à la différence du droit anglo-américain et celui des juridictions
internationales, l'expression des opinions minoritaires ou dissidentes. Par ce mécanisme,
l'opinion dissidente ou individuelle ou minoritaire du magistrat contraire aux opinions des
autres lors du délibéré est intégralement reproduite à la fin de l'arrêt ou jugement. C'est le
système qui a été prévu pour les arrêts de la Cour constitutionnelle1038.

IV. L'objet du délibéré

1. Délibération sur les questions préliminaires

La juridiction de jugement peut avoir à trancher certaines questions préliminaires qu'elle


examine soit avant même d'avoir procédé aux débats sur le fond, soit après ceux-ci si elle a
décidé que l'incident était joints au fond, mais avant de statuer sur la culpabilité. Il en est ainsi
de nombreux incidents juridiques portant sur la régularité de la citation, la recevabilité de la
constitution de partie civile, la nullité d'un acte d'instruction, la compétence du tribunal saisi,
la prescription de l'action publique, etc. Nous avons dit sur quoi peuvent porter ces incidents
et à quel moment ils peuvent être soulevés.

En principe, le tribunal doit joindre l'exception au fond les incidents et exception dont il est
saisi, et y statuer par un seul et même jugement en se prononçant en premier lieu sur les
exceptions et ensuite sur le fond. Il en va différemment concernant l'exception d'ordre public
(amnistie, abrogation de la loi pénale ou dépénalisation, prescription de l'action publique,
chose jugée, décès du prévenu, immunités pénales et l'incompétence); dans ce cas, les juges
pourront délibérer sur ces exceptions et si c'est fondé, ils ne pourront pas délibérer sur le fond.
Le jugement dans ces conditions se prononcera sur ces exceptions en mentionnant par
exemple que l'action publique est éteinte ou la juridiction est incompétente. Par contre, si les
exceptions d'ordre public ne sont pas fondées, ils pourront également délibérer sur le fond.

Les questions préliminaires peuvent s'agir également de questions de fait, telles que
l'opportunité de mise en liberté du prévenu en détention préventive, ou d'une mesure
d'instruction complémentaire, telle que descente sur les lieux, commission rogatoire, etc.

1036
Article 41 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1037
Article 42 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1038
Article 92 in fine de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
421

2. Délibération sur les moyens de preuve et force probante

En principe, tous les moyens de preuve autorisés par la loi ont la même force probante:
écrits, aveux, témoignages, indices résultant des constatations faites directement ou par
expertise des pièces à conviction, etc. et les juges de fond les apprécient souverainement. La
règle de l'intime conviction s'applique devant toutes les juridictions répressives. On
rappellera, toutefois, que la loi attache une force probante exceptionnelle à certains procès-
verbaux.

La conviction des juges pourra être épuisée dans les constatations faites sur les lieux, et
notamment dans l'examen des pièces à conviction qui y auront été saisies. Si celles-ci
proviennent de perquisitions, elles ne peuvent être produites qu'autant que cette perquisition a
été régulière.

L'interrogatoire du prévenu peut fournir au juge des éléments de conviction dans un sens ou
dans l'autre, même si l'intéressé est revenu sur ses déclarations. L'aveu n'est plus la reine des
preuves car il ne correspond pas nécessairement à la vérité. Il est comme les autres éléments
de preuves laissé à l'appréciation des juges. Au surplus, l'aveu passé au cours d'une procédure
annulée ne peut être pris en considération. Par contre, l'aveu n'est pas indivisible en procédure
pénale.

L'aveu n'est nullement nécessaire pour confondre un coupable, et la condamnation pourrait


reposer sur de simples indices et présomptions de l'homme si ceux-ci ont entraîné la
conviction du juge. Leur utilisation est très fréquente1039, notamment pour la preuve des
éléments psychologiques, en dépit de la fragilité qu'ils présentent parfois. Le progrès des
expertises scientifiques contribue cependant à leur donner plus de poids, sans pour autant lier
le juge ni en droit ni en fait.

La conviction peut être tirée aussi bien des éléments réunis au cours de l'enquête
préliminaire ou l'instruction préparatoire que lors des débats à l'audience du tribunal. Le juge
peut s'appuyer même sur les déclarations des coprévenus si elles lui paraissent convaincantes.
Le juge ne peut cependant, appuyer sa conviction que sur des éléments versés aux débats et
soumis à la libre discussion des parties et non sur des faits connus de lui seul ou sur des
documents non communiqués à l'adversaire.

Si la juridiction n'a pas acquis la conviction de la culpabilité mais qu'elle pense que celle-ci
pourrait être acquise par des investigations plus approfondies, elle peut ordonner des mesures
d'instructions complémentaires. Elle peut par exemple faire citer un témoin pour aune
audience ultérieure, ordonner l'apport de certaines pièces ou prescrire une autre expertise.

S'il est nécessaire de procéder à une série d'opérations complexes (pouvant comprendre au
besoin, des constatations hors du ressort), la juridiction de jugement peut décider qu'il sera

1039
P. GARRAUD, La preuve par indices dans le procès pénal, thèse, Lyon, 1913.
422

procéder à une commission rogatoire. Elle apprécie souverainement l'opportunité de cette


mesure, mais elle ne doit pas relaxer le prévenu en faisant état de l'incertitude résultant des
mesures d'instruction entreprises sans constater qu'aucune mesure complémentaire ne
permettrait de parvenir à la manifestation de la vérité.

Les résultats de cette instruction complémentaire seront soumis à la vérification


contradictoire en ce sens que le tribunal va de nouveau interroger le prévenu et entendre les
témoins sur base de ces résultats.

3. Délibération sur la culpabilité

Il s'agit de savoir si le prévenu a réellement participé aux faits qui lui sont reprochés, et la
mesure exacte de sa participation. Les membres de la juridiction de jugement se décideront
sur ce point d'après les preuves qui auront, été produites devant les juges du fond, même pour
la première fois en appel; à la condition que les moyens de preuve produits n'aient pas été
irrégulièrement obtenus. En principe, la charge de la preuve incombe au ministère public, le
prévenu est présumé innocent et le moindre doute lui profite.

Les juges vont d'abord délibérer sur la qualification des faits, de l'infraction et sur la
culpabilité. Ils peuvent ainsi disqualifier l'infraction à charge du prévenu retenue dans l'acte
saisissant la juridiction en la requalifiant sous une autre qualification. Exemple: l'acte
saisissant le tribunal à charge de Mr Malikidogo concerne l'infraction d'abus de confiance,
mais lors de délibéré, les membres de la juridiction constatent qu'il s'agit de l'escroquerie, ils
peuvent donc disqualifier l'abus de confiance (article 95 du Code pénal congolais Livre II) en
retenant comme qualification l'escroquerie (article 98 du Code pénal congolais Livre II).

S'agissant de la culpabilité, les juges pourront délibérer en se basant sur les éléments
constitutifs de l'infraction à charge du prévenu, les éventuelles circonstances aggravantes ou
atténuantes, les règles sur la tentative et la complicité.

4. Délibération sur la peine

Lorsque la culpabilité du prévenu a été reconnue, il convient d'examiner quelle peine doit
être prononcée, en fonction des faits dont a été déclarée coupable et de la responsabilité qui
lui été reconnue dans ces faits. L'hypothèse d'une peine fixe étant exceptionnelle, la
juridiction aura à choisir la peine entre les limites légales qui résultent du parti qu'elle a pris
sur la culpabilité; elle devra respecter le minimum légal et le maximum légal, compte tenu de
l'existence éventuelles des circonstances, et de l'état de récidive possible du condamné, des
éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes, les règles sur la tentative et la
complicité, etc.

Ce choix devra se faire en fonction de la personnalité du délinquant en même temps que de


la gravité de l'infraction, de façon à tenir compte aussi complètement et équitablement que
423

possible des buts d'intimidation, de rétribution et de réadaptation que la peine doit remplir1040.
Le respect des limites légales sera assuré par les voies de recours.

La délibération sur la peine suit d'ailleurs immédiatement la délibération sur la culpabilité,


et fait corps avec elle. Dans toutes les juridictions de jugement, c'est une seule et même
délibération qui porte successivement sur les deux points: la culpabilité d'abord et la peine
ensuite. La peine prononcée sera celle qui aura recueilli la majorité des voix. A défaut, on
appliquera la moyenne des voix exprimées.

Exemple: le prévenu Malikidogo est jugé par le TGI de Goma pour l'infraction de viol simple
punissable entre 5 à 20 ans de SPP (article 170 du Code pénal congolais Livre II). Lors du
délibéré sur la peine, le premier juge propose la peine de 5 ans, le deuxième, la peine de 10
ans et le président de chambre, propose le maximum, soit 20 ans. Comme il n'y a pas de
majorité des voix qui s'est dégagée sur une seule peine; dans ce cas, on fera la moyenne des
voix exprimées. On fera le total de toutes les voix exprimées et les diviser par trois. Ainsi,
5+10+20 égale 35 divisé par 3 égale 11,6; on arrondi au chiffre plus favorable au prévenu, ce
qui donne 11. Ce qui signifie que le prévenu Malikidogo sera condamné à une peine de 11 ans
d'emprisonnement.

La délibération sur la peine aboutit à une décision au fond: acquittement (relaxe),


condamnation à l'emprisonnement avec ou sans sursis ou des peines autres que
l'emprisonnement (amende). A l'égard des prévenus auteurs des infractions graves et
présentant une certaine dangerosité, les juges peuvent, outre la peine principale, retenir
l'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine région, la résidence imposée dans
un lieu déterminé et la mise à la disposition de la surveillance du gouvernement ( articles 5,
14 a) à 14 k) du Code pénal congolais Livre II).

Après la délibération sur la peine, un procès-verbal du délibéré sera élaboré mais sans
indiquer la proposition de la peine de chaque juge nommément désigné afin de respecter le
caractère secret du délibéré. Il est conseillé de mettre: proposition du premier juge, du
deuxième juge et du troisième juge.

5. Délibération sur les intérêts civils

Devant les juridictions pénales, le délibéré sur les intérêts civils fait suite immédiatement à
celui qui concerne l'action publique. Les résultats du délibéré sur l'action civile sont la
condamnation au paiement des dommages et intérêts, aux frais et aux restitutions. Par
restitutions, il faut entendre la remise au propriétaire des pièces qui avaient été saisies par le
juge pour les besoins des investigations et des objets sur lesquels portait l'infraction (par
exemple, meuble volé), une telle restitution ne pouvant concerner que les choses mêmes
obtenues frauduleusement et non celles qui auraient été acquises ensuite par le délinquante
avec le prix des choses volées ou détournées. La notion de restitution inclut aussi l'ensemble
1040
M. JAMBU, "Le rôle du tribunal dans l'application et de la détermination des peines", Revue pénitentiaire,
1974, p. 485.
424

des mesures destinées à faire cesser la situation de fait née d'un acte déclaré faux, fermeture
d'un établissement ouvert ou exploité illégalement.

Le délibéré peut décider de condamner l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la


somme qu'il détermine au titre des dommages. Le délibéré devra décider en équité, en tenant
compte du revenu du prévenu. Le délibéré peut aussi statuer sur les restitutions, sur demande
d'une partie ou d'un tiers.

6. Délibération sur la destination des objets saisis et la destination du cautionnement

La destination des objets saisis doit toujours être décidée au délibéré. Les juges pourront
ainsi décider lors du délibéré le sort des objets saisis: doivent-ils être restitués à son
propriétaire ou être confisqués au profit de l'Etat. Si ces objets (armes) ont servi à la
commission de l'infraction, ils devront être confisqués au profit de l'Etat. Si par contre, il n'en
avait pas été le cas et que le propriétaire de ces objets est connu, ils pourront être restitués à
son propriétaire.

S'agissant du cautionnement, le tribunal n'aura à délibérer sur la destination du


cautionnement que dans le seul cas où le prévenu se présente à l'audience en état de liberté
provisoire1041.

SECTION 2: LE PRONONCE DE JUGEMENT

§ 1. Notions de jugement

Le jugement constitue un concept générique qui désigne toute décision prise par le collège
des magistrats ou par un magistrat statuant comme juge unique. Plus particulièrement, il
désigne les décisions rendues par le tribunal de paix, le tribunal de grande instance, le
tribunal de commerce, le tribunal de travail, le tribunal pour enfants et le tribunal
administratif. Lorsque le jugement est prononcé par une juridiction élevée, on l'appelle arrêt.
C'est le cas des arrêts rendus par la Cour d'appel, la Cour de cassation et la Cour
constitutionnelle. Mais dans les développements qui suivent, nous utilisons le mot
"jugement" pour dire qu'il s'agit soit celui rendu par le tribunal soit par une Cour.

Dans le langage courant, le mot « jugement » renvoie à toute décision rendue par une
juridiction du premier degré qui ordonne de payer, de faire ou de ne pas faire ou encore qui
prend une mesure d’instruction ou d’exécution. Cependant, au point de vue du vocabulaire
appartenant à la technique juridique, les juges de l’ordre judiciaire sont appelés à rendre
différents types des décisions qui portent des appellations différentes.

Outre les jugements, les juges rendent des ordonnances. Celles-ci sont prises par le juge
président lorsque ce dernier doit statuer sur requête. En revanche, le mot «ordonnance»

1041
Article 84 du Code de procédure pénale.
425

reste attaché aux décisions par lesquelles le juge statue au provisoire ou encore celles au
moyen desquels il prend des mesures d’administration judiciaire.

§ 2. Objet du jugement

Lorsqu'elle se prononce sur l'action publique et qu'elle entend condamner le prévenu, la


juridiction de jugement doit examiner successivement les points suivants:
- la régularité de la saisine;- sa compétence;
- les causes d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique;
- les causes de nullité et les questions relatives à la recevabilité des preuves;
- la valeur probante des preuves et l'établissement de la culpabilité au-delà de tout doute
raisonnable;
- le cas échéant, la peine ou la mesure alternative à prononcer;
- la condamnation aux frais de justice.

Le juge pénal doit statuer par une seule et même décision sur la culpabilité et la sanction
éventuelle à appliquer. Le jugement doit statuer sur tout ce dont est saisi le juge. Le juge
répressif doit décider si la prévention est établie, mais il ne peut statuer que sur les faits dont il
été saisi par la citation ou la décision de renvoi, même s'il peut modifier la qualification, à
moins que le prévenu ait consenti à comparaître pour d'autres faits. Il doit nécessairement
qualifier les faits, sans être lié par la qualification retenue dans la décision de renvoi ou dans
la citation directe. Le jugement doit enfin en tirer les conséquences au point de vue pénal en
prononçant l'acquittement ou la condamnation. Sans doute le juge du fond doit-il examiner les
faits incriminés sous toutes les qualifications qu'il peut recevoir et retenir toutes les infractions
qu'ils constituent en cas de concours réel ou matériel, soit la qualification la plus élevée en cas
de concours idéal, mais il ne lui est pas permis à cette fin de faire état de faits dont il n'a pas
été régulièrement saisi1042.

§ 3. Contenu du jugement

Pour la rédaction matérielle des jugements, le juge est appelé tout d’abord à exposer les
prétentions des parties et leurs moyens. Cette partie est appelée « la motivation », « les
motifs » ou encore « les attendus ». Elle permet au juge d’expliquer les raisons en fait et en
droit de sa décision tout en relevant les points essentiels du dossier et les éléments du débat
qui ont emporté sa conviction. Aussi, permet-elle aux parties de vérifier que leur cause a été
soigneusement examinée. L’on considère qu’en principe, tout jugement ou arrêt doit être
impérativement motivé à la fois en fait et en droit. Cette partie est appelée « le motif ».

Il existe également "le dispositif". C'est la partie du jugement ou d’un arrêt située après
la locution « par ce motif » qui contient la décision proprement dite: les dispositions du code
pénal violées, la procédure contradictoire ou par défaut, la culpabilité ou nom du prévenu, la
peine prononcée ou l'acquittement, les dommages et intérêts retenus ou pas, la partie qui devra

1042
G. SCHUIND, Traité de droit criminel, Bruxelles, 4 ème éd. Bruylant, 1981, p. 837.
426

payer les frais d'instance ou l'Etat, les noms des juges, ministère public et greffier, ayant siégé
à l'audience du prononcé du jugement.

Cependant, il n’existe pas de règles écrites relativement à la rédaction formelle des


jugements. L’usage s’est établi que toute décision de justice doit être constituée d’une seule et
même phrase ayant le même sujet placé en tête de la décision qui est le tribunal. Cette phrase
comporte donc des propositions subordonnées qui s’enchaînent en commençant par « attendu
que » (avec A majuscule). Elles se terminent par un point virgule. La locution « attendu que
… » exprime un des motifs de la décision. Certaines d’entre ces phrases débutent par « Que ».
Bien que cela ne soit pas la règle, le « que » n’exprime le plus souvent qu’une conséquence
de la phrase précédente dont le texte a débuté par un « attendu… ».

I. Les motifs du jugement

Les motifs des jugements sont les raisons qui ont déterminé la conviction du magistrat et l'ont
déterminé à prononcer dans le sens qu'il adopté; c'est la base de la décision. L’article 87 du Code
de procédure pénale impose les mentions que tout jugement doit contenir. Il prévoit que les
jugements contiennent l'indication des faits mis à charge du prévenu, un exposé sommaire des
actes de poursuite et de procédure à l'audience, les conclusions éventuelles des parties, les
motifs et le dispositif. La pratique judiciaire y a ajoute d’autres mentions.

1. Le préambule du jugement

C’est dans cette partie du jugement que rédige le greffier et il y a les indications
suivantes :
- Les noms des parties ;
- Les rétroactes au point de vue procédural ;
- Modalité de saisine de la juridiction;
- Remises obtenues ;
- Diverses audiences tenues ;
- La procédure devant les premiers juges (s’agissant d’un jugement de second degré) - Les
conclusions des parties.

2. Identités des parties

Le prévenu et la partie civilement responsable doivent être identifiés de manière non


équivoque. C’est pour permettre l’exécution du jugement de condamnation et l’exercice des
voies de recours sans compter que cette identité reste nécessaire pour l’établissement de
l’autorité de la chose jugée. La loi n’impose pas les éléments de l’identité. L’usage est
cependant de compter parmi les éléments d’identité, les noms de père et mère et
éventuellement le nom du conjoint, l’indication de la profession, la province d’origine, ainsi
que le territoire et la localité et enfin le lieu de résidence.
427

3. Les faits de la prévention, la qualification

L’indication du texte légal violé en-tête du jugement reprend les faits de la prévention
faisant référence, la modalité par laquelle la juridiction a été saisie. La qualification se fait
par l’indication du texte légal violé. Il est de pratique de reproduire textuellement les
articles du Code pénal qui ont été violés.

4. Les conclusions des parties

Les prétentions de la partie civile doivent figurer dans le jugement. De cette manière, il
est permis de fixer la saisine civile du tribunal répressif, les conclusions développées par le
prévenu et la partie civilement responsable, soit qu'elles soulèvent des exceptions, soit
qu'elles invoquent des défenses au fond, doivent également être mentionnées, car le
jugement, dans sa motivation, doit rencontrer les moyens qui y sont présentés. Les termes et
les fins des plaidoiries ne doivent pas être repris en détail dans le jugement. En cas de
plaidoirie, le jugement doit mentionner les arguments de toutes les parties et les réponses
données par le tribunal à chaque moyen soulevé (en s'appuyant sur les sources de droit: loi,
jurisprudence, principes généraux de droit, doctrine, etc.).

5. La motivation

a) Notions
L’exigence de la motivation est une obligation constitutionnelle1043. L’article 87 du Code
de procédure pénale n’a fait que reprendre l’esprit du constituant. La motivation est l'âme
des jugements, l'arme contre l'arbitraire, la clef de la cohérence des jugements et, par là
même, du contrôle de la Cour de cassation1044. La motivation précède le dispositif. Elle
consiste en l'indication des raisons qui ont déterminé le juge à prendre sa décision. Il s'agit de
l'exposé des raisons de droit et de fait que le juge donne en vue de justifier la décision, c'est-à-
dire le dispositif. Les motifs doivent permettre de discerner les raisons pour lesquelles le juge a
tranché le litige comme il l'a fait. Il faut donc que le motif soit clair, non ambigu et pertinent1045.

La motivation est importante dans la mesure où elle oblige le juge à rendre compte des
raisons de sa décision; elle permet aussi aux parties de comprendre le sort qui a été réservé à
leurs prétentions, notamment dans l'optique de l'exercice éventuel d'une voie de recours;
cette motivation permet enfin le contrôle de la juridiction d'appel et de la Cour de cassation
qui seraient saisies du dossier par le biais des voies de recours.

La motivation répond aux fonctions suivantes:


- le juge est forcé de rendre à lui-même compte de ses raisons. Une chose est de délibérer
collégialement, une autre de mettre sur papier pourquoi telle ou telle défense est écartée;

1043
Article 21 de la Constitution du 18 février 2006.
1044
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2295, p. 1155.
1045
J. DE CODT, De nullités de l'instruction et du jugement, Bruxelles, éd. Larcier, 2006, p. 201.
428

- les destinataires doivent être informés des raisons de son choix. C'est la fonction
d'explication du jugement;
- En cas de recours, il est nécessaire de donner aux juges d'appel le moyen d'apprécier en fait et
en droit la décision entreprise ou de mettre la Cour de cassation en mesure de contrôler si la
décision est conforme au droit. Cela ne justifie pas pour autant que le juge d'appel puisse se
limiter à motiver sa décision à l'aide de formules éprouvées en vue d'éviter la cassation: la
valeur d'un jugement s'apprécie également à l'aune d'autres critères1046.

Tout jugement et arrêt, qu'il soit rendu sur incident ou sur le fond, doit être motivé; seuls les
motifs dont on déduit une conséquence juridique retiendront l'attention de la Cour de cassation.
Une décision non motivée, ou insuffisamment motivée, une absence de motifs, leur contrariété,
insuffisance, obscurité ou ambiguïté, entraîne cassation. Il en est de même en cas de contrariété
entre les motifs et le dispositif. La décision ne peut non plus se borner à la reproduction des
termes du texte de dispositions pénales sans préciser aucun faits matériels constatés qui en
justifient l'application, ni utiliser une formule préimprimée.

Par contre, une motivation sommaire peut être suffisante si elle constitue une justification
adéquate du dispositif. Les motivations inadéquates, erronées ou incomplètes peuvent être
sanctionnées par la Cour de cassation pour violation de la norme ainsi mal comprise,
l'obligation de bien motiver ou de motiver de la manière pertinente s'appréciant par rapport aux
normes juridiques appliquées. Une motivation qui induit des conséquences erronées en droit
n'implique pas un défaut de motivation mais une violation de la loi. Un jugement ou arrêt est
motivé au sens de l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006 lorsque le juge indique
clairement et sans équivoque les raisons, fussent-elles sommaires, qui l'ont déterminé à statuer
comme il l'a fait.

La motivation porte aussi bien sur le fait que sur le droit. Tout jugement doit énoncer le fait
pour lequel il condamne et déclarer la prévention établie dans les termes de la loi. Il est
indispensable pour qu'une condamnation soit légale qu'elle constate l'existence des éléments
de fait et de droit constitutifs de l'infraction, à défaut de quoi elle sera susceptible d'être cassée
pour violation de l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006. Par exemple, une
condamnation pour port illégal d'arme de guerre requiert la constatation du fait que le port de
l'arme en question est prohibé par la loi. L'arrêt ou le jugement qui prononce une peine doit
constater l'existence de toutes les conditions aux quelles la loi subordonne l'application de
cette peine.

b) La motivation en fait

La juridiction doit justifier si elle considère les faits comme établis ou non. Elle indique, le
cas échéant, les circonstances aggravantes. Dans la discussion des faits, la juridiction fait appel
aux données de l’instruction préparatoire ainsi qu’aux éléments d’information recueillis au

1046
P. MAFFEL, "La motivation des décisions judiciaires en matière répressive et son contrôle par la Cour de
cassation de Belgique", Revue de droit pénal et criminologie, 2009, p. 890.
429

cours de l’instruction à l’audience. Il peut arriver que la juridiction se trouvant en face des
faits confus, ait recours à un raisonnement logique ou se base sur des présomptions
constantes, graves et concordantes. Le jugement doit indiquer les circonstances atténuantes
soit pour justifier sa compétence soit pour retenir le minimum légal de la peine prévue par la
loi.
L'indication de circonstances atténuantes doit évidemment refléter une donnée objective de
l'instruction, elle doit démontrer sur quoi se fonde la caractère de cette circonstance atténuante.
Lorsque le jugement porte une peine plus ou moins sévère dans les limites du minimum et du
maximum légal, le jugement doit motiver la clémence ou la rigueur.

c) La motivation en droit
c.1. Généralités

Le jugement doit justifier si les faits tels que libellés dans la prévention rentrent dans
l’hypothèse légale. En d’autres termes, il doit démontrer que les éléments constitutifs de
l’infraction se trouvent réunis. Le jugement se doit également de rencontrer les prétentions
de droit qui lui sont soumises par réquisitions, conclusions ou exceptions. Ainsi, le jugement
doit mentionner les arguments de toutes les parties et les réponses données par le tribunal à
chaque moyen soulevé (en s'appuyant sur les sources de droit: loi, jurisprudence, principes
généraux de droit, doctrine, etc.). La décision doit répondre explicitement ou implicitement à
toutes les demandes, les exceptions et les moyens, formulés par les parties et le ministère
public. Le juge doit les examiner un à un. Elle ne doit pas contenir des contradictions. La
motivation doit correspondre aussi à chacun des prévenus poursuivis.

Le jugement doit également statuer sur les réquisitions du ministère public et les moyens
soulevés par les parties en termes de conclusions. Doit être considéré comme conclusions tout
écrit, quel qu'en soit l'intitulé, signé par la partie ou son avocat soumis au juge au cours des
débats à l'audience, dont il est régulièrement constaté que le juge a eu connaissance et dans
lequel sont formulés des moyens à l'appui d'une demande, d'une défense ou d'une exception.
Toutefois un écrit intitulé note et non signé, mais qui, suivant les mentions du procès-verbal, a
été soumis au juge par une partie ou son conseil, qui est visé et signé par le greffier et qui
invoque un moyen à l'appui d'une demande, d'une défense ou d'une exception, constitue un
écrit de conclusions auquel il doit être répondu. Le dépôt d'un écrit de conclusions est constaté
de façon certaine par la signature du président ou du greffier, apposée sur cet écrit sous la
mention de la date de l'audience à laquelle l'affaire a été instruite. Par contre, ne constitue pas
des conclusions une note d'audience non signée contenant simplement des affirmations.

Les réquisitions et les conclusions peuvent aussi être prises oralement à l'audience et être
actées au procès verbal d'audience; à défaut d'être actées, le juge n'est pas tenu d'y répondre.
Le jugement doit contenir en lui-même la preuve de sa légalité, la justification que toutes les
formes qui le constituent ont été accomplies.

Le juge ne peut cependant fonder sa décision sur des moyens qui n'ont pas été soulevés par
les parties, sans leur donner l'occasion de se défendre à ce propos, le cas échéant en ordonnant
430

une réouverture des débats. De même il n'y a aucune obligation pour le juge de répondre à de
simples conclusions verbales non actées au procès-verbal d'audience ou aux moyens soulevés
seulement en termes de plaidoiries. La Cour de cassation devrait sanctionner de nullité, tout
jugement ou arrêt qui ne répond pas, à tout le moins implicitement, aux demandes et moyens
des parties ou du ministère public.

Lorsque le juge statue en degré d'appel, il peut se limiter à se référer aux motifs énoncés par
le premier juge sans être obligé de les reproduire, mais si ces motifs sont vicié, le juge d'appel
se les approprie et sa décision sera sujette à cassation. Le juge doit montrer les raisons
concrètes de la condamnation ou de l'acquittement, et en appel, de sa confirmation ou de sa
réformation.

L'obligation de motiver le jugement est méconnue lorsque:


- il n'y a pas de motif;
- il y a des motifs, mais qui se contredisent;
- il y a des motifs, mais qui sont ambigus;
- il n'y a pas de réponse aux conclusions1047.

c.2. L'indication des dispositions applicables

En matière pénale, pour être motivée conformément à l'article 21 de la Constitution du


18 février 2006, la décision doit indiquer les dispositions légales qui déterminent les
éléments constitutifs de l'infraction mise à charge du prévenu et celles qui édictent la peine.
En conséquence, l'absence de la mention de la disposition légale qui définit l'élément moral
de l'infraction peut être censurée par la Cour de cassation. L'indication des dispositions
légales applicables peut avoir lieu dans le préambule de la décision, dans les motifs, par
référence au réquisitoire du ministère public et en reprenant les préventions de la citation
comprennent l'indication des textes légaux applicables.

c.3. La motivation sur la culpabilité

L'obligation de motiver une décision judiciaire constitue une garantie contre l'arbitraire et
participe à l'exercice des droits de la défense. La motivation doit obliger le juge à prendre
du recul, à bien peser sa décision et à permettre aux parties de comprendre le pourquoi de la
décision. Elle donne également l'occasion aux juges d'appel et à la Cour de cassation
d'exercer leurs contrôles. L'obligation de motivation implique que le juge doit fonder sa
décision sur les motifs qui sont propres à la cause et dont il doit rendre compte. Après avoir
apprécié la question de la culpabilité, le juge peut tenir compte de tous les éléments propres
à la personne du prévenu à la condition qu'ils aient été soumis à la contradiction et qu'il ne
sanctionne pas la manière dont le prévenu a présenté sa défense.

1047
J. DE CODT, De nullités de l'instruction et du jugement, Bruxelles, éd. Larcier, 2006, p. 202.
431

En l'absence de conclusions, le jugement pénal est motivé régulièrement lorsqu'il déclare le


prévenu coupable du chef du fait punissable qualifié et suffisamment précisé dans les termes
de la loi pénale. La décision rendue sur l'action publique doit mettre en avant les considérations
ayant convaincu le juge de la culpabilité ou de l'innocence du prévenu et indiquer au moins les
principales raisons pour lesquelles la prévention a été déclarée établie ou non et ce, même à
l'absence de conclusions. Lorsque les faits sont contestés, le juge est tenu de motiver sa
décision de culpabilité en donnant, à tout le moins de façon concrète et succincte, les raisons
principales de sa décision et ce, indépendamment du dépôt ou non de conclusions.

En cas de dépôt de conclusions, le juge doit y répondre de manière adéquate. La notion de


conclusion recouvre tout écrit, quel qu'en soit l'intitulé, signé par la partie ou son avocat,
soumis au juge au cours des débats à l'audience, dont il est régulièrement constaté que le juge a
eu connaissance et dans lequel elle formule des moyens à l'appui d'une demande, d'une défense
ou d'une exception. Le juge n'est tenu de répondre qu'aux véritables moyens, c'est-à-dire à
l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte ou d'un texte de d'où, par un raisonnement
juridique, cette partie prétend déduire le bien fondé d'une demande, d'une défense ou d'une
exception. Le juge pénal est en effet tenu de d'apprécier l'action publique uniquement sur la
base des pièces qui ont régulièrement produites et qui ont été soumises à la contradiction des
parties.

N'est pas adéquate, une réponse insuffisante, imprécise, obscure ou entachée de


contradiction. L'ambiguïté de la motivation d'une décision judiciaire s'entend du motif
susceptible de deux interprétations, l'une dans laquelle le considérant critiqué est légal et l'autre
dans laquelle il ne l'est pas. Lorsqu'il existe une contradiction entre les motifs et le dispositif de
la décision, le jugement n'est pas régulièrement motivé.

c.4. La motivation de la peine

Il appartient au juge de motiver non seulement sa décision de condamnation, mais aussi la


peine et le taux de la peine retenus. Il doit indiquer les raisons du choix qu'il fait de telle peine
ou mesure parmi celles que la loi lui permet de prononcer sans pour autant devoir le faire par
des motifs distincts et différents. Les dispositions relatives à la motivation des peines et des
mesures qu'ils prononcent ont pour objectif d'obliger les juges, dans la ligne d'une
individualisation et d'une diversification des sanctions, d'envisager toutes les peines possibles
et, de façon plus particulière, les alternatives aux peines privatives de liberté. La peine est
motivée aux yeux de la loi lorsque la décision révèle, de manière succincte mais précise, les
raisons du choix et du degré de la sanction, sans le juge du fond ne doive indiquer en outre
pourquoi il écarte les motifs qui auraient pu le conduire à une appréciation différente.

En règle, pour déterminer le choix et le taux de la peine à appliquer, le juge ne peut tenir
compte que des faits qui font ou ont fait l'objet de l'action publique et qui ont été déclarés
établis. Pour se prononcer sur la peine à infliger, le juge peut avoir égard aux différents
éléments de la cause, notamment les éléments relatifs à la personnalité du prévenu, tels que
432

l'existence des antécédents judiciaires, ses chances d'amendement, sa situation sociale et


familiale, ou même tout autre renseignement complémentaire le concernant recueilli
régulièrement1048. Bien entendu, les éléments de fait retenus par le juge dans ses motifs doivent
résulter des débats et avoir été soumis à la contradiction des parties.

Dès lors que le juge du fond dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la détermination
du taux concret de la peine entre un maximum et un minimum fixés par la loi, le juge peut et
même doit prendre en compte tous les éléments de fait, propres à la cause et à la personnalité
du prévenu, qui, non expressément prévus par la loi, justifient à ses yeux, l'application de la
peine concrète qu'il entend infliger pour autant que celle-ci se situe dans les limites fixées par
la loi1049.

La motivation de la peine ne peut se résumer à la gravité des faits ni à des formules de style
stéréotypées. Le juge pénal est tenu d'indiquer explicitement dans son jugement la décision
qu'il prend; il ne peut se borner à renvoyer au dispositif d'une décision antérieure. Ainsi, en cas
de condamnation, le juge est tenu d'indiquer la peine qu'il prononce et ne peut se contenter de
confirmer la ou les peines infligées sans les énoncer dans sa décision. De même, la
détermination d'une peine ne dépend pas uniquement de l'application des circonstances
aggravantes légales; il est au pouvoir du juge du fond de retenir, à titre de circonstance
aggravante judiciaire, tout élément de fait qui, non expressément prévu par la loi, révèle la
gravité particulière de l'infraction ou la perversité spéciale de son auteur et justifie l'application
d'une peine ne dépassant pas les limites de celle fixée pour l'infraction.

En outre, il doit justifier le degré de chacune des peines ou mesures prononcées; sous cet
angle, la seule référence à la gravité des faits paraît insuffisante. L'obligation de motivation
s'applique également aux peines accessoires. Lorsque le prévenu a déposé des conclusions
contenant une demande de sursis, le juge d'appel y répond régulièrement en prononçant une
peine dont il indique les motifs.

Lorsque le juge condamne le prévenu à une peine privative de liberté en constatant l'état de
récidive, il est tenu d'indiquer expressément la condamnation qui est à la base de la récidive.
Cette condition est exigée pour que l'état de récidive soit retenu dans le cadre du calcul de la
date d'admissibilité à la libération conditionnelle.

Enfin, lorsque le juge condamne à une peine d'amende, il tiendra compte, pour la
détermination du montant, des éléments invoqués par le prévenu eu égard à sa situation
sociale, et qu'il peut prononcer une peine inférieure au minimum légal, si le contrevenant

1048
F. KUTY, "Le principe général de la liberté d'organisation de la défense et la motivation des peines", JLMB,
1998, p. 669.
1049
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Tome II. Le
jugement, les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1280.
433

soumet un document quelconque qui apporte la preuve de sa situation financière


précaire1050.

c.5. Les condamnations d'office

Dans certaines matières, la loi impose au juge de prononcer des condamnations d'office
dès l'instant où celui-ci constate l'existence d'une infraction à la loi pénale, et ce à titre de
complément de peine.
Exemples:

II. Le dispositif du jugement

Dans le dispositif est mentionnée la décision conséquente que prend la juridiction


saisie face aux différentes prétentions soumises à son attention. Le dispositif de la décision de
condamnation doit énoncer les infractions dont les personnes citées sont déclarées coupables
(pénalement) ou responsables (civilement), les peines et leurs modalités ainsi que les
condamnations civiles prononcées. Il doit contenir également les textes de loi dont a été fait
application, préciser la condamnation des frais et dépens ou à défaut la peine de contrainte par
corps. Comme les motifs, le dispositif doit rencontrer chaque chef de demande ou d'exception,
soit explicitement, soit à tout le moins implicitement1051.

1. La réponse à une question préliminaire et préalable

Ici, la juridiction répond soit par un jugement avant dire droit sur incident, soit dans le
corps même du jugement au fond.

2. L’action publique

Avant même de se prononcer sur l'action publique, la juridiction pénale de jugement doit
examiner les exceptions de nullité de la procédure, pour dire si celle-ci est régulière. Le
jugement doit se prononcer sur les faits, les déclarer établis ou non. Si les faits sont établis,
dire sous quel texte légal ils tombent et préciser les circonstances aggravantes éventuelles.
S’il a des circonstances atténuantes à retenir, le jugement les indique. Le jugement se
prononce sur les peines principales et accessoires ou sur l’acquittement. En cas de
condamnation à une peine d’amende, le jugement doit prononcer une peine
d’emprisonnement subsidiaire qui sera due en cas de non-paiement.

Le jugement de condamnation fixe la peine appliquée au prévenu. En effet, toute infraction


établie entraîne à l'encontre du coupable, une peine principale, à laquelle peuvent s'ajouter

1050
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Tome II. Le
jugement, les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1283.
1051
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET , Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 829.
434

parfois des peines complémentaires (obligatoires ou facultatives) et d'où découlent parfois,


des peines accessoires.

Par le jugement d'acquittement, l'action publique intentée contre le prévenu est jugée non
fondée. Celle-ci est renvoyée à la fin de poursuite sans peine, amende ni frais. Cela signifie
que si le prévenu était détenu, il est immédiatement libéré. Cette décision peut être fondée sur
des raisons de droit (si l'action publique est éteinte). Elle peut également être fondée sur des
considérations de fait, si la juridiction a estimé que la preuve de la culpabilité du prévenu
n'avait pas été rapportée. Le doute suffit à cet égard, pour justifier l'acquittement, peu importe
l'élément constitutif de l'infraction sur lequel porte ce doute.

Quelle que soit la motivation invoquée pour justifier l’acquittement (faits non établis, faits
non infractionnels, existence d’une cause de justification ou de non imputabilité, et.), le
jugement d’acquittement doit toujours aboutir au renvoi mettant définitivement fin à l’action
publique : en cas d’acquittement, le prévenu qui est en détention, doit être remis en liberté
dès le prononcé du jugement, nonobstant l’appel du ministère public sauf s’il doit être détenu
pour d’autres causes1052.

L’article 103 du Code de procédure pénale dit: «le prévenu qui était en état de détention
au moment du jugement ou « dont l’arrestation immédiate a été ordonnée par le jugement,
demeure à cet état nonobstant l’appel». Certains officiers du ministère public tirent
argument de cet article pour maintenir en état de détention préventive, un prévenu dont
l’acquittement est prononcé. C’est assurément là une grave erreur, car l’article 103 précité
doit être compris comme visant l’hypothèse d’un jugement de condamnation. Le sort du
prévenu en détention préventive en cas de jugement d’acquittement ayant été réglé par des
dispositions de l’article 83 du Code de procédure pénale qui déclare que le prévenu qui est en
détention, doit être remis en liberté dès le prononcé du jugement, nonobstant l’appel du
ministère public sauf s’il doit être détenu pour d’autres causes.

L'acquittement ne saurait être fondé sur des raisons d'opportunité. Si le ministère public a le
pouvoir d'apprécier des poursuites et l'instruction préparatoire, la juridiction de jugement n'a
pas le pouvoir d'apprécier l'opportunité des sanctions en dehors des cas où l'exemption de
peine est autorisée par la loi.

Si, au moment du jugement, le prévenu est en état de liberté provisoire avec cautionnement
et qu'il ne soit pas condamné, le jugement ordonne la restitution du cautionnement, sauf
prélèvement des frais extraordinaires auxquels le défaut de se présenter à un acte de la
procédure aurait pu donner lieu. Si le prévenu est condamné, le défaut par lui de s'être
présenté à un acte de la procédure sans motif légitime d'excuse est constaté par le jugement
qui déclare en même temps que tout ou partie du cautionnement est acquis au Trésor1053.

1052
Article 83 du Code de procédure pénale.
1053
Article 84 du Code de procédure pénale.
435

L'arrestation immédiate peut être ordonnée s'il y a lieu de craindre que le condamné ne
tente de se soustraire à l'exécution de la peine et que celle-ci soit de trois mois de servitude
pénale au moins. Elle peut même être ordonnée quelle que soit la durée de la peine prononcée,
si des circonstances graves et exceptionnelles, qui seront indiquées dans le jugement, le
justifient. Tout en ordonnant l'arrestation immédiate, le tribunal peut ordonner que le
condamné, s'il le demande, sera néanmoins mis en liberté provisoire sous les mêmes
conditions et charges que celles prévues en rapport à la procédure de détention préventive,
jusqu'au jour où le jugement aura acquis force de chose jugée. L'officier du Ministère public
peut faire incarcérer le condamné qui manque aux charges qui lui ont été imposées. Si le
condamné conteste être en défaut, il peut, dans les vingt-quatre heures de son incarcération,
adresser un recours au tribunal qui a prononcé la condamnation. La décision rendue sur ce
recours n'est pas susceptible d'appel. Le cautionnement éventuellement déposé par le
condamné lui est restitué dans les conditions et sous les réserves prévues à la procédure
relative à la détention préventive1054.

3. L'action civile

Tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et contre les personnes civilement
responsables les condamneront aux frais exposés par la partie civile1055. Le juge pénal ne peut
allouer des dommages et intérêts à une partie civile que s'il constate que le préjudice est né
d'une infraction qu'il déclare établie. Si le tribunal déclare les faits établis, il prononce les
dommages-intérêts ou autre réparation en établissant le lien de causalité entre le préjudice
subi et l’infraction déclarée établie. Le jugement peut accorder termes et délais pour le
payement des dommages-intérêts comme les juridictions civiles. L'infraction a pu provoquer
un dommage à la victime, que le délinquant doit réparer. Le jugement qui constate la
culpabilité du prévenu oblige la juridiction pénale à statuer sur l'action civile. Si la demande
de la victime est recevable et bien fondée, la juridiction prononce la réparation qu'elle juge
bonne après avoir décidé toutes mesures d'investigation lui permettant d'évaluer le dommage.

L'indemnisation est fixée par la juridiction de jugement répressif, qui statue sur les intérêts
civils comme le ferait la juridiction civile saisie au principal. La condamnation du prévenu
démontre la faute commise par celui-ci. La partie civile pourra alors recevoir satisfaction si le
préjudice dont elle fait état est bien personnel et actuel, et constitue la conséquence directe des
agissements entrant dans la définition même de l'infraction. Cette satisfaction lui sera
accordée le plus souvent sous forme de dommages et intérêts. Le juge pénal statuant sur
l'action civile apprécie souverainement l'ampleur du dommage causé à la victime.

Le tribunal doit aussi mentionner dans le jugement qu'à défaut pour le condamné de payer
les dommages et intérêts dans le délai fixé, il subira la contrainte par corps qui ne peut être
supérieur à six mois. Si le jugement de condamnation ne porte pas la contrainte par corps, ni
le tribunal, ni aucune autorité ne pourra autoriser a posteriori cette modalité d'exécution.

1054
Article 85 du Code de procédure pénale.
1055
Article 81 du Code de procédure pénale.
436

Il est fréquent que lors du jugement aux termes duquel le juge pénal se prononce sur l'action
publique, il se limite à statuer sur le principe du fondement de l'action civile sans fixer
immédiatement le montant des dommages et intérêts à accorder à la victime. Afin de
déterminer ce montant exact, le juge, peut ordonner une mesure d'instruction et peut octroyer,
entre-temps, une somme provisionnelle (par exemple, une expertise en vue de déterminer le
dommage corporel) à la partie civile.

Ultérieurement, l'affaire peut être à nouveau fixée devant le juge pénal en prosécution de
cause afin de statuer définitivement sur le montant des dommages et intérêts à octroyer à la
partie civile. Il revient à la partie civile ou au ministère public (sur suggestion de la partie
civile) de prendre l'initiative de citer les parties à comparaître devant la juridiction répressive
en prosécution de cause. A cette occasion, le juge ne peut revenir sur ce qui a été
irrévocablement et définitivement jugé dans le premier jugement.

Il peut arriver que l’action publique soit en état d’être jugée alors que le tribunal ne s’est pas
renseigné à suffisance sur les éléments importants de l’action civile. Tels par exemple, la
gravité du préjudice, l’identité et le titre de la victime ou les ayants-droit, la solution de
l’action publique ne peut être tenue en échec par les intérêts privés. C’est la raison pour
laquelle le tribunal peut disjoindre l’action publique et la vider, renvoyant en prosécution à
une audience ultérieure le litige civil. Lorsque la partie lésée estime que le préjudice subi à
la suite de l’infraction est susceptible d’aggravation, elle a intérêt à réclamer des dommages
intérêts provisionnels laissant ainsi porte ouverte à une nouvelle saisine civile du même
tribunal.

Le juge qui condamne plusieurs personnes pour une même infraction doit les condamner
solidairement aux dommages et intérêts.

Le tribunal doit se déclarer incompétent s’il déclare les faits non établis. Le prévenu
acquitté et qui avait été poursuivi à l'initiative d'une prétendue victime, peut obtenir par le
même jugement que la décision sur le fond la condamnation de celle-ci à l'indemniser du
préjudice causé pour un action téméraire et vexatoire.

S'il y a une partie civile, la juridiction de jugement qui acquitte le prévenu ne peut pas
prononcer une condamnation à des dommages et intérêts au profit de la victime, puisqu'elle ne
peut statuer sur l'action civile qu'autant qu'elle reconnaît la culpabilité du prévenu au titre de
l'action publique. Elle doit donc se déclarer incompétente pour statuer sur l'action civile dont
elle était saisie accessoirement à l'action publique. La victime peut alors se porter devant la
juridiction civile pour obtenir satisfaction. Le professeur Bernard Bouloc pense qu'en cas
d'acquittement, lorsque le prévenu avait par voie de conclusions, demandé des dommages et
intérêts contre la partie civile, il sera statué sur cette demande au cas où elle aurait été
437

formulée. Elle sera admise qu'autant les conditions de la responsabilité civile seront
réalisées1056.

Le prévenu acquitté et qui avait été poursuivi à l'initiative d'une prétendue victime, peut
obtenir par le même jugement que la décision sur le fond la condamnation de celle-ci à
l'indemniser du préjudice causé pour un action téméraire et vexatoire.

Le jugement d'acquittement doit également statuer sur le sort des biens saisis. En principe,
ceux-ci doivent être restitués à leur légitime propriétaire, notamment l'acquitté, à moins que la
confiscation ne soit justifiée par caractère illicite des objets.

4. Les dommages et intérêts d’office

Ils seront alloués d’office dès lors qu’existe une victime de l’infraction déclarée
établie à moins que la victime elle-même ne soit venue pour sa défense. Si le juge répressif
condamne le prévenu pénalement, le jugement doit statuer sur les dommages et intérêts
sollicités par la partie civile. En ce cas, le tribunal constatera en ses motifs la qualité de la
victime, puis comme une action civile, il justifiera l'existence d'une infraction, le préjudice
subi, et la relation de cause à effet entre l'infraction et le préjudice subi. La décision-
conséquence ne pourra être autre que l'allocation de dommages et intérêts ou la restitution par
voie de condamnation. C'est ainsi que l’article 108 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judicaire
dispose: «Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la
défense de leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de
l’action publique prononcent d’office les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être
dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux».

L'infraction a pu provoquer un dommage à la victime, que le délinquant doit réparer.


L'indemnisation est fixée par la juridiction de jugement répressif, qui statue sur les intérêts
civils comme le ferait la juridiction civile saisie au principal. La condamnation du prévenu
démontre la faute commise par celui-ci. La partie civile pourra alors recevoir satisfaction si le
préjudice dont elle fait état est bien personnel et actuel, et constitue la conséquence directe des
agissements entrant dans la définition même de l'infraction.

Le jugement peut condamner aux dommages-intérêts la partie civilement responsable au


cas où le lien juridique qui la lie au prévenu condamné l’oblige à assumer l’exécution des
condamnations pécuniaires prononcées à charge de ce dernier.

5. La restitution

Le jugement doit statuer, même d'office, sur les restitutions. Le tribunal prononce d’office
la restitution des objets sur lesquels a porté l’infraction lorsque ces objets ont été trouvés en

1056
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 892, p. 888.
438

nature et que la propriété n’en est pas contestée. En principe, les restitutions ne soufflent
évidemment aucun délai.

Le plus souvent les peines de confiscation ou les ordres de restitution, ou encore les
mesures de restauration directe du droit lésé font bonne justice de l'attribution ou de la
destruction des objets saisis. Il se peut cependant que des objets aient été placés sous la main
de la justice pendant l'instruction préparatoire, soit pour servir des pièces à conviction, soit
parce que la confiscation paraisse devoir s'appliquer, tandis que la juridiction ne se trouve pas
appelée par une demande des parties à statues sur l'attribution de ces objets; ceux-ci ne
peuvent demeurer saisis lorsque le tribunal aura vidé sa saisine.

S'il n'y a aucune contestation au sujet de la propriété des objets saisis, le tribunal n'a rien à
juger; il se bornera à prononcer la main-levée de la saisie et la remise des objets entre les
mains de celui qui apparaît en être le légitime propriétaire ou possesseur. L'omission du
tribunal à statuer sur les objets saisis peut être réparée par une décision du président de la
juridiction statuant par voie d'ordonnance.

6. Etat des frais

Le jugement doit imputer le montant total de l’état des frais aux parties, ou les mettre à
charge du trésor public. Il doit également statuer sur les frais et dépens exposés par la partie
civile. Tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et contre les personnes
civilement responsables les condamneront aux frais avancés par le Trésor et à ceux exposés
par la partie civile1057. Pour assurer le paiement des frais, il est de règle que le juge prévoit la
contrainte par corps en cas de non payement. La contrainte par corps ne peut excéder six
mois.

Si le prévenu n'est pas condamné, les frais non frustratoires exposés par lui sont mis à la
charge du Trésor, les frais avancés par celui-ci restant à sa charge. Toutefois si l'action
publique a été mue par voie de citation directe, la partie civile sera condamnée à tous les frais.
Si la partie civile s'est constituée après la saisine de la juridiction du jugement, elle sera
condamnée à la moitié des frais. La partie civile qui se sera désistée dans les vingt-quatre
heures, soit de la citation directe, soit de sa constitution, ne sera pas tenue des frais postérieurs
au désistement, sans préjudice des dommages-intérêts au prévenu, s'il y a lieu1058.

Lorsque le juge pénal ne prononce pas de condamnation en raison de la prescription de


l'action publique, les frais relatifs à cette action ne peuvent être mis à charge du prévenu. Il
appartient au juge de fond de fixer, dans son dispositif, le montant des frais de justice qui
feront l'objet d'une récupération par l'Etat congolais. Sont seuls tenus solidairement aux frais
ceux qui ont été condamnés pour une même infraction par un même jugement ou arrêt. Si les
faits sont distincts, chacun des prévenus sera condamné aux frais de justice, évalués par le

1057
Article 81 du Code de procédure pénale.
1058
Article 82 du Code de procédure pénale.
439

juge. Le prévenu ne peut être condamné aux frais de la prévention du chef de laquelle il été
acquitté.

Les frais de traduction et d'interprète restent à charge de l'Etat. Il en est de même les frais
d'expertise ordonnée par le juge dans le cadre de l'action publique afin d'éclairer les faits qui
font l'objet de poursuites pénales, indépendamment du fait que les résultats de l'expertise
soient utiles ou non à la manifestation de la vérité.

En cas d'acquittement, la partie civile qui succombe peut être condamnée au paiement des
frais exposés par l'Etat et le prévenu lorsque les poursuites ont été intentées par celle-ci par
citation directe.

7. Le sort du cautionnement

Si, au moment du jugement, le prévenu est en état de liberté provisoire avec cautionnement
et qu'il ne soit pas condamné, le jugement ordonne la restitution du cautionnement, sauf
prélèvement des frais extraordinaires auxquels le défaut de se présenter à un acte de la
procédure aurait pu donner lieu1059.

Comme on le voit, si le prévenu est acquitté, le tribunal ordonne le remboursement du


cautionnement. Si le prévenu est condamné, le tribunal ne peut déclarer tout ou partie du
cautionnement acquis au Trésor qu'au titre de sanction, lorsque le condamné s'est soustrait
sans motif légitime à l'un ou l'autre acte de la procédure, et notamment s'il a fait défaut aux
audiences du tribunal.

Si le tribunal avait omis de statuer sur le cautionnement, le président de la juridiction


pourrait réparer cet oubli en donnant main-levée par voie d'ordonnance car la décision de
main-levée du cautionnement n'a pas un caractère juridictionnel, c'est une simple mesure
d'administration judiciaire. Le président ne pourrait toutefois pas adjuger tout ou partie du
cautionnement au Trésor au titre de sanction1060.

§ 4. Modalités du prononcé du jugement

I. Notions
C'est le prononcé du jugement qui fait exister le jugement: jusque là, il n'y a qu'un
projet, qui peut être modifié, rétracté, et les juges pourraient encore ordonner une réouverture
des débats. Le prononcé du jugement doit être oral; il ne peut consister en la remise du texte
de la décision aux parties.

Habituellement, le jugement est prononcé par le président, en présence des autres


membres du tribunal, le ministère public et le greffier mais dans la pratique le président

1059
Article 84 du Code de procédure pénale.
1060
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier, S.A., 1965, n° 202, p. 210.
440

confie le prononcé aux autres membres de la composition en présence toujours des autres
membres de la composition du siège qui étaient présents lors des débats en la cause. Parfois,
le prononcé peut être fait par tous les membres de la composition du siège: dans ce cas, cela
se fait à tour de rôle; chaque magistrat peut lire différents paragraphes et le président le
dispositif. Le prévenu doit être aussi présent au prononcé. A peine de nullité, le ministère
public doit être présente lors du prononcé du jugement.

Un jugement prononcé par le tribunal irrégulièrement composé est nul, et non existant,
il produit néanmoins ses effets jusqu'à son annulation. Rien n'exclut qu'un jugement soit
prononcé le jour férié, et même en cas de nécessité, dans d'autres locaux que ceux affectés à
l'administration de la justice, pour autant que les conditions de publicité requises soient
respectées.

II. Délai du prononcé du jugement

Les jugements sont prononcés au plus tard dans les huit jours qui suivent la clôture des
débats1061. Suivant les travaux préparatoires, l'article 80 du Code de procédure pénale qui le
prévoit, porte un simple vœu qui n'est pas sanctionné. C'est ainsi que dans la pratique, les
magistrats respectent rarement ce délai. Et pourtant cet article indique en tous cas qu'il est
commandé par la nature des affaires répressives, des peines applicables, et surtout par la
situation des prévenus privés de liberté, de procéder avec la plus grade diligence à tous les
actes de la procédure pénale conduisant au jugement définitif.

Actuellement, l'article 47, alinéa 2, point 1, a) de la loi organique n°06/020 du 10 octobre


2006 portant statut des magistrats1062 prévoit que les magistrats qui prononcent le jugement
au delà de 10 jours en matière pénale, peuvent faire l'objet des poursuites disciplinaires devant
la chambre de discipline du Conseil supérieur de la magistrature pour fautes disciplinaires.

Les juges peuvent cependant prononcer le jugement sur le banc, c'est-à-d. juste après la
clôture des débats et la prise en délibéré ou en fin d'audience ou au cours d'une audience
ultérieure. C'est dans ce dernier cas que le président annonce la date à la quelle le jugement
sera rendu afin que les parties en soient informées et qu'elles puissent être présentes si elles le
souhaitent. On dit alors que le tribunal prend la cause en délibéré.

III. Caractère écrit du jugement

L'article 21 alinéa 1 er de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que tout jugement est
écrit et motivé. Empruntant le vocabulaire de la procédure civile, il est d'usage de désigner le
manuscrit du jugement répressif sous le nom de minute du jugement. Lorsque le jugement est
imprimé en plusieurs exemplaires, la première copie est généralement revêtue de la signature
des juges et du greffier, porte l'indication original et ne peut jamais être retirée du dossier; par
extension cet original est aussi désigné comme minute.

1061
Article 80 du Code de procédure pénale.
1062
JORDC, n° spécial, 25 octobre 2006.
441

Les autres copies serviront d'expédition pour l'appel pour l'exécution du jugement; une
copie signée du greffier sera versée au dossier pénitentiaire chaque fois qu'une peine de
servitude pénale devra être exécutée; toute partie au procès a le droit de lever une copie du
jugement, à condition d'en payer le coût et découvrir éventuellement les frais et droits.

Tant que l'écrit n'a pas été lu en audience publique, il ne constitue pas un jugement parfait,
mais seulement un projet de jugement, quand bien même il aurait été signé. Le tribunal peut
donc modifier son projet de jugement ou ordonner la réouverture des débats, tant que le
jugement n'a pas été prononcé.

IV. Publicité du prononcé du jugement

Tout jugement doit être prononcé en audience publique, même si le huis clos a été ordonné.
Le jugement doit mentionner qu'il été prononcé publiquement. Aucune exception ne déroge à
ce principe posé à la fois par l'article 21 de la Constitution du 18 février 2006 et l'article 14 du
Pacte international des Droits civils et politiques du 19 décembre 1966.

L'obligation de prononcer un jugement en audience publique tend à permettre au public


d'avoir accès aux discisions judiciaires. La publicité de l'audience à laquelle le jugement ou
l'arrêt est prononcé consiste en l'accessibilité à la salle d'audience dans laquelle il est situé.
Cet objectif requiert, en principe, la lecture à l'audience publique tant des motifs que du
dispositif de la décision judiciaire.

V. Mentions du jugement

Les jugements indiquent le nom des juges qui les ont rendus et, s'ils ont siégé dans
l'affaire, celui de l'officier du Ministère public, du greffier et des assesseurs, l'identité du
prévenu, de la partie civile et de la partie civilement responsable1063. Les juges doivent être
identiquement les mêmes que ceux qui ont siégé à toutes les audiences où l'affaire a été
débattue, au risque que le jugement soit annulé par la juridiction d'appel voire cassé par la
Cour de cassation. L'indication du nom des juges et du greffier est imposé par l'article 87 du
Code de procédure pénale pour permettre la vérification de la composition du siège. Un
tribunal où siège des personnes qui n'en ont pas obtenu le pouvoir par une nomination serait
dépourvu de tout pouvoir juridictionnel. La signature du jugement par tous les magistrats du
siège et le greffier authentifie l'acte juridictionnel et fournit la preuve directe de la
composition du siège.

La présence du ministère public doit être notée avec soin que la composition de la
juridiction de jugement, ainsi que le fait qu'il a été entendu en ses réquisitions (conformes ou
non conformes ou partiellement conformes), et cela pour tout incident contentieux. En effet,

1063
Article 87 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
442

la présence au siège du ministère public d'une personne qui n'aurait pas qualité de magistrat
du parquet entraîne la nullité de la procédure.

Concernant la présence du ministère public, il n'est pas exigé qu'il soit obligatoirement la
même personne du parquet qui a participé aux différentes audiences car le ministère public est
un et peut se suppléer l'un à l'autre au cours des différentes audiences d'un dossier pénal.

Le jugement doit énoncer aussi les noms, postnoms, prénoms et domicile des parties, le
point de fait et de droit, la relations des formalités exigés par la loi pour sa régularité, sa date,
le respect de la publicité, la mention et la date du prononcé en audience publique,
éventuellement les conclusions par les parties, les dispositions légales appliquées, etc. Par
contre, le juge ne doit mentionner les dispositions légales qui ne sont relatives qu'aux règles
de procédure ou de juridiction qu'il applique.

Concernant l'identités des parties, en RDC, l'usage est d'identifier une personne par ses
noms, postnoms, prénoms, les lieu et date de naissance, les noms de ses père et mère, son
conjoint, sa profession, son territoire d'origine, sa province d'origine, le lieu de sa résidence.

Le jugement doit mentionner également les conditions dans lesquelles la juridiction a été
saisie et l'affaire a été débattue, de façon à ce que l'on puisse vérifier que toutes les formalités
légales ont bien été observées (par exemple, que le ministère public a bien eu la parole), le
jugement doit en effet contenir en lui-même la preuve de sa régularité. A cet égard, étant
donné son caractère authentique, ses mentions font foi jusqu'à inscription en faux. Le
jugement doit indiquer aussi en tête du dispositif du caractère contradictoire ou par défaut de
la décision rendue.

Les jugements sont signés par le président ou par le juge, ainsi que par le greffier, s'il était
présent, lorsque le jugement a été prononcé1064. A défaut, le jugement est nul, sauf s'il
mentionne l'impossibilité pour l'un ou plusieurs des juges, ou du greffier de signer. En cas
d'impossibilité pour le juge de signer le jugement, le greffier en fait mention dans un procès-
verbal certifié par le président du tribunal.

Aucune disposition légale ne prescrit la traduction des arrêts et jugement à l'audience à


l'usage des prévenus ne parlant pas la langue de la procédure; le principe général de droit
relatif au respect des droits de la défense concerne les débats devant la juridiction et non la
prononciation de la décision elle-même. L'insuffisance ou le défaut de l'interprète lors de la
prononciation d'un jugement ou d'un arrêt ne sauraient atteindre la légalité de la décision et ne
peuvent avoir d'incidence, le cas échéant, que sur l'exercice de voies de recours. Mais dans la
pratique, si le justiciable ne comprend pas la langue de la procédure, un interprète peut
traduire le jugement ou arrêt qui a été prononcé.

1064
Article 87 in fine du Code de procédure pénale.
443

VI. Formalités de rédaction et prononcé de jugement

Lorsque le délibéré a pris fin, deux types de décisions sont susceptibles d’être prises par
la chambre du siège, à savoir les décisions de forme et les décisions de fond. Les décisions
de forme se limitent à la saisine ou à la recevabilité de la procédure et peuvent également
porter sur la compétence du tribunal. Quant aux décisions de fond, elles franchissent ce cap
pour statuer sur le fond de la cause soit pour condamner le prévenu soit l’acquitter.

Les décisions de la composition du siège sont prises à la majorité de ses membres soit
au moins à deux voix sur trois, trois sur cinq, cinq sur sept, etc. Il n’appartient donc pas au
président d’imposer sa position aux autres membres de la composition. Cependant, le
président de la composition a la latitude de désigner le magistrat appelé à rédiger les projets
des jugements. En toute logique, il ne saurait s’agir du magistrat mis en minorité de peur de
le placer devant un cas de conscience. Une fois rédigés par un membre de la composition du
siège, les jugements sont soumis aux autres membres, et une fois adoptés, ils sont prononcés
en audience publique et s'appelle en ce cas minute.

La chambre qui prend une cause en délibéré en indique la date du prononcé. Le prononcé
intervient au plus tard dans les huit jours en matière répressive1065. Toutefois, le chef de la
juridiction peut, à la demande de la chambre saisie, et si les éléments de la cause le justifient
ou en cas de force majeure dûment prouvée, proroger de cinq jours en matières répressive par
une ordonnance motivée, laquelle est aussi signifiée aux parties. En matière pénale, lorsque le
jugement ou l’arrêt est prononcé en l’absence des parties et au-delà du délai sans notification
préalable de la date du prononcé aux parties, le délai de recours court à partir de la
signification de la décision 1066.

L’article 87 in fine du Code de procédure pénale dispose que les jugements sont signés par le
président ou par le juge, ainsi que par le greffier, s'il était présent, lorsque le jugement a été
prononcé. Cet alinéa précise donc que les jugements sont signés. Ce qui implique un écrit : il
faut insister sur cette exigence car le Conseil supérieur de la magistrature devrait sanctionner
sévèrement la négligence des juges qui se contentent de rédiger le dispositif de jugement
pour le prononcé, réservant à plus tard la rédaction de la motivation. C’est évident qu’un tel
jugement n’a que l’apparence d’un jugement, il est susceptible d’annulation par voie d’appel
ou de cassation.

Il faut aussi insister sur la nécessité de voir le jugement être prononcé par les juges qui ont
instruit la cause à l’audience, car c'est bien dans l’intérêt des parties que celui de la bonne
administration de la justice. La Cour suprême de justice a eu à censurer et censure encore un
grand nombre d’arrêts et jugements qui ne sont pas conformes à ce principe. Lorsqu’il y a
modification de siège due par exemple à l’absence d’un juge, à l’empêchement ou au décès

1065
L'article 80 du Code de procédure pénale; article 43 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit le délai
de 8 jours.
1066
Article 43 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
444

d’un juge qui a jusque là composé un siège, il y a nécessité absolue de procéder à la


réouverture des débats et ce, aussi bien pour la bonne administration de la justice que dans
l’intérêt des parties.

En effet, il y va de la garantie même de la vérité judiciaire et de l’intérêt des justiciables


d’exiger qu’uniquement les juges ayant connaissance du problème soient appelés à le trancher.
La bonne distribution de la justice est celle qui est rendue par des juges ayant statué
véritablement en connaissance de cause, ce qui suppose qu’ils ont pris part à tous les débats
se rapportant à la cause ou tout au moins en ont reçu un compte-rendu valable.

Les conditions suivantes doivent être réunies pour rendre régulière la modification du
siège:
- il doit y avoir réouverture des débats ;
- la citation à comparaître qui sera signifiée aux parties doit mentionner expressément que
la juridiction va procéder à la réouverture des débats ;
- le président de la composition du siège doit exécuter un résumé des débats antérieurs qui
doit être acté à la feuille d’audience ;
- le résumé des débats antérieurs doit se faire en présence des parties dûment appelées, de
cette façon, les parties auront l’occasion d’intervenir pour éventuellement compléter ou
rectifier le résumé des débats antérieurs fait par le président de la composition du siège.

Les statistiques des arrêts de la Cour suprême de justice montrent que la composition
irrégulière de siège est le moyen le plus fréquent qui donne lieu même d’office à la cassation.
C’est dire donc que la Cour suprême de justice s’est montrée inexorable en cette matière1067.

On peut relever que l’expression réouverture des débats retenue par la Cour suprême de
justice peut, dans certains cas, s’avérer peu correcte. En effet, au cas où la modification du
siège intervient alors qu’on est encore à l’instruction à l’audience, on ne peut pas parler de
réouverture des débats mais plutôt de la réouverture de l’instruction consistant en un résumé
à l’intention du nouveau juge entrant au siège, des éléments essentiels de l’instruction
antérieure. Et même dans l’hypothèse où la modification du siège intervient, alors qu’on est
encore aux débats non encore clôturés, on ne peut valablement se justifier que lorsque la
cause a été prise en délibéré et que donc les débats ont été déclarés clos.

§ 5. Signification des jugements

Dès qu'un jugement est prononcé, il doit être signifié aux parties. Ce n'est qu'après
signification que les parties sont censées connaître le jugement qui a été prononcé. L'on doit
envoyer aux parties de la cause, de manière systématique, une copie du jugement intervenu
dans l'affaire. Cela nous paraît conforme au respect dû aux droits de la défense et aux
exigences d'information des justiciables liées au droit à un procès équitable. Les jugements de

1067
CSJ, 22 juin 1972, Anangama c/ Ministère public, RPA 17; CSJ, 26 juillet 1972, Tuluka c/ Boekua et
consorts, RP 5.
445

condamnation pénale sont signifiés à la diligence du ministère public ou du greffier, suivant


qu'il s'agit de condamnations corporelles ou pécuniaires. La partie civile profite de la
signification du ministère public ou du greffier lorsque le jugement vide à la fois l'action
publique et privée; elle devra faire signifier elle-même le jugement de condamnation par
défaut aux dommages et intérêts lorsque l'action civile a été disjointe.

Le prévenu qui par un jugement obtiendrait condamnation de la partie civile à des


dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire devra faire signifier le jugement
pour faire courir les délais. Un jugement d'acquittement rendu par défaut ne doit pas être
signifié.

Lorsque le jugement a été rendu par défaut, il doit obligatoirement être signifié afin de faire
courir les délais pour l'exercice des voies de recours. Les jugements rendus par défaut ne
deviennent exécutoires que dix jours après signification à la partie condamnée1068. Ce délai
est prorogé par le délai de distance (un jour pour 100 kilomètres). Les jugements par défaut
ne seront coulés en force de chose jugée quant à l'action publique que lorsqu'il sera prouvé
que les parties condamnées à des sanctions pénales ont eu connaissance de la signification1069.
La signification à personne contient la preuve légale de ce que le condamné a eu connaissance
de la signification. En dehors de ce cas la connaissance se prouve par toute voie de droit.
L'exécution de prise de corps ou de saisie implique que la signification est faite. L'opposant ne
pourrait prétendre qu'il ignore la signification alors qu'il est écroué, ou lorsqu'il a assisté à une
saisie-exécution de ses meubles.

§ 6. Les effets des jugements

I. Effets généraux

1. Epuisement de la saisine

En général, le prononcé d'un jugement a pour effet d'épuiser les pouvoirs du juge sur ce qui
en fait l'objet, il est dessaisi de cette question car il a rempli sa mission. Le juge ne peut plus
retracer ou ajouter quoi que ce soit à son jugement. Au cas où il s'avérerait que le jugement
prononcé est incomplet, incorrect ou obscur, il pourra y être porté remède qu'à l'issue d'une
autre procédure spécifique (requête en interprétation si le jugement est obscur ou ambigu et
requête en rectification si le jugement contient des erreurs matérielles). Mais sous couvert
d'interprétation, ou de rectification d'erreurs matérielles, le jugement ne doit pas être modifié
dans la chose jugée, le demandeur sera le ministère public ou la partie intéressée1070. La
juridiction ne peut se saisir d'office.

1068
Article 88 du Code de procédure pénale.
1069
Article 89 du Code de procédure pénale.
1070
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2310, p. 1178.
446

2. Autorité de la chose jugée

a) Principes

L'autorité de la chose jugée s'attache à toute décision pénale définitive et empêche de


nouvelles poursuites à charge d'une même personne pour des mêmes faits: c'est le principe
non bis in idem (on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits la même personne
que celle qui est l'objet de cette décision). L'autorité de la chose jugée constitue donc un
véritable principe général du droit1071 et un mode d'extinction de l'action publique1072.

En effet, tout jugement définitif a, dès son prononcé, autorité de la chose jugée. Il est à ce
titre, censé représenter la vérité aussi longtemps qu'il n'est pas anéanti par l'exercice d'une
voie de recours prévue par la loi. Un jugement n'est par contre coulé ou passé en force de
chose jugée que lorsqu'il n'est plus susceptible de recours (opposition ou d'appel).

Les décisions définitives sont toutes les décisions qui épuisent la juridiction du jugement
répressif, soit l'action publique, soit l'action civile. Sur le plan pénal, sont visées ici toutes les
décisions qui mettent fin aux poursuites. Sur le plan de l'action civile, est définitive, la
décision au terme de laquelle le juge a statué définitivement sur le contenu de la demande
dont il avait été saisi, ne réservant rien sur quoi il devrait encore statuer1073. Tout jugement
définitif a, dès son prononcé, autorité de chose jugée. Il est, à ce titre, censé représenter la
vérité aussi longtemps qu'il n'est pas anéanti par l'exercice d'une voie de recours prévue par la
loi.

Un jugement est coulé ou passé en force de chose jugée lorsqu'il n'est plus susceptible de
voie de recours (appel et opposition) sans préjudice des effets des recours extraordinaires. La
force de la chose jugée est l'état d'une décision judiciaire qui ne peut plus être infirmée par
voie de recours ordinaire (opposition et appel), et par analogie en matière pénale par un
pourvoi en cassation. La force de chose jugée n'est acquise que lorsque la décision est
devenue irrévocable par l'épuisement des voies de recours ou par l'expiration des délais de
celles-ci, si aucune des parties ne les exerce1074. L'autorité de la chose jugée caractérise une
décision judiciaire définitive qui empêche que la même action puisse être à nouveau introduite
entre les mêmes parties et confère à cette décision la valeur présumée de décision exacte.

Les décisions irrévocables sont ceux qui ne sont plus susceptibles d'aucune voie de
recours1075, c'est-à-dire après épuisement des voies de recours ou expiration des délais de

1071
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1090.
1072
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 970, p. 988.
1073
R. DECLERCQ, Cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 178.
1074
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2311, p. 1178.
1075
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2297, p. 1157.
447

recours1076. De telles décisions rendues au fond sur l'action publique sont revêtues de l'autorité
de la chose jugée à l'égard de ceux qui ont été parties au procès pénal et aux éléments à l'égard
desquels ces parties ont pu faire valoir leurs moyens de défense; cette autorité s'attache à ce
qui a été certainement et nécessairement jugée par la juridiction pénale, concernant les faits
mis à charge du prévenu et en prenant en considération les motifs qui sont le soutien
nécessaire de la décision pénale.

b) Caractère

L'autorité de la chose jugée caractérise une décision judiciaire définitive qui empêche que
la même action puisse être à nouveau introduite entre les mêmes parties et confère à cette
décision la valeur présumée de décision exacte1077. En principe, en matière pénale, en vertu du
caractère absolu de la chose jugée, la décision rendue sur l'action publique lie même ceux qui
n'étaient pas parties aux débats: elle s'impose erga omnes1078. Mais actuellement, en raison du
procès équitable influencé par les juridictions internationales, l'autorité de la chose jugée est
atténuée, elle ne s'applique qu'à l'égard de ceux qui ont été parties au procès pénal et aux
éléments de la décision à l'égard desquels ces parties ont pu faire valoir leurs moyens de
défense.

c) Conditions

L'application du principe de l'autorité de la chose jugée exige des conditions suivantes:


- Elle s'applique seulement aux décisions des juridictions congolaises. En effet, à cause de
leur caractère strictement territorial, les décisions de juridictions pénales étrangères n'ont
aucune autorité sur l'instance engagée devant un tribunal pénal congolais.

- Elle s'applique qu'aux décisions définitives du juge pénal1079 (statuant au fond sur l'objet de
l'action publique). Une décision définitive est celle qui a vidé l'instance (qui s'est prononcée
au fond). Constituent les décisions les décisions d'objet sur l'action publique, les jugements et
arrêts de condamnation ou d'acquittement, ceux qui statuent sur l'existence de circonstances
atténuantes ou aggravantes ainsi que ceux qui statuent sur l'existence causes d'excuse
réelles1080. Elle ne s'applique donc pas concernant les jugements avant dire droit de type
préparatoire ou interlocutoire;

1076
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1090; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009,
n° 2427, p. 1242.
1077
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Tome II. Le
jugement, les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1295.
1078
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1091.
1079
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 981, p. 1001; M. L. RASSAT,
Procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 515, p. 832.
1080
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1091.
448

- L'extinction de l'action publique n'est acquise que lorsque la chose a été irrévocablement
jugée (coulée en force de chose jugée) et non pas seulement dès que la décision a l'autorité de
la chose jugée. Il faut donc que la décision ne puisse plus faire l'objet ni d'un recours ordinaire
(opposition ou appel) ni d'un pourvoi en cassation, soit parce qu'il a été déjà exercé, soit parce
que les délais sont expirés;

- Les secondes poursuites doivent porter sur les mêmes faits et les mêmes personnes que ceux
faisant l'objet de la première décision aux termes de laquelle il a été statué irrévocablement
sur les poursuites (c'est-à-dire identité d'objet, de cause et des parties)1081. En effet, l'autorité
de la chose jugée suppose, pour être opératoire, que les faits infractionnels, objet de nouvelles
poursuites, et les parties poursuivies, soient identiques à ceux qui ont déjà été jugés.

d) Autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal

L'article 14.7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre
1966 prévoit que "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les institutions du même
Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a été acquitté ou condamné par un jugement
définitif conformément à la loi et la procédure pénale de cet Etat".

Cette disposition signifie que le prévenu qui a fait l'objet d'une décision de fond, c'est-à-
dire d'acquittement ou de condamnation coulée en force de chose jugée, ne peut plus être
poursuivi une deuxième fois en raison du même fait. C'est le principe non bis in idem, l'action
publique est éteinte. L'autorité de la chose jugée erga omnes s'attache non seulement aux
décisions de condamnation qui impliquent l'existence et l'imputabilité de l'infraction, mais
aussi aux jugements ou arrêts d'acquittement en raison du manque de preuve ou bénéfice du
doute.

Cela signifie que si malgré l'autorité de la chose jugée, une nouvelle poursuite était exercée
devant une autre juridiction pénale, elle se heurterait à l'exception de la chose jugée qui est
d'ordre public. Comme telle, elle peut être opposée en tout état de cause et à tout moment de
la procédure, pour la première fois en appel et devant la Cour de cassation, devant n'importe
quelle juridiction, par le ministère public comme par la partie intéressée et même elle peut
être soulevée d'office par le juge saisi de la seconde poursuite1082. En tout cas, sur une telle
demande, le juge doit vérifier si les faits déjà jugés sont ceux-là mêmes dont il est saisi et si
les jugements invoqués sont définitifs1083. Le ministère public peut également la soulever
d'office1084.
1081
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 225-228; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1259 et 2432-2433, pp.
716 et 1244-1245.
1082
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2431, p. 1242.
1083
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 971, p. 990.
1084
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1025, p. 873; M. L. RASSAT, Procédure
pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 516, p. 834.
449

Pour qu'il soit invoqué: il faut qu'il y ait mêmes faits, objet et mêmes personnes1085.
S'agissant des mêmes faits; nous avons souligné que l'autorité de la chose jugée peut être
invoquée lorsqu'il s'agit des mêmes faits que ceux qui ont fait déjà fait l'objet d'un jugement.
Si les faits et l'objet ne sont pas les mêmes, il n'y aura pas autorité de la chose jugée. Ainsi, il
n'y a pas identité d'objet entre une poursuite pour l'infraction d'abus de confiance (article 95
du Code pénal congolais Livre II) et une poursuite pour escroquerie ni entre une poursuite
pour une infraction pénale devant un tribunal pénal et une poursuite pour une faute
disciplinaire devant une juridiction disciplinaire. Seulement, la juridiction disciplinaire, si elle
est saisie, ne devra pas contredire ce qui aura été décidé par le juge pénal, en ce qui concerne
l'existence des faits matériels et la culpabilité pénale.

S'agissant des mêmes personnes (identité des parties); pour qu'il y ait autorité de la chose
jugée du pénal sur le pénal, il faut que les fais concernent les mêmes personnes c'est-à-dire les
mêmes personnes doivent avoir été condamnées ou acquittées dans un jugement antérieur au
même titre. Si les personnes ne sont les mêmes, il n'y a pas autorité de la chose jugée. Ainsi, il
n'y a pas autorité de la chose jugée du pénal sur le pénal entre coauteurs et complices s'ils sont
poursuivis séparément car la décision rendue précédemment ne peut ni leur nuire ni leur
profiter.

De même, rien n'empêche, de poursuivre pour le même fait une autre personne que celle
qui a déjà été acquittée ou condamnée pour ce fait. L'acquittement ou la condamnation du
second de la première ne fait pas obstacle à la condamnation de la seconde, à condition
d'éviter des décisions contradictoires. L'autorité de la chose jugée au pénal ne fait pas obstacle
à ce que, lors d'un procès pénal ultérieur, le prévenu qui n'était pas à la cause précédemment
puisse contester les préventions mises à sa charge et invoquer à son profit une défense rejetée
par le jugement auquel il est étranger.

Bref, les secondes poursuites doivent porter sur les mêmes faits et les mêmes personnes que
ceux faisant l'objet de la première décision aux termes de laquelle il a été statué
irrévocablement sur les poursuites (c'est-à-dire identité d'objet, de cause et des parties).

e) L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil


c.1. Principe

L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est absolue: elle s'impose à tous, erga
omnes, indépendamment du fait que l'on ait été ou non partie au procès. Le juge saisi de
l'action civile, soit dans une instance ultérieure, soit accessoirement à l'action publique, doit
tenir pour vrai ce qui a été jugé au pénal (res judicata pro veritate habetur). En effet, la
sentence pénale a autorité au juge civil, ce qui signifie que ce qui est jugé par le juge pénal
s'impose au juge civil (et au pénal statuant sur l'action civile). Mais l'inverse n'est pas vrai,

1085
M. L. RASSAT, Procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 517, p. 835.
450

une décision sur l'action civile intervenu avant le jugement de l'action publique n'a jamais
aucune autorité vis-à-vis du juge pénal1086, le juge pénal n'étant pas tenu par la chose jugée au
civil (mais si le juge pénal juge au civil, il doit respecter la chose irrévocablement jugée au
civil dans la même affaire, entre les mêmes parties, pour le même objet et avec la même
cause). L'autorité est absolue, le juge civil doit statuer dans le même sens que le juge
pénal1087.

Bref, ce principe signifie qu'il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui été
nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait incriminé qui
forme la base commune de l'action civile et l'action pénale, sur sa qualification et la
culpabilité de celui à qui le fait est imputé. La chose pénale s'impose au juge civil.

Il convient de souligner que la chose jugée en matière pénale n'entraîne pas l'extinction de
l'action civile. Celle-ci peut toujours être jugée, mais le tribunal qui statue sur l'action civile
ne peut se mettre en contradiction avec ce qui a été décidé par le juge pénal sur l'action
publique. Dans ce cas, l'autorité de la chose jugée au pénal se manifeste d'une façon positive.
Elle n'empêche plus le jugement ou même l'exercice de l'action civile, mais elle soumet à son
influence, la décision qui sera rendue sur cette action1088. C'est l'autorité de la chose jugée au
pénal sur le civil.

c.2. Fondement

La primauté de la décision pénale sur la décision civile tiendrait tout d'abord à ce que les
juges pénaux, disposant de moyens d'investigation et de preuves que n'ont les juges civils
(instruction préparatoire, règles de preuve particulières, direction du procès par le juge),
rendent des décisions plus proches de la vérité que les décisions civiles. De même le juge
recherche la vérité au-delà du cadre fixé par les parties; à ce titre, sa sensibilité répressive et
son expérience de la spécificité des questions pénales le qualifient davantage que le juge civil
pour rendre une décision dont l'autorité est ainsi plus forte de par les conditions de son
élaboration1089.

Elle résulterait aussi de ce que les tribunaux pénaux qui ont pour mission essentielle le
maintien de l'ordre public et qui, dans l'intérêt de la société, décident de l'honneur et de la
liberté des délinquants, ne doivent pas voir leurs décisions contredites par les tribunaux civils
qui, eux, ne statuent que dans un intérêt privé et, même le plus souvent purement pécuniaire.
La règle de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est destinée précisément à

1086
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 892, p. 889.
1087
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2435, p. 1247; A.
BOTTON, Contribution à l'étude de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, thèse, Toulouse,
2008 (direction B. DE LAMY).
1088
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 892 et 977, pp. 888 et 977.
1089
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2436, p. 1248.
451

empêcher toute contradiction entre une décision pénale importante et une décision civile qui
l'est moins1090.

De même, c'est une considération d'ordre public qui traditionnellement justifie le principe
de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil: les juridictions pénales ont pour
mission de statuer sur l'existence de l'infraction et sur son imputabilité; il y aurait atteinte à
l'ordre public si le juge civil considérait la décision pénale comme inexacte, alors que les
intérêts civils qui lui sont soumis sont de moindre importance que les intérêts débattus dans
l'action publique. Le souci est d'éviter les contradictions entre la décision répressive et la
décision civile, je juge pénal doit ainsi servir de guide à la juridiction civile1091. Ainsi, un
prévenu condamné au pénal ne pourrait remettre en cause l'existence de l'infraction dans un
procès civil ultérieur puisqu'il a pu faire valoir ses moyens de défense devant le juge civil.

c.3. Conditions

L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil exige certaines conditions: les décisions
pénales doivent être rendues par les juridictions congolaises, la décision pénale doit être une
décision statuant au fond, coulée en force de chose jugée et cette décision doit concerner les
mêmes parties.

L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil s'applique seulement aux décisions des
juridictions congolaises. En effet, à cause de leur caractère strictement territorial, les décisions
de juridictions pénales étrangères n'ont aucune autorité sur l'instance engagée devant un
tribunal civil congolais.

Concernant la décision au fond, il s'agit de la décision rendue en matière pénale sur la


culpabilité par une juridiction de jugement. Cela signifie que le juge civil n'est pas lié par une
décision:
- constatant la prescription de l'action publique1092;
- statuant sur la compétence; il en est ainsi d'une décision du juge du tribunal de paix qui s'est
déclaré incompétent pour connaître d'une infraction punissable de 10 ans d'emprisonnement
estimant qu'elle dépassait sa compétence matérielle car, ce faisant, le juge pénal n'affirme pas
que l'infraction est établie à charge du prévenu;
- statuant sur incident;
- avant dire droit, telle la décision de bornant à ordonner une expertise, sans statuer sur le
fondement des actions publique et civile;
- de la chambre de conseil siégeant en matière de détention préventive;

1090
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 978, pp. 997- 998.
1091
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1106; G. STEFANI, "Les effets du procès pénal sur le procès engagé devant le tribunal
civil", Revue international de droit pénal, 1955, p. 480; J. RUTSAERT, "L'autorité de la chose jugée au
criminel sur le civil", Mélanges Jean Dabin, Paris, éd. Sirey, 1963, n° 4, p. 889.
1092
J. RUTSAERT, "L'autorité de la chose jugée au criminel sur le procès civil ultérieur", Revue de droit pénal,
1966-197, p. 701.
452

- le classement sans suite du ministère public ou de l'officier de police judiciaire notamment


pour absence des éléments constitutifs de l'infraction.

L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux dispositions pénales de la décision, c'est-à-


dire celles qui statuent sur l'action publique; ainsi, la décision prononcée par le juge pénal sur
les actions civiles ne lie pas le juge civil ultérieurement saisi1093.

Cette décision doit être définitive c'est-à dire statuant sur le fond du litige (condamnation ou
acquittement) et même irrévocable c'est-à-dire n'est plus susceptible d'être modifiée par
l'exercice des voies de recours1094.

Concernant les mêmes personnes (parties); pour que l'autorité de la chose jugée du pénal
sur le civil puisse jouer pleinement, il faut que les parties (personnes) soient les mêmes. En
effet, ce n'est que dans la mesure où le demandeur et le défendeur au procès civil étaient au
procès pénal, et pour autant qu'ils aient librement pu valoir leurs droits, que le juge civil sera
strictement tenu de respecter les constatations matérielles du jugement pénal.

L'étendue de l''autorité de la chose jugée du pénal sur le civil se limite à ce qui a été
certainement et nécessairement jugé par le juge pénal relativement aux faits mis à charge du
prévenu en prenant en considération non seulement le dispositif de la décision mais aussi les
motifs qui en sont le soutien nécessaire. Ainsi, si le prévenu a été acquitté par le juge pénal
pour l'infraction des coups et blessures volontaires (articles 46 à 48 du Code pénal congolais
Livre II), la victime de ces coups ne peut pas obtenir réparation de son dommage devant les
juridictions civiles (articles 258 et suivants du Code civil congolais Livre III) après un
acquittement de l'auteur du dommage par le juge pénal.

c.4. Applications pratiques de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil

En cas de condamnation prononcée par le juge pénal, le juge civil saisi de l'action civile ne
peut se mettre en contradiction avec la décision pénale en ce qui concerne l'existence de
l'infraction, sa qualification et la culpabilité du condamné. Il ne peut refuser les dommages et
intérêts à la victime sous prétexte qu'il n'y a pas d'infraction ou que le délinquant n'est pas
coupable.

En cas d'acquittement, le juge civil ne peut davantage contredire ce qui a été nécessairement
décidé par le juge pénal. Il n'a pas le droit de reconnaître l'existence d'un fait matériel déclaré
inexistant par le tribunal pénal, ni affirmer que l'acquitté a participé à l'infraction, à supposer
qu'il ait été acquitté pour non participation au fait délictueux.

1093
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2439, p. 1250; J.
PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1043, p. 885.
1094
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 981, p. 1001; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2439, p. 1251; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1041, p. 884.
453

c.5. Autorité de la chose jugée de pénal sur le civil dans le cadre des voies de recours

L'on observera que la décision pénale prononcée par la juridiction de première instance n'a
aucune autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction d'appel saisie de l'action civile.
Ainsi, lorsque la partie civile est seule à interjeter appel, le prévenu ne peut lui opposer son
acquittement devant la juridiction de première instance pour faire obstacle à toute
indemnisation. Les juges d'appel seront libres d'apprécier les faits en tant que fondement à la
demande de réparation, sans avoir à tenir compte de l'acquittement; s'ils estiment les faits
établis, ils pourront faire droit à la demande de réparation, mais sans que leur décision porte à
conséquence du point de vue de la situation pénale du défendeur. En revanche, sur l'appel du
seul prévenu limité à l'action civile, les juges d'appel sont liés par l'autorité de la chose jugée
s'attachant à la décision de la juridiction de première instance statuant sur l'action publique
déclarant établi le fait servant de fondement à l'action publique et à l'action civile.

c.6. Proposition pour une réforme

Le droit congolais à l'instar du droit belge et français applique le principe de l'autorité de la


chose jugée du pénal sur le civil en tant que principe général de droit. Mais dans la pratique,
son application pose problème et soulève même des difficultés étant donné qu'il existe parfois
de contradictions entre le jugement pénal et le jugement civil. Face à cette réalité, il convient
de se demander s'il faut supprimer ce principe ou le maintenir tout en le consacrant sous
forme d'une loi.

Certains pays comme les Etats-Unis, l'Angleterre et l'Allemagne1095, n'ont plus l'autorité de
la chose jugée au pénal sur le civil. Nous pensons que si la RDC supprimait un tel principe, en
pareille hypothèse, les parties et le juge civil mèneraient les débats comme si rien ne s'était
passé préalablement. Ainsi, des victimes qui ne s'étaient pas constitués parties civiles
pourraient, devant le juge civil, remettre en cause l'acquittement du défendeur; de même,
l'automobiliste condamné au pénal pourrait contester sa responsabilité dans le cadre d'une
action en indemnisation des victimes ou d'une action récursoire de l'assureur.

Cette manière suppose l'abandon préalable de l'identité des fautes pénales et civile, et a
comme inconvénients le risque de banalisation de la décision pénale, la multiplication des
contradictions entre décisions pénales et civiles, la perte de temps, le risque de spéculation des
plaideurs, etc. Avec de tels inconvénients, la qualité de la justice sera atteinte et le droit d'être
jugé dans un délai raisonnable risquerait d'être régulièrement violé.

C'est pourquoi, nous pensons que ce principe devrait être intégré dans le Code de procédure
pénale. L'on devrait dans ce cas prévoir dans le Code de procédure pénale que le prévenu
acquitté ou condamné par une décision coulée en force de chose jugée ne peut plus être

1095
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1123.
454

poursuivi pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée au pénal par rapport aux actions
civiles ultérieures a valeur de présomption de vérité.

II. Effets spécifiques selon la nature de jugement

Il convient de distinguer à cet égard, les effets des jugements répressifs relatifs aux
jugements avant-dire droit (1), les jugements d'incompétence (2), les jugements
constatant l'extinction de l'action publique (3) et les jugements sur fond (5).

1. Les jugements avant dire droit

Il s'agit des jugements préparatoires ou jugements avant dire droit de type préparatoire et
des jugements interlocutoires ou jugements avant dire droit de type interlocutoire. Ils ne
statuent pas sur le fond même du procès; et c'est pourquoi ils ne dessaisissent pas du procès la
juridiction qui les rendus. Lorsque les mesures ordonnées dans ces jugements auront été
exécutées, ou après que l'incident aura reçu ainsi sa solution, l'affaire reviendra à l'audience de
la même juridiction, et les débats sur le fond reprendront. Bref, cette catégorie de jugement ne
dessaisit pas le tribunal de céans. Il suspend plutôt la saisine de ce tribunal sur l’action
principale pendante jusqu’à ce qu’une suite soit donnée à l’exception soulevée.

2. Les jugements d'incompétence

Toutes les juridictions de jugement, peuvent vérifier leur compétence, qu'il s'agisse
de compétence matérielle, personnelle ou territoriale. Elles le font à la demande du
ministère public ou des parties, soit même d'office. Dès que les débats sont ouverts, le
ministère public perd son droit de faire apprécier la qualification et seule la juridiction
saisit peut statuer sur son incompétence.

Le jugement d'incompétence dessaisit la juridiction qui l'a rendue. Ainsi, lorsque le


tribunal de paix se déclare incompétent parce que les faits qui lui sont déférés
constituent des infractions punissables de la peine de plus de 5 ans de SPP, il se déclare
incompétent matériellement, quitte au ministère public de ce tribunal de saisir le
ministère public près le tribunal de grande instance du ressort.

3. Les jugements constatant l'extinction de l'action publique

Cette extinction de l'action publique peut résulter de la prescription de l'action


publique, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale ou dépénalisation, la chose jugée, etc.
Un jugement constatant l'extinction de l'action publique met fin aux poursuites pénales.
Mais la juridiction pénale reste saisie de l'action civile qui avait été régulièrement
introduite avant la date de l'extinction de l'action publique. Le justiciable peut aussi
saisir la juridiction civile pour obtenir les dommages et intérêts.
455

4. Les jugements sur le fond

Il s'agit du jugement définitif quant au fond. Le jugement définitif est celui qui termine
l'instance; il peut être soit un jugement d’acquittement (a), soit jugement de condamnation (b), il
dessaisit le tribunal.

a) Les jugements d'acquittement

S'agissant des effets sur l'action publique; les jugements d'acquittement devenus définitifs
ont l'autorité de la chose jugée au pénal et s'opposent à toute nouvelle poursuite à raisons des
mêmes faits. Cela signifie que le prévenu est renvoyé de fin des poursuites sans frais car un
tel jugement met fin à l'action publique même si l'acquittement n'a été prononcé que le
bénéfice du doute. Si le prévenu était en détention, il doit être mis en liberté immédiatement,
nonobstant toute voie de recours, s'il n'est pas détenu pour autre cause.

S'agissant des effets sur les intérêts civils; s'il y a une partie civile, la juridiction de
jugement qui acquitte le prévenu ne peut pas prononcer une condamnation à des dommages et
intérêts au profit de la victime, puisqu'elle ne put statuer sur l'action civile qu'autant qu'elle
reconnaît la culpabilité du prévenu au titre de l'action publique. Elle doit donc se déclarer
incompétente pour statuer sur l'action civile dont elle était saisie accessoirement à l'action
publique. La victime peut alors se porter devant la juridiction civile pour obtenir satisfaction.
Mais le professeur Bernard Bouloc pense qu'en cas d'acquittement, lorsque le prévenu avait
par voie de conclusions, demandé des dommages et intérêts contre la partie civile, il sera
statué sur cette demande au cas où elle aurait été formulée. Elle sera admise qu'autant les
conditions de la responsabilité civile seront réalisées1096.

Le prévenu acquitté et qui avait été poursuivi à l'initiative d'une prétendue victime, peut
obtenir par le même jugement que la décision sur le fond la condamnation de celle-ci à
l'indemniser du préjudice causé pour un action téméraire et vexatoire.

Le jugement d'acquittement doit également statuer sur le sort des biens saisis. En principe,
ceux-ci doivent être restitués à leur légitime propriétaire, notamment l'acquitté, à moins que la
confiscation ne soit justifiée par caractère illicite des objets.

b) Les jugements de condamnation

Les plus fréquents des jugements rendus sur le fond par les juridictions répressives sont les
jugements de condamnation. Par ce jugement, le tribunal est dessaisi. La peine de
condamnation ne sera cependant exécutée que si le jugement est devenu irrévocable par
l’écoulement des délais de recours, en cas de non exercice de ces recours. Il n'y a pas en
matière pénale de jugements exécutoires nonobstant tout recours.

1096
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 892, p. 888.
456

b.1. La décision sur l'action publique

Le jugement de condamnation, une fois définitif, a l'autorité de la chose jugée au pénal; il


empêche qu'une nouvelle poursuite soit dirigée contre la même personne à raison des mêmes
faits (mais sous la même qualification), peut être invoqué à l'appui d'une action en réparation
portée par la victime devant le juge civil.

Le jugement de condamnation peut être à la base d'un mandat de prise de corps contre le
condamné laissé jusque-là en liberté afin qu'il aille purger sa peine en prison. Ce jugement
entraîne la condamnation du prévenu au paiement des frais du procès pénal.

b.2. La décision sur l'action civile

L'infraction a pu provoquer un dommage à la victime, que le délinquant doit réparer. Le


jugement qui constate la culpabilité du prévenu oblige la juridiction pénale à statuer sur
l'action civile. Si la demande de la victime est recevable et bien fondée, la juridiction
prononce la réparation qu'elle juge bonne après avoir décidé toutes mesures d'investigation lui
permettant d'évaluer le dommage. L'indemnisation est fixée par la juridiction de jugement
répressif, qui statue sur les intérêts civils comme le ferait la juridiction civile saisie au
principal. La condamnation du prévenu démontre la faute commise par celui-ci. La partie
civile pourra alors recevoir satisfaction si le préjudice dont elle fait état est bien personnel et
actuel, et constitue la conséquence directe des agissements entrant dans la définition même de
l'infraction. Cette satisfaction lui sera accordée le plus souvent sous forme de dommages et
intérêts. Le juge pénal statuant sur l'action civile apprécie souverainement l'ampleur du
dommage causé à la victime.

Une fois le jugement devenu définitif, le tribunal se trouve dessaisi de l'action publique et de
l'action civile.

b.3. La décision d'irrecevabilité

La juridiction de jugement peut être amenée à rendre une décision d'irrecevabilité lorsqu'elle
constate qu'elle n'a pas été saisi régulièrement dans certains cas spécifiques. Il en est ainsi
lorsque la poursuite a été intentée d'office par le ministère public alors qu'une plainte de la
victime était nécessaire (adultère, infractions aux droits d'auteur et voisins, infractions
fiscales, diffamation et dénonciation calomnieuse, etc.).

C'est le cas aussi de la poursuite pénale contre les députés, sénateurs, ministres et vice-
ministres du gouvernement central (sans l'autorisation de l'assemblée nationale ou du Sénat
pour les sénateurs), les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du parquet près cette
Cour, les membres du Conseil d'Etat et ceux du parquet près ce Conseil, les premiers
présidents des cours d'appel et procureurs généraux près ces cours, les premiers présidents des
cours administratives d'appel et procureurs généraux près ces cours (sans l'autorisation du
Conseil supérieur de la magistrature), gouverneurs, vice-gouverneurs, ministres provinciaux,
457

membres des assemblées provinciales (sans l'autorisation de l'assemblée provinciale), maires,


maires adjoints, membre de l'assemblée urbaine (sans l'autorisation de l'assemblée urbaine),
bourgmestre, conseiller communal (sans l'autorisation du Conseil communal), chef de secteur,
conseiller de secteur (sans l'autorisation du Conseil de secteur), chef de chefferie, conseiller
de chefferie (sans l'autorisation du Conseil de chefferie). Mais cette autorisation ne joue pas
lorsque l'infraction est flagrante ou réputée flagrante.

Si par inadvertance, le ministère public saisit les juridictions à l'égard de ces justiciables
sans avoir obtenu l'autorisation des assemblées qui sont requises par la loi, ou si ces
juridictions sont saisies par voie de citation directe à l'égard de ces justiciables, elles
prononceront un jugement d'irrecevabilité (qui n'est pas susceptible d'appel) et non un
jugement d'incompétence. Il en est de même du jugement concernant certaines infractions qui
nécessitent la plainte de la partie lésée.

Le jugement d'irrecevabilité dessaisit en principe la juridiction qui l'a rendu. Cependant ce


dessaisissement n'est pas toujours définitif. Il est possible que, les conditions légales se
trouvant ultérieurement réunies en temps encore suffisant, l'affaire puisse être portée de
nouveau devant la juridiction qui avait refusé de s'en saisir. Ainsi, une nouvelle poursuite peut
intervenir après plainte de la partie lésée (victime), autorisation de l'assemblée (conseil)
concerné(e); de même l'appel, hier prématuré, peut aujourd'hui être ouvert, etc.

§ 7. Classification des jugements en matière pénale

Les jugements en matière pénale peuvent être classés en fonction de leur auteur (I), de leur
contenu (II), de la décision au fond (III), de la procédure suivie (IV), et de l'intensité de leurs
effets (V).

I. Classification en fonction de l'auteur du jugement

- Les jugements, au sens strict, émanent des tribunaux inférieur, tel que le tribunal de paix, le
tribunal de grande instance, le tribunal de commerce, le tribunal pour enfants, le tribunal
militaire de police, le tribunal militaire de garnison.

- Les arrêts: sont toutes les décisions rendues par les juridictions élevées, qu'on appelle cours,
telles que les cours d'appel, la Cour militaire, la Cour militaire opérationnelle, la Haute Cour
militaire et la Cour de cassation.

- Les ordonnances sont rendues par la chambre du conseil aux différents stades de
l'instruction (ordonnances d'autorisation de mise en détention préventive, ordonnances de
confirmation de mise en détention préventive, ordonnances de mise en liberté provisoire,
etc.).
458

II. Classification en fonction du contenu du jugement

- Les jugements au fond portent sur la prévention elle-même en acquittant ou en condamnant


le prévenu. Un jugement de fond sur l'action civile porte sur le bien-fondé de la demande.

- Les jugements sur incident, sont ceux qui ne terminent pas l'instance devant une juridiction
c'est-à-dire ne jugent pas le fond de l'affaire mais règlent l'incident soulevé devant le tribunal.
Ils se bornent à vider un incident, par exemple en statuant sur un déclinatoire de compétence,
une fin de non-recevoir, la nullité d'une mesure d'instruction. Le tribunal peut décider de
trancher cet incident immédiatement sans entreprendre l'examen de l'affaire ou fond, ou, au
contraire, joindre cet incident au fond par une décision assortie de l'exécution provisoire et
poursuivre aussitôt l'examen de l'affaire au fond.

- Les jugements définitifs sont ceux qui épuisent la juridiction du juge sur une question de
fond ou incidentielle, et par conséquent le dessaisissent quant ce. Les jugements définitifs
sont ceux qui terminent l'instance dans un sens défavorable ou favorable1097. Le jugement
définitif est donc celui par lequel le juge épuise son pouvoir de juridiction sur un point
litigieux1098. Une décision termine l'instance soit lorsqu'elle se prononce au fond
(acquittement ou condamnation), soit lorsqu'elle admet une exception d'incompétence ou une
fin de non recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause1099.

L'expression décision définitive peut aussi désigner la décision qui, statuant sur l'ensemble des
questions litigieuses qui faisaient l'objet de la demande, épuise la juridiction du juge sur
l'ensemble de ces questions. Les jugements définitifs désignent aussi, en un sens, ceux qui ne
sont plus susceptibles d'être entrepris par la voie de l'appel ou de l'opposition, soit parce que
les voies de recours ont été épuisées, soit parce que les délais sont écoulés.

- Les jugements préparatoires, ce sont les jugements rendus pour l'instruction de la cause et
qui tendent à mettre le procès en état de recevoir jugement définitif1100. Ils ont pour but de
faciliter la décision sur le fond (par exemple un jugement décidant un supplément
d'information). On les appelle aussi les jugements avant dire droit de type préparatoire. Tel
est le cas de certaines décisions qui se bornent à des mesures provisoires et préparatoires, sans

1097
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25;
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.09, p. 83;
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1049; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en
cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F.
VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n° 268, p. 175.
1098
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait
du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
1099
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1050.
1100
Article 73 alinéa 1 du Code de procédure civile.
459

toucher au fond du litige1101. Il s'agit des décisions qui mettent les litiges en état de recevoir
une solution sans terminer l'instance. Constitue une décision préparatoire, notamment l'arrêt
ou le jugement:
- qui constate que l'action publique n'est pas prescrite et que l'instruction de la cause sera
poursuivie à une audience ultérieure;
- qui joint l'appréciation de la recevabilité d'un moyen relatif à l'admissibilité de l'exercice de
l'action publique à la décision définitive;
- qui rejette une demande de remise de la cause et décide que celle-ci sera instruite au fond;
- qui ordonne une expertise médico-légale d'un mineur, une information sociale et des
mesures provisoires1102;
- la décision de réouverture des débats;- la décision qui ordonne ou refuse la disjonction de
deux causes;
- la décision qui ordonne une expertise complémentaire ou qui refuse une instruction
complémentaire.

- Les jugements interlocutoires, ce sont les jugements par lesquels le tribunal ordonne, avant
dire droit, une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le fond1103. Ils ne sont
pas prévus par le Code de procédure pénale, mais seulement par l’article 73 du Code de
procédure civile qui s’applique également à la procédure pénale car il constitue le droit
commun de la procédure congolaise devant combler les lacunes constatées en procédure
pénale. Ces jugements sont appelés aussi "jugements avant dire droit de type interlocutoire".
Ce sont aussi les jugement par lesquels les juges statuent seulement sur incident de procédure
étranger au fond ou ordonnent une mesure préalable, destinée à instruire la cause ou à régler
provisoirement la situation des parties (par exemple lorsqu'ils accordent une allocation
provisionnelle à la partie civile, avant de statuer sur la totalité de sa demande). Le jugement
avant dire droit s'oppose au jugement définitif, dans ce cas, le juge reste saisi1104.

Il convient de souligner qu'en France, la distinction entre jugements préparatoires et


jugements interlocutoires relève d'une ancienne terminologie car actuellement, l'on y
distingue les jugements avant-dire droit provisoires et les jugements avant droit relatifs aux
incidents de nature contentieuse (incidents de compétence, exceptions de nullité, etc.). Ces
derniers ne sont pas provisoires1105.

Les jugements avant dire droit dont des jugements qui ne tranchent pas le fond du procès,
mais préparent simplement la solution de celui-ci; ils tranchent certains incidents contentieux

1101
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
1102
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1050-1051.
1103
Article 73 alinéa 2 du Code de procédure civile.
1104
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.825.
1105
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 2297, p. 1157.
460

ou ordonnent des mesures permettant d'éclairer la juridiction1106. Comme leur nom l'indique,
ce sont des jugements que la juridiction de jugement prend avant de dire le droit sur la
demande principale dont elle est saisie. Ils statuent sur des questions urgentes1107.

Parmi ces jugements avant dire droit, on peut mentionner ceux qui règlent un incident ou
rejettent une exception: statuant par exemple sur la recevabilité de la partie civile ou la
validité d'un acte de procédure, rejetant l'exception d'incompétence, de prescription ou
d'amnistie, etc. On peut citer également ceux qui ordonnent une mesure d'instruction.

III. Classification en fonction de la décision au fond

- Le jugement de condamnation est celui qui condamne le prévenu soit à une peine
d'emprisonnement soit à une amende. Il met fin à l'instance.

- Le jugement d'acquittement est celui qui acquitte le prévenu. Il met fin à l'instance.

IV. Classification en fonction de la procédure suivie

- Les jugements contradictoires sont rendus à l'issue d'un débat auquel a participé la partie
concernée.

- Les jugements par défaut sont rendus à l'issue d'une procédure au cours de laquelle la partie
n'a pas participé en tout, voire en partie, aux débats (ni représentée).

- Les jugements réputés contradictoires peuvent intervenir à l'issue d'une procédure au cours
de laquelle le prévenu ayant comparu à la première audience a été invité à comparaître
personnellement aux audiences suivantes et s'est soustrait à cette obligation.

V. Classification en fonction de l'intensité des effets

- Les jugements ayant l'autorité de chose jugée sont les jugement définitifs.

- Les jugements coulés en force de chose jugée sont ceux qui ne sont plus susceptibles
d'opposition et d'appel.

- Les jugements exécutoires par provision sont les jugements pour lesquels le juge, dans la
mesure où il y est autorisé par la loi, ordonne leur exécution avant même la décision définitive
exécutoire.

1106
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 887, p. 882.
1107
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 477, p. 760.
461

§ 8. Style et caractères spécifiques des jugements

I. Style des jugements

Les anciennes formules de rédactions magiques des jugements ont été abandonnées
(exemples: attendus que, vu que, considérant que, etc.). La conséquence est que les décisions
judiciaires deviennent davantage accessibles à la compréhension de la plupart de ceux qui
peuvent lire et comprendre le français. Le nouveau style libre fut d’abord imposé à la Cour
suprême de justice, ensuite il s’étendit progressivement au niveau des juridictions
intérieures. Cependant, une formation en légistique s’impose à tous les magistrats.

II. Caractères spécifiques des jugements

1. La minute

C’est l’original d’un jugement revêtu de signatures des juges qui ont rendu la décision et de
celle du greffier qui a siégé à l’audience du prononcé de la décision. Elle est conservée au
greffe.

2. L’expédition d’un jugement

C’est le texte intégral du jugement ainsi que la copie certifiée conforme de ce jugement.
Elle est délivrée par le greffier au ministère public et aux parties en cause qui en font la
demande, moyennant pour ces dernières, payement d'un droit de timbre.

3. La grosse d’un jugement

C’est l’expédition revêtue de la formule exécutoire.

4. L’extrait du jugement

La loi en parle en matière pénale s’agissant de la signification du jugement par défaut qui est
faite par extrait1108.

La loi précise le contenu de l’extrait du jugement qui doit comprendre :


- La date du jugement ;
- L’indication du tribunal qui a rendu le jugement ;
- Les noms, professions et demeures des parties ;
- Les motifs et le dispositif ;
- Les noms des juges et du greffier qui ont siégé dans l’affaire.

En matière de signification de jugement par défaut, la loi n’exige pas de signifier la copie
du jugement, même certifiée conforme.

1108
Article 88 du Code de procédure pénale.
462

SECTION 3: PARTICULARITE DU JUGEMENT PAR DEFAUT


§ 1. Notions de défaut

Dans la langue courante, le défaut est souvent assimilé à l'absence physique, voire au
silence d'une personne présente. Dans le langage judiciaire, il y a défaut lorsque la partie
concernée n'a pas comparu ou n'a pas été représentée à l'audience alors qu'elle avait été
régulièrement citée à venir comparaître devant le tribunal.

L'institution du défaut a été prévue en droit congolais pour permettre aux parties qui
n'auraient pas été touchées par la citation ou qui auraient été empêchés de se rendre à
l'audience à laquelle elles étaient citées, de présenter leur défense dans une procédure
d'opposition1109.

§ 2. Procédure par défaut

Elle se déroule de la même manière et même ordre que celui prévu pour la procédure
contradictoire, exception faite des phases dans lesquelles la partie absente aurait un rôle à
tenir.

Le fait qu'une partie est défaillante ne fait pas cependant pas obstacle à ce qu'il soit tenu
compte des éléments dont cette partie a fait apport au cours de l'instruction préparatoire, sauf
pour le juge à apprécier si la non-confirmation de ces éléments à l'audience, entame la valeur
probante de preuve. On doit admettre que le tribunal peut tenir compte de documents qui lui
été adressés avant l'audience par une partie qui ne comparaît pas.

En cas d'absence du prévenu ou du défaut de qualité de mandataire, le greffier en prend


acte et la procédure suit son cours1110. Le fardeau de la preuve est à charge du ministère public
comme si le procès était contradictoire; aucune renonciation aux formes ne peut être présumée
lorsque le prévenu ne comparaît pas, toutes les exceptions et fins de non recevoir, qui sont
d'ordre public, doivent être soulevées d'office par les juges. Le tribunal ne peut cependant
instruire et débattre la cause que pendant la seule audience à la quelle le prévenu a été cité. Si
les devoirs de l'instruction exigent une remise à une audience ultérieure pour un devoir
complémentaire, le prévenu doit être avisé de cette de cette remise par une nouvelle citation à
prévenu, faute de quoi la procédure sera irrégulière, les droits de la défense n'étant pas
respectées.

Le défaut de la partie civilement responsable sera constaté comme le défaut du prévenu et la


procédure sera poursuivie sans désemparer. Le défaut de la partie civile n'aura d'autre effet
que de la priver d'une possibilité de justifier sa demande civile; si la preuve de ses prétentions

1109
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 229, p. 136.
1110
Article 72 du Code de procédure pénale.
463

n'est pas rapportée, le tribunal devra la débouter; mais si cette preuve résulte du dossier, le
tribunal doit faire droit à la demande, même si la partie civile n'est pas représentée et ne
réitère donc pas par voie de conclusions les prétentions formulées à la citation ou dans l'acte
de constitution de la partie civile.

L'allocateur de dommages et intérêts d'office ne peut jamais être considéré comme partie
défaillante même si il a été cité comme témoin et a omis de se présenter.

Lorsqu'un prévenu fait défaut après avoir comparu, il sera jugé par défaut si la cause a été
prise en délibéré et peut après le prononcé du jugement faire opposition de ce jugement. De
même, lorsqu'après avoir comparu à une audience ou plusieurs audiences, une partie fait
défaut aux audiences subséquentes durant les quelles les faits sont instruits, les responsabilités
sont examinées, ou les demandes sont contestées, le jugement doit être rendu par défaut à son
égard. L'article 72 du Code de procédure pénale prévoit que si la personne citée ne comparaît
pas, elle sera jugée par défaut.

§ 3. Jugement par défaut

Le prononcé du jugement par défaut ne lui enlève pas son caractère d'un véritable
jugement. Il est cependant important que les parties soient averties du prononcé, puisque les
délais d'appel commencent à courir à partir de cette date, sans égard au fait que les parties
aient été averties ou non du jugement intervenu. Si le tribunal a prononcé la clôture des
débats, les parties sont implicitement averties de ce que le jugement sera prononcé dans la
huitaine, encore qu'elles ne sont pas pour autant fixées sur la date exacte du prononcé, et
qu'elles n'ont même pas la certitude que les juges respecteront leur obligation de prononcer le
jugement dans ce délai. Pour éviter toute surprise aux parties, il conviendrait que le juge
pénal clôturant les débats lors de l'audience contradictoire fixe une date, plus au moins dans
les dix jours, à laquelle il prononcera son jugement. Lorsque le prévenu est en détention
préventive, il est d'usage d'ordonner son extraction de la prison pour assister au prononcé.

Le jugement par défaut est un jugement parfait en la forme et a tous les effets juridiques car
il a force de chose jugée dès son prononcé. Le jugement de condamnation rendu par défaut
n'est coulé en force de chose jugée, et par ce fait exécutoire, qu'après l'écoulement du délai de
dix jours1111 à dater de la signification. Ce délai est prorogé par le délai de distance (un jour
pour 100 kilomètres). L'exécution du jugement rendu par défaut est suspendue par l'exercice
des voies de recours.

1111
Articles 89, 94, 97 et 102 du Code de procédure pénale.
464

QUATRIEME PARTIE :

LES VOIES DE RECOURS

Les voies de recours sont des procédures ouvertes aux parties ou aux tiers en vue
d’obtenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé en tout ou en partie1112. Ce sont les
procédures que la loi ouvre aux parties et même parfois aux tiers en vue d'obtenir une
nouvelle décision dans une cause sur laquelle une juridiction a déjà statué et leur a infligé
grief1113. De manière simple, les voies de recours sont des procédures permettant d'attaquer
une décision rendue afin de lui substituer une nouvelle, présumée meilleure; autrement dit, les
procédures par lesquelles les parties attaquent une décision rendue afin de la faire modifier ou
réformer.

Les voies de recours doivent être distinguées de la demande en rectification ou en


interprétation. La demande en rectification ne peut avoir pour objet que la rectification par le
juge des erreurs matérielles. La demande en interprétation a pour objet d'interpréter le
jugement rendu qui est soit obscur ou soit ambigu. Le jugement interprétatif ne peut ni
modifier ni compléter ni amender ce qui a été décidé dans la décision interprétée.

Les voies de recours ont pour avantages d'offrir aux parties au procès pénal la garantie d'un
double examen d'une même procédure. En effet, la faculté de multiplier les instances
contribue certainement à atteindre le but poursuivi par la procédure pénale: découvrir la vérité
judiciaire, en essayant de prendre en compte le maximum d'éléments intéressant la cause.
Enfin, les voies de recours permettent de corriger les erreurs judiciaires de fait et de droit.
Elles contribuent en principe à réaliser l'oeuvre du juge avec plus d'efficacité et de perfection.

Les voies de recours ont pour inconvénient l'allongement des procédures, avec risque
d'utilisation des voies de recours à des fins purement dilatoires, l'accroissement du coût du
procès et peut être atteinte au crédit et à l'autorité des juridictions inférieures par rapport aux
juridictions d'appel et à la Cour de cassation1114.

Le législateur a prévu plusieurs mécanismes pour protéger les justiciables contre les abus
et l’arbitraire de la justice, à savoir : les voies de recours ordinaires (chapitre I) et les voies de
recours extraordinaires (chapitre II).

1112
G. DELEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier,
2015, n° 8.1, p. 753.
1113
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH et Droit de la procédure pénale Tome II.
Le jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1351.
1114
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.990.
465

CHAPITRE I: LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES

Il s’agit des voies de recours ouvertes aux parties dans tous les cas et permettent
d’attaquer en tous points la décision. Ces voies de recours sont ouvertes pour toutes les
espèces de cause, des causes que la loi ne précise pas à l'avance et ces voies de recours sont
largement ouvertes pour n'importe quel motif1115. Ces vois de recours, largement ouvertes et
pour n'importe quel motif, ont pour but de faire juger une nouvelle fois, sous tous ses aspects,
une affaire qui a été déjà jugée1116. Elles ont pour objet de faire examiner à nouveau l'affaire
dans tous ses éléments de fait et de droit1117. Elles sont admissibles par principe et peuvent
soumettre au second juge le fond et la forme de l'affaire dans son ensemble1118. Elles
produisent un effet suspensif de l’exécution de la décision attaquée. L’on distingue
l’opposition (section 1) et l’appel (section 2).

SECTION 1: L’OPPOSITION

§ 1. Notions

L'opposition est prévue par les articles 88 à 95 du Code de procédure pénale. C’est un
recours de rétractation porté devant la même juridiction qui a rendu la décision attaquée par
un justiciable qui a été condamné par défaut (à son absence). Elle ne concerne que les
décisions rendues par défaut et a pour but de ramener la cause devant le juge qui a statué par
défaut en vue d'obtenir un examen contradictoire de la cause (du juge mal informé au juge
mieux informé)1119. Dans la langue courante, le défaut est souvent assimilé à l'absence
physique, voire au silence d'une personne présente. Dans le langage judiciaire, il y a défaut
lorsque la partie concernée n'a pas comparu ou n'a pas été représentée à l'audience alors
qu'elle avait été régulièrement citée à venir comparaître devant le tribunal.

L'institution du défaut a été prévue en droit congolais pour permettre aux parties qui
n'auraient pas été touchées par la citation ou qui auraient été empêchées de se rendre à
l'audience à laquelle elles étaient citées, de présenter leur défense dans une procédure
d'opposition1120.

1115
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 37, p. 29.
1116
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 908, p. 903.
1117
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 938, p. 819.
1118
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 484, p. 776.
1119
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1353.
1120
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 229, p. 136.
466

L'opposition permet à une partie qui n’a pas comparu de demander au juge qui a rendu
la décision de se rétracter et c'est pourquoi on l'appelle le recours en rétractation consistant à
substituer une décision une décision contradictoire à la décision rendue par défaut1121. Elle se
justifie par l'idée que nul ne peut être condamné et astreint à exécuter une peine sans avoir été
entendu alors que la juridiction aurait peut-être rendu une décision autre si le prévenu avait été
présent.

Ce recours a la particularité d'être exclusivement réservée à la partie défaillante qui


n'a pas comparu ou, qui n'a pas présenté ses moyens de défense: le défaillant demande au juge
qui l'a condamné, de juger l'affaire à nouveau, tant en fait qu'en droit, à la lumière des
éléments qu'il lui apporte et dont le juge n'avait pas eu connaissance la première fois. En effet,
nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou à tout le moins appelé; le prévenu a le droit de
contredire l'accusation portée contre lui et la victime de la partie civile constituée, ceux-ci ont
toujours le droit, par voie d'opposition, de soumettre à nouveau l'affaire au tribunal qui en
jugera, cette fois, en ayant entendu leurs moyens de défense. L'opposition est donc une voie
de rétractation normale: elle consiste dans le fait de la partie défaillante se saisir à nouveau le
même tribunal, de lui demander de rétracter ou rapporter sa décision, en d'autres termes, de
substituer une décision contradictoire à la décision rendue par défaut, après avoir entendu le
défaillant et les autres litigants1122(justiciables). Celui qui exerce cette action est appelé
opposant.

A la différence de l'appel; pour l'opposition, l'affaire est portée; non pas devant une
juridiction hiérarchiquement supérieure, mais devant la même juridiction à qui il est demandé
de rétracter sa décision initiale. Il s’agit donc du recours au juge mal informé devant le juge,
cette fois bien, bien informé ; il relève de la compétence exclusive de la juridiction qui a statué
par défaut mais ce n’est pas nécessairement le même juge qui connaît du recours. L'opposition
est ouverte à tout défaillant, quelle que soit sa place dans le procès, il doit démontrer sa
qualité de partie condamnée par défaut et non son intérêt à agir. En tant que voie de recours
ordinaire, son exercice entraine en principe, la suspension de la force exécutoire de la
première décision1123.

Elle est une voie de recours indispensable qu’utile à la bonne administration de la


justice et qui laisse intact le principe du double degré de juridiction, le défaillant ayant
l’occasion de soumettre son argumentation tant au juge qui a connu du défaut qu’à la
juridiction supérieure. Lors de l'opposition, le tribunal va en principe, juger l'affaire à la
lumière de la contradiction. C'est en cela que l'existence même de l'opposition constitue une
mesure exceptionnelle de protection des droits de défense. Le respect de ceux-ci se manifeste

1121
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°1, p.9.
1122
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.994.
1123
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 35, p.23
467

a posteriori en raison de l'attitude du défaillant et le juge parachève un travail dont


l'imperfection initiale a pour origine une mauvaise information.

L'opposition existe dans tous les contentieux (civil, commercial, social, pénal,
administratif et constitutionnel) afin de respecter le principe du contradictoire, mais il existe
des nuances d’une procédure à l’autre1124. En matière pénale, le délai est de 10 jours outre les
délais de distance. Un jugement par défaut est opposable au moment où l’on en a pris
connaissance soit par signification, soit par l’arrestation opérée dans le cadre de son
exécution1125.

§ 2. Conditions

I. Décisions susceptibles d'opposition

Seuls les jugements ou arrêts rendus par défaut sont susceptibles d'opposition et non
contre un jugement contradictoire. Un jugement ou arrêt est contradictoire lorsque la partie
concernée était présente à l'audience. Pour déterminer si une décision est contradictoire, il y a
lieu d'avoir égard les pièces dont il ressort que les parties ont, ou non, assisté aux débats pour
y soutenir leurs demandes, défenses et exceptions. Un jugement ou arrêt est réputé par défaut
dès que l'une des parties: condamné, civilement responsable, partie civile déjà constituée n'a
pas comparu personnellement ou par son avocat qui la représente, c'est-à-dire lorsqu'elle ne
s'est pas présentée pour contredire la prévention ou tout au moins s'expliquer sur les faits qui
ont donné lieu à la poursuite ou pour soutenir sa demande s'il s'agit de la partie civile ou de
l'administration poursuivante. Dans cette mesure, lorsque les débats sont rouverts en l'absence
de certaines parties, le jugement ou arrêt prononcé dans la suite est rendu par défaut1126. En
pratique, le moment du défaut se joue à l'audience précédant la prise en délibéré de la cause.
C'est le procès verbal d'audience tenu par le greffier qui mentionnera le défaut d'une partie ou
de parties concernées.

A l'égard du prévenu, le jugement sera considéré contradictoire s'il est présent ou


représenté au procès, s'il a assisté à l'audition des témoins, a été interrogé, s'il a entendu les
réquisitions du ministère public, et a lui-même fourni ses explications et si aucune mesure
d'instruction n'a eu lieu ou aucune pièce déposée en son absence. Le jugement sera
contradictoire ou par défaut à l'égard du civilement responsable et de la partie civile dans les
mêmes conditions que pour le prévenu. Il faut qu'ils aient pu faire valoir leurs moyens de
défense. Ainsi, un jugement peut être contradictoire à l'égard de certaines parties et par défaut
à l'égard d'autres1127. Un arrêt est considéré comme étant rendu par défaut exactement dans les
mêmes conditions que le jugement.

1124
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 495, p. 461.
1125
Tribunal de grande instance de Kinshasa/Ndjili / appel, 25 juillet 1988, RPA 956 / 685, inédit.
1126
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.995.
1127
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.996.
468

En principe, tout jugement ou arrêt rendu par opposition, qu'il tranche le fond ou une
exception ou une fin de non-recevoir (décisions sur incidents ou avant dire droit, décisions
définitives) est susceptible d'opposition à l'exception des simples mesures d'ordre1128.
Constituent les mesures d'ordre celles qui ont trait à la simple administration de la justice et
qui ne portent ni directement, ni indirectement sur l'examen même de l'affaire, ni ne peuvent
influer sur le jugement de celle-ci1129. De manière simple, ce sont des décisions ou mesures
par lesquelles le juge ne résout aucune question de fait ou de droit litigieuse ou n'en préjuge
pas, de sorte que la décision n'inflige à aucune des parties un grief immédiat. C'est par
exemple les décisions de fixation de cause, les décisions de remise, les omissions de rôle et
les radiations ainsi que la décision ordonnant la comparution personnelle des parties. Ces
décisions ne sont susceptibles d'opposition1130.

De même, il ne peut être question pour le prévenu de former opposition contre un


jugement d'acquittement ou contre une décision rendue par défaut qui constate l'incompétence
du juge pour connaître de l'action publique1131. Enfin, les arrêts de la Cour de cassation ne
peuvent pas faire l'objet d'opposition étant donné qu'ils ne sont susceptibles d'aucuns
recours1132.

II. Parties pouvant faire opposition

En principe, chaque partie au procès qui était défaillante peut faire opposition. Il ne
peut toutefois y avoir de défaut du ministère public puisqu'il assiste à toutes les audiences de
juridictions: tribunaux de paix, tribunaux de grande instance, tribunaux de commerce,
tribunaux de travail, tribunaux pour enfants, cours d'appel et Cour de cassation1133. En son
absence, le tribunal ou la Cour ne serait pas régulièrement constitué et ne pourrait pas
valablement juger au risque que la décision prononcée soit susceptible de cassation. Il faut
donc que la personne qui fait opposition soit déjà partie au procès pénal. Le droit d'opposition
appartient donc au condamné, à la partie civile régulièrement constituée, au civilement
responsable1134 et, éventuellement, à la partie intervenante volontaire ou forcée. La partie qui
fait l'opposition doit être défaillante.

1128
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1353; O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles,
éd. Larcier, 2004, n°3, p.12.
1129
A. FETTWEIS, Droit judiciaire privé, 5ème éd., t. III, Liège, Presses universitaires de Liège, 1980, p. 462.
1130
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1354.
1131
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°3, p.11.
1132
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1133
Article 66 alinéa 5 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1134
Articles 89 et 90 du Code de procédure pénale.
469

En vertu de la règle, opposition sur opposition ne vaut, la partie défaillante ne peut


former opposition contre la décision rendue par défaut sur une première opposition, peu
importe que cette décision statue au fond sur l'opposition ou la déclare non avenue ou
irrecevable. De manière simple cela signifie, lorsque le prévenu a formé opposition et qu'il a
été statué sur celle-ci, une nouvelle opposition contre la même condamnation est irrecevable.
Cette règle permet d'éviter que la partie défaillante ne paralyse indéfiniment l'exercice de
l'action publique par la multiplication de son droit d'opposition. Si la partie défaillante a été
présente et a fait valoir ses droits, elle ne dispose que du droit d'appel1135. Mais le prévenu
peut faire former opposition contre la décision rendue en appel par défaut alors qu'il aurait
déjà exercé un tel recours en première instance. Quand la partie civile a saisi la juridiction par
voie de citation directe et si le défaut est retenu contre elle, elle sera condamnée à payer les
frais d'instance.

Lorsque le prévenu fait défaut et que le tribunal décide de remettre la cause à une
audience avant tout examen, le prévenu doit être cité à nouveau.

III. L'intérêt à agir

La partie qui prétend exercer l'opposition doit justifier d'un intérêt à agir. Ainsi un
prévenu ne pourra faire opposition à un jugement d'acquittement, même rendu en son absence
et contenant des motifs peu flatteurs à son égard car il n'a aucun intérêt. A cet égard, est
irrecevable, à défaut d'intérêt, l'opposition du prévenu à une décision rendue par défaut qui
constate l'incompétence du juge pour connaître de l'action publique ou qui l'acquitte des
préventions retenues à sa charge. De même, est irrecevable l'opposition formée après
l'expiration du délai de prescription de la peine, par un condamné auquel le jugement par
défaut n'a pas été signifié à personne et qui n'a connu la signification dudit jugement qu'après
que la peine fut prescrite.

La partie civile doit aussi justifier de l'intérêt à agir qui se ramène à la preuve que la
décision lui fait grief1136. Elle ne pourra exercer l'opposition que dans la cas où il n'a pas été
fait pleinement droit à sa demande. Enfin, il en est le cas pour la partie civilement responsable
qui serait mise hors cause par un jugement par défaut.

IV. La décision attaquée ne doit pas faire l'objet d'appel

En principe, rien n'exclut qu'un jugement par défaut puisse faire l'objet d'appel aussi
bien que d'opposition. Cependant, il est sursis à la poursuite de la procédure en appel engagée

1135
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1357.
1136
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 942, p. 821; M. A. BEERNAERT, H. D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le jugement, Les voies de
recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte,
2014, p. 1357; GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2320, p.
1183.
470

par le ministère public, la partie civilement responsable ou la partie civile contre un jugement
de condamnation prononcé par défaut à l'égard du prévenu1137. Nous sommes d'avis si la
partie défaillante a opté pour l'appel, elle se ferme par son propre fait et sans retour la voie de
l'opposition1138.

V. L'opposition doit être introduite dans le délai légal

En matière pénale, le délai pour introduire l'opposition est de 10 jours pour le condamné,
la partie civile et la partie civilement responsable 1139 outre le délai de distance de un jour pour
100 kilomètres. Ainsi, le condamné par défaut peut faire opposition au jugement dans les dix
jours qui suivent celui de la signification à personne, outre les délais de distance un jour pour
100 kilomètres. Lorsque la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition peut être
faite dans les dix jours, outre les délais de distance, qui suivent celui où l'intéressé aura eu
connaissance de la signification. S'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, il peut faire
opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine quant aux condamnations
pénales et jusqu'à l'exécution du jugement, quant aux condamnations civiles1140.

La partie civile et la partie civilement responsable ne peuvent faire opposition que dans les
dix jours qui suivent celui de la signification, outre les délais de distance1141. Ce délai
d'opposition a pour point de départ le jour de la signification de jugement ou arrêt. Il se
calcule conformément au droit commun, à compter du lendemain de l'acte de signification, le
dies a quo ne compte pas. Cela signifie que le calcul de délai d'opposition commence à courir
le lendemain de la signification. La date de l'opposition est celle de la déclaration en réponse
faite à l'huissier qui signifie le jugement, ou celle de la déclaration au greffe, ou celle de la
réception de la lettre missive au greffe. Rien n'empêche cependant la partie défaillante de
faire opposition avant la signification, dès qu'elle a connaissance du jugement, alors même
que le délai n'a pas encore commencé à courir.

Le délai de distance (un jour pour 100 kilomètres) doit être calculé depuis le lieu où la
signification a été faite jusqu'au greffe du siège ordinaire du tribunal1142.

L'article 89 alinéa 3 du Code de procédure pénale accorde une prorogation du délai


d'opposition au condamné. Cet article dit : "S'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, il
peut faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine quant aux
condamnations pénales et jusqu'à l'exécution du jugement, quant aux condamnations civiles".
Cela signifie que le délai de dix jours pour faire opposition peut être prorogé jusqu'à
l'expiration des délais de prescription de l'action publique uniquement à la faveur du
condamné à une peine répressive et ce afin de sauvegarder les droits de la défense; ni la partie

1137
Article 94 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
1138
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 943, p. 821.
1139
Articles 89 et 90 du Code de procédure pénale.
1140
Article 89 du Code de procédure pénale.
1141
Article 90 du Code de procédure pénale
1142
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 240, p. 245.
471

civile ni la partie civilement responsable ne peuvent s'en prévaloir. En effet, le délai


d'opposition des autres parties privées se trouve délimitée par le délai de dix jours, majoré au
délai de distance (un jour pour 100 kilomètres) action en est-à-dire que tant que la peine n'est
pas prescrite. Exemple: Mr Malikidogo commet l'infraction de viol le 17 janvier 2016,
infraction punissable d'une peine de 5 à 20 ans de SPP (article 170 du Code pénal congolais
Livre II). La prescription de cette infraction est de 10 ans. La prescription de l'action publique
sera acquise jusqu'au qu'au 16 janvier 2026. Si l'acte interruptif intervient 15 janvier 2026, la
prescription de l'action publique ira jusqu'au 14 janvier 2036. Cela signifie que Mr
Malikidogo a le droit de faire opposition contre le jugement qui l'a condamné jusqu'au 14
janvier 2036. Il convient cependant de préciser que la prorogation du délai d'opposition en
faveur du prévenu ne suspend pas l'exécution du jugement1143.

A l'expiration du délai d'opposition, le jugement rendu par défaut est coulé en force de la
chose jugée c'est-à-dire que ce jugement sort tous ses effets juridiques. Dans ce cas,
l'opposition est irrecevable même si le retard est dû à la faute de l'avocat, mandataire de
l'opposant.

§ 3. Juridiction compétente

L'opposition étant une voie de rétractation, l'affaire doit être soumise à la juridiction
qui a connu de l'affaire et qui a prononcé le jugement par défaut à l'égard de la partie
opposante. Il s'agit pour cette juridiction, d'une compétence exclusive et d'ordre public car sa
violation, peut être un motif valable du pourvoi en cassation.

§ 4. Signification de la décision par défaut

Tout jugement ou arrêt rendu par défaut doit faire l'objet d'une signification par le
greffier, généralement à l'initiative du ministère public ou éventuellement de la partie civile. Il
faut en effet que la partie défaillante ait officiellement connaissance de la décision. Par
signification d'une décision rendue par défaut, il faut entendre la remise, par exploit du
greffier, d'une copie intégrale de la décision signifiée. Les jugements par défaut sont
valablement signifiés par extrait comprenant la date du jugement, l'indication du tribunal qui
l'a rendu, les nom, profession et demeure des parties, les motifs et le dispositif, le nom des
juges, et le cas échéant, du greffier qui ont siégé dans l'affaire. La signification se fait selon
les modes établis pour les citations1144.

La signification à personne contient la preuve légale de ce que le condamné a eu


connaissance de la signification. En dehors de la signification à personne, la connaissance du
jugement se prouve par toute voie de droit. Les jugements de condamnation pénale sont
signifiés à la diligence du ministère public ou du greffier, selon qu’il s’agit d’une
condamnation d'emprisonnement ou d'une amende. La partie civile se charge de la

1143
Article 94 alinéa 1er du Code de procédure pénale.
1144
Article 88 du Code de procédure pénale.
472

signification du jugement de condamnation par défaut aux dommages-intérêts si l’action


civile a été disjointe.

§ 5. Effets

L'opposition a un effet suspensif (I), extinctif (II), dévolutif (III) et relatif (IV).

I. Effet suspensif

Comme son nom l'indique, l'effet suspensif consiste à suspendre l'exécution de la


décision rendue par défaut dès que le tribunal est saisi de l'opposition. Cet effet suspensif
signifie que la décision rendue par défaut est suspendue jusqu'à l'examen complet de
l'opposition, autrement dit, le jugement frappé d'opposition est anéanti dans toutes ses
dispositions1145 sous réserve de l'arrestation immédiate. Le délai ordinaire d'opposition est
également suspensif de l'exécution des condamnations pénales et civiles1146. Cette suspension
va retarder l'exécution de la décision rendue par défaut. Ainsi, il est sursis à l'exécution du
jugement par défaut jusqu'à l'expiration du délai de 10 jours, et, en cas d'opposition, jusqu'au
jugement sur ce recours. Il est de même sursis à la poursuite de la procédure en appel engagée
par le ministère public, la partie civilement responsable ou la partie civile contre un jugement
de condamnation prononcé par défaut à l'égard du prévenu. Lorsque le jugement n'est par
défaut qu'à l'égard de la partie civilement responsable ou de la partie civile, l'opposition de ces
dernières ne suspend pas l'exécution du jugement contre le prévenu1147.

Lorsque l'opposition émane du prévenu et qu'elle est reçue, le jugement par défaut est
considéré comme non avenu et le juge statue à nouveau sur l'ensemble de l'affaire. Lorsqu'elle
émane de la personne civilement responsable ou de la partie civile, l'opposition reçue ne met
le jugement à néant que dans la mesure où il statue à l'égard de ces parties1148.

1145
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 948, p. 823; M. A. BEERNAERT, H. D.
BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le jugement, Les voies de
recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte,
2014, p. 1369; O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°61, p.94; B.
BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 917, p. 909; M. L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 487, p. 780.
1146
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1008; O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°61,
p.94.
1147
Article 94 du Code de procédure pénale.
1148
Article 95 alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale.
473

II. Effet extinctif


L'effet extinctif signifie que l'opposition déclarée recevable anéanti le jugement rendu
par défaut dans toutes ses dispositions1149. C'est en cela que les effets de l'opposition sont plus
énergiques que ceux des autres voies de recours. Il s'ensuit que l'opposition interrompt le
cours de la prescription de la peine, et constitue le point de départ d'une prescription de
l'action publique1150. Lorsqu'une juridiction déclare l'opposition recevable, la décision
entreprise est censée n'avoir jamais existé. Toutefois, après avoir déclaré l'opposition
recevable, le juge peut, en déclarant l'opposition non fondée, confirmer le jugement rendu par
défaut en toutes ses dispositions et renvoyer aux motifs de ce dernier. De plus, la juridiction
qui avait rendu la décision anéantie et qui est à nouveau saisie du jugement de l'affaire a une
entière liberté d'appréciation1151.

Cet effet extinctif est limité au jugement et ne s'étend pas à la procédure antérieure à
ce jugement (notamment, l'instruction préparatoire ou d'audience). L'effet extinctif n'est
toutefois réalisé qu'à partir du moment où le juge a déclaré l'opposition recevable. L'acte
d'opposition est donc insuffisant et si l'opposition est déclarée irrecevable ou non avenue, la
décision rendue par défaut acquiert un caractère définitif (sous la seule réserve d'un appel ou
recours en cassation recevable introduit entretemps). L'effet extinctif est limité par l'acte
d'opposition1152.

III. Effet dévolutif

Dévolutif vient de devolver, qui signifie rouler. C'est l'affaire qui est roulée d'un rôle
de la juridiction ayant rendu le jugement par défaut à la juridiction saisie sur opposition;
autrement dit, l'affaire est "dévolue" à la juridiction saisie d'opposition, d'où l'expression "effet
dévolutif". Comme son nom l'indique, l'effet dévolutif de l'opposition ramène l'affaire devant
le juge qui avait statué par défaut, elle ressaisi le tribunal qui s'était dessaisi par le jugement
par défaut; elle remet en question, devant le même juge, en d'autres termes, l'affaire est
dévolue à la même juridiction, les points jugés par défaut pour qu'ils soient à nouveau statués
en fait et en droit1153. Autrement dit, l'opposition déclarée recevable met de plein droit le
jugement à néant et replace l'opposant dans la même situation que si la décision n'avait pas été
prononcée, du moins quant aux dispositions attaquées, la condamnation sera comme non

1149
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2324, p. 1185; J.
PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 948, p. 823; M. L. RASSAT, Traité de
procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 488, p. 781.
1150
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 918, p. 910.
1151
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 918, p. 910.
1152
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1369.
1153
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2325, p. 1185; O.
MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°35, p.57; S. GUINCHARD,
F. FERRAND et C. CHAINAIS, Procédure civile, Paris, éd. Dalloz, 2009, n° 63, p. 542.
474

avenue1154. A cet égard, l'article 95 alinéa 1er du Code de procédure pénale souligne: "lorsque
l'opposition émane du prévenu et qu'elle est reçue, le jugement par défaut est considéré
comme non avenu et le juge statue à nouveau sur l'ensemble de l'affaire".

Lorsque l'opposant est détenu sur la base du jugement dont opposition qui a prononcé
l'arrestation immédiate de l'intéressé, la juridiction saisie régulièrement de l'opposition, peut
lever l'arrestation immédiate ou accorder la liberté provisoire de l'opposant tout en continuant
à examiner le fond. Le juge se prononcera sur la recevabilité en même temps que sur le fond;
il s'agit donc d'un seul jugement. Si l'opposition anéantit le jugement, elle laisse néanmoins
subsister la procédure antérieure; le juge peut donc se fonder sur des auditions de témoins,
expertises, etc. intervenues dans le cours de la procédure par défaut pour asseoir sa
conviction, sous réserve du respect des droits de la défense qui peut imposer de recommencer
certaines mesures d'instruction. Rien n'empêche cependant l'opposant d'apporter des éléments
nouveaux, de solliciter des mesures complémentaires.

Si l'opposant ne comparaît pas, l'opposition sera non avenue1155, ce qui pourrait rendre
la décision définitive si l'opposant n'a pas interjeter appel. En ce cas, le jugement doit être
signifié aux parties, il n'est plus susceptible d'opposition mais bien d'appel, le juge d'appel
étant alors saisi du fond de la cause.

IV. Effet relatif

Le recours ne peut profiter qu'à la partie qui l'a exercé et ne peut en principe jamais
donner lieu à une aggravation de la situation de l'opposant. Le jugement entrepris n'est donc
anéanti que dans ses dispositions défavorables à la partie opposante. Ainsi, sur opposition du
prévenu, le tribunal ne pourrait, déférant aux réquisitions du ministère public, aggraver la
condamnation, condamner pour des infractions qui avaient donné lieu à acquittement, majorer
l'indemnité imposée à chaque condamné ou majorer la condamnation aux frais.

L'opposition de la partie civile ne met en cause que les prétentions aux dommages et
intérêts dus à la victime de l'infraction ou les dommages et intérêts dus par la partie civile
pour procédure téméraire et vexatoire. Ce règlement de compte, de caractère privé, ne peut en
principe paralyser l'exécution des peines. La procédure ne bornera en ce cas à examiner la
gravité et la cause du préjudice, la condamnation du prévenu étant acquise. De même, sur
opposition de la partie civile, le montant des dommages et intérêts ne peut être diminué, ou
sur opposition du civilement responsable, la responsabilité de celui-ci étendue. Sur opposition
de la partie civile contre un jugement d'acquittement du prévenu, il peut être soutenu par la
partie civile opposante que, en ce qui concerne l'action civile, les faits sont établis; le juge,

1154
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, pp.1003-1004.
1155
Article 93 alinéa 1er du Code de procédure pénale.
475

statuant sur opposition, peut allouer des dommages et intérêts à la partie civile mais non
condamner pénalement le prévenu déjà acquitté.

L'opposition de la partie civilement responsable, même si elle ne vise que la partie du


jugement qui la concerne, lui permet non seulement de discuter le lien de préposition, le lien
de causalité entre l'infraction et le dommage, l'étendue de la responsabilité civile, mais aussi la
responsabilité pénale du condamné (même si la situation pénale de celui-ci ne s'en trouve en
rien modifiée), sinon son droit d'opposition s'avérerait en pratique inefficace1156. De manière
concrète, l'opposition de la partie civilement responsable ne peut pas modifier les
condamnations pénales; alors que la partie civilement responsable avait qualité pour intervenir
au débat sur la responsabilité du prévenu, elle se trouve à présent devant la chose jugée: elle
ne peut agir qu'en constatation de la créance et de son obligation de la garantir.

Lorsque l'opposition est déclarée recevable, mais non fondée, le juge peut maintenir le
dispositif de la décision attaquée sans être tenu de statuer par voie de dispositions nouvelles.
Par contre, lorsque l'opposition est fondée, le juge peut statuer à nouveau, tenir compte des
éléments de fait et de droit nouveaux dans un seul et même jugement.

§ 6. Procédure

I. Formalités de la saisine de la juridiction

L'opposition peut être faite, soit par déclaration en réponse au bas de l'original de l'acte
de signification, soit par déclaration au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, soit par
lettre missive adressée au greffier du même tribunal. La date de la réception de la lettre
missive par le greffier détermine la date à laquelle l'opposition doit être considérée comme
faite. Le jour même où il reçoit la lettre missive, le greffier y inscrit la date où il l'a reçue et la
fait connaître à l'opposant. Le greffier avise immédiatement le ministère public de
l'opposition1157.

La déclaration d'opposition n'a aucune forme sacramentelle, il suffit pour qu'elle soit
valable que soient désignées sans équivoque:
- la partie qui fait opposition;
- la décision attaquée.

L'opposition de la partie civilement responsable et de la partie civile ne sont recevables


que si ces parties ont consigné entre les mains du greffier les frais de consignation, à moins
qu'elles soient dispensées si elles sont indigentes1158. L'opposition du prévenu peut être reçu
sans consignation des frais préalable.

1156
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1007.
1157
Article 91 du Code de procédure pénale.
1158
Articles 122 et 123 du Code de procédure pénale.
476

Le président ou le juge fixe le jour où l'affaire sera appelée, en tenant compte des délais
pour les citations. Le greffier fait citer l'opposant, les témoins dont l'opposant ou le ministère
public requiert l'audition et, le cas échéant, la partie civile et la partie civilement
responsable1159.

II. Audience et décision sur opposition

Il s'agit de la première audience utile après l'expiration d'un délai de 10 jours. Par l'effet de
l'opposition, la cause est ramenée devant le juge qui a statué par défaut en vue de permettre un
examen contradictoire de la cause. La juridiction peut être composée des mêmes juges que
ceux qui ont prononcé le jugement par défaut. Elle peut aussi être composée autrement que
celle qui a rendu la décision par défaut. Deux éventualités sont possibles: soit l'opposant ne
comparaît pas (1), soit il comparaît (2).

1. L'opposant ne comparaît pas en personne ou par un avocat

L'opposant est tenu de comparaître en personne dans le cas où il y était déjà tenu avant le
jugement par défaut ou lorsque le jugement par défaut en fait une condition de recevabilité de
l'opposition. Si l'opposant ne comparaît pas, l'opposition est non avenue. L'opposant ne peut
ni la renouveler ni faire opposition au jugement sur opposition1160. Dans ce cas, le tribunal
constatera sa défaillance. L'opposition sera considérée comme non avenue (c'est-à-dire
inexistante) et l'opposant ne pourra plus la renouveler: opposition sur opposition ne vaut. Le
jugement ou arrêt déclarant une opposition non avenue confère à la décision attaquée, rendue
par défaut, un caractère définitif et elle ne pourra plus être attaquée que par la voie d'appel
pour autant que l'appel ait été formé dans le délai légal (ou s'il s'agit d'une décision rendue en
appel, par voie du recours en cassation). Le législateur, par cette disposition, a voulu
contraindre l'opposant à prendre ses responsabilités et à se présenter au rendez-vous judiciaire
qu'il a lui même suscité, dans le but de présenter ses moyens de défense.

Le juge déclarant l'opposition non avenue est sans pouvoir pour apprécier sur le fond les
moyens de défense du prévenu, pour vérifier si la prescription était atteinte au moment de la
prononciation de la décision rendue par défaut, ou si elle l'eût été au cas où l'opposition
n'aurait pas été déclarée non avenue ou pour décider si l'arrêt rendu par défaut l'a été dans un
délai raisonnable.

Si l'opposant fait défaut après avoir comparu, le tribunal a été saisi de l'opposition; il peut
rendre un jugement réputé contradictoire dans la masure où il se trouve mieux informé par la
procédure contradictoire partielle. Si l'opposant était régulièrement représenté à l'audience
d'introduction, mais que le tribunal ordonne sa comparution personnelle, la non comparution
entraînera un jugement qui ne pourra plus être attaqué par l'opposition. Mais l'opposition
reçue ou non avenue d'une partie n'empêche pas l'opposition ultérieure (dans les délais) d'une

1159
Article 92 du Code de procédure pénale.
1160
Article 93 du Code de procédure pénale.
477

autre partie. Si plusieurs parties font opposition à un même jugement, le tribunal doit joindre
les actions pendantes en même temps devant sa juridiction1161.

Si après avoir formé opposition, l'opposant se désiste, le jugement par défaut produit tous
ses effets à son égard.

2. L'opposant comparaît en personne ou par un avocat

Le tribunal examinera d'abord la recevabilité de l'opposition. L'opposition peut être


déclarée irrecevable parce que:
- l'opposition a été formée hors délai;
- le recours n'a pas été introduit dans les formes légales;
- l'opposant avait interjeté préalablement un appel recevable (le concours entre l'opposition et
l'appel);
- le jugement n'était pas rendu par défaut contrairement à ce que soutient l'opposant.

Si le jugement déclare l'opposition irrecevable, le tribunal se bornera à déclarer que la


décision rendue par défaut produira ses pleins et entiers effets1162. Dans ce cas, il ne peut
examiner le fondement ni de l'opposition ni du jugement rendu par défaut. Cela signifie que la
juridiction n'est pas appelée à connaître du fond de l'affaire. Ainsi, elle n'a pas à vérifier si les
faits sont prescrits.

Si l'opposition est déclarée recevable, le juge en examinera le bien fondé. L'ensemble peut
être examiné successivement au cours de la même audience et le juge peut statuer par une
seule et même décision. Mais il peut aussi, après avoir déclaré l'opposition recevable, ajourner
la suite des débats à une audience ultérieure.

Lorsqu'une juridiction déclare l'opposition recevable, la décision entreprise est censée


n'avoir jamais existé et les débats sont rouverts dans les limites déterminées par l'effet
dévolutif de l'opposition. L'opposition déclarée recevable laisse toutefois subsister la
procédure antérieure et la nouvelle décision rendue peut se fonder sur l'instruction d'audience
effectuée par défaut pour autant que les éléments recueillis à cette occasion aient été, entre-
temps, soumis à la contradiction.

Si l'opposition émane du prévenu, la procédure est reprise au point où elle se trouvait


lorsque le tribunal a constaté le défaut. Le président de chambre peut faire un résumé succinct
de la procédure antérieure, les témoins peuvent être réentendus si le prévenu prétend leur
répliquer et leur faire poser des questions. Il faut en somme donner à toutes les parties les
phases de la procédure le caractère contradictoire qui leur a fait défaut. Par contre, le tribunal

1161
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 246, p. 250.
1162
R. DECLERCQ, "Opposition en matière répressive", Répertoire pratique du droit belge, Complément t.
VIII., Bruxelles, éd. Bruylant, 1995, n° 168, p. 497.
478

n'est pas tenu de répondre aux conclusions déposées au cours de la procédure par défaut qui
n'ont pas été reprises lors de la procédure sur opposition.

Lorsque l'opposition est déclarée recevable mais non fondée, le jugement par défaut ne
reçoit pas une nouvelle vie: en statuant ainsi sur l'opposition déclarée recevable, le juge prend
une nouvelle décision autonome, fut-elle identique à la décision rendue par défaut. Dans ce
cas, le juge a le choix:
- soit le juge statuant sur opposition confirme le je jugement rendu par défaut et prononce lui-
même la condamnation et ne borne pas à entériner la décision prise par un autre;
- soit, le juge confirme le jugement rendu par défaut en toutes ses dispositions et renvoie aux
motifs de ce dernier, les deux jugements se confondant.

Lorsque l'opposition est déclarée recevable et fondée, le jugement statuera par voie de
dispositions nouvelles dans les limites du recours de l'opposant. Sur opposition, le juge est
tenu de donner aux faits leur qualification exacte même si cette qualification est plus grave.
La nouvelle qualification ne pourra cependant entrainer une condamnation plus grave. En
aucun cas, le jugement ne pourra prononcer, à l'égard de l'opposant, une condamnation plus
grave que celle portée par le jugement rendu par défaut1163. L'opposition ne peut pas nuire à
l'opposant1164.

L'interdiction faite au juge d'aggraver, à quelque titre que ce soit, la situation du prévenu par
rapport à la décision prise par défaut a pour conséquence que, pas plus que les peines, les
condamnations d'office qui en constituent le complément obligé ou l'attribution à l'Etat du
cautionnement versé dans le cadre de la détention préventive ne peuvent pas être majorées ou
prononcées pour la première fois sur opposition du prévenu. De même, le juge statuant sur
l'opposition du prévenu, ne peut supprimer ou réduire le sursis tout en maintenant la peine ou
augmenter la durée de l'emprisonnement subsidiaire.

Lorsque le prévenu a été condamné par défaut à une seule peine du chef de plusieurs
infractions considérées comme constituant qu'un seul fait pénal, le juge qui, sur son
opposition, l'acquitte pour certaines de ces infractions, peut néanmoins maintenir, pour les
infractions déclarées établies, la peine unique qui avait été prononcée par défaut, le maintien
de cette peine, ne constitue pas une aggravation de celle-ci.

III. L'opposition pendante et l'extinction de l'action publique

Il peut advenir au moment où l'opposition est pendante, que l'action publique soit éteinte
(soit par prescription de l'action publique, abrogation de la loi pénale ou dépénalisation,
amnistie, etc.) après que le jugement par défaut ait été rendu et avant l'écoulement des délais

1163
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1375.
1164
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°45-60, pp.63-94.
479

d'opposition. En ce cas, le tribunal devra constater que le jugement par défaut est anéantit par
l'opposition, et qu'il ne peut statuer à nouveau, étant dessaisi par l'extinction de l'action
publique depuis la première décision de condamnation. Il devra donc renvoyer le prévenu des
fins de poursuites.

IV. Jugement sur l'opposition

L'opposition introduite anéantit le jugement rendu par défaut. En réalité, ce jugement, bien
que paralysé sans doute dans ses effets, subsiste si bien que le juge saisi à nouveau doit en
tenir compte et ne peut aggraver les peines prononcées si l'opposition émane du prévenu
(condamné). La motivation du jugement sur opposition peut renvoyer aux motifs du jugement
entrepris (mais il est conseillé au tribunal de rendre au autre jugement même si il peut
reproduire la motivation du jugement rendu par défaut); bien mieux, un jugement
d'irrecevabilité ou de débouté de l'opposition fait revivre le jugement rendu par défaut en tous
ses effets. Il en va de même si le prévenu ne comparaît pas et que l'opposition est déclarée non
avenue1165.

IV. Frais de l'opposition

Les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la


signification du jugement par défaut, seront laissés à charge de l'opposant lorsque le défaut lui
est imputable1166. Le défaut non justifié constitue donc une faute, il n'est cependant pas
sanctionné par une restriction aux droits de la défense, mais seulement par une imputation de
frais. Ainsi, lorsqu'elle statue sur le fondement de l'opposition du prévenu, la juridiction doit
condamner celui-ci aux frais et dépens causés par cette opposition, y compris le coût de
l'expédition et de la signification de la décision rendue par défaut, dès lors qu'elle constate que
le défaut est imputable à l'opposant.

§ 7. L'opposition et le principe d'impartialité

Le principe d’impartialité du juge ne s’oppose pas à ce qu’un même magistrat puisse


statuer sur le recours en opposition formé contre une décision au prononcé de laquelle il a
participé étant donné que les éléments de l’affaire n’avaient pas fait l’objet d’un débat
contradictoire de toutes les parties au procès. Le juge est censé n’avoir jamais écouté les
arguments de la partie ayant été jugée par défaut (à son absence). Ce respect d’impartialité
s’applique en matière pénale1167, civile1168 et disciplinaire.

1165
Article 93 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
1166
Article 95 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
1167
T. KAVUNDJA N. MANENO, L'indépendance et l'impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l'Afrique francophone, thèse de doctorat en droit, Faculté de droit, Université catholique de Louvain,
2005, pp. 399-403; O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°41 et
73, pp.61 et 108.
1168
Ibidem, pp. 489-492.
480

§ 8. Voies de recours

En principe, rien n'empêche au condamné par défaut d'interjeter appel contre le


jugement rendu sur opposition. L'appel frappant le jugement rendu sur opposition va t-il saisir
la juridiction d'appel l'entièreté de l'action ou seulement de la procédure d'opposition ? Si le
jugement se borne à dire l'opposition non avenue1169 ou irrecevable, l'appel frappant ce
jugement ne porte que sur le bien fondé de la décision attaquée; la juridiction d'appel vérifie si
c'est à bon droit que le juge sur opposition a dit celle-ci non avenue ou irrecevable. Mais si le
juge de l'opposition a reçu l'action et a examiné le fond, que ce soit pour confirmer, pour
amender ou pour mettre à néant le jugement entrepris, l'appel, frappant le jugement sur
opposition, saisit la juridiction d'appel du fond dans même mesure où le premier juge se
trouvait saisi.

Si le prévenu est seul à interjeter appel, la juridiction d'appel ne pourra aggraver sa


situation par rapport à ce qui avait été décidé sur opposition, et cela par application de l'effet
relatif de l'appel. Si le ministère public (ou la partie civile pour ce qui concerne l'action civile)
interjette également appel du jugement intervenu sur opposition, la juridiction du second
degré ne pourra aggraver la situation du prévenu. Le professeur Antoine Rubbens pense que si
le ministère public entend voir aggravée la peine, il devra faire appel et du jugement par
défaut et du jugement sur opposition1170.

L'appel du ministère public contre le jugement sur opposition qui condamne aux
mêmes peines que le jugement par défaut est recevable; en revanche, la partie civile est privée
du droit d'interjeter appel contre le jugement rendu sur opposition qui confirme le jugement
par défaut à l'égard du prévenu et du civilement responsable contre lesquels elle s'était
constituée dans la procédure par défaut, dès lors qu'elle n'avait pas attaqué ce jugement;
l'appel de la partie civile, et même du prévenu, contre le jugement sur opposition qui réduit les
condamnations civiles est, quant à lui, recevable1171. Il s'agit ici d'une application de l'effet
relatif de l'opposition qui se prolonge en degré d'appel.

§ 9. Concours de l'opposition et d'autres voies de recours

I. Concours de l'opposition et de l'appel

Le Code de procédure pénale n'a pas envisagé cette possibilité et pourtant différentes
hypothèses peuvent se présenter. La partie défaillante dispose du choix entre la voie de l'appel
et celle de l'opposition. Si la partie défaillante privilégie la voie de l'appel et puis forme
l'opposition contre le jugement rendu par défaut, cette opposition devra, en principe, être

1169
Article 93 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
1170
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 253, p. 259.
1171
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1009.
481

jugée irrecevable1172 car la juridiction d'appel est valablement saisie de la cause étant donné
qu'il n'appartient pas à une partie, de dessaisir la juridiction du second degré au profit du
premier juge. En revanche, si l'appel est jugé irrecevable, la juridiction d'appel n'est pas
valablement saisie de la cause et, dès lors, une opposition ultérieure régulièrement formée
devra être déclarée irrecevable.

La partie défaillante pourrait préférer opter pour la voie de l'opposition et puis, une
fois cette voie de recours formalisé, interjeter appel. Dans ce cas, l'appel est en principe non
recevable. Cependant, si l'opposition devrait être déclarée irrecevable, l'appel formé en temps
utile devra être reçu. Une troisième hypothèse peut être envisagée. La partie défaillante
interjette appel et forme opposition par deux actes concomitants. Dans ce cas, il convient
d'abord de statuer sur la voie de l'opposition. En tout état de cause, dans la pratique judiciaire
en RDC, l'option de l'une ferme la porte de l'autre.

II. Concours de l'opposition et du pourvoi en cassation

Le prévenu est en droit de former un pourvoi en cassation contre une décision rendue par
défaut qui n'est plus susceptible d'aucun autre recours après expiration du délai ordinaire
d'opposition. Ainsi, lorsque l’arrêt ou le jugement a été rendu par défaut, le pourvoi n’est
ouvert et le délai ne commence à courir à l’égard du condamné que du jour où l’opposition
n’est plus recevable1173. L’opposition formée par le condamné contre la décision entreprise
suspend la procédure de cassation. Si l’opposition est déclarée recevable, le pourvoi est rejeté,
faute d’objet1174. Cela signifie que lorsque le prévenu a opté pour l'opposition et le pourvoi en
cassation en même temps, celui-ci lui sera refusé. Concrètement, il devra attendre que
l'opposition soit définitivement tranchée avant de se pourvoir en cassation.

La loi n'a rien dit concernant les autres parties (parties civiles, partie civilement
responsable, ministère public), mais nous pensons que le pourvoi en cassation dirigé contre
une décision rendue par défaut et qui est susceptible d'opposition, est aussi irrecevable s'il est
formé durant le délai ordinaire d'opposition. Cela signifie qu'on appliquera le même principe
comme l'opposition concernant le prévenu.

1172
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 914, p. 908; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2318, p. 1181; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 943, p. 821; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris,
éd. PUF, 2001, n° 485, p. 778.
1173
Article 45 alinéa 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1174
Article 46 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
482

§ 10. Abus de l'opposition

Bien que l’opposition soit un droit reconnu aux justiciables, il ne l’est pas pour les
justiciables défaillants de mauvaise foi. En effet, certains justiciables, sachant qu’une voie
d’opposition leur est offerte, font défaut de plein gré dans le but de faire l'opposition dilatoire.
Il n’est pas exclu que ces justiciables fassent opposition, aillent en appel et multiplient
différentes voies de recours de manière malhonnête afin de dilater la procédure et de trainer
l’exécution du jugement. Cela risque de créer le désordre et de surcharger inutilement le juge
alors qu'il est tenu de rendre le jugement dans le délai raisonnable. A titre illustratif, dans les
ressorts de cours d'appel de Kinshasa/Gombe, Kinshasa/Matete, Matadi, Bandundu,
Mbandaka, Mbuji-Mayi, Kananga, Kisangani, Kindu, Goma, Bukavu et Lubumbashi; pour la
plupart des cas, les défaillants viennent faire l'opposition soit hors délai (après expiration du
délai légal de dix jours), soit sans motifs convaincants, soit encore par complaisance. Ils
reviennent en opposition juste pour essayer de retarder l’exécution des jugements les
condamnant. Selon les informations obtenues dans ces ressorts, certains avocats sont d'avis
que l’opposition leur sert de moyen pour jouer sur la psychologie et la patience de leurs
adversaires.

Comme on le voit, dans la pratique, certains justiciables abusent de ce droit en utilisant


l'opposition pour ouvrir la voie aux manœuvres dilatoires et offrir le luxe d'un nouveau
procès, même à celui qui a été négligent ou, plus grave encore, n'a eu d'autre objectif que de
différer le jour du jugement. D'ailleurs certains justiciables véreux utilisent l'opposition dans
le but de faire retarder l'exécution du jugement ou dans le but de chercher la prescription de
l'action publique. C'est pourquoi, il serait mieux d'envisager une réforme qui permettrait à ce
que l'opposition cesse d'être une voie de recours ordinaire ouverte à tout défaillant, quels que
soient les raisons de son défaut et les griefs invoqués à l'encontre de la première décision.

§ 11. Propositions de sa réforme

En procédure pénale tout comme en procédure civile, la RDC pourrait s'inspirer de


l'article 473 du nouveau Code de procédure civile français qui prévoit que lorsque le
défendeur ne comparait pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier
ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire
lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du
défendeur. Cela signifie concrètement lorsque la décision est prononcée au premier degré et
que le défendeur a été signifié à personne pour comparaître, si celui-ci ne comparaît pas, son
opposition ne sera pas accueillie étant donné qu'il dispose du droit d'aller en appel. Si par
contre, la décision est prononcée au degré d'appel (en dernier ressort) et que le défendeur a été
signifié à personne, l'opposition peut être accueillie car le justiciable n'aura plus la possibilité
de faire appel contre ladite décision. L'idée générale est donc de permettre à l'opposition
qu'elle ne protège pas n'importe quel défaillant mais uniquement celui qui risque d'être
définitivement condamné alors que, de bonne fois, il ignorait le procès.
483

Enfin, l'on devrait prévoir les sanctions civiles pour les oppositions téméraires et
vexatoires, dues à la négligence, la légèreté et la fraude du défaillant. Ces sanctions civiles
seraient des amendes civiles (allant jusqu'à l'équivalent en francs congolais à 500 $ US
comme pour la récusation et la suspicion légitime) sans préjudice à l'éventuelle condamnation
au paiement des dommages et intérêts à l'adversaire. Ces propositions peuvent être
envisageables en procédure pénale tout comme en procédure civile.

SECTION 2: L’APPEL

§ 1. Notions

L'appel est traditionnellement défini comme la voie de recours ordinaire par laquelle la
partie qui s'estime lésée par un jugement, en sollicite la réformation par la juridiction
supérieure. L'appel est une voie de recours ordinaire, ouverte à toutes les parties dans la
mesure de leur intérêt, qui tend à la réformation de la décision rendue contradictoirement ou
par défaut en premier ressort1175.

L'appel est ouvert à toutes, dès qu'elles y ont un intérêt, sans qu'elles aient à invoquer de
griefs particuliers; il suffit que la partie invoque un mal jugé de droit ou de fait, le jugement
fut-il irréprochable du point de vue de sa régularité formelle. L'appel ne peut être formé
qu'une fois: c'est la règle du double degré de juridiction. Il porte la décision à la censure d'une
juridiction supérieure. La juridiction supérieure, dotée d'un plein pouvoir de juridiction, sera
amenée à procéder à un examen complet du litige (affaire), déjà jugé, en tout ou en partie, par
la juridiction du premier degré1176.

L'appel vise l'annulation ou la réformation d’un jugement ou arrêt par une juridiction
supérieure pour mal jugé. L'annulation vise à rendre nulle la décision qui avant été prise et la
réformation vise à refaire en fait et en droit le jugement du litige1177. L'appel est une voie de
réformation, contrairement à l'opposition, en ce qu'il soumet l'affaire à une juridiction autre
que celle qui a rendu le premier jugement, en l'invitant de rendre la décision différente qui
remplace la première1178. La juridiction d’appel statue en fait et en droit c’est-à-dire sur la
forme et sur le fond1179. L'appel permet aux parties de faire rectifier les erreurs de droit ou de

1175
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1381; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz,
2010, n° 921, p. 913; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 950, p. 825; M. L.
RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 489, p. 783.
1176
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 79, p.51.
1177
L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, Paris, éd. PUF, 2010, n°
275, p. 921.
1178
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1012.
1179
Articles 96 à 108 du Code de procédure pénale; articles 66 à 79 du Code de procédure civile.
484

fait qu'auraient pu commettre les premiers juges. En matière pénale, le délai est de 10 jours
francs. Ce délai est augmenté des délais de distance de 1 jour pour 100 km et ne peut dépasser
45 jours. En matière civile, le délai est de 30 jours. Celui qui exerce cette action s’appelle
l’appelant, son adversaire l'intimé.

Ce recours qui existe dans tous les contentieux (pénal, civil, commerciale, social et
administratif) est de loin le plus important, le plus utilisé et il ouvre un second degré de
juridiction aux fins d’un réexamen complet du litige. Il trouve sa justification dans le double
degré de juridiction: le premier juge a pu se tromper et l'on peut raisonnablement penser que
la cause sera mieux jugée en appel devant une juridiction hiérarchiquement supérieure, saisie
d'un dossier dont les éléments essentiels auront été dégagés en première instance. L'appel est
prévu par les textes internationaux. Ainsi, l'article 14, § 5 du Pacte international des Droits
civils et politiques du 19 décembre 1966 déclare: "Toute personne déclarée coupable d'une
infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité et de condamnation, conformément à la loi". L'appel est un droit et non une
obligation. Toutes les parties peuvent donc s'en abstenir.

§ 2. Conditions

I. Décisions susceptibles d'appel

En principe, toutes les décisions judiciaires rendues en premier ressort sont susceptibles
d'appel en matière répressive: les jugements contradictoires que les jugements par défaut, les
jugements définitifs que les jugements avant dire droit, rendus en premier ressort. Un
jugement ou arrêt est dit définitif quand il épuise les pouvoirs du juge sur la contestation dont
il est saisi. La décision sera définitive sur incident quand elle règle une question de
compétence, une exception, une fin de non-recevoir, une nullité, ou une demande
accessoire1180. Mais certaines décisions échappent à l'appel, il s'agit de jugements
d'incompétence ou les jugements de déclinatoire de compétence, les décisions ou mesures
d'ordre (car elles ne sont pas définitives), les jugements préparatoires et les arrêts de la Cour
de cassation.

Concernant les décisions ou mesures d'ordre, elles ne sont susceptibles ni d'opposition ni


d'appel. Sont de mesures d'ordre, celles qui ont trait à la simple administration formelle de la
justice et qui ne portent ni directement, ni indirectement sur l'examen même de l'affaire, ni ne
peuvent influer sur le jugement de celle-ci1181. Il s'agit des décisions ou mesures par lesquelles
le juge ne résout aucune question de fait et de droit litigieuse ou n'en préjuge pas, de sorte que
la décision n'inflige à aucune des parties un grief immédiat. Tel est le cas d'une décision de
remise, de fixation de cause, omissions de rôle, radiations, d'un jugement qui joint un incident
au fond sans trancher, la décision ordonnant la disjonction d'une cause en vue d'un examen

1180
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1013.
1181
A. FETTEIS, Droit judiciaire privé, 5ème éd., t.III, Liège, Presses universitaires de Liège, 1980, p. 462.
485

séparé qui ne statue sur aucune contestation de droit ou de fait1182. Il en est de même des
ordonnances de fixation d'audience, de cause, les décisions de radiation de rôle.

Concernant les jugements préparatoires qu'on appelle aussi les jugement avant dire droit
de type préparatoire, ne sont pas aussi susceptibles d'appel. Sont réputés préparatoires, les
jugements rendus pour l'instruction de la cause et qui tendent à mettre le procès en état de
recevoir jugement définitif1183. Les jugements préparatoires ou les jugements avant dire droit
de type préparatoire ne sont pas susceptibles d'appel puisqu'ils ne jugent pas le fond de
l'affaire; et pour reprendre l'expression du professeur Antoine Rubbens, ces jugements ne
jugent rien1184.

Mais l'appel est autorisé aux jugements interlocutoires. Sont réputés interlocutoires, les
jugements par lesquels le tribunal ordonne, avant dire droit, une preuve, une vérification, ou
une instruction qui préjuge le fond1185. Ces jugements appelés aussi "jugements avant dire
droit de type interlocutoire" sont susceptibles d'appel. Ils ne sont pas prévus par le Code de
procédure pénale, mais seulement par l’article 73 du Code de procédure civile qui s’applique
également à la procédure pénale car il constitue le droit commun de la procédure congolaise
devant combler les lacunes constatées en procédure pénale.

Sont aussi susceptibles d’appel les jugements rendus par défaut. Ainsi donc, contre un
jugement par défaut, deux voies de recours sont ouvertes: l’appel et l’opposition. Le
choix d’une voie ferme l’autre. Il est sursis à la poursuite de la procédure en appel engagée
par le ministère public, la partie civilement responsable ou la partie civile contre un
jugement de condamnation prononcé par défaut à l’égard du prévenu tant que le prévenu
se trouve dans les délais utiles pour faire opposition1186. Il convient de préciser que les
ordonnances de condamnation des témoins récalcitrants prononcées par l'officier du ministère
public en application de l'article 19 du Code de procédure pénale ne sont pas susceptibles
d'appel étant donné qu'ils ne sont pas des véritables jugements répressifs même si ces
ordonnances peuvent infliger une peine privative de liberté.

Concernant les arrêts de la Cour de cassation, ils ne peuvent pas faire l'objet d'appel étant
donné qu'ils ne sont susceptibles d'aucuns recours1187. Toutefois, à la requête des parties ou du
Procureur général, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en donner
interprétation, les parties entendues.

1182
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, pp.1014-1015; M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de
la procédure pénale Tome II. Le jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération
judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 1382-1383.
1183
Article 73 alinéa 1 du Code de procédure civile.
1184
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 254, p. 260.
1185
Article 73 alinéa 2 du Code de procédure civile.
1186
Article 94 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
1187
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
486

II. Parties pouvant interjeter appel

L'article 96 du Code de procédure pénale désigne les parties qui ont qualité pour interjeter
appel : le prévenu, la personne déclarée civilement responsable, la partie civile ou les
personnes auxquelles des dommages et intérêts ont été alloués d'office, quant à leurs intérêts
civils seulement et le ministère public. Il s'agit de l'appel principal. Comme on le voit, toutes
les parties au premier ressort peuvent interjeter appel, mais uniquement les parties au procès.
L'appel constitue un droit personnel à chaque partie qui s'exerce indépendamment de celui des
autres, dès qu'une partie y a intérêt. La partie appelante, à l'exception du ministère public, peut
à tout moment, se désister de son appel.

Le désistement a lieu par une déclaration au greffe dont il est pris acte ou par une
déclaration explicite à l'audience. Le désistement doit être entériné par le juge d'appel et entre-
temps, il peut être retiré. Il convient d'examiner l'appel de chaque partie.

1. L'appel du prévenu

Le droit d'appel est ouvert au prévenu chaque fois qu'un jugement lui fait grief. Le
prévenu a intérêt à interjeter appel de tout jugement prononçant à sa charge une condamnation
quelconque. Il peut ainsi interjeter appel soit parce qu’il se considère non coupable, soit
que se reconnaissant coupable, il estime trop sévère la peine prononcée ou trop élevé le montant
des dommages-intérêts fixés. Il peut aussi faire appel d'un jugement de condamnation mais
aussi d'un jugement d'acquittement qui lui refuse les dommages et intérêts qu'il réclame à la
partie civile ou qui le condamnerait illégalement aux frais.

Le prévenu peut interjeter appel de toutes les dispositions de jugement, pénales et


civiles, ou limiter son appel soit à l'action civile, soit l'action publique et, dans ce cas, à
certaines préventions à l'exclusion d'autres, lorsqu'elles sont indépendantes. Il peut enfin faire
un appel limité à un seul chef de condamnation. Si le prévenu n’a pas limité son appel, il est
présumé général et entreprendra toute la condamnation contenue dans le dispositif du
jugement.

L'appel d'un jugement déclarant l'action éteinte par voie d'extinction de l'action
publique (en cas de prescription de l'action publique, abrogation de la loi pénale ou
dépénalisation, amnistie, chose jugée, etc.) n'est pas recevable. De même, un appel tendant
uniquement à voir modifié les motifs du jugement (par exemple, estimés injurieux) ne serait
pas recevable; par contre, un appel tendant à voir modifier la qualification, même sans
demander réduction de peine (par exemple, disqualifier l'assassinat en meurtre), justifierait
d'un intérêt suffisant pour être reçu.

2. L'appel du civilement responsable

Le droit d'appel du civilement responsable est indépendant de celui du prévenu


(même si, l'appel du prévenu peut avoir de répercussions sur la situation du civilement
responsable). La partie civilement responsable peut interjeter appel de tout jugement qui la
487

condamne. Son appel peut être basé sur divers motifs : contester l’existence ou la hauteur
du préjudice mis à sa charge, contester le lien juridique entre elle et la personne condamnée,
alléger ou lever la condamnation mise à sa charge, contester l’existence même de l’infraction.

L'appel du civilement responsable tend à le dégager de sa responsabilité qui est d'ordre


civil et pécuniaire; à cette fin, il peut non seulement contester sa qualité de civilement
responsable mais aussi de faire valoir tous les arguments que le prévenu aurait pu invoquer s'il
avait lui-même interjeter appel. Il peut donc contester le caractère infractionnel des faits, la
culpabilité du prévenu, le lien de causalité entre l'infraction et le dommage, le montant des
dommages et intérêts, etc.1188.

3. L'appel de la partie civile

Le droit d'appel de la partie civile (ou aux autres personnes aux quelles des dommages
et intérêts ont été alloués d'office, quant à leurs intérêts civils) contre le prévenu et/ou le
civilement responsable contre lesquels elle s'était constituée est indépendant de l'appel des
autres parties; l'absence d'appel du ministère public ou d'une autre partie civile ne fait
nullement obstacle à l'exercice de ce droit. La faculté d'appeler des jugements appartient à la
partie civile quant à ses intérêts civils seulement. Lorsqu'en dehors de l'acquittement du
prévenu, le jugement réserve à statuer quant à la recevabilité et au fondement de l'action
civile, remettant la cause à une audience ultérieure, d'une part, la partie civile est sans qualité
pour entreprendre la décision rendue sur l'action publique, d'autre part, la remise ordonnée
quant intérêts civils est une mesure d'ordre, non sujette à appel1189.

L'appel de la partie civile est recevable quel que soit le montant des sommes
réclamées; il peut porter sur le jugement lui allouant ou lui refusant les dommages et intérêts.
La partie civile peut diriger son appel contre tous les prévenus ou contre un seul, et
concomitamment ou non contre le civilement responsable, mais son recours n'est exercé que
relativement à l'action civile. Le juge d'appel examinera cette question sous seul angle des
dommages et intérêts sans pouvoir prononcer de peine à charge du prévenu si le ministère
public n'a pas formé appel1190.

En principe, l’appel de la partie civile ne remet jamais en cause l’action


publique, même si le tribunal du premier degré a été saisi par une citation directe.
Cependant, lorsque la citation directe a été déclarée irrecevable au premier degré et
que la juridiction d’appel infirme cette décision sur appel de la seule partie civile, la
juridiction d’appel se trouve saisie de l’action publique et l’évocation de la cause,
par suite de l’infirmation d’un jugement qui n’avait statué que sur la recevabilité

1188
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1016.
1189
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 1384-1385.
1190
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1006.
488

de la partie civile laisse intact le droit de réquisition du ministère public. La faculté


d’appeler reconnue à la partie civile seulement quant à ses intérêts civils, vise
uniquement la circonstance où le premier juge aurait statué sur le fond.

L’acquittement du prévenu devant le premier juge n’empêche pas la partie


citante ou intervenante de poursuivre ses prétentions civiles du degré d’appel.
Dans ce cas, la partie civile devra prouver que les faits étaient, au contraire de la décision du
premier degré, dûment établis et qualifiés par la loi pénale, sans qu'on puisse lui opposer
l'autorité de la chose jugée. La juridiction d’appel doit examiner s’il y avait infraction, mais
elle ne peut plus sanctionner cette infraction dont elle devra seulement constater l’existence.
Elle peut seulement accorder à la partie civile les indemnités auxquelles elle peut prétendre.
La partie civile condamnée à payer des dommages et intérêts pour action téméraire et
vexatoire peut interjeter appel du jugement qui la condamne. Il en est de même pour la
condamnation aux frais, sauf si en des conclusions expresses la partie civile avait acquiescé à
supporter les frais.

4. L'appel du ministère public

Le droit d'appel du ministère public (de la juridiction ayant rendu la décision attaquée
ou la juridiction d'appel) est, lui aussi, indépendant de celui des autres parties. L’appel du
ministère public trouve sa justification dans le souci d’obtenir la meilleure justice possible.
Il s'exerce dans l'intérêt de la société et a donc la manifestation de la vérité comme objectif;
par conséquent, il peut tout aussi bien tendre à une condamnation plus sévère qu'à une
réduction de peine, pour voir aggraver ou alléger la qualification ou même aller jusqu'à
l'acquittement du prévenu. Il n'est pas obligé de faire une option dans sa déclaration d'appel,
son appel est d'office réputé fait à toute fin, et portant sur l'ensemble des décisions pénales du
jugement appelé. Le parquet, organe de la loi, n'étant pas lié par les réquisitions d'un officier
du ministère public en une audience particulière, l'appel sera recevable, même si le jugement
prononcé au premier degré est conforme aux réquisitions du membre du parquet à l'audience.

L'appel du ministère public seul, est sans effet sur l'action civile; la juridiction d'appel
n'est saisie que l'action publique à l'exclusion de ce qui a été jugé sur l'action civile. L'appel
du ministère public peut s'exercer contre toute décision faisant obstacle à l'action publique. Il
a toujours sur l’action publique un effet absolu permettant à la juridiction d’appel de
maintenir, d’adoucir ou d’aggraver les peines prononcées ou de se déclarer incompétente.
C’est pourquoi l’appel du ministère public est toujours dit général, car il est réputé fait à toute
fin et portant sur l’ensemble des décisions pénales du jugement appelé. Il remet la prévention
entièrement en question devant le juge d'appel (sauf s'il est limité à un des chefs de prévention
ou à un des prévenus), tant sous l'angle de la culpabilité que de la peine, mais il ne concerne
en aucun cas l'action civile.

En principe, l'appel du ministère public saisit la juridiction d'appel que de l'action


publique et remet les préventions visées par l'appel entièrement en question devant le juge
d'appel, tant sous l'angle de la culpabilité que de la peine. Cependant lorsque le tribunal est
489

saisi d'office de la réparation du préjudice de la réparation du préjudice aux personnes lésées


par l'infraction, l'appel du ministère public, saisissant la juridiction d'appel, la saisit à son tour
d'office des intérêts civils des victimes; en l'instance d'appel, le ministère public est qualifié
pour solliciter du tribunal une modification des condamnations civiles prononcées d'office,
même s'il se borne à demander confirmation des dispositions répressives du jugement frappé
d'appel.

Le ministère public ne peut dessaisir les juges de l'action qu'il leur a soumise et,
partant, ne peut se désister de l'appel qu'il a interjeté contre un jugement. Le ministère public
est la seule partie qui n'a pas le droit de se désister de son appel. Le ministère public peut
exercer un appel a minima, c’est-à-dire, un appel visant à obtenir des juges d’appel une peine
plus sévère que celle d’abord prononcée, mais même dans ce cas, son appel reste général.

D’autre part, on connaît dans la pratique, le pouvoir du ministère public de


suivre l’appel. Ceci signifie que même si le ministère public n’a pas pris l’initiative
de l’appel, devant l’appel d’une partie, il doit le suivre s’il estime opportun de
soumettre le litige dans son ensemble à la connaissance de la juridiction d’appel.

Sur l'appel du ministère public, la juridiction d'appel se trouve saisie de la cause entière
quant à l'action publique et dispose des pouvoirs les plus larges, puisqu'elle peut confirmer
ou infirmer la jugement de première instance, en tout ou en partie, dans un sens favorable ou
défavorable au prévenu. En cas d’appel du ministère public, la juridiction d’appel est saisie
d’office des intérêts civils des victimes et ce en application de l’article 108 du Code de
procédure pénale qui déclare: "lorsque, sur l'appel du ministère public seul, le jugement est
confirmé, les frais de l'appel ne sont point à la charge du prévenu. Lorsque la peine est
réduite, le jugement sur appel ne met à charge du condamné qu'une partie de ces frais ou
même l'en décharge entièrement. S'il y a partie civile en cause, celle-ci supporte dans l'un et
l'autre cas la totalité ou la moitié des frais d'appel selon l'action publique a été mue par voie
de citation directe ou la partie civile s'est constituée après la saisine de la juridiction du
jugement, sauf si les dommages-intérêts qu'elle avait obtenus sont majorés".

III. L'appel doit être introduit dans le délai légal


L'appel doit à peine de déchéance (pour toutes les parties y compris le ministère public
près la juridiction ayant rendu la décision concernée), être interjeté dans les dix jours qui
suivent le prononcé du jugement ou sa signification, selon qu'il est contradictoire ou par
défaut. Ce délai est augmenté des délais de distance de 1 jour pour 100 kilomètres sans qu'il
puisse, en aucun cas, dépasser quarante-cinq jours. Le délai de citation pour le prévenu et
pour la personne civilement responsable est de huit jours francs entre la citation et la
comparution, outre un jour par cent kilomètres de distance1191.

La distance à prendre en considération pour le calcul du délai est celle qui sépare la
résidence de l'appelant du greffe où se fait la déclaration d'appel, lorsque le jugement est

1191
Article 62 alinéa 1 er du Code de procédure pénale.
490

contradictoire, et celle qui sépare le lieu de la signification du même greffe, lorsque le


jugement est par défaut1192. Il résulte que le choix laissé à l'appelant de s'adresser au greffe de
la juridiction d'appel ou celui de la juridiction du premier degré peut influencer la
computation des délais.

Le ministère public près la juridiction qui a rendu le jugement doit également interjeter
appel dans les dix jours du prononcé du jugement1193. Le jugement étant contradictoirement à
l'égard du ministère public étant donné qu'il assiste qu'il assiste à toutes les audiences, il n'y a
ps lieu de tenir compte des prolongations légales de distance.

Les jours fériés ne sont pas déduits; en effet, le délai de dix jours est accordé pour
permettre aux parties de délibérer sur l'opportunité d'agir en appel, délibération que les jours
chômés n'interrompent pas. Cependant lorsque le délai expire un jour férié, l'appel est
recevable le premier jour ouvrable qui suit le jour de forclusion. La date de l'appel est la date
de la réception de la déclaration par le greffier ou par l'huissier, et non celle de l'expédition de
la missive.

Lorsque le jugement répressif a été rendu par défaut, le délai d'appel est de dix jours, il ne
s'ajoute pas au délai d'opposition, mais se confond avec lui, il prend cours à la date de toute
signification régulière (tandis que le délai d'opposition ne prend cours pour le condamné par
défaut qu'à la date de la signification à personne ou à la date à la quelle il est prouvé qu'il a eu
connaissance d'une signification régulière faite en une autre forme). Il en résulte que les délais
d'appel peuvent être périmés avant la forclusion de l'opposition.

Toutefois, le ministère public près la juridiction d'appel peut interjeter appel dans les trois
mois du prononcé du jugement1194. Le législateur a motivé ce délai de trois mois dans le but
de permettre à la hiérarchie du parquet d'exercer sa mission de contrôle. Ce délai de trois mois
accordé au ministère public près la juridiction d'appel est forfaitaire, il n'est pas susceptible de
prolongation suivant la distance séparant le siège de la juridiction d'appel du siège du tribunal
de premier degré. L'appel du ministère public avec le délai de trois mois n'est recevable que
pour permettre en cause la seule action publique. Cela signifie que le ministère public près la
juridiction d'appel ne dispose pas du délai d'appel de trois pour faire appel contre la partie
civilement responsable, ni pour interjeter appel au nom du prévenu en vue de réduire la
condamnation civile de ce dernier ou d'une façon plus générale à des fins purement civiles. Ce
délai d'appel de trois mois se calcule de date à date1195.

Nous estimons que ce délai de trois mois accordé au ministère public près la juridiction
d'appel ne contribue pas au procès équitable dans la mesure où il favorise ce denier. Il serait

1192
Article 97 du Code de procédure pénale.
1193
Article 99 alinéa 1 er du Code de procédure pénale.
1194
Article 99 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
1195
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 263, p. 271.
491

souhaitable que toutes les parties, en ce compris le ministère public (peu importe qu'il soit de
la juridiction d'appel) puissent avoir le même délai pour introduire l'appel en matière pénale.
Dans ces conditions, le droit à un procès équitable, particulièrement l’égalité des armes serait
respectée.

Mais l'appel incident de l'intimé peut être fait par le dépôt de conclusions à l'audience de la
juridiction d'appel jusqu'à la clôture des débats. Si l'appel principal doit partir d'une
signification, le délai de l'appel incident part du jour où l'appel principal est effectivement
formé. Par comparaison avec l'appel principal, l'appel incident a un effet limité. Il n'est dirigé
que contre l'appelant principal et il est limité par l'appel principal.

IV. L'intérêt

Pour pouvoir faire l’appel d’une décision judiciaire, l’on doit justifier d’un intérêt. En
conséquence, viole le principe général du droit, le jugement qui a reçu l’appel alors que
l’appelant avait obtenu tout ce qu’il avait demandé devant le premier juge1196.

§ 3. Formes de l'appel

I. L'appel principal

L'appel principal est celui qui est formé par une partie qui prend l'initiative d'exercer le
recours. Il peut porter sur l'action publique ou sur l'action civile. En principe, cet appel est
formé par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu le jugement attaqué ou de la
juridiction qui doit connaître de l'appel. La déclaration est faite par la partie appelante elle-
même ou par son avocat au greffe de la juridiction qui a rendu le jugement ou de la juridiction
qui doit connaître de l'appel et est signé également par le greffier. Cette manière de procéder
est la voie normale pour toutes les parties, y compris pour le ministère public. Mais dans la
pratique lorsque le ministère public interjette appel c'est généralement dans la forme d'une
lettre missive. Le greffier doit mentionner sur la lettre la date de la réception et en aviser
l'appelant.

L'appel peut être fait, soit par déclaration en réponse au bas de l'original de l'acte de
signification, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu le jugement ou de la
juridiction qui doit connaître de l'appel, soit par lettre missive adressée au greffier de l'une ou
l'autre de ces juridictions. La date de la réception de la lettre missive par le greffier détermine,
dans ce dernier cas, la date à laquelle l'appel doit être considéré comme fait. Le jour même où
il reçoit la lettre missive, le greffier y inscrit la date où il l'a reçue et la fait connaître à
l'appelant. L'appel est notifié par les soins du greffier aux parties qu'il concerne1197.

La formalité de déclaration en réponse faite au bas de l'original de l'acte de signification est


valable lorsque cette déclaration a été faite de la main du signifié au bas de l'exploit de

1196
Cour suprême de justice, 29 août 1979, Bull., 1984, p. 251.
1197
Article 100 du Code de procédure pénale.
492

signification et remise sur le champ à l'huissier instrumentant. La formalité de la déclaration


au greffe est substantielle et ne peut y être suppléé par un télégramme, une lettre électronique
(e-mail ou courriel) ou fax, etc.

La déclaration qui saisit le juge d'appel sera consignée par le greffier dans un registre ad
hoc et comprendra toutes les indications permettant de vérifier la régularité de l'appel et
l'observation des délais, mais il n'est requis qu'il mentionne les griefs allégués contre la
décision entreprise. L'appel des détenus peut se faire au directeur de l'établissement
pénitentiaire qui en dresse un procès verbal dont une expédition sera transmise au greffe de la
juridiction qui a rendu la décision attaquée.

Un même jugement peut être attaqué par plusieurs appels principaux visant soit les
dispositions répressives, soit les dispositions civiles, soit les unes et les autres. Ces appels
multiples ne donnent évidemment lieu qu'à une instance d'appel.

Devant la juridiction d’appel, c’est l’acte d’appel qui détermine la saisine de la juridiction
et non pas le libellé de l’exploit de notification de l’appel. Aussi, l’avocat ou le défenseur
judiciaire peut interjeter appel, pourvu qu’il soit porteur d’une procuration spéciale laquelle
est soit déposée au greffe, en cas de déclaration verbale soit annexée à la missive d’appel.

II. L'appel incident

L’appel incident est celui interjeté par voie de conclusions par une partie intimée en
l'instance d’appel. C'est un appel provoqué par l'appel d'une autre partie; ce denier est dit appel
principal. L'appel incident est donc un appel formé par l'intimé, souvent in extremis, en
réponse à l'appel principal que son adversaire a fait contre lui. C'est la réplique d'une partie qui
avait cru mettre fin à la procédure en usant pas de son droit d'appel et que l'initiative de son
adversaire contraint à sortir de sa passivité1198. L'appel incident permet d'élargir la saisine de la
juridiction supérieure que l'appel principal avait peut-être limité aux seuls points sur lesquels
l'appelant avait été condamné: par exemple, le parquet qui n'envisageait pas d'interjeter appel
de la condamnation relèvera appel incident si le prévenu a lui-même fait appel principal.

En effet, en droit judiciaire privé, l'intimé est la partie défenderesse en appel. Afin de lui
permettre de sauvegarder ses droits, l'intimé peut interjeter appel, suite à l'appel principal,
en dehors des délais de l'appel principal. Seule une partie intimée peut former un appel
incident. Une partie n'est intimée que lorsqu'un appel principal ou incident est dirigé
contre elle, ce qui implique qu'une partie appelante a formulé devant le juge d'appel une
prétention, autre qu'une demande en déclaration d'arrêt commun, qui est de nature à porter
atteinte à ses intérêts. Toutes les parties au procès pénal de première instance peuvent
interjeter un appel incident sur l'appel principal d'une autre1199.

1198
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 951, p. 826.
1199
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 951, p. 826.
493

En matière répressive, l'appel incident n'est autorisé que dans le cadre de l'action civile
et il ne peut être question d'appel incident relatif à l'action publique1200. L'appel incident ne
peut être formé que dans le cadre restreint de l'action civile déférée à la juridiction d'appel
par appel principal. Il est dirigé contre l'appelant principal et est limité aux dispositions
civiles du jugement visées par l'appel principal. Il peut être formé, jusqu'à la clôture des
débats sur l'appel, par conclusions prises à l'audience de la juridiction d'appel. L'appel
incident n'est recevable que si l'appel principal l'est aussi. Ainsi, l'appel incident formé par
une partie civile sur base d'une prévention du chef de laquelle le prévenu, appelant
principal, avait été acquitté est irrecevable1201.

Cette forme d'appel concerne la partie civile, le civilement responsable et le prévenu mais
uniquement au point de vue de l'action civile. L'article 98 du Code congolais de procédure
pénale, hérité du Code d'instruction criminelle belge (article 203, § 4 ) a en droit congolais,
limité l’appel incident aux intérêts civils en cause. Ainsi, l’article 98 du Code de procédure
pénale déclare: "Dans tous les cas où l'action civile est portée devant la juridiction d'appel,
toute partie intéressée peut, jusqu'à la clôture des débats sur l'appel faire appel incident
quant aux intérêts civils en cause, par conclusions prises à l'audience". Les conclusions de
l’appel incident peuvent être prises à l’audience d’appel par un écrit déposé, après lecture :
sur le banc du tribunal ou verbalement par la partie appelante ou par son mandataire, le greffier
prenant acte des conclusions prises. Le ministère public peut aussi faire appel incident lorsqu'il
n'aurait pas suivi l'appel principal et qu'il prétend intervenir à l'audience pour soutenir les
personnes lésées qui seraient inaptes à ester en justice, à assure leur défense et à y
pourvoir1202.

L'appel incident n'est recevable que si l'appel principal l'est aussi. L'appel incident suppose
la condition préalable d'un appel principal. Il suppose aussi que l'appel principal était
recevable et notamment exercé dans les délais ouverts à cet effet. Il est ouvert à toutes les
parties au procès1203.

Si parmi les différents prévenus contre qui la partie civile s'était constituée en instance, seuls
certains interjettent appel principal, l'appel incident de la partie civile n'aura d'effet qu'à leur
égard. Vis-à-vis des non-appelants, elle ne dispose que d'un appel principal qui doit être
interjeté dans les délais légaux. L'appel incident produit le même effet que l'appel
principal1204.

1200
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1387.
1201
G. -F. RANERI, "Le sort de l'appel incident greffé sur un appel principal", in Revue de droit pénal et
criminologie, 2006, pp.115 et s.
1202
Article 68 alinéa 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
1203
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 489, p. 784.
1204
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1021.
494

§ 4. Juridiction compétente
C'est la juridiction immédiatement supérieure à celle qui a prononcé la décision attaquée
qui est compétente de connaître l'appel. Ainsi, les jugements des tribunaux de paix sont portés
devant les tribunaux de grande instance; ceux des tribunaux de grande instance (rendus au
premier degré), des tribunaux de commerce sont portés devant les cours d'appel; les arrêts des
cours d'appel rendus au premier degré sont, en matière pénale, portés devant la Cour de
cassation. Il n'y a que les jugements des tribunaux pour enfants qui connaissent l'appel de ses
propres décisions mais avec des chambres différentes. Ainsi, les jugements de la chambre de
première instance des tribunaux pour enfants sont portés devant la chambre d'appel du même
tribunal pour enfants.

§ 5. Procédure

I. Formalités précédant l'audience

1. Recevabilité de l'appel
L'appel de la partie civile et de la partie civilement responsable ne sont recevables que si
ces parties ont consigné entre les mains du greffier les frais d'appel. A défaut de consignation
des frais, l'appel sera irrecevable1205. Le greffier qui aura reçu une déclaration faite au bas de
l'exploit de signification ou par missive, sans en avoir reçu la consignation des frais, devra
aussitôt avertir l'appelant (sauf s'il s'agit du ministère public ou du prévenu) des délais
endéans lesquels la consignation doit être faite.

L'appel peut être fait, soit par déclaration en réponse au bas de l'original de l'acte de
signification, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu le jugement ou de la
juridiction qui doit connaître de l'appel, soit par lettre missive adressée au greffier de l'une ou
l'autre de ces juridictions. La date de la réception de la lettre missive par le greffier détermine,
dans ce dernier cas, la date à laquelle l'appel doit être considéré comme fait. Le jour même où
il reçoit la lettre missive, le greffier y inscrit la date où il l'a reçue et la fait connaître à
l'appelant. L'appel est notifié par les soins du greffier aux parties qu'il concerne1206.

Si la déclaration d'appel est faite au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, le greffier de
cette juridiction transmet le plus rapidement possible le dossier de l'affaire à son collègue près
la juridiction saisie de l'appel. Ainsi, les pièces d'instruction et l'expédition du jugement dont
appel sont transmises le plus rapidement possible par le greffier de la juridiction qui a rendu le
jugement au greffier de la juridiction qui doit connaître de l'appel1207. Le dossier transmis
comprend, en original, toutes les pièces de l'instruction préparatoire, le dossier constitué en
instance du premier degré (citations, procès-verbal d'audience, conclusions et notes des
parties, réquisitions du ministère public, le jugement écrit et le jugement prononcé, etc.).

1205
Article 122 alinéa 2 du Code de procédure pénale
1206
Article 100 du Code de procédure pénale.
1207
Article 101 du Code de procédure pénale.
495

Le greffier doit également avertir le ministère public de l'appel interjeté afin d'éviter une
exécution intempestive du jugement dont l'exécution est suspendue. C'est ainsi qu'il est sursis
à l'exécution du jugement jusqu'à l'expiration des délais d'appel et, en cas d'appel, jusqu'à la
décision sur ce recours. Toutefois le délai de trois mois consacré au ministère public de la
juridiction d'appel n'emporte pas sursis à l'exécution. L'appel interjeté quant aux intérêts civils
ne fait pas obstacle à l'exécution des condamnations pénales1208.

2. Pouvoirs de la juridiction d'appel avant l'audience d'introduction

Le prévenu qui était en état de détention au moment du jugement ou dont l'arrestation


immédiate a été ordonnée par le jugement, demeure en cet état nonobstant l'appel. Toutefois il
peut demander à la juridiction d'appel sa mise en liberté ou sa mise en liberté provisoire1209.
Le condamné qui se trouve en état de détention préventive ou d'arrestation immédiate est
transféré au siège de la juridiction qui doit connaître de l'appel, s'il demande à comparaître
personnellement devant cette juridiction ou si elle a ordonné sa comparution personnelle. S'il
est en liberté provisoire, il en perd le bénéfice pendant le transfert. Le président de la
juridiction d'appel détermine immédiatement après son arrivée, les charges de sa mise en
liberté provisoire1210. L'exposé des motifs commentant l'article 68 du Code de procédure
pénale ne semble pas autoriser le ministère public à user en ce cas de son pouvoir de placer le
prévenu en dépôt. Pour rappel, cet article déclare: " Sans préjudice des articles 27 et suivants,
lorsque le prévenu a été cité ou sommé à comparaître, l'officier du Ministère public peut,
quelle que soit la nature ou l'importance de l'infraction, ordonner qu'il sera placé en dépôt à
la maison de détention jusqu'au jour du jugement, sans que la durée de cette détention puisse
excéder cinq jours et sans qu'elle puisse être renouvelée".

La juridiction d'appel peut aussi ordonner la comparution personnelle du prévenu, à la


requête du ministère public, de la partie civile ou même d'office.

3. Fixation d'audience

Lorsque l'acte d'appel est reçu par le greffier de la juridiction d'appel, celui-ci en avertira
son collègue près la juridiction du premier degré qui a rendu le jugement afin de lui permettre
d'arrêter l'exécution et d'envoyer le dossier. C'est le greffier de la juridiction d'appel qui, au
reçu de l'acte d'appel et du dossier, avertira le président de cette juridiction pour provoquer la
fixation.

Il n'y a pas de délai imparti au président de la juridiction d'appel pour arrêter la fixation,
non plus qu'il n'est déterminé une limite du temps endéans laquelle la cause doit être
entendue. Les affaires pénales requérant par nature la plus grande célérité seront fixées au
plus tôt possible et à la date la plus proche possible pour notifier l'appel (ou pour citer le
prévenu) en respectant les délais. Le président de la juridiction d'appel attendra normalement
le dépôt du dossier pour fixer; en effet, il pourra par l'examen sommaire du dossier apprécier
1208
Article 102 du Code de procédure pénale.
1209
Article 103 du Code de procédure pénale.
1210
Article 105 du Code de procédure pénale.
496

la complexité de l'affaire, l'ampleur probable des débats et s'il y a moyen de prendre des
mesures urgentes. C'est après ces formalités que le président de la juridiction d'appel pourra
fixer le jour de l'audience.

4. Citation en appel

La citation de comparaître devant la juridiction d'appel doit contenir, outre les éléments
d'une citation à prévenu, une référence au jugement entrepris et à l'acte d'appel. La nullité de
la citation n'entraîne pas nullité de l'appel; elle peut être réparée par une nouvelle citation à
une autre audience.

La comparution volontaire ne pourrait être admise dans les cas où la loi exige citation, et ce
même par une renonciation expresse, le texte de l'article 55 du Code de procédure pénale étant
de stricte interprétation et ne s'appliquant qu'à la juridiction de jugement du premier degré1211.
Nous ne partageons pas le point de vue de professeur Antoine Rubbens étant donné que la
comparution volontaire peut parfaitement couvrir l'irrégularité de la citation, voire la
notification de la date de fixation en appel. Pour rappel, l'article 55 du Code de procédure
pénale dit: "La juridiction de jugement est également saisie par la comparution volontaire du
prévenu et, le cas échéant, de la personne civilement responsable sur simple avertissement.
Toutefois, si la peine prévue par la loi est supérieure à cinq ans de servitude pénale, la
comparution volontaire du prévenu ne saisit le tribunal que si, avisé par le juge qu'il peut
réclamer la formalité de la citation, le prévenu déclare y renoncer. Il en est de même, quelle
que soit la peine prévue par la loi, si l'intéressé est détenu ou si, à l'audience, il est prévenu
d'une infraction non comprise dans la poursuite originaire"1212.

Lorsque la juridiction d'appel a ordonné la comparution personnelle du prévenu, cette


ordonnance peut lui être signifiée par extrait incorporé dans l'exploit de citation. Si de
nouveaux moyens de preuve doivent être invoqués à charge du prévenu, il y a aura également
lieu à citation pour sauvegarder les intérêts de la défense.

La juridiction d'appel peut statuer sur la seule notification par les soins du greffier, aux
parties en instance d'appel, de la date à laquelle l'affaire sera appelée, pourvu que les délais
entre cette notification et la date de l'audience soient égaux à ceux des citations. Toutefois,
lorsque la juridiction d'appel estime que la situation du prévenu pourrait être aggravée ou
lorsqu'il s'agit d'une infraction pouvant entraîner la peine capitale, il ne sera statué qu'après
citation du prévenu et, le cas échéant, de la partie civilement responsable de l'amende et des
frais. À moins que la juridiction d'appel n'ait ordonné la comparution personnelle du prévenu,
ou à moins qu'il ne s'agisse d'une infraction pouvant entraîner la peine de mort, le prévenu
pourra également et en toute hypothèse, comparaître par un fondé de pouvoir agréé par le
président de la juridiction d'appel. La décision sur appel est réputée contradictoire, sauf

1211
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 272, p. 280.
1212
Article 55 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
497

lorsque, ayant été citée dans les cas où la juridiction d'appel estime que la situation du
prévenu pourra être aggravée ou l'infraction peut entrainer la peine de mort1213.

Le condamné qui se trouve en état de détention préventive ou d'arrestation immédiate est


transféré au siège de la juridiction qui doit connaître de l'appel, s'il demande à comparaître
personnellement devant cette juridiction ou si elle a ordonné sa comparution personnelle. S'il
est en liberté provisoire, il en perd le bénéfice pendant le transfert. Le président de la
juridiction d'appel détermine immédiatement après son arrivée, les charges de sa mise en
liberté provisoire1214.

La juridiction d'appel qui réforme la décision entreprise pour un motif autre que la saisine
irrégulière ou l'incompétence du premier juge, connaît du fond de l'affaire1215.

II. Déroulement de l'audience de la juridiction d'appel

Le dossier écrit de la procédure soumis au premier juge est transmis dans son intégralité à
la juridiction d'appel et les parties peuvent consulter ce dossier au greffe avant l'audience. Le
dossier doit comprendre la décision entreprise ainsi que les pièces y afférentes.

L’audience s’ouvre par l’appel du rôle, la vérification de la saisine, de la comparution, de la


représentation ou de l’assistance des parties. Ensuite, la pratique prévoit la lecture d’un
rapport par un des magistrats de la composition du siège après les formalités de l'appel du rôle
et l'identification des comparants. La lecture de ce rapport n'est pas prévue par le Code de
procédure pénale mais il s'agit d'une pratique et usage constants en RDC, héritée de la
Belgique. Ce rapport rend compte de tout le déroulement de la procédure ainsi que des
éléments qui ont déterminé d'après la motivation du jugement, la conviction des premiers
juges. Il couvre toute la procédure antérieure et lui assure l'oralité. C'est après l'audition de ce
rapport que peut commencer l'audition des parties. Mais le rapport n'est pas nécessaire si la
décision consiste seulement en une remise des débats à une audience ultérieure ou si la
juridiction d'appel ne statue pas sur des questions de fond.

La juridiction d'appel, qui n'est éclairée à suffisance par les éléments du dossier peut user,
comme le juge du premier degré, de tous les moyens d'instruction pour former sa conviction.
Si la juridiction d'appel entend examiner de nouveaux moyens de preuve, ceux-ci doivent être
soumis à la contradiction de toutes les parties.

Les différentes parties au procès sont entendues en leurs moyens et le prévenu, s'il le
demande, aura toujours la parole le dernier. L’article 74 du Code de procédure pénale qui fixe
la manière dont doit se dérouler l’instruction à l’audience reste d’application. Cet article
déclare:

1213
Article 104 du Code de procédure pénale.
1214
Article 105 du Code de procédure pénale.
1215
Article 107 du Code de procédure pénale.
498

"L'instruction à l'audience se fera dans l'ordre suivant:


Les procès-verbaux de constat, s'il yen a, sont lus par le greffier;
Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches, proposés et
jugés;
Le prévenu est interrogé;
La partie civile, s'il en est une, prend ses conclusions;
Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la
manifestation de la vérité;
Le ministère public résume l'affaire et fait ses réquisitions;
Le prévenu et la personne civilement responsable, s'il yen a, proposent leur défense;
Les débats sont déclarés clos".

En théorie, on applique les dispositions de l'article 74 du Code de procédure pénale sauf


que l'appelant ou son représentant doit être entendu le premier pour l'exposé sommaire des
motifs de son appel. La règle que le prévenu ou son avocat aura toujours la parole en dernier
devra toujours être respecté dans toutes les procédures, même en cas d'incident à l'audience.

Mais cet article n'est pas adapté à la réalité car il avait été transposé de la pratique de
l'instruction de la Cour d'assises en Belgique. Aussi, cet ordre n’est cependant pas prescrit à
peine de nullité. L’essentiel est que le tribunal parvienne à acquérir une connaissance
exacte et suffisante des faits et qu’il soit informé de toutes les circonstances objectives et
subjectives de la commission de l’infraction. C'est ainsi que l’ordre légal du déroulement de
l’instruction à l’audience est corrigé par la pratique judiciaire de la manière suivante :

1. Le ministère public résume l'affaire et fait ses réquisitions


Lorsque le juge d'appel est saisi de l'action publique, l'audition du ministère public en ses
réquisitions est une formalité substantielle qui doit être constatée dans la décision ou dans le
procès-verbal de l'audience. Le ministère public peut résumer l'affaire et montrer ses griefs
contre le jugement dont il a interjeté appel. C’est après cela que la parole sera donnée à la partie
civile pour qu’elle développe ses conclusions.
2.La partie civile, s'il en est une, prend ses conclusions;
3. Le prévenu est interrogé; l’instruction sommaire débute par l’interrogatoire du prévenu.
4. Les témoins à charge et à décharge sont entendus s'il y a lieu et les reproches, proposés et
jugés;

À la demande de l'officier du Ministère public près la juridiction d'appel ou de l'une des


parties, les témoins peuvent être entendus à nouveau et il peut en être entendu d'autres1216.
Mais le juge d'appel apprécie souverainement l'opportunité de procéder à de telles auditions.
La juridiction d'appel peut également se référer aux auditions des témoins réalisées en
première instance ou dans le cadre de la phase préliminaire ou préparatoire du procès pénal.

Devant la juridiction d'appel, la pratique prévoit que d'abord les appelants sont entendus, puis
la partie civile, le ministère public, le prévenu, le civilement responsable; la partie civile et le

1216
Article 106 du Code de procédure pénale.
499

ministère public peuvent répliquer, mais le prévenu ou son avocat aura toujours la parole le
dernier.

5. Les parties peuvent déposer les conclusions devant la juridiction d'appel et cette dernière
est tenue d'y répondre de façon adéquate. La décision d'appel doit être motivée. C'est ainsi
que les juges d'appel qui approuvent et adoptent les motifs du premier juge donnent ainsi leurs
motifs propres, sans adopter l'éventuelle nullité du jugement dont appel en raison de
l'irrégularité dans la composition du siège.

6. Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire qu'il estime nécessaire à la


manifestation de la vérité (par exemple descente sur terrain, recours à un expert).

En principe, la portée de cette mesure est simplement de permettre à la juridiction d'appel


de statuer sur pièces, procédure normale devant la juridiction d'appel si les pièces ne sont pas
sujettes à caution et apportent des lumières suffisantes sur les faits dont elle a à connaître.
Les résultats de cette instruction complémentaire seront soumis à la vérification
contradictoire en ce sens que le tribunal va de nouveau interroger le prévenu et entendre les
témoins sur base de ces résultats.

7. Les procès-verbaux de constat, s'il y en a, sont lus par le greffier; Ces procès-verbaux sont
soumis au débat contradictoire de toutes les parties au procès.
8. Le prévenu et la personne civilement responsable, s'il yen a, proposent leur défense; la
parole est ensuite accordée au prévenu et à la partie civilement responsable s’il y en a, pour la
présentation de leur défense.
9. Réaction des avocats ou des parties;
10. Réactions du ministère public et confrontations des débats avec les avocats ou avec le
prévenu; un tour de parole est accordé aux différentes parties pour voir si elles ont à
répliquer.
11. Réquisitoire du ministère public.
Le principe d'indivisibilité du ministère public n'a pas pour portée d'obliger le ministère
public de la juridiction d'appel prendre les mêmes réquisitions que celles prises par celui près
la juridiction de première instance1217.
12. Plaidoiries des avocats des parties civiles et parties civilement responsables suivie du
prévenu;
13. Parole donnée à tour de rôle à la partie civile et au prévenu s'ils ont quelque chose à
ajouter;
14. Les débats sont déclarés clos et le tribunal prend la cause en délibéré.

La juridiction d’appel peut user de tous les moyens d’instruction pour former
sa conviction. Cependant, le recours à la commission rogatoire doit être exceptionnel

1217
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1403.
500

et justifié par les contingences, car en matière pénale, la conviction intime des juges
doit se former dans la conscience de chacun d’eux, à l’audition directe, chaque fois
que la chose est possible. Le prononcé dans la huitaine de la prise en délibéré reste
théoriquement d’application au niveau d’appel.

§ 6. Désistement d'appel
Le ministère public ne peut se désister de son appel, même le désaveu par son chef
hiérarchique n'annule pas l'appel interjeté par un officier du ministère public. Le prévenu peut
se désister de l'appel, mais tant qu'il demeure dans les délais et que son désistement n'a pas été
décrété par la juridiction d'appel, il peut revenir sur sa décision et former valablement un
nouvel appel portant sur l'action publique. Si son désistement porte sur l'appel des dispositions
civiles d'un jugement, la juridiction d'appel est définitivement dessaisie, dès lors que
l'appelant a intérêt et qualité pour transiger sur ses intérêts privés et pourvu que la victime ne
soit pas bénéficiaire de dommages et intérêts à allouer d'office.

La partie civile qui se sera désistée dans les vingt-quatre heures, soit de la citation directe,
soit de sa constitution, ne sera pas tenue des frais postérieurs au désistement, sans préjudice
des dommages-intérêts au prévenu, s'il y a lieu1218. Ce principe est applicable à l'égard du
désistement d'appel de la partie civile. Elle ne peut revenir sur son désistement, qui vaut
acquiescement, valable en matière civile. Il en va de même pour la partie civilement
responsable, car, quand bien même on admet que son appel permet au juge de revoir l'action
pénale, ce ne sera qu'en vue de régler ses effets civils concernant la partie civilement
responsable.

§ 7. La demande nouvelle
Les demandes nouvelles ne peuvent pas être introduites en appel pour la première fois; c'est
une conséquence de la règle du double degré de juridiction. Cette interdiction signifie que la
juridiction d'appel ne pourra pas condamner le prévenu pour des fais nouveaux apparus au
cours des débats en appel ou autre personne non visée par la prévention; plus que dans tout
autre contentieux. Ainsi, par exemple, le ministère public ne pourrait pas requérir du juge
d'appel la condamnation du prévenu pour des faits non soumis au premier juge. Mais ne
constitue pas une demande nouvelle, le réquisitoire du ministère public demandant
l'aggravation des condamnations prononcées en premier ressort dès lors qu'elles portent sur
des faits déjà jugés soumis au premier juge.

De même, le juge d'appel peut donner aux faits leur véritable qualification: il n'est pas lié
par la qualification donnée à ces faits tout au long de la procédure en premier ressort. Aussi, il
n'y a pas faits nouveaux si la demande en dommages et intérêts, présentée par la partie civile
pour la première fois en appel, n'avait pu l'être en première instance, parce que la partie civile
n'avait soulevé que l'incompétence du tribunal et que celui-ci avait statué par un seul et même

1218
Article 82 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
501

jugement sur la compétence et sur l'action publique, sans autoriser la partie civile à compléter
sa demande1219.

§ 8. Décisions possibles de la juridiction d'appel


L'objet et la procédure du délibéré sont les mêmes qu'au premier degré. Il y a lieu cependant
de rencontrer, dans la motivation, non seulement les réquisitoires du ministère public et
conclusions des parties lors du débat d'appel, mais aussi les motifs du premier juge.
Logiquement, la juridiction d'appel doit trancher la question même qui lui est soumise: elle
doit dit-on vider l'appel.

I. Recevabilité
Les juges doivent d'abord statuer sur la recevabilité de l'appel qu'ils apprécient, soit
d'office, soit à la demande d'une partie, à la fois dans délai (il ne doit pas être tardif) et sa
forme (respect des règles imposées par le Code de procédure pénale). La décision doit
dire si l’appel est ou non régulier en la forme et s’il est ou non recevable: en cas
d’irrégularité ou de irrecevabilité, la décision doit en indiquer les motifs, dans ce cas, la
juridiction d'appel n'examinera pas le fond.

C'est seulement lorsque la demande est recevable que la juridiction d'appel peut
envisager d'examiner le fond. En cas d'appel de toutes les parties, le fait de déclarer
tardif et irrecevable l'appel des prévenus ne dispense pas la juridiction d'appel
d'examiner leurs conclusions car ils restent intimés sur l'appel des autres parties à la
procédure.

II. Décision sur la compétence


La juridiction d'appel doit ensuite vérifier sa propre compétence et, par voie de compétence,
celle du juge de première instance. En pratique, la juridiction d'appel peut examiner si elle est
compétente territorialement ou matériellement. Si par exemple, les infractions portées en
appel à la compétence du tribunal de grande instance sont les crimes contre l'humanité, le
génocide, les crimes de guerre; cette juridiction doit se déclarer incompétente, quitte au
ministère public de transférer le dossier toute affaires cessantes devant le ministère public
compétent, en l'occurrence; le procureur général près la Cour d'appel du ressort étant donné
que ces infractions sont de la compétence de la Cour d'appel.

Lorsque, requalifiant les faits de la prévention sur lesquels le premier juge a statué au fond
et, partant, sur la base des quels celui-ci a déclaré, à tout le moins implicitement, être
compétent et décidant, eu égard à cette requalification, que le premier juge s'est erronément
déclaré compétent, le juge d'appel annule le jugement dont appel, il est tenu d'examiner sa
propre compétence à la lumière de la prévention telle qu'il l'a requalifiée et eu égard aux lois
relatives à la compétence qui sont applicables au moment où il statue. L'appel du jugement
sur la compétence n'est pas recevable.

1219
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2345, p. 1202.
502

II. Décision sur le fond de l'affaire


S'ils déclarent l'appel recevable, les juges doivent statuer au fond. Ils peuvent rendre
diverses décisions.

1. Décision avant dire droit

La juridiction d'appel peut ordonner les mesures nécessaires à la manifestation de la vérité:


désignation d'experts, audition de nouveaux témoins, ré-audition de témoins ou d'experts, etc.

2. Décision de confirmation

La juridiction d'appel doit motiver sa décision. Se prononçant sur le fond, la décision


peut dire de l’appel non fondé et confirmer ainsi le jugement du premier juge qui sortira
alors ses pleins effets sous réserve du délai et de l'exercice d'un pourvoi en cassation. Dans ce
cas, la juridiction d'appel pourra, en l'absence de conclusions, se borner à adopter les motifs
du premier juge. En toute hypothèse, la juridiction d'appel ne doit rien changer aux faits de la
prévention qui doivent rester tels qu'ils étaient dénoncés dans les actes de la procédure.

En confirmant, le juge d’appel peut se fonder sur des motifs autres que ceux retenus par
le premier juge. Il peut aussi le faire en renvoyant aux motifs du premier juge, ou encore, en
se référant à ses propres motifs ainsi qu’à ceux du premier juge. L'arrêt qui confirme une
condamnation prononcée par le premier juge doit motiver la peine, soit par des motifs
propres, soit par adoption de ceux du premier juge. En considérant que simplement que le
premier juge a bien jugé, le juge d'appel n'adopte toutefois pas les motifs de la décision
entreprise. Si le jugement attaqué est maintenu, on dira que la juridiction d'appel rend un
jugement ou arrêt confirmatif parce qu'il a confirmé la décision des premiers juges.

Lorsque, sur l'appel du Ministère public seul, le jugement est confirmé, les frais de l'appel
ne sont point à la charge du prévenu1220.

3. Décision de confirmation moyennant quelques modifications

La juridiction d'appel peut confirmer la décision du premier juge moyennant quelques


modifications, par exemple sur le taux de la peine. Lorsque la peine est réduite, le jugement
sur appel ne met à charge du condamné qu'une partie de ces frais ou même l'en décharge
entièrement. S'il y a partie civile en cause, celle-ci supporte dans l'un et l'autre cas la totalité
ou la moitié des frais d'appel, sauf si les dommages intérêts qu'elle avait obtenus sont
majorés1221. Dans ce cas, la partie civile sera condamnée à tous les frais. Si la partie civile
s'est constituée après la saisine de la juridiction du jugement, elle sera condamnée à la moitié
des frais1222.

1220
Article 108 alinéa 1 du Code de procédure pénale.
1221
Article 108 alinéas 2 et 3 du Code de procédure pénale.
1222
Article 82 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
503

Le juge d'appel ne méconnait pas les droits de la défense, saisi d'un appel du ministère
public, il aggrave la peine sans inviter les prévenus à se défendre sur ce point.

4. Décision de réformation

La juridiction d'appel adopte une décision différente de celle du premier juge. Dans ce cas, le
juge d'appel doit motiver sa décision par des motifs propres. Le juge d’appel peut ainsi
infirmer, mettre à néant la décision du premier juge et ce, en tout ou en partie. En ce cas il doit
statuer à nouveau. L’expression à utiliser en ce cas varie. Il s’agit par exemple des expressions
suivantes :
- infirme ou réforme la décision du premier juge en ce que … et amendant quant
à ce…
- met à néant pour tout ou pour partie la décision du premier juge (le jugement entrepris) et,
statuant à nouveau…
- ou annule la décision du premier juge et évoquant…

La motivation de la décision de la juridiction d'appel doit rencontrer les réquisitoires du


ministère public et les conclusions des parties.

L’essentiel à retenir est que pour chaque élément nouveau du dispositif qu’il
substitue ou supplée au dispositif entrepris, le juge d’appel doit donner des motifs,
rencontrant les réquisitions et conclusions des parties ainsi que les motifs du jugement
réformé. Nous pensons que lorsque les faits sont contestés, le juge d'appel doit motiver, au
moins de façon succincte, la déclaration de culpabilité ainsi que le choix et le taux de la peine.

De manière concrète, si la juridiction d'appel a réformé en estimant qu'il n'y avait aucune
infraction, ou que le fait n'est pas établi ou qu'il n'est pas imputable au prévenu, elle renvoie
celui-ci à des fins des poursuites et le prévenu est acquitté. Ce dernier peut demander des
dommages et intérêts la partie civile qui aurait elle-même mis en mouvement l'action
publique. Le pourvoi en cassation est possible.

La juridiction d'appel peut, en cas d'évocation, décider d'annuler le jugement de la


juridiction de première instance, pour violation ou omission non réparée des formes prescrites
par la loi à peine de nullité; au cas où elle annule, elle doit évoquer et statuer sur le fond: en
cas de nullité de jugement (par exemple, composition irrégulière du tribunal, jugement rendu
à huis à clos alors que le prononcé doit toujours être rendu à l'audience publique, minute de
jugement ne mentionnant pas les noms des juges qui ont rendu le jugement, irrégularité dans
l'instruction à l'audience, prescription de l'action publique, déclaration à tort d'irrecevabilité de
la constitution de partie civile, etc.).

Ces irrégularités ou violation ou omission non réparée des formes prescrites par la loi à
peine de nullité permettent donc à la juridiction d'appel de statuer à nouveau et juger tout le
fond comme si c'était la juridiction de première instance.
504

Si le jugement ou arrêt attaqué est effectivement réformé, on dira que la juridiction d'appel
rend un jugement ou arrêt infirmatif parce qu'il a infirmé ledit jugement ou arrêt.

§ 9. Décisions rendues par défaut


Les décisions rendues par défaut et de l'opposition sont applicables en degré d'appel. Les
parties peuvent toujours se faire représenter devant la juridiction d'appel, sauf le prévenu dont
la comparution personnelle aurait été ordonnée. La décision ordonnant comparution
personnelle doit être signifiée dans les délais de citation, si elle n'a pas été prononcée à une
audience d'appel en présence du conseil du prévenu. Nous y reviendrons lorsque nous
aborderons le concours de l'opposition et l'appel.

§ 10. Effets de l'appel

L'appel a plusieurs effets: l'effet suspensif (I) et l'effet dévolutif (II). Si l'effet dévolutif est
très étendu: il se produira l'évocation (III). Enfin, l'appel a un effet relatif (IV).

I. L'effet suspensif

Comme son nom l'indique, il consiste à suspendre l'exécution du jugement ou arrêt qui a été
prononcé en première instance. Cet effet suspensif se justifie par le fait que la décision
prononcée en première instance est suspendue jusqu'à l'examen complet de l'appel. Le délai
ordinaire d’appel augmenté du délai de distance suspend l’exécution du jugement répressif
dans ses dispositions tant civiles que pénales. La déclaration d’appel suspend l’exécution
du jugement attaqué jusqu’au prononcé du jugement sur l’appel. L’appel d’un jugement
interlocutoire est suspensif de la procédure devant le tribunal ayant rendu le jugement.

Si une des parties interjette appel, le jugement ne pourra être exécuté tant que la décision
d'appel n'est pas elle-même devenue irrévocable. En principe, l'effet suspensif de l'appel se
produit même si l'appel est irrégulier ou tardif car c'est à la juridiction de seconde instance
qu'il appartient de statuer sur la recevabilité1223. Ni le ministère public, ni une partie privée
n'ont le pouvoir d'apprécier la validité d'un appel; seule la juridiction d'appel est habilitée à
dire l'appel irrecevable.

Mais il existe des dérogations à ce principe. C'est le cas de la décision prononçant


l'arrestation immédiate du prévenu en matière pénale ou les jugements sur l'action civile à
condition que la partie civile demande que le jugement soit exécutoire nonobstant appel. Dans
l'un des cas, la décision doit être suffisamment motivée. Ainsi, même si l'appel a un effet
suspensif, cet effet ne s'applique pas à la décision ordonnant l'arrestation immédiate. Dès lors,

1223
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1043.
505

la décision au terme de laquelle les juges d'appel déclarent l'appel recevable est sans incidence
sur la mesure de détention préventive ordonnée par le premier juge1224.

En ce sens, le prévenu qui était en état de détention au moment du jugement ou dont


l'arrestation immédiate a été ordonnée par le jugement, demeure en cet état nonobstant l'appel.
Toutefois il peut demander à la juridiction d'appel sa mise en liberté ou sa mise en liberté
provisoire. Dans ce cas, cette juridiction d'appel appliquera la procédure de détention
préventive1225 prévue par les articles 31, 45 et 47 du Code de procédure pénale. Ainsi, l'article
83 du Code de procédure pénale dispose que le prévenu qui, au moment du jugement, est
en état de détention préventive avec ou sans liberté et qui est acquitté ou condamné à une
simple amende, est immédiatement mis en liberté nonobstant appel, à moins qu'il ne soit
détenu pour autre cause. Une autre dérogation provient du fait que le sursis à l’exécution
n’empêche pas de maintenir en détention un condamné au moment du jugement. Ainsi, l’effet
suspensif du délai d’appel n’empêche pas de maintenir en détention un condamné dont
l’arrestation immédiate a été ordonnée lors du jugement1226.

De même, l'appel interjeté quant aux intérêts civils ne fait pas obstacle à l'exécution des
condamnations pénales1227. Cela signifie que les condamnations pénales peuvent être
exécutées indépendamment des condamnations civiles. Ainsi, si la déclaration d'appel ne
porte que sur les condamnations civiles, les peines sont exécutées. De même, l’appel de la
partie civilement responsable ne peut pas paralyser l’exécution des peines, même si son
appel tend à faire dire pour droit que l’infraction n’est pas établie; le condamné ne peut en
profiter s’il n’interjette pas appel ou si le ministère public n’a pas suivi l’appel. Enfin, l'appel
du condamné, limité aux condamnations civiles, ou l'appel du ministère public, agissant
exclusivement dans l'intérêt privé d'une victime ou du prévenu, ne pourrait pas non plus
arrêter l'exécution des peines.

Le professeur Antoine Rubbens pense que le délai trois mois accordé au ministère public
près la juridiction d'appel pour interjeter appel ne suspend pas l'exécution de jugement ni des
dispositions civiles ni des dispositions pénales1228. Nous ne partageons pas cette analyse étant
donné que l'appel a pour effet principal la suspension de l'exécution du jugement qui a été
prononcé au premier degré, à moins qu'il dise de manière expresse que le jugement ordonne
l'arrestation immédiate du prévenu ou le jugement est exécutoire nonobstant tout recours et
sans caution. Et d'ailleurs l'article 102 alinéa 2 du Code de procédure pénale prévoit que
toutefois le délai de trois mois prévu pour le ministère public près la juridiction d'appel

1224
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1393.
1225
Article 103 du Code de procédure pénale.
1226
Article 85 du Code de procédure pénale.
1227
Article 102 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
1228
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 264, p. 271.
506

d'interjeter appel n'emporte pas sursis à l'exécution1229. Ce qui signifie que même pendant le
délai extraordinaire de trois mois reconnu au ministère public près la juridiction d'appel pour
interjeter appel, le jugement rendu en premier degré est suspendu.

II. L'effet dévolutif

Dévolutif vient de devolver, qui signifie rouler. C'est l'affaire qui est roulée d'un rôle de
première instance à celui d'appel, autrement dit, l'affaire est "dévolue" à la juridiction d'appel,
d'où l'expression "effet dévolutif". L'effet dévolutif de l'appel signifie que la juridiction d'appel
est saisie de l'affaire pour la juger à nouveau, aussi bien en fait qu'en droit, dans les mêmes
conditions que le premier juge.

En procédure pénale et civile, l'acte d'appel saisit la juridiction d'appel et détermine


l'étendue de sa saisine suivant l'adage, "tantum devolutum quantum appellatum"(l'affaire est
dévolue à la juridiction d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel). C'est la déclaration
d'appel et non la citation à comparaître devant le juge d'appel qui saisit celui-ci. L’effet
dévolutif résulte du fait que le juge d’appel ne peut connaître que du point de droit et de fait
présenté au premier juge et ce, dans les limites tracées par l’acte d’appel. Alors que
l'opposition anéantit la condamnation attaquée et restitue au même juge la connaissance
entière du procès (effet extinctif), l'appel ne saisit la juridiction d'appel que dans les limites
fixées par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant1230. Cela implique que lorsque le
ministère public interjette appel sans faire de réserve, il diffère au juge d'appel la
connaissance de l'action publique dans toute son étendue.

Le juge d'appel n'est saisi que des faits soumis au premier juge. Ainsi, le juge d'appel ne
peut condamner un prévenu pour un fait du chef duquel celui-ci n'a été ni renvoyé au tribunal
ni cité à comparaître et n'a pas comparu volontairement en première instance. En principe, une
partie ne peut interjeter appel que pour elle-même. Ainsi, sur le seul appel du ministère
public, le juge d'appel ne peut pas statuer sur l'action civile. Inversement, le seul appel de la
partie civile ne saisit pas le juge d'appel de l'action publique. Mais, en degré d'appel, le juge a
le droit et le devoir de qualifier de manière complète et exacte l'objet des poursuites, à
condition que les faits demeurent inchangés et que l'on donne au prévenu l'occasion de se
défense sur la nouvelle qualification. Mais aucun autre fait ne peut être mis à charge du
prévenu en degré d'appel.

L’effet dévolutif interdit d’élargir la prévention en retenant des faits nouveaux car cela
aboutirait à priver le prévenu d’un double degré de juridiction. C’est l’interdiction des
demandes nouvelles en appel. L’interdiction de modifier la prévention n’interdit cependant
pas au juge d’appel de changer la qualification du fait poursuivi et ne l’empêche pas
d’examiner les moyens nouveaux proposés par les parties à l’appui de leurs prétentions. La

1229
Article 99 alinéa 2 et 103 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
1230
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 928 et 936-4, pp. 924 et 938.
507

possibilité de faire valoir les arguments nouveaux est la conséquence nécessaire du nouveau
débat qui s’ouvre devant le juge d’appel.

Ainsi, l'appel d'un prévenu ne défère pas à la juridiction d'appel l'action exercée contre un
coprévenu ou contre un civilement responsable, de même que l'appel des autres parties ne
permet pas au juge d'allouer des dommages et intérêts à la partie civile. L'appel non limité du
seul ministère public remet, quant à lui, entièrement en cause la prévention et ramène la
poursuite à son état d'origine devant la juridiction d'appel, saisie comme l'était le premier
juge1231.

La cause soumise à la juridiction d'appel est la demande originaire et les parties ne


pourraient en modifier aucun élément essentiel: l'on ne pourrait, par exemple, condamner le
prévenu pour d'autres faits que ceux pour lesquels il était poursuivi en instance ou en ajouter,
mais on pourrait en modifier la qualification à condition de respecter les droits de la défense.

Les parties peuvent, interjeter appel en termes généraux et ainsi soumettre à la juridiction
supérieure toutes les dispositions du jugement a quo qui les concernent, ou limiter leur appel à
telle disposition. Dans ce cas, le juge d'appel ne peut connaître que des dispositions du
jugement qui font grief à l'appelant, les dispositions qui ne sont pas frappées d'appel par
aucune partie acquérant définitivement l'autorité de la chose jugée1232. Ainsi, sur le seul appel
du prévenu limité à l'action publique, le juge d'appel ne peut statuer que sur l'action publique.

Sur l'appel d'une partie, la juridiction du second degré peut soit confirmer la décision
entreprise, soit la réformer, soit l'annuler et y substituer la sienne; en cas de confirmation, si
elle s'approprie des dispositions du premier jugement entachées de nullité, la décision d'appel
sera également nulle.

Bref, le juge d'appel a le pouvoir de procéder à un nouvel examen, en fait et en droit, des
actions (publique ou civile) qui lui sont déférées par l'acte d'appel. L'effet dévolutif de l'appel
connaît toutefois une extension considérable en cas d'évocation.

III. L'évocation

1. Notions

C'est l'obligation faite à une juridiction d'appel de statuer sur le fond chaque fois que le
jugement est annulé pour violation ou omission réparée des formes prescrites par la loi. Le
droit d'évocation est celui qui permet à une juridiction d'appel, saisie d'un incident par l'appel
d'une partie, d'appeler à elle l'ensemble de la cause et de statuer sur tous les aspects comme
l'aurait fait le premier juge s'il n'avait pas été dessaisi.

1231
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1025.
1232
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1027.
508

L'évocation permet à la juridiction d'appel, au lieu de se borner à constater la nullité, ce qui


entrainerait le renvoi de l'affaire à la juridiction de première instance pour qu'elle recommence
la procédure depuis le dernier acte nul et constituerait une source de lenteurs, la juridiction
d'appel, juge elle-même au fond. Le législateur, en édictant cette règle de l'évocation, a voulu
éviter les pertes de temps et les frais inutiles ainsi que le renvoi de l'affaire devant un juge
dont la décision a été réformée, il faut cependant noter que c'est au prix d'une exception au
principe du double degré de juridiction, qui constitue pourtant une garantie importante pour
les parties. Ainsi, l'évocation permet aux juges du second degré de remplir directement la
mission des premiers juges1233. Autrement dit, le juge d'appel est donc amené à statuer sur
toutes les questions possibles liées à l'affaire y compris celles qui n'ont pas encore été
soumises à la juridiction du premier degré, et notamment sur le fond de l'affaire, en faisant
abstraction du principe du double degré de juridiction.

2. Conditions de l'évocation

En droit congolais, le siège de la matière se trouve à l'article 107 du Code de procédure


pénale qui déclare: "la juridiction d'appel qui réforme la décision entreprise pour un motif
autre que la saisine irrégulière ou l'incompétence du premier juge, connaît du fond de
l'affaire". Cette disposition attribue un véritable droit d'évocation aux juridictions d'appel qui
réforment, annulent ou infirment une décision de premier degré.

L'interprétation de cet article montre que les conditions d'évocation sont les suivantes:
- l'éventualité d'une décision de reformation, d'annulation ou infirmation de la juridiction
d'appel pour différents motifs;

- une irrégularité, violation ou omission non réparée de formes prescrites à peine de nullité
(par exemple, composition irrégulière du tribunal, jugement rendu à huis à clos alors que le
prononcé doit toujours être rendu à l'audience publique, minute de jugement ne mentionnant
pas les noms des juges qui ont rendu le jugement, irrégularité dans l'instruction à l'audience,
prescription de l'action publique, déclaration à tort d'irrecevabilité de la constitution de partie
civile, etc.);

- les motifs de réformation, d'annulation ou infirmation de la juridiction d'appel doivent être


différents de la saisine irrégulière ou l'incompétence du premier juge.

Cela signifie que si ces conditions sont respectées, la juridiction d'appel statuera au fond
sur tous les aspects du droit y compris ceux qui n'ont pas fait l'objet d'appel. Le législateur, en
édictant cette règle de l'évocation, a voulu éviter les pertes de temps et les frais inutiles ainsi
que le renvoi de l'affaire devant un juge dont la décision a été réformée; il faut cependant
noter que c'est au prix d'une exception au principe du double degré de juridiction, qui
constitue pourtant une garantie importante pour les parties au procès. Bref, la juridiction

1233
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 975, p. 842.
509

d'appel a le pouvoir de substituer sa décision à celle du premier juge, de faire ce que celui-ci
aurait dû faire, de réparer les omissions ou irrégularités. Dès que la juridiction d'appel, saisie
par l'appel d'une des parties, relève une irrégularité ou omission dans un jugement, l'annule, le
réforme, elle reprend la procédure dans l'état dans lequel elle se trouve, et fait tout ce qui est
nécessaire, envers toutes les parties, mêmes non appelantes, entend des témoins, statue sur le
fond. Que le juge d'appel soit saisi par l'appel du prévenu, de la partie civile ou du ministère
public, par l'effet de l'évocation, c'est l'ensemble de la procédure qui lui est soumise, c'est-à-
dire tant les aspects civils que pénaux.

Comme on peut le remarquer, la juridiction d'appel ne peut évoquer que si elle annule,
réforme ou infirme un jugement, mais non si elle le confirme. Une réformation partielle suffit
pour évoquer.

De même, il faut qu'il s'agisse d'un jugement avant dire droit de type préparatoire,
incidentel. Sont réputés jugements préparatoires ou jugements avant dire droit de type
préparatoire, les jugements rendus pour l'instruction de la cause et qui tendent à mettre le
procès en état de recevoir jugement définitif1234. Le professeur Antoine Rubbens pense qu'un
jugement interlocutoire est également susceptible d'évocation1235. Sont réputés jugements
interlocutoires ou jugements avant dire droit de type interlocutoire, les jugements qui
préjugent le fond de l'affaire.

Cela signifie que lorsque le premier juge a épuisé sa juridiction par une décision sur le
fond, le juge d'appel ne statue que sur l'effet dévolutif de l'appel et il n'y a évidemment pas
lieu d'évoquer la cause. Par ailleurs, pour que la cause puisse être soumise au juge du second
degré, il faut que celui du premier degré ait été légalement saisi. Ce ne serait pas le cas, par
exemple, si l'affaire avait été soumise au tribunal suite à une citation entachée d'une
irrégularité substantielle. Au cas où la juridiction d’appel réforme la décision pour saisine
irrégulière ou pour incompétence du premier juge, il appartient à la partie poursuivante
d’introduire la cause en premier degré en forme régulière et devant la juridiction compétente.
Il ne peut donc être question pour la juridiction d’appel de renvoyer la cause devant le
premier juge.

Il y a donc évocation non seulement en cas d'irrégularité de forme dans la procédure de


jugement à l'audience, mais aussi en cas d'irrégularité des formalités prescrites à peine de
nullité dans l'instruction préparatoire, et même en cas d'utilisation d'une procédure incorrecte,
en cas d'annulation d'un jugement ayant à tort sursis à statuer, d'un jugement ayant à tort
annulé la procédure ou étant qualifié improprement de contradictoire.

Il en est de même lorsque c'est à tort que les premiers juges ont déclaré la constitution de
partie civile irrecevable ou omis de statuer sur l'action civile ou certaines questions soulevées

1234
Article 73 alinéa 1 du Code de procédure civile.
1235
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 267, p. 275.
510

par la victime1236. En un mot les dispositions légales ne sont pas limitatives et doivent
s'appliquer toutes les fois que la juridiction d'appel est en opposition avec la juridiction de
première instance et annule cette décision pour toute autre cause que celle d'incompétence.
C'est pourquoi, l'évocation est impossible quand le jugement est annulé pour avoir à tort
affirmé sa compétence territoriale: en décidant que le juge inférieur est incompétent, le juge
d'appel affirme lui-même son incompétence1237.

3. Etendue de l'évocation et ses effets

Le juge d'appel qui réforme ou annule un jugement se substitue purement et simplement au


juge qui l'a rendu et fait tout ce que celui-ci aurait dû faire. Dès que la juridiction d'appel,
saisie par l'appel d'une des parties, relève une irrégularité ou une omission dans un jugement
préparatoire, incidentel, l'annule ou le réforme, elle reprend la procédure dans l'état dans
lequel elle se trouve, et fait tout ce qui est nécessaire, envers toutes les parties, même non
appelantes, pour arriver à une décision au fond. Elle ordonne donc des devoirs
complémentaires, entend des témoins, statue sur les incidents, etc.

Que le juge d'appel soit saisi par l'appel du prévenu, de la partie civile ou du ministère
public, c'est l'ensemble de la procédure qui lui est soumise, c'est-à-dire tant les aspects civils
que pénaux. La Cour statue sur toutes les actions dont le premier juge était saisi et aurait pu
faire. En conséquence, sur appel du ministère public, elle statue aussi sur la constitution de la
partie civile, même si celle-ci n'a pas interjeté appel. L'évocation permet donc au juge d'appel
de connaître en premier et denier ressort de l'ensemble de la procédure1238.

Lorsqu'un jugement pénal de première instance est nul parce qu'il a été prononcé par des
juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences auxquelles la cause a été instruite, cette
circonstance ne rend pas, par elle-même, nuls les devoirs d'instruction accomplis au cours de
chacune des audiences. Ainsi, lorsqu'ils évoquent l'affaire, les juges d'appel n'ont pas à écarter
sans autre motif toute l'instruction effectuée devant le tribunal pénal de première instance1239.

Selon l'article 107 du Code de procédure pénale, "la juridiction d'appel qui réforme la
décision entreprise pour un motif autre que la saisine irrégulière ou l'incompétence du
premier juge, connaît du fond de l'affaire". Nous avons souligné que l'évocation existe en cas
d'annulation pour violation ou omission non réparée de formes prescrites à peine de nullité.
Dans la pratique judiciaire, les juges d'appel évoquent chaque fois que la juridiction d'appel
annule ou réforme un jugement du premier degré, que ce soit pour violation ou omission de
formes substantielles ou pour "mal jugé", que ce soit pour un jugement préparatoire ou

1236
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 936, p. 936.
1237
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 976, p. 842.
1238
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1030.
1239
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1403.
511

jugement au fond, car ils estiment que cet article est indicatif et non limitatif. Cela signifie
qu'en pratique, dès que le juge d'appel constate qu'il y a mal jugé pour une raison donnée, il
évoque. Mais le droit d'évocation de la juridiction d'appel ne lui permet pas en aucun cas de
saisir les faits qui n'étaient pas soumis au premier juge: elle a le même pouvoir que celui-ci.

IV. Effet relatif de l'appel

En principe, sur le seul appel de l'une des parties, le juge ne peut prendre à son égard une
décision plus défavorable que celle qui est entreprise: l'appel a pour moteur nécessaire et donc
pour mesure l'intérêt de celui qui l'introduit. Cela signifie que la situation de l'appelant ne
peut pas être aggravée sur son seul appel. L'appelant (prévenu, civilement responsable, partie
civile, tiers intervenant) peut limiter son appel ou, au contraire le former contre les
dispositions du jugement entrepris. Il est libre de limiter son appel en fonction de ses intérêts.

Concernant le prévenu, il peut limiter son appel à la décision sur l'action publique ou celle
sur l'action civile, ou même certaines infractions. Ainsi, sur le seul appel du prévenu, la
juridiction d'appel ne pourrait le condamner s'il avait été acquitté en première instance,
aggraver les faits de la prévention, majorer la peine, ou supprimer le sursis, aggraver les
peines subsidiaires, augmenter les dommages et intérêts dus à la partie civile ou lui en allouer,
le déclarer entièrement responsable alors qu'il ne l'avait été que partiellement, revoir la
situation d'un coprévenus non appelant. L'appréciation de l'aggravation est objective, en ce
sens que la peine d'emprisonnement est plus grave que la peine d'amende, mais l'ajout de la
peine d'amende à une peine d'emprisonnement, même assortie d'un sursis qui n'avait pas été
accordé en première instance, constitue une aggravation; il y a encore aggravation si la
juridiction d'appel élève la peine d'emprisonnement tout en l'assortissant du sursis.

Mais l'appel du prévenu peut bénéficier également au civilement responsable non appelant,
à savoir lorsque le prévenu est acquitté en appel et déchargé des condamnations civiles,
l'obligation du civilement responsable à l'égard de la partie civile étant en quelque sorte
devenue sans cause; la partie civilement responsable pourra alors invoquer à son profit la
décision d'appel à laquelle elle n'était pas partie.

Si la partie civilement responsable a seule interjeté appel, elle ne vise, elle aussi, qu'à
l'amélioration de sa situation, c'est-à-dire à voir diminuer, du seul point de vue pécuniaire, sa
part de responsabilité ou le montant des dommages et intérêts. Sur son appel, les dommages et
intérêts mis à sa charge ne peuvent pas être aggravés. Ainsi, le civilement responsable peut
non seulement contester sa qualité, mais aussi contester que le prévenu a commis le fait
dommageable dont le premier juge l'a déclaré coupable, même si le prévenu n'a pas interjeté
appel. De même, dans la mesure où il peut intervenir volontairement à l'instance, le tiers
intervenant peut interjeter appel quant aux dispositions qui le concernent, à savoir les intérêts
civils mais également les dispositions pénales lorsqu'elles forment le fondement de sa
condamnation.
512

Concernant la partie civile, son appel est limité à ses intérêts. L'appel de la partie civile ne
saisit le juge d'appel que de l'action civile (sauf si cet appel donne lieu à évocation) et a pour
but d'obtenir une majoration des dommages et intérêts que la victime avait sollicités, ou la
condamnation des dommages et intérêts si elle en avait été déboutée en instance suite à
l'acquittement du prévenu, par exemple. En principe, le juge d'appel, ne pourrait pas réduire
ou supprimer les dommages et intérêts alloués par le premier juge à la partie civile, ou
augmenter sa part de responsabilité; il peut par contre, majorer les dommages et intérêts
obtenus par la partie civile, lui en allouer si elle n'en avait pas obtenu en première instance, ou
majorer la part de responsabilité du prévenu.

Sur le seul appel de la partie civile, le prévenu peut faire appel incident en vue d'obtenir une
réduction des condamnations civiles ou de sa part de responsabilité, ou à tout le moins le statu
quo. L'appel de la partie civile ne saisit pas le juge d'appel des dispositions concernant les
autres parties civiles. La partie civile peut également diriger son appel contre le civilement
responsable, selon les mêmes principes. Si ce dernier est seul intimé, le jugement d'appel,
même s'il réexamine la culpabilité du prévenu, n'aura aucune répercussion sur la situation de
celui-ci.

Si la partie civile est la seule à faire appel, il faut d'abord préciser qu'il est interdit à la
juridiction d'appel d'aggraver son sort, en diminuant les dommages et intérêts qui lui ont été
accordés. L'action publique n'étant plus en cause, il en résulte plusieurs conséquences:
- si la décision de la juridiction de première instance était une décision d'acquittement, le seul
appel de la partie civile ne permet pas à la juridiction d'appel de prononcer une peine contre le
prévenu acquitté, ne serait-ce qu'une amende;
- en revanche, la juridiction d'appel peut et même doit apprécier et qualifier les faits pour, s'il
a lieu, condamner le prévenu à des dommages et intérêts envers la partie civile; et cette
obligation ne saurait être limitée par le fait que la partie civile ne l'a pas invoqué.

Il convient de souligner deux situations qui peuvent aggraver le sort de l'une ou l'autre des
parties: l'appel du ministère public et celui de plusieurs parties ayant des intérêts
contradictoires.

Concernant le ministère public, son appel est limité à l'action publique. Si seul le ministère
public a interjeté appel, il soumet exclusivement l'action publique au juge d'appel, dans
l'intérêt de la vérité. L'appel du ministère public s'effectue dans l'intérêt de la bonne
application de la loi, ce qui peut être favorable ou défavorable au prévenu selon ce que
décidera la juridiction d'appel1240. Dès lors, le prévenu peut être acquitté, condamné à une
peine supérieure ou maintenu dans la situation qui lui avait été faite en première instance. Il
ne peut en aucun cas être condamné, sur le seul appel du ministère public, à des dommages et
intérêts au profit de la partie civile. Si l'appel est général, le droit d'appel du ministère public

1240
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1398.
513

ne concerne cependant que son droit de poursuite et ne s'applique pas aux jugements qui ne
statuent que sur les intérêts civils ni à la partie du jugement qui statue sur l'action civile.

En l'absence d'appel du ministère public, la situation pénale du prévenu est définitive. Il en


est ainsi notamment pour les prévenus qui ne sont pas concernés par l'appel du ministère
public lorsque celui-ci ne met en cause que la décision relative à un des prévenus. Enfin,
lorsqu'un jugement rendu par défaut n'a pas été frappé d'appel par le ministère public, le juge
d'appel statuant sur l'appel interjeté par ce dernier du jugement rendu sur l'opposition ne peut
aggraver la situation pénale du prévenu fixée par le jugement rendu par défaut.

Concernant l'appel de plusieurs parties, ayant des intérêts contradictoires, le sort de l'une
ou l'autre des parties appelantes peut évidemment être aggravé.

§ 11. L'appel et le principe d'impartialité

En principe, le même juge qui a siégé au premier degré ne peut plus siéger en appel
concernant la même affaire et mêmes parties car sa décision peut faire l’objet du pourvoi en
cassation étant donné qu’il y a violation de la loi. De même, le principe d’impartialité du juge
exige que le même juge n’agisse pas aux différents degrés de juridiction, au sujet de la même
affaire et mêmes parties étant donné qu’il y aurait dans son chef un « préjugement » qu’il
chercherait à confirmer en appel. Cette absence d’impartialité est ainsi évidente en matière
pénale1241, civile1242, administrative et disciplinaire1243.

§ 12. Voies de recours

Aucune disposition du Code de procédure pénale ne vise le recours contre un jugement


statuant sur appel. En vertu du principe du double degré de juridiction, le jugement ou arrêt
rendu au degré d'appel ne peut plus faire l'objet d'un autre appel. Par contre, il peut faire
l'objet d'opposition, de prise à partie, du pourvoi en cassation, d'interprétation et de
rectification.

Concernant l'opposition, elle peut être possible lorsque les jugements ou arrêts d'appel ont
été rendus par défaut. Dans ce cas, l'opposition est portée devant la même juridiction qui a
rendu le jugement ou arrêt sur appel.

Concernant la prise à partie, elle peut être possible lorsqu'au cours de ce procès, les
magistrats de la juridiction d'appel (y compris le ministère public) sont auteurs du dol,
concussion et déni de justice. Dans ce cas, ce recours sera porté devant la Cour de cassation.

1241
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de droit, U. C. L., Louvain-la-Neuve, juin
2005, pp. 385-389.
1242
Ibidem, pp. 480-484
1243
Ibidem, pp. 520-522.
514

Concernant le pourvoi en cassation, il se justifie étant donné que les décisions du degré
d'appel sont rendues en dernier ressort. Dans ce cas, ce recours sera porté devant la Cour de
cassation.

Concernant la requête en interprétation, il peut se justifier lorsque la juridiction d'appel a


prononcé un jugement ou arrêt qui est obscur ou ambigu; dans ce cas les parties ou le
Procureur général près cette cour peuvent (peut), selon le cas, saisir la même juridiction
d'appel qui a rendu la décision afin d'interpréter et de clarifier les termes qui étaient obscurs et
ambigus.

Concernant la requête en rectification, il peut se justifier lorsque la juridiction d'appel a


prononcé un jugement ou arrêt qui contient des erreurs matérielles, dans ce cas les parties ou
le Procureur général près cette cour peuvent (peut), selon le cas, saisir la même juridiction
d'appel qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont glissées.

§ 13. Concours entre l'appel et l'opposition

Le Code de procédure pénale n'a pas envisagé cette possibilité et pourtant différentes
hypothèses peuvent se présenter. Il existe deux voies de recours possibles à l'encontre d'un
jugement rendu par défaut au premier degré: l'appel et l'opposition. Que se passe t-il si ces
deux voies de recours sont exercées dans les délais légaux à l'égard du même jugement ? En
principe, lorsque la partie défaillante a choisi une voie, elle a implicitement renoncé à l'autre
et ne pourra y revenir que si son premier recours est déclaré irrecevable et que l'autre est
recevable. Examinons différents cas qui peuvent se présenter.

I. Les deux vois de recours sont exercées par la même partie

1. Les deux voies de recours sont utilisées simultanément

Lorsque les deux recours sont recevables, il faut adopter la solution la plus avantageuse
pour la partie qui a introduit les recours: l'opposition est seule recevable. Par contre, si
l'opposition n'est pas recevable (par exemple, introduite hors délai), l'appel sera, le cas
échéant, recevable. Toutefois, lorsqu'une opposition est déclarée non avenue suite à la non-
comparution de l'opposant, cette décision implique certes que l'opposition était recevable mais
n'entraîne pas que la décision contre laquelle l'opposition était dirigée est anéantie. Il en
résulte que l'appel dirigé contre la première décision rendue par défaut n'est pas sans objet1244.
Le professeur Antoine Rubbens pense que l'exercice de l'opposition suspend l'exercice de
l'appel dans la chef du défaillant1245.

1244
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1413.
1245
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Fred. Larcier S.A, 1965, n° 253, p. 258.
515

2. Les deux voies de recours sont utilisées successivement

La partie défaillante dispose du choix entre la voie de l'appel et celle de l'opposition.

a) Appel postérieur à une opposition recevable

La partie défaillante pourrait préférer opter pour la voie de l'opposition et puis, une fois
cette voie de recours formalisé, interjeter appel. En règle, lorsqu'une partie défaillante
interjette appel et forme opposition contre le même jugement rendu par défaut, c'est la voie de
recours chronologiquement la première qui est prise en considération, la seconde étant
irrecevable. Ainsi, si la partie défaillante interjette appel après avoir formé une opposition
recevable, elle a implicitement renoncé à son droit d'appel en formant opposition. Le juge du
premier degré ayant été à nouveau saisi par celle-ci, le juge d'appel ne pourra que déclarer
l'appel irrecevable. Seul un appel dirigé contre le jugement sur opposition sera irrecevable.

Dans ce cas, l'appel est en principe irrecevable. Cela signifie si, après avoir formé
opposition, la partie défaillante interjette appel, l'appel est, en règle, irrecevable puisque
l'opposition a ressaisi le premier juge.

b) Opposition postérieure à l'appel

Si après avoir formé appel, la partie défaillante forme opposition, l'opposition sera
irrecevable et seul l'appel sera recevable; car, en effet, par son appel, le défaillant saisi la
juridiction du second degré et il ne lui appartient pas de la dessaisir au profit du juge de
première instance. Cela signifie que, si l'opposition devrait être déclarée irrecevable, l'appel
formé en temps utile devra être déclaré recevable.

De manière simple, si la partie défaillante privilégie la voie de l'appel et puis forme


l'opposition contre le jugement rendu par défaut, cette opposition devra, en principe, être
jugée irrecevable1246 car la juridiction d'appel est valablement saisie de la cause étant donné
qu'il n'appartient pas à une partie, de dessaisir la juridiction du second degré au profit du
premier juge. En revanche, si l'appel est jugé irrecevable, la juridiction d'appel n'est pas
valablement saisie de la cause et, dès lors, une opposition ultérieure régulièrement formée
devra être déclarée recevable. Dans ce cas, il n'y aurait pas d'obstacle à ce que l'opposition
régulière, faite pour la première fois ultérieurement, soit déclarée recevable1247.

Bref, lorsqu'une partie défaillante interjette appel et forme opposition contre le même
jugement rendu par défaut au premier degré, c'est le voie de recours chronologiquement la

1246
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 914, p. 908; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2318, p. 1181; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 943, p. 821; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris,
éd. PUF, 2001, n° 485, p. 778.
1247
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1044.
516

première qui est prise en considération, la seconde étant irrecevable. En tout état de cause,
dans la pratique judiciaire en RDC, l'option de l'une ferme la porte de l'autre.

II. Les deux voies de recours sont exercées par les parties différentes

1. Généralités

Comme les délais peuvent courir en même temps à l'égard des différentes parties, il est
possible qu'une partie interjette appel pendant que la partie défaillante forme opposition. Tout
dépendra du sort réservé à l'opposition: si elle est déclarée recevable, la juridiction d'appel
sera, en principe, dessaisie de la cause, si l'opposition est déclarée irrecevable, la juridiction
d'appel déclarera l'appel recevable. Par exemple, lorsqu'une partie a interjeté appel d'un
jugement rendu par le tribunal de paix contradictoirement à son égard, qu'une autre partie a
formé opposition contre ce même jugement, rendu par défaut à son égard, et le tribunal de
paix a reçu son opposition et a statué sur son fondement, le tribunal de grande instance, qui a
instruit la cause et rendu sa décision après le tribunal de paix, est tenu de statuer sur l'appel
dont il est saisi.

2. Concours entre l'opposition du prévenu et l'appel du ministère public

S'il y a concours entre l'opposition du prévenu et l'appel du ministère public, ce dernier ne


peut priver le défaillant d'un droit d'opposition effectif: son appel sera donc sans objet et ne
sera pas examiné au cas où l'opposition du prévenu est déclarée recevable; il subsiste, par
contre, si le prévenu est débouté de son opposition (quand l'opposition est déclarée
irrecevable).

Si, suite à l'appel du ministère public ou de la partie civile, l'arrêt ou le jugement d'appel a
également été rendu par défaut, le prévenu, dans la mesure où il est encore dans les délais,
pourra, à son choix, former opposition contre la décision d'appel ou contre la décision de
première instance. Dans ce derniers cas, toute la procédure est anéantie, y compris la décision
de la juridiction d'appel.

Quand le ministère public a interjeté appel d'une décision de condamnation rendue par
défaut et que le prévenu a, pendant le délai de recours (10 jours), fait opposition à cette
décision, le juge d'appel peut procéder au jugement de la cause tant que l'opposition du
prévenu n'a pas été déclarée recevable.

L'opposition recevable formée par le prévenu contre le jugement du tribunal de grande


instance rendu par défaut anéantit non seulement ce jugement mais également l'arrêt par
défaut qui serait intervenu à la suite du recours du ministère public ou de la partie civile.
517

§ 14. Désistement

Le prévenu, le civilement responsable, la partie civile et la partie intervenante peuvent se


désister de leur appel sur l'action civile. Seul le prévenu peut se désister de son appel sur
l'action publique. Dans l'un et l'autre cas, le désistement doit être exprès et ne peut se
présumer, mais aucune forme spéciale n'est requise (une simple lettre suffit). Il doit être
confirmé par l'appelant lors de sa comparution et décrété par la juridiction; jusque là, il peut
être rétracté. Les mêmes règles sont applicables au désistement de l'opposition.

Par contre, le ministère public ne peut certainement pas se désister de son appel car l'action
publique est indisponible. Un tel désistement serait dénué d'effet1248.

1248
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1045.
518

CHAPITRE II :
LES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES

Il s’agit des voies de recours ouvertes dans les cas spécifiés par la loi et qui, en règle,
ne peuvent être exercées que dans la mesure où les voies de recours ordinaires ont été
épuisées1249 ou n'ont pas été exercées ou ne sont plus possibles. Ces voies de recours ne sont
ouvertes que pour quelques causes limitativement prévues par la loi, c'est-à-dire à des cas
exceptionnels ou extraordinaires, d'où leur nom voies de recours extraordinaires. Ces voies de
recours tendent à faire apprécier la juridiction compétente, la régularité de la décision, au
point de vue de droit et quelque fois même au pont de vue de fait1250. Ces voies de recours
sont recevables que si l'affaire entre dans un des cas d'ouverture prévus par son exercice et ne
peuvent aboutir qu'à une annulation de la première procédure sans possibilité de substitution
d'une solution à une autre1251. L’exercice de ces recours n’est pas suspensif de l’exécution, à
moins qu’un texte légal dispose autrement. Il convient de les parcourir rapidement.

SECTION 1: LA TIERCE OPPOSITION

§ 1. Notions

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire qui confère le droit à un tiers
non appelé à la cause (qui n'était pas partie ou n'était pas représenté), de s’opposer à une
décision qui préjudicie ses droits, de faire rétracter celle-ci. En d’autres termes, c’est la voie
de recours ouverte aux tiers pour rejuger en fait et en droit un jugement qui affecte leurs
intérêts1252. L'article 80 du Code de procédure civile prévoit: "quiconque peut former tierce
opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il
représente n'ont été appelés". Comme on peut le constater, pour former tierce opposition, il
faut être tiers à la décision attaquée. La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un
jugement au profit du tiers qui l'attaque; remet en question relativement à son auteur les points
jugés qu'elle critique pour qu'il elle soit à nouveau statué en fait et en droit. Ce recours est
porté devant la juridiction qui a rendu la décision querellée par une personne lésée par le
dispositif du jugement, alors qu’elle n’a pas été partie au procès, n’en étant pas informée ni

1249
G. DE LEVAL, Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 9.75,
p. 1045; G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, n° 189, pp. 279-280;
1250
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 908, p. 903; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 938, p. 819.
1251
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 484, p. 776.
1252
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 2, p. 11; S.
GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 551.11, pp.1589 et s. ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012,
n° 493, p.459; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd. Litec, 2009, n° 857, p.
580 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ; G. COUCHEZ,
Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n° 440, pp. 455 et s.
519

représentée conventionnellement ou suivant les présomptions légales de représentation en


justice (articles 80 à 84 du Code de procédure civile).

Cette procédure n’existe en principe qu’en matière civile et administrative mais non en
matière constitutionnelle. En matière pénale, elle existe uniquement lorsqu'une juridiction
pénale statue sur des intérêts civils. Ainsi, l'épouse d'un condamné peut faire tierce opposition
contre la condamnation de son époux à la remise en état des lieux par la démolition de la villa
qui leur propriété commune. Il en va de même lorsque la chose confisquée appartient à un
tiers1253. En matière administrative, elle suppose que le tiers ait un droit lésé alors qu’il ne
s’agit que d’intérêt en procédure civile1254. Celui qui exerce cette action est appelé tiers
opposant.

En principe, un jugement a une autorité seulement relative de chose jugée. Les effets
du jugement sont limités aux parties. Il existe néanmoins des cas dans lesquels un jugement
peut causer grief à une personne qui n'y a pas été partie. Ainsi, un jugement condamnant A à
indemniser B d'un préjudice, peut causer préjudice à C, garant de A, qui devra in fine
répondre pour A. Il est donc utile pour le tiers de disposer d'un recours contre le jugement
auquel il n'a pas été partie mais qui peut le nuire. Le tiers informé peut ou bien entrer dans le
procès par la voie d'une intervention volontaire (il défendra alors ses intérêts dans l'instance),
ou bien différer sa défense en formant tierce opposition contre le jugement qui a été rendu.

La tierce opposition tend à ce qu'il soit retiré l'ordre juridique mais uniquement à
l'égard du tiers. Elle ouvre ainsi un procès distinct du litige originaire qui remet en question
relativement au seul auteur de la tierce opposition les points jugés pour qu'ils soient à nouveau
statués en fait et en droit à l'égard du tiers opposant.

§ 2. Décisions susceptibles de la tierce opposition

I. Décisions rendues en matière civile

En principe, la tierce opposition ne peut être formée que contre un jugement rendu par une
juridiction civile. L'article 80 du Code de procédure civile déclare : "quiconque peut former
tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il
représente n'ont été appelés". Cela signifie qu'avant de faire tierce opposition, il faut qu'il
existe d'abord un jugement1255 qui préjudicie les droits de tiers. Ce jugement doit peut être
définitif ou provisoire et doit avoir été rendu en matières civile, commerciale, sociale, de la
famille, peu importe qu'il soit au premier degré ou au degré d'appel; autrement dit, le tiers
opposant s'attaque à un jugement qui préjudicie ses intérêts dès lors qu'il n'était partie à
l'instance (le mot jugement est repris aux articles 80 à 83 du Code de procédure civile).
1253
H. D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M. A. BEERNAERT, Droit de la procédure pénale, Brugge, 6
ème éd. La Charte, 2010, p. 1210.
1254
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 493, p. 459.
1255
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 17 , p. 24; A.
RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd.
Presses universitaires du Congo, 2012, n° 209, p. 190.
520

II. Décisions pénale sur les intérêts civils

En principe, la tierce opposition s'applique en matière pénale lorsque la décision rendue


concerne également les intérêts civils1256. C'est le cas d'une juridiction pénale qui se prononce
également sur une demande en réparation. La personne qui est tierce à la procédure dont les
intérêts civils ont été statués par une juridiction pénale, peut faire tierce opposition.

III. Exclusion des arrêts de la Cour de cassation

Les arrêts de la Cour de cassation échappent à la tierce opposition étant donné qu'ils ne sont
susceptibles d'aucun recours, sauf pour rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en
donner interprétation1257.

§ 3. Conditions de la tierce opposition

I. La tierce opposition doit émaner d'un tiers

L'article 80 du Code de procédure civile dit : "quiconque peut former tierce opposition à
un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il représente n'ont
été appelés". Il s'agit véritablement d'un tiers c'est-à-dire d'une personne qui n'a été ni partie,
ni représentée par un mandataire ou autrement au jugement ou arrêt attaqué, c'est de là
d'ailleurs que vient le mot "tierce opposition". La qualité de tiers implique que la personne
n'ait pas été partie au procès à quelque titre que ce soit, notamment comme intervenant
volontaire ou forcé, la seule présence d'une personne à l'audience ne lui conférant toutefois
pas la qualité de partie à l'instance1258. Cette condition, qui paraît évidente, tant il est constant
qu'il n'y a pas de raison de permettre à une personne qui a pu faire valoir directement ou par
personne interposée ses intérêts de revenir devant le même juge pour lui présenter ses
arguments. Il ne s'agit point de remettre en cause une décision à laquelle le tiers opposant a
été partie, parce que celle-ci est définitive.

Est tiers, la personne qui n’est ni partie, ni représentée. Dès lors, ne peut être qualifié tiers
opposant mais opposant, celui, qui, étant déjà partie volontaire, intervenante au premier degré,
fit recours contre la décision du tribunal de sous-région statuant en annulation alors qu’il
n’avait pas été à cette instance1259. Par contre est tiers celui qui n’a pas été appelé ou qui
n’est pas intervenu à la cause, en la même qualité que celle dont il entend se prévaloir pour

1256
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 14, 25 et 26 , pp.
23, 27-28 ; H. D. BOSLY, D. VANDERMEERSCH et M. A. BEERNAERT, Droit de la procédure
pénale, Brugge, 6 ème éd. La Charte, 2010, p. 1210; G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN
DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°
539 et 547, pp.408 et 420.
1257
Article 29 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1258
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 59, p. 47; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 556, p.429.
1259
Cour suprême de justice, 8 mai 1974, RC47, Bull. 1975, p. 137.
521

justifier l’intentement (l’introduction) du recours. L’existence de cette voie de recours est liée
au fait que l’autorité de chose jugée n’a d’effet qu’entre les parties : un tiers, auquel le
contenu d’une décision porte préjudice-par exemple en ce qu’elle va le déforcer dans un
procès qu’il doit lui-même soutenir contre l’une des parties au litige originaire-peut donc
solliciter la rétractation de cette décision en ce qu’elle lui fait grief. Dans ce cas, le tiers
opposant aura généralement intérêt à appeler toutes les parties au premier procès à la
deuxième instance pour avoir un jugement commun1260. En pratique, le tiers opposant assigne
par voie principale toutes les parties ayant été au procès dont le jugement est attaqué, c'est-à-
dire la partie qui a gagné le jugement et qui voudrait en obtenir exécution, ainsi que les autres
qui étaient à ce procès.

II. La décision attaquée doit être susceptible de préjudicier aux droits des tiers

L'article 80 du Code de procédure civile souligne que le jugement attaqué doit avoir
préjudicié aux droits du demandeur de tierce opposition: "quiconque peut former tierce
opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, (...)". Cette condition signifie que le
tiers opposant doit avoir éprouvé un préjudice ou menacé d'un préjudice, peu importe que
celui-ci soit matériel ou purement moral. Pour que la tierce opposition soit recevable, il suffit
que le tiers opposant puisse subir un préjudice. Ainsi, l'action de tierce opposition doit être
déclarée recevable si la décision se borne à créer un préjudice défavorable pour le tiers. De la
sorte, la décision prononçant la dissolution d'une société dormante porte atteinte aux droits
des actionnaires, en sorte qu'elle est passible de tierce opposition de la part de ces derniers.

III. Le demandeur doit justifier d'un intérêt et de la qualité

1. Intérêt

Celui qui demande la tierce opposition d'un jugement doit souffrir de la décision rendue à
son insu. Il s'agit d'un intérêt qui découle d'un préjudice né ou à craindre, cet intérêt peut être
matériel ou moral. Le préjudice doit s'analyser au regard de la situation personnelle d'un tiers
opposant, qui doit prétendre à un intérêt distinct, un préjudice personnel, et évidemment doit
avoir une analyse juridique, au moins en partie différente de celle présentée.

L'intérêt requis pour former tierce opposition doit être personnel et ne peut être fondé sur
l'intérêt général. C'est pour cette raison que l'on considère que la tierce opposition n'est pas
une voie de recours ouverte au ministère public. En effet, le ministère public n'est pas un tiers
dont les intérêts privés doivent être protégés. Et d'ailleurs c'est inconcevable qu'il soit tiers à
un procès étant donné qu'il assiste à toutes les audiences tant civiles que pénales alors que la
tierce opposition concerne un tiers qui n'a pas été partie à un jugement qui préjudicie à ses
droits, et lors duquel ni lui, ni ceux qu'il représente n'ont été appelés". Lorsque le ministère
public n'est intervenu que par voie d'avis (ce qui est la règle en matière civile), il dispose
toujours de la voie habituelle qu'est l'appel, à condition toutefois que l'ordre public soit mis en

1260
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd.
Presses universitaires du Congo, 2012, n° 212, p. 192.
522

péril par une situation qui ne peut être maintenue1261. Bref, le demandeur de tierce opposition,
doit avoir un intérêt à agir, distinct de celui de la partie ayant déjà agi1262. Ainsi est autorisé à
faire tierce opposition un grand parent pour un jugement d'assistance éducative.

2. Qualité

Comme toute action, celle conduite dans le cadre d'une tierce opposition doit avoir pour
objet une demande que le tiers opposant a qualité pour présenter. Ainsi, peut en règle former
tierce opposition, toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la
cause en la même qualité. Le tiers est en effet celui n'a pas été au procès ou qui n'y a pas été
représenté par mandataire ou autrement. C'est donc ce tiers qui a qualité de former tierce
opposition.

§ 4. Juridiction compétente
La distinction entre tierce opposition principale et tierce opposition incidente revêt une
importance quant à la détermination de la juridiction compétente. La tierce opposition est dite
principale lorsqu'elle est formée à "titre agressif", en dehors de toute procédure par une partie
qui entend contester une décision rendue hors de sa présence. C'est alors le tiers opposant qui
prend l'initiative d'une procédure. La tierce opposition est incidente lorsqu'elle est formée au
cours d'un procès pour contester un jugement opposé par une partie à une autre qui n'était pas
présente à la procédure ayant conduit à la décision1263.

Concernant la tierce opposition principale, en vertu de l'article 81 du Code de procédure


civile, la tierce opposition formée par action principale est portée au tribunal qui a rendu le
jugement attaqué. En tant voie de rétractation, cela semble normal de revenir au même juge
qui a rendu la décision attaquée afin qu'il tienne compte des éléments qui n'étaient pas en sa
possession lorsqu'il avait rendu la première décision. Si le juge naturel d'une tierce opposition
est celui qui a rendu la décision attaquée, cette disposition n'implique aucune personnalisation
du juge. En effet, l'obligation de citer devant le juge qui a rendu la décision attaquée en cas de
tierce opposition ne peut être comprise comme une obligation de citer devant la même
personne physiquement puisque cela rendrait dans certaines circonstances la tierce opposition
impossible mais bien un juge du même tribunal ou de la même Cour; l'essentiel est cela soit
de la compétence de la même juridiction qui a rendu la décision attaquée mais l'idéal serait le
même juge qui a rendu la décision étant donné qu'il a déjà une vision globale de l'affaire
contrairement au "nouveau juge" qui devra prendre du temps avant de s'imprégner
suffisamment de l'affaire.

1261
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 566, p.439.
1262
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 551.53, p. 1595; G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de
recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 568, p.442.
1263
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 551.180, p. 1605.
523

Concernant la tierce opposition incidente, en vertu de l'article 82 du Code de procédure


civile, la tierce opposition incidente à une contestation dont un tribunal est saisi est formée
par voie de conclusions, si ce tribunal est égal ou supérieur à celui qui a rendu le jugement.
S'il n'est égal ou supérieur, la tierce opposition incidente est portée, par action principale, au
tribunal qui a rendu le jugement. Cette disposition spécifique règle la question de la
compétence lorsque la tierce opposition est formulée par voie incidente. Les termes "égal" et
"supérieur" utilisés par l'article 82 du Code de procédure civile visent une juridiction qui,
dans la hiérarchie judiciaire, est égal ou supérieur à celle qui a originairement statué. La
hiérarchie visée par cet article est uniquement celle à laquelle il convient de se référer pour la
détermination de la juridiction devant laquelle un litige est porté en cas d'appel. Il n'y a pas
lieu pour cette hiérarchie de tenir compte du simple ordre de préférence prévu en cas de
renvoi pour litispendance ou connexité. Cet ordre de préférence ne crée pas de hiérarchie en
vertu de laquelle l'un des tribunaux serait supérieur aux autres. Ce que le législateur a voulu
éviter, est la réformation d'une décision d'appel par un juge de première instance.

Cela signifie que la tierce opposition incidente peut être portée devant la juridiction qui
connaît l'action principale sur laquelle se greffe l'incident, pourvu que cette juridiction soit
égale ou supérieure à la juridiction qui a rendu le jugement attaqué; dans ce cas ce sera une
voie de réformation. Si la juridiction devant laquelle la tierce opposition incidente était
formée était de niveau inférieur à celui de la juridiction qui a rendu le jugement entrepris, c'est
la juridiction supérieure, qui a rendu le jugement attaqué, qui devrait être saisie par une action
préjudicielle pour vider la tierce opposition1264. En d'autres termes, lorsque la tierce
opposition est incidente, à une contestation dont un tribunal est saisi, elle est formée par voie
de conclusions devant ce tribunal si celui-ci est égal ou supérieur à la juridiction qui a rendu le
jugement. Dans le cas contraire, la tierce opposition incidente sera portée, par action
principale, au tribunal qui a rendu le jugement.

Concrètement, une tierce opposition principale formée par citation, doit être portée
devant le juge qui a rendu la décision attaquée, même si cette décision fait l'objet d'un appel
sur lequel il n'a pas encore statué. Autrement dit, la rétractation peut se poursuivre devant le
tribunal ayant rendu le jugement par action principale lorsque l'on est dans le cas où le juge
n'est ni égal ni supérieur au juge de la décision. Selon l'article 82 alinéa 2 du Code de
procédure civile, la tierce opposition incidente est introduite par voie de conclusions, qui
lorsque le tribunal n'est ni égal ni supérieur au tribunal qui avait rendu la jugement, serviront
simplement à obtenir la surséance de la procédure pour que soit saisi, par voie principale, le
tribunal qui avait rendu la décision attaquée1265.

1264
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse, Kinshasa, éd.
Presses universitaires du Congo, 2012, n° 213, p. 192.
1265
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-
Bruylant, Droit et idées nouvelles, 2006, n° 516, p. 486.
524

Lorsque la condition relative à la compétence du juge saisi d'une tierce opposition par
voie incidente n'est pas remplie, la tierce opposition par voie incidente ne pourra être reçue
et le tiers opposant n'aura d'autre choix que de former son recours par voie principale1266.

§ 5. Procédure

I. Délai
La loi ne prévoyant aucun délai pour faire tierce opposition, il faut admettre que le
jugement peut être attaqué pendant trente ans par cette voie de recours. Ce délai est
contemporain de l'époque où la prescription trentenaire constituait le droit commun, ce délai
de trente ans étant également celui pendant lequel tout jugement était exécutable1267. Ce délai
se justifie par le fait "comme la tierce opposition est la sauvegarde du droit d'un tiers qui avant
le jugement, n'a pas eu l'occasion de se défendre, il fallait lui en conserver l'exercice aussi
longtemps que pouvait être exécuté le jugement contre lequel il peut se pourvoir"1268.

II. Forme
La tierce opposition formée par action principale est portée au tribunal qui a rendu le
jugement attaqué1269. La tierce opposition incidente à une contestation dont un tribunal est
saisi est formée par voie de conclusions, si ce tribunal est égal ou supérieur à celui qui a rendu
le jugement. S'il n'est égal ou supérieur, la tierce opposition incidente est portée, par action
principale, au tribunal qui a rendu le jugement1270.

La tierce opposition incidente n'est qu'une facilité accordée au tiers. Celui-ci peut bien
entendu toujours opter pour l'exercice du recours par voie principale. En effet, lorsqu'une
décision fait l'objet d'appel, la tierce opposition incidente est spécialement offerte au tiers qui,
pourrait être obligé d'attendre la prononciation de la décision en degré d'appel avant de
pouvoir introduire une tierce opposition principale devant le juge d'appel. Cela signifie que le
tiers qui souhaite former tierce opposition contre la décision attaquée peut le faire à titre
incident devant la juridiction saisie de l'appel même s'il n'est pas déjà partie à la procédure
d'appel1271. Le tribunal devant lequel le jugement attaqué est produit peut, suivant les
circonstances, passer outre ou surseoir1272.

Il peut arriver qu'il y ait concours de la tierce opposition et de l'appel; bien que la loi n'est
envisagée cette hypothèse, la doctrine est d'avis que l'administration d'une bonne justice

1266
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 585, p.452.
1267
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 551.152, p. 1603.
1268
A. LE PAIGE, Précis de droit judiciaire, Bruxelles, éd. Larcier, 1973, n° 183, p. 169.
1269
Article 81 du Code de procédure civile.
1270
Article 82 du Code de procédure civile.
1271
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 626, p.489.
1272
Article 83 du Code de procédure civile.
525

commande que les griefs de l'appelant et du tiers opposant soient examinés simultanément,
c'est-à-dire par la juridiction d'appel1273.

§ 6. Effets

I. Passer outre ou sursoir à statuer


En vertu de l'article 83 du Code de procédure civile, "le tribunal devant lequel le jugement
attaqué est produit peut, suivant les circonstances, passer outre ou surseoir". Le juge devant
lequel est produite une décision qui fait l'objet d'une tierce opposition a donc simplement la
faculté de décider soit de juger sans attendre de connaître le sort qui sera réservé à la tierce
opposition par le juge saisi de la tierce opposition à titre principal, soit de sursoir à statuer
jusqu'à ce qu'une décision intervienne sur ce recours.

Concernant la tierce opposition incidente, il est admis que lorsque la tierce opposition a été
formée à titre incident, le juge saisi apprécie s'il convient de statuer par une seule et même
décision sur l'ensemble des questions ou si dans l'intérêt d'une bonne justice, il convient plutôt
de trancher la demande dont il a été saisi à titre principal sans attendre que la tierce opposition
incidente soit en état d'être jugée1274.

II. Effet non suspensif

En tant que voie de recours extraordinaire, la tierce opposition n'a pas d'effet suspensif
d'exécution de plein droit, il est facultatif. Ainsi, selon l'article 84 du Code de procédure civile
: "la tierce opposition n'est pas suspensive à moins que, sur requête d'une partie, le juge saisi
de la demande ne suspende l'exécution de la décision". Comme on le voit, la tierce opposition
n'a pas d'effet suspensif à moins que le juge en décide autrement. Cela signifie qu'il est donc
laissé une ouverture au tiers opposant de solliciter, s'il a des raisons valables, la suspension de
l'exécution de la décision qui ne peut être faite que par un jugement. Le juge saisi doit
trancher par acte juridictionnel motivé, s'il accorde ou n'accorde pas la suspension de
l'exécution de la décision contre laquelle la tierce opposition est formée. Il en découle que la
suspension ne peut pas intervenir d'une autre manière que par jugement1275.

III. Effet dévolutif

La tierce opposition a un effet dévolutif limité en ce qu'elle est limitée à la remise en


question des points jugés qu'elle critique et n'autorise pas à instaurer un nouveau litige.
Concrètement la tierce opposition ne saisit le juge que du litige initial dans la mesure du droit
du tiers opposant: le juge statuera à nouveau sur ce litige mais sa décision affectera

1273
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 647, p.509.
1274
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 631, p.496.
1275
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-
Bruylant, Droit et idées nouvelles, 2006, n° 519, p. 488.
526

uniquement la situation du tiers opposant et laissera intacte la décision dans le rapports des
plaideurs originaires1276.

Si la tierce opposition est admise, le jugement attaqué est rétracté ou réformé, mais
seulement si cela est possible à l'égard du tiers opposant. Le jugement ne sera anéanti à l'égard
de ce dernier que dans la mesure où il lui cause grief. Si la tierce opposition est rejetée, le
jugement est confirmé et produit tous ses effets.

IV. Effet relatif de la tierce opposition

La tierce opposition se caractérise par ses effets. En effet, sauf cas exceptionnels, la tierce
opposition a simplement pour objectif de rendre la décision attaquée inopposable au tiers qui
l'exerce. Le jugement ou arrêt n'est donc pas remis en cause dans son principe: il subsiste dans
les rapports entre les parties. Mais le tiers qui triomphe en sa tierce opposition pourra ignorer
la situation juridique consacrée par le jugement ou arrêt, comme si à ses yeux, ce jugement ou
arrêt n'existait pas. Cela signifie que la juridiction qui accueille la tierce opposition, annule la
décision attaquée en tout ou en partie, mais à l'égard du tiers seulement. En d'autres termes, la
tierce opposition ne saisit le juge du litige initial que dans la mesure du droit du tiers
opposant. La décision attaquée subsiste par conséquent entre les parties à l'instance initiale et
c'est en cela, dit-on, que l'effet de la tierce est relatif1277.

§ 7. La tierce opposition et le principe d'impartialité

Le même magistrat peut statuer sur le recours en tierce opposition formé contre une
décision au prononcé de laquelle il a participé sans violer le principe d'impartialité. Les
mêmes raisons que nous avons développées pour l’opposition s’y appliquent mutatis mutandis
en tierce opposition en matière pénale1278, civile1279, administrative1280 et disciplinaire.

§ 8. Voies de recours

Aucune disposition du Code de procédure civile ne vise le recours contre un jugement


statuant sur tierce opposition, de telle sorte qu'à l'exception de la tierce opposition qui est
expressément écartée (tierce opposition sur tierce opposition ne vaut), les autres sont
théoriquement possibles (appel, opposition, prise à partie, interprétation, rectification, etc.).
Sur ce point, il convient de distinguer deux situations: lorsque la tierce opposition a été rendue
par une juridiction du premier degré et lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue
en degré d'appel ou en dernier ressort.

1276
A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, Faculté de Droit de l'université de Liège, 1973, n° 895,
p. 572.
1277
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 636, pp.499-500.
1278
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit, thèse de doctorat en droit, p. 403.
1279
Ibidem, pp. 491-492; H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012,
n° 107-111, pp. 76-80.
1280
Conseil d’Etat français, 10 décembre 2004, Sté Resotim, AJDA 2005, 782.
527

Ainsi, lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue par une juridiction du
premier degré, l'appel est possible uniquement sur les points de droit jugés sur la tierce
opposition et non pas sur le dossier originaire ou initial (qui a été soumis à la tierce
opposition). A cet égard, en vertu du principe "pas d'intérêt, pas d'action", seul celui qui a
succombé, même partiellement, peut exercer un recours contre le jugement sur tierce
opposition. En cas de rejet de la tierce opposition, seul le tiers opposant peut exercer un
recours1281.

Par contre, lorsque la décision sur la tierce opposition a été rendue en degré d'appel ou en
dernier ressort, l'appel est exclu, seul le pourvoi en cassation est recevable. Des juges d'appel
ayant reçu l'appel contre une décision de tierce opposition rendue par la Cour d'appel ont été
condamnés pour dol en prise à partie tiré de l'ignorance grossière du droit et en particulier du
brocard "appel sur appel ne vaut"1282.

§ 9. Concours de la tierce opposition et d'autres voies de recours

Le Code de procédure civile n'a pas prévu cette situation et pourtant dans la pratique
différentes hypothèses peuvent se présenter: c'est le cas du concours de la tierce opposition et
de l'appel et concours de la tierce opposition et de l'opposition.

I. Concours de la tierce opposition et de l'appel

Deux cas de figure peuvent se présenter: soit l'appel émane d'une partie et la tierce
opposition principale d'un tiers à l'instance originaire (hypothèse qui semble vraisemblable),
soit les deux recours émanent de la même personne. Nous pensons que pour la bonne
administration de la justice, les griefs de l'appelant et du tiers opposant devraient être
examinés simultanément, c'est-à-dire par la juridiction d'appel. Le premier juge saisi de la
tierce opposition devrait renvoyer l'affaire au juge d'appel afin que celui-ci examine
simultanément toute l'affaire ensemble.

En effet, la saisine du juge supérieur accentue le dessaisissement du juge de première


instance qui résulterait déjà du prononcé de son jugement. Par l'effet dévolutif, la juridiction
d'appel est saisie de plein droit de la totalité de la contestation. Ce principe est d'ordre public.
A la lettre, l'effet dévolutif ne s'applique qu'entre les mêmes parties litigantes. Si aucun texte
ne règle avec précision l'hypothèse d'un concours entre appel et tierce opposition, l'économie
générale des règles de droit judiciaire proscrit que soit poursuivie la rétractation d'une même
décision à la fois devant une juridiction de première instance et devant une la juridiction
d'appel. Une telle prohibition ne porte aucun préjudice aux tiers lésés par la décision

1281
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 551.242, p. 1608.
1282
CSJ, 28 février 2003, RPP 129, Mpelembwe c/Magistrats Nsunbu Kabumbu, Hubert Kabeya, Albert
Lukamba et la RDC, in Bulletin des arrêts de la CSJ, 2004, pp. 227-234, cité par MATADI NENGA
GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-Bruylant, Droit et idées
nouvelles, 2006, n° 521, p. 489.
528

entreprise, puisque ceux-ci ont la possibilité d'agir en degré d'appel par la voie d'une
intervention volontaire conservatoire. Cette procédure souple répond au souci de permettre
aux tiers de faire valoir leurs droits lors du débat principal, même au second degré, pour éviter
l'insécurité juridique et le non respect du délai raisonnable du procès qui peut résulter d'une
tierce opposition.

II. Concours de la tierce opposition et de l'opposition

Cette hypothèse est certes moins fréquente mais elle peut également être envisagée. Elle
conduit en principe à la saisine au même juge de premier degré qui a prononcé la décision
attaquée. Si le même juge est saisi de la tierce opposition et de l'opposition concernant la
même affaire, peu importe que les parties soient les mêmes ou différentes, une bonne
administration de la justice commande que soient examinées simultanément les deux voies de
recours par un seul jugement.

§ 10. Proposition sa réforme

Nous pensons qu'il serait nécessaire de prévoir des sanctions civiles lorsqu'il existe une
tierce opposition téméraire et vexatoire qui risquerait de retarder la distribution de la justice.
L'amende civile de l'équivalent en francs congolais de 500 $ US nous semble raisonnable sans
préjudice de condamnation à des dommages et intérêts à l'égard les parties.

SECTION 2: LA PRISE A PARTIE

§ 1. Notions

Cette procédure est complexe et est en pleine expansion en RDC depuis 1990, on en
compte aujourd'hui environs cinq cent décisions de jurisprudence. La prise à partie est
présentée souvent parmi les voies de recours extraordinaires, mais en réalité, elle a deux
facettes: elle est d'abord une action en réparation, ensuite une voie de recours extraordinaire.
En tant qu'action en réparation, c’est une action portée par un justiciable devant la Cour de
cassation contre un magistrat pour dol, concussion commis soit dans le cours d’instruction,
soit lors de la décision rendue, ou pour déni de justice1283. C’est donc une action qui tend
essentiellement à sanctionner la responsabilité civile du magistrat et à réparer le préjudice
causé à un justiciable par une faute professionnelle1284. Comme on peut le remarquer, les
causes principales de la prise à partie sont le dol, la concussion et le déni de justice.

En tant que recours, la prise à partie est incidemment une voie de recours
extraordinaire (en nullité) par laquelle une partie demande l'annulation de jugement ou arrêt

1283
Articles 55 à 64 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1284
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à
partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16; RAJC, 1997, p. 15 avec note de Dibunda.
529

ou tout acte de procédure judiciaire rendu ou pris par les magistrats lorsque ceux-ci sont
responsables du dol, concussion ou déni de justice. La prise à partie tend donc à la
condamnation d'un magistrat, et éventuellement, à l'annulation du jugement ou arrêt ou tout
acte judiciaire du magistrat entaché de faute professionnelle grave. Autrement dit, elle
intervient lorsque le jugement ou arrêt ou tout acte de procédure judiciaire rendu ou pris par le
magistrat est vicié par les fautes du magistrat définies par la loi (dol, concussion, déni de
justice) que la partie qui y justifierait y avoir intérêt pourrait en demander la mise en néant en
introduisant ce recours. Elle vise dès lors tout magistrat (juge et représentant du ministère
public) pour faute professionnelle.

§ 2. Magistrats concernés

La prise à partie vise uniquement les magistrats et ne fait pas de distinction entre les
magistrats du siège et du parquet étant donné que la loi dit seulement « tout magistrat de
l'ordre judiciaire peut être pris à partie »1285. Cette position est affirmée par la Cour suprême
de justice1286 qui a condamné pour dol de magistrats du parquet pris à partie et a mis à néant la
requête aux fins de fixation d’audience. Dans une affaire, il s'agissait du magistrat du parquet
qui avait fait la proposition des poursuites et son chef hiérarchique l’avait approuvée1287; dans
une autre affaire, l'avocat général près la Cour d'appel avait fait une note de fin d'instruction
avec des fausses mentions1288. Enfin, dans la dernière affaire, le premier substitut du
procureur de la République avait frauduleusement donné apparence d'un acte d'appel formé
par le procureur de la République, alors que c'était lui-même en personne qui avait comparu
pour interjeter malignement appel à toutes fins et à l'insu de ce dernier sans se faire identifier,
avantageant ainsi l'une des parties au détriment du demandeur qui était acquitté au premier
degré et dont le sort venait de s'aggraver au degré d'appel1289.

De même, la prise à partie vise uniquement les magistrats car la loi dit "tout magistrat".
Cela signifie que les juges consulaires des tribunaux de commerce (assesseurs), les juges
sociaux des tribunaux de travail (assesseurs), les jurés (non magistrats et non juristes) des
juridictions militaires et les juges des juridictions coutumières ne peuvent pas faire l'objet de
la prise à partie étant donné qu'ils ne sont pas magistrats des juridictions de l'ordre judiciaire.
Enfin, les magistrats de la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle ne sont pas
concernés par la prise à partie. Concernant les magistrats des juridictions de l'ordre
administratif, leur prise à partie sera de la compétence du Conseil d'Etat.

1285
Article 55 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1286
CSJ, 22 avril 1997, in RAJC, 1997, p. 40, RPP 055, note Dibunda; CSJ, 17 juin 2005, Kitenge Yesu c/
Magistrats Kasembe et alii, RPP 195 ; CSJ, 26 août 2011, Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman
Mirenge Katwa, RPP 625, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit, pp. 100-102, 265-266.
1287
CSJ, 22 avril 1997, RPP 055, in RAJC, 1997, p. 40, note Dibunda.
1288
CSJ, 17 juin 2005, Kitenge Yesu c/ Magistrats Kasembe et alii, RPP 195, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit, pp. 100-102.
1289
CSJ, 26 août 2011, Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman Mirenge Katwa, RPP 625, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit, pp. 265-266.
530

§ 3. Conditions

Les seules fautes professionnelles du magistrat qui peuvent ouvrir la prise parties sont:
le dol, la concussion et le déni de justice1290. Il convient de les examiner séparément.

I. Le dol

Le dol est une violation volontaire du droit par le magistrat pour aboutir à une
conclusion erronée dans le but d'accorder un avantage indu à une partie. Il se caractérise par la
mauvaise foi, par des artifices et manœuvres qui donnent à la décision une valeur juridique
apparente. L'erreur grossière du droit est équipollente au dol1291. La Cour suprême de justice a
défini le dol comme étant, d'une part, tout comportement empreint de mauvaise foi dans le
chef d'un magistrat qui tend à favoriser une partie au détriment de l'autre, et d'autre part, une
erreur et une faute professionnelle graves procédant d'une volonté manifeste de juge de
favoriser une partie au procès au détriment de l'autre suite au recours par un magistrat aux
manœuvres frauduleuses et artifices pour donner à sa décision des apparences d'une décision
juridiquement valable, alors qu'en réalité il était résolu à favoriser l'une des parties au
procès1292.

De manière pratique, le dol est un comportement malhonnête ; c’est donc la mauvaise


foi. Elle se traduit par des manœuvres frauduleuses, notamment la suppression du dossier
d’une pièce décisive, l’altération d’une pièce ou du jugement lui-même ou la collusion avec
une partie1293. Le dol peut consister notamment dans le fait pour un magistrat d’avoir omis de
signaler certaines stipulations de la convention passée entre parties et de faire un résumé
tronqué des autres en les escamotant ou le fait de donner une version erronée des faits,
sciemment conçue comme artifice pour rendre vraisemblable l’interprétation de la loi et la
décision prise1294.

Le dol est caractérisé par les artifices et les manœuvres auxquelles les magistrats pris à
partie ont recouru pour donner à leur décision les apparences d’un arrêt juridiquement valable
alors que les griefs relevés dénotent clairement qu’en réalité ils étaient résolus à favoriser une
partie par l’adoption facile de sa thèse pourtant battue en brèche tel qu’il résulte du jugement

1290
Article 55 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1291
Article 56 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1292
CSJ, 12 mai 2006, Ngongo Luwowo c/ Mme la juge Yumbu Mumbanda, RPP 282; CSJ, 3 juillet 2009,
Shabani Mukubwa c/ Magistrats Makoso et alii, RPP 346; CSJ, 11 juillet 2011, Honoré Kabeya Mupula
Alias Onoko c/ Magistrat Tshimanga Mwadia Mvita et alii, RPP 627, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit, pp. 125-127, 239-241, 267-269.
1293
CSJ, 20 octobre 2006, Dufay Christian c/ Magistrats Kikungo Mukuli et alii, RPP 299, in MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit, pp. 140-143; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain-
la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p. 536.
1294
KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes annotés
de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p.125.
531

ou arrêt1295. Le dol suppose des manœuvres ou des artifices auxquels leur auteur recourt, soit
pour tromper la justice, soit pour favoriser une partie ou pour lui nuire, soit encore pour servir
un intérêt personnel1296.

Le dol requis pour la prise à partie d’un magistrat est celui prévu en droit civil,
constitué par une manœuvre frauduleuse, une machination destinée à tromper un plaideur
dans le cours de l’instruction ou lors de la décision rendue, mais non celui prévu en droit
pénal, consistant notamment dans l’intention frauduleuse ou intention de nuire et constituant
l’élément moral de l’infraction1297. Ce dol résulte des manœuvres frauduleuses, des
machinations et artifices coupables pour donner à leurs jugement et arrêts ou toute autre
décision, les apparences de bonnes décisions dans le seul but de favoriser l'autre partie1298. Il
suppose donc l'intention de nuire, et l'existence d'une manœuvre frauduleuse destinée à
tromper, d'une machination, d'un artifice coupable ou d'une mise en scène ou d'une
combinaison visant à surprendre ou à tromper la confiance d'autrui, au moyen d'éléments
extérieurs ou matériels, de nature à rendre vraisemblables les allégations de l'auteur1299 ou tout
simplement d'un artifice conçu pour faire croire à une vraisemblance de la vérité judiciaire1300.

1295
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, Vol. II, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 21-27 ;
CSJ, 13, mars 1997, P.C. c/ juges, Ordonnance RPP 57 ; CSJ, 24 avril 1997, UZB c/ juge M. Ordonnance
RPP 058, in RAJC, fascicule unique, janvier à décembre 1997, pp. 27-30; CSJ, 5 juillet 1997, SPRL Art et
Décor c/Magistrats Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30; CSJ, 9 juin 2006, Mayunga
ma Mbalu c/Magistrats Kitoko Kimpele, Kabeya Tshiongoloka, Kazadi Nsenga, RPP 295; CSJ, 5 octobre
2007, Mme Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini Wa Kyamusoke, RPP 322; CSJ, 18
février 2011, Kashali Tabura c/ Magistrat Akim Mwanga Mukidi, RPP 657, in E. MUKENDI BAFWANA
et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd.
Juricongo, 2011, pp. 13-16, 133-136, 151-154, 273-274.
1296
CSJ, 28 février 2003, Mpelembwe c/ Magistrats Nsuku Kabumbu, Hubert Kabeya Tshiongoloka et Albert
Lukamba Mugaza, RPP 129; CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/ Magistrate Kipasa Bilaka,
RPP 296, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en
contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp.39-42, 136-138.
1297
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, in RAJC, 1997, p. 22.
1298
CSJ, 21 novembre 1996, Banque Méridien Biao au Zaïre c/ Mukabala Galimuk et alii, RPP 045; CSJ, 16
août 2002, Stanbic Banc Congo c/ Ngwanda Shagitunga Gisupa, RPP 134; CSJ, 15 août 2003, Fila Congo
c/ Makwa Kandungi, RPP 157; CSJ, 17 octobre 2003, Bralima c/ Madame Yumbu Mumbanda, RPP 153;
CSJ, 23 janvier 2004, Patel Abdoul Gafoor c/ Juge Yumbu Mumbanda, RPP 163; CSJ, 26 mars 2004, ICC
c/ Magistrat Pierre Mpeve Kiyanga, RPP 179; CSJ, 29 avril 2004, Kasongo Dineka c/ Simon Marcus
Tshimanga Ntolo et alii, RPP 201; CSJ, 7 mai 2004, Societé Art et Décort c/ Magistrat Makwa Kandungi,
RPP 184; CSJ, 9 avril 2004, William Damseaux et alii c/ Magistrat Joachim Musenga wa Kasanji, RPP
187; CSJ, 13 août 2004, Societé Transit Air Congo c/ Magistrat René Oscar Mutoka Witangila, RPP 203;
CSJ, 8 octobre 2004, Societé Fu Hua Pharma c/ Magistrats Diayikwa Nzita et alii, RPP 189; CSJ, 17 juin
2005, Kitenge Yesu c/ Magistrats Kasembe et alii, RPP 195; CSJ, 12 août 2005, Tharcisse Kabuika
Tshimuanga c/ Magistrats Albert Lucien Nafutabio Bela et alii, RPP 240 ; CSJ, 7 Septembre 2007,
Societé Sogakor c/ Magistrats Bela Mutanga et alii, RPP 276; CSJ, 7 novembre 2008, Bisengimana
Muyangu Bernard c/ Magistrat Jean Nfundiko Shobo Choborwa, RPP 307; CSJ, 19 juin 2009, Mme
Loholokeke Longo c/ Magistrat Jean Claude Bambeta Yalongo, RPP 209, in E. MUKENDI BAFWANA
et alii, op.cit, pp.19-23, 47-51, 59-65, 70-73, 84-88, 88-90, 90-97, 100-104; 106-110, 114-116, 120-123,
143-145.
1299
CSJ, 6 mai 2009, Mme Zola Kiambote c/ Magistrats Chimatu Kamena et alii, RPP 338, inédit; CSJ, 12 août
2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula et alii, RPP 192; CSJ, 29 juin 2007, Luseke
Somblela Touré c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake, RPP 312; 5 septembre 2008, Société Bralima c/
Magistrat Gratien Kabobo, RPP 357; CSJ, 12 février 2010, Mme Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat
Mboloko Basambi, RPP 506; CSJ, 8 janvier 2010, Pierre Nakweti Kikangu c/ Magistrats Céleste
Tshibangu Mbuyamba et alii, RPP 524; CSJ, 27 août 2010, Sonangolep c/ Magistrat Kamba Kalala, RPP
532

Le dol suppose la mauvaise foi et consiste soit en manœuvres frauduleuses ayant


l’objet de tromper l’une des parties à un acte juridique, soit en une faute professionnelle
lourde. Tel est le cas du juge qui fait état d’une décision antérieure inexistante pour justifier
les mesures conservatoires ou le magistrat qui a tronqué la motivation de sa décision en ce
qu'il a volontairement esquivé les éléments objectifs disponibles présentés par le requérant
devant permettre la fixation des sommes postulés par le défendeur même s'il est prouvé que
lesdites sommes avaient été payées1301 ou du magistrat qui a adopté au cours de l’instruction
de la cause ou lors de la décision, un comportement coupable d’où il résulterait un acte de
malice ou l’intention de nuire1302 ou le fait pour les magistrats poursuivis de prendre la
décision attaquée dans l'intention de favoriser la partie adverse au détriment du requérant1303
ou le fait d'avoir la volonté délibérée d'adopter sans discussion et coûte que coûte la thèse
soutenue par la partie adverse qu'il entendait avantager au détriment du demandeur1304.

Le dol est aussi le fait pour le juge, d'avoir la volonté obstinée, affichée et injustifiée
de recevoir à tout prix la tierce opposition manifestement irrecevable, et en dépit du fait que
qu'il ait reconnu à bon droit dans sa décision décriée que le représentants des tiers opposants
n'avait pas qualité d'agir au nom du père décédé des tiers opposants, ni à leurs noms1305 ou le
fait d'avoir délibérément déclaré recevable et fondée une requête en tierce opposition
introduite par une partie déjà représentée en justice en violation du principe de droit selon

584, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.97-100, 145-147, 168-170, 224-230, 232-235, 249-
250.
1300
CSJ, 6 mars 2009, Yawili Nyi Nzongia c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 478; CSJ, 21 novembre 2008,
Roger Tshiaba Mbalangama c/ Mano Matiaba et alii, RPP 483; CSJ, 18 septembre 2009, Société Beltexco
c/ Magistrats Sylvain Bella Mutanda et alii, RPP 556; CSJ, 13 juin 2011, Ngezayo Kambale c/ Magistrat
Muhindo Kamasita, RPP 641, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.213-218, 241-244, 270-
273.
1301
CSJ, 14 mars 2003, Plantation Lever au Congo c/ Mwingi Iyalo et la R.D. C., RRP 130, in Bulletins des
arrêts de la Cour suprême de justice, 2004, pp.235-242; E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence
de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp.42-45.
1302
CSJ, 30 novembre 1993, RPP 4, inédit;
1303
CSJ, 24 avril 2009, Société Punjabi an limited et alii c/ Magistrats Madia-Nico-Nika et alii, RPP 388, inédit;
CSJ, 29 août 2008, Houze Cyrille c/ Magistrat Emmanuel Baleka Nyainyaki, RPP 390, inédit; CSJ, 9
novembre 2008, Bertrand Bisengimana Muyangu c/ Magistrat Jeanson Nfundiko Shobo Choborwa, RPP
307, inédit; CSJ, 30 novembre 2007, Société Business aviation c/ Magistrats Mme Mubiala Ngankier
Yvonne et alii, RPP 379, inédit; CSJ, 12 août 2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula et alii,
RPP 192, inédit, CSJ, 28 janvier 2005, Ekanga Tapale c/ Magistrat Kawara Musole, RPP 216, inédit; CSJ,
30 juin 2002, Amedali Bandali Kandji et alii c/ Magistrats Kabal Kukandila Pierre et alii, RPP 115; CSJ,
20 octobre 2006, Dufay Christian c/ Magistrats Kikungo Mukuli et alii, RPP 299; CSJ, 29 juin 2007,
Luseke Somblela Touré c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake, RPP 312; CSJ, 25 janvier 2008, Ofida c/
Magistrat Kasonga Tshinema Beaupaul, RPP 339; CSJ, 17 octobre 2008, Zoao Boniface c/ Magistrats
Félicien Ngalamulume Kankonde et alii, RPP 414; CSJ, 13 mars 2009, Tuluka Nlambikongo c/ Magistrats
Nganda Fumabo et alii, RPP 434; CSJ, 25 octobre 2009, Mme Philomène Mputu c/ Magistrate Rosette
Fallu Mwayuma, RPP 439; CSJ, 12 février 2010, Mme Mateus Yeze c/ Magistrat Ange Bay Bay, RPP
510, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de
prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 30-33, 140-147, 155-156, 190-191, 194-197, 227-230.
1304
CSJ, 19 novembre 2004, Amir Shamji c/ Magistrat Kabata Lukombo, RPP 214, inédit.
1305
CSJ, 7 juillet 2006, Mundjo Wandjo c/ Magistrats Kalala Mpubwe Shambuyi, Malikigogo Musubao,
Kibashimba-Bin Lulonge, RPP 278; CSJ, 12 mai 2006, Ngongo Luwowo c/ Magistrat Mme la juge
Yumbu Mumbanda, RPP 282, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de
justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 123-127.
533

lequel lorsqu'une partie a été représentée dans un procès, elle ne peut plus être reçue en justice
pour les mêmes faits1306 ou le fait d'occulter la vérité en déclarant faux l'acte de vente notarié
signé par le conservateur des titres immobiliers, les témoins et les parties au contrat, alors que
pareil acte ne pouvait pas être déclaré faux par le juge pénal sans que le conservateur des titres
immobiliers et les témoins aient été entendus pour le confirmer ou le contester1307 ou le fait de
prétendre que le certificat d'enregistrement sur lequel le juge avait fondé sa conviction était un
titre authentique alors que celui-ci était produit en photocopie libre1308.

De même, la faute professionnelle du magistrat mis en cause peut constituer un dol,


notamment s’il ya des négligences sciemment entretenues afin d’aboutir à une conclusion
erronée1309 ou le fait d’avoir omis de signaler certaines stipulations de la convention passée
entre parties et de faire un résumé tronqué des autres en les escamotant1310ou le fait de violer
intentionnellement la loi1311 ou le fait d'appliquer consciemment une loi déjà abrogée dans le
seul but d'avantager une partie au procès1312 ou le fait pour le juge, de recevoir les pièces de la
cause en dehors des débats étant donné qu'il a par cet artifice violé délibérément les droits de
la défense en éludant l'instruction approfondie de la cause en vue de nuire aux intérêts d'une
partie1313 ou le fait de rejeter délibérément les pièces de l'une des parties constatant l'autorité
de la chose jugée au pénal sur le civil1314 ou le fait d'esquiver sciemment de rencontrer l'avis
du ministère public en accordant force probante à la photocopie du document contesté et dont
la détention n'était pas légalement permise1315.

Constitue également le dol, le fait pour les juges d'avoir fait preuve d'une tricherie ou
d'une manœuvre destinée à tromper, une machination, un artifice coupable ou une mise en
scène dont la seule intention est de nuire ou de favoriser la partie adverse en ce qu'ils ont reçu
l'action en contestation de paternité en dehors du délai légal en justifiant vainement la

1306
CSJ, 22 avril 2009, Héritiers Mongadja Thomas c/ Magistrat Alexandre Tshibung-a-Musas, RPP 361, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 172-175.
1307
CSJ, 13 mars 2009, Halaoui Abdourahman Hassan c/ Magistrat Kutukutu Tupa Bolamba, RPP 290, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 132-133.
1308
CSJ, 15 octobre 2007, Mme Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini wa Kyamusoke, RPP 322,
in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.51-55, 151-154.
1309
CSJ, 23 décembre 2009, Mme Matondo Ngindu Londa c/ Magistrats Bassebe Wengela et alii, RPP 359, in
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 136-239; MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire
privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles, 2006, n° 604, p.
536.
1310
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP 30, in
RAJC, 1997, p.16; in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en
contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16.
1311
CSJ, 11 octobre 2002, Societé Microcom c/ Félix Mbala-Zi-Nkuaku et alii, RPP 137; CSJ, 24 février 2006,
Baketimina Masunda c/ Magistrats Nsumbu Placide et alii, RPP 213; CSJ, 10 mai 2010, Musasa Mukimbi
c/ Magistrats Ndala Tshivungila Mwana, Julienne Mbiye Kavulambedi, Joseph Musiku Nsiku, RPP 473,
in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.51-55, 110-112, 209-211.
1312
CSJ, 19 août 2009, Mongapa Basose Ambroise c/ Magistrats Kasonga Tshinema Beaupaul, Safari Zihalirwa
et Fallu Mwayuma, RPP 351, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp.166-167.
1313
CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/ Magistrate Kipasa Bilika, RPP 296, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 136-138.
1314
CSJ, 3 juin 2005, Berge Nanikian c/ Magistrats B. Bilolo et alii, RPP 222, inédit.
1315
CSJ, 09 décembre 2005, Societé African Telecommunication Networrk c/ Magistrates Marie Jeanne Nkela,
Kabira Faida et Tsasa Mbuzi, RPP 175/220, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 79-82.
534

recevabilité de cette action par le fait notamment qu'elle été introduite par les liquidateurs
comme si la loi reconnaît à ceux-ci un délai plus long1316 ou le fait de fonder sa motivation sur
une décision non encore rendue prétextant que la requérante avait demandé la même chose
devant deux instances ou deux juges1317 ou le fait pour les magistrats du siège d'avoir usé d'un
artifice susceptible de favoriser une partie au procès au détriment des demandeurs en prise en
partie en ce qu'ils ont interprété de manière intéressée le procès verbal d'audition du premier
demandeur devant l'officier du ministère public en faisant dire à ce procès-verbal autre chose
que ce qui est mentionné1318 ou le fait de déclarer recevable l'appel interjeté l'une des parties
au procès au delà de 10 jours en matière pénale1319 ou le fait de prononcer le jugement sur
dispositif sans avoir rédigé sa motivation alors qu'aucune décision en matière civile ne peut
être rendue sur dispositif et qu'elle doit être motivée avant son prononcé1320.

Auparavant, la jurisprudence de la Cour suprême de justice opérait une distinction


nette entre le dol et l’erreur. En effet, elle affirmait qu’une erreur de droit ne peut être
assimilée au dol requis pour la prise à partie, car ce dol suppose dans le chef de l’agent la
mauvaise foi qui doit être prouvée, et partant, une faute, tandis que l’erreur quelle qu’elle soit,
suppose la bonne foi, qui est présumée et partant, l’absence de faute1321. En conséquence, une
erreur du juge soit-elle grossière, ne pouvait être assimilée au dol, ce dernier supposant la
mauvaise foi1322.

Cette jurisprudence ne peut plus tenir aujourd'hui car la loi organique n°13/010 du 19
février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation dit clairement que l'erreur
grossière du droit est équipollente au dol1323. Ainsi, une faute professionnelle lourde peut
procéder des erreurs grossières et des négligences sciemment entretenues dans le jugement de
la cause, telles des lacunes dues à l’omission des éléments essentiels dans l’exposé des motifs

1316
CSJ, 4 septembre 2009, Mme Ndeta Dumoduni Nikky et alii c/ Magistrats Jean Claude Bampeta Yalongo et
alii, RPP 297, E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 138-140.
1317
CSJ, 30 novembre 2007, société Business Aviation c/ Magistrats Mubiala Ngankier Yvonne et alii, RPP 379,
E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 175-178.
1318
CSJ, 24 juin 2011, Mrs et Mme Hamidou Gakou et alii c/ Magistrats Musenga wa Kasanji et alii, RPP 345,
in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 163-166.
1319
CSJ, 14 octobre 2011, Mme Lomani Zinga c/ Magistrats Beaupaul Kasonga Tshinema, Mme Bay Bay et
Nselele, RPP 609, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 259-261.
1320
CSJ, 13 juin 2011, Ngezayo Kambale c/ Magistrat Muhindo Kamasita, RPP 641, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., 270-273.
1321
CSJ, 29 août 1997, RPP 061, RAJC, 1997, p.28 ; CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit ; CSJ, 18 avril 2003,
Jacques Tordoor c/ Kabuya Mulamba et alii, RPP 148; CSJ, 19 décembre 1997, NG c/ Magistrat M. , RPP
066; CSJ, 19 juin 2009, Société 2XT. Com SPRL c/ Magistrats Nafutabio et alii, RPP 288; CSJ, 20 février
2009, Societé Hôtel Fontana c/ Magistrats Nzolameso Walusadisu et crts, RPP 518, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie,
Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 23-25, 55-58, 129-232.
1322
CSJ, 13 mars 1997, ordonnance RPP 57, in RAJC, 1997, p.28; CSJ, 21 décembre 2007, Société Banro Congo
Mining c/ Magistrats Nsambayi Mutenda Lukusa et alii, RPP 380; CSJ, 4 décembre 2009, Succession
Mfumu Nseke c/ Magistrat Gaston Djongesongo, RPP 487; CSJ, 12 mars 2010, Société Intercafeza c/
Magistrat Mangungu Nkongo, RPP 559, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., 118-181, 220-221,
244-247.
1323
Article 56 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
535

sur les faits et le droit à appliquer1324. Ces erreurs grossières sont au regard de la loi,
assimilées au dol1325. Autrement dit dès qu'il y a seulement erreurs grossières de la part du
magistrat, cela suffit pour que le dol soit retenu1326 étant donné que les erreurs de droit sont
équipollentes au dol1327; la mauvaise foi n'est plus requise pour que le dol soit constitué.
Pour que le dol soit retenu, le requérant doit prouver par toute voie de droit le dol
imputé au magistrat. Ainsi, est dès lors injustifiée et partant non fondée, la requête en prise à
partie fondée sur le dol alors que le requérant ne parvient pas à établir un fait fautif justifiant
le comportement dolosif imputé au magistrat1328 ou un acte de malice ou l’intention de
nuire1329 ou des manœuvres, des artifices ou procédés précis à même d’établir l’existence du
dol1330.

De même, le dol ne sera pas retenu contre un magistrat qui a usé de son pouvoir
d'appréciation correcte des éléments de faits et de droit soumis à son examen et qu'il n'a pas
commis des erreurs de droit, ni recouru aux éléments extérieurs du dossier1331 ou lorsque la
décision faisant l'objet du grief n'a pas été rendue par les magistrats pris à partie mais plutôt

1324
CSJ, 5 juillet 1994, SPRL Art et Décor c/Magistrat Lwamba Bintu et Mbie Morwa et Shimatu Kamena, RPP
30, in RAJC, 1997, p.16, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême de
justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 13-16.
1325
Article 56 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1326
CSJ, 19 septembre 1996, Otschudi Omanga c/Magistrat Tonduangu Kongolo, RPP 044; CSJ, 15 août 2003,
Kikangi Nsinga Ignace c/ Magistrat Mwinyi Iyalo Dola, RPP 149; CSJ, 9 avril 2004, William Damseaux
et alii c/ Magistrat Joachim Musenga wa Kasanji, RPP 187, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo,
2011, pp. 16-18, 58-59; 90-95.
1327
CSJ, 14 octobre 2011, Mme Lomani Zinga c/ Magistrats Beaupaul Kasonga Tshinema, Mme Bay Bay,
Nselele, RPP 609, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 259-261.
1328
CSJ, 29 août 1973, RPP 3, Bulletins des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1984, p. 233; CSJ, 02 janvier
2004, Nyamaseko Bobetu c/ Magistrat Makwa Kandungi, RPP 159; CSJ, 15 octobre 2004, Bakana
Lukanu Bohoto, Diama Nkombo c/ Magistrats Makwa Kandungi et Tshikuayi Mulumba, RPP 103; CSJ,
27 décembre 2002, Zowa di Kanda c/ Magistrat Bolingo et alii, RPP 131; CSJ, 24 août 2007, Société
Congo Métal Corporation c/ Magistrats Bushiri et alii, RPP 359; CSJ, 8 février 2008, Société Agrocodis c/
Magistrat Mawawa Emini en Ta-Nkam, RPP 343; CSJ, 8 février 2008, Société les transitaires africains
réunis et alii c/ Magistrats Mungamuni Mumpasi, RPP 462; CSJ, 7 novembre 2008, Africo Ressources
Limited c/ Magistrats Christian Kalumba Ilunga et alii, RPP 474; CSJ, 12 avril 2010, Joseph Vueza
Ngindu c/ Magistrats Hector Kabumbu Mpinga Bantu et alii, RPP 529; CSJ, 29 juillet 2011, Ghassan
Abdoul Hussein D. c/ Magistrat Makoso, RPP 591; CSJ, 21 mai 2010, Antonio Fumagalli c/ Magistrate
Dikete Atuayi Kosso, RPP 629, in E. MUKENDI BAFWANA et alii, Jurisprudence de la Cour suprême
de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo, 2011, pp. 28-30, 45-47, 65-67, 161-
163, 170-172, 205-206, 211-213, 235-236, 250-253, 269-270; CSJ, 29 août 1979, RPP 4, Bulletin des
arrêts de la CSJ, 1984, p. 233.
1329
CSJ, 30 novembre 1983, RPP 4, in DIBUNDA, Répertoire général de la jurisprudence de la Cour Suprême
de Justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, n° 10, p. 183; CSJ, 29 août 1979, RPP 3, Bulletin des
arrêts de la CSJ, 1984, p. 233.
1330
CSJ, 18 avril 2003, RPP 141, inédit; CSJ, 10 mars 2009, République française c/ Magistrats Makoso et
Lukwuch-Nhinda, RPP 316; CSJ, 25 juin 2008, Tshimanga Malaba Patrick et alii c/ Joachin Musenga wa
Kasanji, Christian Lumba Lamba et Jean Ubulu Pungu, RPP 469, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
op.cit., pp. 147-149, 207-208.
1331
CSJ, 02 janvier 2004, Mario Fiochi c/ Magistrate Mujinga Bimansha, RPP 171; CSJ, 17 septembre 2009,
Romeo Alfredo Yaghi c/ Joachin Musenga wa kasanji et alii, RPP 594, in E. MUKENDI BAFWANA et
alii, op.cit., pp. 77-79, 253-255.
536

par une autre chambre composée des magistrats autres que ceux incriminés1332 ou le fait
d'avoir alloué au requérant à titre des dommages et intérêts un montant inférieur à celui
postulé1333 ou le fait de n'avoir pas accordé la réouverture des débats sollicitée par l'une des
parties étant donné que rien au dossier ne renseigne que le greffier a reçu ladite lettre de
réouverture des débats et qu'il l'a transmise audit litige1334 ou le fait d'avoir imposé aux parties
de plaider une cause alors qu'elles n'avaient pas pris l'engagement de plaider à cette audience
encore que les motifs invoqués par la requérante en prise en partie ne sont pas justifiés au vu
des pièces versées au dossier1335 ou le fait d'avoir accepté le désistement de l'action du
requérant faite en bonne et due forme par le truchement de ses avocats étant donné qu'il n'est
nullement démontré que lesdits juges ont recouru au dol pour accorder un avanatge illicite à la
partie adverse1336 ou le fait de n'avoir pas ordonné la jonction de deux affaires alors que les
conditions de ressemblance des faits et de connexité ne sont pas réunies1337 ou si le juge
refuse de se déporter dans une affaire dès lors que la partie aurait pu le récuser conformément
à la loi1338 ou le fait que le magistrat n'a rendu qu'une décision provisoire, en l'occurrence les
défenses à exécuter, les intérêts des requérants pouvant être sauvegardés lors des débats
ultérieurs sur les mérites de l'appel1339.

II. La concussion

La concussion est le fait, pour un magistrat, d’ordonner de percevoir, d’exiger ou de


recevoir ce qu’il savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû, pour droits, taxes, impôts,
revenus ou intérêts, salaires ou traitements1340. Apparemment, le législateur s'est inspiré de la
même définition prévue à l'article 146 du Code pénal congolais livre II. Ainsi, commet la
concussion un magistrat qui exige à l'inculpé des amendes transactionnelles dans un dossier
civil ou encore exige plus de ce qui est dû par la loi dans un dossier pénal. C'est aussi le cas
d'un magistrat du parquet qui reçoit ce qu'il sait n'être pas dû dans le cadre de l'instruction
préparatoire qu'il mène en matière pénale. A notre connaissance, cette procédure n’a jamais
été exploitée par les justiciables à cause de la difficulté de la prouver dans le chef du magistrat
suspecté.

1332
CSJ, 26 février 2010, Dos Santos Antonio Philippe c/ Magistrats Nkweso Akele Onkie et alii, RPP 600, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 257-259.
1333
CSJ, 7 août 2009, Bongu Barabutu c/Magistrats Jean Ubulu Pungu et Kabila Yumba, RPP 517 in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 77-79, 230.
1334
CSJ, 2 avril 2010, Société British American Tobacco c/ Magistrat Simon Batuambile Mukenge, RPP 572, in
E. MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 247-249.
1335
CSJ, 8 février 2008, A.H. Pembele-zi-Vita c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 406, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 181-185.
1336
CSJ, 20 février 2009, Munga wa Nyassa c/ Magistrat Nganda Fumabo, RPP 463, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 206-207.
1337
CSJ, 18 mai 2009, Louis Nallet c/ Magistrat Edouart Archille Prudent Sengha, RPP 410, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp. 185-190.
1338
CSJ, 10 octobre 2009, Mme Finant Véronique c/ Magistrats Maleula Galeba et alii, RPP 320, in E.
MUKENDI BAFWANA et alii, op.cit., pp. 149-151..
1339
CSJ, 29 août 1979, RPP 3, Bulletin des arrêts de la CSJ, 1984, p. 233.
1340
Article 57 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
537

III. Le déni de justice

Il y a déni de justice lorsque le magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge


ou néglige de juger les affaires en état d’être jugées1341. Autrement dit, c'est le refus de
remplir un devoir de sa charge et notamment de juger une affaire en état, mais aussi de rendre
une ordonnance ou d'accomplir les actes nécessaires du ministère public1342. Il y a également
déni de justice lorsque le juge ou le magistrat du parquet, sans motif légitime, n'a pas procéder
aux devoirs de sa charge ou rendu sa décision dans le délai prévu par la loi. Le déni de justice
donnant lieu à une éventuelle prise à partie, peut exister lorsque les magistrats refusent de
procéder à leurs charges sous des motifs divers. Tel est le cas notamment, pour le magistrat du
parquet, de ne pas rendre son avis endéans 10 jours en matière pénale, 30 jours en matières
civiles, commerciales et du travail, et pour le juge, de ne pas rendre une décision dans les
mêmes délais1343. Ainsi, l’on peut retenir la prise à partie à l’égard du magistrat du parquet
lorsque celui-ci au cours d’un procès civil, sans raison bien motivée, n’a pas donné son avis
endéans trente jours à dater de communication du dossier au ministère public.

Le déni de justice est constaté par deux sommations faites par l’huissier et adressées
au magistrat à huit jours d’intervalle au moins1344. La Cour suprême de justice considère que
sont coupables de déni de justice, les juges qui, en dépit de deux sommations, d’une part,
n’ont accompli aucune démarche soit pour faire refixer la cause qui était pendante devant leur
siège en passant par le greffe, soit pour faire savoir aux parties qu’il leur incombait de
contacter le greffier de leur juridiction pour faire revenir l’affaire ainsi que l’exige l’article 69
du Code de procédure civile1345, et d’autre part, après avoir décidé d’office la surséance en
vertu du principe le criminel tient le civil en état, n’ont rien fait pour s’enquérir auprès des
autorités du ministère public afin de connaître l’issue de l’action répressive qui avait justifié la
surséance1346. Dans la pratique, l’ouverture de la prise à partie pour cause de déni de justice
demeure rarement exploitée.

§ 4. Juridiction compétente

En vertu de l'article de l'article 98 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013


portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, la

1341
Article 58 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1342
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais, Tome 2, Kinshasa, éd. PUC, 2012, n° 244, p. 229.
1343
Article 47, points 1 et 2 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats,
JORDC, n°spécial, 25 octobre 2006.
1344
Article 58 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1345
Cet article prévoit que dans le délai fixé pour interjeter appel, l'appelant doit fournir au greffier tous les
éléments nécessaires pour assigner la partie intimée devant la juridiction d'appel.
1346
Voyez KATUALA KABA KASHALA et YENYI OLUNGU, Cour suprême de justice : historique et textes
annotés de procédure, Kinshasa, éd. Batena Ntambwa, 2000, p. 128 ; MATADI NENGA GAMANDA,
Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, éd. Académia-Bruylant, Droit et Idées Nouvelles,
2006, n° 606, pp. 538-539.
538

prise à partie est de la compétence exclusive de la Cour de cassation. Aucune autre juridiction
ne pourrait en connaître par le biais d'un mécanisme de prorogation de compétence.

§ 5. Procédure

La Cour de cassation est saisie par une requête qui doit, sous peine d’irrecevabilité,
être introduite dans un délai de douze mois, par un avocat, à compter du jour du prononcé de
la décision ou de la signification de celle-ci selon qu’elle est contradictoire ou par défaut ou
dans le même délai à dater du jour où le requérant aura pris connaissance de l’acte ou du
comportement incriminé. En cas de déni de justice, la requête est introduite dans les douze
mois à partir de la seconde sommation faite par l’huissier.

Outre les mentions prévues par la loi organique relative à la procédure devant la Cour
de cassation (requête des parties ou réquisition du Procureur général près la Cour, l'exigence
de signature par un avocat près la Cour de cassation, le nom, qualité et demeure de la partie
requérante, objet de la demande, nom, qualité et demeure de la partie adverse et inventaire des
pièces formant le dossier), la requête contient les prétentions du requérant aux dommages-
intérêts et, éventuellement, à l’annulation des arrêts ou jugements, ordonnances, procès-
verbaux ou autres actes attaqués1347. La requête est signifiée au magistrat pris à partie qui
fournit ses moyens de défense dans les quinze jours de la notification. A défaut, la cause est
réputée en état1348.

§ 6. Effets

A partir de la signification de la requête jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir, sous


peine de la nullité de la procédure, le magistrat pris à partie s’abstiendra de la connaissance de
toute cause concernant le requérant, son conjoint ou ses parents en ligne directe1349. Si la prise
à partie est déclarée fondée, la Cour annule les arrêts, jugements, ordonnances, procès-
verbaux ou tous autres actes attaqués sans préjudice des dommages et intérêts dus au
requérant1350.

L’Etat est solidairement responsable des condamnations aux dommages-intérêts


prononcées à charge du magistrat1351. Cela signifie que la Cour de cassation peut condamner
le magistrat pris à partie solidairement avec la République démocratique du Congo comme
c'est l'Etat qui a engagé ce magistrat fautif et c'est lui qui est aussi solvable. La Cour suprême

1347
Article 59 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1348
Article 60 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1349
Article 62 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1350
Article 61 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1351
Article 63 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
539

de justice s'est prononcée à plusieurs reprises dans ce sens1352. Concrètement, le bénéficiaire


peut postuler le paiement des dommages et intérêts par l'Etat sans avoir exécuté la
condamnation à l'égard du magistrat pris à partie ; l'Etat pourra dans ce cas exercer une action
récursoire contre le magistrat condamné et il serait prudent de libeller le dispositif de l'arrêt en
telle forme afin qu'une nouvelle décision ne soit pas nécessaire pour y procéder.

1352
Voyez notamment CSJ, 5 juillet 1994, Société Art et Decor SPRL c/ Magistrats Lwamba Bintu et Mbie
Morwa et Shimatu Kamena et la RDC, RPP 30; CSJ, 19 septembre 1996, Otschudi Omanga c/ Magistrat
Tonduangu Kongolo et la RDC, RPP 044; CSJ, 21 novembre 1996, Banque Méridien BIAO au Zaïre c/
Magistrat Mukabala Galimuk, Yangongo Ngioba Mutamba, Madia Nika, Bay Bay Lekwindaon et la
RDC, RPP 045; CSJ,19 juin 1998, Société forestière et agricole de la Mbola Farabola c/ Magistrat Puku
Nounou et la RDC, RPP 069; CSJ, 12 juin 2002, Union de banques congolaises UBC c/ Magistrat Sesek
Mfur-A-Mvur Nkum et la RDC, RPP 120; CSJ, 16 août 2002, Société Stanbic Bank Congo c/ Magistrat
Ngwanda Shagitunga Gisupa et la RDC, RPP 134; CSJ, 14 mars 2003, Plantation Lever au Congo, SARL
c/ Magistrat Mwinyiyalo et la RDC, RPP 130; CSJ, 15 août 2003, Société Fila Congo c/ Magistrat Makwa
Kandungi et la RDC, RPP 157; CSJ, 23 janvier 2004, Patel Abdul Gafoor, Patel Issabhai, Patel Mohsin c/
Magistrat Yumbu Mumbanda et la RDC, RPP 163; CSJ, 09 avril 2004, William Damseaux, Leitao Vidal
Paulo c/ Magistrats Joachim Musenga wa Kasanji, G. Kabala Mapa Mutombo et Gaston Mutefu Kapinga
Muluma et la RDC, RPP 187; CSJ, 26 mars 2004, Société ICC c/ Magistrat Pierre Mpeve Kiyanga et la
RDC, RPP 179; CSJ, 13 août 2004, Société Trans Air Congo c/ Magistrat Oscar Mutoka Witangila et la
RDC, RPP 203; CSJ, 12 août 2005, Baketimina Masunda c/ Magistrat Kuluta Ntula, Sekele, Lokoni et la
RDC, RPP 192; CSJ, 09 décembre 2005, Société African Telecommunication Network c/ Magistrats
Mesdames Marie Jeanne Nkela, Kabira Faida, Tsasa Mbuzi et la RDC, RPP 725/220; CSJ, 24 février
2006, Baketimina Masunda c/ Magistrats Nsumbu Placide, Georgine Terkasa, Marie José Toko et la RDC,
RPP 213; CSJ, 12 mai 2006, Ngongo Luwowo c/ Magistrat Madame Yumbu Mumbanda et la RDC, RPP
282; CSJ, 09 juin 2006, Mayunga ma Mbalu c/ Magistrat Kitoko Kimpele, Kabeya Tshiongoloka, Kazadi
Nsenga et la RDC, RPP 295; CSJ, 07 juillet 2006, Mundjo Wandjo c/ Magistrat Kalala Mpubwe
Shambuyi, Malikigogo Musubao, Kibashimba bin Lulonge et la RDC, RPP 278; CSJ, 29 juin 2007,
Luseke Sombela Touré c/ Magistrat Yungu Ikwo Purake et la RDC, RPP 312; CSJ, 7 septembre 2007,
SOGAKOR SCRL c/ Magistrats Bela Mutanga, Bukasa Lukunga, Mulumba Kabongo et la RDC, RPP
276; CSJ, 05 octobre 2007, Madame Lucie Matshike Lihale c/ Magistrat Mubiki Kaningini wa
Kyamusoke et la RDC, RPP 322; CSJ, 30 novembre 2007, Société Bisness Aviation SPRL c/ Magistrats
Madame Mubiala Ngankier Yvonne, José Baya Lukusa et la RDC, RPP 379; CSJ, 25 janvier 2008,
OFIDA c/ Magistrat Kasonga Tshinema Beaupaul et la RDC, RPP 339; CSJ, 21 novembre 2008, Roger
Tshiaba Mbangama c/ Magistrats Mano Matiaba Liévin, Isambo Katam, Beleko Nsele et la RDC, RPP
483; CSJ, 10 mars 2009, Eglise Néo-Apostolique c/ Magistrats Madame Kipasa Bilaka et la RDC, RPP
296; CSJ, 13 mars 2009, Halaoui Abdourahman c/ Magistrat Kutukutu Tupa Bolamba et la RDC, RPP
290; CSJ, 13 mars 2009, Tuka Nlambi Kongo c/ Magistrats Nganda Fumabo, Kishima Muzinga, Ndaye
Makenga et la RDC, RPP 434; CSJ, 19 juin 2009, Madame Loholokeke Longo c/ Magistrat Jean Claude
Bampeta Yalongo et la RDC, RPP 209; CSJ, 25 octobre 2009, Madame Philomène Mputu c/ Juge Rosette
Fallu Mwayuma et la RDC, RPP 439; CSJ, 23 décembre 2009, Madame Matondo Ngindu Londa c/
Magistrats Bessembe Wangela, Kimanuka Kashondo et la RDC, RPP 539; CSJ, 12 février 2010, Madame
Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat Mboloko Basambi et la RDC, RPP 506; CSJ, 8 janvier 2010, Pierre
Nakweti Kikangu c/ Magistrat Céleste Tshibangu Mbuyamba Parfait, Alexis Lubanda Shabani et la RDC,
RPP 524; CSJ, 12 février 2010, Madame Mateus Yeze Angélique c/ Magistrat Ange Bay Bay et la RDC,
RPP 510; CSJ, 10 mai 2010, Musasa Mukumbi et Kasanda Maweja c/ Magistrats Ndala Tshivungila
Mwana, Julienne Mbiye Kavulambedi, Joseph Musiku Nsiku et la RDC, RPP 473; CSJ, 26 août 2011,
Haguma Nkuba Jean c/ Magistrat Herman Mirenge Katwa et la RDC, RPP 625, in E. MUKENDI
BAFWANA et alii, op.cit., pp.13-16, 16-18, 18-23, 25-28, 33-37, 42-45, 47-51, 62-65, 70-73, 79-82, 84-
88, 90-95, 97-100, 106-108, 108-110, 110-112, 120-123, 123-125, 125-127, 132-133, 133-136, 136-138,
145-147, 151-154, 155-156, 175-178, 194-195, 195-197, 209-211, 216-218, 224-226, 227-230, 232-235,
236-239, 265-266.
540

De même, le Conseil supérieur de la magistrature propose à la révocation, sur simple


constatation de la condamnation, le magistrat qui fait l'objet dune condamnation définitive à la
suite d'une procédure de prise à partie1353.

Si la prise à partie est déclarée non fondée, le magistrat pris à partie peut par une
action téméraire et vexatoire, postuler reconventionnellement la condamnation du demandeur
à des dommages et intérêts1354. Cette solution a été confirmée de manière constante par la
Cour suprême de justice1355.

Au vu de ces éléments, la prise à partie contribue à une saine administration de la


justice que le législateur a mis à la disposition du justiciable pour le rassurer qu’il doit
toujours avoir confiance en la justice1356. En tout cas, elle s’avère comme une approche
technique contre la partialité du juge1357.

§ 7. Voies de recours

La juridiction compétente en matière de la prise à partie étant la Cour de cassation, les


arrêts de cette Cour ne sont susceptibles d’aucun recours (c'est-à-dire pas d'opposition,
d'appel, tierce opposition, requête civile, etc.). Toutefois, à la requête des parties ou du
Procureur général, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en donner
interprétation, les parties entendues1358. Concernant le recours en interprétation, il peut se
justifier lorsque la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui est obscur ou ambigu; dans ce
cas les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas, saisir la
même Cour de cassation qui a rendu la décision afin d'interpréter et de clarifier les termes qui
étaient obscurs et ambigus. Concernant le recours en rectification, il peut se justifier lorsque la
Cour de cassation a prononcé un arrêt qui contient des erreurs matérielles, dans ce cas, les
parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut), selon le cas, saisir la même
Cour qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont glissées.

1353
Article 61 in fine de loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que
modifiée et complétée par la loi organique n° 15/014 du 1er août 2015, JORDC, n°spécial, 5 août 2015.
1354
Article 64 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1355
Notamment CSJ, 26 octobre 1990, Iveco-Zaïre c/Magistrat Maleula, RPP 10; CSJ, 05 septembre 2008,
Bralima c/Magistrat Gratien Kabobo et la RDC, RPP 357, in E. MUKENDI BAFWANA et alii,
Jurisprudence de la Cour suprême de justice en contentieux de prise à partie, Kinshasa, éd. Juricongo,
2011, pp. 11-12, 168-170.
1356
R. KAMIDI OFIT, Le système judiciaire congolais: organisation et compétence, Kinshasa, éd. Fito, 1999, p.
162.
1357
MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Académia-Bruylant,
2002, p. 49.
1358
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
541

§ 8. Propositions de sa réforme

Les causes de la prise en partie sont : le dol, concussion et le déni de justice. En dehors
de ces causes limitatives, la requête de la prise à partie ne peut pas être accueillie. Comme on
peut le constater, les causes de la prise à partie sont très limitées alors qu’on peut trouver en
pratique des situations regrettables qui peuvent conduire au dysfonctionnement de la justice,
telle que la faute professionnelle du magistrat. En effet, en dehors du dol, de la concussion et
du déni de justice, la prise à partie ne peut être retenue. Et pourtant, il arrive souvent que le
magistrat dans l’exercice de ses fonctions commette une faute professionnelle qui aujourd’hui
n’est pas une cause de la prise à partie.

Le droit comparé nous donne quelques pistes. En effet en France, la procédure de la prise
à partie a été supprimée par la loi n° 79-43 du 18 janvier 19791359 car désormais le magistrat
français n’est responsable que ses fautes personnelles. Mais les juges des tribunaux de
commerce et du Conseil de prud’hommes français (tribunaux de travail) sont toujours soumis
à la procédure de la prise à partie1360. En Belgique, certes la prise à partie existe (articles 1140
à 1147 du Code judiciaire belge) mais ses conditions sont assez larges : dol ou fraude, si la
prise à partie est expressément prononcée par la loi, lorsque le juge est déclaré responsable à
peine des dommages et intérêts1361.

Pour la République démocratique du Congo, l’on devrait maintenir la prise à partie en


retenant les causes suivantes : dol, concussion, déni de justice et faute professionnelle du
magistrat. Cette "faute professionnelle du magistrat" nous semble large en tant que cause de
la prise à partie et pourrait d’une certaine manière rendre le magistrat plus attentif de ses actes
en vue de contribuer à une bonne distribution de la justice. Il appartiendra ainsi à la
jurisprudence de déterminer son contenu.

Afin de permettre à tous les justiciables de saisir la justice en cas de nécessité en matière
de la prise à partie, l'on devrait créer des chambres de la Cour de cassation dans toutes les
provinces du pays d’autant plus que cela rapprochera la justice des justiciables. Sur ce point
en effet, il serait difficile à un justiciable se trouvant par exemple à Sandoa (3500 kilomètres
de Kinshasa) ou Kalemie (environs 3000 kilomètres de Kinshasa) de se déplacer à Kinshasa
afin de saisir la Cour de cassation pour une prise à partie d’un magistrat car cela lui couterait
trop cher lorsqu’on doit tenir compte des frais de transport, de logement, les honoraires d’un
avocat inscrit au Barreau près la Cour de cassation, de l’état des routes, du désordre des
compagnies aériennes.

1359
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 72, p. 58 ; G.
COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14ème éd. Sirey, 2006, n° 120, p. 120.
1360
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 404, p. 384.
1361
Voyez à ce sujet, G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en
droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 680-686, pp.537-545.
542

Enfin, sur 150 arrêts que nous avons analysés en matière de la prise à partie, 90 % d'entre
eux concernent les magistrats de la ville de Kinshasa; cela s'explique par le fait que le
justiciables peuvent saisir facilement la Cour de cassation étant donné qu'elle se trouve à
Kinshasa. En créant les chambres de la Cour de cassation dans toutes les provinces, cela
permettrait à tous les justiciables de saisir s'il échet la Cour de cassation en matière de la prise
à partie et les magistrats de tous les coins de la République seraient plus attentifs à commettre
de fautes professionnelles. Ce qui aura comme conséquence l'amélioration de la qualité de la
justice.

SECTION 3: LA REQUETE CIVILE

§ 1. Notions

C'est une voie de recours extraordinaire par laquelle une partie demande au juge qui a
rendu une décision passée en force de chose jugée de rétracter celle-ci pour une des causes
limitativement énumérées par la loi, cause qui repose sur une erreur de fait, non imputable au
juge et découverte postérieurement au prononcé de la décision1362. De manière simple, c’est
une voie de recours extraordinaire adressée à la même juridiction qui a rendu la décision
attaquée1363 par laquelle une partie estimant qu’elle a été victime d’une erreur de fait
involontairement commise par le juge, demande que l’affaire soit jugée à nouveau par le
même tribunal qui l’avait déjà jugée. Il s’agit donc d’une voie de rétractation par laquelle on
revient devant les mêmes juges qui avaient déjà statué dans l’affaire pour leur demander de
modifier leur décision passée en force de la chose jugée à la suite de l’erreur qui a été
introduite par l’une des parties au procès et qui a été découverte postérieurement au prononcé
de la décision.

En RDC, la requête civile est l'équivalent de la révision en matière civile et est de la


compétence de la même juridiction qui a rendu la décision attaquée alors que la révision en
matière pénale relève de la Cour de cassation. Et d'ailleurs en France, en procédure civile, la
procédure de requête civile a été remplacée par le recours en révision étant donné qu'elle était
longue, couteuse, lourde, majestueuse et rarement sollicitée1364, mais elle est de la compétence
de la seule juridiction qui a rendu la décision1365. La RDC s'est inspirée de la Belgique1366 où
la requête civile existe et est de la compétence de la même juridiction qui a rendu la décision

1362
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 1, p. 9; G. CLOSSET-
MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°652, p.515.
1363
Article 89 du Code de procédure civile.
1364
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-
2015, n° 552.05, p. 1612; S. GUINCHARD et alii, Institutions juridictionnelles, Paris, 10 éd. Dalloz,
2009, n° 143, p. 204.
1365
Articles 593, 598 et 599 du Code de procédure civile; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de
la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 552.121, p. 1621.
1366
Le Code de procédure civile congolais date du 7 mars 1960 pendant que la RDC était une colonie belge. La
RDC a donc reproduit le Code de procédure civile belge de l'époque.
543

attaquée1367. Cette procédure existe uniquement en matière civile et n'a jamais existé en
matière pénale1368.

Comme on le voit à travers la définition de la requête civile, c'est est une voie de recours
extraordinaire. Elle est, partant, soumise à des conditions strictes, pour des causes énumérées
dans la loi qui sont toutes postérieures à la décision dont la rétractation est poursuivie. Elle ne
peut être assimilée à un troisième degré de juridiction. Il en résulte que la requête civile ne
peut être formée pour les causes dont la partie a eu connaissance ou pouvait avoir
connaissance avant la prononciation du jugement dont la rétractation est poursuivie ou avant
l'expiration des voies de recours1369. La requête civile n'est ainsi ouverte qu'à ceux qui n'ont
pas eu l'occasion de faire valoir certains moyens par la voie des recours ordinaires, ces
moyens n'étant apparus qu'ultérieurement. Elle n'est pas destinée à pallier le non-exercice ou
le mauvais exercice d'une voie de recours ordinaire.

La requête civile se distingue de la tierce opposition par le fait que la partie a été
effectivement au procès mais le juge a commis une erreur involontaire dans son jugement (ou
a été trompé) alors que pour la tierce opposition, le tiers opposant n'était pas présent au procès
mais le jugement prononcé préjudicie ses intérêts. Les praticiens redoutent d'y recourir à
cause de la complication de sa procédure et la jurisprudence est très rare en ce domaine.

§ 2. Décisions susceptibles de requête civile

L'article 85 du Code de procédure civile dit: "les jugements contradictoires rendus en


dernier ressort par les tribunaux de grande instance et les cours d'appel et les jugements par
défaut rendus aussi en dernier ressort et qui ne sont plus susceptibles d'opposition, peuvent
être mis à néant à la requête de ceux qui y ont été parties ou dûment appelés (...)".). Comme
on le voit, il s'agit des décisions contradictoires ou par défaut rendues en dernier ressort
c'est-à-dire sans recours possible (opposition et appel). On ne peut donc cumuler la possibilité
de faire opposition ou d'interjeter appel avec celle d'introduire la requête civile.

La loi n'a pas mentionné à juste titre, les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce et
les tribunaux du travail étant donné qu'ils n'existaient pas encore lors de l'élaboration du Code
de procédure civile (7 mars 1960) et surtout qu'ils ne prononcent pas en principe en dernier
ressort. Le Code de procédure civile n'a pas mentionné aussi les tribunaux pour enfants alors
que ceux-ci rendent les jugements en dernier ressort lorsqu'ils statuent en appel (Chambre
d'appel) de décisions rendues par la Chambre de première instance de la même juridiction.
Nous pensons que leurs décisions ne sont pas concernées étant donné les tribunaux pour

1367
Article 1134 du Code judiciaire belge; voyez J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 29, p.21; G. CLOSSET-MARCHAL et J. F. VAN DROOGHENBROECK, Les
voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 654, p.518.
1368
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 90.00, p. 241.
1369
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 3, pp. 9-10; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°653, p.516.
544

enfants ne sont pas mentionnés à l'article 85 du Code de procédure civile. Il convient d'adapter
cette disposition au paysage judiciaire actuel.

A l'instar de la tierce opposition, la requête civile peut être formée contre les décisions
rendues par les juridictions pénales lorsqu'elles statuent seulement sur les intérêts civils. Seule
la rétractation des dispositifs civils est offerte, la décision sur l'action publique n'étant pas
susceptibles de requête civile1370. De même, les décisions des arbitres peuvent faire l'objet de
requête civile mais uniquement pour les causes relatives au dol personnel et sur pièces
reconnues ou déclarées fausses depuis la sentence arbitrale; dans ce cas, la requête civile est
portée devant le tribunal qui est compétent pour connaître de l’appel1371. La requête civile
n'est pas recevable ni contre le jugement déjà attaqué par cette voie, ni contre le jugement qui
l'a rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise1372. Enfin, les arrêts de la
Cour de cassation échappent à la requête civile étant donné qu'ils ne sont susceptibles d'aucun
recours1373.

§ 3. Causes de requête civile

L'article 85 du Code de procédure civile énumère limitativement les causes de requête


civile qui reposent sur une erreur de fait, non imputable au juge et découverte après le
prononcé de la décision. Ces causes doivent reposer sur une erreur de fait et non de droit;
contre l'erreur de droit, seul pourvoi en cassation est ouvert. Les causes d’ouverture de requête
civile sont très étroitement délimitées par la loi1374 :
- S’il y a eu dol personnel ;
- Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ;
- S’il y a contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les
mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux ;
- Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues
par le fait de la partie.

Il convient de les parcourir rapidement.

I. Le dol personnel

Cette condition est prévue à l'article 85, 1° du Code de procédure civile. Il s'agit
du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Le mot dol vient du latin dolus et
signifie ruse, comportement malhonnête, manœuvres, mensonges, feintes1375. En droit
judiciaire privé, ce terme vise les manœuvres frauduleuses pratiquées en vue d'obtenir une

1370
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 22, p. 16.
1371
Article 187 in fine du Code de procédure civile.
1372
Article 95 du Code de procédure civile.
1373
Article 29 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1374
Article 85 du Code de procédure civile.
1375
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2009, p.324.
545

décision favorable. Lorsque ces manœuvres sont pratiquées par un magistrat, elles constituent
une ouverture à la prise à partie prévue par la loi portant procédure devant la Cour de
cassation1376. Lorsque ces manœuvres sont pratiquées par une partie au procès en vue de
tromper le juge afin d'obtenir une décision favorable, l'on se trouve dans l'hypothèse de la
requête civile prévue par l'article 85 du Code de procédure civile. C'est de ce dol-là qu'il s'agit
ici1377.
Le dol qui comprend toutes les fraudes et surprises employées pour tromper
quelqu’un doit être personnel, c’est-à-dire émaner de la partie même au profit de laquelle a été
rendue la décision attaquée. Le dol de l’avocat ou du mandataire est considéré comme
provenant de la partie. Dans l'appréciation du dol personnel, il y a lieu de se référer à la
définition qui est admise en droit civil des obligations (Code civil congolais livre III). En
d'autres termes, le dol donnant ouverture à la requête civile est celui qui motiverait la nullité
d’un contrat. L'ouverture à la requête civile pour dol personnel est ainsi soumise à quatre
conditions:

- Il faut que la partie adverse ait pratiqué des manœuvres frauduleuses pratiquée en
vue d’obtenir un jugement favorable en trompant le juge. Il comprend toutes les fraudes et
surprises employées pour tromper un juge. En ce sens, Cconstitue une manœuvre dolosive, le
fait pour une partie de tromper le juge par une affirmation mensongère et une dissimulation
frauduleuse des pièces. Ainsi, le fait de mentir en dissimulant en outre des pièces comptables
peut être considéré comme dol personnel. Constitue également le dol, l'affirmation d'un fait
que l'on sait inexact et la dénégation d'un fait que l'on sait avéré.

Le demandeur en requête civile doit prouver les manœuvres dolosives que son
adversaire a employées pour obtenir un gain de cause. Il ne suffit pas de les affirmer ou de les
soupçonner mais il faut le prouver. Il s'ensuit que le simple fait d'avoir affirmé en conclusions
ce que l'un savait être faux ou d'avoir donné des réponses mensongères lors d'une
comparution personnelle ne suffit pas à donner ouverture à la requête civile1378. De même, ne
constitue pas un dol, cause de requête civile, la simple abstention d'une partie de produire,
devant le juge, des documents de nature à faire triompher la prétention de la partie adverse.

- Il faut que ces manœuvres soient le fait de la partie en faveur de qui la décision a été
rendue ou le fait d'une personne dont elle répond. Il convient que ces manœuvres, la partie
triomphante ou la personne dont elle répond ait à tout le moins provoqué le fait ou l'acte
dolosif. Il s’agit du dol de la partie bénéficiaire de la décision judiciaire. Il doit être l’œuvre de
l’une des parties au procès ou de l’avocat représentant la partie concernée ayant pour but
d’obtenir un jugement favorable. Le dol qui est sanctionné par l'article 85, 1° du Code de

1376
Article 56 de la loi organique n°013/010 du 18 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1377
MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Kinshasa, Louvain-la-Neuve, éd. Académia-
Bruylant, Droit et idées nouvelles, 2006, n° 527, p. 492.
1378
Cour d'appel de Lubumbashi, 6 août 1986, RCA 6968, in RJZ, 1987, n°1, 2 et 3, p. 110.
546

procédure civile est le dol personnel d'une partie et non celui du juge. Un dol ou une fraude
dont se serait rendu coupable un juge dans le cours de son instruction, son délibéré ou lors du
prononcé du jugement ne peut être reçu comme cause de requête civile; pareille situation ne
peut donner lieu qu'à la procédure de prise à partie.

- Il faut que ces manœuvres frauduleuses aient déterminé le juge à statuer comme il l'a
fait. Il en est ainsi lorsque, ensuite de manœuvres procédurales malhonnêtes, le juge dont la
décision est passée en force de chose jugée n'a pu prendre connaissance de faits susceptibles
d'être déterminants pour que la solution du litige ou lorsque ce dol vise à empêcher la partie
adverse de faire valoir sa contradiction. Autrement dit, pour que le dol personnel puisse
fonder une requête civile, il faut que ce dol soit la cause de ce qu'une décision a été rendue sur
la base d'informations erronées mais présentées frauduleusement comme avérées au point
d'aveugler non seulement le juge mais aussi le défendeur défaillant qui ne jugerait même pas
utile de former un recours.

- Il faut que le dol soit prouvé par celui qui l'allègue; c'est une application du principe
général en vertu duquel le dol ne se présume pas. L’on doit prouver que le juge a été induit en
erreur par une manœuvre frauduleuse, par exemple, la subordination de témoins.

II. S'il l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement

Cette deuxième cause d'ouverture de la requête civile est prévue à l'article 85, 2° du
Code de procédure civile et prévoit deux hypothèses distinctes: la pièce reconnue fausse et la
pièce déclarée fausse.

- La pièce reconnue fausse: cette pièce doit être reconnue fausse par la partie qui l'a
produite, même si elle n'est pas de l'auteur du faux. En sens opposé, la reconnaissance de la
fausseté par le seul auteur du document, et non par la partie qui s'en est servi, ne doit pas avoir
d'influence au regard de ce cas d'ouverture, mais peut éventuellement laisser place à la fraude.
Une pièce peut être reconnue fausse de multiples façons, étant suffisant que cet aveu de
fausseté soit sans équivoque et émane de la partie qui a produit le document. Il peut s'agir d'un
aveu dans des écritures procédurales, dans des lettres, voire lors d'une information pénale.
Pour soit applicable par loi, la pièce reconnue fausse doit motiver le jugement à aller dans le
sens donné.

- La pièce judiciairement déclarée fausse: cette pièce peut être déclarée fausse par une
juridiction civile ou pénale. Concernant la juridiction civile, cette déclaration peut provenir
d'une action en faux authentique ou d'une contestation ordinaire. La décision définitive
concrétisant le faux s'impose à la juridiction saisie de la requête civile, à condition
évidemment que les parties à la requête civile aient participé à la procédure de faux, car à
défaut il pourrait être soulevé l'argument de la relativité de la chose jugée.
547

La pièce peut être déclarée aussi fausse par une juridiction pénale. Sur ce point,
l'instruction préparatoire du parquet ne suffit pas à qualifier un document faux, seule la
décision du tribunal (jugement ou arrêt) est à prendre en considération car le parquet ne juge
pas, il instruit et saisit le juge compétent qui prononce le jugement. C'est à l'issue de ce
jugement que l'on peut qualifier un document faux. Il s'agit par exemple du cas où une partie a
pu user de bonne foi (sans dol) d'une pièce qui ultérieurement apparaît avoir été un faux.
Partant du caractère exceptionnel de la requête civile, la notion de faux doit recevoir une
acceptation restrictive, celle que lui donne l'article 124 du Code pénal congolais livre II (le
faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire).

III. Contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties


et sur les mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux

Cette condition est prévue à l'article 85, 3° du Code de procédure civile. Il s'agit de
l'hypothèse où un jugement rendu en dernier ressort contredit un autre jugement, lui aussi
rendu en dernier ressort soit un même tribunal soit une même Cour. Entre dans ce cas, lorsque
le premier jugement n'avait pas encore autorité de la chose jugée au moment du prononcé du
second jugement. L'on peut invoquer aussi la contrariété de jugement dans le cas où l'ayant
cause d'une partie ignorait la chose jugée et ne pouvait par conséquent ni y renoncer ni
l'exercer. Mais le cas sera très rare car la loi exige que les jugements contradictoires aient été
rendus entre les mêmes parties par le même tribunal et que le procès soit le même dans son
objet. Il semble évident que celui qui a obtenu un jugement antérieur avec le même adversaire
sur les mêmes moyens, s’il est attaqué de nouveau, fera connaître au même tribunal devant
lequel il a obtenu gain de cause l’existence de cette décision. Cependant, il peut arriver que le
tribunal ne reconnaissant pas l’autorité de la chose jugée à la première décision tranche le
deuxième procès dans un sens différent.

IV. Si depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives


et qui avaient été retenues par le fait de la partie

Cette condition se trouve à l'article 85, 4° du Code de procédure civile et contient 4


éléments: découverte postérieure à la décision, notion de pièce, la rétention de la pièce par le
fait de la partie et caractère décisif de la pièce.

- Découverte postérieure à la décision: L'article 85, 4° du Code de procédure civile


n'admet comme cas d'ouverture que l'hypothèse où les pièces ont été découvertes après la
décision, exigence conforme à la nécessité de n'avoir pu, sans faute, faire valoir tous les
arguments utiles avant que n'intervienne le jugement. La requête civile n'est ainsi ouverte que
lors de la découverte, postérieurement à la décision, d'éléments nouveaux, tels qu'un décès,
une reconnaissance d'enfant, un second mariage, des revenus dissimulés ou la preuve d'un
contrat d'emploi récent ignoré par la partie. Si le plaideur découvre la pièce avant la décision,
il doit en faire état sans délai. A défaut, c'est à raison de sa propre faute qu'il n'a pu en être
tenu compte, et le recours lui sera fermé. S'il s'agit d'une pièce d'un dossier pénal, dont
548

l'existence est connue, mais insusceptible d'être versée déjà aux débats parce que l'instruction
n'est pas terminée, il importe de demander à la juridiction de surseoir. Il en est de même pour
les pièces qui sont sous scellées.

- Notion de pièce: cette notion est nécessairement très vague et aucune limitation de
principe ne peut être apportée, d'autant que l'émergence de nouveaux moyens de
communication révèle chaque jour de nouveaux supports. Il peut s'agit d'un document papier
(par exemple une reconnaissance de dette), mais aussi d'enregistrement, clef USB (flash), CD-
ROM, CD, film, maquettes, etc.

- Rétention de la pièce par le fait de la partie: le terme rétention implique nécessairement


que la pièce existait avant le jugement. Si ce n'est pas le cas, la requête civile de ce chef n'est
pas possible. L'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit expressément que la pièce
décisive doit avoir été retenue par une partie. La rétention de pièces décisives par le juge ne
peut dès lors entrainer la requête civile mais plutôt le dol du juge donnant ouverture à la prise
à partie. Lorsqu'il s'agit de la rétention d'une pièce décisive recouvrée après la clôture des
débats, il faut que la rétention soit le fait propre de la partie qui gagne le procès, et non celui
d'une personne tirant indirectement profit de la décision litigieuse, à moins qu'elle ait agi à
l'instigation du gagnant. Il faut en outre que l'autre partie qui s'en prévaut à l'appui de sa
requête civile n'ait pu raisonnablement la découvrir ou se la procurer en cours de procès1379.

De même, il est nécessaire que la pièce ait été retenue par le fait de la partie, étant
d'ailleurs rappelé que le juge a désormais la possibilité d'ordonner aux parties à une procédure
de produire des documents. La non-remise d'un document détenu par une partie, voire le refus
d'une sachant de faire une attestation, ne peuvent fonder la requête civile. Mais il est possible
que la rétention soit faite, par un concert frauduleux, par une partie. Le fait de la rétention ne
peut être obtenu que dans la mesure où celle-ci interdit la production de la pièce. Ainsi, le
refus de produire des documents qui sont publiés, ou déposés, et donc accessibles aux parties,
ne permet pas de recevoir la requête civile. Tel est le cas des pièces d'état civil, actes
authentiques publiés, documents de société. Enfin, la rétention doit être volontaire, car les cas
d'ouverture impliquent une notion de dol. S'agissant du caractère intentionnel et donc fautif de
la rétention, il serait souhaitable de laisser aux juges un pouvoir souverain d'appréciation, de
telle sorte qu'ils examineront souvent la pièce pour déterminer si au regard de son importance,
elle avait pu être celée sans malice.

Autrefois, entrait dans ce cas de figure lorsque les pièces appartenant à une partie ont
été retenues frauduleusement par l'autre partie (testament). Il suffisait dans ce cas de prouver
le fait de l'adversaire. Cinq conditions étaient requises1380 :

1379
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 52-53, p. 25; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°662, p.526.
1380
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, op.cit., n° 167.
549

- rétention matérielle : le seul fait de dissimuler une pièce ne donne lieu à requête
civile que s’il constitue un dol, c’est-à-dire si la dissimulation a eu lieu de mauvaise foi ;
- rétention par le fait de la partie elle-même et non d’un tiers ;
- rétention d’une pièce décisive, c’est-à-dire que, versée au procès, elle ait fait
triompher le demandeur en requête civile ;
- rétention d’une pièce ignorée du demandeur en requête civile ou dont il n’avait pas
le droit de demander communication ;
- recouvrement de la pièce litigieuse car la production en est indispensable pour que la
requête puisse être admise par le tribunal.

Mais, il est admis aujourd'hui, que la rétention involontaire suffit pour donner
ouverture à la voie de requête civile; elle ne doit pas s'accompagner de manœuvres
dolosives1381. L'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit expressément que la pièce
décisive doit avoir été retenue par une partie. La rétention de pièces décisives par le juge ne
peut dès lors entrainer la requête civile; il s'agit d'une fraude du juge donnant ouverture à une
procédure de prise à partie. Lorsqu'il s'agit de la rétention d'une pièce décisive recouvrée après
la clôture des débats, il faut que la rétention soit le fait de la partie qui gagne le procès, et que
l'autre partie qui s'en prévaut à l'appui de sa requête civile n'ait pu raisonnablement la
découvrir ou se la procurer en cours de procès.

- Caractère décisif de la pièce: l'article 85, 4° du Code de procédure civile prévoit que
les pièces doivent être décisives. Eu égard à l'objet du recours, qui est de modifier ou annuler
une décision déjà rendue, le bon sens commande de n'accepter celui-ci que dans la mesure où
la pièce découverte aurait changé les choses. Si, à raison de son caractère peu décisif, le
jugement n'eût pas été différent, le recours n'est pas admis. En conséquence, est décisive la
pièce qui est de nature à modifier le jugement attaqué, c'est-à-dire la pièce qui, si elle était
produite, le jugement ne serait pas ce qu'il est. La requête civile n'est ainsi ouverte que lors de
la découverte, postérieure à la décision, d'éléments nouveaux, tels qu'un décès, une
reconnaissance d'enfant, un second mariage, des revenus dissimulés ou la preuve d'un contrat
d'emploi récent ignoré par la partie.

§ 4. Parties pouvant introduire la requête civile

En tant que voie de recours, la requête civile ne peut être exercée que par une personne
qui a été partie à la décision attaquée et ne peut être formée que si cette partie justifie d'un
grief résultant de la décision attaquée. Il s'agit des parties ou dûment appelées au procès
(article 85 alinéa 1 du Code de procédure civile) mais qui ont la qualité et l'intérêt. Ces parties
n'ont pas eu l'occasion de faire valoir les moyens (les causes), ceux-ci n'étant connus de la
partie avant le prononcé de la décision dont la rétractation est poursuivie ou avant l'expiration
des délais des voies de recours ouvertes contre cette décision.

1381
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 35 et 50, pp. 22 et 24;
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°662, p.526.
550

§ 5. Juridiction compétente

La requête civile ne tend pas à la modification mais à la rétractation de la décision


entreprise. Aux termes de l'article 89 du Code de procédure civile, "la requête civile est
formée par voie d'assignation et portée devant le tribunal qui a rendu la décision attaquée.
Elle peut être statuée par les mêmes juges". Comme on le voit, ce recours doit, à peine de
nullité, être soumis au juge qui a rendu la décision. La juridiction qui a rendu la décision
attaquée est donc seule compétente pour en connaître et elle ne peut en renvoyer le jugement à
une autre juridiction, même pour cause de connexité. Une autre juridiction ne pourrait
davantage, à titre d'incident, statuer sur une cause de requête civile alléguée à l'encontre d'une
décision versée aux débats suivis devant elle. Il y va d'une compétence exclusive au sens fort
de l'expression, tenant en échec les mécanismes de prorogation de compétence1382.

La demande en requête civile incidente à une contestation dont un tribunal est saisi est
portée devant ce tribunal s'il est supérieur à celui qui a rendu le jugement attaqué. S'il est d'un
rang égal ou inférieur, la demande est portée devant le tribunal qui a rendu le jugement
attaqué et le tribunal saisi de la cause dans laquelle ce jugement est produit peut, suivant le
cas, passer outre ou surseoir. La demande en requête civile incidente, est formée par
conclusions signifiées si elle est portée devant le tribunal saisi et si elle a lieu contre les
parties en cause. Dans tous les autres cas, elle est formée par assignation et portée devant le
tribunal qui a rendu la décision attaquée1383.

Cette disposition spécifique règle la question de la compétence lorsque la requête civile


est formulée par voie incidente. Les termes "égal" et "supérieur" utilisés par l'article 93 du
Code de procédure civile visent une juridiction qui, dans la hiérarchie judiciaire, est
supérieur à celle qui a originairement statué. La hiérarchie visée par cet article est
uniquement celle à laquelle il convient de se référer pour la détermination de la juridiction
devant laquelle un litige est porté en cas d'appel. Concrètement, une requête civile principale
formée par assignation, doit être portée devant le juge qui a rendu la décision attaquée,
même si cette décision fait l'objet d'un appel sur lequel il n'a pas encore statué
Apparemment, le législateur a voulu éviter la réformation d'une décision d'appel par un juge
de première instance.

§ 6. Procédure

I. Délai

Le délai pour former une requête civile est de 3 mois à dater du jour de la découverte du
fait justifiant le recours. Ce délai ne court pas contre les mineurs et les interdits pendant la
durée de leur minorité ou de leur interdiction. En cas de décès de la partie qui avait droit de
former requête civile, avant l'expiration du délai prévu ci-dessus, ce délai est prorogé de six

1382
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 94 et 95, p. 36; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°654, p.517.
1383
Article 93 du Code de procédure civile.
551

mois en faveur de ses héritiers1384. Ce délai étant expiré au moment de la demande, celle-ci
n’est plus recevable1385.

II. Forme

La requête civile ne peut être formée qu’après consultation de trois avocats exerçant
depuis 5 ans au moins près un des tribunaux du ressort de la Cour d’appel dans lequel a été
rendu1386. Or, ce n’est point partout qu’on trouve autant d’avocats répondant à autant de
conditions. C’est pourquoi nous pensons qu’on devrait prévoir des dispositions
exceptionnelles pour les ressorts juridictionnels n’ayant pas de barreau ou ne disposant pas de
trois avocats qui remplissent les conditions. La consultation contiendra déclaration qu'ils sont
d'avis que la requête civile est fondée et elle annoncera aussi les moyens. La consultation est
signifiée avec l'exploit d'assignation1387.

La requête civile est formée par voie d'assignation et portée devant le tribunal qui a rendu
la décision attaquée. Il peut être statué par les mêmes juges1388. La requête civile est
communiquée au ministère public1389. La requête civile doit être déclarée irrecevable, qu'elle
ait été formée eu égard à des éléments dont la partie a eu connaissance avant le jugement ou
en se fondant sur des éléments de preuve produits après jugement, mais que la partie eût pu
recueillir avant. L'échec, dans ce cas, ne peut être imputé qu'à la négligence de la partie ou à
sa malice.

La requête civile est ouverte qu'à ceux qui n'ont pas eu l'occasion de faire valoir certains
moyens par la voie des recours ordinaires, ces moyens n'étant apparus qu'ultérieurement. Elle
n'est pas ainsi destinée à pallier le non exercice ou le mauvais exercice d'une voie de recours
ordinaire. Il n'y a pas donc matière à requête civile lorsque la cause de la décision ne serait
pas le dol lui-même mais bien le fait que le dossier n'a pu être réexaminé contradictoirement,
étant donné que l'opposition contre la décision prononcée par défaut était tardive1390.

§ 7. Effets

La requête civile ne suspend pas l'exécution du jugement entrepris. Le tribunal saisi


est sans pouvoir pour prendre des mesures provisoires suspendant l'exécution. Comme on le
voit, la requête civile n'empêche pas l'exécution du jugement attaqué; nulle défense ne peut
être accordée1391. Il n'a donc pas d'effet suspensif. Seul le jugement mettant à néant le
jugement peut avoir cet effet. Si la requête civile est admise, le jugement est mis à néant et le

1384
Article 87 du Code de procédure civile.
1385
Cour d'appel de Kinshasa, 28 janvier 1969, RJC, 1969, n°2, p. 192.
1386
Article 88 alinéa 1 du Code de procédure civile.
1387
Article 88 alinéas 2 et 3 du Code de procédure civile.
1388
Article 89 du Code de procédure civile.
1389
Article 91 du Code de procédure civile.
1390
G. CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 653, pp. 517 et s.
1391
Article 90 du Code de procédure civile.
552

tribunal saisi de la requête statue sur le fond de la contestation1392. Cela signifie que la requête
civile a aussi un effet dévolutif mais uniquement sur la matière concernant cette requête civile
comme ses causes et ses conditions. La requête civile n'est pas recevable ni contre le jugement
qui l'a rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise1393.

§ 8. La requête civile et le principe d’impartialité du juge

La requête civile est de la compétence de la juridiction qui a rendu la décision attaquée


étant donné qu’il s’agit de la voie de rétractation. Elle peut être statuée par les mêmes juges
qui ont rendu cette décision1394. La question qu’il convient de se poser est de savoir si les
mêmes juges de la même juridiction peuvent connaître de nouveau de la même affaire faisant
l’objet de requête civile sans porter atteinte à l’impartialité. A notre connaissance, cette
question n’a jamais fait l’objet de la jurisprudence belge, ni de la Cour Européenne Droits de
l’Homme de Strasbourg. Nous pensons qu’étant donné qu’il s’agit d’une voie de rétractation,
comme pour l’opposition et la tierce opposition, rien n’empêche aux mêmes juges de
connaître à nouveau de la même affaire sur requête civile d’autant plus qu’ils avaient été
induits en erreur et le principe d’impartialité ne serait donc pas violé. Cette position est
partagée par la doctrine belge1395 et la jurisprudence française1396 qui sont d'avis que "eu
égard à la nature des causes de la requête civile, étrangère à la personne et même à l'office
de l'auteur de la décision attaquée, celui-ci ne peut être suspecté de partialité lorsque la
requête civile lui est présentée".

§ 9. Voies de recours

La requête civile n'est pas recevable ni contre le jugement déjà attaqué par cette voie,
ni contre le jugement qui l'a rejetée, ni contre le jugement rendu après qu'elle a été admise1397.
Le principe selon lequel "requête civile sur requête civile ne vaut" semble interdire à une
partie de solliciter la rétractation du jugement de requête civile, même s'il a été obtenu par
agissement malhonnête ou frauduleux. Il n'est pas davantage envisageable de conduire une
nouvelle instance en requête civile, en sens inverse, du jugement d'origine, qui est anéanti.

Aucune disposition du Code de procédure civile ne vise le recours contre un jugement


statuant sur requête civile, de telle sorte qu'à l'exception de la requête civile qui est
expressément écartée, les autres sont théoriquement possibles (appel, opposition, tierce
opposition, prise à partie, interprétation, rectification, etc.). Mais dans la pratique, il semble

1392
Article 94 du Code de procédure civile.
1393
Articles 89, 91, 94 à 95 du Code de procédure civile.
1394
Article 89 du Code de procédure civile.
1395
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Requête civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 96, p. 36 ; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 654, p. 518.
1396
Cour de cassation française, 1 er avril 2004, Droit et procédures, 2004, p. 270. Cette jurisprudence a
examiné cette question sous l'angle de la révision en matière civile étant donné que la requête civile a été
remplacée par la révision en France.
1397
Article 95 du Code de procédure civile.
553

très rare d'envisager un recours contre le jugement statuant sur requête civile. Et c'est
pourquoi nous partageons la décision de la Cour d'appel française de Riom qui a d'ailleurs
refusé de déclarer recevable l'appel d'un jugement statuant sur recours en requête civile au
motif que le jugement originaire était en dernier ressort1398. La Cour a ainsi refusé de
considérer que l'instance en requête civile était autonome de l'instance originaire. Le jugement
prononcé sur requête civile ne peut pas aussi être attaqué par le pourvoi en cassation dès lors
qu'il n'est pas rendu en dernier ressort, seul le jugement ou arrêt originaire peut faire l'objet de
ce pourvoi car rendu en dernier ressort selon l'article 85 alinéa 1 du Code de procédure civile.

§ 10. Proposition de sa réforme

L'article 85, alinéa 1 du Code de procédure civile prévoit que "les jugements
contradictoires rendus en dernier ressort par les tribunaux de grande instance et les cours
d'appel et les jugements par défaut rendus aussi en dernier ressort et qui ne sont plus
susceptibles d'opposition, peuvent être mis à néant à la requête de ceux qui y ont été parties
ou dûment appelés (...)". Comme on le voit, cet article vise en principe, les tribunaux de
grande instance et les cours d'appel. Cela se justifie par le fait que le Code de procédure civile
(reproduction du Code belge) date du 7 mars 1960 c'est-à dire de la période coloniale du
Congo-belge. Or, depuis plus de 55 ans, d'autres juridictions ont été créées, telles que
notamment les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce, les tribunaux de travail et les
tribunaux pour enfants. C'est pourquoi, il convient d'adapter cette disposition au paysage
judiciaire actuel. A cet effet, il serait mieux de prévoir une disposition large possible qui laisse
ouverture à la création d'autres juridictions telle que"les jugements contradictoires rendus en
dernier ressort par les cours et tribunaux et les jugements par défaut rendus aussi en dernier
ressort et qui ne sont plus susceptibles d'opposition, peuvent être mis à néant à la requête de
ceux qui y ont été parties ou dûment appelés (...)".

Par ailleurs, la requête civile est une procédure exceptionnelle et les conditions de sa
recevabilité sont strictes mais la loi n'a pas prévu les sanctions civiles en cas d'abus de droit
c'est-à-dire lorsque les parties utilisent cette procédure pour retarder inutilement l'exécution
du jugement prononcé qui a acquis l'autorité de la chose jugée. C'est pourquoi, nous pensons
comme pour la récusation et la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime, lorsque
l'on utilise la requête civile comme une action téméraire et vexatoire, le demandeur pourrait
être condamné à l'amende civile de l'équivalent en francs congolais de 500 $ US sans
préjudice des dommages et intérêts à la partie lésée.

1398
Cour d'appel de Riom, 25 juin 1990, Recueil Dalloz, 1990, somm. 344, observation approfondie de Julien.
554

SECTION 4: LA REVISION

§ 1. Notions
La révision constitue un recours exceptionnel adressé à la Cour de cassation contre les
décisions de condamnation passées en force de chose jugée, qui pourraient constituer des
erreurs judiciaires en raison de certaines circonstances limitativement énumérées par la loi1399.
Elle constitue un recours exceptionnellement ouvert contre les décisions de condamnation
passées en force de chose jugée, qui pourraient constituer les erreurs judiciaires en raison de
certaines circonstances limitativement déterminées par la loi. C’est donc une voie de recours
extraordinaire, dont l’objet est de faire rétracter un jugement ou arrêt pour qu’il soit à
nouveau statué en fait et en droit. Ce recours vise à combattre une décision dont le contenu
s’explique par le comportement frauduleux d’une partie ou par l’usage de documents ou
témoignages faux. Il s’exerce dans une situation où le juge a été lui-même trompé et a pu
rendre une décision inéquitable, alors qu’exactement informé des données du litige, il eût pu
statuer dans un sens différent1400.

Le recours en révision se justifie par le fait que malgré l'existence du double degré de
juridiction et du pourvoi en cassation qui permet de corriger les erreurs de droit des tribunaux
répressifs, les décisions judiciaires, bien que revêtues de l'autorité de la chose jugée, peuvent
néanmoins être entachées d'erreurs de fait. Si l'erreur de fait a entrainé l'acquittement d'un
coupable, l'autorité de la chose jugée constitue un obstacle absolu à toute modification de la
décision d'acquittement prononcée à tort. Mais si, au contraire, par suite d'une erreur de fait,
un innocent a été injustement condamné, il est alors possible, malgré l'autorité de la chose
jugée qui s'attache à la décision de condamnation, de faire réparer cette erreur judiciaire. C'est
à ce but que répond le recours le pourvoi ou recours en révision. Bref, réviser, c'est examiner
de nouveau pour changer, corriger.

Concrètement, c'est une voie de recours par laquelle une partie, estimant qu'elle a perdu
son procès parce que son juge a été induit en erreur par son adversaire, demande que l'affaire
soit jugée à nouveau. Exemple: le tribunal a jugé sur la foi d'un faux témoignage, ou encore
une pièce décisive a été découverte qui, si elle avait été connue en temps utile, aurait modifié
la décision du juge. Bref, malgré toutes les précautions prises, il y a eu une erreur judiciaire
mais qui n'est pas imputable juge.

Contrairement au pourvoi en cassation (qui sanctionne la violation de la loi ou de la


coutume par le juge), le recours en révision ne sanctionne pas la mauvaise application par le
juge de la règle de la loi mais des erreurs non imputables au juge1401. Contrairement à la prise

1399
Article 67 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1400
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 552.05, p. 1612.
1401
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 960, p. 977; O. STAES, Droit judiciaire
privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 387, p. 237.
555

à partie où l'erreur grossière est imputable au juge, pour la révision, l'erreur est l'oeuvre de
l'une des parties au procès et n'eut été cette erreur, le juge aurait pu prendre une décision
différente. En d'autres termes, le juge a été roulé dans la farine pour statuer dans tel sens.

Ce recours est rare en Afrique, principalement en République démocratique du Congo et


même en France. La révision est ignorée dans certains Etats des USA et au Mexique1402. Elle
s’applique en principe uniquement en matière pénale alors qu’en France, elle existe dans
toutes les procédures (sauf exception, par exemple devant le Conseil constitutionnel)1403. Mais
en France, la révision en matière civile correspond exactement à la requête civile (prévue en
en Belgique et en RDC) et est de la compétence de la même juridiction qui a été induite en
erreur. En matière pénale, la révision est de la compétence de la Cour de cassation en RDC,
tout comme en Belgique et en France.

§ 2. Conditions

Les conditions de révision sont très rigoureuses tant que en ce qui concerne les décisions
susceptibles du pourvoi que des cas de révision et les personnes qui peuvent la demander.
Ainsi, en matière pénale, la révision de condamnations passées en force de chose jugée peut
être demandée pour toute infraction punissable d’un emprisonnement supérieur à deux mois,
quelles que soient la juridiction qui ait statué et la peine qui ait prononcée, lorsque :
- Après une condamnation, un nouvel arrêt ou jugement aura condamné pour les mêmes
faits un autre prévenu et que les deux condamnations ne pouvant se concilier, leur
contradiction sera la preuve de l’innocence de l’un ou de l’autre condamné ;
- Postérieurement à la condamnation, un des témoins entendus aura été poursuivi et
condamné pour faux témoignage contre le prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut
plus être entendu lors de nouveaux débats ;
- Après une condamnation pour homicide, il existera des indices suffisants propres à faire
croire à l’existence de la prétendue victime d’homicide ;
- Après une condamnation, un fait viendra à se révéler ou des pièces inconnues lors des
débats seront présentées et que ce fait ou ces pièces seront de nature à établir
l’innocence du condamné1404. Il convient de parcourir ces conditions succinctement.

I. Une décision pénale de condamnation passée en force de la chose jugée

Par condamnation, il faut entendre décision de culpabilité sur l'action publique. La


reconnaissance de culpabilité conduit à admettre la révision seulement à l'égard des
condamnations pénales1405. Seules sont susceptibles de révision, les décisions de
condamnation en matière pénale quelle que soit la juridiction qui les a prononcées. Cela
exclut les décisions d'acquittement et les décisions de condamnation pénales qui n'ont pas

1402
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 2001, n° 1010, p. 861.
1403
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchestien, 2012, n° 496, p.462.
1404
Article 67 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1405
M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 510, p. 820.
556

encore l'autorité de la chose jugée parce que susceptibles d'appel, d'opposition ou d'un pourvoi
en cassation. Il n'y a donc pas lieu de demander la révision si la condamnation n'est pas
devenue définitive1406.

L'article 67 alinéa 1 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure


devant la Cour de cassation déclare que la révision des condamnations passées en force de
chose jugée peut être demandée pour toute infraction punissable d’une servitude pénale
supérieure à deux mois. Cette formule signifie que la révision n'est ouverte que s'il existe
d'abord une décision de condamnation passée en chose jugée c'est-à-dire que la condamnation
pénale est devenue irrévocable, autrement dit il n'existe aucun autre moyen de faire disparaître
l'erreur judiciaire, comme l'opposition ou l'appel et le pourvoi en cassation. Bref, le recours en
révision doit être l'ultime recours étant donné qu'il n'y avait plus un autre moyen légal de faire
disparaître l'erreur judiciaire.

Cette formule signifie aussi que la révision suppose une affirmation de décision pénale de
condamnation pour une infraction punissable d'une peine d'emprisonnement supérieur à deux
mois. Cela a comme conséquences:
- L'exclusion de la révision en cas d'acquittement;
- L'exclusion de la révision uniquement en cas de condamnation à une peine d'amende et le
payement des dommages et intérêt.

Comme on le voit, la révision ne concerne que les condamnations pénales d''une certaine
gravité, c'est-à-dire supérieure à deux mois de servitude pénale.

II. Contrariété de décisions

L'article 67 alinéa 1, point 1 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à


la procédure devant la Cour de cassation autorise la révision lorsqu'"après une condamnation,
un nouvel arrêt ou jugement aura condamné pour les mêmes faits un autre prévenu et que les
deux condamnations ne pouvant se concilier, leur contradiction sera la preuve de l’innocence
de l’un ou de l’autre condamné".

Selon cette condition, il faut qu'il y ait les décisions inconciliables ou décisions
contradictoires. Les décisions inconciliables doivent émaner de juridictions pénales
congolaises distinctes, qui ont prononcé des décisions définitives (condamnation) concernant
les individus différents pour les mêmes faits, il importe peu que ces décisions retiennent pour
les mêmes faits la qualification identique ou différente, qu'elles aient été suivies ou non
d'exécution ou encore qu'elles aient été rendues contradictoirement ou par défaut.

1406
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 961, p. 978; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, éd. Cujas, 2001, n° 1010, p. 861; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale,
Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2354, p. 1211; M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n°
510, p. 820.
557

C'est à la lecture des dispositifs des décisions que leur caractère inconciliable ou
contradictoire doit apparaître: tel est le cas chaque fois que la culpabilité de l'un des
condamnés est exclusive de celle de l'autre (ou des autres). Constituent les décisions
définitives contradictoires, deux décisions qui condamnent deux individus comme auteurs de
blessures causés par un coup de feu unique ou deux jugements qui condamnent deux prévenus
pour un vol commis par une seule personne ou deux décisions qui condamnent de mêmes
peines deux prévenus pour infraction de roulage commise par un seul conducteur.

La contrariété de décisions suppose que deux individus ont été condamnés pour la même
infraction par deux décisions différentes, inconciliables entre elles parce que, par exemple,
cette infraction n'a été que l'oeuvre d'une seule personne. La contradiction entre deux
condamnations est la preuve que l'un des deux condamnés est innocent.

III. Faux témoignage

L'article 67 alinéa 1, point 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la


procédure devant la Cour de cassation autorise la révision lorsque "postérieurement à la
condamnation, un des témoins entendus aura été poursuivi et condamné pour faux
témoignage contre le prévenu, le témoin ainsi condamné ne peut plus être entendu lors de
nouveaux débats".

Selon cette condition, le témoin entendu lors de l'instruction doit avoir été condamné pour
faux témoignage contre le prévenu. En conséquence lorsque la preuve de la condamnation
définitive pour faux témoignage été rapportée, cela justifie l'annulation du jugement ou arrêt
de la condamnation du prévenu lorsque la décision dont on demande l'annulation a fondé sa
conviction sur le témoignage querellé (faux témoignage). Il faut que le faux témoignage ait
joué un rôle certain dans la condamnation et que les déclarations nouvelles paraissent dignes
de considération. La condamnation pour faux témoignage emporte automatiquement
l'annulation de la condamnation principale.

Cette cause de révision procède de la crainte que, le témoignage étant faux, la


condamnation soit suspecte. Le faux témoignage donnant ouverture à révision est
nécessairement celui qui, ayant été reçu avant que la condamnation à réviser ait été
prononcée, est apte à jeter une suspicion soit sur la décision elle-même, soit sur la sincérité
des dispositions qui l'ont précédée1407.

1407
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1480.
558

IV. Existence des indices suffisants

L'article 67 alinéa 1, point 3 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la


procédure devant la Cour de cassation autorise la révision lorsque "après une condamnation
pour homicide, il existe des indices suffisants propres à faire croire à l'existence de la
prétendue victime de l'homicide".

Selon cette condition, les indices doivent être suffisants à faire croire à l'existence de la
prétendue victime de l'homicide. Tel est le cas d'un nouveau rapport d'expertise pouvant,
grâce à l'utilisation de nouvelles techniques, mener à la découverte de faits qui n'étaient pas
susceptibles d'être établis au moment des poursuites1408 ou la découverte de nouveaux
témoins.

V. Faits nouveaux et pièces inconnues lors des débats

L'article 67 alinéa 1, point 4 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la


procédure devant la Cour de cassation autorise la révision lorsque "après une condamnation,
un fait vient à se révéler ou des pièces inconnues lors des débats sont présentées et que ce
fait ou ces pièces sont de nature à établir l'innocence du condamné".

Ce cas vise non seulement le fait qui s'est produit après la condamnation, mais même le
fait entièrement inconnu lors des débats, en un mot tout fait qui n'as pas été connu des
premiers juges. Les fais nouveaux ne s'apprécient qu'à l'égard des magistrats qui ont
condamné, ce qui permet d'invoquer un fait connu de la personne poursuivie au moment de la
condamnation et qu'elle s'était abstenue de révéler1409. Le fait nouveau ou des pièces
inconnues doivent être de nature à établir l'innocence du condamné. C'est le cas d'un aveu du
vrai coupable.

Ce cas est plus large, plus vague, donc plus aisé à invoquer par rapport aux trois autres. Sur ce
cas précis, la demande en révision pour fait nouveau ou pièces inconnues lors de débats est
recevable selon les conditions suivantes:
- le condamné fait état d'un fait, d'un moyen de preuve ou d'une circonstance qui aurait pu
modifier le sens de la décision intervenue. On peut citer, par exemple, la circonstance, révélée
après la condamnation que le condamné était, à la date des faits, dans un état grave de
déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actions1410,
la rétractation d'une victime, d'un témoin ou d'un co-condamné dans des conditions de nature
à rendre vraisemblable la sincérité de cette rétractation ou l'aveu d'un tiers, même ayant
bénéficié d'un acquittement définitif, de sa culpabilité et de l'innocence du condamné ou la

1408
Cour de cassation belge, 17 janvier 1978, Pasicrisie belge, 1978, I, p. 568.
1409
M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 510, p. 822.
1410
Cour de cassation belge, 22 mars 1983, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 796; J. PRADEL, Procédure pénale,
Paris, éd. Cujas, 2001, n° 1013, p. 863.
559

preuve, établie après la condamnation, ou la découverte des pièces inconnues ou des


documents établissant l'inexistence de l'un des éléments de l'infraction pour laquelle a été
prononcée la condamnation;

- le fait invoqué a été inconnu du juge qui a prononcé la condamnation et s'est révélé
postérieurement à celle-ci. Ainsi, la rétractation d'une déclaration faite par la victime en
révision ne peut donner ouverture à la révision que dans la mesure où quelque élément
nouveau en rend la sincérité vraisemblable. Ne sont pas susceptibles de donner ouverture de
révision un fait qui était connu du juge du fond, un fait qui ne n'est pas de nature à engendrer
une présomption d'innocence, un fait étranger à la décision à la décision dont la révision est
demandée ou fait que le condamné était à mesure d'ignorer1411.

Le fait invoqué ne doit pas nécessairement avoir été ignoré par le condamné, il suffit qu'il
n'ait pas été à même de l'établir. C'est le cas de la rétractation d'un témoin, dont les
déclarations ont servi à fonder la condamnation prononcée ou de l'arrestation d'un incendiaire
œuvrant selon le même processus ou de la présence d'un individu ayant connaissance des
lieux et condamné pour cinq meurtres commis dans des circonstances comparables ou des
documents établissant l'éloignement du prévenu du lieu de la commission de l'infraction ou la
disparition d'un élément constitutif de l'infraction: découverte, après la condamnation, de la
démence du condamné au moment des faits. Il peut s'agir encore d'un jugement postérieur à la
condamnation et sanctionnant la subordination d'un coaccusé, ou d'une condamnation pour
viol postérieur à la dénonciation des faits par un individu qui avait été aussitôt condamné pour
dénonciation calomnieuse1412.

La survenance d'un fait s'entend enfin de l'interprétation nouvelle que, par exemple, les
progrès de la science ont permis de tirer d'un fait connu au moment du premier procès1413 (tel
qu'un rapport d'expertise basée sur de nouvelles techniques) et la découverte d'un nouveau
témoin. Mais de simples allégations suspectes ou contradictoires ou encore des éléments
nullement établis ne constituent pas le fait nouveau1414.

Bref, il faut un fait de nature à faire naître un doute réel sur la condamnation, autrement dit
tout fait qui n'a pas été connu des premiers juges. Par contre, les nouvelles déclarations
tardives, du seul accusateur, en l'absence d'autres éléments objectifs, ne permettent à établir
l'innocence du condamné.

1411
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1481.
1412
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1013, p. 863.
1413
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2353, p. 1211.
1414
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, éd. Cujas, 2001, n° 1013, p. 863.
560

§ 3. Juridiction compétente

En vertu de l'article de l'article 98 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, la révision
est de la compétence exclusive de la Cour de cassation. Aucune autre juridiction ne pourrait
en connaître par le biais d'un mécanisme de connexité ou de prorogation de compétence.

§ 4. Procédure devant la Cour de cassation

I. Introduction de la demande

1. Recevabilité de la demande

Pour être recevable, la demande de révision doit concerner une condamnation d'une peine
de servitude pénale supérieure à deux mois, quelle que soit la juridiction qui a prononcé la
condamnation. Ainsi, l'article 67 alinéa de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013
relative à la procédure devant la Cour de cassation déclare: " la révision des condamnations
passées en force de chose jugée peut être demandée pour toute infraction punissable d’une
servitude pénale supérieure à deux mois, quelles que soient la juridiction qui ait statué et la
peine qui ait été prononcée".

2. Délai pour introduire la demande

La loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de


cassation ne prévoit pas de condition de délai pour introduire une demande de révision. En
toute logique, il s'agit après l'expiration du délai de recours ordinaire (appel et opposition).
Même après le décès de l'intéressé ne ferme pas l'action en révision; son conjoint, ses
ascendants et descendants, etc. L'action en révision à défaut d'être éternelle que la
proclamation d'innocence d'une personne injustement condamnée reste donc possible assez
longtemps.

3. Parties autorisées à introduire la demande

Le droit de demander la révision appartient au ministre de la Justice, au condamné ou, en


cas d’incapacité, à son représentant, après la mort ou l’absence déclarée du condamné, à son
conjoint, à ses descendants, à ses ascendants, à ses ayants-droit et à ses légataires
universels1415. Cette disposition est de stricte interprétation, cela signifie que les autres parties
au procès originaire (partie civile, partie civilement responsable, intervenant) n'ont pas le droit
de demander la révision.

1415
Article 68 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
561

4. Saisine de la Cour de cassation

La Cour de cassation est saisie par le Procureur général près la Cour de cassation en vertu
de l’injonction du ministre de la Justice, ou par la requête d’une des parties (ministre de la
Justice, condamné ou, en cas d’incapacité, son représentant, après la mort ou l’absence
déclarée du condamné, son conjoint, ses descendants, ses ascendants, ses ayants-droit et ses
légataires universels)1416. La requête doit détailler les faits et indiquer la cause de révision.

II. Instruction de la Cour de cassation

La Cour de cassation statue d'abord sur la recevabilité de la demande. A ce stade, la Cour


de cassation n'a pas à apprécier l'incidence concrète des faits invoqués sur la culpabilité du
condamné ni à vérifier si les affirmations du demandeur sont fondées ou non. Elle examinera
si la condamnation concernée est supérieure à la peine de servitude pénale de deux mois. Elle
examinera ensuite si les nouveaux faits allégués pourraient constituer une des quatre causes de
révision. Si l’arrêt ou le jugement de condamnation n’a pas été exécuté, l’exécution de la
décision peut être suspendue par la Cour de cassation1417.

En cas de recevabilité, si l’affaire n’est pas en état, la Cour procède directement, ou par
commission, à toutes enquêtes sur les faits, confrontations, reconnaissance d’identité et
devoirs propres à la manifestation de la vérité1418. La Cour de cassation est donc juge de fait et
de droit (pas seulement le droit comme le pourvoi en cassation).

Dès que ces vérifications sont achevées ou si l'affaire est déjà en état, la Cour de cassation
examine l'affaire au fond. Après avoir recueilli, au cours d'une audience publique, les
observations en pratique écrites du requérant, ainsi que celles du ministère public et
éventuellement de la partie civile constituée lors du procès dont la révision est demandée
après qu'elle ait été dûment avisée de l'existence de cette instance, la Cour de cassation statue
en révision par un arrêt motivé, non susceptible de recours.

III. Arrêt de la Cour de cassation

1. Décision de la Cour de cassation

La Cour rejette la demande si elle l’estime non fondée. Si, au contraire, elle la juge fondée,
elle annule la condamnation prononcée. Elle apprécie, dans ce cas, s’il est possible de
procéder à des nouveaux débats contradictoires. Dans l’affirmative, elle renvoie le prévenu

1416
Articles 68 alinéa 2 et 69 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1417
Article 69 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1418
Article 70 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
562

devant une autre juridiction de même ordre et de même degré que celle dont émane l’arrêt ou
le jugement annulé, ou devant la même juridiction autrement composée1419.

Dans ce cas, les débats sont repris ab initio devant la juridiction de renvoi qui va rejuger
l'affaire. La partie civile sera mise à la cause devant la juridiction saisie du jugement au fond
de la révision, qu'elle soit intervenue ou non récemment dans l'instance de révision. Aucune
disposition légale ne limite le pouvoir de cette juridiction de statuer sur l'action civile comme
avait pu le faire le juge dont la décision a été annulée.

En théorie, la juridiction de renvoi reste libre soit de proclamer l'innocence du condamné,


soit même de confirmer la décision annulée et de prononcer une condamnation, mais par
extension du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, elle ne peut, certainement
pas, être plus sévère que celle dont on demandait la révision1420. Mais en pratique, la
juridiction de renvoi, s'inspire de la position de la Cour de cassation, elle annule la
condamnation.

Si l’annulation de l’arrêt ou du jugement à l’égard d’un condamné vivant ne laisse rien


subsister qui ne puisse être qualifié d’infraction, aucun renvoi n’est prononcé. Dans ce cas, le
condamné en détention est libéré1421.

Si la Cour constate qu’il y a impossibilité de procéder à de nouveaux débats, notamment en


raison du décès, de l’absence, de la démence, du défaut d’un ou plusieurs condamnés,
d’irresponsabilité pénale, de la prescription de l’action publique ou de la peine, de l’absence
des éléments constitutifs de l'infraction, l'infraction a été amnistiée, l'innocence est dores et
déjà certaine; elle statue au fond. S’il y en a au procès, les parties civiles sont entendues.
Lorsqu’elle statue au fond, la Cour n’annule que les condamnations qui ont été injustement
prononcées. Elle décharge, s’il y a lieu, la mémoire des morts1422. Dans ce cas, la Cour annule
sans renvoi.

2. Circonstances de condamnation au payement des dommages et intérêts

L’arrêt d’où résulte l’innocence d’un condamné peut, sur sa demande, lui allouer des
dommages-intérêts en raison du préjudice que lui a causé sa condamnation. Si la victime de
l’erreur judiciaire est décédée, le droit de demander des dommages-intérêts appartient, dans
les mêmes conditions, à son conjoint, ses descendants ainsi qu’à ses ascendants, et ses ayants-

1419
Article 70 alinéas 2 et 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1420
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 967, p. 984; M. L., Traité de procédure
pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 511, p. 826.
1421
Article 70 alinéa 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1422
Article 70 alinéas 4 et 5 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
563

droit. Il appartient aux autres personnes pour autant qu’elles justifient d’un préjudice matériel
résultant pour elles de la condamnation. La demande en dommage-intérêt est recevable en
tout état de cause de la procédure en révision. Les dommages-intérêts sont à la charge de
l’Etat, sauf son recours contre la partie civile, les dénonciateurs ou les faux témoins par la
faute desquels la condamnation a été prononcée1423.

3. Frais de l'instance

Les frais de l’instance en révision sont avancés par le Trésor à partir du dépôt de la
demande à la Cour de cassation. Le demandeur en révision qui succombe en son instance est
condamné à tous les frais. Si l’arrêt ou le jugement définitif, après renvoi, prononce une
condamnation, il met à charge du condamné les frais de cette seule instance1424.

4. Publicité de la décision de révision

En cas d'acquittement par la Cour de cassation (annulation sans renvoi de la condamnation)


ou la juridiction de renvoi, des mesures de publicité sont prévues, ainsi que l'octroi, à charge
du Trésor public, d'une indemnité au condamné ou ses ayant droit. Ainsi, l’arrêt de la Cour de
cassation, ou le jugement intervenu après révision d’où a résulté l’innocence d’un condamné
est, à la diligence du greffier, affiché dans la localité: où a été prononcé la condamnation, où
siège la juridiction de révision, où l’action publique a été ouverte, du domicile des
demandeurs en révision, de son dernier domicile lorsque la victime est décédée. En outre, ils
sont, à la requête du demandeur en révision, publiés par extrait au Journal Officiel et dans
deux journaux. Les frais de publicité sont à charge du Trésor1425.

§ 5. Effets de la saisine de la Cour de cassation

I. Effet suspensif

Si l’arrêt ou le jugement de condamnation n’a pas été exécuté, l’exécution de la décision


peut être suspendue par la Cour de cassation1426. L'interprétation de la loi montre l'effet
suspensif n'est pas de plein de droit car la loi prévoit que l'exécution peut être suspendue. Cela
signifie que la Cour de cassation statue souverainement sur le point de savoir si elle souhaite
ou non suspendre l'exécution en cours pendant la durée de la procédure.

1423
Article 71 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1424
Article 72 alinéas 2 et 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1425
Article 72 alinéas 3 à 5 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1426
Article 69 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
564

II. Effet dévolutif

Si la Cour de cassation n'a plus à se prononcer sur la recevabilité en la forme de la


demande de révision, la saisine de la Cour de cassation produit en effet dévolutif. En vertu de
cet effet, la Cour de cassation est saisie non seulement des questions de droit, mais aussi des
problèmes de fait invoqués par le requérant, qu'elle doit apprécier. En cas de recevabilité, si
l’affaire n’est pas en état, la Cour procède directement ou par commission à toutes enquêtes
sur les faits, confrontations, reconnaissance d’identité et devoirs propres à la manifestation de
la vérité1427.

La Cour rejette la demande si elle l’estime non fondée. Si, au contraire, elle la juge fondée,
elle annule la condamnation prononcée1428. Cela signifie que la condamnation pénale révisée
est rétroactivement effacée: la fiche du casier judiciaire est supprimée; la peine, si elle n'a pas
été exécutée ne peut plus l'être; l'amende, les frais et les dommages et intérêts sont
restitués1429.

Lorsque la Cour statue au fond, elle n’annule que les condamnations qui ont été injustement
prononcées. Elle décharge, s’il y a lieu, la mémoire des morts1430. L’arrêt d’où résulte
l’innocence d’un condamné peut, sur sa demande, lui allouer des dommages-intérêts en raison
du préjudice que lui a causé sa condamnation1431.

§ 6. Effets de la révision prononcée

Qu'elle soit décidée par la Cour de cassation elle-même ou par la juridiction de renvoi,
l'annulation produit toujours les mêmes effets. La condamnation prononcée à la suite de
l'erreur est rétroactivement effacée dans les limites du possible. Les peines ne sont plus
exécutées. Sans doute, la liberté perdue ne peut être rendue au condamné. Mais les amendes
lui sont restituées. La rétroactivité entraîne également la suppression de la fiche au casier
judiciaire ainsi que la disparition de la condamnation civile à des dommages et intérêts,
pourvu qu'elle ait été fondée exclusivement sur la culpabilité pénale1432.

L'erreur judiciaire qui a entraîné la révision donne un droit à réparation à celui qui en a été
victime: une réparation morale (affichage et publication de la décision de révision dans les

1427
Article 70 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1428
Article 70 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1429
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 11 ème éd. Cujas, 2011, n°1019, p. 866.
1430
Article 70 alinéa 5 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1431
Article 71 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1432
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 968, p. 984.
565

journaux aux frais du Trésor) et surtout à une réparation pécuniaire, à raison, du préjudice
matériel et moral causé par la condamnation.

A cet égard, l’arrêt d’où résulte l’innocence d’un condamné peut, sur sa demande, lui
allouer des dommages-intérêts en raison du préjudice que lui a causé sa condamnation1433.
L’arrêt de la Cour de cassation, ou le jugement intervenu après révision d’où a résulté
l’innocence d’un condamné est, à la diligence du greffier, affiché dans la localité :
1. où a été prononcée la condamnation ;
2. où siège la juridiction de révision ;
3. où l’action publique a été ouverte ;
4. du domicile des demandeurs en révision ;
5. de son dernier domicile lorsque la victime est décédée.

En outre, ils sont, à la requête du demandeur en révision, publiés par extrait, au journal
officiel et dans deux journaux. Les frais de publicité sont à charge du Trésor1434.

§ 7. La révision et le principe d’impartialité du juge

La question qui nous préoccupe consiste à savoir si le même juge peut connaître les
mêmes faits pour les mêmes parties après révision de la Cour de cassation alors qu’il avait fait
partie de la composition du siège avant révision. Il importe de distinguer la connaissance de
l’affaire après révision ainsi que la connaissance de la révision elle-même.

S’agissant de la connaissance de l’affaire après révision, comme nous l’avons montré


concernant l’opposition ou la tierce opposition, il est donc normal de revenir devant la
juridiction qui a été trompée en raison de la nature de rétractation. Dans ce cas, même si l’on
connaissait de la même affaire, l’impartialité ne serait pas violée étant donné que le travail
du juge se donne à parachever simplement un travail dont l’imperfection initiale a pour
origine une mauvaise information. Autrement dit, il n’y avait pas «préjugement » dans la
mesure où le juge était mal informé lors de sa première « connaissance ». C’est pourquoi le
principe d’impartialité n’est pas violé.

S’agissant de la connaissance de la révision elle-même par le même juge qui a


participé au jugement de la même affaire en première ou deuxième instance, elle pourrait être
traitée de la même manière que l’appel ; en conséquence, il y aurait violation du principe
d’impartialité du juge partant du fait qu’on ne pourrait pas juger le recours de sa propre

1433
Article 71 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1434
Article 72 alinéas 3 à 5 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
566

décision. Dans ce cas, il y a donc « préjugement » qui exclut le même juge de connaître le
recours de sa propre décision via l’instance en révision1435.

§ 8. Voies de recours

La juridiction compétente en matière de la révision étant la Cour de cassation, les


arrêts de cette Cour ne sont susceptibles d’aucun recours (c'est-à-dire pas d'opposition, appel,
tierce opposition, requête civile, révision, pourvoi en cassation, etc.). Toutefois, à la requête
des parties ou du Procureur général, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts
ou en donner interprétation, les parties entendues1436. Concernant le recours en interprétation,
il peut se justifier lorsque la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui est obscur ou ambigu;
dans ce cas les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas,
saisir la même Cour de cassation qui a rendu la décision afin d'interpréter et de clarifier les
termes qui étaient obscurs et ambigus. Concernant le recours en rectification, il peut se
justifier lorsque la Cour de cassation a prononcé un arrêt qui contient des erreurs matérielles,
dans ce cas les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut), selon le cas,
saisir la même Cour qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont
glissées.

De même, la prise à partie, peut être possible lorsqu'au cours du procès en révision, les
magistrats membres de la composition de la Cour de cassation siégeant en cette matière (y
compris le ministère public) sont auteurs du dol, concussion et déni de justice. La procédure
sera portée devant la Cour de cassation.

SECTION 5: LE POURVOI EN CASSATION

§ 1. Notions

Le pourvoi en cassation est porté devant la Cour de cassation contre les décisions
rendues en dernier ressort par les cours et tribunaux pour violation de la loi ou de la coutume
ou des traités internationaux dûment ratifiés1437. Le mot "décisions rendues en dernier
ressort" doit être entendu comme étant les décisions rendues au second degré (en appel) c'est-
à-dire non susceptibles d'opposition ou d'appel, et dans les circonstances très limitées, les
décisions rendues à la fois en premier et dernier degré (lorsqu'elles ne peuvent plus faire
l'objet ni d'appel ni d'opposition).

1435
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge et de
l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat en droit, Faculté de droit, UCL,
Louvain -la-Neuve, juin 2005, pp. 493-495.
1436
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1437
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; articles 95 et 116 de la loi organique n°13/011-B
du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 35 à 54 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013
relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
567

Le pourvoi en cassation est donc une voie de recours extraordinaire qui soumet à la
Cour de cassation les décisions rendues en dernier ressort arguée de violation des règles de
formes substantielles ou prescrites de nullité ou de non-conformité à la loi1438. De manière
simple, c'est une voie de recours extraordinaire contre un jugement ou arrêt rendu en dernier
ressort et tendant à le faire annuler en tout ou partie pour violation de la loi ou de la coutume.

Le pourvoi en cassation n'est ni une voie de rétractation (l'affaire ne revient pas en


principe devant les mêmes juges), ni une voie de réformation (la Cour de cassation ne
réexamine pas en principe entièrement l'affaire). Le pourvoi en cassation ne constitue pas un
troisième degré de juridiction pour apprécier les faits ou décider de la culpabilité et de la
peine comme la juridiction qui statue sur opposition ou appel. Elle ne juge pas le procès en
lui-même; elle juge, uniquement au point de vue du droit, le jugement ou l'arrêt auquel il a
donné lieu1439. Le pourvoi en cassation n’est pas un second appel mais d'un moyen pour
réparer les illégalités: il n'a pas donc pour objet de trancher le fond des litiges mais de
sanctionner les arrêts et jugements afin d'assurer le respect de la loi et une certaine unité de
jurisprudence1440. Le pourvoi en cassation n'a donc pas pour but de remédier à une mauvaise
appréciation des faits (circonstances de l'infraction, responsabilité, sanction) ou une
instruction insuffisante, mais vise, comme voie de recours extraordinaire, à l'annulation de
l'arrêt ou du jugement dans mesure où il n' y a pas d'autres moyens de redresser le grief infligé
par cette décision.

En principe, la Cour de cassation n’a pour mission que de veiller à la régularité des
procédures et à la légalité des décisions définitives des juges. En vertu de la règle « pourvoi
sur pourvoi ne vaut», une décision ne peut faire l’objet qu’à une seule reprise d’un pourvoi en
cassation. Cette règle qui est d’ordre public, est applicable quels que soient les motifs qui ont
amené le rejet du premier pourvoi et encore qu’il soit statué sur les pourvois par le même
arrêt. Peu importe également si le second pourvoi a été introduit avant ou après le rejet du
premier pourvoi. Si la Cour de cassation constate une violation des formes légales ou une
application illégale de la loi, elle casse la décision attaquée et renvoie, si nécessaire, la cause à
une juridiction du même rang et même ordre que celle qui a rendu la décision annulée1441. Il
peut s'agir de la même juridiction qui a rendu la décision mais autrement composée.

Le recours en cassation ne permet pas l’examen par la Cour de cassation du fond des
affaires. En effet, lorsqu’un recours est introduit contre une décision de dernier ressort, la
1438
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1418.
1439
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 937, p. 940.
1440
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1048; E. KRINGS, "La cassation n'est pas un troisième degré de juridiction", in Liber
amicorum L. Simont, Bruylant, 2002, pp. 253 et s.; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd.
Cujas, 2011, n° 979, p. 844; Exposé des motifs de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
1441
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1419.
568

Cour examine si la loi ou la coutume ou les traités dûment ratifiés, a (ont) été violée (és) par
le juge. Dans l’affirmative, la Cour casse la décision (c'est-à-dire l'anéantir totalement ou
partiellement) et renvoie pour juger au fond devant une autre juridiction de même rang et du
même ordre ou devant la même juridiction mais autrement composée. Celle-ci rejugera le
fond du procès en tenant compte des points de droit déterminés par la Cour (selon le cas, soit
après le premier pourvoi soit après le deuxième pourvoi en cassation). Dans la négative, la
Cour rejette le recours et la décision attaquée en cassation est définitivement passée en force
de chose jugée.

Prenons deux exemples:


- Si la décision cassée est un arrêt de la Cour d'appel de Goma: la Cour de cassation
devra désigner une autre Cour d'appel ("juridiction de même rang et de même ordre"), celle
de Bukavu ou de Kindu, par exemple ou la même Cour d'appel de Goma mais autrement
composée.
- Autre exemple: imaginons que la décision cassée soit un jugement en dernier ressort
du tribunal de grande instance de Goma; ce qui pourrait arriver: la Cour de cassation devra
désigner un autre tribunal de grande instance ("juridiction de même rang et même ordre"), par
exemple, celui de Beni ou Butembo ou le même tribunal de grande instance de Goma mais
autrement composé.

En principe, en dehors des bénéficiaires du privilège de juridiction en matière


1442
pénale et la connaissance de l'appel des décisions rendues au premier degré par les cours
d'appel en matière pénale1443, la Cour de cassation juge des arrêts et jugements (s’il y a
violation de la loi ou de la coutume ou les traités dûment ratifiés, par la juridiction du second
degré ou juridiction siégeant au premier degré dont les décisions sont du dernier ressort ) et
non des faits.

§ 2. Condition

I. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être rendus en dernier ressort

Le mot "ressort" ici ne peut pas être confondu au ressort territorial mais il désigne
plutôt le degré de juridiction. Ainsi, le pourvoi en cassation existe lorsque les juridictions du
second degré (appel) ou dans certaines circonstances limitées, les juridictions du premier
degré siégeant en premier et dernier ressort, ont prononcé les décisions qui ne sont plus
susceptibles de recours et qui ont principalement violé ou mal appliqué la loi ou la coutume
ou les traités dûment ratifiés, soit dans sa forme soit au fond. Sur cette dernière situation, c'est
lorsque le tribunal de grande instance est saisi en matière civile d'une action de la compétence

1442
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1443
Article 94 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
569

des tribunaux de paix et statue au fond en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord
exprès par le greffier1444.

L'on ne peut donc soumettre au pourvoi en cassation, les décisions des juridictions qui
n'ont pas été prononcées en dernier ressort. L'article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18
février 2006 ainsi que les articles 95 et 116 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
soulignent clairement que les jugements et arrêts à soumettre au pourvoi en cassation doivent
avoir été rendus en dernier ressort (sans opposition et appel possibles). L'exigence d'une
décision en dernier ressort exclut le pourvoi en cassation contre les décisions qui étaient
susceptibles d'une voie de recours ordinaire (appel ou opposition), même si cette voie n'a pas
été exercée1445 et que le délai en soit maintenant expiré: la régularité d'une décision ne peut,
en effet, être appréciée qu'une fois qu'ont été épuisées toutes les possibilités de la réformer1446.
Concrètement, cela signifie que si l'opposition ou l'appel étaient ouverts et que le requérant ne
les a pas exercés, la décision n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation1447 étant donné
que cette décision n'est pas rendue en dernier ressort. Autrement dit, dans ce cas, le pourvoi
en cassation sera irrecevable.

Peuvent ainsi être entrepris devant la Cour de cassation, les arrêts et jugements rendus
en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires de l'ordre judiciaire1448. Il en est
ainsi des décisions rendues au degré d'appel par les tribunaux de grande instance, tribunaux
pour enfants (lorsqu'ils siègent en appel), cours d'appel, tribunaux militaire de garnison, cours
militaires et Haute Cour militaire. Par contre, les décisions rendues au premier degré (premier
ressort) par les tribunaux de paix, tribunaux de grande instance, tribunaux de commerce,
tribunaux de travail, tribunaux pour enfants, cours d'appel, tribunaux militaires de police,
tribunaux militaire de garnison et cours militaires ne peuvent faire l'objet du pourvoi en
cassation dès lors qu'ils ne sont pas rendus en dernier ressort. Cependant lorsque la Haute
Cour militaire doit juger les généraux, elle statue en premier et dernier ressort; dans ce cas,
ses décisions peuvent faire l'objet du pourvoi en cassation devant la Cour de cassation étant

1444
Article 112 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1445
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 13.09, p. 43;
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 35.74, p.
114; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214;
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 987, p. 847; M. L., Traité de procédure
pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 498, p. 799; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 51, p.
43; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK , Les voies de recours en droit
judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 265, p. 173.
1446
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 987, p. 847.
1447
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 51, p. 43; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°
265, p. 173.
1448
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; article 95 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
570

donné qu'il s'agit des décisions rendues en dernier ressort. Il en est de même lorsqu'elle siège
au second degré car ses décisions sont aussi rendues en dernier ressort.

II. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être définitifs

En principe, il faut en outre que les jugements rendus en dernier ressort soient
définitifs1449, c'est-à-dire qu'ils terminent l'instance dans un sens défavorable pour la partie qui
introduit le pourvoi1450. Le jugement définitif est celui par lequel le juge épuise son pouvoir
de juridiction sur un point litigieux1451. Les jugements non définitifs sont des décisions qui
n'épuisent pas l'action publique ou civile portée devant la juge. Tel est le cas de certaines
décisions qui se bornent à des mesures provisoires et préparatoires, sans toucher au fond du
litige1452. De telles décisions qui ne sont pas des jugements définitifs ne sont susceptibles de
pourvoi en cassation.

Le recours en cassation contre les jugements avant dire droit n'est ouvert qu'après le
jugement définitif1453. Cela signifie que sont principalement concernées par le pourvoi en
cassation, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire présentant un caractère
juridictionnel, c'est-à-dire les décisions tranchant une contestation au terme d'une appréciation
du droit des parties opérée par le juge1454. Ainsi, les simples actes d'administration judiciaire,
les mesures d'ordre intérieur et la simple mesure de donné acte d'une réserve n'ont pas un
caractère juridictionnel; donc ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation1455.

1449
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
1450
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25;
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.09, p. 83;
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1049; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en
cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F.
VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n° 268, p. 175.
1451
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait
du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
1452
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
1453
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
1454
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 47, p. 41; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de
procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 553.41, p. 1631.
1455
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25;
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.51, p. 86;
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214; M.
L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 498, p. 798; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-
F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012,
n° 47, p. 41; S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd.
Dalloz, 2014-2015, n° 552.05, p. 1631.
571

De même, les actes d'instruction du ministère public, l'acte par lequel le président du
tribunal établit l'ordre de service du tribunal pendant l'année judiciaire, la lettre du Premier
président qui répond à un particulier, etc. n'ont pas le caractère de jugement et sont exclus du
pourvoi en cassation. Aussi, les jugements de donné acte (notamment la suspicion légitime),
les mesures d'administration judiciaire (notamment une remise, décision de jonction au fond
d'un incident, les décisions relatives à la distribution des affaires entre les diverses chambres
du tribunal), la décision ordonnant la réouverture des débats, les jugements préparatoires ne
peuvent pas faire l'objet du pourvoi en cassation étant donné que ces actes ont caractère
administratif et non juridictionnel (à l'exception des jugements préparatoires) et ne sont pas
définitifs (y compris les jugements préparatoires).

Sont considérés comme arrêts préparatoires, toutes les décisions qui mettent les litiges
en état de recevoir une solution sans terminer l'instance. Constitue une décision préparatoire
contre laquelle le pourvoi en cassation n'est recevable qu'après la décision définitive,
notamment l'arrêt ou le jugement:
- qui constate que l'action publique n'est pas prescrite et que l'instruction de la cause
sera poursuivie à une audience ultérieure;
- qui joint l'appréciation de la recevabilité d'un moyen relatif à l'admissibilité de
l'exercice de l'action publique à la décision définitive;
- qui rejette une demande de remise de la cause et décide que celle-ci sera instruite au
fond;
- qui ordonne une expertise médico-légale d'un mineur, une information sociale et des
mesures provisoires1456;
- la décision de réouverture des débats;
- la décision qui ordonne ou refuse la disjonction de deux causes;
- la décision qui ordonne une expertise complémentaire ou qui refuse une instruction
complémentaire.

De même, la décision de la Cour d'appel se bornant à statuer sur la recevabilité d'un


appel et l'effet dévolutif de celui-ci n'est pas définitive au sens de la loi. En conséquence, un
pourvoi en cassation visant pareille décision est prématuré et partant irrecevable1457. En sus,
un arrêt ordonnant une expertise, remettant la cause à une date ultérieure pour qu'il soit statué
sur les intérêts civils, estimant superflu d'entendre les témoins sollicités par l'une des parties,
ne pourra être entrepris devant la Cour de cassation qu'après le jugement sur le fond par lequel
la Cour d'appel épuise sa juridiction.

Aussi, en matière pénale, aucun pourvoi en cassation ne peut être dirigé contre une
décision rendue sur l'action civile, même définitive, tant qu'une décision définitive n'a pas été

1456
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1050-1051.
1457
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1422.
572

rendue sur l'action publique relative à l'infraction sur laquelle l'action civile est fondée1458. Le
recours en cassation contre les jugements avant dire droit n'est donc pas recevable, à moins
qu'ils deviennent définitifs, mais l'exécution, même volontaire, de tels jugements ne peuvent
être, en aucun cas, opposée comme fin de non recevoir1459. Il s'agit là de prévenir les recours
purement dilatoires qui allongeraient inutilement les procédures. Le jugement avant dire droit
est celui par lequel le juge se borne à mettre la cause en état de recevoir une solution, sans
statuer sur aucun élément du fond. Constituent les décisions avant dire droit qui ne sont pas
susceptibles du pourvoi en cassation: l'arrêt qui ordonne une mesure d'instruction, celui qui
pourvoit au remplacement d'un expert sans qu'une contestation n'ait été élevée à cet égard, la
décision par laquelle un juge fait droit à la demande d'entendre des témoins supplémentaires,
la décision qui se borne à rouvrir les débats et à remettre la cause pour permettre aux parties
de conclure et de plaider1460.

Par contre, une décision qui termine l'instance est susceptible du pourvoi en cassation.
Une décision termine l'instance soit lorsqu'elle se prononce au fond (acquittement ou
condamnation), soit lorsqu'elle admet une exception d'incompétence ou une fin de non
recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause; elle est alors susceptible de
pourvoi en cassation1461.

De même, le pourvoi en cassation n'est recevable que lorsqu'un autre recours n'est plus
possible. Dès lors, en ce qui concerne les jugements et arrêts prononcés par défaut, le
pourvoi, tant du prévenu que des autres parties, ne sera recevable qu'après l'expiration du délai
ordinaire d'opposition lorsqu'ils sont devenus définitifs à l'égard de toutes les parties contre
lesquelles le demandeur en cassation se pourvoi. Ainsi, lorsque l'arrêt ou le jugement a été
rendu par défaut, le pourvoi n'est ouvert et le délai ne commence à courir à l'égard du
condamné que le jour où l'opposition n'est plus recevable1462. Le pourvoi peut être formé dès
l'expiration du délai ordinaire sans qu'il soit indispensable de faire au préalable opposition; il
est évident que si le jugement ou l'arrêt a fait l'objet d'une opposition, c'est contre la décision
prononcée sur opposition que l'on se pourvoira.

Au vu de ces éléments, en principe, seule une décision juridictionnelle c'est-à-dire un


jugement ou arrêt qui tranche une contestation sur un intérêt litigieux, autrement dit une
décision qui termine l'instance, peut faire l'objet du pourvoi en cassation. Par contre les actes

1458
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1051.
1459
Article 35 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
1460
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55 et 59, pp. 44 et 46; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°
271, pp. 177-178.
1461
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1050.
1462
Article 45 alinéa 3 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
573

d'administration judiciaire ne sont pas susceptibles de ce recours tant en matière pénale que
civile1463. L'acte juridictionnel a pour objet de trancher une contestation, tandis que l'acte
d'administration judiciaire a simplement pour objet de préparer le prononcé de jugement. Sont
actes d'administration judiciaire, échappant au pourvoi en cassation, notamment:
- la décision du président du tribunal de paix désignant les notables du lieu de la
contestation, qui connaissent la coutume, pour compléter le siège lorsque l'on doit appliquer
la coutume locale1464;
- la décision du président du tribunal de grande instance assumant au titre de juge, un
magistrat du parquet près ce tribunal, un avocat ou un défenseur judiciaire résidant en ce lieu
ou un magistrat militaire du tribunal militaire de garnison ou du parquet militaire près cette
juridiction, les notables du lieu de la contestation, en vue de compléter le siège, dans le cas où
l'effectif des juges du tribunal de grande instance ne permet pas de composer le siège1465;
- la répartition des affaires entre les différentes chambres d'une juridiction;
- les décisions de remise, de réouverture des débats et de radiation du rôle;
- la désignation d'un avocat d'office par le président d'une juridiction;
- la jonction et la disjonction entre deux causes, tout comme la jonction d'un incident
au fond;
- la décision ordonnant le renvoi d'une affaire à un autre tribunal, soit pour cause de
suspicion légitime, soit en cas de demande de récusation de plusieurs juges1466;
- l'ordonnance du Premier président de la Cour de cassation statuant sur la demande
d'autorisation de la prise à partie d'un magistrat.

Les ordonnances rendues en dernier ressort en matière de détention préventive sont


considérées comme décisions judiciaires susceptibles de pourvoi en cassation. Cela s'explique
par le fait que les arrêts statuant sur la détention préventive sont soumis à un régime
particulier, en raison de l'importance que présentent les voies de recours dans un domaine qui
touche à la liberté individuelle1467. Bien qu'elles ne tranchent pas le fond, ces décisions sont
susceptibles du pourvoi en cassation.

III. Les cours et tribunaux doivent avoir violé ou mal appliqué la loi
la coutume ou les traités internationaux dûment ratifiés

Le terme « loi » devrait être pris dans son sens large possible et vise tout acte législatif
ou réglementaire. Cet acte doit être synonyme de la règle de droit1468. Ainsi, pourrait entrer

1463
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25; J.
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.51, p. 86;
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 940, p. 945; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2364, p. 1214.
1464
Article 10 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1465
Article 16 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1466
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.53, p. 87.
1467
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 15.51, p. 55.
1468
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 101.11-
101.84, pp. 276-284; J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-
574

dans cette catégorie toute norme formulée par une autorité investie du pouvoir d’exprimer des
règles obligatoires sans que soient déterminantes la forme de l’acte ou son origine. Il s’agit
notamment:
- des dispositions normatives élaborées par les pouvoirs établis, tels que la
Constitution, les lois, les ordonnances, les décrets, les arrêtés ministériels de portée
réglementaire, les édits provinciaux, sauf les décisions des autorités communales, territoriales,
de chefferies à caractère réglementaire qui ne peuvent s'imposer à la Cour de cassation. La
méconnaissance d'une circulaire ministérielle, qui n'est pas une loi, ne peut donner ouverture à
cassation1469 ;
- des dispositions normatives reçues et accréditées par le pouvoir tels que les traités1470
et conventions internationales de caractère normatif approuvé(e)s par la loi (il ne fait
absolument aucun doute que la violation d'un traité auquel la RDC est partie, peut être
invoquée, au titre de violation de la loi, devant la Cour de cassation, pour autant que
l'instrument ait reçu l'assentiment de l'assemblée parlementaire compétente), les conventions
collectives approuvées par arrêté ministériel ;
- des principes généraux de droit1471 (il s'agit des principes reconnus par la Cour de
cassation ou les juridictions internationales). Ils sont considérés comme loi au sens large. Les
principes généraux de droit ne sont toutefois pas applicables lorsqu'ils sont en contradiction
avec la volonté certaine du législateur1472. L'adage latin "lex specialis derogat priori
generalibus" (les règles spéciales dérogent aux règles générales) ne constitue pas un principe
général de droit1473. En un mot, toute violation d'une règle de droit constitue une violation de
la loi, au sens large du terme.

Les moyens de fait qui n'invoquent ni violation de la loi ni violation des formes
substantielles ou prescrites à peine de nullité sont irrecevables. De même, le moyen de
cassation qui invoque une violation de la jurisprudence (qu'elle soit de la Cour de cassation ou

2004, n° 72.09, pp. 330; R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 15 ème éd. Dalloz, 2012, n° 223, p.
178.
1469
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1444.
1470
Les articles 95 et 116 de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et l'article 50 de loi organique n°13/010 du 19 février
2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation disent qu'il s'agit des traités internationaux
dûment ratifiés. Ces traités doivent avoir été publiés au journal officiel.
1471
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 101.41, p.279;
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 28, p. 22; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 338 et 339, p.153; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°
400, p. 285.
1472
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 28, p. 22.
1473
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1444.
575

du Conseil d'Etat) ou une méconnaissance de la doctrine est irrecevable. Aussi, les griefs
invoquant l'illégalité ou l'irrégularité de décisions judiciaires qui ne sont, en réalité, affectées
que d'erreurs matérielles, ne peuvent donner lieu à cassation: lorsque les pièces de la
procédure le lui permettent, la Cour de cassation se réserve le droit de rectifier ces erreurs
plutôt que d'anéantir la décision qui en est entachée1474.

La violation de la loi ou de la coutume comprend notamment : l'incompétence, l'excès


de pouvoirs des cours et tribunaux, la fausse application ou la fausse interprétation de la loi, la
non conformité de la coutume dont il a été fait application aux lois ou à l'ordre public et la
violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité1475. On ajoutera un autre
élément qui peut se poser: la fausse application ou la fausse interprétation de la coutume.
Chacune des violations alléguées constitue un moyen de cassation. Il convient de les
expliquer brièvement.

1. L’incompétence

Elle concerne toutes compétences: matérielle, territoriale et personnelle. Il y a


incompétence quand une juridiction statue sur une affaire qu'elle n'avait pas le droit de juger
(par exemple, l'infraction punissable de la peine de mort jugée par le tribunal de paix alors
qu'elle est de la compétence du tribunal de grande instance, ou le génocide, crimes contre
l'humanité et crimes de guerre jugés par le tribunal de grande instance alors qu'ils sont de la
compétence de la Cour d'appel). Ainsi, encourt cassation, la décision du tribunal de grande
instance prononcée l'égard du délinquant de moins de 18 ans qui a commis des infractions
d'autant plus que les faits lui reprochés relèvent exclusivement du tribunal pour enfants. Tout
jugement rendu par un tribunal incompétent peut être soumis au pourvoi en cassation. Le
moyen d'incompétence peut toujours être invoqué et doit même être retenu d'office lorsque
l'attribution de compétence est d'ordre public.

En matière pénale, les règles de compétence sont toujours d'ordre public et la nullité
qu'engendre leur violation est une nullité absolue, qu'il s'agisse d'une incompétence matérielle,
territoriale ou personnelle1476. Cela signifie que l'incompétence en cette matière peut être
invoquée par toutes les parties et soulevée en tout état de cause. En matière civile, la Cour de
cassation ne pourra retenir le moyen lorsqu'il n'est pas d'ordre public que pour autant que les
parties n'ont pas acquiescé expressément ou tacitement à une prorogation de compétence. Le
moyen d'incompétence peut être invoqué, tant contre un jugement au fond que contre un
jugement définitif statuant positivement ou négativement sur l'exception d'incompétence.

1474
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 1445-1446.
1475
Article 96 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1476
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 91.80, p. 249.
576

Lorsque la Cour de cassation casse un jugement ou arrêt pour cause d'incompétence,


elle renvoie à une juridiction qu'elle désigne et celle-ci est liée par l'arrêt de renvoi, c'est-à-
dire qu'elle ne peut décliner sa compétence. C'est cet arrêt de renvoi de la Cour de cassation
qui saisit la juridiction désignée.

2. L’excès de pouvoirs des cours et tribunaux

Auparavant, était considéré comme excès de pouvoirs des cours et tribunaux,


l'empiétement du juge sur le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif, la méconnaissance par
un juge du pouvoir de juger d'un autre tribunal et la violation d'une clause compromissoire
confiant à des arbitres le soin de trancher le litige.

Mais aujourd'hui, cette conception a changé. En effet, il y a excès de pouvoir lorsque le juge
a cessé de faire oeuvre juridictionnelle pour se conduire en législateur, en administrateur, ou
pour commettre un abus de force et lorsqu'il méconnaît les principes sur lesquels repose
l'organisation de l'ordre judiciaire1477. Ainsi, il y a excès de pouvoirs lorsqu'une juridiction,
même compétente, a procédé à des actes qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire, tels un blâme
adressé à une autorité administrative ou la prise d'une décision relative à des personnes ou des
actes non déférés devant elle, ou encore le fait de rendre une décision à caractère général1478
mais aussi lorsque la juridiction a manifestement méconnu une règle fondamentale
d'organisation judiciaire ou de procédure1479. C'est le cas de violation de certains principes qui
se rattachent à l'ordre public tels que l'ordre des juridictions, la règle de double degré de
juridiction, le principe de l'indépendance du ministère public, ou celui de l'autorité de la chose
jugée1480.

De même, l'excès de pouvoirs peut être retenu lorsque le juge transgresse une règle
d'ordre public délimitant ses fonctions; et n'est pas sûr que la méconnaissance de certains
principes essentiels de la procédure, qui lui était jusqu'à récemment assimilée, au moins dans
ses effets, permette encore longtemps de contourner, en elle-même, l'obstacle de l'interdiction
d'exercer un pourvoi en cassation lorsqu'elle existe. L'excès de pouvoirs est également retenu
lorsqu'un juge sort du cadre des fonctions qui lui sont propres au sein de la juridiction
principale dont il émane1481. Il est admis que l'illégalité grave peut constituer un excès de
pouvoirs lorsque le juge rend une décision en contradiction ouverte avec la loi, c'est-à-dire
que, fondant sa décision sur une loi, dont le texte est exempt de toute ambigüité, il contredise
ce texte; il n'y a plus seulement violation de la loi, mais "mépris de la volonté du législateur".

1477
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2372, p. 1219; J. BORE
et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 73.51, pp. 335-336.
1478
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 983, p. 845.
1479
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 92.21, pp.
254-255; J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n°
72.09, p. 330; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2372,
p. 1219. S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 553.421, p. 1656.
1480
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 73.56, p. 338.
1481
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.423, p. 1656.
577

La violation de la loi peut constituer un excès de pouvoirs lorsqu'elle emporte violation


notamment d'une règle fondamentale de l'organisation judiciaire ou de l'administration de la
justice1482. Ainsi, si une juridiction de l'ordre judiciaire a pris, en la forme d'un jugement ou
d'un arrêt rendu en dernier ressort, une juridiction qui sort des pouvoirs attribués aux autres
juridictions de l'ordre judiciaire, la Cour de cassation met à néant cette décision. C'est le cas
du juge du tribunal de grande instance ou du tribunal de paix qui prend des mesures
éducatives de l'enfant en lieu et place du juge du tribunal pour enfants si celui-ci est déjà
installé. Enfin, c'est par exemple lorsque un tribunal s'arrogeait d'imposer des normes de
portée générale. La cassation pour excès de pouvoirs exclut le renvoi puisque, par hypothèse,
aucune juridiction de l'ordre judiciaire n'est compétente.

3. La fausse application ou la fausse interprétation de la loi

Ce que l'on sanctionne c'est l'inapplication, le refus d'application, la fausse application et


la fausse interprétation de la loi conduisant à une solution erronée à l'égard d'un point de droit.
Le refus d'application de la loi suppose qu'un texte parfaitement clair et n'appelant pas
d'interprétation spéciale ait été transgressé. La Cour de cassation annule dans ce cas la
décision attaquée pour avoir violé par refus d'application l'article concerné1483.

La fausse application de la loi suppose que celle-ci a été appliquée à une situation de fait
qu'elle ne devait pas régir. C'est le cas lorsque le juge tout en retenant une définition exacte de
ce concept, a appliqué celui-ci à une situation qui n'en respecte pas les conditions1484. Ainsi, il
y a fausse application de la loi lorsque le juge applique une loi abrogée ou une loi qui n'était
pas encore en vigueur lors de la formation des rapports juridiques entre les parties (problème
de rétroactivité), ou lorsqu'il omet d'appliquer une loi en vigueur ou lorsque la peine
prononcée en matière pénale par le tribunal ou la Cour n'est pas celle prévue par la loi1485. En
matière de procédure, il y a fausse application de la loi, lorsque le juge se déclare
incompétent alors qu'il ne l'était pas.

Interpréter une loi, c'est déterminer la portée exacte d'une loi, dégager les intentions de
l'auteur du texte. La fausse interprétation de la loi suppose que le texte à appliquer prêtait à
controverse et que la décision attaquée a adopté une interprétation que la Cour de cassation
juge non conforme au sens réel du texte. En ce cas, il n'y a plus alors violation du texte de la
loi, mais de son esprit1486 c'est-à-dire le sens et la portée réelle d'une loi. Ainsi, il y a fausse
interprétation de la loi, lorsque la loi était silencieuse ou ambigüe et que le juge de fond n'en
a pas dégagé le sens que la Cour de cassation considère qu'il convenait de lui donner, et
lorsque la loi était claire et précise mais que le juge du fond lui a néanmoins attribué un sens

1482
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 807, pp. 394-395.
1483
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.11, p. 330.
1484
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.31, p. 331.
1485
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 985, p. 846; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2371, p. 1219.
1486
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 72.21, p. 331.
578

contraire1487. C'est aussi le cas lorsqu'une règle de fond a été violée, mal interprétée par les
juges de fond: qualification inexacte, violation des règles d'incrimination, absence
d'incrimination pénale1488 ou aussi lorsque le juge reconnaît un caractère impératif à une loi
supplétive à laquelle les parties ont valablement dérogé ou lorsqu'il traite suivant le droit écrit
des rapports juridiques régis par la coutume ou lorsqu'il a donné à une loi une portée qu'il n'a
pas. C'est dans ce dernier domaine que la Cour de cassation remplit le rôle éminent
d'unification de la jurisprudence.

Il y a aussi fausse interprétation de la loi, lorsque la juridiction d'appel prétend que seul
l'auteur du vol et non le receleur peut être tenu à indemnisation ou la juridiction qui estime ne
pas prononcer la peine de mort au motif qu'elle a été abrogée alors qu'il existe seulement le
moratoire de son exécution ou le moyen qui invite la Cour de cassation à contrôler la
constitutionnalité d'une loi ou d'une ordonnance ou d'un décret ou d'un arrêté ou d'un édit ou
le moyen qui soutient que la décision de la chambre du conseil méconnaît la présomption
d'innocence, la décision de maintien de la détention préventive qui fait état d'indices sérieux
de culpabilité et non de preuves ou le moyen qui est fondé sur ce que le tribunal statuant sur
opposition n'est pas impartial si la décision est prise par le même juge que le jugement par
défaut.

Enfin, fréquemment un moyen de cassation s'appui sur la violation de la loi au motif que la
décision de la juridiction concernée procède d'une interprétation erronée d'une disposition
légale ou, du moins, d'une interprétation qui n'est pas conciliable avec celle que la Cour de
cassation donne du texte légal. Sera ainsi considéré comme ayant violant la loi, la décision de
la juridiction qui conteste que l'abus de confiance est consommé au moment du détournement
ou de la dissipation, souverainement constaté par le juge du fond ou qui se fonde sur ce que
l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce s'impose au juge pénal qui, dans la
poursuite du chef de banqueroute, doit fixer l'époque de la cessation des payements ou qui
considère la prescription de l'action publique comme exception ou incident étranger au fond
ou qui est fondé sur ce que la chambre du conseil, statuant de mois en mois sur le maintien de
la détention préventive, serait appelé à vérifier la légalité du mandat d'arrêt provisoire 1489.

4. La fausse application ou la fausse interprétation de la coutume

C'est le cas lorsque le juge applique la coutume alors que la matière litigieuse relève du
droit écrit c'est-à-dire elle est déjà codifiée (déjà prévue par la loi) ou lorsque le juge invoque
une règle coutumière qui ne se trouve pas dans la coutume applicable ou qui ne peut en être
déduite. C'est aussi lorsque le juge applique une coutume autre que celle du ressort local ou
une coutume autre de différentes parties au procès ou lorsque le juge ne tient pas compte de la
portée réelle de la coutume.
1487
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.445, p. 1658.
1488
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2372, p. 1220.
1489
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 886-891, pp. 491-
502.
579

5. La non-conformité de la coutume dont il a été fait


application aux lois ou à l’ordre public

Deux éléments sont à retenir ici: la non conformité de la coutume aux lois (a) et la non
conformité de la coutume à l'ordre public (b).

a) La non-conformité de la coutume aux lois

Lorsque le juge applique la coutume, celle-ci doit être conforme aux lois. Cela signifie
que lorsque la coutume n'est pas conforme à la loi, elle ne sera pas appliquée. Autrement dit si
les éléments contenus dans les jugements ou arrêts s'inspirent de la coutume et que celle-ci
soit contraire à la loi, ces jugements ou arrêts doivent être cassés par la Cour de cassation.

b) La non-conformité de la coutume à l'ordre public

L'ordre public est défini comme étant une norme impérative dont les individus ne peuvent
s'écarter ni dans leur comportement ni dans leur convention1490. L'ordre public de l'Etat doit
être entendu comme l'ordre nécessaire dans le cadre de l'Etat. La coutume sera subordonnée à
cet ordre et non un ordre qui serait limitée à une province. L'idée de base est que l'ordre public
national doit l'emporter sur les différentes coutumes provinciales ou locales1491. Cet ordre
public se trouve exprimé dans la Constitution de la RDC du 18 février 2006 (préambule et
différents droits fondamentaux: articles 11 à 67), la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme et différents traités internationaux ratifiés par la RDC. Il s'agit donc de tous les
droits fondamentaux des citoyens.

Tenant compte de sens, la coutume appliquée doit être conforme à l'ordre public c’est-à-
dire la coutume ne peut permettre ce que cet ordre public interdit. Exemple : La coutume qui
permet de soumettre des sévices à une femme qui vient de perdre son mari ; cette coutume
n’est pas conforme à l’ordre public car la torture, les sévices sont des infractions prévues et
punies par la loi pénale (articles 43 et 46 du Code pénal congolais, livre II).

6. La violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité

La cassation est possible lorsqu'il s'est produit, dans la décision attaquée ou dans la
procédure qui la précède, une violation ou omission de formalités qui sont soit prescrites à
peine de nullité soit considérées comme substantielles. Sont concernées, les formes prescrites
à peine de nullité pour les actes de procédure ou pour les jugements. Il s'agit de formes
garantissant la bonne administration de la justice. Parmi les formes garantissant la bonne
administration de la justice, seules celles qui sont substantielles ou prescrites à peine de nullité
justifient l'annulation d'une décision qui ne les aurait pas respectées ou les aurait omises. Les
formes substantielles sont celles qui entrainent la cassation lorsque la décision attaquée les a
enfreintes ou omises car elles sont considérées comme essentielles à la bonne administration

1490
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, éd. PUF, 2007, 644.
1491
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. La procédure judiciaire contentieuse du droit privé ,
Kinshasa, éd. PUF, 2012, p. 213.
580

de la justice1492. Ce sont des formalités à ce point essentielles à une administration de la


justice dont leur violation doit être sanctionnée de nullité1493. Elles concernent pratiquement
des nullités d'ordre public, ou plus précisément des nullités touchant à l'organisation
judiciaire, ou à certaines règles de procédure1494. On peut assimiler à l'inobservation des
formes prescrites, l'omission ou le refus de statuer sur les réquisitions du ministère public ou
sur des demandes des parties privées.

On considère généralement comme substantielles les règles régissant la composition des


juridictions, la publicité des audiences et le prononcé des arrêts et jugements, l'oralité des
débats, l'obligation pour les magistrats de la composition du siège d'assister à toutes les
audiences, de répondre aux conclusions écrites des parties, de ne statuer que dans les limites
de ce qui est demandé, de motiver les décisions, etc., car leur inobservation intéresse l'ordre
public1495. Il y a méconnaissance des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité
lorsque les règles gouvernant les débats, publicité, la motivation de jugement, le délibéré et le
prononcé du jugement ont été violées1496. Il en est ainsi lorsque la décision n'a pas été rendue
par le nombre de juges prescrit ou sans que le ministère public ait été entendu1497. En matière
civile, c'est aussi lorsqu'il y a vice de forme (notamment, non communication du dossier au
ministère public tel que prévu par la loi, non communication des pièces pour libre discussion
des parties, vices antérieurs à l'audience et au déroulement des débats), violation du
contradictoire et les droits de la défense1498.

Très souvent, dans l'opinion publique, on attend dire que la Cour de cassation ne casse que
s'il y a eu "vice de forme". Il faut se garder de colporter une telle erreur. Sans doute, les règles
de forme étant édictées par des lois, il est bien évident qu'un vive de forme constitue une
violation de la loi qui, à ce titre, peut entrainer la censure de la cassation. Et comme on peut le
remarquer, la Cour de cassation est appelée à jouer un rôle fondamental dans l'interprétation
de la loi au sens large (règle de droit), qui va bien au-delà de la seule surveillance des formes.

Parmi ces formes substantielles, nous examinerons rapidement celles qui concernent la
composition du tribunal (a), la régularité et l'étendue de la saisine (b), les droits de la défense
(c), l'administration de la preuve (d) et la motivation des jugements ou arrêts (e).

1492
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1058.
1493
M. FRANCHIMONT et C. DERENNE-JACOBS, "Les nullités en procédure pénale. Une protection
lacunaire de la régularité", Les nullités en droit belge. Sanction du vice et conséquences, Liège, éd. Jeune
Barreau, 1991, pp. 126 et 138 et s.; B. DE SMET, "Le contrôle de la régularité de l'instruction et les
mécanismes d'atténuation de la sanction de nullité", Revue de droit pénal et criminologie, 2000, p. 773.
1494
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 984, p. 846.
1495
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1058.
1496
BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 72.21-72.33, pp.
188-192.
1497
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 938, p. 941.
1498
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 74.11-74.162,
pp. 344-355.
581

a) La composition du tribunal ou de la Cour

La Cour de cassation doit être à même de vérifier par les pièces de procédure (procès-
verbaux d'audience, jugement ou arrêt avant dire droit, jugements définitifs) si le siège était
régulièrement composé. Si la composition était irrégulière, le jugement ou arrêt pourra être
cassé. Par exemple, la décision n'a pas été rendue par le nombre de juges prévu par la loi: il en
est ainsi pratiquement quand l'arrêt omet de mentionner le nom de certains magistrats, cette
omission étant assimilée à une absence. Il en est de même de la décision qui a été rendue par
les juges qui n'avaient pas assisté à toutes les audiences de l'affaire ou encore la décision a été
rendue sans que le ministère public ait été entendu comme le prévoit la loi ou encore le siège
n'est pas le même que celui qui a participé au délibéré1499.

C'est pourquoi la Cour suprême de justice a jugé que lorsque le siège d’une juridiction a été
modifié entre celui qui a pris l’affaire en délibéré et celui qui a rendu la sentence, il y a lieu de
casser d’office pour composition irrégulière du siège1500. Mais est régulière au point de vue de
la composition du siège, la cause qui a été instruite et jugée par les mêmes juges lorsque les
autres audiences composées d’un siège différent étaient des audiences de remise. Il y a
composition irrégulière lorsque les juges qui ont prononcé le jugement ou arrêt avaient déjà
été mutés et régulièrement notifiés.

b) La saisine du tribunal ou de la Cour

La saisine du tribunal ou de la Cour est définie par l'acte introductif d'instance et les
conclusions échangées; la Cour de cassation doit pouvoir apprécier au vu des pièces, quels
étaient les pouvoirs juridictionnels du tribunal ou de la Cour, et si la juridiction concernée a
vidé le litige (affaire) tel qu'il se trouvait déterminé par les dispositifs. Si le tribunal ou la
Cour a siégé sans avoir été régulièrement saisi, cela constitue un motif de cassation.

c) Les droits de la défense

Ces droits sont garantis par l'article 19 de la Constitution du 18 février 2006 et les lois de
la République. S'il revient au juge du fond d'appliquer d'office aux faits qui lui sont soumis les
règles de droit qui leur sont applicables, il lui incombe de respecter les droits de la défense. Il
ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans le soumettre à la contradiction
des parties. Ainsi, si les pièces de la procédure ne rendent pas compte de ce que les parties
ont été à même de répondre en pleine connaissance de cause, à toute demande formée contre
elles dans les formes prévues par la loi, il y aura ouverture de pourvoi en cassation.

d) L'administration de la preuve

Elle doit d'entourer des formes prescrites par la loi pour garantir la recherche objective
de la vérité. Ainsi, en matière pénale, le juge peut puiser sa conviction dans les pièces d'une

1499
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 61.63, p. 169;
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 982, p. 845; M. L., Traité de procédure
pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 501, p. 806.
1500
Cour suprême de justice, 21 août 1974, RP 213, Bull. 1975, p. 265, RJZ, 1975, p. 31.
582

information suivie à l'égard d'autres faits et d'autres inculpés, si ces données ont été soumises
à la libre discussion des parties, il ne peut se retrancher, pour écarter ces éléments, derrière le
secret de l'instruction. Par conséquent, toute décision, fondée sur des éléments de preuve qui
n'ont pas soumis à la discussion contradictoire des parties, doit être donc être annulée. De
même, le tribunal ne peut fonder sa conviction sur les preuves obtenues par la torture ou les
traitements inhumains ou dégradants1501.

e) La motivation des jugements ou arrêts

L'obligation pour le juge de motiver son jugement ou arrêt est un principe d'ordre public,
qui gouverne la procédure pénale aussi bien que la procédure civile. Si un jugement ou arrêt
est non motivé ou mal motivé, il peut être attaqué par un pourvoi en cassation. L'article 21
alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006 dit que tout jugement est écrit et motivé. Il est
prononcé en audience publique. L'obligation de motivation est une garantie essentielle pour
les parties contre l'arbitraire du juge, si bien qu'elle est inséparable de la mission de juger une
contestation et du respect des droits de la défense1502. La motivation permet de vérifier si le
tribunal ou la Cour a fait une exacte application de la loi. L'obligation de motiver les
jugements et arrêts constitue une règle de pure forme. Cette règle est méconnue lorsque:
- il n'y a pas de motif;
- il y a des motifs, mais qui se contredisent (contradiction entre les motifs ou entre les motifs
et le dispositif d'une même décision, soit entre les dispositions de celle-ci, et non de la
contradiction qui pourrait exister entre deux arrêts rendus successivement dans la même
cause) ;
- il y a des motifs, mais qui sont ambigus;
- il n'y a pas de réponse aux conclusions1503.

La motivation comprend le défaut de motifs (vice de forme) et le manque de base légale


(vice de fond: exemple un jugement ou arrêt qui ne se réfère pas à la loi).

Concernant le défaut de motifs, il est à noter que la motivation est une obligation prescrite
aux juges du fond à peine de nullité. Le défaut de motifs est caractérisé par l'absence de toute
motivation sur les points litigieux: le juge est directement passé de la présentation des faits et
de l'exposé des parties à l'énonciation du dispositif. Il arrive parfois que l'arrêt se contente
d'un simulacre de motivation et se borne à affirmer que les faits et les éléments de l'infraction
sont établis. L'arrêt doit énoncer les faits litigieux et préciser l'existence des circonstances
exigées par la loi pour qu'ils soient punissables1504. Est aussi considéré comme une absence
de motifs, le fait de prononcer un jugement ou arrêt uniquement sur dispositif (c'est fréquent
dans la pratique judiciaire) ou la motivation par voie de simples références à une décision

1501
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 73.31, p. 198.
1502
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 546, p.255.
1503
J. DE CODT, Des nullités de l'instruction et du jugement, Bruxelles, éd. Larcier, 2006, p. 190.
1504
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 82.11, pp.
237.
583

antérieure ou à une jurisprudence dont les principes ne sont pas rappelés. Le défaut de motifs
révèle-t-il bien une carence totale des juges de fond dans la présentation des conditions
d'application de la loi qui avait vocation à régir la cause1505. Il suppose donc l'absence de toute
motivation sur le point considéré1506. Cela signifie qu'un jugement ou arrêt qui a le défaut de
motifs peut être censurée par la Cour de cassation.

Concernant le manque de base légale, il est à noter que le défaut de base légale est donc
en premier lieu susceptible d'affecter la décision du juge au stade de la vérification des faits.
Par exemple, le juge se sera contenté de relever l'existence d'un fait douteux, auquel il aura
pourtant fait produire des effets juridiques, au lieu de vérifier et de donner ainsi une base
certaine à la décision. Dans le même ordre d'idée, le manque de base légale sera caractérisé si
le juge tient un fait contesté pour établi, sans autre forme de justification: il n'est alors pas
possible de s'assurer que le juge a effectivement procédé à sa vérification1507. En matière
civile, il y a manque de base légale lorsque l'arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou
imprécis, qui ne permettent pas au juge de cassation d'exercer son contrôle sur le droit1508.

En matière pénale, manque de base légale le moyen qui invoque la violation d'une loi
alors que celle-ci n'est pas encore en vigueur au moment de la décision attaquée ou qui
invoque la violation d'un traité ou convention ou protocole alors que la RDC n'avait pas
encore ratifié ledit texte. C'est aussi lorsque la juridiction invoque la violation d'une règle de
droit qui, en réalité n'existe pas. De même, manque de base légale, lorsque le moyen prétend
que le procès verbal d'audience est nul s'il ne contient pas la mention de l'adresse et la
profession du prévenu ou prétend qu'après une reprise des débats devant un siège autrement
composé, la partie civile devrait se constituer à nouveau ou croit que le juge qui déclare
établie une infraction d'escroquerie devrait constater concrètement le dommage subi ou
affirme que, lorsque le fait est désigné dans la citation sous différentes qualifications, le juge
serait tenu d'avertir préalablement le prévenu de la prévention qu'il déclarera ou non établie ou
estime que le juge d'appel, en cas de dépassement du délai raisonnable, ne peut aggraver la
peine infligée par le premier juge1509.

Manque aussi de base légale et justifie la cassation, la décision du tribunal ou de la Cour


qui comporte de motifs imprécis ou incomplets et ne permettent pas à la Cour de cassation de
vérifier que la loi a été correctement appliquée par les juges de fond1510. Manque enfin de
base légale, le moyen qui invoque la violation, par la décision attaquée, d'un principe général
de droit, alors que le principe général invoqué n'existe pas, par exemple un prétendu principe
de proportionnalité ou le principe dit de justice distributive ou la copie vaut orignal ou la

1505
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.451, p. 1660.
1506
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 77.31, p. 369.
1507
S. GUINCHARD (sous direction), Droit et pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015,
n° 553.462, p. 1660.
1508
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 78.110, p. 396.
1509
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 857, pp. 450-456.
1510
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 84.08, p. 229.
584

rétroactivité d'un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat1511. Il s'ensuit qu'un jugement ou arrêt
qui manque de base légale, viole la loi au sens large, donc susceptible du pourvoi en
cassation.

En principe, les cas d'ouverture de cassation sont assez semblables dans les contentieux
civil, pénal et administratif: violation de la loi, incompétence, violation des formes, excès de
pouvoir. De même, le pourvoi en cassation répond à des objectifs similaires pour les
juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif dès lors qu'il a pour avantage de
favoriser une unité d'interprétation des règles de droit et des règlements.

En matière administrative, le Conseil d’Etat sera une juridiction de cassation pour les
juridictions de l’ordre administratif. Concrètement, lorsqu’un administré est lésé par une
décision administrative rendue par une autorité communale ou de territoire ou de chefferie ou
de secteur ou de localité, il peut saisir le tribunal administratif (prévu dans chaque ressort du
tribunal de grande instance) pour la suspension ou l’annulation de la décision querellée. Si
l’administré n’est pas satisfait, il peut interjeter appel à la Cour administrative d’appel (prévue
dans chaque chef-lieu de province). Si l’administré n’est toujours pas satisfait et qu’il estime
que cette Cour administrative d’appel a violé la loi soit sur la forme soit sur le fond, il peut
dans ces conditions se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Celui-ci peut soit casser
la décision rendue par la Cour administrative d’appel et renvoyer la cause devant une autre
juridiction de l’ordre administratif qu’il désigne ou soit la même juridiction administrative
mais autrement composée, soit le Conseil d’Etat peut juger lui-même le fond de l’affaire et
vider complètement ce contentieux.

IV. Le pourvoi en cassation doit être introduit dans le délai légal

En matière pénale, le délai pour se pourvoir en cassation est de quarante jours francs à
dater du prononcé de l’arrêt ou du jugement rendu contradictoirement. Le Procureur général
près la Cour d’appel et l’Auditeur militaire supérieur disposent toutefois d’un délai fixe de
trois mois à partir du prononcé du jugement ou de l’arrêt. Lorsque l’arrêt ou le jugement a été
rendu par défaut, le pourvoi n’est ouvert et le délai ne commence à courir à l’égard du
condamné que du jour où l’opposition n’est plus recevable1512. Nous estimons que cette
différence du délai ne contribue pas au procès équitable dans la mesure où elle favorise le
ministère public. Il serait souhaitable que toutes les parties, en ce compris le ministère public
puissent avoir le même délai pour introduire le pourvoi en cassation en matière pénale. Dans
ces conditions, le droit à un procès équitable, particulièrement l’égalité des armes serait
respectée.

Mais le pourvoi en cassation introduit par le Procureur général près la Cour de cassation
sur injonction du ministre de la Justice ou dans le seul intérêt de la loi n'est pas soumis au

1511
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 859, p. 458.
1512
Article 45 alinéas 1, 2 et 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
585

délai1513. Cela signifie que dans ce deux cas, il peut se pourvoir en cassation à tout moment,
même au delà de dix ans. Pour la partie civile et la partie civilement responsable, le délai
prend cours le dixième jour qui suit la date de la signification de l’arrêt ou du jugement1514.

§ 3. Parties autorisées à se pourvoir en cassation

Les articles 35 alinéa 1, 36 alinéa 1 et 45 alinéas 2, 3 et 4 combinés de la loi organique


n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation ouvrent le
pourvoi en cassation à toute partie au procès pénal qui subit un grief par suite de l'irrégularité
ou de l'illégalité de la décision attaquée: prévenu (condamné), partie civilement responsable,
partie civile, ministère public près la juridiction qui a rendu la décision attaquée ou près la
Cour d'appel (Procureur général) ou la Cour militaire (Auditeur militaire supérieur) et le
Procureur général près la Cour de cassation. Comme on le voit, la partie qui entend se
pourvoir en cassation doit être partie à la cause et à l'instance ayant donné lieu à la décision
attaquée. La partie intervenante peut aussi se pourvoir en cassation étant donné que l'article 35
alinéa 1 de la loi organique susvisée prévoit que toute personne qui a été partie à la décision
entreprise peut se pourvoir en cassation, à condition qu'elle ait été partie intervenante à
l'instance de la décision attaquée.

De même, les parties (représentées) doivent justifier de la qualité pour agir c'est-à-dire
avoir été partie à la décision attaquée, l'intérêt à se pourvoir et bénéficier du droit d'ester en
justice1515. Chaque partie agit exclusivement dans son intérêt. L'intérêt d'un pourvoi en
cassation s'apprécie objectivement en fonction de la possibilité d'une cassation, et non d'après
le mérite de la demande à soumettre au juge de renvoi. Ainsi, le pourvoi du ministère public
permet de relever toute irrégularité ou illégalité affectant la décision sur l'action publique. La
partie civile ne peut se pourvoir en cassation que quant aux dispositions relatives à ses intérêts
civils; lorsqu'elle n'a pas été condamnée à des frais de l'action publique, elle n'a pas d'intérêt à
se pourvoir contre la condamnation pénale du prévenu. De même, les décisions d'acquittement
ne peuvent être attaquées par les prévenus, quand bien même ils auraient un intérêt moral à le
faire valoir, en raison de la rédaction des motifs. Le condamné qui bénéficie de l'amnistie est
sans intérêt à exercer un pourvoi, de même que celui qui bénéficie d'une décision constatant la
nullité de la décision1516.

1513
Articles 36 et 48 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1514
Article 45 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1515
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1428; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris,
5ème éd. Litec, 2009, n° 2368, p. 1217; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n°
989, p. 849; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge.
Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 88 et
124, pp. 59 et 76; M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 499, p. 801; P. GERARD,
H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière civile, Bruxelles,
éd. Bruylant, 2012, n° 70, p. 53; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les
voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 282, p. 183.
1516
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2368, p. 1217.
586

A défaut d'intérêt, le prévenu n'est pas recevable à se pourvoir contre une décision
d'acquittement, une décision qui constate la prescription de l'action publique ou encore la
décision d'incompétence. Ainsi, le prévenu acquitté ou renvoyé de fin des poursuites, la partie
civile, qui a obtenu l'indemnisation réclamée ou le civilement responsable mis hors cause ne
seraient pas recevables à se pourvoir, peu importe les motifs qui fondent la décision1517.

Le pourvoi du condamné peut être dirigé contre le ministère public s'il concerne l'action
publique ou contre la partie civile s'il concerne l'action civile. Le pourvoi non limité du
condamné soumet à la Cour de cassation toutes les nullités ou violations des textes légaux lui
causant préjudice.

Le pourvoi du ministère public est formé dans l'intérêt général et non dans le seul intérêt de
la répression. Dès lors, il profitera au condamné, même s'il ne s'est pas pourvu lui-même,
quand la cour de cassation constate une violation de la loi ou une omission de forme qui lui a
causé préjudice. La Cour vérifiera, par exemple, même d'office, la légalité des peines
appliquées et la régularité de la procédure. En tout état de cause, le pourvoi du ministère
public ne soumet à la Cour de cassation que la régularité de la décision sur l'action publique, à
l'exclusion de ce qui concerne l'action civile.

La partie civile peut se pourvoir quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils. Dès
lors, son pourvoi ne peut porter que le dispositif de l'arrêt ou du jugement relatif aux
dommages et intérêts et frais de justice; ainsi la partie civile ne peut se pourvoir contre
l'acquittement du prévenu, même s'il est la cause de son débouté. La partie civile ne peut
diriger son pourvoi que contre les parties au profit desquelles la décision attaquée lui au causé
préjudice.

La partie civilement responsable peut se pourvoir en cassation contre les décisions qui la
concernent, par exemple en tant qu'elles la déclarent civilement responsable du préjudice
causé au prévenu ou des frais de l'action publique.

Le pourvoi de la partie intervenante ne peut viser que la décision rendue sur l'action civile
de la victime dirigée contre elle (et non la décision rendue sur l'action civile dirigée contre le
prévenu), mais cette partie peut contester la légalité de la décision rendue sur l'action publique
dans la mesure où celle-ci constitue le fondement de sa propre condamnation.

Comme nous l'avons mentionné au point précédent, dans certains cas et à des conditions
bien précises, le Procureur général près la Cour de cassation peut se pourvoir en cassation sur
injonction du ministre de la Justice (4) et dans le seul intérêt de la loi (5).

1517
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1078.
587

§ 4. Le pourvoi introduit par le Procureur général près la Cour


de cassation sur injonction du ministre de la Justice

I. Notions et conditions

L'injonction du ministre de la Justice est subornée à un excès de pouvoir dans la décision


entreprise ou à un mal jugé certain1518. L'injonction du ministre de la Justice suppose une
illégalité grave et caractérisée, une atteinte à l'ordre public dont on sollicite l'annulation1519.

Il s'agit d'un recours exceptionnel permettant au pouvoir exécutif de solliciter de la Cour de


cassation une annulation frappant des décisions particulièrement préjudiciables à l'intérêt
public1520. C'est donc une mesure de haute administration de la justice, par laquelle le
Procureur général près la Cour de cassation sollicite, sur injonction du ministre de la Justice,
l'annulation à l'égard de tous, des motifs ou du dispositif des actes judiciaires, juridictionnels
ou non, par lesquels les juges ont excédé leurs pouvoirs, en transgressant un principe d'ordre
public1521. Concrètement, il s'agit des actes par lesquels les juges ont excédé leurs pouvoirs
même si le délai légal de pourvoi en cassation est écoulé et alors qu'aucune partie ne s'est
pourvue.

En matière pénale, ce recours est destiné à porter atteinte à l'autorité de la chose jugée au
bénéfice du condamné. C'est pourquoi il n'est pas laissé à l'initiative d'une autorité judiciaire,
si haute soit-elle, mais réservé à une autorité politique, qui porte, lorsqu'elle décide de
l'exercer, une appréciation d'opportunité tout autant qu'une appréciation de légalité1522. Ce
recours permet au ministre de la Justice d'obtenir de la Cour de cassation la correction de
certains jugements "illégaux". Lorsque le Procureur général près la Cour de cassation
introduit le pourvoi sous cette forme, l'on doit vérifier si la décision du juge est en
contradiction ouverte avec la loi, la négation d'un texte exempt de toute ambiguïté, le mépris
de la volonté du législateur, la transgression d'un principe constitutionnel ou de droit public
ou encore d'une règle fondamentale de l'organisation judiciaire ou de l'administration de la
justice1523.

1518
Article 36 alinéa 4 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1519
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1078; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 958, p. 975; P.
GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 802, p. 392.
1520
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 800, p. 391.
1521
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 141.04, p. 658.
1522
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 142.04, p.
666.
1523
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1279, p. 699; G.
CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire
privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n° 288, pp. 186-187;
588

Peuvent faire l'objet du pourvoi introduit sur injonction du ministre de la Justice, par
exemple, la condamnation par le tribunal de grande instance d'un mineur de moins de 18 ans
au moment des faits ou l'arrêt portant condamnation pour des faits couverts par l'amnistie ou
la condamnation pour des faits prescrits ou la condamnation d'un prévenu décédé auparavant
ou la décision définitive qui condamne le prévenu à une peine d'emprisonnement assortie d'un
sursis dont la durée n'est pas précisée.

Seul le ministre de la Justice a qualité pour prescrire au Procureur général près la Cour de
cassation, l'introduction d'un pourvoi pour excès de pouvoir ou un mal jugé certain des cours
et tribunaux. Le Procureur général près la Cour de cassation ne pourrait, ni prendre l'initiative
du pourvoi, ni agir seul. Il faut justifier, devant la Cour de cassation, l'injonction reçue; et il
n'aurait pas même qualité pour suppléer, par des moyens nouveaux, aux lacunes de la dépêche
ministérielle1524. L'injonction du ministre de la Justice doit être motivée et mentionner le ou
les moyens que le Procureur général près la Cour de cassation, peut, s’il échet, invoquer à
l’appui de son réquisitoire. Cette injonction lie le Procureur général près la Cour de cassation
en tant qu'il l'oblige à saisir la Cour par des réquisitions écrites de la demande d'annulation
formulée par le ministre de la Justice. Mais il est admis que le Procureur général près la Cour
de cassation reste maître de ses conclusions orales et qu'il peut, s'il estime injustifiée, conclure
à l'audience au rejet de la demande d'annulation qu'il aurait formulée d'injonction du ministre
de la Justice1525 conformément à l'adage "la plume est serve mais la parole est libre"1526.

La nature particulière d'injonction du ministre de la Justice entraîne comme conséquence


que la Cour de cassation, saisie par le réquisitoire du Procureur général près cette Cour, ne
soulève pas de moyens d'office. Il n'appartient ni au Procureur général de proposer ni à la
Cour de soulever une illégalité non dénoncée par le ministre de la Justice1527. L'introduction
de ce pourvoi n'est soumise à aucun délai1528.

Quelques exemples qui justifient le pourvoi en cassation introduit par le Procureur général
près la Cour de cassation sur injonction du ministre de la Justice:
- le jugement qui condamne un prévenu décédé avant la condamnation;
- le jugement qui condamne un prévenu sur l'action publique alors que l'infraction est
prescrite;
- le jugement qui, en violation du principe général du droit "Non bis in idem", condamne un
prévenu du chef d'un fait pour lequel il avait déjà été condamné antérieurement par une

1524
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1279, p. 699; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 142.11, p. 666.
1525
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 802, p. 392.
1526
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1270, p. 696; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 142.22, p. 667.
1527
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1281, p. 700.
1528
Article 36 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
589

décision devenue irrévocable;


- les jugements qui avaient condamné un prévenu à la suite d'une erreur de personne;
- les jugements ou arrêts qui condamnent le mineur d'âge au moment des faits.

II. Procédure

Lorsque le Procureur général près la Cour de cassation se pourvoit sur injonction du


ministre de la Justice, le greffier notifie ses réquisitions aux parties qui peuvent se faire
représenter à l’instance et prendre des conclusions. L’injonction du ministre de la Justice doit
être donnée dans le délai de prescription de l’action qui y donne lieu et être subordonnée à un
excès de pouvoir dans la décision entreprise ou à un mal jugé certain. Cette injonction est
motivée et mentionne le ou les moyens que le Procureur général, peut, s’il échet, invoquer à
l’appui de son réquisitoire. L’arrêt rendu sur pourvoi formé sur injonction du ministre de la
Justice est opposable aux parties1529. Le ministre de la Justice ne peut invoquer un moyen déjà
soulevé dans un précédant pourvoi ordinaire cotre la même décision1530.

III. Arrêt de la Cour de cassation

Deux situations peuvent être possibles:


- si la décision attaquée était un acquittement, la cassation reste purement théorique ;
- si au contraire, il s’agit d’une condamnation, la cassation a lieu dans l’intérêt de la loi et du
condamné. En ce cas, la cassation peut être totale ou partielle, sans renvoi car la Cour statue
au fond comme il s'agit du pourvoi introduit sur injonction du ministre de la Justice1531 mais
la décision de la Cour ne peut nuire au condamné ou aggraver sa situation par une
condamnation plus sévère. Or, il est de principe lorsque la cause lui est renvoyée par les
chambres réunies, dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi formé par le Procureur
général près la Cour cassation sur injonction du ministre de la Justice, la Cour statue sur le
fond1532. Cela signifie de manière concrète que la décision de la Cour est sans renvoi car elle
juge le fond. La décision de la Cour ne peut aussi porter préjudice aux intérêts de la partie
civile.

IV. Effets

L'annulation ne peut nuire au condamné (il ne pourrait par exemple être remis en
prévention) mais, contrairement au pourvoi en cassation dans le seul intérêt de la loi, elle peut
profiter au prévenu, par exemple lorsque la Cour de cassation constate qu'une peine lui a été
illégalement infligée ou que les faits étaient prescrits. Dans ce cas, l'annulation s'étend au
dispositif de la décision condamnant la personne civilement responsable. Elle ne peut pas

1529
Article 36 alinéas 3 à 6 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1530
M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 508, p. 818.
1531
Article 37 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1532
Article 37 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
590

nuire au prévenu. Par contre, à l'égard de la partie civile, la décision attaquée qui ne concerne
que les intérêts purement privés, subsiste et conserve l'autorité de la chose jugée. Ainsi, la
situation d'un prévenu acquitté ne peut être modifié par l'annulation d'une de la de la décision
de condamnation qui a lieu dans l'intérêt de la loi et du condamné et doit bénéficier à ce
dernier1533.

§ 5. Le pourvoi introduit par le Procureur général près


la Cour de cassation dans le seul intérêt de la loi

I. Notions et conditions

Le mot "dans le seul intérêt de la loi" a été inséré à l'article 36 de la loi organique n°
13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation dans le but
d'assurer, de façon éminente, le respect par les juges des textes légaux et des formes de
procédés et cela même si les recours dont disposent normalement les parties ne sont plus
ouverts.

A la différence du pourvoi en cassation de droit commun, le pourvoi en cassation dans le


seul intérêt de la loi est exercé contre une décision qui a déjà l'autorité de la chose jugée, soit
parce qu'elle n'a pas été frappée d'un pourvoi dans les délais légaux, soit parce qu'elle n'était
pas susceptible d'un pourvoi1534. Dans ce pourvoi, l’on suppose qu’une décision n’a pas été
attaquée par le pourvoi en cassation dans l’intérêt des parties et dans les délais légaux mais
elle contient une violation de la loi ou erreur de droit. Ce pourvoi peut présenter une utilité
lorsque le demandeur en cassation, n'apercevant pas l'illégalité de la décision attaquée, se
désiste de son pourvoi ou lorsque la Cour découvre dans la décision attaquée une nullité qui
n'est pas de nature à nuire au demandeur1535.

C'est une voie particulière de recours, ouvert au Procureur général près la Cour de
cassation contre les décisions rendues en dernier ressort ayant définitivement acquis l'autorité
de la chose jugée, en vue de faire censurer par la Cour de cassation, dans un intérêt purement
doctrinal et sans porter atteinte aux droits des parties, les violations de la loi dont elles sont
entachées. Ce recours est une "leçon pour l'inexpérience des tribunaux" et a pour but
d'empêcher le développement d'une jurisprudence illégale, par l'indifférence, la négligence ou
la collusion des parties. Il est établi dans le seul intérêt du maintien des principes, pour
corriger toute fausse interprétation ou même toute fausse application de la loi, soit dans son
esprit, soit dans ses formes. Comme le pourvoi des parties, il tend à assurer l'unité de la
législation par l'unité de la jurisprudence1536.

1533
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 958, p. 975.
1534
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 956, p. 974.
1535
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1256, p. 687.
1536
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 141.04, p. 658.
591

Ce pourvoi est introduit par le Procureur général près la Cour de cassation. Il lui revient
donc de décider s'il introduit d'office un pourvoi dans l'intérêt de la loi à l'encontre d'une
décision illégale. Il n'a pas besoin d'une injonction ou autorisation du ministre de la
Justice1537. Le Procureur général près la Cour de cassation est seul recevable à se prévaloir
dans le seul intérêt de la loi contre les décisions rendues en dernier ressort contraires aux lois
ou aux formes de procédure et contre lesquelles aucune des parties ne s'est pourvue en
cassation dans le délai légal. Il ne peut fonder son pourvoi que sur une violation de la loi au
sens large, les ouvertures à cassation étant les mêmes que le pourvoi des parties. Il peut
soulever les moyens qui mettraient en jeu les intérêts des parties et les moyens relatifs à
l'action civile dès lors que ceux-ci portent sur des questions d'ordre public1538.

Ce pourvoi dans le seul intérêt de la loi peut être formé lorsque l'ordre public est mis en
péril par un état de choses auquel il est impossible de remédier1539. Tel est le cas de la
juridiction qui a statué sur la matière ne relevant pas de sa compétence dont la décision fait
l'objet du pourvoi ou la juridiction qui a prononcé le divorce au seul motif de l'infidélité de
l'un des conjoints alors que l'article 549 du Code de la famille ne prévoit le seul motif de
divorce que la destruction irrémédiable de l'union conjugale.

Le pourvoi dans le seul intérêt de la loi a toujours eu lieu sans renvoi1540 et n'est assujetti
à aucune limite de délai1541, puisqu'il est dirigé contre une décision irrévocable entre les
parties et n'aboutira qu'à une annulation platonique. Cette annulation n'a qu'une valeur
purement dogmatique, doctrinale, symbolique. C'est une cassation blanche ou une censure
platonique1542. Il n'est jamais tard pour informer les juges de l'erreur qu'ils ont commise et le
recours peut être formé à tout moment. Les parties ne peuvent intervenir dans les débats1543.

1537
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1476; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du
répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1257, p. 688; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz,
2010, n° 957, p. 974.
1538
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 161.25, p.
538.
1539
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 791, p. 385; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009, n°
289, p. 187.
1540
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1476; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas,
2011, n° 1008, p. 859; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du
droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant,
2006, n° 1265, p. 693.
1541
Article 36 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1542
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1264, p. 693.
1543
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2403, p. 1234.
592

L'arrêt de cassation est seulement transcrit sur les registres du greffe de la juridiction qui a
rendu la décision cassée.

II. Effets

Le pourvoi en cassation dans le seul intérêt de la loi n'est pas suspensif et n'exerce aucune
influence sur les intérêts des parties en cause, même si une telle cassation leur est favorable.
Ainsi, une partie condamnée à des dommages et intérêts ne pourrait invoquer la cassation
dans l'intérêt de la loi pour se soustraire à l'exécution. En cas du pourvoi en cassation dans le
seul intérêt de la loi, la décision de la Cour ne peut ni profiter ni nuire aux parties1544. Lorsque
le Procureur général près la Cour de cassation se pourvoit dans le seul intérêt de la loi, son
acte profite au condamné quant aux seules condamnations pénales1545.

§ 6. Juridiction compétente

En vertu des articles 95, 98 et 116 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, le
pourvoi en cassation des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire est de la compétence
exclusive de la Cour de cassation. Aucune autre juridiction ne pourrait en connaître par le
biais d'un mécanisme de prorogation de compétence.

§ 7. Procédure

Le pourvoi est ouvert à toute personne qui a été partie à la décision entreprise ainsi
qu’au Procureur général près la Cour de cassation. Le recours en cassation contre les
jugements avant dire droit n’est ouvert qu’après le jugement définitif ; mais l’exécution même
volontaire de tel jugement ne peut être, en aucun cas, opposée comme fin de non-recevoir1546.

Sous réserve de la compétence des chambres réunies, la Cour de cassation ne connaît pas
du fond des affaires. Si un pourvoi introduit pour tout autre motif que l’incompétence est
rejeté, le demandeur ne peut plus se pourvoir en cassation dans la même cause sous quelque
prétexte et pour quelque motif que ce soit. Si après cassation il reste quelque litige à juger, la
Cour renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à
une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne. Dans le cas où la décision
entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à la juridiction compétente
qu’elle désigne. La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence. Elle est tenue de se
conformer à la décision de la Cour sur le point de droit jugé par elle. Lorsque la cause lui est
renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a déjà fait l’objet d’un premier

1544
Article 36 alinéa 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1545
Article 48 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1546
Article 35 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
593

pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi formé par le Procureur général sur
injonction du ministre de la Justice, la Cour statue sur le fond1547.

I. Délai du pourvoi en cassation

Le délai pour se pourvoir est de quarante jours francs à dater du prononcé de l’arrêt ou
du jugement rendu contradictoirement. Le Procureur général près la Cour d’appel et
l’Auditeur militaire supérieur disposent toutefois d’un délai fixe de trois mois à partir du
prononcé du jugement ou de l’arrêt1548. Nous estimons que cette différence du délai ne
contribue pas au procès équitable dans la mesure où elle favorise le ministère public. Il serait
souhaitable que toutes les parties, en ce compris le ministère public puissent avoir le même
délai pour introduire le pourvoi en cassation en matière pénale. Dans ces conditions, le droit à
un procès équitable, particulièrement l’égalité des armes serait respectée.

Lorsque l’arrêt ou le jugement a été rendu par défaut, le pourvoi n’est ouvert et le délai ne
commence à courir à l’égard du condamné que du jour où l’opposition n’est plus recevable.
Pour la partie civile et la partie civilement responsable, le délai prend cours le dixième jour
qui suit la date de la signification de l’arrêt ou du jugement1549. L’opposition formée par le
condamné contre la décision entreprise suspend la procédure de cassation. Si l’opposition est
déclarée recevable, le pourvoi est rejeté, faute d’objet1550.

Le délai et l’exercice du pourvoi sont suspensifs de l’exécution de la décision à l’égard


de toutes les parties. Le condamné qui se trouve en détention préventive ou dont l’arrestation
immédiate a été prononcée par la juridiction d’appel est, toutefois, maintenu en cet état
jusqu’à ce que la détention subie ait couvert la servitude pénale principale prononcée par la
décision entreprise. En outre, lorsqu’il y a des circonstances graves et exceptionnelles qui le
justifient ou lorsqu’il y a des indices sérieux laissant croire que le condamné peut tenter de se
soustraire par la fuite à l’exécution de la servitude pénale, le ministère public près la
juridiction d’appel qui a rendu la décision peut ordonner, par ordonnance motivée, son
incarcération pendant le délai et l’exercice de pourvoi, laquelle se maintient jusqu’à ce que la
détention subie ait couvert la servitude pénale principale prononcée par la décision entreprise.

Il doit, dans les 48 heures, transmettre sa décision au Procureur général près la Cour de
cassation par lettre recommandée ou par porteur avec accusé de réception. Toutefois, le
condamné qui se trouve en état de détention préventive ou dont l’arrestation a été ordonnée
par la juridiction d’appel ou par le ministère public près cette juridiction peut introduire
devant la Cour de cassation une requête de mise en liberté ou de mise en liberté provisoire

1547
Article 37 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1548
Article 45 alinéas 1 et 2 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1549
Article 45 alinéas 3 et 4 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1550
Article 46 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
594

avec ou sans cautionnement. Si le condamné n’est pas présent ou s’il n’y est pas représenté
par un avocat, porteur de procuration spéciale, la Cour statue sur pièces. La Cour statue,
toutes affaires cessantes, dans les vingt-quatre heures à partir de l’audience à laquelle le
ministère public a fait ses réquisitions. Les dispositions qui concernent la détention préventive
en procédure pénale sont applicables devant la Cour de cassation1551.

II. Forme du pourvoi

Lepourvoi contre les arrêts ou les jugements rendus par les juridictions répressives peut
être formé par une déclaration verbale ou écrite des parties faite au greffe de la juridiction
qui a rendu la décision entreprise. La déclaration est verbale par la seule indication de
l’intention de former un pourvoi et par la désignation de la décision entreprise.

Le condamné en état de détention peut faire la déclaration devant le gardien de


l’établissement pénitentiaire où il est incarcéré. Le gardien dresse le procès-verbal de la
déclaration et le remet sans délai au greffier de la juridiction qui a rendu le jugement. Le
greffier dresse acte de la déclaration, il délivre copie de cet acte au déclarant et au ministère
public près la juridiction qui a rendu la décision entreprise. Il transmet immédiatement une
expédition de cet acte au greffier de la Cour de cassation en y joignant le dossier judiciaire de
l’affaire.

Le pourvoi en cassation formé par déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu le


jugement doit, sous peine d’irrecevabilité, être confirmé dans les trois mois par une requête
faite en la forme de l'introduction et de la mise en état de la cause1552. Les moyens repris à la
requête formant pourvoi en cassation indiquent les dispositions des traités internationaux
dûment ratifiés et des lois dont la violation est invoquée1553.

III. Mise en état de la cause

Dès la réception de la requête, le greffier de la Cour réclame au greffier de la juridiction


qui a rendu la décision le dossier judiciaire et l’expédition de la décision entreprise, si ces
pièces ne lui ont pas été remises avec la déclaration de pourvoi. Dès la réception de
l’expédition de l’acte du pourvoi formé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision
entreprise, le greffier de la Cour en avise le Procureur général près la Cour de cassation. A la
réception de la requête formant le pourvoi, le greffier en fait la notification à toutes les parties
ainsi qu’au Procureur général près la Cour de cassation1554.

1551
Article 47 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1552
Article 49 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1553
Articles 1 à 3 et 50 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1554
Articles 51 à 52 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
595

A dater de la signification de la requête, les parties disposent de trente jours pour déposer
un mémoire. Après un délai de vingt jours à compter du jour où a été faite la dernière
notification des mémoires en réponse, la cause est réputée en état d’être jugée. Le greffier
transmet le dossier au Procureur général près la Cour de cassation, celui-ci rédige ses
réquisitions et dépose ensuite le dossier au greffe aux fins de poursuite de la procédure1555.

Dès que le réquisitoire ou le rapport du Procureur général est déposé, le greffier transmet
le dossier au Premier président de la Cour de cassation aux fins de désignation d’un conseiller
rapporteur. Celui-ci rédige un rapport sur les faits de la cause, sur la procédure en cassation,
sur les moyens invoqués et propose la solution qui lui parait devoir être réservée à la cause. Il
transmet ensuite le dossier dans les trente jours de sa désignation au Premier président de la
Cour de cassation qui le soumet pour avis à l’assemblée plénière des magistrats de la Cour de
cassation. Lorsque l’avis de l’assemblée plénière est donné, le Premier président de la Cour de
cassation fixe la date à laquelle la cause sera appelée à l’audience1556.

IV. Audience de la Cour de cassation

1. Débats à l'audience

Les débats se déroulent comme suit :


1. à l’appel de la cause, un conseiller résume les faits et les moyens et expose l’état de la
procédure ;
2. les avocats des parties peuvent présenter des observations orales ;
3. il ne peut être produit à l’audience d’autres moyens que ceux développés dans la
requête ou les mémoires ;
4. chaque partie n’a la parole qu’une fois, sauf s’il y a lieu de conclure sur un incident ;
5. le Ministère public fait ses réquisitions ou donne son avis ;
6. le président de l’audience prononce la clôture des débats et la cause est prise en
délibéré ;
7. le président de l’audience fixe la date du prononcé.

Le greffier du siège dresse le procès-verbal de l’audience. La Cour se prononce sur les


moyens présentés par les parties et par le ministère public. Aucun moyen autre que ceux
repris aux requêtes et mémoires déposés dans les délais prescrits ne peut être reçu. Toutefois,
la Cour peut soulever tout moyen d’ordre public. En ce cas, elle invite les parties à conclure
sur ce moyen1557.

2. Examen des incidents

Avant la clôture des débats, la Cour invite les parties à conclure sur un incident ou sur les
moyens d’ordre public soulevés d’office. De même, après la clôture des débats, la Cour

1555
Articles 53 à 54 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1556
Article 10 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1557
Articles 15 et 16 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
596

ordonne leur réouverture pour permettre aux parties de conclure sur un incident ou sur les
moyens d’ordre public soulevés d’office1558.

3. Prononcé et signification de l'arrêt

Dès que tous les incidents ont été abordés et clôturés, la Cour va prononcer son arrêt. Les
minutes des arrêts sont signées par tous les magistrats qui ont siégé dans la cause ainsi que par
le greffier audiencier. Les arrêts sont littéralement transcrits par les soins du greffier dans le
registre des arrêts. Chaque transcription est signée par les magistrats qui ont siégé en la cause
ainsi que par le greffier. Les arrêts de la Cour de cassation sont signifiés aux parties et au
Procureur général par les soins du greffier. Ils sont publiés dans le Bulletin des arrêts selon les
modalités arrêtées par le Règlement intérieur de la Cour1559.

§ 8. Effets

En matière pénale, le pourvoi en cassation produit un effet suspensif (I) et un effet


dévolutif (II).

I. Effet suspensif

En matière pénale, le délai et l’exercice du pourvoi sont suspensifs de l’exécution de la


décision à l’égard de toutes les parties1560. Le pourvoi en cassation a d'effet suspensif en
matière pénale car les décisions peuvent conduire à un emprisonnement1561. Cet effet
suspensif se prolonge jusqu'à la prononciation de l'arrêt de la Cour de cassation. Cela signifie
que l'exécution de jugement ou arrêt ne peut être reprise qu'après qu'il ait été statué sur le
pourvoi en cassation, ou plus exactement après réception de l'arrêt de la Cour de cassation.
Ainsi, au cas où l'arrêt frappé de pourvoi en cassation aurait ordonné des démolitions, elles ne
pourront être entreprises qu'à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif1562. Mais le juge
du fond peut déclarer, par décision motivée, certaines décisions exécutoires par provision
nonobstant tout recours en cassation.

II. Effet dévolutif

La déclaration du pourvoi saisit la Cour de cassation de l'examen de la décision attaquée


sous réserve que l'examen de ce pourvoi diffère de l'appel ou de l'opposition. A la différence
de ce qui peut se produire en cas d'appel ou d'opposition, ce n'est pas tout le procès au point

1558
Articles 17 et 18 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1559
Articles 26 et 28 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1560
Article 47 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1561
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd. Montchrestien, 2012, n° 491, p. 457.
1562
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2382, p. 1223; J.
PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 997, p. 854.
597

de vue de fait et du droit, qui est soumis à la Cour de cassation, mais seulement son examen
au point de vue du droit, c'est-à-dire la légalité1563.

L'effet dévolutif est limité tant par les termes de la déclaration que par la qualité de la partie
qui se pourvoit. De plus, la Cour de cassation est saisie dans les limites du pourvoi1564. La
Cour de cassation ne juge pas les litiges; elle vérifie la légalité des jugements et arrêts rendus
en dernier ressort. Ses pouvoirs sont fixés par les termes et l'étendue de la déclaration de la
qualité de la partie qui se pourvoit. Il s'agit de rechercher quelle a été l'intention du demandeur
et d'examiner si cette intention est conciliable avec les termes du recours1565.

Toutefois, lorsque dans le cadre réduit du pourvoi, apparaissent des irrégularités affectant
l'ordre public (par exemple, la composition ou la compétence de la juridiction), la Cour de
cassation se reconnaît le pouvoir de soulever d'office un moyen qui ne lui avait pas été
proposé: ce sont les moyens d'office1566. A la différence de la matière civile où la Cour de
cassation s'en tient strictement aux moyens de cassation régulièrement invoqués par le
demandeur, la Cour soulève en matière pénale, s'il y a lieu, tout moyen d'office1567. La Cour
de cassation soulève des moyens d'office sur le pourvoi du prévenu concernant l'action
publique et sur le pourvoi du ministère public dirigé contre la décision statuant sur l'action
publique à l'égard tant du prévenu que de la partie civilement responsable. Par contre, la Cour
de cassation n'exerce pas de contrôle d'office sur la décision attaquée en tant qu'elle porte sur
l'action civile1568.

Le demandeur en cassation peut choisir, il n'est pas tenu de diriger son pourvoi contre le
dispositif entier de la décision attaquée, il peut limiter son recours à certains chefs
d'accusation. Le prévenu (condamné) se pourvoit dans son seul intérêt. Il peut ainsi déférer
l'ensemble des dispositions de jugement ou arrêt à la Cour de cassation, ou seulement les
dispositions civiles ou pénales, ou même certaines d'entre elles. Le pourvoi du condamné peut

1563
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 122.09, p.
388; J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 103.12,
p. 538; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 948, p. 961; S. GUINCHARD
et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2383, p. 1224; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 998, p. 854.
1564
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 998, p. 854; B. BOULOC, Procédure
pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 948, p. 961; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure
pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2383, p. 1224; M. L., Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF,
2001, n° 503, p. 812.
1565
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 450, p. 232.
1566
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 998, p. 854; B. BOULOC, Procédure
pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 948, p. 962.
1567
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, pp. 1453-1454; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait
du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 473-492, pp. 243-253.
1568
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1454.
598

néanmoins aussi avoir des répercussions sur la situation du civilement responsable, puisque la
condamnation du premier constitue le fondement de la condamnation du second. Le pourvoi
du ministère public est limité à la décision sur l'action publique et ne permet pas à la Cour de
cassation de casser un arrêt pour violation d'une disposition légale ne concernant que l'action
civile sauf en cas du de pourvoi du Procureur général près la Cour de cassation dans l'intérêt
de la loi. La partie civile n'intervient que sur l'action civile et ne remet jamais en cause l'action
publique1569.

Il convient d'être attentif au fait que lorsqu'une demande en cassation a été rejetée, la partie
qui l'avait formée ne pourra plus se pourvoir en cassation contre le même arrêt ou jugement
sous quelque prétexte et par quelque moyen que ce soit. C'est l'adage "pourvoi sur pourvoi ne
vaut" qui est une règle d'ordre public1570. Mais cet adage ne s'applique pas lorsque la loi sur
laquelle s'était fondé la Cour de cassation lors de la décision du premier pourvoi a été annulée
par la Cour constitutionnelle au motif qu'elle est soit inconstitutionnelle, soit viole les droits
fondamentaux de l'homme.

§ 9. Décisions possibles de la Cour de cassation

I. Généralités

En principe, sauf certaines exceptions prévues par la loi (affaire qui a déjà fait l'objet d'un
premier pourvoi ou qui a fait l'objet d'un pourvoi formé par le Procureur général près la Cour
de cassation sur injonction du ministre de la Justice), la Cour de cassation ne connaît pas du
fond des affaires.
-Si un pourvoi introduit pour tout autre motif que l’incompétence est rejeté, le demandeur ne
peut plus se pourvoir en cassation dans la même cause sous quelque prétexte et pour quelque
motif que ce soit;
- Si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour renvoie la cause pour examen au
fond à la même juridiction autrement composée ou à une juridiction de même rang et de
même ordre qu’elle désigne;
- Dans le cas où la décision entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à
la juridiction compétente qu’elle désigne;
- La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence. Elle est tenue de se conformer à la
décision de la Cour sur le point de droit jugé par elle;
- Lorsque la cause lui est renvoyée par les chambres réunies, dans une affaire qui a déjà fait
l’objet d’un premier pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un pourvoi formé par le

1569
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1454.
1570
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1070; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du
droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant,
2006, n° 75, pp. 53-56.
599

Procureur général près la Cour cassation sur injonction du ministre de la Justice, la Cour
statue sur le fond1571.

II. Arrêt de non-lieu à statuer ou constatant le désistement ou le défaut d'objet

Un arrêt de non-lieu à statuer interviendra, par exemple, lorsque le condamné-demandeur en


cassation décède en cours d'instance (mais la Cour de cassation examinera les dispositions
civiles de la décision si elle en est saisie) s'il est amnistié, puisque ces deux événements sont
des causes d'extinction de l'action publique. Il en sera de même lorsque le pourvoi est dirigé
contre une décision fondée sur une disposition légale annulée par la Cour constitutionnelle.

La Cour de cassation peut rendre un arrêt constatant soit le désistement (possible pour toutes
les parties sauf pour le ministère public), soit l'absence d'objet (amnistie, décès du prévenu,
etc.). Mais ces cas sont rares. Il convient de préciser que le ministère public chargé par la loi
d'exercer l'action publique n'a pas le droit de se désister du pourvoi qu'il a formé1572.

III. Arrêt avant dire droit

La Cour de cassation peut rendre un arrêt avant dire droit. Ainsi en est-il lorsque la Cour de
cassation est amenée à poser une question à la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité
d'une loi, d'un texte réglementaire pouvant être appliquée devant elle. Dans ce cas, la Cour de
cassation sursoit à statuer et saisit la Cour constitutionnelle par un jugement avant dire droit
toutes affaires cessantes1573.

IV. Arrêt d'irrecevabilité

La Cour de cassation rendra l'arrêt d'irrecevabilité lorsqu'elle estime que les conditions de
recevabilité du pourvoi en cassation ne sont pas réunies, par exemple pour défaut de qualité à
agir ou d'intérêt. De manière concrète, la Cour de cassation rend un arrêt de rejet si le pourvoi
est irrecevable; dans ce cas, il n'appartient pas à la Cour de cassation de statuer sur une
éventuelle demande du défendeur tendant à obtenir des dommages et intérêts pour procédure
téméraire et vexatoire.

V. Arrêt de rejet

La Cour de cassation rendra un arrêt de rejet si les moyens invoqués à l'appui du pourvoi ne
sont pas fondés parce qu'il n'y a pas eu violation de la loi ou de la coutume. La décision
attaquée devient irrévocable; elle acquiert définitivement de l'autorité de la chose jugée et le

1571
Article 37 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1572
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5ème éd. Litec, 2009, n° 2385, p. 1226.
1573
Article 52 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
600

demandeur au pourvoi ne peut plus se pourvoir en cassation contre le même jugement ou


arrêt, sous quelque prétexte et par quelque moyen que ce soit.

VI. Arrêt de cassation

Si le pourvoi de cassation est fondé en droit, la Cour rend un arrêt de cassation, par lequel
elle annule la décision prononcée en violation de la loi ou de la coutume. Cette annulation
peut intervenir d'office lorsqu'il s'agit d'une nullité d'ordre public. La cassation peut être totale
ou partielle.

La cassation peut être totale (ce qui est plus fréquent) lorsque le prévenu condamné forme
le un pourvoi général ou si un vice de forme affecte l'arrêt ou le jugement tout entier (dans son
ensemble) ou la procédure dont il est directement issu ou encore s'il contient une violation de
la loi prévoyant un des éléments de la pénalité. Par exemple, si l'amende ou l'emprisonnement
appliqué est illégal ou excède le maximum fixé par la disposition pénale retenue.

La cassation peut être partielle, lorsque le vice-pour lequel elle est prononcée n'entache
qu'une partie de la décision ou de la procédure qui a précédé la décision, ou lorsque le
demandeur a limité son pourvoi à un ou certains points seulement de la décision1574. Ainsi, le
pourvoi formé par la partie civile entraîne l'annulation des seules dispositions civiles de la
décision.

La cassation qu'elle soit totale ou partielle, elle est dans la plupart des cas, une cassation
avec renvoi. La cassation est avec renvoi si après cassation il reste quelque litige à juger, la
Cour de cassation renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement
composée ou à une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne1575.

La cassation peut être prononcée sans renvoi dans le cas où le fait qui a donné lieu à
condamnation ne constitue pas une infraction, lorsqu'il existe une cause d'extinction de
l'action publique telle que l'amnistie, la chose jugée, la prescription, lorsque le poursuite n'a
pas été valablement introduite. De façon pratique, il y aura cassation sans renvoi chaque fois
que la Cour, en cassant un jugement ou arrêt, constate qu'au terme de sa propre décision, il ne
reste plus rien à juger par éventuel juge de renvoi1576. Tel est le cas lorsque la Cour de
cassation casse un jugement pour lequel les juges ont, en plus d'une peine principale,
prononcé irrégulièrement une peine complémentaire non prévue. Il suffi de supprimer ce qui

1574
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 952, p. 969.
1575
Article 37 alinéa 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1576
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1471; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas,
2011, n° 1006, p. 858.
601

n'aurait pas dû être prononcé1577. En cas de cassation totale sans renvoi, la décision annulée
disparaît alors dans son intégralité.

La cassation sans renvoi est partielle lorsque l'annulation ne porte que sur un des chefs de la
décision entreprise qui n'affecte qu'une partie du dispositif de celle-ci et peut être détachée
sans que la décision même se trouve compromise. Tel sera le cas lorsque l'arrêt a prononcé
l'arrestation immédiate à l'audience en dehors des conditions légales. La cassation partielle
s'opère par la voie de suppression d'une partie du dispositif de la décision attaquée.

§ 10. Pouvoirs de la juridiction de renvoi

Nous avons montré que si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour de
cassation renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou
à une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne1578. Dans ce cas, les parties
se trouvent, devant la juridiction de renvoi dans le même état que celui dans lequel elles se
trouvaient devant la juridiction (d'appel ou la juridiction ayant rendu la décision en dernier
ressort) avant la décision annulée, la juridiction de renvoi n'étant pas lié par ce qui avait été
décidé par la décision cassée. Le juge de renvoi désigné par la Cour de cassation est de ce fait,
compétent. Le renvoi saisit la juridiction de la cause sans qu'une autre formalité ne soit
nécessaire (sauf pour avertir les parties de la cause de la comparution).

Les pouvoirs de la juridiction de renvoi sont limités aux dispositions qui ont fait l'objet de
la cassation. En cas d'annulation partielle, la juridiction de renvoi n'a compétence que sur la
partie du litige dont le jugement lui est déféré par la Cour. Les chefs non cassés de la
juridiction frappée de pourvoi subsistent avec l'autorité de la chose jugée. Par contre, la
cassation, sans réserve, d'une décision a pour effet de remettre les parties dans la situation où
elles se trouvaient devant le juge dont la décision a été cassée, sans que le demandeur, qui a
obtenu par la cassation tout l'effet que ce recours pouvait produire, conserve le bénéfice de
certaines dispositions ayant conduit le juge à rendre la décision cassée.

§ 11. Pourvoi contre la décision de la juridiction de renvoi

La décision de la juridiction de renvoi est elle-même susceptible de cassation dans les


conditions ordinaires. Lorsque après une première cassation, le second arrêt ou jugement sur
le fond sera attaqué par un moyen dont la portée est la même que celui qui a fondé la première
cassation, il donnera lieu à un arrêt de la Cour de cassation, prononcé cette fois-ci par les
chambres réunies. Ainsi, lorsque la cause lui est renvoyée par les chambres réunies, dans une
affaire qui a déjà fait l’objet d’un premier pourvoi, ou dans une affaire qui a fait l’objet d’un

1577
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 1006, p. 858.
1578
Article 37 alinéa 3 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
602

pourvoi formé par le Procureur général près la Cour cassation sur injonction du ministre de la
Justice, la Cour statue sur le fond1579.

§ 12. L'interdiction d'un nouveau pourvoi pour la même partie

La partie dont le pourvoi a été rejeté ne peut plus se pourvoir contre la même décision sous
prétexte que ce soit et par quelque moyen que ce soit. Cette partie ne peut présenter un
nouveau pourvoi contre le même jugement. C'est la conséquence de l'adage "pourvoi sur
pourvoi ne vaut".

§ 13. La rétractation et l'interprétation d'un arrêt prononcé par la Cour de cassation

La Cour de cassation peut rétracter un de ses arrêts lorsqu'elle constate que l'arrêt repose sur
une erreur matérielle qui n'est pas imputable au demandeur. La Cour peut également
interpréter son arrêt qui semble ambigu. Ainsi, à la requête des parties ou du Procureur
général près la Cour de cassation, la Cour peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou
en donner interprétation, les parties entendues1580. Pour l'erreur matérielle, il s'agit de la
requête en rectification, et pour interpréter un arrêt qui semble ambigu, il s'agi de la requête
d'interprétation.

Concernant la requête en rectification, elle peut se justifier lorsque la Cour de cassation a


prononcé un arrêt qui contient des erreurs matérielles dans une de ces décisions, dans ce cas,
les parties ou le Procureur général près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas, saisir la même
Cour qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont glissées. La Cour peut
ainsi rectifier une erreur matérielle qui s'est glissée dans un arrêt ou dans le préambule d'un
arrêt quant à la date de la décision attaquée et annulée ou qui s'est glissée dans l'arrêt et dans
la feuille d'audience quant à la date de l'arrêt ou dans d'autres énonciations de l'arrêt. La Cour
peut rectifier aussi le dispositif d'un arrêt précédent quant à la date de la constitution de la
partie civile, et en matière civile, le lieu ou la date de mariage des parties.

A l'occasion d'un arrêt rectificatif, la Cour ne peut étendre, restreindre ni modifier les droits
que son arrêt a consacrés. De même, la Cour ne peut rétracter ses arrêts que lorsque la requête
en rétractation est fondée sur une erreur matérielle manifeste dans l'arrêt mais pas sur une
interprétation prétendument erronée du moyen de défense1581. Lorsque la Cour de cassation

1579
Article 37 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1580
Article 29 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1581
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1474.
603

rectifie l'erreur matérielle qui s'est glissée, elle ordonne que mention de l'arrêt rectifié et, s'il
s'agit d'un arrêt de cassation, en marge de la décision annulée1582.

Concernant la requête en interprétation, elle peut se justifier lorsque la Cour de cassation a


prononcé un arrêt qui est obscur ou ambigu; dans ce cas, les parties ou le Procureur général
près cette Cour, peuvent (peut) selon le cas, saisir la même Cour de cassation qui a rendu la
décision afin d'interpréter et de clarifier les termes qui étaient obscurs et ambigus sans
toutefois étendre ou modifier les droits qu'il a consacrés; ce pouvoir d'interprétation
n'appartient pas au juge de renvoi.

§ 14. Le pourvoi en cassation et le principe d’impartialité du juge

La question qui se pose ici est celle de savoir si le juge peut connaître des mêmes faits
concernant les mêmes parties après cassation dès lors qu’il avait déjà siégé dans la formation
de jugement dont l’arrêt a été cassé sans empiéter le principe d’impartialité du juge. On peut
s’interroger sur l’impartialité desdits magistrats dès lorsqu’ils avaient déjà un « préjugement »
au moment où ils avaient participé à l’arrêt de la Cour faisant l’objet du pourvoi en cassation.
En participant dans l’affaire sur renvoi après cassation, les magistrats concernés chercheraient
à confirmer leur conviction préalable, violant ainsi leur impartialité. La doctrine moderne1583
et les enseignements du droit comparé tant belge1584 que français1585 se sont prononcés dans
ce sens.

Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au même juge une
cause sur laquelle il s’était déjà prononcé car il y aurait dans son chef un préjugement qui
enlèverait son impartialité. Cette position est applicable en matière pénale1586, civile,
administrative1587 et disciplinaire1588. De même, au nom du principe d’impartialité, le juge qui
avait déjà connu de la même affaire concernant les mêmes parties soit en première instance
soit en appel, ne devrait pas faire partie de la composition du siège (s’il devenait plus tard
membre de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat) appelée à se prononcer sur le pourvoi

1582
R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait du répertoire pratique du droit belge. Complément,
tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 1238-1242, pp.
676-677.
1583
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, éd. Dalloz, 2012-2013, n°153.40, p. 508 ; J.
BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, éd. Dalloz, 2003-2004, n°131.61, p. 632 ; T.
KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et de
l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-
la-Neuve, juin 2005, pp. 482-483.
1584
Article 1110 du Code judiciaire belge.
1585
Articles L 131-4 du Code de l’organisation judiciaire ; article 626 du Nouveau Code de procédure civile ;
Cour de cassation française (2ème civile),14 octobre 1987, Recueil Dalloz, 1987, IR, p. 207 ; Bull. Crim. II,
n° 194.
1586
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, pp. 404-410.
1587
Ibidem, pp. 492-493.
1588
Ibidem, pp. 522-525.
604

en cassation. Cela se justifie par le fait que le juge ne peut pas apprécier lui-même son propre
jugement en instance de cassation. En définitive, il risque d’être juge et partie.

§ 15. Voies de recours

La juridiction compétente en matière du pourvoi en cassation étant la Cour de cassation,


les arrêts de cette Cour ne sont susceptibles d’aucun recours1589 (c'est-à-dire pas d'opposition,
appel, tierce opposition, requête civile, révision, pourvoi en cassation). Mais les magistrats de
la Cour de cassation faisant partie de la composition du siège peuvent faire l'objet de la prise à
partie. Concernant la prise à partie, elle peut être possible lorsqu'au cours du procès à la Cour
de cassation, les magistrats membres de la composition qui siègent dans cette Cour (y compris
le ministère public) sont auteurs du dol, concussion et déni de justice. La procédure sera
portée devant la Cour de cassation.

1589
Article 29 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
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CINQUIEME PARTIE : PROCEDURES SPECIALES

CHAPITRE I :
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INCIDENTS OU
CONFLITS DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS

Cette procédure analysera les notions préliminaires de compétence judiciaire (section 1),
l'incompétence de la juridiction saisie (section 2), la prorogation de compétence (section 3), la
litispendance (section 4), la connexité (section 5), l'indivisibilité (section 6), le conflit de
juridictions ou règlement des juges (section 7), le conflit d'attribution (section 8), les
dispositions sur les conflits des compétences en matière pénale (section 9) et la compétence
des juridictions pénales sur l'action civile (section 10).

SECTION 1: NOTIONS PRELIMINAIRES DE COMPETENCE JUDICIAIRE

Dans le tome premier de l'ouvrage droit judiciaire congolais, organisation et compétence


judiciaires, nous avons expliqué suffisamment la compétence judiciaire, ses trois critères
(matériel, territorial et personnel), nous n'y reviendrons pas. Nous rappelons que les règles de
compétence matérielle (en toutes matières: civile, commerciale, sociale et de la famille,
pénale et administrative) sont d'ordre public. Du caractère d'ordre public de règles de
compétence matérielle, il résulte que:
- le juge doit vérifier d'office s'il est compétent;
- la violation d'une règle de compétence matérielle peut être soulevée à tout moment et
attaquée s'il échet (avant les questions de fond) devant la juridiction directement supérieure
voire devant la Cour de cassation;
- l'examen de compétence matérielle précède celui de la régularité de la procédure c'est-à-dire
que le tribunal appelé à juger une affaire doit d'abord vérifier s'il est compétent matériellement
avant de vérifier la procédure de saisine et ledit tribunal ne peut pas dire dans un jugement
avant droit de joindre l'exception au fond (ce qui est malheureusement fréquent dans la
pratique judiciaire en RDC). Le juge doit donc, au vu de l'acte qui le saisit (citation,
assignation, comparution volontaire, décision de renvoi ou acte formant recours), vérifier sa
compétence matérielle et territoriale avant l'examen au fond. Si l'instruction des éléments de
la cause à l'audience par exemple révèle que les faits excèdent la compétence du juge saisi,
celui-ci doit se déclarer incompétent.

La compétence d'une juridiction s'apprécie en règle en matière civile au moment de


l'introduction de la demande (au moment où une affaire est portée devant la juridiction) et la
juridiction doit s'en tenir aux seuls faits dont elle est saisie, en matière pénale, au moment où
l'infraction est commise.
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En matière pénale, toutes les règles de compétence (matérielles ou territoriales ou


personnelles) sont d'ordre public car elles ont trait à l'équilibre même des juridictions
répressives et concernent l'intérêt général. Les conséquences de ce caractère d'ordre public
sont les suivantes:
a) Les parties, même de commun accord, ne peuvent y déroger1590.
b) Un manquement à cette règle doit être soulevée:

- d'office par toute qui a obligation de vérifier sa compétence, à tout moment et à toute
hauteur de la procédure, c'est-à-dire non seulement in lime litis mais encore pendant les
débats, voire pendant le délibéré, en première instance, en appel, comme devant la Cour de
cassation;
- par chacune des parties, publique et privées, dans les mêmes conditions.

c) La violation des règles qui régissent la compétence est sanctionnée de la nullité de l'acte
qu'elle affecte, sans que soit exigée la condition d'un grief, la seule constatation de cette
violation entraînant ipso facto une annulation automatique fondée sur le caractère d'ordre
public de la norme violée.

Le juge pénal de jugement, doit toujours vérifier sa compétence territoriale, d'ordre public,
lorsqu'il est saisi d'une ou plusieurs infractions pénales, à quelque hauteur de la procédure
qu'il intervienne, examen que la sanction de l'incompétence impose.

Concernant la sanction, toute erreur qui aurait pour effet de saisir une juridiction
incompétente ne pourrait qu'aboutir à la nullité pour excès de pouvoir de tous lacets et de
toutes les décisions de cette juridiction, que cette erreur porte sur la nature de la juridiction
saisie par rapport à l'infraction poursuivie (compétence matérielle) ou la personne poursuivie
(compétence personnelle) ou à la personne impliquée (compétence personnelle) ou bien
qu'elle porte sur l'appréciation du ressort de la juridiction choisie et du lien qu'elle présente
avec le dossier de la procédure (compétence territoriale).

SECTION 2: L'INCOMPETENCE DE LA JURIDICTION SAISIE

Elle est généralement invoquée au moyen d'une exception que l'on appelle l'exception
d'incompétence, parce que ce moyen tend à faire ajourner la discussion sur le fond en raison
de l'incompétence du juge, ou encore, un déclinatoire de compétence, parce que son objet
immédiat est de décliner la compétence du tribunal saisi1591. Le déclinatoire de compétence ou

1590
M. -A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, 7
ème éd. La Charte, 2014, p. 1078; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 517,
p. 496; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 70, p.78; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n°1125, p. 666.
1591
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°625, p.675.
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l'exception d'incompétence est l'acte par lequel une partie dénie la compétence d'un
tribunal1592.

L'exception d'incompétence peut être soulevée par les parties à l'instance (tout au moins le
défendeur), d'office par la juridiction saisie de la demande et sous certaines réserves par le
ministère public, surtout lorsque exception est d'ordre public (compétence matérielle en toutes
matières et toutes circonstances en matière pénale). Lorsque l'exception de compétence résulte
d'une règle d'ordre public, comme la compétence matérielle (en matière pénale ou en matière
civile, commerciale, sociale et de la famille) ou la compétence territoriale en matière pénale;
elle peut être soulevée à tout moment de la procédure, même pour la première fois en appel
voire même en cassation.

En matière de droit privé (civile, commerciale, sociale et de la famille), celui qui voudrait
soulever l'incompétence territoriale de la juridiction saisie doit le faire dès le début du procès,
in limine litis (dès le commencement du procès) car l'on veut éviter les manœuvres dilatoires
qui consisteraient à attendre que l'instruction du litige soit avancée pour invoquer ensuite
l'incompétence et gagner du temps. C'est pour cette raison que le déclinatoire de compétence,
au même titre que les autres exceptions, doit être présenté avant toute défense au fond.

La juridiction saisie doit se prononcer de façon expresse par un jugement sur le moyen
d'incompétence. Si le tribunal estime qu'il est compétent, il peut dans un jugement statuant sur
la compétence (différent du jugement au fond), se déclarer compétent et pourra plus tard
statuer au fond dans un autre jugement après avoir épuisé tous les éléments de fait et de droit
liés au fond. Si le tribunal estime qu'il est incompétent, il ne peut se prononcer que sur cette
compétence. Et si l'une des parties relève appel contre cette décision et que le juge d'appel
confirme la décision du premier juge, la partie concernée doit introduire son action devant le
juge compétent. Aussitôt que le jugement d'incompétence est prononcé, la décision ainsi
rendue a pour effet d'entrainer le dessaisissement du tribunal concerné.

Nous pensons qu'il est de bonne administration de la justice de prévoir dans une loi que
lorsque l'exception d'incompétence est soulevée qu'on y réponde dans un jugement sur ce
point et interdire la jonction de cette exception au fond. Cette manière a l'avantage de faire
gagner du temps de procédure. Malheureusement dans la pratique, beaucoup de juges ont la
fâcheuse habitude de joindre l'exception d'incompétence au fond et cela a comme
conséquence de retarder l'issue du jugement sur la compétence. Et lorsque le tribunal arrive à
la conclusion qu'il est incompétent, le justiciable est obligé de reprendre toute la procédure
devant autre juridiction avec le risque que le jugement sur le fond ne soit rendu dans un délai
raisonnable. Ce qui pourrait constituer la violation du droit à un procès équitable.

1592
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p. 759.
608

SECTION 3: LA PROROGATION DE COMPETENCE

§ 1. Notions

La Prorogation de compétence peut s'appeler aussi l'extension de compétence ou encore les


dérogations aux règles de compétence. Proroger la compétence d'une juridiction, c'est lui
donner le pouvoir de juger une affaire ou un litige dont, par application des règles ordinaires
de sa compétence, elle (il) n'aurait pas dût connaître. La prorogation de compétence s'analyse
donc en une dérogation aux règles normales de la compétence; elle a pour but d'assouplir ces
règles en vue, soit de contribuer, dans l'intérêt général, à une meilleure administration de la
justice, soit de donner satisfaction à l'intérêt particulier ou aux commodités de plaideurs qui
désirent porter leur litige devant une juridiction autre que celle qu'indique la loi de
compétence1593.

Définie comme une extension de compétence d'une juridiction, la prorogation de


compétence, territoriale ou matérielle, ne peut, en procédure pénale, qu'être légalement
prévue, toute prorogation conventionnelle étant exclue à raison de l'ordre public qui s'attache
à la compétence1594. C'est dire que, dans une telle hypothèse, une juridiction déjà saisie de
certains dossiers voit sa compétence étendue à d'autres dossiers de procédure dont elle n'aurait
normalement pas pu connaître en raison de son incompétence territoriale, afin qu'une même
juridiction puisse connaître de tous les faits qui présentent entre eux un lien étroit, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En clair, la prorogation de compétence opère de manière profonde en ce qu'elle permet à


un juge de pouvoir connaître d'une demande qui, parfois même en vertu de règles d'ordre
public, n'aurait pas pu lui être soumise à titre principal1595. C'est donc le fait qu'une
juridiction, a priori incompétente, matériellement ou territorialement, va pouvoir connaître
régulièrement d'un litige ou d'une partie de litige qui, normalement, échappait à sa
compétence1596. Ainsi compte tenu des besoins pressants de simplicité, d'opportunité et de la
saine administration de la justice, la rigidité des règles de compétence peut être amenée à
subir des assouplissements adaptés à ces nécessités.

En matière pénale, la compétence d'une juridiction est prorogée, lorsqu'il existe entre des
infractions ressortissant à des juridictions différentes un lien si étroit qu'il est de l'intérêt d'une
bonne justice que toutes ces infractions soient jugées par un même juge. D'une part, toutes les
preuves et tous les éléments de décision seront réunis dans un seul dossier et d'autre part, les
contradictions et les divergences de jugements, toujours à redouter entre plusieurs tribunaux,

1593
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 532, p.
582.
1594
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa, Bruxelles, éd. Université Lovanium, Maison Ferd. Larcier S.A, 1965, n° 87, p. 112.
1595
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 80, p.
55.
1596
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 14.5, p.271.
609

seront par là même évitées1597. De même, cette méthode a l'avantage de permettre de mieux
juger par une connaissance plus approfondie de la situation de fait qui passe par le lien des
différentes infractions. Enfin, la prorogation de compétence s'opère en faveur de la juridiction
présumée être de plus grande qualité: juridiction de droit commun plutôt que juridiction
spécialisée1598ou juridiction d'exception; juridiction de degré plus élevé si elles se situent dans
le même ordre; juridiction la mieux placée en fait si elles sont de même nature et de même
niveau1599.

§ 2. Sortes de prorogation de compétence

En considérant sa source même, on a pu soutenir qu'il existe trois sortes de prorogation de


compétence: la prorogation légale (I), la prorogation judiciaire (II) et la prorogation volontaire
ou conventionnelle (III).

I. La prorogation légale de compétence

C'est celle qui en vertu de laquelle c'est de la loi elle-même qu'une juridiction reçoit
compétence pour connaître d'une demande ou d'une question dont, en vertu des règles
ordinaires de la compétence, elle n'aurait pas dût connaître. En d'autres termes, c'est
l'extension par l'effet de la loi du pouvoir d'une juridiction au delà des limites normales de ce
pouvoir.

La notion de compétence légale doit être entendue dans un sens et avec une portée très
relatifs: elle sert seulement à caractériser les dérogations et extensions que le législateur a
estimé nécessaire ou utile d'édicter par rapport aux règles ordinaires et normales de
compétence; c'est par contraste avec ces règles, qui constituent en quelque sorte les règles de
principe, qu'a été élaborée et que se définit la notion de prorogation légale.

La dérogation aux règles ordinaires de la compétence que réalise la prorogation de légale


de compétence a pour résultat, en effet, d'opérer, eu égard à plusieurs demandes ou infractions
qui auraient dû normalement être jugées par des juridictions différentes, une concentration des
pouvoirs juridictionnels au sein d'une seule et même juridiction: ce qui permet tout à la fois
d'améliorer l'administration de la justice, de réaliser une économie de temps et de frais
judiciaires, et surtout d'échapper au risque de décisions inconciliables ou contradictoires. La
prorogation légale existe en matière pénale et civile.

1. La prorogation légale de compétence en raison de la connexité ou de litispendance

La connexité est le fondement de prorogation légale de compétence car lorsque deux


affaires sont connexes, étant jointes, elles seront jugées en même temps par une seule
juridiction dont, à l'égard de l'une d'elles, la compétence s'est ainsi trouvée prorogée. C'est
aussi le cas de la litispendance et l'indivisibilité (nous y reviendrons).

1597
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n°570, p. 540.
1598
Mais la règle ne joue naturellement pas pour les infractions commises par un mineur.
1599
M. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris , éd. PUF, 2001, n°107, 110, pp. 170 et 172.
610

A cet égard, par l'effet de connexité, litispendance et indivisibilité, une juridiction peut
connaître différentes affaires auxquelles elle n'aurait pas dût connaître. Ainsi, l'article 102 de
la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que lorsque deux tribunaux
compétents se trouvent saisis des mêmes faits, le tribunal de rang le moins élevé décline sa
compétence. Par ce déclinatoire de compétence de la juridiction la moins élevée, sa
compétence est prorogée à la juridiction élevée qui connaîtra désormais l'affaire. Dans ce cas,
il y a prorogation légale de compétence étant donné que c'est la loi elle-même qui a réglé cette
éventualité.

En sus, l'article 104 alinéa 2 de la même loi organique prévoit que lorsque plusieurs
personnes sont poursuivies conjointement comme coauteurs ou complices d’infractions
connexes, le tribunal compétent au point de vue territorial pour juger l’une d’elles est
compétent pour juger toutes les autres. La disjonction des poursuites au cours des débats
laisse subsister la prorogation de compétence. Ainsi, un habitant de Kinshasa/Gombe et un
autre de Kinshasa/Maluku qui commettent conjointement l'infraction de viol connexe au
meurtre, ils seront jugés par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe ou de
Kinshasa/Maluku. Si le prévenu habitant Kinshasa/Maluku a pris fuite et qu'il y a eu
disjonction de poursuites à son égard, l'affaire étant instruite au tribunal de grande instance de
Kinshasa/Gombe, en cas de son d'arrestation, il sera toujours jugé par le tribunal de grande
instance de Kinshasa/Gombe car cette disjonction des poursuites au cours des débats laisse
subsister la prorogation de compétence.

2. La prorogation légale de compétence en raison de compétence territoriale

En procédure pénale, cette prorogation signifie que une juridiction déjà saisie de certains
dossiers voit sa compétence étendue à d'autres dossiers de procédure dont elle n'aurait
normalement pas pu connaître en raison se son incompétence territoriale, afin qu'une même
juridiction puisse connaître de tous les faits qui présentent entre eux un lien étroit, dans
l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Ainsi, l'article 91 in fine de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que lorsque le magistrat inculpé est un membre d’une
Cour d'appel ou d’un Parquet général près cette Cour, les infractions sont poursuivies devant
la Cour dont le siège est le plus proche de celui de la Cour au sein de la quelle ou près de
laquelle il exerce ses fonctions. Bien que territorialement incompétente, la Cour d'appel la
plus proche devra statuer sur l'affaire par l'effet de prorogation légale, autrement dit, c'est la
loi elle-même qui a prévu cette prorogation de compétence.

Lorsque plusieurs prévenus sont poursuivis conjointement et que, suivant les critères de la
compétence territoriale, ils devraient être traduits devant les juridictions différentes de même
nature et même rang, le tribunal compétent pour juger l’un d’eux est compétent pour juger les
autres. C’est la règle de prorogation de compétence. Lorsque deux ou plusieurs tribunaux de
611

même rang, compétents territorialement, se trouvent saisis des mêmes faits, le tribunal saisi le
premier est préféré aux autres1600.

En matière civile, l'article 130 de la loi organique susvisée dit que le juge du domicile ou
de la résidence du défendeur est seul compétent pour connaître de la cause, sauf les
exceptions établies par des dispositions spéciales. S’il y a plusieurs défendeurs, la cause est
portée au choix du demandeur, devant le juge du domicile ou de la résidence de l’un d’eux. La
prorogation légale de compétence s'explique par le fait que le choix du demandeur va
entrainer tous les autres défendeurs à suivre l'unique juridiction saisie qui sera désormais
compétente territorialement.

L'article 136 alinéa 3 de la même loi organique précitée dit que si l’immeuble est situé
dans différents ressorts, la compétence est fixée par la partie de l’immeuble dont la superficie
est la plus étendue. Néanmoins, le demandeur peut assigner devant le juge dans le ressort
duquel est située une partie quelconque de l’immeuble, pourvu que, en même temps, le
défendeur y ait sont domicile ou sa résidence1601. Le tribunal territorialement compétent pour
connaître la succession sur les immeubles est celui où ceux-ci se trouvent pour la plupart1602.
La prorogation légale de compétence s'explique par le fait que le choix du demandeur va
entrainer tous les autres défendeurs à suivre l'unique juridiction saisie qui sera désormais
compétente territorialement.

3. La prorogation légale de compétence en raison d'extension de compétence matérielle

L'intérêt d'une bonne administration de la justice a commandé de prévoir des dérogations


aux règles de compétence ordinaire. Ainsi, le législateur a prévu des dérogations de
compétence matérielle, donc une extension de la compétence matérielle des juridictions
répressives pour permettre à la juridiction saisie une extension de sa compétence, soit à une
question autre que pénale pour le juge de jugement, soit à d'autres infractions que celles qui
ressortissent à sa compétence matérielle pour le juge répressif. La prorogation de compétence
matérielle s'opère toujours au profit de la juridiction la plus élevée qui, la compétence étant
publique, peut seule connaître d'infractions relevant d'une juridiction inférieure.

Ainsi, l'article 102 de la loi organique précitée prévoit que lorsque deux tribunaux
compétents se trouvent saisis des mêmes faits, le tribunal de rang le moins élevé décline sa
compétence. De même, l'article 103 de la loi organique susvisée prévoit que si un tribunal
saisi d’une infraction de sa compétence, constate que les faits constituent une infraction dont
la compétence est attribuée à un tribunal inférieur, il statue sur l’action publique et
éventuellement sur l’action civile et des dommages-intérêts à allouer d’office. A titre
illustratif, le tribunal de grande instance est saisi de l'infraction de vol aggravé puni de 10 ans
d'emprisonnement (article 81 du Code pénal congolais livre II) mais l'instruction de la cause à
1600
Article 105 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1601
Article 136 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1602
Tribunal de paix de Kinshasa/Gombe, 15 août 1987, RC 1781, inédit.
612

l'audience révèle qu'il s'agit du vol simple punissable de 5 ans d'emprisonnement, infraction
de la compétence du tribunal de paix, le tribunal de grande instance demeure compétent. La
décision qui interviendra dans ces conditions sera du premier degré. Comme on le voit ici,
c'est la loi elle-même (article 103 de la loi organique) qui a prévu cette prorogation de
compétence, c'est pour quoi, c'est une prorogation légale.

Cependant le juge pénal congolais n'est pas compétent de connaître l'exception soulevée
par les parties au procès, étrangère au droit pénal bien que la solution du procès en dépende.
Ainsi, lorsque le juge pénal se trouve saisi des faits qui nécessitent des éléments de droit
administratif, il ne peut pas se prononcer sur le droit administratif étant donné qu'il n'a pas
cette compétence. Il peut, par application du principe général de droit (le juge saisi d'une
question préjudicielle doit sursoir à statuer en attendant que la question soit tranchée) sursoir
à statuer dans l'attente de la solution donnée par le juge administratif compétent.

De même, le juge pénal congolais n'est pas compétent de connaître l'exception


d'inconstitutionnalité d'une loi ou acte réglementaire ou une procédure d'une affaire, soulevée
par une des parties au procès. Si le juge pénal est confronté devant ce cas, il doit poser une
question préjudicielle à la Cour constitutionnelle. En effet, l'article 162 de la Constitution du
18 février 2006 déclare: "la Cour constitutionnelle est juge de l’exception
d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction. Toute personne peut saisir la
Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire. Elle
peut, en outre, saisir la Cour constitutionnelle, par la procédure de l’exception de
l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction. Celle-
ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour constitutionnelle".

De même, les articles 52 et 53 de la loi organique portant n° 13/026 du 15 octobre 2013


portant organisation, et fonctionnement de la Cour constitutionnelle prévoit que hormis
les traités et accords internationaux, toute personne peut invoquer l’inconstitutionnalité
des actes législatifs ou réglementaires dans une affaire qui la concerne devant une
juridiction. Ce droit est reconnu aussi à la juridiction saisie et au Ministère public. Dans
ce cas, la juridiction sursoit à statuer et saisit la Cour toutes affaires cessantes. La Cour
statue par un arrêt motivé. Celui-ci est signifié à la juridiction concernée et s’impose à
elle. L’acte déclaré non conforme à la Constitution ne peut être appliqué dans le procès en
cours. C'est à l'issue de l'arrêt de la Cour constitutionnelle que la juridiction pénale saisit
peut statuer et se conformera à la position de la dite Cour.

Concernant la matière civile, l'article 141 de la même loi organique prévoit que les
demandes reconventionnelles1603 n’exercent, quant à la compétence, aucune influence sur
l’action originaire. Nonobstant les prescriptions relatives à leurs compétences matérielle et
territoriale, les tribunaux connaissent de toutes les demandes reconventionnelles, quels qu’en
soient la nature et le montant. Nous pensons que le montant total de cette demande ne doit pas

1603
Une demande reconventionnelle est celle formée par le défendeur qui, non content de présenter les moyens
de défense, attaque à son tour et soumet au tribunal un chef de demande.
613

dépasser la compétence matérielle du tribunal saisi de l'action originaire. Par exemple, le


tribunal de paix saisi de l'action originaire, le montant total de la demande reconventionnelle
introduite, ne doit pas avoir la valeur dépassant 5.000 $ qui est le maximum de la compétence
matérielle de cette juridiction. Comme on le voit, sur demande reconventionnelle, le juge
compétent matériellement et territorialement pour connaître de la demande principale, voit sa
compétence prorogée pour cette demande que le défendeur formule en cours d'instance.

Enfin, les articles 142 à 144 de la loi organique susvisée prévoient que les demandes
fondées sur le caractère vexatoire et téméraire d’une action sont portées devant le tribunal
saisi de cette action. Le juge compétent pour statuer sur la demande principale connaît de tous
les incidents et devoirs d’instruction auxquels donne lieu cette demande. Cependant une
juridiction spécialisée, saisie d'une demande principale, ne peut connaître d'une demande
incidente que si celle-ci rentre dans sa compétence matérielle. Lorsqu'une demande incidente
ne relève pas, par sa valeur ou sa nature, de cette juridiction, cette dernière est obligée de s'en
dessaisir et de la renvoyer devant une juridiction compétente1604. Le juge devant lequel la
demande originaire est pendante connaît des demandes en garantie1605.

Bien que l'hypothèse de l'intervention1606 ne soit pas prévue par la loi organique susvisée,
nous pensons que le juge saisi de la demande principale et compétent pour en connaître, verra
sa compétence automatiquement prorogée pour connaître de toute demande en intervention
formée devant lui pourvu qu'elle ne dépasse pas la compétence matérielle de la juridiction
saisie.

4. La prorogation légale de compétence en raison de compétence personnelle

Les coauteurs ou complices des infractions commises par les bénéficiaires du privilège de
juridiction seront jugés devant la même juridiction que ces derniers par l'effet prorogation de
compétence. Ainsi, les complices d'un ministre provincial ou national seront aussi jugés avec
lui par la Cour de cassation1607 même si cette solution a l'inconvénient de les priver du double
degré de juridiction. En d'autres termes, lorsqu’en vertu du privilège de juridiction, l’un des
prévenus est appelé à comparaître devant une juridiction de rang supérieur mais du même
ordre que celle qui est compétente pour connaître des infractions commises par des
coprévenus, c’est la juridiction de rang supérieur qui doit connaître de l’ensemble de la cause.
Ainsi, en cas de conflit entre un tribunal compétent ratione personae et une juridiction
compétente ratione materiae, le tribunal ne serait retenu que s’il avait la compétence

1604
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 167, p. 105.
1605
Article 144 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1606
C'est une demande incidente entraînant la mise à la cause d'un tiers. Ce tiers peut venir volontairement à la
cause (intervention volontaire) ou y être attrait par une partie (intervention forcée).
1607
Article 153 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC,
n°spécial, 4 mai 2013.
614

matérielle pour juger les infractions pour lesquelles le prévenu est poursuivi1608. La
prorogation légale de compétence s'explique par le fait que c'est la loi elle-même qui précise
que les coauteurs et complices des infractions commises par les bénéficiaires du privilège de
juridiction seront jugés par la juridiction compétente à l'égard de ces derniers.

Un autre exemple de prorogation légale de compétence provient de l'article 91 in fine de la


loi organique susvisée qui prévoit que lorsque le magistrat inculpé est un membre d’une Cour
d'appel ou d’un Parquet général près cette Cour, les infractions sont poursuivies devant la
Cour dont le siège est le plus proche de celui de la Cour au sein de la quelle ou près de
laquelle il exerce ses fonctions. La prorogation légale de compétence s'explique par le fait que
c'est la loi elle-même qui prévoit à ce que le membre d'une Cour d'appel ou d'un parquet
général près cette Cour ne soit pas jugé devant sa juridiction naturelle qui est la Cour d'appel
où il exerce ses fonctions mais plutôt devant la Cour d'appel la plus proche. Par exemple:
l'auteur de l'infraction est conseiller ou substitut du procureur général près la Cour d'appel de
Goma, par l'effet de prorogation de compétence, la juridiction compétente ne sera pas la Cour
d'appel de Goma mais la Cour d'appel de Bukavu ou celle de Kisangani.

Aussi, l'article 99 de la loi organique susvisée dit lorsqu’une personne est poursuivie
simultanément du chef de plusieurs infractions qui sont de la compétence de juridictions de
nature ou de rang différents, la juridiction ordinaire du rang le plus élevé, compétente en
raison de l’une des infractions, l’est aussi pour connaître des autres. A titre illustratif,
lorsqu'un ministre provincial commet l'infraction de viol, de coups et blessures volontaires et
le port d'armes de guerre, il sera jugé devant la Cour de cassation, juridiction ordinaire du
rang le plus élevée et non devant la juridiction militaire pour port d'armes. Ici aussi la
prorogation de compétence se fait déjà au niveau de la loi car c'est elle qui indique que c'est la
juridiction ordinaire du rang le plus élevé qui sera compétente même s'il ya eu également une
infraction militaire (port d'armes de guerre), c'est pourquoi il s'agit de la prorogation légale de
compétence.

L'article 101 de la même loi organique prévoit que la disjonction des poursuites au cours
des débats laisse subsister la prorogation de compétence. A titre illustratif, un directeur d'un
établissement public commet une infraction de viol en complicité avec son chauffeur, ils
seront jugés tous deux devant la Cour d'appel étant donné qu'il s'agit plusieurs personnes
justiciables des juridictions de rang différents, et c'est la juridiction ordinaire compétente du
rang le plus élevé qui sera compétente" (article 100 de la loi organique susvisée). Etant donné
que le directeur de l'établissement public est justiciable de la Cour d'appel; tous ses complices
seront jugés avec lui à la Cour d'appel. Aussi, si en cours d'instance, l'auteur principal de
l'infraction (le directeur d'un établissement public) décédait, la Cour d'appel reste toujours
compétente pour juger le chauffeur car le décès en cours du procès laisse subsister la
prorogation de compétence. Cela signifie même si l'on peut disjoindre les poursuites au cours
des débats à cause du décès de l'auteur principal, la prorogation de compétence va subsister.

1608
Cour suprême de justice, 8 juillet 1980, N.D. contre M.P. et consorts, RP.277, in RJZ, janvier à août 1983, n°
1-2, p. 22; Cour suprême de justice, RP 277, RJZ, 1983, p. 22;
615

C'est à bon droit que la Cour suprême de justice a jugé qu'en cas de prorogation de
compétence pour participation criminelle ou pour connexité des faits infractionnels, le décès
en cours d'instance du prévenu relevant normalement de la compétence de la juridiction saisie,
tout en entrainant l'extinction de l'action publique dirigée contre ce prévenu, laisse subsister la
prorogation de compétence à l'égard des autres prévenus1609.

Aussi, l'article 115 du Code judiciaire militaire dit: "les tribunaux de droit commun sont
compétents dès lors que l’un des co-auteurs ou complices n’est pas justiciable des juridictions
militaires, sauf pendant la guerre ou dans la zone opérationnelle, sous l’état d’urgence ou de
siège ou lorsque le justiciable civil concerné est poursuivi comme co-auteur ou complice
d’infraction militaire ". Cela signifie que lorsqu'un civil et un militaire ont commis en
participation criminelle tous deux, l'infraction d'abus de confiance (de la compétence du
tribunal de paix), ils seront jugés devant le tribunal de paix. Et si au cours des débats, il y a
disjonction des poursuites à l'égard du militaire étant donné qu'il a pris la fuite, en cas de son
arrestation, il ne sera jugé que devant le tribunal de paix car cette disjonction des poursuites
laisse subsister la prorogation de compétence1610.

De même, l'article 100 de la loi organique susvisée dit que "sans préjudice des dispositions
des articles 120 et 121 du Code judiciaire militaire, lorsque plusieurs personnes justiciables
des juridictions de nature ou de rang différents, sont poursuivies, en raison de leur
participation à une infraction ou à des infractions connexes, elles sont jugées l’une et l’autre
par la juridiction ordinaire compétente du rang le plus élevé". Il est de principe que les
juridictions militaires connaissent les infractions commises par les militaires mais l'article 100
de la loi organique prévoit le cas où les militaires peuvent être jugés par les tribunaux de droit
commun; c'est donc une prorogation légale de compétence étant donné que c'est la loi qui a
prévu cette éventualité (extension de compétence, dérogation).

Il convient de préciser que l’erreur sur la qualité de la personne du prévenu, le désignant à


la compétence d’un tribunal par l’effet du privilège de juridiction, ne permet pas la
prorogation de compétence ; par contre, l’erreur sur la qualité de l’auteur retenue par le Code
pénal comme circonstance aggravante sera retenue. Exemple : une Cour d’appel, saisie des
poursuites pour faux en écritures contre un haut fonctionnaire ayant le grade de directeur, se
déclare incompétente s’il appert que le prévenu n’a pas qualité de haut fonctionnaire ; mais le
tribunal de grande instance, saisi d’une action pour faux en écriture commis par un agent de
l’Etat sur base de l’article 125 du Code pénal congolais livre II1611, ne se dessaisira pas s’il se
révèle en cours d’instruction que la circonstance aggravante résultant de la qualité du prévenu
n’est pas vérifiée ; il condamnera le prévenu par application de l’article 124 du Code pénal

1609
Cour suprême de justice, 6 août 1982, RP 26/CR, Revue juridique du Zaïre, 1982, p.52.
1610
Article 101 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 octobre 2013.
1611
Cet article dit : « Si le faux a été commis par un fonctionnaire ou agent de l’Etat dans l’exercice de ses
fonctions, la servitude pénale pourra être portée à dix ans et l’amende ».
616

congolais livre II1612, l’infraction qu’il prévoit rentrant normalement dans la compétence du
tribunal de paix.

II. La prorogation judiciaire de compétence

C'est celle qui en vertu de laquelle une juridiction est, par suite du renvoi qui lui est fait par
une autre juridiction, saisie d'une affaire pour laquelle elle n'avait pas normalement
compétence. De manière simple, c'est l'extension du pouvoir de dire le droit d'une juridiction
résultant de la décision d'une autre juridiction régulièrement habilitée, à cet effet, par une
disposition légale. Elle suppose, en fait la saisine d'une juridiction qui, selon les règles
ordinaires de compétence, n'est pas compétente mais le devient à la suite du renvoi décidé par
une autre juridiction généralement supérieure. Il convient de souligner que cette forme de
prorogation de compétence a pour effet de provoquer uniquement une dérogation à la
compétence territoriale d'un tribunal ou d'une Cour.

En principe, cette prorogation est une simple variante de la prorogation légale puisque c'est
toujours en application de la loi qu'une juridiction a le pouvoir d'en désigner une autre, qui
n'est pas normalement compétente et elle existe en matière civile et pénale. Mais pour des
raisons pédagogiques, nous retiendrons cette prorogation de compétence. A cet égard, il y a
prorogation judiciaire de compétence en cas de renvoi pour cause de suspicion légitime et
pour cause de sûreté de l’Etat. Les articles 60 et 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire réservent aux tribunaux le pouvoir d’ordonner le renvoi, en la forme d’un jugement
ou d’un arrêt en déterminant la « nouvelle juridiction compétente ».

Cette procédure vise à garantir l’impartialité d’une juridiction en détournant un prévenu ou


une partie au procès de son « juge naturel » et désigner la juridiction de renvoi qui deviendra
désormais compétente territorialement du fait de ce renvoi. Etant donné que c'est une
juridiction supérieure qui détermine sur base de l'article 60 de la loi organique susvisée la
juridiction qui sera désormais compétente, c'est pourquoi, il y a dans ce cas prorogation
judiciaire de compétence. Cette procédure détourne le justiciable de son « juge naturel »
territorialement, c’est pourquoi il y a dans ce cas prorogation de compétence. Et comme c'est
une juridiction qui a déterminé la juridiction compétente en l'espèce, il y a donc prorogation
judiciaire de compétence.

De même l'article 37 alinéas 3 et 4 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013


relative à la procédure devant la Cour de cassation prévoit si après cassation il reste quelque
litige à juger, la Cour renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement
composée ou à une juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne. Dans le cas
où la décision entreprise est cassée pour incompétence, la cause est renvoyée à la juridiction
compétente qu’elle désigne. Cela signifie que c'est la décision judiciaire (arrêt) de la Cour de

1612
Cet article déclare : « Le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera
puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans et d’une amende, ou d’une de ces peines seulement ».
617

cassation qui saisit la juridiction de renvoi même si celle-ci n'était pas au départ compétente
territorialement. C'est pourquoi, c'est une prorogation judiciaire de compétence car c'est l'arrêt
de la Cour de cassation qui rend la juridiction désignée compétente.

Enfin, par jugement motivé, une juridiction peut commettre un de ses membres ou un
juge appartenant à une autre juridiction en vue d'effectuer des devoirs bien précis, notamment
l'audition de témoins. Il convient de souligner qu'ici la prorogation judiciaire est limitée car la
juridiction sollicitée ne juge pas le fond de l'affaire mais se limite à accomplir des devoirs
bien précis. Comme cette commission rogatoire est sollicitée par un jugement (décision
judiciaire), c'est pourquoi, il y a dans ce cas prorogation judiciaire.

III. La prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence

Elle existe uniquement en matière civile et pas en matière pénale. Cette prorogation est
celle qui en vertu de laquelle ce sont les plaideurs eux-mêmes qui, d'un commun accord,
exprès ou tacite, décident de porter leur litige devant une juridiction qui, selon les règles
légales, n'avait point compétence territoriale. Ainsi, l'accord des parties peut désigner de façon
claire et précise la juridiction à laquelle les parties entendent que soient soumis les litiges qui
pourraient les opposer. A cet effet, l'article 150 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que le tribunal du lieu du travail est seul compétent, sauf dérogation légale
ou celle intervenue à la suite d’accords des parties ou d’accords internationaux1613. Autrement
dit, les parties peuvent valablement et de commun accord déférer une cause devant un tribunal
autre que celui territorialement compétent1614. Comme les parties peuvent se convenir la
juridiction compétente territorialement, c'est pourquoi, il y a prorogation volontaire ou
conventionnelle.

Cette prorogation de compétence concerne en principe la compétence territoriale et non la


compétence matérielle étant donné que celle-ci est fixée par une loi et est d'ordre public. Cela
signifie qu'avant d'envisager la prorogation volontaire ou conventionnelle, la juridiction doit
d'abord avoir la compétence matérielle concernée. La prorogation volontaire ou
conventionnelle ne permet pas par exemple aux plaideurs de saisir le tribunal de grande
instance à la place du tribunal de commerce ou du tribunal de travail étant donné que ce deux
tribunaux n'ont pas les mêmes compétences matérielles, et surtout que les règles de
compétence matérielle sont d'ordre public. Même si il est admis que les juridictions de droit
commun (comme le tribunal de grande instance) ont la plénitude de juridiction (ont la
compétence tant que la loi n'a pas confié à une autre juridiction cette compétence), cela ne
peut pas justifier une prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence au détriment
d'une juridiction spécialisée (comme le tribunal de commerce ou le tribunal du travail). Cela
signifie que les parties ne peuvent pas y déroger. En d'autres termes, au nom de prorogation
volontaire ou conventionnelle de compétence, les parties ne peuvent pas se convenir de

1613
Article 150 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1614
Cour suprême de justice, 15 juin 1983, RC 434, inédit.
618

désigner une juridiction qui serait compétente matériellement alors que la loi ne lui pas confié
cette compétence. Par exemple, les parties ne peuvent pas convenir que pour tel cas de la
compétence du tribunal de paix, leur cause ne sera examinée que par le tribunal de grande
instance ou du tribunal de commerce.

De même, l'incompétence du juge quant à la l'ordre de juridiction étant absolue et d'ordre


public, il n'est pas possible de convenir valablement de saisir en cas de litige une juridiction
d'un autre ordre que celle compétente. Par exemple, se convenir de saisir le tribunal
administratif au lieu du tribunal de grande instance. Dans la pratique, cela ne se fait pas
d'ailleurs pas, sauf erreur possible des parties quant à la juridiction désignée dans leur
convention. Mais, si elle est incompétente au profit d'une juridiction d'un autre ordre, la
juridiction saisie doit se déclarer incompétente. Il n'est pas possible de déroger aux règles de
compétente des juridictions de l'ordre judiciaire ou, inversement, de convenir de saisir une
juridiction de l'ordre administratif à la place d'une juridiction civile de l'ordre judiciaire.

En sus, la prorogation volontaire ou conventionnelle ne permet pas aux plaideurs de


déroger ou de modifier le mécanisme le principe de double degré de juridiction1615. Ainsi, les
parties ne peuvent pas convenir que leur affaire ne sera traitée qu'à la juridiction du second
degré et non du premier car ce principe tend à assurer une bonne administration de la justice
et à garantir le fonctionnement harmonieux des cours et tribunaux. Les parties ne peuvent pas
non plus soit supprimer dans leur convention le second degré de juridiction, soit en créer un
troisième degré de juridiction ou soit supprimer les voies de recours prévues par la loi étant
donné que celles-ci étant liées à l'organisation judiciaire, il s'agit des règles d'ordre public.

Au surplus, la prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence ne permet pas aux


parties de convenir de saisir les juridictions de droit commun au lieu de juridictions
spécialisées. Ainsi, il n'est pas possible de prévoir que le tribunal de grande instance sera
compétent pour connaître d'un litige relevant de la compétence exclusive du tribunal de
commerce ou du tribunal de travail. Inversement, il ne peut être dérogé à la compétence
exclusive du tribunal de grande instance au profit d'une juridiction spécialisée. On ne peut par
exemple, convenir de saisir le tribunal de commerce ou le tribunal de travail au lieu du
tribunal de grande instance. Dans le même ordre d'idées, on ne peut convenir de saisir le
tribunal de travail au lieu du tribunal de commerce étant donné que chaque juridiction a une
compétence exclusive dans les matières entant dans ses compétences.

Aussi, la prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence ne permet pas aux


parties de déroger concernant la modicité de la situation économique d'une partie, les litiges
relatifs aux auxiliaires de la justice dans l'exercice de leurs professions, la centralisation de
certains contentieux et l'efficacité de la preuve d'un droit immobilier. Ainsi, la situation
économique d'une partie peut justifier aussi l'interdiction de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence territoriale d'une juridiction. Cela se passe souvent dans les

1615
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 578-
584, pp. 633-639; S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile,
Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 141.31, p.273.
619

contrats d'adhésion où la volonté de la partie la plus forte s'impose à la partie la plus faible qui
ne fait que signer la convention sans possibilité d'en discuter les clauses contenues. C'est
souvent le cas en matière d'assurance et de contrat de travail où d'ailleurs la loi elle-même
proscrit de pareille prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence afin de protéger
les faibles que sont l'assuré et le travailleur1616.

S'agissant des auxiliaires de la justice, tels que les avocats, les défenseurs judiciaires et les
officiers ministériels; il existe aussi une interdiction de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence pour les litiges qui peuvent survenir lors du recouvrement de
leurs honoraires et de la mise en oeuvre de leur éventuelle responsabilité civile en cas de
dommage causé par leurs actes. Dans cette hypothèse, la juridiction compétente, du point de
vue territoriale, reste celle devant laquelle cet auxiliaire de justice a exercé son ministère. Il
n'est donc pas admis de faire une prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence
dans ce cas1617.

En matière de la succession et de faillite, la compétence territoriale d'une juridiction est


qualifiée d'ordre public et ne peut donc pas faire l'objet de prorogation volontaire ou
conventionnelle de compétence1618.

Aussi, les règles de compétence territoriale d'une juridiction à propos de la situation des
immeubles sont d'ordre public. Les parties ne peuvent pas donc, de leur propre gré, proroger
une telle compétence au profit d'une juridiction de leur propre choix pour les intérêts
particuliers1619.

Enfin, la prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence n'existe pas en


matière pénale (répressive) étant donné que toutes les règles de compétence (matérielle,
territoriale et personnelle) sont d'ordre public, c'est-à-dire fixées d'avance par la loi et on ne
peut pas y déroger. En matière pénale, le juge compétent est soit celui du lieu de la
commission de l'infraction, soit de la résidence du prévenu, soit celui du lieu où le prévenu a
été arrêté ou trouvé1620. Il n'est donc pas permis aux particuliers de convenir que si l'un d'entre
eux commettait une infraction au préjudice de l'autre, le tribunal compétent sera celui de tel
lieu.

Bref, à la différence de la compétence matérielle qui procède spécifiquement de


considérations d'ordre public, la détermination de la compétence territoriale en matière civile
est essentiellement commandée par des considérations d'intérêt privé. Et c'est pourquoi, les
1616
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
1617
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
1618
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
1619
G. KILALA PENE-AMUNA, Organisation, fonctionnement et compétences des juridictions en droit positif
congolais, Kinshasa, éditions universitaires africaines, 2014, n° 172, p. 109.
1620
Article 104 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
620

plaideurs doivent s'entendre pour écarter la règle légale et conclure une convention de
prorogation attribuant la compétence territoriale à une juridiction désignée d'un commun
accord. Cela signifie qu'il est autorisé aux particuliers d'y déroger en convenant que leur litige
sera connu par les cours et tribunaux de tel lieu plutôt que de tel autre car en matière civile les
règles de compétence territoriale sont édictées dans le seul but de protéger les intérêts privés
des plaideurs.

SECTION 4: LA LITISPENDANCE

§ 1. Notions de litispendance

La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l'ordre judiciaire n'a pas défini la litispendance. Sa définition
varie selon qu'il s'agit de la matière civile ou pénale. Ainsi, en matière civile, nous pensons
qu'il y a litispendance toutes les fois que les demandes sont formées sur le même objet, pour
la même cause, entre les mêmes parties agissant en même qualité, devant deux tribunaux
différents compétents pour en connaître et appelé à statuer au premier degré de juridiction.
De manière concrète, il y a litispendance lorsque deux ou plusieurs juridictions compétentes
se trouvent saisies au premier degré à la fois des mêmes faits (identiques) intéressant les
mêmes personnes. C'est donc une situation exceptionnelle où deux ou plusieurs juridictions
distinctes, de même degré, et également compétentes, sont saisies simultanément d'un même
litige. Autrement dit, identité d’affaires (même objet et même cause) et des parties agissant en
même qualité1621.

La litispendance exige qu’il y ait saisine des tribunaux différents pour des faits identiques.
Exemple : un même litige de bail (même objet, même cause) concernant les mêmes parties
porté à la fois devant deux tribunaux de grande instance qui sont compétents. Autres
exemples : un demandeur saisit successivement deux tribunaux différents, ou encore ce qui
est fréquent, une situation litigieuse met en cause les intérêts de plusieurs personnes qui
ensuite agissent séparément devant des tribunaux différents qui sont compétents.

En matière pénale, il y a litispendance lorsque la poursuite d'un même fait à charge d'un
même prévenu est soumise en même temps à deux tribunaux différents, tous deux compétents
pour en connaître et appelés à statuer au premier degré de juridiction1622. Tel est le cas
lorsqu'à la fois le juge du lieu de résidence du prévenu et celui du lieu de commission des
infractions sont saisis. En pratique, l'un d'eux, habituellement le dernier saisi, se dessaisira

1621
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.171-142.175, p.292 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème
éd. Litec, 2009, n° 287, p. 191-192 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd Ellipses, 2006, n° 158, p.
90 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101.
1622
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p. 766.
621

volontairement. Si toutefois, il arrivait que l'un et l'autre prononce en dernier ressort un


jugement de compétence, il y aurait lieu à règlement des juges ou conflit de juridiction.

Le règlement de litispendance tend à prévenir une contrariété de jugements rendus par les
juridictions de l’ordre judiciaire. Il convient de souligner qu’en pratique, cet incident est assez
rare. Pour la litispendance, l’intérêt des plaideurs et celui d’une bonne administration de la
justice exigent donc que, dans toute la mesure du possible, les différentes demandes (ou
poursuites pénales) soient réunies devant une seule et même juridiction qui pourra en
connaître.

§ 2. Situations qui peuvent créer la litispendance

On songe, en premier lieu, au cas d'ignorance de l'existence d'une procédure déjà


engagée. Ainsi par exemple, les héritiers ignorent l'existence d'une action introduite par leur
auteur devant le tribunal du lieu d'exécution d'une convention et engagent, à leur tour, la
même demande devant le juge du domicile du défendeur1623 ou l'hypothèse d'actions croisées
lorsque chaque partie est à la fois demandeur et défendeur1624 ou une situation litigieuse met
en cause les intérêts de plusieurs personnes qui ensuite agissent séparément devant des
tribunaux différents ou enfin, l'éventualité d'un demandeur qui saisit successivement deux
tribunaux différents.

C'est le cas aussi d'une demande qui est portée, à titre principal, devant un juge et une
demande identique est formulée, à titre reconventionnel, devant un autre juge qui voit sa
compétence prorogée pour en connaître. Il peut s'agir enfin d'une demande en obtention d'une
pension alimentaire pour enfant mineur, introduite à titre principal devant le juge du tribunal
de paix et comme demande reconventionnelle devant le tribunal pour enfants.

§ 3. Conditions

Il ressort de ces notions que la litispendance présuppose la concurrence des


juridictions sur le même procès et exige dès lors des conditions suivantes:
- identité d'objet;
- identité de litige (même cause);
- identité des parties;
- causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents;
- juridictions appelés à statuer au premier degré de juridiction.

Ces conditions doivent être cumulativement réunies, les unes ayant trait à l'objet, aux
litiges (causes), parties, aux demandes, les autres aux juridictions. Il convient de les examiner
séparément.

1623
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 99,
p.65.
1624
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec, 2009, n° 208, p. 192.
622

I. Identité d'objet

L'objet est ce qui est réclamé. Les prétentions soumises aux deux juridictions doivent
avoir le même objet (une seule suffit à caractériser la litispendance). Il est toutefois admis
qu'il peut y avoir litispendance entre deux demandes de montants différents, dès lors qu'elles
sont formées entre les mêmes parties, et reposent sur le même fait générateur1625. Sur ce
critère, il n'y a pas de litispendance entre une demande au fond en dommage-intérêts et une
demande de provision formée devant le juge siégeant dans les mesures provisoires urgentes.
La litispendance suppose que les deux demandes aient le même fondement juridique. Cette
identité n'existe pas entre une demande en diffamation intentée contre l'auteur d'un ouvrage
devant le tribunal de grande instance de Brazzaville et l'action en responsabilité quasi
délictuelle contre le même auteur engagé devant le tribunal de grande instance de
Kinshasa/Gombe.

II. Identité de litige (même cause)

La cause étant le fondement, il faut que les deux demandes pendantes devant les
juridictions différentes procèdent des mêmes faits, de la même cause. Ainsi cette identité fait
défaut entre l'action en divorce et celle en conversion de la pension alimentaire ou entre des
demandes en divorce qui se fondent sur des causes différentes ou entre des demandes en
obtention de dommages et intérêts, l'une basée sur la responsabilité contractuelle et l'autre sur
la responsabilité délictuelle.

III. Identité de parties

Il y a litispendance lorsqu'il existe l'identité de parties agissant en même qualité. Ainsi,


il y a litispendance entre la demande formée par une personne décédée en cours de procédure
et celle formée devant une autre juridiction contre le même défendeur pour le même objet par
son héritier, agissant en cette qualité. A défaut d’identité des parties à l’instance, la
litispendance ne peut être retenue, même s’il serait prétendu qu’une partie à un procès n’est
qu’aux droits de l’autre dans le procès parallèle1626. Ainsi, il n'y a pas de litispendance, mais
éventuellement connexité, si les parties ne sont pas rigoureusement les mêmes.

IV. Causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents

Le mot "causes pendantes devant les juridictions différentes" est souligné avec
insistance à l'article 145 alinéa 1 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. Deux
éléments sont à retenir ici: causes pendantes et juridictions différentes. Concernant le mot
"causes pendantes", il signifie que l'affaire est instance devant une juridiction. Comme la loi
le dit, il faut que les causes soient pendantes, c'est-à-dire non terminées par un jugement

1625
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.173, p.292.
1626
Cour d'appel de Kinshasa, 28 février 1967, RJC, 1968, n° 2, p. 199.
623

définitif. Un jugement définitif dessaisit en effet la juridiction qui l'a rendu, même s'il est
susceptible de recours. Ce serait alors un problème d'autorité de la chose jugée qu'aurait à
trancher en second, mais pas une question de litispendance. La litispendance ne peut
davantage être invoquée lorsqu'une des instances a pris fin en raison de désistement, d'une
irrecevabilité, d'une péremption d'instance, d'une caducité ou d'un acquiescement par
exemple.

Concernant le mot "juridictions différentes", il suppose que deux juridictions


différentes (distinctes) mais de même nature aient été saisies. Le mot "juridictions
différentes" inséré à articles 145 alinéa 1 de la loi organique susvisée signifie aussi que ces
juridictions sont organiquement indépendantes du même ordre de juridiction et en principe du
premier degré de juridiction. Ainsi, il ne peut y avoir de litispendance entre deux formations
ou sections ou chambres ou juges d'une même juridiction car la question se règlerait alors par
une jonction des procédures ou règlement sur la distribution de causes décidée par le président
de juridiction.

Aussi, par nature, en raison même de l’absence d’identité d’objet, il ne saurait y avoir
de litispendance entre un litige relevant de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire
et un litige relevant de la juridiction de l'ordre administratif car cette question se réglerait par
le conflit d'attribution qui est de la compétence de la Cour constitutionnelle1627. La
litispendance ne concerne pas le conflit de deux juridictions toutes saisies au second degré, il
y aura dans ce cas le conflit de juridictions ou règlement de juges qui est de la compétence de
la Cour de cassation1628.

Bien que la loi ne le précise pas, la litispendance ne peut se rencontrer qu'entre


juridictions de l'ordre judiciaire congolais. Ainsi, il n'y a pas de litispendance lorsque les
affaires identiques sont portées devant une juridiction congolaise et une juridiction étrangère
(sous réserve des dispositions contenues dans des traités) ou devant une juridiction judiciaire
et devant un arbitre ou encore devant une juridiction civile et une juridiction répressive
(pénale). L'article 145 alinéa 1er de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire exige pour
qu’il ait litispendance, des causes pendantes devant les juridictions différentes de même
nature. Tel n’est pas le cas d’une action civile pendante à la fois devant les juridictions civile
et pénale1629.

Enfin, la litispendance ne peut avoir lieu que lorsque le même litige est porté devant
deux juridictions également compétentes. Cela signifie que les juridictions saisies doivent être
1627
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; articles 65 et 66 de la loi organique n°13/026 du
15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial,
18 octobre 2013.
1628
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi
organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°
spécial, 20 février 2013.
1629
CSJ, 2 avril 1977, RP 152, Bull. 1978, p. 30.
624

réellement et valablement en concours, c'est-à-dire être parfaitement compétentes1630. La


litispendance existe donc lorsqu’une demande déjà soumise à un tribunal compétent est portée
devant un autre tribunal également compétent1631. Si l'une des juridictions saisie est
incompétente, matériellement ou territorialement ou personnellement, ce n'est pas une
exception de litispendance qui doit être présentée, mais une exception d'incompétence devant
la juridiction estimée incompétente. Mais la litispendance pourrait être invoquée ensuite, si la
juridiction se déclare compétente et si sa décision n'est pas contestée, ou encore si le renvoi
pour incompétence est ordonné devant une juridiction différente de celle saisie de l'autre
litige.

V. Juridictions appelées à statuer au premier degré de juridiction

En principe, la litispendance n'opère pas entre le premier degré et le deuxième degré


de juridiction, puisque les deux litiges doivent se présenter au premier degré de juridiction. Il
n'y a pas en principe de litispendance entre une demande portée devant un juge appelé à
statuer au premier degré de juridiction et un recours porté devant une juridiction d'appel1632.
Cependant en RDC1633 tout comme en France1634, la loi a prévu une éventualité où une
juridiction saisie au premier degré est en concours avec une juridiction saisie au degré d'appel.
Ce cas constitue une exception au principe selon lequel la litispendance n'opère pas entre le
premier degré et le deuxième degré de juridiction.

En effet, l'article 145, alinéa 1, points 2 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11avril


2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit le cas où les deux juridictions saisies simultanément du même litige sont de
même degré, c'est alors la juridiction saisie la première qui est préférée; c'est-à-dire que la
juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de celle saisie la première. Si une
des juridictions est de degré différent, en vertu de l'article 145, alinéa 1, point 1 de la même
loi organique, la juridiction saisie au degré d'appel est préférée à la juridiction saisie au
premier ressort; c'est-à-dire que la juridiction inférieure doit se dessaisir au profit de la
juridiction d'appel. En Belgique cette éventualité n'existe pas car la litispendance ne concerne
que deux juridiction saisies au premier degré de juridiction1635.

1630
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97,
p.64.
1631
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801, p.
833; D. MOUGENOT, Principes de droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, p.158.
1632
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97,
p.64.
1633
Article 145 alinéa 1, 1° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1634
Article 102 du Nouveau Code de procédure civile.
1635
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 97,
p.64.
625

§ 4. Règlement de l'incident de litispendance

L'article 145 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire dit qu'en cas de
litispendance, les causes pendantes devant les juridictions différentes sont renvoyées par l’une
d’elles à l’autre selon les règles et dans l’ordre ci-après :
- la juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier
ressort ;
- la juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une disposition d’ordre
intérieur est préférée aux autres juridictions ;
- la juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions.
Il convient d'examiner brièvement chacune de ces solutions.

I. La juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier ressort

Cette hypothèse concerne lorsque l'une des juridictions saisies est du degré d'appel et
l'autre du premier degré. Comme nous l'avons souligné, ce cas constitue une exception au
principe selon lequel la litispendance n'opère pas entre le premier degré et le deuxième degré
de juridiction. Cette hypothèse exclut donc la litispendance lorsque les deux juridictions
saisies sont du degré d'appel car il s'agira du règlement de juges ou le conflit de juridictions
qui est de la compétence de la Cour de cassation1636.

En principe, la litispendance est concevable lorsqu'il s'agit de deux tribunaux différents


compétents pour en connaître et appelé à statuer au premier degré de juridiction.
Contrairement au législateur belge1637, le législateur congolais1638 a imaginé l'éventualité où
une juridiction est saisie au degré d'appel et une autre juridiction est saisie au premier degré.
Dans ce cas, la juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en
premier ressort. En conséquence, la juridiction saisie en premier ressort doit se dessaisir au
profit de la juridiction saisie au degré d'appel. Cela signifie qu'une juridiction d'appel ne peut
décliner sa compétence au profit de la juridiction du premier degré.

La loi n'a rien dit concernant les parties qui peuvent soulever l'exception de
litispendance. Mais nous pensons que cette exception peut être soulevée par les parties, en
pratique le défendeur; elle peut également, comme l'exception d'incompétence, être relevée
d'office par la juridiction saisie au degré d'appel ou alors la juridiction saisie au premier
ressort ou cette dernière juridiction peut décliner sa compétence au profit de l'autre. Le
ministère public peut aussi saisir l'une des juridictions car l'article 68 in fine de la loi

1636
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi
organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°
spécial, 20 février 2013.
1637
Article 29 du Code judiciaire belge.
1638
Article 145 alinéa 1, 1° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
626

organique précitée permet au ministère public d'agir d'office chaque fois que l'intérêt public
exige son concours. Or la litispendance exigerait le concours du ministère public dans le but
au veiller à l'application de la loi.

II. La juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une
disposition d’ordre intérieur est préférée aux autres juridictions

Cette hypothèse ne concerne que deux juridictions saisies au premier degré. La loi n’a
pas précisé ce qu’il faut entendre par disposition intérieure. Nous pensons que par disposition
d'ordre intérieur, on vise une simple mesure d'administration judiciaire, telle que notamment
une remise, décision de jonction au fond d'un incident, les décisions relatives à la distribution
des affaires entre les diverses chambres ou sections ou formations du tribunal, la décision
ordonnant la réouverture des débats, etc. La disposition d'ordre intérieur n’est pas synonyme
de « jugement préparatoire ». Est considéré comme jugement préparatoire, la décision qui
met les litiges en état de recevoir une solution sans terminer l'instance.

L'introduction dans la loi de mots "une décision autre qu'une disposition d'ordre
intérieur est préféré aux autres juridictions" a pour but de laisser la cause au tribunal devant
lequel la procédure a déjà « avancé ». Ainsi, le tribunal qui a ordonné des mesures probatoires
doit donc être préféré à celui qui s’est borné à ordonner une remise ou qui a statué sur une
demande de récusation1639 et n'a pas encore abordé le fond de l'affaire. Cela signifie que la
juridiction qui s'est borné à rendre une disposition d'ordre intérieure peut décliner sa
compétence au profit de la juridiction qui a rendu une décision qui anticipe sur l'affaire ou qui
a avancé dans la procédure. Cette exception de litispendance peut être soulevée par les
parties, en pratique le défendeur; elle peut également, comme l'exception d'incompétence, être
relevée d'office par l'une ou l'autre juridiction saisie.

III. La juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions

Cette hypothèse ne concerne également que deux juridictions saisies au premier degré.
Par juridiction saisie, il faut entendre la juridiction valablement saisie et compétente. Par
juridiction saisie la première, il faut entendre celle saisie avant l'autre, l’élément de référence
est la date de saisine. En effet, s’il faut prendre ici la date de saisine au sens rigoureux du mot,
c’est- à- dire le jour pour lequel le défendeur (ou le prévenu) est assigné (ou cité), on pourra
toutefois tenir compte, pour départager le conflit entre juridictions qui auraient fixé au même
jour, en considérant la date à laquelle l’affaire a été introduite ou à laquelle fixation a été
demandée. Par exemple, si l'une des juridictions a été saisie le 12 janvier 2016 et l'autre le 13
janvier 2016, la juridiction saisie la première est celle du 12 janvier 2016. Si les deux
juridictions ont été saisies à la même date mais l'une à 9 h et l'autre à 14h, la juridiction saisie
la première est celle de 9 h.

1639
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, Kinshasa, éd. Ferd.
Larcier et Université Lovanium, 1970, n° 290, p. 316.
627

Comme nous pouvons le constater, la juridiction compétente en matière de litispendance


varie suivant le moment de la saisine et c'est la juridiction saisie la première qui est
compétente. C'est ainsi que la Cour d'appel d'Elisabethville (Lubumbashi) a jugé que bien
qu'une demande devant un tribunal soit plus étendue et comprend d'autres créances que celle
qui fait l'objet de la demande introduite actuellement, s'il y a identité de parties, de cause et
d'objet entre le différend soumis au tribunal saisi le premier et celui sur lequel le second juge
saisi en second lieu est appelé à se prononcer, il y a litispendance, qui rend la demande non
recevable par le juge qui a été saisi en dernier lieu1640.

§ 5. Moment de soulever l'incident de litispendance

La loi n'a rien dit concernant le moment où l'on peut soulever l'exception de
litispendance. Mais nous pensons que selon les termes généraux de l'article 145 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire, cette exception doit être soulevée in limine litis (c'est-à-
dire dès qu'on a connaissance), soit avant toute fin de non recevoir ou défense au fond. Il
serait aussi logique d'admettre que l'exception de litispendance puisse être soulevée en tout
état de cause (c'est-à-dire avant la prise en délibéré de la cause) et dans la mesure du possible
avant l'examen au fond. L'essentiel est que cette exception soit soulevée le plus tôt possible
pour ne pas retarder la procédure.

L’exception de litispendance peut être soulevée par la partie ou par le juge d’office de
la juridiction saisie au premier ressort ou de la juridiction qui a rendu sur l'affaire une
disposition d'ordre intérieur ou alors de la juridiction saisie en second lieu peut décliner sa
compétence au profit de l'autre. La raison de ce pouvoir accordé au juge de se saisir d'office,
bien que l’exception de litispendance soit d’ordre privé, est qu’il faut protéger l’autorité de la
chose jugée, laquelle peut être mise à mal par des décisions contradictoires. Cela suppose
nécessairement que le juge ait été informé par les parties de la litispendance ou qu'il ait
constaté la chose. Le juge peut user des pouvoirs que lui confère la loi pour ordonner au
besoin la communication des actes de procédure. Le juge doit encore préalablement inviter les
parties à présenter leurs observations avant de relever d'office la litispendance.

§ 6. Décision réglant l'incident de litispendance

Alors que le conflit d’attribution est de la compétence de la Cour constitutionnelle1641,


le règlement des juges ou le conflit de juridictions est de la compétence de la Cour de
cassation1642, l'appréciation de l'existence de la litispendance, la jonction et le renvoi relèvent

1640
App., Elisabethville, 5 juin 1915, RDC 1915, p. 37, cité par R. LUKOO MUSUBAO, La jurisprudence
congolaise en procédure civile, T. I, Kinshasa, éd. On s'en souviendra, 2010, p. 260.
1641
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026
du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC,
n°spécial, 18 octobre 2013.
1642
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi
628

des pouvoirs du seul juge du fond devant lequel l'exception est soulevée. Ce n'est pas donc la
juridiction supérieure aux deux juridictions qui doit trancher mais l'une de deux juridictions
saisies qui renvoie à l'autre. Cela se justifie par le fait que l'article 145 alinéa 1 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire utilise les termes "les causes pendantes devant les
juridictions différentes sont renvoyées par l'une d'elles à l'autre".

La litispendance peut être demandée par l'une des parties au moyen d'une exception de
procédure. Elle ne peut l'être que devant la juridiction saisie au premier ressort si les deux
juridictions ne sont pas de même degré (article 145, alinéa 1, point 1 de la loi organique
susvisée) ou devant la juridiction qui a rendu sur l'affaire une disposition d'ordre intérieur
(article 145, alinéa 1, point 2 de la même loi organique) s'il existe une juridiction qui a rendu
sur l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur ou devant la juridiction
saisie en second lieu (article 145, alinéa 1, point 3 de la même loi organique). L'exception
serait irrecevable devant la juridiction saisie au degré d'appel ou devant la juridiction qui a
rendu sur l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur ou la juridiction
saisie la première.

Avant que la juridiction ne statue sur la litispendance, le ministère public doit donner
son avis1643. S'il constate la litispendance, le juge saisi au premier ressort lorsque les
juridictions concernées sont de degré différent, le juge qui a rendu sur l'affaire une disposition
d'ordre intérieur lorsqu'il existe une juridiction qui a rendu sur l'affaire une disposition autre
qu'une disposition d'ordre intérieur ou le juge saisi en second lieu lorsque les juridictions
concernées sont de même degré, doit se dessaisir au profit de l'autre juridiction. Le renvoi est
opéré directement du greffe d'une juridiction à l'autre comme en matière d'incompétence.

La décision de renvoi ou de déclinatoire de compétence s'impose à l'autre juridiction


et aux parties: l'une de juridiction sera obligatoirement dessaisie et l'autre sera obligatoirement
compétente et ne pourra plus vérifier la régularité de sa compétence. La litispendance cesse
dès que l’une de deux juridictions est dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit
par un désistement, soit un déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de
l'autre, soit par le renvoi.

En cas de litispendance, une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les
pièces de la procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause est renvoyée1644. Cela
signifie que le transfert du dossier se fait de greffe à greffe et la cause est inscrite d'office et
sans frais au rôle de la juridiction de renvoi.

organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°
spécial, 20 février 2013.
1643
Article 69 alinéa 1, 4° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
1644
Article 145 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
629

La loi ne dit rien concernant la nature, ni la portée de la décision du juge au fond sur la
litispendance; en toute logique, il s'agit d'un jugement soit de déclinatoire de compétence, soit
de renvoi. Cela semble très évident car l'on exige l'avis du ministère public. En tout état de
cause, il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre intérieur car celle-ci n'exige pas l'avis du ministère
public.

La loi n'a rien dit si un tel jugement est susceptible d'appel. Nous estimons que pour la
bonne administration de la justice, rien ne justifie le recours contre le décision de règlement
de l'incident de litispendance d'autant plus que les parties auront la possibilité de recours après
que la juridiction désignée ait vidé le litige en statuant au fond de demandes ou faits
originaires.

SECTION 5: LA CONNEXITE

§ 1. Notions

Elle est prévue par les articles 99 à 106 et 146 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. La connexité est en droit judiciaire, une notion fondamentale et cependant assez
imprécise, laissée à l'appréciation des magistrats, en l'absence de toute définition légale. Le
concept se différencie de celui de litispendance mais il se présente comme une sorte de résidu
de la litispendance1645. Tandis qu’il y a litispendance lorsque les deux tribunaux sont saisis de
litiges identiques, la connexité suppose deux litiges différents portant sur les questions
communes1646. De même, la litispendance exige que les deux juridictions soient compétentes
mais pour la connexité, elle peut se produire entre des juridictions qui ne sont pas
nécessairement compétentes pour connaître de toutes les demandes1647. Pour la connexité, l’on
a affaire à des demandes distinctes mais apparentées (rapport si étroit qu’il y a intérêt à les
instruire et juger ensemble pour éviter des solutions inconciliables ou contrariété des
jugements). En clair, pour la connexité; l'on a à faire à deux tribunaux différents, tous deux
compétents et sont saisis de demandes qui sont différentes mais qui soulèvent l'une et l'autre
des questions ayant entre elles des rapports étroits1648.

La loi n'a pas défini la connexité. Nous pensons que c'est le lien ou le rapport entre
deux prétentions qui se complètent ou ont entre elles un rapport de cause à effet. Ceci rend
souhaitable de les apprécier et juger ensemble non seulement pour éviter d'éventuelles
contrariétés de décision, mais encore parce que l'appréciation de l'une peut avoir un effet sur

1645
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 541,
p.589.
1646
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801,
p.834.
1647
G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1. Institutions judiciaires et éléments de compétence,
Bruxelles, éd. Larcier, 2014, n° 539, p. 420.
1648
H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 801,
p.833.
630

celle de l'autre1649. En général, la connexité vise le cas où deux affaires distinctes pendantes
devant deux juridictions compétentes du même ordre présentent entre elles un lien de
connexité, c’est-à-dire des rapports étroits qui justifient qu’elles soient dans l’intérêt de la
justice instruites et jugées ensemble; cela permet de gagner du temps et surtout d'éviter des
décisions inconciliables ou contradictoires. Si l'appréciation de la connexité est largement
discrétionnaire, elle doit cependant être contenue. Il ne suffit pas que les prétentions
juridiques apparentées soient émises, il faut encore la crainte de décisions divergentes
éventuelles, nuisibles à la bonne administration de la justice1650. Mais le sens de la connexité
varie selon qu'il s'agit de la matière civile ou pénale.

En matière civile, les demandes en justice peuvent être traitées comme connexes
lorsqu'elles sont liées entre elles par un rapport étroit qu'il y a lieu à les instruire et juger en
même temps afin d'éviter des solutions qui seraient susceptibles d'être incompatibles si les
causes étaient jugées séparément. C'est surtout lorsque les instances présentent entre elles une
corrélation telle que la solution de l'une doit influer sur la solution de l'autre, de telle sorte que
si elles étaient jugées séparément, il risquerait d'en résulter une contrariété de décisions1651.
En pareil cas, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en
l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.

Il y a donc connexité dès que deux demandes distinctes sont suffisamment


interdépendantes pour qu’il soit raisonnable de les joindre. Il appartiendra ainsi aux parties de
solliciter la jonction et au juge de l’accorder. La connexité suppose un lien entre deux affaires;
et, en raison de ce lien, apparaît utile ou préférable de les instruire et juger ensemble, parce
que la solution d'une des affaires peut influer sur l'autre de sorte que l'on ne peut aboutir, à les
juger séparément, à des décisions contradictoires ou du moins peu cohérentes entre elles1652.
Par exemple, il y a connexité, lorsqu'après une collision d'automobiles, chacun des
conducteurs prétend mettre en cause la responsabilité de l'autre.

Les causes sont dites connexes au sens de l’article 146 de la loi organique n°13/011-B
du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire, s’il y a danger que les jugements rendus en les causes n’aboutissent à des
solutions inconciliables ou tout au moins contradictoires au concret. Exemple : demandes en
exécution forcée et résiliation du contrat. Les causes peuvent être connexes bien que les
plaideurs sont engagés par des contrats distincts, ceux-ci étant cependant de même nature et

1649
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.130, p. 289.
1650
C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome II. La compétence, Bruxelles, éd. Larcier, 1981, p.116.
1651
L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Litec, 2009, n° 292, p. 195.
1652
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.131, p. 289 ; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6 ème éd. Litec,
2009, n° 292, p. 195 ; G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 éd. Sirey, 2006, n° 110, p. 101 ; O.STAES,
Droit judiciaire privé, Paris, é. Ellipses, 2006, n° 158, p.91 ; J. HERON et Th. LE BARS, Droit judiciaire
privé, Paris, 3 ème éd. Montchrestien, 2006, n° 112 et 1015, pp. 100 et 807-809 ; H. BOULARBAH, Droit
judiciaire privé, Tome 1, support du cours, Faculté de Droit, U.L.B., Bruxelles, 2005-2006, n° 343, p. 190.
631

ayant la même portée1653. C'est surtout le cas de plusieurs travailleurs qui ont été licenciés
dans un seul acte pour les mêmes motifs. En matière civile et administrative, la connexité
justifiera le regroupement, la jonction de plusieurs demandes en une seule procédure.

En matière pénale, la connexité est un lien qui existe entre deux ou plusieurs
infractions et dont la nature est telle qu’il commande, en vue d’une bonne distribution de la
justice et sous réserve du respect des droits de la défense, que des causes soient jugées
ensemble et par le même juge, celui-ci pouvant ainsi apprécier la matérialité des faits sous
tous leurs aspects, la régularité des preuves et la culpabilité de chacune des personnes
poursuivies1654.
En terme simple, c'est un lien qui existe entre les infractions dont la nature est telle
qu'il commande que ces infractions soient jugées ensemble et par le même juge. La connexité
peut donc avoir comme conséquence une extension de conséquence du juge saisi. Dans cette
matière, les règles de connexité ne peuvent s’appliquer que lorsque les prévenus ont été
poursuivis conjointement dans une même instance quant aux faits qui leur sont reprochés et
non lorsque certains faits ont été déjà jugés sur le fond au premier degré alors que pour
d’autres les prévenus comparaissent uniquement devant les juridictions répressives concernant
la détention préventive1655. Enfin, en matière pénale, il y a connexité entre les infractions,
notamment par unité de temps et de lieu, de concert préalable et unité de dessein et relation de
cause à effet et enfin le recel de choses obtenues à la suite d’une infraction.

Les infractions sont connexes par unité de temps et de lieu de la commission,


lorsqu’elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit par
concert préalable et unité de dessein, lorsqu’elles ont été accomplies en des temps et des lieux
différents, mais par plusieurs personnes agissant en parfait accord, soit par relation de cause à
effet, lorsque certaines infractions ont eu pour but de faciliter l’exécution des autres ou d’en
assurer l’impunité1656. Les infractions sont aussi connexes soit lorsqu’elles ont été commises
en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’elles ont été commises par
différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un
concert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les auteurs ont commis les unes pour se
procurer les moyens des autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution ou pour en
assurer l’impunité, soit lorsque le lien qui existe entre deux ou plusieurs infractions est de
telle nature qu’il existe, pour une bonne administration de la justice et sous réserve du respect
dû aux droits de la défense, que ces infractions soient soumises en même temps pour
jugement au même tribunal répressif1657.

1653
Cour d'appel de Kinshasa, 16 février 1971, RJC, 1971, n° 3, p. 250.
1654
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 762; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1093; G. DEMANET, " De l'incidence
du concours, de la connexité et de l'indivisibilité sur la compétence des juridictions répressives", Revue de
droit pénal et criminologie, 1991, pp. 77-108.
1655
Lubumbashi, 12 juillet 1966, RJC, 1966, n° 4, p. 337.
1656
B.BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 éd. Dalloz, 2010, n° 572, p. 540.
1657
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1094.
632

De manière synthétique, en matière pénale, la connexité est définie comme un lien


étroit entre deux ou plusieurs infractions:
- à raison de l'unité du temps ou du lieu de leur commission. En ce sens, la connexité
est caractérisée par la constatation que les infractions ont été commises par plusieurs
personnes réunies, sans qu'il existe nécessairement entre elles une concertation préalable ou
une unité de dessein1658. Ainsi, une juridiction compétente pour connaître d'une infraction
commise hors de son ressort, par une personne arrêtée dans son ressort peut, grâce à cette
connexité, recevoir compétence pour tous les autres coauteurs de cette infraction commise,
alors qu'elle n'est pas compétente territorialement en application des règles de la compétence
ordinaire;
- de l'unité de dessein de leurs auteurs, alors même qu'elles ont été commises dans des
temps différents. Ainsi, une juridiction compétente pour connaître d'une infraction
d'association de malfaiteurs commise dans son ressort pourra voir sa compétence étendue aux
vols à mains armée commis hors de ressort par les membres de cette association;
- du lien de causalité existant entre elles. Dans cette hypothèse, les personnes
impliquées ont commis certaines infractions afin de se procurer les moyens de commettre les
autres. Ainsi, une juridiction compétente pour connaître d'une évasion commise hors de son
ressort par un détenu évadé, arrêté dans son ressort, serait compétente pour connaître aussi des
violences accomplies par ce détenu ou par un de ses codétenus pour permettre cette évasion.
- du lien créé par le recel de tout ou partie des objets provenant d'une infraction, sans
qu'il soit nécessaire de constater l'existence préalable d'un concert entre auteur et receleur.
D'application très fréquente, ce cas de connexité permet une extension de compétence
territoriale analogue à celle examinée.

Comme on le voit, la connexité est le lien qui existe entre les infractions dont la nature
est telle qu’il commande que ces infractions soient jugées ensemble et par le même juge. Dans
ce cas, la jonction des différentes causes peut être ordonnée pour des raisons de bonne
administration de la justice. Ce regroupement est effectué par une seule procédure
conformément à un ordre de préférence légal et au prix-le cas échéant-de dérogations au droit
commun de la compétence du juge identifié comme étant celui qui peut connaître des diverses
demandes connexes. En ce cas, la jonction est ordonnée par la juridiction saisie à la demande
d’une partie1659.

§ 2. Conditions

Il est difficile de déterminer un critère précis de la connexité mais nous pensons que les
éléments suivants doivent réunis:
- un lien entre deux affaires;
- saisine de deux juridictions différentes et compétentes;
- intérêt pour une bonne administration de la justice de les instruire et les juger ensemble.

1658
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n°1141, p. 673.
1659
Cour d'appel de Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, 1967, n° 2, p. 181.
633

I. Le lien entre deux affaires

Le lien entre deux affaires peut être divers. Ce lien peut tenir de l'identité partielle des
parties (pas totalement sinon, il y aurait litispendance), à l'identité de la cause et d'objet. Par
exemple, les actions engagées par un ancien employeur contre ses anciens salariés pour
concurrence déloyale et celle contre le nouvel employeur. Le plus souvent, le lien entre les
affaires tient aux faits de l'espèce qui sont à l'origine du litige. Ainsi, sont connexes l'action en
contrefaçon et l'action en nullité ou déchéance du brevet portée par le défendeur devant une
autre juridiction1660.

En matière pénale, c'est lorsqu'il y a un lien entre deux ou plusieurs infractions qui exigent
pour une bonne administration de la justice qu'elles soient jugées ensemble. C'est le cas des
infractions qui ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et
divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles1661. Exemple: infractions
commises par divers individus agissant, après s'être concertés, dans des villes différentes.
C'est le cas également lorsque les coupables ont commis certaines infractions pour se procurer
les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour
en assurer l'impunité1662. Exemple: un détenu assommant son gardien pour s'évader ou faux et
usage de faux.

Enfin, c'est le cas lorsque les infractions ont été commises en même temps par plusieurs
personnes réunies par unité de temps et de lieu1663. Exemple: infractions commises au cours
d'une émeute, bataille entre plusieurs personnes. Exemple: des détournements commis au
préjudice d'une entreprise par plusieurs de ses chauffeurs, chacun d'eux agissant séparément
mais n'ignorant pas les agissements des autres et la connivence générale favorisant l'action
infractionnelle de tous, ou encore des blessures involontaires occasionnées à la même victime
par deux chauffeurs.

II. Saisine de deux juridictions différentes et compétentes

Le renvoi pour connexité suppose que deux juridictions différentes et compétentes


aient été saisies. Ces juridictions peuvent être de même rang (deux juridictions du premier
degré) ou de rang différent (une juridiction du premier degré et une du degré d'appel), de
même nature (les deux juridictions sont de droit commun ou ordinaire) ou de nature différente
(une juridiction de droit commun ou ordinaire et juridiction spécialisée ou une juridiction
militaire ou d'exception) mais obligatoirement du même ordre (les deux juridictions doivent
être de l'ordre judiciaire). Ainsi, comme pour la litispendance, il n'y a pas connexité lorsque

1660
Cour d'appel de Lyon, 18 janvier 1956, Annales de la propriété industrielle, 1956, 79.
1661
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n°91, p. 89.
1662
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 763.
1663
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 572, p. 540.
634

les deux juridictions saisies sont du degré d'appel car il s'agira du règlement de juges ou le
conflit de juridictions qui est de la compétence de la Cour de cassation1664.

Il n'y a pas de connexité lorsque les prévenus ont été poursuivis conjointement dans
une même instance quant aux faits qui leur sont reprochés et non lorsque certains faits ont
déjà été jugés sur le fond au premier degré alors que pour d'autres les prévenus comparaissent
uniquement devant les juridictions répressives concernant la détention préventive1665. Il n'y a
pas de connexité lorsque certains faits sont soumis au juge de fond et d'autres sont encore au
niveau de l'instruction préparatoire devant l'officier du ministère public. De même, il n'y a pas
connexité lorsque les faits constituant les infractions faisant l'objet de poursuites pénales sont
instruits pendant l'instruction préparatoire devant deux parquets différents.

Aussi, par nature différente, il ne saurait y avoir connexité entre un litige relevant de la
compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire et un litige relevant de la juridiction de
l'ordre administratif car cette question se réglerait par le conflit d'attribution qui est de la
compétence de la Cour constitutionnelle1666. Il n'y a point de connexité entre un litige porté
devant une juridiction de l'ordre judiciaire et un litige soumis à l'arbitrage, entre les demandes
portées l'une devant une juridiction civile et l'autre devant une juridiction répressive ou encore
entre le juge national et un juge étranger1667. Mais la connexité existe entre une affaire portée
au premier degré de juridiction et une affaire pendante au degré d'appel.

Il ne peut y avoir connexité entre deux formations ou sections ou chambres ou juges d'une
même juridiction car cette question relève sans formalité du président de juridiction. Sa
décision est une mesure d'administration judiciaire. C'est ainsi qu'à la Cour de cassation, s’il y
a lieu de statuer par un seul et même arrêt sur plusieurs affaires pendantes devant des
chambres différentes, le Premier président désigne par ordonnance, soit d’office, soit à la
demande du Procureur général, soit à la demande des parties, la chambre qui en connaîtra. Le
greffier notifie cette ordonnance aux parties et au Procureur général1668. Enfin, il ne peut y
avoir connexité entre une affaire au provisoire devant le président de juridiction et une affaire
au fond introduite devant le même tribunal car la question se règlerait alors sans formalité par
une jonction des procédures ou règlement sur la distribution de causes décidée par le président
de juridiction. Sa décision est une mesure d'administration judiciaire.

1664
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi
organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°
spécial, 20 février 2013.
1665
Cour d'appel de Lubumbashi, 12 juillet 1966, RJC, 1966, n° 4, p. 337.
1666
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; articles 65 et 66 de la loi organique n°13/026 du
15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial,
18 octobre 2013.
1667
G. CLOSSET-MARCHAL, La compétence en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 108,
p.70.
1668
Article 18 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
635

III. L'intérêt pour une bonne administration de la justice de les instruire et les juger ensemble

En matière civile, l'intérêt des plaideurs et celui de la bonne administration de la justice


exigent que, dans toute la mesure du possible, les différentes demandes soient réunies,
instruites et jugées devant une seule et même juridiction. Cet intérêt doit résulter sinon une
nécessité absolue (ce qui est rare en pratique), du moins un intérêt rationnel à les juger
ensemble parce que la décision sur l'une des affaires peut influer sur la solution de l'autre ou,
a fortiori, parce que les décisions rendues séparément peuvent être inconciliables. Cet intérêt
d'une bonne justice de juger les affaires ensemble est évident par exemple entre la demande
en exécution forcée d'un contrat et la demande en résiliation ou en nullité du même contrat. Il
est encore évident que l'action principale en dommages et intérêts ou en revendication d'un
bien et la demande en garantie contre l'assureur ou toute autre personne qui devrait sa garantie
doivent être jugées ensemble1669.

De même en matière pénale, la jonction des différentes causes peut être ordonnée pour des
raisons de bonne administration de la justice, mais sans que le lien existant entre elles
empêche d'envisager l'une sans considérer les autres1670. Les infractions connexes, du point de
vue de la compétence, suivent toujours le même sort. Si le juge du fond saisi par un acte
unique déclarant les faits connexes constate son incompétence pour l'un des faits, il se déclare
incompétent pour tout. En revanche, si la juridiction de jugement est saisie par deux titres
différents, elle ne peut invoquer la connexité existant éventuellement entre les faits qui lui
sont déférés par l'un et l'autre titre, que pour autant qu'elle soit compétente connaître chacun
d'eux1671.

§ 3. Règlement de l'incident de la connexité

L’article 146 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire organise le traitement de
la connexité de la manière suivante :
- Les demandes qui sont pendantes devant un tribunal de paix peuvent, à la requête de l’une
des parties, être jointes à des demandes connexes pendantes devant le tribunal de grande
instance. La juridiction ainsi saisie statue en premier ressort ;
- Lorsque les demandes pendantes devant les juridictions différentes de même rang sont
connexes, elles peuvent, à la demande de l’une des parties, être renvoyées à celle de ces
juridictions qui a déjà rendu une décision autre qu’une disposition d’ordre intérieur, sinon, à
la juridiction saisie la première ;
- Dans ce cas, lorsque les parties ne sont pas les mêmes dans toutes les actions connexes et
que la juridiction de renvoi a déjà rendu un jugement qui ne la dessaisit pas, le renvoi à cette

1669
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.133, p. 290.
1670
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 763; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1094.
1671
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 764.
636

juridiction ne peut être prononcé si le plaideur qui n’a pas été partie à ce jugement s’y oppose.
Cela signifie que si les parties en cause dans l'affaire connexe ne sont pas les mêmes que
celles en cause devant le tribunal qui veut se dessaisir, le plaideur qui n'a pas été à la cause
devant le tribunal de renvoi lequel a pris une décision autre qu'une disposition d'ordre
intérieur, peut s'opposer à la demande de renvoi.;
- Les décisions de renvoi sont en dernier ressort ;
- La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle est saisie.
Une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la procédure au greffe
de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée.

La solution préconisée est que la jonction des causes soit ordonné par la juridiction saisie
à la demande d'une partie1672.

§ 4. Moment de soulever l'incident de la connexité

La loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de


l'ordre judiciaire n'a pas précisé le moment où l'on peut soulever l'exception de connexité.
Mais il est de principe que l’exception de connexité n’est pas d’ordre public et ne peut être
soulevée in limine litis (c'est-à-dire avant l'examen du fond) par la partie en sollicitant le
renvoi devant le tribunal compétent. En clair, elle peut être soulevée en tout état de cause. Il
est d'ailleurs nécessaire qu'il ait été conclu au fond pour apprécier s'il y a connexité. La loi n'a
pas prévu le cas où l'exception peut être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une
intention dilatoire dans le but de retarder le plus longtemps possible la procédure. Cela peut
avoir le risque de permettre aux parties d'en abuser en laissant volontairement passer du temps
dans une intention dilatoire avant de soulever l'exception de connexité. C'est pourquoi, nous
pensons que la connexité devrait être soulevée in limine litis (c'est-à-dire avant l'examen du
fond) comme pour la litispendance.

Contrairement à la litispendance, le tribunal ne peut en aucune manière soulever


l'exception d'office; ce tribunal (le juge) devant lequel l'exception est soulevée par la partie,
apprécie lui-même souverainement l'existence d'une connexité. Cette exception peut en
principe être soulevée devant l'une ou l'autre des juridictions distinctes saisies des litiges
connexes. L'exception n'a pas à être soulevée nécessairement devant la juridiction saisie en
second lieu ou devant la juridiction qui a déjà rendu une décision autre qu'une disposition
d'ordre intérieur (article 146 alinéa 2 de la loi organique susvisée). Toutefois, lorsque les
juridictions sont de degré différent, la connexité ne peut être soulevée que devant la
juridiction inférieure.

On admet encore bien que la loi ne le précise pas, que s'il existe un lien de connexité entre
une juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée ou aussi une juridiction
d'exception, c'est devant la juridiction spécialisée ou juridiction d'exception que le renvoi pour
connexité doit être demandé afin que l'affaire soit renvoyée à la juridiction de droit commun,

1672
Cour d'appel de Kinshasa, 10 octobre 1967, RJC, n° 2, p. 181.
637

sauf si l'une des demandes relève de la compétence exclusive d'une des juridictions. Dans ce
cas, c'est la juridiction dont la compétence n'est pas exclusive qui doit se dessaisir1673.

§ 5. Concours entre deux juridictions spécialisées en matière de droit privé

Cette hypothèse concerne le concours entre le tribunal de commerce et le tribunal de


travail. La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, tout comme la loi portant organisation et
fonctionnement des tribunaux de commerce et celle relative aux tribunaux de travail n'ont pas
envisagé cette hypothèse. En réalité, il est en principe inconcevable que les deux juridictions
soient saisies à la fois des mêmes faits étant donné que leurs compétences matérielles sont
totalement différentes. Les juridictions de commerce sont compétentes pour connaître le
contentieux commercial (faillite des sociétés commerciales, litiges entre les commerçants,
etc.) et les juridictions de travail s'occupent du contentieux social (litiges entre employeur et
employé ou la sécurité sociale). Au cas où les deux juridictions seraient en concours, chacune
des juridictions sera compétente de la matière que la loi lui a confiée. Autrement dit, il y aura
deux procédures distinctes. Et en cas d'appel de deux décisions, la Cour d'appel pourrait
ordonner la jonction pour connexité.

§ 6. Concours entre deux juridictions de droit commun ou ordinaire en matière pénale

I. Concours entre deux juridictions de même nature et de même rang

Par "juridictions de même nature", il faut entendre les juridictions de droit commun et de
même ordre de juridiction (judiciaire). Par "juridictions de même rang", il faut entendre les
juridictions de même degré (niveau). Il peut s'agir par exemple de deux tribunaux de paix ou
deux tribunaux de grande instance ou deux cours d'appel. A cet égard, sont compétents le juge
du lieu où l’une des infractions a été commise, de la résidence du prévenu et celui du lieu où
le prévenu aura été trouvé. Lorsque plusieurs personnes sont poursuivies conjointement
comme coauteurs ou complices d’infractions connexes, le tribunal compétent au point de vue
territorial pour juger l’une d’elles est compétent pour juger toutes les autres. La disjonction
des poursuites au cours des débats laisse subsister la prorogation de compétence1674.

Les règles de compétence territoriale des juridictions répressives sont d’ordre public. En
conséquence, aucun accord préalable, non plus qu’un acquiescement a posteriori ne peuvent
couvrir une dérogation à la loi. La loi a cependant prévu diverses éventualités qui requièrent
une solution s’écartant de la règle de base désignant le tribunal territorialement compétent.
Ainsi, lorsque plusieurs prévenus sont poursuivis conjointement et que, suivant les critères de
la compétence territoriale, ils devraient être traduits devant les juridictions différentes de
même nature et même rang, le tribunal compétent pour juger l’un d’eux est compétent pour

1673
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 142.141, p. 290.
1674
Article 104 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
638

juger les autres. C’est la règle de prorogation de compétence. Lorsque deux ou plusieurs
tribunaux de même rang, compétents territorialement, se trouvent saisis des mêmes faits, le
tribunal saisi le premier est préféré aux autres1675.

Enfin, en cas de prorogation de compétence pour participation criminelle ou connexité


des faits infractionnels, le décès en cours d’instance du prévenu relevant normalement de la
compétence de la juridiction saisie, tout en entraînant l’extinction de l’action publique dirigée
contre ce prévenu laisse subsister la prorogation de compétence à l’égard des autres
prévenus1676.

II. Concours entre deux juridictions de même nature mais de rangs différents

Par "juridictions de même nature mais de rangs différents", il faut entendre les
juridictions de droit commun de l'ordre judiciaire mais de degré (niveau) différent. Il peut
s'agir par exemple du conflit entre le tribunal de paix et le tribunal de grande instance ou entre
celui-ci et la Cour d'appel. A ce sujet, lorsque deux tribunaux compétents se trouvent saisis
des mêmes faits, le tribunal de rang le moins élevé décline sa compétence1677. Si un tribunal
saisi d’une infraction de sa compétence, constate que les faits constituent une infraction dont
la compétence est attribuée à un tribunal inférieur, il statue sur l’action publique et
éventuellement sur l’action civile et des dommages-intérêts à allouer d’office1678.

Lorsqu’un inculpé est amené au parquet où se trouve le siège ordinaire d’un tribunal pour
les besoins d’une instruction préparatoire relative à des faits paraissant, par leur nature ou en
raison de la connexité, de la compétence matérielle et territoriale de ce tribunal, tout tribunal
d’un rang inférieur, ayant le même siège ordinaire, peut connaître des faits, s’il est compétent
en raison de la matière. Lorsqu’un inculpé est amené, pour les besoins de l’instruction
préparatoire, en dehors du ressort de sa résidence et/ou de la commission de l’infraction, toute
juridiction du lieu d’instruction préparatoire peut connaître les faits s’il est compétent en
raison de la matière1679.

1675
Article 105 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1676
Cour suprême de justice, 6 août 1982, R.P.26/C.R., in R.J.Z., 1982, p. 52.
1677
Article 102 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1678
Article 103 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1679
Article 105 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
639

§ 7. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire


et une juridiction spécialisée et/ou une juridiction militaire ou d'exception

I. Concours entre une juridiction de droit commun


ou juridiction ordinaire et une juridiction spécialisée

1. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire


et le tribunal de commerce ou le tribunal de travail

Il convient de distinguer deux hypothèses: en matière pénale (a) et en matière civile (b).

a) En matière pénale

Le tribunal de travail n'a pas de compétence en matière pénale. Dans ce cas, il n'y a que
deux juridictions statuant en matière pénale qui peuvent entrer en concours: le tribunal de
grande instance et le tribunal de commerce. Cette hypothèse n'a pas été envisagée par la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire. Or, ce cas peut se poser dans la pratique étant donné que
le tribunal de grande instance est compétent de connaître de toutes les infractions punissables
d'une peine excédent 5 ans de servitude pénale principale1680 et le tribunal de commerce est
compétent de connaître les infractions à la législation économique et commerciale quel que
soit le taux de la peine ou la hauteur de l'amende1681.

La loi portant organisation, fonctionnement et compétences des tribunaux de commerce


n'a pas défini les infractions à la législation économique et commerciale et n'a pas dit de
manière claire et non équivoque que ces juridictions ont une compétence exclusive à l'égard
des infractions à la législation économique et commerciale, sinon elle aurait utilisé les mots
"sont seuls compétents". A défaut de l'avoir dit, les tribunaux de grande instance et tribunaux
de commerce ont une compétence concurrente dans diverses matières. En conséquence, on
appliquera la règle selon laquelle les juridictions de droit commun restent compétentes sur une
matière tant qu'une loi n'a pas confié la compétence exclusive de cette matière à une
juridiction spécialisée. Dans le cas sous examen, nous pensons que les tribunaux de grande
instance seront compétents de connaître les infractions de droit commun même si elles sont
connexes aux infractions à la législation économique et commerciale. Il en est ainsi
notamment de la corruption et concussion, assurances, blanchiment d'argent et des capitaux.

Par contre, les infractions relatives à la faillite de sociétés commerciales, législation


économique (infractions douanières, fiscales, monétaires, réglementation de change, etc.) non

1680
Article 89 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1681
Article 17 alinéa 2 de la loi n° 002/2011 du 3 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement
des tribunaux de commerce, JORDC, n° 14, 15 juillet 2001.
640

connexes aux infractions de droit commun seront de la compétence des tribunaux de


commerce.

Comme on le voit, la frontière risque d'être difficile à tracer dans la pratique. C'est pourquoi,
il serait urgent qu'une loi soit prise pour clarifier de manière particulière les matières
compétentes de ce deux juridictions. En attendant cette législation, le ministère public près le
tribunal de grande instance devrait être très attentif à savoir laquelle de deux juridictions serait
compétente d'une infraction relative à la législation économique et commerciale dès lors que
c'est ce même ministère public qui exerce la poursuite, l'instruction préparatoire et saisit la
juridiction compétente (tribunal de grande instance ou tribunal de commerce, selon le cas).

b) En matière civile

Cette hypothèse n'a pas été envisagée par la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire.
Mais nous pensons que lorsque les deux demandes ou chefs de demande unis par un lien de
connexité relèvent respectivement l'un de la compétence de la juridiction de droit commun ou
ordinaire, l'autre du tribunal de commerce ou du travail, la prorogation légale qu'engendre la
connexité a pour résultat de donner compétence à la juridiction de droit commun ou ordinaire
à l'effet de connaître de la demande ou chef de demande qui ressortissait à la compétence
matérielle du tribunal de commerce ou de travail.

En d’autres termes, lorsqu’il existe le concours les deux juridictions, l’une ordinaire,
l'autre du tribunal de commerce ou du travail, quand il s’agit d’une action comportant des
chefs distincts mais unis par les liens de connexité si étroits qu’on risquerait, en les jugeant
séparément, de leur donner des solutions inconciliables, la juridiction ordinaire doit, par
l’effet d’une prorogation légale, prévaloir sur le tribunal de commerce ou du travail et rester
saisie de toute l’affaire1682. La connexité permet d'abord la jonction de causes, qui par voie de
conséquence, entraine la prorogation de compétence dans la mesure où l’on déroge aux règles
ordinaires de compétence.

Cette solution se justifie par le principe selon lequel les juridictions spécialisées ne
peuvent connaître que des demandes pour lesquelles la compétence leur est attribuée
expressément par la loi. C'est pourquoi, d'ailleurs, le renvoi ne peut être fait devant le tribunal
de commerce ou du travail, puisque chacune de ces juridiction n'a pas compétence à l'égard de
la demande ou chef de demande connexe qui relève de la compétence de la juridiction de droit
commun ou ordinaire. Le renvoi devra être fait devant le tribunal de grande instance qui, sur
demande ou chef de demande qui était de la compétence de tribunal de commerce ou du
travail, trouve compétence dans l'effet de prorogation légale de compétence que produit la
connexité à son profit.

1682
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n° 548, pp.
596-597.
641

Toutefois cette solution n'est pas applicable lorsque la demande connexe dont est saisie le
tribunal de commerce ou du travail concerne une matière pour laquelle l'une de ces
juridictions a une compétence matérielle exclusive. Ainsi, le tribunal de droit commun ou
ordinaire ne peut, en vertu de la prorogation de compétence qui résulte de la connexité,
connaître d'une demande ou chef de demande qui relève de la compétence matérielle
exclusive d'une juridiction déterminée: le tribunal de commerce ou le tribunal de travail.

2. Concours entre une juridiction de droit


commun ou ordinaire et le tribunal pour enfants

Dans ce cas de figure, la loi a prévu la disjonction de causes. En effet, l'article 112 de la
loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant dit que lorsque le fait commis
par l'enfant est connexe à celui qui peut donner lieu à une poursuite contre un adulte, les
poursuites sont disjointes et l'enfant est poursuivi devant le juge pour enfants1683. Cela signifie
concrètement si les enfants en conflit avec la loi et les majeurs sont auteurs et complices ou
coauteurs d'une même infraction ou les infractions commises sont connexes, les tribunaux
pour enfants seront seuls compétents pour juger les mineurs, tandis que les majeurs seront
justiciables des juridictions ordinaires ou de droit commun (tribunaux de paix ou de grande
instance selon la compétence de la matière ou autre); dans ce cas; des infractions connexes ou
indivisibles seront reparties entre deux juridictions, dans la mesure où cela ne nuit pas à
l'instruction judiciaire. Le même raisonnement est applicable en matière civile et de la famille.

II. Concours entre une juridiction de droit commun


ou ordinaire et une juridiction militaire ou d'exception

1. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire


et une juridiction militaire ou d'exception du même rang

Ce cas de figure est relatif au concours entre les juridictions de natures différentes (une
juridiction de droit commun et une juridiction militaire ou d'exception) mais également du
même rang (toutes les deux juridictions doivent être saisies soit au premier degré). Cette
hypothèse n'est pas prévue par la loi organique relative aux juridictions de l'ordre judiciaire.
Mais l'article 115 du Code judiciaire militaire tranche sans équivoque car il dit: "Les
tribunaux de droit commun sont compétents dès lors que l’un des co-auteurs ou complices
n’est pas justiciable des juridictions militaires, sauf pendant la guerre ou dans la zone
opérationnelle, sous l’état d’urgence ou de siège ou lorsque le justiciable civil concerné est
poursuivi comme co-auteur ou complice d’infraction militaire ". En clair, en cas de concours
entre le tribunal de grande instance et le tribunal militaire de garnison, c'est le tribunal de
grande instance qui sera préféré.

1683
Articles 112 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
642

2. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction


militaire ou d'exception de rangs différents (natures et rangs différents)

Il s'agit en réalité du concours entre les juridictions de natures différentes (juridiction de


droit commun et juridiction militaire ou d'exception) et de rangs différents (une juridiction est
saisie au premier degré et une autre au second degré). Ce cas est prévu par la loi. En effet,
lorsqu’une personne est poursuivie simultanément du chef de plusieurs infractions qui sont de
la compétence de juridictions de nature ou de rang différents, la juridiction ordinaire du rang
le plus élevé, compétente en raison de l’une des infractions, l’est aussi pour connaître des
autres1684. De même, les articles 100 et 101 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
déclarent: "Sans préjudice des dispositions des articles 120 et 121 du Code judiciaire
militaire, lorsque plusieurs personnes justiciables des juridictions de nature ou de rang
différents, sont poursuivies, en raison de leur participation à une infraction ou à des
infractions connexes, elles sont jugées l’une et l’autre par la juridiction ordinaire compétente
du rang le plus élevé. La disjonction des poursuites au cours des débats laisse subsister la
prorogation de compétence". Cela signifie concrètement que c'est la juridiction de droit
commun ou ordinaire compétente du rang le plus élevé qui sera seule compétente pour juger
tous les prévenus.

Aussi, si l’un des prévenus militaires doit être jugé par une juridiction de rang différent
dans une autre nature de juridictions (juridictions ordinaires ou de droit commun), c’est la
juridiction de rang supérieur de droit commun ou des juridictions ordinaires ou qui doit en
connaître1685. C'est à bon d'ailleurs que la Cour suprême de justice a dit de manière constante
que lorsque plusieurs personnes militaires et une civile ont commis plusieurs infractions en
participation criminelle et sont poursuivies simultanément, elles doivent être jugées par la
juridiction civile compétente de rang le plus élevé1686.

§ 8. Décision réglant l'incident de connexité

Alors que le conflit d’attribution est de la compétence de la Cour constitutionnelle1687,


le règlement des juges ou le conflit de juridictions est de la compétence de la Cour de
cassation1688, l'appréciation de l'existence de la connexité, la jonction et le renvoi relèvent des

1684
Article 99 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1685
A. RUBBENS, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Bruxelles, éd. F. Larcier, 1970, n°
213, p. 252 ; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 574, p. 542.
1686
CSJ, 7 avril 1970, RP 14, RCD, 1971, II, p. 16, RJC, 1970, p. 128 ; CSJ, 3 juin 1970, RP8, RCD, 1970, II, p.
18 ; Lire RJC, 1971, p. 22.
1687
Article 161 alinéa 4 de la Constitution congolaise du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026
du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC,
n°spécial, 18 octobre 2013.
1688
Article 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 66 de la loi
643

pouvoirs du seul juge du fond devant lequel l'exception est soulevée. Ce n'est pas donc la
juridiction supérieure aux deux juridictions qui doit trancher mais l'une de deux juridictions
saisies qui renvoie à l'autre. Cela se justifie par le fait que l'article 146 alinéas 1 à 5 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire utilise les termes notamment "être jointes à des demandes
connexes pendantes devant le tribunal, (...), être renvoyées à celle de ces juridictions (...)".
Ces termes montrent clairement que l'une des juridictions saisies renvoie à l'autre. De même,
en matière pénale, la connexité est une cause générale d’extension de compétence dont
l’existence relève du juge du fond1689. Elle se règle également par la jonction des procédures
qui constitue une mesure d'administration de la justice, insusceptible d'annulation1690 c'est-à-
dire non susceptible d'appel.

Saisi d'une exception de connexité, le juge doit statuer sur elle, soit pour la rejeter, soit
pour y faire droit. Mais il est de pratique constante qu'en général lorsque les conditions sont
réunies, le renvoi est ordonné car il y aurait sans doute une contradiction dans le fait de
reconnaître qu'il y a connexité et donc intérêt d'une administration de la justice d'instruire et
juger ensemble deux demandes, et à ne pas ordonner le renvoi.

Avant que la juridiction ne statue sur la connexité, le ministère public doit donner son
1691
avis . Si le juge saisi de l'exception de connexité estime qu'il est de l'intérêt d'une bonne
justice de juger ensemble les deux affaires, il se dessaisit de l'affaire et ordonne le renvoi de la
cause dont il est saisi devant l'autre juridiction. La juridiction de renvoi devant laquelle
l'affaire est renvoyée doit accepter le renvoi qui s'impose à elle et aux parties.

Dans ce cas, une expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la
procédure au greffe de la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée1692. Il est alors procédé
comme en matière d'incompétence: le dossier de l'affaire est transmis par le greffe de la
juridiction à l'autre juridiction dont le greffe invite les parties à poursuive l'instance. En
principe, la juridiction devant laquelle l'affaire est renvoyée ne peut décliner sa compétence
sur les causes dont elle est saisie. La connexité cesse dès que l’une de deux juridictions est
dessaisie soit par le prononcé du jugement définitif, soit par un désistement, soit un
déclinatoire de compétence de l'une des juridictions au profit de l'autre, soit par le renvoi.

La loi ne dit rien concernant la nature, ni la portée de la décision du juge au fond sur la
connexité; en toute logique, il s'agit d'un jugement soit de déclinatoire de compétence, soit de

organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°
spécial, 20 février 2013.
1689
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 763; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1094.
1690
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1144, p. 674.
1691
Article 69 alinéa 1, 4° de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
1692
Article 146 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
644

renvoi. Cela semble très évident car l'on exige l'avis du ministère public. En tout état de cause,
il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre intérieur car celle-ci n'exige pas l'avis du ministère public.

Enfin, la loi n'a rien dit si un tel jugement est susceptible d'appel. Nous estimons que
pour la bonne administration de la justice, rien ne justifie le recours contre le décision de
règlement de l'incident de connexité d'autant plus que les parties auront la possibilité de
recours après que la juridiction désignée ait vidé le litige en statuant au fond de demandes ou
faits originaires.

SECTION 6: L’INDIVISIBILITE

§ 1. Notions

L'indivisibilité n'a pas été prévue par la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. Elle
n'a pas été définie ni par la loi belge ni française et la doctrine est divisée quant à sa
définition. L’indivisibilité se rapproche de la connexité mais elle est différente de celle-ci. En
effet, la connexité procède du souci d’éviter, dans l’intérêt d’une administration de la justice,
que soient rendues des décisions inconciliables ; le problème se situe exclusivement sur le
terrain de l’harmonie de la chose jugée ; car il est fort possible, le cas échéant, que toutes les
décisions contradictoires ou inconciliables qu’elles soient, les deux décisions puissent être
l’une et l’autre exécutée de son côté. En revanche, l’indivisibilité, résulte du fait que les deux
décisions qui seraient rendues si le renvoi n’était pas ordonné, ne pourraient pas, en raison de
leur contrariété ou leur divergence, être exécutées simultanément ; le problème se situe donc,
non plus sur le terrain de l’harmonie de la chose jugée, mais sur celui de l’exécution même
des décisions judiciaires ou, plus précisément, de l’impossibilité en fait d’en assurer
l’exécution simultanée.

De manière concrète, pour l'indivisibilité, l'on prend en considération de l'impossibilité


d'exécuter simultanément les deux décisions auxquelles aboutiraient les deux demandes si
elles étaient jugées par des tribunaux différents1693. On a fait observer que l’indivisibilité ainsi
conçue repose sur une anticipation : les juges saisis devront, en effet, se référer à l’éventualité
où seraient rendues, par les deux tribunaux différents, des décisions qui ne pourraient pas être
exécutées simultanément. On a caractérisé l'indivisibilité en disant qu'elle est une connexité
renforcée1694 car elle intervient quand un lien encore plus étroit que la connexité peut être
relevé1695.

En matière pénale, il y a indivisibilité lorsque les poursuites sont dirigées contre les
auteurs et complices d’un même fait ou lorsque les infractions sont reliées d’une manière

1693
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°556, p.611.
1694
H. SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé Tome II. La compétence, Paris, éd. Sirey, 1973, n°553, 555,
pp.605, 608-609.
1695
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 108, p. 171.
645

tellement intime qu’on ne pourrait les dissocier. Dans ce cas, la jonction est obligatoire quand
elle est possible et c’est le lieu principal de l’infraction qui détermine la compétence1696.
L’indivisibilité suppose donc l’unité de l’infraction et rend la prorogation de compétence
obligatoire. Cette hypothèse vise, avant tout, l’infraction dite complexe, c’est-à-dire le même
acte matériel qui entraîne plusieurs infractions reliées entre elles par unité de réalisation.
D’aucuns considèrent que l’indivisibilité englobe également l’infraction collective, c’est-à-
dire l’hypothèse où l’individu a commis plusieurs faits distincts, dont chacun est constitutif
d’une infraction mais qui sont reliés entre eux par la continuation d’une et même intention
coupable ou d’un rapport de causalité1697.

Concrètement, il y a indivisibilité entre les infractions : en cas d’infraction unique


commise par plusieurs personnes ; en cas d’unité d’agent lorsque celui-ci a commis plusieurs
infractions liées par une unité de dessein (faux réalisé pour commettre l’escroquerie) ; en cas
d’unité d’agent, lorsque celui-ci a commis plusieurs infractions dont l’une constitue une
circonstance aggravante de l’autre (usage de fausse clefs en vue d’un vol).

Comme on peut le remarquer, l’indivisibilité est une notion qui concerne les faits et non
les personnes. Du moment qu’il existe entre ces infractions des rapports étroits, elles doivent
être jugées ensemble1698. Il en est de même lorsque l’existence de certains faits ne se
comprendrait pas sans l’existence des autres. Bref, pour l'indivisibilité, la jonction est
obligatoire devant un seul et même tribunal alors que pour la connexité, le juge du fond
apprécie souverainement s'il y a jonction1699. L'indivisibilité ne saurait autoriser une
juridiction de jugement, qui apprendrait l'existence éventuelle d'une indivisibilité entre les
faits à elle soumis et d'autres faits non encore poursuivis, à sursoir à statuer dans l'attente
d'une autre poursuite à venir1700. Du point de vue de la compétence territoriale, c'est autour du
fait principal qu'il faut grouper tous les faits de participation accessoires, et c'est le lieu
principal qui détermine la compétence1701.

1696
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 765; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la
procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1095.
1697
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, Collection
scientifique de la Faculté de droit de Liège et Jeune Barreau de Liège, 1989, p. 508.
1698
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 573, p. 541.
1699
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 765; B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 573, p. 541;
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1095; J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas,
2011, n° 94, p. 91; S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n°
1148, p. 675; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 109, p. 171.
1700
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1148, p. 675.
1701
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 765.
646

§ 2. Conséquences de la connexité et de l'indivisibilité en matière pénale

- L'indivisibilité et la connexité entre les infractions de nature différente ont pour effet de
rendre la juridiction la plus élevée compétente pour l'ensemble des infractions. Ainsi la Cour
d'appel sera compétente pour les crimes contre l'humanité connexes à un meurtre, et le
tribunal de grande instance pour le vol aggravé connexe à la violation du domicile.

- En cas de poursuites conjointes d'une personne jouissant du privilège de juridiction et d'une


personne ne bénéficiant pas d'un tel privilège, c'est la juridiction qui doit juger la première qui
est en principe compétente. Ainsi, les complices d'un ministre seront eux aussi jugés avec lui
par la Cour de cassation1702 même si cette solution a l'inconvénient de les priver du double
degré de juridiction.

SECTION 7: LE CONFLIT DE JURIDICTIONS OU REGLEMENT DE JUGES

§ 1. Notions

Ce conflit existe lorsque deux ou plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire statuant en


dernier ressort se déclarent compétentes ou incompétentes d’une demande mue entre les
mêmes parties. En effet, il y a lieu à règlement de juge lorsque deux ou plusieurs juridictions
de l’ordre judiciaire statuant en dernier ressort se déclarent en même temps soit compétentes,
soit incompétentes, pour connaître d’une même demande mue entre les mêmes parties1703. Le
règlement de juges en raison d’un conflit de compétence suppose l’existence d’un conflit de
juridiction entravant l’exercice de l’action publique. Ce conflit concerne donc deux ou
plusieurs juridictions de l’ordre judiciaire statuant en dernier ressort. Par exemple le conflit
de compétence entre deux tribunaux de grande instance ou deux cours d’appel ou une
juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée1704 ou une juridiction de droit
commun et une juridiction militaire mais toutes statuant en dernier ressort. Ce conflit peut
concerner aussi deux juridictions de l’ordre administratif. Si les deux juridictions prétendent
l’une ou l’autre connaître de la même affaire, le conflit est positif ; si au contraire, elles se
déclarent toutes deux incompétentes, le conflit est négatif1705.

Le conflit positif se produira assez fréquemment en matière de compétence territoriale dès


lors qu'on le sait, plusieurs juridictions sont concurremment compétentes. Ainsi, deux
tribunaux de grande instance peuvent revendiquer le même dossier: celui dans le ressort
duquel l'infraction a été commise et celui dans le ressort duquel le délinquant a été arrêté. Le

1702
Article 153 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC,
n°spécial, 4 mai 2013.
1703
Article 66 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
1704
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 551, p.523.
1705
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 551, p. 523; S. GUINCHARD et J.
BUISSON, Procédure pénale, Paris, éd. Litec, 2009, n° 1164, p. 680
647

conflit négatif, plus rare, peut se produire lorsqu'un dossier est rejeté par deux juridictions,
chaque juridiction renvoyant à l'autre. Il existe lorsque deux juridictions se sont dessaisies
d'un même litige en rendant toutes deux une décision d'incompétence passée en force de chose
jugée; cela a pour conséquence qu'il n'y a pas de juge appelé à connaître de l'affaire, ce qui
enraye le fonctionnement même de la justice. La Cour de cassation rend alors un arrêt
indiquant la juridiction qui doit connaître du litige1706. Il peut en être ainsi entre une
juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée pour une affaire dont la compétence
est mal déterminée mais statuant en dernier ressort. Dans les deux situations, c'est la
procédure de règlement de juges qui trouve application.

Qu’ils soient positifs ou négatifs, ces conflits sont tranchés par la procédure du règlement
de juges. Ils sont réglés par la juridiction supérieure commune aux deux juridictions
concurrentes, soit la Cour de cassation. C’est ainsi que le conflit entre deux tribunaux de paix,
deux tribunaux de grande instance du ressort de la même Cour d’appel est réglé par la
procédure de connexité ou litispendance ou d'indivisibilité selon les règles que nous avons
développées si les deux juridictions en conflit ne statuent pas en dernier ressort. Par contre,
s’il s’agit d’un conflit entre deux tribunaux ressortissant à deux cours d’appel différentes, ou
entre une juridiction de droit commun et une juridiction spécialisée ou entre deux tribunaux
de grande instance, statuant en dernier ressort, ou entre deux cours d’appel siégeant en
dernier ressort, le conflit est tranché par la Cour de cassation suivant la procédure de
règlement de juges. Il en est ainsi du conflit de juridiction entre une Cour d’appel (juridiction
de droit commun) et une Cour militaire (juridiction d’exception), statuant en dernier ressort.

Comme on peut le constater, ce conflit existe entre deux juridictions du même ordre
judiciaire statuant en dernier ressort. Lorsqu’il s’agira du conflit ente deux ordres de
juridiction différents, tels que les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de l’ordre
administratif, l’on ne parlera pas du conflit de juridictions ou règlement de juges mais plutôt
du confit d’attribution qui est de la compétence de la Cour constitutionnelle. Nous pensons
qu’avec la création des juridictions de l’ordre administratif depuis la Constitution du 18
février 2006, on pourrait aussi prévoir le conflit de juridictions ou règlement de juges au sein
de ces juridictions, et leur compétence sera du Conseil d’Etat.

§ 2. Conditions

Ce conflit a pour objectif de décider laquelle des deux juridictions saisies d'un même
procès a compétence exclusive pour en connaître. Trois conditions doivent être réunies:
- le conflit doit être matérialisé par deux décisions juridictionnelles;
- les décisions doivent concerner la compétence uniquement et non l'irrégularité d'une saisine;
- les décisions doivent être définitives et en dernier ressort (sinon, il suffirait d'exercer les
voies de recours normales).

1706
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd.
Larcier, 2012, p. 1328.
648

§ 3. Juridiction compétente

La Cour de cassation est seule compétente pour examiner les questions de règlement de
juges ou conflit de juridiction. Ce n'est pas donc l'une de deux juridictions en conflit qui est
compétente ou la juridiction supérieure aux deux juridictions en conflit.

§ 4. Procédure

Le règlement de juges peut être demandé par requête de l’une des parties à la cause ou du
ministère public près l’une des juridictions concernées. La requête est appuyée par les pièces
justificatives. Le Premier président de la Cour de cassation nomme un rapporteur. Après avoir
examiné la requête, la Cour de cassation communique le dossier au ministère public pour
donner son avis étant donné que c'est une cause communicable1707. La Cour de cassation
désigne la juridiction qui connaîtra de la cause1708.

En cette matière particulière, la Cour de cassation, se voit très souvent obligée d'aborder
l'examen du fait en recherchant et vérifiant tous les éléments de fait qui lui sont nécessaires
pour indiquer la juridiction compétente. Elle n'est pas liée en cette matière par l'appréciation
souveraine du juge de fond. Une fois cet examen du fait terminé, la Cour indique en son arrêt
la juridiction qui doit connaître de l'affaire.

En cas de conflit positif, l'arrêt de la Cour de cassation dessaisit l'une des juridictions et
désigne quelle est celle de deux juridictions qui connaîtra le dossier. Elle se détermine en
fonction d'une bonne administration de la justice. En cas de conflit négatif, l'arrêt de la Cour
de cassation renvoie la cause à la juridiction qu'il désigne. Cet arrêt opère la saisine et lie la
juridiction de renvoi. L'affaire peut être envoyée devant l'une de deux juridictions en conflit
ou devant une troisième juridiction qui statuera. Telles sont les principales règles de conflit de
juridiction ou règlement de juges.

Comme on peut le remarquer, elles sont complexes et ralentissent sérieusement le cours de


la justice. Aussi, concrètement, le conflit positif est-il fréquemment réglé par la pratique du
dessaisissement amiable de l'une des juridictions au profit de l'autre. Il est rare que les
juridictions dont on connaît les charges tiennent à tout prix à régler un dossier.

1707
Article 69 alinéa 1, point 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1708
Article 66 alinéa 2 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
649

SECTION 8: LE CONFLIT D’ATTRIBUTION

§ 1. Notions
L'article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006 et l'article 66 de la loi
organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle1709 disent qu'il y a conflit d’attribution, lorsque la Cour de cassation et le
Conseil d’Etat déclarent tous deux une juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de
l’ordre administratif compétente ou incompétente pour connaître d’une même demande mue
entre les mêmes. La doctrine considère qu'il y a conflit d’attribution lorsqu’une juridiction de
l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif se déclarent pour une même
demande mue entre les mêmes parties toutes deux compétentes ou incompétentes1710. Ce
conflit est aussi appelé "conflits d'ordres juridictionnels" puisqu'ils mettent aux prises l'ordre
juridictionnel judiciaire et l'ordre juridictionnel administratif. Les conflits d'attribution entre
les ordres de juridiction est de la compétence de la Cour constitutionnelle1711.

§ 2. Procédure

Le recours en cette matière n’est recevable que si une exception d’incompétence a été
soulevée par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat au motif que la demande
relève en tout ou en partie de l’autre ordre1712. Concrètement, on peut se trouver devant une
situation suivante: une juridiction de l'ordre judiciaire peut être saisie d'un dossier et au cours
de l'instance, une partie soulève l'exception de compétence matérielle au motif entre autres
que les matières concernées n'entrent pas dans les compétences des juridictions de l'ordre
judicaire mais plutôt de l'ordre administratif. Cette partie devra alors saisir la Cour de
cassation pour régler le conflit.

De même, une juridiction de l'ordre administratif peut se trouver dans la même situation,
dans ce cas, c'est le Conseil d'Etat qui sera saisi pour résoudre le conflit. Ce n'est qu'après les
arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d'Etat lorsqu'ils se prononcent sur
l'attribution du litige aux juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif que l'on peut saisir

1709
JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
1710
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 548, p. 522 ; J.P. SCARANO, Institutions
juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 241-242, pp. 172-174 ; N. FRICERO, L’essentiel des
institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, pp. 90-91.
1711
Article 161 alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006; article 65 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
1712
Article 161 alinéa 4 in fine de la Constitution du 18 février 2006; article 67 de la loi organique n°13/026 du
15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial,
18 octobre 2013.
650

la Cour constitutionnelle1713. La demande n’est recevable que dans les deux mois de la
signification de la décision d’où résulte le conflit1714.

Lorsque la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont, l’une et l’autre, déclaré une
juridiction de l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif compétentes, celles-
ci sursoient à statuer quant au fond jusqu’à l’expiration du délai de deux mois et, en cas de
recours, jusqu’à la décision sur le conflit. Lorsque la Cour a vidé le conflit, la juridiction de
l’ordre qui n’a pas été reconnue compétente est dessaisie de plein droit de l’action pendante
devant elle. La juridiction de l’ordre reconnu compétente est seule habilitée à trancher le fond
du litige sur une nouvelle demande de la partie la plus diligente dans le respect des règles
prévues par la loi. La prescription est suspendue pendant la procédure de règlement du conflit.
L’arrêt de règlement de conflit s’impose aux deux ordres de juridictions1715.

§ 3. Propositions de réforme

Il s'agit d'une grande avancée de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle d'avoir réglé le conflit des
compétences entre une juridiction de l’ordre judicaire et celle de l’ordre administratif étant
donné que cette situation risque d’être fréquente dans la pratique judiciaire. Mais la formule
nous semble lourde étant donné qu'en cas de conflit d'attribution, chaque juridiction doit
attendre que le la Cour de cassation ou le Conseil d'Etat déclare l'une ou l'autre juridiction
compétente ou incompétente. Et ce n'est qu'après cela que l'on peut saisir la Cour
constitutionnelle. Il serait mieux que lorsqu'il y a éventualité de conflit d'attribution que l'une
ou l'autre juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif ait la possibilité de saisir
directement la Cour constitutionnelle pour trancher.

C’est pourquoi, nous pensons qu’on devrait dans les meilleurs délais modifier l’article
161 alinéa 4 de la Constitution de la manière suivante : « La Cour constitutionnelle connaît
des conflits d’attribution entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions de
l’ordre administratif. Elle peut être saisie par l'une des juridictions dont l'affaire est
pendante». Cette formulation nous semble plus large et pourrait résoudre plusieurs conflits
des compétences entre ces deux ordres de juridiction qui pourraient se poser. De même dans
la mesure du possible, il serait mieux que cette compétence revienne à la Cour de cassation en
tant que la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, elle nous semble plus préparée à
résoudre un tel conflit. La Cour constitutionnelle pourrait rester compétente pour régler le
conflit de compétence entre la Cour de cassation et le Conseil d'Etat. Et d’ailleurs, c’est ce qui
ressort des éléments du droit comparé car le conflit d’attribution entre une juridiction de

1713
Article 161 alinéa 4 in fine de la Constitution du 18 février 2006; article 67 de la loi organique n°13/026 du
15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial,
18 octobre 2013.
1714
Article 68 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
1715
Articles 69 à 71 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
651

l’ordre judiciaire et une juridiction de l’ordre administratif est de la compétence de la Cour de


cassation en Belgique, et du Tribunal des conflits en France1716.

SECTION 9: DISPOSITIONS SUR LES CONFLITS DES COMPETENCES


TERRITORIALES EN MATIERE PENALE

Elles sont prévues par les articles 99 à 106 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 201
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. Les
tribunaux du lieu où l’infraction a été commise, du lieu de résidence du prévenu et du lieu où
le prévenu a été trouvé sont concurremment compétents. En l’absence de l’adresse du
prévenu, le lieu de la commission de l’infraction détermine la compétence territoriale1717. Cela
se justifie par le fait que c'est habituellement là que se trouvent les preuves. Enfin, les
juridictions pénales congolaises sont compétentes pour connaître d’une infraction commise à
l’étranger par un prévenu trouvé au Congo1718.

SECTION 10: LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS


PENALES SUR L'ACTION CIVILE

L’action en réparation du dommage causé par une infraction peut être poursuivie et en
même temps que l’action publique devant le même juge. Il en est de même des demandes de
dommages-intérêts formées par le prévenu contre la partie civile ou contre les coprévenus1719.

Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la défense de


leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de l’action
publique prononcent d’office les dommages-intérêts et réparations, qui peuvent être dus en
vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux1720. Cependant, la constitution de partie
civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De même, la Cour ne peut statuer
d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être dus en vertu de la loi, de la
coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être poursuivie qu’après l’arrêt définitif
de la Cour et devant les juridictions ordinaires1721. Mais cette disposition s'applique
uniquement lorsque la Cour de cassation doit juger en premier et dernier ressort les
bénéficiaires du privilège de juridiction. En conséquence, elle ne s'applique pas lorsqu'elle
doit connaître au second degré les arrêts prononcés par les Cour d'appel au premier degré (soit
les infractions pénales internationales, soit les bénéficiaires du privilège de juridiction de la
Cour d'appel).

1716
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22ème éd. Dalloz, 2010, n° 548, p.522.
1717
Tribunal de grande instance de Kinshasa/Matete, 7 décembre 1988, R.P.5558, Inédit.
1718
Tribunal de grande instance d' Inongo, 27 juillet 1984, RP 1721, RJZ, n° 1 et 2, 1993, p. 23.
1719
Article 107 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1720
Article 108 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1721
Article 78 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
652

CHAPITRE II : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS


DU DOUTE D'IMPARTIALITE DU JUGE

Le doute sur l'impartialité du juge peut faire l'objet soit de la récusation (section 1), soit du
déport (section2), soit du renvoi pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique
(section 3).

SECTION 1: LA RECUSATION

§ 1. Notions

La récusation est un moyen permettant de garantir une bonne administration de la justice


aux justiciables en excluant du siège d’une juridiction un ou plusieurs magistrats suspectés de
partialité. C'est un incident de procédure soulevé par une partie qui, sans s'opposer à la saisine
de la juridiction ni contester sa compétence, prétend faire écarter un ou plusieurs juges
nommément désigné(s) qu'elle suspecte de partialité envers l'un des plaideurs. La récusation
constitue un incident qui intervient au cours d’un litige et à l’occasion duquel il est allégué
qu’il existe des doutes quant à l’aptitude du juge à statuer de manière objective et impartiale
sur le litige dont il est saisi1722. C’est donc un droit que la loi accorde aux parties de demander
qu’un ou plusieurs juges nommément désigné(s) dont elles mettent en cause l’impartialité ne
connaisse(nt) pas du procès qui lui(leur) est régulièrement déféré et soi(ent) remplacé(s) par
un ou d’autres juge(s)1723. De manière simple, la récusation est le droit accordé à un plaideur
de faire écarter du siège, pour le jugement de son procès, un juge dont l'impartialité à son
égard peut légalement être suspectée1724.

Cette procédure préventive vise ainsi à empêcher qu’une cause ne soit instruite ou jugée
par un juge ne présentant pas les garanties nécessaires d’impartialité, objectivité et
sérénité1725. C’est donc un moyen préventif pour contrôler la partialité du juge1726. La

1722
F. KUTY, L’impartialité du juge en procédure pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2005, pp. 177-178; S.
GUINCHARD, Méga Nouveau Code de procédure civile, Paris, 2ème éd. Dalloz, 1998, n° 1123, p. 413 ;
A.VITU, La « récusation en matière pénale », Mélanges dédiées à Jean Vincent, Paris, éd. Cujas, 1981, p.
427 ; D. ROETS, Impartialité et justice pénale, Paris, éd. Cujas, 1997, p. 1999; Cour de cassation belge, 18
novembre 1997, Pas., 1997, I, p. 1215 ; Cassation belge, 2 octobre 2002, R.G.P.02.934 ; Cassation belge, 10
décembre 2003, J.T., p. 883.
1723
T. KAVUNDJA N. MANENO, l’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 25 juin 2005, pp. 532-533.
1724
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire Tome 2. Manuel de procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier,
2015, n° 6.1, p. 571; G. DE LEVAL et F. GEORGES, Droit judiciaire Tome 1: Institutions judiciaires et
éléments de compétence, Bruxelles, 2 ème éd. Larcier, 2014, n° 56, p. 59.
1725
J. VAN COMPERNOLLE, G. GLOSSET MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2001)
Droit juridiction privé », R.G.J.B., 4ème trim. 2002, n° 609, p. 692.
1726
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 215, p. 224.
653

récusation est dirigée contre un juge pris individuellement1727 ou parfois plusieurs juges mais
pas tous les juges de juridiction, ce qui la distingue du renvoi pour cause de suspicion
légitime, qui vise la juridiction dans son ensemble et non quelques juges composant une
juridiction. La récusation dirigée contre l'ensemble des magistrats qui composent une
juridiction n'est pas une récusation, elle équivaut, en ce cas, à une demande de renvoi pour
cause de suspicion légitime. Bref, la récusation concerne un juge (ou quelques uns mais tous)
d'une juridiction (y compris celui ou certains de la Cour de cassation) alors que le renvoi pour
cause de suspicion légitime concerne tous les juges composant une juridiction (et non la Cour
de cassation).

La récusation se distingue aussi du déport qui est le fait que le juge appelé à instruire
ou à juger une affaire, estime de par sa conscience se retirer de connaître cette affaire afin de
sauvegarder son impartialité étant donné qu'il se trouve dans l'une des huit causes de
récusation prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée ou il existe dans son chef une
cause d'incompatibilités . Elle est réglée par les articles 49 à 59 de la loi organique n°13/011-
B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de
l'ordre judiciaire.

§ 2. Juges concernés

Au sens de l’article 49 de la loi organique susvisée, sont au premier chef susceptibles


d’être récusés les juges (magistrats peu importe la juridiction voire même ceux de la Cour de
cassation1728, juges consulaires du tribunal de commerce, juges assesseurs du tribunal de
travail et des jurés des juridictions militaires) quelle que soit la juridiction à laquelle ils
appartiennent (ordre judiciaire, ordre administratif, Cour des comptes, Cour constitutionnelle)
quand bien même s’agirait-il d’une juridiction disciplinaire (chambres de discipline) ou
arbitrale. Concernant l'arbitre, il est considéré comme juge au sens de cet article. A ce titre, il
est logique que sa récusation soit envisageable.

En matière disciplinaire, cela signifie que les membres de la chambre de discipline


(provinciale et nationale) du Conseil supérieur de la magistrature chargés de juger les fautes
professionnelles (disciplinaires) des magistrats sont aussi concernés. Il en va de même des
membres des organismes investis d’une mission juridictionnelle, disciplinaire par exemple
(ordre des avocats, ordre des médecins, ordre des pharmaciens, ordre des médecins
vétérinaires, ordre des architectes, etc.) tout au moins lorsqu’ils ont à statuer dans le cadre de
cette mission.

1727
M. FRANCHIMONT, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection de l’Université de Liège, éd. Jeune
Barreau de Liège, 1989, p. 997 ; P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE LEVAL (sous direction), in La
jurisprudence du Code judiciaire commenté, in Volume II A, L'instance (D. MOUGENOT, coordination),
Bruxelles, éd. La Charte, 2013, p. 294; X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE
RIEMAECKER et alii, Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 341.
1728
Article 53 alinéa 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai 2013.
654

Peut également être récusée la personne, officier du ministère public, avocat ou étrangère à
une juridiction mais appelée à la compléter1729. Cela signifie concrètement que les personnes
assumées pour compléter le siège de juridiction, sont aussi récusables1730. Mais les juges des
juridictions coutumières ne peuvent pas être récusés sur base de l'article 49 de la loi organique
susvisée. Même si cet article ne le dit pas de manière expresse, en principe, la récusation n'est
possible que lorsque le juge faisant l'objet de récusation siège au fond car on voit mal
comment on peut récuser un juge qui ne tranche pas ou qui se borne à opérer une remise. Mais
nous pensons qu'un juge siégeant en chambre du conseil pour régulariser ou non la détention
préventive d'un inculpé peut être récusé s'il se trouve dans les conditions prévues par cette
disposition1731.

§ 3. Cas du ministère public

En principe, le ministère public ne peut pas faire l'objet de récusation. La récusation du


ministère public est envisageable lorsqu'il intervient en matière de droit privé en tant partie
jointe et exceptionnellement en matière pénale durant l'instruction préparatoire mais dans ce
cas, il ne s'agit de la récusation au sens strict mais de la décharge de l'instruction de l'affaire.

S'agissant de l'intervention du ministère public en matière de droit privé en tant que


partie jointe; l’article 55 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire étend la
possibilité de récusation aux représentants du ministère public lorsque celui-ci intervient par
voie d’avis c’est-à-dire comme partie jointe dans une affaire civile, commerciale, sociale, de
la famille et non en matière pénale lorsqu’il est partie principale car on ne saurait récuser son
propre adversaire. Le même principe est consacré en droit belge (article 832 du Code
judiciaire belge) et français (article 341.8 du Nouveau Code de procédure civile).

Le législateur a prévu la récusation dans cette situation car le ministère public se trouve
dans les mêmes conditions que le juge tel que prévu à l'article 49 de la loi organique d'autant
plus qu'en lui reconnaissant qualité de donner un avis, il peut exprimer un choix vers une
thèse plutôt que vers une autre, il devrait par conséquent être impartial dès lors que le juge
peut suivre son avis. La récusation du ministère public en tant partie jointe n’est applicable
qu’à l’audience ou immédiatement avant l'audience; on voit mal comment elle peut être
1729
S. GUNCHARD (sous direction) et alii, Droit et la pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 353.22, p. 1149.
1730
L'article 10 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que le tribunal de paix siège avec 2 notables du
lieu lorsqu'il y a lieu de faire application de la coutume. L'article 16 alinéa 2 de la même loi organique
prévoit que dans le cas où l'effectif des juges du tribunal de grande instance présents au lieu où tribunal
tient une audience ne permet pas de composer le siège, le Président du tribunal de grande instance peut
assumer au titre de juge sur réquisition motivée du procureur de la République, un magistrat du parquet
près le tribunal de grande instance, un avocat ou un défenseur judiciaire résidant en ce lieu ou magistrat
militaire du tribunal militaire de garnison ou du parquet militaire près cette juridiction. Ces personnes
appelées à compléter le siège sont aussi récusables aux termes de l'article 49 de la loi organique susvisée.
1731
Voyez dans le même sens B. BIEMAR, H. BOULARBAH, F. LAUNE et Ch. MARQUET, "L'instruction de
la cause et les incidents", in H. BOULARBAH et F. GEORGES (sous direction), Actualités en droit
judiciaire, CUP, volume 145, Bruxelles, éd. Larcier, 2013, n° 133, pp. 289-290.
655

enviseable en dehors de l'audience étant donné que les parties ne sont pas encore au courant
du représentant du ministère public qui donnerait son avis en cette matière. Nous pensons que
la récusation du ministère public en tant que partie jointe est difficile à obtenir que celle d'un
juge, à tout le moins quand le magistrat du ministère public a déjà rendu son avis. La
jurisprudence est très rare en ce domaine.

La récusation du ministère public n'est pas enviseable en matière de droit privé lorsqu'il
intervient en tant que partie principale. En effet, en matière de droit privé (civile,
commerciale, sociale et du travail), au cours de l'instance, le ministère public peut
exceptionnellement agir par voie d’action principale dans l’intérêt de toute personne physique
lésée qui serait inapte à ester en justice, à assurer sa défense et à y pourvoir (article 68 alinéas
3 à 5 de la loi organique) étant donné qu'il assume dans ce cas, les mêmes rôles que les parties
privées c'est-à-dire il peut être ici, soit demandeur, soit défendeur, la partie adverse ne peut
jamais le récuser. Dans ce cas, comme il est exceptionnellement la partie principale, il ne peut
jamais faire l'objet de récusation étant donné qu'il n'est pas permis à une partie de récuser son
adversaire d'autant plus que les propos du récusant n'auront plus de contradicteur.

S'agissant de l'intervention du ministère public en matière pénale durant l'instruction


préparatoire, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
l’inculpé qui estime que l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 (et non par erreur de saisie l'article 50),
adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir ce magistrat être déchargé de
l'instruction de la cause; il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu. Le législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité
d'utiliser le mot "récusation" concernant la ministère public pour ne pas créer de confusion
car le ministère public, on le récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger si les
conditions de récusation sont réunies.

De même, la "décharge" du ministère public pour absence d'impartialité n'est concevable


que durant l'instruction préparatoire c'est-à-dire que lorsque le dossier est encore au niveau du
parquet et non lorsque l'affaire est déjà au niveau de la juridiction. Cela se justifie par les
termes utilisés par l'article 59 de la loi organique susvisée "l’inculpé qui estime que l’officier
du ministère public appelé à instruire son affaire". En effet, en droit judiciaire congolais, le
terme inculpé est utilisé pour désigner l'auteur présumé de l'infraction, poursuivi par le
parquet dont les charges sont suffisantes. La loi n'a pas utilisé le mot "prévenu" étant donné
que le justiciable poursuivi n'est pas encore au niveau de la juridiction.

D'autre part, cet article utilise les termes "l'inculpé (...) adresse au chef hiérarchique, une
requête motivée tendant à voir ce magistrat (l'officier du ministère public) être déchargé de
l'instruction de la cause" qui signifie que l'affaire est pendante au parquet c'est-à-dire durant
l'instruction préparatoire et non devant la juridiction car c'est pendant l'instruction préparatoire
656

que l'on peut envisager de décharger l'officier du ministère public et non à l'audience du
tribunal. En effet, l'officier du ministère public n'instruit la cause que durant l'instruction
préparatoire mais à l'audience, c'est le tribunal qui mène l'instruction de la cause. Le
législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité d'utiliser le mot "récusation"
concernant la ministère public pour ne pas créer de confusion car le ministère public, on le
récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger de l'instruction de la cause durant
l'instruction préparatoire si les 8 causes de récusation prévues à l'article 49 de la loi organique
susvisée sont réunies.

Comme on peut le remarquer, pour que l’officier du ministère public soit déchargé de
l’instruction préparatoire pour absence d’impartialité, l’une des conditions de l’article 49 de la
loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire doit être réunie. Autrement dit, l’une des
huit causes de récusation prévues par cette loi organique doit être réunie dans la chef dudit
magistrat et ce qui suppose que la décharge du ministère public à l’audience de jugement en
matière pénale ne peut être accueillie si celui-ci agit comme partie principale. En revanche en
droit belge1732 et français1733, la récusation du ministère public est interdite en matière pénale
qu’il s’agisse de l’audience ou durant l'instruction préliminaire ou préparatoire.

D'autre part, la récusation ne se conçoit qu'à l'égard de quelqu'un qui prendra des décisions
juridictionnelles impliquant le demandeur. Or le ministère public ne juge pas, il se contente de
soumettre ses prétentions à la juridiction qui tranchera. Enfin, on ne peut même pas dire qu'il
serait possible sans récuser le ministère public car la règle d'indivisibilité qui fond les hommes
dans la fonction, interdit de considérer personnellement l'officier qui agit.

Au vu de ces éléments, en principe, le ministère public est irrécusable en matière


répressive étant donné qu'il est partie principale et nécessaire au procès pénal (demandeur)
car une partie ne peut pas récuser son propre adversaire, surtout qu'en matière répressive
(pénale), le ministère public poursuit l’action publique au nom de la société et en cette qualité
là, il ne peut pas être récusé. En effet, le ministère public, au sens général du terme, est par
principe l'adversaire de la personne poursuivie et on ne peut attendre de lui qu'il soit favorable
ni même qu'il soit neutre en ce qui le concerne. C'est pourquoi, la récusation du ministère

1732
Article 832 du Code judiciaire belge; Voyez M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de
procédure pénale, Bruxelles, 4 ème éd. Larcier, 2012, p.1351; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Le jugement, les voies de recours,
procédures particulières, la coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014,
p.1517; G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire, Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd.
Larcier, 2015, n° 6.8, p. 575; S. NUDELHOLE, "La réforme des règles de procédure applicables au
dessaisissement et à la de récusation", Journal des Tribunaux, 1998, p. 650; A. JACOBS, "Le
dessaisissement et la récusation-La loi du 6 mai 1997 visant à accélérer la procédure devant la Cour de
cassation", in Le point sur les procédures (1 ère partie), Formation permanente CUP, mars 2000, p. 345;
F. KONING, "L'erreur de menuiserie-quand l'utilitarisme s'invite à la Cour européenne des droits de
l'homme", Journal des Tribunaux, 2012, p. 577.
1733
Article 669 alinéa 2 du Code de procédure pénale; Voyez B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd.
Dalloz, 2010, n° 177, p. 148; M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, PUF, 2001, n° 45, p. 91.
657

public en matière pénale est donc irrecevable étant donné que c'est la partie principale au
procès.

En tout état de cause, la procédure de décharge "récusation" reprochée à un magistrat du


ministère public est très rare dans la pratique judiciaire congolaise d’autant plus que l'article
49 de la loi organique susvisée vise principalement le juge.

§ 4. Cas du greffier

La loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et


compétences des juridictions de l'ordre judiciaire n'a pas dit de manière tranchée que les
règles de déport et de récusation ne sont pas applicables aux greffiers. En effet, le greffier est
le secrétaire du juge qui ne fait que reproduire et attester l'accomplissement des actes de
procédure; en droit, il ne peut exercer d'influence sur le jugement; les causes de récusation ne
lui sont pas applicables1734. Mais le professeur Antoine Rubbens estime que les greffiers sont
légitimement considérés comme « empêchés » de siéger dans une cause où ils sont partie ou
dans laquelle eux-mêmes ou l’un de leurs proches a un intérêt personnel1735. Nous partageons
cette analyse dans la mesure où le justiciable est en droit d’attendre du tribunal (y compris le
greffier faisant partie de la composition du siège) qu’il présente toutes les garanties de
l’impartialité. Et c'est à bon droit d'ailleurs que la Cour constitutionnelle belge a souligné
:"C'est parce qu'il collabore à l'exercice du pouvoir judiciaire, que le greffier, qui agit
publiquement à côté du juge et avec celui-ci, doit faire montre, aux yeux du public,
d'indépendance et d'impartialité (...). La fonction de greffier est étroitement liée à la notion
du tribunal"1736.

Enfin, l'article 22 alinéa 3 du Code d'éthique et de déontologie des fonctionnaires de l'Etat


prévoit que les fonctionnaires (comme les greffiers) doivent faire preuve, en toute
circonstance d'objectivité et d'impartialité1737. Au vu de ces éléments, les greffiers doivent
présenter aux yeux des justiciables les garanties d'impartialité. Cela signifie que, même s'ils
ne peuvent pas être récusés au regard de la loi organique susvisée mais ils ont l'obligation de
se déporter chaque fois que leur impartialité peut être mise en doute au risque des poursuites
disciplinaires. En clair, si le greffier constate une circonstance de nature à faire douter les
parties de son impartialité (par exemple, l'existence d'un conflit important avec l'une des
parties de la cause), il invitera cependant son chef hiérarchique (greffier titulaire, greffier
divisionnaire, greffier principal, greffier en chef, selon le cas) à désigner un autre greffier pour
le remplacer afin d'assister le juge.

1734
G. DE LEVAL (sous direction), Droit judiciaire, Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n°
6.9, p. 575.
1735
A. RUBBENS, op. cit., n° 165 , pp. 200-201.
1736
Cour constitutionnelle belge, 16 décembre 2008, n° 138/98, www.const.be, Le Trait d'union, 1998-99, n° 51-
52, p. 5, R.D.J.P., 1998, p. 264.
1737
Article 22 alinéa 3 du décret-loi n° 017-2002 du 3 octobre 2002 portant conduite de l'agent public de l'Etat,
JORDC, n° spécial 15 août 2004, pp. 42-50.
658

§ 5. Conditions de la récusation

I. Conditions de fond

Ces conditions doivent être expressément prévues par la loi (article 49 de loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire) sinon son utilisation risquerait autrement d’être abusive,
vexatoire et dilatoire. La demande de récusation doit désigner individuellement et non
collectivement le magistrat récusé.

En République démocratique du Congo, les causes de récusation sont limitativement


énumérées à l’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire et sont au nombre de huit.
En Belgique, elles sont limitativement énumérées à l’article 828 du Code judiciaire belge (12
causes) et en France à l’article 341 du Nouveau Code de procédure civile français, l'article
L.111-6 et l'article R.111-4 du Code d'organisation judiciaire (8 causes) et l’article 668 du
Code de procédure pénale (9 causes). Comme nous venons de le souligner, en RDC, les
causes de récusation sont au nombre de huit (limitées par la loi) et correspondent à des
hypothèses dans lesquelles l’impartialité du juge est susceptible d’être mise en doute. Il est
donc impossible de poursuivre la récusation d'un juge pour un autre motif. La récusation est
un incident d'une gravité incontestable qui peut être admis que pour des motifs sérieux,
l'impartialité du juge étant présumée. Les causes de récusation ont un caractère péremptoire
car dès lors que l’une d’elle est établie, la récusation doit automatiquement être admise.

Ainsi, au terme de l’article 49 de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire: « Tout juge
peut être récusé pour l’une des causes limitativement énumérées ci-après :
- si lui ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire ;
- si lui ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale
jusqu’au troisième degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son
mandataire ;
- s’il existe une amitié entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe des liens de dépendance étroite à titre de domestique, de serviteur ou
d’employé entre lui et l’une des parties ;
- s’il existe une inimitié entre lui et l’une des parties ;
- S’il a déjà donné son avis dans l’affaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert
ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire ;
- s’il est déjà intervenu dans l’affaire en qualité d’officier de police judiciaire ou
d’officier du ministère public.

Il convient de les examiner séparément.


659

1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire

Le mot "affaire" est synonyme de cause, de litige ou encore de différend. Le vocable


"affaire" englobe donc l'ensemble des demandes et des défenses portées devant le juge, sans
qu'il soit possible de donner au mot une signification très précise.

Cette cause de récusation concerne le juge ou son conjoint c'est-à dire l'un d'eux doit
avoir un intérêt personnel dans l'affaire, ce qui ne signifie pas qu'obligatoirement l'un d'eux
doive être partie au litige (le fait d'être l'avocat d'un plaideur est suffisant). L'intérêt doit être à
la fois direct et personnel de manière à ce que le résultat de la contestation puisse amener un
avantage ou un préjudice immédiat et certain au juge ou son conjoint. Ce cas exprime de la
façon la plus haute le principe général de droit selon lequel on ne peut être à la fois juge et
partie dans une même cause, de sorte que le justiciable convaincu de ce qu'un membre de la
juridiction appelée à le juger a un intérêt personnel à la décision qui doit intervenir peut être
récusé.

Il peut s'agir de situations dans lesquelles le juge a intérêt à ce que l'une des parties
gagne son procès. Il peut en être ainsi lorsque le juge, directement ou par personne interposée,
a un intérêt effectif dans le litige. C'est le cas lorsqu'il est victime d'outrage à la magistrature
dans la salle d'audience et décide juger l'auteur de cette infraction. Le juge peut également être
tenté de donner raison à l'une des parties au procès afin d'obtenir une faveur en retour. Tel est
le risque lorsque le juge ou son conjoint ou son partenaire ou son concubin ont un procès
devant un tribunal où l'une des parties est juge. La raison de cette cause de récusation est
évidente : dès lors que le juge ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation, il est
mal placé pour trancher celle-ci.

L’intérêt personnel du juge ne se limite pas uniquement au seul cas où il serait partie
au procès ; il peut s’étendre à toute situation où le juge aurait un intérêt privé à la solution du
procès, car dans pareille hypothèse, il est permis d’avoir quelque doute sur l’impartialité que
le justiciable est en droit d’attendre du juge1738. Le juge concerné doit s’abstenir chaque fois
que l’issue de l’affaire peut lui procurer (ou son conjoint) un intérêt direct et personnel. La
partialité peut exister aussi en raison de relations, généralement d'affaires préexistantes entre
le juge et l'une des parties. Tel est le cas du juge qui accepte que l'une des parties (avec
laquelle il entretenait des relations officieuses) effectue gratuitement des travaux dans le
tribunal et lui fournisse du matériel1739 ou le juge dont l'avocat dans sa procédure de divorce
représente aussi l'une des parties dans l'affaire qui lui est soumise1740 ou le juge qui siège dans
une formation qui connaît du recours formé par des étudiants de maîtrise en droit contre la

1738
T. KAVUNDJA N. NAMENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 537.
1739
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha c/Ukraine.
1740
Cour de cassation française (2ème chambre), 5 décembre 2002, Recueil Dalloz 2002, 2260, note A. Penneau.
660

délibération du jury les ayant ajournés, alors qu'il a enseigné au cours de cette maîtrise (qui
plus est, le cours de contentieux administratif!)1741.

L’on peut aussi assimiler dans cette hypothèse lorsque le conjoint a un intérêt
personnel à la contestation. Il n’est pas nécessaire que cet intérêt soit de nature matérielle ou
financière mais l’essentiel est qu’il repose sur des éléments objectifs, des faits véritables,
autorisant à suspecter la partialité du juge concernée1742.

Ainsi, le juge qui a un intérêt personnel, direct ou indirect, à la cause ne peut en


connaître1743. Le juge manque d’impartialité lorsqu’il se laisse emporter notamment par des
considérations tirées de l’intérêt personnel, même indirect, qu’ils peuvent avoir à la solution
du procès1744. Cet intérêt personnel se rencontre lorsque le juge ou son conjoint a un intérêt
personnel à la contestation ou lorsque son conjoint, leurs descendants et ascendants ou alliés
dans la même ligne ont un différend sur une pareille question à celle dont il s’agit entre les
parties ou lorsqu’il est victime d’un outrage à magistrat. De même, la Cour d'assises, en
condamnant, pour outrage à la Cour, l'accusé traduit devant elle pour crime, a fait preuve d'un
parti pris personnel à l'encontre du requérant en raison d'un échange entre eux1745. Il en est
ainsi du juge qui siège dans une affaire relative à des faits d'outrage qu'il avait lui-même
caractérisé et décidé de poursuivre1746.

De même, le juge peut avoir intérêt à ce qu'une partie perde son procès en raison d'une
contrariété d'intérêts avec celle-ci. Tel est le cas lorsqu'il y a eu procès entre le juge et l'une
des parties. Cette contrariété d'intérêts passée, même si elle est ancienne est sans rapport avec
le litige soumis au juge, peut en effet laisser craindre que ce dernier ait conservé une certaine
animosité, de nature à altérer son impartialité, à l'encontre de celui qui fut son adversaire ou
celui de ses proches. Il en est ainsi des juges qui avaient engagé des poursuites pénales contre
un avocat dont ils prétendaient qu'il les avaient offensés par ses propos tenus au cours d'une
audience jugeant son client pour meurtre, puis qui l'avaient immédiatement condamné à une
peine de cinq jours d'emprisonnement ferme. La Cour européenne des droits de l'homme a
relevé que ces magistrats n'ont pas eu et ne pouvaient pas avoir le détachement nécessaire
pour juger cette affaire en toute impartialité1747. Si l'existence d'un procès passé entre l'une des
parties et le juge permet de demander la récusation de ce dernier, a fortiori le juge ne peut-il
trancher un litige dans lequel il est impliqué.

1741
Conseil d'Etat français, 6 mars 1998, Ravet et alii, RGDP, 1998, 621, obs. Dubouy.
1742
CEDH, 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, série A, n° 154 ; CEDH, 23 juin 1994, De Moor c/ Belgique,
série A, n° 292, 58 ; CEDH, 22 juin 1989, Langborder c/ Suède, série A, n° 155, §35, CEDH, 25 mars 1983,
Silver et autres c/ Royaume-Uni, §116, Unanimité ; CEDH, 17 juin 2003, Pescador Valero c/ Espagne, §27,
Unanimité ; CEDH, 27 janvier 2004, Michalakis Kiprianou c/ Chypre, §§ 34-37, Unanimité ; CEDH, 10 avril
2003, Sigurdson c/ Islande ; CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein c/Suisse ; CEDH, 6 novembre 2003,
Zennari c/ Italie.
1743
F. BUSSY, « Nul ne peut être juge et partie », Dalloz, 2004, pp. 1745-1753.
1744
Cour d’appel de Kinshasa, 24 janvier 1996, in RAJC, V° II, janvier-décembre 1997, p. 46.
1745
CEDH, 27 janvier 2004, Kyprianou c/Chypre.
1746
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 27 janvier 2004 et 14 décembre 2005, Kyprianou c/ Grèce.
1747
CEDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c/ Chypre, JDI 2006/3, 1100, obs. Colin Maurice.
661

Le juge a le devoir de s’abstenir dès qu’il constate qu’il peut avoir le moindre intérêt
dans le dénouement d’une affaire déterminée soumise à sa juridiction1748. Cette cause de
récusation constitue également un principe général du droit selon lequel nul ne peut être à la
fois juge et partie dans une même cause, de sorte que le justiciable convaincu de ce qu’un
membre de la juridiction appelée à le juger a un intérêt propre et personnel à la décision qui
doit intervenir peut le récuser1749. Ainsi, peut constituer une cause de récusation lorsque le
conjoint du magistrat est l’un des associés du barreau qui défend les intérêts d’une partie ou
lorsque le litige se rapporte à des faits dont l’une des parties s’est entretenue avec le juge, fut-
ce par hasard.

Aussi, peut créer la partialité lorsque des juges abonnés d’une société qui fournit
l’éclairage ou de l’eau d’une ville et plaident contre celle-ci au sujet des contrats
d’abonnement1750 ou le fait qu’une juridiction juge elle-même un contrat conclu avec l’une
des parties au litige pour la mise à disposition d’un service minitel de renseignements
pratiques sur la juridiction concernée1751ou le cas du tribunal qui statue sur une question
dirigée à son encontre et visant à mettre en cause sa responsabilité délictuelle dans l'exercice
de la fonction de juger et ce, d'autant plus que le paiement de l'éventuelle indemnité est à
imputer sur le budget du tribunal1752 ou le cas d’un tribunal de commerce composé d’un juge,
qui dans le passé, avait formulé une offre d’acquisition d’une société conjointement avec une
autre personne, dès lors que ses intérêts dans cette société font planer le doute sur son
impartialité1753.

De même, maque d'impartialité le juge qui s'est prononcé sur des faits qui le visaient
personnellement du fait d'une demande de récusation1754, ou le juge qui participe à la
procédure de jugement d'un journaliste poursuivi pour publication d'écrits diffamatoires le
concernant1755, ou encore le juge qui statue sur la contestation de l'enregistrement d'une école
dont le fils avait été renvoyé et avait menacé de se venger1756. Aussi, la récusation est admise
pour l’intérêt personnel lorsque le juge du travail a pris nettement fait et cause en faveur d’une
partie de sorte que son appartenance syndicale ne lui permet pas de statuer en toute sérénité et
impartialité1757 ou lorsqu’il a apporté son soutien à une des parties par l’assistance d’un piquet
de grève1758.

1748
Cour de cassation belge, 19 décembre 2002, Journal des tribunaux, 2003, p. 211 ; X. DE RIEMAECKER et
G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte,
2000, p. 310.
1749
Cour de cassation belge, 6 mai 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481 ; Cass. Belge 20 septembre 1979,
Pasicrisie belge, 1980, I, p. 93 ; Cassation belge 20 juin 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 1215 ; Cassation
belge, 15 juin, 1979, I, p. 1193 ; Cass. Belge, 17 décembre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 481.
1750
Cour d’appel de Grenoble, 21 février 1922, Gazette du Palais, 1922, I, p. 641.
1751
Cassation française, Premier président, ordonnance 6 juillet1992, Juris-Data, n° 002812.
1752
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 10 avril 2008, Mihalkov c/ Bulgarie, §§47 à 60.
1753
C.A Montpellier, 8 juillet 1992, Sté Le Viompte c/ Rey, juris-data n° 003404.
1754
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 7 juin 2005, Chméli c/République tchèque.
1755
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 27 août 1991, Demicoli c/Malte.
1756
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 26 juin 2007, Tocono et alii c/Moldavie.
1757
Cour d’Appel de Versailles, 18 mai 1982, Cahier prud’homme, 1982, 7, p. 122.
1758
Cour d’Appel de Douai, 18 décembre 1986, Gazette du Palais, 1987, 1, p. 277, note M. Rayroux.
662

Enfin, le tribunal n’est pas impartial lorsque le président de la formation jugeant un


accusé dont il est l’adversaire dans une procédure parallèle, a exagérément sanctionné
l’accusé pour son comportement1759ou lorsqu’il a accepté certains avantages accordés
gratuitement par l’adversaire de la requérante1760. Il en est de même du Conseil de l’Ordre des
pharmaciens siégeant en matière disciplinaire dont l’instruction est l’œuvre du plaignant qui
faisait lui-même valoir, lors de la rédaction de sa plainte, qu’il estimait que le comportement
reproché au requérant lui causé personnellement préjudice1761.

Mais l’intérêt personnel doit être prouvé1762. C’est pourquoi, il ne peut être établi
lorsque le juge n’a mené aucune démarche pour siéger dans une affaire et qu’en outre sa
désignation dans la composition du siège a été décidée d’une manière discrétionnaire par le
président de la juridiction1763.

De même, ne peut constituer l’intérêt personnel du magistrat récusé, le refus


d’accorder une remise de la cause après le rejet des exceptions, le refus d’accorder la parole
sollicitée par les conseils des prévenus, le fait de faire acter d’une manière incomplète les
déclarations d’un prévenu, le manque de courtoisie et le respect à l’égard des membres du
barreau en disant à un avocat « taisez-vous », l’autoritarisme excessif dans la conduite du
procès, le défaut du récusé de notifier au récusant, en tant que prévenu une nouvelle date
d’audience ou de lui demander de comparaître volontairement1764.

2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale
jusqu’au 3 ème degré inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son
mandataire

Ce cas de figure concerne le juge, son conjoint, son avocat ou son mandataire. Le
terme parenté doit s’entendre au sens large, il implique aussi le lien découlant de
l’adoption1765. Les liens de parenté ou d'alliance à l'égard d'une partie concerne l'hypothèse du
juge ou de son conjoint "parent ou allié ou des parties ou l'une d'elles en ligne directe ou en
ligne collatérale jusqu'au 3 ème degré inclusivement; ou si le juge est parent ou allié jusqu'au
3 ème degré inclusivement du conjoint de l'une des parties". Pour l'application de cette cause,
le partenaire et le concubin sont assimilés au conjoint. La cause de récusation subsiste en cas

1759
CEDH, 7 juin 2005, Chmelir c/ République tchèque, n° 64935/01, in note d’information n° 76 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juin 2005, p. 16 ; CEDH, 15 juillet 2005,
Meznaric c/ Croatie, n° 71615/01, unanimité.
1760
CEDH, 9 novembre 2006, Belukha c/ Ukraine, n° 33949/02, unanimité, in Note d’information n° 91 sur la
jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, novembre 2006, p. 16.
1761
Cassation belge, 1ère chambre, 10 décembre 1992, Journal des Tribunaux, 1993, p.203.
1762
T.G.I. Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba Ndalemba c/ juge Mukendi Mulumba, R.R.004, inédit.
1763
T.G.I. Bukavu, 5 août 1994, B c/ juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du Zaïre, n° 1, 2 et
3, janvier à décembre 1995, p. 64 ; T.G.I. Bukavu, 2 décembre 1992, in R. J. Z., 1992, p. 64.
1764
C.S.J., 27 avril 1995, Benjamin et consorts contre Ba, Revue analytique de jurisprudence du Congo, Vol. IV,
janvier-décembre 2001, p. 13.
1765
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMACKER et alii, Statut et déontologie
du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 320.
663

de décès du conjoint, partenaire ou concubin du juge, de divorce, de séparation, de rupture, le


degré de parenté devenant cependant moindre (jusqu'au 2 ème degré inclusivement).

Cette parenté ou alliance concerne soit le juge ou son conjoint (ou partenaire,
concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) avec
l'une des parties, soit le juge ou son conjoint (partenaire, concubin, maîtresse, deuxième
bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) avec l'avocat ou mandataire (y compris
ses parents et alliés) de l'une des parties. Les liens d’alliance visés doivent exister entre l’une
des parties et le juge ou son conjoint (ou partenaire, concubin, maîtresse, deuxième bureau,
compagne ou compagnon, copain ou copine) ou son proche parent ou le juge avec l'avocat ou
le mandataire de l'une des parties.

Concernant les liens de parenté ou d’alliance entre le juge ou son conjoint (partenaire,
concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon, copain ou copine) ou son
proche parent avec l’une des parties; il a été jugé que le magistrat dont le conjoint est membre
du ministère public qui est personnellement intervenu dans le cadre des poursuites doit être
déclaré comme allié de l’une des parties, sa récusation doit être admise1766. Un juge manque
d'impartialité s'il est concubin de l'une des parties1767 ou s'il a un lien de fraternité biologique,
en l'espèce, il était le frère de l'avocat de l'une des parties1768 ou s'il entretient des relations
familiales avec l'une des parties (leurs enfants étaient mariés)1769 ou lorsque lui, son conjoint,
leurs ascendants et descendants ou alliés en ligne directe ou collatérale jusqu'au troisième
degré inclusivement avec l'une des parties ont un différend sur une question pareille à celle
dont il s'agit entre les parties.

De même, la récusation peut être sollicitée lorsqu'une partie de la cause a au moins un


parent ou allié jusqu'au troisième degré inclusivement parmi les membres d'une juridiction ou
elle-même en fait partie. Ainsi, le tribunal manque d’impartialité s’il est composé d’un juge
qui s’occupe d’une affaire concernant son époux d’autant plus que celui-ci a une dette avec la
banque, partie à la procédure1770 ou lorsque l'un des prévenus est l'époux de la vice-présidente
de la juridiction devant laquelle il doit comparaître ou lorsque l'issue des poursuites intentées
contre un prévenu devant une Cour d'appel pourrait influencer les intérêts de l'épouse du
Premier président de la Cour d'appel saisie et sa famille ou en raison des fonctions exercées
par le Procureur général près la Cour d'appel et la nature du litige qui oppose ce dernier et son
fils aux inculpés ou lorsque les personnes lésées par les faits imputés au prévenu sont la fille
et le fils du procureur de la République ou lorsque le magistrat est le père de la partie civile ou
le fait d’entretenir des relations familiales dans une affaire où l’expert et un des
copropriétaires, membre du syndicat partie au litige, avaient des enfants mariés l’un avec

1766
Bruxelles, (4ème ch.), 10 janvier 2000, J.L.M.B, 2000, p. 334 ; CEDH, 10 avril 2003, Sigurdson c/ Islande.
1767
Cour de cassation française (1ère chambre sociale), 18 novembre 1998, Recueil Dalloz, 1999, IR 13, RGDP,
1999, 650.
1768
CEDH, 15 janvier 2008, Micallef c/ Malte, JCP 2010, n°70, p. 62, n° 6, obs. Sudre; RTDciv., 2010/2, 285,
obs. Marguénaud.
1769
Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais 1979.2. 636, note Petit.
1770
CEDH, 10 avril 2003, Sigurdsson c/ Islande, n° 39731/ 98, Unanimité.
664

l’autre1771 ou lorsque le salarié demandeur devant la juridiction prud’homale (tribunal de


travail) vivait maritalement avec la nièce du conseiller prud’hommes (juge assesseur du
tribunal de travail) qui avait refusé de s’abstenir de siéger à l’audience1772 ou la circonstance
qu’un des juges du tribunal cohabite avec un dirigeant d’une société et que ce dernier et ledit
juge sont inculpés de faux et usage de faux dans une lettre rédigée au nom de cette société1773.
Cette approche est partagée par les juridictions de l’ordre administratif. Ainsi, le Conseil
d’Etat français a estimé que manquait d’impartialité, le magistrat qui était la fille d’un
conseiller municipal de la commune dont l’arrêté était examiné1774.

Concernant les liens de parenté ou d’alliance entre le juge ou son conjoint (partenaire,
concubin) ou son proche parent avec l'avocat ou mandataire de l'une des parties; il a été jugé
que l'impartialité du juge est mise en doute du fait du lien de filiation entre le juge (père) et
l'avocat (fils)1775. Le Procureur général près la Cour de cassation française rapporte que dans
les années 1980, le président du tribunal de commerce d'une grande ville du sud de la France
laissait plaider son fils devant lui, la rumeur disait même qu'il était très sensible à la force de
ses arguments, tandis qu'un journal satirique paraissant le mercredi écrivait simplement que,
dans cette juridiction, la justice était rendue" au nom du père et du fils". Il a finalement été
sommé de démissionner1776.

Constitue une cause de récusation lorsque le demandeur vit maritalement avec la nièce
du juge, le neveu du juge travaille dans le cabinet de l'avocat d'une des parties1777, du fait du
lien fratrie, considéré comme lien étroit de parenté, qui unit l'avocat de la partie adverse et le
juge1778, mais pas du fait de l'intervention ponctuelle, dans l'instruction de la cause soumise à
la cour d'appel, d'un juge d'instruction, conjoint d'un membre du siège de la dite Cour1779. Il
en est ainsi lorsque le proche parent d'un magistrat est partie dans une cause pendante devant
une chambre de la juridiction au sein de laquelle ce dernier exerce ses fonctions ou lorsque
l'inculpé ou le prévenu est le fils d'un magistrat du tribunal de paix ou lorsque l'inculpé est
l'époux d'une ancienne juge du tribunal de grande instance saisi et actuellement nommée à la
Cour d'appel ou lorsque la partie civile n'est autre que le père d'un juge au tribunal de grande
instance qui va connaître de la cause ou lorsque le frère de l'un des prévenus poursuivis
devant le tribunal de grande instance est juge dudit tribunal. Par contre, ne constituent pas
une cause de récusation, la partialité du juge ou les liens de parenté entre le juge et une
personne qui n’est pas partie au procès1780.

1771
Cour d'appel de Rouen, 19 juin 1979, Gazette du Palais, 1979, 2, p. 636, note P. Petit.
1772
Cour de cassation française, sociale, 18 novembre 1998, SA Alpibois-François Favrat c/ Piovesa, La
Semaine Juridique, 6 janvier 1999, p. 52, n° 1032 ; D., 1999, IR, 13 ; RGDP, 1999, 650, obs. Desdevises.
1773
Cass. Belge (1ère ch.), 15 mai 1998, Larc. Cass. , 1998, p. 200 ; Cass. Belge (1ère ch.), 13 mars 1988, J.T. ,
1998, p. 536.
1774
Conseil d’Etat français, 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, Recueil Dalloz, 1996, p. 1101.
1775
Cour de cassation belge, 18 avril 1991, Pasicrisie belge, I, 743.
1776
J. L. NADAL, " L'impartialité du magistrat", Gazette du Palais, mai-juin 2012, p.1830.
1777
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 6 novembre 2003, Zennari c/ Italie.
1778
Cour Européenne des Droits de l'Homme, 15 octobre 2009, Micallef c/Malte, § 102.
1779
Cour de cassation belge, 12 mai 2010, R.G., n°P.10.0351.F.
1780
Cour suprême de justice, 21 décembre 1983, RPA 88, inédit.
665

Cette cause de récusation vise à éviter que l’affection née de la parenté ou de l’alliance
ne porte pas atteinte à l’impartialité des magistrats. En évitant au juge de devoir connaître de
la cause d’un parent ou d’un allié ou d’une personne avec laquelle il entretient certaines
relations déterminées, l’esprit de la loi semble favoriser le sentiment de confiance dans
l’impartialité du juge dès lors qu’il y a crainte à ce que le juge puisse favoriser ses parents et
alliés. En clair, cette cause de récusation tend à éviter qu'un juge ne favorise sa famille ou
celle de son conjoint, dont les membres seraient soit directement parties à l'instance, soit
représentants ou conseils de la personne physique ou morale partie à l'instance.

Même si l'article 49 de la loi organique n°13-011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ne l'a pas
expressément prévu, lorsque les liens d'alliance unissent deux magistrats qui interviennent
dans la même affaire (le mari, substitut du procureur de la République, et l'épouse, juge au
tribunal de grande instance, intervenant dans la même affaire-le représentant du ministère
public auquel la cause a été communiquée est le conjoint de l'un des magistrats composant la
formation du jugement), cela peut constituer une absence d'impartialité de la juridiction
appelée à connaître de l'affaire. Et d'ailleurs, l'article 69 de la loi organique n°06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats prévoit que les magistrats parents ou alliés jusqu'au
troisième degré, en ligne directe ou collatérale, ne peuvent siéger dans une même affaire.
C'est ainsi que la récusation d'un juge a été ordonnée au motif qu'il était l'allié de l'officier du
ministère public qui était intervenu dans la phase de l'information préliminaire1781. Il
appartiendra ainsi au juge qui se trouve dans ses conditions de se de déporter au risque de
faire l'objet des poursuites disciplinaires.

Lorsque les liens d’alliance visés n'existent pas entre l’une des parties et le juge ou son
conjoint (ou partenaire, concubin, maîtresse, deuxième bureau, compagne ou compagnon,
copain ou copine) ou son proche parent ou le juge avec l'avocat ou le mandataire de l'une des
parties, la récusation ne sera pas établie. Ainsi, la circonstance qu'un parent d'un magistrat qui
est chargé de l'enquête au sein du Conseil d'Etat, ait travaillé dans un bureau d'avocats qui a
défendu, sans sa participation, la partie défenderesse dans d'autres affaires n'est pas un motif
pour remettre en cause l'impartialité du magistrat1782.

3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties

Cette cause de récusation tombe sous le coup de l’évidence. Mais son appréciation est,
en pratique, fort délicate sur le fait même de l’amitié. En République démocratique du Congo,
la loi n'exige pas que l'amitié soit notoire mais l'essentiel est qu'il existe une amitié peu
importe sa nature, par contre en France, l'amitié doit être notoire. L’amitié notoire était, ou
moins implicitement, comme des textes français antérieurs qui envisageraient le cas où le juge
avait « depuis le commencement du procès, bu ou mangé avec l’une des parties dans leur

1781
Cour d'appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
1782
Conseil d'Etat belge, 20 septembre 2011, R.W., 2011-2012, p. 1387.
666

maison, ou reçu d’elles des présents »1783. Le législateur français du Nouveau Code de
procédure civile a supprimé cette formulation en retenant seulement l’amitié notoire1784.

Cette cause de récusation n’implique ni le conjoint du juge ni celui de la partie


concernée, seule l’amitié entre le juge lui-même et le plaideur lui-même (ou son conseil) étant
à prendre en considération. Le juge qui est en relation étroite avec le conseil de l'une des
parties peut être considéré qu'il en a vis-à-vis de l'une des parties car le conseil assiste ou
représente les parties; ces relations pourraient donc conduire à la partialité1785. L’amitié
constitue une cause de récusation dès lors qu’elle crée des relations d’intimité qui ne
pourraient pas permettre au juge de juger toutes les parties en toute impartialité. Elle relève de
l'appréciation souveraine du juge du fond.

Il est souhaitable que le juge s’abstienne d’examiner une affaire de l’une des parties
lorsqu’il y existe une relation particulièrement intime avec elle ou lorsqu’il entretient avec une
partie des contacts réguliers à l’occasion de certaines activités de sa vie privée. Il en sera de
même lorsque l’une des parties (ou son représentant) a une relation particulièrement intime
avec le juge ou un juge entretenait des relations familiales avec l'une des parties à l'instance
ou celui-ci est un actionnaire important d’une société partie à l’affaire ou l’une des parties
était client important du cabinet au sein duquel le juge exerçait la profession d’avocat ou le
juge a conclu dans le cadre de sa vie privée un contrat avec l’une des parties1786. La
circonstance qu'une des parties à la cause a pour conseil un avocat consulté par le magistrat
pour une procédure devant le Conseil d'Etat est de nature à susciter une suspicion pour les
parties et pour les tiers quant à l'aptitude de ce magistrat à statuer d'une manière impartiale1787.
C'est qui est en cause ici c'est la relation d'un juge avec son avocat (qui dans un premier temps
a assuré sa défense dans le cadre d'une procédure de divorce de ce juge) qui assure en même
temps la défense des intérêts de la partie défenderesse (dans une autre affaire) devant le même
juge. La défense de cet avocat à l'endroit de ce juge dans l'ancienne procédure de divorce
concernant celui-ci avait donc créé un lien et ce juge était mal placé pour juger en toute
impartialité les arguments de son ancien avocat devenu avocat de la partie défenderesse à
l'instance.

La Cour de cassation belge a estimé (dans une affaire qui avait suscité une émotion
dans tout le pays) que le seul fait de la réception du juge par une partie ou l’agréation du
présent en l’occurrence un stylo au cours d’un dîner privé organisé par les responsables d’une
association, même s’il est établi qu’au cours de cette fête le juge a payé son repas, met le juge
dans l’impossibilité d’encore connaître la cause sans susciter chez les autres parties une

1783
Ancien article 378, §9, du Code de procédure civile français.
1784
Article 341, al. 2, 8e NCPC français.
1785
CEDH, 25 novembre 1993, Holm c/ Suède, RUDH, 1993, p. 349.
1786
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 317.
1787
Cour de cassation belge (1ère chambre) , 23 novembre 2007, JLMB, 2009, p.532; Conseil d'Etat français, 28
décembre 2009, affaire Sylvanise, n°322603, AJDA, n°1, 2010, p.13; Revue de la recherche juridique,
2010, note U. Ngampio-Obele-Bele, pp.1026-1032.
667

suspicion quant à son aptitude à remplir sa mission d’une manière objective et impartiale1788
car l’amitié prise en compte se manifeste par la révélation d’une accointance personnelle entre
le juge et la partie considérée.

Un juge méconnaît son devoir d’impartialité lorsqu’il manifeste sa sympathie à des


victimes des faits à propos desquels il est requis d’instruire en participant à un repas, qui lui
est offert, organisé en vue de financer leur défense1789 mais non lorsqu’il se voit offrir une
boisson en compagnie de tierces personnes lors d’une descente sur les lieux1790. Le juge
prudent et consciencieux veillera à s’abstenir s’il a été reçu ou s’est vu offrir un cadeau par
une partie peu avant la saisine du tribunal dès lors qu’il fait partie de la chambre appelée à
juger une affaire, d’autant plus que pareil comportement n’était jamais survenu précédemment
ou n’était justifié par aucun motif spécifique non professionnel.

Mais une jurisprudence française a considéré que le fait pour un magistrat de déjeuner
avec diverses personnes, dont l’une des parties, ne peut caractériser l’amitié notoire1791. Cette
jurisprudence se justifie par le fait qu'il s'agit de la législation française qui exige "l'amitié
notoire", mais cela pourrait conduire à la récusation en RDC étant donné qua la loi exige
seulement l'amitié. De même, est de nature à faire naître un doute légitime quant à l’aptitude
du juge à statuer de manière impartiale, le fait dans la chef d’un membre du siège d’une
juridiction de travail d’arborer un insigne d’appartenance à une organisation
représentative1792. Aussi, les liens entre une partie au procès qui est le partenaire d'un membre
d'une juridiction devant laquelle la cause est pendante sont de nature à susciter auprès des
parties et des tiers une suspicion quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer1793.

Dans le même ordre d'idées, le fait que l'un des juges d'une juridiction soit membre
d'une religion (en l'occurrence catholique) avec l'une des parties de la cause, ne le rend pas
d'office partial1794. Dans plusieurs cas, la récusation n'a pas été considérée comme établie du
seul motif que les magistrats dont la récusation était demandée appartenaient à une loge fra
maçonnique1795. Nous pensons qu'il serait souhaitable de tenir compte surtout du niveau de
degré des liens entre différents membres de loge d'obédience fra maçonnique ou de la Rose-
Croix. Si les liens entre le juge et l'une des parties sont tellement poussés, dans ces
conditions, la récusation serait retenue; dans le cas contraire, la récusation aura difficile d'être
établie. Il en est de même lorsque le juge est de la même ethnie ou race ou village ou territoire

1788
Cassation belge, 14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.LMB, 1997, p. 175.
1789
Cassation belge, 11 décembre 1996, Affaire Russo et Benaïssa, JLMB, 1997, pp. 177 et186 ; Cassation belge,
14 octobre 1996, Affaire Dutroux, J.L.M.B., 1997, p. 175.
1790
Cassation belge, 4 avril 1986, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 945.
1791
Grenoble, 31 mai 1990, Gazette du Palais, 1991, 1.189, note Renard.
1792
Cour du travail de Mons (1 ère chambre), 23 mars, 2007, ASBL X contre D., in JLMB, 2007, pp. 1057 et s.
1793
Cour de cassation belge, 20 octobre 2009, in Revue générale de droit civil belge, octobre 2011, p. 397.
1794
Cour de cassation belge, 8 mai 2012, Pasicrisie belge, 2012, p. 1042; R.D.J.P., 2012, p. 91.
1795
CEDH, 15 juin 2000, Salaman c/Royaume Uni; Cour constitutionnelle belge, 13 octobre 2009, arrêt n°
157/2009, Journal des tribunaux, 2011, p. 438; Conseil d'Etat belge, 22 mars 2007, arrêt n° 169.134,
JLMB, 2007, p. 277.
668

ou province avec l'une des parties de la cause; dans tous ces cas, c'est le degré des liens très
poussé qui pourrait justifier ou non la récusation.

La Cour suprême de justice congolaise a estimé que les relations d’amitié entre un
juge et une des parties qui n’est pas partie au procès ne peuvent constituer une cause de
récusation1796. C'est dans le même sens que la Cour de cassation belge a dit avec raison qu'une
suspicion légitime à l'égard de tous les membres d'une chambre collégiale de la Cour d'appel
ne peut se déduire d'un contact unilatéral et avéré survenu entre le président de cette chambre
d'une part, et le secrétariat de l'avocat d'une partie d'autre part, lorsqu'il ressort des
déclarations de deux autres conseillers qu'ils n'ont eu aucun contact avec les parties ou leurs
avocats, n'ont pas été associés à l'initiative présidentielle et que la partie qui entent les récuser
également n'apporte aucune preuve de ses allégations en sens contraire1797.

Aussi, n’est pas de nature à créer, même en apparence, un doute légitime sur son
impartialité, la seule circonstance que le plaideur et son juge aient été élèves de la même
école, fût-ce polytechnique1798 ou la seule circonstance que les magistrats appartiennent au
même secteur d'activité que les parties1799 ou la fréquentation d'un même centre de recherches
universitaires par le juge-professeur et l'avocat d'une des parties, par ailleurs assistant dans ce
centre, en raison de la liberté académique en vigueur dans les milieux scientifiques1800 ou le
fait que les juges soient du même sexe que l'une des parties1801.

4. L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique,


de serviteur ou d’employé entre le juge et l’une des parties

Ces liens de dépendance doivent exister entre le juge et l’une des parties ou de celles-
ci vis-à-vis du juge. Ce lien peut être aussi d’un contrat de travail, soit des rapports
hiérarchiques, soit enfin de la combinaison de deux. Cette cause de récusation tend à éviter
que le juge ne soit tenté d’accorder un traitement de faveur à l’une de parties afin de ménager
le patrimoine de celui-ci dans son propre intérêt. Aussi, si le juge dépend d’une façon ou
d’une autre de l’une des parties ou si celle-ci dépend du juge, l’on peut toujours redouter qu’il
se montre favorable à celle-ci afin de s’en tirer les faveurs. C'est le cas lorsque le juge doit
juger son domestique, sentinelle, chauffeur, préposé de quelque titre que ce soit.

La Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg a estimé que le simple fait
qu’un tribunal compte parmi ses membres une personne se trouvant ou pouvant se trouver

1796
Cour suprême de justice, 12 décembre 1983, R.P.A. 88, inédit.
1797
Cour de cassation belge (1ère chambre), 15 octobre 2010, Pasicrisie belge, 2010, p. 2127.
1798
Cour de cassation française (2e civ.), 13 juillet 2005, Recueil Dalloz, 2005, n° 38, Jurisprudence, pp. 2658-
2659 ; R. KESSOUS, « Récusation : les limites de l’apparence », même revue, pp. 2656-2658 ; Bulletin des
arrêts de la Cour de cassation française en matière civile, II, n° 206 ; Droit et procédure, 2006, p.40, note
Fricero.
1799
Cour de cassation française ( (2ème chambre civile), 13 juillet 2005, n°04-19.962.
1800
Cour constitutionnelle belge, 13 octobre 2011, arrêt n°155/2011, B.10.
1801
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 16 septembre 2010, n°10-01121, Recueil Dalloz, 2011,
2150, obs. J.M. Sommer et L. Leroy-Gissinger.
669

dans un état de subordination de fonction et de service par rapport à l’une des parties est de
nature à mettre gravement en cause la confiance que les juridictions se doivent d’inspirer dans
une société démocratique1802. Tel est le cas lorsque les juges ont été précédemment les salariés
des personnes mises en cause dans l’instance. Ainsi, le grief de partialité est retenu du fait
d'une relation de services entre un juge et une parties ou entre un juré (employé) et un témoin
à charge1803.

De même, un tribunal manque d’impartialité lorsqu’un de ses membres préside la


formation du jugement alors qu’il exerce les fonctions de professeur d’une université, partie à
l’instance. En effet, professeur associé à l’université, le magistrat entretenait des liens
professionnels réguliers et étroits avec l’université depuis plusieurs années. Par ailleurs, au
titre de son enseignement, il percevait de l’université des émoluments périodiques qui ne
sauraient être qualifiés de négligeables (7.200 euros annuels). Il y a donc eu concomitance de
deux instances impliquant le juge J.B.L., qui exerçait la double fonction de juge auprès du
tribunal, d’une part, et de professeur associé percevant des émoluments de la partie adverse,
d’autre part. De l’avis de la Cour, cette situation peut avoir fait naître chez le requérant des
craintes légitimes que le juge J.B.L. n’aborde pas son affaire avec l’impartialité requise1804.

Dans le même ordre d'idées, ne peut siéger dans la formation de jugement pour
absence d'impartialité, un conseil prud'homme (juge du tribunal de travail) qui a été le
subordonné d'une des parties et le supérieur hiérarchique de l'autre, quelle qu'ait été la qualité
de ses relations avec l'une ou l'autre1805.

C’est pourquoi, le Code du travail français1806 prévoit que les conseillers


prud’hommes (juges des tribunaux de travail) peuvent être récusés s’ils sont employeurs,
cadres, ouvriers ou employés de l’une des parties en cause, c’est-à-dire s’ils sont liés à l’une
d’elles par un contrat de travail. Mais dans la conception africaine, le contrat de travail peut
être oral ou écrit.

Le grief de partialité est retenu, le fait que les conclusions d'un tribunal sont fondées
sur l'avis autorisé d'experts, employés de la partie défenderesse1807, ou sur l'avis d'un expert
qui assiste, en qualité de conseil technique, de l'adversaire d'une des partie dans une autre
cause, mais pas d'un expert qui participe à un groupe de travail scientifique auquel participent
l'avocat et le conseil technique d'une des parties dès lors que ces réunions sont sporadiques et
sont étrangères à l'objet de la mission de l'expert.

1802
CEDH, 22 octobre 1984, Sramek c/ Autriche, §42 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, unanimité,
§30 ; CEDH, 26 février 2002, Morris c/ Royaume-Uni.
1803
CEDH, 10 juin 1996, Pullar c/Royaume Uni.
1804
CEDH, 17 juin 2003, n° 62435/00, Pescador Valero c/Espagne, in Revue du Droit Public et des Sciences
Administratives, T 1/2006, pp. 33-34, note Jacques Van Compernolle : « Impartialité du juge et loyauté
procédurale : une exigence du procès équitable ».
1805
Cour de cassation française (chambre sociale), 27 janvier 2009, n° 07-42.967, NP; RJS, 2009, n° 393.
1806
Article L.158-1-5° du Code du travail français.
1807
CEDH, 5 juillet 2007, Sara Lind Eggrtsdottir c/ Islande, §§47 à 54.
670

Le fait de se sentir redevable envers autrui compromet indéniablement l’impartialité.


L’exclusion du juge placé dans une telle position justifie la confiance dans l’impartialité.

5. L’existence d’une inimitié entre le juge et l’une des parties

L'ancien Code congolais d’organisation et compétence judiciaires utilisait le terme


"inimitié grave"1808, l'article 49, 5 ème point de loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire a
supprimé le mot "grave" et retient tout simplement "inimitié'. Désormais en RDC, le seul fait
qu'il existe une inimitié entre le juge et l'une des parties suffit pour constituer une cause de
récusation alors qu'auparavant, il fallait que cette inimitié soit grave. Par contre en France,
l’ancien article 378 du Code de procédure civile parlait d’inimitié capitale, le nouveau Code
de procédure civile français1809 parle d’inimitié notoire, en Belgique, le Code judiciaire1810
utilise le terme "inimitié capitale".

Qu’elle soit qualifiée de grave, capital ou notoire, ou inimitié simple, l’inimitié entre
le juge et l’une des parties qu’il est appelé à juger place le juge dans un état de partialité
indiscutable, la justice ne pouvant risquer de servir de moyens de vengeance ou règlement de
comptes. L’inimitié doit exister entre le juge et l’une des parties. Elle n’implique ni le
conjoint du juge ni celui de la partie concernée, seule l’inimitié entre le juge lui-même et le
plaideur lui-même étant à prendre en considération. Pour qu’elle tombe sous le coup de la loi,
la simple inimitié suffit. Ce dernier point paraît constituer davantage une référence au
caractère certain de l’inimitié qu’à la connaissance qu’en auraient un grand nombre de
personnes. Le juge saisi d'une demande de récusation apprécie de manière souveraine
l'existence et le degré de l'inimitié.

L’inimitié n’est pas à proprement parler, un fait mais un état d’esprit et un sentiment
déterminé. Son appréciation est aussi délicate. Elle doit en effet, présenter un caractère
suffisant pour avoir laissé subsister dans l’esprit du juge un ressentiment durable de nature à
affecter son impartialité1811. En effet, il est légitimement permis de considérer que s’il existe
des liens d’inimitié entre des parties et le juge, ce dernier risque de ne pas être impartial, ou il
lui sera en tout cas difficile de l’être, quel que soit d’ailleurs le sens qu’il peut avoir de ses
devoirs professionnels. L’existence d’une inimitié peut se déduire d’un ensemble de
circonstances d’où il apparaît que, par son attitude vis-à-vis de l’une des parties ou vis-à-vis
de l’avocat qui la représente ou l’assiste, le juge à mis ou met en danger la sérénité et
l'objectivité de l’examen de la cause1812. Elle survient quand, les circonstances de temps et de

1808
Article 71, 5ème point de l'ordonnance-loi n°82/020 du 31 mars 1982 portant Code d'organisation et
compétence judiciaires, JORZ, 1er avril 1982, p. 39.
1809
Article 341, 8e du nouveau Code de procédure civile français.
1810
Article 828, 12e du Code judiciaire belge.
1811
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, juin 2005, p. 544.
1812
Cassation belge, 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169 ; Cassation belge, 23 décembre 2002, R.G.
CO2.0615.F, Larc. Cassation, 2003, p. 22.
671

lieu dans lesquelles l'irritation d'un magistrat s'est exprimée ayant disparu, il conserverait
malgré tout, soit vis-à-vis du requérant, soit même vis-à-vis de son conseil, un sentiment tel
qu'il oblitérait son jugement et l'empêcherait de poursuivre la procédure avec l'impartialité
requise. Elle s'apprécie donc à l'aune de la capacité du magistrat à rendre la justice avec la
sérénité requise1813.

Elle suppose en effet des faits qui révèlent avec netteté et avec un caractère suffisant
qu’il existe chez le juge une véritable haine ou tout au moins une animosité telle que son
jugement serait oblitéré ou faussé1814. Elle peut se déduire d'un faisceau de circonstances
desquelles il ressort que le juge peut, par l'attitude adoptée à l'égard d'une des parties ou de
l'avocat qui la représente ou l'assiste, compromettre ou avoir compromis la sérénité et
l'objectivité de l'examen de la cause. C’est surtout lorsqu’il ressort de façon suffisamment
sérieuse et certaine des faits que le juge cultive de véritables sentiments de haine ou tout le
moins une hostilité telle que ses facultés de jugement s’en voient occultées ou influencées1815.
Il s’agit parfois d’une ambiance très tendue et une situation conflictuelle donnant lieu à une
vive animosité, de sorte que le traitement serein et objectif de la cause s’en trouve
compromise, tantôt des sentiments tellement violents et haineux qu’ils feraient perdre au juge
toute la notion d’équité, d’impartialité et de dignité.

Ainsi, lorsque les récusants ont le sentiment d’une apparence d’hostilité directe ou
indirecte du président du siège à leur égard créant en eux un doute quant au caractère
équitable de la suite du procès, pareil sentiment peut troubler la sérénité des débats ultérieurs
et constituer une raison suffisante de récuser le président1816. Tel est le cas le juge du tribunal
du travail (conseiller de prud'homme), fondateur et gérant-associé d'une société présidée par
l'une des parties au litige (employeur) qui a entretenu des relations conflictuelles avec cette
dernières allant jusqu'à des poursuites pénales, en dépit que ce conseiller avait quitté
l'entreprise et que le conflit avait été résolu par la transaction1817 ou lorsque l’un des plaideurs
était délégué du même syndicat d’autant plus que ce dernier était en conflit ouvert et public
avec l’autre plaideur, l’employeur1818.

Aussi, l’interruption du conseil du prévenu à de multiples reprises pour lui enjoindre


d’abréger sa plaidoirie et l’empêcher de donner lecture d’un témoignage à décharge révèle

1813
F. HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 75. p. 77
1814
Cour d'appel de Bruxelles, 25 août 1994, Journal des tribunaux, p. 717 ; Cour de cassation belge, 4 février
1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169; Cour de cassation belge, 23 juin 2000, Pasicrisie belge, 2000, p. 1178;
Cour de cassation belge, 23 décembre 2002, Pasicrisie belge, 2002, p. 2456; Cour de cassation belge, 10 avril
2012, Pasicrisie belge, 2012, p. 773; Cour du Travail de Liège, 24 avril 2002, JJT, 2002, p. 505 ; JLMB,
2002, p. 1542;
1815
Cour d'appel de Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01 ; Liège, 25 septembre 2002, RG 1358/02 ;
Bruxelles, 19 janvier 2000, J.T., 2001, p. 682 ; Cour du Travail de Liège, 29 mars, 2002, JLMB. 2002, p. 1542.
1816
Cassation belge, 26 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ; Bruxelles, 24 novembre 1993, J.T., 1993, p. 808 ;
Journal des procès, 1993, n° 250, p. 26, note R. Ergec « La récusation d’un magistrat : partialité ou apparence
de préjugé ? ».
1817
Aix, 28 juin 2001, RG n° 01/08952, Droit social, février 2002, chronique J.L. Cioffi, p. 168; JCP, 2001, IV.
3008.
1818
Cassation française, chambre sociale, 19 décembre 2003, Bull. civ., V, n° 321 ; D., 2004, n° 24, p. 1688.
672

encore une inimitié1819. En sus, le fait que les magistrats en charge d'une instruction
interviennent dans les médias pour répliquer aux critiques formulées par la défense sur la
conduite de cette instruction, en qualifiant ces critiques de "plein délire" et en suggérant que
la défense est prête à "tout", peut faire naître un doute objectif sur leur impartialité1820. De
même un juge manque d’impartialité lorsqu’il utilise dans son jugement les termes injurieux à
l’égard d’une partie à l’instance tels que notamment « piètre dimension de la défenderesse qui
voulait rivaliser avec les plus grands escrocs, personnage pétri de malhonnêteté, dotée d’un
quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, sa cupidité de
dispute à la fourberie, elle acculait ainsi sans état d’âmes et avec l’expérience de l’impunité
de ses futurs locataires, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle
nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement »1821.

L’inimitié doit être strictement interprétée, il ne suffit pas de l’invoquer, il faut surtout
la prouver par des éléments objectifs probants. Les propos vagues généraux ne suffisent
pas1822. Ainsi, ne constituent pas l’inimitié, des propos tels que : « vous n’allez tout de même
pas déposer des conclusions à chaque audience, Maître, Allez en cassation alors »1823. La
Cour européenne des droits de l’homme fait la même approche en matière disciplinaire, car a-
t-elle soutenu qu’on ne saurait fonder une récusation, les motifs d’ordre général et abstrait qui
ne font pas état d’éléments concrets et particuliers qui auraient pu révéler en leur chef
l’existence d’une animosité ou d’une hostilité personnelles à l’égard de l’inculpé1824.

Aussi, ne constituent pas une inimitié, un défaut de motivation ou une erreur de


procédure1825, la sévérité de la motivation d’une décision de condamnation par un examen
détaillé des éléments à charge et à décharge dans le respect du droit de toute personne à un
procès équitable1826, l’utilisation dans une décision avant dire droit d’expressions telles que
« mauvaise foi, scandaleux, manœuvre dilatoire, propos hallucinants ; esprit de chicane »1827,
la qualification de l’argumentation du justiciable, de « pléthorique et emphatique »1828, une
certaine impatience, voire un mouvement d’humeur1829, un sourire mal interprété, une parole
prononcée dans un moment de tension inhérente à l’instruction de la cause et une décision

1819
Cassation belge 4 février 1997, Pasicrisie belge, 1997, I, p. 169.
1820
G. LACAN, " Impartialité du juge, une exigence légitime du citoyen", in Gazette du Palais, n°4, juillet-août
2013, p.2286.
1821
Cassation française, 2ème chambre civile, 14 septembre 2006, in Recueil Dalloz, 2006, n° 34, pp. 2346-2347 ;
Procédures, novembre 2006, p. 14.
1822
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 294.
1823
Bruxelles, 22 octobre 1980, J.T., 1981, P. 520.
1824
CEDH, 22 septembre 1994, Debled c/ Belgique, J.T., 1994, p. 755, J.L.M.B, 1995, p. 345 ; P. LAMBERT, «
Les récusations conjointes dans les procédures disciplinaires », J.T., 1994, p. 756.
1825
Liège, 5 décembre 2001, R.G., 1504/01, inédit.
1826
Cassation belge, 19 novembre 1998, 1999, JLMB, p. 1500.
1827
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248, 21 décembre 2001, RG.1594/01, inédit.
1828
Ibidem.
1829
Liège, 25 septembre 2002, R.G.1358/02, inédit ; C. Travail Liège, 29 mars 2002, JLMB, 2002, p. 1542 ; Civ.
Charleroi, 30 mars, 1987, JLMB, 1988, p. 539.
673

peut être contestable mais sujette à recours1830, la décision de joindre plusieurs incidents au
fond, de limiter l’accès de la salle d’audience à la presse et aux avocats ou encore l’omission
de répondre à un moyen de défense1831. De même, le simple fait que le juge demande à un
avocat d'enlever sa kippa pour plaider n'était, en tant que tel, pas constitutif d'un acte empreint
d'animosité mais qu'il en aurait autrement si l'ordre intimé par le juge avait été donné de
manière vexante ou humiliante, avec animosité ou avec des sentiments négatifs1832.

Un juge ne peut être récusé à raison de son sexe, de son origine, de son appartenance
ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à telle ethnie, une race, province, ville,
territoire, collectivité, localité, village, une nation, une religion ou un courant de pensée
déterminée même si l'une des parties au procès se montre très hostile envers l'une de ces
catégories car il n'appartient pas aux justiciables d'imposer à la juridiction le profil de juges
qui devrait les juger.

Ne constitue pas aussi une inimitié, le fait que les magistrats ont décidé, en vue
d’assurer la sérénité des débats, de limiter l’accès à la salle d’audience aux seuls journalistes
et avocats, ni de ce qu’ils ont rejeté certaines exceptions proposées par les prévenus et joint
d’autres exceptions au fond, ni de ce qu’ils auraient, le cas échéant omis de répondre à un
moyen dans un jugement avant dire droit, ni de ce qu’ils ont fermement appelé à l’ordre
l’avocat d’un des prévenus qui refusait de se taire alors que la parole ne lui avait pas été
donnée, ni de ce qu’ils ont refusé de faire entendre certains témoins ou d’ordonner la
production de certains documents en estimant que ces mesures n’étaient pas essentielles à la
manifestation de la vérité1833. Cette décision se justifie dans la mesure où les requérants
n’avaient pas apporté de preuves pour faire asseoir leurs griefs, et il est du devoir du tribunal
d’assurer la police d’audience tout en respectant le droit de la défense.

Par conséquent, le fait que le juge se soit montré très réservé quant à la défense
personnelle par une partie ne suffit pas à établir que ce juge se soit montré partial ou qu’il ait
préjugé quant au fond et qu’il existe une inimitié entre lui et la requérante1834. Tout comme un
langage quelque peu inapproprié dans un jugement peut former une indication que la sérénité
des débats a été mise en péril, mais ne démontre pas nécessairement la présence d’inimitié1835.

La jurisprudence française se fondant sur la notion « d’inimitié notoire », a estimé que


la seule appartenance du magistrat au syndicat de la magistrature n’est pas suffisant en soi à
caractériser l’inimitié notoire de ce magistrat à l’égard d’une partie même si ledit syndicat
avait pris par la voix de ses dirigeants ou de sections locales, exprimé une opinion ou pris
positions contre la partie concernée, d’autant plus que l’adhésion du magistrat au syndicat de

1830
Liège, 25 septembre 2002, RG.1358/02, inédit.
1831
Bruxelles, 10 janvier 2000, JLMB, 2000, p. 334.
1832
Cour d’appel de Bruxelles, 10 décembre 2007, R.G. n° 2007/AR/2161, inédit.
1833
Cour d’appel de Bruxelles, 10 janvier 2000, R. D’Orazio et crsts c/ M. Zenner et Leplat, Région Wallonne et
autres, JLMB, 2000, pp. 334-339.
1834
Bruxelles, 25 août 1994, JT, 1994, P. 717.
1835
Bruxelles, 21 septembre 2001, RDJP, 2001, p. 248.
674

la magistrature, relève de l’exercice d’une liberté constitutionnelle et ne laisse pas présumer


que l’exercice d’impartialité requise de tout juge laisse la place à une forte présomption
d’impartialité1836. De même, le seul fait que le juge exerce une activité commerciale
concurrente de celle d’une partie ne suffit pas à caractériser l’inimitié1837.

La jurisprudence belge va aussi parfois très loin dans cette conception restrictive de la
notion « d’inimitié capitale ». Ainsi, la Cour d’appel de Bruxelles, a en effet décidé qu’un
degré élevé d’inimitié ne peut se déduire du choix de vocabulaire populaire du juge (qui traita
le conseil d’une partie de « scie » ou de « sciant ») étant donné qu’il appartient au juge de
gérer efficacement son temps d’audience par l’intérêt d’un traitement correct de toutes les
affaires1838. Nous pensons avec le professeur Jacques Van Compernolle que de tels propos ne
sont de nature à créer, dans le chef du justiciable, un doute légitime quant à l’aptitude du juge
à traiter de manière sereine1839 et impartiale.

En vue d’éviter pareille récusation, le juge se doit donc, conformément à l’obligation


issue de sa déontologie, de procéder lui-même à un examen préalable, en se défaisant dans la
mesure du possible de toute hostilité éventuelle à l’égard de toutes les parties du procès.

6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire

Cet avis doit montrer que le juge a perdu sa neutralité qui lui recommande de juger en
toute impartialité. C’est surtout lorsque ledit avis « a anticipé » sur la solution que le juge
pourrait prendre ultérieurement lorsqu’il serait appelé à juger l’affaire. En effet, les juges ne
peuvent laisser entendre par leurs déclarations qu'ils ont déjà une opinion préalable qui est
préjudiciable ou avantageuse pour l'une des parties et qui ne sera pas remise en cause lors de
l'instance. Le respect de la garantie d'impartialité s'accompagne pour le juge d'un devoir de
réserve qui consiste à s'abstenir de tout acte ou de tout comportement de nature à ébranler la
confiance du justiciable ou à donner l'impression qu'il ne serait plus impartial. Dès lors, il
n'appartient pas au juge de faire de commentaires ou déclarations publiques au sujet des
affaires qu'il instruit. Pour tomber dans cette situation, le juge doit avoir donné précédemment
un avis soit comme juge, soit toute autre qualité, y compris notamment en tant qu'arbitre.

La Cour suprême de justice a estimé que l’avis dont il est question doit être extra-
juridictionnel1840. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné que l’avis peut être extra-
juridictionnel ou pas car l'essentiel est d'avoir exprimé un point de vue peu importe la forme ;
et la partialité pourrait être établie lorsque l’avis que le juge avait donné antérieurement a
anticipé sur la solution du fond que le juge pourrait prendre ultérieurement dans l’affaire.

1836
Cassation française, 24 juin 2004, Association Front National c/ Goucin, Juris-Data, n° 2004-024271, J.P.C.-
La Semaine Juridique Edition générale, n° 37, 8 septembre 2004, 2750, p. 1551 ; Recueil Dalloz, 2004, n° 29,
IR, P. 2083, Bull. civ. Juin 2004, n° 325, p. 274.
1837
Cour d’Appel de Rennes, 30 septembre 1992, Juris-Data, n° 050472.
1838
Bruxelles ( ch.vac.), 29 juillet 1999, A.J.T., 1999-2000,p. 183.
1839
J.VAN COMPERNOLLE et alii, « Examen de jurisprudence (1991 à 2002) du droit judiciaire privé », in
R.C.J.B., 4ème trim. 2002, p. 701.
1840
CSJ, 18 mai 1995, RR 03, in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 40-42.
675

Ainsi, le fait pour le président ou le membre d'un tribunal appelé à trancher une
affaire, d'employer publiquement des expressions sous-entendant une appréciation négative de
la thèse de l'une des parties est incompatible avec l'exigence d'impartialité1841, en
conséquence, il peut être récusé. La partialité peut résulter aussi de propos tenus par un juge
soit le juge s'est exprimé, avant jugement, de façon telle qu'il laisse entendre qu'il est
convaincu de la culpabilité de l'intéressé ou parce qu'il porte un jugement défavorable (une
opinion négative) sur son système de défense. Tel est le cas du juge qui s’est exprimé avant
jugement dès lors que cette expression sous-entende un jugement défavorable à l’égard d’un
justiciable ou qu’elle montre la conviction de la culpabilité de celui-ci. Il s'agissait d'un
président du tribunal pour enfants, qui devait juger d'un éventuel retrait de l'autorité parentale
du requérant, avait fait publier dans la presse un article contenant des expressions sous-
entendant un jugement défavorable au requérant1842. Par conséquent, le juge qui s’est exprimé
publiquement sur le rejet ou le fondement des moyens présentés par l’une des parties peut être
légitimement considéré comme prenant fait et cause pour l’une d’entre elles1843.

C’est donc ce préjugé qui rendrait le juge partial étant donné qu’il doit s’abstenir de
tout acte ou agissement de nature à ébranler la confiance du justiciable ou à donner
l’impression qu’il n’est plus impartial. Ainsi, fait montre de partialité, le juge qui, lors de
l’instruction d’audience, adopte un comportement de nature à susciter, dans l’esprit d’une des
parties ou du prévenu un doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il
comparaît à juger la cause de manière impartiale. Tel est le cas du juge qui laisse entendre par
ses propos que la culpabilité du prévenu est établie ou dont le comportement suscite la crainte
d’une perte de neutralité1844 ou lorsqu'avant l'ouverture du procès, le magistrat saisi de la
cause a estimé que l'intéressé avait reconnu la réalité du fait qui lui était reproché. Il s’ensuit
que le juge qui s’est prononcé sur la solution du litige dès avant l’ouverture des débats a perdu
l’aptitude à juger la cause.

L’on peut exclure à juste raison de la formation de jugement le juge qui, avant la
prononciation de sa décision, a pris position en la cause, a exprimé son opinion quant à la
décision à prendre sur la culpabilité, a pris une quelconque position sur le fond ou s’est formé
déjà une opinion sur les faits de la cause. Quand un juge prend position quant à la solution à
réserver à la question qu’il est appelé à résoudre, il peut y avoir dans ses conditions préjugé
qui l’empêcherait de garder son impartialité. Il y aura ainsi partialité lorsque la position du
juge est acquise indépendamment des faits, des arguments et des interprétations que les

1841
CEDH, 8 janvier 2013, Bucur et Toma c/ Roumanie, § 144, rendu à l'unanimité.
1842
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi c/ Italie, n° 29569-95, Recueil Dalloz, 2000, somm., p. 184, obs.
Fricero ; RTDH, 2000, pp.542-543 ; RTDciv., 2000, 622, obs. Normand; V. MAGNIER, « La notion de
justice impartiale », J.C.P., 2000, I, n° 252, p. 1596.
1843
CEDH, 7 juin 2001, Kress c/ France, § 81 ; CEDH, 25 juin 1992, Thorgeisson c/ Islande ; Trib. Civil
Bruxelles, 18 juin 1993, Revue de droit pénal et criminologie, 1994, pp. 1225-1226.
1844
Cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042 ; Cassation belge, 30mai 1986, JLMB, 1987,
1245, Cassation belge, 8 mai 1996, Pasicrisie belge, 1996, I, p. 447 ; Cour d'appel de Bruxelles, 24
novembre 1993, Journal des Tribunaux, 1993, p. 809.
676

parties peuvent faire valoir en instance1845. Tel est le cas d’un juge qui a participé à la décision
défend les intérêts de l’une des parties à la cause, mais surtout lorsque, avant la décision, il a
été chargé de l’instruction de l’affaire, et adopté publiquement certaines positions à ce
sujet1846.

La partialité peut résulter aussi du comportement personnel du juge, comportement qui


peut laisser craindre une animosité de ce juge à l'encontre de la partie. Il en est ainsi du juge
qui, lors de son témoignage devant la Commission d’enquête parlementaire, présente les
inculpés dont l’instruction judiciaire lui est confiée, comme coupables en les qualifiant de
« truands »1847 ou du juge qui émet des propos sur la culpabilité d'une partie1848 ou du juge qui
prend position avant la fin de la procédure1849 ou des juges qui tiennent des propos négatifs
dans le média à l'encontre de l'accusé et qui ont été les concurrents à des places judiciaires1850
ou du juge qui entretient une vive polémique par voie de presse avec l'une des parties1851 ou la
juridiction qui impose aux parties une date de plaidoirie en la subornant à l'absence de
requêtes en récusation ou en suspicion légitime.

Le juge devra éviter tout au long du procès, des propos, des attitudes ou des
comportements qui ne puissent susciter dans l’esprit du prévenu ou des parties de la cause, un
doute légitime quant à l’aptitude de la juridiction devant laquelle il est appelé à juger la cause
de manière impartiale. Tel est le cas d’une juridiction appelée à juger des personnes de
nationalité ou d’origine étrangère lorsqu’elle comprend un juré qui a affiché publiquement,
avant l’audience, des sentiments racistes. En effet, l’un des jurés avait déclaré en dehors de la
salle d’audience en ces termes « en plus je suis raciste ». La Cour Européenne des Droits de
l’Homme a conclu que ce juré avait déjà un préjugé sur la personne qu’il devait juger, en
conséquence, cette juridiction manquait d’impartialité1852. Le préjugé ici se justifie par
l’attitude du juge qui se déclare « raciste » alors qu’il doit juger une personne d’origine
étrangère ; c’est cela qui démontre l’absence d’impartialité.

De même, manque d’impartialité, le juge qui prononce une condamnation du chef de


conduite d’un véhicule en état d’ivresse après avoir refusé d’accéder à la demande du prévenu
tendant à l’audition des verbalisateurs, en déclarant que ceux-ci ont été entendus à plusieurs

1845
F. TULKENS et J. LOTARSKI, « Le tribunal indépendant et impartial à la lumière de la jurisprudence de la
Cour Européenne des Droits de l’Homme », in Mélanges Jacques Van Compernolle, Bruxelles, éd.
Bruylant, 2004, p. 751.
1846
Conseil d’Etat belge, 7ème chambre, 2 juin 1988, R.A.C.E., 1988, n° 30.214.
1847
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, U.C.L., Louvain-la-
Neuve, 2005, p. 280 ; Cassation belge, 2ème chambre, 7 avril 2004, Journal des Tribunaux, 2004, pp. 541-
542.
1848
CEDH, 28 novembre 2002, Lavents c/ Lettonie; Cour d'appel de Liège, 17 septembre 2011, affaire Casino de
Dinant, inédit, relatif à la récusation de la juge Christine Julien.
1849
CEDH, 28 mai 2002, Kingsley c/ Royaume Uni.
1850
CEDH, 5 février 2009, Olujic c/ Croatie.
1851
CEDH, 16 septembre 1999, Busemi c/ Italie.
1852
CEDH, 23 avril 1996, Remli c/ France , §§ 35, 45-48 et 59, Rec. 1996-II, n° 8, p. 559 ; Justices, 1997, 2007,
207, obs. Cohen-Jonathan et Flauss, JCP 1997, I, 400, 26, obs. Sudre ; Rev. Sc. Crim. , 1996, 930, obs.
Pettiti et 1997, 473, obs. R. Koering-Joulin.
677

reprises et qu’il n’est pas nécessaire de les faire revenir une nouvelle fois pour « un ivrogne,
un monsieur fortement intoxiqué par l’alcool »1853.

L’impartialité suppose que le juge qui siège au fond n’a pas déjà pris parti ou n’a pas
donné un avis dans l’affaire, en dehors de tout débat contradictoire car, si les circonstances
dans lesquelles le tribunal siège démontent objectivement que le juge avait déjà préjugé au
fond, l’impartialité ferait défaut. Le juge devra enfin contrôler toutes ses déclarations lorsqu’il
s’adresse à l’une des parties afin de conserver sa totale neutralité aux yeux des justiciables, et
paraître impartial car, il y va de la confiance que les tribunaux se doivent d’inspirer aux
justiciables dans une société démocratique. En matière civile, il a été jugé que les propos du
juge, par lesquels, lors de l'appel du rôle à l'audience d'introduction, il fait connaître son
interprétation d'un arrêt de la Cour constitutionnelle dont il considère qu'il implique le rejet de
la demande, sont de nature à inspirer au demandeur et aux tiers une suspicion quant à
l'aptitude de ce magistrat à statuer avec l'impartialité requise1854. Mais, ne peut être considéré
comme cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les parties des moyens qui
paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé d’office et des les inviter à
présenter leurs observations soit immédiatement soit dans le délai qu’il fixe1855.

Il est nécessaire aussi de se demander concernant le rôle des juges de la Cour


constitutionnelle dès lors qu’ils sont souvent des anciens parlementaires dans les instances où
sont en cause les normes législatives à l’élaboration des quelles ils ont participé. En tant
qu’anciens parlementaires, ils ont émis des avis et recommandations, rédigé des rapports des
commissions parlementaires, pris part au vote d’une loi. Peuvent-ils être récusés lorsqu’ils
doivent apprécier en tant que juges de la Cour constitutionnelle d’une norme à laquelle ils
avaient déjà émis des avis lorsqu’ils étaient parlementaires ? La réponse semble nuancée.

En effet, lorsque cette question s’était posée en Belgique, la Cour constitutionnelle


avait affirmé que la participation à l’élaboration d’une loi par un membre du parlement ne
suffit pas à mettre en cause l’impartialité à laquelle il sera tenu lorsque, en qualité de juge, il
sera amené à contrôler la constitutionnalité de cette loi au sein d’un organe juridictionnel
collégial saisi d’un recours en annulation1856. Apparemment, la Cour constitutionnelle belge
semble avoir examiné le rôle effectivement assumé par le juge concerné lors de l’adoption des
dispositions dont il est question, pour apprécier la violation du principe d’impartialité. Mais si
le juge concerné, avait pris un rôle actif dans l’élaboration de la loi et se trouve plus tard dans

1853
Cour de cassation belge, 31 mai 1976, Pasicrisie belge, 1976, I, 1042.
1854
Cour de cassation belge, 22 mars 2002, RG n°02.0124.F.
1855
CSJ, 23 juillet1985, RP 785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la CSJ 1969-1985, V°
récusations, n° 2, p. 198.
1856
Cour constitutionnelle belge, 10 mai 1994, n °35/94 et 36/94, 10 mai 1994, Journal des Tribunaux, 1994,
p.532 ; JLMB, 1994, p. 874 ; Arr. C.A. ; 1994, pp.461-469 ; Journal des procès, 1994, n° 263, p.29. Sur
cette question et débats autour de cet arrêt, Voyez M. VERDUSSEN, "Le juge constitutionnel face à
l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme", RTDH, 1994, p.142 ; O. DE
SCHUTTER et D. VAN DROOGHENBROECK , Droit international des Droits de l’ homme devant le
juge national, Bruxelles, 1999, p. 548, note 20 ; J. SOHIER, « L’impartialité du juge constitutionnel en
question, Justice must not only be done, it must also be seen to be done », IDJ, 1994-7, pp. 579-581 ; P.
MASSON, « Faut-il récuser la Cour d’Arbitrage ? », Journal des procès, 1994, p. 31.
678

la composition de la Cour constitutionnelle pour contrôler la constitutionnalité de la loi


précitée, son impartialité se poserait. Mais certains imaginent mal comment la Cour
constitutionnelle belge aurait adopté une autre solution, faute de quoi, elle « scierait la
branche sur laquelle elle repose »1857. Autrement dit, dans les circonstances décrites, on voit
mal comment les membres de la Cour constitutionnelle belge pouvaient conclure qu’ils ne
sont pas impartiaux dès lors que la plupart de ses membres sont des anciens parlementaires.

Par contre, la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, se fondant sur
la théorie des apparences, a conclu à la violation du principe d’impartialité, le fait pour le
Bailif de l’île de Guernesey, d’avoir donné un avis à l’Assemblée délibérante ayant adopté un
plan d’aménagement du sol, et d’avoir ensuite présidé la juridiction qui avait eu à connaître
d’une question d’interprétation de ce plan. Selon la Cour, toute implication directe dans
l’adoption d’une législation ou réglementation administrative peut suffire à faire naître des
doutes sur l’impartialité judiciaire d’une personne appelée par la suite à statuer sur un litige
relatif à l’existence de raisons permettant de s’écarter de la lettre de cette législation ou
réglementation1858.

Par ailleurs, l'inspection générale des services judiciaires français a eu à se prononcer


sur le cas d'un magistrat du parquet qui, de manière visible, avait participé à une manifestation
contre un projet de loi sur les étrangers. L'inspection avait conclu à un manque au devoir
réserve, ce qui pouvait légitimement poser la question de son impartialité au moment où il
serait conduit à appliquer le texte dont il contestait le projet1859.

De même, un ancien parlementaire provincial ou national qui a donné position de


manière active (soit il a contribué de manière active à son adoption soit il a combattu de
manière acharnée) d’un édit ou d’une loi, ne devrait pas siéger à la Cour constitutionnelle
lorsqu’il devenait plus tard membre de cette Cour, pour apprécier la constitutionnalité du
même édit ou de la même loi auquel (à laquelle) il avait pris part d'autant plus que le serment
qu'il avait prêté sur base de l'article 10 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013
portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle l'oblige au respect
d'impartialité. Dans le même ordre d'idées, un ancien ministre de la Justice qui s'était investi
de manière acharnée à modifier l'article 149 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006
(retirer les magistrats du parquet parmi les membres du pouvoir judiciaire) et le statut des
magistrats (articles 4, 12, 15 et 61) dans le but de réduire sensiblement l'indépendance du
pouvoir judiciaire, ne devrait pas faire partie de la composition du siège de la Cour
constitutionnelle s'il devenait plus tard membre de cette Cour, pour apprécier la
constitutionnalité de textes susvisés.

Une autre question nous semble préoccupante. Celle qui consiste à se demander
lorsqu’un professeur d’université ou un doctrinaire a écrit ou donné des conférences sur un
1857
B. BEELDENS, « L’impartialité et la problématique du cumul de fonctions judiciaires », in Annales de Droit
de Louvain, 2001/2-3, p.290.
1858
CEDH, 8 février 2000, Mc Gonnel c/ Royaume Uni.
1859
J.L. NADAL, " L'impartialité du magistrat", in Gazette du Palais, mai-juin 2012, p. 1833.
679

point de droit, peut-il être récusé s’il intervient comme juge pour juger une affaire qui
s’inspirerait du point de vue écrit d’un livre du même juge ? Schématiquement, trois
hypothèses peuvent être dégagées:
- le juge-professeur ne peut évidemment siéger dans une affaire à propos de laquelle il
a préalablement rendu un avis ou déposé une consultation en tant qu'expert; il a manifesté
dans ce cas un préjugement de nature à le récuser;
- par contre, ne suscitent guère de difficultés les contributions informatives ou
générales destinées dans des revues ou des ouvrages ou à être enseignées lors de colloques
scientifiques ou lors des cours donnés aux étudiants ou séminaires ou ateliers aux praticiens.
C'est à bon droit que la Cour de cassation belge a décidé que le fait qu'un juge adopte un
certain point de vue sur une question juridique au moyen de publication scientifique ou dans
le cadre d'activités au sein de la rédaction d'une revue juridique, n'a pas nécessairement pour
conséquence de rendre le juge partial pour connaître du litige abordant ce point de droit1860; la
publication d'une contribution scientifique sur le sujet de droit ne peut être considérée comme
un avis sur l'affaire donné par le juge;
- plus problématique en revanche sont les exposés et les commentaires doctrinaux
effectués à propos des questions spécifiques et qui contiennent des prises de position
favorables ou défavorables aux thèses développées par les parties. A ce sujet, ayant émis en
tant que professeur, un avis positif sur la constitutionnalité d'une loi, un juge constitutionnel
se déporta lorsque la constitutionnalité de cette loi fut querellée devant la Cour
constitutionnelle cinq ans plus tard. Par contre, il ne se déporta pas et siégea dans un recours
introduit trois ans encore plus tard et mettant en cause la constitutionnalité d'une loi connexe.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg n'y vit pas de violation
d'impartialité au motif que ce dernier recours n'avait pas pour objet, comme tel, la loi sur
laquelle le juge-professeur avait donné un avis et que cette première loi avait été jugée
constitutionnelle hors la présence dudit juge1861.

Un magistrat ne saurait être récusé pour les opinions émises dans des ouvrages qu'il a
publiés comme jurisconsulte ou pour avoir déjà rendu, dans d'autres affaires, des décisions
contraires aux prétentions de l'une des parties. D'une façon générale, le fait d'avoir
publiquement, en quelque qualité que ce soit, mais sans relation quelconque avec les faits et la
procédure engagée, pris position antérieurement sur une question de droit qui surgit à nouveau
dans cette procédure n'affecte pas l'impartialité du juge. En décider autrement signifierait
qu'un juge ne pourrait pas connaître d'une affaire dans laquelle se pose une question de droit
déjà tranchée par lui dans d'autres affaires1862.

C'est ainsi qu'il a été ainsi jugé que le fait pour un juge d'exprimer une position
déterminée à propos d'un point de droit controversé par le biais de publications scientifiques
ou dans le cadre de ses activités au sein de la rédaction d'une revue juridique ne compromet
pas nécessairement son aptitude à connaître de façon impartiale d'un litige dans lequel ce
1860
Cour de cassation belge, (1 ère chambre), 15 octobre 2010, Pasicrisie belge, 2010, p. 2647, R.D.J.P., 2011,
p.28; R.D.J.P., 2011, p.28.
1861
CEDH, 1er septembre 2005, Rûdiger Adam et alii c/Allemagne.
1862
Conseil d'Etat belge, 22 mars 2007, n°169.314, ASBL Vrijheidsfonds et ASBL Vlaamse concentratie.
680

point de droit est abordé. Ce n'est pas le cas non plus si, à cette occasion, il manifeste son
approbation ou sa désapprobation quant à une position déterminée, à condition de le faire avec
modération et la nuance qui doivent toujours caractériser l'attitude d'un magistrat1863.

La doctrine moderne appui ce raisonnement car elle exclut en principe que les
conceptions doctrinales développées par un juge dans d’autres affaires ou émise à l’occasion
d’exposés ou de publications scientifiques puissent former une cause de récusation1864. L’on
ne pourrait donc retenir à ce titre le fait qu’un juge aurait donné, dans un écrit quelconque
(traité, manuel…) son opinion sur la question de droit que présente à juger le procès. La
solution inverse conduirait, on en conviendra, à limiter singulièrement sa liberté d’expression.
La prudence serait de mise car un point de vue de droit peut revêtir un caractère tellement
spécifique qu’il sera tout de suite évident que la même problématique a été visée dans un
article, fut-il scientifique1865.

En définitive, le juge des juridictions de l’ordre judiciaire, de l’ordre administratif, de


la Cour constitutionnelle, voire de la Cour des comptes, qui a donné un avis dans l’affaire ne
devrait pas faire partie de la composition du jugement pour juger la même affaire au risque
d’être récusé.

7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète,
d’expert ou d’agent de l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire

Cette cause de récusation est également l’expression du principe général du droit selon
lequel nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même chose. Elle comporte diverses
hypothèses.

a) l’intervention antérieure du juge dans l’affaire en qualité du juge

Ce cas figure suppose que le juge ait précédemment intervenu dans l'affaire en qualité
de juge c'est-à-dire qu'il soit intervenu à au moins deux reprises à l'occasion de son jugement.
Il s'agit de la connaissance antérieure de l'affaire par le juge en tant que juge. Cette expression
ne fait pas de distinction selon que le juge a connu de la cause au stade de l'instruction
préparatoire (chambre du conseil), au stade de l'instruction à l'audience ou stade de jugement
ou encore la connaissance antérieure du jugement avant dire droit ou mesures d'ordre ou
mesures d'administration judiciaire. Il suffit d'en prendre connaissance en vue de son
examen. Pour qu'un manque d'impartialité soit constitué, il faut que le juge ait déjà effectué
un acte qui reflète clairement son opinion sur la question qu'il va être amené à trancher en tant
que juge par la suite. Diverses hypothèses sont possibles.

1863
Cour de cassation belge, 15 octobre 2010, in Ius & actores, 2010/3, p. 55, note E. Brewaeys.
1864
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS « Déontologie et discipline », in X. DE RIEMAECKER et alii,
Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
1865
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Thèse de doctorat en droit, Faculté de Droit, U.C.L., Louvain-la-Neuve, juin 2005,
p. 540.
681

a.1. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties au même degré de juridiction

Cette situation montre que le juge est censé avoir connu de l’affaire non seulement
lorsqu’il a pris part à un jugement ou arrêt, mais également lorsqu’il a déjà eu l’occasion de
prendre position au sujet de la même affaire. Pour que la récusation soit admise, le juge doit
avoir antérieurement "effectivement connu de la même affaire en tant que juge". Ainsi, un
juge pénal qui, après requalification des faits, se déclare incompétent pour connaître de
l'action publique et de l'action de la partie civile n'a pas connu de la même affaire.

Cette cause de récusation s’applique uniquement lorsqu’il s’agit de la même affaire,


des mêmes parties et non d’une affaire analogue ou comparable. Ainsi, il n’y a ni préjugé ni
prévention lorsque l’arbitre est appelé à statuer sur une situation de fait proche de celle qu’il
avait examinée dans une instance antérieure mais entre des parties différentes et moins encore
lorsqu’il doit trancher une question de droit sur laquelle il s’est déjà prononcé, dès lors qu’il
n’est pas lié par ses propres précédents1866.

L’on interdit donc au juge de se prononcer à plusieurs reprises sur le fond de la même
cause, mais l’on ne l’empêche pas de statuer sur des questions de fait ou de droit identique à
celles dont il a pu connaître dans une autre cause. Sous cet aspect, elle suppose que le juge ait
connu de la cause dans l’exercice d’une autre fonction judiciaire, ce qui est plus large.
Toutefois, il y a lieu d’admettre la récusation d’un arbitre ayant déjà participé à au moins six
procédures arbitrales antérieures relatives à des situations similaires et ayant pour objet de la
mise en cause de la responsabilité de la banque ayant été retenue dans tous les cas. En
l’espèce, l’arbitre après avoir pris positions sur d’autres litiges, et à l’occasion d’un autre
litige, il aurait déjà pris parti à l’égard de l’une des parties au nouvel arbitrage1867.

De même, de la circonstance que le juge s'est prononcé dans un jugement antérieur sur
la culpabilité par rapport à une infraction qui, selon la description de la prévention de
blanchiment d'argent, entre en ligne de compte en tant qu'infraction de base pour cette
prévention, fût-ce très partiellement, il découle que le prévenu peut craindre que le juge ne
puisse plus statuer en toute impartialité par rapport à la prévention de blanchiment
d'argent1868. Mais, ne peut fonder une cause de récusation, le fait pour un juge d’avertir les
parties des moyens qui paraissent, lors d’une instruction à l’audience, pouvoir être soulevé
d’office et des les inviter à présenter leurs observations soit immédiatement soit dans le délai
qu’il fixe1869.

1866
Tribunal de première de Bruxelles (7 ème chambre civile), 14 décembre 2006, SA C c/ X, Y, P. et C., in
JLMB, 2007, pp. 834 et s.
1867
Ibidem.
1868
Cour de cassation belge, 9 octobre 2012, RG P.12.1579.N, inédit.
1869
C.S.J., 23 juillet 1985, R.P.785, in DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.2, 1990, V° récusation, n° 2, p. 198.
682

Aussi, il doit s’agir de la même affaire actuelle, une affaire purement potentielle ne
suffit pas. Ainsi, un magistrat du siège ayant instruit et jugé la cause avant poursuite judiciaire
sur le plan disciplinaire, doit se récuser étant donné qu’il avait déjà connu de cette affaire
devant une autre juridiction1870. De même, le juge qui a siégé au civil (mêmes parties) ne
pourrait pas siégé dans la même affaire au pénal ou vice-versa. Ainsi, le même juge ne peut
participer à deux instances successives, l'une au pénal, l'autre au civil, alors que, dans la
première, il a condamné le demandeur au civil, sur les mêmes faits1871.

Pour que la récusation soit admise, les faits connus par le juge doivent être les mêmes
et pour les mêmes parties étant donné que le même juge ne peut pas juger deux fois les
mêmes faits et pour les mêmes parties parce qu’il peut y avoir préjugement, qui lui ôterait son
impartialité. Relevons toutefois deux hypothèses qui permettent au juge de connaître les
mêmes faits et pour les mêmes parties à la même instance de jugement, c’est
l’interprétation1872 et la rectification1873 d’une décision judiciaire. Ainsi, les interventions
successives d'un même juge civil sont toujours possibles lorsque la seconde intervention vient
corriger une erreur matérielle1874. A défaut d’identité des faits et des parties, la récusation aura
difficile à être admise.

a.2. La connaissance par le juge de la même affaire au même


degré de juridiction mais les parties différentes

Rien n'empêche que le même juge siège dans ce cas étant donné qu'il s'agit des parties
différentes car il n'y a pas préjugement dans son chef.

a.3. La connaissance par le juge des affaires différentes concernant


les mêmes parties au même degré de juridiction

La participation à une décision juridictionnelle antérieure ne crée un préjugé au fond


que si le juge est amené à apprécier les mêmes faits. A défaut d'identité de faits, aucun risque
de partialité n'est démontré. C'est pourquoi, rien n'empêche que le même juge siège dans ce
cas étant donné qu'il s'agit des affaires différentes ou des poursuites différentes car il n'y a pas
préjugement dans son chef.

1870
C.S.J., 23 décembre 1976, R.P.A. 38, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977, p. 108 ; Revue
juridique du Zaïre, 1978, p. 94.
1871
Cour de cassation française (1ère chambre civile), 30 mai 2000, Droit pénal, novembre 2000, n° 134, obs. A.
Maron.
1872
Le juge qui rendu une décision obscure ou ambigüe peut l’interpréter, sans cependant étendre, restreindre ou
modifier les droits qu’elle a consacrés.
1873
Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient contenues dans une décision par lui
rendue sans cependant que puissent être étendus, restreints ou modifiés les droits qu’elle a consacrés.
1874
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 28 mai 2002, n°00-10516, Bulletin des arrêts de la Cour
de cassation en matière civile, 2002, I, n°148, p.114.
683

a.4. La connaissance par le juge du jugement avant dire droit ou décisions sur incident, d'actes
d'administration judiciaire, des mesures d'ordre et de jugement au fond de l'affaire

Dans cette hypothèse, un juge qui a pris antérieurement un jugement avant dire droit
ou décisions sur incidents ou préparatoire ou des mesures d'administration judiciaire ou des
mesures d'ordre ou un jugement interlocutoire, peut-il être récusé s'il participe ultérieurement
au jugement sur le fond de la même affaire ? Il convient de distinguer chaque situation.

Concernant, le jugement avant droit ou décision sur incident ; cette expression vise ici
tout jugement prononcé entre le début de l'instance et le jugement définitif. Ce jugement se
justifie par le principe général en vertu duquel les incidents d'une procédure sont soumis au
juge appelé à statuer au principal, le juge de l'action est le juge de l'exception. Sont réputés
préparatoires, les jugements rendus pour l'instruction de la cause et qui tendent à mettre le
procès en état de recevoir jugement définitif1875. En réalité, en RDC, les jugements
préparatoires sont des jugements avant dire droit; on les appelle les jugements avant dire droit
de nature préparatoire. Comme on le voit, le jugement avant dire droit de nature préparatoire
ne préjuge pas le fond. Cela signifie que le juge qui a pris antérieurement le jugement avant
dire droit ou jugement préparatoire peut siéger au fond de l'affaire sans que son impartialité
soit violée.

Concernant les décisions ou mesures d'ordre, ce sont celles qui ont trait à la simple
administration formelle de la justice et qui ne portent ni directement, ni indirectement sur
l'examen même de l'affaire, ni ne peuvent influer sur le jugement de celle-ci1876. Il s'agit des
décisions ou mesures par lesquelles le juge ne résout aucune question de fait et de droit
litigieuse ou n'en préjuge pas, de sorte que la décision n'inflige à aucune des parties un grief
immédiat. Tel est le cas d'une décision de remise, de fixation de cause, omissions de rôle,
radiations, d'un jugement qui joint un incident au fond sans trancher, la décision ordonnant la
disjonction d'une cause en vue d'un examen séparé qui ne statue sur aucune contestation de
droit ou de fait1877. Il en est de même des ordonnances de fixation d'audience, de cause, les
décisions de radiation de rôle.

Comme on peut le remarquer, de telles décisions ne préjugent en rien le fond de l'affaire.


C'est pourquoi; le juge qui a rendu antérieurement les décisions ou mesures d'ordre ou
mesures d'administration de la justice, peut connaître ultérieurement le fond de l'affaire sans
violer son impartialité étant donné que la connaissance antérieure de l'affaire suppose que le
juge avait posé les actes juridictionnels et non les actes d'administration ou les mesures
d'ordre. Ainsi, ne viole pas le principe d'impartialité, un président de tribunal qui avait décidé,
en vertu de ses pouvoirs administratifs, de s'attribuer l'affaire en cours et de la trancher1878.
1875
Article 73 alinéa 1 du Code de procédure civile.
1876
A. FETTEIS, Droit judiciaire privé, 5ème éd., t.III, Liège, Presses universitaires de Liège, 1980, p. 462.
1877
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, pp.1004-1015; M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de
la procédure pénale. Tome II, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1382.
1878
CEDH, 5 octobre 2010, DMD Group a.s. c/ Slovaquie , requête, n° 19334/03.
684

Cette attribution ne reposait sur aucune règle suffisante, était insusceptible de recours, et une
récusation était impossible étant donné qu'en l'espèce, le juge avait posé des actes
d'administration et non les actes juridictionnels.

Concernant les jugements interlocutoires ou jugement avant dire droit de nature


interlocutoire, ce sont de jugements avant dire droit par lesquels le tribunal ordonne, avant
dire droit, une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le fond1879. Comme de
tels jugements préjugent le fond de l'affaire, il est difficile de participer antérieurement à de
tels jugements et connaître ultérieurement le fond de l'affaire sans violer le principe
d'impartialité. Autrement dit, dans ce cas, un tel juge peut être récusé.

a.5. La connaissance par le juge de la décision de compétence


ou sur la régularité de la saisine et de jugement au fond de l'affaire

En principe, rien n'interdit au juge du fond de l'affaire qui s'est déclaré sur la
compétence pour connaître de la cause et d'en connaître ultérieurement lorsque son jugement
de compétence n'emporte la formation d'aucune opinion sur le bien fondé de l'affaire. La
solution est identique lorsque le juge ne se prononce que sur la validité formelle de sa saisine.
Cette solution se justifie par le fait que la prononciation de telles décisions n'implique en rien
la formation d'une opinion sur l'objet de l'affaire. Les juges n'en connaissent dès lors
effectivement qu'une seule fois, lorsqu'ils en sont saisis. Autrement dit, dans ce cas, le juge ne
peut être récusé.

a.6. La connaissance par le juge des décisions provisoires et décisions au fond


concernant même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Un tel cumul crée t-il d'office la violation d'impartialité ? La réponse varie selon deux
situations.

Dans la première situation, lorsque le juge est intervenu en urgence et ses


interventions montrent un caractère conservatoire ou préparatoire, ces interventions ne
montrent pas la solution que prendrait un juge au fond; dans cette situation, l’impartialité du
juge ne serait pas violée1880. Ainsi, certaines mesures sont seulement préparatoires, et

1879
Article 73 alinéa 2 du Code de procédure civile.
1880
J. VAN COMPERNOLLE, « Le cumul du provisoire et du fond au regard du principe de l’impartialité « , in
J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), les mesures provisoires en droit belge, français et
italien, Bruxelles, éd. Bruylant, 1998, p. 242 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de
fonctions au fond et du provisoire : réflexions sur des arrêts récents », in Les droits de l’homme au seuil du
troisième millénaire. Mélanges en hommage à Pierre Lambert, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 937-938 ; J.
VAN COMPERNOLLE, « Le droit à un tribunal impartial en droit belge au regard de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne.
Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, éd. P. MAHONEY, F. Matscher, H. Petzold, L. wildhaber, 1999, p.
1491-1492 ; J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985-
1996)-Droit judiciaire privé, RCJB, 1997, pp. 495-625, n°90 ; R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des
fonctions », RTD Civ., 1999, p. 195 ; B. BEELDENS, « Impartialité et fonctions judiciaires », in Annales de
685

n'impliquent pas de la part du juge qui les prend une appréciation des faits qui seront discutés
ultérieurement au fond: c'est le cas des décisions qui prescrivent des mesures d'instruction ou
une mesure d'attente, comme aune autorisation de faire ou de ne pas faire. Tel est le cas d’une
décision rendue par le juge sur les défenses à exécuter, laquelle ne touche pas le fond du litige
puisqu’elle est une procédure d’urgence d’autant plus que le rapprochement de date
d’audience sollicitée par une des parties ne peut interdire au juge qui l’a accordée de
poursuivre l’instance sous prétexte que ce faisant, il a manifesté sa partialité1881. Ainsi, la
participation à la formation de jugement d'un juge ayant rendu, dans la même affaire, une
décision ne préjugeant pas le fond, ne méconnaît pas l'impartialité1882. Il en est ainsi du juge
du sursis à exécution d'une décision juridictionnelle, sous réserve qu'il n'ait pas excédé son
office, peut, sans être considéré comme partial, statuer ultérieurement sur un recours dirigé
contre la décision statuant sur le fond du litige1883. Tel est le cas enfin d’une décision de la
juridiction administrative qui statuant à la procédure de suspension, se bornerait à renvoyer
l’affaire à la procédure normale d’examen au fond du litige ou qui déciderait seulement la
réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer complètement et dans les
conditions de procédure normale sur un moyen dont le bien fondé n’a paru manifeste au
magistrat appelé à statuer au fond.

Dans la deuxième situation, lorsqu’en urgence, le juge a pris les mesures qui
impliquent une prise de position sur le fond, son impartialité serait voilée. Il s’agit des
mesures ou décisions anticipatoires qui anticipent les solutions du litige1884. C’est donc cette
anticipation qui montre ce que le juge prendrait comme solution lorsqu’il pourrait intervenir
au fond de l’affaire. En d’autres termes, le juge qui s’est prononcé au provisoire (en urgence),
doit avoir exprimé une pré-appréciation du fond de manière telle qu’elle puisse être de nature
à convaincre un justiciable normalement avisé qu’il existe un doute que ce juge puisse encore
juger au fond de manière impartiale. Tel est le cas du juge des référés français qui statue sur
une demande tendant à l’attribution d’une provision en raison du caractère non sérieusement
contestable d’une obligation, et qui est appelé par la suite à statuer sur le fond du litige

droit de Louvain, 2001/2-3, p. 302 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « La récusation en droit belge », RGDC,


2003, pp. 605-610 ; Y STRICKLER, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Université Robert
Schuman, Strasbourg, 1993, p. 591 ; H. BOULARBAH, « Le dessaisissement et récusation en matière civile »,
in le point sur les procédures (2 ème partie). Formation permanente CUP, décembre 2000, Vol. 43, pp. 199-
200 ; O. MIGNOLET, « Observations sur la mise en cause de l’impartialité du juge lorsque celui-ci cumule
les fonctions du juge du provisoire et du fond, au regard des principes et des sanctions », in RDJP, 2001-,
n°48, p. 51 ; T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain -la-Neuve, 2005, pp. 453-465.
1881
Cour d'appel de Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts) ; Shamamba Ny contre Premier Président Munoma N. ;
R.R.011 ; Shamamba NY contre Conseiller Makonga n° R.R.012 ; Shamamba contre Conseiller Kadiebwe N.
n° R.013, inédits.
1882
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 24 janvier 2013, n°12-01345, Gazette du Palais, n°1,
janvier-février 2013, p.557.
1883
Conseil d'Etat français, 26 novembre 2010, n° 344505, Sté Paris Tennis, Jurisdata n° 2010-022651,
Procédures, mars 2011, p. 58.
1884
Voyez J. NORMAND, « Les mesures provisoires en droit comparé », in Annales de droit de Louvain, 2005 /
3-4, pp. 266-268 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J.VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p. 77.
686

afférent à cette obligation1885. En effet, le juge en statuant en référé sur l’attribution d’une
provision, a exprimé une prise de position sur le fond, et partant, cette appréciation sur les
circonstances de la cause, pouvait l’empêcher de juger au fond du litige de cette obligation.
En d’autres termes, ce juge a effectivement préjugé de la qualité de cette obligation, il est
donc devenu techniquement partial.

De la sorte, tout laisse croire que ce que le juge des référés a tenu pour évident au
provisoire, il le tiendra encore comme tel lorsque l’affaire lui sera soumise au fond. Dès lors
que les faits envisagés sont les mêmes, que leur examen par le juge du provisoire n’a rien eu
du superficiel mais que, tout au contraire, il s’est prononcé, au terme d’un examen attentif, sur
le caractère non sérieusement contestable de l’obligation, le justiciable provisoirement tenu
pour débiteur a toutes les raisons de craindre que le juge éventuellement appelé à connaître
une seconde fois de l’affaire ne soit influencé par l’appréciation qu’il avait initialement portée
et qui l’avait conduit dans un premier temps, à ne point tenir pour sérieuses les objections
qu’il lui avait présentées1886. Autrement dit, le juge des référés qui accorde une provision et
statue au fond, sa présence devant le tribunal froisserait l’impartialité s’il a dû porter une
appréciation au fond1887.

L’on peut ainsi considérer que le juge des référés a anticipé sur la solution au fond
lorsqu’il s’est prononcé de manière évidente sur le caractère sérieusement contestable ou non
d’une obligation alléguée, ou lorsqu’il s’est prononcé sur la cessation d’un trouble
manifestement illicite en estimant notamment que l’illicéité du trouble était manifeste1888. Il y
aurait ainsi méconnaissance de l’impartialité s’il s’avère que dans l’exercice des fonctions
antérieures, le juge s’est déjà forgé une opinion sur les points de fait et de droit qu’il lui
appartient de trancher. En pareille situation, le débat poursuivi devant lui apparait comme
fondamentalement faussé1889.

1885
Cass. française (Assemblée plénière), 6 novembre 1998, JCP La semaine juridique, 2 décembre 1998, p.
2122 ; Recueil Dalloz, 1999, p. 6 ; Gaz. Pal., 13-15 décembre 1998, p. 12 ; CE français, 9 février 2004,
Billerach, AJDA, 2004, p. 1150 ; CE français, 2 novembre 2005, M. et M me Fayant, n°279660, AJDA, 13
février 2006, p. 327-328 et note de P. CASSIA, « Méconnaissance du principe d’impartialité par le juge des
référés » ; CAA Marseille, 9 mars 2006, M me D., n°04 MA 01886, Recueil Dalloz, 2006, IR, 949; AJDA, 1 er
mai 2006, pp. 888 et conclusion du commissaire du gouvernement Thiery Trottier, "Le juge du référé
provision peut-il participer à la formation de jugement au fond ?", in Procédures, mai 2006, p.26 ; P. CASSIA,
« Le juge administratif des référés et le principe d’impartialité », in Recueil Dalloz, 5 mai 2005, n°18,
chronique, pp. 1183-1184, 1189 -1191.
1886
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, p. 186 ; J. VAN
COMPERNOLLE, « Impartialité du juge et cumul de fonctions au fond et au provisoire : réflexions sur
des arrêts récents », in Les droits de l’Homme eu seuil du troisième millénaire. Mélanges en hommage à
Pierre Lambert, Bruxelles, éd. Bruylant, 2000, p.941.
1887
Cassation française, Assemblée plénière, 6 novembre 1998, Sté Bord Na Mona contre Norsk Hydro Azote ;
Guillotel contre Castel et Fromaget, in Recueil Dalloz, 7 janvier 1999, n° 1, p.5 ; M.-A. FRISON-
ROCHE, « L’impartialité du juge », in Recueil Dalloz, Chronique, 11 février 1999, n° 23, p. 56 ; J.-F.
BURGELIN, « Quand le juge des référés prend parti », Recueil Dalloz, 1999, p.5.
1888
R. PERROT, « Impartialité du juge et cumul des fonctions », in RTDCiv., janvier-mars 1999, p.195.
1889
J. VAN COMPERNOLLE, « Impartialité et cumul du fond et du provisoire devant le Conseil d’Etat : une
heureuse clarification », in RTDH, 2001, pp.1156 et s.
687

Concrètement, le défaut d’impartialité devrait généralement s’appliquer à toutes les


décisions qui comportent de la part du juge du provisoire, une anticipation sur le fond,
qu’elles enjoignent, par exemple d’expulser un occupant d’une maison qui n’a ni titre ni droit,
de faire quelque chose (de réintégrer un salarié, de livrer une marchandise, d’enlever des
affiches, des barrières ou des chaînes), qu’elles ordonnent de cesser une activité (pour
violation d’une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, pour atteinte aux droits
de la personnalité) ou de s’abstenir d’un comportement déterminé1890.

Il en sera de même pour les juridictions de l’ordre administratif. Tel est le cas du juge
des référés qui dans sa première intervention a pris une ordonnance qui a anticipé sur l’issue à
donner à une éventuelle seconde demande fondée sur les mêmes éléments que la première1891.
De même, un magistrat statuant en référé (recours en suspension) se prononce sur le sérieux
des moyens invoqués, il émet un jugement sur l’apparence de fondement de ces moyens,
même si cette appréciation ne le lie pas pour l’examen du fond, le justiciable peut
raisonnablement éprouver la crainte que le magistrat devant lequel il plaide ait, dès avant
d’avoir pris connaissance des pièces de procédure relative au recours en annulation, une
opinion quant à la solution à donner à ce recours d’autant plus que le même magistrat siégeant
en référé s’est prononcé sur la recevabilité d’un moyen. En effet, juger qu’un moyen n’est pas
sérieux revient à décider, au terme d’un premier examen, que les arguments invoqués à
l’appui de ce moyen ne sont pas convaincants et le justiciable est fondé à redouter que le
magistrat qui a porté cette appréciation ne persiste à les trouver peu convaincants lorsqu’il est
appelé à statuer sur le recours en annulation. Afin de préserver le droit à un tribunal impartial,
il s’impose d’écarter un magistrat qui, statuant en référé, s’est prononcé sur le sérieux d’un
moyen ou de la recevabilité de recours ou d’un moyen, de siéger pour l’examen d’un recours
en annulation1892.

Cette position a été suivie par plusieurs juridictions administratives. Tel est le cas de la
Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a considéré qu’un juge des référés ayant eu
l’occasion d’apprécier les moyens de légalité développés par le requérant dans le cadre d’une
demande de suspension ne peut disposer de l’impartialité pour statuer au fond au sein de la
formation de jugement1893. Ce qui justifie l’anticipation est le fait pour le juge des référés
d’avoir pris position sur la validité des moyens susceptibles de justifier une telle mesure (à
l’égard du requérant), et cette prise de position devrait l’empêcher de se pencher sur l’affaire.
Il en est de même de la Cour administrative d’appel de Marseille qui a estimé que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a examiné l’affaire comme juge du

1890
J. NORMAND, « De quelques limites du référé provision », in RTDCiv., 1999, janvier-mars 1999, n° 1, p.
187 ; J. NORMAND, «L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.77.
1891
Conseil d’Etat français, 20 novembre 2005, M. et Mme Fayat, AJDA, 2006, p. 327, note CASSIA.
1892
Conseil d’Etat belge, 14 décembre 2000, ASBL Ecole Notre Dame de la Sainte Espérance contre
Communauté française, JLMB, 2001, p. 169 ; RTDH, 2001, p. 1149 ; Journal des Tribunaux, 2001, p.235.
1893
C.A.A. Bordeaux (Assemblée plén.), 18 novembre 2003, arrêt M.B., AJDA, 2004, p.98, concl. J.-L. Rey.
688

référé provision participe à la formation de jugement au fond1894. La Cour administrative


d’appel de Paris a nettement confirmé cette position en affirmant que le principe
d’impartialité faisait obstacle à ce que le magistrat qui a rendu une ordonnance sur le
fondement des dispositions précitées siège à nouveau lors du jugement au fond de cette affaire
par le tribunal administratif1895.

Comme on peut le constater, lorsqu’un juge a lors de son intervention au provisoire,


exprimé une prise de position faisant ressortir une conviction de ce juge sur le fond, cela peut
créer dans le chef du justiciable le doute légitime que ce juge puisse encore juger
ultérieurement de manière impartiale. Et d’ailleurs, certains sont plus catégoriques d’affirmer
que lorsque le juge statue en référé, il donne déjà son appréciation sur les arguments des
parties même si c’est uniquement sur le plan des apparences ; dès ce moment, il y a préjugé, si
peu que ce soit, qui lui interdit de rejuger une seconde fois la même cause, à peine de porter
atteinte au principe d’impartialité1896.

Dans le but de donner l’image du juge impartial en République démocratique du


Congo, le juge qui a connu d’une affaire en urgence (référé, suspension) ne devrait pas faire
partie de la composition du jugement appelée à connaitre de la même affaire au fond
(annulation). Cette position nous semble applicable pour le juge des juridictions de l’ordre
judiciaire, le juge des juridictions de l’ordre administratif et de la Cour des comptes.

a.7. La connaissance par le juge du tribunal pour enfants des décisions provisoires et décisions
au fond concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Cette situation concerne le juge du tribunal pour enfants qui connaît de la même affaire
en instance de jugement; peut-il être récusé s'il avait pris antérieurement (avant le jugement au
fond) des mesures provisoires diverses pour l'intérêt de l'enfant ? La réponse ne semble pas
tranchée. En effet, si l'on se réfère à l'article 49, point 7 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire qui donne l'hypothèse de la récusation du juge qui était intervenu dans l'affaire en
qualité de juge; cet article ne fait pas de dérogation au juge du tribunal pour enfants1897. Cela
signifie que sur base de cette disposition, ledit juge peut être récusé comme les autres juges
des juridictions de l'ordre judiciaire si les conditions sont réunies.
Par contre, si l'on se réfère à la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de
l'enfant (une loi spéciale) dont la finalité est surtout de prendre en considération l'intérêt et la
personnalité de l'enfant (préoccupation primordiale) dans toutes les décisions et mesures à son
égard, la récusation du juge du tribunal pour enfants ne pourra pas être accueillie pour la

1894
C.A.A. Marseille (3ème ch.), 9 mars 2006, Mme D., Recueil Dalloz, 6 avril 2006, IR, p. 949 ; AJDA, 2006, p.
887.
1895
C.A.A. Paris, 6 février 2007, Société Swisslog France , n° 04PA03147, in AJDA, 21 mai 2007, p. 1039.
1896
D. LAGASSE, « Peut-on récuser un conseiller d’Etat ? Qu’est-ce qu’un conseiller d’Etat impartial ? », in
J.T., 1998, p.154.
1897
La formulation de cet article avait été adoptée à la Commission Permanente de Réforme de Droit Congolais
en août 2006, soit 3 ans avant la promulgation de la loi portant protection de l'enfant (en 2009).
689

simple raison que cette loi permet au juge de prendre les mesures provisoires1898 pour l'intérêt
supérieur de l'enfant avant le jugement définitif. Ainsi, le juge pour enfants peut, avant de
statuer sur le fond, prendre par voie d'ordonnance l'une des mesures provisoires suivantes :
- placer l'enfant sous l'autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde;
- assigner à résidence l'enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui en ont la
garde ;
- soustraire l'enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité
ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social. Par couple, on entend deux
personnes de sexes opposés légalement mariées.

Le choix par le juge pour enfants des mesures provisoires privilégie autant que possible le
maintien de l'enfant dans un environnement familial. Le placement dans une institution
publique ou privée agréée à caractère social ne peut être envisagé que comme une mesure de
dernier recours. L'assistant social assure le suivi des mesures provisoires prises par le juge1899.

Le juge informe immédiatement ou si ce n'est pas possible dans le plus bref délai, les
parents, le tuteur ou la personne qui en a la garde des faits portés contre l'enfant. Il les informe
également des mesures provisoires prises à l'égard de celui-ci. Si ces mesures prévues ne
peuvent être prises parce que l'enfant est présumé dangereux et qu'aucun couple ou aucune
institution n'est en mesure de l'accueillir, l'enfant peut être préventivement placé dans un
établissement de garde et d'éducation de l’Etat, pour une durée ne dépassant pas deux mois.
Un décret du Premier ministre, délibéré en Conseil des ministres, fixe l’organisation et le
fonctionnement de l'établissement de garde et d'éducation de l'Etat. Le juge pour enfants
charge l’assistant social du ressort de la collecte des informations concernant la conduite et le
comportement de l'enfant1900. Comme nous pouvons le remarquer, les mesures provisoires
que le juge du tribunal pour enfants pourrait prendre sont nécessaires pour l'évolution de
l'enfant et ne permettent au juge de préjuger la décision qu'il pourrait prendre au fond.

Il convient de souligner qu'en RDC le tribunal pour enfants est composé de plusieurs
juges (un juge siège au premier degré, trois en appel), le ministère public du ressort du
tribunal de grande instance est chargé de l'instruction préjuridictionnelle; c'est celui-ci qui
saisit le tribunal en matière pénale, exécute le jugement après le prononcé et c'est pourquoi,
nous pensons que ce juge présente toutes les garanties d'impartialité.
Lorsque cette question s'est posée à la Cour européenne des droits de l'homme de
Strasbourg, celle-ci a pris deux positions différentes selon l'ampleur de pouvoir du juge. Au
début (1993-2004), la Cour européenne a considéré de manière constante qu'un juge des
enfants ait pris des décisions avant le procès, notamment sur la détention provisoire, ne saurait

1898
Articles 107 à 112 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
1899
Article 106 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
1900
Articles 107 à 109 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
690

en soi justifier des craintes quant à son impartialité, l'important étant la portée et la nature des
décisions en question1901.

Depuis le 2 mars 2010, la Cour européenne des droits de l'homme examine désormais le
degré d'intervention du juge. Ainsi, elle interdit qu'un juge aux affaires familiales ayant initié
les poursuites contre un mineur suspecté de meurtre sur autre mineur, puis ayant rassemblé
les preuves de sa culpabilité durant l'instruction, renvoie ce mineur devant un tribunal pour
enfants qu'il préside aux côtés de deux assesseurs non professionnels. Pour la Cour
européenne des droits de l'homme, le principe d'impartialité n'a pas été respecté dès lors que
le juge aux affaires familiales a fait, durant l'instruction, un usage ample des attributions
étendues que lui conférait la loi sur la procédure applicable aux mineurs1902. Cette décision se
justifie par le fait que ledit juge des enfants avaient eu des pouvoirs très étendus dans la même
affaire: instruction préjuridictionnelle, saisine dudit tribunal, présidence de la même
juridiction, condamnation par le même juge et exécution du jugement par le même juge1903.
Or, le cumul de tels pouvoirs dans les mains d'un seul juge n'existent pas à l'égard du juge des
tribunaux pour enfants en RDC. C'est pourquoi, il présente les garanties d'impartialité; en
conséquence, il ne peut pas être récusé au seul motif qu'il a pris antérieurement des mesures
provisoires avant de connaître de la même affaire au fond (jugement).

a.8. La participation par le juge à la fois des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

La question qui peut se poser est celle de savoir si un juge d’une juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) et d’une
certaine manière de la Cour des comptes, peut connaître d’une affaire pour laquelle il a déjà
émis préalablement un avis sans empiéter au principe d’impartialité. A ce sujet, il convient de
préciser que la juridiction administrative est chargée d’une part de rendre des avis sur les
projets de textes des autorités soumises à leur compétence dans une première formation
(consultative ou d’avis), et d’autre part, de statuer en tant que juridiction administrative
(formation contentieuse ou de jugement) sur le recours en annulation introduite contre les
actes et règlements des autorités administratives concernées. On peut se demander si ce cumul
de fonctions d’avis et de jugement ne va pas à l’encontre du principe d’impartialité.

En effet, un juge administratif (formation de jugement) ne peut siéger dans une affaire
si auparavant il avait déjà donné un avis (formation consultative ou d’avis) pour les mêmes

1901
CEDH, 24 août 1993, Nortier contre Pays-Bas, RTDH, 1994, p. 429, note J. Van Compernolle, p. 437; dans
le même sens CEDH, 16 décembre 1999, T c/ Royaume-Uni, § 84; CEDH, 16 décembre 1999, V c/
Royaume-Uni, § 86; CEDH, 15 juin 2004, S.C. c/ Royaume-Uni, §§ 28 et 35.
1902
CEDH, 2 mars 2010 (4ème section), Adamkiewicz c/ Pologne, Recueil Dalloz, 3 juin 2010, n° 21, pp. 1324-
1325; note P. BONFILS, "L'impartialité du tribunal pour enfants et la Convention européenne des droits
de l'homme", même revue; JCP 2010, 859, p. 1589, n° 12, obs. Sudre.
1903
Sous l'empire du Code d'OCJ du 31 mars 1982, le juge du tribunal de paix avait de tels pouvoirs en matière
pénale, cela a été supprimé par la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judicaire, JORDC, 4 mai 2013.
691

faits, mêmes parties et mêmes problèmes juridiques. La double participation, consultative


(formation consultative ou d’avis) et contentieuse (formation de jugement), à une même
décision pourrait déboucher sur une présomption très forte d’atteinte à l’impartialité. Cela se
justifie par le fait que le juge qui avait préalablement donné l’avis (formation consultative)
s’était déjà forgé une opinion avant de participer au jugement prononçant l’annulation
(formation contentieuse ou de jugement), ce qui pourrait être regardé comme
« préjugement »1904.

Cette position est partagée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de
Strasbourg qui avait condamné la composition du Conseil d’Etat luxembourgeois en
soulignant « le seul fait que certaines personnes exercent successivement, à propos des
mêmes décisions, les fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles, est de nature à
mettre en cause l’impartialité structurelle de ladite institution »1905. Cette décision a eu des
répercussions dans les juridictions administratives à tel point qu’aucun membre de la Cour
administrative ne peut siéger dans les affaires relatives à l’application de dispositions au sujet
desquelles il aurait dû participer à des délibérations du Conseil d’Etat1906.

Tel est le cas où un magistrat administratif donne un avis sur une question posée au
tribunal administratif par le préfet, puis siège en collégialité, sur cette question, quelque temps
après. Le Conseil d'Etat relève d'office la violation du principe d'impartialité1907. Il en est de
même de la Cour administrative de Paris qui a sanctionné le cumul des fonctions
administratives et de jugement en considérant que les magistrats qui ont eu à se prononcer sur
une question, dans le cadre des attributions consultatives du tribunal administratif ne peuvent
ensuite en connaître au contentieux et ne peuvent donc siéger dans la même affaire1908.
Comme c’est le même juge qui a donné un avis (formation consultative ou d’avis) et connu en
annulation (formation de jugement) de la même affaire pour les mêmes parties ; il y avait
donc un « préjugement », autrement dit, l’impartialité avait été violée. Il en est de même de
l’arrêt Syndicat des avocats de France par lequel le Conseil d’Etat avait affirmé que le
membre de la juridiction qui a émis un avis sur un projet de texte ou une action administrative

1904
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, 2005, p.423.
1905
CEDH, 28 septembre 1995, Procola contre Luxembourg, RTDH, 1996, pp. 271-299 ; JLMB, 1996, p. 889 ;
D. 1996, p. 301, note Benoît Rohmer F. ; JCP, éd. Gén. , 1996, I, 3910, n° 23, obs. F. Sudre ; Gazette du
Palais, 18 novembre 1995, Flasch, note L. Pettiti ; JDI, 1996, 253, obs. O. de F. ; AJDA, 1996, 383,
chron. J.Fr. Flauss ; RFDA ; 1996, 777, note J. L. Autin et F. Sudre ; D. SPIELEMANN, « Le Conseil
d’Etat luxembourgeois après l’arrêt Procola de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », in RTDH,
1996, p. 297 ; J. P. COSTA, «Le tribunal indépendant et impartial en matière administrative. Le principe
vu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme », in A.J.D.A., 20 juin 2001, p. 517 ; S.
GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit fondamental », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.31.
1906
G. GONZALEZ, «Chaud et froid sur la compatibilité du cumul des fonctions consultatives et contentieuses
avec l’exigence d’impartialité », in RTDH, 2004, p.378.
1907
Conseil d'Etat français, 7 août 2008, Association Terres minées, 312022, JCP 2008, Actualités, n° 540, obs.
M. C. Rouaut.
1908
C.A.A. Paris, 23 mars 1999, AJDA, 1999, pp. 623-625, note Mathias Chauchet ; Procédures, novembre
1999, chron., n° 14, concl. Mireille Heers, 3 et s.
692

ne pouvait pas siéger dans la formation de jugement appelée à se prononcer sur ce texte ou
cette action1909.

Il en est ainsi de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait affirmé que le
tribunal administratif ne peut statuer régulièrement sur un litige lié à l’attribution d’un marché
public, alors que l’un de ses membres faisait partie de la formation collégiale consultée
antérieurement par le préfet pour donner un avis à propos du marché projeté, et plus
précisément du problème de droit déterminant la solution du contentieux1910. Dans cette
affaire, la composition du jugement statuant au contentieux (formation de jugement)
comprenait des magistrats ayant fait partie de la formation collégiale consultée quelques mois
auparavant (formation consultative ou d’avis) sur la même question de droit ayant causé
difficulté, c’est pourquoi, l’impartialité a fait défaut.

Au regard de tous ces exemples, nous estimons qu’en vue de garantir l’image du juge
impartial en République démocratique du Congo, le juge de la juridiction de l’ordre
administratif (tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil d’Etat) voire
même de la Cour des comptes, qui a émis un avis dans la formation consultative, ne devrait
pas faire partie de la formation de jugement (formation contentieuse) appelée à se prononcer
en suspension ou en annulation du même acte administratif ou règlement.

a.9. Le cumul par le juge des fonctions de conciliation et de jugement concernant


la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction

Un tel cumul, conduit-il à la violation d'impartialité ? Autrement dit le juge qui, au


cours d’une affaire civile, principalement en matière de divorce a tenté une conciliation en
« chambre du conseil » avant de connaître de la même affaire au fond, peut-il être récusé sous
prétexte qu’il connaît de la même affaire au fond alors qu’il avait tenté la conciliation des
parties ? Il convient de distinguer deux hypothèses.

La première est celle où le juge s’emploie à rechercher un terrain d’entente avec les
parties sans proposer une solution, et la seconde concerne le juge qui propose une solution
aux parties ou prend position sur la solution. Pour la première situation c'est-à-dire le juge qui
s'emploie à rechercher un terrain d’entente avec les parties sans proposer une solution,
l’impartialité n’est pas violée étant donné que le juge ne s’était pas dévoilé car il n’avait pas
montré qui a tort ou raison, il ne faisait qu’aider les parties à trouver un terrain d’entente.

En ce qui concerne la deuxième situation c'est-à-dire le juge qui propose une solution
aux parties ou prend position sur la solution, en principe l’impartialité est violée étant donné

1909
C. E. français, 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, Rec., p. 118 ; JCP, 1997, II, 22817, note J.M.
Breton ; Petites Affiches, n° 119, note W. Sabette ; RFDadm., 1996, p. 1195, conl. Bonichot ; D.
CHABANOL, « Théorie de l’apparence ou apparence de théorie ? Humours autour de l’arrêt Kress », in
AJDA, janvier 2002, p.11.
1910
C.A.A. Bordeaux, 4 mars 2003, n° 00.BX. 01170 et 00. BX.02417, Dépt. De Deux Sèvres (recours contre T.
A. Poitiers, 24 février 2000), in Procédures, mai 2003, p. 21.
693

que le juge avait pris position en montrant la solution qui est la sienne lors de la connaissance
de l’affaire au fond car les parties pourront à juste titre évoquer l’existence d’un
« préjugement » dans son chef de nature à créer un doute légitime quant à son aptitude à
siéger ultérieurement en toute impartialité1911. Cela signifie que l'activité de conciliation du
juge est de nature à faire naître chez le justiciable un sentiment légitime de partialité, lorsque
le juge joue un rôle actif et fait des propositions de solution transactionnelle. En cas d'échec
de la conciliation, il ne devrait pas juger. Tel est le cas du juge du fond qui avait convoqué des
époux divorcés pour tenter de les concilier sur la liquidation de leur régime matrimonial,
ajoutant qu'en cas d'échec, "il ferait vendre l'intégralité de l'actif de la société d'acquêts, à
l'exception d'une maison qui serait attribuée préférentiellement à Madame"; cette formule,
qui figurait dans le procès verbal de comparution, laissait planer un doute sur l'objectivité du
jugement ultérieur, entaché d'un préjugement, en tout cas d'un préjugé1912.

Au vu de ces éléments, pour rassurer les justiciables que le juge présente les garanties
d'impartialité, celui-ci devra donc se limiter à donner les informations objectives aux parties, à
l'image du maître du jeu qui brosse quelques règles aux joueurs en début de la partie. Il doit
adopter une attitude d'écoute active en faisant l'inventaire des intérêts en présence et des
revendications sur lesquelles les parties sont prêtes à transiger ou à discuter. Il ne doit jamais
dévoiler quelle serait sa solution si les parties comparaissent à l'audience.

a.10. Le cumul par le juge de la connaissance de la détention préventive et du fond de l'affaire

Lorsque l'officier du ministère public a placé l'inculpé sous mandat d'arrêt provisoire
(valable de 5 jours), au cas où il estime que celui-ci doit être mis en détention préventive, il a
l'obligation le présenter devant le juge siégeant en chambre du conseil (soit le tribunal de paix
s'il est déjà installé ou à défaut, le tribunal de grande instance) pour autoriser la mise en
détention préventive qui est valable de 15 jours1913.

La question qu'il convient de se poser est de savoir si un juge qui a siégé en chambre
du conseil pour régulariser ou non la détention préventive peut connaître du fond de l'affaire

1911
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL, Louvain-
la-Neuve, 2005, pp. 41 ; B. BEELDENS, « Médiation-conciliation : quel rôle pour le juge ? », in JJPP, avril-
mai 2005, pp. 211-215 ; J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation judiciaire », in Le contentieux
interdisciplinaire, Antwerpen, Kluwer, 1996, p. 49 ; J. VAN COMPERNOLLE, « La justice familiale et les
principes fondamentaux du droit judiciaire », in M. Th. MEULDERS – KLEIN (sous direction), Familles et
justice, justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 391 ;
J. VAN COMPERNOLLE, « Le juge et la conciliation en droit judiciaire belge », in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, pp. 528 et 533 ; I.
BRANDON, « L’office du juge dans la conciliation », JT, 1995, p. 513 ; J. VAN COMPERNOLLE,
« L’indépendance et l’impartialité du juge », in Confiance dans la justice, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 24,
n°19 ; G. DE LEVAL, « L’exercice par le même juge de fonctions conciliatrices et juridictionnelles dans le
même litige », in Droit du contentieux, CUP, 13 octobre 1995, p. 101.
1912
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 15 mars 2012, n° 11-01194, RTDCiv. 2012, 375, obs. R.
Perrot.
1913
Article 29 du Code de procédure pénale.
694

sans violer son impartialité. A ce sujet, nous pensons qu'il est difficile à un tel juge de rester
impartial. En effet, je juge siégeant en chambre du conseil apprécie si les conditions de
détention préventive sont réunies, notamment les indices sérieux de culpabilité. S'il estime
qu'il existe les indices sérieux de culpabilité dans le chef de l'inculpé, il peut autoriser sa mise
en détention préventive valable pour 15 jours. Au cas contraire, il peut refuser la détention
préventive. En se prononçant sur l'existence des indices sérieux de culpabilité ou pas, un tel
juge aura difficile de sauvegarder son impartialité s'il devrait plus tard juger l'affaire au fond
car il ne pourrait que confirmer son appréciation antérieure.

De manière concrète, un juge manque d'impartialité lorsqu'il estime que les indices
sérieux de culpabilité permettent de conclure que l'inculpé a "probablement commis les faits
dont il était accusé" dès lors qu'une conclusion ne peut être le résultat d'une appréciation
sommaire des donnés disponibles aux fins de statuer sur la détention préventive mais suppose
au contraire un examen plus approfondi des éléments produits en vue d'asseoir la culpabilité
de ce dernier, de sorte que l'écart entre l'appréciation portée sur l'opportunité du maintien en
détention et l'établissement de la culpabilité à l'issue du procès est devenu minime.

En effet, le juge qui statue en chambre du conseil sur le maintien ou non de la


détention préventive a le devoir d'examiner les éléments de la cause afin d'apprécier la
nécessité de confirmer la mesure privative de liberté. Le maintien ou non en détention
préventive emporte nécessairement un préjugement sur la culpabilité dans la mesure où il
suppose que l'intéressé a commis ou non les faits lui reprochés. Le prévenu peut, dès lors,
ressentir un doute quant à l'impartialité et l'objectivité du juge lorsque ce dernier
précédemment apprécie la nécessité de le maintenir sous les liens d'ordonnance d'autorisation
de mise en détention préventive ou ordonnance de confirmation de mise en détention
préventive ou ordonnance de prorogation de mise en détention préventive.

L'exclusion du juge siégeant en chambre du conseil en matière de détention préventive


de la juridiction de jugement au fond se fonde sur le préjugement que celui-ci s'est forgé
durant l'instruction préparatoire. Le juge qui siège en chambre du conseil pour régulariser ou
non la détention préventive, vérifie s'il y a ou non les indices sérieux de culpabilité. Le fait
d'apprécier s'il y a indices sérieux de culpabilité suscite quelques soucis sur son impartialité si
le même juge peut connaître de la même affaire au fond étant donné qu'il s'est déjà forgé une
opinion quant à la culpabilité de l'inculpé détenu.

Le doute quant à l'impartialité est réelle dans la mesure où le juge qui a ordonné le
maintien ou non de l'inculpé sous les liens d'ordonnance d'autorisation de mise en détention
préventive ou ordonnance de confirmation de mise en détention préventive ou ordonnance de
prorogation de mise en détention préventive, a dû se convaincre de son absolue nécessité pour
la sécurité publique et de la persistance des indices sérieux de culpabilité. Il pourrait être tenté
de confirmer sa thèse antérieure lorsqu'il lui sera amené à connaître du fond de l'affaire. Ce
risque de confirmation s'avère donc incompatible avec la liberté de jugement qui doit
caractériser le juge du siège. L'exclusion du juge siégeant en chambre du conseil de la
695

juridiction de jugement devrait être par conséquent la règle afin d'empêcher le préjugement
forgé en solitaire puisse intervenir ou ressurgir lors de la délibération de la juridiction de
jugement. Donc le cas contraire, le juge pourrait donc être récusé.

a.11. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties en première instance et au degré d'appel

Un juge ne peut siéger en première instance puis en appel pour un même procès, peu
importe les modalités procédurales de l'appel. Cette conséquence garantit l'impartialité du
tribunal, mais également l'effectivité même de la voie de recours: comment concevoir qu'un
justiciable dispose d'une garantie de correction d'une éventuelle erreur de procédure
d'appréciation s'il est jugé par le même juge ? La notion de recours repose sur la possibilité
d'un contrôle hiérarchique, qui n'est pas assuré si la décision de justice est réexaminée par les
juges qui l'ont rendue. Il en est ainsi de l’arrêt d’une Cour d’appel auquel a participé un
conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire quand il était juge au premier degré et
que, dans ses conditions, il ne s’est pas déporté1914.

Il va de soi que le juge ayant connu d’une affaire en première instance ne pourra pas
en connaître par après en degré d’appel ou en cassation. Ainsi, un magistrat qui a déjà porté
un jugement dans une affaire ne peut la juger car il risque, la seconde fois, de ne pas pouvoir
se déjuger. Aussi, un même juge ne peut connaître d’une voie de recours contre une décision
qu’il a lui-même rendue, même si c’est la conséquence de changements législatifs1915. On ne
s’intéresse plus à ce qu’a pu penser le juge, l’on suppose qu’une telle situation le conduit
objectivement à être partial dès lors qu’il existe une apparence de partialité qui suffit à
condamner une telle situation. Enfin, le juge qui a participé à une instance civile au premier
degré, ne peut siéger à une instance pénale en appel.

Mais pour que la récusation soit admise, le juge doit avoir "effectivement connu de la
même affaire" en première instance. La participation à une décision de simple remise ne
signifie pas que le juge avait connu de la même affaire. Ainsi, le juge qui a été désigné en
première instance pour effectuer une remise, remplaçant de ce fait un autre juge légitimement
empêché, ne connaît pas de la même affaire s'il fait partie de la composition du siège appelée
à connaître de l'appel de la décision au fond ultérieurement.

a.12. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties sur opposition au même degré de juridiction

L’opposition est un recours de rétractation porté devant la juridiction qui a rendu la


décision attaquée par un justiciable qui a été condamné par défaut (à son absence). Elle

1914
C.S.J., 2 février 1972, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1973, p. 16 ; C.S.J., 18 mai 1995,
RR 03, in Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, p. 42.
1915
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 208, p. 218.
696

permet à une partie qui n’a pas comparu de demander au juge qui a rendu la décision de se
rétracter et c'est pourquoi on l'appelle le recours en rétractation consistant à substituer une
décision une décision contradictoire à la décision rendue par défaut1916.

La question que l'on pourrait se poser est de savoir si un même juge peut statuer sur le
recours en opposition formé contre une décision au prononcé à laquelle il a participé sans
violer le principe d’impartialité. Peut-il dans ces circonstances être récusé ?

S’il faut éviter qu’un juge qui a déjà statué sur une affaire ait à en connaître de
nouveau, c’est essentiellement pour faire en sorte que celui-ci se soit déjà forgé une opinion
sur les points de fait et droit qui lui sont soumis, pour qu’il puisse examiner le litige dont il
est saisi « d’un œil neuf ». En effet, les juges qui statuent sur un recours en opposition, à la
différence des juges d’appel, ne sont pas appelés à se prononcer sur les éléments qui ont déjà
fait l’objet devant eux d’un débat, ce qui serait de nature à remettre en cause leur impartialité.
Ils doivent connaître le cas échéant de la recevabilité de l’opposition qui, par hypothèse,
n’avait encore jamais été discutée de même que les arguments présentés par la partie
défaillante qui, par hypothèse eux aussi, sont nouveaux et n’ont pas été examinés lors des
débats auxquels la décision, objet de l’opposition, a donné lieu. L'opposition est plus une
modalité de rétablissement de la contradiction qu'un véritable recours: dans l'instance qui
commence, les parties conservent la même position procédurale de demandeur ou défendeur,
et le défendeur défaillant a la possibilité d'exposer ses arguments en fait et en droit. Cet
argument montre que ce juge ne serait pas récusé.

Cela s’explique par le fait que là où le juge d’appel a tous les motifs de répugner à
revenir au jugement initial, le juge qui statue sur opposition voit apparaître de nouvelles
données objectives qui justifient éventuellement qu’il rende une décision différente voire
inverse de celle qu’il a déjà rendue sur l’affaire car, la comparution d’une partie qui
jusqu’alors était absente de la procédure et n’avait pas été en mesure de produire ses propres
éléments de défense justifie suffisamment son revirement. Ainsi, la Cour Européenne des
Droits de l’Homme de Strasbourg1917 tout comme la jurisprudence belge1918 et française1919
admet au juge de connaître une seconde fois de l’affaire en matière d’opposition sans porter

1916
O. MICHIELS, L'opposition en matière pénale, Bruxelles, éd. Larcier, 2004, n°1, p.9.
1917
CEDH, 10 juin 1996, Thomann c/ Suisse ; CEDH, 26 août 1997, De Haan c/ Pays-Bas, AJDA, 1997, p.987,
obs. Flauss ; JCP, 1998, I, p.107, n° 26, obs. Sudre.
1918
Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, 102 ; Cassation belge, 3 février 1987, RG 684,
Pasicrisie belge, 1987, I, n° 323 ; Cassation belge, 16 janvier 2002, RG.P.01.1325.F ; Cassation belge, 5
mai 1999, Pasicrisie belge, 1999, I, p.636, Cassation belge, 2 ème chambre, 19 novembre 1998, JLMB,
1999, p.1500 ; Pasicrisie belge, 1998, I, 1145 ; Cassation belge, 2 novembre 1993, Pasicrisie belge, 1993,
I, p.916.
1919
Cassation française (ch. crim.), 25 juillet 1989, Bull. crim. , n° 296 ; D. 1990, 226, comm. J. Pradel ;
Cassation française (2èm ch. Civ.), 5 février 1997, Recueil Dalloz, n° 2, 14 janvier 1999, pp.24-25, note S.
Denoit de Saint Marc ; Bull. II, n° 33 ; RTDCiv., 1997, 513, obs. Perrot ; Cassation française (ch. Crim.),
23 octobre 1996, pourvoi n° 095-85.585 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les
principes de droit fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et TARZIA (sous direction),
L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, p.55.
697

atteinte au principe d’impartialité. En d’autres termes, il n’y a pas « préjugement » dans le


chef dudit juge.

Au regard des éléments que nous venons de développer ; un juge qui a statué sur
opposition après avoir connu de la même affaire par défaut de l’une des parties, son
impartialité n’est pas ébranlée pour des raisons suivantes :
- L’opposition, voie de rétractation, suppose que l’affaire revienne devant la
juridiction qui a rendu la première décision, à l’inverse de l’appel qui, voie de réformation,
conduit à la connaissance du litige par une juridiction supérieure. Il n’y a donc rien d’anormal
à ce que l’opposition soit connue de juges qui ont rendu le jugement, objet du recours, et le
principe d’impartialité reste sauvegardé;
- L’opposition met la décision attaquée à néant, le prévenu se retrouve donc à la
case de du départ. Le fait d’avoir été jugé deux fois par les mêmes juges, le prévenu ne perd
d’ailleurs rien car rien ne lui interdit de faire appel ensuite. On peut même soutenir qu’il n’est
pas vraiment jugé deux fois car la première décision rendue par hypothèse en son absence
apparaît comme une fausse décision, rendue par de juges qui souvent n’auront pas hésité à
frapper très fort, pour inciter le prévenu ou la partie défaillante à faire opposition;
- Le nombre de magistrats ne peut pas permettre à ce qu’il ait de juges « neufs »
pour juger toutes les affaires venues sur opposition d’autant plus que celles-ci sont souvent
nombreuses dans la pratique judiciaire1920.

Toutes ces raisons nous permettent de dire que le juge n’est donc pas partial
quand, sur opposition, il juge une seconde fois la même affaire et surtout qu’après décision
sur opposition, le justiciable bénéficie du droit de faire appel. Autrement dit, dans ces
circonstances, le juge ne peut pas être récusé.

a.13. La connaissance par le juge de la même affaire concernant


les mêmes parties sur tierce opposition au même degré de juridiction

La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire adressée à la même juridiction


qui a rendu le jugement, et qui confère le droit à un tiers non appelé à la cause (qui n'était pas
partie ou n'était pas représenté), de s’opposer à une décision qui préjudicie ses droits, de faire
rétracter celle-ci. En d’autres termes, c’est la voie de recours ouverte aux tiers pour rejuger en
fait et en droit un jugement qui affecte leurs intérêts1921.

1920
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français,
et de l’Afrique francophone, Vol. II., L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.403.
1921
H. BOULARBAH et C. MARQUET, Tierce opposition, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 2, p. 11; S.
GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 551.11, pp.1589-1590 ; E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2 ème éd.
Montchrestien, 2012, n° 493, p.459; L. CADIET et E. JEULAND, Droit judiciaire privé, Paris, 6ème éd.
Litec, 2009, n° 857, p. 580 ; O. STAES, Droit judiciaire privé, Paris, éd. Ellipses, 2006, n° 391, p. 239 ;
G. COUCHEZ, Procédure civile, Paris, 14 ème éd. Sirey, 2006, n° 440, pp. 455 et s.
698

S’agissant de la tierce opposition, elle peut aussi être jugée par les mêmes
magistrats1922 qui ont connu de cette même affaire faisant l’objet de tierce opposition. Sur ce
point, le Conseil d'Etat français a jugé que le principe d'impartialité ne fait pas obstacle à ce
que ce recours soit jugé par le juge (en l'occurrence en référé) qui a rendu la décision attaquée,
car aucune règle générale de procédure ne fait pas obstacle à cette solution fondée sur la
spécificité de recours1923. Les raisons que nous avons développées en matière d’opposition s’y
appliquent mutatis mutandis.

a.14. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties sur requête civile

La requête civile est une voie de recours extraordinaire de révision en matière civile
adressée à la même juridiction qui a rendu la décision attaquée1924 par laquelle une partie
estimant qu’elle a été victime d’une erreur de fait involontairement commise par le juge,
demande que l’affaire soit jugée à nouveau par le même tribunal qui l’avait déjà jugée. Il
s’agit donc d’une voie de rétractation par laquelle on revient devant les mêmes juges qui
avaient déjà statué dans l’affaire pour leur demander de modifier leur décision passée en force
de la chose jugée à la suite de l’erreur qui a été introduite par l’une des parties au procès et qui
a été découverte postérieurement au prononcé de la décision.

S’agissant de son impartialité; étant donné que le juge qui a statué antérieurement dans
l’affaire avait été induit en erreur par l’une des parties au procès, en conséquence, rien ne lui
empêche de statuer de nouveau sur la même affaire sur requête civile. De même, lorsque les
mêmes juges examinent une requête en rectification ou en interprétation d'une décision qu'ils
ont rendue, il n'y a pas violation du principe d'impartialité1925.

a.15. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après révision

La révision constitue un recours exceptionnel adressé à la Cour de cassation contre les


décisions de condamnation passées en force de chose jugée, qui pourraient constituer des
erreurs judiciaires en raison de certaines circonstances limitativement énumérées par la loi1926.
C’est donc une voie de recours extraordinaire, dont l’objet est de faire rétracter un jugement

1922
Cassation française (ch. Crim.), 25 juillet 1989, pourvoi n° 88-87.658, Lexilaser cassation ; Cassation
française (ch. crim.), 23 octobre 1996, Bull. crim. , n° 370 ; D., 1997, IR, p.13 ; Cassation française,
(2ème chambre civile), 20 octobre 2005, n° 04-17468; Cassation belge, 1er avril 1993, Bull. et Pasicrisie
belge, 1993, I, n° 172 et la note 2/7, p. 349 ; Cour d’appel de Mons, 17 mai 1995, JLMB, 1995, p. 1033 ;
Cassation belge, 25 janvier 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, p. 102 ; Cassation belge, 16 janvier 2002,
Pasicrisie belge, 2002, p. 161 ; G. CLOSSET-MARCHAL et alii, « Examen de jurisprudence (1993 à
2005). Droit judiciaire privé. Les voies de recours », in RCJB, 3ème trim. 2006, pp. 666-667.
1923
Conseil d'Etat français, 10 décembre 2004, AJDA 2005, 782, note A. M. Mazetier.
1924
Article 89 du Code de procédure civile.
1925
Cour de cassation française (2ème chambre civile), 3 mars 2011, n° 11-01191, Recueil Dalloz, 2150, obs. J.
M. Sommer et L. Leroy- Gissinger.
1926
Article 67 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation,
JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
699

ou arrêt pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. Ce recours vise à combattre une
décision dont le contenu s’explique par le comportement frauduleux d’une partie ou par
l’usage de documents ou témoignages faux. Il s’exerce dans une situation où le juge a été lui-
même trompé et a pu rendre une décision inéquitable, alors qu’exactement informé des
données du litige, il eût pu statuer dans un sens différent1927.

La question qu'il convient de se poser est de savoir si un même juge peut connaître des
mêmes faits pour les mêmes parties après révision ? Peut-il dans ces conditions être récusé ?
Il convient à cet égard de distinguer deux situations : la connaissance de l’affaire après
révision ainsi que la connaissance de la révision elle-même. En ce qui concerne la
connaissance de l’affaire après révision, comme nous l’avons montré concernant l’opposition
et la tierce opposition ; il est donc normal de revenir devant la juridiction qui a été trompée en
raison de la nature de rétractation. Dans ce cas, même si le juge connaissait de la même
affaire, il ne serait pas récusé car il est de l'essence de revenir devant la juridiction qui a été
trompée pour parfaire le jugement en quelque sorte. Autrement dit, cette juridiction se borne à
parachever simplement un travail dont l'imperfection initiale a pour origine une mauvaise
information.

En ce qui concerne la connaissance de la révision elle-même par le même juge qui a


participé au jugement de la même affaire en première instance ou au degré d’appel, elle
pourrait être traitée de la même manière que l’appel ; en conséquence, le juge pourrait être
récusé partant du fait qu’on ne pourrait pas juger le recours de sa propre décision via
l’instance en révision. Cette position est partagée par la jurisprudence française1928.

a.16. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après cassation

Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui soumet à la Cour de
cassation les décisions rendues en dernier ressort arguée de violation des règles de formes
substantielles ou prescrites de nullité ou de non-conformité à la loi1929. De manière simple,
c'est une voie de recours extraordinaire contre un jugement ou arrêt rendu en dernier ressort et
tendant à le faire annuler en tout ou partie pour violation des traités internationaux dûment
ratifiés ou de la loi ou de la coutume.

1927
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 552.05, p. 1613.
1928
Cassation française, 2ème ch. civ., 3 novembre 1993, Bull. II, 307, p. 171 ; D. 1994, IR.32 ; Cassation
française, 2ème civ., 5 mai 1993, RTDCiv., 1993, 876, obs. J. Normand ; JCP, 1994, II.22.227, note du
Rusquec ; Cassation française, 2ème ch.civ., 12 juillet 2001, Droit et procédures, 2002, p.36, obs. Fricero ;
D. 2001, 2639 ; S. GUINCHARD, « Indépendance et impartialité du juge. Les principes de droit
fondamental », in J. VAN COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de
l’arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd Bruylant, 2006, p. 52.
1929
M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p.1418.
700

Dans ce cas de figure, la question qui peut se poser est celle de savoir si le même juge
peut siéger sur renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il a participé. Peut-il dans ce
cas être récusé ? Nous pensons qu’il est nécessaire de ne pas soumettre une seconde fois au
même juge une cause sur laquelle il s’est déjà prononcé car il y aurait dans son chef un
« préjugement » qui enlèverait son impartialité. En d’autres termes, dans ces conditions, le
juge peut être récusé. Cette position est partagée par la jurisprudence belge1930 et française1931.
D'ailleurs, en RDC, si après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour de cassation
renvoie la cause pour examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à une
juridiction de même rang et de même ordre qu’elle désigne1932. Cela signifie qu'il est interdit
au juge de siéger sur renvoi, après cassation d’une décision à laquelle il avait participé.

De même, les mêmes juges ne peuvent pas siéger dans la même affaire pour la deuxième
fois en matière de pourvoi en cassation. Lorsque cette question s'était posée à la Cour
européenne des droits de l'homme; celle-ci a admis que les requérants pouvaient nourrir des
soupons quant au caractère impartial de la Cour de cassation française, laquelle, saisie du
deuxième pourvoi, était amené une nouvelle fois à vérifier l'appréciation, par la Cour d'appel
de renvoi, des éléments constitutifs de l'infraction, alors que sept des neuf conseillers qui
avaient statué composaient la deuxième formation1933. Autrement dit, la Cour européenne a
conclu que le principe d'impartialité avait été violé.

Une autre question que l'on peut se poser est de savoir si les magistrats composant la
formation plénière de la Cour de cassation (cas de l'arrêt de principe ou revirement de
jurisprudence), peuvent connaître de la même affaire au niveau de la cassation alors que
certains d'entre eux avaient déjà siégé dans une chambre de 3 membres de la même Cour lors
de l'examen premier du pourvoi? La réponse est nuancée. En effet, si l'on conteste
l'impartialité de cette formation c'est en définitive le mécanisme de création de la
jurisprudence qui risque d'être mise en cause puisque le délibéré de l'Assemblée plénière de la
Cour de cassation consiste précisément en un dialogue entre les trois juges de la chambre qui
ont rendu la première décision et les autres collègues de la plénière qui apportent un regard
nouveau sur la question de droit examinée. Or comme dans certains cas, l'Assemblée plénière
consacre la "rébellion" des juges de fond, il serait judicieux d'y regarder à deux fois avant de
détruire un tel mécanisme d'unification dans l'interprétation du droit. Autrement dit,
l'impartialité ne serait pas violée compte tenu du rôle de l'Assemblée plénière de la Cour de

1930
Cassation belge, 19 octobre 1983, Pasicrisie belge, 1984, P.175. Cassation belge, 15 mars 2000, Pasicrisie
belge, 2000, I, p. 582.
1931
Cassation française, 20 octobre 1999, D., 2000, IR, 25 ; Droit pénal, mars 2000, n° 38, obs. A. Maron ;
Cassation française, crim., 30 octobre 1996, Rapport de la Cour de cassation 1996, Paris, éd. La
Documentation française, 1997, p. 129 ; Conseil d’Etat, 27 mars 2000, SARL Maurel et fils, RFDadm.,
2001-6, 1267 ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciaire privé français », in J. VAN
COMPERNOLLE et G. TARZIA (sous direction), L’impartialité du juge et de l’arbitre. Etude de droit
comparé, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 13, p. 71.
1932
Article 37 alinéa 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
1933
CEDH (5ème section), 24 juin 2010, Mancel et Branquart contre France, n° 22349/06, Procédures, août-
septembre 2010, n° 314, pp. 16-17, obs. Fricero; JCP 2010, 210, p. 1589, obs. Sudre.
701

cassation. Mais dans la mesure du possible, il serait sage d'éviter de faire siéger dans la
composition de l'assemblée plénière de la Cour de cassation, les magistrats qui ont participé
au premier pourvoi en cassation.

b) L’intervention antérieure du juge comme témoin

Dans cette situation, seul le juge qui est réellement intervenu en qualité de témoin peut
être récusé, mais en principe, le juge dont l’une des parties prétend qu’il pourrait être témoin
n’est donc pas visé en l’espèce. A cet égard, le stade du témoignage importe peu, l'essentiel
est que le juge ait déposé en tant que témoin dans le cadre d’une enquête ordonnée par un
tribunal ou par une Cour ou dans le cadre d’une information ou d’une instruction, ou encore
volontairement ou à la requête d’une partie1934.

Cette cause de récusation se justifie par le fait que le juge qui dépose en qualité de
témoin dans la cause qu’il est appelé à juger est présumé de manière irréfragable ne pouvoir
en connaître au fond. Il existe en effet une incompatibilité absolue entre les fonctions de juge
et la qualité de témoin à laquelle ne pourrait contrevenir un magistrat sans méconnaître les
règles fondamentales de composition des juridictions. Cette qualité de témoin suppose, à
peine de nullité de la décision à intervenir, l'exclusion de la formation de jugement de celui
qui a une connaissance particulière de l'affaire acquise en dehors des débats.

c) L’intervention antérieure du juge comme interprète ou expert

Ce cas de figure peut constituer une cause de récusation et une incompatibilité


constituant une règle essentielle d’administration de la justice étant donné que le cumul des
fonctions de juge et d'expert dans une même cause constitue tout à la fois une cause de
récusation. Cette exclusion se justifie par le fait que le juge se soit prononcé sur la solution du
litige dès avant l’ouverture des débats. En effet, le justiciable qui comparaît devant un juge
qui a déjà exprimé, avant l'ouverture du procès, son opinion quant au fond dans un rapport
d'expertise peut, dès lors, légitimement redouter qu'il nourrisse une opinion préconçue et que,
de ce fait, qu'il n'examine point sa cause avec toute l'impartialité requise1935.

Concernant l'expert, il doit être impartial car il peut être récusé s'il se trouve dans les
mêmes conditions de récusation que le juge. Ainsi, l'expert peut être récusé lorsqu'il a été,
avant sa désignation comme expert, consulté par les parties et s'est entretenu avec elles du
différend1936. La Cour de cassation belge a ainsi jugé qu’est juge et expert dans la même
cause, le médecin qui a participé à la décision de la commission de défense sociale qui a
ordonné la réintégration d’un malade alors qu’il a préalablement rédigé, à la demande du

1934
X. DE RIEMAECKER, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat, Bruxelles, éd. La
Charte, 2000, p. 325.
1935
CEDH, 29 mars 2001, D.N. c/Suisse, § 54, unanimité.
1936
Cour d'appel de Mons, 8 septembre 2000, R.G.D.C., 2002, p. 409.
702

Procureur du Roi et en vue d’éclairer ladite commission, un rapport relatif à l’évolution de


l’état mental de l’intéressé1937. Autrement dit, dans ces conditions, il peut être récusé.

d) L’intervention antérieure du juge comme agent de l’administration

En principe, un juge ne peut pas siéger dans une affaire qu'il avait traitée
précédemment lorsqu'il était agent d'administration en raison de son manque d'impartialité.
Pour cette raison, il n'est pas admissible de permettre de faire partie de la composition du
siège, un ancien "fonctionnaire" qui a examiné la même affaire en tant qu'agent
d'administration. C'est par exemple le cas d'un ancien conseiller du ministre de la Justice qui a
influencé celui-ci à user de son pouvoir d'injonction à l'égard du Procureur général près la
Cour de cassation concernant l'affaire X; il ne pourrait pas siéger dans cette affaire lorsqu'elle
est pendante devant une juridiction s'il devenait plus tard juge qui devrait juger le fond de
cette affaire. Ainsi, il y a partialité lorsque le juge commissaire d'une procédure collective est
responsable du service contentieux d'une banque créancière de la société débitrice dont le
dirigent se voit infliger la sanction de faillite personnelle par le tribunal1938.

e) L’intervention antérieure du juge comme avocat ou défenseur judiciaire

La partialité peut résulter du fait que le juge a déjà conseillé une partie dans l’affaire
qu’il s’apprête à juger. Cette relation peut créer un parti pris, entraînant la partialité1939. En
effet, la personne qui a assisté ou conseillé l’une des parties à l’occasion d’un litige serait
partiale si elle est ultérieurement amenée à se prononcer sur celui-ci en tant que juge. Cette
partialité serait manifeste puisqu’il a pris parti avant même d’être saisi, et aura
vraisemblablement à cœur de montrer que les conseils qu’il a prodigués étaient pertinents, ou
enfin, à adopté un point de vue relativement au fond de l’affaire.

Cette cause de récusation est valable quels que soient le mode (oral ou écrit) et la
forme (lettre, conclusions, article d’un journal, d’une revue) utilisés, et la qualité dans laquelle
le juge est intervenu. Il n’est pas nécessaire que le juge ait déjà eu la qualité de juge au
moment où il a donné conseil, plaidé sur l’affaire. Le juge devra s’abstenir s’il a donné un
avis en la matière en tant qu’avocat ou défenseur judiciaire, qu’il ait été à l’époque conseil de
l’une des parties.

Ainsi, l'avocat qui, à quelque titre que ce soit, a représenté une partie en cause devant
une juridiction pénale ou civile, ne peut ensuite, comme juge assumé, siéger à cette juridiction
ni prendre part à l'instruction et au jugement de l'affaire. La Cour Européenne des Droits de
l’homme a estimé qu’il y a partialité dans le fait que l’avocat de la partie adverse a siégé

1937
Cassation belge, 14 février 1977, Pasicrisie belge, 1977, I, p. 634 ; JT., 1977, P. 745, note E. Brewaeys.
1938
Colmar, 5 décembre 2000, Revue trimestrielle de droit commercial, 2001, 247, obs. Vallens.
1939
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 318-321.
703

comme juge dans des procédures concomitantes auxquelles le requérant est partie1940. De
même, lorsque le juge a participé antérieurement dans la procédure principale en qualité
d’avocat des demandeurs, puis en qualité de magistrat au stade de l’examen de recours
constitutionnel formé par le requérant ; cette dualité de fonctions exercées dans une même
procédure, à laquelle s’ajoute le fait que la fille du juge mise en cause avait elle aussi
représenté les adversaires de l’intéressé, peut créer une situation propre à susciter des doutes
légitimes quant à l’impartialité de ce magistrat1941. Aussi, les liens qui existent entre un juge et
ses collègues d'une même juridiction peuvent, dans un litige relatif aux honoraires datant
d'une période où ce juge était encore avocat, susciter auprès des tiers une suspicion légitime
quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer1942. Enfin, la Cour de cassation
française a souligné que le conseiller prud’hommes (le juge assesseur du tribunal de travail)
qui a assisté l’une des parties dans la préparation de son dossier ne peut siéger dans la
formation qui statue sur le litige1943.

C’est surtout au sujet de la signification exacte des termes « conseil » que naissent la
plupart des contestations. La cause de récusation doit sans aucun doute être appliquée lorsque
le juge a effectivement assuré la défense d’une partie ou donné une consultation. Tel est le cas
de l'avocat qui, ayant représenté le prévenu, remplit les fonctions de juge assumé dans la
même cause. C’est le cas aussi lorsque le juge contribue à élaborer la demande ou la défense
d’une partie, prête sa collaboration à la rédaction ou la correction de conclusions, assiste à une
consultation ayant lieu chez un avocat et donne son opinion à cette occasion, ou encore quand
il tente de persuader la partie adverse qu’elle a tort. Il importe peu à cet égard que le juge ait
procédé de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, ou qu’il ait donné son opinion
plus par hasard que consciemment1944.

Mais lorsque le juge donne dans certains cas non des conseils, mais des indications, la
récusation ne sera pas admise. Tel est le cas de conseiller de consulter un avocat, d’orienter
l’attention d’une personne sur les conséquences défavorables éventuelles d’une procédure, de
l’inciter à trouver un règlement amiable ou de déconseiller une procédure. C’est pourquoi, la
Cour de cassation belge a estimé que ne peut constituer une cause de récusation, le fait que
lors d’une tentative de conciliation en matière divorce, le juge ait donné à l’une des parties,
non un « conseil », mais une information concernant ses droits1945.

1940
CEDH, 21 décembre 2000, Wettstein contre Suisse ; CEDH, 1er juin 2004, Puolitaival et Pirttiaho c/ Finlande,
n° 54837/00, Décision de recevabilité.
1941
CEDH, 15 juillet 2005, Meźnarić c/ Croatie, n° 71615/01, in Note d’information n° 77 sur la jurisprudence
de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, juillet-août 2005, pp. 21-22 ; dans le même sens C.A. Poitiers,
13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 2, 465, abs. A.D.
1942
Cour de cassation belge, 14 janvier 2010, in Revue générale de droit civil belge, octobre 2011, p.398.
1943
Cassation française (chambre sociale), 18 juillet 2001, n° 99-45.583 et 2 juillet 2002, n° 00-41.324, voyez
T.P. GRIDEL, « L’impartialité du juge dans la jurisprudence civile de la Cour de cassation », in Mélanges
en l’honneur de Jean Buffet. La procédure en tous ses états, Paris, éd. Montchrestien, 2004, p. 246.
1944
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 323.
1945
Cassation belge, 24 juin 1993, Pasicrisie belge, I, p. 615 ; JJP, 1993, p. 307.
704

Du point de vue purement formel, ces exemples cités ne peuvent pas être considérés
comme causes de récusation. Il n’est toutefois pas exclu qu’ils compromettent dans certaines
circonstances l’impartialité du juge. Nous estimons que les juges devraient s’abstenir
d’intervenir de la sorte, même si une telle abstention s’avère délicate pour le juge consulté par
des membres de sa famille et par ses amis, qui n’apprécieront vraisemblablement pas le refus
de donner ne fut-ce que des indications.

Bref, nous pensons qu’un juge qui a été précédemment (même dans une autre affaire)
conseil de l’une des parties, aura difficile à transcender les relations avocat (défenseur
judiciaire)-client ou conseil-partie qui s’étaient tissées et peut être approfondies à une période
donnée. L’ancien conseil qui avait déjà l’idée de la personnalité de son client (appréciation
positive ou négative) ne pourrait être que partiale partant de leurs relations qui avaient
existé1946.

8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier


de police judiciaire ou d’officier du ministère public

a) Le cumul de la qualité d'officier de police judiciaire ou


d'officier du ministère public et le jugement au fond

Il convient de distinguer l'intervention antérieure du juge en qualité d'officier de police


judiciaire et celle d'officier du ministère public.

Concernant l'intervention antérieure du juge en qualité d'officier de police judiciaire;


il est à noter que la personne qui, dans l'affaire, a exercé les fonctions d’officier de police
judiciaire ou a participé à une enquête préliminaire, ne peut être juge. Il est en effet difficile
de participer au jugement d'une affaire alors qu'auparavant l'on a participé dans la même
affaire en tant qu'enquêteur, officier de police judiciaire, agent de police judiciaire dès lors
qu'on ne pourrait plus sauvegarder l'impartialité.

Concernant l'intervention antérieure du juge en qualité d’officier du ministère public;


elle nécessite que l’on pose des actes d’instruction préparatoire en matière pénale. En effet, il
est évident qu’un magistrat qui a engagé les poursuites pénales contre un plaideur n’offre
aucune garantie d’impartialité lorsqu’il se retrouve être un des membres du siège appelé à
statuer sur le bien fondé de l’accusation. En d’autres termes, le juge qui est intervenu
antérieurement en qualité d'officier du ministère public a déjà montré sa conviction de
culpabilité de la personne qu’il va juger. Autrement dit, il existe dans le chef dudit juge « un
préjugement » qu’il cherchera à confirmer lorsqu’il jugera l’affaire.

Le principe d’impartialité du juge recommande que celui-ci n’ait exercé


antérieurement les fonctions d’instruction préparatoire ; en clair, un juge ne peut dans une

1946
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II. L’impartialité du juge, Thèse de doctorat, Faculté de Droit, U.C.L.,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 320.
705

même affaire exercer successivement les fonctions d’instruction préparatoire et de jugement.


Ce qui enlève l’aptitude de juger de manière impartiale c’est essentiellement que le juge
concerné soit intervenu précédemment à une autre occasion dans la même cause et que, par
ses décisions, il a déjà pris position sur tel ou tel aspect du problème, qui pourrait influencer
sa décision sur le fond.

La partialité du juge devient encore plus manifeste lorsque celui-ci est intervenu
antérieurement comme officier du ministère public. Cette qualité fait d’elle la partie
poursuivante en matière pénale, ce qui l’empêche de participer au jugement étant donné qu’il
ne peut pas être juge et partie. C’est cela qui constitue sa partialité1947. C’est pourquoi, nous
pensons que le ministère public ne pourrait pas présenter les garanties d’impartialité lorsqu’il
intervient ultérieurement comme juge car il lui serait difficile de tenir la balance égale entre
l’accusation et la défense, ou de ne pas être influencé, fut-ce inconsciemment, par l’opinion
nourrie à l’endroit de l’inculpé.

Cette incompatibilité de fonction se justifie par le fait que l’exercice de l’action


publique est l’acte de poursuite et d'instruction préparatoire par excellence qui emporte une
prise de position officielle quant à la culpabilité de la personne poursuivie. Au contraire, la
qualité du juge du siège l’enjoint à la plus stricte impartialité. Au ministère public la
responsabilité de l’action publique et la canalisation de la vindicte publique, au juge de juger,
moyennant une stricte neutralité et impartialité. L’officier du ministère public intervient
comme partie à la cause, s’engage, prend position et le fait savoir alors que le juge du siège ne
peut jamais se départir de son impartialité.

Cette possibilité de récusation se justifie par la circonstance que l’officier du ministère


public pourrait être tenté de confirmer la première opinion qu’il s’est forgée en la cause et, par
là même, la thèse de l’organe de poursuite et d’instruction préparatoire alors qu’il ne peut, en
qualité de juge de siège aborder l’examen de la cause animé de parti pris qui caractérise
l’officier du ministère public. Pour toutes ces raisons, nous pensons que le juge ne devait pas
être intervenu antérieurement dans l’affaire en qualité d’officier du ministère public.

L'ancien article 71, alinéa 1, 9° de l'ordonnance-loi n°82/020 du 31 mars 1982 portant


Code d'organisation et compétence judiciaires1948 prévoyait que le juge de paix ne pouvait pas
être récusé comme juge lorsqu'il avait déjà connu auparavant de la même affaire comme
ministère public ou officier de police judicaire. En effet, le juge de paix congolais cumulait les
fonctions de juge et celles du ministère public1949. Cela est à dire qu’il posait tous les actes
d’instruction préparatoire (audition des auteurs présumés de l’infraction, convocation, mandat
de comparution, mandat d’amener, mandat d’arrêt provisoire, requête aux fins de fixation

1947
T. KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 338 ; CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, série A, n°
53, §309 ; CEDH, 25 février 1997, Findlay c/ Royaume-Uni.
1948
JORZ, 1er avril 1982, p. 39.
1949
Articles 17 et 71 du Code congolais de l’organisation et compétence judiciaire ; article 180 de l’arrêté
d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des Cours, tribunaux et
Parquets.
706

d’audience) et de juge (ordonnances d’autorisation et de confirmation de mise en détention


préventive, siège à l’audience et rend le jugement) et exécutait lui-même le jugement qu’il a
rendu. On voyait mal comment un tel juge pourrait présenter les garanties d’impartialité dès
lors qu’il cumulait les différentes fonctions judiciaires qui montrent qu’il avait déjà une
conviction de culpabilité préalable à l’égard du justiciable, autrement dit le « préjugement ».

C’est pour cette raison que l'article 49 de nouvelle loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire a supprimé cette hypothèse dans le but de se conformer au respect du principe
d'impartialité 1950. Désormais, le juge de paix est devenu un simple juge, il n'a plus qualité du
ministère public d'autant plus que l'article 65 alinéa 2 de cette nouvelle loi organique prévoit
le ministère public affecté spécialement à chaque tribunal de paix.

Il convient de préciser que la partialité ne peut être retenue que si le juge était
intervenu personnellement dans l'affaire en tant qu'officier du ministère public. En effet, si le
principe d'indivisibilité du ministère public permet à chacun de ses membres d'agir au nom de
tous, il ne saurait interdire au magistrat lui ayant appartenu de se prononcer comme juge sur
une procédure dont il n'a jamais eu à connaître dans ses fonctions antérieures. En outre,
l'interdiction pour un juge d'intervenir au parquet puis au siège ne vaut qu'au sein d'un même
litige (affaire); par conséquent un juge peut effectuer des actes de poursuites dans la première
affaire puis participer au jugement d'une seconde affaire mettant en cause les mêmes
personnes, dès lors que les procédures successivement ouvertes portent sur des faits distincts.

b) Le cumul de la qualité d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public et la


participation au jugement de détention préventive en chambre du conseil en tant que juge

L'impartialité d'un juge apparaît sujette à caution lorsque, après avoir traité un dossier
comme officier de police judiciaire ou officier du ministère public dans le cadre de ses
attributions, il se trouve saisi de la cause en qualité de juge siégeant en chambre du conseil
pour régulariser ou non la détention préventive. Or, le magistrat qui siège en chambre du
conseil exerce une fonction juridictionnelle et qui, à ce titre, doit présenter toutes garanties
d'impartialité. Il s'en déduit que le juge siégeant en chambre du conseil pour régulariser ou
non la détention préventive ne présente pas toutes les garanties d'impartialité lorsqu'il a
précédemment connu de la cause à l'occasion de l'exercice de l'enquête préliminaire (comme
officier de police judiciaire) ou l'instruction préparatoire (comme officier du ministère public).

Nous pensons que dans ce cas, une incompatibilité des fonctions d'officier du
ministère public et du juge siégeant en chambre du conseil est justifiée. A l'officier du
ministère public l'exercice de l'action publique selon les modalités déterminées par la loi et au
juge siégeant en chambre du conseil, la connaissance du maintien ou non de la détention
préventive. Le juge siégeant en chambre du conseil ne pourrait connaître des réquisitions du
ministère public dont il serait également le représentant. Cette incompatibilité entre les

1950
Il s'agit de la proposition de professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de ce projet de loi
organique en août 2006 à la Commission permanente de Réforme du Droit Congolais.
707

fonctions juridictionnelles (juge siégeant en chambre du conseil) et de poursuite ainsi que de


l'instruction préparatoire (officier du ministère public) résulte de leur nature même qui
s'oppose à ce que, dans une même affaire, un magistrat soit partie poursuivante et juge.

L'incompatibilité des fonctions d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère


public et de juge de la chambre du conseil s'explique par le parti que le prend l'officier de
police judiciaire ou l'officier du ministère public à l'occasion des actes d'enquête préliminaire
(OPJ) ou de poursuite et d'instruction préparatoire (OMP) qu'il pose. En effet, le magistrat qui
participe à l'exercice de l'action publique (OMP) se forge inévitablement une opinion quant à
la culpabilité du prévenu. Il intervient en qualité de partie principale à la cause. Les décisions
et le choix qu'il est amené à prendre à l'occasion de l'exercice de cette action emportent une
prise de position incompatible avec toute participation en tant que juge siégeant en chambre
du conseil pour régulariser ou non la détention préventive.

La séparation nette de ce deux fonctions est la meilleure manière de parer au danger de


partialité. Elle empêche que le parti pris par l'officier de police judiciaire ou l'officier du
ministère public puisse intervenir ou resurgir lors de la délibération de la chambre du conseil.
L'exclusion du siège, qui en est la conséquence inévitable, conjure le risque que le juge
n'aligne, consciemment ou non, son jugement sur la première opinion arrêtée en qualité
d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public, alors qu'il ne peut, en qualité
de juge de la chambre du conseil, en aborder l'examen animé d'une opinion antérieure. Le
parquet devant, en règle, être entendu en ses réquisitions dès qu'une chambre du conseil est
amenée à prendre une décision, il est exclu que le magistrat précédemment intervenu en la
cause en qualité d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public puisse encore
en connaître au siège de la chambre du conseil pour régulariser ou non la détention
préventive.

Toutes les raisons que nous avons développées concernant l'interdiction du cumul de la
qualité d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public et la participation au
jugement au fond de la cause en tant que juge s'applique mutatis mutandis à l'hypothèse
relative au cumul de la qualité d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public
et la participation au jugement de détention préventive en chambre du conseil en tant que
juge.

9. Propositions pour une réforme concernant les causes de récusation

L’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire énumère limitativement
huit causes de récusation qui sont très restrictives. Or, la loi n’a pas prévu toutes les
hypothèses possibles qui peuvent constituer la partialité du juge. En conséquence, il est
souvent difficile que la requête de récusation ne remplissant pas les conditions restrictives
fixées par la loi puisse aboutir alors qu’il existerait dans le chef du juge mis en cause les
conditions évidentes de partialité. Cette limitation de causes de récusation prévues par la loi
ne permet pas au justiciable d’être rassuré qu’il serait jugé par un juge impartial.
708

Pour y pallier, il conviendrait d’introduire une autre cause de récusation qui


regrouperait différentes hypothèses de récusation non énumérées à l’article 49 de la loi
organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire. Nous pensons que l’on devrait prévoir comme cause de
récusation « lorsqu’il existe dans le chef du juge l’ensemble des circonstances qui montrent
qu’il ne présente pas les garanties d’impartialité ». Cela donnerait plusieurs possibilités aux
justiciables de montrer une éventuelle partialité du juge d’autant plus que la loi ne peut pas
prévoir toutes les hypothèses possibles du défaut d’impartialité. Il appartiendra ainsi à la
jurisprudence de la Cour de cassation, éventuellement d'autres juridictions, de fixer son
contenu.

II. Conditions de forme

L’article 50 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
le demandeur de récusation devra le faire sous peine d’irrecevabilité dès qu’il a connaissance
de la cause et au plus tard avant la clôture des débats par une déclaration motivée et actée au
greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait partie. Le mot dès qu'il a connaissance
de la cause de récusation utilisé dans la loi signifie le moment où le demandeur de récusation
qui n'est autre que l'une des parties de la cause en instance, connaît et est convaincu que le
juge qui va connaître ou connaît sa cause se trouve dans l'une des hypothèses prévues par
l'article 49 de la loi organique susvisée.

De même, nous pensons que le juge récusable devrait être celui qui va connaître ou
connaît de l'affaire au fond car on voit mal comment on pourrait récuser le juge qui a siégé
uniquement à l'audience de renvoi d'autant plus que ledit juge ne pourrait pas faire partie de la
composition de la chambre qui va instruire et juger la cause. Enfin, par l’expression « au plus
tard avant la clôture des débats », il faut entendre avant la clôture des débats sur le fond du
litige mais non avant la clôture des débats sur un incident1951. Cela signifie que lorsque le juge
a pris la cause en délibéré, sa récusation aux termes de la l'article 50 de la loi organique
susvisée devient irrecevable.

La rigueur de ces conditions de forme prévues à l'article 50 alinéa 1 de la loi organique


n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire s’explique par le souci de responsabilité de la partie récusante
et la sécurité des droits de magistrats éventuellement lésés.

§ 6. Procédure de récusation

Elle est prévue par les articles 50 à 54 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire.
Nous aborderons la juridiction compétente (I), les personnes autorisées à récuser (II), les

1951
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp. 35-36.
709

modalités d’introduction de la demande de récusation (III), les éléments essentiels de la


demande de récusation (IV), le moment de la récusation (V), le déroulement de l'audience et
jugement de la récusation (VI), les voies de recours (VII), les sanctions applicables (VIII)
ainsi que les effets du jugement de récusation (IV).

I. Juridiction compétente

En République démocratique du Congo, c'est la juridiction à laquelle fait partie le juge


mis en cause qui est compétente et statue toutes affaires cessantes, la partie récusante
entendue mais le juge concerné ne peut faire partie du siège1952. En Belgique1953, c'est la
juridiction directement supérieure qui est compétente, et en France, c'est en principe la Cour
d'appel1954.

Nous pensons que le fait de permettre à la juridiction à laquelle appartient le juge récusé
de connaître la procédure de récusation ne facilite pas l'impartialité de cette juridiction. En
effet, ce juge récusé fréquente ses collègues de juridiction chaque jour, il partage avec
certains peut-être le même bureau, il échange comme il en est dans la pratique, les différents
points de vue sur certains dossiers judiciaire; dans ces conditions, la juridiction à laquelle
appartient le juge récusé, ne présenterait pas les garanties d’impartialité.

Cela devient encore plus manifeste lorsqu'une juridiction doit se prononcer sur la
récusation de son chef de corps ou le chef du ressort. Tel est le cas de la Cour d’appel de
Bukavu qui a rejeté une demande de récusation à l'encontre de son premier président1955.
Cette Cour d’appel ne se prononcerait pas en toute impartialité dans l'affaire en raison de
l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de la Cour d’appel. D'ailleurs en
Belgique1956comme en France1957, cela constitue un motif de suspicion légitime. C'est
pourquoi, nous pensons qu'à tout le moins la récusation devrait être de la compétence de la
juridiction directement supérieure lorsque la RDC aura un nombre suffisant des magistrats
comme 10.000 magistrats car le chiffre actuel de 3.500 magistrats pour une population de 70
millions d'habitants ne pourrait pas faciliter que le demandeur de récusation parcoure
plusieurs kilomètres pour saisir la juridiction directement supérieure à laquelle appartient le
juge récusé.

1952
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1953
G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier,
2015, n° 6.13, p. 576.
1954
S. GUINCHARD (sous direction) et alii, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 553.115, p. 1159.
1955
Cour d'appel de Bukavu, 5 novembre 1985, en cause Mme Shamamba N. c/premier président Munona N.,
R.R.011, inédit.
1956
Cour de cassation belge (lère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Pas., 2001, p. 1587 ; Cass. belge (2e ch.), 4
octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
1957
Cour de cassation française (2 ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6; Cour de cassation
française (ch. civ.), 13 janvier 1982, NP, Gazette du Palais, 1982.2.553.
710

II. Personnes autorisées à récuser

Les termes de l'article 50 alinéa 1 de la loi organique susvisée prévoient "celui qui veut
récuser". Ce mot signifie la partie à la cause; autrement dit, la faculté de récusation
n'appartient qu'aux parties. Etant donné que c'est un acte grave, la récusation doit être
demandée soit par la partie elle-même, soit par son avocat muni d'une procuration spéciale,
même s'il est mandataire ad litem. Il nous paraît logique que seules les parties concernées
dans la cause soient autorisées à demander la récusation, sinon la demande peut être
irrecevable pour défaut d'intérêt et est dénuée de tout effet suspensif. En conséquence, la
requête déposée par un tiers étranger à la cause ne constitue pas une demande de récusation au
sens de la loi. La partie implique également son avocat muni d'une procuration spéciale. Cela
signifie qu'un avocat craignant l'animosité d'un juge à son endroit ne saurait former en son
propre nom une demande de récusation s'il n'est porteur d'une procuration spéciale de la partie
de la cause même s'il est mandataire ad litem. C'est pourquoi, la Cour suprême de justice a
souligné que la récusation sera irrecevable lorsque le mandataire qui a formé la récusation ne
justifie pas d’une procuration spéciale pour agir en lieu et place du récusant1958.

III. Modalités d'introduction de la demande de récusation

L'article 50 alinéa 1 de la loi organique susvisée prévoit que la récusation est faite par
une déclaration motivée et actée au greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait
partie. Cela signifie qu'en principe la déclaration de récusation se fait au greffe de la
juridiction saisie d'une cause originaire. Un message électronique (courriel, mail) adressé à
l'adresse électronique du ministère de la Justice, du Conseil supérieur de la magistrature, ou
du greffe de la juridiction saisie, pour demander la récusation d'un juge, ne répond pas aux
conditions requises pour constituer la récusation, en sorte qu'il ne produit aucun effet et
qu'aucune suite judiciaire ne doit lui être réservée.

Dans la pratique, il arrive souvent que les causes de récusation surgissent à l'audience
avec la pression de devoir en faire sur le banc, dans ces conditions, le demandeur ou son
avocat peut demander la suspension de l'audience afin de faire sa déclaration motivée et la
faire acter au greffe de la juridiction dont le juge mis en cause fait partie et ensuite, le greffier
de la composition devrait transmettre la déclaration de récusation au président de juridiction
afin qu'il désigne la composition du siège devant statuer sur la récusation. C'est d'ailleurs la
position de la Cour suprême de justice qui a dit avec raison que doit être écartée des débats,
une lettre de récusation déposée à l’audience par le récusant en violation de termes de la loi ;
par contre, est admise une requête en récusation déposée au greffe et communiquée au
magistrat mis en cause qui a pu faire la déclaration écrite exigée la loi1959.

1958
Cour suprême de justice, 17 février 1994, Sh. contre G., RRA 10/001, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
1959
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR1, Revue juridique du Zaïre, Janvier à décembre 1995, n° 1-3,
pp. 35-36.
711

Nous pensons qu'il serait excessif de rejeter la demande de récusation introduite à


l'audience de la juridiction. En effet, le principe d'impartialité du juge (avec l'indépendance du
juge) est l'un des principes le plus importants du procès équitable, il ne serait pas sage de le
sacrifier au nom du juridisme exagéré et surtout injustifié. C'est pourquoi, il serait judicieux
de recevoir la demande de récusation déposée à l'audience. Dans ce cas, le greffier audiencier
devrait acter sur le procès-verbal d'audience la déclaration de récusation et qui devrait être
suivie d'un renvoi pour régularisation au greffe après l'audience. Cette solution est plus
pragmatique. Ainsi, lorsqu'une partie désapprouve le comportement du juge à l'audience ou
estime qu'un incident mérite d'être mentionné au procès verbal d'audience, il lui appartient
d'inviter le greffier à en prendre acte. Faute d'avoir formulé cette demande et ne disposant
d'aucun commencement de preuve de récusation qu'elle invoque, elle ne peut établir par
témoins la demande de récusation. Une lettre adressée par le justiciable au juge, manifestant
son intention de le récuser, ne peut pas déclencher le processus de récusation.

Après cette étape, le président de juridiction devra désigner la composition du siège qui
pourra statuer sur la récusation. La juridiction à laquelle appartient le juge mis en cause statue
sur la récusation toutes affaires cessantes et dans la forme ordinaire, la partie récusante
entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du siège appelé à statuer sur la
récusation1960.

IV. Eléments essentiels de la demande de récusation

Contrairement à la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime qui vise une
juridiction dans son ensemble, la demande de récusation ne tend à écarter que l'un des juges
ou certains juges nommément désignés; dans tous les cas, pas tous les juges composant une
juridiction. La récusation ne peut être demandée que contre une ou plusieurs personnes
déterminées et non contre un corps de magistrats en général. La requête doit désigner
nommément le ou les juges récusés et contenir l'exposé des moyens concrets invoqués, avec
toutes les justifications utiles à l'appui de la demande. Elle doit spécifier d'une manière précise
les faits et circonstances desquels résulterait la cause de récusation, afin de permettre au juge
de s'assurer que le cas de récusation invoqué est bien prévu par la loi. Elle doit aussi indiquer
avec précision les motifs de récusation (et non pas être vague dans la demande), en outre, elle
doit être accompagnée des pièces propres à la justifier. En conséquence, est irrecevable, la
demande en récusation qui est dépourvue de la clarté et de la précision requises pour
déterminer la portée et l'étendue des griefs invoqués ou la requête qui a seulement une
certaine apparence de récusation et ne permet pas de déceler l'intention ni la procédure
réellement visée par le requérant.

Le juge saisi de la récusation ne peut statuer que sur la base des moyens contenus dans
l'acte de récusation et soumis à la contradiction du juge récusé. Des moyens complémentaires
de récusation invoqués dans des conclusions déposées à l'audience ou en vue de celle-ci sont

1960
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
712

irrecevables. Il en va de même d'éventuels moyens complémentaires présentés oralement à


l'audience.

Si la récusation concerne plusieurs juges de la même juridiction, la demande de récusation


peut être introduite par le même acte mais elle doit démontrer en quoi chaque juge est
concerné par les causes de récusation. Dans l'hypothèse où une autre cause de récusation s'est
révélée postérieurement à une requête en récusation visant un ou plusieurs juges, le
demandeur peut introduire une autre requête de récusation. La récusation ne se présume pas,
le récusant doit démontrer en quoi le juge est suspecté de partialité en s'appuyant à l'une ou
l'autre des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique susvisée. Bref, il doit apporter
la preuve de ce qu'il allègue par tout moyen de droit (témoin, pièces, etc.). La sanction de non
respect de ces exigences est l'irrecevabilité.

En effet, la récusation d'un juge est un acte grave qui ne peut être entrepris que si sa
légitimité en apparaît clairement et notoirement. Tel n'est pas le cas des déclarations d'un
plaideur qui procèdent plutôt de l'imprudence, de légèreté et de l'imprécision1961 ou lorsque le
récusant exprime d'une manière confuse et incompréhensible des accusations incohérentes. Il
en est de même du demandeur qui ne présente pas devant le tribunal un quelconque avis
donné dans l'affaire par le juge récusé1962 ou lorsqu'il a fondé son motif de récusation que le
juge avait déjà donné son avis dans l'affaire, et pourtant il n'a montré aucun élément probant.

De même, lorsque la récusation de plusieurs juges est demandée, ceux-ci doivent être
mis en cause individuellement, c'est-à-dire le requérant doit montrer quels sont les motifs de
récusation pour chaque juge. En conséquence, la requête sera irrecevable lorsque le requérant
n'est pas en mesure d'identifier clairement le juge qu'il souhaite récuser ou parce que celui-ci
n'est pas ou n'est plus chargé de l'examen de la cause ou a déposé une requête de suspicion
légitime concernant un juge au lieu de récusation ou lorsqu'il a demandé la récusation de toute
la juridiction dans son ensemble au lieu de la suspicion légitime ou lorsque la récusation ne
poursuit d'autre but que de paralyser le cours de la justice et de nuire aux intérêts des parties
adverses. Dans le même ordre d'idées, pour être récusable, le juge doit être saisi de la cause; il
s'ensuit que la demande de récusation dirigée contre un juge qui n'était pas encore saisi de la
cause, sera irrecevable. Il en va de même d'un magistrat admis à la retraite, ainsi que contre
des magistrats qui ne faisaient pas partie du siège de la cause.

Il est généralement admis que la récusation présente un caractère facultatif pour la partie
qui a le droit de la proposer. Il en résulte notamment que la juridiction n'est pas tenue de
relever d'office une cause de récusation dont elle aurait connaissance; autrement dit, par son

1961
Cour d'appel de Bukavu, 29 octobre 1985 (3 arrêts), R.R.011, Mme Shamamba N. c/Premier président
Munona N.; R.R.012, Mme Shamamba N. c/Conseiller Makonga N.; R.013, Mme Shamamba N. c/Conseiller
Kadiebwe N., inédits; Tribunal de grande instance de Bukavu, 3 octobre 1997, Mutimamba N. c/Juge Mukendi
M., R.R.004; Cour d'appel de Dakar, 11 mars 1983, Revue Éditions juridiques africaines, novembre 1987, p.
23, note Doudou Ndoye.
1962
Tribunal de grande de Bukavu, 5 août 1994, B c/Juges Kavundja, Makwani et Mukendi, Revue juridique du
Zaïre, n° 1-2 et 3, janvier à décembre 1995, p. 64.
713

silence, ou son inaction, le plaideur peut renoncer au droit d'écarter au siège un juge se
trouvant dans une des situations de la récusation . Il en va cependant différemment lorsque
cette cause de récusation constitue également un cas d'incompatibilité, la juridiction étant
alors tenue de relever l'irrégularité de sa composition (exemple: lorsque dans la composition
du siège, le représentant du ministère public et un juge sont mariés) .

V. Moment de la demande de récusation

La partie qui souhaite procéder à une récusation ne peut le faire qu'à l'occasion d'un procès
et pour ce procès, non de façon générale et préventive. Elle doit agir sous peine
d'irrecevabilité dès qu'elle a connaissance de la cause de récusation et au plus tard avant la
clôture des débats1963. Cela signifie que la récusation devrait être proposée aussitôt que la
cause qui la fonde est connue de la partie qui s'en prévaut et, en tout cas, avant la clôture des
débats. Par l’expression « avant la clôture des débats », il faut entendre avant la clôture des
débats sur le fond du litige mais non avant la clôture des débats sur un incident1964. Une
demande de récusation introduite après la clôture des débats (après la prise en délibéré de la
cause) serait irrecevable. Il se déduit du caractère facultatif de la récusation que la partie qui
s'est abstenue de demander la récusation d'un juge avant la clôture des débats a renoncé sans
équivoque à s'en prévaloir. Cette solution permet sans conteste de lutter contre les manœuvres
dilatoires.

Aussi, la récusation ne peut plus être proposée une fois que les juges qui ont connu de la
cause en sont dessaisis pour avoir rendu leur décision. De même, toutes les causes de
récusation existant à un certain moment et connues à ce moment par le demandeur en
récusation, doivent être présentées simultanément; une seconde demande en récusation est
irrecevable lorsqu'elle est fondée sur des faits déjà connus lors de la première récusation.
Enfin, la récusation ne peut plus être proposée une fois que les juges qui ont connu de la cause
en sont dessaisis pour avoir rendu leur décision.

VI. Délai de citation d'audience de la récusation

L'article 51 alinéa 1 er de la loi organique susvisée prévoit que la juridiction à laquelle


appartient le juge mis en cause statue sur la récusation toutes affaires cessantes et dans la
forme ordinaire, la partie récusante entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du
siège appelé à statuer sur la récusation. Comme la loi parle de la forme ordinaire, nous
pensons qu'il s'agit du délai de huit jours francs pour inviter les parties à se présenter afin de
faire valoir leurs observations s'il échet. Mais les parties ne sont pas obligées de se présenter.

1963
Article 50 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1964
Cour suprême de justice, 3 juillet 1981, Maurice contre MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, pp. 35-36.
714

VII. Déroulement de l'audience et jugement de la récusation

1. Déroulement de l'audience

L'article 50 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire dit qu'après avoir
réceptionné la demande de récusation au greffe, le greffier de la juridiction notifie la
déclaration de récusation au président de la juridiction ainsi qu’au juge mis en cause. La loi ne
prévoit pas le délai dans lequel le greffier devrait notifier le juge. En toute logique, c'est
aussitôt qu'il reçoit la demande de récusation d'autant plus que c'est une matière qui requiert
célérité car si le greffier n'est pas diligent, il est passible de sanction disciplinaire.

Le juge fait une déclaration écrite ou verbale (portant ou son acquiescement à la récusation,
ou son refus se s'abstenir), actée par le greffier dans les deux jours de la notification de l’acte
de récusation1965. Le délai de deux jours se calcule le lendemain de la remise de l'acte de
récusation par le greffier. Nous pensons que le délai de deux jours est indicatif et sa violation
ne peut entrainer de sanction. La communication de la requête en récusation au juge par le
greffier suspend la procédure originaire (sur le fond) en cours. Aussitôt informé, le juge
récusé doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait statué sur sa récusation car il ne peut pas stature lui-
même sur sa récusation. L'effet suspensif attaché à la récusation formée contre un juge d'une
juridiction prend fin à compter du jour de la signification aux parties du jugement qui la
rejette.

Le juge doit faire connaître son choix: soit il acquiesce à la demande de récusation, soit il
s'y oppose. Au cas où le juge acquiesce ou s'oppose à la récusation; dans les deux cas, le juge
doit faire une déclaration écrite ou verbale de façon expresse, actée par le greffier dans les
deux jours. Comme on le voit, cette déclaration n'est soumise à aucune condition de forme,
l'essentiel est qu'elle soit écrite ou verbale. Toutefois, le juge ne peut formuler sa déclaration
sous forme d'une décision judiciaire contresignée par le greffier. Ne pas répondre dans ce
délai ou ne pas le faire selon les prescrits de l'article 50 alinéa 2 de la loi organique susvisée
vaut opposition à sa récusation.

Au cas où le juge concerné par une requête en récusation a accepté (acquiescé) la


récusation ou déclare se déporter, la requête devient sans objet, le président devrait alors
remplacer ledit juge et la procédure originaire pourra se poursuivre sans celui-ci. En revanche,
au cas où le juge récusé s'oppose à la récusation, l'on devra d'abord examiner si la récusation
est fondée. Dans ce cas, le président de juridiction doit désigner la composition du siège qui
statuera sur la récusation. De la sorte, la juridiction à laquelle appartient le juge mis en cause
statue sur la récusation, toutes affaires cessantes et dans la forme ordinaire (la partie récusante
est notifiée de la date d'audience c'est-à-dire dans le délai de 8 jours francs), la partie
récusante entendue. Le juge mis en cause ne peut faire partie du siège appelé à statuer sur la
1965
Article 50 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
715

récusation1966 car il ne peut pas stature lui-même sur sa récusation. Cela signifie quand bien
même la récusation serait-elle demandée à l'audience, la composition du siège à la quelle
appartient le juge concerné ne peut statuer sur pareille prétention. Mais au cas où le jugé
récusé continue à siéger dans la procédure de récusation, cette procédure sera nulle à partir du
moment de la remise de l'acte de récusation.

Après toutes ces formalités, la récusation doit être alors être jugée toutes affaires cessantes.
En principe, la procédure ne comporte pas d'échanges écrits. Ainsi, les conclusions du
ministère public, n'avaient pas à être communiquées à l'auteur de la récusation. Il n'est pas
nécessaire d'appeler à l'audience ni la partie non récusante ni le juge récusé, les débats oraux
ne s'imposent pas davantage, mais la possibilité n'en est pas exclue. Mais le demandeur de
récusation (le requérant), seul à être partie à cette procédure devra être convoqué et entendu
(article 51 alinéa 1 de la loi organique susvisée). Celui-ci doit faire valoir à l'audience,
verbalement ou par le dépôt d'un écrit, ses observations quant au bien fondé des moyens
invoqués dans l'acte de récusation, quant au bien fondé des réponses que le juge dont la
récusation est demandée donne à ces observations. Les autres parties au litige principal, en
revanche, n'y ont pas leur place. Une intervention de leur part ne serait pas recevable, à moins
qu'elle soit accessoire, destinée à appuyer le requérant. Enfin, la composition du siège par le
bais du greffier devra obligatoirement communiquer le dossier au ministère public pour avis
étant donné que c'est une cause communicable1967.

Comme on le voit, la procédure est donc contradictoire et jugée sur conclusions du


ministère public, les parties (concernées par la récusation) ayant été dûment convoquées pour
être entendues afin de faire valoir leurs observations. L'hypothèse du défaut n'est pas
envisageable. Mais le juge récusé n'est quant lui, pas partie à la cause de récusation mais il
peut devenir partie dans l'incident de récusation s'il réclame des dommages et intérêts ou s'il
prend l'initiative d'un acte d'intervention, auquel cas il doit être convoqué et entendu, mais ne
doit alors siéger dans la cause. En principe, la récusation doit être examinée en audience
publique, dans la mesure où l'article 51 alinéa 1er de la loi organique susvisée dit que la
juridiction statue dans la forme ordinaire. Cette forme implique donc la publicité de
l'audience.

2. Jugement de la récusation

La procédure aboutit à un jugement qui admet ou rejette la récusation. Ce jugement est


notifié en principe au récusant, à la partie éventuelle (si elle s'est constituée) et au juge récusé.
Si le tribunal statuant en premier ressort rejette la récusation, il peut ordonner, pour cause
d’urgence, que le siège comprenant le juge ayant fait l’objet de la récusation rejetée poursuive
l’instruction de la cause, nonobstant appel1968.
1966
Article 51 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1967
Article 69, alinéa 1, point 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1968
Article 52 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
716

Ce mécanisme "pour cause d'urgence" a été introduit dans la loi pour empêcher que
certains justiciables véreux (comme c'est fréquent dans la pratique judiciaire) ne puissent pas
à dessein paralyser le fonctionnement de la justice avec des récusations intempestives.
Malheureusement la loi n'a pas précisé les éléments de l'urgence, il serait souhaitable qu'une
circulaire soit prise rapidement, soit par le ministre de la Justice, soit le Premier président de
la Cour de cassation, soit par le Procureur général près cette Cour afin de donner le contours
du mot "pour cause d'urgence". A défaut de cette précision, on risque de constater beaucoup
d'abus dans la pratique. Mais nous pensons que les conditions de l'urgence sont réunies dès
que les inconvénients sérieux sont à redouter ou que l'on peut craindre un préjudice d'une
certaine gravité si l'on devrait attendre l'issue normale de la procédure de récusation devant la
juridiction d'appel. De même, les motifs d'urgence devraient être motivés afin d'éviter que la
procédure ne soit annulée complètement par la juridiction d'appel statuant sur la récusation.

VIII. Voies de recours

Les décisions statuant sur récusation sont susceptibles d'appel devant la juridiction
directement supérieur. Si le tribunal statuant en premier ressort rejette la récusation, il peut
ordonner, pour cause d’urgence, que le siège comprenant le juge ayant fait l’objet de la
récusation rejetée poursuive l’instruction de la cause, nonobstant appel1969.

Les décisions sur la récusation intervenues au premier degré devant le tribunal de paix
sont susceptibles d'appel devant le tribunal de grande instance, celles du tribunal de grande
instance, du tribunal de commerce, du tribunal de travail, du tribunal pour enfants, sont
susceptibles d'appel devant la Cour d'appel. Les décisions sur la récusation intervenues au
premier degré devant la Cour d’appel sont susceptibles d’appel devant la Cour de
cassation1970. Les décisions sur la récusation prononcées à la Cour de cassation ne sont
susceptibles d'appel car il n'existe pas une juridiction supérieure à la Cour de cassation. De
même, le pourvoi en cassation n'est pas prévu en cette matière étant donné que la décision
qui se prononce sur une requête en récusation n'est pas une décision définitive au sens de
l'article 35 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 décembre 2013 relative à la
procédure devant la Cour de cassation.

Nous pensons qu'il serait mieux que la procédure de récusation ne soit pas susceptible de
voies de recours d’autant plus qu'étant un incident de procédure, le justiciable a tous les
temps et l'occasion de se défendre au fond d'une procédure, c’est le cas d'ailleurs, notamment
en Belgique1971, France1972, Sénégal, Côte d’ivoire et Bénin.

1969
Article 52 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1970
Article 53 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1971
G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier,
2015, n°6.22, p. 579; G. CLOSSET-MARCHAL, "L'impartialité du juge: récusation et dessaisissement en
droit belge", in L'impartialité du juge et de l'arbitre. Etude de droit comparé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2006, pp. 179-195; F. HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd.
Larcier, 2009, n° 38 et 48, pp.45 et 55.
717

IX. Sanctions applicables

Le législateur a reconnu le droit de récuser les magistrats dans des circonstances bien
déterminées, mais en même temps, il a réglementé l'exercice de cette faculté de manière à
éviter, dans la mesure du possible, les manœuvres abusives ou vexatoires. Ainsi, si le
jugement rejetant la récusation est maintenu par la juridiction d’appel, celle-ci peut, après
avoir appelé le récusant, le condamner à une amende de cinq cent mille francs congolais (500
$)1973, sans préjudice des dommages-intérêts envers le juge mis en cause1974. En réalité,
l'esprit du législateur voulait dire que l'amende peut aller jusqu'à l'équivalent de 500 $, ce qui
signifie qu'elle sera prononcée en tenant compte du revenu du récusant. En clair, un villageois
de Walikale ou Jomba (Province du Nord-Kivu) ou de Luvungi (Province du Sud-Kivu) ou de
Kasumbalesa (Province du Katanga) qui n'a pas de revenu suffisant dont la demande de
récusation a été rejetée, peut être condamné par exemple à l'amende de 5 $, 10 $, 20 $, 50 $;
pourvu qu'elle ne dépasse pas 500 $.

Une circulaire devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation afin de clarifier ces précisions. De même, lorsque la récusation est dirigée contre un
magistrat siégeant à la Cour de cassation, cette juridiction peut, en cas de rejet de la
récusation, prononcer les condamnations prévues c'est-à-dire l'amende de cinq cent mille
francs congolais et les dommages-intérêts s'il y a lieu1975. En France, le Code de procédure
pénale prévoit que l'amende civile varie entre 75 à 750 euros1976, mais si la demande de
récusation visait un magistrat de la Cour de cassation, cette amende peut atteindre 3.000
euros. Le Code de procédure civile prévoit l'amende civile d'un maximum de 3.000 euros1977
laissée au pouvoir discrétionnaire de la juridiction compétente. En Belgique, l'amende varie
entre 15 à 2.500 euros sans préjudice des dommages et intérêts. Mais seules les demandes de
récusation manifestement irrecevables peuvent conduire à une telle amende, principalement
lorsque la partie utilise la procédure de récusation à des fins manifestement dilatoires ou
abusives1978. Une demande est manifestement irrecevable lorsque le demandeur n'invoque
aucune circonstance qui peut raisonnablement justifier la récusation et qui perturbe
sérieusement le fonctionnement de la justice1979, les circonstances invoquées sont étrangères

1972
S. GUNCHARD (sous direction) et alii, Droit et la pratique de procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz,
2014-2015, n° 353.118, p. 1160.
1973
Il s'agit de la proposition de professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception de ce projet de loi
organique en août 2006 à la Commission permanente de Réforme du Droit Congolais.
1974
Article 53 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1975
Article 53 alinéa 1 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
1976
Article 673 du Code de procédure pénale.
1977
Article 353 du Nouveau Code de procédure civile.
1978
Article 780 bis du Code judicaire belge; Voyez spécialement, F. HENRY, Les procédures de récusation et de
dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 33, p.42; P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE
LEVAL (sous direction), La jurisprudence du Code judiciaire commentée, Volume II.A, L'instance (D.
MOUGENOT, coordination), Bruxelles, éd. La Charte, 2013, p. 343.
1979
Cour de cassation belge, 9 janvier 2004, Pasicrisie belge, 2004, n° 8.
718

aux causes de récusation1980, la requête qui ne précise pas l'identité des parties dans le litige à
propos duquel la récusation est demandée1981, la requête qui n'est pas signée par le demandeur
et à laquelle la procuration spéciale imposée par la loi n'a pas été annexée à cette requête1982.

Lorsque le tribunal rejette la demande de récusation, le demandeur peut être condamné


aux dommages et intérêts en réparation de l'injuste agression dont le juge récusé a été
victime1983 à condition que le juge récusé ait sollicité ces dommages et intérêts, et justifie
d'un préjudice ou ait été partie ou intervenant dans la procédure de récusation. Pareille
demande n'est toutefois possible que s'il s'est abstenu de siéger en la cause. La responsabilité
des récusants est fondée non seulement sur la faute, la négligence ou l’imprudence, mais
également sur le risque inhérent à la liberté d’action en justice qu’ils croyaient de bonne foi
exercé1984. Pour la réparation du préjudice moral subi du chef de la récusation, il y a lieu de
prendre en considération, comme éléments d’appréciation, l’atteinte à l’honneur du magistrat
récusé et les risques auxquels la récusation l’a exposé1985.

La loi organique susvisée n'a prévu la condamnation aux dépens de l'instance de la partie
succombante mais nous pensons qu'étant donné que l'article 51 alinéa 1 de cette loi prévoit
que la juridiction statue dans la forme ordinaire, cela montre que lorsque la récusation est
rejetée, le récusant pourra être condamné au payement des frais d'instance. Mais si la
récusation est jugée fondée, les frais d'instance devraient être à charge du juge récusé si celui-
ci était partie ou intervenant à cette procédure. Dans d'autres cas, les frais d'instance
devraient être à charge du trésor public. En Belgique, les frais sont à charge du juge
récusé1986 peu importe qu'il ait été partie ou intervenant à la procédure de récusation ou pas.

Comme nous pouvons le remarquer, la procédure de récusation est une arme à double
tranchant. Elle peut se retourner contre le plaideur qui l’a mise en œuvre en cas de légèreté.
Nous pensons que l'amende prévue de cinq cent mille francs congolais (équivalent à cinq
cent dollars américains) est raisonnable car elle pourra décourager ceux qui voudraient salir
inutilement l'image des juges par des demandes de récusation dilatoires et vexatoires
susceptibles de retarder l'issue du procès. Ce sont ces raisons justement qui ont été à la base
de l'introduction d'une telle amende dans la loi organique susvisée. C'est donc la juridiction
statuant sur la récusation qui est compétente pour prononcer une telle amende même si la
récusation a été soulevée devant une juridiction siégeant en matière civile, commerciale,
sociale et de la famille.

1980
Cour de cassation belge, 3 janvier 2002, Pasicrisie belge, 2002, n° 4, p. 12, Larcier cassation 2002, (somm).
1981
Cour de cassation belge, 31 janvier 2003, Pasicrisie belge, 2003, n° 74.
1982
Cour de cassation belge, 21 décembre 2000, Pasicrisie belge, 2000, n° 719.
1983
Article 53 alinéa 1 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; Cour suprême de
justice, 27 avril 1995, R.R.02/CR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, pp. 36-40 ; C.S.J.,
18 mai 1995, BA et crts c/ B., Bo, Ti et N., RR.03, Ibidem, pp. 40-42.
1984
Ibidem, pp. 36-40.
1985
C.S.J., 3 juillet 1981, Maurice c/ MU, RR, Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1995, n° 1-3, pp.
35-36.
1986
Article 841 du Code judiciaire belge; Voyez également G. DE LEVAL (sous direction) et alii, Droit
judiciaire. Tome 2. Procédure civile, Bruxelles, éd. Larcier, 2015, n° 6.24, p. 580 .
719

X. Effets de jugement de récusation

Dès que le jugement sur la récusation est prononcé, il devra être notifié aux parties. Si
la récusation est établie, il est indéniable qu’une requête en récusation bien fondée rétablit la
partie qui l’a introduite dans son droit au juge impartial tout en renforçant la foi due à
l’institution judiciaire elle-même. Dans ce cas, le juge récusé devra être remplacé de la
connaissance du fond de l'affaire. Et l'instruction au fond de l'affaire reprendra et se
poursuivra jusqu'à son terme. A cet égard, l'article 54 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire a prévu qu'en cas d’infirmation du jugement rejetant la récusation, le juge d’appel
annule toute la procédure du premier degré qui en est la suite, renvoie les parties devant le
même tribunal pour y être jugées par un autre juge ou devant un tribunal voisin du même
degré, sans préjudice de l’action disciplinaire. Cela signifie que le juge envers lequel la
récusation est jugée établie, devra s'il échet faire l'objet des poursuites disciplinaires devant la
chambre de discipline du Conseil supérieur de la magistrature dès lors qu'il est censé avoir
commis une faute déontologique en sa qualité de magistrat.

Et selon le sens de la loi, tous les actes accomplis par le juge qui ne présente pas les
garanties d’impartialité devront être annulés dès lors qu'ils sont censés être irréguliers, n’ont
pas de valeur juridique et doivent être écartés des débats, lesquels sont, après récusation,
repris ab initio par le nouveau siège. En conséquence, tout acte posé par un juge après qu’il
s’est vu notifié la requête en récusation ou après le prononcé de la décision de récusation est
nul1987.

Si la récusation est rejetée par le juge du premier degré et/ou d'appel, l'affaire qui était en
l'instance avant la procédure de récusation (était suspendue en attendant l'issue de la
récusation), reprendra et se poursuivra normalement jusqu'au jugement définitif sur la cause
originaire. La décision qui a rejeté une demande en récusation ne fait pas obstacle à
l'introduction d'une nouvelle demande de récusation pour cause des faits survenus depuis la
prononciation (si la première demande a été soit irrecevable, soit non fondée). Néanmoins,
une nouvelle demande en récusation est irrecevable si elle invoque les mêmes faits que la
précédente.

§ 7. Procédure de décharger de l'affaire l'officier du ministère


public en matière pénale pour absence d'impartialité

Nous avons souligné qu'en matière pénale l'officier du ministère public ne peut pas faire
l'objet de la récusation mais exceptionnellement durant l'instruction préparatoire, il peut être
déchargé de l'affaire s'il se trouve dans les mêmes conditions de la récusation.

1987
T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l’Afrique francophone, Vol. II, L’impartialité du juge, thèse de doctorat, Faculté de droit, UCL,
Louvain-la-Neuve, juin 2005, p.522
720

En effet, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que
l’inculpé qui estime que l’officier du ministère public appelé à instruire son affaire se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 (et non par erreur de saisie l'article 50),
adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir ce magistrat être déchargé de
l'instruction de la cause; il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu. Le législateur utilise expressément le mot "être déchargé" et a évité
d'utiliser le mot "récusation" concernant la ministère public pour ne pas créer de confusion
car le ministère public, on le récuse pas en matière pénale mais on peut le décharger si les
conditions de récusation sont réunies.

Concernant la procédure de décharger l'officier du ministère public; le droit de demander


de décharger l'officier du ministère public suspecté de partialité n'appartient qu'à l'inculpé et
non à toutes les parties en cause. En effet, l’article 59 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit que l’inculpé qui suspecte la partialité de l’officier du ministère public
appelé à instruire son affaire, adresse au chef hiérarchique, une requête motivée tendant à voir
ce magistrat être déchargé de l'instruction de la cause. Ainsi, l'inculpé devra demander au chef
hiérarchique du magistrat du parquet suspecté de partialité afin de retirer à celui-ci le dossier
et l'attribuer à un autre magistrat du parquet parmi ses collègues. Dans la pratique, le chef
d'office de parquet en informe au concerné et le dossier lui est retiré par voie d'ordonnance ou
pas. Le magistrat suspecté de partialité ne s'y oppose pas en général. Nous pensons que l'on
devrait offrir à toutes les parties cause (également le plaignant) cette possibilité de demander
de décharger l'officier du ministère public lorsque le magistrat du parquet se trouve dans les
conditions de "récusation" ou de partialité.

La décision du chef hiérarchique du magistrat suspecté de partialité de décharger celui-ci


n'est pas susceptible de recours. L'article 59 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire prévoit qu'il est répondu à cette requête par une ordonnance motivée, non
susceptible de recours qui doit être rendue dans les délais de quarante huit heures, le magistrat
mis en cause entendu.

SECTION 2: LE DEPORT

§ 1. Notions

Le déport se définit comme le fait pour le juge, avant même d’être récusé, de s’abstenir
dans une affaire pour motif de conscience, ou parce qu’il suppose en sa personne une cause de
récusation ou d’incompatibilité1988. C'est donc le fait pour le juge de prendre l'initiative de se

1988
G. DE LEVAL, Institutions judiciaires, Liège, 2e éd., Ed. Collection scientifique de la Faculté de Droit de
Liège, 1993, n° 205.
721

déporter (se retirer de la connaissance de la cause) en informant le président de juridiction à


laquelle il appartient les causes légales qui ne lui permettraient pas de juger la cause en toute
impartialité, au risque d'encourir les sanctions disciplinaires. Lorsqu’un magistrat est
conscient qu’il a un intérêt dans une affaire, le magistrat a l’obligation de s’abstenir de siéger.
Il doit se récuser ou mieux se déporter. Il ne peut plus en conséquence connaître de la cause
ultérieurement. L'obligation de déport relève du pouvoir discrétionnaire du juge et ne dépend
que de sa conscience et de son sentiment de délicatesse lorsqu'il estime qu'il existe un doute
dans la chef des tires quant à sa stricte impartialité. Le déport constitue une mesure d'ordre (et
non jugement) et n'est susceptible d'appel. Il rend sans objet la demande de récusation.

§ 2. Causes du déport

Les causes du déport sont prévues aux articles 49 et 56 de la loi organique n°13/011-B du
11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. Les causes du déport peuvent être: soit le juge se trouve dans les huit causes de
récusation, soit dans les cas d'incompatibilités; dans chacun de cas, il se retire de la
connaissance de la cause.

S'agissant de huit causes de récusation, l'article 56 de cette loi organique prévoit que le
juge se trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 49 est tenu de se déporter, sous
peine de poursuites disciplinaires. Or, l’article 49 de cette loi organique énumère les huit
causes de récusation. Autrement dit, les causes du déport sont les mêmes que les causes de
récusation.

Ainsi, lorsque le juge estime lui-même qu’il se trouve dans l'une de ces conditions prévues
à l’article 49 de la même loi organique, il doit se récuser ou se déporter. De même, les autres
causes du déport non énumérées à l’article 49 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire sont
laissées à la discrétion du magistrat lorsqu’il estime un doute dans son chef ou des tiers quant
à sa stricte impartialité. Autrement dit, le magistrat estime de par sa conscience qu’il n’est
plus en mesure de juger l’affaire en toute impartialité. Il concède qu’il ne se croit pas placé
dans des conditions d’impartialité suffisantes pour rassurer sa conscience et inspirer confiance
aux tiers ; bref, il ne présente pas les garanties d’impartialité auxquelles tout accusé a droit1989.
C'est pourquoi, l'article 9 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats1990 oblige au
magistrat de se déporter immédiatement dès qu’il a connaissance de toute affaire ayant un lien
avec ses intérêts personnels, ceux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de ses amis. Il en
est de même de tous ses réseaux d’appartenance chaque fois qu’il existe des motifs pouvant
mettre en cause son impartialité. De même en Belgique, les règles de déontologie imposent à

1989
Cour de cassation belge, 21 février 1979, Pasicrisie belge, 1979, I, p. 750.
1990
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
722

un magistrat du ministère public de ne pas siéger comme partie poursuivante, lorsqu'il existe,
à son égard, des circonstances analogues à une cause de récusation1991.

De la sorte, dès que ses relations avec une partie ou toutes autres circonstances risquent
d’altérer, si peu que ce soit, son indépendance et son impartialité de jugement, le magistrat a
l’obligation déontologique de refuser de siéger, c’est-à-dire se déporter. Ainsi, constitue une
cause de déport toute circonstance dans laquelle le justiciable peut légitimement redouter que
le juge n’offre pas toutes les garanties d’impartialité1992.

S'agissant des causes d'incompatibilités; elles interdisent deux magistrats ayant de liens de
parenté ou d'alliance de siéger dans la même cause. Constitue un motif de déport lorsque plus
ou moins deux magistrats appelés à siéger dans une même affaire (ou l'un siège en qualité de
l'officier du ministère public et l'autre comme juge) sont parents ou alliés. Ainsi, aux termes
de l'article 69 de la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats1993: "Les magistrats parents ou alliés jusqu'au troisième degré, en ligne directe ou
collatérale, ne peuvent siéger dans une même affaire". De manière concrète, lorsque le juge
appelé à siéger dans l'affaire se trouve dans cette hypothèse, il soit se déporter. C'est le cas
notamment lorsqu'on trouve dans la composition du siège un représentant du ministère public
et juge qui sont mariés.

Les dispositions relatives au déport sont applicables au ministère public lorsqu’il


intervient par voie d’avis1994, autrement dit le magistrat du ministère public, lorsqu'il lui est
demandé de donner son avis en matière civile, commerciale, sociale et de la famille; s'il
estime se trouver dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire, peut se déporter. Par contre, lorsque le magistrat du ministère
public, se trouve à l'audience en matière pénale, la loi ne l'oblige pas de se déporter s'il se
trouve dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 la loi organique susvisée.

Mais nous pensons que lorsque le magistrat représentant du ministère public se trouve
dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de la loi organique relative aux juridictions de
l'ordre judiciaire (à l'audience en matière pénale ou en instruction préparatoire c.à.d. en tant
partie principale au procès en matière pénale), on devrait prévoir aussi la possibilité de se
déporter. De manière concrète, l'on devrait en faire une obligation du déport lorsque l'officier
du ministère public appelé à siéger à l'audience ou à instruire une affaire pendant l'instruction
préparatoire, se trouve dans l'une des hypothèses prévues à l'article 49 de ladite loi organique.

1991
P. MOREAU, "Les récusations", in G. DE LEVAL (sous direction), La jurisprudence du Code judiciaire
commentée, Volume II.A, L'instance (D. MOUGENOT, coordination), Bruxelles, éd. La Charte, 2013, pp.
321-322.
1992
Cour d'appel de Liège, 17 avril 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1033.
1993
JORDC, n° spécial, 25 octobre 2006.
1994
Article 58 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
723

C'est d'ailleurs ce que prévoient les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de déontologie


des magistrats1995 qui érigent des obligations déontologiques d'impartialité à tout magistrat en
ce compris l'officier du ministère public. Ainsi, le magistrat doit faire preuve d’objectivité et
se prémunir notamment de l’influence de son milieu, de sa culture, de ses préjugés et de ses
conceptions religieuses, ethniques ou philosophiques comme de ses opinions politiques1996. Il
doit, dans l’exercice de ses fonctions, éviter tout conflit d’intérêts ainsi que toute situation
susceptible d’être perçue comme tel1997. Il doit aussi s’abstenir de faire tout commentaire sur
une affaire dont il est saisi ou il va être saisi, susceptible de faire craindre qu’il affecte le
résultat du procès ou de faire obstacle au caractère équitable de ce procès1998. Enfin et surtout,
le magistrat est tenu de se déporter immédiatement dès qu’il a connaissance de toute affaire
ayant un lien avec ses intérêts personnels, ceux de ses parents, de ses frères, de ses sœurs, de
ses amis. Il en est de même de tous ses réseaux d’appartenance chaque fois qu’il existe des
motifs pouvant mettre en cause son impartialité1999.

Désormais, le déport est une obligation déontologique de tout magistrat (y compris le


ministère public) lorsque l'une des conditions prévues à l'article 49 de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire ainsi que les articles 6 à 13 du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats2000 sont réunies. Enfin, l'arbitre est tenu aussi à se déporter lorsqu'il
se trouve dans les mêmes conditions que le magistrat.

§ 3. Procédure de déport

La loi n'a pas précisé le moment du déport car elle dit tout simplement que le juge qui
désire se déporter informe le président de la juridiction à laquelle il appartient en vue de
pourvoir à son remplacement2001. Nous pensons que le moment du déport est celui où le juge
connaît une cause de récusation en sa personne qu'il doit s'abstenir. En toute logique, ce
moment doit être avant la prise en délibéré, autrement dit, avant la clôture des débats.

L'initiative du déport vient du juge lui-même qui estime qu'il doit se déporter par ce qu'il
ne remplit pas les conditions d'impartialité, ce n'est pas donc le justiciable ou l'avocat de
celui-ci qui demande le déport. En conséquence, une lettre adressée par le justiciable au juge
ou une demande au cours d'une audience, manifestant son intention de le récuser, n'impose
point au juge de s'abstenir. La décision de se déporter appartient à chaque magistrat
individuellement.

1995
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
1996
Article 7 alinéa 2 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
1997
Article 8 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
1998
Article 11 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
1999
Article 9 du Code d'éthique et de déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
2000
Résolution n°001/2011 du 26 mai 2011 portant adoption et mise en application du Code d'éthique et de
déontologie des magistrats, JORDC, n°spécial, 9 janvier 2013.
2001
Article 57 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
724

Dans la pratique, lorsque le juge veut se déporter, il informe d'abord verbalement le


président de la juridiction et lui adresse par la suite une lettre l'informant les motifs de son
déport. Ces motifs peuvent être soit l'une de huit causes de récusation, soit le cas
d'incompatibilités. Si le président de juridiction trouve que ces motifs sont fondés, il remplace
le juge concerné. Sa décision est soit une ordonnance ou un courrier adressé audit juge. Cette
décision n'est pas un jugement mais un simple acte d'administration judiciaire qui n'est par
conséquent susceptible de recours. Elle n'est pas communicable au ministère public. En
pratique le président de juridiction accepte le déport, il est extrêmement rare que celui-ci le
refuse. Un juge qui s'est déporté ne peut plus connaître de la cause ultérieurement étant donné
que la déclaration par laquelle un juge s'abstient implique légalement la présomption d'une
cause de récusation en sa personne.

Bien que la loi ne ledit pas, la décision de déport est notifiée aux parties par le greffe. En
pratique, cette notification informe les parties le magistrat qui connaîtra de la cause ainsi que
la date à laquelle la cause sera retenue.

§ 4. Conséquences du refus de déport

L'article 56 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que le juge se
trouvant dans une des hypothèses prévues à l’article 49 est tenu de se déporter, sous peine de
poursuites disciplinaires, c'est-à-dire si le magistrat concerné refuse de se déporter alors qu'il
se trouve dans l'une des causes de récusation ou dans les cas d'incompatibilités, il peut faire
l'objet des poursuites disciplinaires étant donné qu'il a commis une faute déontologique.

En dehors de la sanction disciplinaire, la décision prononcée à laquelle ferait partie le


juge qui ne s'était pas déporté peut être attaquée par toutes les voies de droit, y compris le
pourvoi en cassation. C'est à juste raison que la Cour suprême de justice a jugé, doit être cassé
l’arrêt d’une Cour d’appel signé par un conseiller qui avait déjà siégé dans la même affaire
quand il était juge au premier degré et que, dans ces conditions, il ne s’est pas déporté en
application de la loi2002 étant donné qu’il s’agit là d’un devoir professionnel et même de
conscience pour lui.

§ 5. Sanction en cas du déport injustifié

Il importe de ne pas utiliser le déport comme un procédé commode pour se décharger sur
un collègue d'une affaire embarrassante ou compliquée. Ainsi, lorsque le magistrat s'est
déporté sans que les conditions légales ne soient réunies, il peut faire l'objet des poursuites
disciplinaires. En effet, une abstention injustifiée est assimilée au déni de justice. Or, il y a
déni de justice lorsque le magistrat refuse de procéder aux devoirs de sa charge ou néglige de
juger les affaires en état d’être jugées2003. Le déni de justice est un motif de la prise à partie.
Cela signifie que le magistrat qui s'est déporté abusivement, peut être poursuivi pour déni de
2002
CSJ, 2 février 1972, RP 60, Bull. 1973, p. 16.
2003
Article 58 alinéa 1 de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
725

justice soit en matière disciplinaire devant la chambre de discipline du CSM, soit en matière
de prise à partie devant la Cour de cassation. Dans les deux situations, il peut encourir une
sanction.

SECTION 3: LE RENVOI POUR CAUSE DE SUSPICION


LEGITIME OU DE SURETE PUBLIQUE

Le renvoi est un moyen par lequel une partie suspecte la partialité de tous les magistrats
d’une juridiction, saisit une juridiction supérieure pour que sa cause puisse être renvoyée,
connue, tranchée par une autre juridiction du même ordre et de la même catégorie que la
juridiction suspectée. Il est prévu par les articles 60 à 62 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre
judiciaire. Nous aborderons le renvoi pour cause de suspicion légitime (§ 1) et le renvoi pour
cause de sûreté publique (§ 2).

§ 1. Le renvoi pour cause de suspicion légitime

I. Notions

Le renvoi pour cause de suspicion légitime est le moyen par lequel une partie suspecte la
partialité de tous les juges d’une juridiction, s’adresse à une juridiction directement supérieure
pour que sa cause puisse être renvoyée, connue, tranchée, par une autre juridiction que celle
suspectée. Il s’agit donc d’une mesure collective en ce sens que lorsque la demande aboutit,
l’affaire est retirée à une juridiction dans son ensemble parce que l’une des parties a des
raisons légitimes de craindre que cette juridiction ne traitera pas sa cause avec l’impartialité et
l’objectivité nécessaires2004. Le renvoi pour cause de suspicion légitime constitue une garantie
préventive de l’impartialité du juge en ce sens qu’il intervient avant que la partialité de la
décision à venir ne soit consommée. Il peut en effet s’indiquer de confier à une autre
juridiction la compétence de connaître d’un dossier afin d’éviter toute interférence d’éléments
étrangers à celui-ci lors de l’élaboration de l’intime conviction des juges.

La loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « suspicion légitime ». Mais nous pensons
qu’il y a « suspicion » de la juridiction saisie d’un litige, lorsqu’une partie n’a pas confiance
de la juridiction dans son impartialité. Cette suspicion n’est « légitime » que si elle est fondée
sur des raisons sérieuses2005. La suspicion légitime suppose en effet qu’il y a impossibilité de
constituer le siège à la suite d’une récusation visant l’ensemble des membres d’une

2004
X. DE RIEMAECKER et G. LONDERS, « Déontologie et discipline », in Statut et déontologie du magistrat,
Bruxelles, éd. La Charte, 2000, p. 310.
2005
M. DELANGE, De l’intervention de la Cour de cassation dans le dessaisissement du juge et dans le renvoi
d’un tribunal à un autre, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée judiciaire le 2 septembre 1974,
Bruxelles, éd. Bruylant, 1974, p. 9.
726

juridiction2006 de telle manière que toute la juridiction est suspectée de ne pouvoir juger avec
la sérénité requise2007. Elle permet de faire remplacer la juridiction elle-même lorsque c’est
cette juridiction dans son ensemble qui représente un risque de partialité2008 et comprend tout
fait susceptible de jeter le doute quant à l’indépendance ou l’impartialité de la juridiction
saisie. Elle existe notamment lorsque les « passions locales » perturbent les relations entre les
parties et les juges2009. La suspicion légitime s’attache donc à l’impartialité de la juridiction
saisie, la légitimité de cette suspicion devant être fondée sur des motifs sérieux et consistants.
Cette procédure se distingue de la récusation par le fait que celle-ci ne concerne qu’un seul
juge (ou quelques uns nommément désignés) alors que la suspicion légitime concerne le
tribunal tout entier2010.

II. Juridiction concernée

La suspicion légitime s'applique à toutes les juridictions de l'ordre judiciaire (exceptée la


Cour de cassation). Elle concerne donc tous les juges composant toute la juridiction et non
uniquement les juges composant une chambre ou section ou formation. Elle peut concerner
une juridiction à unique à condition qu'il n'y ait pas d'autres juges dans cette juridiction. Elle
s'applique également aux organismes qui, statuant parfois en matière disciplinaire, présentent
alors un caractère juridictionnel2011. Tel est le cas, de la chambre provinciale de discipline du
Conseil supérieur de la magistrature, de la chambre de discipline du Conseil de l'ordre des
avocats, de l'ordre des médecins, de l'ordre des pharmaciens, de l'ordre des architectes, etc. A
titre d'exemple, la suspicion légitime du Conseil de l'ordre des avocats sera adressée au
Conseil national de l'ordre des avocats. La suspicion légitime du tribunal administratif est
réglée par la loi portant organisation, fonctionnement, compétences et procédure des
juridictions de l'ordre administratif.

Relevons cependant qu’aucune cause de suspicion légitime ne peut être soulevée devant la
Cour de cassation ou le Conseil d’Etat ou la Cour constitutionnelle compte tenu du fait
qu’aucune juridiction supérieure à l’une ou l’autre n’existe pour pouvoir statuer sur une

2006
C.S.J., 30 novembre 1983, R.R.28, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour
suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. renvoi pour cause de suspicion légitime, n°
29, p. 202.
2007
C.S.J., 3 mars 1982, R.R.13, in DIBUNDA K., Ibidem, p. 201 ; Cass. Belge (1ère Ch.), 30 avril 2004,
C.04.0183.F, Larc. Cass., 2004, p. 126.
2008
TH. LE BARS, Droit judiciaire privé, Paris, 2e éd. Montchrestien, 2002, p. 859 ; J.M. PIRET, « Impartialité
du juge et suspicion légitime », in Présence du droit public et des droits de l’homme. Mélanges offerts à
Jacques Velu, Tome II, Bruxelles, éd. Bruylant, 1992, p. 861.
2009
E. JEULAND, Droit processuel général, Paris, 2ème éd. Montchrestien, 2012, n° 227, p. 232; J. PRADEL,
Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 97, p. 92.
2010
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, éd. Collection
scientifique, 1989, p. 996 ; J.M. PIRET, « Impartialité du juge et suspicion légitime », in Présence du droit
public et des droits de l’homme, Mélanges à Jacques Velu, t. 2, Bruxelles, éd. Bruylant, 1992, p. 862 ; M. A.
BEERNAERT, « De la suspicion légitime et des juges d’instruction », IDJ, 1997, n° 3,
p. 55.
2011
S. GUINCHARD, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 353.131,
p. 1161.
727

demande éventuelle de renvoi. De même, cette procédure ne concerne pas les magistrats du
ministère public ou le parquet car ils ne constituent pas une juridiction.

III. Les causes de la suspicion légitime

Les causes de la suspicion légitime ne sont en général ni énumérées par la loi ni définies
par la même loi. Ainsi, en République démocratique du Congo2012 tout comme en
Belgique2013, la loi n'a pas énuméré les causes de suspicion légitime. En principe, la suspicion
légitime existe lorsque l'ensemble de tous les juges d'une juridiction (et non pas quelques
uns) ne présentent pas les garantie d'impartialité. Les causes de suspicion légitime sont
laissées à l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être diverses. Mais en cette
matière, les requêtes doivent indiquer les motifs qui poussent le requérant à introduire une
requête de renvoi pour cause de suspicion légitime. En général, elles ont pour but de
garantir l'impartialité de la juridiction suspectée. En France également, le Code de
procédure pénale n'a pas énuméré les causes de suspicion légitime mais le Code de
procédure civile prévoit que les causes de suspicion légitime sont les mêmes que celles de la
récusation2014.

Qu'elles soient énumérées ou non par la loi, les causes de suspicion légitime visent à
garantir l'impartialité de tous les membres d'une juridiction et non un seul ou quelques
juges. Il s'agit de causes qui laissent craindre que la juridiction ne juge avec partialité ou
suivant l'intérêt personnel de ses membres, qui font supposer que la juridiction ne remplirait
pas sa mission dans un esprit absolument libre et dégagé de toute considération qui ne serait
pas fondée sur les résultats de l'instruction ou qui permettent de craindre que la juridiction
obéisse à des sentiments étrangers à la justice.

Il appartient à la juridiction saisie d’apprécier souverainement les causes de suspicion


légitime. Celles-ci sont donc abandonnées à l'appréciation de la juridiction saisie qui est la
juridiction directement supérieure à celle suspectée de partialité. Cette appréciation se fait à
la lumière du principe général du droit à un tribunal indépendant et impartial et des
dispositions légales qui le consacrent. Il est requis que ces causes soient sérieuses, à la fois
graves et précises pour faire craindre que la juridiction dont le dessaisissement a été
demandé ne décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt personnel relatif à un
ou plusieurs membres2015. Ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime des
allégations vagues de haine ou d’inimitié entre les juges et une partie au procès.

2012
Articles 60 à 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2013
F. HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 92, p.92.
2014
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
2015
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
728

Constitue ainsi un motif de suspicion légitime lorsque toute la juridiction est suspectée de
ne pouvoir juger avec la sérénité requise2016 ou lorsqu'une juridiction comprenant quatre
magistrats, deux d'entre eux ne peuvent plus connaître de l'affaire, pour y avoir déjà siégé
avant la cassation, et qu'il est dès lors impossible à cette juridiction de composer
valablement le siège2017 ou le cas d'une requête fondée sur la crainte du demandeur au sujet du
manque d'impartialité et d'indépendance de la juridiction incriminée qui est basée sur
l'acharnement d'un juge à instruire des causes opposant le demandeur à un défendeur qui
serait membre de sa famille2018.

L'existence de relations personnelles existant entre un magistrat, partie au procès, et ses


collègues d'une même juridiction est une circonstance de nature à inspirer aux parties et aux
tiers une suspicion légitime quant à la stricte impartialité des juges appelés à statuer en
cause de ce magistrat ou de son conjoint.

Il a été jugé que milite en faveur du renvoi de la cause pour suspicion légitime devant
une autre juridiction, l'immixtion d'un gouverneur de province dans les actes de justice par
la tenue à l'intention des magistrats du lieu et la diffusion dans la presse d'une causerie
morale intempestive qui a exercé et exerce sur les magistrats du lieu en général et ceux de
la Cour d’appel suspectée en particulier, une influence de nature à les empêcher de statuer
sur la cause en toute sérénité, ainsi que par la pression sur les magistrats qui ont déjà posé
des actes établissant que l'impartialité de ceux de la Cour d’appel suspectée n'est plus
assurée2019. Il en est de même lorsque le gouverneur de province a pris une part active dans
l’organisation des poursuites et dans l’instruction d’une affaire en décidant notamment la
réincarcération du requérant mis pourtant en liberté provisoire par un juge de paix et en
organisant une campagne de sensibilisation par voie de presse2020.

On peut s'étonner comment un gouverneur de province, représentant du pouvoir exécutif


en province, puisse empêcher une Cour d’appel, en théorie indépendante de tout pouvoir, à
assurer sereinement la distribution de la justice. Nous pensons que cela constitue une
atteinte à l'indépendance des magistrats dans l'exercice de leur fonction.

De même, il n'est pas admissible que les réactions de l'opinion publique puissent
constituer une cause de renvoi pour cause de suspicion légitime tant que les magistrats
peuvent juger de façon ferme et impartiale, la cause soumise à leur examen.

2016
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R . R . 13, in DIBUNDA K., o p . cit., n° 20, p. 201.
2017
Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA K., Répertoire général de la jurisprudence de
la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 30, p. 202.
2018
C.A. Kinshasa-Matete, 24 janvier 1996, Booto N. c/Mpayi K., R.R.034, Revue analytique de jurisprudence
du Congo, janvier à décembre 1997, p. 46.
2019
Cour suprême de justice, 16 mars 1990, R.R.148, affaire Ba et Ka c/Cour d’appel de Lubumbashi, in Revue
juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1, 2 et 3, pp. 46-47.
2020
Cour suprême de justice, 10 février 1987, M. contre Cour d’appel de Lubumbashi, RR 83, Revue juridique du
Zaïre, 1987, p. 107, note Dibunda.
729

Ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime, des allégations vagues de haine
ou d'inimitié entre les juges et une partie au procès et ne reposant sur aucune preuve2021 ou
un éventuel dépassement du délai raisonnable. De même, la requête en renvoi pour cause
de suspicion légitime devient sans objet lorsque la juridiction mise en cause a rendu la
décision vidant le fond du litige avec l'examen de 1a requête par la Cour suprême de
justice2022 ou si les juges mis en cause sont décédés entre-temps et remplacés par d'autres et
que la partialité de ceux-ci n'est pas démontrée2023 ou si les membres de la composition du
siège ont été mutés2024 ou lorsque le tribunal mis en cause n'est pas encore saisi2025 ou si la
demande s'appuie sur une erreur matérielle de la juridiction mise en cause2026 ou lorsque la
demande de suspicion légitime ne concerne pas tous les juges composant la juridiction2027.

Aussi, les mérites d'une opposition ne créent pas de suspicion légitime à l'égard de la
juridiction ayant statué par défaut. De la circonstance qu'un jugement est entaché d'erreurs
justifiant qu'il soit mis à néant, il ne saurait se déduire que l'ensemble des magistrats
composant le tribunal qui l'a rendu, ne seraient pas en mesure de statuer de manière
impartiale sur l'opposition du prévenu, ou qu'un doute légitime puisse exister dans la chef
de ce dernier ou des tiers quant à leur aptitude à juger de cette manière.

La suspicion légitime suppose que le tribunal ne soit pas en mesure de statuer en la cause
de manière impartiale ou suscite dans l'opinion générale un doute légitime quant à son
aptitude à juger de cette manière. Ne peut entraîner le dessaisissement d'une juridiction, la
mise en cause de l'attitude de tout magistrat féminin à juger d'une cause, en ce que ce grief
procède d'une discrimination fondée sur le sexe.

2021
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-
1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve
Thomba Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29
novembre 1988, Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de
justice, 24 février 1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ;
Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
2022
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R 32 ; in
DIBUNDA K. MP., op. cit., p. 201.
2023
Cour suprême de justice, 9 mars 1990, R.R.147, Affaire F et Trabeza c/Cour d’appel de Lubumbashi, in
Revue juridique du Zaïre, janvier à décembre 1992, n° 1-2 et 3, pp. 46-47.
2024
Cour suprême de justice, 24 février 1989, R.R.140, MB c/Mr et Mme C, in Revue juridique du Zaïre, n° 1-
2 et 3, 1989, p. 40 ; Cour d’appel de Bukavu, 1er décembre 1987, R.S.L.034, Les Etablissements Kima-SPRL
c/ le tribunal de grande instance de Kindu, inédit.
2025
Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, R.R. 163, MW c/ H, in Revue juridique du Zaïre, janvier à août
1993, n° 1 et 2, p. 22 ; Cour d’appel de Bukavu, 18 novembre 1988, R.S.L.039, affaire Bwindwa Mukunda c/
le tribunal de grande instance de Bukavu, inédit.
2026
Cour d’appel de Bukavu, 26 janvier 1982, R.C.R.001, affaire Mayele Ukumu c/Kayigi Petit et tribunal de
grande instance de Goma, inédit.
2027
Cour suprême de justice, 12 septembre 1997, L.M. Lopes Lima c/Sté Copra-Congo Mr Frenando et Sté
Tomemar, R.R.247, Revue analytique de jurisprudence du Congo, janvier à décembre 1997, vol. II,
fascicule unique, p. 31 ; Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11, in DIBUNDA M., op. cit., n° 27, p.
201.
730

Comme pour la récusation, la requête aux fins de suspicion légitime doit s'appuyer sur
des faits précis et probants. Mais, il est regrettable de constater que la Cour suprême de
justice congolaise accueille une telle demande alors que les faits dénoncés à l'encontre des
magistrats du siège ne sont pas établis, au motif qu'étant donné que ceux-ci devraient se
déporter et qu'en tenant compte du nombre restreint des magistrats et de multiples causes
d'indisponibilité qui peuvent affecter ceux des juges contre lesquels le requérant n'a pas
articulé de griefs ou bien le siège risque de ne pas être facilement composé dans un délai
raisonnable, ou bien, il ne pourrait pas statuer en toute sérénité2028.

Nous pensons que lorsque les faits ne sont pas établis, l'on ne peut pas accepter la
demande de suspicion légitime car cela risque de perturber inutilement l'administration de
la justice. Il est étonnant de trouver un tel raisonnement à la Cour suprême d'autant plus
qu'en cette matière la loi exige des parties qui l'invoquent d'en produire la preuve. Aussi,
étant donné que la suspicion légitime vise toute la juridiction, il est incompréhensif que l'on
accepte le renvoi alors que tous les juges de la composition ne sont pas mis en cause2029.

De même en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas énumérées par la loi.
Celles-ci sont laissées à l'appréciation de la juridiction compétente et peuvent être diverses.
En principe elles ont pour but de garantir l'impartialité de la juridiction suspectée. En
France également, le Code de procédure pénale n'a pas énuméré les causes de suspicion
légitime mais le Code de procédure civile prévoit que les causes de suspicion légitime sont
les mêmes que celles de la récusation2030.

Lorsque ces causes ne sont pas déterminées, l'hypothèse qui conduit généralement au
dessaisissement pour cause de suspicion légitime quant à l'aptitude à juger de manière
objective et impartiale résulte des sentiments favorables ou défavorables qui pourraient
animer un tribunal chargé de connaître d'une affaire lorsque la personnalité des parties en
cause est particulière en raison de liens professionnels ou de liens de famille ou de toutes
autres considérations. Aussi, les motifs invoqués doivent être précis, sérieux et de haute
gravité.

Ainsi, la Cour de cassation belge considère qu'il y a suspicion légitime quant à


l'impartialité d'une juridiction lorsqu'il existe des circonstances susceptibles de porter
atteinte à la sérénité des juges2031, de donner l'impression que l'ensemble des juges ne
seraient pas en mesure de statuer en la cause de manière indépendante ou impartiale2032, la
circonstance que l'assemblée générale des magistrats d'un tribunal a adopté une motion de
soutien à l'un de ses membres, constitué partie civile dans une procédure pendante devant
2028
Cour suprême de justice, 18 février 1982, R.R.9, in DIBUNDA, K. MP., op. cit., p. 201, n° 25.
2029
Cour suprême de justice, 4 juin 1982, R.R.11 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in DIBUNDA,
K. MP., op. cit., pp. 201-202.
2030
Article 356 du Nouveau Code de procédure civile français.
2031
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, R.G.C.01.0571.N., Larc. cass., 2002, n° 793, p. 149 ; Cass.. belge (1ère
ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
2032
Cass. belge, 1er avril 1998, Pas., 1998, I, p. 424 ; Cass. belge, 13 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 336 ; Cass.
belge (1ère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
731

ce tribunal2033, la circonstance que les magistrats d'un tribunal de première instance, réunis
en assemblée générale, ont tous décidé de déposer plainte individuellement contre le
prévenu2034, le fait que le premier président de la Cour d’appel est personnellement
concerné dans l'affaire, en raison de l'autorité hiérarchique de ce magistrat sur les juges de
la Cour d’appel2035, lorsque l'issue des poursuites diligentées devant une chambre de la
Cour d'appel présente de l'intérêt pour certains membres de la famille du Premier président
de ladite Cour2036, la circonstance que le président de la juridiction faisant l’objet de la
demande en dessaisissement a déposé plainte contre le demandeur de suspicion légitime du
chef d’outrage, de calomnie et de diffamation2037, le fait qu'un conseiller de la Cour d’appel
s'est constitué partie civile contre un prévenu de la cause duquel ladite Cour est saisie2038
ou le fait qu'un juge du tribunal de première instance soit impliqué dans un accident de
roulage se constitue partie civile à l'encontre du prévenu poursuivi devant un tribunal de
police situé dans l'arrondissement du tribunal au sein duquel il exerce ses fonctions2039 ou
lorsqu'un juge au tribunal de première instance voit son père se constituer partie civile dans
une cause dont la connaissance relève de la compétence du tribunal duquel il exerce ses
fonctions2040, lorsque le vice-président du tribunal de première instance voit son frère
poursuivi devant le tribunal correctionnel auprès duquel il exerce ses fonctions2041 ou enfin
lorsque le président d'un tribunal de première instance voit son fils poursuivi devant une
chambre correctionnelle de la juridiction qu'il préside2042.

De même, constitue une cause de suspicion légitime, le fait que l'épouse du requérant
soit juge d'une juridiction saisie2043 ou lorsque l'un des prévenus est l'époux de la vice-
présidente de la juridiction devant laquelle il doit comparaître2044 ou le fait que les
personnes lésées par les faits imputés au prévenu soient la fille, le mari et le fils de

2033
Cass. française, crim., 3 novembre 1995, Bull. inf. cour cass., 1er mars 1995, n° 240 ; Dr. pénal,1995,
comm. 27, obs. A. Maron; Cour de cassation belge, 23 septembre 2004, inédit, RG, C.04.372.F.
2034
Cour de cassation belge, 26 mai 1874, Pasicrisie belge, 1874, I, p.222.
2035
Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F., Larc. cass., 2001, p. 317, Pas., 2001, p. 1587 ; Cass.
française (2e ch.), 24 janvier 2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000,
P.00.1355.F., Pas., 2000, 1473.
2036
Cour de cassation belge, 19 octobre 1982, Pasicrisie belge, 1983, I, p. 245.
2037
Cass. belge (1ère ch.), 17 janvier 2002, C.01.0571.N, Pasicrisie belge, 2002, n° 39, p.189.
2038
Cass. belge (2e ch.), 10 octobre 2001, P.01.1321.F., Pas.., 2001, 1615 ; Larc. cass., 2001, p. 318 ; Dans le
même sens Cass. belge (2e ch.), 22 juin 1999, P.99.0899.N., Pas., 1999, I, 956 (le juge s'était constitué partie
civile au tribunal correctionnel) ; Cassation belge, 2 juin 1994, Pasicrisie belge, 1994, I, p. 652 (le vice-
président de la juridiction saisie s'était constituée partie civile); n° 39, p.189 Cass. belge (ch. vac.), 27 juillet
1999, Larc. cass., 1999, p. 234 ; Cass. belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771.F, Larc. Cass, 2003, p. 150 (le
requérant avait harcelé deux juges d'instruction près le tribunal de première instance) ; Cass. belge (2e ch.), 22
novembre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000, 1788 (aucun membre effectif de cette juridiction n'avait estimé
pouvoir siéger en la cause et que la partie civile y était conseiller suppléant) ; Cass. française, 16 mai 2000,
Bull. crim., mai 2000, n° 191, pp. 564-565 (le requérant avait déposé plainte avec constitution de partie civile
contre le juge d'instruction) ; Cass. belge (3e ch.), 3 décembre 2001, C.01.0517.F., Larc. cass., 2002, p. 111
(l'une des partie litigantes exerçait les fonctions de conseiller à la Cour d’appel).
2039
Cour de cassation belge, 14 novembre 1989, Pasicrisie belge, 1990, I, p.324.
2040
Cour de cassation belge, 19 février 1986, Pasicrisie belge, 1986, I, p. 763.
2041
Cour de cassation belge, 14 novembre 1990, Pasicrisie belge, 1991, I, p. 278.
2042
Cour de cassation belge, 17 juin 1986, Pasicrisie belge, 1986, I, p. 1289.
2043
Cass. belge (2e ch.), 5 novembre 1996, Pas.., 1996, I, 1081.
2044
Cour de cassation belge, 9 novembre 2011, P.11.1616.F., inédit.
732

l'auditeur du travail du même arrondissement judiciaire2045 ou la victime soit le substitut du


procureur du Roi dans un arrondissement judiciaire limitrophe et fils du procureur du Roi
compétent2046 ou aussi la victime soit le fils du Procureur général près la Cour d’appel
d'autant que la juridiction saisie est le tribunal de première instance du même ressort où
ledit magistrat occupe les plus importantes fonctions2047 ou lorsque le prévenu est poursuivi
du chef d'assassinat contre un substitut du procureur général du ressort2048 et la
circonstance que le requérant a introduit ou avait introduit des procédures contre les
organes du conseil provincial compétent en matière disciplinaire2049 ou les relations tendues
qui s’observent entre, d’une part, les membres d’une association dont font partie le
requérant ainsi que d’autres membres qui siègent au Conseil de l'Ordre des médecins ou
sont appelés à y siéger et, d’autre part, plusieurs autres membres du même Conseil2050 ou
l'un des juges est la partie demanderesse dans deux causes pendantes devant le même
tribunal2051, le fait que deux juges d’instruction du même tribunal soient victimes de
harcèlement2052, le fait que le prévenu soit le greffier en chef de la juridiction devant
connaître de son appel2053.

Ne constitue pas un dessaisissement pour cause de suspicion légitime, la demande qui


invoque des griefs étrangers à la partialité ou à l'indépendance2054, qui contient des griefs
dépourvus de précision2055 ou des suppositions téméraires relatives à l'impartialité du
tribunal2056.

Tel est le cas d'une requête qui se fonde sur des griefs critiquant l'interprétation des règles
de droit par le juge de fond2057 au motif que les juges auraient commis des erreurs de
procédure ou des applications erronées des règles de droit2058 car de telles erreurs pourraient
donner lieu à l'exercice des voies de recours et ne sauraient établir leur partialité, non plus que
faire peser sur eux un doute sur leur impartialité. De même, la seule circonstance qu'un arrêt

2045
Cass. belge (2e ch.), 23 janvier 2001, P.01.1625.F., Larc. cass., 2002, p. 150.
2046
Cass. belge (2e ch..), 10 octobre 2000, P.00.1352.N., Pas.., 2000, 1516 ; Larc. cass., 2000, p. 343.
2047
Cass., belge (2è ch.), 19 juin 2002, Journal des procès, 28 juin 2002, n° 440, p. 9.
2048
Cour de cassation belge, 3 septembre 1986, Pasicrisie belge, 1987, I, p. 20.
2049
Cass. belge (lère ch.), 29 octobre 1998, Pas., 1998, I, 1075.
2050
Cass. belge (1ère ch.), 18 janvier 2002, C.01.0550.F, Pasicrisie belge, 2002, p. 205.
2051
Cass. belge (1ère ch.), 4 mai 2000, C.00.0131.N., Pas., 2000, I, 842; Cass. belge, 1er avril 1998, Pasicrisie
belge, 1998, p. 424.
2052
Cass. belge (2e ch.), 28 mai 2003, P.03.0771.F., Rev. dr. pénal et criminologie, 2003, pp. 1312-1313 ; Cass.
belge (2e ch.), 25 juin 2003, P.03.0771, J.L.M.B., 2004, p. 333, note F. Kuty, pp. 334-336.
2053
Cour de cassation belge, 20 mai 2008, P.08.0659.N., inédit.
2054
Cass. belge (1ère ch.), 8 juin 2001, C.01.039.N., Pas., 2001, 1083 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001,
P.01.0048.F., Larc. cass., 2001, p. 68, Pas., 2001, 161 ; Cass. belge (lere ch.), 9 novembre 2000 ; C.00.0592.F.,
Larc. cass., 2000, p. 342 ; Pas., 2000, 1720.
2055
Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98 ; Cass. belge (2e ch.), 12 décembre 2001, P.01.1587.F.,
Larc. cass., 2002, p. 111 ; Cass. belge (2e ch.), 24 janvier 2001, P.01.0048.F., Pas., 2001, 161 ; Cass. belge
(1ère ch.), 9 novembre 2000, C.00.0592.F., Pas., 2000, 1720 ; Cass. belge (ch. vac.), 18 juillet 2000,
C.00.0333.F., Larc. cass., 2000, p. 246 ; Cass. belge (2e ch.), 24 mai 2000, P.00.0799.F., Larc. cass., 2000, p.
220 ; Cass. belge (2e ch.), 14 avril 1999, P.99.0444.F., Pas., 1999, I, 511 ; Cass. belge (1e ch.), 10 mai 2001,
C.01.0190.F., Pas., 2001, 819.
2056
Cass. belge (2e ch.), 6 mai 1998, Pas., 1998, I, 522 ; Larc. cass, 1998, p. 200.
2057
Cass. belge (2e ch.), 1er avril 1998, Pas., 1998, I, 424 ; Cass. belge (2e ch.), 27 janvier 1999, Pas., 1999, I, 98.
2058
Cass. française (2e ch. civ.) 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 258, pp. 217-218.
733

de la Cour Européenne des Droits de l'Homme a précédemment constaté la violation de


l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en raison de la durée excessive
d'une procédure opposant les mêmes parties devant diverses juridictions, parmi lesquelles celle
saisie, ne constitue pas un motif légitime de suspecter l'impartialité d'une juridiction2059.

Aussi, ne constitue pas une cause de suspicion légitime, la circonstance que le demandeur
serait mal apprécié au palais de justice en raison de ses activités professionnelles de son
appartenance à un mouvement politique auquel nombre de juges dudit tribunal seraient
opposés2060, qu'il aurait noué des liens d'amitié mais aussi d'inimitié avec de nombreux
magistrats2061, qu'il a étudié à l'université avec plusieurs magistrats du tribunal appelé à le
juger2062, que l'un des juges de ce tribunal serait apparenté à un huissier de justice contre lequel
il avait porté plainte dans le passé2063, que l'accusé a exercé pendant plus de trente ans la
profession d'avocat dans le ressort de la Cour d’appel appelée à procéder à sa mise en
accusation2064, la circonstance que certains membres du Conseil de l'Ordre qui avaient rendu
précédemment une sentence soient amenés à connaître des nouvelles poursuites disciplinaires
diligentées contre le requérant2065 et le grief qui procède à une discrimination fondée sur le
sexe, le demandeur mettant en cause l'aptitude de tout magistrat féminin à le juger2066, la
circonstance que le tribunal de commerce n’aurait pas fixé les délais pour conclure
conformément aux délais proposés de commun accord par les parties ni du contexte dans lequel
cela s’est passé selon les demandeurs2067, lorsque les requérants ne démontrent pas que le
prétendu défaut d’impartialité et d’indépendance existe dans le chef de tous les juges du
tribunal dont le dessaisissement est demandé2068, la circonstance que les membres du Conseil
de l’Ordre adressent une lettre au président de la commission médicale permanente, attirant son
attention sur l’état de santé d’un médecin paraissant de nature à compromettre son aptitude à
exercer à l’art de guérir2069. Dans le même ordre d'idées, la seule appartenance des victimes à
l'ordre judiciaire ne saurait disqualifier le ressort où les faits ont été commis, puisque le renvoi
de la cause dans un autre ressort laisserait cette appartenance intacte2070 ou le fait d'avoir été
condamné par le tribunal ne peut pas davantage donner ouverture à suspicion légitime à l'égard
de l'ensemble des membres de ce tribunal2071.

2059
Cass. française (2ème ch. civ.), 27 mai 2004, Bull. civ., mai 2004, n° 259, pp. 218-219.
2060
Cass. belge, 31 mai 2000, RGP.00.829.F.
2061
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 693.
2062
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
2063
Cass. belge, 19 mars 1996, Pas., 1996, I, p. 243.
2064
Cass. belge, 8 mars 1989, Pas., I, 693.
2065
Cass. belge (lere ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F., Larc. cass., 2002, p. 193.
2066
Cass. belge (2e ch.), 10 septembre 2003, P.03.1239.F., Larc. cass., 2003, p. 180.
2067
Cass. belge (ch. vac.), 13 juillet 2004, C.04.0258.N., Larc. cass., 2004, p. 240; Cass. belge, 10 septembre
2003, Pasicrisie belge, 2003, n° 425.
2068
Ibidem.
2069
Cass. belge (1ère ch.), 15 mars 2002, C.02.0028.F, Pasicrisie belge, 2002, 739.
2070
Cour de cassation belge, 30 juin 2010, RG P.10.10.1072.F., Pasicrisie belge, 2010, n° 474; JLMB, 2011, p.
115.
2071
Cour de cassation belge, 27 octobre 2010, RG P.10.1619..F., Pasicrisie belge, 2010, n° 642.
734

De même, l'accumulation d'éléments ne constitue pas une garantie en vue d'établir le


grief de suspicion légitime d'une juridiction. Ainsi, un requérant mettait en doute
l'impartialité du tribunal de commerce de Furnes en invoquant qu'il avait prononcé la
faillite de la requérante à tort et en violation de ses droits élémentaires (cette faillite ayant
ensuite été annulée par la Cour d'appel de Gand), que la responsabilité du curateur que le
tribunal avait nommé était établie, que le tribunal avait remis plusieurs fois l'instruction de
la cause, à chaque reprise, sans motif légitime et que la requérante qui comparaissait en son
nom propre devant le tribunal avait été intimidée par le président du tribunal de commerce
au cours d'instance. La Cour de cassation belge a successivement balayé ces griefs en
indiquant que le président du tribunal de commerce de Furnes n'était pas impliqué dans la
faillite qui avait été prononcée, que la responsabilité du curateur ne constituait pas un motif
suffisant pour dessaisir le tribunal de commerce qui l'avait désigné, que les différentes
remises de la cause n'indiquaient pas en l'espèce qu'il y aurait une instruction anormale de
la cause et que les intimidations alléguées n'étaient pas prouvées. Elle conclu que cette
accumulation de données n'était pas de nature à inspirer à l'opinion publique une suspicion
légitime quant à l'aptitude du tribunal à connaître de la cause2072.

La jurisprudence française même si elle s'inspire des causes de récusation en matière civile,
elle a généralement les mêmes enseignements que la jurisprudence belge. Ainsi, constitue une
suspicion légitime, les circonstances que le premier président de la Cour d’appel était partie
dans un litige pendant cette Cour2073. La Cour de cassation française a admis que lorsqu'il
existe une cause de récusation à l'encontre du président de la juridiction, cette cause est
susceptible de rejaillir sur l'ensemble des magistrats composant la juridiction en raison de
l'autorité hiérarchique de ce magistrat2074.

Le doute manifesté par un plaideur au sujet de l'impartialité des juges composant une
juridiction constitue une manifestation très grave que seuls peuvent justifier des motifs
particulièrement sérieux et pertinents, à l'exclusion de l'injuste rancœur ou des soupçons
imprécis de suspicion légitime. Il s'ensuit que la requête est rejetée si le demandeur indique
qu'il ne met pas en doute l'impartialité des juges2075. Il en est ainsi de la simple allégation,
imprécise et non justifiée d'un prétendu climat défavorable au requérant, lequel se plaint de
décisions d'expulsion intervenues à son encontre, du refus d'octroi du bénéfice de l'assistance
judiciaire2076, la simple allégation d'une animosité dont le demandeur serait victime de la part
des magistrats d'une Cour d’appel dès lors qu'aucune preuve n'est rapportée2077, d'appréhension

2072
Cour de cassation belge (1 ère chambre), 4 mars 2005, Pasicrisie belge, 2005, n° 538, voyez spécialement F.
HENRY, Les procédures de récusation et de dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 104,
pp.103-104.
2073
Cass. française (2e ch. civ.), 31 janvier 1958, J.C.P., 1958, éd. G, IV, 34 ; Cass. française (2e ch.), 24 janvier
2002, Bull. civ., 2002, n° 7, pp. 5-6. Dans le même sens Cass. belge (1ère ch.), 5 octobre 2001, C.01.0325.F.,
Pas., 2001, p. 1587 ; Larc. cass., 2001, p. 317 ; Cass. belge (2e ch.), 4 octobre 2000, P.00.1355.F., Pas., 2000,
1473.
2074
Cour de cassation française (2 ème chambre civile), 24 janvier 2002, n° 00-01224; Douai, 4 mai 2011, Droit
et procédure 2012/5, 128, note L. Mongin-Archambeaud.
2075
Cass. française (2e civ.), 3 juillet 1977, Bull. civ., II, n° 145.
2076
Cass. française (2e civ.), 7 mai 1965, Bull. civ., II, n° 414.
2077
Cass. française (2e civ), 19 mars 1980, Gaz. Pal., 1980, 2, p. 548, note Viatte.
735

sans fondement sérieux2078, d'un climat favorable à l'adversaire régnant dans la ville et dont les
magistrats de cette ville pourraient difficilement se dégager2079, les vantardises de l'adversaire au
sujet de son influence auprès des membres du tribunal2080, le rejet, des réclamations
injustifiées2081, l'octroi réitéré de remises sollicitées par l'adversaire2082.

Comme nous l’avons souligné, en Belgique, les causes de suspicion légitime ne sont pas
énumérées par la loi, de même en France, le Code de procédure pénale n'a pas énuméré les
causes de suspicion légitime mais le Code de procédure civile prévoit que ce sont les mêmes
causes de récusation qui constituent les causes de renvoi pour suspicion légitime. En
conséquence, en matière civile, la suspicion légitime suppose en principe, l’existence d’une
cause de récusation à l’encontre de tous les membres de la juridiction concernée2083.

La jurisprudence s'est révélée parfois surprenante en France. Tel est le cas de soutenir qu'est
insuffisante pour entraîner une suspicion légitime un climat défavorable à la sérénité des
juges2084, le ressentiment que pourrait éprouver une partie à l'égard du tribunal dont il a dénoncé
certains agissements au garde des sceaux et à la presse2085, la requête présentée par un homme
d'affaires dont l'inscription sur la liste des conseils juridiques a été refusée, faisant état de ce que
plusieurs personnes, ayant eu recours à ses conseils auraient perdu leur procès et de ce que les
juges d'appel auraient souligné dans un arrêt son manque de connaissance juridique2086.

Nous pensons que ces éléments pourraient à ce jour mettre en doute l'impartialité des
membres du tribunal. En effet, lorsque la sérénité des juges fait défaut, on voit mal comment une
juridiction peut juger en toute indépendance et impartialité. Il en est de même de celui qui a
dénoncé les agissements des membres du tribunal au garde des sceaux et à la presse dès lors que
ces derniers risqueraient d'être juge et partie. Enfin, il nous semble qu'une juridiction qui a
souligné dans son arrêt que le requérant n'avait pas de connaissance juridique dans sa profession
de conseil juridique, aurait une opinion négative sur l'une des parties. Dans tous les cas, ces
éléments seraient en violation de l'impartialité subjective ou personnelle. Ceci montre que la
suspicion légitime en droit interne est restrictive que l’impartialité subjective ou personnelle
telle que prônée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg.

2078
Cass. française (2e civ.), 26 novembre 1964, Bull. civ., II, n° 768.
2079
Cass. française (2e civ.), 17 juin 1970, Bull. civ., II, n° 214.
2080
C.A. Paris, 11 mai 1938, Gaz. Pal., 1938, 2, p. 130.
2081
Cass. française com., 26 janvier 1948, J.C.P., 1948, éd. G. IV, 46.
2082
Cass. française (2e civ.), 28 janvier 1954, Bull. civ., II, n° 34.
2083
Cour d’appel Poitiers, 13 mai 1980, Gazette du Palais, 1980, 465, obs. A.D. ; Cour d’appel Versailles, 28
mai 1991, Cahier prud’homal, 1992, 4, p. 61.
2084
Cass. française (2e civ.), 14 mars 1963, Bull. civ., II, n° 256.
2085
C.A. Aix, 14 mars 1965, J.C.P., 1965, éd. A, IV, 2518.
2086
Cass. française (2e civ.), 4 juin 1973, Bull. civ., II, n° 189 ; Dans la même affaire Cass. française (2e civ.), 23
janvier 1974, Bull. civ., II, n° 39 ; Cass. française (2e civ.), 12 avril 1976, Bull. civ., II, n° 118.
736

IV. Procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime

Le renvoi d’une affaire de l’une à l’autre juridiction pour cause de suspicion légitime est
une importante décision sur le plan des règles d’organisation et de compétence judiciaires. Il a
en effet pour résultat de provoquer une prorogation (extension, dérogation, exception) de la
compétence de la juridiction de renvoi et de soustraire une partie à son juge naturel. Nous
aborderons la juridiction compétente (1), les modalités d'introduction de la demande (2), le
moment de la demande (2), les éléments probants de la demande (3), le déroulement de
l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime (4), les voies de recours (5),
les sanctions applicables (6) et les effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion
légitime (7).

1. Juridiction compétente

Une décision de renvoi pour cause de suspicion légitime est en général l’œuvre d’une
juridiction directement supérieure à celle suspectée de partialité. Il est en effet difficile
d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction saisie du
litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.

Ainsi, le tribunal de grande instance est compétent si c’est le tribunal de paix de son
ressort qui est mis en cause ; la Cour d’appel est compétente si c’est le tribunal de grande
instance de son ressort qui est visé ; la Cour de cassation est compétente lorsque c’est la Cour
d’appel qui est mise en cause2087. Aussi, la Cour de cassation peut, pour les mêmes causes
renvoyer la connaissance d'une affaire d'une juridiction du ressort d'une Cour d'appel à une
juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour d'appel2088. Par exemple, la Cour de
cassation peut renvoyer la connaissance d'une affaire du tribunal de grande instance de Goma
au profit du tribunal de grande instance de Bukavu ou de Kindu étant donné que les trois
juridictions se trouvent dans trois ressorts des cours d'appel différentes (cours d'appel de
Bukavu, Goma et Kindu).

La loi semble avoir oublié les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail et les
tribunaux pour enfants; en toute logique, c'est la Cour d'appel du ressort qui sera compétente
pour renvoi de l'une ou l'autre juridiction. Pour éviter les difficultés d'application de cet
éventuel renvoi concernant ces juridictions, il serait souhaitable d'introduire rapidement un
amendement pour corriger cet oubli. Mais en attendant cette correction législative, une
circulaire dans ce sens devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation.

2087
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977,
p. 5; articles 60 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2088
Articles 60 alinéa 3 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
737

Une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime contestant l'existence même
d'une juridiction serait irrecevable. La Cour suprême de justice est incompétente pour statuer
sur les mérites d’une requête en renvoi pour cause de suspicion légitime d’une cause pendante
devant un tribunal de grande instance à un autre tribunal de grande instance du même ressort
étant donné que cela relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel2089. De même, la
Cour d’appel est incompétente de connaître le renvoi pour cause de suspicion légitime d’un
tribunal de paix à un autre tribunal de paix. Relevons qu’aucune cause de suspicion légitime
ne peut être soulevée contre la Cour de cassation, Conseil d’Etat et Cour constitutionnelle
compte tenu du fait qu’aucune juridiction supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une
demande éventuelle de renvoi.

2. Modalités d'introduction de la demande

L’article 61 alinéas 1 à 5 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant


organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire déclare :
"La requête aux fins de renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut
être présentée, soit par le Procureur général près la Cour de cassation, soit par l’officier du
ministère public près la juridiction saisie.
Pour cause de suspicion, la requête peut également être présentée par les parties. Elle est
introduite par écrit.
La juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la requête.
Sur la production d’une expédition de cet acte par le ministère public ou par la partie la plus
diligente, la juridiction saisie quant au fond sursoit à statuer.
La date d’audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires.

Comme on le voit, la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime peut être
présentée par écrit soit par le ministère public (le Procureur général près la Cour de cassation
ou l’officier du ministère public près la juridiction saisie) soit par les parties devant la
juridiction qui doit connaître la procédure2090. Dans la pratique, il est très rare que la requête
de renvoi pour cause de suspicion légitime soit présentée par le ministère public. Lorsqu'elle
est présentée par les parties, une requête de renvoi de juridiction pour une cause de suspicion
légitime peut être irrecevable pour défaut de qualité, lorsqu'elle porte la signature illisible
d’un avocat non identifié et non muni de procuration spéciale pouvant établir qu’il a été
mandaté pour ce faire2091.

Sous peine d'irrecevabilité, la demande de suspicion légitime doit indiquer la juridiction


suspectée de partialité. Il en est ainsi lorsque la requête ne vise pas l'ensemble des magistrats

2089
Cour suprême de justice, 19 août 1983, R.R.29, in DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de
la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion
légitime, n° 28, p. 201.
2090
Article 61 alinéas 1 et 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2091
Cour suprême de justice, 27 février 1987, Op. c/ Christian et Cour d’appel de Kinshasa, RR 109, Revue
juridique du Zaïre, 1987, p. 107.
738

composant le tribunal saisi mais seulement les membres composant une des chambres ou
une des sections ou une des formations. Dans cette hypothèse, seule la récusation est
possible.

De même, la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime doit, à peine


d'irrecevabilité, viser l'ensemble de juges ou conseillers composant la juridiction et non
seulement certains d'entre eux. Ainsi, la demande est irrecevable lorsqu'elle est fondée sur
les griefs imputés non à la juridiction saisie, mais à des personnes étrangères à cette
juridiction qu'il s'agisse d'un membre du ministère public, d'un membre du greffe, des
officiers de police judiciaire, des autorités de police ou de l'Armée ou des services de
renseignements.

Les requêtes qui concernent une cause dont la juridiction incriminée n'est pas encore
saisie ou est déjà dessaisie ou qui concernent uniquement un juge au lieu de tous les juges de
l'ensemble de la juridiction seront irrecevables. Il en est de même lorsque la juridiction dont le
dessaisissement est demandé, n'est pas saisie d'une cause intéressant le requérant ou
lorsqu'une requête contient des critiques à l'égard de certains membres de la juridiction sans
démontrer que ces critiques peuvent concerner l'ensemble des magistrats qui la composent.

La juridiction saisie ne requalifie pas de requête en récusation la requête de renvoi pour


cause de suspicion légitime dont elle est saisie quand elle conclut que les griefs ne concernent
qu'un ou plusieurs magistrats déterminés. De même, la juridiction saisie de la requête de
suspicion légitime ne peut pas la requalifier en récusation.

3. Moment de la demande

La loi n'a pas dit de manière ferme le moment où l'on doit soulever la suspicion légitime.
Nous pensons qu'il s'agit du même moment que pour la récusation c'est à dire avant la clôture
des débats. Il nous semble évident que la requête ne peut pas être reçue après la prise en
délibéré.

4. Eléments probants de la demande

Comme pour la récusation, la requête aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime
doit s'appuyer sur des faits précis et probants. La demande de renvoi doit être articulée sur
les faits probants et précis qui, s'ils semblent être exacts, peuvent faire naître une suspicion
légitime quant à la stricte impartialité qui est présumée exister dans le chef de tous les
magistrats composant la juridiction dont le demandeur a demandé le renvoi. Ces faits ne
doivent pas être des suppositions relatives à la partialité du tribunal. Ainsi en est-il lorsque
la requête se fonde sur la supposition subjective d'une inimitié, au sujet de laquelle le
demandeur omet d'indiquer dans quelle mesure elle existerait dans le chef de tous les
magistrats qui composent une juridiction.
739

Le demandeur doit démontrer en quoi l'impartialité de toute la juridiction est suspectée, en


d'autres termes, le caractère légitime du soupçon affectant l'impartialité de la juridiction dans
son ensemble. Ainsi, la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime sera irrecevable s'il
n'indique pas dans quelle mesure la partialité supposée existerait dans le chef de tous les
magistrats composant la juridiction saisie, sur de simples suppositions, hypothèses,
possibilités ou probabilités quant à la prétendue partialité du tribunal, sur des éléments
invérifiables, non probants ou imprécis ou sur des faits dont le justiciable donne une
interprétation purement hypothétique. Il en est ainsi lorsque la requête se fonde sur des griefs
imprécis ou si elle ne se fonde pas sur des éléments vérifiables qui permettraient de
contester la présomption d'impartialité à l'égard de l'ensemble des magistrats composant la
juridiction concernée. Ainsi, une requête qui invoque des griefs qui reposent que sur
l'hypothèse de la partialité des juges, sans indiquer dans quelle mesure la partialité supposée
existe dans le chef de tous les magistrats composant le tribunal dont le demandeur sollicite le
dessaisissement, est irrecevable.

Il est requis que les causes de suspicion légitime soient sérieuses, à la fois graves et
précises pour faire craindre que la juridiction dont le dessaisissement a été demandé ne
décide qu'avec partialité et en considération d'un intérêt personnel relatif à un ou plusieurs
membres2092. De même, ne peuvent constituer une cause de suspicion légitime, des
allégations vagues de haine ou d'inimitié entre les juges et une partie au procès et ne
reposant sur aucune preuve2093.

5. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

a) Déroulement de l'audience

Lorsque la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime été introduite, les parties
sont invitées à présenter chacune leurs moyens. Avant d’y statuer, la juridiction siégeant en
cette matière donne au requérant acte de dépôt de sa requête2094. Si c’est le tribunal de grande
instance qui est suspecté de partialité, celui-ci ne peut surseoir à statuer qu’au vu de l’arrêt du
donner acte de cette requête rendue pour la Cour d'appel; si c’est la Cour d’appel qui est

2092
Cour suprême de justice, 21 septembre 1972, K.MW. c/M.P., in Revue juridique du Zaïre, 1972, p. 173 ; C.S.J.,
19 février 1993, M. et crts c/ C.A. Kin/Gombe et C.R.P., RR 169, Revue juridique du Zaïre, janvier à
décembre 1995, n° 1-3, p. 34.
2093
Cour suprême de justice, 28 décembre 1976, R.R.3, Bull. 1977, p. 202 ; Cour suprême de justice, 30 juillet
1980, R.R.7 ; Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, R.R.6 ; Cour suprême de justice, 13 février 1982,
R.R.13 ; in DIBUNDA, K. MP, Répertoire général de jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-
1985, Kinshasa, éd. C.P.D.Z., 1990, pp. 200 à 203 ; Cour d’appel de Bukavu, 15 décembre 1986, Veuve
Thomba Fariala c/tribunal de grande instance de Kindu, R.S.L.030, inédit ; Cour d’appel de Bukavu, 29
novembre 1988, Mbayu Ndeko c/tribunal de grande instance de Bukavu, R.S.L.038, inédit ; Cour suprême de
justice, 24 février 1989, R.R.140, Mb. c/Mr et Mme C., Revue juridique du Zaïre, 1989, n° 1-2 et 3, p. 40 ;
Cour suprême de justice, 3 septembre 1980, RR 6, in DIBUNDA, op. cit., n° 17, p. 201.
2094
Cour suprême de justice, 2 février 1982, R.R.15 ; Cour suprême de justice, 15 février 1982, R.R.16, in
DIBUNDA M., Répertoire général de la jurisprudence de la Cour suprême de justice 1969-1985, Kinshasa,
Ed. C.P.D.Z., 1990, V. Renvoi pour cause de suspicion légitime, n° 26, p. 201 ; Cour suprême de justice, 7
septembre 2003, B. contre Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, RR 393, RAJC, vol. VIII, janvier à décembre
2003, fascicule unique, pp. 9-10, note Dibunda ; T.G.I. Mbuji-Mayi, 9 avril 2001, N. c/ M., RPA 362/TGI,
RAJC, janvier à décembre 2001, vol. IV, pp. 43-44.
740

suspectée, celle-ci ne peut surseoir à statuer qu’au vu de l’arrêt ou donner acte de cette requête
rendue pour la Cour suprême de justice2095 (Cour de cassation).

Cela signifie que la seule demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ne suspend
pas automatiquement la procédure pendante devant la juridiction suspectée de partialité. Ce
n'est que lorsque la juridiction supérieure saisie de la requête a donné acte que la juridiction
suspectée doit sursoir à statuer. Mais en attendant le donné acte, la procédure continuera son
cours devant la juridiction suspectée de partialité. Et pendant ce temps, les esprits malicieux
peuvent profiter de ce véritable vide pour accélérer la procédure devant la juridiction
suspectée en amenant cette juridiction à se prononcer sur le fond et vider ainsi le contentieux
en instance et rendant en conséquence, sans objet la demande de renvoi pour cause de
suspicion légitime. C'est ainsi que la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est
considérée sans objet lorsque la juridiction mise en cause a rendu la décision vidant le fond du
litige avant l’examen de la requête par la Cour suprême de justice2096ou avant même que la
Cour suprême de justice n’ait examiné le bien-fondé de la demande, la Cour d’appel suspectée
de partialité a statué dans la cause en déclarant l’appel irrecevable2097.

Il s'avère donc impérieux aux juridictions saisies de la requête de renvoi pour cause de
suspicion légitime d'agir dans la célérité en donnant acte rapidement afin d'empêcher certains
avocats véreux à se détourner de la volonté du législateur.

La date d'audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires. Cela signifie que la procédure est contradictoire, ce qui implique l'audition des
témoins en cas de nécessités ou production de tout moyen de preuve. Les débats se déroulent
de la manière suivante :
1. le requérant expose ses moyens ;
2. la partie adverse présente ses observations ;
3. le ministère public donne son avis s’il échet ;
4. le tribunal clôt les débats et prend l’affaire en délibéré2098.

b) Décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

La décision sur la requête est rendue dans la huitaine de la prise en délibéré de l’affaire.
Lorsque la juridiction supérieure a décidé du renvoi, une expédition du jugement ou de l’arrêt
de renvoi est transmise, tant au greffe de la juridiction saisie qu’au greffe de la juridiction à

2095
Cour suprême de justice, 16 juin 1982, RC 545, in DIBUNDA M., op. cit., n° 23, p. 201; Cour d’appel de
Kinshasa, 3 avril 1987, RCA 13.128 ; KATUALA KABA KASHALA., Code judiciaire zaïrois annoté,
Kinshasa, éd. Asyst, 1995, p. 34.
2096
Cour suprême de justice, 14 novembre 1980, R.R.8 ; Cour suprême de justice, 18 mai 1984, R.R.32, in
DIBUNDA M., op. cit., n° 18, p. 201 ; Cour suprême de justice, 17 juillet 1992, Mw c/H, RR 163, Revue
juridique du Zaïre, p. 22.
2097
Cour suprême de justice, 13 mai 1981, R.R.10, in DIBUNDA M., op. cit., n° 19, p. 201.
2098
Article 61 alinéas 5 et 6 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
741

laquelle la connaissance de l’affaire a été renvoyée2099. Cette décision s'impose aux parties et
au juge de renvoi.

Lorsque la juridiction saisie de la requête rejette celle-ci en la déclarant non fondée, les
parties doivent revenir devant le juge saisie du fond de leur affaire aux fins de poursuivre
l'instance jusqu'à la décision finale, si entretemps, aucune autre cause ne vient perturber son
déroulement ou l'interrompre.

Comme on le voit, la décision renvoi pour cause de suspicion légitime s'explique par la
nécessité de préserver l'impartialité des cours et tribunaux. Le mécanisme de renvoi a ainsi
été conçu comme un instrument de l'impartialité de la décision à intervenir.

6. Voies de recours

Les décisions rendues en matière du renvoi pour cause de suspicion légitime ne sont pas
susceptibles ni d’opposition ni d’appel2100. Cela signifie que la procédure par défaut n'est pas
admise lors de l'examen de la requête par la juridiction saisie.

7. Sanctions applicables

L'article 62 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que si la requête
aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime est déclarée non fondée, la juridiction
suspectée peut, après avoir appelé le requérant, le condamner à l’amende prévue à l’article 53
de la loi organique susvisée sans préjudice des dommages-intérêts envers les juges composant
la juridiction mise en cause. Selon l'article cité, il s'agit de la même amende prévue pour le cas
de récusation, c'est-à-dire de cinq cent mille francs congolais (équivalent à 500 $). En réalité,
l'esprit du législateur voulait dire que l'amende peut aller jusqu'à l'équivalent de 500 $, ce qui
signifie qu'elle sera prononcée en tenant compte de du revenu du demandeur pour cause de
suspicion légitime. En clair, un villageois de Walikale ou Jomba (Province du Nord-Kivu) ou
de Luvungi (Province du Sud-Kivu) ou de Kasumbalesa (Province du Katanga) qui n'a pas de
revenu suffisant dont la demande de suspicion légitime a été rejetée, peut être condamné par
exemple à l'amende de 5 $, 10 $, 20 $, 50 $; pourvu qu'elle ne dépasse pas 500 $. Une
circulaire devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de cassation afin
de clarifier ces précisions. En Belgique, la partie qui utilise cette procédure à des fins
manifestement dilatoires ou abusives peut être condamnée à une amende de 15 à 2.500 euros
sans préjudice des dommages et intérêts2101.

2099
Article 61 alinéa 7 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2100
Article 61 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2101
Article 780 bis du Code judiciaire belge; voyez également F. HENRY, Les procédures de récusation et de
dessaisissement, Bruxelles, éd. Larcier, 2009, n° 82, p.85. L'article 545, alinéa 2 et 3 du Code d'instruction
criminelle fixe l'amende de 125 à 2.500 euros, Voyez M.-A BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, éd. La Charte, 2014, 1529.
742

L'ancien Code d'organisation et compétence judiciaires n'avait pas prévu des amendes
pénales à l’encontre du demandeur d’une requête téméraire et vexatoire en matière de
suspicion légitime, la nouvelle loi vient ainsi de corriger cette lacune2102. D’ailleurs,
jusqu'avant la promulgation de cette loi organique, la Cour suprême de justice congolaise s’est
déclarée incompétente pour statuer sur les mérites d’une demande en réparation du préjudice
causé par une requête en renvoi pour cause de suspicion légitime introduite à la légère et pour
des fins purement dilatoires2103.

Désormais, les requêtes aux fins de renvoi pour cause de suspicion faites à la légère ou
dans le but de retarder l'issue du procès seront punies non seulement des amendes de cinq cent
mille francs congolais mais aussi avec la possibilité d'être condamné au payement des
dommages-intérêts envers les juges composant la juridiction mise en cause ou les parties qui
s'estiment lésés par ce retard du procès. Ces amendes et dommages et intérêts qui sont
effectifs ont pour but de décourager ceux qui voudraient salir inutilement l’image des juges et
la crédibilité des juridictions par des demandes de suspicion légitime dilatoires et vexatoires
susceptibles de retarder l’issue du procès.

La loi organique susvisée n'a prévu la condamnation aux dépens de l'instance de la partie
succombante mais comme pour la récusation, nous pensons que lorsque la requête de renvoi
pour cause de suspicion légitime est rejetée, le requérant pourra être condamné au payement
des frais d'instance. Si la requête a été introduite par le ministère public, aucune
condamnation aux dépens n'est possible contre lui. Mais si la requête est jugée fondée, les
frais d'instance devraient être à charge du trésor car il est pratiquement inconcevable de
condamner la juridiction suspectée de partialité.

8. Effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime

Si la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est jugée fondée, comme pour la
récusation, la juridiction directement supérieure statue sur tous les actes qui ont été pris par la
juridiction suspectée de partialité. Ainsi, les actes accomplis par une juridiction ne présentant
pas les garanties d’impartialité doivent être annulés étant donné qu'ils sont considérés comme
irréguliers et écartés des débats, lesquels sont, après suspicion légitime repris ab initio par la
juridiction désignée.

Si la requête de renvoi pour cause de suspicion légitime est jugée non fondée, la
procédure de l'affaire se poursuivra devant la juridiction qui était suspectée de partialité mais
le demandeur de suspicion légitime pourra être condamnée à une amende de cinq cent mille
francs congolais avec la possibilité d'être condamné au payement des dommages-intérêts
envers les juges composant la juridiction mise en cause.

2102
Il s'agit de la proposition qui avait été faite par le Professeur Télesphore KAVUNDJA lors de la conception
de projet de cette loi en Juillet 2006 à la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais.
2103
Cour suprême de justice, 3 février 1982, R.R.13, in DIBUNDA M, ibidem, n° 22, p. 201.
743

La décision qui a rejeté une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ne fait pas
obstacle à l'introduction d'une nouvelle demande de renvoi pour cause des faits survenus après
le prononcé de la décision (si la première demande a été soit irrecevable, soit non fondée).
Néanmoins, une nouvelle demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est irrecevable
si elle invoque les mêmes faits que la précédente.

§ 2. Le renvoi pour cause de sûreté publique

I. Notions

Il est prévu par les articles 60 à 61 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire. En
effet, il y a renvoi pour cause de sûreté publique lorsque les juges d’une juridiction sont loin
d’un procès serein et se sentent gravement menacés dans leur sécurité personnelle et dans leur
indépendance et afin de sauvegarder leur impartialité, la juridiction supérieure les dessaisit au
profit d’une autre de la même nature, du même degré et en principe du même ressort.

II. Causes de sûreté publique

Les causes de renvoi pour cause de sûreté publique ne sont pas indiquées ou définies par
la loi, c’est au juge saisi de la requête de renvoi qu’appartient de décider souverainement pour
chaque cas d’espèce. Mais cette requête est souvent consécutive aux réactions vives, violentes
et parfois passionnées de l’opinion publique à propos d’un procès engagé devant une
juridiction au point de perturber l’ordre public: émeutes ou troubles sociaux, désordres,
agitations ou passions politiques.

Il est admis que la sûreté publique évoque l'ordre et plus précisément la sauvegarde de
l'ordre public. Concrètement, la circonstance de la sûreté publique se rapporte à des situations
d'une particulière gravité. Il n'y est fait recours que lorsque la poursuite de la procédure peut
conduire localement à des troubles sérieux à l'ordre public ou susciter des mesures
immédiates et précises à la sécurité des magistrats et des fonctionnaires de justice, ainsi qu'à
celle du Palais de justice et des établissements pénitentiaires. Le renvoi pour cause de sûreté
publique est admis par exemple si le procès est de nature à entrainer des scènes de désordre ou
des tentatives d'évasion concrètes2104.

Le renvoi pour cause de sûreté publique est sollicité lorsqu’il y a lieu de craindre que la
tranquillité publique puisse être compromise si la cause devait être jugée par la juridiction qui
en est saisie et, par voie de conséquence, sur son impartialité. Il vise à garantir l'impartialité
en cas de troubles graves dans la société risquant de mettre en péril la bonne administration
de la justice, au sein de la juridiction originairement saisie. Il s’étend également à la menace
qui pèse sur l’indépendance de la juridiction saisie2105, la sécurité des juges2106 et par voie de

2104
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 99, p. 93.
2105
W. DUJARDIN, « Des règlements de juges et de renvois d’un tribunal à un autre », Les novelles, Procédure
pénale, t. II, vol. II, Bruxelles, Larcier, 1949, n° 155.
744

conséquence, sur leur impartialité. Le renvoi pour cause de sûreté publique est accueilli
lorsqu'il y a lieu de craindre que l'impartialité de la décision judiciaire puisse souffrir de
l'influence des passions locales sur la tranquillité et la sécurité publiques2107.

Cette procédure a pour but d’éviter que le contenu de la décision judiciaire prononcée
dans un climat de trouble et d’atteinte à la tranquillité et à la sécurité publique ne puisse pas
être influencé par des considérations étrangères à une administration impartiale et sereine de
la justice. Les nécessités de la sûreté publique se font sentir lorsque l’indépendance et
l’impartialité des juges sont menacées de manière directe ou indirecte.

Les circonstances de renvoi pour cause de sûreté publique se fondent notamment sur la
nécessité de maintenir la sécurité publique ou de préserver les magistrats de l’état de guerre
ou de risque d’émeute, de violences, de désordres, de troubles et d’intimidation, etc. C’est
lorsque notamment la chambre du conseil avait été envahie, des débats interrompus, les juges
contraints de se réfugier dans un autre local, les serrures avaient été brisées, le président avait
été outragé ; de nouveaux troubles étaient à craindre2108. Cette procédure est rare dans la
pratique judiciaire.

III. Procédure de renvoi pour cause de sûreté publique

1. Juridiction compétente

Une décision de renvoi pour cause de sûreté publique est en général l’œuvre d’une
juridiction supérieure à celle dont le trouble empêche le fonctionnement normal. Il est en effet
difficile d’envisager une solution contraire consistant à rendre compétente soit la juridiction
saisie du litige, soit une autre de la même nature et du même degré qu’elle.

Ainsi, le tribunal de grande instance est compétent si c’est le tribunal de paix de son
ressort qui est mis en cause ; la Cour d’appel est compétente si c’est le tribunal de grande
instance de son ressort qui est visé ; la Cour de cassation est compétente lorsque c’est la Cour
d’appel qui est mise en cause2109. Aussi, la Cour de cassation peut, pour les mêmes causes
renvoyer la connaissance d'une affaire d'une juridiction du ressort d'une Cour d'appel à une
juridiction de même rang du ressort d'une autre Cour d'appel2110. Par exemple, la Cour de
cassation peut renvoyer la connaissance d'une affaire du tribunal de grande instance de Goma
au profit du tribunal de grande instance de Bukavu ou de Kindu étant donné que les trois
juridictions se trouvent dans trois ressorts des cours d'appel différentes (cours d'appel de

2106
S. GUINCHARD, Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 8 ème éd. Dalloz, 2014-2015, n° 353.161,
p. 1164.
2107
F. KUTY, L'impartialité du juge en procédure pénale. De la confiance décrétée à la confiance justifiée.
Bruxelles, éd. Larcier, 2005, p. 231.
2108
Cour de cassation française, requête, 17 décembre 1946, JCPA 1947, IV, 672.
2109
Cour suprême de justice, 14 janvier 1976, R.R.2, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, 1977,
p. 5; articles 60 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2110
Articles 60 alinéa 3 et 98 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
745

Bukavu, Goma et Kindu). Mais, la Cour d’appel est incompétente de connaître le renvoi pour
cause de sûreté publique d’un tribunal de paix à un autre tribunal de paix.

La loi semble avoir oublié les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail et les
tribunaux pour enfants; en toute logique, c'est la Cour d'appel du ressort qui sera compétente
pour renvoi de l'une ou l'autre juridiction. Pour éviter les difficultés d'application de cet
éventuel renvoi concernant ces juridictions, il serait souhaitable d'introduire rapidement un
amendement pour corriger cet oubli. Mais en attendant cette correction législative, une
circulaire dans ce sens devrait être prise rapidement par le Premier président de la Cour de
cassation.

Relevons qu’aucune cause de sûreté publique ne peut être soulevée contre la Cour de
cassation, Conseil d’Etat et Cour constitutionnelle compte tenu du fait qu’aucune juridiction
supérieure n’existe pour pouvoir statuer sur une demande éventuelle de renvoi.

2. Modalités d'introduction de la demande

L’article 61 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,


fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire déclare :
"La requête aux fins de renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut
être présentée, soit par le Procureur général près la Cour de cassation, soit par l’officier du
ministère public près la juridiction saisie.
La juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la requête.
Sur production d’une expédition de cet acte par le ministère public ou par la partie la plus
diligente, la juridiction saisie quant au fond sursoit à statuer.
La date d’audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et délais
ordinaires.

En général, la requête de renvoi pour cause de sûreté publique est présentée uniquement par
le Procureur général près la Cour de cassation ou le ministère public près la juridiction saisie
afin de solliciter son dessaisissement au profit d'une autre de la même nature et même degré
(article 61 alinéa 1 de la loi organique). En principe, seules les parties ne peuvent saisir
directement la juridiction supérieure pour le renvoi pour cause de sûreté publique mais elles
peuvent solliciter le concours du ministère public afin que celui-ci saisisse la juridiction
supérieure pour un tel renvoi de la juridiction concernée.

3. Moment de la demande

La loi n'a pas dit de manière ferme le moment où l'on doit soulever la requête de renvoi
pour cause de sûreté publique. Nous pensons qu'il s'agit du même moment que pour la
récusation ou la suspicion légitime c'est à dire avant la clôture des débats. Il nous semble
évident que la requête ne peut pas être reçue après la prise en délibéré surtout que cette
procédure est consécutive notamment à des troubles qui empêchent la juridiction saisie de
statuer dans la sérénité.
746

4. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause sûreté publique

a) Déroulement de l'audience

Lorsque la requête de renvoi pour cause de sûreté publique a été introduite, la juridiction
saisie de la demande de renvoi donne acte de dépôt de la requête. Si c’est le tribunal de grande
instance qui est suspecté de manquer la sérénité à juger, celui-ci ne peut surseoir à statuer
qu’au vu de l’arrêt ou donner acte de cette requête rendue pour la Cour d'appel; si c'est la
Cour d'appel qui est suspectée, elle devrait sursoir à statuer jusqu'à l'arrêt du donner acte
rendue par la Cour de cassation.

Cela signifie que la seule demande de renvoi pour cause de sûreté publique ne suspend
pas automatiquement la procédure pendante devant la juridiction suspectée de partialité. Ce
n'est que lorsque la juridiction supérieure saisie de la requête a donné acte que la juridiction
suspectée doit sursoir à statuer. Mais en attendant le donné acte, la procédure continuera son
cours devant la juridiction suspectée de manque de sérénité à juger. Et pendant ce temps, les
esprits malicieux peuvent profiter de ce véritable vide pour accélérer la procédure devant la
juridiction suspectée en amenant cette juridiction à se prononcer sur le fond et vider ainsi le
contentieux en instance et rendant en conséquence, sans objet la demande de renvoi pour
cause de sûreté publique. Il s'avère donc impérieux aux juridictions saisies de la requête de
renvoi pour cause de sûreté publique d'agir dans la célérité en donnant acte rapidement afin
d'empêcher certains avocats véreux à se détourner de la volonté du législateur.

Les débats se déroulent de la manière suivante :


1. le requérant expose ses moyens ;
2. la partie adverse présente ses observations ;
3. le ministère public donne son avis s’il échet ;
4. le tribunal clôt les débats et prend l’affaire en délibéré.

b) Décision de renvoi pour cause de sûreté publique

La décision sur requête de renvoi pour cause de sûreté publique est rendue dans le délai de
huit jours de la prise en délibéré de l'affaire. Après le prononcé de la décision de renvoi pour
cause de sûreté publique, lorsque la juridiction supérieure a décidé du renvoi, une expédition
du jugement ou de l’arrêt de renvoi est transmise, tant au greffe de la juridiction saisie qu’au
greffe de la juridiction à laquelle la connaissance de l’affaire a été renvoyée2111.
Cette décision s'impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque la juridiction saisie de la requête rejette celle-ci en la déclarant non fondée, les
parties doivent revenir devant le juge saisi du fond de leur affaire aux fins de poursuivre
l'instance jusqu'à la décision finale, si entretemps, aucune autre cause ne vient perturber son
déroulement ou l'interrompre.

2111
Article 61 alinéas 7 et 8 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
747

5. Voies de recours

Les décisions rendues en matière du renvoi pour cause de sûreté publique ne sont pas
susceptibles ni d’opposition ni d’appel2112. Cela signifie que la procédure par défaut n'est pas
admise lors de l'examen de la requête par la juridiction saisie.

6. Effets de la décision de renvoi pour cause de sûreté publique

Si la requête de renvoi pour cause de sûreté publique est jugée fondée, rien ne justifie que
les actes accomplis par la juridiction concernée soient considérés irréguliers et écartés des
débats, d'autant plus que les troubles qui envahissent la juridiction et l'empêchent de juger
dans la sérénité ne peuvent pas être reprochés aux juges. Si la requête de renvoi pour cause de
sûreté publique est jugée non fondée, la procédure de l'affaire se poursuivra devant la
juridiction qui était suspectée de manquer la sérénité. Mais dans la pratique, il est rare que la
requête de renvoi pour cause de sûreté publique soit déclarée non fondée.

2112
Article 61 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
748

CHAPITRE III :
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INFRACTIONS
INTENTIONNELLES FLAGRANTES

SECTION 1: ORIGINE, JUSTIFICATION ET FONDEMENT

§ 1. Origine

Sous l'Antiquité, on admettait à la fois que des peines plus sévères devraient frapper
l'individu surpris en flagrant délit, la flagrance provoquant la colère du public, et que la
procédure devrait être accélérée au double motif que le les risques d'erreurs sont réduits et que
les preuves doivent être recueillies avant qu'elles n'aient disparu. Le droit moderne n'a retenu
que ce deuxième aspect de la flagrance. Le seul effet de celle-ci est donc de rendre la
procédure plus rapide, ce qui implique la simplification de celle-ci et l'attribution de pouvoirs
spéciaux aux policiers.

La flagrance est légalisée depuis le Code d'instruction criminelle du 16 décembre 1808


(articles 32 à 46)2113 dite "Code Napoléon" et a été intégrée en RDC par le biais du Code de
procédure pénale du 6 août 1959 (période coloniale belge). En 1978, un texte spécial a été
promulgué en ce domaine. Il s'agit de l’ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à
la répression des infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

§ 2. Justification et fondement

La lenteur de la justice en RD Congo a souvent fait l’objet des critiques. Le peuple


congolais est déçu de constater qu’entre le moment où l’infraction est commise et celui où
intervient la sanction, il s’écoule un laps de temps long, à telle enseigne que le jugement qui
prononce la condamnation pénale se passe dans l’indifférence totale des citoyens. Pareille
situation est de nature à faire échec à toute peine prononcée en justice, à savoir son
caractère intimidant. Il s’impose donc de sanctionner dans le meilleur délai les infractions
flagrantes, de manière à rétablir chez les citoyens la confiance en la justice ainsi que la crainte
du châtiment. L’ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des
infractions intentionnelles flagrantes voudrait réaliser et atteindre cet objectif.

Pour ce faire, les dispositions suivantes ont été prises : déférer immédiatement l’auteur
d’une infraction intentionnelle flagrante devant le tribunal; l’instruction se déroule à l’audience
même ; le jugement est rendu sur simple dispositif immédiatement après la clôture des débats,
pas d’instruction préparatoire; toute personne peut appréhender l’auteur présumé d’une telle

2113
J. PRADEL, Procédure pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 560, p. 498.
749

infraction avec toutefois l’obligation de la mettre aussitôt à la disposition des autorités


judiciaires. Ceci implique donc la vigilance et la collaboration de tous et de chacun.

Cette procédure s’applique aussi devant la Cour de cassation, la Cour d’appel et le tribunal
de grande instance lors des poursuites dirigées contre les personnes jouissant du privilège de
juridiction. Cette procédure reconnaît à tout jugement ayant statué sur une infraction
intentionnelle flagrante ou réputée telle, le caractère de décision réputée contradictoire. Elle
fait obstacle à l’anéantissement de la procédure de la flagrance par le procédé d’opposition
qui peut se révéler plutôt dilatoire.

Le jugement ne peut être rendu rapidement que si les éléments susceptibles d’établir la
matérialité des faits et la culpabilité du prévenu sont suffisamment nombreux et établis.
C’est pourquoi, cette procédure dispose que les témoins de l’infraction soient conduits
devant le tribunal. C’est une espèce de garde à vue prolongée telle qu’organisée lors des
enquêtes judiciaires de police.

De même, le tribunal peut décider de mettre le prévenu en détention préventive au cas où


l’affaire n’est pas en état de recevoir un jugement et qu’une instruction prolongée paraît
nécessaire. En ce cas, le tribunal pourra commettre l’officier du ministère public pour y
procéder. En effet, il n'y a pas un instant à perdre pour que la réaction sociale se mettre en
route. En vue de faciliter la réunion de tout ce qui peut permettre l’instruction rapide de la
cause, cette procédure permet aux juges et officier du ministère public ainsi qu’aux officiers
de police judiciaire de procéder à des perquisitions et à des visites domiciliaires à tout
moment et à toute heure du jour ou de la nuit dans le lieu où l'infraction a été commise ou les
preuves de la commission de l'infraction peuvent être trouvées.

Comme on le voit, l'enquête de flagrance a pour fondement l'urgence qu'il y a à recueillir


les preuves encore existantes, indispensables à la manifestation de la vérité, d'une infraction
dont la commission est récente. C'est pour cette raison que le législateur a octroyé une
importante coercition. La constatation de l'état de la flagrance doit précéder la perquisition et
cette dernière ne peut en aucun cas, être justifiée par le constat a posteriori de la flagrance. Il
n'y a pas de flagrance si l'on se fonde seulement sur des présomptions et indices pour croire
qu'une infraction pourrait avoir été commise.

Des dispositions spécifiques ont été prises, qui garantissent les droits des personnes
poursuivies pour infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles. A l’audience
d’instruction, le droit de se constituer un conseil est réaffirmé allant jusqu’à permettre au
tribunal d’en désigner un d’office.

La juridiction saisie de l’appel ainsi que la Cour de cassation appliquent cependant la


procédure de droit commun, mais elles examineront les infractions intentionnelles
flagrantes ou réputées telles toutes affaires cessantes. La constitution des parties civiles se
déroulera conformément au droit commun.
750

La loi s’est aussi souciée de rendre facile et raisonnable, l’application de cette nouvelle
procédure. Imposer cette procédure pour toute infraction flagrante aboutirait en fait, à obliger
les juges à ne connaître principalement sinon exclusivement que des infractions flagrantes.
L’effectif des magistrats et des officiers de police judiciaire ne peut pas pour le moment
permettre de généraliser cette procédure, aussi est-il opportun de ne l’imposer que pour des
infractions intentionnelles flagrantes.

SECTION 2: DEFINITIONS

Flagrance vient du mot latin flagrare qui veut dire brûler, autrement dit " ce qui brûle" ou
encore l'infraction qui est en train de se commettre (ça brûle ou encore l'infraction qui brûle (il
y a feu)2114 ou encore l'infraction recueillie ou constatée au chaud). Actuellement, est qualifiée
infraction flagrante, toute infraction qui se commet actuellement ou qui vient de se
commettre2115. Une infraction est encore flagrante lorsqu'elle est en train de se commettre au
moment où l'officier de police judiciaire en est avisé ou bien lorsqu'elle vient tout juste de se
commettre2116.

L’infraction est réputée flagrante lorsqu’une personne est poursuivie par la clameur
publique, ou lorsqu’elle est trouvée porteuse d’effets, d’armes, d’instruments ou papiers
faisant présumer qu’elle est l’auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de
l’infraction2117. Une infraction est encore réputée flagrante lorsqu'une personne soupçonnée
de l'avoir commise ou d'y avoir participé est encore poursuivie par la clameur publique ou
bien lorsqu'une personne est trouvée en possession d'objets ou présentant des traces ou indices
qui laissent penser qu'elle vient de commettre ladite infraction ou de participer à sa
commission2118.

Est assimilée à une infraction flagrante ou réputée telle, toute infraction commise, même
après un certain temps, dans une habitation dont le chef requiert l'officier de police judiciaire
de venir la constater2119. Est aussi assimilée à l'infraction flagrante, une infraction quelconque,
même non flagrante de sa nature, mais traitée comme infraction flagrante parce que commise
à l'intérieur d'une maison, le chef de cette maison requérant l'OPJ ou le ministère public de la
constater. C'est le cas notamment d'un délinquant qui est trouvé dans une chambre de l'hôtel

2114
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 331, p. 530.
2115
Article 7 du Code de procédure pénale; article 2 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la
répression des infractions intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2116
Article 83 alinéa 1er de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions
d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2117
Article 7 du Code de procédure pénale; article 2 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la
répression des infractions intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2118
Article 83 alinéa 2 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2119
Article 83 alinéa 3 alinéa 1er de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions
d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
751

en train de violer une mineure ou un délinquant attrapé en train de voler dans une maison . En
revanche, il ne saurait y avoir flagrance en cas de viol dénoncé plusieurs jours après la
commission de l'infraction.

Cette définition de l'infraction flagrante est la reproduction textuelle de l'article 41, alinéa 1
du Code d'instruction criminelle belge concernant le flagrant délit. Pour qu'une infraction soit
réputée flagrante, il faut qu'il y ait d'abord la constatation préalable d'une infraction, c'est-à-
dire sa découverte soit au moment où elle est commise soit lorsqu'elle vient de se commettre,
une simple présomption ou indication ou dénonciation de la commission de l'infraction n'est
pas suffisante.

Le Code de procédure pénale tout comme l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978


relative à la répression des infractions intentionnelles flagrantes, l'ordonnance n°78-289 du 3
juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police judiciaire près les
juridictions de droit commun et l'arrêté de d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979
portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquet ne précisent pas les termes " toute
infraction qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre". L'infraction qui se
commet actuellement signifie que le coupable est surpris dans l'action. Dans ce cas, la
commission de l'infraction est constatée directement, la durée de consommation de cette
infraction n'a pas d'incidence.

L'infraction qui vient se commettre signifie que l'infraction a été commise il y a très de
temps qui ne peut dépasser vingt-quatre heures. Le fondement de la flagrance réside dans
l'urgence à agir, ce qui signifie que la durée devrait être brève, de l'ordre de 24 heures au
maximum, entre la saisine de la police ou OPJ ou OMP et la commission de l'infraction.

Nous pensons pour que l'infraction soit flagrante, il faut que l'émotion publique subsiste,
que les traces de l'infraction soient encore en quelque sorte visibles. Pour que l'infraction qui
vient de se commettre soit flagrante, il faut que l'infraction soit encore actuelle et que le temps
qui s'écoule entre la commission de l'infraction et les actes de l'enquête ne soit que le temps
matériellement nécessaire pour permettre l'accomplissement desdits actes; il faut en outre que
les éléments objectivant l'existence de l'infraction aient été recueillis. En d'autres termes, il est
requis que le fait ait été vu, entendu ou constaté immédiatement par un témoin ou un agent de
police judiciaire, que ce fait soit porté sans retard à la connaissance des autorités judiciaires
(officier de police judicaire et officier du ministère public) et que l'officier du ministère public
régulièrement saisi pose tous les actes nécessaires en vue de mettre l'auteur présumé de
l'infraction devant la juridiction compétente dans le plus bref délai.

L'article 7 du Code de procédure pénale et l'article 2 alinéa 2 de l'ordonnance-loi n°78-001


du 24 février 1978 relative à la répression des infractions intentionnelles flagrantes disent que
l'infraction est réputée flagrante lorsqu’une personne est poursuivie par la clameur
publique ou lorsqu’elle est trouvée porteuse d’effets, d’armes, d’instruments ou papiers
faisant présumer qu’elle est l’auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de
752

l’infraction. L'article 83 alinéa 2 l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice


des attributions d'officier de police judiciaire près les juridictions de droit commun va presque
dans le même sens car il dit qu'une infraction est réputée flagrante lorsqu'une personne
soupçonnée de l'avoir commise ou d'y avoir participé est encore poursuivie par la clameur
publique ou bien lorsqu'une personne est trouvée en possession d'objets ou présentant des
traces ou indices qui laissent penser qu'elle vient de commettre ladite infraction ou de
participer à sa commission.

Mais ces textes n'ont pas clarifié que signifie clameur publique ou les effets, armes,
instruments ou papiers ou le temps voisin de l'infraction. Nous pensons que la clameur
publique est l'appel fait à la foule par les individus qui poursuivent l'auteur d'une
infraction pour l'appréhender au corps (Au voleur!! A l'assassin !!), ou le cris lancés par
lesquels la foule ou la victime ou les témoins à l'encontre de l'auteur présumé de
l'infraction qui prend la fuite, une fois l'infraction commise ou le désigne aux agents de
l'autorité. Elle signifie également l'accusation générale et manifeste, l'expression de la
vindicte publique. La clameur publique n'est pas à confondre avec la rumeur. Celle-ci ne
permet que le soupçon et est insuffisante pour constituer la flagrance.

Concernant les effets, armes, instruments ou papiers dont il s'agit ici; le législateur a
envisagé l'hypothèse dans laquelle une telle personne est remarquée par la police ou l'OPJ qui,
ignorant qu'une infraction a été commise, perçoit dans les objets ou indices découverts la
commission récente d'une infraction. Tel est le cas d'un délinquant qui vient d'assassiner une
personne avec sa machette (mouillée du sang) et est arrêtée au sortir de la maison où
l'infraction a été commise. Il signifie que ces objets doivent être apparents ou non. Ils sont
apparents lorsque l'individu est trouvé en possession de ces objets, ils sont non apparents
lorsqu'on peut fouiller pour mettre en évidence les objets puisque l'intéressé doit en être trouvé
en possession.

En ce qui concerne le temps voisin de l'infraction, il s'agit d'un temps très réduit entre la
commission de l'infraction et sa découverte, l'appréciation de ce temps est un point laissé à
l'appréciation du juge. En pratique, un délai de vingt-quatre heures est le délai maximum qui
fait perdurer la flagrance et peut être considéré comme le temps voisin de l'infraction. Ce délai
de vingt-quatre heures doit exister entre la commission de l'infraction et l'accomplissement
des actes de poursuite dans le cadre de l'infraction flagrante ou réputée telle.

Au vu de ces éléments, pour qu'il y ait flagrance, il faut deux choses:


- le temps compris entre la commission de l'infraction et sa constatation doit très réduit (ou
infime), ce qui peut aller à vingt-quatre-heures au maximum;
- les faits ne sont flagrants que s'ils apparaissent à la vue d'un citoyen quelconque, d'un OPJ
ou d'un OMP, de sorte qu'ils sont des infractions flagrantes de façon certaine ou de façon
quasi-certaines.
753

SECTION 3: PROCEDURE

§ 1. Modalités de la procédure

I. Constat de l'infraction et enquête sommaire

En cas d'infraction flagrante ou réputée telle passible de 6 mois au moins de servitude


pénale, les officiers de police incompétents et les agents de police judiciaire qui en sont les
premiers informés préviennent aussitôt l'officier de police judiciaire à compétence générale le
plus proche aux fins de procéder s'il ya lieu au constat dans les conditions et formes prévues à
l'article 5 du Code de procédure pénale2120.

Dès qu'il est informé d'une infraction flagrante ou réputée telle passible de 6 mois au moins
de servitude pénale, l'officier de police judiciaire à compétence générale est tenu d'en aviser
aussitôt l'officier du Ministère public ainsi que ses chefs hiérarchiques s'il ya lieu. Si ces
derniers ne décident pas d'instrumenter personnellement et ne lui donnent des ordres en
conséquence, il se transporte aussitôt sur les lieux et procède à l'enquête. Dans ses opérations,
l'officier de police judiciaire peut se faire seconder par des officiers ou agents de police
judiciaire qui lui sont administrativement subordonnés ou dont il requiert le concours par
l'intermédiaire de son chef hiérarchique. Les officiers et agents de police judiciaire ainsi
requis sont tenus d'obtempérer à cette réquisition2121.

Dès qu'il s'est rendu sur les lieux, l'officier de police judiciaire procède sans désemparer à
toutes opérations utiles au constat de l'infraction commise et à l'identification de ses auteurs.
Toutefois, lorsqu'il ya danger pour la vie de quelque personne, l'officier de police judiciaire
prend préalablement à ses opérations toute disposition utile pour y parer. À cet effet, l'officier
de police judiciaire peut requérir le concours de toute personne en mesure de l'assister sans
danger pour elle-même. La personne ainsi requise est tenue de prêter son concours sous peine
d'une sanction pouvant aller jusqu'à 2 mois de servitude pénale et 10.000 francs congolais
d'amende ou l'une de ces peines seulement2122.

L'officier de police judiciaire peut, s'il l'estime nécessaire, interdire à toute personne se
trouvant au lien de l'infraction de s'éloigner des lieux qu'il détermine jusqu'à la clôture de son
procès-verbal. Ces personnes visées sont tenues d'obtempérer à ces ordres sous peine des
sanctions prévues à l'encontre des témoins défaillants. L'officier de police judiciaire peut les y

2120
Article 82 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2121
Articles 84 et 85 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2122
Article 86 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
754

contraindre par la force s'il y a lieu. Il dresse procès-verbal de toute contravention à ses
ordres2123.

L'officier de police judiciaire constate le corps de l'infraction et l'état des lieux. Il en prend
des photographies ou en dresse un croquis s'il y a lieu. Il veille à la conservation des indices et
traces susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité. Il
procède à leur prélèvement s'il y a lieu ou y fait procéder par les spécialistes des laboratoires
techniques ou les experts requis par lui. II saisit le corps de l'infraction ainsi que les armes et
instruments qui ont servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre et
tout ce qui paraît en avoir été le produit ou être en rapport avec le fait incriminé. Il représente
les objets saisis, pour reconnaissance ou explications, à leurs propriétaires et aux personnes
qui paraissent avoir participé à la commission de l'infraction, si elles sont présentes2124.

Dans les lieux où une infraction flagrante ou réputée telle passible de six mois au moins de
servitude pénale a été. commise, il est interdit, sous peine d'une amende de 20 à 5000 francs
congolais à toute personne non habilitée, de modifier l'état des lieux avant les premières
opérations de l'enquête judiciaire et d'y effectuer des prélèvements quelconques, à moins que
ces modifications ou prélèvements soient commandés par les exigences de la sécurité ou de la
salubrité publique ou par les soins à donner aux victimes. Si les destructions des traces ou si
les prélèvements sont effectués en vue d'entraver le fonctionnement de la justice, le coupable
sera puni de six mois au maximum de servitude pénale et d'une amende de 5000 à 10000
francs congolais. L'officier de police judiciaire relève infraction contre les personnes qui
auront procédé à ces destructions ou prélèvements et s'efforce d'établir si elles ont agi ou non
dans le but d'entraver le fonctionnement de la justice2125.

L'officier de police judiciaire qui a commencé l'enquête ne peut en être dessaisi que par
l'officier du Ministère public. Ce dessaisissement s'accomplit de plein droit dès l'arrivée sur
les lieux de ce magistrat. L'officier de police judiciaire lui fait aussitôt rapport des
constatations effectuées et lui transmet les pièces et documents saisis et les procès-verbaux
dressés. L'officier du Ministère public décide soit d'accomplir lui-même tous les actes de la
procédure, soit de prescrire à l'officier de lice judiciaire premier saisi ou à tout autre officier
de police judiciaire territorialement compétent, de poursuivre tout ou partie des opérations.
L'officier de police judiciaire requis agit alors en vertu de cette réquisition et procède
conformément d'information2126.

2123
Article 87 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2124
Articles 88 et 89 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2125
Article 90 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2126
Article 98 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
755

II. Collecte des preuves

Les témoins de l’infraction sont tenus de suivre le prévenu à l’audience et d’y déposer sous
peine de sanctions de la condamnation d'un mois de servitude pénale principale et une
amende pouvant aller jusqu'à 10.000 francs congolais prévues aux témoins défaillants (qui
refusent de témoigner (articles 5 et 78 du Code de procédure pénale). L’officier de police
judiciaire ou l’officier du ministère public ainsi que les juges pourront au besoin les y
contraindre2127. Comme on le voit, l'enquête de flagrance a pour fondement l'urgence qu'il y a
à recueillir les preuves encore existantes, indispensables à la manifestation de la vérité, d'une
infraction dont la commission est récente2128. C'est pour cette raison que le législateur a
octroyé une importante coercition. Concernant les violences volontaires, l'officier de police
judiciaire ou l'officier du ministère public devra, dans son constat, relever les éléments
objectifs qui lui ont permis, au temps de son action, de considérer qu'il se trouvait devant une
infraction flagrante objectivement vraisemblable.

Le seul témoignage de la victime faisant état de l'existence d'une infraction flagrante ne


peut, à notre sens, fonder la procédure particulière de la flagrance, sauf si ce témoignage est
étayé par des éléments objectifs, tels que blessures récentes, autres témoignages, etc.,
permettent de croire que l'infraction flagrante vient de se commettre. Les suppositions, les
présomptions ou les indices ne constituent pas encore une flagrance et qu'un officier de police
judiciaire ou un officier du ministère public ne peut se baser sur ces présomptions pour
s'arroger les pouvoirs spéciaux accordés à la procédure relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

De même, une dénonciation téléphonique anonyme, les renseignements confidentiels


anonymes, les soupçons, ne peuvent fonder la procédure exceptionnelle de la flagrance.

L'OPJ ou l'OMP (s'il est déjà sur le lieu de la commission de l'infraction), prendra toutes les
preuves possibles, papiers, documents, données informatiques, les objets se rapportant à
l'infraction, armes ou instruments ayant servi à commettre l'infraction ou destinés à la
commettre, choses quelconques paraissant avoir été le produit de l'infraction, etc. Ces preuves
et la personne arrêtée seront transmises sans délai devant la juridiction compétente pour
qu'une audience se tienne le même jour ou au plus tard le lendemain.

L'OPJ ou l'OMP devra donc, rapidement, constater une situation de fait, opérer la
qualification lui permettant de caractériser l'infraction de flagrance susceptible d'être commise
et agir. Sa perception visuelle, auditive, gustative, tactile, olfactive, souvent fugitive, l'entraîne
à une réaction immédiate, dictée par une qualification d'une extrême rapidité. Aussi, est-il aisé

2127
Article 5 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2128
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 644, p. 498
756

de comprendre que l'apparence occupe une grande place dans la caractérisation de la


flagrance.

III. Perquisitions

Si la nature de l'infraction est telle que la preuve en puisse être acquise par la saisie de
papiers, documents ou autres objets, l'officier de police judiciaire se transporte sans délai au
domicile des personnes qui paraissent soit avoir participé à l'infraction, soit détenir, même de
bonne foi, des pièces ou objets relatifs aux faits incriminés. Il y procède à des perquisitions et
à des saisies, même sans leur consentement. En cas d'infractions intentionnelles flagrantes,
les visites domiciliaires et perquisitions peuvent se faire en tout lieu et à toute heure du jour et
de la nuit2129.

Les perquisitions et visites domiciliaires peuvent s’effectuer en tous lieux et à tout


moment du jour ou de la nuit lorsqu’il s’agit des infractions intentionnelles flagrantes ou
réputées telles2130 sans mandat. Cette disposition donne des pouvoirs étendus autorisant la
poursuite de l'auteur de l'infraction en quelque endroit où il se trouve, en ce compris le
domicile de tiers. Lorsqu'une résidence commune fait l'objet d'une perquisition à la suite
d'une flagrance constatée dans le chef d'un cohabitant, le consentement de l'autre n'est pas
requis. Mais une perquisition ne peut être faite avant la constatation de la flagrance. La
perquisition peut avoir lieu tout endroit pouvant contribuer à la manifestation de la vérité :
le domicile tout comme le cabinet d'un avocat (mais le bâtonnier ou son délégué doit être
présent), médecin, notaire, etc.

Le constat de la flagrance a un caractère réel et personnel. A notre sens, le lieu de la


commission de l'infraction tout comme le lieu des faits et ceux du domicile de l'inculpé
surpris en flagrance devrait faire l'objet de perquisition pour récolter le plus de preuves
possibles. D'ailleurs, la pratique semble admettre qu'une perquisition puisse être effectuée
au domicile de suspects dès lors qu'ils ont été désignés comme auteurs ou complices par la
victime de l'infraction de flagrante ou par un des coinculpés interpellé en flagrance.

C'est pourquoi, nous pensons que l'état de la flagrance s'apprécie par rapport aux faits et
aux suspects. En ce sens, lorsque les enquêteurs ont surpris un individu en train de vendre
des disques contrefaits, que le vendeur leur a donné l'adresse de son fournisseur et que, s'y
étant immédiatement rendus, les enquêteurs y ont découvert l'inculpé, le juge peut
légalement déduire de ces éléments que l'état flagrance avait justifié la visite domiciliaire
sans mandat de perquisition. Dans cette hypothèse de la flagrance constatée au préalable, la
visite domiciliaire peut être effectuée à n'importe quelle heure, sans le consentement de la
personne intéressée et sans mandat de perquisition; la visite domiciliaire su cette base est

2129
Article 93 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2130
Article 7 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
757

valable lorsque l'acte n'est séparé de l'infraction que par le temps matériellement nécessaire
pour en permette l'accomplissement.

IV. Arrestation de suspect et conduite devant la juridiction compétente

L'officier de police judiciaire peut, lorsque l'auteur présumé de l'infraction n'est pas présent,
délivrer contre lui un mandat d'amener valable pour deux mois au plus2131. L'officier de
police judiciaire peut décider d'arrêter toute personne contre laquelle existent des indices
graves, précis et concordants de nature à motiver son inculpation; en ce cas, il est tenu de la
conduire immédiatement au parquet pour être traduite aussitôt à l'audience du tribunal2132.
Toute personne arrêtée à la suite d’une infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle
sera aussitôt déférée au parquet et traduite sur le champ à l’audience du tribunal. S’il n’est
point tenu à d’audience, le tribunal siègera le jour même ou au plus tard le lendemain.

En cas d'infraction flagrante ou réputée flagrante et passible d'une peine de servitude pénale
de trois ans au moins, toute personne peut, en l'absence de l'autorité judiciaire chargée de
poursuivre et de tout officier de police judiciaire, saisir l'auteur présumé et le conduire
immédiatement devant celle de ces autorités qui est la plus proche2133. Sauf en ce qui concerne
les membres du gouvernement, il n’est pas requis d’autorisation préalable de poursuite en cas
d’infractions intentionnels flagrantes2134. Toute personne arrêtée, sera aussitôt déférée au
parquet et le parquet traduira sur-le-champ l'auteur de l'infraction à l'audience du tribunal
compétent. S'il n'est point tenu d'audience, le tribunal siégera spécialement le même jour ou
au plus tard le lendemain2135. Cela signifie que la personne déférée au parquet est
préalablement arrêtée. Cette personne peut être l'oeuvre de toute personne en l'absence de
toute autorité judiciaire chargée de poursuivre ou de tout officier de police judiciaire.

L’arrestation peut aussi avoir été opérée par l’officier de police judiciaire qui défère la
personne arrêtée au parquet. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire dresse un procès-
verbal d’arrestation ou de saisie de l’auteur présumé de l’infraction. Dans l’une ou l’autre
hypothèse, le parquet peut confirmer l’arrestation préalablement opérée par la signature d’un
mandat d’arrêt provisoire aux conditions prévues aux articles 27 et 28 de la procédure pénale.
Il est à remarquer que l’arrestation provisoire n’est pas une obligation, c’est une faculté que la
loi reconnaît à l’officier du ministère public chaque fois que les conditions de la mise en
détention prévention se trouvent réunies. Aucun texte n’interdit au parquet de recourir à
l’arrestation provisoire. Au contraire, le transit rapide de l’inculpé au parquet permet

2131
Article 97 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2132
Article 96 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de police
judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2133
Article 6 du Code de procédure pénale.
2134
Articles 3 et 4 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 févreir 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2135
Article 1er de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
758

d’appuyer cette affirmation. En l’absence du mandat d’arrêt provisoire, le prévenu sera traduit
à l’audience du tribunal en état d’arrestation opérée par le particulier, sans titre carcéral ; ce
qui n’est pas très élégant en procédure pénale ; ou sous procès-verbal d’arrestation établi par
l’officier de police judiciaire2136.

Lorsqu’il lui aura été déférée une personne arrêtée pour l’infraction intentionnelle flagrante
ou réputée telle, l’officier du Ministère public inscrira aussitôt la cause au registre du
Ministère public et traduira immédiatement le prévenu devant les cours et tribunaux2137. Il
n'ya pas d'enquête préliminaire ou d'instruction préparatoire car l'instruction se passera à
l'audience même.

Ainsi donc, l'OPJ ou le ministère public peut se saisir des faits en cas de flagrance. Mais
l'hypothèse de la saisine d'office en cas de flagrance est tout à fait exceptionnelle dans la
pratique. Ceci s'explique pour deux raisons : il est peu fréquent que le magistrat soit présent
personnellement sur les lieux d'une infraction flagrante et cette situation risque de se
présenter lorsqu'il est lui-même la victime de l'infraction, auquel cas il ne pourrait pas
enquête sur sa propre cause. Si la situation le concerne directement, il ne pourrait pas se
saisir d'office, sinon, il risque d'être juge et partie dans une même cause. C'est le cas de l'OPJ
ou l'OMP qui surprend à son domicile un délinquant en train de violer son épouse ou sa fille.
Dans ce cas, il ne peut pas se saisir d'office (même s'il y a flagrance) mais peut solliciter le
concours d'un autre OPJ ou OMP afin de constater la flagrance et déclencher ainsi la
procédure afférente. Le Doyen Henri D. Bosly pense qu'il serait préférable au magistrat
instructeur d'établir un procès-verbal de constatation des faits flagrants (comme peut le faire
tout OPJ) qu'il transmettrait au procureur du Roi (qui correspond au Procureur de la
République de la RDC), sans qu'il soit chargé de l'instruction de ces faits2138. Nous ne
partageons pas cette analyse car dans ces conditions, un tel magistrat risque d'être juge et
partie. En effet, l'enquêteur doit, dans l'enquête de flagrance comme dans l'enquête
préliminaire ou l'instruction préparatoire, se montrer d'une totale impartialité. Le
manquement à cette obligation d'impartialité peut, entraîner l'annulation des actes qui en sont
affectés2139.

2136
Circulaire n° 5.008/IM/PGR/2011 relative à la l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO, Code judiciaire congolais. Textes
compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 212.
2137
Article 92 alinéa 1 er de l'arrêté de d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement
intérieur des cours, tribunaux et parquet.
2138
M.-A BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome I. Les
actions et la phase préliminaire du procès pénal , Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 603.
2139
V. A. GIUDICELLI, "Le défaut d'impartialité d'une enquête comme cause possible de nullité de la
procédure, Revue de science criminelle et de droit pénal, 2008, p. 631; S. GUINCHARD et J. BUISSON,
Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 689, p. 510.
759

Au cas où l'OPJ ou l'OMP constate la flagrance sans qu'il y ait le moindre relations avec
les victimes, rien ne l'empêche de se saisir d'office, arrêter l'auteur de l'infraction et le
conduire devant la juridiction compétente pour y être jugé selon la procédure de flagrance.

Si l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement, le tribunal pourrait, en ce cas, ordonner
le renvoi à l’une de ses plus prochaines audiences de ses plus prochaines audiences pour plus
amples informations et commet, s’il échet, l’officier du ministère public pour procéder, toutes
affaires cessantes, aux devoirs d’instruction qu'il précise2140.

§ 2. Particularités

I. Dérogations aux règles de droit commun

La Constitution du 18 février 2006, le Code de procédure pénale et les textes particuliers


(l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes et l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant
règlement intérieur des cours, tribunaux et parquet) permettent qu'en cas l'infraction
intentionnelle flagrante ou réputée flagrante, il soit dérogé à certaines règles de droit commun.
La raison d'être de ces régimes dérogatoires réside, d'une part, en ce que les dangers de
poursuites arbitraires sont réduits dans cette hypothèse et, d'autre part, en ce que l'efficacité de
la recherche des infractions et de leurs auteurs exige que lorsque l'infraction est encore
actuelle, la justice intervienne sans délai et que les preuves ne dépérissent point.

Comme la situation de l'infraction intentionnelle flagrante ou réputée flagrante instaure des


dérogations importantes aux règles de procédure habituelles, il importe que le constat de cette
infraction puisse reposer sur des éléments objectifs tels que:
- l'infraction flagrante est directement constatée par des agents de la force publique;
- le suspect est appréhendé sur les lieux des faits;
- le suspect est trouvé porteur de produit de l'infraction, ou d'instruments qui auraient été
utilisés à cette occasion;
- le suspect a été appréhendé alors qu'il fuyait et était poursuivi par des témoins dans un lieu
voisin de l'infraction;
- l'infraction flagrante a été constatée par un ou plusieurs témoins dont la fiabilité paraît prima
facie ne pas pouvoir être mise en doute et qu'en outre, les constatations des verbalisateurs
permettent de conclure que l'infraction vient se commettre.

En cas de flagrance, l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère public, selon


les cas, dispose de pouvoirs plus larges, notamment, les poursuites (y compris les
arrestations) à charge de tous les bénéficiaires du privilège de juridiction (excepté le

2140
Article 6 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
760

Président de la République et le Premier ministre): parlementaires (député ou sénateur2141,


membre de l'assemblée provinciale2142 et président de l'assemblée provinciale2143), les
ministres ou membres de gouvernement national2144, les Gouverneurs, vice-gouverneurs des
provinces et ministres provinciaux2145, les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du
parquet général près cette Cour, les membres de la Cour de cassation et ceux du parquet
général près cette Cour, membres du Conseil d'Etat et ceux du parquet général près ce
Conseil, les membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour2146; les
Premiers présidents des cours d’appel et des cours administratives d’appel ainsi que les
Procureurs généraux près ces cours 2147, les membres de la CENI (commission Electorale
Nationale Indépendante: le président, le vice-président, le rapporteur, le premier rapporteur
adjoint, le deuxième rapporteur adjoint, le questeur et le questeur adjoint)2148, tous les
magistrats2149, les membres du Conseil Supérieur de l'Audio-visuel et de la Communication
(CSAC)2150, les membres du Conseil économique et sociale2151, les maires, les maires adjoints
et les présidents des conseils urbains2152, les fonctionnaires des services publics de l’Etat et les
dirigeants des établissements ou entreprises publics revêtus au moins du grade de directeur ou
du grade équivalent2153, les conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les
chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les conseillers de
secteur et les conseillers de chefferie2154, et les chefs coutumiers2155 (les chefs coutumiers qui
n'ont pas qualité de chef de chefferie n'ont pas le privilège de juridiction2156).

2141
Article 107 de la Constitution du 18 février 2006, article 73 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013
relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2142
Article 9 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces, JORDC, n° spécial, 7 juillet 2008.
2143
Article 88 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2144
Article 80 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2145
Article 9 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces, JORDC, n° spécial, 7 juillet 2008.
2146
Article 86 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2147
Article 87 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2148
Articles 10 et 11 de la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2149
Articles 10 et 13 du Code de procédure pénale.
2150
Articles 10 et 13 du Code de procédure pénale.
2151
Article 10 de la loi organique n° 13/027 du 30 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement du
Conseil économique et social.
2152
Articles 120 et 121 de la loi n°08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement
des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n° spécial, 10
octobre 2008; articles 10 et 13 du Code de procédure pénale.
2153
Articles 10 et 13 du Code de procédure pénale.
2154
Article 120 de la loi n°08/016 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des
entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n° spécial, 10
octobre 2008; articles 10 et 13 du Code de procédure pénale.
761

Il convient de préciser même si le magistrat instructeur doit obtenir l'autorisation de


poursuites de son chef hiérarchique avant de poursuivre en matière pénale les chefs
coutumiers, ceux-ci n'ont pas le privilège de juridiction. Autrement dit, ils peuvent être jugés
devant toutes les juridictions qui ont les compétences matérielles prévues par la loi, y
compris les tribunaux de paix si les infractions commises par leurs auteurs sont de la
compétence de ces tribunaux.

De même, en cas de flagrance, l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère


public, selon les cas, dispose d'autres pouvoirs plus larges, notamment:
- les perquisitions même nocturnes sur les lieux de l'infraction;
- l'arrestation d'un suspect;
- l'exploration corporelle, etc.

II. Absence d’instruction préparatoire et instruction sommaire devant le tribunal

Le jugement des infractions intentionnelles flagrantes requiert une procédure accélérée.


Ainsi, aux termes de l’article 1er de l’ordonnance-loi n°78-001 du 24 févreir 1978 relative à
la répression des infractions flagrantes, toute personne arrêtée à la suite d’une infraction
intentionnelle flagrante ou réputée telle, sera aussitôt déférée au parquet et traduite sur-le-
champ à l’audience du tribunal.

De même, en cas d'infraction flagrante passible de six mois au moins de servitude pénale,
l'officier de police judiciaire saisi peut décerner mandat d'amener. En aucun autre cas, les
officiers de police judiciaire ne peuvent décerner de mandat2157. S'il n’est point tenu
d’audience, le tribunal siégera spécialement le jour même ou au plus tard le lendemain. Cela
suggère l’absence d’une instruction préparatoire proprement dite. Le passage par le parquet
permet au ministère public de constituer à la va-vite un dossier répressif qui lui permet de
déclencher la poursuite selon une procédure spéciale, simple et rapide.

Aux termes de la même disposition, s’il n’est point tenu d’audience, le tribunal siège
spécialement le jour même ou au plus tard le lendemain. La cause sera sur-le-champ mise au
rôle, appelée, instruite et plaidée et le jugement ou arrêt prononcé aussitôt les débats
clôturés2158. Si les données informatiques ont été saisies pendant la perquisition, le tribunal
peut demander à des organismes publics ou à des personnes morales de droit privé de mettre à
sa disposition, toutes affaires cessantes, les informations utiles à la manifestation de la vérité,

2155
Article 28 de la loi n° 15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers; article 10 et 13 du Code
de procédure pénale.
2156
Article 28 de la loi n° 15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers; article 10 et 13 du Code
de procédure pénale.
2157
Article 115 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2158
Article 93 alinéa 1 er de l'arrêté de d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement
intérieur des cours, tribunaux et parquet.
762

contenues dans les système informatiques ou traitements des données nominatives qu'il
administrent. Comme on le voit, l’instruction à l’audience est sommaire et le juge prononce
son jugement sur simple dispositif, encore faut-il que les charges soient suffisantes et que
l’affaire soit en état d’être jugée.

Il importe de relever que la combinaison des articles 1 et 6 de la procédure de flagrant délit


permet de conclure que la procédure a été conçue pour que le jugement de l’affaire
intervienne le jour même de la première comparution du prévenu devant la juridiction du
jugement. Cela permet au prévenu arrêté de passer du statut de préventif à celui de condamné,
même si la condamnation n’est pas coulée en force de chose jugée. En cas d’acquittement, le
prévenu arrêté recouvre sa liberté nonobstant l’appel2159. Si l’affaire n’est pas en état de
recevoir le jugement, l’article 6 prévoit le renvoi à l’une des prochaines audiences du tribunal.
Le prévenu est, s’il y a lieu, placé en détention préventive.

De même, le tribunal peut décider de mettre l’inculpé en détention préventive au cas où


l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement et qu’une instruction prolongée paraît
nécessaire. Il apparaît clairement que la mise en détention préventive du prévenu considéré est
ordonnée par le tribunal saisi de la poursuite. Au demeurant, le législateur du 24 février 1978
n’a pas entendu s’écarter de la procédure pénale en matière de détention préventive2160.

III. Pouvoirs exceptionnels de l'OPJ en cas de flagrance

En cas d'infraction flagrante passible de six mois au moins de servitude pénale, l'officier de
police judiciaire saisi peut décerner mandat d'amener. En aucun autre cas, les officiers de
police judiciaire ne peuvent décerner de mandat2161. De même, en cas d'infraction flagrante ou
réputée flagrante passible d'une peine de servitude pénale de six mois au moins, l'officier de
police judiciaire à compétence générale le plus proche se transporte sur les lieux sans aucun
retard, aux fins de constater l'infraction et de rechercher les circonstances dans lesquelles elle
a été commise. À ces fins, l'officier de police judiciaire peut appeler à son procès-verbal
toutes personnes présumées en état de donner des éclaircissements et les astreindre à déposer
sous serment, dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale.

Il peut aussi défendre à toute personne de s'éloigner des lieux qu'il détermine jusqu'à
clôture de son procès-verbal et, au besoin, l'y contraindre. Les infractions à ces dispositions
seront punies des peines prévues concernant le témoin qui refuse de comparaître bien que
régulièrement cité. Il peut requérir toute personne de lui prêter son ministère comme
interprète, traducteur, médecin ou expert, dans les conditions et sous les sanctions prévues

2159
Art. 83du code de procédure pénale
2160
Circulaire n° 5.008/IM/PGR/2011 relative à la l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO, Code judiciaire congolais. Textes
compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 213.
2161
Article 115 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
763

par le Code de procédure pénale. Il peut, si l'auteur présumé de l'infraction n'est pas présent,
délivrer contre lui un mandat d'amener valable pour deux mois au plus. Il ne peut pas citer,
mais seulement appeler les témoins et ne peut jamais émettre de mandat d'amener à leur
charge.

Il peut, en se conformant aux dispositions relatives à la visites et perquisitions et si la


nature de l'infraction est telle que la preuve en puisse vraisemblablement être acquise par des
papiers ou autres pièces et effets en la possession de l'auteur présumé ou d'un tiers, procéder à
des visites et à des perquisitions dans leur demeure2162. L'officier de police judiciaire à
compétence générale possède tous ces pouvoirs lorsque le chef d'une habitation le requiert de
constater une infraction commise à l'intérieur de cette habitation2163.

De manière concrète, lorsque la police vient à constater une infraction flagrante ou à être
avisée d'une telle infraction, la première chose qu'elle doit faire (surtout s'il s'agit des faits
graves) est de dépêcher sans délai sur les lieux, s'il ne s'y trouve déjà, un OPJ compétent pour
procéder à toutes les constatations utiles. L'OPJ ou l'OMP (s'il est déjà sur place), prendra
toutes les preuves possibles, papiers, documents, données informatiques, les objets se
rapportant à l'infraction, armes ou instruments ayant servi à commettre l'infraction ou destinés
à la commettre, choses quelconques paraissant avoir été le produit de l'infraction, etc. En
principe, si l'OMP est sur place, son arrivée dessaisit l'OPJ et c'est alors lui qui récolte toutes
les preuves possibles, à moins qu'il demande à l'OPJ de poursuivre. Ces preuves et la
personne arrêtée seront transmises sans délai devant la juridiction compétente pour qu'une
audience se tienne le même jour ou au plus tard le lendemain.

IV. Saisine spéciale du tribunal

En principe, la saisine régulière du tribunal recommande, entre autres, que s’écoulent huit
jours francs entre la signification de la citation et le jour de la première comparution à
l’audience. Cependant, en cas d’infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle, une fois
le suspect arrêté, il est aussitôt déféré au parquet et traduit sur le champ à l’audience du
tribunal. Cette saisine spéciale du tribunal est appelée "la conduite immédiate du délinquant
devant la barre du tribunal". Elle participe de l’idée de la procédure accélérée dans la
recherche de la vérité sur les faits et n’est point soumise aux exigences de forme admises par
la loi en matière de notification d’exploits de procédure. Ce qui implique une condamnation
rapide.

V. Arrestation immédiate de l'auteur de l'infraction et audition des témoins

Toute personne peut, en l’absence de l’autorité judiciaire chargée de poursuivre et de tout


officier de police judiciaire, saisir l’auteur présumé de l'infraction et le conduire

2162
Article 5 du Code de procédure pénale.
2163
Article 8 du Code de procédure pénale.
764

immédiatement devant celle de ces autorités qui est la plus proche2164. Lorsqu’il lui aura été
déférée une personne arrêtée pour l’infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle,
l’officier du ministère public inscrira aussitôt la cause au registre du ministère public et
traduira immédiatement le prévenu devant les cours et tribunaux. Il veillera à ce que les
témoins éventuels comparaissent en même temps que le prévenu2165. Les témoins de
l’infraction sont tenus de suivre le prévenu à l’audience et d’y déposer sous peine de
condamnation au témoin défaillant. L’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère
public ainsi que juge pourront au besoin les y contraindre2166. C’est une espèce de garde à vue
prolongée. De même, le tribunal peut décider de mettre l’inculpé en détention préventive au
cas où l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement et qu’une instruction prolongée paraît
nécessaire2167. Il en découle que la mise en état de détention préventive peut intervenir en
l’absence du mandat d’arrêt provisoire.

Il convient de relever qu'en procédure de flagrance, la mise en détention préventive n’a pas
pour effet de régulariser la détention antérieure. La décision du juge de mise ne détention
préventive n’a pas pour effet de régulariser les titres de détention ni de couvrir les irrégularités
de la détention déjà subie, mais rend cette détention légale pour l’avenir2168.

Si l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement, le tribunal en ordonne le renvoi à l’une
de ses plus prochaines audiences pour plus amples informations et commet, s’il échet,
l’officier du ministère public pour procéder, toutes les affaires cessantes, aux devoirs
d’instructions qu’il précise. Le prévenu est, s’il y a lieu, placé en détention préventive2169. Les
perquisitions et visites domiciliaires peuvent, en matière d’infraction intentionnelles
flagrantes ou réputées telles, s’effectuer en tout lieu et à toute heure du jour ou de la
nuit2170.

Par l’envoi du dossier en fixation d’audience, le ministère public est dessaisi du dossier de
la cause au profit de la juridiction du jugement. De sorte que toute mesure privative ou

2164
Article 6 du Code de procédure pénale; article 3 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à
la répression des infractions intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2165
Article 192 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
2166
Article 5 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2167
Circulaire n° 5.008/IM/PGR/2011 relative à la l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO, Code judiciaire congolais. Textes
compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 213.
2168
Circulaire n° 5.008/IM/PGR/2011 relative à la l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO, Code judiciaire congolais. Textes
compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 214.
2169
Article 6 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2170
Article 7 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
765

restrictive de liberté est du ressort exclusif du tribunal2171, sous réserve du droit du ministère
public de réincarcérer le prévenu qui manque aux charges qui lui ont été imposées par la
juridiction saisie de la poursuite2172. L’inculpé peut être placé en détention préventive à
l’expiration de la garde à vue, sans passer par l’arrestation provisoire de l’officier du ministère
public. Les articles 27 et 29 de la procédure pénale ne s’y opposent pas.

Même avant l’expiration de la garde à vue, l’officier du ministère public à qui l’officier de
police judiciaire aura transmis le dossier peut solliciter la mise en détention de l’inculpé, et le
juge n’est pas fondé à lui opposer l’absence du mandat d’arrêt provisoire pour repousser la
mise en détention préventive sollicitée. Dans l’hypothèse sous examen de la procédure devant
la juridiction de jugement, le prévenu sera placé en détention préventive par le juge, garant
des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens, après réquisition, mais non
à la requête, du ministère public2173.

VI. Droits de la personne arrêtée en cas de flagrance

1. Droits constitutionnels

La personne arrêtée en cas de flagrance bénéficie de tous les droits prévus par la
Constitution du 18 février 2006. Ainsi, toute personne arrêtée doit être immédiatement
informée des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre elle et ce, dans la
langue qu’elle comprend. Elle doit être immédiatement informée de ses droits. La personne
gardée à vue a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou avec son conseil.
Tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale
ainsi que sa dignité2174. Cela signifie que la nature de l'infraction est indiquée à cette personne
arrêtée. Puis les différents droits lui sont indiqués. Elle peut demander que soit prévenue par
téléphone de la mesure dont elle est l'objet, sa famille (époux, enfants, parents, frères et sœurs,
etc.) et son employeur. Enfin, la personne arrêtée doit être informée de son accusation dans la
langue qu'elle comprend. Si elle est atteinte de la surdité, et ne sait ni lire ni écrire, elle doit
être assistée d'un interprète.

2. Droit d'être assisté par un avocat et désignation d'un avocat d'office

Toute personne poursuivie du chef d’infraction intentionnelle fragrante ou réputée telle a le


droit de se défendre elle-même ou de se faire assister par un défenseur de son choix ; le
président du tribunal lui en désigne un si le défenseur choisi n’est pas présent à l’audience2175.

2171
Art. 33 et 45 du Code de Procédure Pénale
2172
Art. 47 du Code de Procédure Pénale
2173
Circulaire n° 5.008/IM/PGR/2011 relative à la l'arrestation, à la mise en détention préventive, à l'arrestation
immédiate à l'audience ainsi qu'à l'arrestation provisoire et à la mise en détention préventive en cas
d'infraction intentionnelle flagrante, in T. KAVUNDJA MANENO, Code judiciaire congolais. Textes
compilés et actualisés jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 214.
2174
Article 18 alinéas 1 à 3 et 5 de la Constitution du 18 février 2006.
2175
Article 8 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
766

Il appartient à toute personne poursuivie de l’infraction intentionnelle de pouvoir se


défendre elle-même ou de se faire assister par un défenseur de son choix. Les cours et
tribunaux veilleront avec soin aux droits de la défense, conformément à ce qui est déterminé
par la loi en matière d’infraction intentionnelle flagrante2176.

VII. Constitution de la partie civile et jugement

La cause sera sur-le-champ mise au rôle, appelée, instruite et plaidée et le jugement ou arrêt
prononcé aussitôt les débats clôturés2177. La constitution de la partie civile se fait
conformément à la procédure normale. Le jugement est rendu sur dispositif, immédiatement
après la clôture des débats. Il est rédigé dans les 48 heures2178. Il s’agit d’un jugement rendu
sans motivation que le juge est tenu de compléter ultérieurement.

Par le biais du délai imposé pour rédiger le jugement, l’on s’est gardé du reproche selon
lequel le jugement n’est pas motivé. Il faut bien saisir cette nuance. Le but visé par l’exigence
constitutionnelle de motivation est de permettre à la juridiction supérieure de contrôler la
décision rendue. Or, au moment où la juridiction d’appel aura à examiner ce recours, elle
aura devant elle un jugement déjà motivé. Ainsi, se trouve respecté l’article 21 alinéa 1 dans
la Constitution du18 février 2006. Si l’auteur de l’infraction déféré devant le tribunal a pu
s’enfuir, la décision rendue contre lui est toujours réputée contradictoire2179.

Lorsque l’auteur de l’infraction déféré devant le tribunal réussit à se soustraire, la décision


rendue contre lui est réputée contradictoire2180.

VIII. Concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction

Lorsque les personnes bénéficiant du privilège de juridiction et justiciables de la Cour de


cassation, de la Cour d’appel ou du tribunal de grande instance y sont déférées du chef
d’infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles, ces juridictions leur appliqueront les
dispositions de l’ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des
infractions flagrantes2181.

De même, l'officier de police judiciaire ou le magistrat du ministère public qui reçoit une
plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d'un magistrat, d'un cadre

2176
Article 193 alinéa 2 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
2177
Article 193 alinéa 1 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur
des cours, tribunaux et parquet.
2178
Article 9 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2179
Article 10 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2180
Article 10 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2181
Article 13 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
767

de commandement de l'administration publique ou judiciaire, d'un cadre supérieur d'une


entreprise paraétatique, d'un bourgmestre, un chef de secteur ou d'une personne qui les
remplace ne peut, sauf infraction flagrante, ou d’infraction relative aux violences sexuelles,
procéder à l'arrestation de la personne poursuivie qu'après en avoir préalablement informé
l'autorité hiérarchique dont elle dépend2182. Il ressort de cette disposition que l'OPJ ou
l'officier du ministère public peut procéder à l'arrestation de la personne poursuivie (les
bénéficiaires du privilège de juridiction) sans en avoir préalablement informé l'autorité
hiérarchique dont l'auteur de l'infraction dépend. Comme on le voit, la procédure en cas
d’infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles inhibe toutes les formalités
préalables de poursuites et la mise en accusation de leurs auteurs.

IX. Eventualité d'une remise

Lorsque les cours et tribunaux ordonneront le renvoi à l’une de leurs plus prochaines
audiences aux fins d’une mise en état plus ample de la cause, ils seront tenus d’indiquer la
date de cette audience et de préciser les devoirs d’instruction requis du ministère public.
L’officier du ministère public procédera à ces devoirs d’instruction toutes affaires cessantes et
devra en faire rapport journalier à son chef d’office. Si le prévenu est placé en détention
préventive, il veillera à la régularité de sa détention2183.

X. Voies de recours

L’appel est ouvert contre tout jugement ayant statué sur une infraction intentionnelle
flagrante. Toutefois la juridiction saisie de l’appel, examine la cause toutes affaires cessantes.
Le pourvoi en cassation est introduit conformément à la procédure ordinaire2184. La
singularité de la procédure accélérée des infractions intentionnelles flagrantes impose en
premier lieu l’absence d’opposition comme voie de recours. D’une part parce que le
délinquant est conduit ou est déféré sur le champ à l’audience du tribunal, d’autre part parce
que même en cas de fuite, la décision rendue contre lui est réputée contradictoire.

En matière d’infractions flagrantes ou réputées telles, le droit d’appel se fait


conformément à la procédure normale. Toutefois, la juridiction saisie de l’appel examine ces
infractions toutes affaires cessantes. Le pourvoi en cassation est introduit conformément à la
procédure devant la Cour de cassation. En cas de cassation, la Cour ordonne le renvoi, s’il y
a lieu, devant ses sections réunies2185.

2182
Article 10 du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, 1 er
août 2006, n°15, p. 2.
2183
Article 194 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquet.
2184
Article 11 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
2185
Article 11 de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
768

Même si la loi reconnait au délinquant condamné le droit de former appel, conformément


aux dispositions du Code de procédure pénale, cet appel est examiné toutes affaires cessantes.
Le délinquant condamné dispose aussi du droit de se pourvoir en cassation. Cette voie de
recours extraordinaire est formée conformément à la loi relative à la procédure devant la
Cour de cassation. Toutefois, et c'est cela la particularité en la matière, en cas de cassation, la
Cour ordonne le renvoi, s’il y a lieu, devant ses sections réunies2186.

SECTION 4: APPRECIATION DE LA PROCEDURE

La particularité de la procédure des infractions intentionnelles flagrantes répond le


mieux à la mentalité congolaise de perception de la justice. En effet, l’opinion publique
congolaise est encrée dans une perception photosynthétique, formaliste, caractérisée par
l’immédiateté dans l’action. Les idées maîtresses de l’ordonnance-loi sous analyse
obéissent à cette perception de l’action judiciaire que se fait l’opinion publique
congolaise. Par ailleurs, l’on doit souligner que la célérité requise en cas de flagrance
n’entrave en rien le droit à un procès équitable considéré comme repère de tout procès pénal.
Ceci revient à dire que toutes les exigences du droit à un procès équitable, c.à.d. le respect
des droits de l’homme, des droits humains, des droits de la défense et des droits de l’accusé,
etc. sont garantis et doivent être respectés en cas de flagrance.

Par contre, la définition donnée à la fragrance n'est pas aisée étant donné qu'elle ne clarifie
pas précisément ce que l'on attend par flagrance, notamment le temps qui peut être considéré
comme entrant dans la définition de la flagrance. Nous pensons que la flagrance devrait, en
bonne logique être limitée à trois hypothèses:
- celle de l'infraction qui se commet ou qui vient de se commettre;
- celle où l'infraction a été commise depuis vingt-quatre heures au maximum s'il reste sur
place des traces ou des témoins ou tout autre moyen de preuve;
- celle où, dans un délai qui ne devrait pas être supérieur à vingt-quatre heures, la personne
soupçonnée est arrêtée et présente des éléments de preuves ou indices probants de sa
participation à l'infraction.

2186
Article 11 in fine de l'ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions
intentionnelles flagrantes, JORDZ, n° 6, 15 mars 1978, 15.
769

CHAPITRE IV :
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES EN MATIERE DE VIOLENCES
SEXUELLES

La République démocratique du Congo connait une évolution négative de mœurs


provoquée par des différentes guerres de rebellions favorisant des actes inhumains et de
nombreux abus de tout genre tels que l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la
torture, le viol etc. Ces différents comportements s’inscrivent dans la logique de la négation
de la nature intangible et universelle de l’homme. D’où, la mise sur pied de la loi n°06/018
et 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant respectivement le décret du 30 janvier
1940 portant Code pénal et le décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale.

SECTION 1 : NOTIONS

La singularité de la loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du


06 août 1959 portant Code de procédure pénale s’est avérée nécessaire à travers une forme
de célérité introduite dans la procédure pénale afin d’obtenir le répression de l’auteur et de
rétablir la victime dans ses droits dans un délai le plus court possible.

Tout en accélérant la procédure, le législateur congolais a estimé nécessaire de supprimer


la formalité d’informer l’autorité hiérarchique avant de procéder à l’arrestation du
coupable, ce dernier ne peut plus avoir la possibilité de payer l’amende transactionnelle
pour faire éteindre l’action publique comme cela était le cas, avant l’entrée en vigueur de la
loi précitée et le législateur privilégie désormais la servitude pénale principale2187.

§ 1. Définition des violences sexuelles

La loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles ne définit pas les violences
sexuelles. Le législateur de 2006 s’est contenté d’énumérer les actes infractionnels de
violences sexuelles. Il s’agit de l’attentat à la pudeur, du viol, de l’excitation des mineurs à
la débauche, du souteneur et du proxénétisme, de la grossesse forcée, du harcèlement
sexuel, du mariage forcé, de la mutilation sexuelle, de la pornographie mettant en scène des
enfants, de la prostitution forcée, de la prostitution d’enfant, de la stérilisation forcée, du
trafic et exploitation d’enfant à des fins sexuelles, de la transmission délibérée des infections
sexuellement transmissibles incurables et de la zoophilie2188.

2187
Exposé des motifs de la loi n°06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 06 août 1959
portant Code de procédure pénale congolais, JORDC, 1 août 2006, n° 15, p.1.
2188
Articles 170 de la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940
portant Code pénal congolais, JORDC, 1 er août 2006, n°15, p.12.
770

La particularité de toutes ces incriminations réside en ceci qu’elles convergent toutes vers
l’atteinte à l’intimité et l’intégrité sexuelles d’une personne. L’auteur des violences sexuelles
est celui qui porte atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et morale, mais aussi à la vie
d’une personne par l’exploitation de ce que celle-ci a de plus intime : son sexe. Tout ceci
sans considération de la volonté de la victime ou de la moralité publique ou même de l’ordre
public.

Les violences sexuelles posent un problème grave qui met en péril la vie de la victime.
Elles sont particulièrement la problématique dans le contexte des situations d’urgences
complexes et des catastrophes naturelles où les femmes et les enfants naturellement
vulnérables sont la cible en matière d’exploitation sexuelle et autres formes d’abus sexuels.

§ 2. Les formes de violences sexuelles

Bien que les hommes et les femmes puissent être victimes de violence sexuelle, certains
d’entre elles ne peuvent être commis qu’à l’égard des femmes et que celles-ci sont victimes
d’une manière disproportionnée. La violence physique, sexuelle englobe les formes
suivantes :
- La violence physique, sexuelle et psychologique au sein de la famille, y compris les coups,
les sévices sexuels à l’égard des enfants, le viol conjugal, les mariages forcés, les mutilations
génitales et autres pratiques préjudiciables à l’homme;
- La violence physique, sexuelle et psychologique au sein de la collectivité, y compris les
viols, les sévices sexuels, le harcèlement et l’intimidation au travail, dans les établissements
d’enseignements et ailleurs, le proxénétisme et la prostitution forcée ;
- La violence physique, sexuelle et psychologique perpétrée ou tolérée par l’Etat, où qu’elle
soit exercée.

SECTION 2: LES PARTICULARITES DE LA PROCEDURE

La loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, qui modifie et complète le Code de procédure


pénale, se singularise par le renforcement de la répression des infractions qui relèvent de la
catégorie de violences sexuelles. Pour ce faire, le législateur congolais a décidé de mettre
en place des mécanismes qui facilitent la poursuite des infractions sexuelles.

§ 1. Accélération du délai d'enquête et de procédure

Il ressort en effet de la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 que l’enquête préliminaire en


matière de violences sexuelles se fait dans un délai d’un mois maximum à partir de la saisine
de l’autorité judiciaire et que par ailleurs l’instruction et le prononcé du jugement se font dans
un délai de trois mois maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire. Par ce premier
mécanisme, le législateur entend imprimer à la procédure pénale en matière de violences
771

sexuelles une célérité comparable à celle des infractions intentionnelles flagrantes pour
lesquelles la formalité d’informer l’autorité hiérarchique n’est pas requise avant toute
arrestation du présumé coupable. Aussi n’a-t-il pas manqué de préciser à l’intention de la
police judiciaire un court délai de 24 heures pour aviser le magistrat instructeur de
l’infraction de violence sexuelle dont il a connaissance.

Ainsi l'article 7 bis du Code de procédure pénale prévoit: "Sans préjudice des dispositions
légales relatives à la procédure de flagrance, l’enquête préliminaire en matière de violence
sexuelle se fait dans un délai d’un mois maximum à partir de la saisine de l’autorité
judiciaire. L’instruction et le prononcé du jugement se font dans un délai de trois mois
maximum à partir de la saisine de l’autorité judiciaire. L'enquête de l’officier de police
judiciaire est de portée immédiate. Elle est menée sans désemparer de manière à fournir à
l’officier du ministère public les principaux éléments d’appréciation. L’officier de police
judiciaire saisi d’une infraction relative aux violences sexuelles en avise dans les 24 heures
l’officier du ministère public dont il relève. Durant toutes les phases de la procédure, la
victime est assistée d’un conseil".

De même, l'officier du Ministère public peut faire citer devant lui toute personne dont il
estime l'audition nécessaire. La personne régulièrement citée est tenue de comparaître et de
satisfaire à la citation. Sont dispensées de témoigner, les personnes qui sont dépositaires par
état ou par profession des secrets qu'on leur confie2189.

§ 2. Suppression de la possibilité de clôturer le dossier


par payement des amendes transactionnelles

Il ressort de la même loi précitée, et dans l’idée de renforcer la répression en matière de


violences sexuelles, que la possibilité de paiement d’une amende transactionnelle en
matière de violences sexuelles est supprimée. Ainsi, l'article 9 bis du Cde de procédure
pénale dit: "L’amende transactionnelle prévue à l’article 9 ci-dessus ne s’applique pas aux
infractions aux violences sexuelles". Le législateur a privilégié ici la répression plutôt qu’une
justice négociée. Il est important de rappeler que même en dehors de la loi de 2006 et
compte tenu de la gravité des faits qui se rapportent aux violences sexuelles, le magistrat
instructeur n’était pas autorisé de proposer au délinquant poursuivi le paiement d’une
amende transactionnelle de l’article 9 du Code de procédure pénale.

§ 3. Réquisition d'office d'un médecin et un psychologue

L'article 14 bis du Code de procédure pénale prévoit que l’officier du ministère public ou le
juge requiert d’office un médecin et un psychologue, afin d’apprécier l’état de la victime des
violences sexuelles et de déterminer les soins appropriés ainsi que d’évaluer l’importance du
préjudice subi par celle-ci et son aggravation ultérieure.

2189
Article 16 du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, 1 er
août 2006, n°15, p. 2.
772

§ 4. Dérogation en matière d'administration de la preuve

A titre dérogatoire, en matière d’infractions relatives aux violences sexuelles, les règles
suivantes s’appliquent pour l’administration de la preuve:
- Le consentement ne peut en aucun cas être inféré des paroles ou de la conduite d’une
victime lorsque la faculté de celle-ci à donner librement un consentement valable a été altérée
par l’emploi de la force, de la ruse, de stupéfiant, de la menace ou de la contrainte ou de la
faveur d’un environnement coercitif ;
- le consentement ne peut en aucun cas être inféré du silence ou du manque de résistance de la
victime des violences sexuelles présumées ;
- la crédibilité, l’honorabilité ou la disponibilité sexuelle d’une victime ou d’un témoin ne
peut en aucun cas être inféré de leur comportement sexuel antérieur ;
- les preuves relatives au comportement sexuel antérieur d’une victime des violences
sexuelles ne peuvent exonérer le prévenu de sa responsabilité pénale2190.

§ 5. Mesures nécessaires pour sauvegarder la dignité de la victime

La loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 vient apporter une innovation qui tient à la protection
de la dignité de la victime de violences sexuelles. Le législateur a décidé d’entourer le procès
pour violences sexuelles de beaucoup de discrétion. A ce titre, dit la loi, le huis clos est
prononcé à la requête de la victime ou du ministère public. Dans le même esprit, le juge
saisi en matière de violences sexuelles prend des mesures nécessaires pour sauvegarder la
sécurité, le bien-être physique et psychologique de la victime de violences sexuelles. Ainsi,
l'officier du ministère public ou juge saisi en matière de violences sexuelles prend les mesures
nécessaires pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et
le respect de la vie privée des victimes ou de toute autre personne impliquée. A ce titre, le
huis clos est prononcé à la requête de la victime ou du Ministère public2191.

§ 6. Concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction

Le législateur consacre le défaut de pertinence de la qualité officielle de quiconque se


rendrait coupable des infractions de violences sexuelles. Ainsi, l'officier de police judiciaire
ou le magistrat du ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate
une infraction à charge d'un magistrat, d'un cadre de commandement de l'administration
publique ou judiciaire, d'un cadre supérieur d'une entreprise paraétatique, d'un commissaire de
district, d'un bourgmestre, un chef de secteur ou d'une personne qui les remplace ne peut, sauf
infraction flagrante, ou d’infraction relative aux violences sexuelles, procéder à l'arrestation
de la personne poursuivie qu'après en avoir préalablement informé l'autorité hiérarchique dont

2190
Article 14 ter du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, 1
er août 2006, n°15, p. 2.
2191
Article 74 bis du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, 1
er août 2006, n°15, p. 2.
773

elle dépend2192. Il ressort de cette disposition que l'OPJ ou l'officier du ministère public peut
procéder à l'arrestation de la personne poursuivie (les bénéficiaires du privilège de juridiction)
sans en avoir préalablement informé l'autorité hiérarchique dont l'auteur de l'infraction
dépend. Comme on le voit, la procédure en cas d’infractions de violences sexuelles inhibe
toute inviolabilité et tout privilège de juridiction.

SECTION 3: APPRECIATION DE LA PROCEDURE: LE VIOL


DEVIENT-ILUN FONDS DE COMMERCE

Infraction sévèrement sanctionnée par la loi, le viol est en passe d’être banalisée en
République démocratique du Congo. Certains congolais en ont fait un véritable fonds de
commerce, une escroquerie organisée et presqu’institutionnalisée. D’autres, par contre, y
recourent pour régler leurs comptes à leurs adversaires : les humilier, les disqualifier, et les
envoyer en prison.

A titre illustratif, à Kinshasa comme dans différentes provinces, il n’est plus aisé de poser
des actes de générosité envers les femmes et jeunes filles, et surtout les mineures. Il est même
déconseillé d’assister financièrement une dame, une jeune fille et surtout une mineure en
quête d’un moyen de transport pour rentrer chez elle ou d’une boisson pour étancher la soif. Il
est également déconseillé de les prendre à bord de sa voiture, au risque de se créer inutilement
des ennuis judiciaire ou encore de se faire escroquer de la plus belle manière. Elles sont
devenues tellement vicieuses qu’elles peuvent vous humilier, vous ruiner en un clin d’œil, à
défaut de vous envoyer en prison. Ainsi, un jeune cadre d’une grande entreprise publique de
Kinshasa l’avait appris à ses dépens. Regagnant son domicile de Kitambo, à bord de sa
voiture de service, il y embarquera innocemment, à l’arrêt Batetela, une jeune demoiselle qui
faisait l’autostop sous un soleil de plomb. A sa descente à Kitembo-Magasin, la jeune
panthère sortira ses griffes pour exiger à son bienfaiteur une bagatelle somme de trois cents
dollars américains, sous prétexte qu’il l’aurait violée depuis le matin. Et pour contraindre son
hôte circonstanciel à s’exécuter, la jeune prostituée s’est mise à crier à gorge déployée en vue
d’attirer l’attention des passants. Pour son honneur, le jeune cadre avait dû sortir son porte-
monnaie pour régler la note d’une consommation imaginaire.

De même, un prêtre catholique a failli, en février 2014, en faire les frais. En route pour le
Centre interdiocésain à Gombe, le prélat catholique a connu une crevaison à la Place de la
Gare (Gare Centrale). Alors qu’il s’attelait à réparer son pneu, une jeune prostituée qui rôdait
dans les parages n’a pas laissé échapper cette occasion en or. « S’il vous plaît, Monsieur,
aborda-t-elle le prêtre en tenue ordinaire, j’ai besoin d’un renseignement ». Ce dernier, très
préoccupé par la réparation du pneu de sa voiture, a d’abord refusé de l’écouter. Mais, comme
la demoiselle insistait, le serviteur de Dieu lui a, alors, demandé de quoi il s’agissait. Et contre

2192
Article 10 du Code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, 1 er
août 2006, n°15, p. 2.
774

toute attente, elle a exigé à l’homme de Dieu la somme de cent (100) dollars pour l’avoir
violée toute la nuit. Et sans attendre, elle s’est mise à crier haut et fort.

Profitant de l’arrivée massive de la population de la Tshangu (est de la ville de Kinshasa)


que le train urbain de Masina venait de déverser, la vipère s’est offerte en spectacle, en créant
ainsi un véritable scandale. Très gêné par des cris et surtout l’affluence des passants, le prélat
catholique l’a appelé et, après lui avoir posé la question pour la dernière fois sur la véracité de
ses affirmations, il a sorti un billet de 100 dollars, ainsi que son chapelet qu’il a placé au-
dessus du billet de banque et fait une brève prière : « Si réellement je t’ai violée toute la nuit
comme tu l’affirmes, mademoiselle, que le Seigneur Dieu que je sers depuis plusieurs années
me punisse et te rendre justice ». Et puis, il a tendu le billet à la vipère. « Oh, non, il n’est pas
question de prière, lâchera-t-elle avant de se rebiffer, s’il en est ainsi, je ne prends plus cet
argent, puisque vous avez fait des incantations ».

Il s'agit apparemment d'un vaste réseau d’escroquerie. Ainsi, d’après une prostituée qui
s’est confiée aux journalistes de l’avenue Lukusa, étant donné que le commerce du sexe n’est
plus du tout florissant, les prostituées se tournent maintenant vers le nouveau phénomène en
vogue actuellement et qui rapporte gros, à savoir le viol. Pour gagner le pari, elles opérèrent
en étroite collaboration avec des agents de l’ordre véreux. Pour réussir leurs coups fourrés, ils
se sont répartis les taches de la manière suivante : les prostituées jouent le rôle de chiennes de
chasse ; tandis que ces agents véreux de l’ordre se chargent généralement de la dissuasion des
victimes, c’est-à-dire les amener la victime accepter une solution à l’amiable, en déboursant
une somme d’argent. En cas de résistance ou de refus, ils recourent à la méthode forte, à
savoir l’intimidation, la brutalité et l’emprisonnement arbitraire sous le fallacieux prétexte de
viol. Ainsi, lorsqu’elle se retrouve avec un client dans une chambre d’hôtel ou dans un endroit
isolé, la panthère envoie à ses complices un SMS qui leur permet de les situer. Un membre de
la bande se fait passer alors pour le mari de la jeune fille et le tour est joué (viol d’une femme
mariée). De même, si elle se retrouve à bord d’une voiture, elle envoie à ses complices un
SMS en indiquant l’itinéraire et la place où elle va déclencher l’opération. Et, c’est ce qui
explique l’intervention rapide des agents de l’ordre à chaque incident.

Dans la deuxième quinzaine du mois de mars 2015, à la Commune de Masina dans la ville
de Kinshasa, une bailleresse a accusé le fils de son locataire de 24 ans, du prénom de Daniel,
d’avoir abusé, de ses deux fillettes de moins de 10 ans. Elle saisit alors un magistrat du
TGI/Gombe. Ce dernier émet immédiatement un mandat d’arrêt de ce présumé violeur. Les
policiers effectuent alors une descente sur terrain, cueillent le jeune Daniel et le passent
copieusement à tabac. De Masina au cachot de TGI de Kinshasa/Gombe, le pauvre Daniel se
retrouvera dans un piteux état de vers la prison de Makala. Comme le malheur n’arrive jamais
seul, un troisième grief s’ajoutera au dossier du jeune homme, à savoir le viol d’un garçon de
12 ans, fils d’un autre colocataire. Au regard de la dégradation continue de son état de santé,
Daniel sera transféré en urgence au Sanatorium de Makala où il n’a pas pu survivre a ses
coups et blessures. Au même moment, la justice l’a blanchi et acquitté.
775

La loi sur le viol a été prise dans le seul but de protéger les femmes, les jeunes, filles et
surtout les mineures. Mais, à ce jour, le constat est amer, très amer. Certains opérateurs
politiques, culturels et socio-économiques se servent du viol pour régler des comptes à leurs
adversaires, à leurs concurrents, ou à leurs collaborateurs.

A l’heure actuelle, le monde culturel avec les artistes comédiens semblent damer les pions
aux opérateurs politiques. Après Fiston Mefinga alias Saï, qui vient de passer deux longs mois
à la prison de Makala, deux autres artistes comédiens vont bientôt y prendre le relais pour viol
sur mineure. Un mandat d’arrêt est même déjà signé pour l’un des deux futurs pensionnaires
de Makala. La guerre serait presque déclarée non seulement entre les artistes comédiens, mais
aussi entre leurs différentes associations.

« La bonté de la perdrix prévient un proverbe africain, lui a fait tordre le cou ». A quoi bon
poser un acte de charité, un acte de générosité envers quelqu’un, si cela peut se retourner
contre soi ? Et Dieu seul connaît le nombre des victimes, nationaux comme expatriés,
victimes de vrai-faux viol. Par ailleurs, il s’avère urgent que l’organe de la loi puisse prévoir
des sanctions à l’encontre de ces filles de Belzébuth qui s’adonnent à cœur joie à cette sale
besogne, ternissant gratuitement la réputation des responsables de famille. Que la justice
congolaise ne s’arrête plus seulement à innocenter, à acquitter l’auteur présumé d’un viol.
Mais, qu’elle poursuive la victime supposée et tous ses complices dont les tireurs des ficelles,
ainsi que les faux témoins à charge, pour imputations dommageables.
776

CHAPITRE V : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS


D'INFRACTIONS D'AUDIENCE
SECTION 1: NOTIONS

Cette procédure est régie par l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative au délit
d'audience. On appelle délit d’audience toute infraction commise dans la salle et pendant la
durée de l’audience2193. Au plan de la terminologie, il nous faut observer qu’en droit congolais,
l’expression «délit d’audience» est impropre pour deux raisons : d’abord le droit pénal ignore
la répartition des infractions en trois catégories : contravention, délit, crime qui entraîne les
conséquences au point de vue de la compétence matérielle des juridictions appelées à les
juger. Ensuite en droit congolais, c’est toute infraction qui peut être sanctionnée séance
tenante. C'est pourquoi, nous utiliserons le terme infraction d'audience qui est adapté en droit
congolais.

Il s'agit des infractions de droit commun qui ne sont qualifiées d'infractions d'audience que
parce que, accidentellement, elles se commettent dans la salle d'audience d'une juridiction de
jugement: vols, violences et voies de fait, injures publiques, faux témoignage, diffamation,
coups et blessures et volontaires, outrages à la magistrature, etc. Par audience, il faut entendre
tous les lieux où les juges officient, y compris la descente sur les lieux, les audiences foraines,
etc. Ces infractions peuvent être commises pendant les débats ainsi que pendant les
réquisitoires et plaidoiries. Ce sont les infractions d'audience qui peuvent être prendre les
magistrats au dépourvu alors qu'une action immédiate s'impose.

SECTION 2: PROCEDURE

§ 1. Juridiction compétente et saisine d'office

La règle suivie est que toute juridiction pénale tenant une audience est compétente pour
juger non seulement les infractions dont elle a été régulièrement saisie, mais aussi, séance
tenante, les infractions qui sont commises à son audience et ne dépassent pas sa compétence
matérielle normale. La juridiction compétente est celle devant laquelle l'affaire est instruite à
l'audience. La justification de cette exception, est un but de simplification, ici, de gain de
temps2194. En cas d'infraction d'audience (délit d'audience), la règle est que le tribunal se saisira
d'office sans attendre les formalités de la saisine en application du vieux principe ""tout juge est
aussi procureur général"2195, mais la juridiction ne peut rendre son jugement sans avoir entendu

2193
Article 1er alinéa 1 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience,
Moniteur congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
2194
M. L. RASSAT, Traité de procédure pénale, Paris, éd. PUF, 2001, n° 110, p. 172.
2195
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 832, p. 823; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 836, p. 731.
777

l'intéressé. Ainsi, la saisine d'office vaut pour les infractions d'audience lorsqu'elles relèvent de
la compétence de la juridiction devant laquelle ces infractions ont été commises.

C'est ainsi que le tribunal de paix connaît des infractions punissables de la peine de 5 ans de
d'emprisonnement commises à l'audience; le tribunal de grande instance connaît des infractions
punissables au delà de la peine de 5 ans d'emprisonnement commises à l'audience ou les
infractions d'audience commises par les bénéficiaires du privilège de juridiction du niveau du
tribunal de grande instance; la Cour d'appel connaît les infractions d'audience de la compétence
de cette Cour (crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide) commises à l'audience et
les infractions commises par les bénéficiaires du privilège de juridiction du niveau de cette
Cour; la Cour de cassation connaît les infractions d'audience commises par les bénéficiaires du
privilège de juridiction du niveau de cette Cour.

Par contre, si un meurtre se commet à l'audience du tribunal de paix, ce tribunal ne pourra pas
juger cette infraction étant donné qu'elle est punissable au delà de 5 ans d'emprisonnement (c.-à-
d. au delà de la compétence du tribunal de paix). Dans ce cas, étant donné qu'en cas d'infraction
d'audience, la juridiction a des pouvoirs exorbitants selon l'application attardée de l'ancienne
règle "tout juge est aussi procureur général"2196, le président d'audience pourra
exceptionnellement ordonner l'arrestation de l'auteur de cette infraction, l'interroger, dresser le
procès-verbal des faits, puis ordonner la conduite de l'auteur de ladite infraction (et toutes les
pièces possibles) devant le procureur de la République compétent afin que celui-ci le mettre à la
disposition du tribunal de grande instance compétent pour y être jugé. En effet, une juridiction
n'est pas compétente pour juger l'infraction dépassant ses compétences matérielle et personnelle,
fut-elle commise à l'audience.

Si l'infraction qui se commet à l'audience vise la juridiction elle-même ou les juges qui la
composent (comme en cas d'outrages à la magistrature, par exemple), le droit à un tribunal
impartial s'oppose à ce que cette infraction soit jugée dans le cadre de la saisine d'office2197. En
effet, lorsque les magistrats se sentent victimes d'outrages à la magistrature, il n'appartient pas
à ceux-ci de se faire justice eux-mêmes, le mieux est de se déporter, quitte à une autre
composition du siège de la même juridiction de juger les auteurs de cette infraction. C'est le cas
du prévenu qui traite son président d'incapable ou d'incompétent. Dans ce cas, l'officier du
ministère public présent à l'audience, doit dresser le procès-verbal et s'il échet, arrêter l'auteur
de cette infraction et saisir la juridiction compétente ou la même juridiction mais autrement
composée afin de juger les auteurs de l'infraction d'outrage à la magistrature.

2196
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 832, p. 823; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 836, p. 731.
2197
CEDH, 15 décembre 2005, Kyprianou c/Chypre (GC); M.-A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D.
VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale. Tome II. Les jugements, les voies de recours, les
procédures particulaires et la coopération judiciaire internationale, Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014,
p. 1214.
778

§ 2. Instruction de la cause et jugement

En cas d'infraction d'audience commise devant la juridiction compétente, le président en


dresse le procès-verbal, entend le prévenu, les témoins, le réquisitoire du ministère public,
éventuellement le conseil du prévenu ou civilement responsable, et le tribunal prononcera, sans
désemparer, les peines prévues par la loi2198.

L’ordonnance-loi n°70/012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience qui


l’organise prévoit du point de vue de la procédure qu’en ce cas, l’infraction peut être jugée
séance tenante. A cet effet, le président du fait dresser un procès-verbal par le greffier, il
interroge le prévenu et entend les témoins le cas échéant, après avoir entendu l’officier du
ministère public. Le tribunal prononce sans désemparer les peines prévues par la loi2199.
L’expression «sans désemparer» veut dire que le tribunal doit, le jour même statuer sur cette
infraction qui se commet à l'audience sans attendre et remettre à l'audience prochaine l'affaire
qui est était pendante pour permettre une remise d’audience. Cette expression signifie aussi
que le tribunal doit surseoir momentanément l'instruction de l'affaire qui se passait à
l’audience pour délibérer et rendre le jugement sur cette infraction d'audience le même jour et
après avoir pris la cause en délibéré.

L’article 2 de l’ordonnance-loi précitée dispose «A moins qu’il bénéficie d’un


privilège de juridictions reconnu par la Constitution, l’auteur de l’infraction pourra être
condamné par le tribunal devant lequel les faits auront été commis, à condition que la peine
à appliquer soit de la compétence de cette juridiction quand elle siège en matière
répressive". De cette formulation légale découlent les conséquences suivantes: La
procédure de délit d’audience s’applique également à l’endroit des bénéficiaires du
privilège de juridiction, lorsque ce privilège est garanti par la Constitution.

Dans la pratique, la procédure de délit d’audience risque d’être de rare application.


En effet, si le délit d’audience est commis devant la Cour de cassation par un bénéficiaire
du privilège de juridiction de cette Cour, ce délit d’audience ne pourra pas souvent être
jugé par la Cour de cassation étant donné que l’article 2 de l’ordonnance-loi précitée
écarte de son champ d’application les bénéficiaires du privilège de juridictions garanti par
la Constitution, parce que la majorité des justiciables de cette Cour tiennent leur privilège
de juridiction des dispositions constitutionnelles. Actuellement, les seuls justiciables de la
Cour de cassation dont le privilège de juridiction n’est pas garanti par la Constitution sont
les autorités de la Commission électorale nationale indépendance (CENI)2200 et les membres

2198
Article 1 de l'ordonnance-loi n° 70/012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience, Moniteur
congolais, n° 10, 15 mai 1970, p. 289.
2199
Article 1er alinéa 2 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience,
Moniteur congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
2200
Il s'agit uniquement du Président, le vice-président, le rapporteur, le premier rapporteur adjoint, le deuxième
rapporteur adjoint, le questeur et le questeur adjoint; articles 10, 10 et 49 de la loi organique n°10/013 du
28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale
Indépendante (CENI).
779

de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH)2201 qui ne peuvent donc, en


principe, en ce cas de d'infraction d’audience, être jugés par la Cour de cassation.

C'est un paradoxe dès lors que certains justiciables de la Cour de cassation dont leur
privilège est garanti par la Constitution peuvent être jugés par cette Cour, et d'autres
justiciables de cette Cour ne peuvent pas être jugés par la Cour de cassation puisque leur
privilège de juridiction n'est pas prévu par la Constitution mais par une simple loi. Par
exemple, un député ou sénateur ou ministre du gouvernement central qui commet une
infraction d'audience dans la salle d'audience de la Cour de cassation pourra être jugé séance
tenante par cette Cour puisque son privilège de juridiction est garanti par la Constitution2202
mais un membre de la Commission électorale nationale indépendance (CENI)2203 ou un
membre de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH)2204 qui commet aussi
l'infraction d'audience à la Cour de cassation ne peut pas être jugé par cette Cour étant
donné que son privilège de juridiction n'est prévu que par une simple loi et non par la
Constitution.

C’est cette considération qui va rendre impossible la procédure de l'infraction


d’audience commise devant la Cour de cassation par une personne qui n’est pas justiciable de
cette Cour ou un justiciable de cette Cour mais dont le privilège de juridiction n'est pas prévu
par la Constitution. Cette Cour ne pourra pas statuer parce qu’elle n’a pas compétence en la
matière. Sa compétence en matière pénale étant purement personnelle c'est-à-dire à l'égard
des bénéficiaires du privilège de juridiction de cette Cour prévus par la Constitution; et dans
ce cas, la Cour statue en premier et dernier ressort.

La compréhension juridique qui pourra être soulevée est que l’ordonnance-loi sous
examen, semble dans sa formulation, réserver la procédure de l'infraction d’audience au juge
naturel désigné sous l’angle de compétence matérielle.

Si l'infraction d’audience est commise devant la Cour d’appel ou le tribunal de grande


instance ou le tribunal de paix, l’on doit faire une distinction :
- Si elle est commise à l'audience de la Cour d'appel par un justiciable ordinaire ou un
bénéficiaire du privilège de juridiction de la Cour d'appel (par exemple, le maire de la ville et
maire adjoint), l’on pourra soutenir que cette procédure peut s’appliquer devant la Cour
d'appel;

2201
Article Articles 11, 14 et 35 de la loi organique n° 13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et
fonctionnement de la Commission nationale de droits de l'homme. Il est composé de 4 membres du bureau
et 8 membres représentants diverses forces sociales (ONG, universités, syndicats, confessions religieuses,
personnes avec handicap, ONG des droits spécifiques de la femme, personnes vivant avec le VIH/Sida).
2202
Article 153 de la Constitution du 18 février 2006.
2203
Articles 10, 11 et 49 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement
de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2204
Articles 11, 14 et 35 de la loi organique n° 13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et
fonctionnement de la Commission nationale de droits de l'homme.
780

- Si l'infraction d’audience est commise devant un tribunal de grande instance ou devant un


tribunal de paix, la procédure ne pourra s’appliquer que si l’infraction est de la compétence
matérielle et personnelle de ce tribunal. Par exemple, si le meurtre se commet dans la salle
d'audience du tribunal de paix, ce tribunal ne sera pas compétent de juger cette infraction
étant donné qu'elle dépasse sa compétence matérielle. Il en est de même lorsqu'une
infraction d'audience est commisse notamment par un bourgmestre, chef de chefferie, de
secteur, dans la salle d'audience du tribunal de paix. Ces personnalités étant bénéficiaires
du privilège de juridiction du tribunal de grande instance, ils ne pourront être jugés que par
cette juridiction.

Dans ce cas, étant donné qu'en cas d'infraction d'audience, la juridiction a des pouvoirs
exorbitants selon l'application attardée de l'ancienne règle "tout juge est aussi procureur
général"2205, le président d'audience pourra exceptionnellement ordonner l'arrestation de l'auteur
de cette infraction, l'interroger, dresser le procès-verbal des faits, puis ordonner la conduite de
l'auteur de ladite infraction (et toutes les pièces possibles) devant le procureur de la République
compétent afin que celui-ci le mettre immédiatement à la disposition du tribunal de grande
instance compétent pour y être jugé. En effet, une juridiction n'est pas compétente pour juger
l'infraction dépassant ses compétences matérielle et personnelle, fut-elle commise à l'audience.

Si l'infraction d'audience devant le tribunal de grande instance est commise par les
bénéficiaires du privilège de juridiction de la Cour d'appel (par exemple, le maire de la ville
et maire adjoint, le fonctionnaire de l'Etat ayant le grade de directeur au moins), il ne sera pas
jugé par le tribunal de grande instance mais par la Cour d'appel. C’est dire que le tribunal
de grande instance ne pourra pas appliquer la procédure d'infraction d’audience à l’égard de
ceux qui ne bénéficient pas de son pouvoir de juridiction. Dans ce cas, le président d'audience
pourra exceptionnellement ordonner l'arrestation de l'auteur de cette infraction, l'interroger,
dresser le procès-verbal des faits, puis ordonner la conduite de l'auteur de ladite infraction (et
toutes les pièces possibles) devant le procureur général près la Cour d'appel compétent afin que
celui-ci le mette immédiatement devant la Cour d'appel pour y être jugé.

L'infraction d’audience est concevable même si le tribunal siège en matière civile,


commerciale et sociale2206.

§ 3. Voies de recours

Sauf si la condamnation a été prononcée par la Cour de cassation, quelles que soient
l’infraction et la peine appliquée, appel pourra être interjeté par le condamné, la partie
déclarée civilement responsable, le Ministère public et la partie civile2207.

2205
B. BOULOC, Procédure pénale, Paris, 22 ème éd. Dalloz, 2010, n° 832, p. 823; J. PRADEL, Procédure
pénale, Paris, 16 ème éd. Cujas, 2011, n° 836, p. 731.
2206
Article 4 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience, Moniteur
congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
2207
Article 3 l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience, Moniteur congolais,
n°10, 15 mai 1970, p. 289.
781

Si la condamnation a été prononcée par un tribunal siégeant en matière civile, l’appel est
porté devant la juridiction immédiatement supérieure siégeant en matière répressive. Si la
condamnation a été prononcée par une Cour d’appel, l’arrêt est susceptible d’appel devant la
Cour de cassation2208. L’appel est interjeté, poursuivi et jugé dans les formes prévues par le
Code de procédure pénale2209.

§ 4. Propositions pour une réforme

L’ordonnance-loi n°70/012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience (délit


d'audience) parle des tribunaux de grande instance, des cous d'appel, de la Cour de cassation
(Cour suprême de justice) mais sans faire allusion aux tribunaux de paix, tribunaux de
commerce, tribunaux de travail et tribunaux pour enfants. Cela se justifie par le fait qu'en
1970 (il y a plus de 46 ans), date où l'ordonnance-loi précitée avait été prise, il n'y avait pas
les tribunaux de paix, les tribunaux de commerce, les tribunaux de travail et les tribunaux
pour enfants. C'est pourquoi, il convient d'adapter ce texte au paysage judiciaire actuel. A cet
effet, il serait mieux de prévoir une disposition large possible qui laisse ouverture à la création
d'autres juridictions. L'on pourrait prévoir toute infraction d'audience sera jugée devant la
juridiction devant laquelle elle est commise si l'infraction concernée entre dans ses
compétences.

Cette formulation englobe toutes les infractions, toutes les juridictions et toutes les
compétences (matérielle, personnelle et territoriale). Dans ce sens, un justiciable de la Cour de
cassation s'il commet une infraction d'audience à la Cour de cassation, il sera jugé devant
cette Cour s'il est bénéficiaire du privilège de juridiction de cette Cour (prévu soit la
Constitution, soit par une simple loi). Nous pensons que si un justiciable ordinaire commettait
une infraction d'audience dans la salle d'audience de la Cour de cassation, compte tenu de la
particularité de cette Cour; le ministère public pourra, entendre le prévenu, récolter les
preuves, entendre les témoins présents dans la salle d'audience, arrêter l'auteur de l'infraction
séance tenante (le placer sous mandat d'arrêt provisoire), dresser un procès-verbal des faits, et
saisir la juridiction compétente (en tenant compte de la compétence matérielle et personnelle
du prévenu) avec toutes les pièces éventuelles afin qu'il soit jugé le même jour ou au plus tard
le lendemain.

Par contre dans les autres juridictions, si un justiciable ordinaire commettait une infraction
d'audience (même si la compétence matérielle est inférieure à la juridiction saisie), il peut être
jugé devant cette juridiction. Dans ce cas, la juridiction quelle qu'elle soit, doit juger les faits
sans désemparer. C'est le cas d'un justiciable ordinaire qui commet la diffamation à l'audience
de la Cour d'appel, même si cette infraction est de la compétence du tribunal de paix, il sera
jugé par la Cour d'appel, selon la procédure d'infraction d'audience.

2208
Article 4 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience, Moniteur
congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
2209
Articles 4 et 5 de l'ordonnance-loi n°70-012 du 10 mars 1970 relative aux infractions d'audience, Moniteur
congolais, n°10, 15 mai 1970, p. 289.
782

CHAPITRE VI :
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DE POURSUITES
PENALES DES MINEURS

Il s'agit des poursuites concernant l'enfant en conflit avec la loi.

SECTION 1: FONDEMENT

La condition de l'enfant dans le monde en raison de sa vulnérabilité, de sa dépendance par


rapport au milieu, de son manque de maturité physique, intellectuelle et émotionnelle,
nécessitant de soins spéciaux et une protection particulière n'a cessé d'interpeller depuis un
certain temps la communauté internationale et nationale.

Dans le souci de trouver une solution durable à cet épineux problème, l'Assemblée générale
des Nations Unies a adopté, le 20 novembre 1989, la Convention relative aux droits de
l'enfant. Elle a ensuite fait une Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection,
du développement de l'enfant au Sommet lui consacré tenu à New York du 28 au 30
septembre 1990. Elle a enfin, renouvelé sa ferme détermination à poursuivre ces efforts lors
de sa session spéciale consacrée aux enfants du 05 au 10 mai 2002 à New York.

Les Etats africains, pour leur part, ont adopté en juillet 1990, la Charte africaine des droits
et du bien-être de l'enfant pour assurer une protection et porter un regard particulier sur la
situation critique de nombreux enfants à travers tout le continent. Mue par la Constitution du
18 février 2006 en son article 123, point 16, la République démocratique du Congo dont la
population accorde une place centrale à l'enfant en tant que renouvellement de l'être et de la
vie, s'est résolument engagée dans la voie de faire de la protection de l'enfant son cheval de
bataille, en adhérant à la Convention n" 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi et à la
Convention 182 sur l'interdiction des pires formes de travail.

Cependant, en dépit des efforts déployés, de nombreux enfants continuent d'être maltraités,
discriminés, accusés de sorcellerie, infectés ou affectés par le VIH/SIDA ou sont l'objet de
trafic, ils sont privés de leur droit à la succession, aux soins de santé et à l'éducation. Pis
encore, de nombreux enfants vivent dans la rue, victimes d'exclusion sociale, d'exploitation
économique et sexuelle tandis que d'autres sont associés aux forces et groupes armés. C'est
dans ce contexte que s'est fait sentir le besoin pressant d'élaborer en RDC une loi portant
protection de l'enfant. Ainsi, cette loi poursuit notamment les objectifs ci-après:
- garantir à l'enfant le droit de bénéficier des différentes mesures à caractère administratif,
social, judiciaire, éducatif, sanitaire et autres visant à le protéger de toutes formes d'abandon,
de négligence, d'exploitation et d'atteinte physique, morale, psychique et sexuelle,
783

- diffuser et promouvoir la culture des droits et devoirs de l'enfant et en faire connaître à celui-
ci les particularités intrinsèques en vue de garantir l'épanouissement intégral de sa
personnalité et de le préparer à ses responsabilités citoyennes;
- faire participer l'enfant à tout ce qui le concerne par des moyens appropriés susceptibles de
l'aider à acquérir les vertus du travail, de l'initiative et de l'effort personnel;
- cultiver en lui les valeurs de solidarité, de tolérance, de paix et de respect mutuel afin de
l'amener à prendre conscience de t'indissociabilité de ses droits et devoirs par rapport à ceux
du reste de la communauté;
- renforcer la responsabilité des parents, de la famille et de l'ensemble de la communauté à
l'égard de l'enfant.

C'est partant de ces éléments qu'on a créé en RDC les tribunaux pour enfants qui prévoient
une procédure appropriée. La procédure prévoit deux possibilités: la médiation (section 2) et
la procédure judiciaire devant le tribunal pour enfants (section 3). Nous aborderons aussi
l'impartialité de juges du tribunal pour enfants (section 4).

SECTION 2: LA MEDIATION

La médiation est le mécanisme qui vise à trouver un compromis entre l'enfant en conflit
avec la loi ou son représentant légal, et la victime ou son représentant légal ou ses ayants
droits sous réserve de l'opinion de l'enfant intéressé dûment entendu. Elle a pour objectif
d'épargner l'enfant des inconvénients d'une procédure judiciaire, d'assurer la réparation du
dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant du fait qualifié d'infraction à la
loi pénale, et de contribuer ainsi à la réinsertion de l'enfant en conflit avec la loi2210.

En cas de manquement qualifié d'infraction à la loi pénale punissable de moins de dix ans
de servitude pénale, le président du tribunal pour enfants peut transmettre l'affaire au comité
de médiation ou engager a procédure judiciaire2211. La médiation est ouverte à toutes les
étapes de la procédure judiciaire. Elle suspend la procédure devant le juge saisi, sauf en ce qui
concerne les mesures provisoires2212.

La médiation est notamment conclue sur la base d'une ou plusieurs des mesures ci-après:
l'indemnisation de la victime, la réparation matérielle du dommage, la restitution des biens à
la victime, la compensation, les excuses expresses présentées de façon verbale ou écrite à la
victime, la réconciliation, l'assistance à la victime et le travail d'intérêt général ou prestation

2210
Articles 132 à 133 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33; article 2 de l'arrêté interministériel n°490/CAB/MIN/J&DH/2010 et
011/CAB/MIN.GEFAE du 29 décembre 2010 portant composition, organisation et fonctionnement du
comité de médiation en matière de justice pour mineurs.
2211
Article 137 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2212
Article 139 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
784

communautaire. Le travail d'intérêt général consiste en une orientation utile à la collectivité ne


dépassant pas quatre heures par jour, pour une durée d'un mois au plus. Ce travail doit être
effectué dans le respect de la dignité humaine, avec le consentement éclairé de l'enfant et sous
la supervision de l'assistant social2213.

La médiation est conduite par un organe dénommé « comité de médiation ». Un arrêté


interministériel des ministres ayant la justice et l'enfant dans leurs attributions, délibéré en
Conseil des ministres, en fixe la composition, organisation et le fonctionnement.

Lorsque les faits en cause sont bénins et que l'enfant en conflit avec la loi n'est pas
récidiviste, le président du tribunal pour enfants défère d'office la cause au comité de
médiation dans les quarante-huit heures de sa saisine2214. Le Comité de médiation statue en
toute indépendance et fait rapport au président du tribunal pour enfants sur les conclusions de
la médiation dans les trente jours à dater de la réception du dossier. Passé ce délai, le comité
de médiation est dessaisi d'office. Lorsque la médiation aboutit, elle met fin à la procédure
engagée devant le juge. Le compromis signé par les différentes parties, est revêtu, sans délai,
de la formule exécutoire par le président du tribunal pour enfants. En cas d'échec, la
procédure judiciaire reprend son cours. L'acte de médiation est exonéré de tous frais2215.

SECTION 3: LA PROCEDURE JUDICIAIRE DEVANT


LE TRIBUNAL POUR ENFANTS

La médiation n'est pas permise pour des manquements qualifiés d'infraction à la loi pénale
punissables de plus de dix ans de servitude pénale2216; dans ce cas c'est la procédure judiciaire
qui sera suivie.

§ 1. Saisine

Le tribunal pour enfants est saisi par :


- la requête de l'officier du ministère public du ressort dès qu'il a connaissance des faits portés
contre l'enfant;
- la requête de l'officier de police judiciaire dès qu'il a connaissance des faits portés contre
l'enfant;
- la requête de la victime;

2213
Article 134 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2214
Articles 135 à 136 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
2215
Articles 140 à 142 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33; articles 18 à 22 de l'arrêté interministériel n°490/CAB/MIN/J&DH/2010 et
011/CAB/MIN.GEFAE du 29 décembre 2010 portant composition, organisation et fonctionnement du
comité de médiation en matière de justice pour mineurs.
2216
Article 138 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
785

- la requête des parents ou du tuteur;


- la requête de l'assistant social;
- la déclaration spontanée de l'enfant;
- la saisine d'office du juge.

Lorsque le tribunal est saisi par l'officier de police judiciaire, celui-ci en informe
immédiatement l'officier du ministère public du ressort2217.

§ 2. Garanties procédurales

La loi a prévu des garanties procédurales pour l'intérêt de l'enfant. En effet, dès qu'il a
connaissance des faits portés contre l'enfant, l'officier du ministère public ou l'officier de
police judiciaire en informe immédiatement, ou si ce n'est pas possible, dans le plus bref délai,
ses parents, son tuteur ou la personne qui exerce sur lui l'autorité parentale2218.

Tout enfant suspecté ou accusé d'un fait qualifié d'infraction par la loi pénale bénéficie,
sous peine de nullité de la procédure, notamment des garanties ci-après:
- le droit à la présomption d'innocence et à un procès équitable ;
- la présence au procès ;
- le droit d'être informé, dans le plus bref délai, dans une langue qu'il comprend et de manière
détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre lui ;
- le droit à l'assistance par un conseil de son choix ou désigné d'office par le juge;
- le droit de voir son affaire être jugée dans un délai raisonnable;
- le droit à un interprète;
- le droit au respect de sa vie privée à toutes les étapes de la procédure;
- le droit d'être entendu en présence des parents, du tuteur, de la personne qui en a la garde ou
de l'assistant social;
- le droit de ne pas être contraint de plaider coupable;
- le droit d'interroger ou de faire interroger des témoins à charge et à obtenir la comparution et
l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions2219.

L'enfant a droit aussi à la confidentialité du dossier judiciaire le concernant. Il ne peut être


fait état des antécédents dans les poursuites ultérieures à sa charge l'impliquant comme
adulte2220.

2217
Article 102 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2218
Article 103 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2219
Article 104 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2220
Article 105 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
786

§ 3. Mesures provisoires

Le juge pour enfants peut, avant de statuer sur le fond, prendre par voie d'ordonnance l'une
des mesures provisoires suivantes :
- placer l'enfant sous l'autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde;
- assigner à résidence l'enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui en ont la
garde ;
- soustraire l'enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité
ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social. Par couple, on entend deux
personnes de sexes opposés légalement mariées.

Le choix par le juge pour enfants des mesures provisoires privilégie autant que possible le
maintien de l'enfant dans un environnement familial. Le placement dans une institution
publique ou privée agréée à caractère social ne peut être envisagé que comme une mesure de
dernier recours. L'assistant social assure le suivi des mesures provisoires prises par le juge2221.

Le juge informe immédiatement ou si ce n'est pas possible dans le plus bref délai, les
parents, le tuteur ou la personne qui en a la garde des faits portés contre l'enfant. Il les informe
également des mesures provisoires prises à l'égard de celui-ci. Si ces mesures prévues ne
peuvent être prises parce que l'enfant est présumé dangereux et qu'aucun couple ou aucune
institution n'est en mesure de l'accueillir, l'enfant peut être préventivement placé dans un
établissement de garde et d'éducation de l’Etat, pour une durée ne dépassant pas deux mois.
Un décret du Premier ministre, délibéré en Conseil des ministres, fixe l’organisation et le
fonctionnement de l'établissement de garde et d'éducation de l'Etat. Le juge pour enfants
charge l’assistant social du ressort de la collecte des informations concernant la conduite et le
comportement de l'enfant2222.

§ 4. Instruction de la cause

Le juge peut à tout moment convoquer l'enfant et les personnes qui exercent sur lui
l’autorité parentale. Il apprécie les conditions du sursis et vérifie l'identité de l'enfant et le
soumet, s'il échet, à une visite médicale portant sur son état physique et mental. En cas de
doute sur l'âge, la présomption de la minorité prévaut. Le greffier notifie la date de l'audience
à la partie lésée. La procédure par défaut est exclue à l'égard de l'enfant. Le juge pour enfants
décrète le huis clos tout au long de la procédure. Il procède à l'audition de l'enfant, et ce, en
présence des parents, du tuteur, de la personne qui en a la garde ou de l'assistant social.

Dans l'intérêt de l'enfant, le juge peut décider du déroulement des plaidoiries hors la
présence de l'enfant. L'audience se déroule sans toge. Le ministère public donne son avis sur

2221
Article 106 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2222
Articles 107 à 109 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
787

le banc. Lorsque le fait commis par l'enfant est connexe à celui qui peut donner lieu à une
poursuite contre un adulte, les poursuites sont disjointes et l'enfant est poursuivi devant le
juge pour enfants2223.

§ 5. Jugement ou décision de la cause

Dans les huit jours qui suivent la prise en délibéré de la cause, le juge prend l'une des
décisions suivantes:
- réprimander l'enfant et le rendre à ses parents ou aux personnes qui exerçaient sur lui
l'autorité parentale en leur enjoignant de mieux le surveiller à l'avenir;- le confier à un couple
de bonne moralité ou à une institution privée agréée à caractère social pour une période ne
dépassant pas sa dix-huitième année d'âge;
- le mettre dans une institution publique à caractère social pour une période ne dépassant pas
sa dix-huitième année d'âge;
- le placer dans un centre médical ou médico-éducatif approprié;
- le mettre dans un établissement de garde et d'éducation de l'Etat pour une période ne
dépassant pas sa dix-huitième année d'âge.
La mesure prévue au point 3 ne s'applique pas à l'enfant âgé de plus de seize ans2224.

Dans les cas où le juge ordonne le placement de l'enfant dans un établissement de garde et
d'éducation de l'Etat, il peut prononcer le placement avec sursis pour une période qui n'excède
pas sa majorité et pour une infraction punissable au maximum de cinq ans de servitude pénale
principale.

Si l'enfant a commis un manquement qualifié d'infraction à la loi pénale punissable de plus


de cinq ans de servitude pénale et qui n'est pas punissable de la peine de mort ou de la
servitude pénale à perpétuité, le juge peut, s'il le met dans un établissement de garde et
d'éducation de l'Etat, prolonger cette mesure pour un terme qui ne peut dépasser sa vingt-
deuxième année d'âge. A sa dix-huitième année d'âge, l'intéressé devra être séparé des
enfants, au sein du même établissement de garde et d'éducation de l'Etat, sur décision du juge,
à la demande de l'autorité de l'établissement de garde. Si l'enfant a commis un manquement
qualifié d'infraction à la loi pénale punissable de la peine de mort ou de la servitude pénale à
perpétuité, le juge peut, s'il le met dans un établissement de garde et d'éducation de l'Etat,
prolonger cette mesure au-delà de la dix-huitième année de l'enfant pour un terme de dix ans
au maximum2225.

L'enfant qui a commis un manquement qualifié d'infraction punissable de plus d'un an de


servitude pénale, et qui est d'une perversité caractérisée ou récidiviste est placé dans un

2223
Articles 110 à 112 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
2224
Article 113 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2225
Articles 114 à 116 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
788

établissement de rééducation de l'Etat pendant une année au moins et cinq ans au plus. Cette
mesure n'est pas applicable aux enfants âgés de moins de quinze ans. Un décret du Premier
ministre délibéré en Conseil des ministres fixe l'organisation et le fonctionnement de
l'établissement de rééducation de l'Etat. L'enfant qui n'a pas fait l'objet de placement dans
l'une des hypothèses ci-dessus ou dont le placement a été levé est soumis, jusqu'à sa dix-
huitième année d'âge, au régime de la liberté surveillée. Si le manquement qualifié
d'infraction est établi, le juge met les frais à charge des personnes civilement responsables et,
s'il y a lieu, les oblige aux restitutions et aux dommages et intérêts. L'utilisation des salaires
gagnés par l'enfant qui fait l'objet de l'une des mesures prévues ci-dessus est déterminée par le
juge dans l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment pour sa réinsertion sociale. Les frais
d'entretien et d'éducation de l'enfant résultant des mesures prononcées par le tribunal sont à
charge des perso-mes qui lui doivent des aliments, si des sont solvables. A défaut, ils sont à
charge de l'Etat. La décision du juge est motivée. Elle est prononcée en audience publique2226.

§ 6. Voies de recours

Les décisions du juge pour enfants sont susceptibles d'opposition ou d'appel. Hormis le
ministère public et l'enfant concerné, l'opposition est ouverte à toutes les autres parties dans
les dix jours qui suivent la signification de la décision. Cette opposition est formée par la
déclaration actée au greffe du tribunal qui a prononcé la décision. La chambre de première
instance statue dans les quinze jours à dater de sa saisine. L'appel de ses décisions est adressé
à la chambre d'appel du tribunal pour enfants.

L'appel est ouvert au ministère public ainsi qu'à toutes les parties à la cause. L'appel est
formé par déclaration actée soit au greffe du tribunal qui a rendu la décision, soit au greffe de
la chambre d'appel dans les dix jours à dater du jour où l'opposition n'est plus recevable, ou
dans les dix jours de la décision rendue contradictoirement. La chambre d'appel statue dans
les trente jours à dater de sa saisine. La chambre d'appel applique les mêmes règles de
procédure que la Chambre de première instance. Le délibéré se déroule conformément au
droit commun2227. Les décisions de la chambre d'appel sont susceptibles d'opposition et non
d'appel car elles statuent en dernier ressort. Elles peuvent faire en toute logique, l'objet de
pourvoi en cassation à la Cour de cassation.

Le recours en révision est prévu dans la procédure des tribunaux pour enfants. En effet, le
juge peut, en tout temps, soit spontanément, soit à la demande du ministère public, de l'enfant,
des parents ou représentants légaux, ou de toute personne intéressée soit sur rapport de
l'assistant social rapporter ou modifier les mesures prises à l'égard de l'enfant. A cet effet, le
juge visite le lieu de placement de l'enfant. Il statue sur la demande de révision dans les huit

2226
Articles 117 à 122 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
2227
Articles 123 à 124 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
789

jours qui suivent sa saisine. Les mesures prises à l'égard de l'enfant font d'office l'objet d'une
révision tous les trois ans2228.

§ 7. Exécution du jugement ou décision

A moins que le juge n'en décide autrement, la décision est exécutoire sur minute dès le
prononcé en ce qui concerne la mesure prise à l'endroit de l'enfant. Le juge veille à l'exécution
de toutes les mesures qu'il a prises à l'égard de l'enfant. Il est aidé par l'assistant social
territorialement compétent. Sur décision motivée prise du juge, soit d'office, soit à la demande
du ministère public, des parents, tuteur ou personnes qui ont la garde de l'enfant, soit sur
rapport de l'assistant social, l'enfant placé dans l’établissement de garde et d'éducation de
l'Etat qui atteint l'âge de dix-huit ans en placement peut, pour raison de perversité, être
transféré dans un établissement de rééducation de l'Etat pour une durée qui ne peut excéder sa
vingt-deuxième année d'âge. Dans ce cas, l'enfant est préalablement entendu2229.

SECTION 4: L'IMPARTIALITE DES TRIBUNAUX POUR ENFANTS

Le juge du tribunal pour enfants est avant tout chargé d’une fonction socio-éducative qui ne
se limite pas à la préparation et au prononcé de la sentence mais, sa mission continue par un
contrôle constant de la mesure prise, qu’il peut modifier ou rapporter dans l’intérêt exclusif du
mineur. De même, il peut prendre certaines mesures provisoires avant de statuer au fond. Il
s'agit notamment de mesures suivantes:
- placer l'enfant sous l'autorité de ses père et mère ou de ceux qui en ont la garde;
- assigner à résidence l'enfant sous la surveillance de ses père et mère ou de ceux qui en ont la
garde ;
- soustraire l'enfant de son milieu et le confier provisoirement à un couple de bonne moralité
ou à une institution publique ou privée agréée à caractère social2230.

Partant de sa spécialisation et de sa mission particulière, le juge du tribunal pour


enfants devrait juger au fond même s’il était intervenu antérieurement dans la même affaire en
prenant notamment ces mesures provisoires susvisées. C'est pour cette raison que la Cour
européenne des droits de l’homme2231 avait indiqué qu’il était essentiel de traiter un enfant
accusé d’une infraction de manière qui tienne compte de son âge, de sa maturité et de ses
capacités, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa compréhension de la procédure et
sa participation à celle-ci, bref de la personnalité de l’enfant ; l’exigence d’impartialité devrait
être appréciée plus souplement d’autant plus que contrairement au juge des adultes, le juge du

2228
Articles 125 à 127 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
2229
Articles 128 à 130 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial,
25 mai 2009, pp. 23-33.
2230
Article 106 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, JORDC, n°spécial, 25 mai
2009, pp. 23-33.
2231
CEDH, 24 août 1993, Nortier c/Pays-Bas ; CEDH, 16 décembre 1999, T. c/Royaume-Uni, § 84 ; CEDH,
16 décembre 1999, N. c/Royaume-Uni, § 86 ; CEDH, 15 juin 2004, S.C. c/Royaume-Uni, §§ 28 et 35.
790

tribunal pour enfants a pour finalité de déterminer la mesure éducative qui convient le mieux
au mineur2232.

En d’autres termes, cette souplesse d'appréciation d'impartialité à l'égard du juge du


tribunal pour enfants s’explique avant tout par la nécessité d’une connaissance aussi parfaite
que possible de la personnalité du délinquant par un magistrat spécialisé2233. Mais cette
souplesse d'appréciation d'impartialité n'intervient que dans le cas où l'enfant est l'auteur de
l'infraction, elle ne reçoit pas application dans l'hypothèse où il en est victime2234.

2232
Article 14, § 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; article 8 de la Convention
européenne sur l’exercice des droits des enfants du 15 janvier 1996.
2233
D. ROETS, Impartialité et justice pénale, Paris, Cujas, 1997, p. 122, § 176 ; S. JOSSERAND,
L’impartialité du magistrat en procédure pénale, Paris, L.G.D.J., 1998, pp. 78-79, §§ 134 à 135 ; F.
KUTY, « Le cumul d’interventions du juge de la jeunesse dans le cadre de la procédure protectionnelle »,
in Rev. dr. pén. crim., 2002, p. 482 ; Conclusions conformes de l’avocat général J.M. PIRET sous Cass.
belge, 6 novembre 1985, R.D.P., 1986, pp. 312-314, spéc. p. 313 ; R. CHARLES, « Le jeune délinquant
et le droit belge », Liber Amicorum F. DUMONT, Anvers Kluwer, 1983, pp. 359-381 ; J.M. PIRET,
« Protection de la jeunesse », Les Novelles, Bruxelles, Larcier, 1978, n° 1156 ; J.-F. RENUCCI, Droit
européen des droits de l’homme, Paris, L.G.D.J., 1999, p. 183 ; F. KUTY, « Le cumul des fonctions du
juge d’instruction dans le cadre de la procédure protectionnelle », Revue de droit pénal et de criminologie,
septembre-octobre 2004, p. 937.
2234
T. KAVUNDJA N. MANENO, L'indépendance et l'impartialité du juge en droit comparé belge, français et
de l'Afrique francophone, thèse de doctorat, Faculté de droit, U.C.L, juin 2005, p. 377.
791

CHAPITRE VII :
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DU PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE DEVANT
LA COUR CONSTITUTIONNELLE

La Cour constitutionnelle est compétente en matière pénale pour juger les infractions
politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité, les
délits d’initié et les autres infractions de droit commun commises par le Président de la
République et le Premier ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs
fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices2235.

Il y a haute trahison, lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la


Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre est reconnu auteur, coauteur ou complice de
violations graves et caractérisées des droits de l’homme ou de cession d’une partie du
territoire national. Le Président de la République ou le Premier ministre se rend également
coupable de l’infraction de haute trahison lorsque l’un ou l’autre :
- institue ou tente d’instituer un parti unique sous quelque forme que ce soit ;
- manque à son devoir de sauvegarder l’unité de la République et l’intégrité de son territoire ;
- détourne les forces armées de la République à ses fins propres ;
- organise des formations militaires, paramilitaires ou des milices privées ou entretient une
jeunesse armée.

Il y a atteinte à l’honneur lorsque le comportement personnel du Président de la


République ou du Premier ministre est contraire aux bonnes mœurs. Il y a atteinte à la probité
lorsque le Président de la République ou le Premier ministre est reconnu auteur, coauteur ou
complice de détournement de deniers publics ou de malversations, de corruption ou
d’enrichissement illicite.

Il y a délit d’initié dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre


lorsque l’un ou l’autre effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à
l’égard desquelles il possède, en raison de ses fonctions, des informations privilégiées et dont
il tire profit avant que celles-ci ne soient connues du public. Il englobe l’achat ou la vente
d’actions fondées sur des renseignements qui ne seraient jamais divulguées aux actionnaires.

2235
Articles 163 à 165 de la Constitution du 18 février 2006; articles 72 à 80 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
792

Il y a outrage au Parlement, lorsque sur des questions posées par l’une ou l’autre Chambre
du Parlement sur l’activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse
dans un délai de trente jours à dater de la réception de la question2236.

SECTION 1: POURSUITES PENALES A L'EGARD DU PRESIDENT


DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE POUR
LES INFRACTIONS COMMISES DANS OU A L'OCCASION
D'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS

§ 1. Notions

Par infractions commises dans ou à l'occasion d'exercice de leurs fonctions, il faut entendre
des infractions politiques de haute trahison, d'outrage au Parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la
probité ainsi que le délit d'initié (article 164 de la Constitution du 18 février 2006). La décision
de poursuites ainsi que la mise en accusation sont votées à la majorité des deux tiers des
membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement
intérieur2237.

Il convient de déplorer l’expression « mise en accusation » employée dans l’article 166


alinéa 1 de la constitution du 18 février 2006. Cette expression, empruntée du droit français,
résulte de la décision de renvoi à la Cour d’assises lorsque les faits retenus par la juridiction
d’instruction (Chambre du conseil ou Chambre de mise en accusation) constituent un crime. La
mise en accusation suggère donc l’existence d’une instruction préparatoire qui aboutit à la
conclusion qu’une infraction a été commise. En ce qui concerne les poursuites contre le
Président de la république ou le Premier Ministre, la mise en accusation existe sans qu’aucune
instruction préparatoire n’ait commencée. Nous pensons qu’il y a lieu de reformuler cette
disposition constitutionnelle en indiquant que le vote du congrès constitue non pas la mise en
accusation, mais plutôt la levée d’immunité politique qui donnera droit au Procureur général près
la Cour constitutionnelle d’instruire et de saisir éventuellement la Cour constitutionnelle.

Avant de poursuivre en matière pénale le Président de la République ou le Premier ministre,


le Procureur général près la Cour constitutionnelle, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la
mise en accusation du Parlement réuni en Congrès2238. A défaut de cette autorisation, les
poursuites judiciaires ne peuvent jamais être envisageables.

2236
Article 165 de la Constitution du 18 février 2006, articles 72 à 80 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre
2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre
2013.
2237
Article 166 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006.
2238
Article 166 de la Constitution du 18 février 2006; articles 100 à 102 de la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18
octobre 2013.
793

§ 2. Autorisation de poursuites

La poursuite est l'ensemble des actes par lesquels le ministère public exerce l'action
publique et requiert l'application de la loi et des actes accomplis par un officier de police
judiciaire pour découvrir l'auteur d'une infraction pénale, rassembler les preuves et les
charges, afin de le renvoyer devant la juridiction de jugement pour y être jugé. C'est donc le
mécanisme mis en place qui consiste à chercher, rassembler les preuves et les charges dans le
chef d'un auteur présumé de l'infraction afin de permettre la saisine d'une juridiction. Bref, en
RDC, la poursuite consiste à saisir d'un fait le ministère public afin qu'il instruise ou encore
qu'il mette l'action publique en mouvement, rassemble les preuves qui pourront permettre de
traduire l'auteur présumé de l'infraction devant la juridiction de jugement.

Ainsi défini; tout officier de police judiciaire ou tout officier du ministère public qui
reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate l’existence des faits infractionnels à
charge soit du Président de la République, soit du Premier ministre les transmet, toutes
affaires cessantes, au Procureur général près la Cour constitutionnelle et s’abstient de poser
tout autre acte2239.

Le Procureur général près la Cour constitutionnelle assure l’exercice de l’action publique


dans les actes d’instruction et de poursuites contre le Président de la République, le Premier
ministre ainsi que les coauteurs et les complices. A cette fin, il reçoit les plaintes et les
dénonciations et rassemble les preuves. Il entend toute personne susceptible de contribuer à la
manifestation de la vérité. Si le Procureur général près cette Cour estime devoir poursuivre le
Président de la République ou le Premier ministre, il adresse au Président de l’Assemblée
nationale et au Président du Sénat une requête aux fins d’autorisation des poursuites. Si le
Congrès autorise les poursuites, l’instruction préparatoire est menée par le Procureur général
près la Cour constitutionnelle. Les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à
l’instruction préparatoire. La Cour constitutionnelle est seule compétente pour autoriser la
mise en détention préventive du Président de la République ou du Premier ministre, dont elle
détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est remplacée par
l’assignation à résidence surveillée2240.

§ 3. Autorisation de mise en accusation

La mise en accusation est l'ensemble des arguments et moyens de preuves employés par
le ministère public pour demander à une juridiction déterminée la condamnation d'une
personne qui a commis une infraction. C'est donc le mécanisme mis en place qui rassemble
toutes les preuves possibles en vue de saisir la juridiction compétente pour des charges
retenues dans le chef d'un inculpé. Comme son nom l'indique, l'autorisation de mise en

2239
Article 104 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2240
Articles 100 à 102 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
794

accusation permet de mettre en accusation l'inculpé aux fins de le faire comparaître à


l'audience de la Cour de cassation pour toutes les charges retenues contre lui. Ainsi définie, à
la clôture de l’instruction préjuridictionnelle, le Procureur général près la Cour
constitutionnelle adresse un rapport au Président de l’Assemblée nationale et au Président du
Sénat éventuellement accompagné d’une requête aux fins de solliciter du Congrès la mise en
accusation du Président de la République ou du Premier ministre.

§ 4. Fixation d'audience et procédure de jugement

Dans le cas où le Congrès adopte la résolution de mise en accusation, le Procureur général


transmet le dossier au Président de la Cour constitutionnelle par une requête aux fins de
fixation d’audience. Il fait citer le prévenu et, s’il y a lieu, les coauteurs et/ou les
complices2241.

La constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour constitutionnelle. De


même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus aux victimes. L’action civile ne peut être poursuivie qu’après l’arrêt définitif et
devant les juridictions ordinaires2242.

§ 5. Exécution de jugement

En cas de condamnation du Président de la République ou du Premier ministre, la Cour


prononce sa déchéance. Cette sanction s’applique, mutatis mutandis, aux coauteurs ou
complices revêtus de la puissance publique. La grâce ou la libération conditionnelle d’un
ancien Président de la République ou d’un ancien Premier ministre condamné à une peine
privative de liberté est décidée conformément au droit commun2243.

SECTION 2: POURSUITES PENALES A L'EGARD DU PRESIDENT


DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE POUR
LES INFRACTIONS COMMISES EN DEHORS DE L'EXERCICE
DE LEURS FONCTIONS

Par infractions commises en dehors de l'exercice de leurs fonctions, il faut entendre les
infractions de droit commun tels que notamment le vol, escroquerie, assassinat, meurtre, viol,
etc. Il s'agit de toutes les infractions commises non pas en tant que Président de la République
ou Premier ministre mais en tant que tout personne physique. Par exemple, l'une de ces
personnalités est invitée chez Mr X et se trouvant là, elle vole les bijoux de Mme X qui étaient

2241
Article 103 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2242
Article 106 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2243
Articles 105 et 107 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
795

au salon; cette infraction de vol a été commise non pas en tant Président de la République ou
Premier ministre mais en tant que toute personne physique coupable du vol.

Ainsi, pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les
poursuites contre le Président de la République et le Premier ministre sont suspendues jusqu’à
l’expiration de leur mandat. La prescription de l’action publique est suspendue (article 167
alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006). La juridiction compétente est celle de droit
commun. Mais la loi n'a pas indiqué quelle serait alors ladite juridiction de droit commun qui
devrait juges lesdites autorités dans le cas d'espèce. Les règles ordinaires de la procédure
pénale en matière d’instruction, de représentation des parties, du prononcé et de l’exécution
de l’arrêt sont applicables devant la Cour constitutionnelle2244.

De même, l'article 108 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant


organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle dit : "Pour les infractions
commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la
République et le Premier ministre sont suspendues jusqu’à l’expiration de leur mandat. La
prescription de l’action publique est suspendue. La juridiction compétente est celle de droit
commun".

La lecture attentive de l'article 108 in fine de la loi organique susvisée montre qu'on
attribue à une juridiction de droit commun la compétence de juger le Président de la
République et Premier ministre à la fin de leur mandat pour les infractions de droit commun
qu'ils avaient commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions. Mais cette disposition n'a
pas indiqué de manière précise quelle est cette juridiction de droit commun qui serait alors
compétente. Or en droit judiciaire, on ne peut pas faire un raisonnement par analogie: ce n'est
donc pas la Cour de cassation car parmi les bénéficiaires du privilège de juridiction qui y sont
jugés2245, les anciens Présidents de la République et le Premier ministre n'y font pas partie.

En matière pénale, la compétence d'une juridiction s'apprécie au moment de la


commission des faits. Cela signifie que lorsque le Président de la République et le Premier
ministre ont commis des infractions de droit commun en dehors de l'exercice de leur fonctions
mais dès lors ces infractions ont été commises durant leur mandat, ils seront jugés à la fin de
leur mandat par la Cour constitutionnelle et non par une juridiction de droit commun car leur
qualité de justiciable se joue au moment des faits ( ils ont commis leurs faits au moment où
leur juridiction compétente était la Cour constitutionnelle). C'est d'ailleurs ce que prévoit
l'article 164 de la Constitution du 18 février 2006: " La Cour constitutionnelle est le juge
pénale du Président de la République et du Premier ministre pour les infractions politiques de
haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité, les délits
d’initié et les autres infractions de droit commun commises par le Président de la République

2244
Articles 108 à 109 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2245
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences de juridiction de l'ordre judiciaire, JORDC,
n°spécial, 4 octobre 2013.
796

et le Premier ministre dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est
également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices".

Par contre lorsque le Président de la République et le Premier ministre ont commis des
infractions de droit commun à la fin de leur mandat, ils seront jugés par les juridictions de
droit commun comme ils n'ont plus cette qualité. Pour l'ancien Président de la République, s'il
a la qualité de sénateur, il sera jugé par la Cour de cassation car l'article 104 alinéa 7 de la
Constitution du 18 février 2006 dit que les anciens Présidents de la République élus sont de
droit sénateurs à vie. Or, les sénateurs sont justiciables à la Cour de cassation (article 153
alinéa 3 de la Constitution), ce qui signifie que c'est la Cour de cassation qui sera compétente
de les juger. Par contre, pour les anciens premiers ministres, comme ils n'ont pas une
juridiction prédéterminée, ils seront jugés par une juridiction de droit commun compétente de
la matière concernée.

Il est donc urgent de corriger cette lacune qui s'est glissée à l'article 108 in fine de la loi
organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle. La nouvelle formulation de cette disposition devrait différentier la
juridiction compétente à l'égard des autorités citées pour les infractions de droit commun
commises durant leur mandat et à la fin de leur mandat.
797

CHAPITRE VIII:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DES BENEFICIAIRES
DU PRIVILEGE DE JURIDICTION DE LA COUR
DE CASSATION

La Cour de cassation est compétente pour juger en premier et dernier ressort les
infractions commises par les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, les membres du
Gouvernement autres que le Premier ministre, les membres de la Cour constitutionnelle et du
parquet près cette Cour, les membres de la Cour de cassation et du Parquet Général près cette
Cour, les membres du Conseil d'Etat et du parquet près ce Conseil, les membres de la Cour
des comptes et du parquet près cette Cour, les premiers présidents de cours d’appel et les
procureurs généraux près ces cours, les premiers présidents des cours administratives d’appel
et les procureurs généraux près ces cours, les gouverneurs, les vice-gouverneurs de province,
les ministres provinciaux, les présidents des assemblées provinciales2246 ainsi que les
membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)2247. Les membres de
cette Commission concernés sont: le Président, le vice-président, le rapporteur, le premier
rapporteur-adjoint, le deuxième rapporteur adjoint, le questeur et le questeur adjoint2248.
Enfin, les membres de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) sont
justiciables de la Cour cassation2249. La Commission Nationale des Droits de l'Homme est
composée de neuf membres qui sont:
- un représentant des organisations non gouvernementales des droits de l'homme;
- un représentant des ordres professionnels;
- un représentant des syndicats;
- un représentant des universitaires;
- deux représentants des confessions religieuses;
- un représentant des personnes vivant avec handicap;
- un représentant des organisations non gouvernementales des droits spécifiques de la
femme;

2246
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 73 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2247
Article 49 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2248
Articles 10 et 11 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2249
Article 35 de la loi organique n°13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et fonctionnement
de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.
798

- un représentant des personnes vivant avec le VIH/Sida2250.

Toutes ces personnalités sont en matière pénale, justiciables devant la Cour de


cassation au premier et dernier degré. Les référendaires de la Cour de cassation et de la Cour
constitutionnelle n'ont pas le privilège de juridiction. Examinons la procédure à suivre pour
ces différentes catégories des justiciables de la Cour de cassation

SECTION 1: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES


MEMBRES DU GOUVERNEMENT CENTRAL

§ 1. Principe

Les membres du Gouvernement central (vices-premiers ministres, ministres et vice-


ministre) sont en matière pénale, justiciables devant la Cour de cassation2251. Ils n'ont pas les
immunités en RDC. Mais leur poursuite pénale n'est pas facile. Ainsi, avant de poursuivre en
matière pénale les membres du Gouvernement central, le Procureur général près la Cour de
cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée
nationale. A défaut de cette autorisation, les poursuites judiciaires ne peuvent jamais être
envisageables.

La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du Gouvernement


sont votées à la majorité absolue des membres composant l’assemblée nationale suivant la
procédure prévue par le règlement intérieur. Tout membre du Gouvernement mis en
accusation présente sa démission dans les vingt-quatre heures. Passé ce délai, il est réputé
démissionnaire2252. La mise en accusation d’un membre du gouvernement entraîne ipso facto
sa démission2253. Cette autorisation ne joue pas en cas d'infractions intentionnelles flagrantes
ou réputées telles2254.

La procédure organisée concerne les infractions commises par les membres du


Gouvernement (vice-premiers ministres, ministres et vice-ministres) dans l'exercice de leurs
fonctions ou non mais jugées pendant cet exercice. Les poursuites sont réservées au Procureur
général près la Cour de cassation et sont exercées sous sa direction et son autorité. Cela

2250
Article 14 de la loi organique n°13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et fonctionnement
de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.
2251
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 80 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2252
Article 166 alinéas 2 à 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 80 de la loi organique n°13/010 du 19
février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2253
Article 166 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
2254
Article 80 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
799

implique que, de manière à protéger la fonction ministérielle, la mise en mouvement de


l'action publique par un particulier par la voie de citation directe n'est pas possible.

§ 2. Enquête

Le Procureur général près la Cour de cassation assure l’exercice de l’action publique dans
les actes d’instruction et de poursuites. Il a l’initiative des enquêtes relatives aux faits
infractionnels reprochés aux membres du Gouvernement. Il reçoit les plaintes et les
dénonciations et rassemble les preuves. Il entend toute personne susceptible de contribuer à la
manifestation de la vérité. Il en informe le Président de la République et le Premier ministre
par lettre recommandée ou pas porteur avec accusé de réception2255.

Si un officier de police judiciaire ou un officier du ministère public reçoit une plainte, une
dénonciation ou constate l’existence d’une infraction à charge d’une personne qui, au moment
de la plainte ou de la dénonciation, est membre du Gouvernement, il transmet son procès-
verbal, toutes affaires cessantes, au Procureur général près la Cour de cassation et s’abstient
de tout autre devoir. Il en avise ses chefs hiérarchiques de l’ordre judiciaire2256.

§ 3. Autorisation des poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée nationale

Sans préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, la


décision de poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du Gouvernement autres
que le Premier ministre sont votées à la majorité absolue des membres composant
l’Assemblée nationale suivant la procédure prévue par son Règlement intérieur. Tout membre
du Gouvernement mis en accusation présente sa démission dans les vingt-quatre heures. Passé
ce délai, il est réputé démissionnaire2257.

I. Autorisation des poursuites

La poursuite est l'ensemble des actes par lesquels le ministère public exerce l'action
publique et requiert l'application de la loi et des actes accomplis par un officier de police
judiciaire pour découvrir l'auteur d'une infraction pénale, rassembler les preuves et les
charges, afin de le renvoyer devant la juridiction de jugement pour y être jugé. C'est donc le
mécanisme mis en place qui consiste à chercher, rassembler les preuves et les charges dans le
chef d'un auteur présumé de l'infraction afin de permettre la saisine d'une juridiction. Bref, en
RDC, la poursuite consiste à saisir d'un fait le ministère public afin qu'il instruise ou encore
qu'il mette l'action publique en mouvement, rassemble les preuves qui pourront permettre de
traduire l'auteur présumé de l'infraction devant la juridiction de jugement.

2255
Article 81 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2256
Article 82 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2257
Article 80 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013; article 151 du règlement intérieur de l'assemblée nationale.
800

Si le Procureur général près la Cour de cassation estime les faits sont suffisamment
concordants et relevant, il adresse un réquisitoire à l’Assemblée nationale aux fins d’obtenir
d’elle l’autorisation de poursuites qui lui permet de parachever l’instruction préparatoire et de
prendre des mesures coercitives et privatives de liberté contre le membre du Gouvernement
incriminé. Il en avise le Président de la République et le Premier ministre par lettre
recommandée ou par porteur avec accusé de réception2258.

Sauf dans le cas où le membre du Gouvernement peut être poursuivi ou détenu sans
l’autorisation préalable de l’Assemblée nationale, si le Procureur général près la Cour de
cassation, estime que la nature des faits et la gravité des indices relevés justifient l’exercice de
l’action publique, il adresse au Bureau de la Chambre nationale, un réquisitoire aux fins de
l’instruction. L’autorisation, une fois obtenue, le Procureur général pose tous les actes
d’instruction préparatoire2259.

II. Autorisation de mise en accusation

La mise en accusation est l'ensemble des arguments et moyens de preuves employés par le
ministère public pour demander à une juridiction déterminée la condamnation d'une personne
qui a commis une infraction. C'est donc le mécanisme mis en place qui rassemble toutes les
preuves possibles en vue de saisir la juridiction compétente pour des charges retenues dans le
chef d'un inculpé. Comme son nom l'indique, l'autorisation de mise en accusation permet de
mettre en accusation l'inculpé aux fins de le faire comparaître à l'audience de la Cour de
cassation pour toutes les charges retenues contre lui.

Après avoir terminé l'instruction préparatoire, si le Procureur général près la Cour de


cassation estime devoir traduire l’inculpé devant la Cour, il adresse un réquisitoire au Bureau
de l'Assemblée nationale aux fins d’obtenir l’autorisation des poursuites2260 (autorisation de
mise accusation). En réalité, il s'agit ici d'autorisation de mise en accusation prévue à l'article
77 de la loi organique portant procédure devant la Cour de cassation et non l'autorisation des
poursuites car l'autorisation des poursuites avait été donnée au début de l'enquête (article 83
de la loi organique susvisée). Il est d'ailleurs illogique qu'au cours d'une même affaire une
autorisation des poursuites puisse être sollicitée et donnée deux fois. C'est pourquoi, au début
de l'enquête, le Procureur général près la Cour de cassation sollicite l'autorisation des
poursuites pour lui permettre de commencer l'enquête. Une fois qu'il a cette autorisation, il
pourra mener l'instruction préparatoire.

Lorsqu'à l'issue de l'enquête, le Procureur général près la Cour de cassation est convaincu
que toutes les preuves de l'infraction à charge du membre du gouvernement sont solides pour

2258
Article 83 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2259
Article 75 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2260
Article 77 alinéas 1et 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
801

le juger à l'audience, il sollicite en second lieu de l'assemblée nationale l'autorisation de mise


en accusation et non plus l'autorisation des poursuites. C'est ce qui avait été prévu lors de la
conception de cette loi à la Commission permanente de réforme en août 2006. Il s'agit donc
d'une erreur qui s'est glissée au niveau du Parlement lors des débats de l'adoption de cette loi.
Une fois l’autorisation de mise en accusation est obtenue, le Procureur général près la Cour de
cassation transmet le dossier au Premier président de la Cour de cassation pour fixation
d’audience2261.

§ 4. Instruction préparatoire

Lorsque le Procureur général près la Cour de cassation a obtenu l'autorisation des


poursuites, les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction
préparatoire2262. Dans ce cas, toutes les mesures d'instruction préparatoire sont permises sans
réserve: audition et interrogatoire du membre du gouvernement, audition des plaignants et des
témoins, confrontations, désignation d'un expert, exploration corporelle, perquisition et saisie,
repérages, écoutes téléphoniques, etc. Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente
pour autoriser la mise en détention préventive dont elle détermine les modalités dans chaque
cas. La détention préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée2263.

§ 5 Saisine, audience et jugement de la Cour de cassation

Si le Procureur général près la Cour de cassation estime devoir traduire l’inculpé devant la
Cour, il adresse un réquisitoire au Bureau de l'Assemblée nationale aux fins d’obtenir
l’autorisation des poursuites2264 , en réalité c'est l'autorisation de mise en accusation. Comme
son nom l'indique, l'autorisation de mise en accusation permet de mettre en accusation
l'inculpé aux fins de le faire comparaître à l'audience de la Cour de cassation pour toutes les
charges retenues contre lui. Une fois l’autorisation de mise en accusation obtenue, il transmet
le dossier au Premier président de la Cour de cassation pour fixation d’audience. Le Procureur
général fait citer le prévenu devant la Cour en même temps que les personnes poursuivies
conjointement en raison de leur participation à l’infraction commise par le membre du
Gouvernement ou en raison d’infraction connexe2265.

2261
Article 77 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2262
Article 76 alinéa 1 er de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2263
Article 76 alinéas 2 et 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2264
En réalité, il s'agit d'autorisation de mise en accusation car l'autorisation des poursuites ne se donne qu'au
début. C'est ce qui avait été prévu lors de la conception de cette loi à la Commission permanente de
réforme en août 2006. Il s'agit donc d'une erreur qui s'est glissée au niveau du Parlement lors des débats de
l'adoption de cette loi.
2265
Article 77 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
802

La constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De même,
la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être dus
en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être poursuivie
qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions ordinaires.2266

Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale sont
applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à l’audience et
l’exécution de l’arrêt2267.

SECTION 2: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES


DE L'ASSEMBLEE NATIONALE ET DU SENAT

§ 1. L'immunité parlementaire

Les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat sont en matière pénale, justiciables


devant la Cour de cassation2268. Mais leurs poursuites pénales ne sont pas faciles. C'est ainsi
qu'avant de poursuivre en matière pénale les membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat,
le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites de
l'Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas. A défaut de cette autorisation, les poursuites
judiciaires ne peuvent jamais être envisageables. Cette autorisation ne joue pas en cas
d'infractions intentionnelles flagrantes ou réputées telles.

Même si les textes ne le disent pas clairement, en réalité, les parlementaires bénéficient
d'une immunité pour les infractions qui pourraient être commises à l'occasion des opinions ou
des votes qu'ils émettent dans l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité qui va jusqu'à la
fin de leur mandat empêche toute poursuite à leur encontre en rapport de leurs opinions
émises ou votes au sein de leurs assemblées pendant les sessions parlementaires. Elle couvre
tous les actes de la fonction parlementaire dans leurs assemblée plénières, comme au sein des
commissions. On a voulu permettre le libre exercice des opinions. Par conséquent, si les
paroles ou écrits du parlementaire constituent des injures, diffamations ou provocations à la
commission d'une infraction, ces faits échappent à toute responsabilité pénale (et aussi
civile)2269.

Il s'agit d'une immunité temporaire, qui n'existe que pendant la session parlementaire; il
s'agit aussi d'une immunité partielle, puisqu'elle cède en cas de flagrant délit et en cas

2266
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2267
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2268
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 73 à 79 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2269
J. PRADEL, Procédure pénale Paris, 16 éd. Cujas, 2011, n° 232, p. 188.
803

d'autorisation de l'assemblée parlementaire. L'immunité est également personnelle et d'ordre


public, le parlementaire ne pouvant y renoncer: elle est en effet établie pour protéger moins la
personne que la fonction. Ainsi, aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être
poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans
l'exercice de ses fonctions2270. L'immunité n'existe que sur les opinions et votes du
parlementaire. Elle est fondée sur l'impérieuse nécessité de donner aux parlementaires tous les
moyens d'exercer leur fonction, sans crainte d'être poursuivis2271. L'immunité dont bénéfice le
député ou le sénateur ne fait toutefois pas obstacle à la continuation de l'instance déjà
engagée.

Même lorsque les parlementaires commettent des infractions non couvertes par leurs
immunités (opinions et votes), les poursuites pénales sont difficilement envisageables. Ainsi,
aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de
flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas. En
dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau
de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites
autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est
suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la
durée de la session en cours2272.

Même dans le cas où les faits seraient flagrants ou réputés tels, si la Chambre dont il relève
décide, en cours d’instruction d’une cause, de suspendre les poursuites et la détention d’un
membre de la Chambre, cette décision est immédiatement exécutoire, mais elle cesse de
produire ses effets dès la clôture de la session2273.

§ 2. Autorisation des poursuites de l'assemblée parlementaire

La poursuite est l'ensemble des actes par lesquels le ministère public exerce l'action
publique et requiert l'application de la loi et des actes accomplis par un officier de police
judiciaire pour découvrir l'auteur d'une infraction pénale, rassembler les preuves et les
charges, afin de le renvoyer devant la juridiction de jugement pour y être jugé. C'est donc le
mécanisme mis en place qui consiste à chercher, rassembler les preuves et les charges dans le
chef d'un auteur présumé de l'infraction afin de permettre la saisine d'une juridiction. Bref, en
RDC, la poursuite consiste à saisir d'un fait le ministère public afin qu'il instruise ou encore
qu'il mette l'action publique en mouvement, rassemble les preuves qui pourront permettre de
traduire l'auteur présumé de l'infraction devant la juridiction de jugement.

2270
Article 107 alinéa 1 de la Constitution du 18 février 2006; article 73 alinéa 1 de la loi organique n°13/010 du
19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2271
S. GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure pénale, Paris, 5 ème éd. Litec, 2009, n° 1289, p. 730.
2272
Article 107 alinéas 2 à 4 de la Constitution du 18 février 2006.
2273
Article 73 in fine de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
804

La procédure prévoit qu'avant de poursuivre en matière pénale les membres de l’Assemblée


nationale ou du Sénat, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir
l'autorisation des poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée nationale ou du Sénat
selon le cas. Ainsi, aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou
jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun
parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant
délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas.

En dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du


Bureau de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de
poursuites autorisées ou de condamnation définitive. Même dans le cas où les faits seraient
flagrants ou réputés tels, si la Chambre dont il relève décide, en cours d’instruction d’une
cause, de suspendre les poursuites et la détention d’un membre de la Chambre, cette décision
est immédiatement exécutoire, mais elle cesse de produire ses effets dès la clôture de la
session. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est suspendue si la Chambre dont il
est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours2274.

Les critères qui doivent guider l'assemblée parlementaire ou le Bureau selon les cas dont
l'autorisation des poursuites et la mise en accusation est demandée ne sont pas précisés dans la
loi, mais la pratique enseigne qu'il s'agit tout d'abord de vérifier, prima facie, si les poursuites
ne sont pas fantaisistes ni arbitraires, et ensuite de mesurer l'éventuelle mise en péril du
fonctionnement des institutions parlementaires en cas des poursuites du parlementaire
concerné.

§ 3. L'enquête

L’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère public qui reçoit une plainte, une
dénonciation ou constate l’existence d’une infraction même flagrante à charge d’une personne
qui, au moment de la plainte ou du constat est membre du Parlement transmet son procès-
verbal directement au Procureur général près la Cour de cassation et en avise ses chefs
hiérarchiques de l’ordre judiciaire. Le Procureur général près la Cour de cassation en informe
le Bureau de la Chambre dont relève le parlementaire2275.

Sauf dans le cas où le parlementaire peut être poursuivi ou détenu sans l’autorisation
préalable de l’Assemblée nationale, du Sénat ou de leur Bureau selon le cas, si le Procureur
général près la Cour de cassation, estime que la nature des faits et la gravité des indices
relevés justifient l’exercice de l’action publique, il adresse au Bureau de la Chambre dont fait
partie le parlementaire, un réquisitoire aux fins de l’instruction2276.

2274
Article 107 de la Constitution du 18 février 2006; article 73 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013
relative à la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013; article 89 du
règlement intérieur du 2006 de l'assemblée nationale.
2275
Article 74 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2276
Article 75 alinéa 1er de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
805

§ 4. En cas d'autorisation des poursuites

I. Levée de l'immunité parlementaire et instruction préparatoire

L’autorisation, une fois obtenue, le Procureur général pose tous les actes d’instruction. Les
règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire2277. Dans
ce cas, toutes les mesures d'instruction préparatoire sont permises sans réserve: audition et
interrogatoire du parlementaire, audition des plaignants et des témoins, confrontations,
désignation d'un expert, exploration corporelle, perquisition et saisie, repérages, écoutes
téléphoniques, etc. Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise
en détention préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention
préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée2278.

Si le Procureur général près la Cour de cassation estime devoir traduire l’inculpé devant la
Cour, il adresse un réquisitoire au Bureau de la Chambre dont fait partie le parlementaire aux
fins d’obtenir la levée des immunités et l’autorisation des poursuites2279(autorisation de mise
accusation). En réalité, il s'agit ici d'autorisation de mise en accusation prévue à l'article 77
de la loi organique portant procédure devant la Cour de cassation et non l'autorisation des
poursuites car l'autorisation des poursuites avait été donnée au début de l'enquête (article 83
de la loi organique susvisée). Il est d'ailleurs illogique qu'au cours d'une même affaire une
autorisation des poursuites puisse être sollicitée et donnée deux fois. C'est pourquoi, au début
de l'enquête, le Procureur général près la Cour de cassation sollicite l'autorisation des
poursuites pour lui permettre de commencer l'enquête. Une fois qu'il a cette autorisation, il
pourra mener l'instruction préparatoire.

Lorsqu'à l'issue de l'enquête, le Procureur général près la Cour de cassation est convaincu
que toutes les preuves de l'infraction à charge du membre du gouvernement sont solides pour
le juger à l'audience, il sollicite en second lieu de l'assemblée nationale l'autorisation de mise
en accusation et non plus l'autorisation des poursuites. C'est ce qui avait été prévu lors de la
conception de cette loi à la Commission permanente de réforme en août 2006. Il s'agit donc
d'une erreur qui s'est glissée au niveau du Parlement lors des débats de l'adoption de cette loi.
La mise en accusation est l'ensemble des arguments et moyens de preuves employés par le
ministère public pour demander à une juridiction déterminée la condamnation d'une personne
qui a commis une infraction. C'est donc le mécanisme mis en place qui rassemble toutes les
preuves possibles en vue de saisir la juridiction compétente pour des charges retenues dans le
chef d'un inculpé. Comme son nom l'indique, l'autorisation de mise en accusation permet de
mettre en accusation l'inculpé aux fins de le faire comparaître à l'audience de la Cour de
cassation pour toutes les charges retenues contre lui. Une fois l’autorisation de mise en

2277
Article 76 alinéas 2 et 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2278
Articles 75 alinéa 2 et 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2279
Article 77 alinéa 1er de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour
de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
806

accusation est obtenue, le Procureur général près la Cour de cassation transmet le dossier au
Premier président de la Cour de cassation pour fixation d’audience2280.

Au vu de la demande du Procureur général près la Cour de cassation, une commission


spéciale est constituée par la plénière de l'assemblée nationale ou du Sénat chargée de
l'examen de toute demande de levée de l'immunité parlementaire ou de suspension des
poursuites déjà engagées à charge d'un député ou sénateur. La commission entend le député
ou le sénateur concerné qui peut se faire assister par un conseil ou par deux de ses collègues.

Aux débats ouverts sur les questions de l'immunité parlementaire, n'y prennent la parole
que le rapporteur de la commission spéciale, le Procureur général près la Cour de cassation, le
député concerné ou son représentant, deux orateurs pour et deux orateurs contre. Les
conclusions de la commission spéciale font l'objet d'un rapport écrit soumis à l'assemblée
nationale plénière qui en délibère à huis clos.

En dehors des sessions, le Bureau de l'assemblée nationale statue d'office sur toute demande
de levée de l'immunité parlementaire. Dans ce cas, il entend le Procureur général près la Cour
de cassation et le député ou le sénateur concerné qui peut se faire assister d'un ou de deux de
ses collègues ou de son conseil2281. Une fois que l'assemblée plénière lève l'immunité, les
poursuites pénales sont autorisées devant la Cour de cassation.

II. Saisine, audience et jugement de la Cour de cassation

Une fois l’autorisation obtenue, le Procureur général près la Cour de cassation transmet le
dossier au Premier président de la Cour de cassation pour fixation d’audience. Le Procureur
général fait citer le prévenu devant la Cour en même temps que les personnes poursuivies
conjointement en raison de leur participation à l’infraction commise par le parlementaire ou
en raison d’infraction connexe2282.

La constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De même,
la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être dus
en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être poursuivie
qu’après l’arrêt définitif de la Cour et devant les juridictions ordinaires2283. Sauf dispositions
légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables devant la Cour
pour tout ce qui concerne l’instruction à l’audience et l’exécution de l’arrêt2284.

2280
Article 77 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2281
Article 90 du règlement intérieur du 2006 de l'assemblée nationale.
2282
Article 77 alinéa 2 et 3 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2283
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2284
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
807

§ 5. En cas de la suspension des poursuites ou du refus d'autorisation des poursuites

I. Suspension des poursuites

A tous les stades de l'instruction, le parlementaire peut, conformément à l'article 107 in


fine de la Constitution du 18 février 2006, demander, durant la session, la suspension des
poursuites à l'assemblée dont il fait partie. Sur ce point, même dans le cas où les faits seraient
flagrants ou réputés tels, si la Chambre dont il relève le parlementaire décide, en cours
d’instruction d’une cause, de suspendre les poursuites et la détention d’un membre de la
Chambre, cette décision est immédiatement exécutoire, mais elle cesse de produire ses effets
dès la clôture de la session2285. Les critères de décision sont les mêmes que ceux ayant présidé
à l'autorisation de poursuivre.

II. Refus d'autorisation des poursuites

En cas de refus d'autorisation de poursuivre ou de suspension des poursuites par l'assemblée


parlementaire, il y a suspension temporaire des poursuites (et de la prescription de l'action
publique), celle-ci pouvant reprendre à la clôture de la session parlementaire ou lorsque le
parlementaire perd cette qualité.

SECTION 3: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES JUGES


ET OFFICIERS DU MINISTERE PUBLIC PRES LA COUR
CONSTITUTIONNELLE, HAUTS MAGISTRATS DES JURIDICTIONS
DE L'ORDRE JUDICIAIRE ET DE L'ORDRE ADMINISTRATIF

La Cour de cassation est compétence pour juger en matière pénale les magistrats de la
Cour constitutionnelle et ceux du parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de
cassation et ceux parquet près cette Cour, les magistrats du Conseil d'Etat et ceux du parquet
près ce Conseil, les premiers présidents de la Cour d'appel et procureurs généraux près cette
Cour, les premiers présidents de la Cour administrative d'appel et procureurs généraux près
cette Cour2286.

Toutes ces personnes qui auraient commis une infraction, sont en matière pénale
justiciables, en premier et dernier ressort, de la Cour de cassation. Celle-ci ne peut ne peut
être saisie de la seule initiative du Procureur général près la Cour de cassation; les autres
formes de poursuites sont donc prohibées: il ne peut être question de citation directe de la
partie lésée. La partie préjudiciée peut porter plainte devant l'OPJ ou l'OMP mais celui-ci
devra, dès qu'une personne bénéficiant du privilège de juridiction est mise en cause-même si
2285
Article 73 in fine de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, .JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2286
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
808

son implication n'est pas encore prouvée-se dessaisir et se borner à transmettre les pièces au
Procureur général près la Cour de cassation.

La loi organique relative à la procédure devant la Cour de cassation organise la procédure


à suivre à l'égard de ces hauts magistrats, mais cette procédure déroge, en certains points
substantiels à la procédure de droit commun à laquelle, elle renvoie pour le surplus.

A cet effet, avant de poursuivre en matière pénale, les magistrats de la Cour


constitutionnelle et ceux du parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de cassation et
ceux parquet près cette Cour, les magistrats du Conseil d'Etat et ceux du parquet près ce
Conseil, les premiers présidents de la Cour d'appel et procureurs généraux près cette Cour,
les premiers présidents de la Cour administrative d'appel et procureurs généraux près cette
Cour, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation du Bureau du
Conseil supérieur de la magistrature. Ainsi, sans préjudice de la procédure en matière
d’infractions intentionnelles flagrantes, les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du
parquet près cette Cour, les magistrats de la Cour de cassation ainsi que ceux du parquet près
cette Cour, les membres du Conseil d’État et ceux du parquet près ce Conseil, les Premiers
présidents des cours d’appel ainsi que les Procureurs généraux près ces cours, les Premiers
présidents des cours administratives d’appel et les Procureurs généraux près ces cours ne
peuvent être poursuivis que sur autorisation du Bureau du Conseil supérieur de la
magistrature2287.

La loi n'a pas indiqué la procédure détaillée relative aux infractions commises par ces hauts
magistrats de la Cour constitutionnelle, des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre
administratif, et parquets près celles-ci. Apparemment, lorsque l'autorisation de poursuites est
donnée, les autres étapes à suivre relèvent du Procureur général près la Cour de cassation. Ce
qui est sûr est que les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction
préparatoire. Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en
détention préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention
préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée2288.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2289. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale

2287
Article 85 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2288
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2289
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
809

sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2290.

SECTION 4: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES


MEMBRES DE LA COUR DES COMPTES

Les membres de la cour des comptes sont en matière pénale justiciables devant la Cour de
cassation2291. Avant de poursuivre en matière pénale, les membres de la Cour des comptes et
ceux du parquet près cette Cour, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir
l'autorisation de poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée nationale. Ainsi, sans
préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, les membres de
la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour ne peuvent être poursuivis et mis en
accusation que par l’Assemblée nationale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue
des suffrages exprimés et ce, à la requête du Procureur général2292.

La loi n'a pas indiqué la procédure détaillée relative aux infractions commises par les
membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour. Apparemment, lorsque
l'autorisation de poursuites est donnée, les autres étapes à suivre relèvent du Procureur général
près la Cour de cassation. Ce qui est sûr est que les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables à l’instruction préparatoire. Toutefois, la Cour de cassation est seule
compétente pour autoriser la mise en détention préventive dont elle détermine les modalités
dans chaque cas. La détention préventive est remplacée par l’assignation à résidence
surveillée2293.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2294. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2295.

2290
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2291
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2292
Article 86 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2293
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2294
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2295
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
810

SECTION 5: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE LA


COMMISSION ELECTORALE NATIONALE INDEPENDANTE (CENI)

Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) sont


justiciables devant la Cour de cassation2296. Les membres de cette Commission concernés
sont: le Président, le vice-président, le rapporteur, le premier rapporteur-adjoint, le deuxième
rapporteur adjoint, le questeur et le questeur adjoint2297.

La loi organique relative à la procédure devant la Cour de cassation a oublié de prévoir la


procédure à suivre concernant les poursuites pénales des membres de la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI). Aussi, la loi portant organisation et
fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ne contient
aucune disposition indiquant la procédure à suivre concernant les infractions commises par les
membres de cette Commission. Cette loi dit seulement à l'article 49 que les membres de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CNI) sont justiciables devant la Cour de
cassation.

Apparemment, aucune autorisation n'est requise pour déclencher les poursuites pénales à
l'égard des membres de cette Commission. Cela signifie que lorsque les membres de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CNI) cités ont commis des infractions qui
sont portées à la connaissance du Procureur général près la Cour de cassation, ce denier suivra
les étapes habituelles relatives aux justiciables de la Cour de cassation. Ce qui est sûr est que
les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire.
Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en détention
préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est
remplacée par l’assignation à résidence surveillée2298.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2299. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2300.

2296
Article 49 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2297
Articles 10 et 11 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
2298
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2299
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2300
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
811

SECTION 6: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE LA


COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME (CNDH)

Les membres de la Commission nationale des droits de l'homme sont justiciables de la Cour
cassation2301. Ces membres de la Commission Nationale des Droits de l'Homme sont:
- un représentant des organisations non gouvernementales des droits de l'homme;
- un représentant des ordres professionnels;
- un représentant des syndicats;
- un représentant des universitaires;
- deux représentants des confessions religieuses;
- un représentant des personnes vivant avec handicap;
- un représentant des organisations non gouvernementales des droits spécifiques de la
femme;
- un représentant des personnes vivant avec le VIH/Sida2302.

La loi organique relative à la procédure devant la Cour de cassation a oublié de prévoir la


procédure à suivre concernant les poursuites pénales des membres de la Commission
Nationale des Droits de l'Homme (CNDH). Aussi, la loi portant institution, organisation et
fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) ne contient que
deux dispositions générales relative à la poursuite des membres de cette Commission. A cet
égard, l'article 34 de cette loi organique prévoit que les membres, les cadres et agents de la
Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) jouissent de la liberté de mouvement
et de la sécurité sur toute l'étendue de la République. L'article 35 de la même loi organique
prévoit que les membres de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) ne
peuvent être recherchés, poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en raison de leurs opinions aussi
bien durant l'exercice de leur mandat qu'après, pour les opinions émises dans l'exercice de
leurs fonctions. Ils sont justiciables de la Cour de Cassation. Comme on le voit, cette loi n'a
pas explicité le mécanisme mis en place pour poursuivre les infractions commises par les
membres de cette Commission.

Apparemment, aucune autorisation n'est requise pour déclencher les poursuites pénales à
l'égard des membres de cette Commission. Cela signifie que lorsque les membres de la
Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) cités ont commis des infractions qui
sont portées à la connaissance du Procureur général près la Cour de cassation, ce denier suivra
les étapes habituelles relatives aux justiciables de la Cour de cassation. Ce qui est sûr est que
les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire.
Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en détention

2301
Article 35 de la loi organique n°13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et fonctionnement
de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.
2302
Articles 11 et 14 de la loi organique n°13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et
fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.
812

préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est
remplacée par l’assignation à résidence surveillée2303.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2304. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2305.

SECTION 7: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES GOUVERNEURS


ET VICE-GOUVERNEURS DES PROVINCES

Les gouverneurs et vice-gouverneurs sont en matière pénale justiciables de la Cour de


cassation2306. A cet effet, avant de poursuivre en matière pénale, les gouverneurs et les vice-
gouverneurs des provinces, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir
l'autorisation des poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée provinciale dont ils
relèvent. Ainsi, sans préjudice de la procédure en matière d’infractions intentionnelles
flagrantes, les gouverneurs, les vice-gouverneurs des provinces et les ministres provinciaux
ne peuvent être poursuivis et mis en accusation que par l’Assemblée provinciale, statuant au
scrutin secret et à la majorité absolue des membres qui la composent2307. Tout Gouverneur et
vice-gouverneur de province mis en accusation présente sa démission dans les vingt-quatre
heures. Passé ce délai, il est réputé démissionnaire2308.

Le Procureur général près la Cour de cassation assure l’exercice de l’action publique dans
les actes d’instruction et de poursuites. Il a l’initiative des enquêtes relatives aux faits
infractionnels reprochés aux Gouverneurs et vice-gouverneurs de province. Il reçoit les
plaintes et les dénonciations et rassemble les preuves. Il entend toute personne susceptible de

2303
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2304
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2305
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2306
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 80 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2307
Article 87 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2308
Article 80 alinéa 2 et 87 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure
devant la Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
813

contribuer à la manifestation de la vérité. Il en informe le Président de la République et le


Premier ministre par lettre recommandée ou pas porteur avec accusé de réception2309.

Si un officier de police judiciaire ou un officier du ministère public reçoit une plainte, une
dénonciation ou constate l’existence d’une infraction à charge d’une personne qui, au moment
de la plainte ou de la dénonciation, est membre du Gouverneur ou vice-gouverneur de
province, il transmet son procès-verbal, toutes affaires cessantes, au Procureur général près la
Cour de cassation et s’abstient de tout autre devoir. Il en avise ses chefs hiérarchiques de
l’ordre judiciaire2310.

Si le Procureur général près la Cour de cassation estime les faits suffisamment concordants
et relevant, il adresse un réquisitoire à l’Assemblée provinciale aux fins d’obtenir d’elle
l’autorisation de poursuites qui lui permet de parachever l’instruction préparatoire et de
prendre des mesures coercitives et privatives de liberté contre le Gouverneur ou le vice-
gouverneur de province incriminé. Il en avise le Président de la République et le Premier
ministre par lettre recommandée ou par porteur avec accusé de réception2311.

Les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire.


Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en détention
préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est
remplacée par l’assignation à résidence surveillée2312.

Sauf dans le cas où le Gouverneur ou le vice-gouverneur de province peut être poursuivi


ou détenu sans l’autorisation préalable de l’Assemblée provinciale, si le Procureur général
près la Cour de cassation, estime que la nature des faits et la gravité des indices relevés
justifient l’exercice de l’action publique, il adresse au Bureau de l'Assemblée provinciale un
réquisitoire aux fins de l’instruction. L’autorisation, une fois obtenue, le Procureur général
pose tous les actes d’instruction2313.

Si le Procureur général près la Cour de cassation estime devoir traduire l’inculpé devant la
Cour, il adresse un réquisitoire au Bureau de l'Assemblée provinciale aux fins d’obtenir
l’autorisation des poursuites (autorisation de mise accusation). En réalité, il s'agit ici
d'autorisation de mise en accusation et non l'autorisation des poursuites car l'autorisation des
poursuites avait été donnée au début de l'enquête (article 83 de la loi organique susvisée). Il
est d'ailleurs illogique qu'au cours d'une même affaire une autorisation des poursuites puisse

2309
Article 81 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2310
Article 82 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2311
Article 83 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2312
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2313
Article 75 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
814

être sollicitée et donnée deux fois. C'est pourquoi, au début de l'enquête, le Procureur général
près la Cour de cassation sollicite l'autorisation des poursuites pour lui permettre de
commencer l'enquête. Une fois qu'il a cette autorisation, il pourra mener l'instruction
préparatoire.

Lorsqu'à l'issue de l'enquête, le Procureur général près la Cour de cassation est convaincu
que toutes les preuves de l'infraction à charge du gouverneur ou vice-gouverneur sont solides
pour le juger à l'audience, il sollicite en second lieu de l'assemblée provinciale l'autorisation
de mise en accusation et non plus l'autorisation des poursuites. C'est ce qui avait été prévu lors
de la conception de cette loi à la Commission permanente de réforme en août 2006. Il s'agit
donc d'une erreur qui s'est glissée au niveau du Parlement lors des débats de l'adoption de
cette loi. La mise en accusation est l'ensemble des arguments et moyens de preuves employés
par le ministère public pour demander à une juridiction déterminée la condamnation d'une
personne qui a commis une infraction. C'est donc le mécanisme mis en place qui rassemble
toutes les preuves possibles en vue de saisir la juridiction compétente pour des charges
retenues dans le chef d'un inculpé. Comme son nom l'indique, l'autorisation de mise en
accusation permet de mettre en accusation l'inculpé aux fins de le faire comparaître à
l'audience de la Cour de cassation pour toutes les charges retenues contre lui.

Une fois l’autorisation de mise en accusation est obtenue, le Procureur général près la Cour
de cassation transmet le dossier au Premier président de la Cour de cassation pour fixation
d’audience2314. Le Procureur général fait citer le prévenu devant la Cour en même temps que
les personnes poursuivies conjointement en raison de leur participation à l’infraction commise
par le Gouverneur et vice-gouverneur de province ou en raison d’infraction connexe2315.

La constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De même,
la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent être dus
en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être poursuivie
qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions ordinaires2316. Sauf
dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables
devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à l’audience et l’exécution
de l’arrêt2317.

2314
Article 77 alinéa 2 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2315
Article 77 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2316
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2317
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
815

SECTION 8: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD


DES MINISTRES PROVINCIAUX

Les ministres provinciaux sont en matière pénale justiciables de la Cour de


cassation2318. A cet effet, avant de poursuivre en matière pénale les ministres provinciaux, le
Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des poursuites et la
mise en accusation de l'Assemblée provinciale dont ils relèvent. Ainsi, sans préjudice de la
procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, les gouverneurs, les vice-
gouverneurs des provinces et les ministres provinciaux ne peuvent être poursuivis et mis en
accusation que par l’Assemblée provinciale, statuant au scrutin secret et à la majorité absolue
des membres qui la composent2319. Tout membre du Gouvernement provincial mis en
accusation présente sa démission dans les vingt-quatre heures. Passé ce délai, il est réputé
démissionnaire2320.

Comme on le voit, pour poursuivre les ministres provinciaux, il faut l'autorisation de


poursuites et l'autorisation de mise en accusation de l'Assemblée provinciale. L'autorisation de
poursuites est le mécanisme mis en place qui consiste à chercher, rassembler les preuves et les
charges dans le chef d'un auteur présumé de l'infraction afin de permettre la saisine d'une
juridiction. Bref, en RDC, la poursuite consiste à saisir d'un fait le ministère public afin qu'il
instruise ou encore qu'il mette l'action publique en mouvement, rassemble les preuves qui
pourront permettre de traduire l'auteur présumé de l'infraction devant la juridiction de
jugement.

La mise en accusation est l'ensemble des arguments et moyens de preuves employés par le
ministère public pour demander à une juridiction déterminée la condamnation d'une personne
qui a commis une infraction. C'est donc le mécanisme mis en place qui rassemble toutes les
preuves possibles en vue de saisir la juridiction compétente pour des charges retenues dans le
chef d'un inculpé. Comme son nom l'indique, l'autorisation de mise en accusation permet de
mettre en accusation l'inculpé aux fins de le faire comparaître à l'audience de la Cour de
cassation pour toutes les charges retenues contre lui.

Cela signifie que le Procureur général près la Cour de cassation doit d'abord obtenir
l'autorisation de poursuites et in fine l'autorisation de mise en accusation de l'Assemblée
provinciale dont relève le ministre provincial concerné aux fins de le faire comparaître devant
la Cour de cassation. Ainsi, lorsque l'autorisation de poursuites est donnée, les autres étapes à
suivre relèvent du Procureur général près la Cour de cassation. Ce qui est sûr est que les règles

2318
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 80 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2319
Article 87 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2320
Article 80 et 87 alinéa 2de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la
Cour de cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
816

ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction préparatoire. Toutefois, la


Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en détention préventive dont
elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention préventive est remplacée par
l’assignation à résidence surveillée2321.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2322. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2323.

SECTION 9: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES PRESIDENTS


DES ASSEMBLEES PROVINCIALES

Les présidents des assembles provinciales sont en matière pénale justiciables de la Cour de
cassation2324. A cet effet, avant de poursuivre en matière pénale le Président de l’Assemblée
provinciale, le Procureur général près la Cour de cassation, doit obtenir l'autorisation des
poursuites. Ici, la loi n'exige pas la mise en accusation de l'Assemblée provinciale relève le
président de l'assemblée provinciale car la seule autorisation de poursuites de l'Assemblée
provinciale suffit. Ainsi, le Président de l’Assemblée provinciale ne peut être poursuivi,
recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice
de ses fonctions. Il ne peut, en cours des sessions être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de
flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée provinciale. En dehors des sessions, il ne
peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée provinciale, sauf en cas de
flagrant délit, des poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la
poursuite du Président de l’Assemblée provinciale est suspendue si l’Assemblée provinciale le
requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours2325.

La loi n'a pas indiqué la procédure détaillée relative aux infractions commises par les
présidents des assemblées provinciales. Apparemment, lorsque l'autorisation de poursuites est

2321
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2322
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2323
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2324
Article 153 alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006; article 93 de la loi organique n°13/011-B du
11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; articles 80 à 88 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à
la procédure devant la Cour de cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
2325
Article 88 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
817

donnée, les autres étapes à suivre relèvent du Procureur général près la Cour de cassation. Ce
qui est sûr est que les règles ordinaires de la procédure pénale sont applicables à l’instruction
préparatoire. Toutefois, la Cour de cassation est seule compétente pour autoriser la mise en
détention préventive dont elle détermine les modalités dans chaque cas. La détention
préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée2326.

Aussi, la constitution de partie civile n’est pas recevable devant la Cour de cassation. De
même, la Cour ne peut statuer d’office sur les dommages-intérêts et réparations qui peuvent
être dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux. L’action civile ne peut être
poursuivie qu’après l’arrêt définitif de la Cour de cassation et devant les juridictions
ordinaires2327. Sauf dispositions légales contraires, les règles ordinaires de la procédure pénale
sont applicables devant la Cour de cassation pour tout ce qui concerne l’instruction à
l’audience et l’exécution de l’arrêt2328.

2326
Article 76 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2327
Article 78 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
2328
Article 79 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n° spécial, 20 février 2013.
818

CHAPITRE IX:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DES BENEFICIAIRES DU
PRIVILEGE DE JURIDICTION DU TRIBUNAL DE
GRANDE INSTANCE ET DE LA COUR D'APPEL

SECTION 1: BENEFICIAIRES DU PRIVILEGE DE JURIDICTION


PREVUS A CES JURIDICTIONS

Au niveau du tribunal de grande instance, il s'agit des conseillers urbains, les


bourgmestres, les chefs de secteur, les chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les
conseillers communaux, les conseillers de secteur et les conseillers de chefferie. Ils sont, en
matière pénale, jugés au premier degré au tribunal de grande instance2329. Concernant le
conseiller urbain, communal, de secteur ou de chefferie, il ne peut être poursuivi ou arrêté
qu'avec l'autorisation du Conseil dont il relève2330.

Au niveau de la Cour d'appel; il s'agit des membres de l’Assemblée provinciale, les


magistrats, les maires, les maires adjoints, les présidents des conseils urbains et les
fonctionnaires des services publics de l’Etat et les dirigeants des établissements ou entreprises
publics revêtus au moins du grade de directeur ou du grade équivalent, les députés
provinciaux, les membres du Conseil économique et social, les membres du Conseil supérieur
de l'Audiovisuel et de la Communication2331. Ceux-ci sont, en matière pénale, justiciables à la
Cour d'appel au premier degré.

Lorsque le magistrat inculpé est un membre d’une Cour d'appel ou d’un Parquet général
près cette Cour, les infractions sont poursuivies devant la Cour dont le siège est le plus proche

2329
Article 89 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; 121 de la loi organique
n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales
décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n°spécial, 10 octobre 2008, p.31.
2330
Article 120 alinéas 2 et 3 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation
et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC,
n°spécial, 10 octobre 2008, p. 31.
2331
Article 91 alinéa 2 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013; article 10 de la loi
organique n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des
provinces, JORDC, n°spécial, 07 juillet 2008; article 121 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008
portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs
rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n°spécial, 10 octobre 2008, p.31; article 56 de la loi
n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil supérieur de
l'audiovisuel et de la Communication; article 11 de la loi organique n°13/027 du 30 octobre 2013 portant
organisation et fonctionnement du Conseil économique et social.
819

de celui de la Cour au sein de la quelle ou près de laquelle il exerce ses fonctions2332. La Cour
d’appel en vertu de la loi, est compétente pour juger un ancien magistrat si les faits reprochés
à ce dernier ont été commis dans l’exercice ou a l’occasion de l’exercice de sa fonction,
pendant qu’il était encore magistrat et sont en relation avec son ancienne fonction2333. Le
magistrat honoraire conserve aussi le privilège de juridiction prévu par la loi2334.

Par "magistrat", il faut entendre tout magistrat qui a le grade inférieur à celui du Premier
président de la Cour d'appel ou Procureur général près cette Cour (c'est-à-dire du juge du
tribunal de paix ou substitut du procureur de la République au président de la Cour d'appel ou
avocat général près cette Cour).

Cette compétence spéciale de la Cour d'appel, saisine particulière de cette juridiction ne


peut être qualifié de privilège de juridiction au sens juridique du terme, ni de faveur: le
législateur a plutôt voulu éviter une excessive indulgence ou trop grande sévérité qui serait à
redouter si un magistrat du tribunal de paix, par exemple, avait son propre tribunal comme
juge ou devant comparaître devant ses collègues ou devant les juges de son domicile; point
d'impunité mais point de vexation pour assurer une répression impartiale.

Par "fonctionnaires des services publics de l’Etat revêtus au moins de grade de directeur
ou du grade équivalent", il faut entendre, tout fonctionnaire ayant le grade égal ou supérieur à
celui de directeur. Cela signifie que les fonctionnaires ayant le grade du Secrétaire général
sont justiciables de la Cour d'appel car leur grade est supérieur à celui de directeur. Par contre
les fonctionnaires ayant le garde de chef de division, ne sont justiciables de la Cour d'appel
car leur grade est inférieur à celui de directeur, ils sont justiciables ordinaires c'est-à-dire
qu'ils seront jugés par les tribunaux de paix si l'infraction commise est de la compétence de
cette juridiction.

Par dirigeants des établissements ou entreprises publics revêtus au moins du grade de


directeur ou du grade équivalent, il faut entendre aussi les directeurs des instituts supérieurs
et les recteurs des universités publiques (de l'Etat), car ils sont considérés comme dirigeants
des établissements publics et sont donc bénéficiaires du privilège de juridiction, en
conséquence, justiciables en matière pénale au premier degré à la Cour d'appel. Par contre, les
dirigeants des établissements ou entreprises privés, n'ont pas le privilège de juridiction. Les
professeurs d'universités et instituts supérieurs publics, même s'ils sont professeurs ordinaires,
les avocats même le Bâtonnier du Barreau près la Cour d'appel, voire le Bâtonnier national,
n'ont pas le privilège de juridiction. Ils sont justiciables ordinaires. Par exemple, les directeurs
généraux de la SNEL ou REGISESO sont justiciables de la Cour d'appel dès lors qu'ils sont
dirigeants des établissements publics au sens de l'article 91 de la loi organique n° 13/011-B du
11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre

2332
Article 91 in fine de la loi organique n°13/011-B du 11avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
2333
CSJ, 28 août 1981, RPA 67, inédit.
2334
Article 83 alinéa 8 de la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, in JORDC,
n° spécial, 25 octobre 2006, p.22.
820

judiciaire alors que les PDG de VODACOM, CAA, etc. n'ont pas le privilège de juridiction
étant donné qu'ils sont dirigeants des sociétés privées.

Concernant le Conseil supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC), il est


composé de quinze membres désignés de la manière suivante: un membre par le Président de
la République, deux membres par l’Assemblée nationale, deux membres par le Sénat, un
membre par le Gouvernement, un membre par le Conseil supérieur de la magistrature, trois
membres par les associations des professionnels des médias, à raison d’un membre pour
chaque secteur d’activité (à savoir, la radiodiffusion sonore, la télévision, la presse écrite), un
membre représentant du secteur de la publicité, un membre par le Conseil national de l’ordre
des avocats, un membre par les associations des parents d’élèves et d’étudiants légalement
constituées, deux membres par les associations de défense des droits des professionnels des
médias légalement constituées2335.

Concernant l'Assemblée générale du Conseil économique et social, elle est composée de


68 membres repartis de la manière suivante : 5 membres représentant les organisations
professionnelles d’employeurs , 5 membres représentant les organisations professionnelles de
travailleurs, 5 membres représentant les organisations non gouvernementales pour le
développement et la protection de l’environnement, 5 membres représentant les confessions
religieuses, 5 membres représentant les ordres, associations et corporations professionnelles, 3
membres représentant les associations des femmes, 3 membres représentant les autorités
traditionnelles et coutumières, 3 membres représentant le monde scientifique, 3 membres
représentant le secteur financier, bancaire et des assurances, 3 personnalités indépendantes
désignées intuitu personae par le Président de la République, 2 membres représentant la
diaspora congolaise, 1 membre représentant chacune des 25 provinces et la ville de Kinshasa,
désigné par l’autorité provinciale2336.

SECTION 2: PROCEDURE

La citation directe n'est pas autorisée à l'égard des bénéficiaires du privilège de juridiction.

§ 1. Les poursuites pénales à l'égard des bénéficiaires du privilège


de juridiction de tribunaux de grande instance

Il s'agit des conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les chefs de chefferie
et leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les conseillers de secteur et les

2335
Article 24 de la loi n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du
Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la Communication.
2336
Article 7 de la loi organique n°13/027 du 30 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement du Conseil
économique et social.
821

conseillers de chefferie2337. La décision des poursuites de ces personnes revient au procureur


de la République. Il en est de même de la décision de leur arrestation provisoire2338.

Avant de poursuivre en matière pénale les conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs
de secteur, les chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les
conseillers de secteur et les conseillers de chefferie, le Procureur de la République près le
tribunal de grande instance, doit obtenir l'autorisation des poursuites du Conseil dont ils
relèvent. Ici, la loi n'exige pas la mise en accusation du Conseil dont relève le président de le
concerné car la seule autorisation de poursuites de son Conseil suffit. Ainsi, aucun Conseiller
urbain, communal, de secteur ou de chefferie ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu
ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Il ne
peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec
l'autorisation du Conseil dont il relève. En dehors de session, il ne peut être arrêté qu'avec
l'autorisation du Bureau du Conseil, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou
de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d'un conseiller est suspendu si le
Conseil dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en
cours2339.

L'officier de police judiciaire ou le magistrat du ministère public qui reçoit une plainte ou
une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d'un magistrat, d'un cadre de
commandement de l'administration publique ou judiciaire, d'un cadre supérieur d'une
entreprise paraétatique, d'un cadre de la territoriale, d'un bourgmestre, d'un chef de secteur ou
d'une personne qui les remplace, ne peut, sauf infraction flagrante, procéder à l'arrestation de
la personne poursuivie qu'après en avoir préalablement informé l'autorité hiérarchique ont
dépend le prévenu2340. Dans ces circonstances, la décision de poursuites est réservée au
Procureur général près la Cour d'appel2341.

Le procureur de la République doit s’en référer au Procureur général près la Cour d'appel
chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est de même
chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en raison de telle

2337
Article 89 alinéa 2 de la loi n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai, 2013; article 121 de la loi
organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités
territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n°spécial, 10 octobre
2008, p.31.
2338
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p. 182.
2339
Article 120 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces,
JORDC, n°spécial, 10 octobre 2008, p.31.
2340
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2341
Article 13 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
822

circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2342. Dès l’ouverture d’une


enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le procureur de la République, le
magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui mentionne le numéro d’inscription de
l’affaire au registre du ministère public, l’identité de l’inculpé, l’exposé sommaire des faits, le
libellé de la prévention et la conclusion provisoire du même magistrat2343.

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi


du dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou
complète l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et
contient, le cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une
importance primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir
l’énumération de tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en
droit et la référence du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de
la détention est précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la
mention des circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être
concise, objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de
reproduire dans une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou
l’exposé des faits2344.

§ 2. Les poursuites pénales à l'égard des bénéficiaires


du privilège de juridiction de la Cour d'appel

I. Formalités communes

En ce qui concerne les bénéficiaires du privilège de juridiction de la Cour d'appel, il y aura


lieu pour l’officier du ministère public de procéder au préalable à une information, en
adressant au Procureur Général près la Cour d’appel, par voie hiérarchique, un avis
d’ouverture d’information. Ce n’est qu’avec son accord que ces affaires pourront être inscrites
au Registre du ministère Public (RMP).

La décision quant aux poursuites de ces personnes appartient aux Procureurs Généraux près
les cours d’appel. Il en sera de même en ce qui concerne les détentions préventives de ces
personnes. Une copie des avis d’ouverture des notes de fin d’instruction sera transmise au
ministère dont relèvent les intéressés et éventuellement au ministère de la Fonction Publique
s’il s’agit des membres du personnel de carrière des services publics de l’Etat, dont
notamment : les hauts fonctionnaires de l’administration publique, des entreprises publiques,

2342
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2343
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2344
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
823

des établissements et services publics, des magistrats autres que ceux justiciables de la Cour
de cassation2345.

II. Les poursuites pénales à l'égard des membres des assemblées provinciales

Avant de poursuivre en matière pénale les membres de l’Assemblée provinciale, le


Procureur général près la Cour d'appel, doit obtenir l'autorisation des poursuites de
l'Assemblée provinciale dont ils relèvent. La loi n'a pas prévu l'autorisation de mise en
accusation car l'autorisation des poursuites de l’Assemblée provinciale suffit. Ainsi, aucun
député provincial ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des
opinions ou vote émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours de sessions,
être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'Assemblée
provinciale. En dehors de sessions, il ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de
l'Assemblée provinciale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de
condamnation définitive. La détention ou la poursuite d'un député provincial est suspendue si
l'Assemblée provinciale dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la
durée de la session en cours2346.

La loi n'a pas indiqué la procédure détaillée concernant les infractions commises par les
membres des assemblées provinciales. Apparemment, lorsque l'autorisation de poursuites est
donnée, les autres étapes à suivre relèvent du Procureur général près la Cour d'appel qui en
toute logique appliquera la procédure pénale à suivre à l'égard de bénéficiaires du privilège de
juridiction de la Cour d'appel. Ainsi, l’officier de police judiciaire ou l'officier du ministère
public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un
membre d'une assemblée provinciale ne peut, sauf infraction flagrante ou infraction relative
aux violences sexuelles, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie qu’après en avoir
préalablement informé l’autorité hiérarchique dont dépend le prévenu2347.

L'autorité judiciaire recourt pour ce faire à l’avis d’ouverture d’information, technique qui
permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses supérieurs hiérarchiques2348. A cet égard, le
procureur général près la Cour d'appel doit s’en référer au Procureur général près la Cour de
cassation chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est
de même chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en
raison de telle circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2349.

2345
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, pp. 179-180.
2346
Article 9 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre
administration des provinces, JORDC, n° spécial, 7 juillet 2008.
2347
Article 10 du du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénal tel que modifié et complété par la
loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2348
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2349
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
824

Dès l’ouverture d’une enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le
procureur de la République, le magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui mentionne le
numéro d’inscription de l’affaire au registre du ministère public, l’identité de l’inculpé,
l’exposé sommaire des faits, le libellé de la prévention et la conclusion provisoire du même
magistrat2350.

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi du


dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou complète
l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et contient, le
cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une importance
primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir l’énumération de
tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en droit et la référence
du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de la détention est
précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la mention des
circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être concise,
objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de reproduire dans
une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou l’exposé des
faits2351.

III. Les poursuites pénales à l'égard des maires, maires


adjoints et présidents des conseils urbains

La loi n'a pas prévu une procédure pénale spéciale à l'égard des maires, maires adjoints et
les présidents des conseils urbains. En toute logique c'est la procédure à suivre concernant les
poursuites pénales à l'égard des conseillers urbains qui sera d'application. Cela signifie qu'
avant de poursuivre en matière pénale des maires, maires adjoints et les présidents des
conseils urbains, le Procureur général près la Cour d'appel, doit obtenir l'autorisation des
poursuites du Conseil dont ils relèvent. La loi n'a pas prévu l'autorisation de mise en
accusation car l'autorisation des poursuites du Conseil urbain suffit. Ainsi, aucun maire, maire
adjoint et président du conseil urbain, ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé
en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en
cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation
du Conseil dont il relève. En dehors de session, il ne peut être arrêté qu'avec l'autorisation du
Bureau du Conseil, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation
définitive. La détention ou la poursuite d'un maire, maire adjoint et président du conseil
urbain est suspendu si le Conseil dont il est membre le requiert. La suspension ne peut
excéder la durée de la session en cours.

La procédure pénale proprement dite s'opère comme les autres bénéficiaires du privilège
de juridiction. Ainsi, l’officier de police judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit

2350
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2351
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
825

une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un maire, maire
adjoint et Président du conseil urbain ou d’une personne qui les remplace, ne peut, sauf
infraction flagrante ou infraction relative aux violences sexuelles, procéder à l’arrestation de
la personne poursuivie qu’après en avoir préalablement informé l’autorité hiérarchique dont
dépend le prévenu2352.

L'autorité judiciaire recourt pour ce faire à l’avis d’ouverture d’information, technique qui
permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses supérieurs hiérarchiques2353. A cet égard, le
procureur général près la Cour d'appel doit s’en référer au Procureur général près la Cour de
cassation chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est
de même chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en
raison de telle circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2354.

Dès l’ouverture d’une enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le
Procureur général près la Cour d'appel, le magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui
mentionne le numéro d’inscription de l’affaire au registre du ministère public, l’identité de
l’inculpé, l’exposé sommaire des faits, le libellé de la prévention et la conclusion provisoire
du même magistrat2355.

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi du


dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou complète
l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et contient, le
cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une importance
primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir l’énumération de
tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en droit et la référence
du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de la détention est
précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la mention des
circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être concise,
objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de reproduire dans
une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou l’exposé des
faits2356.

IV. Les poursuites pénales à l'égard des membres du Conseil économique et social

Sauf en cas de flagrant délit, avant de poursuivre en matière pénale les membres du
Conseil économique et social, en cours de session, le Procureur général près la Cour d'appel

2352
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénal tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2353
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2354
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2355
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2356
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
826

doit obtenir l'autorisation de l'Assemblée générale de ce Conseil. La loi n'a pas prévu
l'autorisation de mise en accusation car l'autorisation des poursuites de l'Assemblée générale
de ce Conseil suffit. En cas d'infraction flagrante, cette autorisation ne joue pas. Ainsi, aucun
membre du Conseil économique et social ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ni
jugé en raison des opinions ou avis émis dans l'exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours
de session, être poursuivi ou arrêté qu'avec l'autorisation de l'Assemblée générale, sauf en cas
de flagrant délit. La détention ou la poursuite d'un membre du Conseil est suspendue si
l'Assemblée générale le requiert. Cette suspension ne peut excéder la durée de la session
encours2357. Mais cette autorisation ne joue pas en dehors de session ou en cas de flagrant
délit. La procédure à suivre est la même que les autres justiciables de la Cour d'appel. Ainsi,
l’officier de police judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit une plainte ou une
dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un membre du Conseil économique et
social ou d’une personne qui le remplace ne peut, sauf infraction flagrante ou infraction
relative aux violences sexuelles, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie qu’après en
avoir préalablement informé l’autorité hiérarchique dont dépend le prévenu2358.

L'autorité judiciaire recourt pour ce faire à l’avis d’ouverture d’information, technique qui
permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses supérieurs hiérarchiques2359. A cet égard, le
procureur général près la Cour d'appel doit s’en référer au Procureur général près la Cour de
cassation chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est
de même chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en
raison de telle circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2360.

Dès l’ouverture d’une enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le
Procureur général près la Cour d'appel, le magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui
mentionne le numéro d’inscription de l’affaire au registre du ministère public, l’identité de
l’inculpé, l’exposé sommaire des faits, le libellé de la prévention et la conclusion provisoire
du même magistrat2361.

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi


du dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou
complète l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et
contient, le cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une
importance primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir
l’énumération de tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en
droit et la référence du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de
2357
Article 10 de la loi organique n°13/027 du 30 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement du
Conseil économique et social.
2358
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénal tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2359
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2360
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2361
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
827

la détention est précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la


mention des circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être
concise, objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de
reproduire dans une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou
l’exposé des faits2362.

V. Les poursuites pénales à l'égard des membres du Conseil


supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC)
La loi organique n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et
fonctionnement du Conseil supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC) n'a
pas précisé les modalités à suivre concernant les poursuites pénales à l'égard des membres de
cette institution. De même, la loi n'a pas prévu ni l'autorisation des poursuites ni l'autorisation
de mise en accusation de ce Conseil. L'article 56 de cette loi organique se contente de dire
tout simplement que les membres de ce Conseil sont justiciables à la Cour d'appel. Comme
cette loi n'a rien dit à ce sujet, c'est donc la procédure normale concernant les bénéficiaires du
privilège de juridiction de la Cour d'appel qui sera applicable. Ainsi, l’officier de police
judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui
constate une infraction à charge d’un membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel et de la
Communication ou d’une personne qui le remplace ne peut, sauf infraction flagrante ou
infraction relative aux violences sexuelles, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie
qu’après en avoir préalablement informé l’autorité hiérarchique dont dépend le prévenu2363.

L'autorité judiciaire recourt pour ce faire à l’avis d’ouverture d’information, technique qui
permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses supérieurs hiérarchiques2364. A cet égard, le
procureur général près la Cour d'appel doit s’en référer au Procureur général près la Cour de
cassation chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est
de même chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en
raison de telle circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2365.

Dès l’ouverture d’une enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le
Procureur général près la Cour d'appel, le magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui
mentionne le numéro d’inscription de l’affaire au registre du ministère public, l’identité de
l’inculpé, l’exposé sommaire des faits, le libellé de la prévention et la conclusion provisoire
du même magistrat2366.

2362
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2363
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénal tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2364
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2365
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2366
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
828

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi


du dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou
complète l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et
contient, le cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une
importance primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir
l’énumération de tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en
droit et la référence du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de
la détention est précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la
mention des circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être
concise, objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de
reproduire dans une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou
l’exposé des faits2367.

VI. Les poursuites pénales à l'égard des magistrats et hauts fonctionnaires

Avant de poursuive en matière pénale, les magistrats et hauts fonctionnaires, l'officier de


police judiciaire ou le magistrat instructeur doit obtenir préalablement l'avis d'ouverture
d'information de son chef hiérarchique. Ainsi, l’officier de police judiciaire ou l'officier du
ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à
charge d’un magistrat, d’un cadre de commandement de l’administration publique ou
judiciaire, d'un cadre supérieur d'une entreprise publique ou d'une autorité territoriale ou d'une
personne qui les remplace, ne peut, sauf infraction flagrante ou infraction relative aux
violences sexuelles, procéder à l’arrestation de la personne poursuivie qu’après en avoir
préalablement informé l’autorité hiérarchique dont dépend le prévenu2368.

L'autorité judiciaire recourt pour ce faire à l’avis d’ouverture d’information, technique qui
permet à l’autorité judiciaire de s’en référer à ses supérieurs hiérarchiques2369. A cet égard, le
procureur général près la Cour d'appel doit s’en référer au Procureur général près la Cour de
cassation chaque fois qu’il sent en lui la moindre hésitation ou le moindre scrupule. Il en est
de même chaque fois qu’une affaire, soit en raison de la personnalité de l’inculpé, soit en
raison de telle circonstance ou de telle considération spéciale, paraît délicate2370.

Dès l’ouverture d’une enquête dont les officiers du ministère public ont à aviser le
procureur général près la Cour d'appel, le magistrat instructeur envoie aussitôt un avis qui
mentionne le numéro d’inscription de l’affaire au registre du ministère public, l’identité de

2367
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2368
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénal tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2369
Article 143 et s. de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2370
Article 144 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
829

l’inculpé, l’exposé sommaire des faits, le libellé de la prévention et la conclusion provisoire


du même magistrat2371.

À la fin de l’enquête, au moment du classement sans suite, de la poursuite ou de l’envoi


du dossier, le magistrat instructeur établit une note de fin d’instruction qui précise ou
complète l’avis initial en ce qui concerne la prévention, les preuves ou éléments recueillis et
contient, le cas échéant, l’examen de la question de droit. Le libellé de la prévention est d’une
importance primordiale, il doit être établi avec un soin tout particulier et doit contenir
l’énumération de tous les éléments des faits constitutifs de l’infraction, leur qualification en
droit et la référence du texte légal applicable. Les témoins à citer sont mentionnés, la durée de
la détention est précisée. Les conclusions du magistrat instructeur sont accompagnées de la
mention des circonstances militant en faveur de telle ou telle décision. Cette note doit être
concise, objective et claire. À moins de modifications à y apporter, il n’y a plus lieu de
reproduire dans une note de fin d’instruction, l’identité complète du prévenu, la prévention ou
l’exposé des faits2372.

SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME: SUPPRIMER TOUTES


LES AUTORISATIONS DE POURSUITES JUDICIAIRES

Le privilège de juridiction et "les autorisations de poursuites" ou "immunités de


poursuites" avaient été mis en place par le régime du Maréchal Mobutu en vue de protéger
les cadres du MPR-Parti Etat. En effet, sous le règne de celui-ci (1965-1997), le Mouvement
Populaire de la Révolution (MPR) était Parti-Etat c'est-à-dire ce parti politique était égal à
l'Etat congolais (ex. Zaïre). Autrement dit, tous les cadres de l'Etat étaient avant tout militants
dudit parti-Etat avant d'être cadres de l'Etat. Le Maréchal Mobutu était lui-même président
fondateur de ce parti unique et de droit était Président de la République.

C'est ainsi que ce régime a mis en place le privilège de juridiction et les autorisations de
poursuites à tous les niveaux dont la finalité était de protéger les cadres du MPR-Parti-Etat
aux poursuites pénales. Par exemple, avant de poursuivre un député (à l'époque commissaire
du peuple) ou un gouverneur de province (à l'époque commissaire de Région) ou un ministre
(à l'époque commissaire d'Etat) qui est un cadre du MPR-Parti-Etat, il fallait d'abord obtenir
l'autorisation des poursuites du Président fondateur du MPR-Parti-Etat, qui est de droit le
Président de la République. Or, il était inconcevable qu'un président fondateur du MPR-Parti-
Etat autorise les poursuites pénales d'un fervent cadre de son parti. De même, avant de
poursuive en matière pénale, notamment les bourgmestres (à l'époque commissaire de zone),
les PDG, il fallait les autorisations de poursuites du MPR-Parti-Etat, qui étaient impossibles à
obtenir étant donné que ceux-ci étaient avant tout cadres dudit parti politique. Comme on le
voit, les cadres du MPR-Parti-Etat étaient en réalité des intouchables déguisés.

2371
Article 145 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
2372
Article 146 de l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des
cours, tribunaux et parquets.
830

Depuis le 17 mai 1997, le régime du président fondateur du MPR-Parti-Etat et Président de


la République, le Maréchal Mobutu a été chassé du pouvoir; cette chute devrait en principe
avoir comme conséquence la fin de privilège de juridiction et les autorisations de poursuites
pénales étant donné que la Constitution du 18 février 2006 est censée avoir posé les bases de
l'Etat de droit. Malheureusement, les mêmes stratégies du MPR-Parti-Etat dans ce domaine
ont été sciemment maintenues en place de manière très subtile.

Nous n’exagérons pas d’affirmer que la République démocratique du Congo est


aujourd'hui championne du monde en toutes catégories au nombre élevé des bénéficiaires du
privilège de juridiction. En effet, nous avons montré qu’il existe les bénéficiaires du privilège
de juridiction au niveau du tribunal de grande instance, de la Cour d’appel, de la Cour de
cassation et de la Cour constitutionnelle. Comme on le voit, ils sont très nombreux et cette
situation crée une « immunité déguisée » étant donné qu’il n’existe pas la possibilité de
citation directe; aussi avant toute poursuite pénale à leur endroit, le magistrat instructeur doit
solliciter l’autorisation des institutions dont relèvent les bénéficiaires du privilège de
juridiction et mais également de son chef hiérarchique. Ainsi, sauf en cas de flagrant délit,
lorsque le ministère public est saisi, il doit solliciter d'abord l'autorisation de son chef
hiérarchique dont il relève avant de poser les actes de poursuites. Ce n'est qu'après cette
autorisation que les poursuites peuvent avoir lieu. Ce qui parait compliqué dans la pratique et
cela créé de facto une « caste d’intouchables » dans la société congolaise. Et pourtant la RDC
doit cheminer vers l'Etat de droit.

L'Etat de droit est celui où tout le monde doit rendre des comptes sur son comportement.
Ainsi celui qui a commis diverses infractions, devra en répondre devant les juridictions
compétentes. Si pour certaines personnes, on prévoit diverses autorisations avant toutes
poursuites judiciaires, cela renforce la culture d'impunité surtout qu'il n'y a pas possibilités de
poursuivre les bénéficiaires du privilège de juridiction par citation directe.

Nous avons montré que la plus part des bénéficiaires du privilège de juridiction, leur
poursuite pénale est soumise à une autorisation des poursuites des institutions dont ils relèvent
mais également le magistrat doit obtenir l'autorisation de son chef hiérarchique car sans cela
leurs poursuites pénales ne pourraient pas être mises en mouvement. Or pour obtenir cette
autorisation de poursuites et obtenir "le visa" des poursuites judiciaires de la part de chef
hiérarchique du magistrat instructeur, il n'est jamais facile, rendant de facto ces bénéficiaires
du privilège de juridiction à un caste d'intouchables déguisés dans la société congolaise. C'est
pourquoi, dans la perspective d'un Etat de droit qui mettrait fin à la culture d'impunité, il
convient de supprimer le privilège de juridiction ainsi que toutes les autorisations de
poursuites à tous les niveaux. Cela signifie que toutes les autorisations de poursuites qui "ont
été sciemment créés en vue de protéger un caste d'intouchables", devraient être supprimées.

Pour tous les élus, notamment, les sénateurs, députés nationaux et provinciaux, maires,
maires adjoints, présidents des conseils urbains, conseillers urbains, communaux, de secteur
831

ou de chefferie, la levée de l’immunité pourrait seule suffire pour déclencher les poursuites
pénales. Cela mettrait fin à la culture d’impunité et contribuerait au renforcement du pouvoir
judiciaire et au cheminement d’un Etat de droit en République démocratique du Congo. Une
fois que l'Etat de droit est mis en place, cela aura comme conséquence la restauration de la
justice car il n'y aura plus un caste d'intouchables déguisés dès lors que chacun devra rendre
compte de son comportement devant la société. Et si la justice fonctionne correctement, les
détourneurs des fonds publics seront sanctionnés, il n'y aura plus d'impunité en RDC, les
richesses et ressources financières seront accrues et partagées équitablement aux congolais.
La paix sociale sera restaurée, le niveau de vie des congolais pourrait être amélioré et le
développement de la RDC pourrait être mis en marche.
832

CHAPITRE X:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DU GOUVERNEUR
ET VICE-GOUVERNEUR DE LA BANQUE
CENTRALE DU CONGO

L'article 21 alinéa 6 de la loi n° 005/2002 du 7 mai 2002 relative à la constitution, à


l'organisation et au fonctionnement de la Banque centrale du Congo prévoit que la Cour
suprême de justice connaît seule les infractions commises par le Gouverneur, le vice-
gouverneur de la Banque centrale, le directeur du trésor et quatre experts de ladite Banque et
leurs poursuites pénales ne peuvent qu'être autorisées par le Président de la République2373.

Ces bénéficiaires du privilège de juridiction de la Banque centrale n'ont pas été repris ni par la
Constitution du 18 février 2006 ni par la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, ni par la loi
organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation. Ce
qui signifie que toutes ces autorités citées de la Banque centrale du Congo n'ont plus le
privilège de juridiction et par conséquent si elles commettent des infractions, elles seront
jugées par les juridictions compétentes en la matière voire même le tribunal de paix.

Et d'ailleurs l'article 21 alinéa 6 de la loi n° 005/2002 du 7 mai 2002 relative à la


constitution, à l'organisation et au fonctionnement de la Banque centrale du Congo prévoit
que les poursuites pénales de ces bénéficiaires du privilège de juridiction devraient s'appuyer
aux articles 101 et suivants de l'ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la
procédure devant la Cour suprême de justice. Or tous ces articles ont été abrogés par l'article
91 de la loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation.

En matière de compétence, l'interprétation de loi est stricte et on ne peut pas faire un


raisonnement par analogie. Ce qui signifie que toutes ces autorités citées de la Banque
centrale du Congo n'ont plus le privilège de juridiction et par conséquent si elles commettent
des infractions, elles seront jugées par les juridictions compétentes en la matière voire même
le tribunal de paix.

Cela signifie que si le Gouverneur, le vice-gouverneur de la Banque centrale, le directeur


du trésor et quatre experts de la Banque centrale du Congo commettent les infractions, ils
seront jugés selon la procédure ordinaire telle que prévue par le Code de procédure pénale
c'est-à-dire comme tout citoyen ordinaire.

2373
Article 101 de la loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice,
JORZ, n°7, 1 er avril 1982, p.11.
833

CHAPITRE XI:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DES HAUTS
FONCTIONNAIRES DE L'AGENCE NATIONALE
DE RENSEIGNEMENTS (ANR) ET DE LA DIGECTION
GENERALE DES MIGRATION (DGM)

SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES FONCTIONNAIRES DE


L'AGENCE NATIONALE DE RENSEIGNEMENTS (ANR)

Les fonctionnaires de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) non revêtus du grade


de directeur n'ont pas le privilège de juridiction, c'est-à dire qu'ils sont justiciables des
juridictions ordinaires, même les tribunaux de paix. Ceux qui ont le grade de directeur sont
justiciables de la Cour d'appel; dans ce cas, c’est aux procureurs généraux près les cours
d’appel que sont réservés les droits de poursuites et d’arrestation des intéressés. Une copie des
avis d’ouverture et des notes de fin d’instruction doit être transmise au Ministère de
l’Intérieur.

Il convient toutefois de préciser même si les fonctionnaires de l’Agence Nationale de


Renseignements (ANR) non revêtus du grade de directeur n'ont pas le privilège de juridiction,
leurs poursuites pénales sont presque impossibles. Ainsi, en application de l’article 25 du
décret-loi n° 003/2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de l’Agence
Nationale de Renseignements (ANR), l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère
public, avant d’interpeller ou de poursuivre les agents de ce service revêtus de la qualité
d’officier de police judiciaire pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions
doivent demander l’avis obligatoire de l’Administration Générale de l’Agence Nationale de
Renseignements (ANR).

De même, en cas de poursuites des agents ou des fonctionnaires de l’Agence Nationale de


Renseignements (ANR) pour des actes n’ayant pas trait à l’exercice de leurs fonctions,
l’officier du ministère public ou l’officier de police judiciaire doit aviser l’Administration
Générale de l’Agence2374. En pratique, l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) n'a
jamais autorisé les poursuites judiciaires d'un de ses agents.

2374
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p. 180.
834

A ce sujet, le rapport de la Fondation OSISA de juillet 2013 sur le fonctionnement de la


justice en RDC souligne: "(...), l’impunité dont jouissent les policiers trouve également sa
source dans les immunités de poursuites consacrées en leur faveur par les textes juridiques
qui les régissent.(...)Il en est de même de leurs collègues de l’Agence nationale de
renseignements dont les poursuites pour les actes de même nature sont subordonnées à
l’avis préalable de leur administrateur général. Quant aux actes posés en dehors de
l’exercice des fonctions des uns et des autres, ils ne peuvent faire l’objet des poursuites que
moyennant l’information préalable des mêmes autorités. En pratique néanmoins, non
seulement l’avis obligatoire ou préalable est confondu ou assimilé à l’information
préalable, les deux étant considérés comme une autorisation des poursuites, mais cette
autorisation des poursuites n’est presque jamais accordée, quelle que soit la gravité des
actes reprochés aux agents bénéficiant de ce privilège de poursuites"2375.

Comme on le voit, les agents de l'Agence Nationale de Renseignement (ANR) ne peuvent


pas en réalité, faire l'objet des poursuites pénales. A titre d'exemple, le 19 octobre 2014, le
président du tribunal de paix de Bulungu (dans l'ancienne province de Bandundu) avait été
arrêté par les agents de l'ANR en provenance de Kinshasa et conduit à une destination
inconnue au motif "d'avoir présidé la composition du siège de ce tribunal qui a condamné
trois agents de l'ANR de trois à quatre ans de prison pour coups et blessures volontaires et
outrage à la magistrature à l'audience de flagrance". Les agents de l'ANR avaient déclaré:
"nous ne pouvons respecter que notre chef direct et non n'importe qui. Les agents de l'ANR
traitent avec la Présidence de la République et non pas avec la magistrature. Donc, le
parquet et autre ne peuvent pas donner des ordres aux agents de l'ANR, ni les entendre"2376.

SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES FONCTIONNAIRES


DE LA DIRECTION GENERALE DE MIGRATION (DGM)

Les fonctionnaires de la Direction Générale de Migration (DGM), non revêtus du grade de


directeur n'ont pas le privilège de juridiction, c'est-à dire qu'ils sont justiciables des
juridictions ordinaires, même les tribunaux de paix. Ceux qui ont le grade de directeur sont
justiciables de la Cour d'appel; dans ce cas, c’est aux procureurs généraux près les cours
d’appel que sont réservés les droits de poursuites et d’arrestation des intéressés. Une copie des
avis d’ouverture et des notes de fin d’instruction doit être transmise au Ministère de
l’Intérieur.

Il convient toutefois de préciser même si les fonctionnaires de Direction Générale de


Migration (DGM), non revêtus du grade de directeur n'ont pas le privilège de juridiction, leurs

2375
KIFWABALA TEKELIZAYA, D.FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur de
la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa,
Kinshasa, Open Society Foundations, juillet 2013, p.111.
2376
www.radiokapi.net/actualité/2014/10/19 Bulungu-juge-de paix-arrêté-pour-avoir condamné 3 agents de
l'ANR, 20 octobre 2014, 20 h 15'.
835

poursuites pénales sont presque impossibles. Ainsi, en application de l’article 19 du décret-loi


n°002/2003 du 11 janvier 2003 portant création et organisation de la Direction Générale de
Migration (DGM), l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère public, avant
d’interpeller ou de poursuivre les agents de ce service revêtus de la qualité d’officier de
police judiciaire, pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, doivent
demander l’avis obligatoire du Directeur Général de la Migration (DGM).

En cas de poursuites des agents ou fonctionnaires de la DGM pour des actes n’ayant pas
trait à l’exercice de leurs fonctions, l’officier du ministère public ou l’officier de police
judiciaire doit aviser le Directeur Général de la DGM2377.

A ce sujet, le rapport de la Fondation OSISA de juillet 2013 sur le fonctionnement de la


justice en RDC souligne: "(...), l’impunité dont jouissent les policiers trouve également sa
source dans les immunités de poursuites consacrées en leur faveur par les textes juridiques
qui les régissent. Ainsi les agents de la Direction générale des migrations (DGM) ne peuvent-
ils faire l’objet des poursuites pour les actes commis dans le cadre de l’exercice de leurs
fonctions que moyennant un avis obligatoire de leur directeur général. Il en est de
même de leurs collègues de l’Agence nationale de renseignements dont les poursuites pour
les actes de même nature sont subordonnées à l’avis préalable de leur administrateur
général. Quant aux actes posés en dehors de l’exercice des fonctions des uns et des autres,
ils ne peuvent faire l’objet des poursuites que moyennant l’information préalable des mêmes
autorités. En pratique néanmoins, non seulement l’avis obligatoire ou préalable est
confondu ou assimilé à l’information préalable, les deux étant considérés comme une
autorisation des poursuites, mais cette autorisation des poursuites n’est presque jamais
accordée, quelle que soit la gravité des actes reprochés aux agents bénéficiant de ce
privilège de poursuites"2378.

2377
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p. 180.
2378
KIFWABALA TEKELIZAYA, D.FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur de
la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa,
Kinshasa, Open Society Foundations, juillet 2013, p.111.
836

CHAPITRE XII:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DES AVOCATS
ET MEDECINS

SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES AVOCATS

Les avocats n'ont pas n'ont pas le privilège de juridiction, c'est-à dire qu'ils sont justiciables
des juridictions ordinaires, même les tribunaux de paix. Mais leurs poursuites pénales exigent
certaines formalités. Ainsi, c'est aux procureurs généraux près les cours d’appel que sont
réservés les droits d’arrestation et de poursuites en ce qui concerne les avocats. Le ministre de
la Justice, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats ou le doyen des avocats là où il n’y a pas de
bâtonnier, doivent être avisés des poursuites. Une perquisition ne peut avoir lieu dans le
cabinet d’un avocat qu’en présence du bâtonnier ou du doyen des avocats ou de son délégué
et sur autorisation des procureurs généraux près les cours d’appel, sauf flagrant délit2379.

SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES MEDECINS

Les médecins non revêtus du grade de directeur n'ont pas le privilège de juridiction, c'est-à
dire qu'ils sont justiciables des juridictions ordinaires, même les tribunaux de paix. Ceux qui
ont le grade de directeur sont justiciables de la Cour d'appel; dans ce cas, c’est aux procureurs
généraux près les cours d’appel que sont réservés les droits de poursuites et d’arrestation des
intéressés.

Les poursuites pénales des autres médecins non revêtus du grade de directeur, exigent
certaines formalités. Ainsi, les décisions de poursuites sont réservées aux procureurs
généraux près les cours d’appel, lorsqu’il s’agit d’actes infractionnels accomplis par les
intéressés dans l’exercice de leurs fonctions. Une perquisition ne peut avoir lieu dans le
cabinet d’un médecin qu’en présence du Président Provincial de l’Ordre des médecins ou de
son délégué et sur ordre ou sur décision des procureurs généraux près les cours d’appel, sauf
flagrant délit. Le Président de l’Ordre national des médecins, le Ministre de la Santé publique
et éventuellement le Ministre de la Fonction publique seront avisés des poursuites2380.

2379
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p. 181.
2380
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p. 181.
837

En application de l’article 26 de l’ordonnance-loi n°68-070 du 1er mars 1968, créant l’ordre


des Médecins2381, "l’exercice de l’action disciplinaire par le Conseil National ou le Conseil
provincial de l’Ordre des Médecins ne fait obstacle ni aux poursuites devant les tribunaux
répressifs, ni aux actions civiles en réparation d’un dommage, ni à l’action disciplinaire
devant l’administration dont dépend le médecin fonctionnaire».

2381
JOORDC, n° 14, 15 juillet 1968, p. 1305.
838

CHAPITRE XIII:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES
POURSUITES PENALES DES CHEFS COUTUMIERS
ET AUTORITES RELIGIEUSES

SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES CHEFS COUTUMIERS

Les chefs coutumiers n'ont pas le privilège de juridiction à moins qu'ils puissent avoir la
qualité de chefs de chefferie; dans ces conditions, ils seront justiciables de tribunaux de
grande instance. En effet, les conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les
chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les conseillers de
secteur et les conseillers de chefferie, sont en matière pénale, justiciables des tribunaux de
grade instance2382. Si le chef coutumier est aussi chef de chefferie, dans ce cas, les poursuites
pénales applicables sont celles qui concernent les bénéficiaires du privilège de juridiction de
tribunaux de grade instance (voir chapitre IX consacré aux poursuites pénales des
bénéficiaires du privilège de juridiction de tribunaux de grande instance et de la Cour
d'appel).

Sur ce point, l'officier de police judiciaire ou le magistrat du ministère public qui reçoit une
plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d'un chef de chefferie
(chef coutumier) ne peut, sauf infraction flagrante, procéder à l'arrestation de la personne
poursuivie qu'après en avoir préalablement informé l'autorité hiérarchique ont dépend le
prévenu2383. Dans ces circonstances, la décision de poursuites est réservée au Procureur
général près la Cour d'appel2384.

Au cas où le chef coutumier n'a pas la qualité de chef de chefferie, la seule particularité à
retenir est qu'il ne pourra faire l'objet d'arrestation que sur mandat du ministère public. Mais
en cas d'infraction flagrante ou infraction relative aux violences sexuelles, il peut être
poursuivi, arrêté selon la procédure prévue c'est-à-dire même l'officier de police judicaire peut
procéder à son arrestation2385. De manière concrète, il sera poursuivi comme un citoyen
ordinaire.

2382
Article 89 alinéa 2 de la loi n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai, 2013; article 121 de la loi
organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités
territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, n°spécial, 10 octobre
2008, p.31.
2383
Article 10 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2384
Article 13 du décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi
n° 06/019 du 20 juillet 2006, JORDC, n° 15, 1 er août 2006, pp.1-24.
2385
Article 28 de la loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers.
839

SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES AUTORITES RELIGIEUSES

Le Code de procédure pénale est muet sur cette question. Les autorités religieuses n'ont pas
le privilège de juridiction, c'est-à dire qu'elles sont justiciables des juridictions ordinaires,
même les tribunaux de paix. Mais la circulaire n° 3/008/IM/PGR/2011 relative à
l'organisation intérieure des parquets prévoit que c’est aux procureurs généraux près les cours
d’appel que sont réservés les droits de poursuites et d’arrestation en ce qui concerne les
autorités religieuses. Il y a une exception à cette règle en ce qui concerne les chefs des
religions dont le culte est admis sur le territoire de la République. Le cas de ceux-ci est
réservé au Procureur Général près la Cour de cassation. C'est le cas des affaires qui
concernent les chefs des religions dont le culte est admis sur le territoire de la République :
catholique, protestant, musulman et kimbanguiste2386. Il s'agit précisément du Cardinal
(archevêque de Kinshasa), le représentant de l'église protestante, le représentant du culte
musulman et le représentant de l'église protestante l'église kimbanguiste.

2386
Circulaire n° 3/008/IM/PGR/2001 relative à l'organisation intérieur des parquets, in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, pp. 179 et 181.
840

CHAPITRE XIV:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INFRACTIONS
RELATIVES AU VAGABONGAGE
ET A LA MENDICITE

SECTION 1: NOTIONS

Tout individu trouvé en état de vagabondage ou de mendicité sera arrêté et traduit devant
le tribunal compétent2387.

SECTION 2: JURIDICTION COMPETENTE

Les tribunaux de paix sont compétents de prendre des mesures d’internement de tout
individu tombant sous l’application de la législation sur le vagabondage et la mendicité2388.

SECTION 3: PROCEDURE

Le tribunal vérifie pour autant que possible, l’identité, l’âge, l’état physique, l’état mental et
le genre de vie des individus traduits en justice du chef de vagabondage ou de mendicité2389.

SECTION 4: DECISIONS POSSIBLES DU TRIBUNAL DE PAIX

Le tribunal de paix peut mettre à la disposition du Gouvernement national pendant sept ans
au plus, les individus valides qui exploitent la charité comme mendiants de profession et ceux
qui, par fainéantise, ivrognerie ou dérèglement de mœurs, vivent en état habituel de
vagabondage.

2387
Article 1er du décret du 23 mai 1896 sur le vagabondage et la mendicité tel que modifié par les décrets des
11 juillet 1923 et 6 juin 1958, B.O. 1896, p. 160; B.O. 1923, p. 618; B.O, 1958, p. 1119; in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p.340.
2388
Article 87 de la loi n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n° spécial, 4 mai, 2013.
2389
Article 2 du décret du 23 mai 1896 sur le vagabondage et la mendicité tel que modifié par les décrets des 11
juillet 1923 et 6 juin 1958, B.O. 1896, p. 160; B.O. 1923, p. 618; B.O, 1958, p. 1119; in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p.340.
841

Pourront être également mis à la disposition du Gouvernement pendant un temps ne


dépassant pas un an, les individus trouvés en état de vagabondage ou mendiant, sans aucune
des circonstances mentionnées ci-dessus2390.

SECTION 5: EXECUTION DU JUGEMENT DU TRIBUNAL DE PAIX

Les vagabonds mis à la disposition du gouvernement pourront, soit être internés dans un
établissement désigné à cet effet, soit être mis en liberté aux conditions de résidence et aux
autres conditions éventuels fixées par l’autorité administrative. Le Président de la République
pourra en tout temps faire reconduire à la frontière les individus non congolais mis à
disposition du Gouvernement2391.

Il sera pourvu à l’établissement de « maisons ou ateliers de travail » où seront internés les


vagabonds mis à la disposition du gouvernement. Les individus valides internés seront
astreints aux travaux prescrits dans l’établissement. Le Président de la République arrête le
régime intérieur et la discipline des ateliers de travail et fixe les diverses catégories dans
lesquelles les reclus seront rangés selon leur âge, leurs aptitudes, leurs antécédents et leur
degré de moralité. Les jeunes vagabonds resteront, pendant la durée de leur internement,
séparés des individus d’un âge plus avancé2392.

2390
Articles 3 et 4 du décret du 23 mai 1896 sur le vagabondage et la mendicité tel que modifié par les décrets
des 11 juillet 1923 et 6 juin 1958, B.O. 1896, p. 160; B.O. 1923, p. 618; B.O, 1958, p. 1119; in T.
KAVUNDJA MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés
jusqu'au 28 février 2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p.340.
2391
Article 5 du décret du 23 mai 1896 sur le vagabondage et la mendicité tel que modifié par les décrets des 11
juillet 1923 et 6 juin 1958, B.O. 1896, p. 160; B.O. 1923, p. 618; B.O, 1958, p. 1119; in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p.340.
2392
Article 6 du décret du 23 mai 1896 sur le vagabondage et la mendicité tel que modifié par les décrets des 11
juillet 1923 et 6 juin 1958, B.O. 1896, p. 160; B.O. 1923, p. 618; B.O, 1958, p. 1119; in T. KAVUNDJA
MANENO (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés jusqu'au 28 février
2013, Kinshasa, Media saint Paul, 2013, p.341.
842

CHAPITRE XV:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS
D'INCONSTITUTIONNALITE SOULEVEE
DEVANT UNE JURIDICTION PENALE

SECTION 1: SITUATIONS QUI PEUVENT ETRE A LA BASE DE


LA SAISINE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Cette situation peut arriver lorsqu'une procédure est en cours devant une juridiction
pénale (à l'audience), une des parties soulève l'inconstitutionnalité d'une loi ou un acte
réglementaire dans une affaire qui la concerne devant une juridiction et qui est susceptible
d'être appliquée devant ladite juridiction. Etant donné que la juridiction pénale ne peut pas
se prononcer sur la constitutionnalité de la loi concernée ou acte réglementaire, les parties
saisiront la Cour constitutionnelle qui est seule compétente2393.

SECTION 2: LOI ET ACTES SUSCEPTIBLES DE FAIRE


L'OBJET D'INCONSTITUTIONNALITE

Il s'agit de la loi, des actes ayant force de loi, des édits et des actes réglementaires des
autorités administratives2394. Font partie des actes ayant force de loi et actes
réglementaires: les ordonnances-loi, les décrets-lois, les ordonnances, les arrêtés des
ministres, etc.

SECTION 3: PARTIES AUTORISEES A SAISIR LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Il s'agit de toutes les parties au procès pénal: le prévenu, la partie civile, la personne
civilement responsable, l'intervenant, le ministère public et la juridiction saisie de
l'affaire2395.

2393
Article 52 alinéa 1 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2394
Articles 43, 52 alinéa 1 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2395
Article 52 alinéas 1 et 2 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
843

SECTION 4: PROCEDURE

Aussitôt qu'on invoque l'inconstitutionnalité d'une loi ou d'un acte ayant force de loi ou
d'un acte réglementaire, la juridiction sursoit à statuer et saisit la Cour constitutionnelle
toutes affaires cessantes2396.

La Cour statue par un arrêt motivé. Celui-ci est signifié à la juridiction concernée et
s’impose à elle. L’acte déclaré non conforme à la Constitution ne peut être appliqué dans
le procès en cours2397. Par contre, si l'acte est déclaré conforme à la Constitution, elle
s'appliquera dans le procès en cours.

SECTION 5: EFFETS DE L'ARRET DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

L’arrêt d’inconstitutionnalité rendue par la Cour constitutionnelle empêche la mise en


application de l’acte ou du texte juridique entrepris ou de certaines de ses dispositions. Il
le rend nul ou inapplicable dans le cas d’espèce2398.

2396
Article 52 in fine de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2397
Article 53 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
2398
Article 112 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, JORDC, n°spécial, 18 octobre 2013.
844

CHAPITRE XVI:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS
D'INTERPRETATION DE DECISIONS
JUDICIAIRES OU DE RECTIFICATION
DES ERREURS MATERIELLES

SECTION 1: NOTIONS

L'interprétation est le fait pour une juridiction d'interpréter un jugement ou arrêt qui
semble ambigu après son prononcé. La rectification d'erreur matérielle est le fait pour une
juridiction de rectifier les erreurs matérielles ou omissions matérielles contenues dans ses
jugements ou arrêts après leur prononcé. Interpréter ou rectifier une décision judiciaire n'est
donc rien d'autre que la maintenir en lui donnant une forme meilleure2399. C'est pourquoi, le
juge qui donne de sa décision antérieure une interprétation inconciliable avec ses termes viole
la foi due à la décision interprétée2400.

Concernant l'interprétation, c'est lorsqu'une juridiction a prononcé un jugement ou arrêt qui


est obscur ou ambiguë; dans ce cas, les parties ou le ministère public près cette juridiction,
peuvent (peut) selon le cas, saisir la même juridiction qui a rendu la décision afin d'interpréter
et de clarifier les termes qui étaient obscurs et ambigus sans toutefois étendre ou modifier les
droits qu'il a consacrés.

Concernant la rectification, c'est lorsqu'une juridiction a prononcé un jugement ou arrêt


qui contient des erreurs matérielles ou omissions matérielles dans une de ces décisions, dans
ce cas, les parties ou le ministère public près cette juridiction, peuvent (peut) selon le cas,
saisir la même juridiction qui a rendu la décision afin de corriger lesdites erreurs qui se sont
glissées.

L'erreur matérielle est une erreur de plume, autrement dit une inadvertance qui ne porte pas
atteinte à la légalité ou à la régularité de la décision et dont le redressement laisse intacts les
droits que la décision rectifiée a consacrés. Ainsi, l'erreur de calcul permettant la rectification
d'une décision judiciaire est celle qui porte sur une opération d'arithmétique et qui est révélée
par des les éléments intrinsèques de la décision. L'erreur matérielle ou de calcul pouvant
donner lieu à rectification doit ressortir à l'évidence des pièces de la procédure. Il ne s'agit ni

2399
J. DE CODT, "L'erreur matérielle et sa rectification devant la juridiction répressive", in Revue de droit pénal
et criminologie, 2003, pp. 314.
2400
R. DECLERCQ, Eléments de procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 2059, p. 104,
845

d'une erreur de droit, ni de la méconnaissance de la procédure applicable, ni d'une faute de


raisonnement2401.

Ainsi, ne constituent pas une erreur matérielle l'omission de statuer sur un chef de demande
ou de prononcer une condamnation obligatoire, le fait de ne pas viser dans un jugement de
condamnation sur le plan pénal, les dispositions légales définissant les éléments constitutifs de
l'infraction et fixant les peines ou encore, la condamnation existant entre les motifs et le
dispositif d'une décision2402. De même, la juridiction ne peut rétracter ses jugements ou arrêts
que lorsque la requête en rétractation est fondée sur une erreur matérielle manifeste dans le
jugement ou arrêt mais pas sur une interprétation prétendument erronée du moyen de
défense2403.

SECTION 2: JURIDICTION COMPETENTE

Les cours et tribunaux (y compris la Cour de cassation) connaissent de l’interprétation


de toute décision de justice rendue par eux. Ils connaissent également des actions en
rectification d’erreur matérielle contenue dans leurs décisions2404. L'interprétation de cette
disposition montre que c'est la même juridiction qui a rendue la décision qui est compétente.
Ainsi, les demandes ou requêtes d'interprétation, de rectification sont introduites devant la
juridiction qui a rendu la décision à interpréter, à rectifier, et dans certains cas, devant la
juridiction d'appel. La juridiction d'appel est compétence uniquement lorsque la décision
rendue a fait l'objet d'appel.

SECTION 3: PROCEDURE

Le Code de procédure pénale n'a pas prévu ce mécanisme, cela ressort donc de la pratique.
Pour l'erreur matérielle, il s'agit de la demande ou requête en rectification, et pour interpréter
un arrêt qui semble ambigu, il s'agit de la demande ou requête d'interprétation. Les demandes
ou requêtes d'interprétation, de rectification sont introduites devant la juridiction qui a rendu
la décision à interpréter, à rectifier, et dans certains cas, devant la juridiction d'appel.

2401
J. DE CODT, "L'erreur matérielle et sa rectification devant la juridiction répressive", in Revue de droit pénal
et criminologie, 2003, pp. 314-315.
2402
J. DE CODT, "L'erreur matérielle et sa rectification devant la juridiction répressive", in Revue de droit pénal
et criminologie, 2003, pp. 315-316.
2403
M. A. BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1474.
2404
Article 117 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions de l'ordre judiciaire, JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
846

La demande d'interprétation ne peut, en règle, être formé avant l'expiration des voise de
recours ou lorsque la décision a été frappée d'appel ou de pourvoi en cassation et le tribunal
ne peut rectifier une décision ou statuer sur l'omission d'un chef de demande que dans la
mesure où la décision n'a pas été entreprise. Toutefois, il peut rectifier une décision qui a été
entreprise lorsque la décision rendue en appel ou en cassation ne prive pas d'intérêt la
rectification demandée.

La Cour de cassation peut rétracter un de ses arrêts lorsqu'elle constate que l'arrêt repose
sur une erreur matérielle qui n'est pas imputable au demandeur. Elle peut ainsi rectifier les
erreurs matérielles lorsque les pièces de la procédure le lui permettent2405. La Cour de
cassation peut également interpréter son arrêt qui semble ambigu. Ainsi, à la requête des
parties ou du Procureur général près la Cour de cassation, la Cour peut rectifier les erreurs
matérielles de ses arrêts ou en donner interprétation, les parties entendues2406.

La demande de rectification suppose un intérêt qui peut, en matière pénale, résider dans la
nécessité de prévenir les difficultés que l'exécution du jugement pourrait susciter.

La juridiction peut rectifier une erreur matérielle qui s'est glissée dans un jugement ou arrêt
ou dans le préambule d'un jugement ou arrêt quant à la date de la décision attaquée ou qui
s'est glissée dans le jugement ou arrêt et dans la feuille d'audience quant à la date de jugement
ou arrêt ou dans d'autres énonciations de jugement ou arrêt. La juridiction peut rectifier aussi
le dispositif d'un jugement ou arrêt précédent quant à la date de la constitution de la partie
civile, et en matière civile, le lieu ou la date de mariage des parties.

A l'occasion d'un jugement ou arrêt rectificatif, la juridiction ne peut étendre, restreindre ni


modifier les droits que son jugement ou arrêt a consacrés. En aucun cas, la procédure
d'interprétation, de rectification ne permet au tribunal de revenir sur ce qui a été jugé en
étendant, restreignant ou modifiant les droits qu'il a consacrés. Lorsque la juridiction rectifie
l'erreur matérielle qui s'est glissée, elle ordonne que mention du jugement ou arrêt rectifié, soit
inscrite en marge de la décision rendue.

2405
J. DE CODT, "L'erreur matérielle et sa rectification devant la juridiction répressive", in Revue de droit pénal
et criminologie, 2003, pp. 316-317.
2406
Article 29 in fine de loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation, JORDC, n°spécial, 20 février 2013.
847

CHAPITRE XVII:
PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DE
RETRACTATION A LA SUITE D'UN ARRET
DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

SECTION 1: NOTION

Lorsque la Cour constitutionnelle a annulé une loi, un décret-loi, une ordonnance-loi,


un décret, une ordonnance, un arrêté, etc. qui a fondé une décision d'une juridiction
pénale même coulée en force de chose jugée, la rétractation de cette dernière décision
peut être demandée devant la même juridiction qui l'a rendue.

Cette voie de recours extraordinaire est destinée à permettre à une partie (y compris le
ministère public) de demander à la juridiction qui a rendu une décision même coulée en
force de chose jugée de mettre cette décision ainsi que dans la mesure du possible, les
conséquences qui en ont découlé-à néant, de la faire disparaître de la sphère juridique, en
raison du fait que la loi, l'ordonnance-loi, le décret-loi, l'ordonnance-loi, le décret,
l'arrêté, etc. qui lui servait de fondement a été annulée par la Cour constitutionnelle.

En effet, même si les arrêts de la Cour constitutionnelle sont immédiatement


exécutoires2407 et s'imposent aux autorités juridictionnelles ainsi qu'à tous les
particuliers2408, un arrêt de la Cour constitutionnelle n'a aucun effet automatique; dans le
cadre d'une action en rétractation, il appartient à la juridiction de l'ordre judiciaire
d'examiner, dans le cadre de son pouvoir de juridiction, dans quelle mesure l'annulation
de la norme porte atteinte à la légalité de la décision judiciaire qui a été prononcée
originairement.

C'est pourquoi, toute juridiction de l’ordre judiciaire ou administratif est tenue de


rétracter toute décision même coulée en force de chose jugée, rendue en application de
tout acte législatif ou réglementaire déclaré contraire à la Constitution ou en application
de tout règlement pris en exécution d’un tel acte2409.

2407
Article 94 alinéa 2 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
2408
Article 95 in fine de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de
la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
2409
Article 115 alinéa 1 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
848

SECTION 2: CONDITIONS

§ 1. Décisions susceptibles de rétractation

L'article 115 alinéa 1 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour


constitutionnelle prévoit que la rétractation concerne toute décision judiciaire même coulée
en force de chose jugée.

L'interprétation de cette disposition nous permet de soutenir que les conditions alternatives
suivantes doivent être réunies:
- la décision doit être définitive par laquelle le prévenu, soit est condamné à une peine, soit
fait l'objet d'une décision ordonnant la suspension du prononcé de la condamnation. Les
jugements définitifs sont ceux qui épuisent la juridiction du juge sur une question de fond ou
incidentielle, et par conséquent le dessaisissent quant ce. Les jugements définitifs sont ceux
qui terminent l'instance dans un sens défavorable ou favorable2410. Le jugement définitif est
donc celui par lequel le juge épuise son pouvoir de juridiction sur un point litigieux2411. Une
décision termine l'instance soit lorsqu'elle se prononce au fond (acquittement ou
condamnation), soit lorsqu'elle admet une exception d'incompétence ou une fin de non
recevoir qui dénie ou enlève au juge la connaissance de la cause2412.

L'expression décision définitive peut aussi désigner la décision qui, statuant sur l'ensemble
des questions litigieuses qui faisaient l'objet de la demande, épuise la juridiction du juge sur
l'ensemble de ces questions.

La procédure de rétractation ne s'applique donc pas aux décisions avant dire droit, rendues
par les juridictions pénales mais seulement aux décisions statuant définitivement sur l'action
publique et ayant des effets préjudiciables pour la personne poursuivie.

- La décision peut être coulée en force de chose jugée. Les jugements coulés en force de chose
jugée sont ceux qui ne sont plus susceptibles d'opposition et d'appel.

- La décision doit être fondée sur une loi, un décret-loi, une ordonnance-loi, un décret, une
ordonnance, un arrêté, etc. qui a, par la suite été annulée par la Cour constitutionnelle. La

2410
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière pénale, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2012-2013, n° 11.61, p. 25;
J. BORE et L. BORE, La cassation en matière civile, Paris, 3 ème éd. Dalloz, 2003-2004, n° 32.09, p. 83;
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1049; P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en
cassation en matière civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F.
VAN DROOGHENBROECK, Les voies de recours en droit judiciaire privé, Bruxelles, éd. Bruylant,
2009, n° 268, p. 175.
2411
P. GERARD, H. BOULABAH et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, Pourvoi en cassation en matière
civile, Bruxelles, éd. Bruylant, 2012, n° 55, p. 44; R. DECLERCQ, Cassation en matière pénale. Extrait
du répertoire pratique du droit belge. Complément, tome IX, Pourvoi en cassation en matière répressive,
Bruxelles, éd. Bruylant, 2006, n° 306, p. 164.
2412
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1050.
849

rétractation, qui peut être totale ou partielle, doit être prononcée par la juridiction qui a rendu
la décision.

§ 2. Parties autorisées à demander la rétractation

Il s'agit du ministère public ou la partie la plus diligente2413. Par partie diligente, il faut
entendre la partie intéressée comme le condamné, la partie civile, la partie civilement
responsable, l'intervenant.

§ 3. Délai

La loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle n'a


pas prévu de délai dans lequel on peut introduire la demande en rétractation. En Belgique, le
délai est de six mois à partir de la publication de l'arrêt de la Cour constitutionnelle au
Moniteur belge2414.

SECTION 3: JURIDICTION COMPETENTE

C'est la juridiction qui a prononcé la décision devant être rétractée2415. Dans cette mesure, la
Cour de cassation est sans pouvoir pour connaître d'une demande en rétractation.

SECTION 4: PROCEDURE

§ 1. Introduction de l'instance

La requête est introduite par le ministère public ou la partie la plus diligente2416. Il s'agit de
la partie intéressée comme le condamné, la partie civile, la partie civilement responsable,
l'intervenant. La requête doit spécifier la cause de rétractation et est déposée au greffe de la
juridiction qui sera saisie de la demande (c'est-à-dire celle qui a rendu la décision entreprise)
et est signifiée par les soins du ministère public à toutes les parties en cause dans la dans la
décision entreprise.

2413
Article 115 alinéa 1 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
2414
Article 12, § 1 er de la loi du 6 janvier sur la Cour constitutionnelle, voyez M. FRANCHIMONT, A.
JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd. Larcier, 2012, p.1084; M. A.
BEERNAERT, H. D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale Tome II. Le
jugement, Les voies de recours, Procédures particulières, La coopération judiciaire internationale,
Brugge, 7 ème éd. La Charte, 2014, p. 1488.
2415
Article 115 alinéa 1 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
2416
Article 115 alinéa 1 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
850

Il ressort de l'article 115 alinéa 1 de la loi organique portant organisation et fonctionnement


de la Cour constitutionnelle que le ministère public compétent a l'obligation d'introduire une
demande en rétractation lorsqu'il y a matière à rétractation. Le droit de la partie la plus
diligente (condamné et autres) n'a été prévu que comme une garantie supplémentaire pour
suppléer à l'éventuelle inertie du ministère public.

La requête en rétractation introduit une nouvelle instance devant la même juridiction qui
avait prononcé la décision et a pour effet de faire juger à nouveau l'action publique et,
éventuellement, l'action civile fondée sur elle. La demande est formée par requête et n'est
soumise à aucun délai à partir de la publication de l'arrêt de la Cour constitutionnelle au
Journal officiel. Le ministère public fait citer les parties en cause.

§ 2. Instruction de la cause

Les débats sont contradictoires et le dossier est mis à la disposition des parties avant
l'audience.

Si le condamné est détenu, la juridiction saisie peut ordonner sa mise en liberté ou liberté
provisoire selon la procédure prévue en matière de détention préventive. Cette n'est pas une
obligation pour la juridiction saisie mais seulement une faculté à propos de la quelle le juge
statue souverainement. Lorsqu'il prend sa décision, le juge peut tenir compte de tous les
éléments de fait qui ont été soumis à la contradiction des parties.

SECTION 5: EFFET DE LA RETRACTATION

En principe, dans les limites où elle est prononcée (soit partielle ou totale), la rétractation
rend non avenues les condamnations pénales prononcées, fondées sur une loi, un décret-loi,
une ordonnance-loi, un décret, une ordonnance, un arrêté, etc. Il ne s'agit pas d'une
conséquence automatique de l'arrêt d'annulation mais bien d'une décision de la juridiction
pénale qui, liée par la décision d'annulation dudit texte par la Cour constitutionnelle, doit en
tirer toutes les conséquences.

Lorsque le jugement ou l'arrêt est rétracté, la condamnation est entièrement effacée. En cas
rétractation, la juridiction saisie ordonne le remboursement de l'amende perçue indûment. Les
inscriptions au casier judiciaire devront immédiatement être rayées.

Il faut souligner qu'au moment où elle est saisie de la demande de rétractation, la juridiction
doit examiner si l'action publique n'est pas prescrite, car la décision à rendre constitue une
décision nouvelle. Si l'action est prescrite, la juridiction prononce la rétractation et constate,
851

pour le surplus, la prescription de l'action publique2417. Par contre, si la prescription n'est pas
acquise, la juridiction doit prononcer la rétractation de la condamnation fondée sur la
disposition annulée par la Cour constitutionnelle.

SECTION 6: VOIES DE RECOURS

La décision rendue par la juridiction statuant sur requête en rétractation n’est susceptible
d’aucun recours2418.

2417
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Bruxelles, 4ème éd.
Larcier, 2012, p.1086.
2418
Article 115 in fine de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, JORDC, n° spécial, 18 octobre 2013.
852

CHAPITRE XVIII:
PROCEDURE PENALE APPLICABLE DEVANT
LES JURIDICTIONS MILITAIRES

SECTION 1: ORGANES CHARGES DE L'ENQUETE PRELIMINAIRE

§ 1. Les officiers police judiciaire

Ont qualité d’officiers de police judiciaire des forces armées, les officiers, sous-officiers des
forces armées et agents assermentés des différents services des forces armées pour l’exercice
des missions particulières qui leur sont dévolues par les lois et règlements. Dans ce dernier
cas, ils n’ont d’action que sur les infractions commises dans leurs unités ou services respectifs
ou sur des personnes placées sous leur commandement et dans la zone territoriale leur
assignée pour l’exercice de leurs fonctions administratives. Les militaires de la Prévôté
Militaire qui ne sont pas officiers de police judiciaire des forces armées ont également qualité
pour procéder à des enquêtes préliminaires dans les conditions prévues par la loi n°023-2002
du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire2419.

Ont qualité d’officiers de police judiciaire militaire :


− Les officiers, sous-officiers et gradés de la police nationale et de la prévôté militaire
nommés conformément à la loi ;
− Les officiers, sous-officiers des forces armées et agents assermentés des différents services
de l’armée, pour l’exercice des missions particulières qui leur sont dévolues par les lois et
règlements. Dans ce dernier cas, ils n’ont compétence que pour les infractions commises dans
leurs unités ou services respectifs ou sur des personnes placées sous leur commandement et
dans la zone territoriale leur assignée pour l’exercice de leurs fonctions administratives2420.

§ 2. Les agents de la police judiciaire des auditorats militaires

Sont agents de la police judiciaire des auditorats militaires :


− L’inspecteur judiciaire général, les inspecteurs judiciaires en chef, les inspecteurs judiciaires
divisionnaires, les inspecteurs judiciaires principaux, les inspecteurs judiciaires de première et
deuxième classe ;
− Les agents de police judiciaire2421.

2419
Article 59 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2420
Article 135 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2421
Article 5 in fine de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
853

Les policiers ou les militaires de la prévôté militaire qui ne sont pas officiers de police
judiciaire des forces armées ont qualité notamment pour procéder à des enquêtes préliminaires
dans les conditions fixées par la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire
militaire2422.

§ 3. Enquête préliminaire

Les officiers de police judiciaire militaire accomplissent leurs missions conformément aux
dispositions prévues au Code de procédure pénale ordinaire et sur réquisition de l'officier du
ministère public2423.

Contrairement aux dispositions de l’article 9 du Code de Procédure Pénale ordinaire, les


officiers de police judiciaire militaire ne peuvent, en aucun cas, proposer une amende
transactionnelle aux justiciables des juridictions militaires pour les affaires de la compétence
de ces juridictions2424.

SECTION 2: ORGANE CHARGE DE L'INSTRUCTION


PREPARATOIRE: LE MINISTERE PUBLIC

Sauf dispositions contraires de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code


judiciaire militaire, les dispositions de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire
de droit commun sont applicables au Ministère public militaire2425.

Le ministère public militaire exerce l’action publique et requiert l’application de la loi. Il est
représenté devant chaque juridiction militaire. Il assiste aux débats des juridictions militaires.
Il prend des réquisitions écrites dans les conditions prévues par la loi n°023-2002 du 18
novembre 2002 portant Code judiciaire militaire. Il présente librement les observations
orales. Toutes les décisions sont prononcées en sa présence. Il assure l’exécution des
décisions de justice.

2422
Article 59 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2423
Article 137 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2424
Article 138 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2425
Article 40 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
854

SECTION 3: PROCEDURE

§ 1. Principe

Sous réserve des dispositions prévues par la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant
Code judiciaire militaire, la procédure applicable devant les juridictions militaires est celle du
droit commun2426.

§ 2. Instruction préparatoire

I. Généralités

L’action publique devant les juridictions militaires est mise en mouvement par les
magistrats du ministère public militaire, le commandement, le Ministre de la Défense ou la
partie lésée. Cette action est exercée par les magistrats du ministère public2427. Les officiers
du Ministère public militaire disposent, en matière d’instruction préparatoire, des mêmes
pouvoirs que ceux des parquets près les juridictions de droit commun2428.

Sous réserve des dispositions prévues par la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant
Code judiciaire militaire, le magistrat instructeur militaire est tenu, dans la conduite de
l’instruction préparatoire, aux mêmes devoirs que le magistrat instructeur de droit
commun2429.

Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, et sans préjudice des droits de la défense,
la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction préjuridictionnelle est secrète. Toute
personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel2430.

II. Audition des témoins, interprètes, traducteurs et experts

Elle se déroule de la même manière que celle prévue par le Code de procédure pénale2431.

2426
Article 129 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2427
Articles 130 à 131 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2428
Article 169 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2429
Article 170 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2430
Articles 132 à 133 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2431
Voyez les articles 174 à 181 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire,
JORDC, n° spécial, 20 mars 2003.
855

III. Perquisitions et saisies

L’Auditeur militaire peut prescrire, par instructions écrites, aux officiers de police
judiciaire militaire de procéder, même de nuit, à des perquisitions et saisies dans les
établissements militaires ou tous autres lieux qui leur sont désignés2432.

IV. Commission rogatoire

L'officier du ministère public militaire peut requérir, par commission rogatoire directement,
tout officier du ministère public civil ou militaire, ainsi que tout officier de police judiciaire,
de droit commun ou militaire, territorialement compétent, aux fins de procéder aux actes
d’instruction qu’il estime nécessaires. En ce cas, l’exécution des commissions rogatoires est
soumise aux règles du Code de procédure pénale ordinaire2433.

§ 3. Saisine des juridictions

I. Généralités

Les juridictions militaires sont saisies par voie de traduction directe ou par décision de
renvoi émanant de l’Auditeur militaire près la juridiction compétente. Elles sont également
saisies par voie de comparution volontaire du prévenu suivant les conditions prévues par la loi
n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire2434.

II. Obligation de comparaître à l'audience

La citation à comparaître est délivrée au prévenu dans les délais et suivant les formes
prévus par la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire. Les
témoins et experts sont assignés conformément aux dispositions de la loi susvisée2435. Le juge
militaire peut décerner un mandat d’arrêt contre le prévenu en liberté provisoire si celui-ci fait
défaut à un acte de la procédure2436.

2432
Article 139 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2433
Articles 171 à 172 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2434
Article 214 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2435
Article 223 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2436
Article 220 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
856

§ 3. Procédure à l'audience

I. Constitution de la partie civile

Lorsque la juridiction militaire est saisie, la partie lésée par le fait incriminé peut la saisir
de l’action en réparation en se constituant partie civile. La constitution de la partie civile peut
intervenir à tout moment de l’instance, depuis la saisine de la juridiction militaire jusqu’à la
clôture des débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite à l’audience, et dont il est
donné acte au requérant. En cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les parties
intéressées. La partie lésée, qui s’est constituée partie civile après la saisine de la juridiction
militaire peut se désister à tout moment de l’instance par déclaration à l’audience ou au greffe.
Dans ce dernier cas, le greffier en avise les parties intéressées2437.

II. Débats à l'audience

Les débats devant les juridictions militaires sont publics. Lorsque la publicité est
préjudiciable à l’ordre public militaire ou aux bonnes mœurs, la juridiction ordonne le huis-
clos par décision rendue en audience publique. Toutefois, le président peut interdire l’accès à
la salle d’audience aux mineurs ou à certains individus. Lorsque le huis-clos a été ordonné, il
s’applique également au prononcé des décisions qui peuvent intervenir sur les incidents. La
décision sur le fond est toujours prononcée en audience publique2438.

Le président est investi d’un pouvoir discrétionnaire pour la direction des débats et la
découverte de la vérité. Il peut, au cours des débats, faire apporter toute pièce qui lui paraît
utile à la manifestation de la vérité et appeler, par des mandats de comparution ou d’amener,
toute personne dont l’audition lui paraît nécessaire. Si le Ministère public ou le conseil du
prévenu sollicite au cours des débats l’audition de nouveaux témoins, le président décide si
ces témoins doivent être entendus. Les témoins ainsi appelés ne prêtent pas serment et leurs
déclarations sont considérées comme de simples renseignements2439.

Les exceptions et incidents relatifs à la procédure au cours des débats font l’objet, sauf
décision contraire de la juridiction saisie, d’un seul jugement motivé, rendu avant la
clôture des débats2440.

2437
Articles 226 à 227 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2438
Article 230 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2439
Article 249 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2440
Article 247 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
857

§ 4. Jugement

I. Délibéré

Le président déclare les débats clos. La juridiction se retire pour le délibéré. Le président
pose à chaque juge et juge assesseur la question de savoir si le prévenu est coupable d’avoir
commis le fait de la prévention tel que spécifié dans le dispositif de la décision de renvoi, ou
de la traduction directe. Chaque circonstance aggravante, chaque cause d’excuse invoquée fait
l’objet d’une question distincte2441.

Les membres de la juridiction ne peuvent plus communiquer avec personne ni se séparer


avant que le jugement ait été rendu. Ils délibèrent et votent hors la présence du Ministère
public, de la défense et du greffier, en ayant exclusivement sous les yeux les seules pièces de
la procédure. Ils ne peuvent prendre en compte aucune autre pièce qui n’aurait pas été
communiquée au Ministère public et à la défense et soumise aux débats. La juridiction
délibère, puis vote, par scrutins secrets distincts et successifs au moyen de bulletins écrits, sur
le fait principal d’abord et, s’il y a lieu, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les
questions subsidiaires et sur les faits d’excuse légale. Chaque membre de la juridiction
exprime son opinion en déposant dans l’urne un bulletin fermé, marqué du timbre de la
juridiction militaire et sur lequel il porte l’un des mots : OUI ou NON2442.

Si le prévenu est déclaré coupable, le président doit poser la question de savoir s’il existe
des circonstances atténuantes. Chaque réponse affirmative ou négative est exprimée. En cas
de réponse affirmative sur la culpabilité, la juridiction délibère sans désemparer sur
l’application de la peine. Le vote a lieu séparément pour chaque prévenu au scrutin secret2443.
La juridiction délibère également sur les peines accessoires ou complémentaires. Toutes les
décisions sont prises à la majorité des voix2444.

II. Prononcé du jugement

Après les délibérations, la juridiction rentre dans la salle d’audience ; s’il a été procédé à
son évacuation, les portes sont à nouveau ouvertes. Le président fait comparaître le prévenu
et, devant la garde rassemblée sous les armes, donne lecture des réponses faites aux questions,

2441
Articles 254 à 255 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2442
Articles 259 alinéas 2 et 3 et 260 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire
militaire, JORDC, n° spécial, 20 mars 2003.
2443
Articles 261 à 262 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2444
Articles 263 à 264 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003
858

prononce le jugement portant condamnation, absolution ou acquittement et précise les


dispositions légales dont il est fait application2445.

En cas d’acquittement ou d’absolution, le prévenu est remis immédiatement en liberté, s’il


n’est retenu pour autre cause. La juridiction ordonne que le militaire acquitté ou absout soit
conduit par la force publique à l’autorité militaire de qui il dépend2446.

En cas de condamnation ou d’absolution, le jugement condamne le prévenu aux frais


envers le Trésor et se prononce sur la contrainte par corps. Il ordonne, en outre, dans les cas
prévus par la loi, la confiscation des objets saisis et la restitution, soit au profit de l’Etat, soit
au profit des propriétaires, de tous objets saisis ou produits au procès comme pièces à
conviction. Si la restitution des objets placés sous la main de justice n’a pas été ordonnée
dans le jugement de condamnation, elle pourra être demandée par requête à la juridiction
militaire qui a prononcé le jugement2447.

Si le prévenu est reconnu coupable, le jugement prononce la condamnation en énonçant la


peine principale et, s’il y a lieu, les peines accessoires et complémentaires. Si la juridiction
prononce une peine infamante et si le condamné est membre des ordres nationaux ou décoré
de la médaille militaire, le jugement déclare que le condamné cesse de faire partie de ces
ordres ou d’être décoré de la médaille militaire. Dans ces cas, sur les réquisitions du Ministère
public, le président prononce, immédiatement après la lecture du jugement, la formule
entraînant la déchéance de l’ordre ou le retrait de la décoration2448.

§ 5. Voies de recours

Excepté les arrêts rendus par les cours militaires opérationnelles, les arrêts et jugements des
cours et tribunaux militaires sont susceptibles d’opposition et d’appel2449.

I. Les voies de recours ordinaires

1. L'opposition

L’opposition est faite contre les arrêts et jugements rendus par défaut par les juridictions
militaires dans les cinq jours francs après celui où cette décision aura été portée à la

2445
Articles 265 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2446
Articles 266 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2447
Articles 267 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2448
Articles 269 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n°
spécial, 20 mars 2003.
2449
Article 276 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
859

connaissance de la partie intéressée. L’opposition est introduite par déclaration ou lettre


missive au greffe de la juridiction ayant rendu l’arrêt ou le jugement2450.

2. L'appel

L'appel est introduit dans les cinq jours francs après celui où cette décision aura été portée à
la connaissance de la partie intéressée. Il est introduit par déclaration ou lettre missive au
greffe de la juridiction ayant rendu le jugement. La procédure suivie est celle prévue par le
Code de procédure pénale ordinaire2451.

II. Les voies de recours extraordinaires

1. La révision

Elle est prévue par les articles 310 à 316 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002
portant Code judiciaire militaire. Elle reprend les mêmes conditions telles que fixées par
l'article 67 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant
la Cour de cassation. Elle est de la compétence de la Haute Cour militaire.

2. Le pourvoi en cassation

Il est de la compétence de Cour de cassation. Ainsi, la Cour de cassation connaît des


pourvois en cassation pour violation des traités internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de
la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et
tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire2452.

2450
Article 277 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial,
20 mars 2003.
2451
Article 278 alinéas 2 à 4 de la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire,
JORDC, n° spécial, 20 mars 2003.
2452
Article 153 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006; article 95 de la loi organique n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire,
JORDC, n°spécial, 4 mai 2013.
860

CHAPITRE XIX:
PROCEDURE PENALE APPLICABLE
DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES

SECTION 1: REGLES APPLICABLES DEVANT


LES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Les règles de procédure sont, pour les diverses juridictions coutumières, les règles
coutumières du ressort. Dans le cas où les coutumes sont contraires à l’ordre public universel
ou aux principes d’humanité ou d’équité comme en cas d’absence de coutume, la procédure
s’inspirera des règles de l’équité2453.

A cet égard, les tribunaux coutumiers appliquent les coutumes, pour autant qu’elles ne
soient pas contraires à l’ordre public universel. Toutefois, lorsque des dispositions légales ou
réglementaires ont eu pour but de substituer d’autres règles à la coutume indigène, les
tribunaux coutumiers appliquent ces dispositions2454.

SECTION 2: SAISINE ET COMPARUTION DES PARTIES A L'AUDIENCE

§ 1. Saisine des juridictions coutumières

Les tribunaux coutumiers sont saisis par une plainte du demandeur. Cette plainte
généralement formée verbalement à l'audience publique comporte l'exposé des faits, la règle
coutumière invoquée ou des précédents de palabres analogues (équivalent à la jurisprudence),
et a pour but de demander la condamnation de l'adversaire contre lequel la plainte est dirigée.
Si l'adversaire ne se présente pas à l'audience, le tribunal ou le greffier (en dehors de
l'audience), peut le convoquer et s'il échet décerner contre lui un mandat d'amener aux fins de
l'obliger à comparaître.

A l'audience, suivant que les parties sont présentes ou non, le tribunal procède à l'audition
des parties et attend les témoins qui ont été invités par celles-ci; le tribunal ne peut jamais
statuer sans entendre toutes le parties. Pour étayer sa religion, le tribunal peut prendre, même
d'office, la décision de recourir à des moyens de preuve conformes à la coutume. Toutefois,
l'officier du ministère public du ressort duquel se trouve le tribunal coutumier, peut censurer

2453
Article 25 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
2454
Article 18 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
861

les procédés qui font dépendre la solution du litige, des aléas du sort ou de pratiques magiques
et superstitieuses2455.

§ 2. Comparution des parties à l'audience

Quelle que soit la coutume, aucun jugement n’est rendu sans que les parties elles-mêmes ou
leur mandataire n’aient été, au préalable, mises à même de contredire aux allégations et aux
preuves de la partie adverse et de préparer et de faire valoir leurs moyens en toute liberté. Le
défendeur ou le prévenu qui ne comparaît pas personnellement, peut être l’objet d’un mandat
d’amener délivré sur l’ordre du tribunal, par un des juges ou par le greffier du tribunal. Si le
mandat doit être exécuté en dehors du ressort du tribunal qui l’a délivré, le mandat ne pourra
être exécuté que moyennant visa préalable de l’administrateur de territoire ou du bourgmestre
de la ville où l’exécution doit avoir lieu ou de leur délégué2456.

La personne qui est l’objet d’un mandat d’amener ne peut être maintenue en détention
préalablement au jugement que pendant trois jours depuis celui de son arrivée au siège du
tribunal. Toutefois, si dans ce délai, le tribunal l’a interrogée, il peut prolonger la durée de
cette détention préalable de cinq jours au maximum2457.

SECTION 3 : JUGEMENTS DES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Dans la rédaction du jugement, le tribunal expose l'objet de la contestation, les versions


des faits exposées par les parties et la version retenue par le tribunal (considérée comme
vraie), il dit ensuite quelle est la coutume qui s'applique dans chaque d'espèce. Les juridictions
coutumières, privilégient autant que possible la réconciliation entre parties. La motivation de
jugements se réfère à la coutume locale. Le procès verbal de l'audience de jugement est inscrit
dans un registre et indique notamment les noms des parties, l'objet de la contestation ou la
nature de l'infraction, la date où l'affaire a été examinée et jugée, les noms des juges qui ont
concouru à l'affaire et au jugement, les motifs et les dispositifs du jugement. Le procès verbal
est daté. Il est signé par le ou les ou les juges qui savent le faire2458 et par le greffier, si le
tribunal en comprend un. Copie du procès verbal des causes jugées en premier ressort par le
tribunal de territoire ou par le tribunal de ville, est transmise au ministère public dans les cinq
premiers jours du mois qui suit le prononcé du jugement2459.

2455
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. Procédure contentieuse du droit privé, Kinshasa, PUC,
2012, n°153, p. 140.
2456
Articles 26 et 27 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
2457
Article 28 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
2458
Les juges ne sachant pas lire apposent sur le procès verbal d'audience la pouce de la main droite.
2459
Article 31 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
862

SECTION 4: PEINES APPLICABLES DEVANT


LES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Dans le cas où un ou plusieurs faits, auxquels la coutume attache des peines, ne sont pas
érigés en infraction par la loi écrite, les peines applicables sont exclusivement:
1° suivant les distinctions admises:
- la servitude pénale principale, sans qu’elle puisse dépasser un mois, deux mois ou quatre
mois;
- l’amende, sans qu’elle puisse dépasser mille, deux mille ou quatre mille francs;
- la servitude pénale subsidiaire à l’amende, sans qu’elle puisse dépasser quinze jours, un
mois ou deux mois.
2° si la coutume le prévoit, la confiscation des choses formant l’objet de l’infraction, qui ont
servi ou qui sont destinées à la commettre, quand la propriété en appartient au condamné, et la
confiscation des choses qui ont été produites par l’infraction2460.

Le tribunal en condamnant à l’amende ou à la confiscation pourra, si la coutume le prévoit,


attribuer tout ou partie de celle- ci à la victime ou à ses ayants droit et en déduction des
dommages- intérêts qui pourraient être dus par application de la coutume2461.

SECTION 5: EXECUTION DES JUGEMENTS


DES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Lorsque le jugement est prononcé, celui-ci dessaisit le tribunal, possède de l'autorité de la


chose jugée et est exécutoire dès le prononcé. L'administrateur de territoire et le bourgmestre
ou leurs délégués, selon le cas, participent, autant que besoin, à leur exécution. Les peines
d'emprisonnement et de contrainte par corps peuvent être subies dans la maison de détention
du chef lieu du territoire ou de la ville, sur ordre donné au bas d'un extrait du jugement par
l'un des présidents du tribunal de territoire ou du tribunal de ville du ressort. Cet extrait
mentionne le tribunal qui a rendu le jugement, la date du jugement, le nom du condamné, la
durée de l'incarcération à subir et déjà subie ainsi que les frais de procédure et les dommages
et intérêts restant dus2462.

Sans préjudice à l’exécution directe sur l’objet de la contestation et à l’exécution forcée sur
les biens du condamné, le congolais qui refuse d’exécuter la condamnation ou qui
n’obtempère pas à une injonction ou une défense prononcée par le tribunal indigène, peut, si
la coutume ne prévoit pas l’application de peines, être frappé d’une contrainte par corps pour
une durée maximum d’un mois2463.

2460
Article 19 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
2461
Article 20 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
2462
Article 37 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2463
Article 24 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières, B.O., 1938, p. 471.
863

SECTION 6: VOIES DE RECOURS PREVUES DEVANT


LES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Les jugements rendus par les tribunaux coutumiers peuvent être attaqués par voies de
recours ordinaires (§ 1) et voies de recours extraordinaires (§ 2).

§ 1. Les voies de recours ordinaires

I. L'appel

Les différentes voies de recours ordinaires connues sont l'appel et l'opposition. Mais
devant les juridictions coutumières, seul l'appel y est prévu. En effet, l'appel est prévu à
l’article 36 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières. Au terme de cet article, le
tribunal de grande instance connaît en degré d’appel, des jugements rendus en premier ressort
par le tribunal de territoire et le tribunal de ville. Comme on peut le remarquer, l'appel ne
concerne que les jugements du tribunal de territoire et de ville devant les tribunaux de grande
instance. Il s'ensuit que les autres juridictions coutumières telles que le tribunal de chefferie,
le tribunal de collectivité et le tribunal de cité, utilisent une autre voie appelée révision (nous y
reviendrons). Le ministère public ou les parties doivent, sous peine d'irrecevabilité, interjeter
appel dans les 3 mois du prononcé du jugement, par déclaration faite au greffier du tribunal
qui a rendu le jugement ou au greffier du tribunal de grande instance qui doit connaître de
l'appel2464.

II. La révision

Elle est prévue par les articles 32 à 34 des décrets coordonnés sur les juridictions
coutumières mais la révision dont il s'agit ici est différente de la révision en droit judiciaire
classique. En droit coutumier, la révision est un pouvoir reconnu à un tribunal coutumier de
degré supérieur de modifier tout ou partie du dispositif d'un jugement rendu par un tribunal
inférieur de son ressort. En réalité, la révision en droit coutumier a le même sens que
pratiquement l'appel en droit judiciaire classique sauf certaines caractéristiques particulières
car la révision s'applique uniquement devant le tribunal principal du ressort pour corriger les
jugements prononcés par les tribunaux secondaires du ressort. La caractéristique de la
révision en droit coutumier par comparaison à l’appel judiciaire classique, consiste en ce
que le tribunal qui est saisi n’est pas limité par les termes du recours, ni même par les limites
de la saisine du premier juge car les juges statuant en révision disposent du pouvoir de
réexaminer l’ensemble du litige.

Comme on le voit, le tribunal saisi de la révision en droit coutumier a pratiquement les


mêmes pouvoirs que l'évocation utilisée en appel dans la procédure pénale par le fait qu'il
peut examiner tous les points qui lui sembles utiles, autrement dit, il n'est pas limité par ce
que les demandeurs en appel ont sollicité. Bref, il peut évoquer le jugement en tout état de

2464
Article 36, § 3 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
864

cause, l'amender ou remplacer le jugement par sa décision et quel que soit le sort qu'il fait au
jugement dont la révision a été demandée. Cela signifie qu'en procédure de révision devant les
juridictions coutumières, l'évocation est presque automatique2465.

Concernant l'application de la révision devant le tribunal principal du ressort; le tribunal


principal de chefferie connait de la révision des jugements rendus par les tribunaux
secondaires de son ressort, le tribunal principal de collectivité connait de la révision des
jugements rendus par les tribunaux secondaires de son ressort, le tribunal principal de cité
connait de la révision des jugements rendus par les tribunaux secondaires de son ressort, le
tribunal principal de territoire connait de la révision des jugements rendus par les tribunaux
secondaires de son ressort, le tribunal principal de ville connait de la révision des jugements
rendus par les tribunaux secondaires de son ressort2466.

Le tribunal principal a le choix entre deux possibilités: soit il évoque et juge, ce qui est le
plus fréquent, soit il renvoie devant le tribunal secondaire si les contestations sont de droit
privé, pourvu que les parties résident toutes dans le ressort du tribunal de renvoi2467. Cette
hypothèse peut se présenter lorsqu'après avoir évoqué, le tribunal principal mieux informé,
estime de bonne justice, de laisser procéder au premier degré par un tribunal inférieur, ou
encore, lorsqu'après avoir statué en révision, il estime plutôt que d'évoquer pour vider la
cause, il convient de renvoyer en continuation devant le premier juge2468.

Dans tous les cas, la révision ne pourra être effectuée que si les parties ont été entendues
contradictoirement ou appelées en temps utile par le tribunal de révision. Si l'une d'elles ne
comparaît pas (quel que soit son rôle: demandeur ou défendeur), elle pourra faire l'objet du
mandat d'amener quel que soit le rôle dans l'instance qui a donné lieu au jugement à
réviser2469. Comme on peut le remarquer, la comparution personnelle de toutes les parties
s'impose en matière de révision. La révision peut être demandée par les parties ou décidée
d'office par la juridiction principale pour "mal jugé" à l'égard des jugements de rendus par les
tribunaux secondaires de son ressort. Le délai pour introduire la révision est de 3 mois depuis
la date du jugement à réviser2470. La procédure d'instruction et les débats se font devant le
tribunal de révision suivant le même mode que devant ces juridictions siégeant au premier
degré.

Les jugements de révision ne sont jamais susceptibles d'opposition ni d'appel et sont


exécutoires dès les jours où ils ont été rendus.

2465
Tribunal principal de Lualaba, 26 juin 1957, JTO, n1958, p. 171.
2466
Articles 14, 15, 32 à 34 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2467
Articles 14 alinéa 3 et 15 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2468
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. Procédure contentieuse du droit privé, Kinshasa, PUC,
2012, n°157, p. 143.
2469
Article 33 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2470
Article 32 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
865

§ 2. La voie de recours extraordinaire: l’annulation

Elle est prévue par l’article 35 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
C’est un recours adressé par le ministère public devant le tribunal de grande instance pour
annuler les jugements rendus par les tribunaux coutumiers pour des raisons suivantes :
- Si le tribunal était irrégulièrement composé ;
- S’il était incompétent au point de vue de la matière ;
- S’il ya eu violation des formes substantielles prescrites par la coutume ou par la loi ;
- Si le jugement a prononcé des sanctions autres que celles autorisées par les décrets
coordonnés sur les juridictions coutumières ;
- Si la coutume dont il a été fait application est contraire à la législation ou à l’ordre public2471.

L'article 35, § 2 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières prévoit que la
requête en annulation doit être introduite dans les quatre mois du jugement, à moins :
- Qu’il n’ait porté sur un fait érigé en infraction par la loi écrite ; dans ce cas l’annulation peut
être prononcée tant que l’action publique n’est pas éteinte par la mort du prévenu ou par la
prescription ;
- Qu’il n’ait infligé des sanctions autres que celles autorisées par les décrets coordonnés sur
les juridictions coutumières ; dans ce cas l’annulation peut être prononcée tant qu’elles
n’ont pas été complètement subies ;
- Que la coutume dont il a été fait application ne pouvait pas être appliquée ; dans ce cas
l’annulation peut être prononcée tant qu’il y aura utilité de le faire.

En cas d'annulation de tout ou partie du jugement rendu, le tribunal de grande instance statue
sur le fond par un seul et même jugement, si la matière est en état de recevoir une décision
définitive. Sinon il renvoie l'affaire pour tout ou partie selon le cas, à un autre tribunal ou au
même tribunal autrement composé2472.

Les causes d'annulation des décisions des juridictions coutumières devant les tribunaux
de grande instance prévues à l'article 35 des décrets coordonnés sur les juridictions
coutumières sont pratiquement les mêmes que celles de pourvoi en cassation en matière
judiciaire classique (composition irrégulière du tribunal, incompétence matérielle du tribunal,
violation de formes substantielles prescrites par la coutume ou la loi, violation des décrets
coordonnés sur les juridictions coutumières, la coutume dont a été fait application est
contraire à la loi ou à l'ordre public) et le législateur les a confiées expressément à la
compétence de tribunaux de grande instance du ressort.

Apparemment ces causes donnant ouverture à l'annulation nous semblent être une
cassation déguisée à la seule différence qu'elles sont de la compétence du tribunal de grande
instance. Ainsi, en cas d'annulation de tout ou partie du jugement rendu, le tribunal de grande

2471
Article 35, § 1 des textes coordonnés sur les juridictions coutumières.
2472
Article 35, § 5 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
866

instance statue sur le fond par un seul et même jugement si la matière est en état de recevoir
une décision définitive. Sinon, il renvoie l'affaire pour tout ou partie selon le cas, à un autre
tribunal ou au même tribunal autrement composé2473. Cela signifie que dans ces matières, la
Cour de cassation ne peut donc pas intervenir pour casser les décisions rendues au second
degré par les juridictions coutumières car cela relève du tribunal de grande instance.

De même le mécanisme d'annulation des juridictions coutumières est pratiquement le


même que celui de cassation des juridictions de l'ordre judiciaire. En effet, en cas d'annulation
de tout ou partie du jugement rendu, si la matière n'est pas en état de recevoir une décision
définitive, le tribunal de grande instance renvoie l'affaire pour tout ou partie selon le cas, à un
autre tribunal ou au même tribunal autrement composé2474. La cassation des juridictions de
l'ordre judiciaire applique le même mécanisme car l'article 37 alinéa 3 de la loi organique
n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation dit:"(...) si
après cassation il reste quelque litige à juger, la Cour de cassation renvoie la cause pour
examen au fond à la même juridiction autrement composée ou à une juridiction de même rang
et de même ordre qu’elle désigne".

Le jugement coutumier bien que coulé en force de la chose jugée peut être revu en dehors
de délai de 4 mois prévu. C’est ainsi que certains jugements devenus définitifs ont été revus
30 ans après leur prononcé et d’autres ont été annulés carrément et simplement. Dans ces
conditions, le tribunal est alors tenu de notifier la requête en annulation à toutes les parties en
cause2475. Le tribunal de grande instance de Kananga a estimé que lorsque le premier juge a
statué sur une matière ne relevant pas de sa compétence, le jugement attaqué sera annulé dans
le délai de 4 mois2476. Mais si la requête du ministère public est introduite hors délai, elle sera
déclarée irrecevable2477.

L’annulation est prononcée dans les 3 mois de la réception de la requête. Il est à noter
qu’à l’audience, le ministère public se limitera à défendre les moyens de sa requête en la
confirmant et ne demandera plus le dossier en communication pour avis. Concernant
l’annulation ou la révision des jugements rendus par les tribunaux de territoire (commune) et
de ville, elle est portée devant le tribunal de grande instance qui statue en dernier ressort en
matière d’annulation et de révision.

2473
Article 35, § 5 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2474
Article 35, § 5 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2475
N. KILOMBA NGOZI MALA, op.cit, p. 49.
2476
TGI Kananga, 05 novembre 2001, RA 117 MP et Mwika Monique c/ Kutebwa-Shiyabe, Inédit.
2477
TGI Kananga, 11 mai 2001, RA 114 MP et Mulamba Betukumeso c/ Kuambidi Monatshiebe, Inédit ; TGI
Kananga, 05 décembre 2001, RA 116 MP et Beya Mande c/ Mudimba Donatien, Inédit.
867

SECTION 7: LES VOIES DE RECOURS NON PREVUES


DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES

§ 1. La voie de recours ordinaire: l'opposition

L'opposition n’est pas prévue par les juridictions coutumières. En effet, l’article 26 des
décrets coordonnés sur les juridictions coutumières dit: "quelle que soit la coutume, aucun
jugement n'est rendu sans que les parties elles-mêmes ou leur mandataire n'aient été, au
préalable, mises à même de contredire aux allégations et aux preuves de la partie adverse et
de préparer et de faire valoir leurs moyens en toute liberté". Cela signifie qu'il y a obligation
pour les juridictions coutumières d'entendre toutes les parties avant de juger et si l'une d'elles
n'est pas en mesure d'être entendue, elle peut se faire représenter par son mandataire.

De même, les articles 27, 28 et 33 alinéa 2 des décrets coordonnés sur les juridictions
coutumières prévoient que le défendeur ou le prévenu qui ne comparaît pas personnellement,
peut faire l’objet d’un mandat d’amener délivré sur l’ordre du tribunal par un des juges ou par
le greffier du tribunal, ce qui veut dire que le pouvoir colonial belge avait exclu toute
possibilité d’opposition devant ces juridictions.

§ 2. Les voies de recours extraordinaires

I. La tierce opposition

Les décrets cordonnés sur les juridictions coutumières ne prévoient pas la tierce
opposition mais la Cour suprême de justice a estimé qu'elle est recevable si le tiers opposant
n’a pas été représenté au procès par un représentant du clan2478. Nous ne partageons pas cette
analyse étant donné que devant les juridictions coutumières, la procédure oblige à toutes les
parties d'être présentes avant d'envisager le jugement, il serait donc inimaginable d'envisager
la tierce opposition alors que l'opposition y est complètement exclue.

II. Le pourvoi en cassation

Les décrets coordonnés sur les juridictions coutumières ne prévoient pas le pourvoi en
cassation mais la Cour suprême de justice a jugé qu’en tant que "décisions de dernier
ressort", les décisions des juridictions coutumières étaient susceptibles de cassation, vu la
portée générale du contrôle juridique de la Cour suprême de justice vis-à-vis des pareilles
décisions2479. Nous ne partageons pas cette analyse étant donné que d'une part, aucun texte ne
le prévoit, et d'autre part, les jugements rendus par des juridictions coutumières "au second
degré ou en dernier ressort" ne peuvent être attaqués qu'en annulation ou en appel devant les

2478
Cour suprême de justice, 1er avril 1998, RC 2134, in Bulletin des arrêts de la CSJ, Kinshasa, Ed. des services
de documentation et d’étude, pp. 361-365 ; TGI Mbanza-Ngungu, 23 mars 1995, RA 275, Inédit.
2479
Cour suprême de justice, 4 mai 1971, Lumeka Lungila c/ Biakandila, Bulletin des arrêts de la CSJ, 1971/2,
p. 37.
868

tribunaux de grande instance du ressort2480. Le "second degré ou dernier ressort" dont il s'agit
ici ne se conçoit qu'au niveau des juridictions coutumières; en conséquence, devant les
juridictions judiciaires classiques, les décisions des juridictions coutumières, sont censées
avoir été rendues "au premier ressort" dès lors qu'elles doivent être soumises à la censure de
tribunaux de grande instance soit sur appel soit sur annulation. Seules les décisions des
tribunaux de grande instance censurant les décisions des juridictions coutumières peuvent
faire l'objet du pourvoi en cassation dès lors qu'elles sont rendues en dernier ressort. Et
d'ailleurs le professeur Antoine Rubbens partage notre opinion en affirmant sans détours: "les
jugements rendus par les tribunaux traditionnels de quelque niveau que ce soit ne peuvent
faire l'objet d'un pourvoi en cassation car n'étant jamais rendus en dernier ressort puisqu'ils
peuvent faire l'objet d'un recours en annulation"2481.

Les seuls cas où la Cour de cassation pourrait intervenir est lorsque le tribunal de grande
instance viole de manière manifeste la loi ou la coutume en censurant les décisions des
juridictions coutumières et surtout lorsque le tribunal de grande instance statue en appel ou en
annulation des décisions rendues par les tribunaux de territoire et de ville. Dans ces cas précis,
la Cour de cassation aura cassé seulement les décisions du tribunal de grande instance
(comme la Constitution et la loi l'autorisent) d'autant plus qu'elles ont été rendues en dernier
ressort et non les décisions des juridictions coutumières quoique rendues en appel ou révision
ou annulation, d'une part, faute de disposition légale ou réglementaire l'autorisant, et d'autre
part, les décisions de juridictions coutumières rendues en appel ou en révision ou annulation,
sont soumises à la censure du tribunal de grande instance.

III. Les autres voies de recours extraordinaires

Les décrets coordonnés sur les juridictions coutumières ne prévoient pas la requête
civile, la prise à partie et la révision (au sens judiciaire classique) devant ces juridictions car
ces recours ne concernent que les juridictions de droit écrit (principalement les juridictions de
l'ordre judiciaire, et les juridictions de l'ordre administratif en ce qui concerne uniquement la
prise à partie qui sera de la compétence du Conseil d'Etat).

SECTION 8 : CRITIQUES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT


DES JURIDICTIONS COUTUMIERES

Nous retiendrons l’absence de fondement juridique justifiant leur existence (§1), la


catégorie des justiciables à juger devant les juridictions coutumières ne se justifie plus à ce
jour (§2), l'absence de la formation des juges coutumiers (§3), l'absence d'indépendance des
juges coutumiers (§4), le pouvoir de juridictions coutumières de délivrer le mandat d’amener
(§5) et la nécessité de supprimer les juridictions coutumières (§6).

2480
Articles 35 à 36 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2481
A. RUBBENS, Droit judiciaire congolais Tome II. Procédure judiciaire contentieuse en droit privé,
Kinshasa, éd. PUC, 2012, n° 205, p. 188.
869

§ 1. L’absence de fondement juridique justifiant leur existence

Notre raisonnement se fonde sur les dispositions de l’article 151 de la loi organique
n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des
juridictions de l'ordre judiciaire, de l’article 934 du Code de la famille ainsi que la pratique
judiciaire. En effet, l'article 151 de la loi organique précitée déclare : "Là où ne sont pas
encore installés des tribunaux de paix,(...), les tribunaux de grande instance sont compétents
pour connaître en premier ressort des contestations qui relèvent normalement de la
compétence de ces juridictions". De même, l’article 934, alinéa 2 du Code de la famille
déclare : « En attendant l’installation des tribunaux de paix sur l’ensemble du territoire
national, les actions soumises par la présente loi à leur compétence seront jugées par les
tribunaux de grande instance, là où les tribunaux de paix ne sont pas encore installés ».

Cela signifie que les matières relevant de la coutume seront jugées devant les tribunaux de
paix s’ils sont déjà installés ou devant les tribunaux de grande instance si ceux-là ne sont pas
encore installés. En d’autres termes, tous les litiges relevant de la coutume ont été transférés
soit devant les tribunaux de paix, soit devant les tribunaux de grande instance. Ce qui veut
dire que les tribunaux coutumiers n’ont plus des matières à juger; autrement dit ils n'ont plus
de fondement juridique en République démocratique du Congo. C’est la raison pour laquelle
le tribunal de grande instance de Cataractes-Mbanza-Ngungu de la province du Kongo
Central s’est déclaré compétent pour connaître d’un conflit collectif de terres coutumières2482
au lieu du tribunal coutumier étant donné que le tribunal de paix n’était pas encore installé.

De même, la pratique judiciaire montre que les juges coutumiers violent régulièrement les
lois écrites en rendant les jugements se référant au Code de la famille ou des matières déjà
codifiées (domaine foncier ou différents infractions) alors que celles-ci relèvent des
juridictions de droit écrit (tribunaux de paix ou de grande instance), ce qui crée un désordre
judiciaire. A titre illustratif, sur 21 jugements attaqués en annulation devant les tribunaux de
grande instance d'Uvira dans la province du Sud-Kivu (siège principal d'Uvira et siège
secondaire de Kavumu) de 2001 à 2007, 14 ont été annulés pour incompétence matérielle. A
ce sujet, le tribunal de grande instance d'Uvira, siège secondaire de Kavumu a annulé le
jugement prononcé par le tribunal de territoire, siège secondaire de Bunyakiri étant donné que
ce tribunal coutumier avait statué sur la succession alors que cela relève de droit écrit (tribunal
de paix s'il est déjà installé ou à défaut, le tribunal de grande instance)2483.

Aussi, le tribunal de grande instance d'Uvira, siège secondaire de Kavumu a annulé le


jugement prononcé par le tribunal de collectivité Ntambuka au motif que ce tribunal
coutumier avait statué sur une matière foncière alors que cette compétence est dévolue au

2482
Tribunal de grande instance de Cataractes-Mbanza-Ngungu, 16 août 1996, M. et K. contre N, R. 2327, in
RAJC, janvier à décembre 2002, fascicule unique, vol. VII, pp. 30-31.
2483
Tribunal de grande instance d'Uvira, siège secondaire de Kavumu, 18 avril 2007, rôle en annulation, affaire
Chibinda Mapenzi c/ Mwalalirwa Habeshi, inédit.
870

tribunal de grande instance, en l'absence du tribunal de paix2484. Poursuivant la même logique,


le tribunal de grande instance d'Uvira a annulé le jugement prononcé par le tribunal de cité
d'Uvira, siège secondaire de Kanvinvira au motif que ce tribunal coutumier avait statué sur
l'infraction d'escroquerie alors que cette matière relève de la compétence du tribunal de paix
d'autant plus celui-ci est déjà installé2485.

Enfin, il arrive que les juridictions coutumières s'arrogent le droit de connaître et régler
les violences sexuelles alors que ces matières sont de la compétence des tribunaux de grande
instance2486. Comme on le voit, dans toutes ces décisions annulées, les juridictions
coutumières ont statué au delà de leur compétence matérielle. L'on ajoutera que les
juridictions coutumières violent les textes internationaux ratifiés par la RDC, il s'ensuit que
plusieurs règles de procédure et de fond ainsi que les droits des justiciables sont violés.

Tous ces exemples montrent que les juridictions coutumières créent le désordre dans la
distribution de la justice en RDC et il n’existe plus de fondement juridique justifiant leur
existence car elles statuent au delà leur compétence matérielle en violant les lois nationales et
les textes internationaux ratifiés par la RDC.

§ 2. La catégorie des justiciables à juger devant les


juridictions coutumières ne se justifie plus à ce jour

Nous soulignerons que les juridictions coutumières avaient été créées pour juger les
congolais non immatriculés2487. Or, depuis l’accession de la République démocratique du
Congo à l’indépendance, il n’existe plus des congolais non immatriculés ou les congolais
immatriculés car l’article 12 de la Constitution congolaise du 18 février 2006 déclare que tous
les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois. Etant donné
que ces juridictions coutumières ne jugent en principe qu’une catégorie des congolais, les
congolais non immatriculés ou les indigènes, et qui de surcroît n'existent plus en RDC; en
conséquence, ces juridictions coutumières n'ont plus de raisons d'exister car les justiciables
pour lesquels elles avaient été créées n'existent plus en RDC.

Enfin, ces juridictions, en ne jugeant qu'une catégorie des congolais (les congolais non
immatriculés ou les indigènes), elles créent de facto une discrimination entre congolais; c'est
pourquoi, l’on devrait donc tirer les conséquences qui s’imposent, en supprimant ces
juridictions coutumières.

2484
Tribunal de grande instance d'Uvira, siège secondaire de Kavumu, 1er mars 2002, rôle en annulation,
affaire Lubundo Kamo c/ Ntabugi Kahirirha, inédit.
2485
Tribunal de grande instance d'Uvira, 29 mai 2001, rôle en annulation, affaire Bukuru Rugoheza c/ Maheruka
Kagombe, inédit.
2486
KIFWABALA TEKILAZAYA, DEFI FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur
de la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa,
juillet 2013, p. 27.
2487
Article 10 bis des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
871

§ 3. L'absence de la formation des juges coutumiers

Les décrets coordonnés sur les juridictions coutumières ne disent rien concernant la
formation des juges coutumiers et en conséquence, aucune formation n'est donc exigée à ces
derniers. Il suffit tout simplement d'être considéré comme un "sage", ce qui implique
notamment que la personne puisse avoir un âge assez avancé. A cet égard, l'on estime que la
relative longévité du juge coutumier lui a permis d'acquérir une maîtrise suffisante des
coutumes locales et que dès lors il peut être à la hauteur de sa tâche. C'est ainsi que dans la
plupart des juridictions coutumières, on ne trouve pas de jeunes qui prestent en qualité des
juges coutumiers car ils sont considérés comme inexpérimentés et n'ayant qu'une
connaissance embryonnaire des règles coutumières locales.

Même si les juges coutumiers "expérimentés" connaissent bien les coutumes locales, ils
devraient bénéficier d'une formation en matière d'organisation, fonctionnement et
compétences des juridictions coutumières d'autant plus que nombreux d'entre eux ne
disposent même pas des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières. Ils devraient
aussi bénéficier d'une formation en matière d'organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l'ordre judiciaire qui leur permettrait de savoir les limites de leur
compétence matérielle par rapport aux juridictions de l'ordre judiciaire. Cette dernière
formation serait très nécessaire, ne serait-ce qu'au vu du nombre très élevé des jugements
coutumiers qui font l'objet d'annulation pour incompétence matérielle devant les tribunaux de
grande instance.

§ 4. L'absence d'indépendance des juges coutumiers

Tous les juges coutumiers sont désignés par les autorités politiques (l'administrateur du
territoire, bourgmestre ou maire) qui sont des représentants du pouvoir exécutif et ceux-ci
peuvent présider les audiences des juridictions coutumières. Ainsi, l'administrateur du
territoire (bourgmestre) ou le maire, selon le cas, peut nommer des congolais pour faire partie
des tribunaux de chefferie2488. De même, l'administrateur de territoire (bourgmestre) ou le
maire, peut présider les tribunaux de chefferie2489.

Les juges des tribunaux de collectivité sont nommés, selon le cas, par l'administrateur du
territoire (bourgmestre) ou le maire, parmi les notables de la collectivité. Les chefs de
groupements coutumiers incorporés dans la collectivité sont de droit membres du tribunal. Le
chef de collectivité est de droit président. En cas de vacance de pouvoir ou d'absence ou
d'empêchement du titulaire, la présidence est exercée par celui qui, suivant la législation sur
les circonscriptions administratives est chargé de remplacer le chef de collectivité ou par un
juge du tribunal désigné selon le cas, par l'administrateur du territoire ou le maire2490.

2488
Article 3, alinéa 2 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2489
Article 14 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2490
Article 4, alinéa 1 à 4 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
872

L'administrateur de territoire (bourgmestre) ou le maire, selon le cas, peut nommer des


congolais non désignés par la coutume comme juges aux tribunaux secondaires de
collectivité2491.

L'administrateur du territoire (bourgmestre) est de droit président et l'administrateur du


territoire (bourgmestre) assistant est de droit vice-président du tribunal de territoire
(commune). L'administrateur du territoire (bourgmestre) peut, de l'avis conforme du ministère
public, nommer au tribunal de territoire (commune), un ou plusieurs autres vice-
présidents2492.

Les juges des tribunaux de territoire (commune) sont nommés par l'administrateur du
territoire (bourgmestre)2493. L'administrateur du territoire (bourgmestre) peut présider avec
voix délibérative tous les tribunaux de son ressort administratif. Le président du tribunal de
territoire (commune), peut par mesure d'ordre intérieur, se réserver ou réserver à un vice-
président qu'il désigne, la présidence des juridictions instituées dans son ressort, dans les
matières qu'il détermine2494. Les juges du tribunal de cité sont nommés, selon le cas, par
l'administrateur de territoire (bourgmestre) ou le maire2495.

Le tribunal de ville est composé notamment d'un président et d'un ou plusieurs vice-
présidents nommés, de l'avis conforme du ministère public, par le maire2496. Le maire, peut
présider avec voix délibérative tous les tribunaux de ville de son ressort administratif. Le
président du tribunal de ville, peut par mesure d'ordre intérieur, se réserver ou réserver à un
vice-président qu'il désigne, la présidence des juridictions instituées dans son ressort, dans les
matières qu'il détermine2497.

A titre illustratif, il convient de préciser que le Maire, le Bourgmestre, le Chef de secteur


ou le Chef de chefferie coordonnent et supervisent, dans leurs entités respectives, les services
qui relèvent de l'autorité du pouvoir central ou de la province2498. Cela signifie concrètement
qu'ils sont les véritables représentants du pouvoir exécutif dans leurs entités respectives. Or,
nous avons montré que le pouvoir politique (administrateur de territoire, bourgmestre ou
maire, selon le cas) a latitude de nommer les juges et présidents des juridictions coutumières,
et il est de droit président de ces juridictions. En d'autres termes, le pouvoir exécutif préside
les juridictions coutumières. Concernant la révocation, les décrets coordonnés sur les
juridictions coutumières sont muets. En vertu du principe de parallélisme de forme et des
compétences qui veut que l'autorité qui nomme est celle qui révoque, en conséquence, les

2491
Article 4 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2492
Article 6, 1° des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2493
Article 6, alinéa 1des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2494
Articles 6 et 7 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2495
Article 5, alinéa 1des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2496
Article 6, 2 ° des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2497
Articles 5 à 7 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
2498
Article 94 de la loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces,
JORDC, n° spécial, 10 octobre 2008.
873

autorités politiques citées (administrateur de territoire, bourgmestre ou maire, selon le cas) ont
également le pouvoir de révoquer à tout moment les juges coutumiers.

On peut dès lors s'interroger du degré d'indépendance de ces juges coutumiers vis-à-vis de
ces autorités politiques qui les ont nommés et qui peuvent les révoquer à tout moment lorsque
leurs intérêts sont en cause. De même, le degré d'indépendance de ces juridictions pose
problème dès lors qu'elles sont présidées par le pouvoir exécutif (l'administrateur du territoire,
le bourgmestre ou le maire selon le cas). Par ailleurs, il est déplorable de constater qu'aucun
critère précis n'est imposé aux autorités politiques dans le choix des juges coutumiers, sous
réserve des juges des tribunaux de collectivité doivent être désignés parmi les notables2499.
Même ici, il y a lieu de relever qu'aucun critère n'est fixé pour être considéré comme notable.
A cet égard, la notabilité est laissée à l'appréciation de l'autorité politique de nomination qu'est
le pouvoir exécutif.

Bref, au vu de ces éléments (pouvoir de nomination et révocation des juges et présidence


des tribunaux coutumiers par le pouvoir exécutif, le fait de confier aux représentants du
pouvoir exécutif le pouvoir de présider les audiences des juridictions coutumières et
participer au délibéré de leurs décisions), l'indépendance des juges coutumiers et des
juridictions coutumières fait défaut.

§ 5. Le pouvoir de délivrer le mandat d’amener

Les articles 27 à 28 et 33 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières


prévoient que le défendeur ou le prévenu qui ne comparaît pas personnellement, peut faire
l’objet d’un mandat d’amener délivré sur l’ordre du tribunal par un des juges ou par le greffier
du tribunal. Aussi, si le mandat doit être exécuté en dehors du ressort du tribunal qui l’a
délivré, il ne pourra être exécuté que moyennant visa préalable de l’administrateur du
territoire (bourgmestre) ou le maire de la ville où l’exécution doit avoir lieu ou de leur
délégué.

Il est étonnant de constater que le tribunal par le biais d’un juge voire d’un greffier
puisse avoir les compétences de délivrer le mandat d’amener alors que ce mécanisme
constitue l'acte d’instruction pénale préparatoire qui doit normalement être accompli par le
ministère public avant la saisine du tribunal. De même, il est aberrant de remarquer que l'on
exige l'obtention du visa préalable du représentant du pouvoir exécutif si le mandat d'amener
est exécuté en dehors du ressort du tribunal. En d'autres termes, le pouvoir exécutif par le
biais de l'administrateur du territoire ou du bourgmestre, peut censurer l'instruction judiciaire.

Nous pensons que ce mécanisme d’attribuer au juge ou au greffier la compétence de


décerner le mandat d’amener ne peut plus se concevoir aujourd’hui étant donné qu’il existe la
séparation des fonctions judiciaires : le parquet s’occupe de l'action publique, la poursuite et
de l’instruction pénale préparatoire, le juge s’occupe du jugement. Enfin, rien ne peut justifier

2499
Article 4, alinéa 1 des décrets coordonnés sur les juridictions coutumières.
874

l'obtention du visa préalable du représentant du pouvoir exécutif si le mandat d'amener est


exécuté en dehors du ressort du tribunal.

§ 6. La nécessité de supprimer les juridictions coutumières

Toutes les critiques que nous avons relevées justifient sans doute la suppression des
juridictions coutumières. En effet, nous avons développé plusieurs raisons qui montrent que
sur le plan purement juridique, sur le plan des objectifs de leur création ainsi que sur le plan
de la pratique judiciaire, les juridictions coutumières devraient disparaître. La suppression des
juridictions coutumières nécessite d'installer en toute urgence les tribunaux de paix et leurs
sièges secondaires (I) suivi de l'abrogation des décrets cordonnés sur les juridictions
coutumières par un texte légal (II) tout en précisant le futur rôle des juges coutumiers dans les
juridictions de l'ordre judiciaire (III).

I. L'urgence d'installer tous les tribunaux de paix et leurs sièges secondaires

L'urgence s'impose en vue d'installer tous les tribunaux de paix et leurs sièges secondaires,
en conséquence, les tribunaux coutumiers devraient cesser d’exister étant donné que leurs
compétences matérielles sont d’office transférées devant les tribunaux de paix ou devant les
tribunaux de grande instance si ceux-là ne sont pas encre installés. A titre d’exemple, dans le
district des Cataractes de la province du Kongo central, il existe les tribunaux de paix de
Mbanza-Ngungu, Luozi et Songololo, les populations de ces localités ne peuvent plus se
présenter devant les tribunaux de secteur ou de cité en matière des conflits coutumiers car ces
tribunaux ont disparu d’office par l’installation des tribunaux de paix. En conséquence, les
parties en conflit ne continueront plus de se présenter devant les tribunaux des secteurs de
Ntimasi, Boko, Kivulu, Gombe-Matadi, Kwilu-Ngongo, Gombe-Sud et devant le tribunal de
territoire de Mbanza-Ngungu qui sont supprimés de facto.

Dans le district de la Lukaya à Madimba de la province du Kongo central, le tribunal


coutumier avait résisté en continuant à rendre ses décisions malgré l’installation du tribunal de
paix du ressort dont le siège est situé à Inkisi mais tous les jugements rendus furent annulés
par le tribunal de grande instance des Cataractes et de Lukaya à Mbanza-Ngungu de telle
manière que ces juges étaient eux-mêmes découragés de poursuivre leurs œuvres anarchiques.
Le motif de l’annulation du jugement ici était l’inexistence de la juridiction coutumière.

Dans l'ancienne province du Kasaï Occidental, à Kananga, avant l’installation du tribunal


de paix, ce sont les tribunaux de ville de Kananga, Katoka, Nganza, Ndesha qui étaient
compétents pour statuer sur des contestations ayant trait aux conflits fonciers régis par la
coutume mais avec l’installation du tribunal de paix le 16 août 2002, tous ces tribunaux ont
disparu au profit de ce nouveau tribunal2500.

2500
N. KILOMBA NZOZI MALA, Le règlement des conflits fonciers régis par la coutume en droit congolais,
Kinshasa, éd. Mgr Noël Mala, 2008, pp. 38-39.
875

Dans la province du Sud-Kivu, même si tous les neuf tribunaux de paix ont été installés,
certains tribunaux coutumiers font de la résistance à disparaître. En effet, dans les milieux
ruraux du Sud-Kivu, tous les neuf tribunaux de paix ont été installés à ce jour: les tribunaux
de paix de Bukavu, d'Uvira, Mwenga, Kalehe, Kabare, Fizi, Idjwi, Shabunda et Walungu. Sur
le plan juridique, ces juridictions ont remplacé tous les tribunaux coutumiers fonctionnant
dans ces territoires. Ainsi, dans le territoire d'Uvira, seuls deux tribunaux coutumiers ont été
supprimés, il s'agit du tribunal de cité et du tribunal de territoire. En revanche, les tribunaux
coutumiers siégeant à Kabindula, Kiliba, Luvungi, Runingu, Makobola et Kamanyola ont
continué à fonctionner, malgré les notifications d'interdiction adressées par le procureur de la
République près le tribunal de grande instance d'Uvira. Précisons que dans les autres
territoires (Mwenga et Kalehe), toutes les juridictions coutumières ont continué d'exister. Les
officiers du ministère public sont ainsi appelés à multiplier les inspections dans tous les
territoires et villes pour vérifier si ces tribunaux fonctionnent encore et s'il y a des jugements
rendus, faire des requêtes d'annulation devant les tribunaux de grande instance auprès
desquels ils sont établis.

Dans la province du Maniema, malgré l'installation du tribunal de paix de Kasongo, la


population s'est trouvée au piège du vide judiciaire par le fait que ce seul tribunal de paix
remplaçait plusieurs juridictions coutumières de son ressort2501. Faute des chambres foraines
de ce tribunal de paix, la justice a eu difficile d'être facilement accessible.

Pour que la justice soit plus accessible, il s'avère impérieux que soient installés rapidement
dans chaque territoire, un tribunal de paix et ses sièges secondaires dans chaque collectivité et
localité de telle manière que le vide laissé par les anciens tribunaux coutumiers soit totalement
couvert. Cela est conforme aux articles 7 et 8 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire qui
prévoient un ou plusieurs tribunaux de paix dans chaque territoire, ville et commune et la
possibilité de créer dans le ressort d'un tribunal de paix un ou plusieurs sièges secondaires.

Enfin, l'on devrait créer et installer dans chaque territoire, à tout le moins un siège
secondaire du tribunal de grande instance qui permettrait l'accès à une juridiction de premier
degré (si la compétence matérielle dépasse celle du tribunal de paix) mais également l'accès à
une juridiction d'appel. De manière pratique, sur base des articles 8 et 46 alinéa 1 de la loi
organique précitée, le ministre de la Justice devrait créer rapidement les sièges secondaires de
ces juridictions. En procédant ainsi, la justice serait plus accessible et la paix sociale pourrait
être restaurée.

2501
KIFWABALA TEKILAZAYA, DEFI FATAKI WA LUHINDI et M. WETSH'OKONDA KOSO, Le secteur
de la justice et l'Etat de droit, une étude d'AfriMAP et de l'Open Society Initiative for Southern Africa,
juillet 2013, pp.26-27.
876

II. L'abrogation des décrets cordonnés sur les juridictions coutumières

Les juridictions coutumières ont été instituées par les différents décrets datant de 1926 à
1959 à l'époque coloniale où la RDC était Congo-belge. Il y a presque cent ans que ces
décrets existent mais ils sont dépassés actuellement au vu de l'évolution des institutions
judiciaires congolaises. Comme ces juridictions avaient été créés par décrets, il serait mieux
d'abroger ces décrets par un autre décret. C'est pourquoi, le ministre de la Justice devrait
préparer un projet de décret mettant fin à ces juridictions, à soumettre à la sanction du Premier
ministre.

III. Le futur rôle des juges coutumiers dans les juridictions de l'ordre judiciaire

Quand la suppression des juridictions coutumières sera effective, le personnel coutumier


pourrait être versé au greffe des tribunaux de paix ou de grande instance ; et si nécessaire, les
anciens juges coutumiers pourraient être retenus comme consultants, experts ou notables en
matière coutumière du ressort afin d'éclairer des juridictions de l'ordre judiciaire
(principalement les juges de paix ou de grande instance) chaque fois qu’ils siègeraient dans
les matières nécessitant des connaissances des coutumes locales. En ce sens, les juges
coutumiers apporteraient leur expérience et leur sagesse ancestrale dans l’optique de ne pas
déconnecter les décisions judiciaires rendues par le juge de carrière de la réalité locale.

Cela est conforme à la loi d'autant plus que l’article 86 de la loi organique n° 06/020 du 10
octobre 2006 portant statut des magistrats2502 prévoit les juges assesseurs auprès des tribunaux
de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci font application de la coutume. De même,
l'article 10 alinéas 2 et 3 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire prévoit que le tribunal de
paix siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a lieu de faire application de la coutume
locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des notables du lieu désignés par le président de
la juridiction. Aussi, le règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice2503 prévoit
des experts en coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Comme on le voit,
les juges des juridictions coutumières auront un rôle à jouer en tant que notables ou
spécialistes (experts) ou consultants en coutume dans les juridictions de l'ordre judiciaire.

Enfin et surtout, l’on pourrait faire appel à des anciens juges coutumiers en matière de
conciliation devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire étant donné qu’ils possèdent
une riche expérience à résoudre les conflits par le mécanisme de conciliation. Ces anciens
juges coutumiers pourraient aussi être des " experts en coutume" à la Cour de cassation et
dans toutes les juridictions de l'ordre judiciaire si les nécessités l’exigent.

2502
JRDC, numéro spécial, 25 octobre 2006, p.21.
2503
Article 19 de l’ordonnance 0166 du Premier président de la Cour suprême de justice modifiant et complétant
le règlement d’ordre intérieur de la Cour suprême de justice, in JRDC, n° 14, 15 juillet 1976, p. 746 .
877

SIXIEME PARTIE: L'EXECUTION DES JUGEMENTS

L'article 5 du Code pénal congolais livre I prévoit les peines qui peuvent être prononcées
par les cours et tribunaux lorsque diverses infractions ont été commises. Il s'agit de: la mort,
les travaux forcés, la servitude pénale, l’amende, la confiscation spéciale, l’obligation de
s’éloigner de certains lieux ou d’une certaine région, la résidence imposée dans un lieu
déterminé et la mise à la disposition du Gouvernement.

Lorsqu'une juridiction a prononcé une peine prévue par la loi, le jugement ne devient
exécutoire qu'après l'écoulement du délai prévu pour exercer les voies de recours et, le cas
échéant, après l'exercice de ces recours (selon le cas, opposition, appel et pourvoi en
cassation). Lorsque ce délai a expiré, le jugement devient irrévocable, il peut alors être
exécuté.

Les jugements rendus par défaut ne deviennent exécutoires que dix jours après signification
à la partie condamnée2504. Ils ne seront coulés en force de chose jugée quant à l'action
publique que lorsqu'il sera prouvé que les parties condamnées à des sanctions pénales ont eu
connaissance de la signification2505. La signification à personne contient la preuve légale de ce
que le condamné a eu connaissance de la signification. En dehors de ce cas la connaissance se
prouve par toute voie de droit. L'exécution de prise de corps ou de saisie implique que la
signification est faite. L'opposant ne pourrait prétendre qu'il ignore la signification alors qu'il
est écroué, ou lorsqu'il a assisté à une saisie-exécution de ses meubles.

Les jugements sur l'action publique autres que ceux qui portent condamnation ou
acquittement, et le jugement sur l'action civile peuvent, être déclarés exécutoires par
provision, nonobstant tout recours par une disposition du jugement spécialement motivée.

Enfin, un jugement doit être exécutoire de plano c'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'une
opération complémentaire soit requise pour son exécution. Par exemple, le tribunal ne
prononce pas le cumul sans en dire le résultat, ni la majoration des amendes sans en faire la
computation; le tribunal n'attribue pas des dommages et intérêts à une personne indéterminée,
ni pour un montant à déterminer; le tribunal ne condamne pas sous condition laissée à
l'appréciation d'un tiers; le tribunal ne condamne pas aux frais ou à une fraction des frais sans
calculer la somme due à ce titre pour chaque condamné. Il convient d'examiner le mode
d'exécution de toutes les peines rapidement ainsi que le casier judiciaire.

2504
Article 88 du Code de procédure pénale.
2505
Article 89 du Code de procédure pénale.
878

CHAPITRE I:
LA PEINE DE MORT OU LA PEINE CAPITALE

SECTION 1: NOTIONS

La peine de mort ou la peine capitale est définie comme étant la simple privation de la vie,
ordonnée par le juge et exécutée en vertu d’une décision judiciaire. En droit congolais, elle est
prévue par les articles 5 et 6 du Code pénal congolais livre I ainsi que de nombreuses
dispositions pénales prévues au livre II, soit 17 cas au moins. Les cas prévus par le Code de
justice militaire sont encore nombreux.

Cette peine est prévue pour certaines infractions plus graves; elle n'est prononcée que si
aucune circonstance atténuante ne peut être retenue, ni dans l'événement des faits ni dans la
personnalité du condamné.

Afin d’éviter des exécutions hâtives, des instructions du parquet obligent les officiers du
ministère public d’interjeter appel chaque fois qu’il s’agit des condamnations à mort, et de
surseoir à l’exécution en attendant qu’il soit statué sur le recours en grâce qu’ils doivent
toujours introduire. Cette procédure nous semble étrange. En effet, dans l’exécution de ces
instructions, l’officier du ministère public introduit un recours en grâce auprès du Président de
la République. Mais celui-ci, avant de se prononcer, se réfère à l’avis du Conseil supérieur de
la magistrature (article 152 alinéa 5 de la Constitution du 18 février 2006) et du ministère
public, qui est souvent défavorable. Ainsi, la même autorité est à la fois favorable au recours
en grâce, car c’est elle qui l’introduit, et défavorable dès qu’il s’agit d’émettre un avis auprès
de l’autorité de la décision. C'est contradictoire et incohérent. La meilleure solution serait de
laisser le soin de demander la grâce au prévenu ou à son conseil dans un délai raisonnable, et
ordonner au ministère public de surseoir à l’exécution, en attendant qu’il soit statué sur
recours.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

L'exécution est poursuivie par le ministère public en ce qui concerne la peine de mort2506.
L’exécution de la peine de mort ou peine capitale se fait par la pendaison pour les civils et
par les armes ou fusillade pour les militaires2507. Elle se fait sur réquisition du ministère
public. Il est de tradition de surseoir à l’exécution de la peine capitale jusqu’à ce
qu’il ait été statué sur un éventuel recours en grâce. La peine de mort ne sera pas
exécutée avant le rejet du recours.

2506
Article 109 du Code de procédure pénale.
2507
Article 1er de l'arrêté 1er du 9 avril 1898 sur les exécutions capitales, RM, 1898,59.
879

L’exécution de la peine capitale a lieu dans la localité déterminée par l’officier du


ministère public, mais à l’endroit choisi par l’autorité administrative du lieu d’exécution.
Pratiquement, l'exécution a lieu dans l'enceinte de la prison, à moins que pour des raisons
d'exemplarité et d'intimidation, le Gouvernement décide qu'elle aura lieu publiquement.
L'officier du ministère public détermine aussi la date et l'heure de l'exécution. L’exécution de
la peine capitale n’a pas lieu publiquement sauf le cas où il serait décidé autrement par le
Gouverneur de la Province. Toutefois, l’autorité administrative invite à y assister les
autorités coutumières du lieu de l’exécution et, s’il échet, celle du lieu où l’infraction a été
commise2508.
Il est interdit d’exécuter la peine de mort contre une femme enceinte, il n’y
sera procédé qu’après sa délivrance2509. Il va de soi que l’officier du ministère public
doit être présent sur le lieu de l’exécution puisque l’arrêté du 9 avril 1898 relatif aux
exécutions capitales prévoit les formes dans lesquelles une personne peut être mise à mort.
L’officier du ministère public adresse une réquisition à l’exécution après lecture du
dispositif de condamnation et après vérification du caractère exécutoire de la sentence
et de la régularité de la procédure. Il doit dresser un procès-verbal de supplice car cet acte
doit servir de preuve de la régularité de l'exécution.

Pour marquer la solennité de cette procédure, l’usage veut que l’officier du ministère
public puisse revêtir la robe (toge) et soit ceint de l’écharpe aux couleurs nationales. Il est
aussi nécessaire que soit présent un représentant de l'autorité administrative; il est en effet
responsable du lieu d'exécution. Si l'exécution se fait par des mains civiles (police), il faut
que soit présent un supérieur de ceux qui procéderont matériellement à la pendaison. Si
l'exécution doit se faire par les armes, il convient que soit aussi présent un officier de grade
supérieur à celui qui commande le feu. Ces mesures s'imposent pour couvrir ceux qui sont
requis à l'exécution2510. L’officier du ministère public doit dresser le procès-verbal de
supplice. Un ministre du culte assiste à l’exécution capitale2511. L’usage veut qu’un
médecin puisse constater le décès.

Il est interdit de procéder au moyen d’appareils photographiques à la prise de vue d’une


exécution capitale2512. Dans un rayon de 150 mètres autour du lieu de l’exécution et jusqu’au
moment où toute trace de celle-ci a été enlevée, le port des appareils photographiques à la
prise de vue est interdit sur la voie publique ainsi qu’en tous endroits d’où une prise de vue de
ce lieu est possible. La violation de cette infraction est punissable de sept jours de servitude
pénale et de 20.000 francs congolais d’amende ou de l’une de ces peines seulement2513.

2508
Article 2 de l'ordonnance du 9 avril 1898 sur les exécutions capitales, RM, 1898,59.
2509
Article 3 du même texte.
2510
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa et Bruxelles, éd. Université Lovanium et Maison Ferd. Larcier, 1965, n° 314, p. 340.
2511
Article 4 du même texte
2512
Article 1er de l'ordonnance n°86/36 du 3 août 1936 relative aux prises de vues des exécutions capitales, BA,
1936, p. 329.
2513
Articles 2 et 3 de l'ordonnance n°86/36 du 3 août 1936 relative aux prises de vues des exécutions capitales,
BA, 1936, p. 329.
880

CHAPITRE II: LA PEINE DES TRAVAUX FORCES

SECTION 1: NOTIONS
La peine de travaux forcés est prévue par les articles 5 et 6 bis du Code pénal congolais
livre I. Elle fut introduite dans le Code pénal par la loi n°73-017 du 5 janvier 1973 pour
réprimer l’infraction de détournement des deniers publics afin de permettre à l’Etat de
s’assurer par le travail du délinquant, le recouvrement de ce que celui-ci lui a injustement
soutiré. Les raisons qui ont justifié l'établissement de cette peine par le législateur sont qu'elle
est intimidante et permet par ailleurs à l'Etat de se procurer de l'argent et des biens par le
travail du condamné.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

La loi qui créait la peine de travaux forcés annonçait l’édiction des mesures
d’exécution par voie d'ordonnance du Président de la République. Ainsi, l'article 6 bis du
Code pénal congolais livre I dit que les condamnés aux travaux forcés subissent leur peine
conformément au règlement fixé par l'ordonnance du Président de la République. Depuis ce
jour, cette ordonnance n'a jamais été prise, on l'attend toujours. En attendant l'ordonnance de
mise en application de cette loi, la peine de travaux forcés est exécutée dans les mêmes
conditions que celle de servitude pénale; elle est de un jour au minimum et de 20 ans au
maximum.

SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME

Aucun intérêt ne justifie le maintien de la peine de travaux forcés dans l'arsenal


juridique congolais. Au contraire, elle a l'inconvénient de constituer une expression archaïque
des fonctions de la peine qui ne se réduiraient qu'à la répression et à l'infraction du mal par le
mal. L’inexistence, jusqu’à ce jour, de ces mesures est le signe d’un désintéressement face à
une peine qui, de toute évidence, ne rapporte rien de significatif au trésor public étant
entendu que bien d’autres mesures peuvent jouer efficacement ce rôle sans avoir à énerver
les principes de la civilisation. En Belgique comme en Italie, l'on prévoit une peine
d'intérêt général qui consiste pour le condamné à travailler pour l'Etat sans rémunération.
Par exemple, un informaticien peut travailler dans l'administration publique pour
maintenance du système informatique; un médecin pour donner des soins dans des
hôpitaux, etc.

C'est pourquoi, nous pensons que les travaux forcés devraient être supprimés et
remplacés par l'emprisonnement, quitte à organiser le travail pénitentiaire en vue de rendre
le détenu plus utile à la communauté et lui-même. Le projet du Code pénal congolais a
effectivement supprimé cette peine.
881

CHAPITRE III: LA SERVITUDE PENALE

SECTION 1: NOTIONS

La peine de servitude pénale est prévue par les articles 5, 7 à 9 du Code pénal congolais
livre I ainsi que de diverses dispositions prévues dans le Code pénal livre II. Lorsque la
peine de mort est prévue pour des infractions commises par le condamné, le tribunal peut, à la
faveur de circonstances atténuantes prononcer une peine de servitude pénale. Plusieurs
infractions sont punies d'une peine de servitude pénale principale, soit alternativement soit
cumulativement avec la peine d'amende. La servitude pénale principale se compte par
années, mois et jours entiers. Les circonstances atténuantes ne permettent pas jamais de
descendre en dessous d'une peine d'un jour entier lorsque la servitude pénale principale est
obligatoirement applicable. La servitude pénale principale s'exécute par la prison. Les
condamnés à la servitude pénale subissent leur peine dans les prisons de la République. Ils
sont employés, soit à l'intérieur de ces établissements, soit au dehors, à l'un des travaux
autorisés par les règlements de l'établissement pénitentiaire. Toute détention subie avant que
la condamnation soit devenue irrévocable, par suite de l'infraction qui donne lieu à cette
condamnation, sera imputée, pour la totalité, sur la durée de servitude pénale prononcée2514.

Il y a au moins 300 ans, la prison est entrée dans les législations pénales comme un
remède infaillible au problème de la criminalité. Aujourd’hui, elle n’a plus ce prestige2515, et
si elle est toujours maintenue, c’est moins pour ses bienfaits que la difficulté à lui, trouver
une peine de remplacement. La servitude pénale est encore utilisée en droit congolais.

A cet égard, le droit pénal congolais connaît deux sortes de peine de servitude pénale: la
servitude pénale à perpétuité et la servitude pénale à temps. Cette dernière est au minimum
d'un jour d'une durée de vingt quatre heures2516 et 20 ans. Elle ne peut jamais dépasser ce seuil
même en cas de concours matérielles d'infractions. Outre les nombreux cas où la servitude
pénale est prévue, seule ou avec d’autres peines, elle remplace la peine de mort en cas
d’admission de circonstances atténuantes, et la peine d’amende à défaut de paiement dans les
délais légaux. Dans ce dernier cas, elle prend le nom de servitude pénale subsidiaire.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION DE SERVITUDE PENALE FERME

Les cours et tribunaux peuvent ordonner l'arrestation immédiate d'un prévenu laissé ou
remis en liberté. Ainsi, la juridiction, peut, soit d'office, soit sur requête du ministère public
formé par voie de réquisitions avant clôture des débats, ordonner l'arrestation immédiate2517,
avec ou sans mise en liberté provisoire sous caution; cette mesure doit être motivée, soit dans

2514
Articles 8 et 9 du Code pénal congolais livre I.
2515
Voyez à ce sujet KAVUNDJA N. MANENO, « L’obstacle juridique à l’extradition en droit zaïrois »,
Mémoire de licence, Faculté de droit, Université de Kinshasa, 1989, pp. 5 et s.
2516
Article 7 du Code pénal congolais livre I.
2517
Article 85 du Code de procédure pénale.
882

le corps du jugement, si elle a été prononcée d'un même contexte. Le jugement exécutoire
rendu sur l'action publique est exécuté par le ministère public.

A défaut de décision dérogatoire mentionnée dans le jugement, la solution de droit


commun est l'exécution dans la huitaine qui suit la condamnation devenue irrévocable; si le
condamné est déjà en détention au moment de la condamnation à une peine de servitude
pénale sans sursis, il est toutefois maintenu en détention.

Le bénéfice du sursis suspendant l'application de la peine sous condition, doit être


expressément mentionné dans le jugement de condamnation. Le tribunal ne pourrait pas faire
droit à une requête en sursis après condamnation: ce serait une modification de la peine après
dessaisissement.

Le mode d'exécution de la servitude pénale principale est fixé par les articles 109 à 116 du
Code de procédure pénale et l'ordonnance n°44 du 17 septembre 1965 portant régime
pénitentiaire. C'est le ministère public qui poursuit l’exécution de la peine de servitude
pénale2518.

Si le condamné avait été placé en état de détention préventive ou d'arrestation avec liberté
provisoire sous caution, le défaut par lui de se présenter pour l'exécution du jugement est
constaté, sur les réquisitions du Ministère public, par la juridiction qui a prononcé la
condamnation. L'usage est de joindre une copie du jugement de condamnation destinée au
dossier pénitentiaire. Cette juridiction déclare, en même temps, que le cautionnement est
acquis au Trésor2519.

Si le condamné était détenu préventivement, il n'y a pas de césure dans sa détention, la


décision de condamnation succédant à l'ordonnance de mise en détention préventive comme
titre de détention lorsqu'elle est devenue définitive. La détention préventive est amputée sur la
durée de la peine.

Si le condamné fait l'objet d'une décision ordonnant l'arrestation immédiate, il est arrêté
dans la salle d'audience même dès le prononcé de cette décision, ou, s'il n'est présent lors du
prononcé du jugement ou arrêt, il fait l'objet d'un mandat de prise de corps.

Les mandats de prise de corps décernés en vertu de l'exécution d'une condamnation à la


servitude pénale sont exécutés dans les mêmes formes que les mandats d'amener. L'intéressé
est conduit aussitôt par-devant l'officier du Ministère public mandant, lequel, après avoir
établi à son encontre une réquisition à fin d'emprisonnement, le fera acheminer à
l'établissement pénitentiaire. Les mandats de prise de corps décernés pour l'exécution d'une
contrainte par corps sont exécutés dans la même forme que les mandats de prise de corps
ordinaires. Sauf opposition recevable au jugement, les contraignables sont soit conduits à la

2518
Article 109 du Code de procédure pénale.
2519
Article 116 du Code de procédure pénale.
883

prison, soit, s'ils le demandent, devant un comptable d'État ou au greffe pour s'acquitter des
sommes auxquelles ils auront été condamnés2520.

Si le condamné est déjà condamné pour une ou d'autres causes, l'exécution de la peine est
reportée dans le temps après qu'il aura purgé la première peine, et ce, sur production d'un
extrait du jugement transmis à la direction de l'établissement pénitentiaire.

Si le jugement ne prononce pas l'arrestation immédiate, le ministère public avertit le


condamné à la servitude pénale qu'il aura à se mettre à sa disposition dans la huitaine qui
suivra la condamnation devenue irrévocable. Sur la décision du juge ou du président de la
juridiction qui a rendu le jugement, ce délai pourra être prolongé. À l'expiration du délai
imparti au condamné, le ministère public le fait appréhender au corps2521, c'est-à-dire l'arrêter
afin de le conduire à la prison.

Même dans le cas où l'arrestation immédiate n'a pas été ordonnée par le juge, le ministère
public peut à tout moment après le prononcé du jugement, faire arrêter le condamné si, à
raison de circonstances graves et exceptionnelles, cette mesure est réclamée par la sécurité
publique ou s'il existe des présomptions sérieuses que le condamné cherche et qu'il peut
parvenir à se soustraire à l'exécution du jugement. Le condamné peut adresser un recours
contre son incarcération au juge ou au président de la juridiction qui a rendu le jugement. La
décision sur ce recours n'est pas susceptible d'appel2522.

Si le prévenu a été condamné à l'emprisonnement sans sursis et se trouve en liberté, le


ministère public lui enverra habituellement un billet d'écrou lui enjoignant de se présenter à la
date indiquée (en principe dans les huit jours) dans l'établissement pénitentiaire désigné aux
fins de subir sa peine. Si le condamné ne s'y conforme pas, le ministère public délivrera alors
un mandat de prise de corps, exécuté par la police. Le condamné est alors remis au gardien de
la prison2523.

Au cas où le condamné ne sera pas présent dans le délai légal ou s’il y a nécessité de
procéder à son arrestation anticipée, le ministère public peut ordonner la prise de corps,
exécutée par la Police judiciaire. Le condamné est arrêté partout où il pourrait être trouvé et
remis alors au gardien de la prison pour y exécuter sa peine2524. Le ministère public fait
remettre le condamné au gardien de l'établissement où la peine doit être purgée; celui-ci
délivre une attestation de la remise2525.

2520
Articles 122 à 123 de l'ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l'exercice des attributions d'officier
de police judiciaire près les juridictions de droit commun, JORZ, n°15, 1 er août 1978, p.7.
2521
Article 110 du Code de procédure pénale.
2522
Article 111 du Code de procédure pénale.
2523
Article 112 du Code de procédure pénale.
2524
Article 109 du Code de procédure pénale.
2525
Article 112 du Code de procédure pénale.
884

Le ministère public adresse une réquisition à fin d’emprisonnement au gardien de la prison


pour justifier la détention du condamné qui se trouve déjà en détention préventive ou qui a fait
l’objet d’une arrestation immédiate. Mais il peut aussi se faire que le condamné se soit présenté
volontairement à la prison pour y subir sa peine. Nous noterons qu’il arrive souvent que le
ministère public tarde à faire parvenir à la prison la réquisition à fin d’emprisonnement avec
comme grave conséquence que le prévenu peut demeurer en prison alors qu’il a été acquitté
ou que le condamné reste en prison au delà de la durée de la condamnation prononcée car la
réquisition à fin d’emprisonnement est le document judiciaire officiel par lequel le ministère
public ordonne à la direction de la prison l’exécution du contenu du jugement.

À la réception de tout prisonnier, il est procédé sur-le-champ à son inscription au registre


d'écrou. Ce registre contient dix colonnes où sont respectivement mentionnés:
l° un numéro d'ordre;
2° les nom, prénoms, surnoms et sexe du prisonnier; 3° sa profession;
4° la circonscription administrative territoriale dont il est originaire et la localité ou la
circonscription où le prisonnier était autorisé à résider au moment de son arrestation;
5° la date de son entrée;
6° la désignation et la date de l'acte en vertu duquel a lieu l'incarcération;
7° la durée de la peine ou de l'internement à subir;
8° la date de la sortie;
9° la signature du libéré ou, si celui-ci ne sait pas signer, celle du gardien;
10° toutes observations utiles relatives au prisonnier, telles que la date de son transfert dans
une autre localité, celle de sa relaxation anticipée et l'énonciation du motif de cette mesure,
celle de son décès, etc.
Le registre d'écrou est coté et paraphé par première et dernière pages par un juge du tribunal
de grande instance2526. Dans la pratique c'est l'officier du ministère public qui accompli un tel
devoir.

Les prisonniers sont fouillés au moment de leur entrée par une personne de leur sexe
désignée par le gardien. Le gardien saisit les objets dont le prisonnier est porteur, y compris le
numéraire. Un inventaire de ces objets est dressé en présence de l'intéressé et signé par lui et
le gardien. Si l'intéressé ne sait pas signer, il appose sur l'inventaire, l'empreinte de son pouce
gauche. Le gardien assure la conservation des objets ainsi que du numéraire. Le gardien peut à
tout moment, quand il l'estime utile, faire fouiller les détenus et saisir ce qu'ils détiennent
illicitement ou en violation du règlement2527.

Dans les localités où réside un médecin du gouvernement central ou du gouvernement


provincial, chaque détenu fait l'objet, à son entrée à la prison, d'une visite médicale ayant
principalement pour but le dépistage des maladies transmissibles et l'isolement éventuel des
malades et des suspects. Les visites se font à l'infirmerie de la prison, et à défaut de celle-ci,
2526
Article 31 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2527
Article 32 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
885

au centre médical le plus proche. S'il y a lieu, le médecin prescrit toutes mesures
prophylactiques qu'il juge nécessaires ou utiles, telles que la vaccination et la déparasitation.
Le médecin porte mention sur la fiche médicale du détenu, prévue à l'article 16, des mesures
prises. Son attestation fait en outre mention de l'aptitude physique du détenu au point de vue
des travaux qui peuvent lui être imposés2528.

Les détenus sont en règle générale, enfermés dans les locaux, destinés à
l'emprisonnement en commun. Les femmes sont séparées des hommes. Les mineurs âgés de
moins de 18 ans ne seront incarcérés dans les prisons que s'il n'existe pas dans le ressort du
tribunal de grande instance, d'établissement de garde et d'éducation de l'État. À défaut
d'existence d'un pareil établissement, ils seront détenus dans un quartier spécial2529.

Dans la mesure où les installations le permettent, le gardien répartit les détenus dans les
différents locaux de manière à grouper séparément:
1 ° les détenus condamnés à une peine de servitude pénale ne dépassant pas deux mois;
2° les détenus condamnés à une peine de servitude pénale supérieure à deux mois;
3° les délinquants d'habitude mis à la disposition du Gouvernement en application de l'article
14 du livre 1er du Code pénal;
4° les personnes mises à la contrainte par corps2530.

Les vagabonds et les mendiants d'habitude mis à la disposition du Gouvernement en


application du décret du 23 mai 1896, tel qu'il a été modifié jusqu'à la date de ce jour, sont
internés dans un quartier spécial où ils sont divisés en deux catégories, à savoir:
1 ° les vagabonds et mendiants d'habitude pour lesquels la durée de l'internement ne peut être
inférieure à un an;
2° les vagabonds et mendiants d'habitude pour lesquels la durée de l'internement ne peut être
supérieure à un an2531.

Le gardien peut décider que tel détenu sera enfermé dans un des locaux affectés à
l'emprisonnement individuel. En cas d'encombrement, il peut placer plusieurs détenus dans un
même local2532. Les détenus entrant à la prison et les détenus indisciplinés peuvent, par

2528
Article 33 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2529
Article 39 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2530
Article 40 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2531
Article 41 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2532
Article 42 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
886

mesure de précaution, être mis à l'isolement dans un quartier spécial appelé quartier de
sécurité2533.

À l'expiration de sa peine principale, le condamné doit être remis en liberté, à moins que
le gardien de l'établissement où il a subi sa peine n'ait été requis de le retenir du chef de
servitude pénale subsidiaire ou de contrainte par corps2534. Le gardien de l'établissement où le
condamné subit sa peine tient un registre d'écrou dont la forme et les mentions sont fixées par
le Président de la République. Les condamnés libérés qui savent écrire signent le registre
d’écrou au moment de leur libération2535.

SECTION 3: EXECUTION DE LA CONDAMNATION


DE SERVITUDE PENALE AVEC SURSIS

Elle est prévue par l’article 42 du Code pénal congolais Livre I.

§ 1. Définition

Le sursis est une mesure de dispense de l’exécution de la servitude pénale, que le juge a la
faculté d’accorder pour réduire les inconvénients inhérents aux coutres peines de prison, et
stimuler ainsi l’amendement du délinquant pendant une durée d’épreuve qui ne dépassera pas
5 ans. Il faut relever l’impropriété de l’expression « condamnation conditionnelle » pour
désigner l’institution. En effet, il ne s’agit pas d’une condamnation conditionnelle, car celle-ci
est bel et bien prononcée. Ce qui est par contre conditionnelle, c’est l’exécution de la peine.

§ 2. Conditions

- Il faut que la servitude pénale prononcée soit égale ou inférieure à un 1 an ;


- Il faut que le condamné n’ait pas encouru dans le passé une condition de servitude pénale,
même d’un jour, pour une infraction punissable de plus de 2 mois.

§ 3. Procédure

La demande se fait généralement à l'audience en matière pénale, le prévenu peut solliciter


le sursis en invoquant qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires. Le tribunal peut l'accorder
d'office dans le jugement s'il estime qu'il existe des raisons qui le justifient: jeune âge ou
vieillesse du condamné, absence d'antécédents judiciaires, etc.

2533
Article 43 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2534
Article 113 du Code de procédure pénale.
2535
Article 114 du Code de procédure pénale.
887

§ 4. Les effets du sursis

Si pendant la durée de l’épreuve, qui ne dépassera pas 5 ans, le condamné sursitaire n’a
encouru aucune condamnation nouvelle grave, c’est-à-dire pour infractions punissables de
plus de 2 mois, la dispense de l’exécution de la peine sera définitive. Mais cela n’efface pas la
condamnation car elle subsistera dans le casier judiciaire.

Si au contraire, pendant le délai d’épreuve fixé par le juge, le délinquant a encouru une
condamnation pour une infraction grave, le sursis sera révoqué de plein droit, et la
condamnation ancienne, pour laquelle il avait bénéficié du sursis sera exécutée en cumul avec
la condamnation nouvelle.

SECTION 4: PROPOSITION POUR UNE REFORME

L’expression servitude pénale devrait être bannie depuis l’indépendance du langage


législatif congolais. Il est symptomatique de relever que cinquante cinq ans après l’accession
du pays à l’indépendance, le législateur congolais ne soit pas soucié d’extirper de son langage
juridique une expression qui, à l’époque coloniale avait toute sa signification contenant bel
et bien l’idée d’esclavage. En effet, à l’époque coloniale, les européens ne faisaient pas la
prison. C’est cela qui a amené les congolais à considérer à juste titre que la peine de prison
était une peine réservée uniquement aux indigènes de la colonie du Congo Belge. Aussi ne
peut-on s’étonner que cette peine n’ait jamais été intériorisée et acculturée par les congolais.
Le même constat peut être fait aujourd’hui. Dans la perspective de la réforme, étant donné que
l’expression « servitude pénale » a une connotation coloniale, nous pensons que l’on devrait
la remplacer par le mot « l’emprisonnement ». Et cette expression qui a été retenue dans le
projet du Code pénal congolais qui été élaboré à la Commission permanente de Réforme du
Droit Congolais en 2013.
888

CHAPITRE IV: LA PEINE D'AMENDE

SECTION 1: NOTIONS

La peine d’amende est prévue par les articles 5, 10 à 13 du Code pénal congolais livre I
ainsi que des diverses dispositions du Code pénal congolais livre II. Elle est prononcée
individuellement contre chacun des condamnés à raison d'une même infraction2536. Cette
peine consiste en une somme d’argent que le condamné a l’obligation de verser au Trésor
public à titre de sanction. Cette amende est de 1 franc au moins. Elle est perçue au profit de
l’Etat2537.
Malgré l'écart souvent très large entre laissé l'appréciation du juge entre le minimum et le
maximum de l'amende, cette peine a l'inconvénient de frapper relativement durement les
pauvres et d'être peu sensible aux riches.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

Les peines d'amende sont exécutées, à la requête du ministère public. L'amende et les frais
sont payés entre les mains du greffier dans la huitaine qui suit la condamnation devenue
irrévocable. Sur la décision du juge ou du président de la juridiction qui a rendu le jugement,
ce délai pourra être prolongé2538.

Le paiement de l'amende et des frais peut être exigé dès le prononcé du jugement s'il est
contradictoire, ou dès sa signification s'il est par défaut, lorsqu'il y a lieu de craindre que le
condamné parvienne à se soustraire à l'exécution de ces condamnations. À cet effet, le greffier
invite le condamné, soit verbalement, soit par pli fermé, mais à découvert, recommandé à la
poste avec avis de réception, à payer l'amende et les frais dans le délai qu'il détermine. Sur
décision du juge ou du président de la juridiction qui a rendu le jugement, les poursuites en
recouvrement peuvent être suspendues2539.

Concernant l'envoi de pli par poste, pareille procédure est rarement efficace, car le temps
requis pour confectionner le pli, pour le faire délivrer et pour constater la carence à se
conformer aux injonctions, couvrira les huit jours au bout desquels l'exécution sera faite de
plein droit. Il est à préciser aussi que la poste ne fonctionne pas en RDC. C'est pourquoi,
l'avertissement verbal fait par le greffier nous semble plus efficace, notamment lorsque le
condamné est présent au prononcé du jugement, en ce cas, le greffier peut acter
l'avertissement verbal à la feuille d'audience.

2536
Article 11 du Code pénal congolais livre I.
2537
Article 10 du Code pénal congolais livre I.
2538
Articles 109 et 117 du Code de procédure pénale.
2539
Article 118 du Code de procédure pénale.
889

Le prononcé du jugement, s'il est contradictoire, ou sa signification s'il est par défaut, vaut
sommation de payer les amendes dans le délai fixé (en principe huit jours). En cas de non-
paiement à l'expiration de ce délai, l'exécution de la servitude pénale subsidiaire et de la
contrainte par corps, selon le cas, est poursuivie2540. A défaut de paiement dans le délai de
huitaine qui suit la condamnation devenue irrévocable et, dans le cas d'un jugement
exécutoire, dans la huitaine qui suit le prononcé du jugement, l'amende peut être remplacée
par une servitude pénale subsidiaire dont la durée sera fixée par le jugement de condamnation,
d'après les circonstances et le montant de l'amende infligée au condamné2541. La durée de la
servitude pénale subsidiaire n'excède jamais six mois. Dans tous les cas, le condamné peut se
libérer de cette servitude en payant l'amende. Il ne peut se soustraire aux poursuites sur ses
biens en offrant de subir la servitude pénale subsidiaire2542.

La servitude pénale subsidiaire est une véritable peine, encore qu'elle ne sera exécutée qu'à
défaut ou dans les délais spéciaux impartis par jugement. Logiquement, la peine de servitude
pénale subsidiaire doit être proportionnée au montant de l'amende, bien que la loi n'ait rien
prescrit à ce sujet, fixant seulement un maximum absolu de six mois qui ne peut être dépassé
même par le cumul2543.

Nous rappelons que le greffier peut exiger le payement immédiat, s’il y a des raisons de
craindre que le condamné aux amendes ne tente de se soustraire à cette condamnation. Le
condamné peut s’adresser au président de la juridiction qui l’a condamné, pour obtenir des
délais, soit pour obtenir prorogation de l’échéance abrégée que le greffier lui a notifiée2544. Dès
l’écoulement du délai normal, le greffier peut procéder à l’exécution sur les biens du
condamné par une mesure de saisie-exécution en vertu du jugement répressif constituant titre
exécutoire. Il ne doit pas faire de commandement préalable2545 car le prononcé ou la
signification (cas du jugement par défaut) valent sommation de payer dans le délai fixé. S’il
apparaît que l’exécution sur les biens ne peut aboutir ou que les frais risquent d’être plus
élevés que le produit de vente, le greffier demande au ministère public, l’exécution de la
peine de prison subsidiaire.

SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME

Nous pensons que le taux de la peine d’amende devrait correspondre au montant dont le
délinquant serait puni de la peine de servitude pénale subsidiaire qui devra désormais
s’appeler l’emprisonnement subsidiaire. Le juge doit assortir chaque condamnation à la
peine d’amende d’une peine d’emprisonnement subsidiaire qui est de 6 mois au maximum. En
cas de non-paiement dans les délais légaux et ceux impartis par le jugement, cette peine devrait

2540
Article 119 du Code de procédure pénale.
2541
Article 12 du Code pénal congolais livre I.
2542
Article 13 du Code pénal congolais livre I.
2543
Articles 12 et 13 du Code pénal congolais livre I.
2544
Article 117 du Code de procédure pénale.
2545
Article 119 du Code de procédure pénale.
890

se substituer ainsi à la peine d’amende. En toute logique, les juges devraient veiller à fixer
la peine d’emprisonnement subsidiaire en proportion du montant de l’amende.

La valeur punitive de l’amende en tant que force intimidante n’est pas absolue.
Elle n’intimide pas le condamné ni les petits délinquants insolvables. Elle est légère aux
riches et lourde aux pauvres. Certains pensent que l'amende en frappant le délinquant dans son
patrimoine, frappe aussi toute sa famille qui vit de ce patrimoine.

Des solutions ont été adoptées dans certains pays pour atténuer ces critiques. C’est ainsi
qu’en Allemagne et en Italie, le produit des amendes est affecté à la constitution d’un
fond de garantie des victimes d’infractions. De cette façon, l’amende peut remplir à coup
sûr une fonction sociale, à défaut de remplir une fonction répressive. Certains pays
nordiques, comme la Suède, ont institué les systèmes des amendes, le juge condamne le
délinquant à des amendes dont le montant est proportionnel à ses revenus quotidiens et à ses
charges. Une telle solution serait plus efficace et plus équitable en RDC.
891

CHAPITRE V:
LA PEINE DE CONFISCATION SPECIALE

SECTION 1: NOTIONS

La peine de confiscation spéciale est prévue par les articles 5 et 14 du Code pénal congolais
livre I ainsi que des diverses dispositions du Code pénal congolais livre II. En effet, la
confiscation spéciale s'applique uniquement:
- aux choses formant l'objet de l'infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la
commettre quand la propriété en appartient au condamné;
- aux choses qui ont été produites par l'infraction.

La confiscation spéciale est prononcée pour toute infraction dont l'existence est
subordonnée à l'intention délictueuse. Elle n'est prononcée, pour les autres infractions que
dans les déterminés par le législateur2546.

La confiscation spéciale est une complémentaire obligatoire car dans les dispositions
pénales qui la prévoient, on utilise le terme " le juge prononcera en outre la peine de....."2547.
De même, la confiscation des objets appartenant au prévenu et ayant servi à commettre
l’infraction est une peine complémentaire nécessaire. Le juge n’a aucun pouvoir
d’appréciation quant à l'opportunité de cette peine et il ne peut l'omettre ni l'atténuer en
raison de circonstances. Dès lors que l’infraction est établie et que les objets appartiennent
au prévenu et ont servi à commettre l’infraction, ils doivent être confisqués. Il en sera de
même s’il s’agit d’une infraction intentionnelle ou si le législateur a expressément ordonné la
confiscation. Le délibéré ne portera dès lors que sur ces éléments.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

Les poursuites pour le recouvrement des biens confisqués sont faites sur requête du
ministère public. En effet, l’Etat dispose d’un droit réel de propriété sur la chose en quelques
mains qu’elle puisse se trouver. La confiscation porte généralement sur les objets saisis.
En ce cas, ces objets qui se trouvent au greffe deviennent propriété de l’Etat (le greffier les
reçoit directement). Si les objets confisqués ne sont pas saisis, le condamné est tenu de les
remettre. Dès que le jugement est exécutoire, le greffier peut procéder à l’exécution directe
en chargeant l’huissier de s’emparer des objets confisqués. Si le condamné soustrait par la
ruse ou la destruction des objets à l’exécution ou à la confiscation, aucune mesure de

2546
Article 14 du Code pénal congolais livre I.
2547
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, Ed. Droits et Société"DES",
1995, p. 289.
892

contrainte ni aucune peine subsidiaire n'est prévue, et c'est là une lacune évidente de la loi
qui doit être comblée.

De même, le caractère personnel de la confiscation spéciale n’empêche pas que cette peine
soit exécutée contre les héritiers. L’Etat peut donc, à la mort du délinquant qui a été condamné
définitivement, réclamer la chose confisquée entre les mains des héritiers.
893

CHAPITRE VI:
L’OBLIGATION DE S’ELOIGNER DE CERTAINS
LIEUX OU D'UNE CERTAINE REGION
ET LA RESIDENCE IMPOSEE
DANS UN LIEU DETERMINE

SECTION 1: NOTIONS

Cette peine est prévue par les articles 5, 14 a à 14 c du Code pénal congolais livre I
et l'ordonnance n°11/542 du 26 octobre 1959 relative aux mesures d'éloignement. Elle
s'applique surtout aux récidivistes. C’est la relégation ou le bannissement ou l’interdiction
de séjour. Il s’agit d’une mesure de sûreté instituée en tant que peine complémentaire
facultative, compte tenu du trouble psychique profond pouvant résulter du déracinement et
de l’éloignement d’un délinquant de son milieu clanique ou naturel. En réalité, il ne s'agit pas
d'une peine même si le législateur l'a prévue à l'article 5 du Code pénal congolais livre I mais
bien d'une mesure de sûreté. Cette "peine" ne peut s'appliquer uniquement si le juge l'a
prononcée. Si le juge, pour une raison ou autre l'a oubliée de la prononcer, elle ne sera pas
appliquée2548. Les juges devront l’appliquer avec prudence et humanisme.
Cette peine s'applique dans deux cas: en tant que peine principale et en tant que peine
complémentaire.

I. En tant que peine principale

Cette peine peut être prononcée par le juge comme peine principale lorsque l'une de ces
conditions est réunie:
- l'infraction doit être punissable d'une peine de servitude pénale principale de 6 mois au
minimum;
- la peine méritée (prononcée) ne doit pas dépasser 6 mois en raison des circonstances;
- cette obligation ne peut dépasser une durée maximum d'un an;
- éventualité pour les cours et tribunaux de substituer la servitude pénale à cette peine. Dans
ce cas, cette peine prend cours à la date fixée par le jugement2549.

L'article 14 a) du Code pénal congolais Livre I permet même de substituer cette peine aux
peines classiques lorsque les faits infractionnels ne sont pas punissables de plus de six mois de
servitude principale ou lorsque à raison des circonstances la peine applicable ne doit pas
dépasser six mois de servitude principale.

2548
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, Ed. Droits et Société"DES",
1995, p. 289.
2549
Article 14 c alinéa 1 du Code pénal congolais livre I.
894

II. En tant que peine complémentaire

Outre la peine de servitude pénale, l'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une


certaine région ou d'habiter dans un lieu déterminé peut être prononcée, à charge de
quiconque a commis, depuis dix ans au moins deux infractions qui ont entraîné chacune une
servitude pénale d'au moins six mois2550.

Lorsque le juge décide de prononcer cette peine, il faut que deux conditions soient
remplies:
- un laps de temps de tout au plus 10 ans entre la première condamnation (six mois) et
le moment du jugement;
- pendant cette période, qui ne peur dépasser 10 ans, le casier judiciaire du délinquant
révèle au moins deux infractions ayant conduit chacune à la condamnation à une
servitude pénale d'au moins 6 mois.

Comme on le voit, cette peine peut être utilisée aussi comme peine complémentaire
visant à combattre la récidive ou la réitération d’infractions après une condamnation.
Elle s'applique au récidiviste qui a commis depuis 10 ans au moins deux infractions qui
ont entrainé chacune une peine d'au moins 6 mois. Il s'agit dans ce cas de prendre des
mesures pour empêcher le récidiviste à commettre d'autres infractions à l'avenir. Dans
ce cas, cette peine prend cours à date à laquelle le condamné est libéré, soit
définitivement, par expiration ou remise de la peine de servitude pénale, soit
conditionnellement. La réincarcération du condamné, pour quelque cause que ce soit,
n'entraîne pas prolongation de la durée de ces peines2551.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

L’exécution se fait par le transfert du condamné par les autorités administratives à la


requête du ministère public. En effet, celui qui a été condamné à s’éloigner de certains lieux
ou d’une certaine région ou à habiter dans un lieu déterminé, reçoit une feuille de route
indiquant l’itinéraire qu’il doit suivre, la durée de son séjour dans chaque lieu de passage et le
délai dans lequel il est tenu, à son arrivée, de mettre ce document à l’administrateur de
territoire ou au bourgmestre du lieu de sa résidence2552.

La feuille de route est délivrée par le ministère public près la juridiction qui a prononcé la
condamnation. L’autorité qui a délivré la feuille de route en avise immédiatement
l’administrateur de territoire ou le bourgmestre du lieu de départ et celui du lieu de
destination. Sur réquisition de ladite autorité, le condamné peut, jusqu’au moment de son

2550
Article 14 b du Code pénal congolais livre I.
2551
Article 14 c alinéa 2 et 3 du Code pénal congolais livre I.
2552
Article 1 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
895

départ, être gardé à vue à la prison ou dans un local de police2553. L’administrateur de


territoire ou le bourgmestre du lieu de sa résidence peut imposer au condamné de se présenter,
selon les modalités qu’il détermine, au contrôle spécial du commissaire de police ou de
l’agent du service territoriale qu’il désigne2554.

Le condamné qui est obligé de s’éloigner de certains lieux ou d’une certaine région ne peut
changer sa résidence sans en informer, huit jours au moins à l’avance, l’administrateur de
territoire ou le bourgmestre. Celui-ci vise la feuille de route pour départ et la restitue au
condamné. En outre, il avise immédiatement de ce départ l’autorité administrative du lieu de
la nouvelle résidence. Le condamné est tenu de remettre sa feuille de route dès son arrivée2555.

A l’expiration de sa peine, le condamné à l'obligation de s’éloigner de certains lieux ou


d’une certaine région ou d'habiter dans un lieu déterminé est convoqué par l’administrateur de
territoire ou le bourgmestre, qui lui remet une feuille de route à destination du lieu où il devait
être légalement fixé au moment de son arrestation. L’administrateur de territoire ou le
bourgmestre avise du départ de tout individu considéré comme dangereux, l’autorité des
localités qu’il traverse et celle du lieu de sa destination2556.

Les infractions aux mesures prises en vertu de cette peine sont punies au maximum de un
mois de servitude pénale et d’une amende de 10.000 francs ou d’une de ces peines
seulement2557.

SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME

L’on peut du reste se poser la question de savoir si pareille peine peut encore être
maintenue dans notre arsenal juridique compte tenu du vent de démocratie qui souffle dans
notre pays ; vent qui a abouti à la suppression de l’arrestation administrative et de la
relégation administrative. La sauvegarde et le respect de la liberté individuelle ont imposé,
dans le cadre de la démocratie, la suppression de l’arrestation et de la relégation
administrative qui se pratiquaient sans garantir le bannissement ou l’interdiction de
séjour, en tant que peines complémentaires facultatives à une peine principale prononcée
par les cours et tribunaux, ne sont pas à notre sens conformes à la Constitution du 18 février
2006. C'est pourquoi, il convient de supprimer cette peine.

2553
Article 2 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2554
Article 3 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2555
Article 4 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2556
Article 9 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2557
Article 10 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
896

CHAPITRE VII :
LA MISE A LA DISPOSITION DE LA SURVEILLANCE
DU GOUVERNEMENT

SECTION 1: NOTIONS

Cette peine est prévue par les articles 5, 14 d à 14 k du Code pénal congolais livre I et de
diverses dispositions prévues par le Code pénal livre II ainsi que l'ordonnance n° 11/542 du
26 octobre 1959 relative aux mesures d'éloignement. Ainsi, l'article 14 d alinéa 1 du
Code pénal congolais livre I déclare : "Quiconque ayant commis depuis dix ans au moins,
trois infractions qui ont entraîné chacune une servitude pénale d'au moins dix mois, présente
en outre une tendance persistante à la délinquance peut, par l'arrêt ou le jugement de
condamnation, être mis à la disposition du Gouvernement, pour un terme de cinq à dix ans
après l'expiration de la peine de servitude pénale".

De cette définition, la mise à la disposition du Gouvernement est soumise aux conditions


suivantes :
- il faut un laps de temps de dix ans entre la première condamnation (dix mois de servitude
pénale au moins) jusqu’au procès en cours ;
- il faut que dans ce laps de temps, le délinquant ait commis au moins trois infractions qui ont
entraîné chacune une peine de prison d’au moins dix mois;
- le prévenu présente en outre une tendance persistante à la délinquance. Cette dernière
notion n'a pas été précisé par la loi mais on ne peut douter qu'elle renvoie à toute la
personnalité du délinquant, à son tempérament, à son milieu, à ses fréquentations, à son mode
et sa manière habituelle de vivre, etc. Ici, la constitution d'un dossier de personnalité s'avère
nécessaire.

Il s’agit en réalité d’une peine complémentaire facultative qui s’applique aux récidives
anormales qu'on appelle les délinquants d’habitude. Pour savoir si les conditions de la mise à la
disposition du Gouvernement sont réunies, il faut que les dossiers antérieurs soient joints au
dossier de la poursuite afin de savoir si les infractions commises par l’intéressé révèlent une
tendance persistante à la délinquance2558. Le tribunal doit se faire produire un extrait de
casier judiciaire pour motiver cette sanction. Mais bien souvent, les dossiers judiciaires ne
contiennent que les preuves de l’infraction et ne permettent pas donc de connaître le
délinquant. C’est pourquoi, il faut faire procéder à une enquête sociale et ordonner un
examen médical du délinquant.

2558
Article 14 d alinéa 2 du Code pénal congolais livre I.
897

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

L'exécution se fait à la requête du ministère public. Lorsqu'un condamné a été mis à la


disposition du Gouvernement par deux décisions successives pour des infractions non
concurrentes, si la mise à la disposition du Gouvernement prononcée par la décision première
en date n'a pas atteint son terme à l'expiration de la peine de servitude pénale prononcée par la
seconde décision, la seconde mise à la disposition du Gouvernement ne prend cours qu'à
l'expiration de la première2559. Lorsque le condamné est libéré conditionnellement, la peine de
mise à la disposition du Gouvernement prend cours à la date de la libération conditionnelle.
Son exécution est suspendue en cas de révocation de la libération conditionnelle à partir de
l'arrestation2560. Lorsque, pendant l'exécution de la mise à la disposition du Gouvernement, le
condamné est arrêté même préventivement, en vertu d'une décision judiciaire, l'exécution de
la peine de la mise à la disposition du Gouvernement est suspendue pendant la durée de la
détention2561.

Concernant le mode d'exécution proprement dit, l'article 14 h du Code pénal congolais livre
I prévoit que le délinquant d'habitude mis à la disposition du Gouvernement est interné s'il y a
lieu dans un établissement désigné par le Président de la République. A l'expiration de la
peine principale, le Gouverneur de province dans le ressort de laquelle le condamné est
détenu, décide s'il est mis en liberté ou interné. S'il est mis en liberté, il peut pour cause
d'inconduite, être interné par décision du bourgmestre ou d'administrateur du territoire du
ressort où a eu lieu l'inconduite. Le bourgmestre ou d'administrateur du territoire prend avis
du ministère public. L'intéressé peut introduire un recours contre cette décision devant le
Gouverneur de province. Les formes de ce recours sont déterminées par le Président de la
République2562.

Le délinquant d'habitude mis à la disposition du Gouvernement peut demander à être relevé


des effets de cette décision. A cette fin, il adresse sa demande au Procureur général près la
Cour d'appel, dans le ressort de laquelle siège la juridiction qui a prononcé la mise à la
disposition du Gouvernement. Le Procureur général prend toutes les informations qu'il estime
nécessaires, les joint au dossier qu'il soumet à la Cour, avec ses réquisitions. La Cour statue
par arrêt motivé, l'intéressé entendu ou dûment cité. La demande ne peut être introduite que
trois ans après l'expiration de la peine principale. Elle peut ensuite être renouvelée de trois en
trois ans2563.

Le gouverneur de province qui décide la mise en liberté d’un délinquant d’habitude mis à
la disposition du gouvernement, peut subordonner cette mise en liberté à des mesures de
surveillance dont la nature et l’objet dépendront des circonstances particulières dans

2559
Article 14 e du Code pénal congolais livre I.
2560
Article 14 f du Code pénal congolais livre I.
2561
Article 14 g du Code pénal congolais livre I.
2562
Article 14 i du Code pénal congolais livre I.
2563
Article 14 j du Code pénal congolais livre I.
898

lesquelles le condamné se trouvera et des causes de la condamnation. Il peut interdire au


condamné de paraître dans telle ou telle localité2564.

Le gouverneur de province avise l’administrateur de territoire ou le bourgmestre du lieu de


la résidence du condamné des mesures de surveillance prises à son égard. Il charge un
auxiliaire du service social ou un agent du service territorial de l’exécution de la surveillance.

La personne à laquelle est confiée cette mission reste en contact avec le délinquant
d’habitude, dont elle observe le milieu, les tendances et la conduite. Elle fait toutes les fois
qu’elle le croit utile et au moins une fois tous les trois mois, rapport au Gouverneur de
province sur la situation morale et matérielle du délinquant d’habitude. Elle propose au
gouverneur de province toutes les mesures qu’elle croit avantageuses pour le condamné.
Copie de ce rapport est envoyée au Procureur général près la Cour d’appel dans le ressort de
laquelle siège la juridiction qui a prononcé la mise à la disposition du Gouvernement, et au
bourgmestre ou à l'administrateur du territoire du lieu de la résidence de l’intéressé2565.

Les délinquants d’habitude mis à la disposition du gouvernement et dont l’internement a


été décidé par le Gouverneur de province, le bourgmestre ou à l'administrateur du territoire,
sont internés dans les prisons désignées par le Gouverneur de province2566. Le recours prévu à
cet effet peut être formé par lettre missive dans un délai de huit jours francs à compter de la
signification de la décision d’internement. Le recours peut également être formé par une
déclaration faite à l’agent qui signifie la décision, dans ce cas, mention en est faite par ledit
agent au bas de l’original de l’acte de signification et avis en est immédiatement donné par lui
au Gouverneur de province. Celui-ci statue dans les trente jours qui suivent la réception du
recours2567.

A l’expiration de sa peine, le condamné à la mise à la disposition du Gouvernement est


convoqué par l’administrateur de territoire ou le bourgmestre, qui lui remet une feuille de
route à destination du lieu où il devait être légalement fixé au moment de son arrestation.
L’administrateur de territoire ou le bourgmestre avise du départ de tout individu considéré
comme dangereux, l’autorité des localités qu’il traverse et celle du lieu de sa destination2568.

2564
Article 5 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2565
Article 6 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2566
Article 7 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2567
Article 8 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2568
Article 9 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
899

Les infractions aux mesures prises en vertu de cette peine sont punies au maximum de un
mois de servitude pénale et d’une amende de 10.000 francs ou d’une de ces peines
seulement2569.

SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME

Cette peine mérite d'être adaptée à la réalité actuelle car elle nous semble dépassée. Aussi,
l'intervention des autorités administratives dans les modalités d'exécution permet à pouvoir
exécutif de s'immiscer dans la distribution de la justice. Et comme le relève le Doyen
Nyabirungu, ces autorités ont plutôt démissionné, et d'ailleurs la justice n'y a guerre
recouru2570.

De même, il semble inadéquat que l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 relative


aux mesures d'éloignement prévoit que ces mesures doivent être appliquées qu'après
exécution de la peine principale. En effet, si ces mesures ont été conçues dans le but
d'apporter remède à la délinquance d'habitude, elles devraient plutôt être appliquées en
tant que peine principale. Toutes ces mesures n'ont pas reçu toute l'application que le
législateur souhaitait. La mise à la disposition du Gouvernement n'a pas connu un
meilleur sort, et est exécutée dans les mêmes conditions que la servitude pénale
principale.

2569
Article 10 de l'ordonnance n° 11/542 du 26 octobre 1959 portant mesures d'exécution du décret du 6 août
1959 complétant le Code de procédure pénale, B.A.1959, p. 2826.
2570
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, Ed. Droits et Société"DES",
1995, p. 306.
900

CHAPITRE VIII :
L'EXECUTION DE LA CONDAMNATION CIVILE

SECTION 1: NOTIONS

Elle est prévue par les articles 15 à 17 du Code pénal congolais livre I. Il s'agit des
condamnations aux dommages et intérêts. Toute condamnation pénale est prononcée sans
préjudice des restitutions et dommages-intérêts qui peuvent être dus aux parties. Le tribunal
fixe le montant des dommages -intérêts2571. Le tribunal a la liberté d'accorder termes et délais
pour le paiement de dommages et intérêts comme les juridictions civiles. Les restitutions ne
soufflent évidemment aucun délai.

SECTION 2: MODE D'EXECUTION

Le jugement rendu sur l'action civile est exécuté à l'initiative de la partie civile.
L’exécution directe sur les biens du condamné se fait à la diligence du bénéficiaire de
ces condamnations et ce, en ayant recours aux voies d’exécution prévues en procédure
civile. L'exécution est poursuivie par le ministère public en ce qui concerne les dommages-
intérêts prononcés d'office et la contrainte par corps; par la partie civile, en ce qui concerne
les condamnations prononcées à sa requête2572. L'exécution des condamnations aux
restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais peut être poursuivie par la voie de la
contrainte par corps2573.

La contrainte par corps est toujours facultative; le juge peut la prononcer, même d'office,
pour assurer l'exécution du paiement des frais et des condamnations civiles en faveur des
bénéficiaires de l'allocation d'office, par le condamné principal, des dommages et intérêts.
Lorsqu'il y a partie civile constituée, le tribunal ne peut prononcer la contrainte par corps que
sur demande de cette partie.

Bien que la condamnation à la contrainte par corps soit facultative pour le juge, il est
d'usage de la prononcer dans tous les cas où elle est légale. Normalement cette mesure n'aura
pas d'application, soit que l'exécution du jugement se fasse volontairement, soit que
l'exécution forcée soit faite par préférence sur les biens.

La partie civile qui désire faire exécuter la contrainte par corps prononcée à son profit
adresse sa demande au ministère public. Elle est tenue préalablement de consigner, entre les

2571
Article 15 du Code pénal congolais livre I.
2572
Article 109 du Code de procédure pénale
2573
Article 16 du Code pénal congolais livre I.
901

mains du greffier, la somme nécessaire à la détention du débiteur. Le ministère public ne fait


saisir le débiteur que sur la production du reçu de cette somme2574. La contrainte par corps est
assimilée, pour son exécution, à la servitude pénale, c'est-à-dire à l'emprisonnement.

La durée de la contrainte par corps est déterminée par le jugement; elle ne peut excéder six
mois. Le condamné qui justifiera de son insolvabilité est mis en liberté après avoir subi sept
jours de contrainte par corps2575.

L’exécution de la contrainte par corps, obéit aux conditions suivantes:


- la partie privée ne peut en obtenir exécution qu’en adressant une demande au ministère
public ;
- en ce qui concerne les dommages intérêts alloués d’office, le ministère public peut
ordonner d’office la mise à la contrainte par corps sans consignation des frais2576.

Si la contrainte par corps n'a pas été prononcée dans le jugement, il n'y a pas moyen
d'obtenir une nouvelle décision sur ce point, un appel qui ne serait fondé que sur l'intérêt
d'obtenir l'exécution par voie de contrainte par corps ne serait pas recevable, la contrainte par
corps n'étant pas une condamnation mais une voie d'exécution de la condamnation; une
juridiction d'appel saisie par un autre moyen, pourrait bien entendu en statuant à nouveau,
prévoir ce mode d'exécution, quand bien même le premier juge l'aurait omis ou refusé2577.

2574
Article 121 du Code de procédure pénale.
2575
Article 17 du Code pénal congolais livre I.
2576
Article 121 du Code de procédure pénale.
2577
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa et Bruxelles, éd. Université Lovanium et Maison Ferd. Larcier, 1965, n° 204, p. 211.
902

CHAPITRE IX:
L'EXECUTION DES CONDAMNATIONS AUX FRAIX
ET AUX DROITS PROPORTIONNELS

Elle est prévue par les articles 122 à 135 du Code de procédure pénale.

SECTION 1: LES FRAIS DE JUSTICE

§ 1. Notions des frais de justice

I. Définition et principes

1. Définitions

Par frais, il faut entendre tous les frais de procédure, toutes les dépenses qu'on appelle frais
d'instance qui ont été condamnés dans le chef de celui qui perdu le procès. Par frais de justice,
il faut entendre tous les frais d'office ou la requête de la partie publique pour la recherche et la
poursuite des infractions et pour l'exécution des décisions répressives, ainsi que les frais faits
à la requête et pour la défense du prévenu. En effet, toute poursuite pénale engendre les
dépenses et des frais: frais de citation, frais de témoins, indemnités aux experts, interprètes et
traducteurs, frais d'exécution de jugement.

La condamnation aux frais est, en matière pénale, de nature civile; il s'agit de réparer le
préjudice subi par l'Etat qui a dû faire l'avance des sommes d'argent nécessaires pour assurer
la répression légale à la suite de la faute commise par le délinquant. Puisqu'elle constitue une
sanction d'ordre civil, la condamnation aux frais ne peut pas être prononcée avec sursis, ni
faire l'objet d'une mesure de grâce ou d'une remise par suite d'une amnistie postérieure au
paiement; en revanche elle peut être exécutée pendant un délai de prescription trentenaire2578.

Quant à l'assistance judiciaire, elle a pour but de dispenser de paiement ceux qui ne
possèdent pas les ressources nécessaires pour faire face aux frais de procédure.

Ne peuvent pas être définis comme des frais de justice répressive, les dépenses de l'action
civile. L'action civile a pour objet la réparation intégrale du dommage causé par l'infraction;
les dépens y afférents doivent donc être distingués des frais de l'action publique. Ainsi, les
frais d'une expertise ordonnée par le juge pénal à la requête de la partie civile pour pouvoir
déterminer l'étendue de son dommage ne sont pas des frais de l'action publique mais des frais
de l'action civile2579. Il en va de même des frais de l'exploit par lequel une personne lésée par

2578
A. LORENT, " Les frais de justice répressive", Revue de droit pénal et criminologie, 1983, pp. 609-610.
2579
M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Liège, 4ème éd. Larcier,
2012, p. 850.
903

une infraction fait citer directement (par voie de citation directe) devant le tribunal l'auteur
prétendu du dommage, et des frais exposés par le ministère public pour mettre la cause en état
d'être jugée lorsque le juge répressif n'est plus saisi que l'action civile.

2. Principes

C'est celui qui succombe qui supporte les frais: prévenu, partie civile, personne civilement
responsable. Cependant, en cas d'acquittement du prévenu, même si c'est le ministère qui a
saisi la juridiction, celui-ci en agissant par délégation de la puissance publique, ne peut être
condamné aux frais et dépens causés par la poursuite2580; les frais sont alors laissés à la charge
de l'Etat car le ministère public n'est jamais condamné aux frais. Le ministère public, en cas
d'acquittement du prévenu, ne peut être condamné aux frais.

La condamnation aux frais ne peut jamais porter sur le coût des actes nuls; en effet, le
principe que le prévenu condamné doit supporter les frais de poursuites dirigées contre lui, est
fondé sur ce que ces frais ont été causés par l'infraction dont il a été reconnu coupable. Ainsi,
le prévenu déclaré coupable et condamné par le juge d'appel ne supporte pas les frais
occasionnés par la procédure dont la nullité est prononcée.

II. Frais à charge du prévenu

Le prévenu ne peut être condamné aux frais que s'il succombe dans la procédure intentée
contre lui, il en est de même pour les personnes civilement responsables. En revanche, si le
prévenu est acquitté, il ne peut être condamné aux frais. Tout jugement de condamnation
rendu contre le prévenu et contre les personnes civilement responsables les condamneront aux
frais avancés par le Trésor et à ceux exposés par la partie civile2581.

Lorsque deux prévenus sont poursuivis pour des faits différents et que l'un d'eux est
condamné et l'autre acquitté, le juge ne peut mettre à charge du condamné la totalité de frais
de l'action publique qu'en constatant que tous les frais ont été causés par l'infraction commise
par le condamné.

S'il y a plusieurs faits distincts et que certains faits ne sont pas retenus, le condamné n'est
chargé que d'une fraction des frais, correspondant, en principe, à la proportion des frais
exposés en vue d'établir les faits retenus comme infractionnels; mais si la cause d'ensemble ne
pouvait être instruite sans examiner certains faits qui après instruction se révèlent être non
infractionnels ou non imputables, le tribunal peut condamner le prévenu à la totalité des frais,
bien qu'il renvoie des poursuites pour certaines prévention reprises à la citation.

Tous les individus condamnés pour une même infraction sont tenus solidairement des frais,
lorsqu'ils ont été condamnés par le même jugement ou arrêt, ce principe fléchit lorsque, pour

2580
A. BRAAS, Précis de procédure pénale, Bruxelles, éd. Bruylant, 1951, Tome II. n° 626, p. 551.
2581
Article 81 du Code de procédure pénale.
904

des motifs propres, le juge détermine la proportion des frais que chacun des condamnés
supportera individuellement. Si les prévenus sont condamnés par décisions différentes, ils ne
sont tenus solidairement que des frais afférents à la partie de la procédure qui leur a été
commune.

Si le prévenu succombe, il est évidemment condamné aux frais envers la partie civile ainsi
qu'à l'indemnité de la procédure prévue; dans ce cas, la somme consignée par la partie civile
lui serait remboursée après déduction des frais des faits dans son intérêt et qui sont taxés par
le jugement. Le prévenu ne peut être condamné aux frais d'une constitution de partie civile
irrecevable.

Si le prévenu est acquitté; il ne peut être condamné aux frais, sauf s'il a provoqué des frais
frustratoires, c'est-à-dire exposés à sa requête, alors que lui-même devait savoir qu'ils étaient
absolument vains. L'attitude passive du prévenu qui, par manque de coopération a entraîné la
justice à exposer des frais ne justifie pas, en cas d'acquittement, sa condamnation à supporter
des frais; il en serait autrement s'il avait fait citer des témoins sachant que leur témoignage ne
pouvait apporter aucune lumière au procès.

Si un acquittement est prononcé sur opposition à un jugement de condamnation, le prévenu


est déchargé des frais de l'instance par défaut; mais les frais causés par l'opposition, y compris
le coût de l'expédition, peuvent être mis à sa charge, si le défaut lui est imputable. Dans tous
les cas, les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la
signification du jugement par dé faut, seront laissés à charge de l'opposant lorsque le défaut
lui est imputable2582. Il s'agit ici d'une véritable sanction; il appartiendra donc au ministère
public de prouver que le prévenu avait connaissance de la citation et n'avait aucun motif
valable de ne pas comparaître.

Concernant l'appel, les dispositions applicables sont prévues à l'article 108 alinéa 1 er du
Code de procédure pénale qui déclare: "Lorsque, sur l'appel du Ministère public seul, le
jugement est confirmé, les frais de l'appel ne sont point à la charge du prévenu. Lorsque la
peine est réduite, le jugement sur appel ne met à charge du condamné qu'une partie de ces
frais ou même l'en décharge entièrement".

Comme on le voit, les principes sont identiques quant aux frais de la procédure d'appel. En
effet, si sur l'appel du ministère public seul, le jugement est confirmé, les frais de l'appel ne
peuvent être mis à la charge du condamné; lorsque la peine est réduite par le jugement
d'appel, celui-ci peut ne mettre à charge du condamné qu'une partie de ces frais, ou même l'en
décharger entièrement.

Si le jugement est confirmé sur l'appel du prévenu, celui-ci supporte les frais d'appel.
Lorsque le juge d'appel confirme le jugement frappé d'appel tant par le prévenu que par le
ministère public, l'intégralité des frais d'appel peut être mise à charge du prévenu. De même,
2582
Article 95 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
905

le prévenu acquitté en première instance, mais condamné en appel, doit supporter la totalité
des frais de deux instances.

Il va de soi que si la décision d'appel décharge le prévenu de toutes ou l'une des


préventions retenues par le premier juge, elle décharge en même temps de tout ou partie des
frais du premier degré; par contre, une réduction de peine qui peut justifier la décharge des
frais d'appel, ne donne pas lieu à u allègement de frais de première instance, dès lors que tous
las faits libellés à la citation sont retenus aux deux degrés de juridiction.

Lorsque plusieurs co-prévenus interjettent appel de la décision de condamnation et que


certains d'entre eux sont acquittés par le juge d'appel, ceux qui restent n'auront pas à supporter
la totalité des frais d'appel2583.

III. Frais à charge de la partie civile

Il convient de distinguer le cas où la partie civile est partie citante par voie de citation
directe (1) et celui où la partie civile est intervenante (2).

1. En cas de citation directe de la partie civile

En faisant une citation directe, la partie civile prend toute la responsabilité de l'action; il est
dès lors normal qu'en cas d'échec de son action, elle supporte la totalité des frais. A cet égard,
l'article 82 alinéa 2 du Code de procédure pénale prévoit: "Toutefois si l'action publique a été
mue par voie de citation directe, la partie civile sera condamnée à tous les frais".

La partie civile qui succombe peut être condamnée à tout ou partie des frais envers l'Etat et
le prévenu; cette condamnation est cependant obligatoire et doit viser les frais lorsque la
partie civile succombe, en cas de citation directe. Ainsi, si la partie civile succombe et qu'elle
a déclenché elle-même l'action publique par voie de citation directe, la partie civile, doit en
cas d'échec, être condamnée aux frais de l'action publique envers l'Etat et envers le prévenu.

La logique commande que si le tribunal a retenu seulement une partie des faits, ou s'il les a
retenus seulement à la charge d'une partie des prévenus, une répartition des frais se fasse entre
la partie citante et les condamnés.

S'il y a partie civile en cause, celle-ci supporte dans l'un et l'autre cas la totalité ou la moitié
des frais d'appel selon que la partie civile est la partie citante ou s'est constituée en se joignant
à l'action du ministère public, sauf si les dommages intérêts qu'elle avait obtenus sont
majorés2584. Il n'en sera autrement que (quel que soit le sort de l'action publique) dans le cas
où la partie civile aura formé appel principal ou incident auquel la juridiction d'appel aura fait

2583
A. LORENT, " Les frais de justice répressive", Revue de droit pénal et criminologie, 1983, pp. 630-634.
2584
Articles 82 alinéa 2 et 108 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
906

droit en majorant les dommages et intérêts alloués au premier degré2585. Si le premier juge a
pleinement fait droit aux demandes de la partie civile, celle-ci doit assister passivement au
recours d'appel avec le risque d'en supporter les frais.

La partie civile qui se sera désistée dans les vingt-quatre heures, soit de la citation directe,
soit de sa constitution, ne sera pas tenue des frais postérieurs au désistement, sans préjudice
des dommages-intérêts au prévenu, s'il y a lieu2586.

La partie qui succombe ne peut être obligée de supporter la charge des frais inutiles: ceux-
ci doivent être délaissés à la partie qui les exposés; ainsi, lorsque la partie civile a déclaré se
pourvoir en cassation contre le prévenu, mais non contre le ministère public, et qu'elle a
néanmoins notifié son pourvoi à celui-ci, les frais de cette notification doivent être laissés à sa
charge, même si le pourvoi en cassation est accueilli; il en est de même lorsque le prévenu a
fait notifier son pourvoi en cassation à la partie civile, les frais de cette notification doivent
être laissés à sa charge, même si son pourvoi en cassation est accueilli; ainsi également,
lorsqu'il ressort du rapport d'expertise que la partie civile a réclamé à la légère la désignation
d'un expert2587.

2. La partie civile se joint à l'action du ministère public

Si la partie civile s'est constituée après la saisine de la juridiction du jugement (alors que
l'action était déjà mise en mouvement par le ministère public), elle sera condamnée à la moitié
des frais et l'autre moitié à charge du Trésor2588. Cela se justifie par le fait que c'est le
ministère public qui a pris la responsabilité des poursuites, la partie civile ne faisant que se
joindre à l'action du parquet.

Le professeur Antoine Rubbens pense qu'indépendamment de l'issue du procès, la partie


civile peut être condamnée à la totalité des frais frustratoires qu'elle aurait provoqués, au
même titre que les frais frustratoires exposés par le prévenu2589.

La partie civile qui se sera désistée dans les vingt-quatre heures, soit de la citation directe,
soit de sa constitution, ne sera pas tenue des frais postérieurs au désistement, sans préjudice
des dommages-intérêts au prévenu, s'il y a lieu2590.

2585
Article 108 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
2586
Article 82 in fine du Code de procédure pénale.
2587
A. LORENT, " Les frais de justice répressive", Revue de droit pénal et criminologie, 1983, p. 637.
2588
Article 82 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
2589
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa et Bruxelles, éd. Université Lovanium et Maison Ferd. Larcier, 1965, n° 304, p. 330.
2590
Article 82 in fine du Code de procédure pénale.
907

IV. Frais à charge de la partie civilement responsable

Tout jugement de condamnation rendu contre le prévenu et contre les personnes civilement
responsables les condamneront aux frais avancés par le Trésor et à ceux exposés par la partie
civile2591. Ainsi la partie civilement responsable est normalement tenue des frais mis à charge
d'un prévenu avec lequel elle a des liens juridiques entraînant la responsabilité civile.

V. Frais mis à charge du Trésor

Les frais étant normalement avancés par le Trésor dans une instruction préparatoire ou dans
une instance pénale, la solution qui s'impose en cas d'acquittement total ou partiel est de
laisser les frais en tout ou pour partie à charge du Trésor. Il arrive cependant que le greffier ait
exigé une provision en vue de l'exécution de certains devoirs en mettant les frais à charge du
Trésor, le tribunal autorise le remboursement des provisions.

Lorsque le prévenu a exposé de ses derniers propres des frais utiles à la cause, il peut, en
principe en être remboursé s'il est acquitté mais les honoraires d'avocat ne peuvent entrer en
compte des dépens d'une instance, non plus que les frais de déplacement d'un prévenu libre en
vue de répondre à une citation; seuls les frais et dépens tarifiés ou taxables suivant l'article
126 du Code de procédure pénale sont susceptibles d'être mis à la charge du Trésor.

VI. Recouvrement des frais et consignation

L'état des frais établi par le greffier et visé par le juge constitue une titre exécutoire. L'état
des frais est dressé par le greffier. S'il y a partie civile, cet état indique les frais à retenir sur
les sommes consignées par elle et ceux à percevoir directement contre le condamné. L'état des
frais est vérifié et visé par le juge. En cas d'appel, l'état des frais est dressé par le greffier de la
juridiction d'appel et visé par le président de cette juridiction2592.

Avant d'engager quelques frais que ce soient pour une partie, le greffier doit demander
consignation des sommes qu'il estime nécessaires pour couvrir ces frais. Le défaut de
consignation des provisions requises constitue une fin de non procéder pour tout acte postulé
par une partie, et une fin de non recevoir pour les déclarations d'opposition et d'appel des
parties et civilement responsables.

Si la partie qui doit consigner les frais est indigente, ceux-ci sont avancés en tout ou en
partie, par le Trésor. L'indigence est constatée par le juge ou par le président de la juridiction
devant laquelle l'action est ou doit être intentée; ce magistrat détermine les limites dans
lesquelles les frais sont avancés par le Trésor2593.

2591
Article 81 du Code de procédure pénale.
2592
Article 125 du Code de procédure pénale.
2593
Article 123 du Code de procédure pénale.
908

Lors même que la partie civile ne succomberait pas, les frais seront retenus par le greffier
sur les sommes par elle consignées, sauf son droit d'en poursuivre le recouvrement contre le
condamné2594. Cela signifie que le greffier peut retenir les frais mis à charge du condamné sur
les consignations de la partie civile, sauf à lui délivrer le titre exécutoire.

Toutefois, si la partie civile n'a été que partie jointe, les seuls frais qui sont retenus par le
greffier sont ceux des actes faits à sa requête2595. Cela signifie que les frais mis à charge du
condamné ne pourront toutefois être imputés sur la consignation de la partie civile jointe que
dans la mesure où ils ont été engagés à sa requête.

§ 2. Mode d'exécution de frais de justice

L'état des frais est dressé par le greffier. S'il y a partie civile, cet état indique les frais à
retenir sur les sommes consignées par elle et ceux à percevoir directement contre le
condamné. L'état des frais est vérifié et visé par le juge. En cas d'appel, l'état des frais est
dressé par le greffier de la juridiction d'appel et visé par le président de cette juridiction2596.

L'opposition et l'appel de la partie civilement responsable des dommages intérêts, de même


que l'action, l'opposition et l'appel de la partie civile ne sont recevables que si ces parties ont
consigné entre les mains du greffier la somme prévue au premier degré et au degré d'appel. En
cas de contestation sur le montant de la somme réclamée par le greffier, le président de la
juridiction décide. Les suppléments à parfaire dans le cours de la procédure sont appréciés par
le juge et consignés comme il est dit à l'alinéa 1er, à défaut de quoi, il ne sera procédé à aucun
acte nouveau de procédure à la requête de ces parties2597.

Si la partie qui doit consigner les frais est indigente, ceux-ci sont avancés en tout ou en
partie, par le Trésor. L'indigence est constatée par le juge ou par le président de la juridiction
devant laquelle l'action est ou doit être intentée; ce magistrat détermine les limites dans
lesquelles les frais sont avancés par le Trésor2598.

Lors même que la partie civile ne succomberait pas, les frais seront retenus par le greffier
sur les sommes par elle consignées, sauf son droit d'en poursuivre le recouvrement contre le
condamné. Toutefois, si la partie civile n'a été que partie jointe, les seuls frais qui sont retenus
par le greffier sont ceux des actes faits à sa requête2599.

2594
Article 124 alinéa 1er du Code de procédure pénale.
2595
Article 124 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
2596
Article 125 du Code de procédure pénale.
2597
Article 122 du Code de procédure pénale.
2598
Article 123 du Code de procédure pénale.
2599
Article 124 du Code de procédure pénale.
909

SECTION 2: LES DROITS PROPORTIONNELS

§ 1. Notions

Par droits proportionnels, il faut entendre dans un langage simple, l'impôt (taxe) de la
valeur de ce qu'on doit percevoir dans un jugement. Les droits proportionnels constituent un
impôt dû sur la circulation (juridique) des biens mobiliers par l'effet d'une décision de justice.
Lorsqu'un jugement répressif alloue des sommes à titre de dommages et intérêts, la créance
fiscale naît par le seul fait du prononcé (droits dus sur minute). L’Etat a, pour le
recouvrement des amendes et des frais de justice en matière pénale, un privilège sur tous les
biens meubles du condamné. L’Etat a également, pour le recouvrement des amendes et des
frais de justice en matière pénale, une hypothèque légale sur tous les biens immeubles du
condamné. Cette hypothèque ne produit d’effets que si elle est inscrite. L’inscription doit être
prise, sous peine de déchéance, dans le délai de six mois à compter de la date à laquelle la
condamnation est devenue définitive. Elle est requise par le greffier chargé du recouvrement
de l’amende et des frais. L’hypothèque prend rang le jour de son inscription2600.

§ 2. Mode d'exécution droits proportionnels

I. Calcul de l'impôt

La base est la somme allouée ou la valeur (exprimée en argent) de la chose allouée. Le taux
est de 6 % pour les jugements rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire. En effet, il est
dû un droit proportionnel de 6 % sur toute somme ou la leur mobilière allouée à titre de
dommages-intérêts par un jugement passé en force de chose jugée. Les intérêts moratoires
échus au jour de la décision sont joints au principal pour le calcul de ce droit2601. Le droit
proportionnel n'est jamais compté sur une restitution ni sur un autre mode de réparation qui ne
serait pas attributif d'une valeur mobilière.

Si le montant des valeurs adjugées n'est pas déterminé dans le jugement, il est fixé par le
greffier chargé de percevoir le droit, sous réserve, pour la partie tenue d'acquitter ou de
supporter celui-ci, d'assigner le greffier en justice aux fins d'entendre réviser l'évaluation faite
par lui. L'action n'est recevable qu'après la liquidation du droit. Elle est introduite, instruite et
jugée comme en matière civile. Les frais de l'instance sont à la charge de la partie
succombant; ils sont tarifés comme en matière civile. Le jugement est susceptible des mêmes
recours, dans les mêmes conditions et sous les mêmes formes que ceux prononcés en matière
civile2602.

2600
Article 1 er et 2 de l'ordonnance-loi n° 71/089 du 20 septembre 1971 accordant à l'Etat pour les amendes et
des frais de recouvrement des amendes et des frais de justice en matière pénale, un privilège général sur
les biens meubles du condamné et une hypothèque légale sur ses biens immeubles, JORZ, 1 er février
1973, n° 3, p. 165.
2601
Article 129 du Code de procédure pénale.
2602
Article 130 du Code de procédure pénale.
910

De manière simple, si les valeurs adjugées ne sont pas exprimées en une somme d'argent, le
greffier les évalue; le redevable qui estime l'évaluation excessive peut assigner le greffier en
remboursement du trop perçu après avoir acquitté le droit.

En cas de réformation du jugement réduisant ou supprimant l'allocation des dommages et


intérêts, le droit proportionnel peut être répété à proportion de la décharge de condamnation.
Ce remboursement peut être opéré en vertu d'une décision administrative sur simple
présentation du jugement réformé au qui a perçu. Si les dommages et intérêts sont majorés à
la suite d'un recours, le supplément de droits est dû sur la différence.

II. Le redevable du droit proportionnel

Le droit établi en vertu des droits proportionnels est dû sur la minute du jugement. Il ne
donne pas lieu à consignation. C'est la partie condamnée aux dommages et intérêts qui est
condamnée à payer le droit suivant les règles de la procédure pénale. Ainsi, le droit est dû par
la personne condamnée aux dommages-intérêts; il est payé entre les mains du greffier dans le
mois qui suit la date où la condamnation civile est passée en force de chose jugée, par la
personne condamnée ou par la personne déclarée civilement responsable. À leur défaut, le
droit est payé par la personne au profit de qui la condamnation a été prononcée, sauf le droit
pour elle d'en poursuivre le recouvrement contre la personne qui doit le supporter2603.

Si le condamné est nécessairement le débiteur principal et final du droit proportionnel dû


sur les sommes allouées au titre des dommages et intérêts, il n'est cependant pas le seul
redevable. La partie civilement responsable condamnée à payer des dommages et intérêts à la
décharge du condamné principal sera tenue également au paiement des droits proportionnels
(sauf recours contre le condamné principal). Le bénéficiaire des dommages et intérêts peut
également être tenu du paiement aux droits proportionnels sur les sommes qui lui sont alloués
quitte à en poursuivre le recouvrement contre le condamné2604.

En fait le greffier s'abstient de réclamer le paiement des droits proportionnels à la partie


civile qui en est bénéficiaire, sauf s'il appert que la partie civile a touché les dommages et
intérêts par un paiement volontaire ou si la partie civile veut lever la grosse ou l'expédition
alors que les droits proportionnels ne sont pas couverts2605.

Le juge peut cependant autoriser la délivrance de la grosse ou de l'expédition en débet en


faveur des indigents. Ainsi, en cas d'indigence constatée par le juge ou par le président de la
juridiction qui a rendu le jugement, la grosse, une expédition, un extrait ou une copie peut être
délivrée en débet. Mention de la délivrance en débet est faite au pied du document délivré.

2603
Article 132 du Code de procédure pénale.
2604
Article 132 du Code de procédure pénale.
2605
Article 134 du Code de procédure pénale.
911

Dans le même cas, le paiement préalable du droit proportionnel n'est pas une condition de la
délivrance de la grosse, d'une expédition, d'un extrait ou d'une copie du jugement2606.

Le bénéficiaire de l'allocation d'office n'est jamais tenu à débourser les droits, la tutelle du
ministère public s'étendant à l'exécution des condamnations prononcées à ce titre. A titre de
rappel l'article 109 du Code de procédure pénale prévoit que l'exécution est poursuivie par le
Ministère public en ce qui concerne la peine de mort, la peine de servitude pénale, les
dommages-intérêts prononcés d'office et la contrainte par corps; par la partie civile, en ce qui
concerne les condamnations prononcées à sa requête; par le greffier, en ce qui concerne le
recouvrement des amendes, des frais et du droit proportionnel.

III. Le titre exécutoire de la créance du droit proportionnel

Bien que le droit proportionnel soit un impôt quant à sa nature, le titre exécutoire est délivré
par le président de la juridiction qui a rendu le jugement, et non par un agent du fisc. A cet
égard, l'article 133 du Code de procédure pénale prévoit que les poursuites en recouvrement
du droit proportionnel sont exercées en vertu d'un exécutoire, délivré par le juge ou par le
président de la juridiction qui a rendu le jugement donnant lieu à la perception du droit, après
un commandement resté infructueux, de payer dans les trois jours, sans préjudice aux saisies
conservatoires à opérer dès le jour de l'exigibilité du droit, avec l'autorisation du juge. Ce
jugement doit donner lieu à la perception du droit, après un commandement2607 resté
infructueux, de payer dans les trois jours, sans préjudice aux saisies conservatoires à opérer
dès le jour de l'exigibilité du droit, avec l'autorisation du juge2608.

Sauf dans le cas d'indigence, le greffier ne peut délivrer, si ce n'est au ministère public,
grosse2609, expédition2610, extrait2611 ou copie d'une décision portant condamnation à des
dommages-intérêts avant que le droit proportionnel n'ait été payé, même si au moment où le
document est demandé, la condamnation n'a pas encore acquis force de chose jugée. Si, sur
opposition ou appel, le jugement sur lequel le droit proportionnel aurait été perçu est réformé,
celui-ci est restitué en tout ou en partie, ou le supplément est perçu, selon les cas. La
restitution ne peut avoir lieu que lorsque la nouvelle décision a acquis force de chose jugée.
L'action en restitution se prescrit par un délai de deux ans, à compter de ce moment2612.

En cas d'indigence constatée par le juge ou par le président de la juridiction qui a rendu le
jugement, la grosse, une expédition, un extrait ou une copie peut être délivrée en débet.

2606
Article 135 du Code de procédure pénale.
2607
C'est l'exploit d'huissier dans lequel on signifie la partie qui a été condamnée par un jugement à exécuter
volontairement sous peine de saisie. Il est suivi parfois de littératif (renouvellement) commandement qui
est le denier avertissement avant de procéder à la vente.
2608
Article 133 du Code de procédure pénale.
2609
C'est une expédition régulière du jugement ou de l'acte revêtue de la forme exécutoire. C'est elle qui
comporte le droit, pour la partie bénéficiaire d'une décision de justice, d'obtenir exécution.
2610
C'est la partie littérale d'un acte ou d'un jugement, délivrée avec certification de la conformité à la minute.
2611
C'est la partie d'un jugement copiée sur la minute ou l'original et délivrée par le dépositaire (greffier) lequel,
lui confère pour la partie reproduite la même valeur probante que l'original.
2612
Article 134 du Code de procédure pénale.
912

Mention de la délivrance en débet est faite au pied du document délivré. Dans le même cas, le
paiement préalable du droit proportionnel n'est pas une condition de la délivrance de la
grosse, d'une expédition, d'un extrait ou d'une copie du jugement2613.

La débition du droit proportionnel ne fait pas l'objet d'une condamnation (voir les frais de
justice) et ne peut dès los jamais être exigée par contrainte par corps; elle doit être exécutée
sur les biens, à défaut de paiement dans le délai légal et après commandement.

SECTION 3: IDEES ESSENTIELLES A RETENIR SUR


LES FRAIS ET DROITS PROPORTIONNELS

En synthèse, le mode d'exécution des frais et droits proportionnels se résume comme suit: si
le tribunal détient les consignations des parties, il retient les frais et droits sur ces sommes. Et
s’il n’a pas les consignations suffisantes, il peut exécuter les condamnations sur les biens. Et
pour ce qui concerne les frais, il peut, (si le jugement le prévoit) demander au ministère public
l’exécution de la contrainte par corps2614.

2613
Article 135 du Code de procédure pénale.
2614
A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais. Tome III. L'instruction criminelle et la procédure pénale,
Kinshasa et Bruxelles, éd. Université Lovanium et Maison Ferd. Larcier, 1965, n° 319, p. 343.
913

CHAPITRE X: LE CASIER JUDICIAIRE

SECTION 1: NOTIONS ET DEFINITION

Le casier judiciaire n'est pas une peine mais c'est institution qui contient la base des
données dans laquelle on y enregistre toutes les condamnations qui ont été prononcées en
matière pénale. Il peut se définir comme étant un système de traitement automatisé tenu sous
l'autorité du ministère de la Justice, qui assure l'enregistrement, la conservation et la
modification des données concernant les décisions rendues en matière pénale. Cette institution
est ancienne même si elle n'est pas réglementée en RDC.

En vertu du cette définition, le casier judiciaire est défini comme étant un fichier
informatique auquel plusieurs catégories de personnes peuvent accéder directement,
moyennant le respect de certaines conditions. Dans le souci d'individualisation de la peine,
chaque dossier répressif doit comporter, outre un extrait du casier judiciaire de la personne
poursuivie, un bulletin de renseignement rempli par les autorités communales du domicile du
prévenu.

SECTION 2: FINALITE

En pratique, le casier judiciaire central a pour finalité principale la communication des


renseignements qu'il contient:
- aux autorités chargées des missions judiciaires en matière pénale;
- aux autorités administratives, afin d'assurer l'application des dispositions légales ou
réglementaires nécessitant la connaissance du passé judiciaire des personnes concernées par
des mesures administratives;
- aux particuliers, lorsqu'ils sont invités à produire un extrait de casier judiciaire;
- aux autorités étrangères, dans les cas prévus par les conventions internationales.

Ces informations contenues dans le casier judiciaire central sont en outre servi de base à
des statistiques établies et diffusées à l'initiative du ministre de la Justice.

SECTION 3: CONTENU ET ALIMENTATION DU CASIER JUDICIAIRE

§ 1. Contenu du casier judiciaire

Un certain nombre d'informations devraient, pour chaque personne, être enregistrées au


casier judiciaire dont:
- les condamnations à une peine pénale;
914

- les décisions prononçant la révocation du sursis;


- les arrêts d'annulation du pourvoi en cassation;
- les décisions de rétractation rendues à la suite de l'arrêt de la Cour constitutionnelle
déclarant inconstitutionnelle une loi ou une norme juridique;
- les arrêts de réhabilitation;
- les décisions interprétatives ou rectificatives;
- les ordonnances de grâce et les lois d'amnistie;
- les arrêtés d'octroi ou de révocation de la libération conditionnelle;
- les décisions rendues en matière pénale par les juridictions étrangères à charge de congolais,
qui sont notifiés au gouvernement congolais en vertu de conventions internationales, ainsi que
les mesures d'amnistie, d'effacement de condamnation ou de réhabilitation prises par une
autorité étrangère, susceptible d'affecter des dernières décisions, qui sont portées à la
connaissance du gouvernement congolais.

Le casier judiciaire devrait enregistrer également les peines subsidiaires et accessoires et les
mesures de sûreté ainsi que sursis.

§ 2. Alimentation du casier judiciaire

Ce sont les greffiers de chaque juridiction qui devraient être chargés de la transmission des
décisions judiciaires au casier judiciaire provincial dans les quinze jours qui suivent celui où
elles sont passées en force de chose jugée et aussitôt reçue, le casier judiciaire provincial le
transmet au casier judiciaire central. Les greffiers devraient être responsables de la conformité
des informations transmises aux décisions rendues par les juridictions.

SECTION 4: ACCES A L'INFORMATION

Les administrations publiques devraient accéder partiellement aux données enregistrées


dans le casier judiciaire afin d'appliquer des dispositions nécessitant la connaissance des
antécédents judiciaires des personnes concernées par des mesures administratives.

De même, toute personne justifiant de son identité pourrait demander un extrait comportant
le relevé des informations enregistrées dans le casier judiciaire qui la concernent
personnellement. Un extrait de casier judiciaire ne pourrait en aucun cas être délivré à des
tiers. Afin d'éviter un encombrement des services du casier judiciaire central par des membres
d'accès émanant de particuliers, les extraits devraient être délivrés par l'administration de la
commune où la personne a son domicile ou sa résidence.
915

SEPTIEME PARTIE:
LA SUSPENSION ET L'EFFACEMENT
DE LA CONDAMNATION

CHAPITRE I :
LA SUSPENSION DE LA CONDAMNATION

SECTION 1 : LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE

Elle est prévue par les articles 35 à 41 du Code pénal congolais Livre II et les articles 91 à
105 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire.

§ 1. Définition

C’est une mise en liberté que l’administration pénitentiaire accorde au condamné, et qui
est destinée à stimuler l’amendement de ce dernier par la perspective d’une libération
définitive en cas de bonne conduite. Il convient de préciser que la demande d’octroi de la
libération conditionnelle est facultative en ce que, l’autorité compétente peut la refuser alors
que même toutes les conditions d’octroi sont réunies.

L’institution procède de l’idée selon laquelle le condamné peut s’améliorer rapidement


que le juge ne l’avait supposé et qu’il est inopportun de prolonger la détention alors qu’il
est réadapté. En effet, la libération conditionnelle, en même temps qu’elle évite
l’endurcissement criminel du condamné, tend à inciter ce dernier à bien se conduire en
prison dans l’espoir d’y demeurer moins longtemps et à l’encourager ensuite par la menace
de réincarnation qu’elle contient, à bien se conduire à l’extérieur pendant la période
d’épreuve.

§ 2. Conditions

Ces conditions sont précisées à l’article 35 du Code pénal congolais Livre I :

- Il faut que le condamné à une peine comportant privation de liberté ait exécuté une partie de
la peine : un quart (¼) de la peine, et à condition que la durée de l’incarcération déjà subie
dépasse 3 mois ;
- Il faut que le détenu donne des signes d’amendement et de bonne conduite La libération
conditionnelle n'est accordée qu'aux condamnés qui ont fait preuve d'amendement.
L'administration, pour apprécier si un condamné qui a fait preuve d'amendement peut être
libéré conditionnellement, tient compte de ses antécédents, des causes de la condamnation
916

qu'il a encourue, de ses dispositions morales et des moyens d'existence dont il disposera à sa
sortie de prison2615.
- Il faut le condamné accepte les conditions posées par l’administration pénitentiaire.

§ 3. Procédure

Le condamné doit adresser une demande au ministre de la Justice qui est l'autorité de
décision pour les condamnés par les juridictions civiles, ou le ministre de la défense nationale
pour les condamnés par les juridictions militaires, selon le cas. Le ministre de la justice selon
le cas, doit obtenir des autorités de consultation qui sont le ministère public, le directeur de la
prison, le Gouverneur de province ou son délégué et le Chef de division provincial qui a
l’inspection des services pénitentiaires dans ses attributions.

Ainsi, dans les quinze jours suivant la mise en exécution d'une ou de plusieurs
condamnations comportant une incarcération totale de plus de trois mois, le ministère public
qui aura exercé les poursuites transmettra au gardien une notice relatant les antécédents du
condamné et contenant une appréciation de sa moralité. Le gardien tiendra pour chaque
condamné devant subir une incarcération de plus de trois mois, une feuille de renseignements,
indiquant:
1 ° les antécédents du condamné et l'appréciation de sa moralité sur la base de la notice visée
ci-dessus;
2° les observations faites par le personnel de la prison ou du camp de détention sur la
conduite, le caractère et les dispositions morales du condamné;
3° tous les autres renseignements complémentaires concernant la situation du condamné, ses
moyens d'existence, ses relations avec sa famille et les ressources de celle-ci, que le gardien
pourra recueillir en se mettant en rapport, le cas échéant, avec les autorités locales2616.

Dans les dix premiers jours de chaque mois, le gardien réunit sous sa présidence, une
commission composée de son adjoint, des surveillants, des instructeurs et du médecin ou
infirmier de l'établissement, en vue d'examiner les titres à la libération conditionnelle des
détenus se trouvant dans les conditions requises pour l'obtenir. La commission formule, sur
des états individuels, les propositions de libération conditionnelle en faveur des détenus
qu'elle en juge dignes par leurs dispositions morales et la situation dans laquelle ils se
trouveront à leur libération. En dehors des conditions légales imposées quant à la durée de
l'incarcération, la commission n'a à tenir compte que du degré d'amendement et des chances
de reclassement du détenu. La gravité ou la nature des faits qui ont motivé la condamnation ne
doivent être envisagées par elle qu'au seul point de vue des probabilités d'amendement. Le
gardien adresse immédiatement à l'inspecteur territorialement compétent chargé de la

2615
Article 91 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2616
Articles 92 et 93 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur
congolais, 1965, p. 813.
917

direction de la section d'inspection des services pénitentiaires, les propositions formulées par
la commission. Il y annexe la feuille de renseignements relatifs à chacun des condamnés. Sauf
si la prison ou le camp de détention est situé dans la ville de Kinshasa, l'inspecteur transmet
dans le plus bref délai, les propositions au gouverneur de province en y joignant ses avis
motivés. Le gouverneur de province ou son délégué retransmet à l'inspecteur, dans le plus bref
délai, les propositions accompagnées de ses avis motivés. L'inspecteur transmet
immédiatement le dossier à l'officier du ministère public près le tribunal ou la cour qui a
prononcé la condamnation. L'officier du ministère public transmet, dans le plus bref délai, les
propositions au ministre de la Justice du gouvernement central en y joignant ses
observations2617.

Le ministre de la Justice peut prendre lui-même l'initiative d'une proposition de libération


conditionnelle en faveur d'un détenu. À cet effet, il invite, à l'intervention du ministère public
la commission susvisée, à formuler ses avis. Ceux-ci lui sont transmis conformément aux
dispositions prévues par l'ordonnance n°44 du17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire.
Toutefois, si le détenu ne se trouve pas à ce moment dans toutes les conditions requises au
point de vue de la durée de l'incarcération, la commission ajourne d'office l'envoi de ses avis
et le gardien en informe le ministre2618.

L'arrêté ministériel qui ordonne la mise en liberté énonce les conditions spéciales que le
libéré aura à observer, indépendamment de la condition générale que l'article 36 du Code
pénal établit en disposant que la mise en liberté peut toujours être révoquée pour cause
d'inconduite. La nature et l'objet de ces conditions spéciales dépendront des circonstances
particulières dans lesquelles le condamné se trouve et des causes de la condamnation. Il
pourra être interdit au condamné de paraître dans telle ou telle localité et une résidence fixe
pourra même lui être assignée2619.

Dès qu'il aura reçu une ampliation de l'arrêté de libération, le gardien donnera lecture de
celui-ci à l'intéressé. Le gardien attirera spécialement l'attention de l'intéressé sur les
conditions qu'il aura à observer; il l'invitera à déclarer qu'il accepte ces conditions et, si une
résidence ne lui est pas assignée, à faire connaître le lieu où il compte résider. Le tout fera
l'objet d'un procès-verbal signé par le gardien et par l'intéressé; au cas où ce dernier ne
pourrait signer, il en sera fait mention au procès-verbal2620.

Lorsque l'intéressé aura déclaré accepter la libération conditionnelle et fait connaître, s'il
échet, le lieu où il compte se fixer à sa sortie de prison, il lui sera délivré, au moment de sa
mise en liberté, un permis de libération qu'il sera tenu de représenter à toute réquisition des
2617
Article 94 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2618
Article 95 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2619
Article 96 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2620
Article 97 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
918

autorités administratives ou judiciaires. Avis de la mise en liberté sera immédiatement


transmis au bourgmestre ou au chef de la circonscription administrative territoriale du lieu
désigné par le libéré ou assigné à celui-ci pour sa résidence2621.

Le permis de libération aura la forme d'un livret. Il mentionnera l'identité du libéré, la


peine par lui encourue et les causes de la condamnation, la durée de l'incarcération subie et la
date à laquelle la libération définitive sera éventuellement acquise. En outre, il contiendra une
ampliation de l'arrêté de libération et du procès-verbal signé par le gardien de la prison2622.

Dans les vingt-quatre heures de son arrivée au lieu de sa résidence, le libéré fera viser son
permis par le bourgmestre ou le chef de la circonscription administrative territoriale, selon le
cas. En cas de changement de résidence, le libéré fera viser son permis par le bourgmestre ou
le chef de la circonscription administrative territoriale du lieu qu'il quittera et, dans les vingt-
quatre heures, par le bourgmestre ou le chef de la circonscription administrative territoriale du
lieu où il ira habiter. Avis de la présence du libéré sera immédiatement transmis à l'inspecteur
chargé de la direction de la section d'inspection des services pénitentiaires du lieu où la prison
ou le camp de détention où le condamné a été incarcéré est établi, et au procureur de la
République du ressort par le bourgmestre ou par le chef de la circonscription administrative
territoriale du lieu où le libéré viendra résider2623.

La mise en liberté peut toujours être révoquée pour cause d'inconduite ou pour infraction
aux conditions énoncées dans l'arrêté de libération. La révocation est prononcée par le
ministre de la Justice après avis du procureur de la République près le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel se trouve le condamné. L'arrestation provisoire du libéré
conditionnel peut être ordonnée par le procureur de la République près le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel il se trouve. Le libéré conditionnel ainsi mis en état
d'arrestation sera relaxé sur l'ordre du ministre de la Justice si celui-ci ne croit pas avoir à
prononcer la révocation de la mise en liberté. Avis en sera immédiatement donné au procureur
de la République2624.

De même, les vagabonds et mendiants qui, au cours de leur internement, auront fait preuve
d'amendement, pourront être mis en liberté. La mise en liberté est arrêtée par le ministre de la
Justice. La situation des vagabonds et mendiants est revue au moins tous les trois mois. Les
gardiens sont tenus de proposer la libération des internés dont le reclassement paraît
possible2625.

2621
Article 98 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2622
Article 99 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur congolais,
1965, p. 813.
2623
Articles 100 et 101 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur
congolais, 1965, p. 813.
2624
Articles 102 et 103 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur
congolais, 1965, p. 813.
2625
Articles 104 et 105 de l'ordonnance n° 44 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire, Moniteur
congolais, 1965, p. 813.
919

§ 4. Temps d’épreuve

L’article 37 du Code pénal congolais Livre I fixe la durée du temps d’épreuve : la


libération est acquise au condamné si la révocation n’est pas intervenue avant l’expiration
d’un délai égal au double du terme d’incarcération que celui-ci avait encore à subir à la date à
laquelle la mise en liberté lui été accordée.

§ 5. Les effets de la libération conditionnelle

Si le libéré conditionnel se comporte bien et respecte les conditions imposées par


l’Administration, il verra sa libération confirmée à l’issue du temps d’épreuve (article 37 du
Code pénal). Si par contre, pendant ce temps, il commet des actes d’inconduite (ivresse,
débauche, mauvaises fréquentations, etc.) ou de manquements aux conditions énoncées dans
le permis de libération, celle-ci pourra être révoquée (article 36 du Code pénal), sur avis du
parquet. Dans ce cas, le libéré conditionnel regagnera la prison et exécutera le restant de la
peine.
920

CHAPITRE II:
L'EFFACEMENT DE LA CONDAMNATION

SECTION 1: LA RÉHABILITATION

§ 1. Définition

Elle est réglementée par le décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés.
La réhabilitation est une mesure prise par l’autorité judiciaire à la demande du condamné, en
vue de remettre celui-ci dans la situation légale et, si possible, sociale qu’il a perdue suite à
une juste condamnation.

§ 2. Conditions

Ces conditions sont prévues à l'article 1er du décret du 21 juin 1937 relatif à la
réhabilitation des condamnés:
- La peine doit avoir été exécutée, remise en vertu du droit de grâce, ou être comme non
avenue par suite du sursis. Il en résulte que la prescription d'une peine (par exemple d'un
prévenu en fuite) barre la route de la réhabilitation ;

- Le requérant doit s’être acquitté des restitutions, dommages et intérêts et frais auxquels il
avait été condamné. Normalement le condamné se libère en exécutant le jugement, mais une
remise de la dette par le créancier des restitutions ou des dommages et intérêts ou la prise ne
charge des frais par un tiers permet la réhabilitation. Pour les banqueroutiers, la réhabilitation
n'est possible que s'il est libéré du passif de la faillite; la Cour peut cependant passer outre ou
fixer le quota à rembourser avant d'accorder la réhabilitation. En cas d’indigence ou de force
majeure; la Cour peut dispenser le requérant de la totalité ou d’une partie de ces obligations,
sans que toutefois préjudice ne soit porté aux droits des créanciers ;

- 5 ans doivent s’être écoulés depuis l’extinction de la peine (fin de peine, grâce) ou depuis la
condamnation conditionnelle (permis de libération). S'il n'y a pas eu de peine privative de
liberté (ou s'il y a eu sursis), le délai court depuis la condamnation ;

- Pendant ce délai, le condamné doit avoir fait preuve de bonne conduite et avoir une
résidence certaine. La résidence certaine exclut le vagabondage pendant cette période;

- Le condamné doit n’avoir jamais bénéficié auparavant d’une mesure de réhabilitation. La


réhabilitation peut toutefois couvrir plusieurs condamnations distinctes; elle suppose
cependant une conversion et la loi ne fait plus confiance à celui qui, après avoir redressé sa
conduite, retombe à nouveau dans les désordres.
921

§ 3. Juridiction compétence

C'est la Cour d'appel du ressort de la quelle la condamnation a été prononcée qui est
compétente. Si la réhabilitation intéresse des condamnations subies dans différents ressorts,
c'est le ressort du tribunal qui a prononcé la dernière condamnation qui détermine la
compétence.

§ 4. Procédure

Elle est prévue par les articles 2 à 10 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation
des condamnés. Le condamné adresse sa demande (requête) en réhabilitation au Procureur
général près la Cour d'appel qui, à l'époque de la requête, a dans son ressort la localité où la
condamnation a été prononcée. Si l'impétrant a été condamné par plusieurs juridictions, le lieu
de la dernière condamnation détermine la Cour à laquelle la demande doit être adressée. Il fait
connaître dans sa demande la date de la ou des condamnations et les lieux où il a résidé depuis
lors.
II y joint:
1 ° un extrait de son casier judiciaire;
2° les attestations des autorités faisant connaître l'époque et la durée de sa résidence dans
chaque lieu, sa conduite et ses moyens d'existence pendant le même temps. Ces attestations
doivent contenir la mention expresse qu'elles ont été rédigées en vue de la demande de
réhabilitation2626.

Le Procureur général près la Cour d'appel joint au dossier, en même temps que les données
de toutes informations qu'il aura jugées nécessaires:
1 ° une expédition de l'arrêt ou du jugement de condamnation;
2° éventuellement, une copie de la fiche pénitentiaire du condamné, certifiée conforme par le
gardien de la prison2627.

Dans les six mois de la réception de la demande, le Procureur général près la Cour d'appel
soumet la procédure, avec ses réquisitions, à la Cour d'appel. Celle-ci fixe le jour pour
entendre le Procureur général et le condamné. Sur citation qui lui est donnée à la requête du
Procureur général, le condamné comparaît en personne ou par un fondé de procuration
spéciale dans les délais prévus par le Code de procédure pénale. Toutefois, la Cour peut
ordonner sa comparution personnelle. Il peut toujours être assisté d'un conseil2628.

La Cour peut, en raison des circonstances particulières de la cause et quant au temps


passé à l'étranger, décharger l'impétrant de produire les attestations des autorités faisant
connaître l'époque et la durée de sa résidence dans chaque lieu, sa conduite et ses moyens
d'existence pendant le même temps et exiger de lui tout élément de preuve en tenant lieu2629.

2626
Article 2 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2627
Article 3 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2628
Article 4 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2629
Article 4 bis du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
922

Si la Cour juge une enquête nécessaire, elle désigne les témoins et fixe le jour pour leur
audition. S'il s'agit d'informations ne requérant point la déposition de témoins, elle renvoie
l'affaire à une date ultérieure, en chargeant le Procureur général près la Cour d'appel de
compléter le dossier. Les témoins sont appelés à la diligence du Procureur général. Leur
comparution, leur audition et leurs indemnités sont réglées comme en matière pénale2630.

Si le condamné fait défaut sans justifier d'une excuse légitime, la Cour rejette sa demande.
S'il justifie d'une pareille excuse, la Cour passe outre après, le cas échéant, l'audition du
conseil, ou remet la cause. Si la Cour rejette la demande, celle-ci ne peut être renouvelée
avant l'expiration de deux années depuis la date de l'arrêt. Si la Cour prononce la
réhabilitation, elle ordonne qu'un extrait de l'arrêt soit, à la diligence du Procureur général
près la Cour d'appel, transcrit en marge des arrêts ou jugements définitifs prononcés à charge
du condamné. Le réhabilité peut, sans frais, se faire délivrer une expédition de l'arrêt de
réhabilitation2631.

Les frais de la procédure en réhabilitation sont à charge du Trésor lorsque la réhabilitation


est accordée. Ils sont réglés comme en matière pénale. Toutefois, si la Cour rejette la
demande, elle pourra mettre les frais en tout ou en partie à la charge du condamné2632. Cette
règle suppose que le requérant doit consigner une provision au greffe de la Cour d'appel avant
de pouvoir procéder; le condamné est assimilé au prévenu qui fait recours d'opposition ou
d'appel prévu à l'article 122 du Code de procédure pénale. Or, cet article prévoit que pour
faire opposition ou l'appel, le condamné doit consigner les frais au greffe de la juridiction qui
doit connaître de l'affaire.

§ 5. Effets

La réhabilitation fait cesser, pour l’avenir, dans la personne du condamné, tous les effets de
la condamnation, sans préjudice des droits acquis aux tiers2633. La condamnation ne figurera
plus au casier judiciaire, n’empêchera plus l’octroi du sursis et ne sera pas prise en
considération pour déterminer l’application des articles 14 b et d du Code pénal congolais
livre I er sur la récidive et la délinquance d’habitude.

2630
Article 5 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2631
Articles 6 et 7 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2632
Article 8 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
2633
Article 9 du décret du 21 juin 1937 relatif à la réhabilitation des condamnés, B.O., 1937, p. 357.
923

SECTION 2: LA GRÂCE

§ 1. Définition

C’est une mesure de clémence que le pouvoir exécutif prend en faveur d’un délinquant
définitivement condamné, et qui a pour effet de le soustraire à l’application d’une partie ou de
la totalité de la peine. La grâce ne peut porter que sur les peines, elle n'annule pas le jugement.
Historiquement, la grâce a toujours appartenu au Souverain. Elle fait partie des droits
régaliens.

§ 2. Procédure

La demande est adressée au Président de la République. Celui-ci sollicite l'avis du Conseil


supérieur de la magistrature2634. Si l'avis est positif, le Président de la République prend une
ordonnance accordant la grâce. Si l'avis du Conseil supérieur de la magistrature est négatif, le
Présidant de la République, peut refuser la grâce.

L’autorité compétente exerce le droit de grâce sans restrictions. Elle peut subordonner son
octroi à certaines conditions telles que le paiement des dommages et intérêts à la victime, la
bonne conduite de l’agent pendant un certain délai, l’accomplissement de certaines
obligations, comme la cure de désintoxication, l’abstention de fréquenter les débits de
boissons, etc.

Généralement, la grâce individuelle est sollicitée par une demande (requête) par le
condamné au Président de la République, par le canal de la hiérarchie du parquet qui y joint
ses avis et considérations. La demande en grâce n'est pas suspensif de l'exécution de la peine;
la peine de mort ne sera pas cependant exécutée avant le rejet de cette demande. Rien ne peut
empêcher des tiers, des assemblées, des personnes morales, des ONG ou des associations de
demander la grâce d'un condamné ou d'une catégorie de condamnés au Président de la
République.

La grâce est accordée voie d'ordonnance du Président de la République2635. En principe,


l'ordonnance doit être motivée et doit mentionner l'avis du conseil supérieur de la magistrature
en précisant que cet avis est conforme c'est-à-dire que le Président de la République a suivi le
même avis que le Conseil supérieur de la magistrature.

2634
Article 152 de la Constitution du 18 février 2006; article 17 alinéa 6 de la loi organique n° 08/013 du 05 août
2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, JORDC, n° spécial,
11 août 2008; article 2 du règlement intérieur du 13 juin 2009 du Conseil supérieur de la magistrature, in
JORDC, n° spécial, 15 juin 2009.
2635
Article 87 de la Constitution du 18 février 2006.
924

§ 3. Effets de la grâce

La grâce dispense de l’exécution de la peine prononcée par le juge, soit totalement par la
remise de la peine ou la commutation de celle-ci en une peine d’une nature plus douce, soit
partiellement en cas de simple réduction. Elle peut porter aussi bien sur les peines principales
que sur les peines complémentaires. La grâce laisse subsister la condamnation. Cela veut dire
que la peine dispensée, commuée ou réduite, reste inscrite au casier judiciaire, et peut être un
obstacle à l’octroi d’un sursis. Elle peut aussi constituer un des termes de la récidive ou de la
délinquance d’habitude (article 14 du Code pénal livre Ier). Elle peut être individuelle ou
collective.

§ 4. Critique de la grâce

On a parfois vu dans la grâce l’ingérence du pouvoir exécutif dans les affaires ne devant
relever que du pouvoir judiciaire.
925

HUITIEME PARTIE:
LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE

CHAPITRE I: L'EXTRADITION

SECTION 1: DÉFINITION

C’est une procédure internationale par laquelle un Etat (Etat requis) accepte de livrer un
individu se trouvant sur son territoire à un autre Etat qui en fait la demande (Etat requérant)
afin que celui-ci puisse le juger ou, s’il est déjà condamné, lui fasse purger la peine.
L’extradition se base juridiquement sur les traités que les Etats concluent entre eux afin de se
livrer mutuellement les délinquants les plus dangereux.

SECTION 2: CONDITIONS D’EXTRADITION

§ 1. L’Etat requérant

L’extradition est accordée sur demande de l’Etat requérant (c'est l'Etat qui fait la
demande). On admet généralement que trois Etats peuvent se présenter à ce titre : L’Etat sur
le territoire duquel l’infraction a été commise (territorialité), l’Etat est ressortissant le
délinquant (personnalité active) et l’Etat dont l’infraction a mis en cause les intérêts essentiels
(principe de réalité). L’Etat requérant ne peut demander l’extradition que si l’individu a déjà
fait l’objet des poursuites ou des condamnations par ses propres juridictions.

§ 2. L’Etat requis

La demande d’extradition est adressée à un Etat, appelé l’Etat requis. Celui-ci est le pays
où se trouve actuellement l’individu recherché.

§ 3. L’individu recherché

L’individu qui fait l’objet de la demande d’extradition doit être auteur, coauteur ou
complice d’une infraction consommée ou tentée que l’Etat requérant a compétence de
réprimer. Une opinion dominante admettait qu’on ne devrait pas extrader ses nationaux mais
actuellement avec l’évolution du droit international pénal, l’on admet qu’on peut extrader ses
nationaux si ceux-ci sont poursuivis pour des infractions internationales telles que notamment
les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.
926

§ 4. Les infractions extraditionnelles

La procédure d’extradition est tellement compliquée et coûteuse et c’est pourquoi, l’on ne


peut pas demander l’extradition pour toutes les infractions. Ainsi, ne donnent lieu à
l’extradition que les infractions présentant une certaine gravité comme les infractions
punissables de 6 mois de servitude pénale au moins. Il y a les des infractions qui sont exclues
de l’extradition : il s’agit des infractions purement militaires et les infractions politiques. Le
respect du principe de la non extradition du délinquant politique est un corollaire du droit
d’asile. Toutefois, face à la montée des périls et au terrorisme organisé, efficace, armé et
mettant sérieusement en danger les Etats démocratiques, l’on admet qu’on peut extrader les
coupables du terrorisme et les infractions pénales internationales.

§ 5. L’existence de traité

Pour que l’extradition soit réalisée entre deux Etats, il faut qu’il y ait traité ou Convention
d’extradition entre deux Etats. A cet effet, l'article 1 er du décret du 12 avril 1886 portant
dispositions organiques relatives à l'extradition prévoit que: le gouvernement livrera aux
gouvernements des pays étrangers, à charge de réciprocité, tout étranger accusé, poursuivi ou
condamné par les tribunaux desdits pays comme auteur ou complice, pour l'un des faits
commis sur leur territoire et énumérés à la convention d'extradition conclue avec ces pays. En
l'absence de convention d'extradition, ou s'il s'agit d'un fait non prévu par la convention
d'extradition, l'étranger ne sera livré qu'à la suite d'un accord particulier conclu de
gouvernement à gouvernement.

SECTION 3: PROCÉDURE D’EXTRADITION

La procédure d’extradition est un problème qui se pose essentiellement dans l’Etat


requis, l’Etat requérant se contentant de formuler sa demande par voie diplomatique. La
procédure que l’Etat requis utilise relève de son droit interne. En République démocratique du
Congo, c’est le gouvernement à qui revient le pouvoir d’extradition. Pour que l’extradition
soit accordée, l’Etat requérant doit produire les pièces justificatives nécessaires : jugement de
condamnation ou tout autre acte de procédure établissant les poursuites engagées contre la
personne recherchée.

C'est ainsi que l'extradition sera accordée sur la production du jugement de condamnation,
ou de l'acte de procédure criminelle, émané du juge compétent, décrétant formellement ou
opérant de plein droit le renvoi de l'accusé devant la juridiction répressive, délivré en original
ou en expédition authentique. Elle sera également accordée sur la production du mandat
927

d'arrêt ou de tout autre acte ayant la même force, délivré par l'autorité étrangère compétente
pourvu que ces actes renferment l'indication précise du fait pour lequel ils sont délivrés2636.

Le jugement, mandat ou autre acte équivalent produit à l'appui de la demande d'extradition


sera rendu exécutoire par le juge d'appel. Celui-ci désignera le magistrat, officier ou agent de
la force publique chargé de le mettre en exécution, ainsi que le lieu où l'étranger sera détenu
jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'extradition2637.

En cas d'urgence, l'étranger pourra être arrêté provisoirement sur avis, transmis par le
télégraphe, la poste ou par tout autre moyen, de l'existence d'un mandat d'arrêt ou d'un
jugement de condamnation, et émané de l'autorité judiciaire du lieu où l'infraction a été
commise. Au reçu de cet avis, le juge de première instance du lieu où l'étranger sera trouvé,
ou tout autre officier ou agent à ce qualifié par le ministre de la Justice, pourra donner mandat
d'arrêt provisoire contre l'inculpé. Dans ce cas, il avertira, sans délai, le ministre de la Justice,
de la délivrance de ce mandat. L'étranger ainsi arrêté sera mis en liberté si, dans le délai de
trois mois à partir du jour de l'arrestation, il n'a pas reçu communication d'un des documents
tels que le jugement de condamnation, ou de l'acte de procédure criminelle, le mandat d'arrêt
ou de tout autre acte ayant la même force2638.

Il sera statué sur les demandes d'extradition par le Ministre des affaires étrangères.
Néanmoins, il sera statué, par le ministre de la Justice, sur les demandes d'extradition qui
pourraient lui être adressées directement en vertu des conventions. Le ministre de la Justice en
référera, dans les cas difficiles, au Ministre des affaires étrangères, qui statuera. L'étranger
auquel notification sera donnée de l'acte sur lequel la demande est basée, pourra formuler un
mémoire de défense et se faire assister d'un conseil dans la rédaction de ce mémoire2639.

2636
Article 3 du décret du 12 avril 1886 portant dispositions organiques relatives à l'extradition, B.O., p.46; T.
KAVUNDJA MANENO (sous-direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés au 28
janvier 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 263.
2637
Article 4 du décret du 12 avril 1886 portant dispositions organiques relatives à l'extradition, B.O., p.46; T.
KAVUNDJA MANENO (sous-direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés au 28
janvier 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 263.
2638
Articles 3 et 5 du décret du 12 avril 1886 portant dispositions organiques relatives à l'extradition, B.O., p.46;
T. KAVUNDJA MANENO (sous-direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés au
28 janvier 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 263.
2639
Articles 6 du décret du 12 avril 1886 portant dispositions organiques relatives à l'extradition, B.O., p.46; T.
KAVUNDJA MANENO (sous-direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés au 28
janvier 2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 263.
928

CHAPITRE II:
LA COMMISSION ROGATOIRE INTERNATIONALE

Les commissions rogatoires émanées de l'autorité compétente étrangère, et tendant à faire


entendre des témoins, ou opérer, soit une visite domiciliaire, soit la saisie du corps de
l'infraction ou de pièces à conviction, devront être adressées au Ministre des affaires
étrangères, ou, en vertu de conventions, au Ministre de la Justice de la RDC.

Les commissions rogatoires seront exécutées à la diligence du juge d'appel, qui désignera le
magistrat ou agent chargé d'y procéder. Le juge d'appel décidera s'il y a lieu ou non de
transmettre, en tout ou en partie, les papiers et autres objets saisis, au gouvernement
requérant. Il ordonnera la restitution des papiers ou autres objets qui ne se rattachent pas
directement au fait imputé au prévenu et statuera, le cas échéant, sur la réclamation des tiers
détenteurs ou autres ayants droit2640.

2640
Article 8 du décret du 12 avril 1886 portant dispositions organiques relatives à l'extradition, B.O., p. 46; T.
KAVUNDJA (sous direction), Code judiciaire congolais. Textes compilés et actualisés au 28 janvier
2013, Kinshasa, Média Saint Paul, 2013, p. 264.
929

CHAPITRE III:
LA COOPERATION JUDICIAIRE AVEC
LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

Dans le processus de répression des crimes internationaux ou des crimes


nationaux contenant un élément d’extranéité, il est requis une entraide judiciaire
entre les Etats. Il s’agit substantiellement, d’un mécanisme de cristallisation de la
volonté commune des Etats à lutter contre les crimes internationaux. Tel est l’esprit
de l’article 3 de la Convention européenne du 20 avril 1959 sur l’entraide judiciaire qui
déclare : «Sans préjudice de compétences de la communauté européenne, l’objectif
de l’union est d’offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace
de liberté, de sécurité et de justice, en élaborant une action en commun entre les
Etats membres; dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, en
matières pénales en prévenant le racisme et la xénophobie et en luttant contre ces
phénomènes ».

De même, l’article 86 du Statut de Rome impose aux Etats l’obligation de


coopération judiciaire avec la Cour pénale internationale. Il convient d’affirmer que cette
coopération ne peut être mise en œuvre que par des mécanismes d’entraide judiciaire sous
analyse et en intégrant la procédure d’arrestation et de remise de la personne à cette Cour.
930

CHAPITRE IV:
LE MANDAT D'ARRET INTERNATIONAL

Le mandat d’arrêt international est une décision judiciaire émise par un Etat dans le but
d’obtenir l’arrestation et la remise par un autre Etat, d’une personne recherchée pour
l’exercice de poursuites ou l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté.
Certains Etats se sont dotés de la compétence universelle en matière de répression.
En cas de perpétration des crimes concernés par cette compétence, l’Etat peut exercer les
poursuites à l’égard du suspect où qu’il se trouve et quelle que soit l’Etat dont il a la
nationalité. L’exécution d’un mandat d’arrêt international met en évidence l’obligation
pour l’Etat vers lequel il est orienté, d’arrêter et d’expédier la personne concernée vers l’Etat
qui a émis le mandat. L’Etat qui doit donner suite au mandat agit notamment par le
mécanisme de l’extradition.
De même, dans le cadre de la justice pénale internationale, une juridiction
internationale peut décerner un mandat d’arrêt international contre un présumé criminel.
Ce mandat sera exécuté sur le territoire de tous les Etats qui reconnaissent la compétence de
cette juridiction en vertu de leur obligation de coopérer pleinement avec ladite juridiction.
Cette obligation existe même si l’individu poursuivi se trouve sur le territoire de l’Etat dont il
a la nationalité. Mais pour les Etats modernes, il faut remarquer qu’il n’existe pas l’obligation
d’extrader leurs nationaux. Ainsi, dans le cadre de la justice pénale internationale, le vocable
utilisé est la remise et non l’extradition.
931

NEUVIEME PARTIE:
INCIDENCE DES JURIDICTIONS
INTERNATIONALES DANS LA PROCEDURE
PENALE CONGOLAISE

CHAPITRE I :
LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
(CADHP)

La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a été créée par le Protocole
d'Ouagadougou (Burkina Faso) le 10 juin 1998 et est entrée en vigueur depuis janvier 2004,
ses premiers juges ont été élus en janvier 2006 et a débuté ses activités trois ans plus tard avec
un arrêt rendu le 15 décembre 20092641. Sa création intervient une cinquantaine d'années après
celle de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (1950) et une trentaine d'années après
celle de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (1969).

C'est la première juridiction supranationale établie à l'échelle africaine qui sanctionne le


non respect des droits de l'homme pour les Etats signataires de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme. Le protocole portant statut de la Cour africaine justice et des droits de l'homme a
été adopté le 1er juillet 2008 en Egypte. Quand ce protocole sera ratifié par au moins 15 Etats
(actuellement 5 pays seulement l'ont ratifié), la Cour africaine de justice et des droits de
l'homme sera la fusion de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et la Cour
africaine de justice. Nous allons parcourir son organisation, ressort et siège (section 1), sa
composition (section 2), ses compétences matérielles (section 3), sa saisine (section 4) ainsi
que les propositions de sa réforme (section 5).

SECTION 1: ORGANISATION, RESSORT ET SIEGE

L’article 2 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, prévoit que la
Cour complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples a conférées à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Son ressort couvre les Etats de l’Afrique qui ont ratifié le Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des

2641
G.-F. NTWARI, "La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins-Bilan des
cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014)", in RTDH, 1er avril 2015, n° 102, p.367.
932

Droits de l’Homme et des Peuples. Au 31 décembre 2011, 26 Etats avaient ratifié le


Protocole: Afrique du Sud, Algérie, Burkina Faso, Burundi, Côte d'Ivoire, les Comores,
Djibouti, Gabon, Gambie, Ghana, Kenya, Libye, Lesotho, Mali, Malawi, Mozambique,
Mauritanie, Nigeria, Niger, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Togo, Tunisie et l'Ouganda. Mais le
statut de la Cour africaine de justice et des droits de l'homme a été adopté le 1er juillet 2008,
seuls 5 pays l'ont ratifié au 12 juillet 2014: Bénin, Burkina Faso, Congo (Brazzaville), Libye
et le Mali.

Son siège est établi à Arusha (Tanzanie) mais la Cour peut toutefois siéger sur le territoire
de tout Etat membre de l’Union africaine (article 25 dudit protocole).

SECTION 2: COMPOSITION

Elle est prévue aux articles 11 et 21 dudit Protocole. La Cour est composée de onze juges
ressortissants des Etats membres de l’Union africaine, élus à titre personnel parmi des juristes
jouissant d’une très haute autorité morale, d’une compétence et expérience juridique,
judiciaire ou académique reconnue dans le domaine des droits de l’homme et des peuples. La
Cour ne peut comprendre plus d’un juge de la même nationalité.

La Cour élit son président et son vice-président pour une période de deux ans
renouvelable une seule fois (article 21, 1 dudit Protocole). Les juges de la Cour sont élus par
la Conférence des chefs d’Etat et des gouvernements de l’Union africaine (article 14 dudit
Protocole). Leur mandat est de six ans et ils sont rééligibles une seule fois (article 15 dudit
Protocole). Les juges ne disposent pas d'assistants personnel ni de secrétariat administratif
personnel. Dans l'exercice de leur activité purement judiciaire (recherches en particulier), ils
peuvent toutefois compter sur le concours du pool de 5 juristes du greffe (2 anglophones, 2
francophones et 1 arabophone).

Les membres de la Cour bénéficient de l'inamovibilité parce qu'ils ne peuvent pas être démis
de leur fonction avant l'expiration de leur mandat. La Cour tient quatre sessions ordinaires par
an d'une durée de quinze jours chacune. Elle peut tenir des sessions extraordinaires.

La Cour comprend enfin le greffier, un greffier adjoint et les autres fonctionnaires du


greffe qui sont désignés par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Le
greffe est composé de 46 personnes et divisé en plusieurs départements (juridique,
linguistique, administratif, protocole, information, etc.).
933

SECTION 3: COMPETENCES MATERIELLES

§ 1. Compétence consultative

Elle est prévue par l'article 4 du Protocole et l'article 68, alinéa 1 du règlement. La Cour
est compétente à donner des avis consultatifs à la demande de certaines entités (Etats
membres, organisations africaines reconnues ou organes de l'Union africaine). Comme son
nom l'indique, ces avis n'ont qu'une valeur consultative et ne s'imposent donc pas aux entités
qui le demandent.

§ 2. Compétence contentieuse

Elle consiste pour la Cour à examiner les requêtes alléguant des violations des droits de
l'homme par un Etat partie au Protocole. La base légale se trouve aux articles 3 et 7 du
Protocole. La Cour a compétence pour connaître toutes les affaires et de tous les différends
dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du Protocole relatif
à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et de toute autre instrument pertinent relatif
aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés (article 3 du Protocole). La Cour
applique les dispositions de la Charte ainsi que tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné (article 7 du Protocole).

Enfin, la création de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples tend à
compléter et renforcer la mission de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples2642. Ce positionnement complémentaire par rapport à la Commission est la marque
identitaire de la Cour, laquelle devant inspirer l'ensemble de son fonctionnement et des ses
initiatives. Concrètement, le rôle essentiel de la Cour est donc d'assurer la protection des
droits de l'homme sur le continent africain en étroite collaboration avec la Commission
africaine des droits de l'homme.

Or, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait adopté une
méthode d’interprétation enrichie de la Charte en s’inspirant explicitement de la jurisprudence
du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, des dispositions du Pacte International relatif
aux Droits Civils et Politiques du 19 décembre 19662643 et de la jurisprudence relative à la
Convention Européenne des Droits de l’Homme2644.
2642
Préambule du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création
d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
2643
Dans l’affaire Civil Liberties organisation et autre c/Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 29, la Commission
africaine des droits de l’homme s’est inspirée de la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de
l’ONU dans les affaires Burgos et Estrella c/Uruguay concernant la confidentialité des communications
entre avocat et son client.
2644
Dans l’affaire Huri-Laws c/ Nigeria du 6 novembre 2000, la Commission africaine des droits de l’homme
s’était inspirée de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, Irlande c/ Royaume Uni de 1978, et
la décision de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’affaire Urrutikoetxea c/ France de
1996 pour préciser que l’évaluation du degré minimal de souffrance à atteindre pour constituer un traitement
934

Dès lors, que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a la possibilité de
faire application de tout instrument pertinent des droits de l’homme et d’enrichir sa
jurisprudence par notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, elle
devrait en attendant sa parfaite maturation, retenir les critères de violation des droits de
l’homme tels que fixés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme d’autant plus qu’ils
ont fait leur preuve depuis plus de cinq décennies. Ces critères vont pratiquement dans le
même sens que la jurisprudence du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en application
du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.

Cela contribuerait plus efficacement à la protection des droits de l’homme en Afrique et


particulièrement en République démocratique du Congo comme c’est le cas dans les pays
européens ayant adhéré à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Nous estimons
que cette solution pourrait se justifier d’autant plus que c’est la voie que la Commission
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples avait clairement indiquée lors des ses 28e et
29e sessions. En effet, sur 9 affaires examinées, seules 2 ont été tranchées au regard des
dispositions exclusives de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples2645.

Dans les sept affaires restantes, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples s’était basée sur la lecture combinée des articles 60 et 61 de la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples pour recourir à l’interprétation donnée par le Comité des
Droits de l’Homme de l’ONU de certaines dispositions du Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques du 19 décembre 19662646. Avant de recourir à ces moyens
d’interprétation externes, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
avait constaté que « ni la Charte africaine ni sa résolution relative au droit de recours et le
droit à un procès équitable ne contiennent une disposition spécifique à la publicité du
procès »2647. Ce mécanisme va contribuer de manière efficace à la protection des droits de
l’homme en Afrique. Il convient de préciser que depuis 17 ans de fonctionnement, la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples n'a rendu que deux arrêts sur le fond2648et
tous les arrêts sont soit d'irrecevabilité2649 soit d'incompétence2650.

inhumain et dégradant devait tenir compte d’éléments tels que la durée du traitement, l’âge et l’état de santé
de la victime.
2645
Affaire Avocats sans frontières c/ Burundi, 231/99, 6 novembre 2000 où une violation de l’article 7,§ 1 C de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples avait été constatée pour le refus d’une Cour
criminelle de reculer la date d’un procès pour cause d’absence de l’avocat de la défense ; affaire John K.
Modise c/ Botswana, 97/93, 6 novembre 2000 où l’auteur de la communication a pu faire constater une
violation des articles 3, § 2 et 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples garantissant
respectivement le droit de toute personne à une égale protection de la loi et le droit à la reconnaissance de la
personnalité juridique.
2646
Notamment le commentaire n° 13 de 1984 du C.D.H. sur le droit à un procès équitable ainsi que le
commentaire n° 18 de 1989 concernant l’affaire légal ressources fondations c/ Zambie, 211/98, 7 mai 2001
sur la non- discrimination où l’article 2 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples était en
jeu.
2647
Voyez Affaire Média Rights Agenda c/ Nigeria, 224/98 du 6 novembre 2000, §§ 51 et 66 ; Civil liberties
organisation et autre c/ Nigeria, 218/98 du 7 mai 2001, § 24.
2648
CADHP, 14 juin 2013, Mtikila c/ Tanzanie; CADHP, 28 mars 2014, Zongo c/ Burkina Faso.
2649
Notamment CADHP, 16 juin 2011, affaire 002/2011, Soufiane Ababou c/ l'Algérie.
935

SECTION 4: SAISINE DE LA COUR

§ 1. En matière consultative

La Cour peut en vertu de l'article 4 du Protocole et de l'article 68, alinéa 1 du règlement, être
saisie par:
- un Etat membre;
- l'Union africaine;
- organe de l'Union africaine ou toute autre organisation africaine reconnue par l'union
africaine.

§ 2. En matière contentieuse

Elle est prévue à l’article 5 dudit Protocole et l'article 33 de son règlement. La Cour peut
être saisie par :
- La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ;
- L’Etat partie qui a saisi la Commission ;
- L’Etat partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission;
- L’Etat partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme ;
- Les organisations intergouvernementales africaines,
- Un individu ou ONG dotée du statut d'observateur auprès de la Commission pour
autant que l'Etat visé ait souscrit à la déclaration spéciale prévue à cet effet par l'article
6 du Protocole et 34 du règlement.

A ce jour, seuls 5 Etats ont déposé une telle déclaration: le Burkina Faso, le Ghana, le
Malawi, le Mali et la Tanzanie. Ainsi, dans sa déclaration de ratification, la Tanzanie
subordonne l'acceptation des requêtes dirigées contre elle à l'épuisement des voies recours
internes, et ce, dans le respect de la Constitution de la Tanzanie. Comme on peut le
remarquer, les particuliers ne peuvent pas saisir la Cour Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples2651, et pourtant, ce sont eux qui sont souvent victimes de violation des droits de
l’homme. Il s'agit véritablement d'un verrou juridique à l'exercice de l'accès à la justice des
particuliers. Ainsi, dans son rapport de 2010, la Cour avait souligné que "l'on se trouve dans
une situation paradoxale où les Etas membres de l'Union africaine ont mis en place une Cour
des droits de l'homme, et lui on donné les moyens minimums de fonctionnement, mais ont
considérablement limité l'accès à la Cour des principaux intéressés, à savoir les individus et
les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme. Si une telle

2650
Notamment CADHP, 30 septembre 2011, affaire 010/2011, Efoua Mbozo'o Samuel c/Parlement panafricain;
CADHP, 21 juin 2013, Urban Mkandawire c/Malawi; CADHP, 28 mars 2014, décision Peter Joseph
Chacha c/ Tanzanie; CADHP, 28 mars 2014, décision Frank David Omary e.a. c/ Tanzanie; CADAHP, 15
mars 2013, Ernest Francis Mtingi c/ Malawi; dans le même sens Voyez G.-F. NTWARI, "La Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins-Bilan des cinq premières années
d'activités judiciaires (2009-2014)", in RTDH, 1er avril 2015, n° 102, pp.371, 380 et 381.
2651
Voyez J. KAZADI MPIANA, "La saisine du juge africain des droits de l'homme par les individus et les
ONG. Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour africaine des droits de l'homme et
des Peuples ", in Revue de droit international et de droit comparé, 2013/3, pp.315-352.
936

situation perdurait, c'est tout le système de protection judiciaire des droits de l'homme à
l'échelle, incarnée par la Cour, qui serait gravement compromis"2652. Et certaines affaires qui
ont été portées à la saisine de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, celle-
ci s'est déclarée incompétente en raison du fait que les requêtes étaient déposées par les
individus ou des ONG soit contre des Etats n'ayant pas encore déposé leur déclaration
autorisant une telle saisine2653, soit contre des Etats non parties au Protocole de
Ouagadougou2654, soit encore contre les entités n'y étant pas également parties2655. Dans toutes
les affaires et quels que soient les motifs, la Cour n'a pas accepté sa saisine par les particuliers
ou ONG2656.

SECTION 5: PORTEE DE SES ARRETS

L'application effective des décisions de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples constitue un élément d'interrogation. Deux exemples peuvent l'illustrer. Le premier
exemple concerne l'arrêt du 15 mars 2013 contre la Libye2657. Il s'agit de l'ordonnance qui a
indiqué les mesures provisoires faisant l'objet de la procédure prévue à l'article 31 du
Protocole, habilitant la Cour, dans son rapport annuel, à faire "état (...) des cas où un Etat
n'aura pas exécuté les décisions de la Cour". Dans rapport, la Cour avait ainsi porté à
l'attention du Conseil exécutif le fait que la Libye n'a pas exécuté l'ordonnance et avait ainsi
recommandé notamment "que la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements prenne
les mesures qu'elles juge nécessaires pour assurer l'exécution par la Libye de l'ordonnance
rendue"2658. L'absence de réaction de l'organe principal de l'Union africaine suscite
l'inquiétude quant à l'effectivité du contrôle de l'exécution des arrêts et, le cas échéant, à
l'édiction de sanctions.

2652
Document Union Africaine/Conseil exécutif, "Rapport de la Cour africaine des droits de l'homme et des
Peuples, EX.CL/650 (XVIII", 1! ème session ordinaire du Conseil exécutif de l'Union africaine, 24-28
janvier 2011, Addis-Abeba (Ethiopie), spécialement § 33, p.13.
2653
CADHP, 15 décembre 2009, arrêt Michelot Yogomombaye c/ Sénégal; CADHP, 16 juin 2011, décision
Soufiane Ababou c/ Algérie; CADHP, 23 septembre 2011, décision Ekollo M. Alexandre c/ Cameroun et
Nigéria; CADHP, 16 juin 2011, décision Association des juristes d'Afrique pour la bonne gouvernance
c/Côte d'Ivoire; CADHP, 16 juin 2011, décision Daniel Amare et Mulugeta Amare c/ Mozambique et
Mozambican Airlines; CADHP, 15 décembre 2011, décision Convention nationale des syndicats
d'enseignements c/ Gabon; CADHP, 26 juin 2012, décision Baghdadi Ali Mahmoudi c/ Tunisie; CADHP,
30 mars 2012, décision Amir Adam Timan c/Soudan; CADHP, 30 mars 2012, décision Emmanuel Joseph
Uko e.a. c/ République sud-africaine; CADHP, 30 mars 2012, décision Delta International Investments
S.A.; CADHP, 30 mars 2012, Mr and Mrs A.G.L. De Lange c/ République sud-africaine.
2654
CADHP, 23 septembre 2011, décision Ekollo M. Alexandre c/ Cameroun et Nigéria; CADHP, 2 septembre
2011, Youssef Ababou c/ Maroc.
2655
CADHP, 26 juin 2012, Femi Falana c/ Union africaine; CADHP, 7 décembre 2012, décision Atabong Denis
Atemnkeng c/ Union africaine; CADHP, 30 septembre 2011, décision Efoua Mbozo'o Samuel c/
Parlement panafricain.
2656
Voyez G.-F. NTWARI, "La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples à la croisée des chemins-
Bilan des cinq premières années d'activités judiciaires (2009-2014)", in RTDH, 1er avril 2015, n° 102,
pp.375-377.
2657
CADHP, 15 mars 2013, Commission africaine des droits de l'homme c/ Libye.
2658
Document CADHP, rapport intériméraire de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples
informant le Conseil exécutif de la non-exécution par un Etat, conformément à l'article 31 du Protocole,
spécialement §§ 2 et 10, c).
937

Le deuxième exemple concerne l'arrêt du 13 juin 2014 contre la Tanzanie2659. La Cour


avait trouvé des raisons de s'inquiéter quant l'exécution de cet arrêt, et ce d'autant plus que la
Tanzanie n'a jamais soumis de rapport sur les actions entreprises pour adopter des mesures
constitutionnelles, législatives ou autres nécessaires pour assurer la conformité de la loi
régissant les élections présidentielles, législatives et locales avec la Charte africaine des droits
de l'homme et des Peuples, tel que cela avait été ordonné par la Cour dans l'arrêt sur le fond
du 14 juin 2013.

Comme on le voit, les décisions de la Cour africaine des droits de l'homme et des Peuples,
ont difficile à être exécutées par les Etats concernés et pourtant l’Afrique est le continent où il
existe les violations massives des droits de l’homme : les génocides, crimes de guerre, crimes
contre l’humanité, exécutions politiques sommaires, assassinats politiques, répressions des
manifestations pacifiques, viol de femmes particulièrement les mineurs, arrestations
arbitraires, tortures, etc. Et la plus part des dirigeants politiques en sont auteurs de ces
violations massives des droits de l'homme ou du moins ils sont passifs.
De même, la culture de l'Etat de droit n'est pas encore ancrée en Afrique. Sur cinquante-quatre
pays en Afrique, il y a à peine cinq qui répondent aux normes de l'Etat de droit (élections
démocratiques, espace d'expression politique à l'opposition, ouverture des médias à
l'opposition, indépendance de la justice): l'Afrique du Sud, la Zambie, la Tanzanie, le Bénin et
d'une certaine manière le Nigéria (nette évolution).

Dans ces conditions, on voit mal comment les dirigeants politiques africains dont la plus
part sont à la base de ces violations massives des droits de l'homme, peuvent permettre à la
Cour africaine des droits de l'homme et des Peuples de juger les auteurs de ces violations des
droits de l'homme et d'exécuter les arrêts prononcés. En analysant de près, c'est une institution
qui a tendance à la disparition car elle dérange les Etats2660. Tant que la démocratie et l'Etat de
droit ne seront pas enracinés en Afrique, la Cour africaine des droits de l'homme et des
Peuples ou la future Cour africaine de justice et des droits de l'homme ne sera que l'ombre
d'elle-même car elle n'aura pas les moyens de fonctionner pour être une véritable Cour comme
l'est la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour interaméricaine des droits de
l'homme.

SECTION 6: PROPOSITIONS DE SA REFORME

Elles tiennent compte de l’indépendance du juge (§ 1), son impartialité (§ 2), la nécessité
des juges permanents à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (§ 3) et la
possibilité pour les particuliers et les ONG de saisir directement la Cour (§ 4).

2659
CADHP, 13 juin 2014, Révérend Christopher Mtikila c/ Tanzanie.
2660
L. BURGORGUE-LARSEN, "La structure institutionnelle de l'organisation internationale", in E.
LAGRANGE et J.-M. SOREL (sous direction), Traité de droit des organisations internationales, Paris,
éd. LGDJ, 2013, pp. 375-401, spécialement, p. 399.
938

§ 1. L’indépendance du juge

L’article 32 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des


Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples prévoit
que les dépenses de la Cour, les émoluments, et les indemnités des juges, y compris les
dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par l’Union africaine, conformément aux
critères arrêtés par celle-ci en consultation avec la Cour. Or, l’on admet généralement que
celui qui paie détient le pouvoir. La question qu’il faut se poser est celle de savoir si la
dépendance financière ne risque-t-elle pas de compromettre les exigences d’indépendance des
juges de la Cour vis-à-vis de leurs Etats. Aussi, leur traitement sera-t-il suffisant pour garantir
leur indépendance dès lors que la plupart des pays membres de l’Union africaine, la situation
des finances publiques soulève de sérieuses préoccupations. Nous estimons que l’Union
africaine devrait voter annuellement un budget qui sera mis à la disposition de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et il appartiendra à celle-ci de prévoir des
émoluments et traitement décents à l’égard des juges de la Cour qui leur permettra de juger en
toute indépendance.

Enfin, l’article 14, 1 du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
prévoit que les juges de la Cour sont élus par la Conférence de chefs d’Etats et de
gouvernements de l’Union africaine. Autrement dit le choix des membres de la Cour
appartient aux Etats parties, donc forcement aux hommes politiques. Cela pourrait favoriser
une prise en compte de considérations politiques dans le choix des juges2661.

En vue d’y pallier, nous estimons que les candidats juges de la Cour Africaine des Droits
de l’Homme et des Peuples devraient être présentés par la Cour de cassation nationale ou le
Conseil supérieur de la magistrature et pas uniquement par les parties contractantes au
protocole. Cette possibilité est semblable au système de nomination des juges de la Cour
permanente d’arbitrage2662 ou aux juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui
eux sont élus par un organe parlementaire européen, à partir d’une liste de trois noms
proposés par l’Etat au titre duquel ils vont siéger2663. De cette manière, les juges de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples pourraient exercer leur fonction en toute
indépendance, sans aucune influence des autorités politiques nationales. Ils devraient ainsi
avoir un esprit large et une culture juridique des droits de l’homme dépassant les frontières
nationales. Une véritable indépendance des juges est donc nécessaire pour garantir une justice
sereine au niveau de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

2661
A. I. SOW, « Les juges de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », in Revue juridique et
politique indépendance et coopération, 2001, p. 43.
2662
Ibidem.
2663
G. MALINVERNI, «L’indépendance de la Cour européenne des droits de l’homme », in Libertés, justice,
tolérance. Mélanges en hommage au Doyen COHEN-JONATHAN, Bruxelles, éd. Bruylant, 2004, 1181.
939

§ 2. L’impartialité du juge

Elle est prévue aux articles 16, 17 alinéas 1, 18 et 22 du Protocole relatif à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples. En effet, l’article 16 dudit Protocole prévoit qu’après leur
élection, les juges prêtent serment d’exercer leurs fonctions en toute impartialité. L’article 17
de ce Protocole dit que les juges ne peuvent siéger dans une affaire dans laquelle ils sont
antérieurement intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membre
d’un tribunal national ou international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre.
L’article 18 du même Protocole prévoit que les fonctions de juge à la Cour sont incompatibles
avec toutes autres activités de nature à porter atteinte aux exigences d’impartialité liées à la
fonction et telles que stipulées dans le Règlement intérieur. Enfin, l’article 22 de ce Protocole
et l'article 8, alinéa 2 du règlement de la Cour déclarent qu’au cas où un juge possède la
nationalité d’un Etat partie à une affaire, il se récuse.

Les dispositions relevées montrent que les exigences d’impartialité sont suffisamment
respectées mais les termes de l’article 22 dudit Protocole et l'article 8, alinéa 2 du règlement
de la Cour pourraient poser problème dans la pratique étant donné qu’à ses yeux, la
nationalité peut porter atteinte à l’impartialité. En clair selon ces deux articles, la nationalité
du juge est une cause du déport. En pratique, les membres originaires des Etats visés par les
requêtes se sont presque systématiquement récusés lors de l'examen de requêtes concernées. Il
en est ainsi, notamment du juge Ouguergouz dans l'affaire Soufiane Ababou contre l'Algérie,
du juge Sylvain Oré dans l'affaire Association Juristes d'Afrique pour la bonne gouvernance
contre Côte d'Ivoire, du juge Ramadhani dans les affaires 009 et 001, The Tanganyika Law
Society and The Legal and Human Rights Centre and Reverend Christopher Mtikila contre
The United Republic of Tanzania2664.

Ce déport prévu dans les articles cités, suivi de la pratique de la Cour peut poser
problème. En effet, l’on ne doit pas oublier que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples a vocation à intégrer « grosso modo » quatre systèmes juridiques2665 et que cette
pluralité de système appelle une représentativité qui offre des avantages fonctionnels non
négligeables. Et d’ailleurs, le Protocole portant création de la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples souligne que la Cour reflète une répartition géographique équitable
ainsi que les grands systèmes juridiques2666. Derrière ces termes généraux se cache le souci
d’avoir disposition une expertise avérée dans la connaissance du droit interne applicable dans
le plus grand nombre possible d’Etats membres2667. Comment espère-t-on, du moins aux
débuts du fonctionnement de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples exercer

2664
Voyez à ce sujet, A. D. OLINGA, "Pratique de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples au
cours de l'année 2011", in Revue trimestrielle des Droits de l'homme, 2013, p.132.
2665
En réalité quatre qui correspondent aux différentes langues qui ont cours au sein de l’Union africaine soit :
francophone, anglophone, arabophone et lusophone.
2666
Article 14, alinéa 2 dudit Protocole.
2667
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière des droits de l’homme », in RTDH, 2004, p. 787.
940

cette dialectique complexe et subtile si tous les juges, celui dont la compétence et l’expérience
juridique2668 sont les plus spécifiques est obligé de se déporter tout simplement parce qu’il a la
nationalité d’un Etat partie à une affaire ?

Dans le système de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le juge n’a aucune
obligation de se déporter du simple fait de sa nationalité2669 parce que ce système repose sur
une fiction du juge international : un juge totalement désincarné et détaché de ses liens
nationaux. Les juges sont ainsi considérés comme caisses de résonance où seuls les
mécanismes juridiques trouveraient écho. Il est moins utile de considérer que le juge n’est que
pure subjectivité et que sa coloration nationale le détermine automatiquement comme suspect
de partialité comme c’est le cas de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
L’efficacité de ce déport du juge national se révèle douteuse dans le système de la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

C’est pourquoi, nous estimons que l’on devrait imaginer une suppression de l’obligation de
se déporter que l’on couplerait en cas de besoin une simple interdiction de prendre part au
vote. Une telle solution présenterait les avantages suivants :
- de permettre un exposé aussi complet que possible du droit interne applicable (ce qui
sera souvent le rôle du Conseil d’Etat en cause) et une appréciation aussi juste que
possible de la part de la Cour (ce à quoi veillera le « juge national »).
- De permettre le respect ou le renforcement de l’impartialité du juge puisque sa voix ne
sera pas prise en compte dans le calcul de la majorité ; il ne pourra ainsi être d’aucune
utilité à aucun Etat qui voudrait éviter coûte que coûte une condamnation.
- De ne pas occasionner de charge supplémentaire pour le budget de la Cour (ce que
l’on reprocherait à la technique du juge ad hoc).
- D’éviter que les membres de la Cour ne puissent pas exercer la présidence dans une
affaire dans laquelle est partie l’Etat dont ils sont ressortissants.
Dans ces conditions, les impératifs au déport inconciliables d’impartialité de
représentativité et de moyens budgétaire limités auraient été pris en charge.

§ 3. La nécessité des juges permanents

Tous les juges de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à l’exception
du président, exercent leurs fonctions à temps partiel2670. Le Président est le seul qui reçoit un
traitement mensuel et qui soit tenu de résider au siège de la Cour à Arusha en Tanzanie, les
autres juges peuvent continuer d'exercer leurs occupations à la condition que celles-ci soient
compatibles avec la fonction judiciaire. La plupart des membres de la Cour sont magistrats
dans leurs pays d'origine. L’on ne serait pas excessif d’affirmer que l’Afrique est le continent

2668
Article 11 al. 1 du Protocole relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
2669
Voyez J.P. MARGUENAUD et A. LANGENIEUX, « De l’impartialité et de l’indépendance des juges de la
Cour européenne des droits de l’homme », in Droit et procédures, novembre- décembre 2003, n° 6, pp. 337
et s.
2670
Article 15, alinéa 4 du Protocole portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples.
941

où y a existé ces cinquante dernières années les violations massives des droits de l’homme :
les génocides, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, exécutions politiques sommaires,
viol de femmes particulièrement les mineurs, arrestations arbitraires, assassinats politiques,
tortures, etc. On peut se demander dans quelle mesure l’on peut lutter efficacement contre
cette réalité dès lors que les juges de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
ne sont pas permanents.

Nous estimons que les juges de la Cour Africaine devraient être permanents d’autant plus
que cela renforcerait sa mission de veiller à la protection des droits de l’homme et des
peuples2671 et mettrait fin à la culture d’impunité en matière de violation des droits de
l’homme. Il est incompréhensif de créer une Cour Africaine des Droits de l’Homme chargée
de statuer sur les atteintes portées aux droits de l’homme sans prévoir des juges permanents
(ayant un mandat bien précis) et sans lui accorder les moyens financiers, humains et
logistiques nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

Une fois que les juges sont permanents, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples pourrait ainsi construire une jurisprudence stable, cohérente en matière de violation
des droits de l’homme. L’on ferait donc appel à des juges ad hoc dans les cas exceptionnels.
De cette matière, les violations massives des droits de l’homme pourraient être luttées et
jugées plus efficacement.

§ 4. La possibilité pour les particuliers et les ONG de saisir directement


la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Nous avons montré que les particuliers ne peuvent pas saisir la Cour Africaine des Droits
de l’Homme et des Peuples et pourtant, ce sont eux qui sont souvent victimes de violation des
droits de l’homme. Ainsi, saisie par les particuliers, dès son premier arrêt, la Cour est
demeurée constante en soutenant qu'il ressort d'une combinaison des articles 5 § 3 et 34 § 6 du
Protocole portant création d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples que la
saisine directe de la Cour par un individu est subordonnée au dépôt par l'Etat défendeur d'une
déclaration spéciale autorisant une telle saisine. Cet article 34 § 6 est considéré comme un
véritable verrou à l'exercice de l'action judiciaire des individus. Si cette situation perdure, il y
a lieu de déchanter sur l'effectivité de cette Cour2672.

De même, dans le rapport d'activités de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples présenté à la Conférence de l'Union africaine en 2011 et couvrant la période de 2010,
le paragraphe 33 souligne: "(...). En matière contentieuse et sur ce deuxième aspect du
problème, l'on se trouve dans la situation paradoxale où les Etas membres de l'Union
africaine ont mis en place une Cour des droits de l'homme, et lui donné les moyens minimum

2671
Préambule du Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples portant création
d’une Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
2672
J. KAZADI MPIANA, "La saisine du juge africain des droits de l'homme par les individus et les ONG.
Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour africaine des droits de l'homme et des
Peuples ", in Revue de droit international et de droit comparé, 2013/3, p.316.
942

de fonctionnement, mais ont considérablement limité l'accès à la Cour des principaux


intéressés, à savoir les individus et les ONG de défense des droits de l'homme. Si une telle
situation perdurait, c'est tout le système de protection judiciaire des droits de l'homme à
l'échelle continentale, incarnée par la Cour, qui serait gravement compromis". Aussi, la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples s'est déclarée à plusieurs reprises
incompétentes pour connaître les requêtes des particuliers ou des ONG2673.

Nous pensons que l’on devrait offrir aux particuliers cette possibilité de saisir directement
cette Cour africaine chaque fois qu’ils seraient victimes de violation des droits de l’homme et
des peuples. De la sorte, l’on inciterait les Etats de l’Afrique francophone à aménager leurs
législations afin d’éviter les éventuelles condamnations par la Cour Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples2674. Enfin, il n’est pas réaliste d’espérer que par des recours étatiques,
la jurisprudence de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples s’étoffe quand
l’on constate que depuis l’existence de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples, celle-ci n’a connu aucune communication d’un Etat contre un autre alors que ce
ne sont pas les occasions qui ont manqué2675.

2673
Voyez J. KAZADI MPIANA, "La saisine du juge africain des droits de l'homme par les individus et les
ONG. Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour africaine des droits de l'homme et
des Peuples ", in Revue de droit international et de droit comparé, 2013/3, pp.331-352.
2674
Voyez T. KAVUNDJA N. MANENO, L’indépendance et l’impartialité du juge en droit comparé belge,
français et de l’Afrique francophone, vol. II, L’impartialité du juge, Thèse de doctorat en droit, Faculté de
droit, UCL, Louvain-la-Neuve, juin 2005, p. 630.
2675
S. KOWOUVIH, « La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : une rectification institutionnelle
du concept de spécificité africaine en matière de droits de l’homme », R.T.D.H., 2004, pp. 770-771.
943

CHAPITRE II :
LA COUR PENALE INTERNATIONALE (CPI)

SECTION 1: ORIGINE

La répression pénale a toujours été considérée comme relevant du domaine exclusif


de chaque Etat, ce qui, en d’autres termes, se prête le moins bien à la constitution de
juridictions internationales, dans la mesure où la répression débouche le plus souvent sur une
coercition physique dont on conçoit mal qu’elle puisse être exercée au nom d’une autre
autorité que le Souverain du pays où l’infraction a été commise. Pour cette raison, le droit
pénal a toujours été marqué d’une empreinte nationaliste très accentuée.

Cette vision traditionnelle a beaucoup évolué. En effet, le XXème siècle a tristement


été le théâtre de graves conflits meurtriers à caractère collectif qui ont tellement indigné la
conscience humaine que l’on est arrivé à penser que des crimes commis à l’initiative des
dirigeants de certains Etats (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) ne
pouvaient rester impunis.

C’est pourquoi, dès la fin de seconde guerre mondiale, le tribunal de Nuremberg (en
Allemagne) fut constitué afin de juger les criminels de guerre nazis (qui avaient exterminé
plus de six millions de juifs). Quelques décennies plus tard, le temps des horreurs s’imposait
de nouveau, en 1991 sur le territoire de l’ex. Yougoslavie, puis en 1994 au Rwanda :
purification ethnique, tueries et massacres collectifs, extermination par le viol systématique de
femmes, exécutions sommaires…Le temps de l’impunité devraient prendre fin. Et pour
réprimer les crimes des dirigeants qui avaient été les instigateurs ou les complices, l’ONU
créa d’une part, le Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY)2676, et d’autre
part, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)2677.

Mais on observera que toutes les juridictions apparaissent comme des juridictions
« ad hoc » à compétence limitée dans le temps (temporaires) et dans l’espace (lieu bien
localisé). Et comme malheureusement, les passions guerrières ne tarissent pas comme on le
remarquera en République démocratique du Congo, l’ONU décida d’instituer une juridiction
pénale, cette fois à caractère permanent, que l’on appelle la Cour Pénale Internationale (CPI).

2676
Résolution du Conseil de sécurité n° 808 et 827 du 22 février et 25 mai 1993. Son siège a été fixé à La Haye
(Pays-Bas).
2677
Résolution du Conseil de sécurité n° 955 du 8 novembre 1994. Son siège a été fixé à Arusha (Tanzanie).
944

Le principe de cette Cour a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome, approuvé par 148
Etats et ratifié par 94 Etats2678. Il est à remarquer que certaines grandes puissances comme les
Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël se sont opposés à la création de cette Cour
qui néanmoins été approuvée par 139 Etats et ratifiés par 108 Etats au 15 mars 2013.

La mise en place de cette institution a été plus rapide que l’on ne le prévoyait
généralement, nonobstant une hostilité des Etats-Unis d’Amérique qui entendent soustraire
leurs citoyens à cette juridiction. Le traité de la création de la Cour pénale internationale est
entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification de plus de 60 Etats (son entrée en
fonction impliquait la ratification de 60 Etats). La RDC l'a ratifié le 11 avril 20022679.

L’inauguration officielle de la Cour a eu lieu le 11 mars 2003 à La Haye (Pays-Bas).


Le règlement de la Cour a été adopté le 26 mai 2004. La décision portant constitution des trois
chambres préliminaires a été publiée le 23 juin 2004. Plusieurs affaires concernant notamment
la République démocratique du Congo, l’Ouganda, la République centrafricaine, la Côte
d'Ivoire, le Kenya, le Soudan (Darfour), la Libye , le Mali ont fait l’objet d’un renvoi par le
Procureur devant les chambres préliminaires et des centaines de plaintes ont déjà été adressées
à la Cour. Nous y reviendrons en détail à la fin de ce chapitre. On peut espérer que la mise en
place de la Cour pénale internationale constituera un élément de dissuasion dans de nombreux
conflits armés où pourraient se commettre des crimes de masse.

SECTION 2: RESSORT ET SIEGE

Son ressort s’étend aux Etats qui ont ratifié ou adhéré au Traité portant création de la
Cour Pénale Internationale. Son siège est à La Haye (Pays-Bas).

SECTION 3: COMPOSITION

La Cour Pénale Internationale comprend 4 organes essentiels : la présidence, les


sections, le bureau du procureur et le greffe.
- La présidence : c’est l’organe chargé de l’administration de la Cour. Elle comprend un
président et deux vice-présidents élus par les juges pour trois ans.

2678
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions judiciaires, Paris, 10e
éd. Dalloz, 2009, n° 315, p. 382. A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 278.
2679
La RDC a signé le Statut de Rome instituant la CPI le 8 septembre 2000. Le 30 mars 2002, le Président de la
République a signé le décret-loi n° 003/2002 autorisant la ratification du Statut de Rome. Le dépôt de
l'instrument de ratification dudit Statut de Rome auprès du Secrétaire général de l'ONU a été effectué le
11 avril 2002. La publication du décret de ratification au Journal officiel a été effectuée le 5 décembre
2002. La ratification du Statut de Rome par la RDC a été la soixantième et a permis audit Statut
d'atteindre le seuil exigé de 60 Etats parties pour son entrée en vigueur; et il est effectivement entré en
vigueur le 1er juillet 2002.
945

- Les sections : la Cour est composée de 18 juges (de nationalités différentes,


représentant les différents systèmes juridiques du monde et une représentation
géographique équitable) élus pour 9 ans par l’Assemblée des Etats parties pour un
mandat non renouvelable. La Cour comprend 3 sections dans lesquelles les juges sont
repartis: la section préliminaire, la section de première instance et la section d'appel.
Les 2 premières sections comportent au moins 6 juges et 1 président. La chambre
préliminaire peut siéger avec 1 ou 3 juges, la chambre de première instance siège avec
3 juges. La section d'appel comprend 4 juges et 1 président, elle siège avec tous ses
membres, soit 5 juges.
- Le bureau du procureur : Il est totalement distinct de la Cour elle-même. Il est élu par
les membres de l’Assemblée des Etats partie. Il est assisté par un ou plusieurs
procureurs adjoints. C’est lui qui reçoit toutes les informations sur les infractions de la
compétence de la Cour. Il conduit les enquêtes et soutien l’accusation dans la plus
totale indépendance2680.
- Le greffe : Il exerce toutes les attributions non judiciaires de la Cour. Le greffier est
élu par les juges pour cinq ans et est rééligible une fois. Il est aussi chargé d’organiser
sur un plan matériel une protection des victimes et des témoins.

SECTION 4: COMPETENCES

§ 1. Compétences territoriale et personnelle

La Cour ne peut être compétente que si l’infraction a été réalisée sur le territoire d’un
Etat partie à la Convention ou si la personne accusée du crime est un ressortissant d’un Etat
partie. Un Etat non partie pourra cependant reconnaître la compétence de la Cour à l’égard
d’un crime particulier2681. La Cour n’est compétente que pour les crimes commis après
l’entrée en vigueur du statut c’est-à-dire depuis le 1er juillet 20022682. La Cour est un organe
complémentaire appelé à n’exercer ses pouvoirs que dans les cas où les Etats nationaux sont
dans l’incapacité ou ne manifestent pas la volonté de poursuivre eux-mêmes les responsables.

§ 2. Compétence matérielle

La Cour est compétente pour juger des génocides, des crimes contre l’humanité, des
crimes de guerre et des crimes d’agression.
- Le génocide est défini à la Convention de 1948. Il consiste en des actes commis dans
l’intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux
(meurtres, atteintes à l’intégrité physique ou mentale, imposition de conditions de vie
inhumaines, de mesures empêchant les naissances dans le groupe, le transfert forcé
2680
Ibidem, n° 318, p. 384; L. CADIET, J. NORMAND et S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès,
Paris, éd. PUF, 2010, n° 60, p. 236.
2681
Article 12 du statut de la Cour pénale internationale.
2682
S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD et T. DEBARD, Institutions judiciaires, Paris, 10 e
éd. Dalloz, 2009, n° 315, p. 382; A. HERAUD et A. MAURIN, Institutions judiciaires, Paris, 5e éd. Sirey,
2004, p. 279.
946

d’enfants)2683. A ce sujet le tribunal de grande instance de Kinshasa/Kalamu a jugé que


constitue le génocide, le fait de mener une attaque contre les fidèles d'une église
(kimbanguiste) au motif que ces derniers avaient soutenu aux élections de 2011, le Président
sortant Joseph Kabila, dont le bilan comprend essentiellement la mort du pasteur de ladite
église, tué à coup de pierre, le pillage et la destruction de plusieurs biens de l'église, etc.2684.
- Les crimes contre l’humanité sont définis par l'article 7 du Statut de la Cour pénale
internationale. Ce sont des actes commis en connaissance de cause « dans le cadre d’une
attaque généralisée ou systématique lancée contre toute une population civile (meurtres,
extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de populations,
emprisonnements, tortures, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée,
stérilisation forcée ou toute forme de violence sexuelle de gravité, persécution de tout groupe
(… )pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste
(…), disparitions forcées de personnes, crimes d’apartheid) »2685.

- Les crimes de guerre sont des actes violant les conventions de Genève de 1949 et
les lois et coutumes de la guerre en vigueur dans le droit international. Ils peuvent être
réalisés non seulement dans le cadre de conflits internationaux mais également de conflits
internes.

- Les crimes d'agression ont été définis en 2010 à la suite de la Conférence de révision qui
s’est tenue à Kampala et qui a ajouté l’article 8 bis au Statut de Rome. Les crimes d'agression
comprennent: la planification, la préparation, le déclenchement ou la commission d’un acte
consistant pour un État à employer la force armée contre la souveraineté, l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État. Les actes d’agression comprennent
notamment l’invasion, l’occupation militaire ou l’annexion par le recours à la force et le
blocus des ports ou des côtes, si par leur caractère, leur gravité et leur ampleur, ces actes sont
considérés comme des violations manifestes de la Charte des Nations Unies. L’auteur de
l’acte d’agression est une personne qui est effectivement en mesure de contrôler ou de diriger
l’action politique ou militaire d’un État.

Cette définition comble ainsi une lacune du Statut de Rome mais n’entraîne pas la
possibilité immédiate pour la CPI d'exercer sa compétence sur les crimes d’agression. Les
conditions d'exercice de cette compétence sont définies aux articles 15 bis et ter du Statut de
Rome : la compétence ne pourra pas être exercée avant 2017 et encore sous réserve d'une
décision qui sera prise par une majorité des deux tiers des États Parties. Les nouveaux textes
adoptés à Kampala y ajoutent l'exigence qu'au moins trente États Parties aient accepté la
compétence de la Cour ainsi que l'exigence d'attendre une année supplémentaire après la
2683
J.P.SCARANO, Institutions juridictionnelles, Paris, 9ème éd. Ellipses, 2006, n° 266-8, p. 192 ; N. FRICERO,
L’essentiel des institutions judiciaires, Paris, éd. Gualino, 2005, p.11.
2684
TGI Kinshasa/Kalamu, 17 décembre 2011, RP 11.154/11.155/11.156, MP et parties civiles c/ Ado Kumba,
Nsimba Katuzayako, Mwadi Kapele, Bungu Kinyata, Lufundu Nzolameso Miguel, Mateke Zono Gautier
et Nseka Merdi, inédit; Voyez également J. B. MBOKANI, "L'application du Statut de Rome par les
tribunaux congolais. Une banalisation des crimes internationaux ?", in Revue de droit international et de
droit comparé, 2014, n° 1, pp. 116 et s.
2685
Ibidem.
947

trentième acceptation. Ils ne sont donc pas encore entrés en vigueur. La Cour sera alors
compétente pour juger les criminels contre la paix en lien avec tous les États Parties.

Chaque État Partie pourra cependant refuser la compétence de la CPI en en faisant la


déclaration expresse. Par ailleurs, la compétence de la CPI sera liée à la constatation par le
Conseil de sécurité d’un acte d’agression, ou à défaut devra être autorisée par une Chambre
préliminaire de la CPI. Onze États ont déjà ratifié "les amendements de Kampala" dont
l'Allemagne, le Luxembourg et le Botswana (septembre 2013). Enfin se pose encore la
question de l’opportunité de donner compétence aux juridictions nationales pour réprimer
cette infraction, éventuellement même sur le fondement d’un mécanisme de compétence
universelle.

Les crimes qui relevaient de la compétence de la Cour (génocide, crime de guerre, crime
contre l’humanité) ne sont pas faciles à définir ; et d’autant moins qu’ils concernent des
dirigeants ayant eu, de près ou de loin, des responsabilités politiques qu’ils utilisent volontiers
comme une sorte de paravent2686. Seul l’avenir dira si le droit pénal est apte à intervenir de
façon efficace dans un domaine aussi sensible que celui de la politique internationale.

SECTION 5: SAISINE DE LA COUR

Elle s’opère par :

- Un Etat (requête faite au procureur) ;


- Le procureur qui peut se saisir d’office ;
- Le Conseil de sécurité des Nations-Unies peut saisir certains faits au procureur. Mais
le Conseil peut par ailleurs, ce qui est pour le moins surprenant, empêcher toute
poursuite ou enquête pendant le délai de 12 mois renouvelable.

Il convient de préciser que la CPI fonctionne en tenant compte du principe de


complémentarité (ou encore subsidiarité). Selon ce principe, la Cour n'est compétente que
dans la mesure où il est établi que le criminel ne peut être jugé par son pays ou que ce dernier
n'a pas la volonté de procéder à ce jugement. Dans le cas contraire, l'affaire sera déclarée
irrecevable. C'est donc dans la seule hypothèse où les Etats sont passifs par volonté ou par
impossibilité de poursuivre que la Cour pénale internationale prendra le relais pour éviter que
les violations massives des droits de l'homme demeurent impunies.

2686
R. PERROT, Institutions judiciaires, Paris, 12e éd. Montchrestien, 2006, n° 316, p. 261.
948

SECTION 6: LA PROCEDURE

- Enquête ouverte par le procureur sous le contrôle de la chambre préliminaire ;


- Audience de confirmation des charges tenues par la chambre préliminaire ;
- Procès public devant une chambre de première instance;
- Possibilité d'appel devant la section d'appel de la CPI.

SECTION 7: AFFAIRES EN COURS

Actuellement 21 affaires ont été ouvertes par la CPI; elles concernent l'Ouganda, la
RDC, le Soudan (Darfour), la République centrafricaine, le Kenya, la Libye, la Côte d'Ivoire,
le Mali et d'autres pays dont les enquêtes sont en cours.

Concernant l'Ouganda, il s'agit de Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo et


Dominic Ongwen. Cinq mandats d’arrêt ont été délivrés dans le cadre de cette affaire à
l’encontre des cinq principaux dirigeants de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). À la
suite de la confirmation du décès de Raska Lukwiya, les procédures engagées à son encontre
ont été abandonnées, tandis que les quatre autres suspects demeurent en liberté.

Concernant la République démocratique du Congo, il s'agit de Bosco Ntaganda,


Germain Katanga, Mathieu Ngudjolo Chui, Callixte Mbarushimana, et Sylvestre
Mudacumura. Thomas Lubanga Dyilo, Germain Katanga et Bosco Ntaganda sont
actuellement détenus par la Cour, Sylvestre Mudacumura demeure en fuite. Le procès de
Thomas Lubanga (poursuivi pour enrôlement forcé d’enfants dans l’armée dans l’Ituri) s’était
ouvert le 26 janvier 2009, la CPI l'a déclaré coupable le 14 mars 2012.Le 10 juillet 2012, il a
été condamné à une peine totale de 14 ans d’emprisonnement. Le temps qu’il a passé en
détention par la CPI sera déduit de cette peine. Le 7 août 2012, la CPI s’est prononcée sur les
principes applicables aux réparations pour les victimes dans cette affaire. Ces trois décisions
font actuellement l’objet d’appels.

Le procès de Germain Katanga s’est ouvert le 24 novembre 2009. Le 7 mars 2014, la


CPI l'a déclaré coupable en tant que complice d’un chef de crime contre l’humanité (meurtre)
et de quatre chefs crimes de guerre (meurtre, attaque contre une population civile, destruction
de biens et pillage) commis le 24 février 2003, lors de l’attaque lancée contre le village de
Bogoro, situé dans le district de l’Ituri. La Chambre l'a acquitté des autres charges dont il
faisait l’objet. Des décisions sur la fixation de la peine puis sur les réparations pour les
victimes seront rendues prochainement. Le Procureur et la défense peuvent faire appel de ce
jugement dans un délai de 30 jours.

Le 18 décembre 2012, la CPI a acquitté Mathieu Ngudjolo alias Chui des charges de
crimes de guerre et de crimes contre l’humanité portées à son encontre et a ordonné sa
libération immédiate. Le 21 décembre 2012, Mathieu Ngudjolo alias Chui a été libéré. Le
Bureau du procureur a fait appel du verdict.

L’audience de confirmation des charges contre Calixte Mbarushimana s’est tenue du 16


au 21 septembre 2011. Le 16 décembre 2011, la CP I a décidé à la majorité de ne pas
949

confirmer les charges portées à son encontre et a quitté la prison de la Cour, le 23 décembre
2011 sitôt les mesures nécessaires à sa libération mises en œuvre, comme ordonné par la
Cour.

Le 22 mars 2013, Bosco Ntaganda, s’est rendu volontairement à la Cour et est


actuellement en détention. Son audience de première comparution a eu lieu le 26 mars 2013 et
l’audience de confirmation des charges s’est tenue du 10 au 14 février 2014.

Concernant le Soudan (Darfour), il s'agit de cinq affaires: Ahmad Muhammad Harun


(“Ahmad Harun“) et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (“Ali Kushayb”), Omar Hassan
Ahmad Al Bashir, Bahar Idriss Abu Garda, Abdallah Banda Abakaer Nourain et Abdel
Raheem Muhammad Hussein.

Quatre mandats d’arrêt ont été délivrés par la CPI à l’encontre de MM. Harun, Kushayb,
Al Bashir et Hussein. Les quatre suspects sont actuellement en fuite. Une citation à
comparaître a été adressée à M. Abu Garda, qui a comparu volontairement devant la Chambre
le 18 mai 2009. Après l’audience de confirmation des charges, le 8 février 2010, la CPI a
refusé de confirmer les charges. M. Abu Garda n’est pas détenu par la CPI. Deux autres
citations à comparaître ont été délivrées contre M. Banda et M. Jerbo qui ont comparu
volontairement devant la CPI le 17 juin 2010 ; l’audience de confirmation des charges s’est
tenue le 8 décembre 2010. Le 7 mars 2011, la CPI a décidé à l’unanimité de confirmer les
charges de crimes de guerre à l’encontre d’Abdallah Banda et Saleh Jerbo. Le 4 octobre 2013,
la CPI a mis fin à la procédure engagée contre Saleh Jerbo suite à la réception de preuves
indiquant que M. Jerbo serait décédé le 19 avril 2013. La procédure contre Abdallah Banda
continue et le début du procès est programmé pour le 5 mai 2014.

Concernant la République centrafricaine, il s'agit principalement de l'affaire Jean Pierre


Bemba Gombo (opposant politique congolais, président du MLC et candidat malheureux aux
élections présidentielles en 2006) poursuivi pour viol et pillages en République centrafricaine.
Le gouvernement de la République centrafricaine a renvoyé la situation devant la Cour en
décembre 2004. Le Procureur a ouvert une enquête en mai 2007, Jean Pierre Bemba Gombo a
été transféré à la CPI en 2008 et son procès a débuté le 22 novembre 2010. Le 20 novembre
2013, la CPI a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques
Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido pour des atteintes présumées à
l’administration de la justice dans le contexte de l’affaire Jean-Pierre Bemba Gombo. Aimé
Kilolo Musamba et Fidèle Babala Wandu ont été transférés à la prison de la CPI le 25
novembre 2013. La première comparution d’Aimé Kilolo Musamba, de Fidèle Babala
Wandu, et de Jean-Pierre Bemba Gombo a eu lieu le 27 novembre 2013. Après son
arrestation, Jean-Jacques Mangenda Kabongo est détenu à la prison de la Cour le 4 décembre
2013, et il a comparu pour la première fois devant la Cour le 5 décembre 2013. Narcisse
Arido sera remis à la Cour ultérieurement, conformément aux procédures judiciaires
applicables en France.

Concernant le Kenya, il s'agit principalement de l'affaire Uhuru Muigai Kenyatta,


actuellement Président de la République du Kenya. Le 31 mars 2010, la CPI a autorisé le
Procureur à ouvrir une enquête proprio motu sur la situation au Kenya, Etat partie depuis
2005. Suite à la délivrance de citations à comparaître le 8 mars 2011, six citoyens kenyans ont
comparu volontairement devant la CPI les 7 et 8 avril 2011. L’audience de confirmation des
charges dans l’affaire William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang s’est tenue du 1er au 9
septembre 2011. L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Uhuru Muigai
950

Kenyatta s’est tenue du 21 septembre au 5 octobre 2011. Le 23 janvier 2012, les juges ont
refusé de confirmer les charges à l’encontre de MM. Kosgey et Ali. La CPI a confirmé les
charges à l’encontre de MM. Ruto, Sang, Muthaura et Kenyatta et a renvoyé ces derniers en
procès. Le 18 mars 2013, les charges portées à l’encontre de Francis Kirimi Muthaura ont été
retirées. Le procès de William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang s’est ouvert le 10 septembre
2013. Le 23 janvier 2014, la CPI a ajourné la date d´ouverture du procès dans l'affaire Uhuru
Muigai Kenyatta, prévue pour le 5 février 2014. Le 2 octobre 2013, la CPI a rendu public un
mandat d’arrêt à l’encontre de Walter Osapiri Barasa, qui avait été délivré sous scellés le 2
août 2013. Il est suspecté d’avoir commis plusieurs atteintes à l’administration de la justice
consistant en la subornation ou la tentative de subornation de témoins de la Cour.

Concernant la Libye, il s'agit des affaires concernant principalement Muammar Gaddafi,


ancien Président de la République. Le 26 février 2011, le Conseil de sécurité des Nations
Unies a décidé, à l’unanimité de ses membres, de saisir le Procureur de la CPI de la situation
en Libye depuis le 15 février 2011. Le 3 mars 2011, le Procureur de la CPI a annoncé
l’ouverture d’une enquête dans la situation en Libye. Le 27 juin 2011, la CPI a délivré trois
mandats d’arrêt à l’encontre de Muammar Mohammed Abu Minyar Gaddafi, Saif Al-Islam
Gaddafi et Abdullah Al-Senussi pour des crimes contre l’humanité (meurtre et persécution)
qui auraient été commis en Libye du 15 jusqu’au 28 février 2011 au moins, à travers
l’appareil d’Etat libyen et les forces de sécurité. Le 22 novembre 2011, la CPI a ordonné la
clôture de l’affaire à l’encontre de Muammar Gaddafi suite à la mort du suspect. Les deux
autres suspects ne sont pas détenus par la Cour. Le 31 mai 2013, la CPI a rejeté l’exception
d’irrecevabilité soulevée par les autorités libyennes concernant l'affaire à l’encontre de Saif
Al-Islam Gaddafi et a rappelé à la Libye son obligation de remettre le suspect à la Cour. Cette
décision fait l'objet d'un appel. Le 11 octobre 2013, la CPI a décidé que l’affaire concernant
Abdullah Al-Senussi était irrecevable devant la Cour car elle faisait l’objet d’une enquête
nationale par les autorités libyennes compétentes et que ce pays avait la volonté et était
capable de mener véritablement à bien cette enquête. Cette décision fait l'objet d'un appel.

Concernant la Côte d’Ivoire, il s'agit principalement de l'affaire Laurent Gbagbo, ancien


Président de la République, poursuivi pour crime contre l'humanité commis pendant la
période électorale en 2011. En effet, la Côte d’Ivoire, qui n’était pas alors partie au Statut de
Rome, avait, le 18 avril 2003, déclaré accepter la compétence de la Cour. La présidence de la
République de Côte d’Ivoire a récemment confirmé cette acceptation les 14 décembre 2010 et
le 3 mai 2011. Le 15 février 2013, la Côte d’Ivoire a ratifié le Statut de Rome. Le 3 octobre
2011, la CPI a autorisé le Procureur à ouvrir une enquête proprio motu pour les crimes
présumés relevant de la compétence de la Cour, qui auraient été commis en Côte d’Ivoire
depuis le 28 novembre 2010, ainsi que sur les crimes qui pourraient être commis dans le futur
dans le contexte de cette situation. Le 22 février 2012, la CPI a décidé d’élargir son
autorisation d’enquêter sur la situation en Côte d’Ivoire pour inclure les crimes relevant de la
compétence de la Cour qui auraient été commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre
2010.

Le 23 novembre 2011, la CPI a émis un mandat d'arrêt, délivré, à l'encontre de Laurent


Gbagbo, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité. Le 30 novembre 2011, le suspect a
été transféré à la prison de la CPI à La Haye par les autorités ivoiriennes. Le 5 décembre
2011, M. Gbagbo a comparu pour la première fois devant la CPI. L’audience de confirmation
des charges s’est tenue du 19 au 28 février 2013. Le 3 juin 2013, la CPI a ajourné l’audience
de confirmation des charges et demandé au Procureur d’envisager d’apporter des éléments de
preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes relativement aux charges
951

portées contre Laurent Gbagbo. Le 22 novembre 2012, la CPI a levé les scellés sur un mandat
d’arrêt émis à l’encontre de Simone Gbagbo pour quatre chefs de crimes contre l’humanité
prétendument commis sur le territoire de la Côte d'Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12
avril 2011. Mme Gbagbo n’est pas détenue par la Cour.

Le 30 septembre 2013, la CPI a levé les scellés sur le mandat d’arrêt à l’encontre
de Charles Blé Goudé (président de jeunes patriotes et ancien ministre de la jeunesse),
initialement délivré le 21 décembre 2011, pour quatre chefs de crimes contre l’humanité qui
auraient été perpétrés dans le contexte des violences post-électorales survenues sur le
territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011. Le 22 mars 2014,
Charles Blé Goudé été remis à la CPI par les autorités de la Côte d’Ivoire et a comparu pour la
première fois devant la Cour le 27 mars 2014. M. Blé Goudé est détenu à la prison de la
Cour.

Concernant le Mali, la situation au Mali a été déferrée à la Cour par le Gouvernement du


Mali le 13 juillet 2012. Le 6 janvier 2013, le Bureau du Procureur de la CPI a ouvert une
enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali depuis janvier 2012. Après
avoir procédé à un examen préliminaire de la situation, notamment une évaluation de la
recevabilité d’affaires éventuelles, le Bureau du Procureur a conclu qu’il existait une base
raisonnable pour ouvrir une enquête.

Concernant d'autres pays, le Bureau du Procureur effectue actuellement des examens


préliminaires dans un certain nombre de pays dont l’Afghanistan, la Géorgie, la Guinée, la
Colombie, le Honduras, la Corée et le Nigeria.
952

ANNEXES
MODELES D'ACTES DE PROCEDURE

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

PARQUET DE …………………………
N°…….. adressé à ……… le …….

AVIS D’OUVERTURE D’INFORMATION OU D’INSTRUCTION N°R.M.P.

Identité complète de l’inculpé (contrôlée à l’aide de documents officiels. Il y a lieu de ne pas


omettre l’âge, la profession de l’inculpé et les fonctions qu’il exerce).

Exposé succinct et précis des faits : (Cet exposé contiendra notamment les circonstances qui
ont provoqué l’ouverture de l’information ou de l’instruction, la nature des accusations
portées, les charges recueillies et la situation de l’intéressé, en liberté, en fuite, en état
d’arrestation).

La qualification des faits et la loi applicable (Libellé de préventions). Les conclusions du


magistrat instructeur.

Nom du magistrat instructeur (Signature)........................................

Date et n° du transmis par le procureur de la République au procureur de la République ou au


Procureur général de……… avec ses avis et considérations.

Lieu et date, nom du magistrat


(Signature)
953

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

PARQUET DE …………………………
N°…….. adressé à ……… le …….

N OTE DE FIN D’INFORMATION OU D’INSTRUCTION

(Suite à mon A.O.I n° /R.M.P. du ……………….


ou à ma lettre n°……. R.M.P. du ………………)

Inculpé : pour l’identité voir modèle annexe I. (Tous les renseignements doivent y figurer
après vérification de leur exactitude, mais l’identité ne doit pas être reproduite, si celle qui
figure à l’avis d’ouverture d’information ou d’instruction est complète et exacte).

Exposé des faits révélés par l’instruction ou l’information : (examen de ces faits envisagés
dans leur rapport avec le droit ; force probante des éléments acquis ; doute qui subsiste quant
à l’existence de certaines infractions ou d’un des éléments constitutifs et les motifs pour
lesquels le doute n’a pu être dissipé).

La qualification légale à donner aux faits : l’exposé des circonstances de temps, de lieu, de
faits et de personne, dont le ministère public a connaissance et qui sont de nature à influencer
l’appréciation de l’inculpé, notamment les antécédents de l’inculpé.

Les conclusions du ministère public indiquant les suites qui, à son avis devront être données
aux faits.

Le libellé de la prévention : la prévention doit être rédigée dans la forme juridique (voir
Merckaert « Comment libeller les préventions »). La prévention ne doit pas être reproduite si
elle est complète et exacte à l’avis d’ouverture d’information ou d’instruction.

Les témoins à citer :

Le temps passé en détention préventive par l’inculpé :

Nom du magistrat instructeur


(Signature)

Décision ou avis du procureur de la République


Décision ou avis du Procureur général

Lieu – Date et Nom du magistrat et signature

(Signature)
954

MODELE DE

PROCES - VERBAL DE SAISIE DE PREVENU


(art. 4, C.P.P. et l’art. 72 ord. n°78-289 du 3.7.1978)

République Démocratique du Congo p.v. n°…..du……………


Province…………………. transmis le………………
District ou ville de ………… à………………………..
Territoire ou commune………………….
Police judiciaire…………………………….
L’an ……………………………….., le………………………………….jour du mois de
…………………………………………………………………………………………..
Nous, …………………………………., Officier de Police Judiciaire à compétence
…………………………..………, en territoire (commune)
de…………………………………… ……………………………………………………….
nous trouvant à…………….........................................................................................................,
Vu l’article 4 du Code de procédure pénale et l’article 72 de l’ordonnance n° 78-289 du 03
juillet 1978 ;
Vu le procès – verbal en annexe dressé le ……………………… (ou bien vu le mandat
d’amener décerné à charge du comparant en date du …………………………. par Monsieur
l’Officier du ministère public ……………………………………………………………….);
Nous nous sommes saisis de la personne de ………………………………………………, fils
(fille) de ………………………….. et de………………………………………………...........
………………………………………………………., Originaire de ………………………..
…, résidant à ……………………………… et y exerçant la profession de ………………….
Conformément à l’article 18 alinéas 1 et 2 de la Constitution de la République Démocratique
du Congo, nous lui donnons connaissance de ses droits (en langue française qu’il comprend,
(ou bien en langue ……………………………………. par l’intermédiaire de l’interprète
assermenté …………………………………)(2687)
« Toute personne arrêtée :
1. doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute
accusation portée contre elle, et ce, dans la langue qu’elle comprend ;
2. ne peut être arrêtée et détenue pour un fait d’autrui. La responsabilité pénale
est individuelle ;
3. ne peut être arrêtée pour une dette ou un conflit à caractère civil ;
4. ne peut être détenue dans un lieu qui n’est pas sous le contrôle d’une autorité
judiciaire ;
5. a le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou son conseil
(avocat) ;
6. ne peut rester en garde à vue plus de 48 heures. A l’expiration de ce délai, la
personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité
judiciaire compétente ;

2687
Biffer la mention inutile
955

7. doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale
ainsi que sa dignité et ne peut être soumise à la torture ou à un traitement cruel,
inhumain ou dégradant ;
8. a le droit de se défendre elle – même ou de se faire assister d’un défenseur de
son choix et ce, à tous els niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête
policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister
également devant les services de sécurité ;
9. si elle est une femme, elle doit être détenue séparément des hommes ;
10. si elle est une mineure, elle doit être directement conduite devant le juge
d’enfant compétent ;
11. peut déposer plainte en cas de violation de ses droits énumérés ci – dessus et à
droit à une juste et équitable réparation du préjudice qui lui a été causé.

Lui notifie qu’elle est inculpée de ………………………………, fait prévu et puni par
…………………………………...................................................................................................
Qu’il existe à sa charge des indices sérieux de culpabilité résultant de ……………………….
Que les faits repris à l’inculpation sont punissables de plus de six mois de servitude pénale
(2688) : (ou bien) qu’il a des raisons sérieuses de craindre sa fuite (2689) : (ou bien) que
l’identité déclinée par la comparante est douteuse (2690) ;
Nous transférons le (la) détenu(e) à ……………………………………….., à la disposition de
…………………………………………………………………………….., sous escorte de
…………………………………………. , agent de ………………………………………
Je jure que le présent procès-verbal est sincère.
Le (la) détenu(e), L’Officier de Police Judiciaire,

2688
Un des trois motifs est nécessaire et suffisant
2689
Mr. l’Officier du Ministère Public ou bien Mr. le Juge du Tribunal de Paix
2690
Nom, qualité et grade de l’agent de l’ordre qui assume l’escorte
956

MODELE DE

MANDAT D’ARRET PROVISOIRE


(art. 27 & 28 Code de procédure pénale)

République Démocratique du Congo


parquet ………………………………………. RMP………………

Nous, ………………………………, Officier du Ministère Public près …………………,


Vu l’instruction ouverte à charge de …………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………;
inculpé de …………………………………., fait prévu et puni par ………………………….
Attendu qu’il existe contre le prénommé des indices graves de culpabilité résultant de……..
………………………………………………………………..................................................... ;
Que les faits lui reprochés paraissent constituer une infraction que la loi réprime d’une peine
de six mois de servitude pénale au moins;
(ou bien) Attendu qu’il existe contre le prénommé des indices sérieux de culpabilité et que les
faits lui reprochés paraissent constituer une infraction que la loi punit de sept jours de
servitude pénale tandis que la fuite est à craindre ;
(ou bien) Tandis que son identité n’est pas établie avec certitude;
(ou bien) Tandis que, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles résultant de
………………………….. l’arrestation provisoire est impérieusement réclamée par l’intérêt
de la sécurité publique.
Qu’en effet (2691) ……………………………………………………………………………….
Attendu qu’il a été signifié à l’inculpé, qu’il est en outre accusé de…………………………..
Oui l’inculpé sur les faits mis à sa charge et sur les motifs de la mise en arrestation provisoire
suivant procès – verbal en date de ce jour ;
Vu les articles 27 et 28 du Code de procédure pénale ;

Ordonnons que le susdit ………………………………………………, fils de


……………….et de…………, originaire de ………………………………………………….
et résidant à ……………………………………………… où il exerce la profession de
………………………………………………, soit mis en état d’arrestation provisoire.

Et conformément à l’article 18 alinéas 1 et 2 de la Constitution de la République


Démocratique du Congo, lui donnons connaissance (en français, langue qu’il comprend ou en
langue par l’intermédiaire de l’interprète assermenté ………………………….) de ses droits
tels que repris ci – après :
« Toute personne arrêtée :

2691
Indiquer les circonstances graves et exceptionnelles qui justifient ce mandat d’arrêt
957

1. doit être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle, et ce, dans la langue qu’elle comprend :
2. ne peut être arrêtée et détenue pour un fait d’autrui. La responsabilité pénale est
individuelle ;
3. ne peut être arrêtée pour une dette ou pour un conflit à caractère civil ;
4. ne peut être détenue dans un lieu qui n’est pas sous le contrôle d’une autorité judiciaire ;
5. a le droit d’enter directement en contact avec sa famille ou son conseil (avocat) ;
6. ne peut rester en garde à vue plus de 48 heures. A l’expiration de ce délai, la personne
gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire
compétente ;
7. doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que
sa dignité ; et ne peut être soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou
dégradant ;
8. a le droit de se défendre elle – même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et
ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et
l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services
de sécurité ;
9. si elle est une femme, elle doit être détenue séparément des hommes ;
10. si elle est mineure, elle doit être directement conduite devant le juge d’enfants compétent ;
11. peut déposer plainte en cas de violation de ses droits ci – dessus et a droit à une juste et
équitable réparation du préjudice qui lui a été causé ».

L’Officier du Ministère Public,...................................................................................................


958

II/MODELE DE MANDAT D'ARRET PROVISOIRE


(art. 27 & 28 Code de procédure pénale)

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO


PARQUET DE ………………………………………..
RMP:

Nous ………………………………………….., Officier du Ministère public près


…………………………………………………………………………………………………
…………………..

Vu l’instruction ouverte à charge de


…………………………………………………………………………..
…………………………………………………………………………………………………
………………….. ………………………………………………………………………,
inculpé de ………….…………………… , fait prévu et puni par
……………………………………………………………………………………………

Attendu qu’il existe contre le prénommé des indices graves de culpabilité résultant de
………………. …………………………………... ; que les faits lui reprochés paraissent
constituer une infraction que la loi réprime d’une peine de six mois de servitude pénale au
moins ;
(ou bien) Attendu qu’il existe contre le prénommé des indices sérieux de culpabilité et que les
faits lui reprochés paraissent constituer une infraction que la loi punit de sept jours de
servitude pénale, tandis que la fuite est à craindre ;
(ou) bien) tandis que son identité n’est pas établie avec certitude ; (ou bien) tandis que, eu
égard à des circonstances graves et exceptionnelles résultant de …………………………..
l’arrestation provisoire est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique ;
Qu’en effet (2692)
…………………………………………………………………………………………………..

Attendu qu’il a été signifié à l’inculpé, qu’il est en outre accusé de


………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
………………….

Oui l’inculpé sur les faits mis à sa charge et sur les motifs de sa mise en arrestation provisoire,
suivant procès-verbal en date de ce jour ;

2692
Indiquer les circonstances graves et exceptionnelles qui justifient ce mandat d’arrêt
959

Vu les articles 27 et 28 du code de procédure pénale ;

Ordonnons que le susdit ………………………………, fils de ………………………………..


et de ……………………………………… et résidant à ………………………… où il exerce
la profession de ……………………………………….. ; soit mis en état d’arrestation
provisoire.

Et conformément à l’article 18 alinéas 1 et 2 de la Constitution de la République


démocratique du Congo, lui donnons connaissance (en français, langue qu’il comprend, ou en
langue ……………… par l’intermédiaire de l’interprète assermenté …………………..) (2693)
de ses droits tels que repris ci-après :

« Toute personne arrêtée :


1. Doit immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle, et ce, dans la langue qu’elle comprend ;
2. Ne peut être arrêtée et détenue pour un fait d’autrui. La responsabilité pénale est
individuelle ;
3. Ne peut être arrêtée pour une dette ou pour un conflit caractère civil ;
4. Ne peut être détenue dans un lieu qui n’est pas sous le contrôle d’une autorité
judiciaire ;
5. A le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou son conseil (avocat) ;
6. Ne peut rester en garde à vue plus de 48 heures. A l’expiration de ce délai, la
personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité
judiciaire compétente ;
7. Doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi
que sa dignité ; et ne peut être soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain
ou dégradant ;
8. A le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix
et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et
l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité ;
9. Si elle est une femme, elle doit être détenue séparément des hommes ;
10. Si elle est mineure, elle doit être directement conduite devant le juge d’enfants
compétent ;
11. Peut déposer plainte en cas de violation de ses droits énumérés ci-dessus et a le droit
à une juste et équitable réparation du préjudice qui lui a été causé ».

L’Officier du Ministère public,


...................................................

2693
Biffer les mentions inutiles
960

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO PV N° DU


PROVINCE DE…………………………………….. Transmis le
VILLE DE ……………………...
TERRITOIRE OU COMMUNE ………………..
POLICE JUDICIAIRE ………………………….

Modèle de procès-verbal de saisie de prévenu


(art. 4, C.P.P. et l’art. 72 ord. n° 78-289 du 3.7.1978)

L’an ……………………………………….……. le
……………………………………………….. jour du mois de
…………………………………………………………………………………………………
………………

Nous …………………………………………………..…………. , Officier de Police


Judiciaire à compétence
…………………………………………………………………………………………….……
…..

Vu l’article 4 du Code de procédure pénale et l’article 72 de l’ordonnance n° 78-289 du 03


juillet 1978 ;

Vu le procès-verbal en annexe adressé le …………………………………………………. (ou


bien vu le mandat d’amener décerné à charge du comparant en date du …………….. par
Monsieur l’Officier du Ministère public
…………………………………………………………………………………………………)

Nous nous sommes saisi de la personne de ……………………………………. Fils (fille) de


……………. et de …………………………….. originaire de ……………………………….
Résidant à ……………….. et y exerçant la profession de
…………………………………………………………………………………

Conformément à l’article 18 alinéas 1 et 2 de la Constitution de la République démocratique


du Congo, nous lui donnons connaissance de ses droits (en langue française qu’il comprend
(ou bien en langue …………………………….. par l’intermédiaire de l’interprète assermenté
………………….……

« Toute personne arrêtée :


1. Doit immédiatement informée des motifs de son arrestation et de toute accusation
portée contre elle, et ce, dans la langue qu’elle comprend ;
2. Ne peut être arrêtée et détenue pour un fait d’autrui. La responsabilité pénale est
individuelle ;
3. Ne peut être arrêtée pour une dette ou pour un conflit caractère civil ;
961

4. Ne peut être détenue dans un lieu qui n’est pas sous le contrôle d’une autorité
judiciaire ;
5. A le droit d’entrer immédiatement en contact avec sa famille ou son conseil (avocat) ;
6. Ne peut rester en garde à vue plus de 48 heures. A l’expiration de ce délai, la
personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité
judiciaire compétente ;
7. Doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi
que sa dignité ; et ne peut être soumise à la torture ou à un traitement cruel, inhumain
ou dégradant ;
8. A le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix
et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et
l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les
services de sécurité ;
9. Si elle est une femme, elle doit être détenue séparément des hommes ;
10. Si elle est mineure, elle doit être directement conduite devant le juge d’enfants
compétent ;
11. Peut déposer plainte en cas de violation de ses droits énumérés ci-dessus et a le droit
à une juste et équitable réparation du préjudice qui lui a été causé ».

Lui notifions qu’elle est inculpée de ………………… fait prévu et puni par
…………………………….. ;

Qu’il existe à sa charge des indices sérieux de culpabilité résultant de


………………………………….

Que les faits repris à l’inculpation sont punissables de plus de six mois de servitude pénale
(2694) ; (ou bien) qu’il y a des raisons sérieuses de craindre sa fuite (1) ; (ou bien) que l’identité
déclinée par la comparante est douteuse.

Nous transférons le (la) détenu(e) à ………………… à la disposition de


(2695) ……………………………….
…………………………………………………………………………………………………
…………………….
Sous escorte de ……………….. agent (2696) de
………………………………………………………………..

Je jure que le présent procès-verbal est sincère.

Le (la) détenu(e), L’Officier de Police Judiciaire,

2694
Un des trois motifs est nécessaire et suffisant
2695
Mr l’Officier du Ministère public ou bien Mr le juge du tribunal de Paix.
2696
Nom, qualité et grade de l’agent de l’ordre qui assume l’escorte.
962

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE ................................................................................................................................................... 2


I. NOTIONS DE DROIT JUDICIAIRE .................................................................................................................................... 2
1. Définitions et place de la procédure pénale dans les branches de droit judiciaire ...................................................... 2
2. Différence entre la procédure pénale et la procédure civile......................................................................................... 5
II. DIFFERENCE ENRE LE DROIT PENAL ET LA PROCEDURE PENALE ......................................................................... 7
III. DIFFERENTS SYSTEMES DE PROCEDURE PENALE .................................................................................................. 7
1. Le système (ou procédure de type) accusatoire .......................................................................................................... 7
2. Le système (ou procédure de type) inquisitoire ......................................................................................................... 10
3. Le système (ou procédure type) appliqué par la Cour pénale internationale ............................................................ 12
4. Le système (ou procédure type) retenu en procédure pénale de la RDC ................................................................. 13
IV. HISTORIQUE DU DROIT JUDICIAIRE .......................................................................................................................... 14
1. La vengeance privée.................................................................................................................................................. 14
2. La loi du Talion........................................................................................................................................................... 14
3. Le mécanisme de règlement de conflits dans les sociétés africaines: la conciliation ................................................ 15
4. Etapes de l'institution du droit judiciaire ..................................................................................................................... 16
5. Historique de la procédure pénale congolaise ........................................................................................................... 18
V. SOURCES DE PROCEDURE PENALE .......................................................................................................................... 19
1. Les sources internes .................................................................................................................................................. 19
a) La Constitution ................................................................................................................ 19
b) La loi ............................................................................................................................ 20
c) La coutume..................................................................................................................... 20
d) La jurisprudence............................................................................................................... 24
e) Les principes généraux de droit............................................................................................. 26
f) La doctrine ...................................................................................................................... 30
g) L’équité ......................................................................................................................... 30
h) Les usages ..................................................................................................................... 31
i) Les résolutions du Conseil supérieur de la magistrature ................................................................. 32
j) Le pouvoir réglementaire du Président de la République ................................................................ 34
k) Le pouvoir réglementaire du ministre de la Justice....................................................................... 35
l) Le pouvoir réglementaire des présidents des juridictions et chefs d'offices des parquets .......................... 38
2. Les sources internationales ....................................................................................................................................... 41
VI. INTERPRETATION DES LOIS DE PROCEDURE ......................................................................................................... 45
1. L’application dans le temps........................................................................................................................................ 45
a) Principe ......................................................................................................................... 45
b) Exceptions ..................................................................................................................... 46
2. L’application dans l’espace ........................................................................................................................................ 47
VII. PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES PENAL ........................................................................................................ 48
1. Le droit d’accès à un tribunal (juge) ........................................................................................................................... 50
2. Le droit à un tribunal indépendant et impartial ........................................................................................................... 52
3. Le droit de comparaître dans la langue de son choix ................................................................................................ 59
4. Le droit à la publicité des débats ............................................................................................................................... 59
5. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable ........................................................................................................... 60
6. Le respect aux droits de la défense ........................................................................................................................... 64
7. Le droit à l’égalité des armes et le principe de la contradiction (contradictoire) ....................................................... 67
8. Le droit à la motivation des décisions judiciaires ....................................................................................................... 69
963

9. Le droit à la liberté individuelle................................................................................................................................... 69


10. Le droit à la présomption d’innocence ..................................................................................................................... 70
11. La recherche de la vérité ......................................................................................................................................... 72
PREMIERE PARTIE : LA PREUVE ......................................................................................................................................... 73
CHAPITRE I : NOTIONS.......................................................................................................................................................... 73
SECTION 1 : LA CHARGE DE LA PREUVE................................................................................................................................... 73
§ 1. La charge de la preuve incombe au ministère public lorsqu'il intervient comme partie principale ......................... 74
I. Principe .......................................................................................................................... 74
1. Rôle de la partie poursuivante ......................................................................................................................... 74
2. Rôle du juge .................................................................................................................................................... 78
§ 2. La charge de la preuve incombe à la partie civile en cas de citation directe .......................................................... 80
§ 3. Le doute profite au prévenu .................................................................................................................................... 81
SECTION 2 : LES MOYENS DE PREUVE ..................................................................................................................................... 82
§ 1. Principe de la liberté de preuve .............................................................................................................................. 82
§ 2. Limitations au principe de la liberté de preuve........................................................................................................ 84
I. Les moyens de preuves doivent respecter la légalité .................................................................... 84
1. Le respect des règles particulières.................................................................................................................. 85
2. Les preuves entachées d'irrégularité............................................................................................................... 85
II. Les moyens de preuves doivent respecter la force probante que la loi attache à certains actes.................. 90
III. Les moyens de preuve doivent être rationnels ........................................................................... 91
IV. Les moyens de preuve doivent être respectueux de la dignité humaine ............................................. 93
V. Les moyens de preuve doivent respecter les droits
de la défense et être soumis à la contradiction des débats ............................................................. 93

CHAPITRE II : L'APPRECIATION DES PREUVES ................................................................................................................ 96


SECTION 1: PRINCIPE DE LA LIBRE APPRECIATION DE LA PREUVE .............................................................................................. 96
SECTION 2 : L'EXIGENCE DE LA PREUVE AU DELA DE TOUT DOUTE RAISONNABLE ..................................................................... 100
SECTION 3: CHAMP D'APPLICATION DES REGLES DE PREUVE .................................................................................................. 102
SECTION 4: QUELQUES MOYENS DE PREUVE ......................................................................................................................... 103
§ 1. Les constatations directes .................................................................................................................................... 104
§ 2. Les procès-verbaux et les écrits ........................................................................................................................... 107
I. Les procès verbaux .......................................................................................................... 107
1. Notions .......................................................................................................................................................... 107
2. Valeur probante ............................................................................................................................................. 107
II. Les écrits ..................................................................................................................... 111
1. Notions .......................................................................................................................................................... 111
2. Valeur probante ............................................................................................................................................. 112
§ 3. L'aveu .................................................................................................................................................................. 113
I. Notions ........................................................................................................................ 113
II. Conditions de validité ..................................................................................................... 118
1. Le prévenu doit être interrogé ....................................................................................................................... 118
2. Les aveux doivent respecter la légalité et les principes généraux de droit ............................................ 118
III. Valeur probante ........................................................................................................... 120
§ 4. Les témoignages................................................................................................................................................... 123
I. Notions ........................................................................................................................ 123
II. Mise en oeuvre .............................................................................................................. 125
III. Convocation et audition des témoins .................................................................................... 127
1. Considérations générales .............................................................................................................................. 127
2. La convocation des hautes personnalités ..................................................................................................... 129
964

3. Le reproche du témoin .................................................................................................................................. 129


4. Obligation de répondre sincèrement aux questions ...................................................................................... 130
5. L'audition d'un témoin détenteur du secret professionnel ............................................................................. 130
6. La déposition du témoin sans prestation de serment .................................................................................... 132
7. La condamnation du témoin récalcitrant ....................................................................................................... 132
8. Condamnation de faux témoignage, renseignements et serment ................................................................. 133
9. Les taxes ou allocations des indemnités aux témoins .................................................................................. 134
IV. Conditions de validité ...................................................................................................... 135
1. Conditions de fond ........................................................................................................................................ 135
2. Conditions de forme ...................................................................................................................................... 136
a) Le serment ............................................................................................................................................... 136
b) L'oralité .................................................................................................................................................... 137
V. Valeur probante ............................................................................................................. 138
VI. Propositions pour une réforme ........................................................................................... 141
§ 5. Les indices et présomptions ................................................................................................................................. 141
I. Les indices .................................................................................................................... 141
1. Notions .......................................................................................................................................................... 141
2. Valeur probante ............................................................................................................................................. 142
II. Les présomptions ........................................................................................................... 142
1. Notions .......................................................................................................................................................... 142
2. Valeur probante ............................................................................................................................................. 144
§ 6. L'expertise ............................................................................................................................................................. 145
I. Notions ........................................................................................................................ 145
II. Nature et caractère de l'expertise ......................................................................................... 146
III. Qualité et choix de l'expert ................................................................................................ 147
IV. Rôle de l'expert ............................................................................................................ 149
V. Différentes catégories d'expertise en matière pénale ................................................................. 151
1. Les expertises d'investigations pénales ........................................................................................................ 151
2. Les expertises de personnalité ...................................................................................................................... 151
3. Les expertises d'évaluation du dommage ..................................................................................................... 151
VI. Les expertises les plus courantes ....................................................................................... 151
1. L'autopsie ...................................................................................................................................................... 152
2. L'expertise médicolégale ............................................................................................................................... 152
3. L'expertise toxicologique ............................................................................................................................... 152
4. L'expertise d'identification par analyse ADN ou la preuve génétique ............................................................ 153
a) Notions ..................................................................................................................................................... 153
b) Efficacité de tests génétiques nucléaires ................................................................................................. 154
c) Valeur probante de la preuve génétique .................................................................................................. 155
5. L'expertise des traces palmaires ou indiciales .............................................................................................. 156
6. L'expertise psychiatrique et l'examen psychologique .................................................................................... 156
7. L'expertise balistique ..................................................................................................................................... 156
8. L'expertise comptable.................................................................................................................................... 157
9. L'expertise en écritures ................................................................................................................................. 157
10. L'expertise automobile................................................................................................................................. 157
11. L'expertise en incendie ................................................................................................................................ 157
12. La reconnaissance par l'odeur .................................................................................................................... 157
VII. Mise en oeuvre de l'expertise ........................................................................................... 158
1. Le serment .................................................................................................................................................... 158
2. Sanction en cas de refus de prêter serment ou d'exécuter la mission .......................................................... 158
3. Mission de l'expert ......................................................................................................................................... 158
965

4. Pouvoirs et investigations de l'expert ............................................................................................................ 159


5. Rapport de l'expertise.................................................................................................................................... 160
6. Frais de l'expertise ........................................................................................................................................ 161
VIII. Valeur probante de l'expertise .......................................................................................... 161
§ 7. Les preuves informatiques .................................................................................................................................... 163
I. Fondement .................................................................................................................... 163
II. La saisie des données informatiques et la recherche informatique .................................................. 163
1. La saisie informatique ................................................................................................................................... 164
2. La recherche informatique............................................................................................................................. 164
III. Le rôle des intermédiaires privés dans la collecte de preuves ....................................................... 165
1. L'obligation de collaboration .......................................................................................................................... 165
2. Les réquisitions informatiques ....................................................................................................................... 165
3. Le repérage ................................................................................................................................................... 165
4. La rétention de données................................................................................................................................ 165
IV. Les méthodes particulières de recherches et les nouvelles technologies ......................................... 166
1. L'infiltration dans un contexte informatique ................................................................................................... 166
2. L'observation sur internet .............................................................................................................................. 167
V. L'interception de communications électroniques ....................................................................... 167
§ 8. La descente sur les lieux ...................................................................................................................................... 167
§ 9. Les mesures d'instruction complémentaire ........................................................................................................... 168
I. Les pièces à conviction ..................................................................................................... 169
II. La communication des pièces judiciaires ................................................................................ 169
III. Les moyens techniques et scientifiques................................................................................. 169
IV. La commission rogatoire .................................................................................................. 170
SECTION 5: L'INTIME CONVICTION DU JUGE............................................................................................................................ 171
SECTION 6: JUSTIFICATION ET CRITIQUE DU SYSTEME DE LA LIBERTE D'APPRECIATION DES PREUVES ........................................ 173
CHAPITRE III: REGLES DE PREUVE DANS LE CADRE DU JUGEMENT DE L'ACTION CIVILE .................................... 175
CHAPITRE IV : PROPOSITIONS POUR UNE REFORME SUR LA PREUVE ..................................................................... 177
DEUXIEME PARTIE : LA PROCEDURE AVANT L'AUDIENCE .......................................................................................... 179
CHAPITRE I : L’ACTION PUBLIQUE ................................................................................................................................... 179
SECTION 1 : NOTION ET PLENITUDE DE L’ACTION PUBLIQUE .................................................................................................... 179
§ 1. Notions de l’action publique .................................................................................................................................. 179
§ 2. La plénitude de l’exercice de l’action publique...................................................................................................... 180
SECTION 2: SUJETS DE L'ACTION PUBLIQUE........................................................................................................................... 181
§ 1. Sujets actifs........................................................................................................................................................... 181
I. Le ministère public ........................................................................................................... 182
II. La partie civile ............................................................................................................... 183
§ 2. Sujets passifs ........................................................................................................................................................ 183
I. L'auteur de l'infraction ....................................................................................................... 183
II. La personne civilement responsable ..................................................................................... 184
SECTION 3 : LES OBSTACLES A L’EXERCICE DE L’ACTION PUBLIQUE ......................................................................................... 184
§ 1. Cas du Président de la République ou du Premier Ministre ................................................................................. 184
§ 2. Cas des autres membres du gouvernement ......................................................................................................... 185
§ 3. Cas des membres de l'Assemblée nationale ou du Sénat ................................................................................... 186
§ 4. Cas des juges et officiers du ministère public près la Cour constitutionnelle, hauts magistrats des juridictions de
l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif................................................................................................................... 187
§ 5. Cas de magistrats de la Cour des comptes et parquet près cette Cour ............................................................... 188
§ 6. Cas des gouverneurs, vice-gouverneurs et ministres provinciaux........................................................................ 188
966

§ 7. Cas des membres des assemblées provinciales .................................................................................................. 189


I. Concernant les présidents des assemblées provinciales .............................................................. 189
II. Concernant les membres des assemblées provinciales ............................................................... 190
§ 8. Cas des membres du Conseil économique et social ............................................................................................ 190
§ 9. Cas des magistrats, hauts fonctionnaires, maires et maires adjoints ................................................................... 190
§ 10. Cas des membres du Conseil urbain, bourgmestres, bourgmestres adjoints, Conseil communal, chefs de
secteurs et conseillers de secteurs, chefs de chefferies et conseillers de chefferie ................................ 191
§ 11. Cas des autorités coutumières ........................................................................................................................... 192
§ 12. Cas des autorités religieuses .............................................................................................................................. 193
§ 13. Cas des chefs d'Etat et membres de gouvernement étrangers, autorités diplomatiques
ou consulaires .............................................................................................................................................................. 193
I. Les chefs d'Etat et membres de gouvernements étrangers ........................................................... 194
II. L'immunité diplomatique ................................................................................................... 195
III. L'immunité consulaire ...................................................................................................... 196
IV. L'immunité des fonctionnaires et des agents des organisations internationales .................................. 197
V. L'immunité des représentants des Etats auprès des organisations internationales ............................... 197
VI. Les locaux des missions diplomatiques et consulaires et des organisations internationales ................... 197
VII. Les effets de l'immunité .................................................................................................. 198
SECTION 4: EXTINCTION DE L’ACTION PUBLIQUE .................................................................................................................... 200
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 200
§ 2. Causes .................................................................................................................................................................. 200
I. Le décès de l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction ................................................................ 200
II. L’amnistie..................................................................................................................... 201
1. Notions .......................................................................................................................................................... 201
2. Conditions ..................................................................................................................................................... 202
3. Effets ............................................................................................................................................................. 202
4. Application d'amnistie en RDC ...................................................................................................................... 203
III. L'abrogation de la loi pénale et la dépénalisation ...................................................................... 204
IV. Le retrait de la plainte...................................................................................................... 204
1. L’adultère....................................................................................................................................................... 205
2. La grivèlerie ................................................................................................................................................... 205
3. Les infractions commises à l’étranger ........................................................................................................... 205
4. Les infractions aux droits d’auteur................................................................................................................. 205
5. Les poursuites en matière fiscale .................................................................................................................. 206
6. L'infraction de diffamation et de calomnie ..................................................................................................... 206
V. La transaction ............................................................................................................... 206
VI. La médiation pénale ....................................................................................................... 207
VII. La chose jugée............................................................................................................. 207
1. Notions .......................................................................................................................................................... 207
2. Conditions ..................................................................................................................................................... 208
3. Effets ............................................................................................................................................................. 209
VIII. La prescription de l’action publique .................................................................................... 209
1. Notions .......................................................................................................................................................... 209
2. Fondement .................................................................................................................................................... 209
3. Caractères de la prescription de l'action de l'action publique ........................................................................ 211
a) Caractère général .................................................................................................................................... 211
b) Caractère d'ordre public ........................................................................................................................... 211
c) Caractère réel .......................................................................................................................................... 211
4. Conditions de la prescription ......................................................................................................................... 212
967

a) Délais de la prescription de l’action publique ........................................................................................... 212


a.1. Durée du délai ................................................................................................................................. 212
a.2. Point de départ du délai ................................................................................................................... 212
b) Interruption de la prescription .................................................................................................................. 213
b.1. Notions ............................................................................................................................................. 213
b.2. Les causes d'interruption de la prescription de l'action publique ..................................................... 214
b.3. Effets de l''interruption de la prescription de l'action publique ......................................................... 216
5. Calcul du délai de prescription de l'action publique....................................................................................... 217
6. Les effets de la prescription de l'action publique ........................................................................................... 218
7. Imprescriptibilité de l'action publique ........................................................................................................... 218
SECTION 5: MODE DE CONNAISSANCE DES INFRACTIONS ....................................................................................................... 220
§ 1. Les dénonciations ................................................................................................................................................. 220
I. Notion .......................................................................................................................... 220
II. Conditions .................................................................................................................... 220
III. Effets ......................................................................................................................... 220
IV. Valeur de dénonciations .................................................................................................. 220
§ 2. Les plaintes ........................................................................................................................................................... 221
I. Notion .......................................................................................................................... 221
II. Conditions .................................................................................................................... 221
III. Effets ......................................................................................................................... 221
§ 3. Recherche par les agents de l'autorité (police judiciaire) ..................................................................................... 221
CHAPITRE II : L’ENQUETE PENALE ................................................................................................................................... 222
SECTION 1: ENQUETE PRELIMINAIRE ..................................................................................................................................... 222
§ 1. Organe chargé de l'enquête préliminaire: la police judiciaire ............................................................................... 222
I. Catégorie de la police judiciaire ............................................................................................ 222
1. Les officiers de police judicaire (OPJ) ........................................................................................................... 223
a) Les inspecteurs de police judiciaire (I.P.J.) à compétence générale ....................................................... 224
b) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence générale ........................................................... 224
c) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence restreinte .......................................................... 225
d) Les officiers de police judiciaire (O.P.J.) à compétence spéciale ............................................................ 225
2. Les agents de police judiciaire ..................................................................................................................... 228
II. Attributions de la police judiciaire ......................................................................................... 228
III. Propositions pour une réforme ........................................................................................... 230
1. Nécessité d'une loi relative à l’exercice des attributions
d’officiers et agents de police judiciaire ............................................................................................................. 230
2. Tenir compte de l'avis du Procureur général près la Cour de cassation
concernant la désignation des officiers de police judiciaire ............................................................................... 230
3. Renforcement de l’autorité disciplinaire de l’officier du ministère public sur tous les
officiers de Police judiciaire même militaires ..................................................................................................... 230
§ 2. Principes de l'enquête préliminaire ....................................................................................................................... 231
I. Le caractère écrit de l'enquête préliminaire .............................................................................. 231
II. Le caractère secret de l'enquête préliminaire ........................................................................... 231
III. Le caractère non contradictoire de l'enquête préliminaire ............................................................ 232
§ 3. Déroulement de l'enquête préliminaire ................................................................................................................. 233
I. L'enquête initiale ............................................................................................................. 233
1. L'enquête menée aux fins d'identification d'une personne ............................................................................ 233
2. L'enquête conduite aux fins d'élucidation des faits ....................................................................................... 234
II. Procédure ordinaire de l'enquête ......................................................................................... 234
III. La décision d'orientation ................................................................................................... 234
968

IV. Pouvoirs des OPJ durant l'enquête préliminaire ....................................................................... 235


1. La recherche des infractions et leur constat.................................................................................................. 235
2. Interrogatoire des suspects, auditions de victimes et des témoins ............................................................... 236
3. Perquisition .................................................................................................................................................... 238
4. Saisie d'objets ............................................................................................................................................... 239
5. L'exploration corporelle ................................................................................................................................. 241
6. Réquisition d'interprète, traducteur, médecins ou expert .............................................................................. 242
7. Décerner le mandat d'amener en cas d'infraction flagrante .......................................................................... 242
8. Dresser les procès-verbaux et les transmettre à l'officier du ministère public............................................... 242
9. Arrestation du suspect: la garde à vue .......................................................................................................... 244
a) Notion et conditions ................................................................................................................................. 244
b) Nécessité de procès-verbal ..................................................................................................................... 244
c) Durée ....................................................................................................................................................... 244
d) Droits de la personne placée en garde à vue .......................................................................................... 246
e) Mode d'exécution de la garde à vue ........................................................................................................ 248
f) Contrôle par le ministère public ................................................................................................................ 248
g) Violation de la loi de la garde à vue ......................................................................................................... 248
V. La clôture de l'enquête préliminaire ...................................................................................... 249
1. La renonciation des poursuites ..................................................................................................................... 249
2. L'ouverture des poursuites ............................................................................................................................ 249
SECTION 2: L'INSTRUCTION PREPARATOIRE........................................................................................................................... 250
§ 1. Organe chargé de l'instruction préparatoire: le ministère public (parquet) ........................................................... 250
I. Origine ......................................................................................................................... 250
II. Définition du ministère public .............................................................................................. 251
III. Structure du ministère public ............................................................................................. 252
1. Le parquet près les tribunaux de paix ........................................................................................................... 253
2. Le parquet près les tribunaux grande instance ............................................................................................. 253
3. Le parquet général près la Cour d’appel ....................................................................................................... 254
4. Le parquet général près la Cour de cassation .............................................................................................. 255
5. Le parquet général près la Cour constitutionnelle ......................................................................................... 257
IV. Caractères du ministère public ........................................................................................... 258
1. L’indépendance du ministère public .............................................................................................................. 258
a) L’indépendance du ministère public à l'égard des juridictions ................................................................. 258
b) L’indépendance du ministère public à l'égard des justiciables ................................................................ 260
c) L’indépendance du ministère public à l'égard du ministre de la Justice .................................................. 260
2. L’unité et indivisibilité du ministère public...................................................................................................... 265
3. L’irrecusabilité du ministère public ................................................................................................................ 270
4. L’irresponsabilité du ministère public ............................................................................................................ 274
V. Attributions du ministère public ........................................................................................... 275
1. Attributions générales .................................................................................................................................... 275
2. Attributions en matière pénale ....................................................................................................................... 276
3. Attributions en matière pénale du ministère public près la Cour constitutionnelle ........................................ 277
§ 2. Instruction préparatoire du ministère public (parquet) .......................................................................................... 277
I. Caractères et principes à respecter durant l'instruction préparatoire ................................................. 277
1. Procédure écrite ............................................................................................................................................ 277
2. Procédure secrète ......................................................................................................................................... 278
a) Sens traditionnel ...................................................................................................................................... 278
b) Sens moderne.......................................................................................................................................... 279
c) Fondement du secret de l'instruction préparatoire ................................................................................... 281
3. Procédure non contradictoire ........................................................................................................................ 282
a) Sens traditionnel ...................................................................................................................................... 282
969

b) Sens moderne.......................................................................................................................................... 282


II. Dispositions générales de l'instruction préparatoire du ministère public ............................................ 282
1. Réception et constitution du dossier de la procédure ................................................................................... 282
2. Appréciation du dossier de la procédure ....................................................................................................... 283
III. Pouvoirs et moyens d'investigation du ministère public durant l'instruction préparatoire ...................... 284
1. Mener les enquêtes ....................................................................................................................................... 284
a) Notions ..................................................................................................................................................... 284
b) Procédure ................................................................................................................................................ 285
2. Mener l'instruction ......................................................................................................................................... 286
3. Interroger les auteurs présumés de l'infraction, auditionner les plaignants et les témoins ........................... 286
a) Notion d'interrogatoire .............................................................................................................................. 286
b) L'audition de plaignants ou victimes de l'infraction .................................................................................. 287
c) L'interrogatoire de l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction ................................................................. 287
d) L'audition de témoins ............................................................................................................................... 290
4. Décerner le mandat de comparution et le mandat d'amener ........................................................................ 292
a) Notions de mandat ................................................................................................................................... 292
b) Le mandat de comparution ...................................................................................................................... 292
b.1. Notions ............................................................................................................................................. 292
b.2. Procédure de mandat de comparution ............................................................................................ 293
c) Le mandat d'amener ................................................................................................................................ 294
c.1. Notions ............................................................................................................................................. 294
c.2. Procédure de mandat d'amener....................................................................................................... 295
a) Notions ..................................................................................................................................................... 296
b) Les visites des lieux ou visite domiciliaire ou descente sur les lieux ....................................................... 296
b.1. Notions ............................................................................................................................................. 296
b.2. Procédure de descente sur les lieux ................................................................................................ 297
c) Les perquisitions ...................................................................................................................................... 297
c.1. Notions ............................................................................................................................................. 297
c.2. Procédure de la perquisition ............................................................................................................ 298
6. Procéder à des explorations corporelles et fouille corporelle ........................................................................ 300
a) Notions ..................................................................................................................................................... 300
b) Procédure ................................................................................................................................................ 301
7. Ordonner les saisies d'objets ........................................................................................................................ 302
a) Notions ..................................................................................................................................................... 302
b) Procédure ................................................................................................................................................ 302
8. Requérir des experts, médecins, interprètes et traducteurs.......................................................................... 304
a) Les experts .............................................................................................................................................. 304
a.1. Notions ............................................................................................................................................. 304
b.1. Procédure ........................................................................................................................................ 305
b) Les interprètes et traducteurs .................................................................................................................. 306
b.1. Notions ............................................................................................................................................. 306
b.2. Procédure concernant les interprètes et traducteurs ....................................................................... 306
9. Procéder à la réquisition de la force publique ............................................................................................... 307
10. Solliciter la commission rogatoire à exécuter en RDC en cas de nécessité ............................................... 307
a) Notions ..................................................................................................................................................... 307
b) Procédure ................................................................................................................................................ 308
11. Procéder à la réquisition d'information d'OPJ ............................................................................................. 309
a) Notion....................................................................................................................................................... 309
b) Procédure ................................................................................................................................................ 309
12. Décerner le mandat d'arrêt provisoire ......................................................................................................... 310
IV. Synthèse de l'instruction préparatoire du ministère public ........................................................... 311
SECTION 2 : CLOTURE DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE ...................................................................................................... 312
970

§ 1. Etapes de clôture de l'instruction préparatoire...................................................................................................... 312


§ 2. Modalités de clôture de l'instruction préparatoire ................................................................................................. 312
I. Le classement sans suite ................................................................................................... 313
1. Motifs du classement sans suite ................................................................................................................... 313
2. Avantages de classement sans suite ............................................................................................................ 314
3. Inconvénients de classement sans suite ....................................................................................................... 315
4. Mécanismes de mettre fin aux abus du classement sans suite .................................................................... 315
5. Effets du classement sans suite .................................................................................................................... 316
6. Appréciation du système de classement sans suite ...................................................................................... 317
II. L'amende transactionnelle ................................................................................................. 317
1. Notions .......................................................................................................................................................... 317
2. Conditions ..................................................................................................................................................... 318
3. Autorités judiciaires compétentes.................................................................................................................. 319
a) L'officier de la police judiciaire ................................................................................................................. 319
b) L'officier du ministère public ..................................................................................................................... 319
4. Qui perçoit les amendes transactionnelles .................................................................................................... 320
5. Déroulement de la procédure ........................................................................................................................ 321
6. Modalités d'application de l'amende transactionnelle ................................................................................... 324
7. Effets juridiques ............................................................................................................................................. 325
8. L'exercice de l'action publique après satisfaction .......................................................................................... 326
9. Critique de l'institution de l'amende transactionnelle ..................................................................................... 327
III. La fixation du dossier au tribunal ......................................................................................... 327
1. Conséquences du dépôt du dossier .............................................................................................................. 328
2. La présaisine du tribunal ............................................................................................................................... 328
SECTION 3: LA DETENTION PREVENTIVE ................................................................................................................................ 330
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 330
I. Définition ...................................................................................................................... 330
II. Buts de la l'arrestation et la détention préventive ....................................................................... 331
III. Avantages de la détention préventive ................................................................................... 331
IV. Inconvénients de la détention préventive ............................................................................... 332
§ 2. Différentes phases de la détention préventive ...................................................................................................... 332
I. Pendant l'enquête préliminaire ............................................................................................. 332
1. Arrestation opérée par un particulier ............................................................................................................. 332
2. Arrestation opérée par un agent des forces de l'ordre .................................................................................. 333
3. Arrestation opérée par l'OPJ : la garde à vue ............................................................................................... 333
II. Pendant l'instruction préparatoire ......................................................................................... 335
1. Nature des faits commis ................................................................................................................................ 335
2. Les indices sérieux de culpabilité .................................................................................................................. 335
3. Le degré de gravité de l'infraction commise .................................................................................................. 336
4. Crainte de la fuite de l'inculpé ....................................................................................................................... 337
5. L'identité de l'inculpé est inconnue ou douteuse ........................................................................................... 338
6. La détention préventive est impérieusement réclamée
par l'intérêt de la sécurité publique .................................................................................................................... 338
7. L'interrogatoire de l'inculpé ........................................................................................................................... 339
a) Obligation d'entendre l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction ............................................................ 339
b) Obligation d'informer l'inculpé ou auteur présumé de l'infraction
de son droit de choisir et d'être assisté d'un avocat..................................................................................... 340
c) Obligation de dresser un procès-verbal de comparution ou d'audition .................................................... 340
§ 3. Procédure de mise en détention préventive ......................................................................................................... 341
I. Le mandat d'arrêt provisoire ................................................................................................ 341
1. Conditions de fond ........................................................................................................................................ 341
971

2. Conditions de forme ...................................................................................................................................... 342


3. Effets du mandat d'arrêt provisoire................................................................................................................ 343
II. L'autorisation de mise en détention préventive par la chambre du conseil ......................................... 343
1. Décision de la chambre du conseil ................................................................................................................ 343
2. Recours devant la chambre du conseil de la juridiction d'appel .................................................................... 344
III. La confirmation de mise en détention préventive par la chambre du conseil ...................................... 346
1. Décision de la chambre du conseil ................................................................................................................ 346
2. Recours ......................................................................................................................................................... 346
IV. La prorogation de mise en détention préventive par la chambre
du conseil pendant l'instruction préparatoire........................................................................... 347
1. Décision de la chambre du conseil ................................................................................................................ 347
2. Recours ......................................................................................................................................................... 347
V. Prorogation de mise en détention préventive après la saisine de la juridiction au fond .......................... 348
1. Décision sur la détention préventive ............................................................................................................. 348
2. Recours de la décision sur détention préventive ........................................................................................... 348
3. La mise en dépôt du prévenu cité ou sommé ............................................................................................... 348
VI. La détention préventive en l'instance du pourvoi en cassation ...................................................... 349
§ 4. Conditions spécifiques à certains justiciables ....................................................................................................... 350
I. Les bénéficiaires du privilège de juridiction .............................................................................. 350
1. Au niveau du tribunal de grande instance et de la Cour d'appel ................................................................... 350
2. Au niveau de la Cour de cassation................................................................................................................ 351
3. Au niveau de la Cour constitutionnelle .......................................................................................................... 351
II. Les personnalités étrangères .............................................................................................. 351
SECTION 4: LA MISE EN LIBERTE PROVISOIRE PENDANT L'ENQUETE PRELIMINAIRE ET L'INSTRUCTION PREPARATOIRE ................. 352
§ 1. La mise en liberté de l'auteur présumé de l'infraction pendant l'enquête préliminaire devant
l'officier de police judiciaire .......................................................................................................................................... 352
§ 2. La mise en liberté ou la mise en liberté provisoire pendant l'instruction préparatoire devant
l'officier du ministère public .......................................................................................................................................... 352
§ 3. La mise en liberté provisoire pendant l'instruction préparatoire devant la chambre du
conseil de la juridiction ................................................................................................................................................. 354
I. Devant la chambre du conseil du tribunal de paix....................................................................... 354
II. Devant la chambre du conseil de la juridiction d'appel ................................................................ 355
SECTION 5 : LA MISE EN LIBERTE PROVISOIRE DEVANT LA JURIDICTION DE JUGEMENT ..................... 355
§ 1. Principe ................................................................................................................................................................. 355
§ 2. La réincarcération du prévenu .............................................................................................................................. 356
TROSIEME PARTIE : ............................................................................................................................................................ 358
LA PROCEDURE A L'AUDIENCE ........................................................................................................................................ 358
CHAPITRE I : CARACTERES DE LA PROCEDURE DEVANT LES
JURIDICTIONS DE JUGEMENT ........................................................................................................................................... 358
SECTION 1: CARACTERE ORAL ............................................................................................................................................. 358
SECTION 2: CARACTERE PUBLIC ........................................................................................................................................... 361
SECTION 3: CARACTERE CONTRADICTOIRE ........................................................................................................................... 362
SECTION 4: L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT ............................................................................................................................... 363
CHAPITRE II: LA SAISINE DU TRIBUNAL .......................................................................................................................... 364
SECTION 1: PRELIMINAIRE DE LA SAISINE DU TRIBUNAL .......................................................................................................... 364
§ 1. Transmission des pièces et dossier à la juridiction ............................................................................................... 364
§ 2. Dessaisissement du magistrat instructeur ............................................................................................................ 364
SECTION 2: MODES DE SAISINE DU TRIBUNAL ........................................................................................................................ 365
972

§ 1. La citation à prévenu............................................................................................................................................. 365


§ 2. La citation directe .................................................................................................................................................. 366
§ 3. La comparution volontaire..................................................................................................................................... 367
§ 4. La saisine d'office en cas d'infraction d'audience ................................................................................................. 368
§ 5. La sommation ....................................................................................................................................................... 369
§ 6. La saisine par comparution immédiate du délinquant .................................................................................. 370
§ 7. La saisine par une voie de recours après une décision au fond ................................................................ 370
§ 8. La saisine par décision de renvoi .................................................................................................................... 371
I. En cas de renvoi pour cause de sureté publique et suspicion légitime ...................................... 371
II. En cas de litispendance .................................................................................................. 371
III. En cas de connexité ....................................................................................................... 371
IV. En cas de règlement des juges .......................................................................................... 372
V. En cas de pourvoi en cassation........................................................................................... 372
VI. En cas de conflit d'attribution ............................................................................................. 372
SECTION 2: MODALITES ET DELAIS DE SIGNIFICATION DE CITATION .......................................................................................... 373
§ 1. Modalités de signification ...................................................................................................................................... 373
I. La signification à personne ................................................................................................. 373
II. La signification à résidence ou à domicile ............................................................................... 373
III. La signification par missive ............................................................................................... 374
IV. La signification par édit et missive ...................................................................................... 374
V. La signification par édit et publication (affichage) ...................................................................... 374
§ 2. Les délais de signification ..................................................................................................................................... 375
I. Principe ........................................................................................................................ 375
II. Abréviation et prolongation des délais ................................................................................... 376
SECTION 3 : LES EFFETS DE LA SAISINE................................................................................................................................. 377
§ 1. La juridiction de jugement est saisie des faits infractionnels (in rem) ................................................................... 377
§ 2. La juridiction de jugement n'est saisie qu'à l'égard des
personnes poursuivies (in personam) .......................................................................................................................... 379
§ 3. La juridiction de jugement a la maîtrise du procès pénal ...................................................................................... 380
§ 4. La juridiction de jugement ne peut se dessaisir que par une décision sur le fond ................................................ 380
CHAPITRE III: L'INSTRUCTION A L'AUDIENCE ................................................................................................................. 381
SECTION 1: L'INSTRUCTION PRELIMINAIRE ............................................................................................................................. 381
§ 1. Rappel des règles relatives à l'organisation des juridictions ................................................................................. 381
§ 2. Etapes de l'instruction préliminaire ....................................................................................................................... 381
I. Appel du rôle.................................................................................................................. 382
II. Vérification de la saisine ................................................................................................... 382
III. Constitution de la partie civile............................................................................................. 383
1. Définition ....................................................................................................................................................... 383
2. Objet de l'action civile .................................................................................................................................... 383
3. Etendue de la saisine civile ........................................................................................................................... 383
a) Principe .................................................................................................................................................... 383
b) Désistement ou renonciation de l'action civile ......................................................................................... 384
2. L'option de la victime: entre la voie pénale et la voie civile ........................................................................... 384
a) Principe de l'autorité de la chose jugée au criminel (pénal) sur le civil .................................................... 384
b) Principe selon lequel "le criminel (pénal) tient le civil en état" ................................................................. 385
c) Intérêt du choix de la voie pénale ............................................................................................................ 385
c.1. Avantages de la voie pénale ............................................................................................................ 385
c.2. Inconvénients de la voie pénale ....................................................................................................... 386
3. L'application de l'adage Electa una via ......................................................................................................... 386
973

4. Modalités de constitution de la partie civile ................................................................................................... 389


a) Procédés de la constitution de partie civile ou pour introduire l'action civile............................................ 389
a.1. La constitution de la partie civile par voie d'action ou la citation directe .......................................... 389
a.2. La constitution de la partie civile par voie de l'intervention
ou la constitution de la partie civile en cours d'instance ......................................................................... 390
b) Application de la constitution de partie civile ........................................................................................... 390
5. Effets de la constitution de la partie civile ..................................................................................................... 391
SECTION 2: L'INSTRUCTION PROPREMENT DITE A L'AUDIENCE ................................................................................................. 392
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 392
§ 2. Déroulement des débats à l'audience ................................................................................................................... 392
I. Schéma de la procédure à l'audience..................................................................................... 392
1. Formalités préliminaires ................................................................................................................................ 394
2. L'appel du rôle ............................................................................................................................................... 394
3. Résumé de l'affaire et réquisitions préliminaires par le ministère public ....................................................... 395
4. Auditions sommaires de la partie civile ......................................................................................................... 396
5. L'interrogatoire ou comparution du prévenu .................................................................................................. 396
6. Audition des témoins à charge et à décharge ............................................................................................... 398
7. Intervention des avocats pour faire poser des questions aux témoins par le tribunal ................................... 401
8. Le tribunal ordonne toute mesure d'instruction complémentaire
qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité ...................................................................................... 401
a) L'audition de l'expert ................................................................................................................................ 402
b) La descente sur les lieux ou visite des lieux ............................................................................................ 402
c) Mesures d'instruction complémentaires ................................................................................................... 403
9. Les procès-verbaux de constat, s'il y en a, sont lus par le greffier ................................................................ 404
10. Réquisitoire du ministère public .................................................................................................................. 404
11. Conclusions de la partie civile ..................................................................................................................... 405
12. Conclusions de la partie civilement responsable ........................................................................................ 406
13. Plaidoirie des avocats ................................................................................................................................. 406
14. La clôture des débats .................................................................................................................................. 408
15. La réouverture des débats .......................................................................................................................... 409
II. Remise de la cause ......................................................................................................... 411
III. Les incidents ................................................................................................................ 412
IV. Procès verbal d'audience ................................................................................................. 414

CHAPITRE IV: LE JUGEMENT ............................................................................................................................................. 416


SECTION 1: LE DELIBERE ..................................................................................................................................................... 416
§ 1.Notions ................................................................................................................................................................... 416
§ 2. Nécessité et formes du délibéré ........................................................................................................................... 416
§ 2. Procédure du délibéré........................................................................................................................................... 417
I. Magistrats admis au délibéré ............................................................................................... 417
II. Le secret du délibéré ....................................................................................................... 418
III. Modalités d'expression de la conviction lors du délibéré ............................................................. 419
IV. L'objet du délibéré.......................................................................................................... 420
1. Délibération sur les questions préliminaires .................................................................................................. 420
2. Délibération sur les moyens de preuve et force probante ............................................................................. 421
3. Délibération sur la culpabilité ........................................................................................................................ 422
4. Délibération sur la peine ................................................................................................................................ 422
5. Délibération sur les intérêts civils .................................................................................................................. 423
SECTION 2: LE PRONONCE DE JUGEMENT.............................................................................................................................. 424
§ 1. Notions de jugement ............................................................................................................................................. 424
§ 2. Objet du jugement................................................................................................................................................. 425
974

§ 3. Contenu du jugement............................................................................................................................................ 425


I. Les motifs du jugement ..................................................................................................... 426
1. Le préambule du jugement............................................................................................................................ 426
2. Identités des parties ...................................................................................................................................... 426
3. Les faits de la prévention, la qualification ...................................................................................................... 427
4. Les conclusions des parties .......................................................................................................................... 427
5. La motivation ................................................................................................................................................. 427
a) Notions ..................................................................................................................................................... 427
b) La motivation en fait ................................................................................................................................. 428
c) La motivation en droit ............................................................................................................................... 429
c.1. Généralités ....................................................................................................................................... 429
c.2. L'indication des dispositions applicables .......................................................................................... 430
c.3. La motivation sur la culpabilité ......................................................................................................... 430
c.4. La motivation de la peine ................................................................................................................. 431
c.5. Les condamnations d'office .............................................................................................................. 433
II. Le dispositif du jugement ................................................................................................... 433
1. La réponse à une question préliminaire et préalable .................................................................................... 433
2. L’action publique ........................................................................................................................................... 433
3. L'action civile ................................................................................................................................................. 435
4. Les dommages et intérêts d’office................................................................................................................. 437
5. La restitution .................................................................................................................................................. 437
6. Etat des frais ................................................................................................................................................. 438
7. Le sort du cautionnement .............................................................................................................................. 439
§ 4. Modalités du prononcé du jugement ..................................................................................................................... 439
I. Notions ........................................................................................................................ 439
II. Délai du prononcé du jugement ........................................................................................... 440
III. Caractère écrit du jugement .............................................................................................. 440
IV. Publicité du prononcé du jugement ...................................................................................... 441
V. Mentions du jugement ...................................................................................................... 441
VI. Formalités de rédaction et prononcé de jugement .................................................................... 443
§ 5. Signification des jugements .................................................................................................................................. 444
§ 6. Les effets des jugements ...................................................................................................................................... 445
I. Effets généraux .............................................................................................................. 445
1. Epuisement de la saisine .............................................................................................................................. 445
2. Autorité de la chose jugée ............................................................................................................................. 446
a) Principes .................................................................................................................................................. 446
b) Caractère ................................................................................................................................................. 447
c) Conditions ................................................................................................................................................ 447
d) Autorité de la chose jugée au pénal sur le pénal ..................................................................................... 448
e) L'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil ..................................................................................... 449
c.1. Principe ............................................................................................................................................ 449
c.2. Fondement ....................................................................................................................................... 450
c.3. Conditions ........................................................................................................................................ 451
c.4. Applications pratiques de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ...................................... 452
c.5. Autorité de la chose jugée de pénal sur le civil dans le cadre des voies de recours ....................... 453
c.6. Proposition pour une réforme........................................................................................................... 453
II. Effets spécifiques selon la nature de jugement ......................................................................... 454
1. Les jugements avant dire droit ..................................................................................................................... 454
2. Les jugements d'incompétence ..................................................................................................................... 454
3. Les jugements constatant l'extinction de l'action publique...................................................................... 454
4. Les jugements sur le fond ............................................................................................................................. 455
975

a) Les jugements d'acquittement ................................................................................................................. 455


b) Les jugements de condamnation ............................................................................................................. 455
b.1. La décision sur l'action publique ...................................................................................................... 456
b.2. La décision sur l'action civile ............................................................................................................ 456
b.3. La décision d'irrecevabilité ............................................................................................................... 456
§ 7. Classification des jugements en matière pénale................................................................................................... 457
I. Classification en fonction de l'auteur du jugement ...................................................................... 457
II. Classification en fonction du contenu du jugement..................................................................... 458
III. Classification en fonction de la décision au fond....................................................................... 460
IV. Classification en fonction de la procédure suivie ...................................................................... 460
V. Classification en fonction de l'intensité des effets ...................................................................... 460
§ 8. Style et caractères spécifiques des jugements ..................................................................................................... 461
I. Style des jugements ......................................................................................................... 461
II. Caractères spécifiques des jugements ................................................................................... 461
1. La minute....................................................................................................................................................... 461
2. L’expédition d’un jugement ............................................................................................................................ 461
3. La grosse d’un jugement ............................................................................................................................... 461
4. L’extrait du jugement ..................................................................................................................................... 461
SECTION 3: PARTICULARITE DU JUGEMENT PAR DEFAUT......................................................................................................... 462
§ 2. Procédure par défaut ............................................................................................................................................ 462
§ 3. Jugement par défaut ............................................................................................................................................. 463
QUATRIEME PARTIE : LES VOIES DE RECOURS ............................................................................................................ 464
CHAPITRE I: LES VOIES DE RECOURS ORDINAIRES ..................................................................................................... 465
SECTION 1: L’OPPOSITION.................................................................................................................................................... 465
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 465
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 467
I. Décisions susceptibles d'opposition ....................................................................................... 467
II. Parties pouvant faire opposition........................................................................................... 468
III. L'intérêt à agir ............................................................................................................... 469
IV. La décision attaquée ne doit pas faire l'objet d'appel ................................................................. 469
V. L'opposition doit être introduite dans le délai légal ..................................................................... 470
§ 3. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 471
§ 4. Signification de la décision par défaut .................................................................................................................. 471
§ 5. Effets ..................................................................................................................................................................... 472
I. Effet suspensif ................................................................................................................ 472
II. Effet extinctif ................................................................................................................. 473
III. Effet dévolutif................................................................................................................ 473
IV. Effet relatif ................................................................................................................... 474
§ 6. Procédure ............................................................................................................................................................. 475
I. Formalités de la saisine de la juridiction .................................................................................. 475
II. Audience et décision sur opposition ...................................................................................... 476
1. L'opposant ne comparaît pas en personne ou par un avocat ....................................................................... 476
2. L'opposant comparaît en personne ou par un avocat ................................................................................... 477
III. L'opposition pendante et l'extinction de l'action publique ............................................................. 478
IV. Jugement sur l'opposition ................................................................................................. 479
IV. Frais de l'opposition ........................................................................................................ 479
§ 7. L'opposition et le principe d'impartialité ................................................................................................................ 479
976

§ 8. Voies de recours ................................................................................................................................................... 480


§ 9. Concours de l'opposition et d'autres voies de recours.......................................................................................... 480
I. Concours de l'opposition et de l'appel .................................................................................... 480
II. Concours de l'opposition et du pourvoi en cassation .................................................................. 481
§ 10. Abus de l'opposition ............................................................................................................................................ 482
SECTION 2: L’APPEL ............................................................................................................................................................ 483
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 483
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 484
I. Décisions susceptibles d'appel ............................................................................................ 484
II. Parties pouvant interjeter appel ........................................................................................... 486
1. L'appel du prévenu ........................................................................................................................................ 486
2. L'appel du civilement responsable ................................................................................................................ 486
3. L'appel de la partie civile ............................................................................................................................... 487
4. L'appel du ministère public ............................................................................................................................ 488
III. L'appel doit être introduit dans le délai légal ............................................................................ 489
IV. L'intérêt ...................................................................................................................... 491
§ 3. Formes de l'appel ................................................................................................................................................. 491
I. L'appel principal .............................................................................................................. 491
II. L'appel incident .............................................................................................................. 492
§ 4. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 494
§ 5. Procédure ............................................................................................................................................................. 494
I. Formalités précédant l'audience ........................................................................................... 494
1. Recevabilité de l'appel................................................................................................................................... 494
2. Pouvoirs de la juridiction d'appel avant l'audience d'introduction .................................................................. 495
3. Fixation d'audience........................................................................................................................................ 495
4. Citation en appel ........................................................................................................................................... 496
II. Déroulement de l'audience de la juridiction d'appel .................................................................... 497
§ 6. Désistement d'appel ............................................................................................................................................. 500
§ 7. La demande nouvelle............................................................................................................................................ 500
§ 8. Décisions possibles de la juridiction d'appel ......................................................................................................... 501
I. Recevabilité ................................................................................................................... 501
II. Décision sur la compétence ............................................................................................... 501
II. Décision sur le fond de l'affaire............................................................................................ 502
1. Décision avant dire droit ................................................................................................................................ 502
2. Décision de confirmation ............................................................................................................................... 502
3. Décision de confirmation moyennant quelques modifications ....................................................................... 502
4. Décision de réformation ................................................................................................................................ 503
§ 9. Décisions rendues par défaut ............................................................................................................................... 504
§ 10. Effets de l'appel .................................................................................................................................................. 504
I. L'effet suspensif .............................................................................................................. 504
II. L'effet dévolutif............................................................................................................... 506
III. L'évocation .................................................................................................................. 507
1. Notions .......................................................................................................................................................... 507
2. Conditions de l'évocation............................................................................................................................... 508
3. Etendue de l'évocation et ses effets .............................................................................................................. 510
IV. Effet relatif de l'appel ...................................................................................................... 511
§ 11. L'appel et le principe d'impartialité ...................................................................................................................... 513
§ 12. Voies de recours ................................................................................................................................................. 513
§ 13. Concours entre l'appel et l'opposition ................................................................................................................. 514
977

I. Les deux vois de recours sont exercées par la même partie .......................................................... 514
1. Les deux voies de recours sont utilisées simultanément .............................................................................. 514
2. Les deux voies de recours sont utilisées successivement ............................................................................ 515
a) Appel postérieur à une opposition recevable ........................................................................................... 515
b) Opposition postérieure à l'appel .............................................................................................................. 515
II. Les deux voies de recours sont exercées par les parties différentes ................................................ 516
1. Généralités .................................................................................................................................................... 516
2. Concours entre l'opposition du prévenu et l'appel du ministère public .......................................................... 516
§ 14. Désistement ........................................................................................................................................................ 517
CHAPITRE II : LES VOIES DE RECOURS EXTRAORDINAIRES ...................................................................................... 518
SECTION 1: LA TIERCE OPPOSITION ...................................................................................................................................... 518
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 518
§ 2. Décisions susceptibles de la tierce opposition...................................................................................................... 519
I. Décisions rendues en matière civile ....................................................................................... 519
II. Décisions pénale sur les intérêts civils ................................................................................... 520
III. Exclusion des arrêts de la Cour de cassation .......................................................................... 520
§ 3. Conditions de la tierce opposition ......................................................................................................................... 520
I. La tierce opposition doit émaner d'un tiers ............................................................................... 520
II. La décision attaquée doit être susceptible de préjudicier aux droits des tiers ...................................... 521
III. Le demandeur doit justifier d'un intérêt et de la qualité ............................................................... 521
1. Intérêt ............................................................................................................................................................ 521
2. Qualité ........................................................................................................................................................... 522
§ 4. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 522
§ 5. Procédure ............................................................................................................................................................. 524
I. Délai ........................................................................................................................... 524
II. Forme ......................................................................................................................... 524
§ 6. Effets ..................................................................................................................................................................... 525
I. Passer outre ou sursoir à statuer .......................................................................................... 525
II. Effet non suspensif .......................................................................................................... 525
III. Effet dévolutif................................................................................................................ 525
IV. Effet relatif de la tierce opposition ....................................................................................... 526
§ 7. La tierce opposition et le principe d'impartialité .................................................................................................... 526
§ 8. Voies de recours ................................................................................................................................................... 526
§ 9. Concours de la tierce opposition et d'autres voies de recours ............................................................................ 527
I. Concours de la tierce opposition et de l'appel ........................................................................... 527
II. Concours de la tierce opposition et de l'opposition ..................................................................... 528
§ 10. Proposition sa réforme ........................................................................................................................................ 528
SECTION 2: LA PRISE A PARTIE ............................................................................................................................................. 528
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 528
§ 2. Magistrats concernés ............................................................................................................................................ 529
§ 3. Conditions ............................................................................................................................................................. 530
I. Le dol .......................................................................................................................... 530
II. La concussion ............................................................................................................... 536
III. Le déni de justice ........................................................................................................... 537
§ 4. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 537
§ 5. Procédure ............................................................................................................................................................. 538
§ 6. Effets ..................................................................................................................................................................... 538
§ 7. Voies de recours ................................................................................................................................................... 540
978

§ 8. Propositions de sa réforme ................................................................................................................................... 541


SECTION 3: LA REQUETE CIVILE ............................................................................................................................................ 542
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 542
§ 2. Décisions susceptibles de requête civile .............................................................................................................. 543
§ 3. Causes de requête civile....................................................................................................................................... 544
I. Le dol personnel ............................................................................................................. 544
II. S'il l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ................................... 546
III. Contrariété de jugement en dernier ressort entre les mêmes parties
et sur les mêmes moyens, dans les mêmes cours et tribunaux .................................................... 547
IV. Si depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives
et qui avaient été retenues par le fait de la partie .................................................................... 547
§ 4. Parties pouvant introduire la requête civile ........................................................................................................... 549
§ 5. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 550
§ 6. Procédure ............................................................................................................................................................. 550
I. Délai ........................................................................................................................... 550
II. Forme ......................................................................................................................... 551
§ 7. Effets ..................................................................................................................................................................... 551
§ 8. La requête civile et le principe d’impartialité du juge ............................................................................................ 552
§ 9. Voies de recours ................................................................................................................................................... 552
§ 10. Proposition de sa réforme ................................................................................................................................... 553
SECTION 4: LA REVISION ...................................................................................................................................................... 554
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 554
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 555
I. Une décision pénale de condamnation passée en force de la chose jugée ......................................... 555
II. Contrariété de décisions ................................................................................................... 556
III. Faux témoignage ........................................................................................................... 557
IV. Existence des indices suffisants ......................................................................................... 558
V. Faits nouveaux et pièces inconnues lors des débats .................................................................. 558
§ 3. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 560
§ 4. Procédure devant la Cour de cassation ................................................................................................................ 560
I. Introduction de la demande................................................................................................. 560
1. Recevabilité de la demande .......................................................................................................................... 560
2. Délai pour introduire la demande .................................................................................................................. 560
3. Parties autorisées à introduire la demande ................................................................................................... 560
4. Saisine de la Cour de cassation .................................................................................................................... 561
II. Instruction de la Cour de cassation ....................................................................................... 561
III. Arrêt de la Cour de cassation ............................................................................................. 561
1. Décision de la Cour de cassation .................................................................................................................. 561
2. Circonstances de condamnation au payement des dommages et intérêts ................................................... 562
3. Frais de l'instance.......................................................................................................................................... 563
4. Publicité de la décision de révision ............................................................................................................... 563
§ 5. Effets de la saisine de la Cour de cassation ......................................................................................................... 563
I. Effet suspensif ................................................................................................................ 563
II. Effet dévolutif ................................................................................................................ 564
§ 6. Effets de la révision prononcée............................................................................................................................. 564
§ 7. La révision et le principe d’impartialité du juge .................................................................................................... 565
§ 8. Voies de recours ................................................................................................................................................... 566
SECTION 5: LE POURVOI EN CASSATION ................................................................................................................................ 566
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 566
979

§ 2. Condition ............................................................................................................................................................... 568


I. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être rendus en dernier ressort ................ 568
II. Les jugements et arrêts soumis au pourvoi en cassation doivent être définitifs ................................... 570
III. Les cours et tribunaux doivent avoir violé ou mal appliqué la loi la
coutume ou les traités internationaux dûment ratifiés ................................................................ 573
1. L’incompétence ............................................................................................................................................. 575
2. L’excès de pouvoirs des cours et tribunaux .................................................................................................. 576
3. La fausse application ou la fausse interprétation de la loi ............................................................................. 577
4. La fausse application ou la fausse interprétation de la coutume ................................................................... 578
5. La non-conformité de la coutume dont il a été fait
application aux lois ou à l’ordre public .............................................................................................................. 579
a) La non-conformité de la coutume aux lois ............................................................................................... 579
b) La non-conformité de la coutume à l'ordre public .................................................................................... 579
6. La violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité ......................................................... 579
a) La composition du tribunal ou de la Cour ................................................................................................ 581
b) La saisine du tribunal ou de la Cour ........................................................................................................ 581
c) Les droits de la défense ........................................................................................................................... 581
d) L'administration de la preuve ................................................................................................................... 581
e) La motivation des jugements ou arrêts .................................................................................................... 582
IV. Le pourvoi en cassation doit être introduit dans le délai légal ....................................................... 584
§ 3. Parties autorisées à se pourvoir en cassation ...................................................................................................... 585
§ 4. Le pourvoi introduit par le Procureur général près la Cour de cassation sur injonction du ministre de la Justice 587
I. Notions et conditions ........................................................................................................ 587
II. Procédure .................................................................................................................... 589
III. Arrêt de la Cour de cassation ............................................................................................. 589
IV. Effets ......................................................................................................................... 589
§ 5. Le pourvoi introduit par le Procureur général près la Cour de cassation dans le seul intérêt de la loi ................. 590
I. Notions et conditions ........................................................................................................ 590
II. Effets .......................................................................................................................... 592
§ 6. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 592
§ 7. Procédure ............................................................................................................................................................. 592
I. Délai du pourvoi en cassation .............................................................................................. 593
II. Forme du pourvoi ........................................................................................................... 594
.................................................................................................. 594
III. Mise en état de la cause
IV. Audience de la Cour de cassation ....................................................................................... 595
1. Débats à l'audience ....................................................................................................................................... 595
2. Examen des incidents ................................................................................................................................... 595
3. Prononcé et signification de l'arrêt ................................................................................................................ 596
§ 8. Effets ..................................................................................................................................................................... 596
I. Effet suspensif ................................................................................................................ 596
II. Effet dévolutif ................................................................................................................ 596
§ 9. Décisions possibles de la Cour de cassation........................................................................................................ 598
I. Généralités .................................................................................................................... 598
II. Arrêt de non-lieu à statuer ou constatant le désistement ou le défaut d'objet ...................................... 599
III. Arrêt avant dire droit ....................................................................................................... 599
IV. Arrêt d'irrecevabilité ........................................................................................................ 599
V. Arrêt de rejet ................................................................................................................. 599
VI. Arrêt de cassation .......................................................................................................... 600
980

§ 10. Pouvoirs de la juridiction de renvoi ..................................................................................................................... 601


§ 11. Pourvoi contre la décision de la juridiction de renvoi .......................................................................................... 601
§ 12. L'interdiction d'un nouveau pourvoi pour la même partie.................................................................................... 602
§ 13. La rétractation et l'interprétation d'un arrêt prononcé par la Cour de cassation ................................................. 602
§ 14. Le pourvoi en cassation et le principe d’impartialité du juge............................................................................... 603
§ 15. Voies de recours ................................................................................................................................................. 604
CINQUIEME PARTIE : PROCEDURES SPECIALES ........................................................................................................... 605
CHAPITRE I : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INCIDENTS OU CONFLITS DE COMPETENCE DES
JURIDICTIONS ...................................................................................................................................................................... 605
SECTION 1: NOTIONS PRELIMINAIRES DE COMPETENCE JUDICIAIRE ......................................................................................... 605
SECTION 2: L'INCOMPETENCE DE LA JURIDICTION SAISIE ........................................................................................................ 606
SECTION 3: LA PROROGATION DE COMPETENCE .................................................................................................................... 608
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 608
§ 2. Sortes de prorogation de compétence .................................................................................................................. 609
I. La prorogation légale de compétence..................................................................................... 609
1. La prorogation légale de compétence en raison de la connexité ou de litispendance .................................. 609
2. La prorogation légale de compétence en raison de compétence territoriale................................................. 610
3. La prorogation légale de compétence en raison d'extension de compétence matérielle .............................. 611
4. La prorogation légale de compétence en raison de compétence personnelle .............................................. 613
II. La prorogation judiciaire de compétence ................................................................................ 616
III. La prorogation volontaire ou conventionnelle de compétence ....................................................... 617
SECTION 4: LA LITISPENDANCE ............................................................................................................................................. 620
§ 1. Notions de litispendance ....................................................................................................................................... 620
§ 2. Situations qui peuvent créer la litispendance........................................................................................................ 621
§ 3. Conditions ............................................................................................................................................................. 621
I. Identité d'objet ................................................................................................................ 622
II. Identité de litige (même cause) ........................................................................................... 622
III. Identité de parties .......................................................................................................... 622
IV. Causes (demandes) pendantes devant deux tribunaux différents compétents ................................... 622
V. Juridictions appelées à statuer au premier degré de juridiction ...................................................... 624
§ 4. Règlement de l'incident de litispendance .............................................................................................................. 625
I. La juridiction saisie au degré d’appel est préférée à la juridiction saisie en premier ressort ..................... 625
II. La juridiction qui a rendu sur l’affaire une décision autre qu’une
disposition d’ordre intérieur est préférée aux autres juridictions .................................................... 626
III. La juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions ................................................ 626
§ 5. Moment de soulever l'incident de litispendance ................................................................................................... 627
§ 6. Décision réglant l'incident de litispendance .......................................................................................................... 627
SECTION 5: LA CONNEXITE ................................................................................................................................................... 629
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 629
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................ 632
I. Le lien entre deux affaires ................................................................................................. 633
II. Saisine de deux juridictions différentes et compétentes .............................................................. 633
III. L'intérêt pour une bonne administration de la justice de les instruire et les juger ensemble.................... 635
§ 3. Règlement de l'incident de la connexité ............................................................................................................... 635
§ 4. Moment de soulever l'incident de la connexité ..................................................................................................... 636
§ 5. Concours entre deux juridictions spécialisées en matière de droit privé .............................................................. 637
§ 6. Concours entre deux juridictions de droit commun ou ordinaire en matière pénale ............................................. 637
I. Concours entre deux juridictions de même nature et de même rang ................................................ 637
981

II. Concours entre deux juridictions de même nature mais de rangs différents ....................................... 638
§ 7. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction spécialisée et/ou une juridiction
militaire ou d'exception ................................................................................................................................................ 639
I. Concours entre une juridiction de droit commun ou
juridiction ordinaire et une juridiction spécialisée ..................................................................... 639
1.Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire
et le tribunal de commerce ou le tribunal de travail ........................................................................................... 639
a) En matière pénale .................................................................................................................................... 639
b) En matière civile....................................................................................................................................... 640
2. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et le tribunal pour enfants ............................ 641
II. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction militaire ou d'exception ...... 641
1. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction militaire ou d'exception du
même rang ........................................................................................................................................................ 641
2. Concours entre une juridiction de droit commun ou ordinaire et une juridiction militaire ou d'exception de
rangs différents (natures et rangs différents) .................................................................................................... 642
§ 8. Décision réglant l'incident de connexité ................................................................................................................ 642
SECTION 6: L’INDIVISIBILITE.................................................................................................................................................. 644
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 644
§ 2. Conséquences de la connexité et de l'indivisibilité en matière pénale ................................................................ 646
SECTION 7: LE CONFLIT DE JURIDICTIONS OU REGLEMENT DE JUGES....................................................................................... 646
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 646
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 647
§ 3. Juridiction compétente .......................................................................................................................................... 648
§ 4. Procédure ............................................................................................................................................................. 648
SECTION 8: LE CONFLIT D’ATTRIBUTION ................................................................................................................................ 649
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 649
§ 2. Procédure ............................................................................................................................................................. 649
§ 3. Propositions de réforme ........................................................................................................................................ 650
SECTION 9: DISPOSITIONS SUR LES CONFLITS DES COMPETENCES TERRITORIALES EN MATIERE PENALE .................................. 651
SECTION 10: LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS PENALES SUR L'ACTION CIVILE ..................................................................... 651
CHAPITRE II : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DU DOUTE D'IMPARTIALITE DU JUGE ....................................... 652
SECTION 1: LA RECUSATION ................................................................................................................................................. 652
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 652
§ 2. Juges concernés ................................................................................................................................................... 653
§ 3. Cas du ministère public......................................................................................................................................... 654
§ 4. Cas du greffier ...................................................................................................................................................... 657
§ 5. Conditions de la récusation................................................................................................................................... 658
I. Conditions de fond ........................................................................................................... 658
1. Le juge ou son conjoint a un intérêt personnel quelconque dans l’affaire..................................................... 659
2. Le juge ou son conjoint est parent ou allié soit en ligne directe, soit en ligne collatérale jusqu’au 3 ème degré
inclusivement de l’une des parties, de son avocat ou de son mandataire ........................................................ 662
3. L’existence d’amitié entre le juge et l’une des parties ................................................................................... 665
4.L’existence des liens de dépendance étroite à titre de domestique,
de serviteur ou d’employé entre le juge et l’une des parties ............................................................................. 668
5. L’existence d’une inimitié entre le juge et l’une des parties .......................................................................... 670
6. Le juge a déjà donné son avis dans l’affaire ................................................................................................. 674
7. Le juge est déjà intervenu dans l’affaire en qualité de juge, de témoin, d’interprète, d’expert ou d’agent de
l’administration ou d’avocat ou de défenseur judiciaire ..................................................................................... 680
a) l’intervention antérieure du juge dans l’affaire en qualité du juge ............................................................ 680
a.1. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties au même degré de juridiction .......................................................................... 681
982

a.2. La connaissance par le juge de la même affaire au même


degré de juridiction mais les parties différentes ............................................................................ 682
a.3. La connaissance par le juge des affaires différentes concernant
les mêmes parties au même degré de juridiction .......................................................................... 682
a.4. La connaissance par le juge du jugement avant dire droit ou décisions sur incident, d'actes
d'administration judiciaire, des mesures d'ordre et de jugement au fond de l'affaire .................... 683
a.5. La connaissance par le juge de la décision de compétence
ou sur la régularité de la saisine et de jugement au fond de l'affaire ............................................. 684
a.6. La connaissance par le juge des décisions provisoires et décisions au fond
concernant même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction ................................ 684
a.7. La connaissance par le juge du tribunal pour enfants des décisions provisoires et décisions
au fond concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction ................ 688
a.8. La participation par le juge à la fois des fonctions consultatives et des fonctions juridictionnelles
concernant la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction ............................. 690
a.9. Le cumul par le juge des fonctions de conciliation et de jugement concernant
la même affaire, les mêmes parties au même degré de juridiction ................................................ 692
a.10. Le cumul par le juge de la connaissance de la détention préventive et du fond de l'affaire .......... 693
a.11. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties en première instance et au degré d'appel........................................................ 695
a.12. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties sur opposition au même degré de juridiction ................................................... 695
a.13. La connaissance par le juge de la même affaire concernant
les mêmes parties sur tierce opposition au même degré de juridiction ......................................... 697
a.14. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties sur requête civile
....................................................................................................................................................... 698
a.15. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après révision ... 698
a.16. La connaissance par le juge de la même affaire concernant les mêmes parties après cassation 699
b) L’intervention antérieure du juge comme témoin ..................................................................................... 701
c) L’intervention antérieure du juge comme interprète ou expert ................................................................. 701
d) L’intervention antérieure du juge comme agent de l’administration ......................................................... 702
e) L’intervention antérieure du juge comme avocat ou défenseur judiciaire ................................................ 702
8. Le juge est intervenu dans l’affaire en qualité d’officier
de police judiciaire ou d’officier du ministère public .......................................................................................... 704
a) Le cumul de la qualité d'officier de police judiciaire ou
d'officier du ministère public et le jugement au fond .................................................................................... 704
b) Le cumul de la qualité d'officier de police judiciaire ou d'officier du ministère public et la participation au
jugement de détention préventive en chambre du conseil en tant que juge ................................................ 706
9. Propositions pour une réforme concernant les causes de récusation ........................................................... 707
II. Conditions de forme ........................................................................................................ 708
§ 6. Procédure de récusation ....................................................................................................................................... 708
I. Juridiction compétente ...................................................................................................... 709
II. Personnes autorisées à récuser .......................................................................................... 710
III. Modalités d'introduction de la demande de récusation ............................................................... 710
IV. Eléments essentiels de la demande de récusation ................................................................... 711
V. Moment de la demande de récusation ................................................................................... 713
VI. Délai de citation d'audience de la récusation .......................................................................... 713
VII. Déroulement de l'audience et jugement de la récusation ........................................................... 714
1. Déroulement de l'audience ............................................................................................................................ 714
2. Jugement de la récusation ............................................................................................................................ 715
VIII. Voies de recours ......................................................................................................... 716
IX. Sanctions applicables ..................................................................................................... 717
983

X. Effets de jugement de récusation ........................................................................................ 719


§ 7. Procédure de décharger de l'affaire l'officier du ministère public en matière pénale pour absence d'impartialité 719
SECTION 2: LE DEPORT........................................................................................................................................................ 720
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 720
§ 2. Causes du déport.................................................................................................................................................. 721
§ 3. Procédure de déport ............................................................................................................................................. 723
§ 4. Conséquences du refus de déport ........................................................................................................................ 724
§ 5. Sanction en cas du déport injustifié ...................................................................................................................... 724
SECTION 3: LE RENVOI POUR CAUSE DE SUSPICION LEGITIME OU DE SURETE PUBLIQUE........................................................... 725
§ 1. Le renvoi pour cause de suspicion légitime .......................................................................................................... 725
I. Notions ........................................................................................................................ 725
II. Juridiction concernée ....................................................................................................... 726
III. Les causes de la suspicion légitime ..................................................................................... 727
IV. Procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime ............................................................... 736
1. Juridiction compétente .................................................................................................................................. 736
2. Modalités d'introduction de la demande ........................................................................................................ 737
3. Moment de la demande................................................................................................................................. 738
4. Eléments probants de la demande................................................................................................................ 738
5. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause de suspicion légitime..................................... 739
a) Déroulement de l'audience ...................................................................................................................... 739
b) Décision de renvoi pour cause de suspicion légitime .............................................................................. 740
6. Voies de recours ........................................................................................................................................... 741
7. Sanctions applicables .................................................................................................................................... 741
8. Effets de la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime ................................................................ 742
§ 2. Le renvoi pour cause de sûreté publique .............................................................................................................. 743
I. Notions ........................................................................................................................ 743
II. Causes de sûreté publique ................................................................................................ 743
III. Procédure de renvoi pour cause de sûreté publique .................................................................. 744
1. Juridiction compétente ................................................................................................................................. 744
2. Modalités d'introduction de la demande ........................................................................................................ 745
3. Moment de la demande................................................................................................................................. 745
4. Déroulement de l'audience et décision de renvoi pour cause sûreté publique ............................................. 746
a) Déroulement de l'audience ...................................................................................................................... 746
b) Décision de renvoi pour cause de sûreté publique .................................................................................. 746
5. Voies de recours ........................................................................................................................................... 747
6. Effets de la décision de renvoi pour cause de sûreté publique ..................................................................... 747
CHAPITRE III : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INFRACTIONS INTENTIONNELLES FLAGRANTES .............. 748
SECTION 1: ORIGINE, JUSTIFICATION ET FONDEMENT ............................................................................................................. 748
§ 1. Origine .................................................................................................................................................................. 748
§ 2. Justification et fondement ........................................................................................................................... 748
SECTION 2: DEFINITIONS...................................................................................................................................................... 750
SECTION 3: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 753
§ 1. Modalités de la procédure..................................................................................................................................... 753
I. Constat de l'infraction et enquête sommaire ............................................................................. 753
II. Collecte des preuves ....................................................................................................... 755
III. Perquisitions................................................................................................................ 756
IV. Arrestation de suspect et conduite devant la juridiction compétente ............................................... 757
§ 2. Particularités ......................................................................................................................................................... 759
I. Dérogations aux règles de droit commun ................................................................................ 759
984

II. Absence d’instruction préparatoire et instruction sommaire devant le tribunal ..................................... 761
III. Pouvoirs exceptionnels de l'OPJ en cas de flagrance ................................................................ 762
IV. Saisine spéciale du tribunal............................................................................................... 763
V. Arrestation immédiate de l'auteur de l'infraction et audition des témoins .......................................... 763
VI. Droits de la personne arrêtée en cas de flagrance .................................................................... 765
1. Droits constitutionnels ................................................................................................................................... 765
2. Droit d'être assisté par un avocat et désignation d'un avocat d'office ........................................................... 765
VII. Constitution de la partie civile et jugement ............................................................................ 766
VIII. Concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction ............................................................. 766
IX. Eventualité d'une remise .................................................................................................. 767
X. Voies de recours ............................................................................................................ 767
SECTION 4: APPRECIATION DE LA PROCEDURE ...................................................................................................................... 768
CHAPITRE IV : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES EN MATIERE DE VIOLENCES SEXUELLES
............................................................................................................................................................................................... 769
SECTION 1 : NOTIONS .......................................................................................................................................................... 769
§ 1. Définition des violences sexuelles ....................................................................................................................... 769
§ 2. Les formes de violences sexuelles ...................................................................................................................... 770
SECTION 2: LES PARTICULARITES DE LA PROCEDURE ............................................................................................................. 770
§ 1. Accélération du délai d'enquête et de procédure.................................................................................................. 770
§ 2. Suppression de la possibilité de clôturer le dossier par payement des amendes transactionnelles ................... 771
§ 3. Réquisition d'office d'un médecin et un psychologue ........................................................................................... 771
§ 4. Dérogation en matière d'administration de la preuve ........................................................................................... 772
§ 5. Mesures nécessaires pour sauvegarder la dignité de la victime .......................................................................... 772
§ 6. Concernant les bénéficiaires du privilège de juridiction ........................................................................................ 772
SECTION 3: APPRECIATION DE LA PROCEDURE: LE VIOL DEVIENT-ILUN FONDS DE COMMERCE .................................................. 773
CHAPITRE V : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INFRACTIONS D'AUDIENCE ..................................................... 776
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 776
SECTION 2: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 776
§ 1. Juridiction compétente et saisine d'office ............................................................................................................. 776
§ 2. Instruction de la cause et jugement ...................................................................................................................... 778
§ 3. Voies de recours ................................................................................................................................................... 780
§ 4. Propositions pour une réforme.............................................................................................................................. 781
CHAPITRE VI : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DE POURSUITES PENALES DES MINEURS ............................. 782
SECTION 1: FONDEMENT...................................................................................................................................................... 782
SECTION 2: LA MEDIATION.................................................................................................................................................... 783
SECTION 3: LA PROCEDURE JUDICIAIRE DEVANT LE TRIBUNAL POUR ENFANTS......................................................................... 784
§ 1. Saisine .................................................................................................................................................................. 784
§ 2. Garanties procédurales......................................................................................................................................... 785
§ 3. Mesures provisoires .............................................................................................................................................. 786
§ 4. Instruction de la cause .......................................................................................................................................... 786
§ 5. Jugement ou décision de la cause........................................................................................................................ 787
§ 6. Voies de recours .................................................................................................................................................. 788
§ 7. Exécution du jugement ou décision ..................................................................................................................... 789
SECTION 4: L'IMPARTIALITE DES TRIBUNAUX POUR ENFANTS................................................................................................... 789
CHAPITRE VII : PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DU PRESIDENT DE LA
REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE DEVANT LA COUR CONSTITUTIONNELLE ................................................ 791
985

SECTION 1: POURSUITES PENALES A L'EGARD DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE POUR


LES INFRACTIONS COMMISES DANS OU A L'OCCASION D'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS .......................................................... 792
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 792
§ 2. Autorisation de poursuites .................................................................................................................................... 793
§ 3. Autorisation de mise en accusation ...................................................................................................................... 793
§ 4. Fixation d'audience et procédure de jugement ..................................................................................................... 794
§ 5. Exécution de jugement ......................................................................................................................................... 794
SECTION 2: POURSUITES PENALES A L'EGARD DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE POUR
LES INFRACTIONS COMMISES EN DEHORS DE L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS....................................................................... 794

CHAPITRE VIII: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DES BENEFICIAIRES
DU PRIVILEGE DE JURIDICTION DE LA COUR E CASSATION ...................................................................................... 797
SECTION 1: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT CENTRAL ............................................. 798
§ 1. Principe ................................................................................................................................................................. 798
§ 2. Enquête................................................................................................................................................................. 799
§ 3. Autorisation des poursuites et la mise en accusation de l'Assemblée nationale .................................................. 799
I. Autorisation des poursuites ................................................................................................. 799
II. Autorisation de mise en accusation ...................................................................................... 800
§ 4. Instruction préparatoire ......................................................................................................................................... 801
§ 5 Saisine, audience et jugement de la Cour de cassation ........................................................................................ 801
SECTION 2: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE L'ASSEMBLEE NATIONALE ET DU SENAT............................ 802
§ 1. L'immunité parlementaire ...................................................................................................................................... 802
§ 2. Autorisation des poursuites de l'assemblée parlementaire ................................................................................... 803
§ 3. L'enquête .............................................................................................................................................................. 804
§ 4. En cas d'autorisation des poursuites .................................................................................................................... 805
I. Levée de l'immunité parlementaire et instruction préparatoire ........................................................ 805
II. Saisine, audience et jugement de la Cour de cassation ............................................................... 806
§ 5. En cas de la suspension des poursuites ou du refus d'autorisation des poursuites ............................................. 807
I. Suspension des poursuites ................................................................................................. 807
II. Refus d'autorisation des poursuites ...................................................................................... 807
SECTION 3: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES JUGES ET OFFICIERS DU MINISTERE PUBLIC PRES LA COUR
CONSTITUTIONNELLE, HAUTS MAGISTRATS DES JURIDICTIONS DE L'ORDRE JUDICIAIRE ET DE L'ORDRE ADMINISTRATIF ................ 807
SECTION 4: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE LA COUR DES COMPTES................................................. 809
SECTION 5: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE LA COMMISSION ELECTORALE NATIONALE INDEPENDANTE
(CENI) ............................................................................................................................................................................... 810
SECTION 6: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MEMBRES DE LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME
(CNDH) ............................................................................................................................................................................. 811
SECTION 7: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES GOUVERNEURS ET VICE-GOUVERNEURS DES PROVINCES ...................... 812
SECTION 8: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES MINISTRES PROVINCIAUX .................................................................... 815
SECTION 9: LES POURSUITES PENALES A L'EGARD DES PRESIDENTS DES ASSEMBLEES PROVINCIALES ..................................... 816
CHAPITRE IX: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DES BENEFICIAIRES DU
PRIVILEGE DE JURIDICTION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ET DE LA COUR D'APPEL ............................. 818
SECTION 1: BENEFICIAIRES DU PRIVILEGE DE JURIDICTION PREVUS A CES JURIDICTIONS ......................................................... 818
SECTION 2: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 820
§ 1. Les poursuites pénales à l'égard des bénéficiaires du privilège de
juridiction de tribunaux de grande instance ................................................................................................................. 820
§ 2. Les poursuites pénales à l'égard des bénéficiaires du
privilège de juridiction de la Cour d'appel .................................................................................................................... 822
I. Formalités communes ....................................................................................................... 822
II. Les poursuites pénales à l'égard des membres des assemblées provinciales .................................... 823
986

III. Les poursuites pénales à l'égard des maires, maires


adjoints et présidents des conseils urbains ........................................................................... 824
IV. Les poursuites pénales à l'égard des membres du Conseil économique et social............................... 825
V. Les poursuites pénales à l'égard des membres du Conseil supérieur
de l'Audiovisuel et de la Communication (CSAC)................................................................... 827
VI. Les poursuites pénales à l'égard des magistrats et hauts fonctionnaires ......................................... 828
SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME: SUPPRIMER TOUTES LES AUTORISATIONS DE POURSUITES JUDICIAIRES ............ 829
CHAPITRE X: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DU GOUVERNEUR
ET VICE-GOUVERNEUR DE LA BANQUE CENTRALE DU CONGO ................................................................................ 832
CHAPITRE XI: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DES HAUTS FONCTIONNAIRES DE
L'AGENCE NATIONALE DE RENSEIGNEMENTS (ANR) ET DE LA DIGECTION GENERALE DES
MIGRATION (DGM) ............................................................................................................................................................... 833
SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES FONCTIONNAIRES DE L'AGENCE NATIONALE DE RENSEIGNEMENTS (ANR).............. 833
SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES FONCTIONNAIRES DE LA DIRECTION GENERALE DE MIGRATION (DGM).................. 834
CHAPITRE XII: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DES AVOCATS
ET MEDECINS ....................................................................................................................................................................... 836
SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES AVOCATS............................................................................................................ 836
SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES MEDECINS .......................................................................................................... 836
CHAPITRE XIII: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DES POURSUITES PENALES DES CHEFS COUTUMIERS ET
AUTORITES RELIGIEUSES.................................................................................................................................................. 838
SECTION 1: LES POURSUITES PENALES DES CHEFS COUTUMIERS............................................................................................ 838
SECTION 2: LES POURSUITES PENALES DES AUTORITES RELIGIEUSES ..................................................................................... 839
CHAPITRE XIV: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INFRACTIONS RELATIVES AU VAGABONGAGE
ET A LA MENDICITE ............................................................................................................................................................. 840
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 840
SECTION 2: JURIDICTION COMPETENTE ................................................................................................................................. 840
SECTION 3: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 840
SECTION 4: DECISIONS POSSIBLES DU TRIBUNAL DE PAIX ....................................................................................................... 840
SECTION 5: EXECUTION DU JUGEMENT DU TRIBUNAL DE PAIX ................................................................................................. 841
CHAPITRE XV: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INCONSTITUTIONNALITE SOULEVEE DEVANT
UNE JURIDICTION PENALE ................................................................................................................................................ 842
SECTION 1: SITUATIONS QUI PEUVENT ETRE A LA BASE DE LA SAISINE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE .................................. 842
SECTION 2: LOI ET ACTES SUSCEPTIBLES DE FAIRE L'OBJET D'INCONSTITUTIONNALITE ............................................................. 842
SECTION 3: PARTIES AUTORISEES A SAISIR LA COUR CONSTITUTIONNELLE.............................................................................. 842
SECTION 4: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 843
SECTION 5: EFFETS DE L'ARRET DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ......................................................................................... 843
CHAPITRE XVI: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS D'INTERPRETATION DE
DECISIONS JUDICIAIRES OU DE RECTIFICATION DES ERREURS MATERIELLES
............................................................................................................................................................................................... 844
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 844
SECTION 2: JURIDICTION COMPETENTE ................................................................................................................................. 845
SECTION 3: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 845
CHAPITRE XVII: PROCEDURE APPLICABLE EN CAS DE RETRACTATION A LA SUITE D'UN ARRET
DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ................................................................................................................................. 847
SECTION 1: NOTION............................................................................................................................................................. 847
987

SECTION 2: CONDITIONS ...................................................................................................................................................... 848


§ 1. Décisions susceptibles de rétractation.................................................................................................................. 848
§ 2. Parties autorisées à demander la rétractation ...................................................................................................... 849
§ 3. Délai ...................................................................................................................................................................... 849
SECTION 3: JURIDICTION COMPETENTE ................................................................................................................................. 849
SECTION 4: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 849
§ 1. Introduction de l'instance ...................................................................................................................................... 849
§ 2. Instruction de la cause .......................................................................................................................................... 850
SECTION 5: EFFET DE LA RETRACTATION .............................................................................................................................. 850
SECTION 6: VOIES DE RECOURS ........................................................................................................................................... 851
CHAPITRE XVIII: PROCEDURE PENALE APPLICABLE DEVANT LES JURIDICTIONS MILITAIRES ............................ 852
SECTION 1: ORGANES CHARGES DE L'ENQUETE PRELIMINAIRE ............................................................................................... 852
§ 1. Les officiers police judiciaire ................................................................................................................................. 852
§ 2. Les agents de la police judiciaire des auditorats militaires ................................................................................... 852
§ 3. Enquête préliminaire ............................................................................................................................................. 853
SECTION 2: ORGANE CHARGE DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE: LE MINISTERE PUBLIC .......................................................... 853
SECTION 3: PROCEDURE ..................................................................................................................................................... 854
§ 1. Principe ................................................................................................................................................................. 854
§ 2. Instruction préparatoire ......................................................................................................................................... 854
I. Généralités .................................................................................................................... 854
II. Audition des témoins, interprètes, traducteurs et experts ............................................................. 854
III. Perquisitions et saisies .................................................................................................... 855
IV. Commission rogatoire ..................................................................................................... 855
§ 3. Saisine des juridictions ......................................................................................................................................... 855
I. Généralités .................................................................................................................... 855
II. Obligation de comparaître à l'audience .................................................................................. 855
§ 3. Procédure à l'audience ......................................................................................................................................... 856
I. Constitution de la partie civile .............................................................................................. 856
II. Débats à l'audience ......................................................................................................... 856
§ 4. Jugement .............................................................................................................................................................. 857
I. Délibéré ....................................................................................................................... 857
II. Prononcé du jugement ..................................................................................................... 857
§ 5. Voies de recours ................................................................................................................................................... 858
I. Les voies de recours ordinaires ............................................................................................ 858
1. L'opposition ................................................................................................................................................... 858
2. L'appel ........................................................................................................................................................... 859
II. Les voies de recours extraordinaires ..................................................................................... 859
1. La révision ..................................................................................................................................................... 859
2. Le pourvoi en cassation ................................................................................................................................ 859
CHAPITRE XIX: PROCEDURE PENALE APPLICABLE DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES .................... 860
SECTION 1: REGLES APPLICABLES DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES ......................................................................... 860
SECTION 2: SAISINE ET COMPARUTION DES PARTIES A L'AUDIENCE ......................................................................................... 860
§ 1. Saisine des juridictions coutumières .................................................................................................................... 860
§ 2. Comparution des parties à l'audience ................................................................................................................... 861
SECTION 3 : JUGEMENTS DES JURIDICTIONS COUTUMIERES.................................................................................................... 861
SECTION 4: PEINES APPLICABLES DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES .......................................................................... 862
SECTION 5: EXECUTION DES JUGEMENTS DES JURIDICTIONS COUTUMIERES ........................................................................... 862
SECTION 6: VOIES DE RECOURS PREVUES DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES ............................................................... 863
988

§ 1. Les voies de recours ordinaires ............................................................................................................................ 863


I. L'appel ........................................................................................................................ 863
II. La révision .................................................................................................................... 863
§ 2. La voie de recours extraordinaire: l’annulation ..................................................................................................... 865
SECTION 7: LES VOIES DE RECOURS NON PREVUES DEVANT LES JURIDICTIONS COUTUMIERES ................................................. 867
§ 1. La voie de recours ordinaire: l'opposition ............................................................................................................. 867
§ 2. Les voies de recours extraordinaires .................................................................................................................... 867
I. La tierce opposition .......................................................................................................... 867
II. Le pourvoi en cassation .................................................................................................... 867
III. Les autres voies de recours extraordinaires ............................................................................ 868
SECTION 8 : CRITIQUES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS COUTUMIERES .................................................. 868
§ 1. L’absence de fondement juridique justifiant leur existence................................................................................... 869
§ 2. La catégorie des justiciables à juger devant les juridictions coutumières ne se justifie plus à ce jour ................ 870
§ 3. L'absence de la formation des juges coutumiers .................................................................................................. 871
§ 4. L'absence d'indépendance des juges coutumiers ................................................................................................ 871
§ 5. Le pouvoir de délivrer le mandat d’amener........................................................................................................... 873
§ 6. La nécessité de supprimer les juridictions coutumières....................................................................................... 874
I. L'urgence d'installer tous les tribunaux de paix et leurs sièges secondaires ........................................ 874
II. L'abrogation des décrets cordonnés sur les juridictions coutumières ............................................... 876
III. Le futur rôle des juges coutumiers dans les juridictions de l'ordre judiciaire ....................................... 876

SIXIEME PARTIE: L'EXECUTION DES JUGEMENTS ......................................................................................................... 877


CHAPITRE I: LA PEINE DE MORT OU LA PEINE CAPITALE ........................................................................................... 878
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 878
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 878
CHAPITRE II: LA PEINE DES TRAVAUX FORCES............................................................................................................. 880
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 880
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 880
SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME..................................................................................................................... 880
CHAPITRE III: LA SERVITUDE PENALE ............................................................................................................................. 881
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 881
SECTION 2: MODE D'EXECUTION DE SERVITUDE PENALE FERME.............................................................................................. 881
SECTION 3: EXECUTION DE LA CONDAMNATION DE SERVITUDE PENALE AVEC SURSIS............................................................. 886
§ 1. Définition ............................................................................................................................................................... 886
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 886
§ 3. Procédure ............................................................................................................................................................. 886
§ 4. Les effets du sursis ............................................................................................................................................... 887
SECTION 4: PROPOSITION POUR UNE REFORME..................................................................................................................... 887
CHAPITRE IV: LA PEINE D'AMENDE .................................................................................................................................. 888
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 888
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 888
SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME..................................................................................................................... 889
CHAPITRE V: LA PEINE DE CONFISCATION SPECIALE.................................................................................................. 891
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 891
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 891
989

CHAPITRE VI: L’OBLIGATION DE S’ELOIGNER DE CERTAINS LIEUX OU D'UNE


CERTAINE REGION ET LA RESIDENCE IMPOSEE DANS UN
LIEU DETERMINE................................................................................................................................................................ 893
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 893
I. En tant que peine principale ............................................................................................... 893
II. En tant que peine complémentaire ...................................................................................... 894
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 894
SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME..................................................................................................................... 895
CHAPITRE VII : LA MISE A LA DISPOSITION DE LA SURVEILLANCE DU GOUVERNEMENT.................................... 896
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 896
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 897
SECTION 3: PROPOSITION POUR UNE REFORME..................................................................................................................... 899
CHAPITRE VIII : L'EXECUTION DE LA CONDAMNATION CIVILE .................................................................................... 900
SECTION 1: NOTIONS ........................................................................................................................................................... 900
SECTION 2: MODE D'EXECUTION ........................................................................................................................................... 900
CHAPITRE IX: L'EXECUTION DES CONDAMNATIONS AUX FRAIX ET AUX DROITS PROPORTIONNELS ................. 902
SECTION 1: LES FRAIS DE JUSTICE........................................................................................................................................ 902
§ 1. Notions des frais de justice ................................................................................................................................... 902
I. Définition et principes........................................................................................................ 902
1. Définitions ...................................................................................................................................................... 902
2. Principes ........................................................................................................................................................ 903
II. Frais à charge du prévenu ................................................................................................. 903
III. Frais à charge de la partie civile.......................................................................................... 905
1. En cas de citation directe de la partie civile .................................................................................................. 905
2. La partie civile se joint à l'action du ministère public ..................................................................................... 906
IV. Frais à charge de la partie civilement responsable.................................................................... 907
V. Frais mis à charge du Trésor .............................................................................................. 907
VI. Recouvrement des frais et consignation ................................................................................ 907
§ 2. Mode d'exécution de frais de justice .................................................................................................................... 908
SECTION 2: LES DROITS PROPORTIONNELS ........................................................................................................................... 909
§ 1. Notions .................................................................................................................................................................. 909
§ 2. Mode d'exécution droits proportionnels ................................................................................................................ 909
I. Calcul de l'impôt .............................................................................................................. 909
II. Le redevable du droit proportionnel ...................................................................................... 910
III. Le titre exécutoire de la créance du droit proportionnel ............................................................... 911
SECTION 3: IDEES ESSENTIELLES A RETENIR SUR LES FRAIS ET DROITS PROPORTIONNELS ..................................................... 912
CHAPITRE X: LE CASIER JUDICIAIRE ............................................................................................................................... 913
SECTION 1: NOTIONS ET DEFINITION ..................................................................................................................................... 913
SECTION 2: FINALITE ........................................................................................................................................................... 913
SECTION 3: CONTENU ET ALIMENTATION DU CASIER JUDICIAIRE .............................................................................................. 913
§ 1. Contenu du casier judiciaire.................................................................................................................................. 913
§ 2. Alimentation du casier judiciaire ........................................................................................................................... 914
SECTION 4: ACCES A L'INFORMATION .................................................................................................................................... 914
SEPTIEME PARTIE: LA SUSPENSION ET L'EFFACEMENT DE LA CONDAMNATION .................................................. 915
CHAPITRE I : LA SUSPENSION DE LA CONDAMNATION .............................................................................................. 915
990

SECTION 1 : LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE ....................................................................................................................... 915


§ 1. Définition ............................................................................................................................................................... 915
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 915
§ 3. Procédure ............................................................................................................................................................. 916
§ 4. Temps d’épreuve .................................................................................................................................................. 919
§ 5. Les effets de la libération conditionnelle ............................................................................................................... 919
CHAPITRE II: L'EFFACEMENT DE LA CONDAMNATION.................................................................................................. 920
SECTION 1: LA RÉHABILITATION ............................................................................................................................................ 920
§ 1. Définition ............................................................................................................................................................... 920
§ 2. Conditions ............................................................................................................................................................. 920
§ 3. Juridiction compétence ......................................................................................................................................... 921
§ 4. Procédure ............................................................................................................................................................. 921
§ 5. Effets ..................................................................................................................................................................... 922
SECTION 2: LA GRÂCE ......................................................................................................................................................... 923
§ 1. Définition ............................................................................................................................................................... 923
§ 3. Effets de la grâce .................................................................................................................................................. 924
§ 4. Critique de la grâce ............................................................................................................................................... 924
HUITIEME PARTIE: LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE ....................................................................... 925
CHAPITRE I: L'EXTRADITION ............................................................................................................................................. 925
SECTION 1: DÉFINITION........................................................................................................................................................ 925
SECTION 2: CONDITIONS D’EXTRADITION ............................................................................................................................... 925
§ 1. L’Etat requérant .................................................................................................................................................... 925
§ 2. L’Etat requis .......................................................................................................................................................... 925
§ 3. L’individu recherché .............................................................................................................................................. 925
§ 4. Les infractions extraditionnelles ............................................................................................................................ 926
§ 5. L’existence de traité .............................................................................................................................................. 926
SECTION 3: PROCÉDURE D’EXTRADITION .............................................................................................................................. 926
CHAPITRE II: LA COMMISSION ROGATOIRE INTERNATIONALE ................................................................................... 928
CHAPITRE III: LA COOPERATION JUDICIAIRE AVEC LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ............................... 929
CHAPITRE IV: LE MANDAT D'ARRET INTERNATIONAL ................................................................................................ 930
NEUVIEME PARTIE: INCIDENCE DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES
DANS LA PROCEDURE PENALE CONGOLAISE .................................................................................................. 931
CHAPITRE I : LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME (CADHP) .................................................................. 931
SECTION 1: ORGANISATION, RESSORT ET SIEGE .................................................................................................................... 931
SECTION 2: COMPOSITION ................................................................................................................................................... 932
SECTION 3: COMPETENCES MATERIELLES ............................................................................................................................. 933
§ 1. Compétence consultative...................................................................................................................................... 933
§ 2. Compétence contentieuse .................................................................................................................................... 933
SECTION 4: SAISINE DE LA COUR.......................................................................................................................................... 935
§ 1. En matière consultative......................................................................................................................................... 935
§ 2. En matière contentieuse ....................................................................................................................................... 935
SECTION 5: PORTEE DE SES ARRETS .................................................................................................................................... 936
SECTION 6: PROPOSITIONS DE SA REFORME ......................................................................................................................... 937
§ 1. L’indépendance du juge ........................................................................................................................................ 938
§ 2. L’impartialité du juge ............................................................................................................................................. 939
§ 3. La nécessité des juges permanents .................................................................................................................... 940
§ 4. La possibilité pour les particuliers et les ONG de saisir directement la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples ........................................................................................................................ 941
991

CHAPITRE II : LA COUR PENALE INTERNATIONALE (CPI) ............................................................................................ 943


SECTION 1: ORIGINE............................................................................................................................................................ 943
SECTION 2: RESSORT ET SIEGE ............................................................................................................................................ 944
SECTION 3: COMPOSITION ................................................................................................................................................... 944
SECTION 4: COMPETENCES.................................................................................................................................................. 945
§ 1. Compétences territoriale et personnelle .............................................................................................................. 945
§ 2. Compétence matérielle ........................................................................................................................................ 945
SECTION 5: SAISINE DE LA COUR.......................................................................................................................................... 947
SECTION 6: LA PROCEDURE ................................................................................................................................................. 948
SECTION 7: AFFAIRES EN COURS .......................................................................................................................................... 948
ANNEXES .............................................................................................................................................................................. 952
MODELES D'ACTES DE PROCEDURE ...................................................................................................................................... 952
MODELE DE PROCES - VERBAL DE SAISIE DE PREVENU ........................................................................................................... 954
MODELE DE MANDAT D’ARRET PROVISOIRE ........................................................................................................................... 956
II/MODELE DE MANDAT D'ARRET PROVISOIRE......................................................................................................................... 958
TABLE DES MATIERES........................................................................................................................................................ 962

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