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DROIT PENAL GENERAL

Laurent Delprat
Avocat à la Cour
Maître de Conférences associé

INTRODUCTION

Le droit pénal est à l’interface de nombreuses disciplines. Souvent dénigré à un


simple droit sanctionnateur, dernière roue du carrosse, servant à punir les
récalcitrant, le droit pénal dispose pourtant de ses lettres de noblesses, et constitue
un droit autonome de par sa nature et ses spécificités.

Section 1) La nature du droit pénal

Le droit pénal est une émanation de la morale posée dans l’ordonnancement


juridique, l’intégrant au droit positif.

§1) Droit pénal et morale

La morale, sans en être une cause exclusive, a manifestement une incidence sur les
dispositions du droit pénal. Le Code pénal réprime ainsi un certain nombre
comportements prohibés par la morale, notamment religieuse et judéo-chrétienne
(l’homicide, traduisant juridiquement l’un des dix commandements « tu ne tueras
point ») ou la doctrine sociale, réprimant les nuisances à la société et à l’ordre public
(assurant ainsi la sanction d’un non-respect du « pacte social » républicain issu des
philosophes du siècle des lumières). Le droit pénal érige ainsi sous forme d’infraction
un comportement si ce n’est immoral portant atteinte à la morale, apportant une
peine non plus divine mais humaine et sociétale.

Toutefois, le droit pénal n’est pas la morale et ces deux concepts sont autonomes.
Nombre d’agissements, considérés comme contraire à la morale, ne sont ainsi pas
sanctionnés : le mensonge, le suicide. Certains ont été dépénalisés, comme
l’homosexualité, d’autres font l’objet de réglementations échappant au droit pénal :
interruption illégale de grossesse, euthanasie et fin de vie, maltraitance, suicide,
automutilation… lesquels renvoient à des dispositions du Code de la santé publique.

À l’inverse, il est des hypothèses où le droit pénal est plus large que la morale car il
va réprimer des agissements qui sont indifférents à la morale (infractions au code de
la route, salubrité publique …).

§2) Le droit pénal et droit positif

Afin de définir le droit pénal, il est nécessaire de souligner qu’il s’agit à la fois d’un
droit sanctionnateur et d’un droit autonome.

Le droit pénal est un droit sanctionnateur

Le droit pénal entretient avec d’autres branches du droit des rapports étroits, dont il
vient renforcer l’efficacité des règles énoncées (droit civil, droit fiscal, droit de
l’environnement, droit de la santé publique, droit du travail…). On érige alors en
disposition pénale le non-respect de certaines dispositions. Par exemple, en droit
des sociétés, le non-respect de certaines règles par les dirigeants sociaux entraîne le
prononcé de certaines sanctions pénales. En droit civil, l’abandon de famille est
sanctionné pénalement. En ce sens, le Code pénal est un code suiveur, le code
originel étant un Code pilote, renvoyant à des dispositions répressives ou au code
pénal en cas de manquement.

Le droit pénal est un droit autonome

A l’inverse, le droit pénal s’autosuffit. Il a son indépendance, son autonomie. Il se


manifeste par ses propres principes et modalités d’interprétations, que n’ont pas les
autres branches du droit. Les principes d’interprétation stricte, de légalité,
d’application dans le temps, sont ainsi des principes spécifiques au seul droit pénal.
Les règles édictées le sont tout autant. De plus, en droit pénal, le juge dispose d’un
pouvoir d’appréciation vis-à-vis du délinquant, avec la personnalisation de la peine
dans la limite d’un maximum établi par le Code pénal. La procédure pénale qui
permet l’application du droit pénal obéit à des règles différentes de celles de la
procédure civile. Notamment, le ministère public joue un rôle fondamental dans le
procès pénal. De même les règles de preuve sont différentes de celles du droit civil
car la preuve peut être faite par tout moyen. C’est le principe de la liberté de la
preuve.

Section 2) Le contenu du droit pénal

Nombre d’auteurs affirment que les disciplines répressives sont les plus anciennes
des disciplines juridiques. Le Droit pénal comporte un certain nombre de disciplines
dont la vocation est de réglementer la vie publique et d’en sanctionner les écarts.
Certaines de ces disciplines sont à vocation juridique, tandis que d’autres, plus
récentes, sont à vocation scientifique.

§1) Les disciplines à vocation juridique

Dans le cadre juridique, quatre disciplines peuvent être distinguées : le droit pénal
général, la procédure pénale, le droit pénal spécial et la science pénitentiaire.

A) Le droit pénal général

Le droit pénal général constitue la pierre angulaire du droit pénal. Le droit pénal
général définit l’ensemble des règles de fond applicables, quelle que soit la nature
particulière des infractions en cause. Dans ce cadre, les règles du droit pénal
général sont valables, sauf exception, à la fois pour les crimes, les délits et même
les contraventions.

Le droit pénal général définit l’infraction pénale, en définissant ses éléments


constitutifs (élément légal, élément matériel, et élément moral), en indiquant
quelles personnes vont être touchées par la répression (auteurs, coauteurs,
complices) et dans quelles conditions (majeurs, mineurs). Ensuite, le droit pénal
dresse les différentes sanctions applicables et envisage les différentes exonérations
qui peuvent profiter aux délinquants (démence, contrainte…).

Traditionnellement, le droit pénal général est cité en tête des disciplines juridiques
composant le droit pénal en raison du fait qu’il concerne toutes les infractions.

B) Le droit pénal international

Deux disciplines relèvent de cette catégorie : le droit pénal international et le droit


international pénal.

Le droit pénal international règle les conflits de lois et d’autorité (compétence


juridictionnelle, extradition) lorsqu’à propos d’infractions de droit commun
concernant la France ou les français se présente un élément d’extranéité, c’est-à-
dire un élément étranger (nationalité de l’auteur ou de la victime de l’infraction, lieu
de commission de l’infraction).

Le Droit international pénal, quant à lui, règle les problèmes posés par les
infractions imputables à un ou plusieurs Etats ainsi qu’à leurs dirigeants ou
exécutants contre un ou plusieurs autres (actes de terrorisme, crimes contre
l’humanité

Ce droit ne se conçoit guère que par l’intermédiaire d’une législation et de


juridictions internationales (jugement des criminels de la seconde guerre mondiale
par le Tribunal militaire international de Nuremberg, de Tokyo, Tribunal de La Haye
pour juger des crimes commis dans l’ex-Yougoslavie).

C) La procédure pénale

La procédure pénale revêt une importance que n’ont pas la procédure civile et la
procédure administrative par rapport à leur droit de fond. Ainsi, les règles de fond
du droit civil ont pour objectif premier de régler les litiges. Ce n’est que dans des cas
restreints que le droit civil va donner lieu à un procès. En conséquence, la procédure
civile est subsidiaire par rapport au droit civil, du fait de son application
exceptionnelle.

En droit pénal, en revanche, la découverte d’une infraction va donner lieu à la


réalisation d’actes de procédure, même si le procès pénal ne va pas jusqu’à son
terme (non-lieu, relaxe). Les règles de forme (procédure pénale) sont donc
inséparables des règles de fond.

La procédure pénale, en pratique, revêt deux aspects : un aspect organique et un


aspect fonctionnel. Tout d’abord, la procédure pénale décrit la composition,
l’organisation et la compétence des différents organes, personnes et institutions qui
vont intervenir au procès pénal. Ensuite, elle expose comment le procès pénal doit
être conduit entre la commission de l’infraction et le moment où la peine prononcée
sera mise à exécution. Généralement, on estime que la procédure pénale comporte
4 phases : la phase policière (enquête), c’est-à-dire la recherche et la constatation
des infractions par les services de police et de gendarmerie ; la phase de poursuite
dans laquelle le parquet intervient et décide de l’opportunité des poursuites ; la
phase de l’instruction préparatoire ou information dans laquelle le juge d’instruction
va avoir une importance considérable ; la phase de jugement dans laquelle la
décision rendue par la juridiction compétente va intervenir ; le jugement inclut la
phase des voies de recours dans laquelle on va, notamment, s’intéresser aux
conditions dans lesquelles une décision va acquérir l’autorité de la chose jugée (= va
devenir définitive).

D) Le droit pénal spécial

Les articles 211-1 et suivants du Code pénal concernent le droit pénal spécial. Il
dresse la liste des comportements dangereux. Le droit pénal spécial ne s’intéresse
plus à l’infraction, en général, mais à la théorie de chaque infraction particulière.
C’est en fait un catalogue des différentes infractions., décrivant pour chacune
d’entre elles les éléments constitutifs, les sanctions encourues et les particularités
procédurales qui s’y attachent.

E) La science pénitentiaire

Pendant longtemps, on a considéré que le Droit pénal devait s’arrêter au moment du


prononcé de la sanction. En conséquence, l’exécution de la sanction était donc
laissée entre les mains de l’administration pénitentiaire. Mais, le développement de
la criminologie a conduit les auteurs à considérer que les conditions d’exécution de
la peine pouvaient exercer un rôle important en matière de réinsertion sociale, ce
qui a conduit à la création d’une nouvelle branche du droit qui régit l’exécution des
peines.

La science pénitentiaire consiste à étudier les problèmes qui se posent après la


condamnation. Elle concerne donc tout ce qui touche à l’exécution des peines. Les
dispositions concernant l’exécution des peines sont insérées dans le Code de
procédure pénale dans ses articles 707 à 747-4. Pour l’élaboration de cette science,
le rôle de la doctrine a été très important. Le législateur accorde aujourd’hui au juge
des pouvoirs importants en matière d’individualisation de la peine. Concrètement
pour mettre en application l’individualisation de la peine a été créé un juge de
l’application des peines. Cette branche est considérée comme fondamentale par les
pénalistes.

§2) Les disciplines à vocation scientifique

Il existe principalement deux disciplines à vocation scientifique.

A) La criminalistique

La criminalistique a pour but la recherche des infractions de manière scientifique. La


criminalistique peut être définie comme l’ensemble des disciplines faisant appel à
des considérations médicales ou de sciences exactes pour établir l’existence des
infractions et en identifier les auteurs. La criminalistique comporte trois branches
principales :

• L’anthropologie criminelle

Cette discipline relève les caractéristiques extérieures des délinquants (mensurations,


signes particuliers tels que les cicatrices ou les tatouages). L’une de ses branches, la
dactyloscopie, consiste dans le relevé et le classement des empreintes digitales. Son
but est de permettre l’identification du délinquant, au moins lorsqu’il a déjà commis
une infraction.

• La police scientifique

Elle intervient dans l’examen des lieux et des objets liés à un événement pour y
détecter et analyser les traces susceptibles de révéler le caractère infractionnel de tel
ou tel fait et la participation de tel individu aux faits. La police scientifique fait appel à
toute une série de disciplines plus vastes : la balistique qui est l’étude des balles
(comment telle balle a été tirée, par quelle arme…), la toxicologie qui est l’étude des
poisons et des drogues… Notamment, à partir de l’analyse de telle ou telle drogue
prohibée, il est possible de savoir qu’en tel endroit, la drogue qui circule est coupée
avec tel et tel produit et qu’à tel autre endroit un nouveau produit a été rajouté.
Ainsi, cela permet de remontrer les filières.

• La médecine légale

Qui examine la victime, l’auteur supposé de l’infraction et, éventuellement, les


témoins. Lorsqu’elle examine la victime, la médecine légale a généralement pour but
de mettre en évidence l’infraction par le biais d’une autopsie qui va permettre de
connaître les modalités de commission de l’infraction (heure du décès, moyens
employés…). Elle vise aussi à déterminer l’interruption temporaire de travail (IT),
qui influe sur la détermination de la juridiction compétente. Lorsqu’elle s’intéresse à
l’auteur des faits, la médecine légale a pour objectif d’évaluer son degré de
responsabilité et son état mental par le biais d’une expertise psychiatrique.

B) La criminologie

La criminologie est l’étude scientifique du phénomène criminel. Elle comporte trois


branches principales.

• L’anthropologie criminelle : C’est une branche récente du droit pénal.


Elle est apparue au XIX° siècle. Le premier auteur à avoir employé le concept de
criminologie est LOMBROSO en 1876. La criminologie étudie le comportement du
délinquant et ses mobiles c’est-à-dire les raisons pour lesquelles il est passé à l’acte.
Le droit pénal ne prend pas en compte le mobile. Le mobile n’est pas un élément
constitutif de l’infraction. Cependant, on prend en compte le mobile au moment du
prononcé de la sanction. L’anthropologie criminelle consiste dans l’examen des
délinquants ou de catégories de délinquants afin de découvrir des signes physiques
caractéristiques qui se retrouvent plus souvent chez les délinquants que chez les
non- délinquants. En la matière, Lombroso utilise le terme de “stigmate”.
Aujourd’hui, l’anthropologie criminelle est complétée par la biologie criminelle
qui s’appuie non pas sur les caractéristiques externes de la personne mais sur son
activité endocrinienne, notamment.

• La sociologie criminelle : l’origine de la sociologie criminelle est


attribuée à Enrico Ferri. C’est la science qui détermine les causes et les conditions
de l’élaboration des lois pénales. Elle recherche donc l’incidence de l’opinion
publique, de l’évolution des mœurs sur l’évolution d’une loi. Par exemple, en période
de difficulté économique on voit apparaître des infractions à caractère économique
liées à la réglementation des prix. La sociologie criminelle consiste à rechercher les
causes de la criminalité mais en dehors de l’individu. Pour ce faire, tous les éléments
de la vie physique et sociale de l’individu sont pris en considération : géographie
criminelle (incidence du climat, du peuplement), incidence du milieu économique et
des différents milieux sociaux (famille, école, voisinage).

• La psychologie et la psychiatrie criminelles : elles étudient le


comportement délinquantiel et les anomalies éventuelles du délinquant. Pour ce
faire, elles s’appuient sur la psychanalyse.

Au-delà des 3 branches que comporte la criminologie, lorsque l’on étudie la


criminologie, on en distingue deux types :

• La criminologie générale qui consiste dans l’étude du phénomène criminel


dans son ensemble. La méthode de la macrocriminologie est d’ordre statistique. Elle
recherche, quelles sont l’importance du phénomène criminel et son évolution.
Ensuite, elle étudie l’incidence générale de tel ou tel facteur sur l’apparition de la
criminalité (ascendants déjà délinquants). Dans sa branche la plus récente, la
macrocriminologie tente d’établir des tables de prédiction permettant de déduire si
tel individu a beaucoup ou peu de chance d’être amené à la délinquance.

• La criminologie clinique consiste dans l’application à un délinquant donné


des connaissances que l’on possède dans le domaine de la criminologie générale.
Chaque intéressé va alors donner lieu à un diagnostic de dangerosité, puis à un
pronostic quant à l’évolution de son état en fonction des différents traitements
envisageables.

À travers la notion de criminologie, il apparaît que cette matière revêt un caractère


international. Cependant, si l’on procède à une comparaison entre différents Etats,
il apparaît que le contenu de la criminologie varie beaucoup d’un pays à un autre.
Notamment, en Europe, la criminologie accorde beaucoup d’importance aux facteurs
internes à l’individu (facteurs endogènes). Ceci s’explique sans doute par l’influence
encore persistante de Lombroso pour l’anthropologie et de Freud pour la psychiatrie.
En revanche, aux USA, la criminologie est très marquée par la sociologie criminelle
et l’influence des facteurs exogènes.
PREMIERE PARTIE
L’INFRACTION

De manière générale, l’infraction peut être définie comme une conduite qualifiée
comme telle par la loi parce que contraire à l’ordre social. Cette situation entraîne le
prononcé d’une peine et/ou le prononcé d’une mesure de sûreté. Pour éviter
l’arbitraire, le législateur intervient pour définir les actes que la société sera autorisée
à réprimer.

L’infraction est donc une notion juridique. Il s’agit de tout acte prévu et puni par la
loi pénale. Cet acte peut être soit un acte de commission soit un acte d’omission.
L’infraction est souvent appelée délit au sens large. Mais, en pratique, il peut s’agir
d’un crime, d’un délit ou d’une contravention.

Concrètement, l’infraction, qu’elle soit crime, délit ou contravention est caractérisée


par plusieurs éléments. Ces éléments sont appelés “éléments constitutifs”.

Les éléments constitutifs communs à toutes les infractions sont au nombre de trois :

-un acte n’est punissable que s’il est prévu et réprimé par la loi. C’est l’élément
légal

-un acte doit avoir été accompli entièrement ou doit avoir fait l’objet d’un
commencement d’exécution. C’est l’élément matériel. C’est l’élément matériel qui
permet d’extérioriser la conduite infractionnelle. Tel est le cas de la soustraction dans
le vol.

-l’acte doit avoir été accompli par une personne dotée d’une volonté libre et
consciente. C’est l’élément moral que l’on appelle également comportement
psychologique.
TITRE I
LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION

Suivant la présentation adoptée, nous distinguerons l’élément légal, l’élément


matériel et l’élément moral de l’infraction.

CHAPITRE I
L’ELEMENT LEGAL DE L’INFRACTION

À la base du droit pénal est présente l’idée selon laquelle une action ne peut être
pénalement sanctionnée que si le législateur l’a préalablement prévu. Sans texte
légal, il n’y a donc pas d’infraction ni, a fortiori, de répression. Cependant, dans
certains cas (légitime défense, ordre de la loi et commandement de l’autorité
légitime), le comportement qui devrait être réprimé va échapper à la répression
parce que son caractère infractionnel lui est retiré en vertu de dispositions
particulières de la loi. C’est ce que l’on regroupe sous l’appellation de « faits
justificatifs ».

Nous allons donc aborder en deux sections successives les cas dans lesquels
l’élément légal existe et ceux dans lesquels cet élément légal est supprimé.

Section I) L’existence de l’élément légal

Le législateur énonce que telle conduite constitue une infraction. Il prévoit alors une
sanction qui prend la forme soit d’une peine soit d’une mesure de sûreté. Il s’agit de
ce que l’on appelle la qualification légale. Une fois que ces textes sont édictés, les
juges saisis doivent vérifier que ces faits coïncident avec la qualification légale. Il
s’agit alors de la qualification judiciaire. Cependant, il existe un risque d’un certain
arbitraire de la part du juge. Pour cela, il a été nécessaire de poser certaines règles
au cours de cette phase de qualification pénale ou judiciaire.

L’élément légal est quelque chose de nécessaire. Cependant, dans certains cas, on
va se demander quel texte légal il convient d’appliquer. C’est toute la question de
l’application de la loi pénale dans le temps avec le principe de la non-rétroactivité et
celle de la loi pénale dans l’espace. Ces trois points feront l’objet de trois sections
successives.

Sous-section I) La nécessité de l’élément légal

L’élément légal signifie qu’un texte d’incrimination est nécessaire pour qu’une
infraction soit constituée. C’est l’expression du principe de la légalité des délits et
des peines. L’existence d’un texte d’incrimination va avoir pour conséquence des
éventuels conflits de lois pénales dans le temps en cas de réforme législative ainsi
que des conflits de lois pénales dans l’espace lorsque l’infraction contient un élément
d’extranéité, c’est-à-dire un élément étranger.

Paragraphe I) Le principe de la légalité des délits et des peines

En la matière, il est nécessaire de distinguer deux points : la légalité matérielle


c’est-à-dire le fait que l’infraction est créée par des règles de droit écrites et la
légalité formelle qui a pour objectif d’étudier les sources du droit pénal.

A) La légalité matérielle
Lorsque l’on étudie la légalité matérielle, il est nécessaire de distinguer le fondement
de ce principe, son contenu ainsi que les atteintes au principe.

1) Le fondement du principe

Il convient de distinguer l’origine du principe et sa justification.

a) L’origine du principe

Sous l’Ancien Régime, la législation royale était très peu étoffée en matière pénale.
Les ordonnances royales et les Édits étaient généralement rédigés de manière très
vague. En conséquence, les juges chargés de l’application de ces textes disposaient
d’un large pouvoir d’appréciation, à la fois pour définir quels comportements
devaient être punis et pour fixer la peine applicable au condamné. Pour cette raison,
on estimait à cette époque que les peines étaient arbitraires. Cependant, ce terme
“arbitraire” n’avait en fait aucune connotation péjorative contrairement à ce que l’on
estimerait actuellement. Il était, en effet, employé dans son sens littéral et signifiait
simplement que dans le silence de la législation royale, le juge devait “arbitrer” la
peine en prenant en compte les circonstances de fait ayant présidé à la commission
de l’infraction. Cependant, un tel pouvoir d’appréciation laissé au juge présentait des
risques dans la mesure où la répression et la peine prononcée devenaient aléatoires.

Pour cette raison, dès le XIV° siècle, cette trop grande liberté d’appréciation laissée
au juge a suscité les interrogations de la doctrine. Au siècle des Lumières, cet
arbitraire du juge devient synonyme d’injustice. Rapidement, dans “l’esprit des lois”,
Montesquieu soutient que les incriminations et les peines qui peuvent leur être
appliquées doivent être fixées par la loi. Par la suite, cette idée est reprise par
BECCARIA dans “le traité des délits et des peines”.

Avec les États généraux et la rédaction des cahiers de doléances, apparaît la


nécessité de rédiger un code pénal qui définit les infractions et les peines pouvant
être prononcées. Cette volonté trouve d’ailleurs sa traduction dans la DDHC de
1789. En effet, en réaction à l’arbitraire de l’Ancien régime, l’article 8 de la DDHC
dispose que “nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée
antérieurement au délit et légalement appliquée”. Par la suite, une fois la
codification pénale intervenue, ce principe de la légalité des délits et des peines est
affirmé dans l’article 4 du Code pénal de 1810, qui s’est appliqué jusqu’au 28 février
1994. Aux termes de cet article 4 “Nulle contravention, nul délit, nul crime, ne
peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prononcées par la loi avant qu’ils
fussent commis”.

Ce principe de la légalité est souvent formulé au travers de l’adage “nullum crimen,


nulla poena sine lege” (nul crime, nulle peine sans loi). Contrairement à son énoncé,
cette règle ne vient pas du latin, puisque nous venons de voir que ce principe de la
légalité des délits et des peines n’apparaît qu’à la révolution. Avec le Code pénal de
1810, ce principe de la légalité revêt donc une valeur législative. Cependant, sa
rédaction a une portée limitée à l’infraction et à sa sanction. De surcroît, le respect
de ce principe impliquait que les incriminations et les peines soient définies dans un
texte (écrit) et que ce texte soit une loi au sens strict, c’est-à-dire l’expression de la
volonté populaire.

Dans la période récente, ce principe de la légalité a été réaffirmé par le préambule


de la Constitution du 4 octobre 1958. Le principe de la légalité a donc, en droit
français, une valeur constitutionnelle. Ce principe s’impose au juge, à
l’administration et au législateur. Aujourd’hui, ce principe a été repris par le Code
pénal dans son article 111-3. Cet article, en vigueur aujourd’hui dispose que “nul ne
peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis
par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le
règlement (al. 1er). Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi,
si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une
contravention (al. 2)».

Outre son origine, quelle est la justification du principe de la légalité des délits et
des peines ?

b) La justification du principe

En ce qui concerne les raisons d’être du principe de la légalité, plusieurs raisons


militent en faveur de ce principe : une raison politique, une raison d’équité et une
raison constitutionnelle.

-une raison politique : la collectivité chargée du maintien de l’ordre ne doit


pas abuser de ses prérogatives. Pour cela, des limites lui sont imposées pour
préserver les libertés individuelles. Cependant, si ce principe est bénéfique pour la
liberté individuelle, il comporte des inconvénients : notamment, il arrive parfois que
l’on se trouve en présence d’un vide législatif et donc certaines situations ne
pourront engendrer de répression. Cependant, cet inconvénient se trouve tempéré
par le fait que les vides ne sont pas très nombreux.

-une raison d’équité : il apparaît souhaitable que la loi puisse être connue à
l’avance car tout citoyen doit pouvoir connaître à l’avance ce qu’il peut faire ou ne
pas faire.

-une raison constitutionnelle : si le juge pénal peut créer des


incriminations et des peines, le juge va empiéter sur le pouvoir législatif. Or, seul
celui-ci peut créer des limites au droit des citoyens. Seule la loi peut être source de
droit.

En dépit des avantages du principe de la légalité des délits et des peines, celui-ci
n’est pas exempt de critiques qui peuvent être formulées à son encontre. Certains
considèrent que ce principe consacre une définition abstraite du droit pénal qui se
fait au détriment d’une application concrète. En droit comparé, il est possible de
remarquer que certains pays ont banni le système de la légalité de leur droit.
Concrètement, il s’agit de pays totalitaires (Allemagne, URSS avant 1959). Certaines
critiques formulées contre le principe de la légalité concernent le fait que l’on aboutit
parfois à un vide juridique. Il semble possible de lutter contre ce vide juridique.
Cela, si l’on adopte la théorie de l’interprétation par analogie qui tend à avoir un
certain rôle créateur.

Globalement, on peut considérer que ces critiques sont peu contraignantes et sont
de toute façon mineures par rapport au fait que le principe de la légalité permet de
lutter contre l’arbitraire.

2) Le contenu du principe

Ce principe emporte diverses conséquences. Il est nécessaire d’aborder son


application tant pour le législateur que pour le magistrat.

Pour le législateur, le principe de la légalité confère le monopole de l’établissement


des règles pénales de fond et de forme. Ce monopole était envisagé par l’article 4
du Code pénal de 1810. Il est désormais repris par l’article 112-1 du NCP aux
termes duquel “sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date
à laquelle ils ont été commis (al. 1er). Peuvent seules être prononcées les peines
légalement applicables à la même date (al. 2)”. Cependant ce monopole du
législateur n’est que partiel en application des articles 34 et 37 de la Constitution du
4 octobre 1958. Ce principe impose au législateur d’élaborer des textes précis. Les
textes doivent définir de manière claire mais restrictive l’incrimination et la peine qui
lui est applicable. En effet, toute formulation large réintroduit l’arbitraire du juge. En
application du principe de légalité, le législateur ne peut incriminer que des faits
futurs. Les textes ne doivent donc pas être rétroactifs en principe. Cependant, nous
verrons dans de futurs développements que les textes sont parfois rétroactifs.

Pour le magistrat, le principe de la légalité impose trois obligations :

• Il a le devoir de procéder à la qualification des faits poursuivis. A ce titre, il


doit constater que les éléments constitutifs du texte se retrouvent dans les
faits litigieux et il doit faire référence au texte dans les jugements qu’il va
rédiger. Si aucun texte ne correspond aux faits, il va y avoir un classement
sans suite (procureur), un non-lieu (juge d’instruction) ou une relaxe ou un
acquittement suivant que l’on se trouve devant la Cour d’assises ou devant
une autre juridiction de jugement. Ainsi, le juge ne pourra pas sanctionner
pénalement le suicide ou l’adultère car ces comportements ne constituent pas
des infractions pénales.
• En application du principe de la légalité, le juge ne peut pas interpréter le
texte de manière extensive. Il doit être fait application de l’interprétation
stricte ou déclarative. Ainsi, l’interprétation stricte de la loi pénale constitue
le corollaire du principe de la légalité des délits et des peines.
• Enfin, le juge doit appliquer les peines prononcées par la loi. En conséquence,
le juge n’a pas la possibilité de créer une peine qui ne serait pas prévue par
les textes d’incrimination. En outre, le juge ne peut pas prononcer une peine
qui certes existe dans l’échelle générale des peines mais qui n’est pas
mentionnée dans le texte spécial relatif à l’infraction considérée (publication
de la décision, par exemple : Crim., 12 juin 1989, Droit pénal 1990, n° 114).
Enfin, le juge n’a pas non plus la possibilité de prononcer une peine qui
excède le maximum prévu par la loi (Crim., 12 oct. 1994, Bull. crim., n° 327
Crim., 26 sept. 2007, Droit pénal 2008, com. 4, 2ème espèce)).

3) Les atteintes au principe

Les atteintes au principe de la légalité sont de deux sortes : les infractions de type
ouvert et le rôle que peuvent jouer les principes généraux du droit, la coutume ou
les usages.

On appelle infractions de type ouvert, les textes rédigés en termes généraux et


imprécis. En effet, cette pratique conduit à un affaiblissement du principe de la
légalité. Or, le législateur moderne a de plus en plus tendance à se comporter ainsi.
Notamment, une loi du 31 décembre 1926 relative à la spéculation définit cette
notion comme “un gain qui ne serait pas le résultat du jeu naturel de l’offre et de la
demande”. De même, une loi du 25 février 1948 relative à la suppression des
hausses illicites indique que “sont illicites les majorations non justifiées par
l’augmentation du prix du produit”. De même, l’article L. 2146-1 du Code du
travail dispose que « Le fait d'apporter une entrave à l'exercice du droit syndical,
défini par les articles L. 2141-4, L. 2141-9 et L. 2141-11 à L. 2143-22, est puni d'un
emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ». La notion est très
large. Souvent une définition est large quand elle emploie le terme “notamment”.

Les principes généraux du droit, les coutumes et les usages constituent des
sources non écrites du droit.

On dit souvent que le juge pénal doit prendre en compte les principes généraux du
droit qui ne sont pas formulés dans le Code pénal. Ces principes généraux sont
reconnus par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Le non-respect d’un
principe général par une décision est un motif de cassation. Les principes généraux
ont trois rôles : inspirer les règles, compléter les règles ou s’opposer aux règles. Le
rôle le plus fréquent est celui de complément et d’inspiration des règles. En droit
pénal, au titre des principes généraux du droit on note la présomption de bonne foi.
En ce qui concerne les règles de forme, on note le principe des droits de la défense.
A ce titre, plusieurs règles ont été édictées : parole donnée à la personne poursuivie
en dernier, oralité des débats, publicité des débats. En ce qui concerne les principes
généraux du droit dans les droits fondamentaux des citoyens, la chambre criminelle
applique le principe de la liberté et celui de l’égalité qui sont affirmés par l’article 1°
DDHC.

En ce qui concerne les usages, ceux-ci se rencontrent surtout dans le domaine de la


procédure pénale. Leur rôle est de s’imposer à titre de précurseur. Souvent,
lorsqu’un usage est constaté par la pratique, et est admis par la doctrine, il est par
la suite entériné grâce à une intervention du législateur. L’exemple classique que l’on
cite habituellement est celui de la commission rogatoire qui consiste dans une
délégation d’un juge d’instruction à un OPJ ou à un gendarme pour accomplir à sa
place un acte d’investigation. L’intérêt des commissions rogatoires étant rapidement
apparu, ces procédures ont été réglementées dès 1933 et 1935 par le CIC et ont été
reprises par le CPP de 1958. Comme autre exemple, on peut citer les enquêtes
officieuses qui ont été officialisées par des dispositions du CPP.

Les coutumes doivent tout d’abord être différenciées des usages. La coutume est
généralement définie comme la conséquence d’un usage ayant persisté. La coutume
consiste donc dans une pratique collective. Sous l’Ancien Régime, la coutume avait
un rôle extrêmement important. Au XVIII° siècle, par réaction à l’Ancien Régime, le
droit révolutionnaire a considéré que la coutume constituait une source d’arbitraire.
Aujourd’hui, la solution n’est pas aussi tranchée bien que certains estiment que son
caractère arbitraire doive prédominer. Aujourd’hui, la coutume peut servir à
interpréter un texte. Cependant, la coutume peut exercer un rôle plus important et
plus créateur en constituant une source du droit pénal. Notamment, c’est la
coutume qui autorise les parents à exercer des violences légères sur leurs enfants
dans le cadre de leur éducation ou dans le cadre de la participation à certains
sports. De même, la coutume autorise la tauromachie dans certaines régions sans
tomber sous le coup de la répression applicable en matière de mauvais traitements
à animal (article 521-1 du Code pénal).

B) La légalité formelle

Au titre de la légalité formelle, il est nécessaire d’aborder les sources du droit pénal.
Celles-ci, en pratique, sont au nombre de trois : les conventions internationales, les
lois au sens strict et les actes du pouvoir exécutif. Ces différentes sources du Droit
pénal seront reprises successivement. Adopter une telle classification implique que
l’on étudie les sources du droit de manière hiérarchique, les conventions
internationales s’imposant à la loi interne.

1) Les traités et conventions internationales

Selon l’article 55 de la constitution de 1958, les traités internationaux ont une


autorité supérieure à celle des lois. En conséquence, en cas de conflit entre une
disposition contenue dans un traité et une disposition contenue dans une loi interne,
la hiérarchie des sources du droit impose d’accorder la primauté au traité. Cette
solution est applicable, même dans le cas où la loi interne serait postérieure au
traité. En droit français, deux catégories de traités sont d’application extrêmement
fréquente : les traités communautaire et la Convention européenne des droits de
l’homme et des libertés fondamentales et ses protocoles additionnels.

a) Les traités communautaires

Ce traité qui institue la CEE a été signé le 25 mars 1957. Il comporte dans ses
articles 105 et 106 (ex-articles 85 et 86 du TCE) des dispositions sanctionnatrices
concernant les ententes et les abus de positions dominantes. Mais, en outre, la
question se pose de savoir si les règlements élaborés par le Conseil ou la
commission doivent être pris en considération en matière pénale et si des directives
communautaires peuvent mettre en échec des textes internes. En la matière, il
convient de faire une distinction entre les directives et les règlements
communautaires :

- Les directives lient les états membres quant aux objectifs à atteindre
mais laissent à chaque État sa compétence propre pour élaborer la norme. En
conséquence, les directives ne sont pas d’application directe en droit pénal interne.
Leur contenu ne s’applique qu’à travers les dispositions internes législatives ou
réglementaires adoptées. Ainsi, les directives communautaires doivent être
transposées en droit interne.

- Les règlements communautaires sont élaborés soit par le Conseil soit


par la commission. Ils sont caractérisés par le fait qu’ils ont une portée générale. En
conséquence, ils sont immédiatement applicables en droit interne. En raison de leur
application directe, les règlements communautaires vont l’emporter sur les textes
internes préexistants. Ainsi, les textes internes vont être finalement mis en sommeil
lorsqu’un règlement s’applique. Cependant, je vous précise, vous le reverrez en
droit communautaire, que des sanctions pénales doivent avoir été prévues en droit
interne pour sanctionner la violation d’une disposition communautaire, dans la
mesure où le non-respect d’une norme communautaire n’est pas en lui-même
punissable

Autre traité qui est d’application fréquente en droit français : la CEDH.

b) La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des


libertés fondamentales

Cette convention signée à Rome en 1950 a été ratifiée par la France par une loi du
31 décembre 1973 et publiée par un décret du 3 mai 1974. Je vous précise, car cela
est important, que la France a admis la possibilité pour les citoyens d’exercer un
recours individuel (saisine de la Commission puis éventuellement de la Cour
européenne des droits de l’homme située à Strasbourg) après épuisement des voies
de recours internes depuis un décret du 9 octobre 1981. Cette convention concerne
essentiellement la procédure pénale dans la mesure où elle est, notamment relative,
aux conditions de la privation de liberté, mais elle concerne également le droit pénal
de fond, donc le Droit pénal général. Notamment, son article 3 interdit les peines et
les traitements inhumains ou dégradants.

La CEDH est d’application directe en droit interne. Quelle est la procédure à suivre ?
Dans la mesure où cette voie de recours n’est ouverte qu’après épuisement des
voies de recours internes, un particulier a la possibilité de déposer une requête au
secrétariat de la cour européenne des droits de l’homme dans un délai de 6 mois à
compter du jour où la décision interne est devenue définitive. La requête est alors
instruite. Lorsqu’aucun règlement amiable n’intervient avec l’État mis en cause, la
commission établit alors un rapport dans lequel elle formule un avis relativement au
fait de savoir si les obligations incombant à un État ont été violées. Ce rapport est
ensuite transmis au comité des ministres. La Cour européenne des droits de
l’homme (qui comprend un nombre de juges égal à celui des membres du conseil de
l’Europe) doit être saisie dans les trois mois de la transmission du rapport au comité
des ministres, soit par un État, soit par la commission. La Cour européenne rendra
alors un arrêt qui s’imposera aux États concernés.

Outre les traités et les conventions internationales, autre source du droit : la loi.

2) La loi

Au sein des lois, une opposition binaire s’impose : en effet, on distingue


généralement les lois ordinaires et la Constitution qui constitue la loi suprême.

a) La constitution

La constitution constitue le texte interne suprême pour un État. Celle actuellement


en vigueur est celle du 4 octobre 1958.

La constitution et son préambule contiennent des principes généraux qui intéressent


le droit pénal. Ainsi, notamment, l’article 1 er de la constitution de 1958 qui dispose
que l’État français “assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction
d’origine, de race ou de religion”. Cet article est à l’origine des articles 225-1 et s. du
Code pénal concernant les discriminations.

Mais, c’est surtout le préambule de notre constitution qui contient de nombreux


principes fondamentaux. Je vous rappelle, que ce préambule renvoie à celui de la
constitution de 1946 et à la DDHC de 1789. En conséquence, ces deux derniers
textes appartiennent au droit constitutionnel français. Ainsi, le préambule de la
constitution de 1946 consacre l’égalité (art. 6) entre l’homme et la femme. Quant à
la DDHC, elle contient le principe de la présomption d’innocence (art. 9) ou le
principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi (art. 6).

Ainsi, la constitution de 1958 et son préambule contiennent des principes que le


législateur pénal est tenu de respecter. Pour ce faire, a été créé le Conseil
constitutionnel dont le rôle consiste à apprécier la constitutionnalité des lois votées
mais non encore promulguées. Le rôle joué par le Conseil constitutionnel est très
important dans la mesure où les lois sur lesquelles il doit se prononcer sont souvent
pénales. De surcroît, son rôle a été accru car depuis 1974 il peut être saisi,
notamment par 60 députés ou 60 sénateurs. Les arrêts rendus par le Conseil
constitutionnel sont très importants, notamment lorsqu’il estime telle loi ou une
partie seulement inconstitutionnelle. Dans ce cas, elle ne pourra s’appliquer.

Mais, les décisions rendues par le Conseil constitutionnel sont également


importantes lorsqu’elles prennent la forme de ce que l’on appelle une “réserve
d’interprétation”. Il s’agit d’une sorte de moyen terme entre la validation et
l’invalidation de la loi. En pareil cas, le Conseil constitutionnel déclare que la loi est
conforme à la constitution mais il en donne une interprétation qui devra, par la
suite, être respectée par le juge et par le gouvernement lorsqu’il prendra ses décrets
et ses circulaires d’application.

Outre la constitution, les lois ordinaires appartiennent également à la catégorie des


lois.

b) Les lois ordinaires

En matière pénale, les lois ordinaires sont les lois qui ont été votées par le
Parlement, promulguées par le Président de la République et qui sont publiées au
Journal Officiel. En l’absence de précision particulière, la loi entre immédiatement en
vigueur. Cependant, les citoyens ont la possibilité d’invoquer leur ignorance de la loi
dans un délai de trois jours francs à compter de la publication.

Quelles sont donc les lois applicables en matière pénale ? Les lois sont souvent
matérialisées au travers des codes : Code pénal entré en vigueur au 1er mars 1994
qui est venu remplacer celui de 1810, Code de procédure pénale de 1959, code de
justice militaire de 2006. Outre ces lois intégrées dans des codes, s’appliquent en
matière pénale de très nombreuses lois éparses : loi sur la presse du 29 juillet 1881,
loi sur les sociétés du 24 juillet 1966, désormais codifiée dans le Code de commerce
de septembre 2000…

3) Les actes du pouvoir exécutif

Des textes émanant du pouvoir exécutif vont être source de droit pénal : il s’agit des
ordonnances et des règlements administratifs. En revanche, les circulaires ne
peuvent pas constituer des sources de droit en matière pénale car elles ne peuvent
pas contenir d’incriminations. Pourtant, en droit pénal, la tendance actuelle tient au
développement croissant des circulaires. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses
dans les domaines où la réglementation est de plus en plus complexe (domaine
économique, domaine fiscal…). Leur rôle consiste à faciliter l’application des textes
mis en place. Lorsqu’elles ont un usage interne, elles sont destinées à l’utilisation
des fonctionnaires chargés d’appliquer les textes. Lorsqu’elles sont à usage externe,
le justiciable ou ses conseils peuvent en prendre connaissance.

L’acte administratif en matière de droit pénal a toujours eu une place à côté de la


loi. Cette place a été renforcée par la Constitution de 1958.

a) La situation avant 1958

Avant la constitution de 1958, les ordonnances, les décrets-lois et les règlements


administratifs constituaient une source de droit pénal.

Ainsi, les ordonnances prises par les gouvernements au cours de périodes


troublées dans lesquelles les pouvoirs législatif et exécutif étaient confondus
(ordonnance du gouvernement provisoire jusqu’en 1945), étaient assimilées à des
lois. En conséquence, elles pouvaient contenir des incriminations et des peines.

Les décrets-lois (pris en vertu d’une délégation du Parlement) avaient également


valeur législative. Cependant, dans la mesure où ces décrets-lois émanaient du
pouvoir exécutif, ils pouvaient faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. De
même, le juge répressif avait la possibilité en cas d’illégalité de ne pas les appliquer,
comme s’il s’était agi d’un simple règlement (nous reviendrons bientôt sur la
question du contrôle de la légalité).

Les règlements administratifs (décrets et règlements d’administration publique


pris en application d’une loi, d’un arrêté du ministre, du préfet ou du maire, les
ordonnances du préfet de police à Paris et les règlements de l’autorité militaire en
période d’état de siège) étaient également source du droit pénal. Mais la question se
posait de savoir quelle était la valeur de ces règlements par rapport à la loi ? Leur
valeur par rapport à la loi était inférieure. En effet, alors que la loi pouvait incriminer
des comportements et éditer des peines, le règlement ne pouvait pas édicter des
peines. En effet, la sanction du règlement devait être recherchée dans la loi pénale.
Quelle est la situation depuis la constitution de 1958 ?

b) La situation depuis 1958


La Constitution de 1958 a modifié les rapports entre les règlements et les lois.
Notamment, a été créé le règlement autonome qui comme son nom l’indique
fonctionne seul. La Constitution de 1958 a prévu que le règlement constituait la
source unique en matière de contravention. L’exécutif se voit donc doté d’un pouvoir
réglementaire autonome. Cette solution est obtenue par la juxtaposition des articles
34 et 37 de la Constitution de 1958. L’article 34 énumère les matières qui sont
de la compétence de la loi. Un des alinéas concerne le droit pénal et prévoit que “le
législateur est compétent pour la détermination des crimes et des délits et des
peines qui leur sont applicables”. L’article 37, quant à lui, propose une formulation
beaucoup plus générale : “toute matière autre que celles qui sont du domaine de la
loi ont un caractère réglementaire”. On remarque que le domaine respectif des
crimes et délits d’une part et des contraventions d’autre part est respecté.
Notamment, on peut citer l’exemple du Code de la route qui a été établi par voie
réglementaire.

Depuis la constitution de 1958, plusieurs actes pris par le pouvoir exécutif sont
source de droit pénal : les décisions présidentielles, les ordonnances, les décrets en
conseil d’État et les autres règlements administratifs :

• les décisions présidentielles : ce sont celles prises en vertu de l’article


16 de la Constitution. Dans la mesure où elles ont une valeur législative,
elles ne peuvent faire l’objet d’aucun recours.

• les ordonnances : celles de l’article 92 de la Constitution prises entre le 4


octobre 1958 et le 4 février 1959 ont force de loi. Elles ont donc la même
valeur qu’une loi qui aurait été votée par le Parlement. Elles ne peuvent donc
pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État.
Aujourd’hui, cet article 92 a été abrogé.

La situation est identique pour les ordonnances de l’article 38 prises à la suite


d’une autorisation du Parlement et ratifiées. Cependant, tant que ces ordonnances
n’ont pas fait l’objet d’une ratification législative, elles peuvent faire l’objet d’un
recours en conseil d’État et d’un contrôle de la légalité.

• les décrets en conseil d’État : ce sont les décrets pris par le pouvoir
exécutif en vertu de son pouvoir réglementaire (art. 37 de la
constitution). Ainsi, les contraventions relèvent du pouvoir réglementaire
en ce qui concerne leur définition et leur sanction. Outre l’article 37 de la
Constitution, c’est également la solution que retient l’article 111-2 NCP
aux termes duquel “le règlement détermine les contraventions et fixe dans
les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines
applicables aux contrevenants”. Ainsi, le pouvoir exécutif peut, par voie
réglementaire, fixer des peines atteignant 1500 € d’amende ou 3000 € en
cas de récidive.

Ainsi, les décrets par lesquels le gouvernement édicte des contraventions ont une
autorité inférieure à celle de la loi au sens formel. En conséquence, comme tous les
actes administratifs, ils peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
devant le Conseil d’État et être soumis au contrôle de la légalité du juge répressif.

• Les autres règlements administratifs : il s’agit des décrets et arrêtés


ministériels, des arrêtés préfectoraux et municipaux. Ils sont également
source de droit pénal et ont la même valeur qu’avant la constitution de 1958.
Ainsi, ils ne peuvent pas prévoir eux-mêmes de peines. Il faut, pour ce faire,
se référer aux peines fixées par la loi en exécution de laquelle ils ont été pris.

Le règlement est source de droit pénal. Il va pouvoir faire l’objet d’un contrôle de la
légalité.

c) Le contrôle de l’acte administratif

Il s’agit ici de faire application de l’exception d’illégalité. La règle criminelle permet


de porter atteinte aux libertés individuelles. Le problème qui se pose est de savoir la
solution à adopter lorsque la sanction apparaît irrégulière. La solution est différente
suivant que la règle de droit trouve sa source dans une loi ou dans un règlement.
S’il s’agit d’une loi, sa régularité s’analyse par référence à la Constitution. Cette
régularité ne peut bien sur être examinée par les tribunaux qui sont chargés
d’appliquer la loi. S’il s’agit d’un règlement l’analyse est totalement différente. En
effet, les juridictions sont compétentes pour apprécier la légalité d’un règlement.

Une action directe est possible devant les juridictions administratives. De même,
une action indirecte est possible devant les juridictions répressives. En effet, un
individu poursuivi devant le tribunal de police sur la base d’un texte réglementaire
peut soulever l’exception d’illégalité. Le texte ne sera pas annulé, mais sera mis
entre parenthèses pour le cas particulier.

Nous n’aborderons donc ici que le cas de l’action indirecte, c’est-à-dire de


l’exception d’illégalité.

S’agissant de son fondement, l’exception d’illégalité trouve sa source à l’époque


révolutionnaire. Par la suite, dès 1810, le Code pénal a autorisé les juridictions
répressives à ne pas appliquer les règlements illégaux. Le principe figurait dans
l’article R. 26-15°. Désormais, l’appréciation de la légalité des actes administratifs
est définie par l’article 111-5 du Code pénal. Aux termes de cet article “les
juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs,
réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet
examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis”.

Ainsi, si l’on compare l’ancien article R. 26-15° et le nouvel article 111-5, quel est
le cadre d’application de l’exception d’illégalité et quelle va être l’étendue du
contrôle réalisé par le juge pénal.

• Le cadre d’application de l’exception d’illégalité

Sous l’empire de l’ancien code pénal, la jurisprudence avait donné lieu à des
errements qui sont désormais réglés par l’article 111-5 NCP.

Les errements de la jurisprudence de l’ancien Code pénal : il existe deux


sortes d’actes administratifs : les actes réglementaires qui ont une portée générale et
les actes administratifs individuels qui concernent une personne ou un groupe. Le
tribunal des conflits et la chambre criminelle de la cour de cassation étaient en
opposition sur le rôle que devait jouer la juridiction répressive face à ces deux
catégories d’actes.

Le tribunal des conflits dans un arrêt du 5 juillet 1951 (Avranches et Desmarets :


D. 1952, 271) a estimé que le contrôle de la légalité devait être limité aux actes
administratifs réglementaires. Il ne devait pas s’appliquer aux actes administratifs
individuels car cela serait incompatible avec le principe de la séparation des
autorités administratives et judiciaires, dans la mesure où un tel contrôle
s’apparenterait à une annulation de l’acte.

Cette analyse du tribunal des conflits, critiquée par de nombreux auteurs, n’avait
pas été suivie par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Celle-ci estimait
que les juges répressifs pouvaient apprécier la légalité des actes administratifs
réglementaires et individuels (Crim., 21 déc. 1961, D. 1962, 102, arrêt Dame Le
Roux). Cependant, dans cet arrêt, la chambre criminelle assortissait cette
affirmation d’une réserve : la légalité des actes administratifs individuels ne pouvait
être appréciée par le juge répressif que s’ils étaient clairs et qu’il n’était pas
nécessaire de les interpréter (Crim., 1er juin 1967, Bull. crim., n° 172, arrêt
CANIVET et dame MORET). En outre, dans l’arrêt SCHIAVON, la Cour de cassation
avait considéré que les juridictions répressives étaient incompétentes pour apprécier
la constitutionnalité d’une loi ou d’un texte ayant valeur législative (Crim., 26 févr.
1974, D. 1974, 2, 273).

L’entrée en vigueur du Nouveau Code pénal semble avoir réglé l’opposition entre le
tribunal des conflits et la chambre criminelle.

La solution de l’article 111-5 du Code pénal : compte tenu de ses termes généraux,
l’article 111-5 du Code pénal, comme l’ancien article R. 26-15° permet d’apprécier la
légalité de tous les actes administratifs quelle que soit leur nature (arrêtés, décrets,
ordonnances de l’article 38 de la constitution…). Par ailleurs, l’article 111-5 du Code
pénal règle l’opposition entre le tribunal des conflits et la chambre criminelle.

Ainsi, en application de l’article 111-5 du Code pénal, le contrôle de la légalité peut


être exercé par le juge répressif que l’acte administratif soit réglementaire ou
individuel. Ainsi, un contrôle de la légalité pourra concerner un arrêté d’expulsion.
Contrairement à la jurisprudence CANIVET et dame MORET, il importe peu
désormais que l’acte administratif soit clair ou, au contraire, qu’il nécessite une
interprétation. Peu importe également que l’acte administratif en cause constitue le
fondement des poursuites ou qu’il soit invoqué à titre de moyen de défense. En
effet, selon l’article 111-5 du Code pénal les juridictions répressives sont
compétentes pour examiner la légalité de l’acte dès lors que “la solution du procès
en dépend”. Ainsi, désormais, en raison de cette formulation, le juge pénal peut
examiner la légalité tant des actes administratifs assortis de sanctions pénales que
celle des actes administratifs qui déterminent simplement l’application d’un texte
répressif sans être assortis de sanctions pénales.

Néanmoins, en dépit de son cadre d’application large, L’application de l’article 111-5


du Code pénal comporte une limite.

Il semble, en effet, qu’il y ait deux cas dans lesquels le contrôle de la légalité
est exclu :

• ainsi, le contrôle de la légalité est impossible lorsque l’examen de la légalité


de l’acte est sans incidence sur l’issue du procès pénal (Crim., 5 déc.
1989, Bull. crim., n° 467).
• de même, le contrôle de la légalité est impossible lorsque sa solution est sans
incidence sur l’aspect pénal du procès. Ainsi, en matière de permis à points,
la cour de cassation a rejeté l’exception d’illégalité exercée à l’encontre du
décret du 25 juin 1992 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1989
instituant le permis à points aux motifs que la perte de points “ne présente
pas le caractère d’une sanction pénale” (Crim., 6 juillet 1993, Bull. crim., n°
240).

• La portée du contrôle de la légalité

Le juge répressif, de même que le juge administratif n’a pas la possibilité


d’apprécier l’opportunité d’un règlement. En pratique, la question s’est posée de
savoir si le juge répressif pouvait apprécier la constitutionnalité des actes
administratifs. Sur ce point, il semble que les auteurs s’accordent à penser,
reprenant sur ce point la circulaire d’application du NCP, qu’un tel contrôle est
possible.

Outre l’étendue du contrôle de la légalité, celui-ci peut-il être exercé dans tous les
cas ou est-il limité à des cas d’ouverture ? Le contrôle de la légalité obéit à des cas
d’ouverture. Quels sont les cas d’illégalité qui peuvent être invoqués devant le juge
pénal ? En pratique, il existe 4 cas d’ouverture qui constituent les 4 cas d’ouverture
du recours pour excès de pouvoir :
-hypothèse d’incompétence. Cela correspond à l’hypothèse dans laquelle
l’autorité qui a fait le règlement n’avait pas qualité pour le faire. Il peut s’agir d’une
incompétence territoriale ou d’une incompétence dans le temps. Il peut s’agir de
l’hypothèse dans laquelle un maire empiète sur les pouvoirs d’un préfet.
-vice de forme : il s’agit de l’hypothèse d’un acte administratif qui n’est pas
pris dans les conditions de forme prévues par la loi. L’avis d’un organisme qui doit
être sollicité et qui ne l’est pas ou l’hypothèse dans laquelle un arrêté n’est pas
publié.
-violation de la loi : le juge répressif doit vérifier si l’acte n’est pas contraire à
la règle de droit à laquelle cet acte est subordonné. Dans ce cadre, le terme de loi
englobe toutes les normes supérieures à celle de l’acte attaqué (règles
constitutionnelles, lois…).
-détournement de pouvoir : le prévenu prétend que l’autorité administrative
a utilisé ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui
avaient été donnés. Ainsi, un maire ne peut agir que pour assurer le bon ordre, la
sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (arrêt Dame Le Roux : Crim., 21
décembre 1961, D. 1962, 102).

Quels sont les effets de l’exception d’illégalité ? Quand une partie réclame le
bénéfice de l’exception d’illégalité, le juge est tenu de se prononcer et de statuer sur
la légalité. Cependant, si personne ne soulève l’exception d’illégalité, le contrôle ne
s’impose pas au juge. Le plus souvent, en pratique, l’exception est soulevée par le
prévenu.

Si le juge estime que l’acte administratif est régulier, il doit en faire application et
prononcer alors la condamnation prévue. S’il considère que l’acte est illégal, il doit
écarter l’application du texte et relaxer le prévenu. Cependant, il n’a pas le pouvoir
d’annuler l’acte. En conséquence, toute personne poursuivie sur la base de ce texte
ne pourra être relaxée que si elle invoque l’exception d’illégalité et que celle-ci est
admise.

Paragraphe II) L’application de la loi pénale dans le temps

Les questions touchant à l’application de la loi pénale dans le temps ne se posent


que si l’on se trouve en présence d’un conflit de lois pénales dans le temps. Il s’agit
du cas dans lequel le juge doit choisir entre deux lois celle qu’il va appliquer. Plus
précisément, on est en présence d’un conflit de lois pénales dans le temps
lorsqu’une loi nouvelle intervient avant le règlement définitif d’une situation qui s’est
produite sous l’empire de la loi ancienne. Dans ce cas, le problème consiste à savoir
quelle loi va devoir être appliquée.

Le principe applicable à la matière est formulé dans l’article 112-1 du Code pénal
qui constitue une reprise de l’article 2 du Code civil : “Sont seuls punissables les
faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis (al. 1er).
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date
(al. 2). Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises
avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée
en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions
anciennes”.
Toutefois, les articles 112-2 à 112-4 du Code pénal précisent que, dans certains
cas, les lois sont d’application immédiate.

Si l’on analyse ces différents articles contenus dans le Code pénal, on observe que le
principe de la non-rétroactivité s’applique différemment suivant que l’on est en
présence d’une loi de fond ou de forme. Il faudra également régler la question des
autres sortes de lois pénales.

A) L’application dans le temps des lois pénales de fond

S’agissant des lois pénales de fond, on applique le principe de la non- rétroactivité


contenu dans l’article 112-1 du Code pénal. Celui-ci se résume de deux manières :
la loi nouvelle ne doit pas s’appliquer aux infractions commises antérieurement à la
promulgation si cette loi nouvelle est plus sévère que celle qu’elle remplace. C’est le
principe de la non-rétroactivité. En revanche, la loi nouvelle est applicable aux
infractions commises avant sa promulgation si elle est moins sévère que la loi
ancienne. C’est le principe de la rétroactivité in mitius (article 112-1 alinéa 3 du
Code pénal). Mais, outre ces deux principes, la question se pose de savoir ce que
l’on doit entendre pas loi plus douce ou plus sévère.

1) La non-rétroactivité des lois de fond plus sévères

Si l’on tente de justifier cette règle, au plan pratique, celle-ci s’explique par le fait
que l’on doit avoir connaissance de la règle du jeu à l’avance. Sur le plan juridique,
on présente ce principe comme la conséquence du principe de la légalité des délits
et des peines. La situation du délinquant ne doit pas pouvoir être aggravée par
l’effet d’une loi postérieure à la commission des faits. Historiquement, la question
s’est posée de savoir quelle était la force de ce principe de non rétroactivité. Celui-ci
étant contenu dans l’article 8 de la DDHC, il a donc une valeur constitutionnelle.

Afin de faire application du principe de la non-rétroactivité des lois pénales de


fond, il est nécessaire de localiser avec précision l’infraction dans le temps. La
réponse à cette question est évidente pour les infractions instantanées. En
revanche, elle l’est beaucoup moins pour d’autres catégories d’infractions.

En ce qui concerne les infractions instantanées (infractions qui se consomment en


un trait de temps : le vol), l’infraction est consommée au jour de la réalisation de
l’élément constitutif.

Les infractions continues (matérialité unique qui se prolonge dans le temps) se


consomment au jour où la conduite délictueuse a cessé (recel).

Les infractions d’habitude (pluralité d’actes de nature identique) se consomment au


jour de la seconde conduite délictueuse.

Enfin, dans les infractions complexes (pluralité d’actes de nature différente), la


consommation intervient lorsqu’est réalisé le dernier acte matériel constitutif
(remise dans l’escroquerie). Dans les trois derniers cas (infraction complexe,
continue, d’habitude), la loi nouvelle est applicable dès lors qu’une partie de
l’infraction a été réalisée sous l’empire de cette loi nouvelle. Tel est, notamment, le
cas en matière d’escroquerie lorsqu’une ou plusieurs remises interviennent sous
l’empire de la loi nouvelle.

Dans ces cas-là, il n’est nullement porté atteinte au principe de non-rétroactivité de


la loi nouvelle dans la mesure où au moment de la conduite délictueuse son auteur
était en mesure d’en apprécier les conséquences au regard de la loi nouvelle. Et,
dans ces différents cas il n’y a en fait aucun conflit de lois pénales dans le temps. A
titre d’illustration, la loi du 23 décembre 1980 sur le viol a passé la peine pour viol
de 10 à 15 ans de réclusions criminelle.

Cependant, il existe quelques exceptions au principe de la non-rétroactivité. Il


est des hypothèses dans lesquelles la loi nouvelle va s’appliquer alors qu’elle est
plus sévère. Cela dans plusieurs hypothèses :

- les lois qui se disent expressément rétroactives. Dans ce cas, ces lois
s’appliquent à la date qu’elles prévoient. Tel est le cas de l’ordonnance de 1944 sur
l’indignité nationale à l’encontre de tous ceux qui ont collaboré avec l’ennemi depuis
le 18 juin 1940.

- les lois interprétatives : elles ont pour objet de préciser le sens d’une
disposition contenue dans une loi antérieure, sans pour autant en modifier le
contenu. En fait, ces lois interprétatives sont rétroactives dans la mesure où elles
font corps avec la loi qu’elles viennent interpréter et ont donc le même champ
d’application dans le temps. Ex : la loi du 22 juillet 1996 de lutte contre le
terrorisme qui a précisé la notion d’arme, elle a ainsi précisé qu’un chien utilisé pour
tuer, blesser ou nuire pouvait être considéré comme une arme.

- les lois déclaratives : ces lois se contentent de constater l’existence


d’une règle, sans même l’interpréter. Ces lois valent tant pour le passé que pour
l’avenir. Tel est le cas d’une loi du 26 décembre 1964 constatant le caractère
imprescriptible des crimes contre l’humanité. Le caractère a d’ailleurs été affirmé
dans l’affaire Barbie (Crim., 26 janvier 1984, Bull. crim., n° 34). Loi du 16 décembre
1964 sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

- les lois instaurant des mesures de sûreté : la doctrine, dans sa grande


majorité, estime que les textes prescrivant des mesures de sûreté s’appliquent de
manière rétroactive. D’ailleurs, la Cour de cassation a admis l’application de
mesures de placement prévues par l’ordonnance du 2 février 1945 pour des faits
commis avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance.

- les lois incriminant des atteintes à des valeurs essentielles de la


civilisation : Il résulte tant de l’article 15 § 2 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques que de l’article 7 § 2 de la CEDH que le principe de la non
rétroactivité “ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne
coupable d’une action ou d’une omission qui, du moment où elle a été commise,
était criminelle d’après les principes généraux du droit reconnus par les nations
civilisées”. En application de ces articles, les actes contraires au droit international
humanitaire peuvent toujours être réprimés même si au moment des faits leur
répression n’était pas prévue dans la législation de l’État dans lequel ils ont été
commis ou dans celle de l’État poursuivant.

Outre le principe de la non-rétroactivité des lois pénales de fond plus sévères,


s’applique également un autre principe : celui de la rétroactivité in mitius des lois
pénales de fond plus douces.

2) La rétroactivité in mitius des lois de fond plus douces

Cette règle de la rétroactivité est posée par l’article 112-1 alinéa 3 du Code
pénal. Quel est le contenu de cette règle, comment s’applique t’elle et quelles sont
ses limites ? Autant de questions que nous aborderons successivement.

a) Le contenu du principe
Ce principe de la rétroactivité in mitius des lois pénales de fond plus douces trouve
sa justification dans le fait que lorsque la loi nouvelle est moins sévère, la non-
rétroactivité n’a plus de raison d’être. En effet, dans ce cas, une application
rétroactive de la loi ne met pas en péril la liberté individuelle.

Quoique absent du code pénal de 1810, le principe de la rétroactivité in mitius avait


été rapidement dégagé par la jurisprudence (Crim., 1er oct. 1813, S. 1814, 1, 16).
Désormais, ce principe de la rétroactivité in mitius est consacré par l’article 112-1
al. 3 du code pénal. Aux termes de cet alinéa : “toutefois, les dispositions
nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur
lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes”.

Déjà, sous l’empire de l’ancien Code pénal, la jurisprudence s’était posé la question
de savoir quelle était la valeur de ce principe de la rétroactivité in mitius. En la
matière, le conseil constitutionnel (décision 80-127 DC des 19 et 20 janvier
1981, 1981, II, 19701) a conféré une valeur constitutionnelle à ce principe. En
conséquence, si le législateur viole ce principe, il s’expose à la sanction du conseil
constitutionnel. La Cour européenne des droits de l’homme l’a également validé
(CEDH, 17 septembre 2009, SCOPPOLA c/ Italie : CJUE, 3 mai 2005, BERLUSCONI).

b) L’application du principe

L’application du principe de la rétroactivité in mitius pose plusieurs difficultés : son


domaine d’application et la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

• Le domaine d’application du principe

La loi nouvelle plus douce s’applique (art. 112-1 al. 3) à toutes les infractions qui
n’ont pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée. Qu’est-ce
que cela signifie exactement ? Cette règle emporte deux conséquences :
- tout d’abord, elle implique que la loi nouvelle doit recevoir application tant que
l’infraction n’est pas définitivement jugée. Ainsi, la loi nouvelle s’applique lorsque
l’affaire est en cours, même lorsqu’un jugement sur le fond a déjà été rendu.
- Ensuite, cette règle signifie qu’une loi nouvelle plus douce ne peut pas porter
atteinte aux condamnations qui sont devenues définitives avant son entrée en
vigueur. Cette solution se justifie aisément. En effet, une solution contraire
conduirait à remettre en cause un très grand nombre de décisions ce qui
entraînerait un encombrement évident des juridictions et une absence totale de
sécurité juridique. Cependant, cette solution connaît une limite depuis l’entrée en
vigueur du NCP. En effet, son article 112-4 al. 2 dispose que “la peine cesse de
recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi
postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une infraction pénale”. Ainsi, la
dépénalisation va conduire à la remise en cause de décisions ayant acquis
l’autorité de la chose jugée. Cependant, cet alinéa 2 de l’article 112-4 pose deux
difficultés d’application :
- 1ère difficulté : la question s’est posé de savoir ce qu’il fallait
exactement entendre par dépénalisation. Cette question ne pose pas difficulté
lorsque le comportement est réellement dépénalisé. Tel est, notamment, le cas pour
le vagabondage et la mendicité. En revanche, peut-on considérer qu’il y a
dépénalisation lorsque certes l’infraction disparaît mais que le comportement est
réprimé sous un angle différent ? Tel est le cas de l’abus de blanc seing qui est
désormais poursuivi sous l’angle de l’abus de confiance ou de l’escroquerie. Dans ce
dernier cas, on doit considérer qu’il n’y a pas de dépénalisation.
- 2nde difficulté : l’article 112-4 précise qu’en cas de dépénalisation,
“la peine cesse de recevoir exécution”. Cela signifie donc que cette disposition
produit les mêmes effets qu’une grâce. En conséquence, la peine n’est plus
exécutée, mais la condamnation n’est pas anéantie ; elle demeure donc inscrite au
casier judiciaire et pourra, dès lors, être prise en compte dans le cadre de la
récidive.

• La date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle

On a longtemps considéré que le moment à partir duquel la loi plus douce pouvait
être invoquée était celui de la date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Cependant,
une décision du conseil constitutionnel est venue jeter le trouble sur la question
(Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, J.O. 29 février, p. 3122). En effet, dans
cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré que “dans les domaines relevant
de sa compétence, il appartient au législateur, sous réserve de l’application
immédiate de mesures répressives plus douces, de fixer les règles d’entrée en
vigueur des dispositions qu’il édicte”. Ainsi, à la suite de cette décision, de nombreux
auteurs ont estimé que le législateur ne pouvait pas reporter l’entrée en vigueur des
dispositions pénales plus douces (GENEVOIX, notamment).
Cependant, ce principe de la rétroactivité in mitius connaît certaines limites.

c) Les limites du principe

Le principe de la rétroactivité in mitius connaît une exception dans le domaine


économique. En effet, si l’on faisait application en ce domaine de la rétroactivité in
mitius, les sanctions ne seraient plus dissuasives du fait des changements fréquents
de réglementation. Pour cette raison, la jurisprudence a adopté une solution
spécifique au domaine économique malgré la décision du conseil constitutionnel de
1981 donnant valeur constitutionnelle au principe de la rétroactivité in mitius.

Cependant, en matière économique, le législateur procède à une distinction suivant


que le texte abrogé par la loi nouvelle est de nature législative ou réglementaire :
- si le texte abrogé est une loi, il convient de faire application du principe
de la rétroactivité in mitius. On doit donc faire application de la loi nouvelle plus
douce.
- si le texte abrogé est un règlement, le principe de la rétroactivité in
mitius ne s’applique que si aucun acte de poursuite n’a été accompli au jour de
l’abrogation (Crim., 4 sept. 1990, Droit pénal 1990, n° 334).

Après avoir envisagé le principe de la non-rétroactivité et celui de la rétroactivité in


mitius, il convient de s’interroger sur le point de savoir ce que l’on doit entendre par
loi plus douce ou plus sévère.

3) La notion de loi pénale plus douce ou plus sévère

En réalité, le point de savoir si une disposition nouvelle est plus douce ou plus
sévère ne pose guère de difficulté. En revanche, la question est beaucoup plus
délicate lorsqu’un même texte combine à la fois des dispositions plus douces et
d’autres plus sévères.

a) La notion de disposition plus douce ou plus sévère

Nous allons, à ce stade, simplement nous contenter de donner des exemples de


dispositions plus douces et de dispositions plus sévères.

Constituent des dispositions plus douces, celles qui suppriment une


incrimination (= dépénalisation), celles qui réduisent le champ d’application d’une
infraction, celles qui admettent de nouvelles causes d’irresponsabilité pénale, celles
qui suppriment une peine ou en réduisent le quantum, celles qui offrent de nouvelles
possibilités d’aménagement de la peine… Ainsi, la jurisprudence a considéré que la
loi du 10 juillet 2000 relative à la définition des délits non intentionnels contenait
des dispositions moins sévères que la loi ancienne (Crim., 5 sept. 2000, Droit pénal
2000, n° 135).

Loi qui abroge une incrimination : loi du 4 octobre 2008 de modernisation de


l’économie qui abroge l’article L. 310-5-3 du code de commerce qui sanctionne les
ventes en solde en dehors des périodes autorisées. Cette abrogation est rétroactive
d’après l’arrêt de la cour de cassation du 24 janvier 2011.

Loi qui restreint le champ de l’incrimination : loi du 9 juillet 2010 sur les violences
faites aux femmes qui restreint la définition du champ de la dénonciation
calomnieuse. Il faut désormais démontrer que le fait n’a pas eu lieu pour constituer
la dénonciation calomnieuse.

Loi qui supprime une peine : la loi du 15 aout 2014 qui supprime les peines
planchers qui s’appliquaient depuis 2007 aux récidivistes.

Loi prévoyant une peine plus douce : la peine de contrainte pénale permet un suivi
individualisé et état d’une personne qui a commis un délit mais qui reste en liberté,
constituant ainsi une nouvelle alternative à l’emprisonnement (cass crim 15 avril
2015).

Constituent des dispositions plus sévères, celles qui créent une nouvelle
incrimination, celles qui élargissent le champ d’application d’une incrimination,
notamment à une nouvelle catégorie de prévenus (Crim., 19 juin 2007, Droit pénal
2007, com. 134), celles qui suppriment ou limitent les causes d’irresponsabilité
pénale (exclusion du bénéfice de l’immunité familiale pour les soustractions
commises entre alliés au même degré : crim., 14 nov. 2007, Droit pénal 2008, com.,
16), celles qui augmentent le quantum d’une peine, celles qui limitent les possibilités
d’aménagement de la peine, celles qui instituent une circonstance aggravante qui a
pour effet d’augmenter la peine encourue…

En revanche, la Cour de cassation a considéré que l’inscription au fichier national


automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (instaurée par la loi du 9 mars 2004),
dont le seul objet est de prévenir le renouvellement des infractions et l’identification
de leurs auteurs, n’est pas soumise au principe de non-rétroactivité des lois de fond
plus sévères (Crim., 31 oct. 2006, Droit pénal 2007, com., 15).

Comment faire, en pratique, lorsque le texte nouveau combine tout à la fois des
dispositions plus douces et plus sévères ?

c) La coexistence de dispositions plus douces et plus sévères

En cas de coexistence de dispositions plus douces et de dispositions plus sévères


dans un même texte, la question se pose de savoir si les dispositions plus douces et
celles plus sévères doivent être chacune soumises à leur propre régime ou s’il
convient de procéder à une application globale du nouveau texte ? La réponse à
cette question semble pouvoir être trouvée dans la jurisprudence. La jurisprudence,
en la matière, fait une distinction suivant que la loi nouvelle est divisible ou
indivisible.

• Si la loi nouvelle est divisible, la jurisprudence applique de manière distributive


les dispositions nouvelles. Elle fait rétroagir celles qui sont plus douces. Ainsi, pour
citer un exemple ancien, la loi Béranger du 26 mars 1891 a été considérée comme
divisible. En effet, cette loi instituait le sursis (disposition plus douce) et créait
également la petite récidive correctionnelle (disposition plus sévère donc non
rétroactive). De même, la loi du 23 décembre 1980 sur le viol a élargi et
davantage réprimé le viol mais correctionnalisé l’attentat à la pudeur et les
agressions sexuelles, donc plus douce sur ces infractions.

• Si la loi nouvelle est indivisible, c’est-à-dire qu’elle forme un tout, il va falloir


déterminer si elle est globalement plus douce ou plus sévère. Pour ce faire, la
doctrine a proposé deux méthodes :

1ère méthode : il convient de rechercher quelle est la disposition principale.


Selon que cette disposition principale est plus douce ou plus sévère, la loi
dans son ensemble sera considérée comme étant plus douce ou plus sévère. Il
semble, cependant, que cette méthode ne soit plus retenue par la
jurisprudence.

2ème méthode : cette méthode retenue par la jurisprudence est celle de


l’appréciation globale. Avec cette méthode, la juridiction de jugement doit se
demander si globalement la loi est plus douce ou plus sévère. Ainsi, la
jurisprudence a estimé globalement plus douce la loi du 17 juillet 1970
instituant le sursis partiel (disposition plus sévère), tout en élargissant les
conditions d’octroi du sursis simple (disposition plus douce).

La question se pose de savoir quelle est la solution à appliquer lorsqu’une loi


nouvelle combine à la fois des dispositions de fond et de procédure. S’agissant de la
loi du 25 février 2008 relative à l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble
mental, la Cour de cassation a estimé, sans doute en se fondant sur l’indivisibilité de
l’ensemble des dispositions, que cette loi considérée plutôt comme une loi de
procédure n’était pas d’application immédiate. En effet, la Cour de cassation a
estimé que les mesures qui pouvaient être infligées aux personnes n’étaient pas des
mesures de sûreté mais des peines (Crim., 11 janvier 2009, Juris-Data n° 2009-
046740).

La loi du 2 septembre 1941 correctionnalise l’infanticide et interdit d’assortir la peine


privative de liberté de sursis. C’est la correctionnalisation plus douce qui prime.

Après avoir envisagé l’application dans le temps des lois pénales de fond,
nous allons nous intéresser aux lois pénales de forme.

C) L’application dans le temps des lois pénales de forme

Il convient de distinguer le principe et les atténuations qui lui sont apportées.

1) Le principe, l’application immédiate des lois de procédure

Les lois de procédure sont aussi appelées lois de forme. Elles concernent la
compétence et l’organisation judiciaire, les modalités des poursuites, les formes de
la procédure, les prescriptions de la peine et de l’action publique. Les lois de forme
sont visées dans le nouveau code pénal par l’article 112-2, 1° et 2° NCP. Aux
termes de cet article “Sont applicables immédiatement à la répression des
infractions commises avant leur entrée en vigueur : les lois de compétence et
d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement sur le fond n’a pas été rendu en
première instance ; les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la
procédure”.

Les lois de procédure (article 112-2 NCP) s’appliquent immédiatement aux faits
délictueux commis avant leur promulgation. Cependant, cette solution ne s’applique
bien évidemment pas aux condamnations devenues irrévocables car aucune règle ne
permet de réviser une condamnation déjà prononcée (sauf octroi d’une mesure de
grâce).

En pratique, il est nécessaire de définir avec précision ce que l’on entend par
application immédiate. Cette notion doit être distinguée de la rétroactivité. En effet,
les lois nouvelles de forme ne sont pas rétroactives. En effet, si on estimait qu’une
loi de forme était rétroactive, il faudrait annuler tous les actes de procédure déjà
réalisés pour soumettre toute la situation à la loi nouvelle. Or, lorsque l’on fait
application de l’effet immédiat de la loi nouvelle, on applique successivement les
deux lois. La loi nouvelle prend seulement le relais de la loi ancienne. La procédure
continue avec la loi nouvelle mais ce qui a été déjà accompli sous l’empire de la loi
ancienne demeure.

La justification de cette règle tient au fait que la loi nouvelle a pour but une
meilleure administration de la justice criminelle. La loi nouvelle est présumée
meilleure que la loi ancienne et réalisée dans l’intérêt de la société et du délinquant.
Cette règle est applicable à tous les textes relatifs à l’organisation juridictionnelle et
à la compétence des tribunaux (création d’une juridiction spéciale pour mineurs). Si
une procédure criminelle devient correctionnelle, le tribunal correctionnel devra être
saisi pour appliquer la loi nouvelle. A l’inverse, si une procédure correctionnelle
devient de nature criminelle, la Cour d’assises devra être saisie mais ne pourra faire
application que de la loi ancienne moins sévère.

Les lois relatives à l’exécution des peines qui dépendent du droit pénitentiaire qui
constitue le prolongement de la procédure pénale reçoivent elles aussi une
application immédiate sauf si elles ont pour résultat de rendre plus sévères les
peines prononcées.

2) L’atténuation du principe

Il est deux hypothèses dans lesquelles on ne peut pas faire application de la loi
nouvelle de forme car une telle solution serait choquante : la première concerne les
lois relatives à la compétence et à l’organisation judiciaire et la seconde les lois
relatives à la procédure.

• les lois relatives à la compétence et à l’organisation judiciaire : pour


ces lois, il convient de faire application de la théorie des droits acquis. Ainsi,
la loi nouvelle ne s’applique aux instances en cours que si un jugement sur le
fond n’a pas été rendu en premier ressort (arrêt de principe LAPEYRE du 7
juillet 1871, S. 1871, I, 85). En effet, si un jugement sur le fond a été rendu,
le justiciable a acquis le droit de rester soumis au même ordre juridictionnel
jusqu’à sa condamnation. Cette jurisprudence ancienne n’a jamais été
démentie. Ex : la loi

• les lois relatives à la procédure : en application de l’article 112-3 NCP,


“les lois relatives à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours
ainsi qu’aux délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité
des personnes admises à se pourvoir sont applicables aux recours formés
contre les décisions prononcées après leur entrée en vigueur”. En application
de cet article, il apparaît que ces lois relatives à la procédure ne s’appliquent
pas immédiatement aux instances en cours. Ainsi, le recours reste régi par la
loi ancienne qui était en vigueur lors du prononcé de la décision. Cependant,
cet article 112-3 NCP consacre une limite à la survie de la loi ancienne. En
effet, la loi ancienne ne continue de s’appliquer qu’en ce qui concerne la
définition du droit de recours. A l’inverse, la forme du recours est soumise à
la loi en vigueur au jour où il est formé.
Après avoir envisagé l’application dans le temps des lois pénales de fond et de
forme, il convient d’envisager les autres sortes de lois pénales.

D) L’application dans le temps des autres sortes de lois pénales

Au titre des autres lois pénales, nous allons nous intéresser aux lois relatives aux
modes de preuve, aux lois relatives à la prescription et aux lois relatives à
l’exécution et à l’application des peines.

1) Les lois relatives aux modes de preuve

Le NCP ne contient aucune disposition spécifique relative aux lois concernant les
modes de preuve. Et, en ce domaine, la doctrine est divisée sur la solution à
adopter. Certains auteurs (LEVASSEUR) considèrent qu’il s’agit de lois de fond et que
l’on doit donc leur faire application des principes de la non-rétroactivité et de la
rétroactivité in mitius.

D’autres, en revanche (MERLE et VITU), estiment que les lois relatives à la preuve
sont des lois de forme et qu’elles sont donc d’application immédiate. Cela signifie
donc que la preuve est régie par la loi en vigueur au jour où la preuve doit être
fournie, avec une réserve, cependant : les preuves préconstituées conservent la
valeur que leur accordait la loi en vigueur au jour de leur accomplissement. En ce
domaine, les décisions jurisprudentielles sont peu nombreuses, mais semblent
confirmer cette seconde thèse (Crim., 6 déc. 1973, Bull. crim., n° 454).

Quelles sont, maintenant, les règles gouvernant les lois relatives à la prescription ?

2) Les lois relatives à la prescription

Lorsque l’on parle de loi relative à la prescription, il est nécessaire de faire la


distinction entre la prescription de l’action publique et celle de la peine. Le NCP a
unifié le régime de ces deux types de lois. Désormais, l’article 112-2, 4° dispose
que “sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant
leur entrée en vigueur (…), 4° lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois
relatives à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines”. Ainsi,
les prescriptions déjà acquises ne peuvent pas être remises en cause du fait de
l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle. En outre, avant la loi du 9 mars 2004, l’article
112-2 4° NCP, précisait que ces lois s’appliquaient immédiatement, sauf si elles
avaient pour conséquence d’aggraver la situation de l’intéressé. Cette restriction a
été supprimée et donc ces lois s’appliquent immédiatement même si elles ont pour
conséquence d’aggraver la situation de l’intéressé.

Nous allons, enfin, aborder la question des lois relatives à l’exécution et à


l’application des peines.

3) Les lois relatives à l’exécution et à l’application des peines

Aux termes de l’article 112-2, 3° NCP “sont applicables immédiatement à la


répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur (…) 3° les lois
relatives au régime d’exécution et d’application des peines ; toutefois, ces lois,
lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par
la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées
pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur”.

Ainsi, ces lois sont finalement régies comme des lois de fond ce qui diffère de la
solution applicable sous l’empire du code pénal de 1810.
La question se pose de savoir ce que l’on doit entendre par loi relative à l’exécution
et à l’application des peines : il s’agit des lois relatives aux conditions de mise en
œuvre de la peine prononcée (écrou, lieu de détention, transfèrement, mesures
d’individualisation de la peine).

Après le règlement des conflits de lois pénales dans le temps, nous allons nous
intéresser au règlement des conflits de lois pénales dans l’espace.

Paragraphe III) L’application de la loi pénale dans l’espace

En ce domaine, il est nécessaire d’aborder dans un premier point le règlement des


conflits de lois dans l’espace avant de nous attarder sur l’entraide répressive
internationale en matière d’extradition.

A) Le règlement des conflits de lois dans l’espace

En raison du déplacement des personnes et des biens entre les différents États, il
arrive fréquemment que des infractions soient situées géographiquement à des
endroits différents. Le problème est de savoir, dans ces hypothèses, quelle loi on va
devoir appliquer. Pour bien comprendre le système appliqué par le droit français, il
convient d’aborder les différents systèmes envisageables avant d’étudier le système
retenu en France.

1) Les différents systèmes théoriques

Trois systèmes ont été successivement imaginés par la doctrine.

• Le système de la territorialité

En vertu de ce principe, une loi pénale s’applique à tous les individus quelle que soit
leur nationalité dès lors qu’ils ont commis sur ce territoire une infraction que la loi
édicte.

Cette théorie prend donc en considération le lieu de commission de l’infraction,


c’est-à-dire l’endroit où le trouble à l’ordre public a été commis. Cette théorie
respecte donc la souveraineté nationale.

Cette théorie est compréhensible pour plusieurs raisons : tout résident dans un pays
doit connaître la législation du pays d’accueil et doit en respecter les dispositions. De
plus, le juge chargé d’appliquer la loi connaît mieux les lois de son pays que le droit
étranger. Cependant, cette théorie présente des inconvénients : par exemple, un
étranger qui a commis une infraction dans son pays peut vouloir se réfugier en
France pour échapper à sa propre législation. Il en est de même pour un français qui
ayant commis une infraction à l’étranger reviendrait ensuite en France pour
échapper aux poursuites.

Pour la doctrine, ce système présente plus d’avantages que d’inconvénients. Ce


système est souvent retenu par les États dont la France fait aujourd’hui partie.

• Le système de la personnalité

Il s’agit d’un système doctrinal qui donne la primauté à la personne. Dans ce


système, la loi applicable est celle du délinquant. La loi suit donc l’individu partout
où il se trouve. Ce système doit être distingué en deux sous-systèmes :
-la personnalité active dans laquelle on applique la loi de l’auteur de
l’infraction.
-la personnalité passive dans laquelle on prend en compte la loi de la
victime de l’infraction.
Ce système présente l’avantage de protéger efficacement les intérêts privés.
Cependant, il présente de nombreux inconvénients liés à des problèmes d’éventuelle
partialité (les juges peuvent juger au profit de la victime). En pratique, ce système
est d’application plus rare.

• Le système de l’universalité

Ce système repose sur la compétence universelle de la loi pénale. En vertu de ce


système, est compétent le tribunal du lieu d’arrestation du délinquant. On ne tient
donc plus compte ni du lieu de l’infraction ni de la nationalité de l’auteur ou de la
victime de l’infraction. Ce système n’est presque pas entré en application.

2) Le droit positif français

Dans le NCP, la question des conflits de lois pénales dans l’espace est envisagée par
les articles 113-1 et s.. Le droit français ne fait pas une part égale aux différentes
théories que nous venons d’envisager. En résumé, on peut dire que le droit pénal
français repose à titre principal sur la territorialité. A titre subsidiaire, il repose sur le
principe de la personnalité. Enfin, ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il a recours à la
théorie de l’universalité.

Il faut faire une distinction suivant que l’infraction a été commise en France ou à
l’étranger, avant d’aborder la compétence universelle.

• Cas d’une infraction commise en France

On applique dans ce cas la règle de la territorialité. Cette règle découle de la


lecture de l’article 113-2 du NCP qui dispose que “la loi pénale française est
applicable aux infractions commises sur le territoire de la République”. Il convient,
cependant, de déterminer la notion de territoire, le lieu de l’infraction et d’envisager
les exceptions au principe de la territorialité.

La notion de territoire de la République

En pratique, il importe de déterminer avec précision la notion de territoire. Aux


termes de l’article 113-1 NCP, le territoire national “inclut les espaces maritime et
aérien qui lui sont liés”. Ainsi, le territoire de la République se compose de trois
parties :
- les terres, c’est-à-dire la France métropolitaine, les DROM (Martinique,
Guadeloupe, Guyane, Réunion, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française,
Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon) et les Taaf, c’est-à-dire les terres
australes et antarctiques françaises.
- les mers, c’est-à-dire la mer territoriale, soit une bande de mer qui longe
les côtes sur 12 milles marins (22,25 km) compris entre la terre ferme et une ligne
imaginaire qui longerait les côtes. Cette bande a été étendue à 25 milles avec la
Convention sur le droit de la mer, pour les Etats qui l’on ratifiée. La mer comprend
également la zone économique. Dans cette zone, la loi française s’applique aux
infractions à la législation nationale régissant l’exploration et l’exploitation des
ressources naturelles, biologiques ou non. En haute mer, l’infraction est réputée
commise sur le territoire du pays dont le navire bat pavillon. Cependant, « La loi
pénale française est applicable aux infractions commises au-delà de la mer
territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient » (art.
113-12 NCP).
- l’espace aérien lié au territoire de la République.
Cependant, des difficultés d’application quant à la notion de territoire se posent
lorsque l’infraction est commise à bord d’un navire ou d’un aéronef. Il convient en
fait de distinguer deux hypothèses :
- 1ère hypothèse : le navire ou l’aéronef est immatriculé en France ou bat
pavillon français. Les articles 113-3 et 113-4 NCP les assimilent alors au territoire
français. La loi pénale française est donc applicable lorsque l’infraction est commise
à leur bord ou à leur encontre quel que soit le lieu où ils se trouvent. En matière
militaire, ces deux articles précisent que la loi française est seule applicable.
- 2nde hypothèse : le navire ou l’aéronef est de nationalité étrangère. Si le
navire ou l’aéronef se situe en territoire français, la loi française s’applique. En
outre, l’article 113-11 NCP dispose que «…la loi pénale française est applicable aux
crimes et délits commis à bord ou à l’encontre des aéronefs non immatriculés en
France ou des personnes se trouvant à bord : 1° : lorsque l’auteur ou la victime est
de nationalité française ; 2° : lorsque l’appareil atterrit en France après le crime ou
le délit ; 3° : lorsque l’aéronef a été donné en location sans équipage à une
personne qui a le siège principal de son exploitation ou, à défaut, sa résidence
permanente sur le territoire de la République ».

Outre la délimitation du territoire, il est également nécessaire de déterminer le lieu


de l’infraction.

• Le lieu de l’infraction

Cette détermination est importante car, parfois une même infraction peut se situer
dans plusieurs pays différents. Le principe de solution découle en droit français de
l’article 113-2 alinéa 2 du NCP qui dispose que “l’infraction est réputée commise
sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur
ce territoire”. Le problème en pratique revient alors à déterminer la notion de fait
constitutif. La difficulté réside dans le fait que le terme « fait constitutif » n’est pas
une notion pénale à proprement parler. Le droit pénal, en revanche, connaît la
notion d’élément constitutif et de condition préalable (cadre dans lequel l’infraction
peut être commise).

La jurisprudence sous l’empire du Code pénal de 1810 avait adopté une position
extrêmement large puisqu’elle considérait que la loi française était applicable qu’un
élément constitutif ait été réalisé en France ou seulement une condition préalable de
l’infraction. La notion de fait constitutif semble pouvoir inclure à la fois la notion de
condition préalable et d’élément constitutif.

En pratique, on fait application de l’article 113-2 du NCP chaque fois que


l’infraction se prolonge ou se manifeste sur le territoire français. Par exemple, la
jurisprudence estime que les juridictions françaises sont compétentes (en matière
d’atteintes sexuelles sur mineur) dès lors que le contrat assurant l’exclusivité de la
diffusion d’images enregistrées en Thaïlande a été signé en France (Crim., 4 février
2004, Droit pénal 2004, n° 80). De même, le détournement à l’étranger d’un
véhicule remis en France à un employé de nationalité allemande et domicilié en
Allemagne relève de la compétence des juridictions françaises (Crim., 2 déc. 2009,
Droit pénal 2010, com. 42).
- Ainsi, pour les infractions continues (recel), la loi pénale française est
applicable chaque fois que l’infraction s’est prolongée en France. Ainsi un recel
commis tour à tour en France et à l’étranger est considéré comme ayant été commis
en France.
- Pour les infractions d’habitude (pluralité d’actes matériels de nature
identique), la jurisprudence estime que la loi française est applicable dès lors qu’un
seul des faits a été commis en France.
- S’agissant des infractions simples (un seul acte matériel constitutif), la
jurisprudence considère que la loi française est applicable si l’action est réalisée en
France mais que le résultat se produit à l’étranger ou inversement (tromperie sur les
qualités substantielles réalisée en France contre un étranger).
- Pour les infractions complexes (pluralité d’actes matériels de nature
différente), pour que la loi française soit applicable, il suffit qu’un des éléments
constitutifs soit commis en France.
- En matière de complicité, l’article 113-5 NCP dispose que « la loi pénale
française est applicable à quiconque s’est rendu coupable sur le territoire de la
République, comme complice, d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger si le
crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s’il a
été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère ». En ce domaine,
la jurisprudence précise que « la loi française est applicable à celui qui se rend
complice sur le territoire de la République d’un crime ou d’un délit commis à
l’étranger à condition que cette infraction ait été constatée par une décision
définitive de la juridiction étrangère » (Crim., 29 janv. 2008, Droit pénal 2008, com.
60).

Bien qu’extrêmement large, le principe de la territorialité comporte, cependant, des


exceptions.

• Les exceptions au principe de la territorialité

En ce qui concerne les exceptions au principe de la territorialité, celles-ci sont


marginales. Elles concernent les agents diplomatiques étrangers qui ne sont pas
passibles des tribunaux français pour des infractions commises en France. Cela, en
application de l’immunité diplomatique. L’État français dans de telles circonstances
ne peut qu’exiger leur rappel par leur gouvernement, déclarer la personne non grata
et, éventuellement, l’expulser. La personne peut revenir de son plein gré pour se
faire juger et son gouvernement a la possibilité de la déchoir de son immunité.
Cependant, cette immunité ne concerne ni les consuls ni les personnels consulaires.
Dans le cadre de l’immunité diplomatique, le principe de la personnalité va donc
l’emporter.

A l’inverse, l’article 113-10 NCP dispose que la loi pénale française s’applique à
tout crime ou délit contre les agents ou les locaux diplomatiques ou consulaires
français commis hors du territoire de la République.

Quelles sont les règles applicables lorsque l’infraction a été commise à


l’étranger ?

d) Cas d’une infraction commise à l’étranger

Normalement, les conséquences de la territorialité voudraient que ces infractions


échappent aux juridictions françaises. Dans ces hypothèses, l’application de la loi
française ne peut donc être qu’exceptionnelle. En pratique, il convient de distinguer
deux cas :

• 1er cas : Lorsque l’infraction est commise à l’étranger par ou contre


un français, on prend en compte l’application de la théorie de la
personnalité active (loi de la nationalité de l’auteur de l’infraction) ou celle de
la personnalité passive (loi de la nationalité de la victime de l’infraction).
Cependant, en la matière deux situations doivent être distinguées :

1ère situation : lorsque l’infraction est commise par un français à


l’étranger, l’article 113-6 dispose que “la loi pénale française est applicable à tout
crime commis par un français hors du territoire de la République. Elle est applicable
aux délits commis par des français hors du territoire de la République si les faits
sont punis par la législation du pays où ils ont été commis”. Ainsi, en matière
délictuelle, une réciprocité d’incrimination est nécessaire.
L’alinéa 2 de l’article 113-6 NCP, dans sa rédaction issue de la loi du 8
décembre 2009 précise que : « La loi pénale française est applicable aux infractions
aux dispositions du règlement (CE) n° 561 / 2006 du Parlement européen et du
Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la
législation sociale dans le domaine des transports par route, commises dans un
autre Etat membre de l'Union européenne et constatées en France, sous réserve des
dispositions de l'article 692 du code de procédure pénale ou de la justification d'une
sanction administrative qui a été exécutée ou ne peut plus être mise à
exécution». Il s’agit ici de permettre l’application de la loi française aux délinquants
routiers dont l’infraction a été commise dans le pays d’origine et constatée en
France.

En outre, l’article 113-6 NCP précise que la condition de nationalité française


s’applique aussi au prévenu qui aurait acquis la nationalité française
postérieurement au fait qui lui est reproché.

Lorsque l’infraction est commise contre un français à l’étranger, l’article 113-7


quant à lui dispose que “la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à
tout délit puni d’emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors
du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au
moment de l’infraction”. Ainsi, tous les délits ne sont pas visés par le texte. Une
peine d’emprisonnement doit être encourue ce qui n’est pas le cas pour tous les
délits (art. 322-1 al. 2 NCP : graffiti). En outre, l’article 113-7 NCP s’applique
sans réciprocité d’incrimination, c’est-à-dire même si le comportement n’est pas
réprimé par la loi étrangère.

Lorsque les conditions fixées par les articles 113-6 et 113-7 NCP sont réunies, la
poursuite des délits doit être précédée d’une plainte de la victime ou de ses ayants
droit (article 113-8 du NCP). Peu importe que la plainte de la victime préalable aux
poursuites à la requête du ministère public ait été déposée en France ou à
l’étranger, dès lors que dans le second cas elle a été transmise aux autorités
judiciaires françaises (Crim., 24 nov. 1998, Droit pénal 1999, n° 79).

S’agissant de la compétence territoriale des tribunaux, est compétent le tribunal du


lieu de résidence du prévenu, celui du lieu où il est trouvé, celui du lieu de la
résidence de la victime ou celui du lieu de décollage, de destination ou d’atterrissage
de l’aéronef si l’infraction a été commise à bord ou à l’encontre d’un aéronef (article
693 CPP). En outre, la juridiction de Paris exerce une compétence concurrente
(article 693 alinéa 2 CPP). Dans ce cas, on fait application de la procédure
classique de dessaisissement.

Cependant, l’article 113-9 NCP précise qu’aucune poursuite ne peut être exercée
contre une personne qui justifie qu’elle a été jugée définitivement à l’étranger pour
les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite.
Ainsi, le législateur fait application du principe non bis in idem.

2nde situation : la loi du 21 décembre 2012 a introduit dans l’arsenal


répressif un nouveau chef de compétence pour les infractions terroristes. Le nouvel
article 113-13 NCP dispose que «la loi pénale française s’applique aux crimes et
délits qualifiés d’actes de terrorisme et réprimés par le titre II du livre IV commis à
l’étranger par un français ou par une personne résidant habituellement sur le
territoire français». Que penser de ce nouvel article 113-13 NCP ? De prime abord,
il apparaît inutile par rapport à l’article 113-6 NCP. On pourrait également
considérer qui est dans la lignée de certains exceptions apparues au fil des réformes
législatives qui retiennent, pour certaines infractions, l’application de la loi française
lorsqu’elles « sont commises à l’étranger contre un mineur par un français ou par
une personne résidant habituellement sur le territoire français…». Tel est le cas,
notamment, pour les agressions sexuelles à l’encontre des mineurs (art. 222-22 al.
3 NCP), pour le proxénétisme (art. 225-11-2 NCP), pour la mise en péril de
mineurs (art. 227-27-1 NCP) ou pour le clonage humain (art. 511-1-1 NCP). Il
est, cependant, intéressant de constater que dans la loi du 21 décembre 2012,
l’article 113-13 NCP se distingue de la compétence universelle envisagée par les
articles 689-1 et s. CPP. Elle se distingue également de la compétence réelle. Elle
apparaît donc comme étant une compétence d’un genre inconnue, une compétence
sui generis qui se situe entre la compétence universelle et et la compétence
personnelle active. Cette disposition est susceptible de s’appliquer aux personnes
qui se rendraient à l’étranger pour intégrer un camp d’entraînement. Cet article
permet également d’éviter les exigences posées par l’article 113-8 NCP, à savoir la
plainte de la victime ou de ses ayants droit ou la dénonciation officielle ou la
condition de réciprocité d’incrimination.

• 2nd cas : Lorsque l’infraction est commise à l’étranger par un


étranger et contre un étranger, le principe est que la loi française est
incompétente (délinquant réfugié en France). Cependant, la jurisprudence
estime que le délit d’association de malfaiteurs commis à l’étranger par un
étranger est indivisiblement lié à des infractions à la législation sur les
stupéfiants commises en France par le même auteur (Crim., 11 juin 2008,
Droit pénal 2008, n° 107). En tout état de cause, cette situation ne crée pas
un vide juridique dans la mesure où la procédure administrative de
l’extradition est applicable. En outre, l’article 113-8-1 NCP issu de la loi
Perben II du 9 mars 2004 (modifiée par la loi du 5 août 2013) dispose que la
loi pénale française est applicable à tout crime ou à tout délit puni d’au moins
5 ans d’emprisonnement commis hors du territoire de la République par un
étranger dont l’extradition ou la remise a été refusée à l’Etat requérant par
les autorités françaises aux motifs :
1° : soit que le fait à raison duquel l’extradition avait été demandée est
puni d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public
français ;
2° : soit que la personne réclamée aurait été jugée dans l’Etat
considéré par un tribunal n’assurant pas les garanties fondamentales
de procédure et de protection des droits de la défense ;
3° : soit que le fait considéré revêt le caractère d’infraction politique ;
4° : soit que l’extradition ou la remise serait susceptible d’avoir, pour la
personne réclamée, des conséquences d’une gravité exceptionnelle en
raison, notamment, de son âge ou de son état de santé.

Cette compétence de la loi française constitue une contrepartie au refus


d’extradition et permet donc d’éviter les lacunes de la répression. En outre, allant
au- delà de l’article 113-7 NCP, la jurisprudence estime de manière traditionnelle
que les tribunaux français sont compétents pour connaître de faits commis à
l’étranger par un étranger s’ils sont indissociables ou indivisibles de faits commis en
France par le même auteur (Crim., 27 oct. 2004, Droit pénal 2005, n° 32). Tel est le
cas lorsqu’une personne prépare en France une infraction commise ensuite à
l’étranger et qui en est la résultante. Cependant, il est nécessaire que les faits
commis en France puissent y être jugés ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils sont
prescrits.

e) Compétence universelle de la loi pénale

Le système de la compétence universelle « donne vocation à juger une infraction


aux tribunaux de l’État sur le territoire duquel le délinquant a été arrêté ou se
trouve même passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l’infraction et
quelles que soient les nationalités de l’auteur et de la victime » (R. Koering-Joulin,
Jcl proc. pén., facs. 20, n° 91).

La compétence universelle des juridictions résulte de conventions internationales.


Dans toutes ces conventions, elle est subordonnée au fait que l’individu ait été
trouvé en France. Les cas de compétence universelle tendent, aujourd’hui, à se
multiplier (art. 689 et s. du C.P.P.). Ainsi, au sens de l’article 689 CPP, les auteurs
ou complices d’infractions commises hors du territoire de la République peuvent être
poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque la loi française est
applicable, soit lorsqu’une convention internationale donne compétence aux
juridictions françaises pour connaître de l’infraction (Crim., 31 janv. 2001, Jurid-
Data n° 2001-008881).

Après avoir envisagé la question du règlement des conflits de lois pénales dans
l’espace, nous allons nous intéresser à la question de l’entraide répressive
internationale.

B) L’entraide répressive internationale

En matière de droit pénal., une coopération est nécessaire entre les États. La
procédure de nature administrative prend la forme de l’extradition. Mais, à côté de
l’extradition, il existe d’autres formes d’entraide répressive internationale.

1) L’extradition

L’extradition peut être définie comme la procédure par laquelle un État (État requis)
accepte de livrer un individu réfugié sur son territoire à un autre État appelé État
requérant pour permettre à ce dernier soit de le juger soit de lui faire exécuter sa
peine s’il a déjà été jugé par contumace.

L’utilité de cette technique est évidente bien qu’elle ne soit pas d’un usage très
fréquent (environ 400 par an). Son utilité principale est d’éviter les lacunes de la
répression. Ce système ancien a été perfectionné au XIX° siècle grâce à de
nombreux traités signés entre les différents pays. En France, jusqu’à une date
récente, la loi du 10 mars 1927 envisageait la question de la procédure applicable
en matière d’extradition. Cependant, cette loi avait un caractère subsidiaire
puisqu’elle prévoyait dans son article 1° qu’en l’absence de traité, elle était
applicable. Désormais, la loi du 9 mars 2004 a abrogé celle de 1927 (loi Perben II).
Elle s’applique également à titre subsidiaire, c’est-à-dire, en l’absence de convention
internationale ou lorsque certains points ne sont pas réglementés par les
conventions internationales

Dans le cadre de cette loi de 2004, lorsque l’on étudie l’extradition, une bonne
compréhension de la matière exige que l’on aborde ses conditions, la procédure
applicable ainsi que ses effets. Cette loi a, cependant, fait l’objet de modifications
avec la loi du 12 mai 2009.

a) Les conditions de l’extradition

Les conditions de l’extradition tiennent aux États concernés, aux personnes


concernées ainsi qu’aux infractions.

En ce qui concerne les États, aux termes de l’article 696-2 CPP, l’extradition n’est
accordée que si l’infraction a été commise :
- sur le territoire de l’Etat requérant par un ressortissant de cet Etat ou par
un étranger ;
- en dehors de son territoire par un ressortissant de cet Etat ;
-en dehors de son territoire par une personne étrangère à cet Etat, quand
l’infraction est au nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en
France, alors même qu’elles ont été commises par un étranger à l’étranger (Etat de
la victime de l’infraction).

Ces trois États doivent justifier avoir exercé contre l’individu en cause des poursuites
ou avoir condamné la personne. En effet, on estime que si l’État n’a pas engagé de
poursuites c’est qu’il s’est désintéressé de l’affaire. Dans certaines hypothèses, il
peut y avoir une concurrence entre les 3 États. Dans ce cas, l’article 696-5 CPP
prévoit la solution. On donne la priorité à l’État contre les intérêts duquel l’infraction
était dirigée ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise. En revanche, si les
demandes concurrentes ont pour cause des infractions différentes, il est tenu
compte pour décider de la priorité de toutes les circonstances de fait et, notamment,
de la gravité et du lieu de l’infraction, de la date des demandes… Cependant, si
différents États sont en concurrence, lequel doit-on choisir ? En général, l’extradition
est accordée à l’État sur le territoire duquel l’infraction a été commise.

S’agissant des personnes concernées, tous les délinquants ne peuvent faire


l’objet d’une procédure d’extradition. En effet, la France n’extrade pas ses nationaux
(article 696-4 CPP). Ces dispositions se retrouvent généralement dans tous les
États. Il existe, cependant, quelques exceptions : des anglais ont été extradés en
Belgique pour la tragédie du stade du Heysel. La France n’extrade pas non plus ses
justiciables c’est- à-dire les personnes qu’elle a vocation à juger en fonction de la
règle de la territorialité (article 696-4 CPP).

S’agissant des infractions concernées, toute infraction ne peut pas donner lieu à
une extradition. Pour qu’une infraction permette l’extradition d’une personne, elle
doit remplir plusieurs conditions (article 696-3 CPP) :

• l’extradition ne peut concerner que :


- les faits punis de peines criminelles par la loi de l’Etat requérant ;
- les faits punis de peines correctionnelles lorsque le maximum
encouru, selon la loi de l’Etat requérant, est supérieur ou égal à 2
ans d’emprisonnement ou lorsque la peine prononcée est
supérieure ou égale à deux mois d’emprisonnement.
• Mais, une réciprocité d’incrimination est nécessaire. Ainsi, le
comportement doit également constituer un crime ou un délit d’après la loi pénale
française. Cela signifie que l’extradition sera refusée pour une infraction
contraventionnelle en France mais pas à l’étranger (mais fait de nature délictuelle, à
l’étranger, par exemple).
• les infractions militaires ou de nature politique ne sont pas susceptibles
d’extradition (art. 696-4 CPP).

En ce qui concerne les condamnations prononcées, cette condition


supplémentaire avait été rajoutée par la jurisprudence et est, désormais, intégrée
dans l’article 696-4 CPP. Cet article dispose que l’extradition n’est pas accordée
lorsque la personne réclamée serait jugée dans l’Etat requérant par un tribunal
n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits
de la défense. Elle n’est pas non plus accordée si l’action publique de l’Etat
requérant est éteinte ou lorsque le fait à raison duquel l’extradition a été demandée
est puni par la législation de l’Etat requérant d’une peine ou d’une mesure de sûreté
contraire à l’ordre public français.
Outre ses conditions, quelle est la procédure d’extradition ?

b) La procédure d’extradition
En application de la loi du 9 mars 2004, il est nécessaire de distinguer selon que l’on
applique la procédure de droit commun ou la procédure simplifiée.

• La procédure d’extradition de droit commun

Il convient de distinguer selon que la France est l’Etat requis ou l’Etat requérant.

Lorsque la France est l’État requis, la procédure se compose de deux phases :


une phase administrative et une phase judiciaire.

La phase administrative débute par une demande d’un État étranger adressée au
gouvernement français par la voie diplomatique (art. 696-8 CPP). Le dossier est
alors transmis par le Ministre des affaires étrangères au ministre de la justice qui
transmet ensuite la demande d’extradition au procureur général territorialement
compétent (art. 696-9 CPP). Le procureur général du lieu d’arrestation de l’individu
procède alors à son interrogatoire, dans les 48 heures, et précise à la personne le
contenu de la demande d’extradition. Le procureur général informe également la
personne qu’elle peut être assistée d’un avocat choisi ou commis d’office. Il lui
précise également qu’elle a la faculté de consentir ou de s’opposer à son extradition
(art. 696-10 CPP). A partir de là, deux cas sont à distinguer :
- 1er cas : la personne consent à l’extradition. C’est alors que débute la phase
judiciaire. Cette phase est déclenchée à l’initiative du procureur général qui saisit la
chambre de l’instruction à l’issue de l’interrogatoire (lorsque la personne réclamée
consent à l’extradition). La chambre de l’instruction, une fois saisie, a 5 jours pour
se réunir et faire comparaître l’individu concerné (art. 696-13 CPP). L’audience de
la chambre de l’instruction est publique, orale et contradictoire. L’État requérant ne
participe pas à cette phase de la procédure. La chambre de l’instruction entend la
personne et doit se prononcer sur la régularité formelle de l’extradition. En
revanche, elle n’a rien à dire en ce qui concerne l’opportunité de la demande. La
chambre de l’instruction doit donner acte à la personne de son consentement dans
le délai de 7 jours (art. 696-14 CPP). L’arrêt rendu par la chambre de l’instruction
n’est pas susceptible de recours (art. 696-14 CPP).
- 2nd cas (art. 696-15 CPP) : la personne indique au procureur général qu’elle ne
consent pas à l’extradition. Dans ce cas, la chambre de l’instruction est saisie sans
délai. La personne comparaît dans un délai de 10 jours ouvrables à compter de la
présentation au procureur général. Si la personne renouvelle son refus d’être
extradée, la chambre de l’instruction donne un avis motivé sur la demande
d’extradition dans le délai de un mois à compter de la comparution de la personne.
L’avis est défavorable si les conditions légales ne sont pas remplies ou en cas
d’erreur. L’avis négatif peut faire l’objet d’un pourvoi pour vices de formes (art. 696-
15 CPP). L’avis négatif définitif de la chambre de l’instruction met fin à la
procédure. L’extradition ne pourra pas être accordée. En revanche, en cas d’avis
positif de la chambre de l’instruction, l’extradition ne s’impose pas (art. 696-18
CPP). L’exécutif est maître de la décision. Cette décision résulte d’un décret du
premier ministre. Ce décret peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
dans un délai d’un mois (art. 696-18 CPP).

Lorsque la France est l’État requérant, la procédure part du Procureur de la


République qui forme une demande d’extradition auprès du Procureur général
accompagnée des pièces justificatives (jugement de condamnation, mandat d’arrêt
international…). Le procureur général donne alors son avis. Puis, le dossier est
transmis au Ministre de la Justice qui le transmet au ministre des affaires étrangères.
Le dossier circule alors par voie diplomatique. Le ministère des affaires étrangères
saisit le pays requis. On applique la procédure interne au pays concerné. La
procédure est alors assez longue ce qui engendre des risques de fuite du délinquant.
Pour cette raison, certains traités prévoient que le Procureur de la République peut
demander à l’État requis l’arrestation provisoire.

Après la procédure de droit commun, nous allons envisager une procédure


simplifiée.

• La procédure d’extradition simplifiée

Cette procédure simplifiée s’applique entre les Etats membres de l’union


européenne. Elle est définie par les articles 696-25 et s. CPP. Cette procédure
simplifiée est destinée à faciliter l’extradition dans le cadre de l’Union européenne.
Cette procédure est donc dérogatoire par rapport au droit commun.

Ainsi, le délai de 7 jours dans lequel la personne qui fait l’objet de la demande
d’extradition doit comparaître devant le procureur général passe ici à 2 jours (art.
696-26 CPP).

La personne a également la possibilité de renoncer à la règle de la spécialité (rappel


de la règle : l’extradition (art. 696-6 CPP) n’est accordée qu’à la condition que la
personne extradée ne sera ni poursuivie ni condamnée pour une infraction autre que
celle ayant motivé l’extradition et antérieure à la remise).

Lorsque la personne consent à l’extradition et qu’elle est entendue par la chambre


de l’instruction, le Président de la chambre de l’instruction lui demande si elle
entend renoncer à la règle de la spécialité.

La chambre de l’instruction, lorsque les conditions sont remplies et que la personne


consent à l’extradition, doit statuer dans un délai de 7 jours à compter de la
comparution de la personne (art. 696-29 CPP). Lorsque l’arrêt de la chambre de
l’instruction accorde l’extradition de la personne réclamée et que cet arrêt est
définitif, le procureur général en avise le Ministre de la Justice, qui informe les
autorités compétentes de l’Etat requérant de la décision intervenue. Le ministre de
la Justice prend alors les mesures nécessaires pour que l’intéressé soit remis aux
autorités de l’Etat requérant au plus tard dans les 20 jours de la notification de la
décision d’extradition (art. 696-31 CPP). Dans l’hypothèse où, en raison d’un cas
de force majeure, l’individu ne pourrait pas être remis dans ce délai, le ministre de
la Justice en informe immédiatement les autorités de l’Etat requérant et convient
d’une nouvelle date de remise. La personne est alors remise au plus tard dans les 20
jours de la nouvelle date convenue. La personne doit être libérée si la livraison n’est
pas intervenue dans ce nouveau délai de 20 jours, sauf force majeure ou si la
personne extradée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y
purger une peine en raison d’un fait autre que celui visé par la demande
d’extradition.

Lorsque l’extradition est accordée, quels effets produit-elle ?

d) Les effets de l’extradition

Il est nécessaire, ici encore, de distinguer suivant que la France est l’État requis ou
l’État requérant.

Lorsque la France est l’État requis, la personne peut être extradée à tout
moment dès lors que le décret d’extradition a été signé. La France doit livrer la
personne. L’État qui a demandé l’extradition dispose alors d’un délai de 1 mois pour
recevoir la personne (art. 696-18 CPP). A l’expiration du délai de 1 mois, si l’État
qui a requis l’extradition n’a pas reçu la personne, celle-ci doit, sauf cas de force
majeure, être remise d’office en liberté et aucune demande nouvelle n’est possible
pour la même cause.

Lorsque la France est l’État requérant, l’extradition n’est valable que si la France
l’a obtenue dans des conditions légales. L’extradition peut par la suite donner lieu à
une réextradition à destination du pays initialement requis ou en direction d’un autre
État tiers. Dans ce dernier cas, le gouvernement français ne défère à cette requête
qu’après s’être assuré du consentement du pays par lequel l’extradition a été
accordée (art. 696-41 CPP).

Outre l’extradition, quelles sont les autres formes d’entraide répressive


internationale ?

2) Les autres formes d’entraide répressive internationale

Pour aborder l’entraide répressive internationale, nous distinguerons la collaboration


policière et judiciaire et les effets d’une décision étrangère en France.

a) La collaboration policière et judiciaire

Successivement, nous envisagerons la collaboration policière puis la collaboration


judiciaire.

• La collaboration policière

Celle-ci est nécessaire dans la mesure où les infractions les plus graves sont souvent
commises au plan international (trafic de stupéfiants…). La collaboration est
nécessaire pour lutter efficacement contre le banditisme.

Au début, la collaboration était limitée à de simples contacts entre les polices d’États
limitrophes sur la base de simples circulaires. Puis, des conventions internationales
ont été signées en matière d’entraide, spécifiques à certaines infractions (convention
de 1929 sur le faux monnayage). Par la suite a été créé INTERPOL dont le nom date
de 1956 et correspond au code-radio de l’organisation. INTERPOL consiste dans une
organisation internationale de la police criminelle. Actuellement, son siège social est
situé à Lyon. Cette organisation a été créée en 1923 à Vienne en Autriche.
Actuellement, 150 États en sont membres. INTERPOL est une organisation très
structurée. Elle comprend une assemblée générale composée des délégués de
chaque État membre, un comité exécutif et un secrétariat général qui assure
l’activité administrative de l’organisation (fichiers sur la criminalité internationale,
centralisation et diffusion des renseignements) et un bureau central national par
État adhérent. INTERPOL contient une véritable encyclopédie du crime.

Outre INTERPOL, le Traité sur l’Union européenne du 7 février 1992 jette les
fondations d’une coopération en matière de justice. Cette coopération porte,
notamment, sur la lutte contre la toxicomanie.

En outre, les accords de Schengen des 14 juin 1985 et 19 juin 1990 (dont
l’application a été fixée au 26 mars 1995) prévoient de supprimer les contrôles aux
frontières entre les États parties à la convention. Ces accords prévoient également
la création d’une coopération entre les services de police des différents États
concernés. Notamment, l’article 40 des accords de Schengen, dispose que les agents
d’un État contractant sont autorisés à poursuivre l’observation d’une personne sur le
territoire d’un autre État à la simple condition que ce dernier y consente. En outre,
ces accords prévoient également la possibilité d’exercer des poursuites en cas de
flagrance ou d’urgence. Cependant, dans ce cas, l’arrestation doit être effectuée par
les agents de l’État dans lequel l’individu se trouve.
Parallèlement, c’est au 1er juillet 1999 qu’EUROPOL (office européen de police) est
entré en service. La coopération policière est, en effet, apparue comme une
nécessaire conséquence de la suppression des contrôles aux frontières. En pratique,
les Etats adhérents de l’Union européenne s’engagent à y adhérer. Quel est le rôle
d’EUROPOL ? En application du principe de subsidiarité, les compétences d’EUROPOL
sont centrées sur des formes et des types de criminalité insuffisamment
appréhendés : trafic illicite de stupéfiants, trafic illicite de matières nucléaires et
radioactives, traite des êtres humains…

Outre la collaboration policière, comment fonctionne la collaboration judiciaire ?

• La collaboration judiciaire

Certes, l’application des lois de procédure est limitée à l’État dont elles émanent.
Cependant, il est des hypothèses dans lesquelles des investigations sont nécessaires
en territoire étranger. Pour cette raison, des conventions sont signées entre les États
pour des infractions spécifiques (trafic de stupéfiants…) pour permettre, notamment,
la réalisation de commissions rogatoires. En matière de collaboration judiciaire, la
convention la plus importante est celle dite d’entraide judiciaire en matière pénale
qui date de 1959.

Cependant, en l’absence de convention internationale, le législateur interne


intervient. Ainsi, la loi Perben II du 9 mars 2004 règle les demandes d’entraide et la
question du mandat d’arrêt européen qui s’applique uniquement dans le cadre de
l’union européenne. Cette loi de 2004 prévoit qu’en l’absence de convention
internationale contraire, les demandes d’entraide étrangères sont transmises par la
voie diplomatique, sauf en cas d’urgence. Les demandes émanant des autorités
françaises sont transmises par l’intermédiaire du ministre de la Justice. Cependant,
lorsque l’Etat étranger adhère à la demande qui lui est présentée, il accomplit l’acte
selon les formes de sa loi nationale. On fait donc ici application de ce que l’on
appelle le principe “locus regit actum”.

En revanche, dans le cadre de l’union européenne, la procédure est simplifiée. Les


demandes d’entraide sont transmises directement entre autorités judiciaires
compétentes, que ce soit pour les délivrer ou pour les exécuter.

Pour faciliter la coopération judiciaire, a été créé EUROJUST qui est chargé de
promouvoir et d’améliorer la coordination et la coopération en matière d’enquêtes et
de poursuites. Chaque Etat dispose, au sein d’EUROJUST, de représentants
nationaux.

Dans le cadre français, la coopération judiciaire internationale est gérée par un


service spécialisé de la Direction des affaires criminelles (elle-même rattachée au
ministère de la justice). Ce service spécialisé est le bureau d’entraide répressive
internationale qui est chargé d’agir dans trois domaines : l’extradition, les
commissions rogatoires internationales et les dénonciations officielles et les
transfèrements de condamnés.

Après avoir envisagé la collaboration policière et judiciaire, il convient d’envisager


les effets en France d’une décision pénale étrangère.

b) Les effets en France d’une décision pénale étrangère

Le problème concret qui se pose est de savoir si une décision étrangère peut
produire des effets en France. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de
distinguer suivant que ces décisions ont une autorité négative ou positive.
• L’autorité négative des décisions

En application de l’article 113-9 NCP, “aucune poursuite ne peut être exercée


contre une personne qui justifie avoir été jugée définitivement à l’étranger pour les
mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite”.
Ainsi, cet article admet l’autorité négative des décisions étrangères.

Cependant, pour qu’il en soit ainsi, l’article 113-9 NCP pose plusieurs conditions :
- l’individu doit justifier de l’existence d’un jugement étranger ;
- la décision étrangère doit avoir été rendue par une juridiction compétente
aux yeux du droit français ;
- s’il s’agit d’un jugement de condamnation, la peine doit avoir été exécutée
ou doit être prescrite, c’est-à-dire qu’elle ne doit plus pouvoir être exécutée.

Après l’autorité négative des décisions pénales étrangères, il est nécessaire


d’aborder leur autorité positive.

• L’autorité positive des décisions

On enseigne traditionnellement qu’un jugement étranger ne peut avoir d’effet positif


en France. Cette règle emporte deux conséquences :

- 1ère conséquence : la décision étrangère n’a aucune force exécutoire sur


le territoire français. En effet, en matière pénale, contrairement au domaine civil, il
n’existe pas de procédure d’exequatur. En conséquence, pour l’État français, la
décision étrangère est censée n’avoir jamais existé. Cependant, certaines
conventions prévoient une solution contraire dans la mesure où ce cloisonnement
apparaît choquant. Pour cette raison, des conventions sont signées entre certains
États prévoyant que certaines peines seront applicables à l’État signataire. Tel est le
cas, notamment, pour certaines incapacités professionnelles ou pour la suspension
du permis de conduire.

- 2nde conséquence : la décision étrangère étant censée ne pas exister pour


le juge français, elle n’est pas prise en compte au regard des règles applicables en
matière de récidive. Cette solution s’explique dans la mesure où la décision
étrangère n’est pas inscrite sur le casier judiciaire français.

Après avoir envisagé dans une première sous-section la nécessité d’un élément
légal, nous allons affirmer dans une seconde sous-section qu’une qualification
pénale ou judiciaire est nécessaire.

Sous-section II) La nécessité d’une qualification pénale ou judiciaire

En droit pénal, le problème de la qualification constitue le 2° aspect de l’élément


légal de l’infraction. Lorsque le juge est saisi, il va devoir vérifier que ce fait coïncide
avec la définition légale donnée. Le magistrat doit d’une part procéder à la
qualification des faits et d’autre part à la qualification des infractions. Nous
n’aborderons ici que la qualification des faits, la qualification des infractions étant
abordée ultérieurement dans deux chapitres distincts.

S’agissant de la qualification des faits, nous aborderons le mécanisme de la


qualification, l’interprétation de la loi pénale et la pluralité de qualifications.

Paragraphe I) Le mécanisme de la qualification


La qualification est l’opération qui permet d’appliquer un texte abstrait plus général
(règle de droit) au cas concret d’espèce soumis au juge. Si dans le CP le magistrat
ne trouve pas de texte correspondant aux faits dont il est saisi, le délinquant doit
demeurer dans l’impunité. Lorsque l’on parle de qualification, nous devons analyser
le moment de la qualification, son contenu et le détenteur du pouvoir de
qualification.

A) Le moment de la qualification

La qualification doit être réalisée au temps de l’action. Ainsi, dans l’hypothèse


d’une condamnation pour non-représentation d’enfant, si quelque temps après, la
personne se voit confier la garde de l’enfant, cette situation est indépendante. De
même, si un coindivisaire dérobe un objet dans une succession et que par la suite le
partage lui attribue ce bien, dans ce cas, le vol est constitué car il existait au
moment des faits.

Cependant, il existe deux exceptions au principe suivant lequel la qualification doit


avoir lieu au temps de l’action.
- en cas d’annulation d’un règlement, les infractions commises sur la base de
ce texte avant son annulation disparaissent.
- en cas d’amnistie, l’infraction disparaît et doit être effacée du casier
judiciaire si une condamnation est intervenue.

Outre le moment de la qualification, quel est son contenu ?

B) Le contenu de la qualification

Dans certains cas, l’incrimination prévue par le droit pénal peut faire appel à des
notions d’autres branches du droit. En raison du principe de l’autonomie du droit
pénal, le juge n’est pas lié par la nullité de l’acte juridique qui conditionne la
répression. Ainsi, un contrat nul peut donner lieu à une condamnation pour abus de
confiance. Tel est, notamment, le cas si la nullité du contrat s’explique en raison
d’une atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Une dernière question se pose : qui doit procéder à la qualification ?

C) Le détenteur du pouvoir de qualification

La difficulté consiste à déterminer avec précision qui a le pouvoir de procéder à la


qualification. Celui-ci peut être le fait du ministère public, du juge d’instruction, de la
chambre de l’instruction ou de la juridiction de jugement.

Le ministère public se voit soumettre des faits par les autorités de police ou de
gendarmerie. Le ministère public va retenir une qualification puis va transmettre aux
fins de poursuite. Cette qualification est réalisée sur la base d’informations qui sont
susceptibles d’évoluer ou d’être complétées. Pour cette raison, la qualification
retenue par le ministère public ne lie pas les juridictions répressives. La qualification
initiale va pouvoir être modifiée dans des phases ultérieures, notamment au
moment du jugement.

Le juge d’instruction a le pouvoir de qualifier et de modifier la qualification


adoptée par le ministère public. Cependant, il doit limiter ses investigations aux faits
dont il a été saisi. S’il découvre d’autres faits litigieux, il doit en informer le parquet
qui décidera par réquisitoire complémentaire des nouvelles poursuites. Le juge
d’instruction est saisi in rem c’est-à-dire sur un fait donné et non pas in personam
c’est-à-dire sur une personne. Il lui est donc possible face aux mêmes faits de
mettre en examen de nouvelles personnes.

La chambre de l’instruction (ancienne chambre d’accusation) constitue le


second degré d’instruction. Elle n’est pas liée par la qualification retenue par le
juge d’instruction. La chambre de l’instruction est saisie à la fois in rem et in
personam. Elle ne peut donc ni invoquer des faits nouveaux ni mettre en cause des
personnes supplémentaires.

La juridiction de jugement ne se saisit généralement pas d’elle-même (sauf


infractions commises à l’audience). Lorsque l’instruction est clôturée par le juge
d’instruction, celui-ci rend une ordonnance de clôture. A partir de l’étude des
documents, le parquet décide de la suite à donner aux poursuites. C’est donc le
parquet qui saisit la juridiction de jugement. Le tribunal est saisi à la fois in rem et
in personam c’est-à-dire pour un fait et pour certaines personnes. Cependant, le
tribunal n’est pas lié par la qualification proposée par le ministère public. Il a donc le
pouvoir de modifier l’exactitude de la qualification envisagée. Mais, il ne doit pas
modifier la prévention c’est-à-dire les motifs de la poursuite. Ainsi, si le fait
incriminé échappe à la disposition pénale visée, les juges ont le devoir de rechercher
d’office si le fait est susceptible d’une autre qualification. En revanche, les juges ne
sont pas tenus de relever d’office une circonstance aggravante comme la récidive.
Cependant, un arrêt de principe précise les limites du pouvoir de requalification du
juge. Ainsi, cet arrêt du 16 mai 2001 (Bull. crim., n° 128) énonce que s’il appartient
aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable
qualification, c’est à condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa
défense sur la nouvelle qualification envisagée et ce même si la peine encourue est
équivalente ou moins élevée.

Après avoir envisagé le mécanisme de la qualification, nous allons aborder la


question de l’interprétation de la loi pénale.

Paragraphe II) L’interprétation de la loi pénale

Dans la recherche de la qualification, la difficulté qui se pose est de savoir quelle


part d’initiative il est possible de laisser au juge. En effet, il ne faut pas que le juge
puisse déformer le texte. En théorie, il est possible de distinguer deux sortes
d’interprétations : l’interprétation législative et l’interprétation judiciaire.

- L’interprétation législative ou authentique émane de l’auteur même


du texte c’est-à-dire du législateur. Cette interprétation s’impose au juge. Souvent
le législateur définit le sens des mots employés : par exemple dans le Code pénal de
1810, le législateur définissait la notion de préméditation, la notion d’effraction (art.
383) ou la notion d’arme (art. 102). Le juge doit alors se conformer aux définitions
fournies. Certaines de ces définitions ont été supprimées par le nouveau Code pénal.
D’autres, ont été reprises : tel est le cas des articles 132-71, 132-72, 132-73,
132-74 et 132-75 qui définissent respectivement la notion de bande organisée, de
préméditation, d’effraction, de guet-apens, d’escalade et d’arme.

- Outre l’interprétation législative, doit être définie l’interprétation judiciaire.


Comme son nom l’indique, il s’agit de l’interprétation réalisée par le juge. En la
matière, différentes méthodes d’interprétation ont été mises en place. Au sein de
ces différentes solutions proposées, le droit positif français a dû prendre une
position claire. Dans le cadre de cet enseignement, nous allons aborder uniquement
la question de l’interprétation judiciaire.
A) Les méthodes d’interprétation judiciaire

La méthode d’interprétation judiciaire n’était pas inscrite dans le Code pénal de


1810. Pour cette raison, trois méthodes avaient été envisagées par la doctrine : la
méthode littérale, la méthode téléologique et la méthode analogique.

Avec la méthode littérale, on s’attache à la lettre du texte. Chaque mot du texte


sert de référence même si le législateur n’a en réalité pas utilisé le terme
véritablement approprié. Or, il arrive que le législateur soit trahi par le sens des
mots. Dans ce cas, s’il y a contradiction entre la lettre du texte et la volonté du
législateur, c’est la première qui doit l’emporter. Cette méthode d’interprétation était
surtout retenue par la doctrine ancienne (BECCARIA, MONTESQUIEU, sous la
Révolution). On peut opposer à cette méthode deux reproches :
-pour pouvoir fonctionner dans de bonnes conditions, elle nécessite des lois
parfaitement rédigées dans leur forme et dans leur contenu.
-cette méthode interdit toute adaptation du texte même si celui-ci a vieilli et
ne constitue plus le reflet de l’époque. Il est donc nécessaire pour passer outre cet
inconvénient de procéder à de nouvelles rédactions périodiques des textes afin de
les adapter à l’évolution des mœurs.

La méthode téléologique permet d’aller au-delà de la lettre du texte et de


s’attacher au but de la loi. L’intention du législateur doit l’emporter sur la rédaction
du texte. Il s’agit donc d’une interprétation déclarative. La recherche de l’intention
donne à un texte sa capacité maximale sans rien lui retrancher et sans rien lui
rajouter. Cette méthode confère donc au juge un pouvoir d’interprétation plus
important que dans le cadre de l’interprétation littérale.

Avec cette méthode, la difficulté qui se pose, en pratique, consiste à savoir


comment on retrouve l’intention du législateur. Concrètement, on a recours à la
lecture des travaux préparatoires. Cette méthode présente l’avantage de permettre
une adaptation permanente du texte en fonction des évolutions successives. De
plus, cette méthode n’est pas dangereuse et ne présente pas de risque d’arbitraire
puisque l’interprétation est toujours conforme à l’esprit du législateur.

La méthode analogique permet de résoudre un cas d’espèce, non prévu par la loi,
en ayant recours à l’esprit de la loi et en prenant pour appui la solution retenue dans
un cas similaire. Cette méthode apparaît plus dangereuse que les précédentes car
elle nécessite pour son application une absence de texte, c’est-à-dire finalement un
vide juridique dans un domaine déterminé. Or, le droit français est lié par le principe
de la légalité des délits et des peines. En pratique, il est possible de distinguer deux
types d’analogies :
-l’analogie légale qui permet d’appliquer une règle établie à un cas semblable.
-l’analogie juridique permet de résoudre un cas véritablement non prévu par
un texte. Dans ce cas, le juge se fonde, non plus sur un texte, mais sur l’esprit
général du droit pénal. Cette dernière solution est la plus dangereuse car elle
permet finalement au juge de créer le droit. Le système présente aussi
l’inconvénient d’être extrêmement arbitraire.

Au-delà de ces solutions doctrinales, il est nécessaire d’analyser les solutions


retenues en droit pénal français.

B) Les solutions du droit positif français

Le Code pénal de 1810 ne contenait aucune disposition relative à l’interprétation de


la loi pénale. Le droit positif français était fixé par la jurisprudence de la Cour de
cassation. En ce domaine, la Cour de cassation avait rejeté l’interprétation
littérale dans un arrêt du 8 mars 1930 (D. 1930, p. 101) alors que cette
interprétation constituait le droit positif du XIX° siècle. Le rejet de l’interprétation
littérale s’expliquait par le fait que la lettre du texte ne correspondait pas toujours à
l’esprit du texte. La Cour de cassation avait également rejeté l’interprétation
analogique en considérant que le juge ne pouvait pas procéder par voie
d’extension (Crim. 23 décembre 1968, Bull. crim., n° 353). La méthode retenue
par la Cour de cassation était l’interprétation téléologique. Cette solution
s’expliquait par le fait que cette méthode permettait une application maximale du
texte tout en conciliant le principe de la légalité des délits et des peines avec les
besoins nouveaux d’une politique criminelle.

Désormais, le Nouveau Code pénal est particulièrement clair sur la question. En


effet, son article 111-4 précise que “la loi pénale est d’interprétation stricte”. La
question se pose de savoir quel est le domaine de cette règle et quelle est sa portée.

1) Le domaine de l’interprétation stricte

La règle de l’interprétation stricte ayant été instaurée dans l’intérêt de l’individu, elle
ne peut pas se retourner contre lui. Pour cette raison, on ne l’applique pas à toutes
les sanctions pénales. En effet, on doit faire une distinction entre les dispositions
défavorables à l’individu et celles qui lui sont favorables.

S’agissant des dispositions défavorables (dispositions définissant les éléments


constitutifs de l’infraction et les peines), le juge est tenu de les interpréter
strictement.

En ce qui concerne les dispositions favorables (causes de non-imputabilité, faits


justificatifs, lois pénales de forme), le juge a la possibilité de les interpréter de
manière large.

Outre son domaine, quelle est la portée du principe de l’interprétation stricte de la


loi pénale ?

2) La portée de l’interprétation stricte

Interpréter une loi de manière stricte consiste pour le juge pénal à en dégager le
sens. Lorsque la loi pénale est obscure, le juge doit en découvrir le sens véritable.
Et, dans le cadre de l’interprétation stricte, le juge n’a pas la possibilité de se
substituer au législateur en utilisant un raisonnement par analogie. Dans le cadre de
l’interprétation stricte, deux cas sont à distinguer : celui dans lequel la loi est
obscure et le cas dans lequel elle est claire :

Lorsque la loi est obscure, pour en découvrir le sens véritable, le juge doit recourir
aux travaux préparatoires. Mais, si après cette recherche du sens de la loi un doute
subsiste quant au sens à en donner, ce doute doit profiter à l’accusé. Pour
déterminer la portée du texte, le juge peut s’inspirer du but poursuivi par le
législateur. Ainsi, on fait finalement application de la méthode téléologique.

A l’inverse, lorsque la loi est claire, le juge n’a plus véritablement à l’interpréter. Il
doit se contenter de l’appliquer. En application du principe de l’interprétation stricte,
le juge n’a pas la possibilité de l’appliquer à des cas non visés par le législateur. En
conséquence, un fait qui ne serait pas expressément visé par le texte d’incrimination
doit échapper à la répression. Tel est, notamment, le cas lorsqu’un fait analogue se
trouve puni. Ainsi, se trouve donc prohibé le raisonnement par analogie.

Néanmoins, le principe de l’interprétation stricte n’oblige pas le juge pénal à limiter


l’application de la loi pénale aux seules hypothèses envisagées par le législateur. Il
a, en effet, la possibilité d’étendre le texte à des hypothèses que la loi n’avait pas pu
prévoir, à condition qu’elles entrent dans la formulation légale. Ainsi, en 1810,
lorsque le législateur réprimait le vol, il n’avait pas pensé à réprimer la soustraction
de courant électrique dans la mesure où l’électricité n’existait pas encore.
Néanmoins, la soustraction d’énergie a pu être retenue par la suite dans la mesure
où elle entrait dans la définition générale de la soustraction frauduleuse.

Enfin, il convient de préciser que l’interprétation stricte n’est pas synonyme


d’interprétation littérale. En effet, il appartient au juge de s’inspirer des intentions
du législateur pour rectifier les erreurs grammaticales ou matérielles contenues dans
un texte.

Après avoir envisagé la question de l’interprétation de la loi pénale, nous allons


aborder la question de la pluralité de qualifications.

Paragraphe III) La pluralité de qualifications

Lorsque l’on aborde les conflits de qualifications, une difficulté majeure se pose. En
effet, pour une même notion, les auteurs n’emploient pas les mêmes termes. Ainsi,
certains auteurs opposent le concours idéal au concours réel. D’autres opposent les
conflits de qualifications légales aux concours réels. D’autres, enfin, opposent les
conflits véritables de qualifications aux conflits apparents.

Quelle que soit la terminologie finalement retenue, il convient avant tout de


s’entendre sur le contenu de ces différentes notions :
- on est en présence d’un conflit apparent de qualifications (= concours réel)
lorsque plusieurs infractions se succèdent dans le temps sans qu’interviennent entre
elles de condamnation pénale définitive. Ainsi, le conflit apparent doit être distingué
de la réitération (en matière de réitération, l’article 132-16-7 du NCP dispose que
les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération se cumulent sans
limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les condamnations
antérieures) et de la récidive.
- on est en présence d’un conflit véritable de qualifications (= concours
idéal) lorsqu’un même fait est susceptible de plusieurs qualifications.

Ces deux types de conflits seront abordés successivement.

A) Les conflits apparents de qualifications

En pratique, 4 hypothèses distinctes entrent dans cette catégorie :


- des infractions commises quasi simultanément et poursuivies ensemble.
- des infractions commises successivement mais découvertes et jugées
ensemble.
- des infractions découvertes et poursuivies dans l’ordre où elles ont été
exécutées mais sans condamnation définitive entre elles. A ce propos, je vous
précise que le délai en matière pénale pour interjeter appel est de 10 jours. Il est de
5 jours pour se pourvoir en cassation.
- des infractions découvertes et poursuivies dans l’ordre inverse de celui où
elles ont été commises. Exemple : un individu est jugé le 1° janvier pour un vol
commis dans son entreprise le 1° octobre. Quelque temps après, on constate que
cette personne avait commis un abus de confiance au détriment de son patron le 1°
septembre. Ce vol est en concours réel avec l’abus de confiance même si la
condamnation du 1° janvier a acquis l’autorité de la chose jugée puisque c’est la
première infraction qui doit avoir été définitivement jugée pour que la seconde ne
soit pas en concours réel (Crim., 13 février 1936, D.H. 1936, 167).

Sous l’empire du Code pénal de 1810, la solution à apporter en cas de concours réel
d’infractions était donnée par l’article 5. Cependant, ce texte ne fournissait qu’une
solution générale consistant dans le non-cumul des peines. Pour cette raison, la
jurisprudence était venue apporter des précisions complémentaires concernant
l’interprétation de ce texte. Le nouveau Code pénal est revenu sur la question et a
intégré les articles 132-2 à 132-7 consacrés au concours réel.

Sur le fond, on peut affirmer que ces articles ne modifient pas la matière. Ils se
contentent de reprendre les solutions qui avaient été dégagées par la jurisprudence.
Les concours réels d’infractions se résolvent donc de manière identique avec le Code
pénal de 1810 et sous l’empire du nouveau Code pénal. On fait application du
principe du cumul des peines dans la limite du maximum légal le plus élevé. Afin de
bien comprendre le concours réel, il convient de distinguer le domaine d’application
de la règle du cumul des peines dans la limite du maximum légal le plus élevé et son
fonctionnement.

1) Le domaine de la règle du cumul des peines dans la limite du


maximum légal le plus élevé

Le domaine d’application de cette règle doit être analysé quant aux infractions et
quant aux sanctions. En tout état de cause, le cumul des peines dans la limite du
maximum légal le plus élevé s’accompagne d’un cumul de qualifications.

• Le domaine d’application quant aux infractions

Les contraventions, en application des dispositions de l’article 132-7 du nouveau


Code pénal obéissent à un régime spécifique. La dérogation à la règle du non-
cumul ne concerne que les amendes. Sous l’empire de l’article 5 du Code pénal de
1810, la jurisprudence avait déjà déduit cette règle. Dans un arrêt ancien, la Cour
de cassation avait considéré que “la règle du non-cumul des peines n’est pas
applicable aux contraventions de police” (Ch. réun., 7 juin 1842, S., 1842, 1, 496,
concl. DUPIN). Depuis cet arrêt, ce principe n’avait jamais été démenti (Crim., 3
janvier 1979, Bull. crim., n° 3 ; Crim., 17 février 1988, Rev. sc. crim. 1989, 498,
obs. DELMAS-SAINT-HILAIRE ; Crim., 10 octobre 1991, Droit pénal 1992, n° 89).
Cependant, sous l’empire du Code pénal de 1810, la règle du cumul des peines en
matière contraventionnelle était exclue pour l’emprisonnement (Crim., 26 mai 1988,
Bull. crim., n° 227).

Désormais, le nouveau Code pénal prévoit qu’en cas de concours réel entre
plusieurs contraventions, le juge doit additionner les peines afférentes à chacune
d’elles, même s’il s’agit de contraventions de 5° classe. Dans ce cas, en application
de l’article 132-7 du nouveau Code pénal, seules les peines d’amende se
cumulent. Cela signifie donc que les peines restrictives de droit ne se cumulent pas.
Lorsque l’on aborde les contraventions, il n’est plus question de peines
d’emprisonnement puisque l’emprisonnement avec le nouveau Code pénal a été
supprimé en matière contraventionnelle.

Ce même article 132-7 dispose aussi que la règle du non-cumul des peines est
exclue lorsque sont en concours réel une contravention et un crime ou un délit.
Dans ce cas, on pourra donc cumuler la peine de la contravention et celle du crime
ou du délit.

Bien que le nouveau Code pénal ne consacre aucune disposition sur ce point, la
règle du non-cumul des peines est également exclue pour certains crimes et délits
extérieurs au nouveau Code pénal. Cette solution ne constitue qu’une reprise de la
jurisprudence applicable sous l’empire du Code pénal de 1810. Il s’agit, en fait, de
cas dans lesquels des textes spéciaux dérogent formellement à la règle du non-
cumul des peines.
En pratique, les exemples sont nombreux : contributions directes (Crim., 6 mars
1989, Bull. crim., n° 104), forêts (Crim., 22 juin 1965, Bull. crim., n° 162), pêche
(Crim., 15 décembre 1949, Bull. crim;, n° 349), douanes (Crim., 2 octobre 1975,
Bull. crim., n°201).

En outre, la jurisprudence considère que l’on doit prononcer un cumul de deux


amendes lorsque le délit d’homicide ou de blessures involontaires est en
concours avec une infraction à la réglementation sur la sécurité des
travailleurs dès lors que leur total n’excède pas le maximum légal le plus
élevé (Crim., 30 oct. 2012, Droit pénal 2013, com., 50).

Quel est le domaine d’application de la règle du cumul des peines dans la limite du
maximum légal le plus élevé quant aux sanctions ?

c) Le domaine d’application quant aux sanctions

Quant aux sanctions, l’article 132-3 du nouveau Code pénal prévoit que lorsque
plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une
seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal. Cette règle vaut pour
les peines criminelles, délictuelles, restrictives de droits, substitutives à
l’emprisonnement. En résumé, cette règle vaut pour chaque nature de peine
pouvant être prononcée en matière délictuelle et criminelle.

La liste des peines principales pouvant être prononcées en matière criminelle et


délictuelle est fixée par les articles 131-1 à 131-9 du nouveau Code pénal :
détention criminelle à perpétuité ou à temps, réclusion criminelle à perpétuité ou à
temps, emprisonnement, amende, jour-amende, T.I.G., peines privatives ou
restrictives de droit, peines complémentaires, suspension du permis de conduire…

Les peines complémentaires ne peuvent être cumulées en application de l’article


132-3 du nouveau Code pénal que dans la limite du maximum légal. Cette
solution avait déjà été dégagée par la jurisprudence avant l’entrée en vigueur du
NCP : Crim., 5 octobre 1978, Bull. crim., n° 259 ; Paris, 21 janvier 1981, D. 1981,
515, note MABILLE De la PAUMELIÈRE.

Outre le domaine d’application de la règle du non-cumul des peines, nous devons


nous intéresser à son fonctionnement.

2) Le fonctionnement de la règle du cumul des peines dans la limite du


maximum légal le plus élevé

En ce qui concerne le fonctionnement de cette règle, la jurisprudence publiée


sous l’empire de l’ancien Code pénal avait distingué suivant que l’on était en
présence d’une seule poursuite ou, au contraire, de poursuites séparées. Les articles
132-3 et 132-4 du nouveau Code pénal ont légalisé cette distinction.

a) Le cas d’unité des poursuites

Plusieurs cas de concours réels concernent une poursuite unique : il peut s’agir soit
d’infractions commises quasi simultanément et poursuivies ensemble, soit
d’infractions commises successivement mais découvertes et jugées ensemble. Dans
ces hypothèses, le Code pénal de 1810 retenait le principe du non-cumul des peines.
Ainsi, un arrêt de principe a considéré que “en cas de conviction de plusieurs crimes
ou délits compris dans la même poursuite, la peine la plus forte est seule
prononcée” (Crim., 13 décembre 1945, Bull. crim., n° 147).
En application des dispositions de l’article 132-3 du nouveau Code pénal, une
solution identique est retenue. En effet, cet article dispose que “lorsque à l’occasion
d’une même procédure la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs
infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée.
Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être
prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus
élevé”. Cela signifie que le juge doit rechercher si chaque infraction est réellement
constituée. Dans l’affirmative, il prononcera une déclaration de culpabilité pour
chacune d’elle. Ensuite, il devra prononcer une peine.

Le juge peut, cependant, choisir librement la peine à appliquer dans la limite du


maximum légal en fonction du nombre de crimes ou délits commis (Crim., 24 févr.
1943, Bull. crim., n° 18).

Cependant, en la matière la jurisprudence a connu une évolution. Dans un premier


temps, la Cour de cassation, dans le cadre des peines de même nature, prononçait
une seule peine. Puis, elle a adopté une nouvelle interprétation, plus éloignée de la
lettre du texte, selon laquelle les juges peuvent prononcer plusieurs peines de
même nature, dans le cadre d’une poursuite unique, dès lors que leur total n’excède
pas le maximum de la peine la plus sévère encourue (Crim., 2 mars 2010, Droit
pénal 2010, com. 66).

Si, dans certaines hypothèses, les infractions en concours réel font l’objet d’une
poursuite unique, il est d’autres hypothèses dans lesquelles on assiste à une
pluralité de poursuites.

b) Le cas de pluralité de poursuites

Le cas de pluralité de poursuites concerne plusieurs hypothèses distinctes de


concours réel. Il peut s’agir soit d’infractions découvertes et poursuivies dans l’ordre
où elles ont été exécutées mais sans condamnation définitive entre elles, soit
d’infractions découvertes et poursuivies dans l’ordre inverse de celui où elles ont été
commises.

En toute hypothèse, lorsque les différentes poursuites sont exercées de manière


successive, on peut douter que l’exercice d’une 2° poursuite soit opportun.
• Pourtant, si l’infraction découverte en second est plus grave, une 2°
poursuite s’impose. Dans ce cas, la durée de la 1° peine exécutée s’impute sur la 2°.
• Si l’infraction découverte en second est de même gravité que la 1°, la 2°
poursuite est encore utile parce que l’infraction peut être plus grave en fait et
entraîner une peine plus forte.
• Que se passe-t-il si la seconde infraction est beaucoup moins grave que la
1° ? Si la 2° infraction a fait des victimes, la poursuite s’impose car celles-ci doivent
pouvoir se constituer partie civile si elles le souhaitent. Mais, en tout état de cause,
une deuxième poursuite sera toujours exercée.

Au-delà de ces remarques liminaires, l’hypothèse de la pluralité de poursuites est


visée par l’article 132-4 du nouveau Code pénal. Aux termes de cet article,
“lorsque, à l’occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été
reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées
s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé.
Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être
ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions
prévues par le CPP”.

A partir de ce texte, il apparaît que l’on distingue 2 hypothèses : celle dans laquelle
la confusion des peines est obligatoire et celle dans laquelle elle est facultative.

La confusion des peines est obligatoire lorsque étant de même nature, le total
des peines dépasse le maximum de la peine la plus sévère. Ainsi, si pour un premier
vol, l’individu est condamné à 2 ans d’emprisonnement et à 2 ans
d’emprisonnement pour un second vol. Le total des condamnations s’élève à 4 ans.
Or, le NCP (art. 311-3) prévoit que la peine maximale en matière de vol simple est
de 3 ans d’emprisonnement. Donc, la durée de 4 ans excédant le maximum légal (3
ans), la confusion des peines doit nécessairement intervenir.

Cependant, au-delà des règles fixées par le nouveau Code pénal, il convient de
remarquer que la formule utilisée par l’article 132-4 “dans la limite du maximum
légal le plus élevé” met fin à une difficulté qui avait été soulevée en jurisprudence
sous l’empire du Code pénal de 1810. En effet, l’article 5 de ce Code utilisait
l’expression “la peine la plus forte est seule prononcée”. En pratique, le problème
qui se posait était de savoir comment on déterminait la peine la plus forte. La
jurisprudence s’était prononcée en faveur de la peine prévue par le texte
d’incrimination (Crim., 3 oct. 1974, Bull. crim., n° 273). C’est cette solution qui est
donc reprise par l’article 132-4 du nouveau Code pénal.

Si l’on interprète a contrario l’article 132-4 du NCP, il en résulte que la


confusion des peines est facultative si le total des peines ne dépasse pas le
maximum de la peine la plus sévère. Cette solution avait déjà été dégagée par la
jurisprudence avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (Crim., 7 juin
1983, Bull. crim., n° 170). Ainsi, si un individu est condamné à 3 mois
d’emprisonnement pour un premier vol et à 5 mois d’emprisonnement pour un
deuxième vol, le total des peines est de 8 mois d’emprisonnement. Ce total de 8
mois est donc inférieur au maximum pouvant être prononcé en matière de vol,
soit 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

Lorsque la confusion des peines est facultative, le prévenu a la possibilité de la


réclamer. Toutefois, la confusion, lorsqu’elle est réclamée par le prévenu n’est pas
systématiquement ordonnée. Sur ce point, la jurisprudence a considéré que
lorsqu’ils rejettent une demande de confusion, les juges “usent de leur faculté dont
ils ne doivent aucun compte” (Crim., 23 mai 1978, Bull. crim., n° 164). Cela signifie
donc que les juges n’ont pas à motiver leur décision (Crim., 15 novembre 1945, D.
1946, 110 ; Crim., 20 mai 1981, Bull. crim., n° 167 ; Crim., 13 juin 1989, Bull.
crim., n° 255).

En application de l’article 132-4 alinéa 2 du nouveau Code pénal, la confusion


peut être ordonnée par la dernière juridiction devant statuer soit dans les conditions
prévues par le Code de procédure pénale. Il faut alors, dans ce cas, introduire une
action en confusion de peines.

La confusion des peines pose, cependant, des difficultés d’application que le


nouveau Code pénal ne résout pas toujours. Dans ce dernier cas, il semble donc que
l’on doit continuer d’appliquer les règles dégagées par la jurisprudence sur la base
de l’article 5 du code pénal de 1810.
• 1ère difficulté : il est fait exception à la règle du cumul des peines dans
la limite du maximum légal lorsque la réclusion criminelle à perpétuité est l’une des
peines prononcées. Dans ce cas, l’article 132-5 NCP dispose que “toute peine
privative de liberté est confondue avec une peine perpétuelle”. Ainsi, seule la peine
perpétuelle sera exécutée.
• 2ème difficulté : le NCP a supprimé l’absorption automatique des peines
correctionnelles par les peines criminelles. En effet, sous l’empire de l’ancien code
pénal, les peines de réclusion criminelle absorbaient de plein droit les peines
correctionnelles même plus longues car elles étaient réputées plus fortes (Crim., 17
février 1986, Bull. crim. n° 61). Ainsi, désormais, les peines de réclusion criminelle
et d’emprisonnement se cumulent entre elles dans la limite du maximum légal.
• 3ème difficulté : la disparition de la peine absorbante n’emporte
pas celle des peines absorbées. Ainsi, en raison du principe d’autonomie des
peines en concours, si la peine absorbante disparaît, les autres peines que la
confusion n’a pas effacées et qui sont demeurées entières doivent être subies. Dans
ce cas, elles resurgissent et doivent alors se cumuler dans la limite du maximum
légal encouru pour la plus forte. Tel est notamment le cas dans l’hypothèse de
l’amnistie de la peine absorbante. En revanche, la grâce, par opposition bénéficie
également aux peines absorbées dans la mesure où la grâce équivaut à l’exécution
de la peine (art. 133-7 NCP).
• 4ème difficulté : la peine absorbante n’occulte pas l’existence des
peines absorbées. En conséquence, les condamnations prononcées conservent
leur existence propre. Ainsi, chacune des peines est inscrite au casier judiciaire et
sera donc prise en compte dans le calcul de la récidive.
• 5ème difficulté : la peine absorbante n’empêche pas l’exécution
des peines absorbées lorsque la peine absorbante est assortie d’un sursis.
Telle est la solution retenue par l’article 132-5 al. 5 NCP. Ainsi, si une personne a
été condamnée pour une première infraction à 10 mois d’emprisonnement avec
sursis et pour une deuxième infraction à 4 mois d’emprisonnement ferme, la peine
de 4 mois doit, malgré la confusion, être exécutée.
Outre les conflits apparents de qualifications, il convient de s’intéresser aux
conflits véritables (= concours idéal).

B) Les conflits véritables de qualifications

Le nouveau Code pénal, comme celui de 1810, ne contient aucune disposition


relative aux conflits véritables de qualifications. Il conviendra donc de se reporter
aux solutions dégagées par la jurisprudence.

Outre cette remarque liminaire, il est nécessaire de ne pas confondre le conflit de


qualifications (concours idéal) avec des situations voisines :

Qualifications alternatives : le fait d’avoir entraîné la mort de quelqu’un peut être


qualifié de meurtre, assassinat, empoisonnement, homicide par imprudence, coups
et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner… Il s’agit
ici du choix de la meilleure qualification.
Qualifications incompatibles : l’auteur de coups volontaires ne peut être coupable de
défaut d’assistance à personne en danger (Crim., 19 février 1959, D. 1959, 161,
note M.R.M.P. ; contra Douai, 30 septembre 1954, D. 1955, 55, note PAGEAUD). De
même, celui qui a frauduleusement détourné un objet ne peut être retenu comme
receleur. Ainsi, les qualifications d’abus de confiance et de recel sont exclusives l’une
de l’autre (Crim., 2 décembre 1971, Bull. crim., n° 337). De même, ne peut être
condamné pour recel de cadavre l’auteur de l’homicide volontaire (Crim., 19 juillet
1956, Bull. crim., n° 556).

Qualifications inconciliables : il s’agit de cas dans lesquels une personne se voit


imposer deux obligations opposées : tous les citoyens doivent dénoncer certains
crimes. Cependant, le médecin est tenu au secret professionnel. Chaque cas sera ici
jugé in concreto par la juridiction de jugement.

Le Code pénal de 1810 ne contenait aucune disposition relative aux conflits de


qualifications. La jurisprudence a donc dû proposer des solutions pour résoudre ces
hypothèses. Le nouveau Code pénal ne contient aucune disposition concernant les
conflits de qualifications légales. Pour cette raison, il semble que la jurisprudence
ancienne doit continuer de recevoir application.

Cependant, avant d’analyser les solutions applicables, il convient d’analyser


l’évolution de la jurisprudence sur la question.

1) L’évolution de la jurisprudence

Lorsque l’on est en présence d’un conflit de qualifications légales, deux solutions
sont envisageables :
• soit poursuivre sous une seule qualification en déterminant laquelle ;
• soit retenir autant de qualifications que de textes violés.

La solution qui pendant un temps est apparue dominante en jurisprudence a


consisté à défendre l’unité de qualification selon la doctrine de ROUX. Un célèbre
arrêt du 25 février 1921 indiquait (S. 1923, 1, 89) qu’ “il est de principe qu’un
même fait autrement qualifié ne peut entraîner une double déclaration de
culpabilité”.

On retenait donc une seule qualification. Par la suite, cette solution a souvent été
reprise par la jurisprudence (Crim., 19 avril 1967, Bull. crim., n° 126 ; Crim., 26
mai 1976, Bull. crim., n° 181 ; Crim., 10 janvier 1979, Bull. crim., n° 9).

Conformément à la lettre de l’article 5 du Code pénal de 1810, la qualification


unique retenue était la qualification la plus grave (Crim., 21 avril 1976, Bull. crim.,
n° 122). Cependant, une difficulté s’est posée dans le cas où les infractions en
conflit étaient aussi graves l’une que l’autre. Dans ce cas, la jurisprudence retenait
l’infraction fin et non pas l’infraction moyen. Ainsi, face à une escroquerie qui avait
été la conséquence de la présentation d’un document inexact, une condamnation
pour escroquerie était prononcée (Crim., 3 mars 1966, Bull. crim., n° 79).

Puis, la jurisprudence a évolué avec l’affaire de la grenade ou arrêt BEN HADDADI


(Crim., 3 mars 1960, Bull. crim. n° 138 ; Rev. sc. crim., 1961, 105, obs. LÉGAL).
Dans cette affaire, un individu avait jeté une grenade dans un débit de boissons. La
Cour de cassation a considéré “qu’il ne s’agit pas, en tel cas, d’un crime unique…
mais de 2 crimes simultanés commis par le même moyen mais caractérisés par des
intentions coupables essentiellement différentes”.

Ainsi, la jurisprudence retient, sous certaines conditions une pluralité de


qualifications.

2) L’analyse de la jurisprudence

Désormais, pour résoudre les conflits de qualifications, il convient de distinguer deux


cas :
• soit le comportement unique a abouti à la violation d’une seule valeur sociale.
• soit le comportement unique a abouti à la violation de plusieurs valeurs
sociales.

Cependant, quelle que soit la solution retenue, elle est toujours conforme au
principe non bis in idem d’après lequel il est impossible d’exercer deux poursuites
pour le même fait.

• La violation d’une valeur sociale : Lorsque les qualifications en conflit


protègent la même valeur sociale, ces qualifications concurrentes ne sont pas
cumulées. Dans cette hypothèse, on prononce une seule qualification et la peine qui
lui est attachée.
Ainsi, par exemple, le vol, l’escroquerie et l’abus de confiance protègent la
même valeur sociale : la propriété. Il ne peut donc y avoir de cumul de qualifications
entre ces différentes infractions.

• La violation de plusieurs valeurs sociales : Dans cette hypothèse, la


jurisprudence tend à retenir plusieurs déclarations de culpabilité lorsque le
comportement unique de l’agent viole plusieurs valeurs sociales protégées.
Cependant, conformément aux règles posées par les articles 132-2 à 132-7 du
Code pénal, à un cumul de qualifications correspond un cumul des peines dans la
limite du maximum légal le plus élevé.

Le cumul de qualifications est assez souvent retenu dans le domaine du DPA car il
permet de sanctionner plus sévèrement certains comportements.

Ainsi, la jurisprudence a considéré que les qualifications de faux en écriture privée et


d’abus de blanc-seing pouvaient être cumulées (Crim., 26 mai 1976, Gaz. Pal 1976,
2, 725). Il en est de même pour les délits de publicité mensongère et d’escroquerie
(Crim., 10 mai 1978, D. 1978, IR, 348). La solution est identique en ce qui concerne
l’abus de biens sociaux et la corruption active ou passive (Crim., 17 novembre 1986,
Bull. crim., n° 342).

Ces solutions ne sont bien évidemment pas spécifiques au DPA. Ainsi, en DPS, la
jurisprudence retient une double déclaration de culpabilité pour les crimes de guerre
et les crimes contre l’humanité (Crim., 17 novembre 1986, Bull. crim., n° 342). Il en
va de même de la diffamation et de la violation du secret professionnel (Crim., 19
octobre 1982, Bull. crim., n° 225). En outre, la jurisprudence a considéré que
constituent des infractions distinctes la violence par personne dépositaire de
l’autorité publique et d’autre part, les actes attentatoires à la liberté individuelle
(Crim., 21 avril 1998, Bull. crim., n° 140). En revanche, la jurisprudence a estimé
qu’un prévenu ne peut être déclaré coupable à la fois de sévices graves ou cruauté
envers un animal domestique et de la contravention de destruction volontaire sans
nécessité d’un animal domestique alors que les faits reprochés au prévenu
procèdent d’une seule et même action coupable ayant consisté à enfermer un chat
dans un sac et à le projeter violemment sur le sol en provoquant sa mort (Crim., 4
février 1998, Bull. crim., n 46). De même, un prévenu peut être condamné pour
diffamation publique à caractère racial, ethnique ou religieux et pour complicité de
contestation de crime contre l’humanité (Crim., 12 septembre 2000, Droit pénal
2001, n° 4). De même, les deux qualifications de complicité de prise illégale
d’intérêts et d’usurpation de fonctions ne sont pas incompatibles entre elles et
peuvent être retenues pour un même fait (Crim., 21 février 2001, Bull. crim., n°
46).

En pratique, chaque fois que le législateur a dédoublé les incriminations de type


classique en général matérielles (la publicité mensongère résulte d’un dédoublement
de l’escroquerie, le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité résulte d’un
dédoublement de l’infraction de C.B.I.) pour les enrichir d’infractions formelles, les
conflits de qualifications entre l’infraction matérielle et l’infraction formelle se
soldent systématiquement par un cumul car la valeur sociale protégée au titre de
l’infraction formelle est toujours différente.

Ainsi, lorsque les textes protègent des valeurs sociales différentes, le concours idéal
se résout par un cumul des qualifications en cause mais par un cumul des peines
dans la limite du maximum légal le plus élevé, c’est-à-dire dans les mêmes termes
qu’un concours réel.

Lorsque le juge cumule les qualifications, on peut affirmer qu’il respecte pleinement
le principe non bis in idem selon lequel une personne déjà jugée pour un fait
délictueux ne peut être poursuivie pour le même fait. En effet, l’expression “le
même fait” doit s’entendre, non pas sur le plan matériel, mais sur le plan juridique.
Le fait est donc synonyme de qualification. On ne peut pas poursuivre deux fois pour
la même qualification, mais on peut qualifier différemment pour la seconde
poursuite.

Après avoir envisagé dans le cadre de la section I l’existence de l’élément légal,


nous allons maintenant aborder les conséquences de sa disparition.

Section II) La disparition de l’élément légal : les faits justificatifs

Certaines circonstances font disparaître le caractère infractionnel des faits. En la


matière, il apparaît possible de distinguer deux catégories :
-les immunités tiennent à la personne et constituent des justifications
subjectives. Elles tiennent plus précisément à la qualité de la personne (vol entre
époux…). Ces immunités sont appliquées au stade de la procédure pénale.
-les justifications objectives c’est-à-dire les faits justificatifs. Un fait
justificatif va supprimer le caractère délictueux du fait commis. Les faits justificatifs
viennent supprimer l’élément légal de l’infraction qui n’est plus alors juridiquement
constitué. Les faits justificatifs, à l’évidence, ne peuvent s’entendre que de manière
restrictive. La loi énumère les circonstances qui justifient qu’une infraction ne donne
pas lieu à des poursuites. Il s’agit de l’ordre de la loi et du commandement de
l’autorité légitime (article 122-4 NCP), de la légitime défense (articles 122-5 et
122-6) et de l’état de nécessité (article 122-7 NCP).

Sous-section I) L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime

Aux termes de l’article 122-4 du NCP, “n’est pas pénalement responsable la


personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives
ou réglementaires. N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un
acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal”.

On constate qu’à ce texte correspond un devoir d’exécution. Ce texte concerne les


crimes, les délits et les contraventions. Pour plus de clarté, nous distinguerons
l’ordre ou l’autorisation de la loi ou du règlement et le commandement de l’autorité
légitime.

Paragraphe I) L’ordre ou l’autorisation de la loi ou du règlement

Pour plus de clarté, nous distinguerons l’ordre puis l’autorisation de la loi ou du


règlement.

A) L’ordre de la loi ou du règlement

Ce fait justificatif est visé par l’article 122-4 al. 1er NCP aux termes duquel “n’est
pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé
par des dispositions législatives ou règlementaires”. A partir de cet alinéa, il
convient d’opposer l’ordre de la loi à celui du règlement.

1) L’ordre de la loi

Pour savoir si l’ordre de la loi peut constituer une cause d’irresponsabilité pénale, il
faut distinguer suivant que l’ordre résulte d’une loi pénale ou d’une loi civile.

• Si l’ordre donné par la loi émane d’une loi pénale, il est certain
qu’une loi pénale peut toujours déroger à une autre loi pénale. Il faut cependant
distinguer selon que l’ordre résulte d’une loi de fond ou de forme.
— si l’ordre découle d’un texte de procédure, il est certain que
l’utilisation des pouvoirs coercitifs prévus par le code de procédure pénale
(arrestation, perquisitions et saisies…) ne peut pas constituer des infractions à la loi
pénale (séquestration, violation de domicile…). Cette règle ne vaut, cependant, qu’à
la condition que ces actes soient accomplis par les autorités compétentes en
respectant les conditions prévues par la loi (horaires pour procéder à des
perquisitions…).
— si l’ordre découle d’un texte d’incrimination, la question est
plus délicate dans la mesure où l’on se trouve en présence d’un conflit
d’incriminations. Dans cette hypothèse, 2 cas sont à distinguer :
◊ 1er cas : si chaque incrimination déroge à l’autre, la personne qui
commet l’une des deux infractions est pénalement irresponsable. Tel est le cas si un
directeur de publication publie un “droit de réponse” (obligation prévue par l’article
13 de la loi de 1881) contenant une diffamation ou une injure (infraction contenue
dans la loi de 1881).
◊ 2nd cas : si une seule des deux incriminations déroge à l’autre, la
difficulté est alors de savoir quelle est celle qui vis-à-vis de l’autre constitue une
cause d’irresponsabilité pénale. Et, en la matière, la jurisprudence statue au cas par
cas. Ainsi, la jurisprudence a considéré que les dispositions relatives à la non-
assistance à personne en danger constituaient un ordre de la loi permettant de
relaxer du chef de violences volontaires une personne qui en raison de son
intervention musclée avait fracturé le bras de la personne à sauver. D’une manière
générale, la Cour de cassation considère que ne peut être justifié sur la base de
l’article 122-4 NCP un gendarme qui a pris un risque disproportionné à l’obligation
de mettre un terme aux infractions constatées en commettant des actes
manifestement illégaux causant la mort accidentelle d’un gendarme passager
(Crim., 23 mars 2004, Bull. crim., n° 77).

• Si l’ordre donné par la loi émane d’une loi civile, les tribunaux
admettent plus difficilement que l’ordre de la loi civile justifie la commission d’une
infraction. En matière civile, le texte qui a posé le plus de difficultés en la matière
est l’article 215 CC aux termes duquel “les époux s’obligent mutuellement à une
communauté de vie”. Cet article 215 CC a été invoqué dans 2 types de cas :
— 1er cas : cet article a été invoqué pour tenter de justifier la
relaxe d’une personne poursuivie pour proxénétisme car elle vivait avec une
prostituée. Dans un premier temps, la jurisprudence refusait la relaxe. Puis, par la
suite, elle a admis la relaxe lorsque l’individu ne partageait pas les produits de la
prostitution. C’est ce que retient désormais l’article 225-6 NCP.
— 2nd cas : l’article 215 CC était invoqué pour justifier entre époux
des poursuites pour viol au motif que le devoir de cohabitation entre époux implique
l’existence de relations sexuelles. Désormais, la jurisprudence estime que le mari qui
abuse de sa femme sans son consentement commet un viol (Crim., 26 sept. 1994,
Droit pénal 1995, n° 6).
Outre l’ordre de la loi, intéressons nous à l’ordre donné par un règlement.

2) L’ordre du règlement

En se référant au règlement, l’article 122-4 NCP ne signifie cependant pas qu’un


règlement peut déroger à une loi. En conséquence, l’ordre d’un règlement ne peut
pas justifier la commission d’un crime ou d’un délit. Cependant, ce principe
comporte une exception. En effet, une prescription résultant d’un règlement peut
justifier la commission d’un crime ou d’un délit si le règlement a pour objet de
préciser les conditions d’application d’une loi. En application de ces règles, un
médecin qui dénoncerait une maladie contagieuse énoncée sur la liste fixée par
décret ne commet pas le délit de violation du secret professionnel (liste fixée par le
décret du 12 décembre 2008 : art. D. 3113-6 CSP).
Après avoir envisagé l’ordre de la loi ou du règlement, nous allons aborder la
question de la simple autorisation.

B) L’autorisation de la loi ou du règlement

Nous allons envisager ici la question de l’autorisation de la loi, du règlement, de la


coutume et le problème lié au consentement de la victime.

1) L’autorisation de la loi

Comme précédemment, il est nécessaire de distinguer selon que l’autorisation de la


loi émane d’une loi pénale ou d’une loi civile.
• Lorsque l’autorisation de la loi émane d’une loi pénale, elle découle
soit de la procédure pénale soit du droit pénal de fond.
— L’autorisation de la loi découlant de la procédure pénale : le
CPP permet aux autorités policières ou judiciaires d’utiliser certains moyens d’action,
qui, à défaut de cette autorisation de la loi, constitueraient des infractions. Ainsi,
l’article 706-82 CPP permet, notamment, aux enquêteurs d’acquérir ou de livrer
des produits stupéfiants, sous respect de certaines conditions (autorisation du
Procureur de la République ou du juge d’instruction). De manière générale, l’article
706-82 du CPP autorise l’infiltration.
— L’autorisation de la loi découlant du droit pénal de fond : en
pratique, ces autorisations sont nombreuses. A titre d’exemple, on peut citer le fait
que les discriminations fondées sur le sexe, l’état de santé ou le handicap sont
justifiées par un autre texte. Ainsi, l’article 225-3, 3° NCP autorise à refuser un
rôle de femme à un homme et inversement. De même, l’interruption volontaire de
grossesse n’est pas pénalement sanctionnée lorsqu’elle est commise en respectant
les conditions fixées par le Code de la santé publique (interruption thérapeutique,
interruption volontaire dans le délai légal de 12 semaines…).

• Lorsque l’autorisation de la loi émane d’une loi civile, les tribunaux


tendent, de manière générale, à refuser le bénéfice du fait justificatif en raison du
principe de l’autonomie de la loi pénale. Cependant, dans certains cas exceptionnels,
la loi civile permet de bénéficier d’un fait justificatif. Ainsi, les tribunaux admettent
que le droit de rétention légalement constitué ne peut conduire à des poursuites
pour abus de confiance. De même, la personne qui reçoit, de bonne foi, une chose
provenant d’une infraction ne peut être poursuivie pour recel car on fait application
de l’article 2276 CC aux termes duquel “en fait de meubles, la possession vaut
titre”.

Outre l’autorisation de la loi, nous allons envisager la question de l’autorisation du


règlement.

2) L’autorisation du règlement

La question de l’autorisation du règlement soulève deux problèmes : celui des


autorisations administratives et celui des simples tolérances.

• S’agissant des autorisations administratives, il convient de distinguer


deux hypothèses.

1ère hypothèse : lorsque la loi sanctionne un comportement commis en


raison de l’absence d’une autorisation administrative, il n’y a, à l’inverse, pas
d’infraction lorsque l’autorisation administrative a été obtenue. Ainsi,
l’infraction de construction sans permis n’est pas constituée si le permis de
construire a été obtenu. L’obtention de l’autorisation administrative vous
autorise donc à construire.

2nde hypothèse : lorsque la loi sanctionne un comportement


indépendamment de l’octroi ou du refus d’une autorisation administrative
alors que l’activité donne lieu à la délivrance d’autorisations, la délivrance de
l’autorisation administrative est indifférente sur le plan pénal. Ainsi, la
délivrance pour un produit pharmaceutique d’une autorisation de mise sur le
marché n’exonère pas le fabriquant de sa responsabilité dans les conditions du
droit commun (survenance d’un dommage en raison de l’absorption du
médicament).

• En ce qui concerne les tolérances administratives, celles-ci ne peuvent


constituer une raison d’échapper à l’application de la loi pénale. Elles ne
constituent donc, en aucun cas, un fait justificatif.

Il convient, à présent, de se demander si l’autorisation de la coutume peut


constituer un fait justificatif.

3) L’autorisation de la coutume

Pour la jurisprudence, l’autorisation de la coutume constitue parfois une cause


d’irresponsabilité pénale. Ainsi, les parents peuvent exercer leur droit de correction
manuelle, dans certaines limites, sans être poursuivis pour violences volontaires. De
même, les chirurgiens peuvent opérer leurs patients sans être poursuivis pour
violences volontaires, à condition que ceux-ci respectent les règles de l’art. Enfin, il
est possible dans certaines régions françaises d’organiser des corridas sans être
poursuivi pour cruauté envers les animaux.

Outre l’autorisation de la coutume, le consentement de la victime peut-il constituer


un fait justificatif ?

4) Le consentement de la victime

Le consentement de la victime ne constitue pas une cause générale


d’irresponsabilité pénale. Cependant, dans certains cas, il est pris en considération.

• Les cas dans lesquels le consentement de la victime est indifférent :


cette indifférence se manifeste essentiellement en matière d’euthanasie et de
stérilisations volontaires ou de transsexualisme. Ainsi, en matière
d’euthanasie, les auteurs sont généralement condamnés pour homicide
volontaire (Crim., 1er juillet 1937, S. 1938, 1, 193). En matière de
stérilisation volontaire ou de transsexualisme, les auteurs sont condamnés
pour violences volontaires (Crim., 30 mai 1991, D. 1991, IR, 197). Mais,
parfois, le consentement de la victime est efficient.

• Les cas dans lesquels le consentement de la victime constitue une


cause d’irresponsabilité pénale : telle est la solution retenue dans deux
séries de cas :

1er cas : l’absence de consentement est un élément constitutif de l’infraction


: donc, en cas de consentement, il manquera un des éléments constitutifs de
l’infraction et celle-ci ne pourra donc pas être caractérisée. Tel est le cas en
matière de viol, d’atteinte à l’intimité de la vie privée (art. 226-1 à 226-7
NCP). Cependant, l’obtention du consentement ne permettra de bénéficier
du fait justificatif que si le consentement est donné de manière libre.
2nd cas : le domaine du sport : le consentement de la victime justifie la
pratique de sport faisant intervenir des violences à la condition que le sport
concerné soit exercé de manière normale : boxe, sports de combat, rugby,
football…

Après avoir envisagé dans un 1er § l’ordre de la loi, nous allons aborder le
commandement de l’autorité légitime.

Paragraphe II) Le commandement de l’autorité légitime

Le commandement de l’autorité légitime constitue un fait justificatif. Ce fait


justificatif est visé par l’article 122-4 al. 2 NCP aux termes duquel “n’est pas
pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité
légitime sauf si cet acte est manifestement illégal”. Il est nécessaire de préciser ce
que l’on entend par autorité légitime et d’aborder le problème du commandement
illégal.

A) La notion d’autorité légitime

L’autorité légitime est celle qui a le pouvoir de commander l’exécution des lois. Il
s’agit d’une autorité publique, civile ou militaire. Ainsi, le fait de se conformer à un
ordre émanant d’une autorité privée ne peut pas constituer un fait justificatif. Ainsi,
ne serait pas justifié le salarié d’une entreprise privée qui commettrait une infraction
après en avoir reçu l’ordre de son employeur.

En outre, l’autorité légitime doit être une autorité compétente qui doit avoir reçu
une délégation lui permettant de donner l’ordre en question. Ainsi, si le juge des
libertés et de la détention est compétent pour délivrer un mandat de dépôt, tel n’est
pas le cas pour un maire.

Mais, même si l’autorité est légitime le fait justificatif n’est pas caractérisé si l’ordre
est manifestement illégal.

B) Le commandement illégal

Le commandement illégal est celui qui est donné par une autorité légitime qui agit
sans l’ordre de la loi.

En pratique, le problème qui se pose est de savoir si le subordonné doit obéir à cet
ordre illégal et s’il va jouir de l’impunité s’il obéit. Pour bien comprendre le
problème, il semble utile d’aborder les différents systèmes de solution qui ont été
proposés par la doctrine avant d’aborder la solution consacrée par le NCP.

1) Les différents systèmes doctrinaux

3 systèmes différents ont été proposés par la doctrine. Nous allons les aborder
successivement :

-la théorie de l’obéissance passive : d’après cette théorie, on doit


toujours obéir lorsque l’on est subordonné. Sinon, on peut être poursuivi pour refus
d’obéissance ce qui est grave en matière militaire par exemple. Il n’y a alors jamais
d’infraction lorsque l’on obéit à un tel ordre. Ce système présente cependant
l’inconvénient de justifier de graves abus.

-la théorie des baïonnettes intelligentes : l’agent avant d’obéir a le


pouvoir d’apprécier le caractère légal ou non de l’ordre qui lui est donné. Si l’ordre
est illégal, il peut refuser de l’exécuter sans qu’il puisse être poursuivi pour refus
d’obéissance. S’il exécute l’ordre illégal, il va en subir les conséquences c’est-à-dire
qu’il ne pourra pas invoquer un fait justificatif et sera donc condamné. De plus, cette
théorie présente, à l’évidence, de grandes difficultés d’application.

- la thèse de l’illégalité manifeste : cette thèse ne retiendrait la culpabilité


que dans les cas où l’ordre est manifestement illégal. Cette thèse permet d’éviter les
abus de la 1° thèse qui appliquait l’obéissance passive.

Face à ces trois théories, quelle est la solution retenue par le nouveau Code pénal ?

2) La solution retenue par le nouveau Code pénal

L’article 122-4 NCP précise très clairement que l’ordre manifestement illégal ne
peut constituer un fait justificatif. En conséquence, est justifiée l’exécution d’un
ordre dont l’illégalité n’est pas manifeste. En application de cette règle, un gardien
de prison qui mettrait sous écrou un individu en raison d’un mandat de dépôt qui
serait par la suite déclaré illégal n’engagerait pas sa responsabilité pénale.
Cependant, si l’exécutant de l’ordre connaissait son caractère illégal, il ne pourra pas
bénéficier du fait justificatif même si l’illégalité n’est pas manifeste.

Dans le cadre de cet article 122-4 NCP, la difficulté majeure consiste à déterminer
la notion d’illégalité manifeste. Si l’on en croit la majorité des auteurs, il semble que
l’illégalité manifeste s’apprécie au travers d’un critère objectif et d’un critère
subjectif. En quoi consistent ces deux critères ?

• Le critère objectif : ce critère tient compte de la nature de l’acte. L’illégalité de


l’acte est manifeste lorsqu’il porte atteinte à l’intégrité physique d’une personne
(torture d’une personne gardée à vue sur l’ordre de son supérieur).

• Le critère subjectif : ce critère prend en compte la qualité de l’exécutant de


l’ordre. Ainsi, il est tenu compte de la place de la personne dans la hiérarchie, de
ses connaissances juridiques, du fait qu’il s’agit d’un militaire ou non… Ainsi, est
manifestement illégal l’ordre donné par un préfet à un colonel de gendarmerie de
détruire des biens de manière clandestine, en utilisant un moyen dangereux
(affaire des paillotes : Crim., 13 oct. 2004, Droit pénal 2005, n° 2).

Après l’ordre de la loi, nous allons aborder un autre fait justificatif : la légitime
défense.

Sous-section II) La légitime défense

La légitime défense est visée dans le NCP par les articles 122-5 et 122-6
respectivement relatifs à la légitime défense de droit commun et à la légitime
défense privilégiée. Aux termes de l’article 122-5 NCP, “n’est pas pénalement
responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou
autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la
légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les
moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. N’est pas pénalement
responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit
contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire,
lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens
employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction”. L’article 122-6 NCP
dispose que “Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit
l’acte : 1° Pour repousser, de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un
lieu habité ; 2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés
avec violence”.
La légitime défense consacre le droit de riposter même par la violence à une
agression injuste. Cette infraction va alors disparaître parce que la légitime défense
constitue un fait justificatif. On considère qu’il s’agit d’un droit privé de défense qui
s’explique en raison de l’impossibilité de recourir aux pouvoirs publics. La légitime
défense constitue une exception au principe selon lequel on ne peut pas se faire
justice à soi-même.

Pour aborder ce fait justificatif, il est nécessaire de distinguer les conditions, la


preuve et les effets de la légitime défense.

Paragraphe I) Les conditions de la légitime défense

L’article 122-5 NCP permet d’observer que la légitime défense peut intervenir pour
protéger une personne ou un bien.

A) La légitime défense des personnes

En cas de légitime défense, on est en présence d’une agression et d’une riposte.


L’agression et la riposte nécessitent l’une et l’autre des conditions qui vont être
cumulatives.

1) L’agression légitimante

L’agression doit revêtir quatre conditions cumulatives :

• 1ère condition : L’agression doit être actuelle ou imminente. Il s’agit


de la seule précision qu’apporte le texte qui utilise l’expression “dans le même
temps”. Seule l’agression actuelle ou imminente explique que l’on ne peut pas se
mettre sous la protection de l’ordre public. Si la riposte survient avec retard, c’est-à-
dire bien après l’agression, on est en présence d’une vengeance qui ne peut pas être
justifiée et laisser son auteur dans l’impunité. Il en est de même si la riposte est
préalable à l’attaque (pièges).

• 2ème condition : L’agression doit être réelle. Cette condition pose le


problème d’une personne qui se croit menacée mais qui se méprend sur l’attitude de
son agresseur. C’est ce que l’on appelle l’agression putative. En pratique, en matière
d’atteinte putative, les tribunaux ont parfois accepté de tenir compte des atteintes
putatives dès lors qu’elles paraissaient vraisemblables (Crim., 5 juin 1984, Bull.
crim., n° 209). Cependant, dès lors que l’erreur d’appréciation est considérée
comme inexcusable, l’auteur de la riposte ne pourra pas bénéficier du fait justificatif
de légitime défense.

• 3ème condition : L’agression doit être injuste. L’article 122-5 NCP


utilise l’expression « atteinte injustifiée ». Une situation de légitime défense est
incompatible avec l’agression couverte par la loi. Ainsi, on ne peut pas riposter
lorsqu’un OPJ vous arrête dans la rue suite à la commission d’un délit. En effet, dans
ce cas, l’agression est juste. Cependant, la jurisprudence va plus loin et considère
que dans l’hypothèse où les agents de la force publique abusent de leurs
prérogatives légales, la riposte de la personne ne donne pas lieu au bénéfice de la
légitime défense.

• 4ème condition : la dernière condition tient à l’objet de l’agression.


L’article 122-5 NCP parle de légitime défense de soi-même ou d’autrui. L’atteinte à
la personne s’entend à la fois comme une atteinte physique et comme une atteinte
morale. Ainsi, a été justifiée une gifle donnée par une mère de famille contre une
jeune femme qui voulait débaucher son fils de 16 ans (Trib. pol. Valence, 19 mai
1960, S. 1960, 271). Cependant, l’atteinte, physique ou morale doit présenter une
certaine gravité. Tel n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une atteinte à l’honneur.
Quelles sont les conditions relatives à l’acte de riposte ?

2) La défense légitimée

La défense doit également revêtir 3 conditions :

• 1ère condition

La défense doit être nécessaire. Cette précision résulte de l’article 122-5 NCP. Il ne
peut y avoir légitime défense si la personne pouvait se protéger en ayant recours à
l’autorité publique. Se pose alors le problème de la fuite. En pratique, la
jurisprudence estime que si la personne pouvait neutraliser l’action de l’agresseur par
une fuite, la défense ne pourra pas être légitimée.

• 2ème condition

La défense doit être proportionnelle. Il s’agit d’une proportionnalité par rapport à


l’acte d’agression. Pour savoir s’il y a proportionnalité, il est nécessaire de peser le
poids respectif de l’attaque et de la défense. Ainsi, en pratique, un coup de carabine
ne peut constituer la riposte à une simple gifle. En revanche, est justifiée l’utilisation
d’une bombe lacrymogène contre un huissier commettant une violation de domicile.
En revanche, la jurisprudence a estimé que le bénéfice de la légitime défense devait
être refusé à celui qui ripostait par des coups de bâton à une agression au gaz
lacrymogène en raison de la gravité des blessures infligées aux victimes (Paris, 12
oct. 1999, Droit pénal 2000, com. 29).

• 3ème condition

Sous l’empire de l’ancien Code pénal, la jurisprudence considérait que la légitime


défense était incompatible avec le caractère involontaire de l’infraction. Ainsi, des
coups et blessures involontaires ou un homicide involontaire ne permettaient pas à
leur auteur de bénéficier du fait justificatif de légitime défense (arrêt COUSINET :
Crim., 16 février 1967, J.C.P. 1967, II, 15034). Ainsi, une personne importunée par
un ivrogne et qui repoussait ce dernier, lequel perdait l’équilibre et se blessait ou se
tuait en tombant ne pouvait bénéficier de la légitime défense. En l’absence de
précision expresse contenue dans l’article 122-5 NCP, la question se pose de savoir
si cette condition doit encore être maintenue. En effet, la Cour de cassation a rendu
un arrêt de rejet à la suite d’une décision de Cour d’appel qui avait admis qu’une
infraction involontaire pouvait justifier la légitime défense (Crim., 21 février 1996, D.
1997, 235).Ainsi, il semble que cette condition soit désormais abandonnée.

Outre la légitime défense des personnes intéressons-nous à la légitime défense des


biens.

B) La légitime défense des biens

Sous l’empire de l’ancien Code pénal, la jurisprudence avait admis, sous certaines
conditions, la légitime défense des biens. Cette solution est désormais consacrée par
l’article 122-5 NCP. En matière de légitime défense des biens, quelles sont les
conditions relatives à l’attaque et à la riposte ?

1) Les conditions relatives à l’attaque

Contrairement à ce que l’on a envisagé dans le cadre de la légitime défense des


personnes, toute atteinte aux biens ne permet pas de bénéficier du fait justificatif de
légitime défense. En effet, l’article 122-5 NCP dispose que la légitime défense n’est
possible que pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien. En
conséquence, en raison du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, la
légitime défense des biens est exclue en matière contraventionnelle (dégradations
mobilières légères : art. R. 635-1 NCP). Ainsi, un coup de pied contre la carrosserie
d’une voiture ne peut justifier des violences commises en riposte (Toulouse, 24 janv.
2002, Droit pénal 2002, n° 52).

Quelles sont les conditions relatives à la riposte ?

2) Les conditions relatives à la riposte

S’agissant de la riposte, 3 conditions sont exigées par le nouveau Code pénal :

• 1ère condition : la défense doit être destinée à interrompre


l’exécution d’une infraction dirigée contre un bien.

En conséquence, la riposte doit donc intervenir lorsque l’attaque est en cours


d’exécution et non lorsqu’elle est déjà achevée. Cette condition ne semble pas
interdire l’utilisation des moyens de défense préalables (pièges) qui se déclencheront
lors de la commission de l’infraction. La question, non résolue par la jurisprudence,
se pose de savoir à quel moment précis l’attaque se termine. Il semble que l’on
puisse considérer dans le cas du vol que l’infraction n’est pas encore achevée au
moment où son auteur s’enfuit avec le produit de l’infraction. Si cette interprétation
était retenue, elle autoriserait donc l’auteur de la riposte à agir alors que l’agresseur
est en train de fuir.

• 2ème condition : la riposte doit être strictement nécessaire pour


interrompre l’exécution de l’infraction.

Ainsi, par rapport à la légitime défense des personnes, le législateur a rajouté


l’adverbe “strictement”. Cela implique que la riposte doit constituer l’unique moyen
pour interrompre l’infraction. Cette condition semble avoir pour effet d’exclure toute
riposte qui ne serait pas précédée de sommations (tirer en l’air dans un premier
temps, installer des panneaux précisant la présence de pièges à feu…).

• 3ème condition : les moyens employés doivent être proportionnés à


la gravité de l’infraction.

Comme en matière de légitime défense des personnes, il s’agit donc de peser le


poids respectif de l’attaque et de la riposte. Le texte de l’article 122-5 NCP précise
qu’une riposte consistant dans un homicide volontaire ne peut jamais donner lieu au
bénéfice du fait justificatif de légitime défense et ce, quelle que soit la valeur du bien
que l’on souhaite protéger. En ce domaine, la jurisprudence a considéré que n’agit
pas en état de légitime défense la personne qui après avoir tenté d’appréhender
sous la menace de son fusil de chasse deux individus qui s’étaient introduits dans
son terrain clôturé pour y cueillir des champignons les arrête dans leur fuite en
tirant sur eux plusieurs coups de feu, les frappe à coup de crosse et de gourdin et
les attache à un arbre avant de les livrer à la gendarmerie (Crim., 7 déc. 1999, Bull.
crim., n 292).

Après avoir envisagé les conditions de la légitime défense, il convient de se


demander comment la preuve de ce fait justificatif doit être rapportée.
Paragraphe II) La preuve de la légitime défense

En matière de preuve de la légitime défense, il convient d’opposer les articles 122-5


et 122-6 NCP respectivement relatifs à la légitime défense de droit commun et à la
légitime défense privilégiée.

La légitime défense de droit commun : en tant que cause d’irresponsabilité


pénale, il appartient à la personne poursuivie de rapporter la preuve de la légitime
défense. Ainsi, l’auteur de la riposte devra démontrer que toutes les conditions
requises pour bénéficier de la légitime défense sont remplies. Et, la personne
poursuivie peut rapporter la preuve de la légitime défense par tous moyens (art.
427 CPP).

Comment s’opère la preuve dans le cadre de la légitime défense privilégiée ?

La légitime défense privilégiée : l’article 122-6 du nouveau Code pénal renverse


la charge de la preuve dans les cas de légitime défense privilégiée. En effet, l’article
122-6 NCP pose deux présomptions de légitime défense renforçant ainsi la
protection de la personne qui riposte.

On remarque que ces articles imposent que l’on analyse des notions de droit pénal
spécial puisqu’il est question d’escalade, d’effraction, et d’acte commis de nuit.

La notion de “repousser” est abordée de manière très large par la jurisprudence. La


2° présomption édictée par le texte est beaucoup moins fréquente que la première.
En jurisprudence, on peut même dire qu’elle est exceptionnelle.

Plus précisément, l’article 122-6 NCP prévoit qu’ “est présumé avoir agi en état de
légitime défense celui qui accomplit l’acte : 1°) pour repousser, de nuit, l’entrée par
effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; 2°) pour se défendre contre les
auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence”. Cependant, face à ces
présomptions de légitime défense, la jurisprudence estime que l’effraction nocturne
ne peut à elle seule justifier ni l’homicide ni les blessures s’il est établi que celui qui
a tué ou blessé savait que sa vie ou celle des tiers n’était pas menacée.

En pratique, une difficulté s’est posée sur le point de savoir quelle était la nature de
la présomption retenue. En effet, en droit français on distingue deux sortes de
présomptions : les présomptions simples et les présomptions irréfragables. Face à
une présomption simple, il est possible d’apporter la preuve contraire. Face à une
présomption irréfragable, il n’est pas possible d’apporter la preuve contraire. En
jurisprudence, on a pu observer une évolution. En effet, dans les années 1920-
1925, la jurisprudence considérait que la présomption établie par l’article 329 CP
était de nature irréfragable. En conséquence, toute preuve contraire était impossible
à rapporter. Cependant, cette solution a entraîné quelques abus en jurisprudence.
Pour cette raison, la jurisprudence a modifié son analyse et a considéré que la
preuve contraire pouvait être admise. La présomption simple édictée par l’article
329 CP emportait donc simplement un renversement de la charge de la preuve. Cela
signifiait donc que l’agresseur ou le ministère public qui prétendait qu’il n’y avait pas
légitime défense devait le prouver.

Aujourd’hui, l’article 122-6 NCP édicte une présomption de légitime défense sans
préciser s’il s’agit d’une présomption simple ou irréfragable. La majorité des auteurs
s’accorde à penser que l’on doit reprendre la jurisprudence antérieure qui
considérait dans ce cas que la présomption était simple (Crim., 19 février 1959, D.
1959, 161, arrêt REMINIAC ; Crim., 13 oct. 1993, GP 1994, 1, 94).

Après la preuve de la légitime défense, nous allons aborder ses effets.


Paragraphe III) Les effets de la légitime défense

Lorsque la légitime défense est retenue, elle a pour conséquence la disparition de la


responsabilité pénale de la personne qui en bénéficie. Ainsi, la personne poursuivie
bénéficiera, suivant le stade d’avancement de la procédure, d’un classement sans
suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement. En outre, la légitime
défense a également pour conséquence la disparition de toute responsabilité civile,
que ce soit une responsabilité pour faute ou une responsabilité du fait des choses.
Autre fait justificatif auquel nous allons nous intéresser : l’état de nécessité.

Sous-section III) L’état de nécessité

L’état de nécessité correspond au cas dans lequel un individu commet un acte


normalement constitutif d’une infraction pour échapper ou faire échapper autrui à un
péril plus grand que celui résultant de cet acte. Ce fait justificatif comporte certaines
conditions de la légitime défense. Pour étudier l’état de nécessité, nous allons
aborder son fondement, ses conditions et ses effets.

Paragraphe I) Le fondement de l’état de nécessité

Dans un premier temps, sous l’empire du Code pénal de 1810, la doctrine a


considéré que le fondement de l’état de nécessité était la contrainte morale. Puis,
elle a estimé que le fondement de la théorie de l’état de nécessité était le fait
justificatif.

Le Code pénal de 1810 ne contenait pas de texte concernant l’état de nécessité. Il


s’agissait donc d’un fait justificatif d’origine jurisprudentielle consacré par l’arrêt
LESAGE du 25 juin 1958 (D. 1958, 2, 693). Le nouveau Code pénal contient un
article concernant l’état de nécessité : l’article 122-7 NCP. Aux termes de cet
article “n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel
ou imminent qui menace elle- même, autrui ou un bien, accomplit un acte
nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien sauf s’il y a disproportion
entre les moyens employés et la gravité de la menace”.
Nous allons maintenant aborder les conditions de l’état de nécessité.

Paragraphe II) Les conditions de l’état de nécessité

Les conditions de l’état de nécessité sont formulées de manière stricte ce qui est à
approuver. Il existe deux séries de conditions qui tiennent au péril évité et à l’acte
commis.

A) Le péril évité

Le danger que l’on veut éviter doit avoir pour victime l’agent lui-même ou ses biens.
Ce danger peut revêtir deux formes : il peut être soit physique soit moral. Ainsi, la
nature du danger est finalement indifférente.

En outre, de la même manière que pour la légitime défense, le danger doit être
actuel ou imminent. L’exigence d’un danger actuel ou imminent implique que
celui-ci doit être réel et non pas simplement éventuel. La question de savoir quel est
l’effet du danger putatif n’a pas été résolue par la jurisprudence. Cependant, la
doctrine s’accorde à penser que le danger putatif exclut le bénéfice de l’état de
nécessité.

Sous l’empire du Code pénal de 1810, la jurisprudence estimait qu’une autre


condition devait également être remplie pour que l’état de nécessité puisse être
retenu. Cette condition consistait dans l’exigence d’un défaut de faute antérieure de
la part de l’auteur des faits. Ainsi, une personne ne pouvait bénéficier de l’état de
nécessité si la situation dans laquelle elle s’était trouvée résultait de sa faute
antérieure. En la matière, la jurisprudence a considéré que le fait pour le conducteur
d’un camion de défoncer un passage à niveau pour éviter d’être écrasé par un train
ne pouvait donner lieu au prononcé de l’état de nécessité lorsqu’il s’était engagé
imprudemment sur le passage à niveau (Rennes, 12 avril 1954, S. 1954, II, 185).

Cette condition n’étant pas expressément retenue par l’article 122-7 NCP, les
auteurs estiment qu’elle a donc été supprimée par le nouveau Code pénal.
Cependant, la jurisprudence a estimé que le prévenu ne peut prétendre avoir agi en
état de nécessité dès lors qu’il s’est volontairement placé dans la situation de devoir
commettre une infraction en cas de survenance prévisible du danger (Crim., 22
sept. 1999, Bull. crim., n° 193).

Quelles sont les conditions tenant à l’acte de sauvegarde ?

B) L’acte de sauvegarde

L’acte réalisé pour la sauvegarde doit comporter deux conditions cumulatives :

• La première condition tient au caractère nécessaire de l’acte de


sauvegarde.

La question qui se pose est de savoir si cette condition doit être appréciée de
manière stricte. Selon les auteurs, il semble que cette exigence doive être appréciée
de manière souple. Ainsi, elle serait retenue chaque fois que l’infraction était le
“meilleur moyen” d’éviter le péril (Paris, 6 oct. 1944 et 5 janvier 1945, S. 1945, II,
81). La jurisprudence estime que le vol en quantités importantes est incompatible
avec la notion d’acte nécessaire (Poitiers, 11 avril 1997, D. 1997, 512). En revanche,
la jurisprudence a estimé que le fait de scier les gonds de la porte d’entrée d’un
appartement inoccupé de l’OPAC pour s’y installer avec sa famille constitue une
réaction nécessaire et mesurée au danger réel, actuel et injuste auquel son enfant,
sa femme et lui étaient confrontés, justifiant ainsi sa relaxe (TGI Paris, 28 novembre
2000, D. 2001, 2, 512).

De même, dans le cadre d’une procédure de divorce, la Cour de cassation a


considéré que l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée est justifié
par la nécessité de rapporter la preuve des faits et par les besoins de la défense de
son auteur (Crim., 31 janv. 2007, Droit pénal 2007, com., 98).

• La 2° condition tient à la proportionnalité

L’’acte de sauvegarde doit être proportionné au péril. Ainsi, le tribunal saisi va


comparer la valeur du bien sauvegardé et celle du bien sacrifié. Il est indispensable
que le bien sauvegardé ait une valeur égale ou plus importante que le bien sacrifié.
Sur cette base, est justifié le franchissement d’une ligne continue pour éviter un
accident corporel (Trib. pol. Avesnes-sur-Helpes, 12 déc. 1964, GP 1965, 1, 91). A
l’inverse, ne peut bénéficier du fait justificatif d’état de nécessité le dirigeant d’une
entreprise qui commet le délit de contrefaçon pour éviter une rupture de stock
(Crim., 11 février 1986, Bull. crim., n 54).

Outre les conditions de l’état de nécessité, quels en sont les effets ?


Paragraphe III) Les effets de l’état de nécessité

L’état de nécessité constitue un fait justificatif. Celui-ci entraîne la disparition de la


qualification légale. Il en résulte que l’infraction qui a été rendue nécessaire n’en est
plus une. Donc, la responsabilité pénale tombe. L’auteur de l’acte ne devra pas être
condamné par les juridictions répressives.

En revanche, la responsabilité civile demeure. L’auteur de l’acte est donc tenu


d’indemniser la victime. Cette solution qui diffère de celle retenue en matière de
légitime défense se justifie par le fait que l’état de nécessité lèse, non pas l’auteur
de la menace, mais un tiers innocent. Les civilistes justifient cette solution par le
mécanisme de la gestion d’affaire ou de l’enrichissement sans cause.

Après avoir abordé dans un premier chapitre l’élément légal de l’infraction, le


deuxième chapitre sera consacré à l’élément matériel.
CHAPITRE II) L’ELEMENT MATERIEL DE L’INFRACTION

Toute infraction suppose un élément matériel. En droit pénal français, aucune


infraction n’est dépourvue d’un élément matériel. Cette exigence a un rapport avec
la protection des libertés individuelles. On ne prend pas en compte les infractions
intellectuelles qui n’ont aucun résultat objectif.

Lorsque l’on aborde l’élément matériel de l’infraction, cela signifie que l’on va
s’intéresser à la tentative. Il est, cependant, aussi nécessaire de s’intéresser à
l’infraction consommée.

Section I) L’infraction tentée

Parfois, le résultat de l’infraction tel qu’il a été prévu par la loi n’est pas atteint.
Cela, quand la matérialité n’est pas complète. Dans ces hypothèses, soit le
délinquant n’a pas pu ou n’a pas voulu aller jusqu’au bout (tentative interrompue)
soit les efforts du délinquant se sont révélés vains (tentative infructueuse). Mais,
au-delà de ces deux types de tentative, la question se pose de savoir comment la
tentative est sanctionnée.

Paragraphe I) La tentative interrompue

En application de l’article 121-5 du NCP, “la tentative est constituée dès lors que,
manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a
manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son
auteur”. En application de l’article 121-4 “est auteur de l’infraction la personne qui
tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi un délit”.

De l’article 121-5 NCP, il résulte que la tentative se manifeste par un


commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire.

A) Un commencement d’exécution

Habituellement, on trace ce que l’on appelle le chemin du crime, c’est-à-dire l’inter


criminis. Ce chemin comporte plusieurs étapes.
- la résolution criminelle : dans cette phase, le futur auteur de l’infraction,
après l’avoir envisagée, se résout à la commettre. La simple résolution criminelle ne
peut être incriminée en application du principe selon lequel toute infraction nécessite
un élément matériel.
- les actes préparatoires : le futur meurtrier achète une arme à feu et
surveille les allées et venues de sa victime.
- le commencement d’exécution : avec cette 3 ème phase on bascule dans la
répression. Le futur auteur d’un vol à main armée entre cagoulé dans la banque
dont il s’apprête à piller les coffres.
- la consommation : dans le cas du meurtre, cela correspond au cas dans
lequel la victime, touchée par le coup de feu, décède de ses blessures.

Ce n’est donc qu’au stade du commencement d’exécution que la tentative


peut être constituée. Si l’on se contente de réaliser des actes préparatoires, on reste
donc impuni. En raison de l’enjeu, il est capital de définir ce qu’est un
commencement d’exécution en le distinguant des actes préparatoires.

1) La notion de commencement d’exécution

Pour définir le commencement d’exécution, des thèses doctrinales ont été


proposées. Puis, la jurisprudence a tranché.
• Les définitions doctrinales

Il existe trois thèses doctrinales.


- thèse objective : le commencement d’exécution est l’accomplissement
d’une opération matérielle figurant dans les éléments constitutifs.
- thèse subjective : celle-ci prend en compte l’état d’esprit du délinquant
dès lors que celui-ci est décidé à aller jusqu’au bout. Cette théorie introduit une
incertitude et des risques d’arbitraire.
- thèse mixte : celle-ci est destinée à éviter l’arbitraire de la thèse subjective
tout en permettant d’intervenir plus tôt. Cette théorie fait la distinction entre les
actes univoques et les actes équivoques. Seuls les actes univoques pourraient
permettre la répression.
Face à ces thèses doctrinales, quelle est la position adoptée par la
jurisprudence ?

• La jurisprudence

La Cour de cassation estime que la qualification de commencement d’exécution est


soumise à son contrôle. Outre cette précision, les tribunaux ont donné plusieurs
définitions du commencement d’exécution. Ainsi, les tribunaux ont défini le
commencement d’exécution comme “l’acte qui tend directement au délit lorsqu’il a
été accompli avec l’intention de le commettre” (BERCHEM, Crim., 3 janv. 1973, Gaz.
Pal. 1973, 1, 290). Dans d’autres arrêts, le commencement d’exécution a été défini
comme l’acte “qui doit avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer
le crime, celui-ci étant entré dans sa période d’exécution” (arrêt LACOUR : Crim., 25
oct. 1962, Bull. crim., n° 292 : dans cette affaire, un certain Lacour entendait faire
tuer le fils d’une amie et recruta à cette fin, contre rémunération, un individu. Il lui
donna des instructions en prévoyant les modalités de l’enlèvement. La personne
sollicitée feignit d’accomplir l’acte pour obtenir le reliquat du versement. Dans cette
affaire, la Cour de cassation a refusé de retenir le commencement d’exécution). La
solution est identique dans l’arrêt SCHIEB (Crim., 25 oct. 1962, Bull. crim., n° 293).
Dans cette affaire, M. Schieb, souhaitant faire disparaître sa femme qui refusait de
divorcer, demanda à un individu de s’en charger en lui versant une somme d’argent
et en lui procurant une arme. Ce dernier ne passa pas à l’acte et soutira simplement
de l’argent à M. Schieb.

De ces définitions, il résulte que le commencement d’exécution est défini à la fois de


façon objective et de façon subjective.

• L’élément objectif

L’acte doit tendre directement à la commission de l’infraction, c’est-à-dire à un


résultat objectif. Ce résultat est, par exemple, le fait de pénétrer dans une banque
avant de réaliser le vol proprement dit. De même, constitue un commencement
d’exécution en matière d’escroquerie à l’assurance la seule déclaration d’un sinistre
fictif, dès lors que le déclarant a conscience de provoquer l’application du contrat,
même en l’absence de demande explicite d’indemnisation chiffrée (Crim., 8 sept.
2004, Droit pénal 2005, n° 13).

• L’élément subjectif

L’acte doit être accompli avec l’intention de commettre l’infraction. Cette intention
peut se déduire du caractère univoque de l’acte (une personne postée au sommet du
toit d’un immeuble armée d’un fusil à lunette est dotée d’une intention homicide).
En pratique, comment la jurisprudence distingue t’elle le commencement
d’exécution des actes préparatoires ?

2) La distinction entre le commencement d’exécution et les actes


préparatoires

On n’est pas en présence d’une tentative punissable si l’agent s’interrompt au cours


de la phase de préparation de l’infraction. Tel est le cas si l’agent s’interrompt alors
qu’il n’a fait que s’enquérir des horaires des employés de la banque qu’il souhaite
cambrioler.

La différence essentielle entre les actes préparatoires et le commencement


d’exécution réside dans le fait que les actes préparatoires sont équivoques. En effet,
on peut vouloir acheter une arme pour tuer ou pour se prémunir contre d’éventuels
cambrioleurs.

En dépit de ce critère de distinction fondé sur le caractère équivoque ou univoque de


l’acte, la frontière entre le commencement d’exécution et les actes préparatoires
n’est pas très aisée.

Outre un commencement d’exécution, la tentative n’est constituée que dans


l’hypothèse d’une absence de désistement volontaire.

B) L’absence de désistement volontaire

Le problème du désistement est incontournable : si l’on n’aboutit pas à la


consommation, c’est qu’entre temps est intervenu un désistement. L’article 121-5
NCP limite la répression à l’hypothèse où l’infraction a été suspendue par des
circonstances indépendantes de la volonté de son auteur. Le désistement volontaire
permet d’exclure la répression. Il s’agit finalement d’une récompense que le droit
pénal accorde à celui qui se ressaisit à temps. Il s’agit donc pour nous de savoir ce
qu’est un désistement involontaire. Mais, en outre ce désistement doit se produire
avant la consommation de l’infraction.

1) La notion de désistement involontaire

Le désistement est involontaire lorsqu’il résulte d’un événement extérieur :


intervention des forces de l’ordre.

A l’inverse, le désistement est volontaire lorsqu’il ne résulte d’aucune cause


extérieure. Peu importe alors le motif de ce désistement : remords, pitié… Ainsi, la
jurisprudence considère que le désistement n’est pas volontaire lorsque l’auteur
d’une tentative d’enlèvement d’une mineure prend la fuite en raison des appels au
secours de la victime (Crim., 26 avril 2000, Droit pénal 2000, com., 137).

Cependant, certaines hypothèses posent difficulté en jurisprudence. Ainsi, la


question s’est posée de savoir si un désistement intervenu en raison de la peur était
volontaire ou involontaire. En ce domaine, la jurisprudence statue au cas par cas.
Elle a considéré qu’était involontaire le désistement intervenu en raison de la crainte
d’une dénonciation ou de la crainte des conséquences d’une enquête judiciaire. En
revanche, pour la jurisprudence est volontaire l’interruption du vol sur un cadavre
dans un cimetière en raison de la peur.

2) Le désistement doit être antérieur à la consommation de l’infraction.

En effet, chaque fois que le désistement volontaire est postérieur à la


consommation de l’infraction, il s’agit d’un repentir actif (vol d’argent, puis on remet
l’objet du vol en place, exemple de l’antidote avec avoir administré un poison). Et, le
repentir actif est indifférent. L’auteur de l’infraction sera en cas de repentir actif
poursuivi sur la base de l’infraction consommée.

Outre la tentative interrompue, le législateur réprime également la tentative


infructueuse.

Paragraphe II) La tentative infructueuse

La tentative infructueuse concerne les hypothèses dans lesquelles le but n’a pas été
atteint. Il s’agit soit de l’hypothèse de l’infraction manquée soit de l’hypothèse de
l’infraction impossible.

A) L’infraction manquée

Parfois, l’agent n’aboutit pas au résultat qu’il espérait à cause de sa maladresse ou


de son étourderie. Tel est le cas lorsqu’une personne tire un coup de feu sur une
autre et la manque. Dans ce cas, on parle alors d’infraction manquée. En la matière,
l’article 121-5 NCP assimile expressément l’infraction manquée à la tentative.

En fait, l’infraction manquée se rapproche de l’infraction impossible dans la mesure


où dans les deux cas il y a exécution complète de tous les actes matériels de
l’infraction, mais le résultat n’a pas été obtenu du fait d’une circonstance
indépendante de la volonté de son auteur. Cependant, la différence entre l’infraction
manquée et l’infraction impossible réside dans le fait que dans la première le
résultat pouvait matériellement se produire. L’infraction manquée est punissable
sous l’angle de la tentative.

La solution est-elle identique en matière d’infraction impossible ?

B) L’infraction impossible

L’infraction impossible correspond à l’hypothèse dans laquelle l’agent n’a pas obtenu
le résultat soit parce que l’infraction n’existait pas (homicide sur un cadavre) soit
parce que le moyen employé était inefficace (revolver non chargé).

Historiquement, le problème qui se posait était de savoir si l’on devait réprimer ce


genre d’attitude. Le Code pénal de 1810 était muet sur ce sujet. Le nouveau Code
pénal ne contient aucune disposition sur cette question. Il convient donc d’aborder
les thèses doctrinales et la solution retenue par la jurisprudence.

1) -Les thèses doctrinales

Trois thèses ont successivement été avancées par la doctrine :

- thèse de l’impunité défendue au XIX° siècle par ROSSI. Cette thèse est
d’inspiration objective. En l’absence de résultat, il ne peut y avoir de répression.

- thèse de la répression systématique : cette thèse subjective est


défendue par l’école positiviste. Elle est fondée sur l’intention de l’agent.

- thèse qui distingue suivant les impossibilités : distinction entre


l’impossibilité absolue et l’impossibilité relative : Il y a impossibilité absolue
lorsque l’objet de l’infraction n’existe pas ou si les moyens employés sont
inefficaces. En revanche, il y a impossibilité relative si l’objet de l’infraction
est momentanément impossible (vol à la roulotte dans une voiture vide). En
cas d’impossibilité absolue, aucune répression ne sera appliquée.

-distinction entre l’impossibilité de droit et l’impossibilité de fait (GARRAUD). Il y a


impossibilité de droit en cas d’absence d’un élément légal constitutif d’une infraction
(meurtre d’un cadavre). Il y a impossibilité de fait dans les autres cas (voiture vide
que l’on veut voler).

Face à ces thèses doctrinales, quelle est la solution retenue par la jurisprudence ?

2) La jurisprudence

La jurisprudence est caractérisée par une évolution. Les décisions anciennes


retenaient l’impunité généralisée, retenant ainsi la doctrine objective. Par la suite, la
jurisprudence a fait une distinction entre l’impossibilité absolue et relative et
l’impossibilité de droit et de fait.

Aujourd’hui et depuis un arrêt de 1928 (Epoux FLEURY, Crim., 9 nov. 1928, D.P.
1929, 1, 97, note Henry), on considère que l’impossibilité du résultat est sans
incidence quant à la répression dès lors que les faits reprochés constituent le
commencement d’exécution. L’infraction impossible est donc assimilée à l’infraction
manquée. Ainsi, l’infraction impossible est réprimée sous l’angle de la tentative. Il a
ainsi été jugé que le fait de vouloir tuer une personne qui était déjà décédée était
constitutif d’une tentative d’homicide volontaire (PERDEREAU, Crim., 16 déc. 1986,
Bull. crim., n° 25).

Après avoir envisagé la tentative interrompue et la tentative infructueuse, il convient


de s’intéresser à la répression de ces différents comportements.

Paragraphe III) La répression de la tentative

Aux termes de l’article 121-4 NCP, “Est auteur de l’infraction la personne qui : 1°
Commet les faits incriminés ; 2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas
prévus par la loi, un délit”. De cet article, on peut déduire deux règles :

• 1ère règle : elle concerne le domaine de la tentative

La tentative n’est punissable qu’en matière criminelle et correctionnelle. En


conséquence, la tentative de contravention n’est pas réprimée. En outre, la tentative
en matière criminelle est réprimée de manière générale, c’est-à-dire pour tous les
crimes. En revanche, en matière correctionnelle, la tentative n’est punissable que si
cela est expressément prévu par un texte d’incrimination. Tel est le cas pour les
principaux délits : vol, escroquerie… En revanche, la tentative n’est pas sanctionnée
en matière d’abus de confiance.

• 2nde règle : elle concerne la manière de réprimer la tentative.

La peine encourue en matière d’infraction tentée est la même que celle prévue pour
l’infraction consommée. Cela ne signifie cependant pas que la peine prononcée soit
identique en cas d’infraction tentée et d’infraction consommée. Souvent, les
tribunaux prononcent des peines moindres en matière de tentative.

Après avoir envisagé dans la section I l’infraction tentée, nous allons pouvoir
observer que la répression peut intervenir dans certains cas, même en l’absence de
résultat.
Section II) L’indifférence aux résultats réels

Pour favoriser l’efficacité de la répression, le législateur, dans certains cas, va tenter


de saisir la volonté criminelle plus tôt et va traiter en infraction consommée ce qui
ne constitue qu’un acte préparatoire ou une résolution criminelle. Telle est la
solution retenue en matière d’infractions formelles, obstacles et d’infractions de mise
en danger délibéré d’autrui. Cependant, cette dernière catégorie sera envisagée
dans le cadre du chapitre III relatif à l’élément moral de l’infraction.

Paragraphe I) Les infractions formelles

De manière générale, on oppose les infractions matérielles aux infractions formelles.


Les premières peuvent être définies comme des infractions dans lesquelles le
résultat est élément constitutif. Tel est, notamment, le cas du vol ou de l’homicide
volontaire. L’infraction formelle, à l’inverse, est une infraction qui est réputée
consommée indépendamment de la production d’un résultat (empoisonnement).
Ainsi, avec l’empoisonnement, l’infraction est consommée dès lors que le poison a
été administré. Peu importe l’effet produit par le poison. Avec les infractions
formelles, on laisse peu de place à la tentative puisque l’on réprime comme une
infraction consommée ce qui serait constitutif d’un simple commencement
d’exécution si l’infraction était matérielle.

Dans le nouveau Code pénal, il existe également d’autres exemples d’infractions


formelles. Tel est le cas de la corruption active. Selon l’article 433-1 NCP, cette
infraction est constituée par « le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout
moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des
présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l'autorité
publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif
public, pour elle-même ou pour autrui ». L’infraction est donc consommée, que l’acte
espéré par le corrupteur se réalise ou non. Cependant, contrairement à
l’empoisonnement, le fait de considérer cette infraction comme une infraction
formelle ne présente pas grand intérêt. En effet, du point de vue de la répression,
les solutions auraient été identiques si l’on avait considéré cette infraction comme
matérielle tout en incriminant sa tentative.

A côté des infractions formelles, il existe les infractions obstacles.

Paragraphe II) Les infractions obstacles

Les infractions obstacles peuvent être définies comme un comportement dangereux


susceptible de produire un dommage ou de conduire à d’autres comportements
susceptibles de produire un dommage. En droit français, les infractions obstacles
sont nombreuses dans la mesure où elles tendent à favoriser la prévention de
comportements antisociaux. A titre d’exemple, on peut citer la conduite en état
d’ivresse, le port d’arme prohibé, les menaces d’atteintes aux personnes ou aux
biens, l’association de malfaiteurs (art. 450-1 NCP). Ainsi, le fait d’ériger en
infraction ce type de comportement permet de faire obstacle à la commission
d’autres infractions souvent plus graves : violences volontaires, homicide
involontaire…

Les infractions obstacles diffèrent des infractions formelles par le fait que si un
résultat se produit, il caractérise une autre infraction. Et, en réprimant le
comportement d’origine, le législateur souhaite faire obstacle à la commission de la
seconde infraction. Les infractions obstacles sont relativement nombreuses en droit
français, dans la mesure où elles permettent d’incriminer en tant qu’infractions
autonomes des comportements qui sont constitutifs d’actes préparatoires pour des
infractions plus graves.
Dans le nouveau Code pénal, l’exemple le plus parlant d’infraction obstacle est
l’association de malfaiteurs. En effet, dans le nouveau Code pénal, cette infraction a
désormais une portée générale puisqu’elle a pour objet de prévenir tous les crimes
ou délits punis d’une peine de dix ans d’emprisonnement. Les infractions obstacles
nécessitent toujours la réalisation d’un élément matériel, aussi minime soit-il.

La question se pose de savoir quelle va être la conséquence si l’auteur de l’infraction


obstacle atteint effectivement le résultat recherché. En pareil cas, plusieurs
situations doivent être distinguées :

- l’infraction obstacle disparaît car elle est absorbée par l’infraction qu’elle
avait pour objet de préparer : ainsi, le complot est absorbé par l’attentat.
- les deux infractions sont constituées : les menaces et les violences.
- l’infraction obstacle devient une circonstance aggravante de l’infraction
réalisée in fine : la conduite en état alcoolique est une circonstance aggravante de
l’homicide involontaire.

Après un chapitre deux consacré à l’élément matériel de l’infraction, nous allons,


dans le dernier chapitre de ce titre aborder l’élément moral.
CHAPITRE III
L’ELEMENT MORAL

Pour pouvoir appréhender la notion d’infraction, il faut savoir ce qu’a voulu l’agent.
Savoir ce qu’a voulu l’agent est étudié dans le cadre de l’élément moral de l’infraction
que l’on appelle également “élément psychologique”. En effet, un élément moral est
nécessaire pour que l’infraction soit constituée. La responsabilité de l’agent nécessite
la réunion de deux éléments : l’imputabilité et la culpabilité. L’imputabilité est
constituée dès lors que l’agent ne bénéficie d’aucune cause de non-imputabilité
(démence). Ainsi, il y a imputabilité si l’agent dispose de la capacité de répondre de
l’infraction. Pour que la culpabilité de l’auteur de l’infraction puisse être retenue, il est
nécessaire qu’il ait commis une faute pénale, c’est-à-dire un manquement à un
devoir.

Section I) La volonté, condition de l’imputabilité de l’infraction

En général, les individus disposent de toutes leurs facultés mentales. Ils sont donc
responsables. L’imputabilité constitue donc la règle. Mais, parfois, la volonté n’est pas
saine ou n’est pas libre ce qui fait alors disparaître l’imputabilité. L’absence
d’imputabilité est caractérisée en cas d’absence de volonté saine, en cas d’absence
de volonté libre et en cas d’erreur.

Paragraphe I) L’absence de volonté saine

Cette absence de volonté saine résulte soit de causes naturelles, soit de causes
accidentelles.

A) Les causes naturelles

Les causes naturelles sont de nature physiologique. On peut, en effet, se demander si


une volonté saine existe chez la personne âgée, le jeune, la femme. La sénilité et la
féminité ne constituent pas des causes de non-imputabilité. Désormais, seul le
mineur bénéficie d’une cause de non-imputabilité. C’est ce qu’il résulte de
l’ordonnance du 2 février 1945. En effet, le nouveau Code pénal ne comporte qu’un
article 122-8 relatif à la minorité, aux termes duquel « Les mineurs capables de
discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions
dont ils ont été reconnus coupables, dans les conditions fixées par une loi particulière
qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation
dont ils peuvent faire l’objet. Cette loi détermine également les sanctions éducatives
qui peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans ainsi que les
peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de 13 à 18 ans, en tenant
compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge ».
Et la loi spéciale à laquelle il est fait référence dans l’article 122-8 NCP est
justement l’ordonnance de 1945. Depuis la loi du 9 septembre 2002, seul l’infans,
incapable de discernement est pénalement irresponsable, quel que soit son âge. Il ne
peut alors que faire éventuellement l’objet d’une mesure d’assistance éducative si
l’acte met en lumière une insuffisance éducative de sa famille (dans les conditions
prévues par le Code civil). En revanche, les mineurs discernants sont pénalement
responsables, mais bénéficient d’une atténuation de leur responsabilité en fonction de
leur âge.

1) Le mineur de moins de 10 ans

Selon l’article L. 11-1 issu de l’Ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019


portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs : « Lorsqu'ils sont
capables de discernement, les mineurs, au sens de l'article 388 du code civil, sont
pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus
coupables. Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables
de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être
capables de discernement. »

Aucune peine ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur de moins de treize
ans.

Selon l’article 122-8 du Code pénal, « Les mineurs capables de discernement sont
pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été
reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine
les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils
peuvent faire l’objet. Cette loi détermine également les sanctions éducatives qui
peuvent être prononcées à l’encontre des mineurs de dix à dix-huit ans ainsi que les
peines auxquelles peuvent être condamnés les mineurs de treize à dix- huit ans, en
tenant compte de l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur
âge ».

Le régime de la responsabilité pénale des mineurs dépend de l’âge du délinquant :

2) Les mineurs de 13 ans

S’agissant des mineurs de 13 ans qui sont jugés capables de discernement, le juge
des enfants ou le tribunal pour enfants ne peuvent prononcer que des mesures
éducatives telles que prévues par l’article 15 de l’ordonnance du 2 février 1945
(remise de l’enfant à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou
à une personne digne de confiance ; placement dans une institution ou un
établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité ;
placement dans un établissement médical ou médico- pédagogique habilité ; remise
au service de l’assistance à l’enfance ; placement dans un internat approprié aux
mineurs délinquants d’âge scolaire ; mesure d’activité de jour, dans les conditions
définies à l’article 16 ter).

3) Les mineurs de 13 à 16 ans

Quant aux mineurs de 13 à 16 ans, si ceux-ci doivent en principe faire l’objet de


mesures éducatives telles que prévues par l’article 16 de l’ordonnance du 2 février
1945, les juridictions pour mineurs peuvent prononcer une condamnation pénale « si
les circonstances ou la personnalité du mineur » l’exigent. Ils encourent alors les
peines d’emprisonnement et/ou d’amende prévues pour les majeurs, sous réserve de
l’application obligatoire de ce que l’on appelait auparavant l’excuse atténuante de
minorité, laquelle entraîne une diminution de moitié des peines privatives de liberté
et d’amende encourues, étant précisé, d’une part, que si la peine encourue est la
réclusion criminelle à perpétuité, sa durée doit être ramenée à vingt ans (article 20-
2, al. 1er), et d’autre part, que s’agissant de l’amende, son montant ne peut en toute
hypothèse dépasser 7.500 € (article 20-3).

4) Les mineurs de plus de 16 ans

En ce qui concerne les mineurs de plus de 16 ans, s’ils peuvent faire l’objet de
condamnations pénales dans les mêmes conditions que les mineurs de 13 à 16 ans,
la juridiction de jugement peut écarter l’excuse de minorité parce que les
circonstances de l’espèce et la personnalité du mineur le justifient. Lorsqu’elle est
prise par le tribunal des enfants, la décision de ne pas faire bénéficier le mineur de
l’atténuation de peine doit être spécialement motivée (article 20-2). Devant la cour
d’assises, l’exclusion de l’excuse de minorité fait l’objet d’une question spéciale posée
à la cour et au jury (article 20).

B) Les causes pathologiques ou accidentelles

Cette question est envisagée par l’article 122-1 NCP. Aux termes de cet article,
« n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des
faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le
contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou
neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes
demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance
lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ».

Si l’on compare le Code pénal de 1810 et le nouveau Code pénal, on observe que la
notion de démence a été remplacée par celle de troubles psychiques ou
neuropsychiques.

• Sur le plan historique, on explique l’irresponsabilité pénale du dément de


deux façons une peine serait inutile car elle n’aurait ni d’effet d’intimidation
ni d’effet curatif.

• la responsabilité pénale suppose l’imputabilité donc le libre-arbitre. Or, la


démence supprime le libre-arbitre.

Pour aborder la démence, nous distinguerons deux points respectivement envisagés


par l’alinéa 1 et l’alinéa 2 de l’article 122-1 NCP : l’abolition du discernement et sa
simple altération.

1) L’abolition du discernement

Dans le cadre de l’abolition du discernement nous allons successivement distinguer


ses conditions, sa preuve et ses effets.

a) Les conditions de l’irresponsabilité du dément

Il résulte de l’article 122-1 NCP que l’agent peut bénéficier de cette cause
d’irresponsabilité pénale à trois conditions : qu’il soit atteint de troubles psychiques
ou neuropsychiques, que ces troubles aient aboli son discernement et que ces
troubles soient contemporains de l’infraction.

• Des troubles psychiques ou neuropsychiques

Sous l’empire de l’ancien Code pénal, le législateur employait le terme de


« démence ». Aujourd’hui, lui est substitué celui de “troubles psychiques ou
neuropsychiques” qui apparaît comme étant plus large. Par cette expression, le
législateur entend viser toutes les formes de troubles mentaux quelle que soit leur
origine ou leur nature. Ainsi, l’agent peut être atteint d’un traumatisme psychique,
d’une lésion accidentelle, d’une maladie comme le somnambulisme ou la
kleptomanie. En outre, le trouble peut résulter d’une intoxication volontaire ou
involontaire due à l’alcool ou à l’usage de stupéfiants, puisque l’article 122-1 NCP ne
distingue pas selon l’origine du trouble. Dans toutes ces hypothèses, le trouble ne
pourra être retenu que s’il présente une gravité importante et entraîne une
disparition du libre arbitre.

Mais, en outre, les troubles doivent avoir aboli le discernement de l’individu.


• Des troubles abolissant le discernement

Il résulte de l’article 122-1 NCP que les troubles doivent avoir aboli le discernement
ou entravé le contrôle des actes de l’agent. Il est donc nécessaire que l’individu ait
perdu la capacité de comprendre ou celle de vouloir, c’est-à-dire de contrôler ses
actes. Tel est, notamment, le cas dans l’hypothèse d’une psychose, d’un delirium
tremens, d’une crise d’épilepsie, d’un délire toxicomaniaque…
Mais, outre l’abolition du discernement, le trouble doit être contemporain de
l’infraction.

• Des troubles contemporains de l’infraction

Il est nécessaire de se placer au jour de l’infraction pour rechercher l’existence ou


l’absence de libre-arbitre. En effet, c’est au moment de la commission de l’infraction
que s’apprécie la responsabilité ou l’irresponsabilité pénale. Mais, outre cet aspect
temporel qui pose un problème de preuve, cette condition inclut également un
rapport de causalité entre le trouble et l’infraction. La nature du trouble mental doit
être en relation avec l’infraction. Ainsi, un kleptomane ne pourrait pas être justifié s’il
commettait une autre infraction que le vol.

La question se pose, cependant, de savoir quelles vont être les conséquences du


trouble mental qui ne se produirait pas au moment de la commission des faits. Pour
répondre à cette question, plusieurs cas sont à distinguer :
• Si le trouble est antérieur à l’infraction mais que l’individu a agi dans un
intervalle lucite, il pourra être déclaré responsable.

• Si le trouble survient après la commission de l’infraction, il faut distinguer


suivant que le trouble survient avant ou après le jugement :

• Avant le jugement, l’auteur pour des raisons d’incapacité pénale ne sera


pas jugé.

• Après le jugement, l’auteur n’appliquera pas sa peine.

b) La preuve de l’irresponsabilité du dément

L’existence d’un trouble mental constituant une cause de non-imputabilité, celle-ci


n’est jamais présumée. Elle doit être prouvée par celui qui l’invoque. Et, cette preuve
résulte, concrètement, d’une expertise médicale. Cette expertise est d’ailleurs
obligatoire en matière criminelle. Précisons, ici que les juges ne sont pas liés par les
conclusions des experts. Cependant, dans la plupart des cas, ils entérinent les
conclusions du rapport d’expertise. Sachez, cependant, que les troubles mentaux
sont très rarement admis au titre des causes d’irresponsabilité pénale. Tout au plus,
cette cause d’irresponsabilité pénale concerne quelques décisions par an au plan
national.

Lorsque l’on estime que le trouble a aboli le discernement de l’individu, quels vont en
être les effets ?

c) Les conséquences de l’irresponsabilité du dément

L’irresponsabilité du dément entraîne des conséquences, tant au plan pénal qu’au


plan civil.
Sur le plan pénal, les conséquences de l’irresponsabilité du dément sont assez
simples. L’individu ayant bénéficié de cette cause de non-imputabilité ne pourra pas
être condamné à une peine. Cependant, on doit procéder à une distinction suivant le
stade d’avancement de l’affaire. En outre, la loi du 25 février 2008 permet de
prononcer à l’encontre du malade mental certaines mesures.

• avant l’ouverture de l’instruction, si la folie ne fait aucun doute, on peut


procéder à un classement sans suite. Cette situation est, cependant,
exceptionnelle.

• au cours de l’instruction, si l’existence des troubles psychiques ou


neuropsychiques apparaît clairement, le juge d’instruction peut rendre une
ordonnance ne retenant pas la responsabilité pénale de la personne mise en
examen (ancien non-lieu). Cette situation est, elle aussi, peu fréquente. En la
matière, la loi du 25 février 2008, a entraîné des modifications, motivées par
le fait qu’une ordonnance de non-lieu constituait une souffrance pour la
victime. Désormais, le nouvel article 706-119 CPP détermine la procédure
que doit respecter le juge d’instruction s’il estime que l’article 122-1 al. 1er
NCP est applicable. Ainsi, lorsque l’information est terminée, le juge
d’instruction en avise le Procureur de la République lors de la communication
du dossier et les parties. Le parquet et les parties doivent alors indiquer dans
leurs réquisitions et observations s’ils demandent la saisine de la chambre de
l’instruction afin qu’elle statue sur l’irresponsabilité pénale pour cause de
trouble mental. A partir de là, deux possibilités : si la transmission du dossier
n’est pas effectuée, le juge d’instruction rend une ordonnance
d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui va mettre fin à la
détention provisoire. En pratique, cette ordonnance précise qu’ « il existe des
charges suffisantes établissant que l’intéressé a commis les faits qui lui sont
reprochés ». Et, cette ordonnance d’irresponsabilité pénale peut faire l’objet
d’un appel. Si la chambre de l’instruction est saisie, l’article 706-122 CPP
instaure une audience mettant en présence la personne mise en examen, la
défense, les parties civiles, les témoins et les experts. La comparution de la
personne mise en examen peut être ordonnée par le président de la chambre
de l’instruction ou demande par le mis en examen. Cependant le président
n’acceptera cette comparution que si l’état de santé du mis en examen le
permet. A partir de là, la chambre de l’instruction peut rendre trois types de
décisions : tout d’abord, si la chambre de l’instruction estime qu’il n’existe
pas de charges suffisantes, elle peut déclarer n’y avoir pas lieu à suivre.
Ensuite, si la chambre de l’instruction estime qu’il existe des charges
suffisantes mais que l’article 122-1 al. 1er NCP n’est pas applicable, elle va
renvoyer la personne mise en examen devant la juridiction compétente.
Enfin, si la chambre de l’instruction estime qu’il existe des charges
suffisantes et que l’article 122-1 al. 1er NCP est applicable, elle va rendre un
arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale.

• dans la majorité des cas, l’affaire est renvoyée devant la juridiction de


jugement. En la matière, la loi du 25 février 2008 a également introduit des
modifications. Devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel, le
dément sera plus relaxé. Désormais, l’article 706-133 CPP prévoit que le
tribunal correctionnel rend un jugement de déclaration d’irresponsabilité
pénale pour cause de trouble mental. Devant la Cour d’assises, le dément ne
bénéficie plus d’un arrêt d’acquittement. Désormais, l’article 706-129 CPP
dispose que le président de la Cour d’assises prononce un arrêt portant
déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, après que
les jurés ont répondu positivement à la première question relative à la
commission des faits.

• La question se pose du devenir de cet individu irresponsable pénalement.


Il convient ici de faire la distinction entre l’aspect médical et l’aspect
judiciaire.

Sur le plan médical, l’article 706-135 CPP dispose que « Sans préjudice de
l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque
la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un
jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle
peut ordonner, par décision motivée, l'admission en soins psychiatriques de la
personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement
mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise
psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de
l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou
portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'Etat dans le
département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette
décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en
soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du même
code », c’est-à-dire le régime des hospitalisations d’office.

Ainsi, l’hospitalisation d’office peut désormais relever de l’autorité judiciaire, et non


de la seule autorité administrative.

En outre, l’article L. 3213-7 du Code de la santé publique, issu de la loi du 5 juillet


2011, dispose que :
« Lorsque les autorités judiciaires estiment que l'état mental d'une personne qui a
bénéficié … d'un classement sans suite …, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou
d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale nécessite des soins et
compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l'ordre
public, elles avisent immédiatement la commission mentionnée à l’article L. 3222-5
du présent code (commission départementale des soins psychiatriques) ainsi que le
représentant de l’Etat dans le département, qui ordonne sans délai la production d’un
certificat médical circonstancié portant sur l’état actuel du malade. Au vu de ce
certificat, il peut prononcer une mesure d’admission en soins psychiatriques… ».

Ainsi, l’individu ayant échappé à l’emprise de la loi pénale va être interné par
l’autorité administrative, c’est-à-dire par le Préfet qui utilisera la procédure de
l’hospitalisation d’office. L’individu interné sera alors traité de la même manière que
s’il n’avait pas commis d’infraction. Et, les personnes déclarées pénalement
irresponsables sont mélangées dans les hôpitaux psychiques au reste de la
population internée.

En outre, l’article L. 3213-8 du Code de la santé publique précise que « Le


représentant de l'Etat dans le département ne peut décider de mettre fin à une
mesure de soins psychiatriques qu'après avis du collège mentionné à l'article L.
3211-9 ainsi qu'après deux avis concordants sur l'état mental du patient émis par
deux psychiatres :
1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet d'une hospitalisation ordonnée en
application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure
pénale ;
2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l'objet, pendant une durée fixée par décret
en Conseil d'Etat, d'une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles …».

Ces deux décisions résultant de deux examens séparés et concordants doivent établir
que l'intéressé n'est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui ».

Sur le plan judiciaire, l’article 706-136 CPP, issu de la loi du 25 février 2008,
dispose que « Lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement
prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause
de trouble mental, elle peut ordonner à l'encontre de la personne les mesures de
sûreté suivantes, pendant une durée qu'elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en
matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un
délit puni de dix ans d'emprisonnement :
1° Interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines
personnes ou catégories de personnes, et notamment les mineurs, spécialement
désignées ;
2° Interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ; 3° Interdiction de
détenir ou de porter une arme ;
4° Interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole spécialement
désignée, dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été
commise ou impliquant un contact habituel avec les mineurs, sans faire
préalablement l'objet d'un examen psychiatrique déclarant la personne apte à
exercer cette activité ;
5° Suspension du permis de conduire ;
6° Annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un
nouveau permis.
Ces interdictions, qui ne peuvent être prononcées qu'après une expertise
psychiatrique, ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est
susceptible de faire l'objet ».

Et, pour la Cour de cassation, les mesures énoncées par l’article 706-136 NCP,
constituent des mesures de sureté et sont donc d’application immédiate (Crim., 16
déc. 2009, Juris-Data n° 2009-050798). Cette décision constitue un revirement de
jurisprudence par rapport à la décision rendue le 21 janvier 2009 (Crim., 21 janv.
2009, D. 2009, p. 1111).

Sur le plan, civil, en application de l’article 414-3 Code civil, « Celui qui a causé
un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas
moins obligé à réparation ». Ainsi, le dément demeure responsable. Il sera donc tenu
d’indemniser la victime de l’infraction, voire ses ayants droit.

Après avoir envisagé la question de l’abolition du discernement, nous allons nous


intéresser à sa simple altération.

2) L’altération du discernement

La question de l’altération du discernement est envisagée par l’alinéa 2 de l’article


122-1 NCP. Cet alinéa légalise les pratiques jurisprudentielles antérieures.

En pratique, la difficulté qui se pose est de savoir quels sont les troubles susceptibles
d’altérer le discernement. Et, la frontière est difficile à établir entre le trouble
abolissant le discernement et celui qui ne fait que l’altérer. De même, il est difficile
de distinguer l’individu normal de l’anormal. Tel est essentiellement le cas en ce qui
concerne les intoxications volontaires, lorsque celles-ci n’entraînent pas une abolition
du discernement. Dans ce cas, les auteurs s’accordent à penser que l’individu qui
absorbe de l’alcool ou des produits stupéfiants ne devrait pas pouvoir bénéficier d’une
atténuation de sa responsabilité dans la mesure où le législateur incrimine tant
l’usage de stupéfiants que la conduite en état d’ivresse.

Il semble que certains troubles mentaux peuvent entrer dans la catégorie de ceux qui
altèrent le discernement. Tel est le cas pour l’individu débile moyen. Tel est
également le cas pour certaines névroses. Cependant, depuis l’entrée en vigueur du
nouveau Code pénal, très peu de décisions publiées traitent de cette question. Dans
un arrêt récent, la Cour d’appel de Paris a admis la responsabilité atténuée dans une
affaire où la personne poursuivie était en traitement pour schizophrénie au moment
des faits et n’était pas totalement inconsciente de ce qui se passait et de ce qu’elle
faisait mais ne se maîtrisait pas (Paris, 21 mai 1996, Droit pénal 1996, n° 240).

Le dernier point à envisager est celui de savoir quelle est l’incidence de l’article 122-1
al. 2 NCP ? Cet alinéa précise que la personne demeure punissable. Ainsi, la personne
sera déclarée pénalement responsable. Cependant, dans ce cas, la juridiction de
jugement doit tenir compte du trouble pour déterminer la peine et en fixer le régime
d’exécution. Ainsi, cet alinéa consacre une atténuation de responsabilité. Cependant,
le texte ne prévoit pas quel est l’effet quantitatif de cette atténuation. Les seules
limites à respecter sont les planchers fixés par les articles 132-18 NCP (2 ans lorsque
la peine encourue est la RCP, 1 an lorsque la peine encourue est la réclusion
criminelle à temps) et 132-18-1 introduits par la loi du 10 août 2007 pour les crimes
commis en état de récidive légale (5, 7, 10 ou 15 ans).
En outre, dans un arrêt intéressant, la jurisprudence a précisé que les dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 122-1 NCP, permettant au juge de prononcer une peine
inférieure à la peine minimale en cas de récidive, s’appliquent même lorsque les faits
ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale (Crim., 6 nov. 2012, Droit
pénal 2013, com., 33).

En conclusion sur les troubles psychiques ou neuropsychiques, il convient de préciser


que cette question suscite aujourd’hui des réflexions. D’ailleurs, l’ancien Président de
la République avait demandé à la Garde des Sceaux, Rachida DATI, de faire des
propositions sur cette question allant dans le sens d’un procès systématique pour les
auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux.
Après avoir abordé la minorité et la démence, nous allons étudier la contrainte.

Paragraphe II) L’absence de volonté libre

La contrainte constitue en droit pénal français une cause de non-imputabilité


susceptible de s’appliquer à toutes les infractions. Désormais, cette cause de non-
imputabilité est visée par l’article 122-2 du nouveau Code pénal aux termes duquel
“n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou
d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister”. La jurisprudence relative à la
contrainte a tout lieu d’être maintenue dans la mesure où le nouveau Code pénal
reprend les dispositions légales antérieurement contenues dans l’article 64 en les
formulant quelque peu différemment.

Il convient de distinguer l’origine de la contrainte, ses caractères et ses effets.

A) L’origine de la force contraignante

La contrainte devrait continuer de se présenter sous deux formes. Il s’agira d’une


contrainte physique lorsqu’elle agira sur le corps de l’agent et d’une contrainte
morale, dès lors qu’elle pèsera sur son esprit.
1) La contrainte physique

On distingue la contrainte physique interne et externe.

a) La contrainte physique externe

Elle peut être provoquée par une force brutale de la nature (banni rejeté par la
tempête sur les côtes de France et qui commet le délit de rupture de ban), soit par le
fait des animaux (délit forestier commis par un berger dont le troupeau poursuivi par
des loups s’est sauvé dans un bois et à détruit des arbres), soit par le fait de
l’homme (gardien de prison séquestré qui ne peut pas empêcher l’évasion de
prisonniers).

La contrainte physique externe est assez fréquemment retenue en jurisprudence et


permet de bénéficier d’une cause de non-imputabilité.

En jurisprudence, la contrainte physique externe est fréquemment retenue dans le


cadre des infractions d’omission : jurés qui ne se présentent pas à la session de la
Cour d’assises à cause d’inondations…

b) La contrainte physique interne

La jurisprudence a parfois retenu au titre des causes de non-imputabilité la contrainte


physique interne. Ainsi, la maladie de l’agent l’empêchant de se présenter à une
visite médicale a parfois permis d’échapper à la condamnation. De même, la
jurisprudence a retenu la contrainte physique interne pour un voyageur poursuivi
pour avoir dépassé la station pour laquelle il avait pris son billet, alors qu’il s’est
endormi sous l’effet d’une grande fatigue. D’une manière générale, la contrainte
physique interne est souvent invoquée en matière d’infractions routières. La
contrainte physique interne se réfère alors à la maladie ou à l’état de santé du
conducteur poursuivi. Ainsi, la chambre criminelle a considéré que n’est pas
pénalement responsable le conducteur qui perd le contrôle du véhicule à la suite d’un
malaise brutal et imprévisible (Crim., 15 nov. 2005, Droit pénal 2006, com., 32). En
revanche, dans un arrêt moins dramatique, la même juridiction a estimé que « doit
être censurée la décision qui renvoie des fins de la poursuite pour stationnement
irrégulier de son véhicule une femme enceinte de huit mois prise d’un malaise, car
elle ne précise pas en quoi cette défaillance physique l’avait placée dans
l’impossibilité absolue de se conformer à la loi » (Crim., 15 nov. 2006, Droit pénal
2007, com., 16). En outre, pour la jurisprudence, l’état de santé invoqué par le
prévenu ne peut être antérieur à la commission de l’infraction (Crim., 28 oct. 2009,
Droit pénal 2009, com. 4).

En revanche, dans certaines hypothèses, la jurisprudence a rejeté la contrainte


physique interne. En pratique, la contrainte physique interne constitue rarement une
cause d’exonération.

Outre la contrainte physique, il convient d’aborder la contrainte morale.

2) La contrainte morale

La contrainte morale correspond à l’hypothèse dans laquelle l’agent a commis une


infraction sous la pression d’un sentiment de peur, par crainte. De même que pour la
contrainte physique, on distingue la contrainte morale interne et la contrainte morale
externe.

a) La contrainte morale externe

La contrainte morale externe ne doit pas être confondue avec l’état de nécessité.
Il y a contrainte morale externe “lorsque l’agent voit sa liberté abolie par crainte d’un
mal imminent” (W. Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien, n° 361). Pourtant,
certaines décisions de jurisprudence continuent de confondre état de nécessité et
contrainte morale externe (Dijon, 19 déc., 1984, Gaz. Pal, 1985, 1, 256).

La contrainte morale externe est très rarement retenue en jurisprudence. A titre


d’exemple, nous pouvons citer l’arrêt Genty (Crim., 20 janv. 1934, S. 1935, 1, 138)
qui a considéré comme coupable d’intelligence avec l’ennemi un paysan surpris en
temps de guerre avec l’ennemi et qui acceptait, ses compagnons étant menacés
d’exécution, d’indiquer si un village voisin était occupé par les troupes françaises.
Depuis, la jurisprudence de la Chambre criminelle a parfois été plus favorable aux
personnes poursuivies (Crim., 26 févr. 1959, D. 1959, 1, 301).

Si la contrainte morale externe est parfois retenue par la jurisprudence, il en va


différemment de la contrainte morale interne.

b) La contrainte morale interne

Elle consiste dans une violente colère ou une fatigue qui conduit à la commission de
l’infraction.

La contrainte morale interne résulte des passions et des émotions du délinquant.

Elle n’est pas retenue par la jurisprudence. On peut, cependant, s’interroger sur le
point de savoir si, dans cette hypothèse, on ne pourrait pas retenir l’article 122-1
alinéa 2 du nouveau Code pénal qui consacre l’altération du discernement.

Lorsque l’on aborde la contrainte morale interne, on cite généralement l’affaire Silice
(Crim., 11 avril 1908, S. 1909, 1, 473, note Roux) dans laquelle la femme d’un
médecin militaire, craignant la mise à la retraite anticipée de son époux, avait écrit
une lettre d’injures au ministre de la guerre.

Les auteurs ont critiqué le refus par la jurisprudence de retenir la contrainte morale
interne, arguant du fait que l’article 64 du Code pénal de 1810 ne semblait pas
l’exclure. Ces remarques pourraient être transposées aux dispositions du nouveau
Code pénal.

Outre l’origine de la force contraignante, il est nécessaire d’aborder ses caractères.

B) Les caractères de la force contraignante

La contrainte doit être irrésistible, imprévisible et ne doit pas résulter d’une faute
antérieure de l’agent.

Cette condition d’irrésistibilité figure dans la loi elle-même puisque l’article 122-2 NCP
parle d’une contrainte à laquelle le prévenu “n’a pu résister”.
• La question s’est posée de savoir si cette irrésistibilité devait être
appréciée in concreto ou, au contraire, in abstracto. La jurisprudence
a retenu l’appréciation in abstracto.

La doctrine a critiqué sévèrement la jurisprudence qui apprécie l’irrésistibilité in


abstracto, alors que la lettre du Code pénal fait pencher en faveur d’une appréciation
in concreto. A la suite de ces critiques, certaines décisions ont apprécié l’irrésistibilité
de la contrainte in concreto. Tel a été le cas en matière de non-représentation
d’enfant dès lors que l’âge du mineur le rendait rebelle à toutes les injonctions
(Crim., 14 mars 1972, J.C.P., 1973, II, 17405, note M.A.). Néanmoins, l’arrêt Rozoff
qui consacre l’appréciation in abstracto constitue un arrêt de principe (Crim., 8 févr.
1936, D.P., 1936, 1, 44, note Donnedieu de Vabres : dans cette affaire, ROZOFF,
poursuivi pour infraction à un arrêté d’expulsion, invoquait qu’il avait été dans
l’impossibilité de se conformer à cet arrêté, au motif qu’il avait été successivement
refoulé sur le territoire français, par les gouvernements de tous les pays limitrophes.
La Cour de cassation a considéré que Rozoff ne démontrait pas qu’il se trouvait dans
l’impossibilité absolue de quitter le territoire français). Cette jurisprudence demeure
applicable comme le montre un arrêt plus récent (Crim., 6 janv. 1970, Bull. crim., n°
11). L’attendu de principe de cet arrêt est sans ambiguïté : la force majeure est un
“événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n’a pu ni
prévenir ni conjurer”. Cette jurisprudence semble devoir être maintenue avec le
nouveau Code pénal.

• La contrainte physique doit être imprévisible. Cette condition a été


transposée du droit civil au droit pénal.

L’arrêt fondamental en la matière est l’arrêt Trémintin du 29 janv. 1921 (S. 1922, 1,
185, note Roux) qui a approuvé la condamnation pour désertion d’un marin qui
n’avait pas pu embarquer parce qu’il avait été retenu pour ivresse au poste de police.
On confond ici l’imputabilité de la faute antérieure avec l’imputabilité de l’infraction.
Un arrêt similaire confirme cette jurisprudence (Crim., 6 mai 1970, Bull. crim., n°
154). En pratique, l’exigence de l’imprévisibilité de la contrainte tend à limiter les
hypothèses dans lesquelles le prévenu sera relaxé. Ainsi, ont été condamnés le
conducteur d’un véhicule ayant provoqué un accident alors qu’il se savait atteint de
troubles pathologiques (Crim., 8 mai 1974, Bull. crim., n° 165), la conductrice
souffrant d’hypotension et ayant été à l’origine d’une collision (Crim., 12 févr. 1976,
Bull. crim., n° 57), l’automobiliste ayant dérapé sur une plaque de verglas (Crim., 14
oct. 1959, Bull. crim., n° 432).

Mais, la contrainte doit revêtir une troisième condition. En effet, la contrainte ne doit
pas résulter d’une faute antérieure de l’agent. De nombreux arrêts ont refusé de
retenir la contrainte dans la mesure où le prévenu était responsable de la situation
dans laquelle il s’était trouvé ultérieurement. Ainsi, une immobilisation irrégulière de
véhicule ne peut pas être justifiée si elle résulte d’un entretien non correct du
véhicule (Crim., 4 décembre 1958, D. 1959, 36). De même un automobiliste sera
déclaré responsable d’un accident causé au cours d’un malaise s’il ne s’est pas soigné
alors qu’il connaissait son état (Paris, 27 mai 1970, R.S.C. 1971, 119).

Cette condition dégagée par la jurisprudence sous l’empire du Code pénal de 1810
était fortement critiquée par la doctrine. Pourtant, le nouveau Code pénal n’a pas
modifié les dispositions relatives à la contrainte.

C) Les effets de la force contraignante


Les effets de la contrainte, lorsque celle-ci est établie, sont extrêmement étendus. En
effet, l’article 122-2 NCP dispose qu’en cas de contrainte, la personne “n’est pas
pénalement responsable”.

Cela signifie donc que la contrainte emporte impunité totale de la personne


poursuivie. Ainsi, l’intéressé, suivant le stade d’avancement de la procédure va
pouvoir bénéficier d’un classement sans suite, d’un non-lieu ou d’une relaxe.

De surcroît, la reconnaissance de la contrainte va faire obstacle à toute responsabilité


civile à l’égard des victimes de l’infraction. En effet, l’acte commis ne constituant pas
une faute, il ne peut engager la responsabilité pour faute de son auteur. Il ne peut
pas non plus engager sa responsabilité sans faute puisque la contrainte présente les
caractères de la force majeure civile et que cette dernière exclut la responsabilité
civile sans faute.

La contrainte fait aussi échapper la personne aux frais du procès.

Après avoir abordé la minorité, la démence et la contrainte, nous allons envisager la


dernière cause de non-imputabilité : l’erreur.

Paragraphe III) L’erreur

Sous l’empire du Code pénal de 1810, la doctrine s’était interrogée sur le point de
savoir si, dans le silence de l’article 64, la méprise de l’agent pouvait constituer une
cause de non-imputabilité. Une telle position était concevable puisque les lois
favorables à la personne poursuivie peuvent faire l’objet d’une interprétation
extensive en jurisprudence. Désormais, l’erreur est envisagée par l’article 122-3 NCP
selon lequel “n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par
une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement
accomplir l’acte”. Il semble que l’erreur de droit constitue une cause de non-
imputabilité d’application très peu fréquente. En effet, on fait application en droit
français du principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. C’est la raison pour
laquelle l’article 122-3 NCP pose des conditions très restrictives.

A) Le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi

Cette présomption générale de connaissance du droit était déjà reconnue au 19ème


siècle. Cette présomption a pour conséquence d’empêcher l’auteur d’une infraction
d’échapper à la répression s’il invoque sa méconnaissance des textes en vigueur.

Cette présomption de connaissance du droit est générale. Elle concerne donc les
textes réprimant les crimes, les délits et les contraventions. Et, cette présomption de
connaissance du droit concerne tant les nationaux que les étrangers.

Cependant, il ne fait aucun doute que cette présomption de connaissance du droit


repose en fait sur une fiction juridique. En effet, en raison de l’inflation législative, il
n’est pas possible de connaître toutes les règles de droit.

En dépit de cette présomption de connaissance du droit, l’erreur de droit est admise


sous certaines conditions. En fait, l’ignorance de la loi ne peut être un fait justificatif
que si elle est excusable. Tel n’est pas le cas en ce qui concerne l’interdiction du port
d’une arme qui est connue de tous par l’instruction civique (Grenoble, 16 nov. 1996,
Droit pénal 1997, com. 92).

B) Les conditions de l’erreur de droit


Pour que l’erreur de droit puisse être retenue, elle doit remplir trois conditions
cumulatives : elle doit porter sur une règle de droit, être inévitable et celui qui l’a
commise doit avoir cru dans la légitimité de l’acte.

1) Une erreur sur une règle de droit

L’erreur retenue au titre de l’article 122-3 NCP doit porter sur une règle de droit. Il
convient donc de ne pas confondre l’erreur de droit avec l’erreur de fait. Mais, en
outre, quelles sont les règles de droit sur lesquelles l’erreur peut porter ?

a) La notion d’erreur de fait et d’erreur de droit

L’erreur de droit peut être définie comme celle dans laquelle l’auteur méconnaît les
règles applicables ou leur portée. Dans l’erreur de fait, l’agent se représente le droit
applicable mais se trompe sur la matérialité de l’acte qu’il commet. En effet, il ne se
rend pas compte que l’acte réalisé constitue un comportement pénalement
répréhensible.

L’erreur de fait ne constitue pas une cause d’irresponsabilité pénale puisqu’elle n’est
pas visée par l’article 122-3 NCP. Cependant, elle est susceptible de produire certains
effets dans le cadre des infractions intentionnelles. En revanche, elle est sans
incidence en matière d’infractions non intentionnelles. Dans le cadre des infractions
intentionnelles, l’erreur de fait fait disparaître l’infraction lorsqu’elle supprime
l’intention : ainsi, ne commet pas un vol celui qui prend un bien en croyant en être
propriétaire alors que le bien appartient à autrui. En revanche, dans les autres cas,
l’erreur de fait est indifférente.

b) La règle de droit sur laquelle porte l’erreur

Dans la mesure où l’article 122-3 NCP ne fait aucune distinction, l’erreur peut porter
sur n’importe quelle règle de droit. Il peut donc s’agir d’un texte pénal (loi ou
règlement) ou d’un texte non pénal. Ainsi, pour écarter l’infraction de vol, les
tribunaux retiennent parfois l’ignorance de l’article 716 CC selon lequel lorsqu’un
trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à son inventeur et
pour l’autre moitié au propriétaire du fonds. De même, pour écarter la bigamie, les
tribunaux ont parfois retenu que les époux pensaient légitimement être divorcés.

Lorsque l’erreur de droit porte sur une disposition pénale, elle peut porter sur une
infraction intentionnelle ou non intentionnelle. Cependant, en pratique, l’erreur de
droit est plus fréquemment invoquée dans le cadre des infractions non intentionnelles
et, plus spécifiquement dans les domaines techniques : droit de l’urbanisme, droit
des transports…

Mais, en outre, l’erreur commise doit être inévitable.

1) Une erreur inévitable

L’erreur de droit ne peut constituer une cause de non-imputabilité que si elle n’a pas
pu être évitée, c’est-à-dire si elle est inévitable, invincible. Cette condition tend à
faire de l’erreur de droit une cause d’irresponsabilité pénale exceptionnelle. Par
exemple, la Cour de cassation a considéré que « de part sa qualité de vice-président
du conseil général, le prévenu s’occupant depuis de nombreuses années de la
commission des routes, connaissait nécessairement les dispositions légales et
réglementaires en la matière et ne pouvait ignorer qu’il commettait des
manquements à ces dispositions ; qu’il n’est pas recevable à invoquer une erreur de
droit qu’il aurait commise dans l’interprétation des textes compte tenu de sa longue
expérience dans la passation des marchés publics ; qu’il ne pouvait ignorer que
l’opération reprochée constituait un manquement à la législation et l’erreur invoquée
ne présentait aucun caractère insurmontable » (Crim., 17 oct. 2007, Juris-Data n°
2007-041538).

Dans un domaine différent, la chambre criminelle a estimé que l’erreur de droit ne


saurait être admise au bénéfice d’officiers de police judiciaire ordonnant des fouilles à
corps dans des cadres procéduraux qui leur sont habituels (Crim., 9 avril 2013, Droit
pénal 2013, com., 106). Cela signifie qu’une personne poursuivie pénalement ne peut
se justifier par le biais de l’erreur de droit lorsque celle-ci a été commise dans
l’exercice habituel de son activité professionnelle.

Seuls deux exemples d’erreur de droit ont été invoqués lors des débats
parlementaires précédant l’adoption du nouveau Code pénal :

1er exemple : une information erronée fournie par une administration. Tel serait
le cas pour un licenciement irrégulier réalisé en respectant la procédure préconisée
par l’inspection du travail. Mais, dans ce cas, l’information obtenue ne doit pas
résulter d’un simple appel téléphonique. En matière d’information erronée, la doctrine
estime que si la fausse information émane d’une personne privée (même s’il s’agit
d’un professionnel : avocat, notaire…) elle ne peut pas constituer une erreur
invincible. Tel est le cas lorsque l’erreur émane d’un avoué en ce qui concerne
l’interprétation d’une décision de justice. Dans cette affaire, la Cour de cassation a
estimé que “tout risque d’erreur pouvait être évité par une demande d’interprétation
présentée à la juridiction compétente” (Crim., 11 oct. 1995, Droit pénal 1996, n°
56). En conséquence, l’erreur donnant lieu à irresponsabilité pénale ne peut émaner
que d’une autorité publique ou judiciaire. En outre, la jurisprudence estime qu’une
erreur sur l’interprétation de l’avis donné par une administration ou sur
l’interprétation d’une loi n’est ni invincible ni insurmontable dès lors qu’elle peut être
évitée par le recours aux lumières de juristes spécialisés ou à celles d’un inspecteur
du travail (Crim. 5 et 19 mars 1997, Droit pénal 1997, com. 107). Elle estime
également que l’appréciation de l’administration sur le caractère licite des objets ne
constitue pas une erreur de droit justifiant le recel de détention d’objets à caractère
pornographique en vue de leur diffusion (Crim., 9 juin 1999, Droit pénal 1999, com.
138). De même, la Cour de cassation a considéré que ne constituait pas une erreur
de droit l’erreur provenant d’une définition contenue dans un ouvrage de référence
(dictionnaire des médicaments définissant les médicaments vétérinaires) (Crim., 4
oct. 2011, Droit pénal 2011, n° 146).

En revanche, dans un arrêt récent, la chambre criminelle a estimé qu’était soumis à


une erreur de droit inévitable l’employeur qui applique à tort un accord professionnel
moins favorable que la loi mais conclu sous l’égide du gouvernement (Crim., 24 nov.
1998, Droit pénal 2000, com. 22).

2nd exemple : le défaut de publicité du texte. Tant que la loi ou le règlement


n’ont pas été publiés au J.O. ils ne sont pas applicables. En l’absence d’une telle
publication, l’erreur de droit ne se pose donc pas. Quelle est donc l’hypothèse visée
au titre du défaut de publicité ? En fait, deux cas semblent pouvoir être envisagés :
— 1er cas : certains textes assortis de sanctions pénales renvoient à des annexes
contenant des précisions techniques. C’est le défaut de publication de ces annexes
qui pourrait donner lieu à une erreur de droit.
— 2nd cas : l’erreur de droit pourrait porter sur un arrêté municipal qui n’aurait pas
fait l’objet d’un affichage.

Enfin, l’auteur de l’erreur doit avoir cru en la légitimité de l’acte.

2) Une croyance dans la légitimité de l’acte

L’erreur ne peut être admise que si la personne croyait dans la légitimité de l’acte
accompli. Tel est le cas lorsque l’auteur des faits pense que l’acte qu’il accomplit ne
constitue pas une infraction. En revanche, cette condition ne sera pas remplie si
l’auteur de l’acte a un doute sur la règle de droit applicable ou s’il croit que la règle
de droit ne justifie que partiellement ses actes.

Outre ses conditions, quels sont les effets de l’erreur de droit ?

C) Les effets de l’erreur de droit

La personne qui bénéficie de l’erreur de droit doit être déclarée pénalement


irresponsable. Cependant, seule la personne poursuivie peut invoquer le bénéfice de
l’erreur de droit. En conséquence, cette cause d’irresponsabilité pénale ne peut pas
être soulevée d’office par la juridiction de jugement (Crim., 15 nov. 1995, Droit pénal
1996, n° 56, 2° arrêt).

En revanche, l’erreur de droit ne permet pas d’échapper à sa responsabilité civile. En


effet, l’article 122-3 NCP n’atténue pas le caractère irréfragable de la présomption de
connaissance de la loi en matière civile. En raison des conditions restrictives
imposées par le législateur, on peut penser que l’erreur de droit sera très rarement
admise.

Après avoir abordé dans une 1ère section l’imputabilité, nous allons nous intéresser
dans une seconde section à la culpabilité, seconde composante de l’élément moral.

Section II) La faute, condition de culpabilité du délinquant

Pour que la culpabilité de l’agent puisse être reconnue, il est nécessaire que
l’infraction lui soit imputable et qu’il ait commis une faute. En cela, on se sépare
nettement du droit civil où la faute n’est pas nécessairement exigée pour que la
responsabilité civile soit engagée. Cependant, entre torturer quelqu’un et brûler un
feu de signalisation, la faute n’est, à l’évidence, pas la même. On assiste donc en
droit pénal à une gradation de la faute. Il y a des cas où l’agent a conscience d’agir
illicitement et désire le résultat de son action (torturer quelqu’un pour le tuer). On
appelle alors cela la faute intentionnelle. Cependant, il est aussi des cas dans lesquels
l’agent qui a ou non conscience d’agir illicitement ne recherche pas le résultat. Dans
cette hypothèse, on parle de faute non intentionnelle.

Dans le nouveau Code pénal, l’article 121-3 dispose depuis la loi du 10 juillet 2000
relative aux délits non intentionnels :
- al. 1er : “Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre”.

- al. 2 : “Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en


danger délibérée de la personne d’autrui”.

- al. 3 : “Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute


d’imprudence, de négligence ou de manquement délibéré à une obligation de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que
l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas
échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses
compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait”.

- al 4 : “Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui
n’ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas
pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est
établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une
particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer”.

- al. 5 : “Il n’y a point de contravention en cas de force majeure”.


Ainsi, entre la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle, le nouveau Code
pénal a intégré la mise en danger de la personne humaine. Il existe aussi un régime
spécifique applicable pour les contraventions. Ces quatre points seront abordés
successivement.

Paragraphe I) La faute intentionnelle

L’intention, c’est le fait de se proposer un certain but. En droit pénal, l’intention


criminelle, le dol criminel c’est une volonté tendue vers un but illicite. La notion
d’intention implique la recherche d’un résultat incriminé par la loi et la conscience
que ce résultat incriminé est illicite. De surcroît, il est nécessaire de savoir quelles
infractions sont de nature intentionnelle.

A) La recherche d’un résultat

On prend l’exemple de A qui veut tuer B. A, prend un revolver, tire et tue B : le


résultat déterminé et recherché s’est produit. C’est ce que l’on appelle le dol général.
Cette hypothèse de départ est la plus simple. Cependant, il existe des cas plus
complexes dans lesquels il existe une différence entre le résultat recherché et le
résultat atteint. En pratique, deux cas sont à distinguer :
• soit, le résultat atteint fait partie d’une gamme de résultat que l’agent a prévue
ou devait prévoir. On parle alors de dol indéterminé. Dans ce cas, le résultat
atteint est considéré comme étant le résultat recherché.

• soit, le résultat se produit en dehors de la gamme des résultats prévisibles. On


parle alors de délit praeter-intentionnel. Dans ce cas, le résultat atteint n’est pas
assimilé au résultat recherché.

Pour que l’intention soit caractérisée, il faut aussi que l’agent ait eu conscience que le
résultat qu’il recherchait était illicite.

B) La conscience de l’illicéité du résultat

Cette affirmation semble vouloir dire que l’ignorance du caractère illicite du résultat
recherché fait disparaître l’infraction. Cela impliquerait alors que l’agent pourrait ne
pas connaître la loi. Or, on le sait, nul n’est censé ignorer la loi. Il s’agit ici d’une
présomption irréfragable.
En jurisprudence, la question s’est posée de savoir si l’erreur sur la personne pouvait
être retenue. C’est l’hypothèse dans laquelle A croit tuer B mais tue C. Dans ce cas,
pour la jurisprudence, l’identité de la victime est sans importance.
De même, s’est posée la difficulté de savoir quelle solution il fallait retenir en cas
d’erreur de coup. C’est l’hypothèse dans laquelle A veut tuer B mais le manque et tue
C. La jurisprudence ne retient pas l’erreur dans ce cas.
Il convient, enfin, de déterminer quels types d’infractions sont de nature
intentionnelle.

C) Les différentes infractions intentionnelles

En application de l’article 121-3 NCP, les crimes et les délits sont de nature
intentionnelle.

1) Pour les crimes

L’article 121-3 NCP pose le principe que les crimes constituent des infractions
intentionnelles.

Ce principe reconnu par la jurisprudence était sous-jacent dans le Code pénal de


1810. Néanmoins, il n’avait pas été posé dans un texte général. Mais, la rédaction
des articles relatifs à chaque crime permettait de déduire leur caractère intentionnel.
Ainsi, l’article 295 disposait que “l’homicide commis volontairement est qualifié
meurtre”. De même, l’article 74 disposait que “sera puni de la détention criminelle à
perpétuité tout Français ou tout étranger qui, dans l’intention de les livrer à une
puissance étrangère, rassemblera des renseignements, objets, documents ou
procédés dont la réunion et l’exploitation sont de nature à nuire à la défense
nationale”. D’autres articles utilisaient les termes “sciemment”, “intentionnellement”.

Le principe selon lequel les crimes constituent des infractions intentionnelles est
clairement posé par l’alinéa 1er de l’article 121-3 du nouveau Code pénal. Il s’agit
désormais d’un principe général repris dans un article unique.

Donc, en rappelant que tout crime suppose une intention, le nouveau Code pénal
demeure classique. Le crime constitue la catégorie d’infraction la plus grave. La
présomption d’innocence impose donc à la partie poursuivante de rapporter la preuve
de la culpabilité, c’est-à-dire de l’intention. Il faut se garder de confondre l’intention
avec le mobile de l’infraction. Par exemple, un individu avait la volonté de tuer (par
amour, par pitié ou par cupidité). Ce mobile constitue seulement la cause de
l’intention.

2) Pour les délits

L’article 121-3 alinéa 1er du nouveau Code pénal précise qu’ ”il n’y a point… de délit
sans intention de le commettre”. Sous l’empire du Code pénal de 1810, la plupart des
délits rentraient dans la catégorie des infractions intentionnelles. Ainsi, l’article 309
alinéa 1er disposait que “toute personne qui, volontairement, aura porté des coups
ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné une maladie ou une
incapacité totale de travail personnel pendant plus de huit jours sera punie d’un
emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 500 F à 20 000 F ou
de l’une de ces deux peines seulement”. De même, l’article 379 disposait que
“quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est
coupable de vol”. Dans l’article 309 alinéa 1er, le terme “volontairement” signifiait
que le délit était intentionnel et dans l’article 379, “frauduleusement”, s’inscrivait
dans la même logique.

Cependant, l’article 121-3 précise aussi, que le législateur peut aussi créer des délits
non intentionnels. Entre les infractions intentionnelles et les infractions non
intentionnelles, on retient les infractions de mise en danger délibérée.

Paragraphe II) La mise en danger

L’article 121-3 alinéa 2 du nouveau Code pénal envisage une notion nouvelle
qualifiée de “mise en danger délibérée de la personne d’autrui”.

Cette notion nouvelle a été intégrée pour constituer une gradation dans l’élément
moral des infractions. Elle constituerait un moyen terme entre l’intention d’une part
et l’imprudence ou la négligence, d’autre part. Il s’agit ici de la consécration de la
notion de dol éventuel. Selon la doctrine (M.-L. Rassat Droit pénal général, op. cit.,
n° 257), le dol éventuel constitue “une forme particulière d’imprudence d’une gravité
exceptionnelle qu’on pourrait aussi appeler l’acceptation des risques et qui n’est pas
sans évoquer la faute lourde du droit civil…”. L’exemple classique est celui de
l’automobiliste qui double au sommet d’une côte, sans visibilité, et provoque, de ce
fait, le décès de l’automobiliste qui roule en sens inverse. La réponse du Code pénal
de 1810 consistait en une condamnation pour homicide involontaire. Or, s’il est vrai
que l’automobiliste ne voulait pas causer la mort d’autrui, il avait tout de même eu la
volonté de doubler sans visibilité. Dès lors, entre la volonté du comportement et
l’imprudence quant au résultat, il y avait une place pour cette notion de mise en
danger.

Ainsi, plusieurs infractions contenues dans le nouveau Code pénal consacrent cette
notion dans deux sortes de cas :

• le concept de mise en danger concerne tout d’abord les homicides et


blessures par imprudence (article 221-6 alinéa 1er NCP relatif à l’homicide
involontaire, l’alinéa 2 concernant l’homicide en cas de « violation
manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de
sécurité imposée par la loi ou le règlement », et article 222-20 relatif aux
blessures par imprudence ayant entraîné une incapacité inférieure ou égale à
trois mois). Dans ces hypothèses, le manquement délibéré est associé à un
résultat déterminé et constitue une circonstance aggravante. Ainsi, la
jurisprudence a considéré que la présence sur un navire de 112 passagers en
surnombre ne laissait pas de doute sur la conscience qu’avait le commandant
du navire de la violation des obligations qui s’imposaient à lui (Rennes, 26
sept. 1996, J.C.P. 1997, II, 22902). De même, la jurisprudence a considéré
que met en danger la vie des motocyclistes l’automobiliste qui se déporte sur
la gauche de la route au moment du croisement au point de faire chuter l’un
d’entre eux (Crim., 12 nov. 1997, Droit pénal 1998, com. 49). Le fait de faire
une queue-de-poisson à un automobiliste à l’issue d’un dépassement
constitue le délit de mise en danger d’autrui (Crim., 11 mars 1998, 1999, II,
10064). De façon générale, le délit de mise en danger d’autrui n’est constitué
que si le manquement a été la cause directe et immédiate du risque auquel a
été exposé autrui (Crim., 16 février 1999, Bull. crim., n° 24). De façon
générale, la jurisprudence estime que l’élément intentionnel de l’infraction de
mise en danger d’autrui résulte du caractère manifestement délibéré de la
violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité (Crim., 9
mars 1999, Bull. crim., n° 34). Ainsi, la jurisprudence a considéré que
caractérise l’infraction de l’article 223-1 NCP l’arrêt qui énonce que le
prévenu au volant d’une voiture, en fin de matinée, près d’une gare dans un
quartier urbain à forte densité de circulation, a délibérément franchi plusieurs
feux de signalisation en position rouge fixe (Crim., 6 juin 2000, Bull. crim.,
n° 213). En revanche, pour la Cour de cassation, constater qu’un prévenu
conduit un engin motorisé sur des pistes pour skieurs débutants sans les
avertir par un signal lumineux ou sonore, ne suffit pas à caractériser
l’exposition à un risque immédiat (Crim., 3 avril 2001, Droit pénal 2001, n°
100).

• dans d’autres cas, la mise en danger caractérise des infractions


indépendamment de la survenance d’un préjudice : la provocation au suicide,
l’interruption illégale de grossesse, l’expérimentation sur la personne
humaine, l’entrave aux mesures d’assistance, le délaissement d’une personne
hors d’état de se protéger, le risque causé à autrui.

L’article 121-3 du nouveau Code pénal met aussi en exergue le caractère spécifique
de la faute non intentionnelle.

Paragraphe III) La faute non intentionnelle

Sous l’empire de l’ancien code pénal, aucune distinction n’était faite entre les
comportements fautifs. Seul le résultat dommageable était pris en compte. Le
nouveau code pénal, entré en vigueur au 1er mars 1994, a établi deux régimes
juridiques eut égard au caractère de la faute, selon qu’elle était délibérée (al. 2) ou
simple (al. 3).

D’une manière générale, la faute non intentionnelle est caractérisée par le fait que
même si le résultat avait été prévu, il n’était pas désiré. Cela correspond à une
hypothèse dans laquelle l’agent n’a pas pris les précautions suffisantes pour éviter le
dommage. Il a commis une maladresse, une inattention, une négligence qui ont
conduit à la réalisation de l’infraction.

En matière de faute non intentionnelle, le législateur est intervenu par deux fois pour
restreindre le champ d’application de la culpabilité non intentionnelle : la loi du 13
mars 1996 exige une appréciation concrète de la faute d’imprudence ou de
négligence. En outre, la loi du 10 juillet 2000, destinée à limiter la responsabilité
pénale des élus, exige une faute caractérisée en matière de causalité indirecte. Ainsi,
cette loi de juillet 2000 a introduit un 3ème degré en matière de faute non
intentionnelle (la faute qualifiée en cas de causalité indirecte).

A) L’appréciation concrète de la faute d’imprudence ou de négligence

Dans les années 90, la condamnation de plusieurs maires de petites communes a fait
naître un débat sur la méthode d’appréciation de la faute d’imprudence ou de
négligence par le juge pénal. En effet, il était reproché aux juges une appréciation
abstraite de la faute qui ne prenait pas en compte les contraintes inhérentes à
l’exercice des fonctions publiques locales, telles la technicité croissante de la
réglementation. Ainsi, d’une responsabilité pénale basée sur la faute, on tendait à
glisser vers une responsabilité pénale fondée sur le risque puisque le seul
manquement à l’obligation suffisait à engager la responsabilité pénale (TC Rennes, 9
février 1994, D Env. 1994, n° 26, p. 20).

Désormais, le législateur impose au juge d’étudier la réalité et la spécificité des


conditions d’exercice de l’activité de la personne mise en cause. Notamment, sont
pris en considération les moyens dont dispose la personne, les contraintes financières
et techniques. Dans ce cadre, est considéré comme fautif, le comportement qui n’est
pas celui d’une personne « normalement diligente » au regard des circonstances, et
non pas uniquement de ses compétences légales. Et, il appartient au ministère public
de rapporter la preuve que l’auteur de l’infraction n’a pas accompli les « diligences
normales ». Ainsi, l’article 121-3 NCP pose l’exigence d’une appréciation in concreto
de la faute (Chambéry, 6 sept. 1995, D env. 1996, n° 39, p. 9 ; Poitiers, 2 février
2001, J.C.P. 2001, II, 10534).

En conséquence, les tribunaux confrontent la faute à des normes de comportement


qu’aurait dû suivre, non pas un individu idéal et abstrait, mais un individu considéré
dans sa situation personnelle objective. Cela signifie que l’on doit prendre en compte
les conditions matérielles dans lesquelles le prévenu a été placé. Telle est la solution
retenue, notamment, dans l’affaire des thermes de Barbotan (T.C. Toulouse, 19
février 1997, G.P. 1997, p. 16). Cette exigence de l’appréciation concrète de la faute
contraint les juges à adopter une motivation rigoureuse de leurs décisions.

Cependant, les résultats décevants de la loi du 13 mars 1996 ont conduit en 1999 à
une réflexion d’ensemble sur une nouvelle définition des délits non intentionnels.
Ainsi, la loi du 10 juillet 2000 qui en est le résultat, a entraîné de réels
bouleversements en remettant en cause, dans certaines circonstances, un principe
essentiel de droit pénal dans l’appréciation par le juge pénal du lien de causalité :
l’équivalence des conditions.

B) L’exigence d’une faute caractérisée en cas de causalité indirecte

La loi du 10 juillet 2000 était destinée à limiter la responsabilité pénale des élus
locaux en ne retenant leur responsabilité que pour les fautes révélant une réelle
indifférence aux valeurs sociales protégées. Cette loi y est parvenue par deux biais :
• en mettant fin à l’identité entre la faute civile et la faute pénale qui obligeait
le juge répressif à condamner pénalement pour permettre des réparations
civiles. Ainsi, désormais, la faute pénale est « l’expression de la culpabilité et
non plus l’instrument de l’indemnisation ».

• le législateur a accru l’éclatement du régime juridique de la culpabilité non


intentionnelle au travers de l’article 121-3 al. 4 NCP).

La compréhension de cet alinéa impose un rappel préalable. De manière générale, le


droit de la responsabilité retient deux techniques juridiques pour appréhender la
causalité :
• les causes adéquates pour imputer les responsabilités, c’est-à-dire les fautes,
qui ont, dans une certaine mesure, généré le dommage.

• L’équivalence des conditions, c’est-à-dire l’ensemble des événements


s’inscrivant de manière directe ou indirecte dans l’enchaînement des
circonstances.

Face à ces deux techniques, le juge pénal retient depuis toujours la seconde. De
cette théorie, il résulte que les fautes, même les plus légères (culpa levissima),
même causant un dommage de manière indirecte et non exclusive, sont susceptibles
d’engager la responsabilité pénale de leur auteur. Et, l’alinéa 4 de l’article 121-3 NCP
a donc comme objectif de remettre en cause cette technique d’appréciation.
Cependant, l’alinéa 4 de l’article 121-3 NCP ne vise que les personnes physiques et
non les personnes morales. Ainsi, cet alinéa consacre une double définition de la
faute qualifiée :

• 1ère définition : la première faute qualifiée consiste à violer « de façon


manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement ». Ainsi, l’auteur des faits doit avoir eu la
conscience de méconnaître une obligation de prudence ou de sécurité.
Cependant, l’obligation doit être particulière afin d’éviter des mises en examen
sur la base de chefs de prévention définis de façon très large : la violation de
l’article L. 201-1 de l’ancien code rural définissant le principe de précaution ne
sera pas constitutive d’un délit. Pour la jurisprudence, constitue une « violation
manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité le fait de ne
pas procéder aux vérifications d’un moteur d’avion imposées par les règlements
en vigueur » (Crim., 18 nov. 2008, Droit pénal 2009, com., 18, 2ème esp.).

• 2nde définition : constitue également une faute qualifiée, « la faute caractérisée


qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer
». La notion de faute caractérisée est une formulation nouvelle qui était jusqu’ici
inconnue en droit pénal, ou même en droit civil ou administratif. Il appartient
donc au juge de préciser les contours de cette faute. Il apparaît, cependant,
possible d’analyser trois éléments qui se détachent de la notion de faute
caractérisée.

• 1er élément : la faute d’imprudence ou de négligence doit être caractérisée. Selon


les travaux parlementaires, cette faute est une faute d’une particulière évidence
qui doit revêtir une certaine intensité. Cela tend donc à exclure les fautes légères.

• 2ème élément : la faute doit avoir exposé autrui à un risque d’une particulière
gravité. Sans doute, cette gravité va découler de la nature du risque (mort,
blessures graves…) et de son degré de probabilité élevé.

• 3ème élément : la personne ne pouvait pas ignorer le risque. Mais, en outre, la


personne doit avoir une appréhension suffisante du risque, appréciée
(conformément à la loi de 1996), c’est-à-dire en tenant compte de la nature et des
missions ou des fonctions de la personne concernée et des compétences et des
moyens dont elle disposait au moment des faits. Ainsi, un maire nouvellement élu
ne sera pas condamné pour homicide involontaire si un passant s’est électrocuté
avec un lampadaire mis en place depuis longtemps dans la commune alors que le
défaut d’entretien de l’équipement ne lui avait pas été signalé. La notion de faute
caractérisée a fait l’objet d’une analyse par la Cour d’appel de Rennes dans un
arrêt du 19 septembre 2000 (D.A. 2000, n° 201). Dans cette affaire, un collégien
était décédé à la suite d’une chute dans un précipice de plus de 20 mètres sur la
côte de l’île de Ouessant, après avoir échappé à la surveillance des professeurs qui
encadraient une excursion cycliste. En première instance, de maire de Ouessant
avait été condamné pour ne pas avoir suffisamment signalé les dangers de chute
de pierres que présentaient les falaises du littoral. En appel, la Cour d’appel le
relaxa aux motifs qu’aucune faute caractérisée ne pouvait être relevée.
Cependant, le maire est compétent pour placer des signaux, en vue du public,
concernant la circulation. Il appartenait donc au maire de placer des panneaux sur
les sentiers de l’île de Ouessant précisant le caractère dangereux du site. En
conséquence, la Cour d’appel estime qu’en n’apposant pas ces panneaux, « le
maire a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ».
Cependant, pour la Cour d’appel, ces négligences ne constituent pas une faute
caractérisée. En effet, « il importe de relever que l’île de Ouessant est un site
remarquable où une signalisation multiple ne peut être envisagée. Que les élus se
sont élevés contre une telle signalisation… que de surcroît, l’île de Ouessant est,
par elle-même dangereuse, et qu’il appartient à chacun d’avoir une attitude
responsable et appropriée afin d’éviter de se mettre dans une situation périlleuse
». Dans un arrêt plus récent, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel qui
avait condamné un maire pour homicide involontaire en considérant que « commet
une faute caractérisée le maire qui, en s’abstenant de vérifier le respect des règles
de sécurité, n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient » (Crim.,
11 juin 2003, Droit pénal 2003, n° 120). Dans un arrêt récent, la Cour de
cassation a considéré qu’a commis une faute caractérisée l’instituteur qui,
connaissant la dangerosité de l’ouverture des fenêtres, n’a pas pris les mesures de
fermeture à l’arrivée des enfants dans la classe (Crim., 6 sept. 2005, Droit pénal
2006, com. 3).

Outre ces précisions, dans le nouveau Code pénal, quels sont les délits qui ne sont
pas intentionnels ?

C) Les différents délits non intentionnels

Les fautes non intentionnelles caractérisent certains délits.

L’article 121-3 alinéa 2 du nouveau Code pénal précise que le législateur a la


possibilité de prévoir des délits d’imprudence ou de négligence. Ainsi, aux termes de
l’article 222-19 du nouveau Code pénal, « le fait de causer à autrui, dans les
conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse,
imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou
de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail
pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 €
d’amende ».

Pour ce qui concerne les délits extérieurs au nouveau Code pénal, l’article 339 de la
loi d’adaptation (loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur
du Nouveau Code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et
de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur, J.O. 23
décembre) dispose que “tous les délits non intentionnels réprimés par des textes
antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent constitués en cas
d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui,
même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément”. Quelle signification doit être
donnée à cette disposition ?

Sous l’empire de l’ancien Code pénal, il existait en droit français des délits matériels.
Le prévenu était responsable sur la base de la simple constatation du fait matériel
interdit. Le ministère public n’avait à prouver ni l’intention, ni l’imprudence, ce qui
conduisait en quelque sorte à une présomption de culpabilité. Cependant, le prévenu
pouvait échapper à sa responsabilité pénale en invoquant la contrainte ou la
démence. Ainsi, l’article 339 de la loi d’adaptation signifie que les délits non
intentionnels prévus par des textes extérieurs au nouveau Code pénal ne sont
constitués que si la preuve d’une imprudence, d’une négligence ou d’une mise en
danger délibérée de la personne d’autrui est rapportée. De l’analyse de ce texte, il
est dès lors possible de déduire que la catégorie des “délits matériels” a été
supprimée. Cet article 339 apparaît donc susceptible de modifier un grand nombre
d’infractions, notamment dans le domaine du droit du travail, de la chasse, de
l’urbanisme ou de l’environnement. Avec le nouveau Code pénal, la réalisation de ces
infractions exige que soit rapportée la preuve de l’imprudence, de la négligence ou de
la mise en danger. A défaut, l’infraction ne sera pas constituée et ses auteurs
demeureront impunis.

Les contraventions obéissent, quant à elles, à un régime spécifique.

Paragraphe IV) La faute contraventionnelle

Pour ce qui concerne les contraventions, l’élément moral n’est pas caractérisé.
L’alinéa 5 de l’article 121-3 du nouveau Code pénal se contente de préciser qu’ « il
n’y a point de contravention en cas de force majeure ». La force majeure constitue
donc une cause exonératoire de responsabilité.

En matière de contraventions, on peut, dès lors, penser que les règles dégagées sous
l’empire du Code pénal de 1810 restent en vigueur. L’élément moral est donc
constitué par la faute contraventionnelle, qui est toujours présumée (même
mécanisme que pour les délits matériels). Il résulte de cette affirmation que le
ministère public qui doit prouver la réalisation de l’infraction, est dispensé de
rapporter la preuve de l’élément moral des contraventions. L’existence de l’élément
moral se déduit de la réalisation matérielle des faits reprochés. Ainsi, lorsque les faits
ont été constatés, la personne poursuivie ne peut s’exonérer de sa responsabilité
pénale en prouvant sa bonne foi. A titre d’exemple, une personne qui n’aurait pas vu
un panneau d’interdiction de faire demi-tour ne peut s’exonérer en prouvant qu’elle
n’a pas vu le panneau (à propos d’un sens interdit, cf. Crim., 30 décembre 1953,
Bull. crim., n 360). En matière contraventionnelle, la seule possibilité d’exonération
réside donc dans la preuve de la contrainte ou de la démence. Cette règle, applicable
sous l’empire du Code pénal de 1810 (Crim., 16 novembre 1866, D. 1866, 1, 87) est,
désormais, expressément consacrée par l’article 121-3 du nouveau code pénal.

Après avoir envisagé dans un titre I les éléments constitutifs des infractions, nous
allons maintenant aborder la classification des infractions.
TITRE II
LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS

Suivant le système de classification que l’on adopte, il existe de nombreuses


possibilités de regroupement entre les différentes infractions. Nous n’examinerons ici
que les principales. Pour cette raison, nous n’aborderons que les classifications
fondées sur l’élément légal et les classifications fondées sur l’élément matériel.

Chapitre I
Les classifications fondées sur l’élément légal

Plusieurs classifications sont fondées sur le texte de loi qui définit les infractions. En
pratique, deux classifications peuvent être retenues : celle fondée sur la gravité de
l’infraction et celle fondée sur sa nature.

Section 1) La classification fondée sur la gravité de l’infraction

Lorsque l’on aborde la classification fondée sur la gravité de l’infraction, cela signifie
que l’on va étudier ce que l’on appelle en droit pénal la summa divisio ou la
classification tripartite des infractions. On va donc ici s’intéresser à l’opposition entre
les crimes, les délits et les contraventions. On distinguera pour une meilleure
compréhension, le principe de classement et ses intérêts.

Paragraphe I) Le principe de la classification tripartite

Le critère de distinction entre les crimes, les délits et les contraventions est celui de
la peine. Nous reprendrons les peines envisageables, pour les crimes, les délits et les
contraventions.

A) Les peines criminelles

Depuis l’entrée en vigueur du NCP, il est nécessaire de distinguer les peines


applicables aux personnes physiques et les peines applicables aux personnes
morales.

1) Les peines criminelles applicables aux personnes physiques

Il résulte de l’article 131-1 NCP que seules la détention criminelle et la réclusion


criminelle sont spécifiques aux infractions criminelles. Mais, à côté de ces peines,
l’article 131-2 NCP dispose qu’elles ne sont pas exclusives d’une peine d’amende ou
de peines complémentaires.

a) La détention et la réclusion criminelles

La détention et la réclusion criminelles peuvent être définies comme des peines


d’enfermement qui ne présentent aucune particularité d’exécution par rapport à
l’emprisonnement pouvant être prononcé en matière correctionnelle. En revanche, il
existe une différence entre la détention et la réclusion criminelle. En effet, la
détention criminelle concerne les infractions politiques tandis que la réclusion
criminelle est prononcée pour les infractions de droit commun.
Au-delà de ces définitions, quelle est la durée de la détention et de la réclusion
criminelles ? L’article 131-1 NCP a institué sur ce point une échelle des peines qui
comporte quatre degrés :
• réclusion ou détention criminelle à perpétuité ;

• réclusion ou détention criminelle de 30 ans ;

• réclusion ou détention criminelle de 20 ans ;

• réclusion ou détention criminelle de 15 ans ;

La conséquence de cette échelle des peines réside dans le fait que tout crime est
passible de l’une des peines mentionnées dans cette échelle. Cependant, il s’agit de
la peine encourue. En conséquence, une Cour d’assises a la possibilité de prononcer,
en fonction des circonstances de l’affaire, une peine inférieure à 15 ans. La question
se pose alors de savoir quelle sera la nature de cette peine. Sur ce point, l’article
131-1 NCP précise que « la durée de la réclusion criminelle ou de la détention
criminelle à temps est de 10 ans au moins ». La peine prononcée est donc criminelle
si elle est supérieure ou égale à 10 ans. En revanche, si elle est inférieure à 10 ans, il
s’agira alors d’une peine d’emprisonnement. Cependant, il résulte de l’article 132-18
NCP qu’il existe des planchers que la Cour d’assises ne peut pas franchir. En effet, la
peine prononcée ne peut pas être inférieure à 2 ans d’emprisonnement si la peine
encourue est perpétuelle et à 1 an d’emprisonnement si la peine encourue est à
temps.

En outre, l’article 132-18-1 du NCP, issu de la loi du 10 août 2007, a introduit


d’autres planchers pour les crimes commis en état de récidive légale. Ainsi, pour ces
crimes, la peine d'emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être
inférieure aux seuils suivants :
1º Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
2º Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
3º Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
4º Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en
considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou
des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

Lorsqu'un crime est commis une nouvelle fois en état de récidive légale (troisième
terme), la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si
l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.

Par ailleurs, la loi du 25 février 2008 a instauré la rétention de sûreté et la


surveillance de sûreté, deux nouvelles mesures de sûreté qui peuvent être
prononcées à l’encontre des auteurs de certains crimes particulièrement graves. Ces
mesures s’inspirent largement des législations étrangères, dont la plupart, prévoient
des mécanismes ayant pour objet de lutter contre les comportements des
délinquants les plus dangereux (rétention de sûreté allemande, notamment :
Sicherungsverwahrung). Quoique ces deux mesures sortent quelque peu de notre
champ d’étude, quelques mots sur ces notions (art. 706-53-13 et s. CPP) :

La rétention de sûreté : cette mesure consiste dans le placement de la personne


dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, dans lequel elle bénéficiera d’une
prise en charge permanente sur le plan médical, social et psychologique qui sera
destiné à mettre fin à la mesure (art. 706-53-13 CPP). Ainsi, l’objectif consiste à
aboutir in fine à la réinsertion. Ces centres sont placés sous la double tutelle des
ministères de la Santé et de la Justice. La rétention de sûreté est prononcée en
tenant compte de deux critères. Mais, préalablement, il convient de préciser que
cette mesure ne peut être prononcée que si la Cour d’assises a expressément prévu
cette possibilité dans sa décision de condamnation, c’est-à-dire le réexamen de la
situation de la personne à la fin de l’exécution de sa peine (avis émis par le Conseil
d’Etat). Les deux critères retenus pour le prononcé de la rétention de sûreté sont la
dangerosité et la condamnation prononcée. S’agissant du premier critère, la personne
visée par cette mesure doit présenter « une particulière dangerosité caractérisée par
une probabilité très élevée de récidive parce qu’elle souffre d’un trouble grave de la
personnalité ». S’agissant de la condamnation, la rétention de sûreté peut être
prononcée à l’encontre d’une personne ayant été condamnée à une peine supérieure
ou égale à 15 ans de réclusion criminelle pour certaines infractions (assassinat ou
meurtre d’un mineur, viol, enlèvement, séquestration). Les personnes qui peuvent
faire l’objet d’un placement en rétention judiciaire doivent être examinées au moins
un an avant la date de leur libération afin d’évaluer leur dangerosité (art. 706-53-14
CPP). En outre, cette mesure doit être l’unique moyen de prévenir la commission
d’une nouvelle infraction. La décision de rétention de sûreté est prise par la
commission régionale de la rétention de sûreté et doit être spécialement motivée. La
décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la peine du condamné.
Cependant, un recours non suspensif peut être formé devant la commission nationale
de la rétention de sûreté, puis d’un pourvoi en cassation. La décision prise par la
commission régionale est valable pour un an. Elle peut cependant être renouvelée
pour la même durée. En outre, l’article 706-53-15 CPP précise que si les conditions
requises sont toujours réunies, la rétention de sûreté peut faire l’objet d’une
reconduction annuelle sans limitation de durée. Sous certaines conditions, cette
mesure peut, cependant, faire l’objet d’une mainlevée.

La question, âprement discutée, s’est posé de savoir quelle était la date d’entrée en
vigueur de cette mesure. La loi votée, mais non encore promulguée, prévoyait une
application au motif qu’il s’agissait d’un texte de procédure. Saisi sur la question, le
Conseil constitutionnel a déclaré cette application immédiate non conforme à la
Constitution (CC, 21 févr. 2008, décision n° 2008-562, J.O. 26 févr., p. 3272). A la
suite de cette décision, le Président de la République a saisi, par lettre de mission, le
Premier Président de la Cour de cassation (M. Vincent Lamanda) le 25 février 2008,
afin de faire des propositions pour que puisse s’appliquer un dispositif amoindrissant
les risques de récidive. Le rapport, remis le 30 mai 2008, propose quelques
aménagements législatifs et préconise l’octroi de nouveaux moyens (surveillance
électronique mobile par le biais d’un boîtier moins stigmatisant). Ainsi, l’inobservation
d’une mesure de surveillance de sûreté permettrait de rendre immédiatement
applicable le placement en rétention de sûreté.

La surveillance de sûreté : cette mesure est susceptible d’être prononcée à la suite


d’une rétention de sûreté.
Ainsi, si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin, l’article 706-
53-19 CPP permet à la juridiction régionale de la rétention de sûreté d’ordonner un
placement sous surveillance de sûreté pour une durée de deux ans. Cette mesure
peut comporter une injonction de soins ou le placement de la personne sous
surveillance électronique mobile.
S’agissant de la date d’entrée en vigueur de la surveillance de sûreté, cette mesure
est immédiatement applicable. Elle peut donc concerner des faits commis
antérieurement à son entrée en vigueur (texte de procédure).
Outre l’enfermement, quelles sont les autres peines pouvant être prononcées en
matière criminelle ?

b) Les autres peines criminelles


Selon l’article 131-2 NCP, l’amende et les peines complémentaires de l’article 131-10
peuvent également être encourues en matière criminelle. Cependant, l’amende ne
concerne pas tous les crimes. Notamment, elle ne s’applique pas en matière de
violences ayant entraîné la mort (art. 222-7 NCP) pour lesquelles la peine encourue
est de 15 ans de réclusion criminelle alors qu’elle s’applique au délit de violences
ayant entraîné une mutilation, pour lequel la peine encourue est de 10 ans
d’emprisonnement (art. 222-9 NCP : 150 000 € d’amende).

Les peines complémentaires seront abordées à propos des peines correctionnelles.

2) Les peines criminelles applicables aux personnes morales

Précisons d’emblée que les peines applicables aux personnes morales sont les mêmes
en matière criminelle et correctionnelle, à l’exception de la sanction-réparation (art.
131-39-1 NCP). L’article 131-37 NCP précise que les peines encourues par les
personnes morales sont l’amende et, dans les cas prévus par la loi, les peines de
l’article 131-39.

a) L’amende

La peine d’amende est systématiquement encourue dès lors que la responsabilité


pénale des personnes morales peut être retenue. Elle constitue donc la peine
principale en matière criminelle et correctionnelle. Mais, quel est son taux ? Selon
l’article 131-38 NCP, l’amende est égale au quintuple de celle encourue par les
personnes physiques pour les mêmes faits.
En outre, l’article 131-38 NCP précise que pour les crimes pour lesquels aucune peine
d’amende n’est encourue par les personnes physiques, les personnes morales
encourent une peine de 1 000 000 €.
Quelles sont les autres peines pouvant être prononcées à l’encontre des personnes
morales ?

b) Les peines de l’article 131-39

Ces peines sont au nombre de 11. La dernière modification remonte à la loi du 9


juillet 2010 :
« 1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un
crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine
d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour
commettre les faits incriminés ;
2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer
directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;
4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements
ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre
les faits incriminés ;
5° L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au
plus ;
6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à
une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux
négociations sur un marché réglementé ;
7° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres
que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui
sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
8° La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à
l'article 131-21 ;
9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse
écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ;
10° La confiscation de l'animal ayant été utilisé pour commettre l'infraction ou à
l'encontre duquel l'infraction a été commise ;
11° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de détenir
un animal. La peine complémentaire de confiscation est également encourue de plein
droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une
durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse.
Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas applicables aux personnes
morales de droit public dont la responsabilité pénale est susceptible d'être engagée.
Elles ne sont pas non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux
syndicats professionnels. La peine définie au 1° n'est pas applicable aux institutions
représentatives du personnel ».

Cependant, cette liste de l’article 131-39 NCP n’est pas limitative. En effet, le
législateur, dans des dispositions de Droit pénal spécial, s’autorise à édicter des
peines ne figurant pas sur cette liste. C’est le cas en matière de crimes contre
l’humanité où est prévue la confiscation générale des biens de la personne morale.
Mais, en matière correctionnelle, s’applique également la sanction-réparation.

c) La sanction-réparation

Cette peine nouvelle a été instituée par une loi du 5 mars 2007. Selon l’article 131-
39-1 NCP, « En matière délictuelle, la juridiction peut prononcer à la place ou en
même temps que l'amende encourue par la personne morale la peine de sanction-
réparation selon les modalités prévues par l’article 131-8-1.
Dans ce cas, la juridiction fixe le montant maximum de l'amende, qui ne peut
excéder ni 75 000 Euros ni l'amende encourue par la personne morale pour le délit
considéré, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à
exécution en tout ou partie dans les conditions prévues par l’article 712-6 du code de
procédure pénale si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation ».
L’article 131-8-1 NCP précise que lorsque le délit est puni d’une peine
d’emprisonnement ou seulement d’une peine d’amende, la juridiction de jugement
peut prononcer à la place ou en même temps que la peine d’emprisonnement une
sanction-réparation. Selon l’alinéa 2 de l’article 131-8-1 NCP, « la sanction-réparation
consiste dans l’obligation pour le condamné de procéder, dans le délai et selon les
modalités fixées par la juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la victime ». Et,
cette réparation peut être exécutée en nature, par le condamné lui-même ou par un
professionnel qu’il rémunère. A défaut de réparation, la peine de sanction-réparation
est alors mise à exécution. Il s’agit en fait ici d’une sorte d’astreinte applicable en
matière pénale.

Outre les peines criminelles, quelles sont les peines applicables en matière
correctionnelle ?

B) Les peines correctionnelles

Pour les raisons précitées, nous n’aborderons ici que les peines encourues par les
personnes physiques. Selon l’article 131-3 NCP, constituent des peines
correctionnelles :
1°) l’emprisonnement ;
2°) l’amende ;
3°) le jour-amende ;
4°) le stage de citoyenneté ; 5°) le TIG ;
6°) les peines privatives ou restrictives de droits de l’article 131-6 ; 7°) les peines
complémentaires de l’article 131-10 NCP ;
8°) la sanction-réparation.
Cet article permet en fait de distinguer trois catégories de peines en matière
correctionnelle : les peines correctionnelles principales, les peines alternatives et les
peines complémentaires. La sanction-réparation est à la fois une peine principale et
une peine alternative.

1) Les peines correctionnelles principales

Dans ce cadre, trois peines peuvent être distinguées : l’emprisonnement, l’amende et


la sanction-réparation.

L’emprisonnement : il s’agit d’un enfermement qui comporte le même régime


d’exécution que la détention ou la réclusion criminelle. En matière d’emprisonnement,
l’article 131-4 NCP prévoit une échelle qui comporte 8 degrés : 10 ans au plus, 7 ans
au plus, 5 ans au plus, 3 ans au plus, 2 ans au plus, 1 an au plus, 6 mois
d’emprisonnement au plus , 2 mois d’emprisonnement au plus.
Par rapport à l’ancien code pénal, le NCP introduit des modifications. En effet, sous
l’empire du Code pénal de 1810, le maximum de l’emprisonnement correctionnel
était, sauf exception, de 5 ans. Cependant, les exceptions étaient devenues au fil des
ans très nombreuses. En outre, la plus basse des peines d’emprisonnement passe de
2 mois à 6 mois. S’agissant du prononcé de la peine d’emprisonnement, l’article 132-
19 al. 2 NCP dispose que la juridiction de jugement ne peut prononcer une peine
d’emprisonnement sans sursis qu’après avoir spécialement motivé sa décision. En
revanche, aucune disposition pénale n’impose au juge l’obligation de motiver une
peine autre que l’emprisonnement sans sursis (Crim., 19 oct. 2004, Droit pénal 2005,
n° 19).
La loi du 10 août 2007 a introduit des peines plancher pour les délits commis en état
de récidive légale. Ainsi, l’article 132-19-1 NCP dispose que pour les délits commis
en état de récidive légale, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux
seuils suivants :
1º Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement;
2º Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ; 3º Trois ans, si le
délit est puni de sept ans d’emprisonnement ; 4º Quatre ans, si le délit est puni de
dix ans d’emprisonnement.
Toutefois, la juridiction peut prononcer une peine inférieure à ces seuils en
considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou
des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
Lorsqu'un délit est commis une nouvelle fois en état de récidive légale (troisième
terme), la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si
l'accusé présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion.
La difficulté va consister ici à faire la distinction entre les simples garanties d’insertion
ou de réinsertion et celles qui sont exceptionnelles.

En outre, la loi du 14 mars 2011 a introduit de nouveaux planchers pour certaines


infractions limitativement énumérées : les violences ayant entraîné une mutilation ou
une infirmité permanente (art. 222-9 NCP), les violences ayant entraîné une
incapacité totale de travail pendant plus de huit jours commises avec circonstances
aggravantes (art. 222-12 NCP), les violences habituelles sur un mineur de quinze ans
ou sur une personne particulièrement vulnérables (art. 222-14 NCP), les violences
commises avec usage ou menace d'une arme sur un fonctionnaire de la police
nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de
l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité
publique, ou sur un sapeur-pompier civil ou militaire ou un agent d'un exploitant de
réseau de transport public de voyageurs dans l'exercice, à l'occasion de l'exercice ou
en raison de ses fonctions ou de sa mission lorsqu’elles sont commises en bande
organisée ou avec guet-apens (art. 222-14-1 NCP) et l’embuscade (art. 222-15-1
NCP).
- 18 mois si le délit est puni de 7 ans d’emprisonnement ;

- 2 ans si le délit est puni de 10 ans d’emprisonnement.

Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une
peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l'emprisonnement en
considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou
des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci (art. 132-19-2 al. 2
NCP).

En matière d’emprisonnement, l’article 132-24 NCP issu de la loi pénitentiaire du 24


novembre 2009, dispose que les peines d’emprisonnement sans sursis ne peuvent
être prononcées «qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité
de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est
manifestement inadéquate». Dans ce cas «la peine d’emprisonnement doit, si la
personnalité et la situation du condamné le permettent faire l’objet» d’un
aménagement.

L’amende : dans sa partie générale, le NCP ne comporte aucune disposition relative


à l’amende correctionnelle. Cependant, l’article 381 CPP qui fixe la compétence du
tribunal correctionnel prévoit un taux minimum de 3.750 euros. En revanche, aucun
maximum n’est prévu.

La sanction-réparation : (cf. Supra)


Outre les peines correctionnelles principales, nous allons nous intéresser à celles qui
sont alternatives.

2) Les peines correctionnelles alternatives

D’un point de vue historique, ces peines de substitution ont été introduites par une
loi du 11 juillet 1975. Puis, le dispositif a été complété par une loi du 10 juin 1983.
Cependant, le NCP a élargi la possibilité de prononcer les peines alternatives. En
outre, la loi Perben II du 9 mars 2004 a introduit une nouvelle peine alternative
entrée en vigueur au 1er octobre 2004 : le stage de citoyenneté. A cela s’ajoute
également la peine de sanction-réparation. Quels sont les différents types de peines
alternatives ?

a) Les peines privatives ou restrictives de droits

L’article 131-6 NCP énumère 15 peines privatives ou restrictives de droits, dont les
quatre dernières résultent de la loi Perben II du 9 mars 2004 et de la loi du 4 août
2008 :
« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette
suspension pouvant être limitée, selon des modalités déterminées par décret en
conseil d'Etat, à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; cette limitation
n'est toutefois pas possible en cas de délit pour lequel la suspension du permis de
conduire, encourue à titre de peine complémentaire, ne peut pas être limitée à la
conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
2° L'interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au
plus
3° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un
nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
4° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
5° L'immobilisation, pour une durée d'un an au plus, d'un ou de plusieurs véhicules
appartenant au condamné, selon des modalités déterminées par décret en Conseil
d'Etat ;
6° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une
arme soumise à autorisation ;
7° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou
dont il a la libre disposition ;
8° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un
nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
9° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'émettre des chèques autres
que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui
sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;
10° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction
ou de la chose qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation ne peut pas être
prononcée en matière de délit de presse ;
11° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une activité
professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été
sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est
toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités
syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse ;
12° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans certains lieux
ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été
commise ;
13° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains
condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les auteurs ou
complices de l'infraction ; 14° L'interdiction, pour une durée de trois ans au plus,
d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la
juridiction, notamment la victime de l'infraction ;
15° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession
commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un
titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le
compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société
commerciale ».

En pratique, ces peines privatives ou restrictives de droits peuvent être prononcées


pour remplacer l’emprisonnement encouru en matière correctionnelle. C’est ce que
prévoit l’article 131-9 NCP. En outre, ces peines peuvent également être prononcées
en remplacement de l’amende. Cependant, cette substitution n’est possible que si
l’amende est seule encourue à titre principal (en matière d’outrage, par exemple). En
outre, toute violation de ces interdictions ou le non-respect des obligations afférentes
au stage de citoyenneté est puni des peines prévues à l’article 434-41 NCP, soit 2
ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

b) Le TIG

Il est envisagé comme peine alternative à l’emprisonnement. Le TIG est défini par
l’article 131-8 NCP comme un travail « d'intérêt général non rémunéré au profit soit
d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé
chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en
oeuvre des travaux d'intérêt général ». Pour pouvoir être prononcée, cette peine doit
être acceptée par le prévenu. La durée du TIG est comprise entre 20 et 210 heures.
Le TIG doit être accompli dans un délai qui ne peut excéder 18 mois (art. 131-22
NCP). La durée du TIG a été réformée par la loi Perben II du 9 mars 2004 et la loi du
24 novembre 2009.

c) La peine de jours amende

Cette peine a été instaurée par une loi du 10 juin 1983 (art. 131-5 NCP). Cette peine
apparaît comme étant à la fois une peine complémentaire et une peine de
substitution à l’amende. Le jour amende est défini comme une sorte d’amende à
crédit. Le jour amende résulte de la fixation par le juge d’une contribution
quotidienne pendant un certain nombre de jours. Son montant n’est exigible qu’à
l’expiration du délai correspondant au nombre de jours amende prononcés. En tout
état de cause, le montant ne peut excéder 1000 € par jour et 360 jours. Ce nouveau
montant (300 € auparavant) est issu de la loi Perben II du 9 mars 2004 et entre en
vigueur au 1er janvier 2005. En outre, l’article 131-25 NCP précise que le défaut total
ou partiel du paiement des jours-amendes entraîne l’incarcération du condamné pour
une durée correspondant au nombre de jours-amendes impayés.

d) Le stage de citoyenneté

Les modalités du stage de citoyenneté sont fixées par décret (art. 131-5-1 NCP). En
pratique, ce stage doit avoir pour but de rappeler au condamné les valeurs
républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles notre
société est fondée. Cet article précise que ce stage, dont le coût ne peut excéder
celui des amendes contraventionnelles de la 3ème classe (450 €), est effectué aux
frais du condamné. En outre, comme en matière de TIG, cette peine ne peut être
prononcée si le prévenu n’est pas présent à l’audience ou s’il la refuse.
Concrètement, cette peine peut être prononcée à titre de peine principale à la place
de la peine d’emprisonnement ou d’amende prévue pour l’infraction considérée ou à
titre de peine complémentaire en sus de la peine d’emprisonnement ou d’amende.
Concrètement, la loi du 9 mars 2004 a précisé la liste des infractions pour lesquelles
cette peine complémentaire pouvait être prononcée : il s’agit des infractions
sanctionnant les atteintes volontaires à l’intégrité physique (art. 222-45, 4°), les
discriminations et les conditions de travail contraires à la dignité humaine (art. 225-
19, 6°), le vol sous toutes ses formes, l’extorsion, le chantage ou la demande de
fonds sous la contrainte (art. 312-13) et des détériorations de biens (art. 322-15).
Après les peines correctionnelles alternatives, nous allons aborder les peines
complémentaires.

3) Les peines complémentaires

Dans sa partie générale, le NCP ne comporte pas de liste des peines complémentaires
encourues en matière correctionnelle. L’article 131-10 NCP se contente de donner
une définition générale des différentes catégories de peines complémentaires
susceptibles d’être prévues par la loi pour sanctionner les crimes et les délits. Ces
peines peuvent consister en des peines « emportant interdiction, déchéance,
incapacité ou retrait d'un droit, injonction de soins ou obligation de faire,
immobilisation ou confiscation d'un objet, confiscation d'un animal, fermeture d'un
établissement ou affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la
presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique
».

C) Les peines contraventionnelles


Il convient, ici encore, de distinguer les personnes physiques et les personnes
morales.

1) Les peines applicables aux personnes physiques

Aux termes de l’article 131-12 NCP, les peines contraventionnelles sont l’amende et
les peines privatives ou restrictives de droits de l’article 131-14, la peine de sanction-
réparation de l’article 131-15-1 NCP et les peines complémentaires des articles 131-
16 et 131-17. Cependant, l’amende constitue la peine principale.

a) L’amende, peine principale

Selon l’article 131-13 NCP, constituent des contraventions les infractions que la loi
punit d’une amende n’excédant pas 3000 €. L’article 131-13 NCP fixe le taux
maximum de l’amende pour chaque classe de contravention : 38 € pour la 1ère
classe, 150 € pour la 2ème classe, 450 € pour la 3ème classe, 750 € pour la 4ème
classe et 1.500 € pour la 5ème classe, voire 3.000 € en cas de récidive, lorsque le
règlement le prévoit et hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la
contravention constitue un délit.

b) Les peines alternatives

Selon les articles 131-14 et 131-15 NCP, les juridictions pénales peuvent remplacer
l’amende encourue pour une contravention de 5ème classe par l’une ou plusieurs des
6 peines suivantes :
« 1° La suspension, pour une durée d'un an au plus, du permis de conduire, cette
suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
cette limitation n'est toutefois pas possible en cas de contravention pour laquelle la
suspension du permis de conduire, encourue à titre de peine complémentaire, ne
peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
2° L'immobilisation, pour une durée de six mois au plus, d'un ou de plusieurs
véhicules appartenant au condamné ;
3° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou
dont il a la libre disposition ;
4° Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un
nouveau permis pendant un an au plus ;
5° L'interdiction, pour une durée d'un an au plus, d'émettre des chèques autres que
ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés et d'utiliser des cartes de paiement ;
6° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou
de la chose qui en est le produit. Toutefois, cette confiscation ne peut pas être
prononcée en matière de délit de presse ».

c) Les peines complémentaires

Elles sont envisagées par les articles 131-16 et 131-17 NCP. Celles de l’article 131-16
NCP peuvent s’appliquer quelle que soit la contravention. Il s’agit :
« 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire,
cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité
professionnelle sauf si le règlement exclut expressément cette limitation ;
2° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une
arme soumise à autorisation ;
3° La confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou
dont il a la libre disposition ;
4° Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un
nouveau permis pendant trois ans au plus ;
5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou
de la chose qui en est le produit ;
6° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux
pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de
trois ans au plus ;
7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité
routière ; 8° L'obligation d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de
citoyenneté ;
9° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de responsabilité parentale, selon les
modalités fixées à l’article 131-35-1 ;
10° La confiscation de l'animal ayant été utilisé pour commettre l'infraction ou à
l'encontre duquel l'infraction a été commise ;
11° L'interdiction, pour une durée de trois au plus, de détenir un animal ;
12° Le retrait pour une durée d’un an au plus des titres de conduite en mer des
navires de plaisance à moteur et, à l’encontre de toute personne embarquée sur un
navire étranger, l’interdiction pour un an au plus de pratiquer la navigation dans les
eaux territoriales ou les eaux intérieures maritimes françaises ».

Les peines de l’article 131-17 NCP, quant à elles, ne s’appliquent qu’aux


contraventions de 5ème classe. Il s’agit de :
1) L’interdiction pour une durée de 3 ans au plus d’émettre des chèques.

2) La peine de TIG pour une durée de 20 à 120 heures.

Après les peines contraventionnelles applicables aux personnes physiques, nous


allons aborder celles qui sont prononcées à l’encontre des personnes morales.

3) Les peines applicables aux personnes morales

Les peines applicables aux personnes morales sont énumérées à l’article 131-40 NCP.
Il s’agit de l’amende, des peines privatives ou restrictives de droits de l’article 131-42
et de la peine de sanction-réparation de l’article 131-44-1 NCP à laquelle il faut
ajouter les peines complémentaires de l’article 131-43.

L’amende : c’est la peine principale et elle est encourue pour toutes les
contraventions. Son taux est égal au quintuple de celui encouru par les personnes
physiques pour les mêmes faits, soit 7.500 € au plus pour les contraventions de la
5ème classe.

Les peines alternatives : l’article 131-42 NCP dispose que les juridictions pénales
peuvent remplacer l’amende encourue pour les contraventions de 5ème classe par
l’une des peines suivantes :
- l’interdiction pour une durée d’un an au plus d’émettre des
chèques ou d’utiliser des cartes de paiement ;

- la confiscation de la chose liée à la commission de l’infraction.

La sanction-réparation : « pour les contraventions de la cinquième classe, la


juridiction peut prononcer à la place ou en même temps que l'amende encourue par
la personne morale la peine de sanction-réparation selon les modalités prévues par
l’article 131-8-1.(cf. Supra).
Dans ce cas, la juridiction fixe le montant maximum de l'amende, qui ne peut
excéder 7 500 Euros, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise
à exécution en tout ou partie (…) si le condamné ne respecte pas l'obligation de
réparation ».

Les peines complémentaires : la confiscation de la chose peut être prononcée


pour toutes les contraventions ainsi que la confiscation de l’animal et l’interdiction de
détenir un animal pour une durée de trois ans au plus. Pour les contraventions de
5ème classe, peut être prononcée l’interdiction d’émettre des chèques pour une
durée de 3 ans au plus.

Paragraphe II) Les intérêts de la classification tripartite

Afin d’éviter une énumération, il est possible de distinguer quatre grandes sortes
d’intérêts que nous reprendrons successivement.

A) Les intérêts tenant aux conditions des poursuites

• La tentative des crimes est systématiquement punie. Celle des délits ne l’est que
lorsque le texte d’incrimination le prévoit. Celle des contraventions n’est pas
punissable.

• La complicité est systématiquement punissable pour les crimes et les délits. Elle
l’est également pour les contraventions en cas de complicité par instigation. Pour
la complicité par aide et assistance, il est nécessaire que le texte d’incrimination
le prévoit expressément.

• Les sources de l’incrimination sont différentes suivant que l’on est en présence
d’un crime, d’un délit ou d’une contravention. Les crimes et délits relèvent de la
loi alors que les contraventions sont édictées par la voie réglementaire.

B) Les intérêts tenant aux conditions de jugement

• La compétence des juridictions dépend de la gravité de l’infraction. Les


contraventions sont jugées par le tribunal de police, les délits par le tribunal
correctionnel et les crimes par la Cour d’assises.

• Les délais de prescription de l’action publique dépendent de la gravité de


l’infraction : 20 ans pour les crimes, 6 ans pour les délits, 1 an pour les
contraventions.

• La phase d’instruction est obligatoire pour les crimes et est à double degré, elle
est facultative pour les délits et exceptionnelle pour les contraventions.

• L’extradition ne peut être accordée que pour les crimes et les délits d’une certaine
gravité. L’extradition ne peut concerner que des faits punis de peines criminelles
ou correctionnelles lorsque le maximum encouru est au moins égal à 2 ans
d’emprisonnement. L’extradition peut également concerner les condamnés dont la
peine est supérieure ou égale à deux mois d’emprisonnement.

C) Les intérêts tenant aux peines

• Les sursis (simple ou avec mise à l’épreuve) ne concernent pas toutes les
infractions. Une distinction doit être faite entre le sursis simple et le SME. Pour le
sursis simple, il faut distinguer les dispositions applicables aux personnes
physiques et aux personnes morales.

• Les règles applicables en matière de récidive dépendent de la gravité de


l’infraction. Mais, il faut également faire une distinction entre les personnes
physiques et les personnes morales.

• La règle du cumul des peines dans la limite du maximum légal le plus élevé ne
s’applique pas en matière contraventionnelle. Cette règle ne s’applique pas non
plus pour certains délits ni lorsque l’on cumule une contravention et un délit ou
une contravention et un crime.

D) Les intérêts tenant aux suites de la condamnation

• Les délais de prescription de la peine dépendent eux aussi de la gravité de


l’infraction : 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 2 ans pour les
contraventions.

• La réhabilitation n’est prévue que pour les crimes et les délits.

• Outre la classification fondée sur la gravité de l’infraction, nous allons aborder les
classifications fondées sur sa nature.

Section II) Les classifications fondées sur la nature de l’infraction

Il s’agit d’aborder dans cette section, l’opposition entre les infractions de droit
commun et les infractions politiques et l’opposition entre les infractions de droit
commun et les infractions militaires.

Paragraphe I) Les infractions de droit commun et les infractions politiques

La première question qui se pose est de savoir pourquoi il est nécessaire de


distinguer ces deux types d’infractions. Cela car certains auteurs considèrent que l’on
doit avoir de l’estime pour le délinquant politique qui agit pour des idées. Dans ce
cas, la répression applicable en matière politique se trouve allégée par rapport au
droit commun. D’autres auteurs estiment, au contraire, que le délinquant politique
est beaucoup plus dangereux pour l’État et ses institutions. En conséquence, il doit
être plus sévèrement traité.

Nous allons distinguer la notion d’infraction politique et son régime.

A) Le critère de l’infraction politique

Le nouveau Code pénal, comme celui de 1810, ne donne aucune indication sur ce
qu’il faut entendre par infraction politique. Pour cette raison, il est nécessaire de
distinguer les conceptions doctrinales, du droit positif et de la jurisprudence.

1) Les conceptions doctrinales

La doctrine est partagée entre une thèse objective et une thèse subjective.
Suivant la thèse objective, une infraction est politique lorsqu’elle porte atteinte à
un intérêt de nature politique (intégrité du territoire, fonctionnement du pouvoir
politique…). En la matière, la jurisprudence a considéré que les fraudes électorales
sont des délits politiques qui ne peuvent donner lieu à contrainte par corps (Crim., 7
novembre 2001, Droit pénal 2002, n° 19). De même, la promesse d’avantages en
contrepartie de l’orientation d’un vote est un délit politique (Crim., 2 oct. 2001, Droit
pénal 2002, n° 20).

Suivant la thèse subjective, on doit tenir compte du mobile du délinquant.


D’après cette définition, toute infraction est susceptible de devenir politique.

1) La jurisprudence

Les infractions politiques par leur objet qui correspondent à la définition de la thèse
objective sont considérées par les tribunaux comme politiques quel que soit le mobile
de l’agent (atteinte à la sûreté de l’État, espionnage…).
Lorsque sont commises des infractions de droit commun mais avec un mobile
politique, la cour de cassation considère généralement qu’il s’agit d’infractions de
droit commun (Crim. 20 août 1932, D. 1932, I, 121 : affaire GORGULOFF qui a
assassiné le président de la République DOUMER). En revanche, en matière
d’extradition, les infractions de droit commun réalisées avec un mobile politique sont
considérées comme étant de nature politique. En conséquence, elles ne peuvent
donner lieu à l’extradition.
En ce qui concerne les infractions connexes, c’est-à-dire les infractions rattachées
dans le cadre d’une activité délictueuse à une infraction objectivement politique
(insurrection puis pillage d’un magasin), la jurisprudence considère depuis les années
60 (Crim. 18 novembre 1959) que ces infractions présentent dans leur ensemble un
caractère politique. En ce qui concerne l’extradition, le délinquant qui a commis une
infraction connexe ne pourra pas être extradé.
Après avoir envisagé le critère de l’infraction politique, il est nécessaire d’envisager
son régime.

B) Le régime de l’infraction politique

Généralement, les infractions politiques sont poursuivies de manière rigoureuse. Les


règles de procédure sont édictées dans le but de garantir la rapidité et l’efficacité de
la poursuite. Cependant, une fois que la répression a été assurée, une certaine faveur
l’emporte en matière d’exécution des peines.
-Généralement, en matière d’infraction politique, les textes sont définis de manière
plus large qu’en droit commun ce qui tend à accentuer la répression. En revanche,
face aux sanctions applicables, c’est le caractère libéral qui l’emporte.
-En pratique s’est posé le problème de savoir si les infractions politiques devaient
être jugées par les juridictions de droit commun. En ce qui concerne les crimes, ceux-
ci sont jugés par la Cour d’assises donc suivant le droit commun depuis la
suppression de la Cour de sûreté de l’état en 1981. Cependant, il est des hypothèses
dans lesquelles la Cour d’assises bien que compétente siège en formation spéciale en
temps de paix et ne comprend que des magistrats professionnels : cela dans deux
cas : en matière d’espionnage et d’atteinte à la sûreté de l’État et en application
d’une loi du 9 septembre 1986 en matière de terrorisme. En temps de guerre, les
crimes contre la sûreté de l’État relèvent de la compétence des juridictions des forces
armées. Les délits politiques relèvent de la compétence des juridictions de droit
commun de manière générale. Cependant, les exceptions que nous venons d’énoncer
sont reprises en temps de guerre et dans le cadre de l’espionnage. Dans ce dernier
cas, est compétent le TC en formation spéciale. En temps de guerre sont compétents
le tribunal territorial des forces armées en France et le tribunal militaire aux armées
en dehors du territoire français.
Cependant, de manière générale, l’infraction politique est soumise à un régime
spécifique. Ainsi, dans le cadre du droit pénal général, il convient de noter que les
condamnations prononcées pour un crime ou un délit politique ne peuvent pas
entraîner la révocation d’un sursis accordé antérieurement, qu’il s’agisse d’un sursis
simple ou d’un SME. En outre, la contrainte judiciaire (ancienne contrainte par corps)
est interdite en matière politique.
Dans le cadre de la procédure pénale, la procédure de comparution immédiate ne
peut être utilisée. La solution est identique en ce qui concerne l’extradition.

Paragraphe II) Les infractions de droit commun et les infractions militaires

Il est nécessaire de définir ce que l’on entend par infraction militaire avant d’aborder
le régime applicable à ces infractions.

A) La notion d’infraction militaire

La notion d’infraction militaire est essentiellement formelle. En effet, l’infraction est


militaire lorsqu’elle est prévue et réprimée par le Code de justice militaire. Ce Code
est commun aux trois armées (armée de terre, la marine et l’armée de l’air). Ce Code
énumère les infractions militaires :
• les infractions qui consistent dans un manquement au devoir et à la discipline
militaire (insoumission, désertion…).

• les infractions de droit commun commises pendant l’exécution du service par des
militaires ou à l’intérieur des casernes.

B) Le régime de l’infraction militaire

Au fond, le régime répressif applicable aux infractions militaires est plus sévère que
le régime de droit commun. Beaucoup d’infractions reposent sur la discipline qui est
nécessaire dans les forces armées. De manière générale, pour les infractions
militaires, on fait application des peines de droit commun auxquelles on ajoute des
peines spécifiques (dégradation, destitution…).

En la forme, les règles de compétence applicables varient suivant que l’on se situe en
temps de paix ou en temps de guerre.

— En temps de paix, il convient, en application du Code de justice militaire de procéder


à une distinction en fonction du lieu de commission de l’infraction.

• Lorsque l’infraction militaire est commise en service sur le territoire de la


République, les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont
compétentes.

• Lorsque l’infraction est commise hors du territoire de la République, sont


compétents les tribunaux prévôtaux (art. L. 1 CJM). Les jugements des juridictions
prévôtales ne peuvent faire l'objet que d'un pourvoi en cassation (art. L. 424-3
CJM).

— En temps de guerre, les infractions militaires relèvent de la compétence des


tribunaux territoriaux des forces armées lorsque l’infraction est commise sur le
territoire de la République et des tribunaux militaires aux armées si l’infraction est
commise en dehors du territoire de la République (art. L. 1 CJM). En outre, en
temps de guerre, des tribunaux prévôtaux sont également constitués sur le territoire
de la République, concernant la gendarmerie (art. L. 411-1 CJM). Le tribunal
prévôtal est composé d'un magistrat mobilisé en qualité d'assimilé spécial du service
de justice militaire et d'un greffier appartenant au tribunal militaire aux armées
auquel est attaché le tribunal prévôtal (art. L. 421-1 CJM). Les tribunaux prévôtaux
connaissent des infractions de police autres que les contraventions de 5e classe, qui
sont commises par toute personne justiciable des juridictions des forces armées
(art. L. 421-2 CJM).

S’agissant de la procédure applicable, sous réserve de quelques points de détail, on


fait application devant ces juridictions spéciales de la procédure de droit commun. En
matière d’infractions militaires, on ne peut pas appliquer la procédure de l’extradition
sauf en ce qui concerne les marins déserteurs.

Après avoir abordé dans ce premier chapitre la classification des infractions fondée
sur l’élément légal, une autre classification va être envisagée : celle fondée sur
l’élément matériel.
Chapitre II
LA CLASSICATION FONDEE SUR L’ELEMENT MATERIEL

L’élément matériel permet de se représenter l’infraction. Lorsque l’on classe les


infractions suivant leur matérialité, plusieurs classifications sont envisageables. Nous
ne les retiendrons pas toutes. Nous aborderons la distinction entre les infractions
simples et à éléments matériels multiples, les infractions instantanées et continues et
les infractions de commission et les infractions d’omission.

Section I) Les infractions simples et à éléments matériels multiples

Il apparaît possible de faire une distinction entre la notion d’infraction simple et à


éléments matériels multiples et l’intérêt qu’il y a à distinguer ces différentes
catégories.

§ I) La notion

Les infractions simples peuvent être définies comme celles dans lesquelles un acte
unique suffit pour consommer l’infraction. Tel est le cas du vol où la soustraction est
suffisante pour consommer l’infraction. Tel est également le cas de l’homicide
volontaire pour lequel un coup de couteau suffit à la réalisation de l’infraction.
A l’opposé des infractions simples, on trouve les infractions complexes et les
infractions d’habitude qui sont toutes deux des infractions a éléments matériels
multiples.
L’infraction complexe est caractérisée par une pluralité d’actes matériels de nature
différente. Tel est le cas de l’escroquerie dans laquelle la conduite matérielle est
caractérisée par l’utilisation de moyens frauduleux qui doivent être suivis d’une
remise. Tel est également le cas de l’extorsion qui nécessite, du point de vue
matériel, des violences ou des menaces suivies d’une remise.
A l’opposé, les infractions d’habitude sont caractérisées par une pluralité d’actes
matériels de nature identique, mais qui pris isolément ne sont pas punissables. De
façon générale, la jurisprudence considère que l’infraction d’habitude est consommée
dès la première réitération, c’est-à-dire à partir du 2ème acte. Tel est le cas en ce qui
concerne l’exercice illégal de la médecine. Tel est également le cas pour les appels
téléphoniques malveillants, le harcèlement sexuel ou le délit de célébration par un
ministre du culte d’un mariage religieux préalablement au mariage civil.
Au-delà des notions, quels sont les intérêts à distinguer ces trois catégories
d’infractions ?

§ II) Les intérêts de la distinction

Les intérêts de la distinction entre infractions simples et à éléments matériels


multiples sont pour l’essentiel d’ordre procédural. Ils concernent la prescription de
l’action publique et la compétence territoriale des juridictions.

La prescription de l’action publique ne commence à courir qu’à partir du jour de


la consommation de l’infraction, c’est-à-dire à partir du 2ème acte pour les
infractions complexes et à partir de la première réitération pour les infractions
d’habitude. Afin d’accentuer la répression, la jurisprudence estime que le point de
départ du délai de prescription de l’action publique doit être fixé au jour du dernier
acte caractérisant l’infraction complexe ou l’infraction d’habitude. Et, cette solution
s’applique quelle que soit la date à laquelle les actes précédents ont été réalisés.
Cette solution peut, néanmoins aboutir à des résultats choquants pour ce qui
concerne les infractions d’habitude. En effet, si un deuxième acte médical est réalisé
par un non médecin 10 ans après un premier acte de nature identique, des
poursuites du chef d’exercice illégal de la médecine pourront être diligentées.
En ce qui concerne les infractions complexes, cette règle revêt une grande
importance. En effet, en matière d’escroquerie à la Sécurité Sociale ou aux Assédic,
grâce à cette règle, la jurisprudence estime que le point de départ du délai de
prescription doit être fixé au jour du dernier versement (Crim., 9 mai 1972, Bull.
crim., n° 161).

Chaque tribunal dans le ressort duquel les actes matériels de l’infraction


d’habitude ou de l’infraction complexe ont été accomplis est compétent. Ainsi, si les
mariages religieux ont été célébrés dans plusieurs villes, plusieurs tribunaux peuvent
être compétents.
Après les infractions simples et les infractions à éléments matériels multiples, nous
allons nous intéresser aux infractions faisant intervenir la durée.

Section II) Les infractions instantanées et les infractions continues

Comme précédemment, nous allons envisager la notion puis les intérêts de la


distinction.

§I) La notion

L’infraction instantanée peut être définie comme celle qui s’accomplit en un trait de
temps. Tel est le cas du vol, de l’homicide, des violences. A l’opposé, les infractions
continues sont définies comme celles dont la matérialité se prolonge dans le temps
en raison de la volonté réitérée de l’auteur des faits. Tel est le cas du recel, de la
séquestration ou du port illégal de décoration.
Cependant, à côté de ces deux catégories d’infractions, certains auteurs ont créé une
nouvelle catégorie : les infractions permanentes. Celles-ci peuvent être définies
comme des infractions dont l’acte matériel s’exécute en un trait de temps mais dont
les effets se prolongent dans le temps sans qu’intervienne l’auteur initial des faits. Tel
est le cas de la bigamie ou de la construction d’un immeuble sans permis de
construire.

§II) Les intérêts de la distinction

Les intérêts se rencontrent essentiellement dans trois domaines : la prescription, les


conflits de lois pénales dans le temps et la règle non bis in idem.

La prescription de l’infraction continue ne va commencer à courir que lorsque


l’activité délictueuse a cessé, c’est-à-dire, par exemple, à partir du jour où le receleur
ne détient plus les objets volés. En revanche, pour les infractions instantanées et les
infractions permanentes, le point de départ du délai de prescription est fixé au jour
de la consommation de l’infraction.

En matière d’application de la loi pénale dans le temps, la loi nouvelle plus


sévère s’applique aux infractions continues si celles-ci persistent après son entrée en
vigueur. De la même manière, une loi d’amnistie ne s’appliquera pas à l’infraction
continue qui se prolonge après la promulgation de cette loi.

La règle non bis in idem ne s’applique pas aux infractions continues si elles se
prolongent après une première condamnation.

Nous allons maintenant aborder l’opposition entre les infractions de commission et


les infractions d’omission.

Section III) Les infractions de commission et d’omission


L’infraction de commission peut se définir comme celle dans laquelle l’agent
accomplit ce que la loi lui interdit de faire. Par exemple, dans l’homicide, on tue une
personne alors que la loi interdit ce type de comportement. Ainsi, dans l’infraction de
commission, l’élément matériel de l’infraction est un acte positif.

Par opposition, l’infraction d’omission est celle dans laquelle l’agent ne fait pas ce que
la loi lui impose de faire. Ainsi, alors que la loi prescrit à tout individu d’aider une
personne en péril (article 223-6 NCP alinéa 2), l’agent ne fait rien.
Historiquement, la question s’est posée de savoir si l’on pouvait sanctionner un acte
de commission par omission : meurtre commis à l’aide d’une omission (ne pas
alimenter une personne). La jurisprudence a répondu par la négative dans un arrêt
célèbre dit « l’affaire de la séquestrée de Poitiers » (arrêt Monnier : Poitiers, 20
novembre 1901, D. 1902, 2, 81). A partir de cet arrêt, les infractions d’omission
créées par le législateur se sont multipliées : omission de porter secours, abandon de
famille, non représentation d’enfant…
A côté de ces infractions de pure omission, il existe certaines infractions dont
l’élément matériel est défini de manière telle qu’il peut être caractérisé par une action
ou une omission. C’est le cas pour les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité
physique.

L’intérêt à opposer ces deux catégories d’infractions réside dans la conception de la


politique criminelle. Plus le législateur tend à multiplier les infractions d’omission,
plus on va imposer aux individus certains comportements. Le droit pénal devient
alors plus directif.
Le titre III et donc dernier titre de ce cours sera consacré à la question de la pluralité
de participants à l’infraction.
TITRE III
LA PLURALITE DE PARTICIPANTS A L’INFRACTION

Le concept de pluralité de participants à une infraction est susceptible d’être envisagé


de plusieurs manières. En pratique, il est nécessaire de distinguer trois cas :
• plusieurs participants à l’infraction sans entente préalable. En France, chacun
est puni de son propre fait. Si quelqu’un est victime de coups, il faudra
prouver que c’est telle personne qui a porté ces coups.

• plusieurs participants à une infraction avec entente préalable. L’entente


préparatoire est parfois érigée en délit distinct (complot, association de
malfaiteurs…).

• entente momentanée en vue de la réalisation d’une infraction déterminée :


c’est la complicité.

A côté de la complicité qui fait intervenir plusieurs participants à une même


infraction, deux autres hypothèses recouvrent cette réalité : la responsabilité pénale
du fait d’autrui qui fait intervenir l’auteur de l’infraction et le responsable du fait
d’autrui ainsi que la responsabilité pénale des personnes morales où interviendra
fréquemment à côté de la personne morale une personne physique qui réalisera
matériellement l’infraction : tel est le cas si l’infraction en cause est un homicide par
exemple.

CHAPITRE I
LA COMPLICITE

La complicité se rattache à un phénomène criminologique plus vaste appelé


participation criminelle. Cette notion correspond à l’idée que plusieurs personnes ont
participé à la réalisation d’une infraction.

Envisagée par les articles 59 et 60 du Code pénal de 1810, la complicité est


désormais envisagée par les articles 121-6, 121-7 et R. 610-2 du nouveau Code
pénal.
Aux termes de l’article 121-6 : “sera puni comme auteur le complice de l’infraction au
sens de l’article 121-7”.

L’article 121-7 dispose que “est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en facilite la préparation ou la consommation. Est
également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus
d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions
pour la commettre”.
Enfin, l’article R. 610-2 dispose que “le complice d’une contravention au sens du
second alinéa de l’article 121-7 est puni conformément à l’article 121-6”.

De ces différents articles, il résulte que le complice est une personne qui participe
volontairement et de manière accessoire à une infraction commise par un tiers. Le
droit français applique le système dit de la complicité, délit unique. Il en résulte que
l’on considère que l’entreprise criminelle forme un tout. Le comportement du
complice est aussi dangereux que celui de l’auteur principal. La criminalité du
complice suit donc celle de l’auteur.
Nous aborderons la complicité en distinguant ses conditions, la distinction entre
coauteur et complice et la répression de la complicité. Il conviendra également
d’aborder le cas spécifique de l’article 221-5-1 NCP issu de la loi Perben II du 9 mars
2004.

Section I) Les conditions de la complicité

Aujourd’hui, le nouveau code pénal consacre la notion de complicité dans son article
121-7 NCP.
Nous aborderons les conditions de la complicité à travers trois points : les qualités de
l’infraction principale, l’élément matériel de la complicité et son élément moral.

Paragraphe I) Les qualités de l’infraction principale

L’infraction principale doit être punissable et doit être qualifiée, crime, délit ou
contravention.

A) Le fait principal doit être punissable

La complicité ne peut être réprimée que s’il existe une infraction principale
punissable. Il n’est donc pas suffisant d’avoir collaboré à un acte. Il faut que cet acte
soit punissable.
Cela veut donc dire que :
• il n’y a pas complicité si le fait principal ne peut pas être puni : tel est le cas, si
le fait principal n’est pas incriminé (le suicide qui ne constitue pas une
infraction). Tel est aussi le cas si le fait principal bien qu’incriminé est resté au
stade des actes préparatoires.

• il n’y a pas non plus de complicité si l’acte principal bénéficie d’un fait justificatif
ou d’une immunité. Tel sera le cas dans l’hypothèse de la reconnaissance de la
légitime défense ou si un tiers aide un fils à voler son père. Cependant, certains
auteurs (Jeandidier, Conte) ont une position inverse depuis l’entrée en vigueur
du NCP. C’est ce qu’il ressort également d’une réponse du Garde des sceaux à
une question écrite n° 11649 (JOAN 28 juillet 2003, p. 6084). En revanche, la
jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur ce point.

• il n’y a pas non plus de complicité si l’infraction commise n’est plus punissable.
Tel est le cas en cas de prescription ou d’amnistie.

En revanche, la fuite ou le décès de l’auteur principal n’ôte pas au fait principal son
caractère punissable. De même, le complice reste punissable en cas de relaxe ou
d’acquittement de l’auteur principal si celui-ci se produit in personam (démence,
cause de minorité…). Chaque fois que la relaxe repose sur la personne, le complice
subit la peine. Si le fait principal est punissable, le complice va lui aussi subir la
répression. En revanche, si la complicité est punissable, sa tentative ne l’est pas. De
même, on ne peut pas être complice d’un acte justifié (légitime défense). La
complicité d’une infraction prescrite n’est pas punissable. La complicité d’une
infraction amnistiée n’est pas punissable si l’amnistie a lieu in rem mais reste
punissable lorsque l’amnistie est accordée in personam.
Mais, en outre, le fait principal doit être qualifié crime, délit ou contravention.

B) Le fait principal doit être qualifié crime, délit ou contravention

La qualification de crime, de délit ou de contravention résulte de la loi pénale et des


pénalités applicables à chaque infraction. C’est ce que l’on appelle la classification
tripartite des infractions.
Sous l’empire du Code pénal de 1810, la complicité ne pouvait concerner que les
crimes et les délits.
Désormais, le nouveau Code pénal, dans son article R. 610-2 réprime la complicité en
matière de contravention.

Cependant, en matière contraventionnelle, la complicité n’est pas systématique.


En pratique, il faut distinguer deux cas :
• la complicité en matière contraventionnelle est punissable de manière
générale en cas de complicité par instigation.

• en revanche, dans le cadre de l’aide ou assistance en matière


contraventionnelle, le complice ne pourra être poursuivi que si le règlement le
prévoit. A défaut, le complice ne sera pas punissable.

Cependant, en matière d’exigence d’un fait principal punissable, la jurisprudence


devient peu sévère. En effet, dans un arrêt récent du 8 janvier 2003 (Bull. crim., n°
5), la Cour de cassation se contente d’un acte objectivement illicite au titre du fait
principal punissable. Ainsi, la chambre criminelle a condamné pour complicité des
individus alors que l’auteur principal avait été relaxé pour défaut d’élément
intentionnel. Cet arrêt est en contradiction avec la lettre de l’article 121-7 NCP qui
requiert une infraction.
Outre les caractéristiques du fait principal, la complicité nécessite la preuve d’un
élément matériel et d’un élément moral.

Paragraphe II) L’élément matériel de la complicité

Le législateur a dû prévoir des cas limitatifs de complicité. Après avoir envisagé les
formes de la complicité, nous aborderons ses caractères.

A) Les formes de l’élément matériel

En pratique, l’article 121-7 NCP fait une distinction entre deux formes de complicité :
la complicité par aide ou assistance et la complicité par instigation.

1) La complicité par aide ou assistance

Il s’agit de la forme la plus répandue de complicité. Cette formulation retenue par le


nouveau Code pénal et reprise de l’ancien code pénal est très large. En pratique, la
question se pose de savoir comment définir l’aide et l’assistance.
L’assistance consiste dans la présence sur place du complice. Elle peut consister dans
l’immobilisation d’une personne pendant que l’auteur de l’infraction exerce sur elle
des violences.
L’aide consiste, notamment, dans la fourniture de moyens, expression expressément
retenue par le code pénal de 1810. Le moyen fourni pour aider l’auteur de l’infraction
peut être de nature mobilière (voiture, arme) ou de nature immobilière (prêt d’une
maison pour pouvoir commettre l’infraction).
Au-delà de ces définitions, l’aide ou l’assistance est caractérisée même lorsqu’elle a
été inefficace. Ainsi, peu importe que l’auteur de l’infraction ait ou non utilisé l’arme
prêtée par le complice. De même, l’aide ou l’assistance peut avoir été indirecte. Ainsi,
la jurisprudence réprime le complice d’un complice (Crim., 1er sept. 1987, Bull.
crim., n° 308).
Autre forme de complicité : la complicité par instigation.

2) La complicité par instigation


Envisagée par l’article 121-7 al. 2 NCP, la complicité par instigation est susceptible de
revêtir deux formes : la provocation ou la fourniture d’instructions. Ces deux moyens
ne peuvent être retenus au titre de la complicité que s’ils sont adressés à une
personne déterminée. Ainsi, une personne qui, dans une revue, inciterait à
commettre des escroqueries à l’assurance ne pourrait pas être considérée comme
complice de toutes les personnes qui seraient passées à l’acte. En quoi consistent,
concrètement, la provocation et la fourniture d’instructions ?
La provocation pour être punissable doit consister en l’un des agissements prévu par
l’article 121-7 NCP : dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir. Et, en
l’absence d’un de ces agissements, la complicité ne pourra pas être retenue. En
pratique, la jurisprudence assimile à la promesse le pari. La provocation doit donc
consister en une pression destinée à la commission de l’infraction. Il ne doit pas
s’agir d’un simple conseil (Crim., 28 octobre 1965, J.C.P., 1966, II, 14524) auquel
cas l’individu ne serait qu’un comparse . En jurisprudence, les exemples de
provocation sont nombreux : remise d’argent, pression, menace de licenciement pour
obtenir un faux témoignage. Ce type de complicité est particulièrement grave car il
est à l’origine de l’infraction. Dans les cas les plus graves, l’instigateur est le cerveau
de l’infraction.
Dans le cadre de la réforme du nouveau code pénal, il avait été envisagé de
sanctionner de manière autonome l’instigateur de l’infraction. Finalement, cette
solution n’a pas été retenue. Cependant, dans le cadre de la loi Perben II du 9 mars
2004 a été intégré un article 221-5-1 NCP qui punit de 10 ans d’emprisonnement et
de 150 000 € d’amende le fait de faire à une personne des offres ou des promesses
ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu’elle
commette un assassinat ou un empoisonnement lorsque ce crime n’a été ni commis
ni tenté. Ainsi, l’incitation ou la provocation à la délinquance, même non suivie
d’effet, est incriminée.

L’instruction consiste dans des renseignements donnés en vue de faciliter la


consommation de l’infraction. Contrairement à la provocation, elle n’implique pas de
contrainte sur la volonté du futur auteur de l’infraction. Les instructions données
peuvent être de nature très variée : adresse d’une habitation susceptible d’être
cambriolée, horaires de sortie d’une personne devant faire l’objet d’un enlèvement…
Cependant, quelle que soit sa nature, l’instruction doit être suffisamment précise. Il
ne doit pas s’agir de vagues renseignements qui n’auraient aucun intérêt pour
l’auteur de l’infraction. L’instruction se distingue de la provocation dans la mesure où
elle n’implique pas de contrainte sur la volonté de l’auteur des faits.
Après les formes de l’acte matériel de complicité, abordons ses caractères.

C) Les caractères de l’acte matériel de complicité

L’acte matériel de complicité revêt trois caractères distincts : il doit être consommé, il
doit être positif et doit aussi être antérieur ou concomitant à la consommation de
l’infraction.
• un acte de complicité consommé : une personne peut être poursuivie pour
complicité de tentative. En revanche, elle ne peut pas l’être pour tentative de
complicité. L’acte de complicité doit donc parvenir jusqu’à son terme.

• un acte de complicité positif : la provocation revêt nécessairement une forme


positive. L’aide et assistance, en revanche, peuvent se concevoir de manière
négative. Ainsi, une personne pourrait en aider une autre en ne déclenchant pas
le système de sécurité pour faciliter la fuite de l’auteur de l’infraction. Face à ce
problème, la doctrine et la jurisprudence, dans leur grande majorité, exigent un
acte positif pour caractériser l’acte matériel de complicité. Cela signifie donc que
la complicité par abstention n’est généralement pas retenue. Toutefois, il existe
des décisions qui sont en sens contraire (Crim., 28 mai 1980, D. 1981, I.R.,
137).

• un acte de complicité antérieur ou concomitant à l’infraction : face à cette


condition, une question délicate s’est posée en jurisprudence. Le problème s’est
posé de savoir si l’aide ou l’assistance qui caractérisait la complicité pouvait se
produire après le fait principal. A l’évidence, le comportement était
répréhensible, mais devait- on exercer des poursuites au titre de la complicité ou
devait-on se fonder sur des infractions spécifiques ? La jurisprudence a résolu la
question de manière assez claire. Elle considère que l’on ne peut pas retenir la
complicité pour des actes postérieurs à l’infraction (Crim., 15 janvier 1948, Sirey
1949, 1, 81). Cependant, elle tempère cette affirmation en considérant que le
moment à prendre en compte pour savoir si les faits sont concomitants ou
postérieurs à l’infraction est celui de l’entente criminelle. Ainsi, l’individu qui
attend à la sortie de la banque pour aider les cambrioleurs à fuir est un complice,
si cette manière de fuir a été prévue dans le plan d’attaque. De façon générale,
la complicité peut donc résulter d’actes postérieurs au fait principal dès lors qu’ils
relèvent d’un accord antérieur (Crim., 1er déc. 1998, Droit pénal 1999, com.
80).

L’acte de complicité est aussi caractérisé par la présence d’un élément moral.

Paragraphe III) L’élément moral de la complicité

On doit opérer une distinction suivant que l’infraction commise est intentionnelle ou
non.

A) La participation à l’exécution d’une infraction intentionnelle

Il ne fait pas de doute que l’élément intellectuel de la complicité est intentionnel. En


pratique, l’intention requise est définie comme la connaissance du caractère
délictueux des actes de l’auteur et la volonté de participer à leur commission. En
effet, l’article 121-7 NCP précise que l’aide ou l’assistance doit être apportée
sciemment (Crim., 19 juin 2001, Droit pénal 2001, n° 111).. Cependant, l’élément
intellectuel de la complicité ne doit pas être confondu avec celui de l’infraction
principale. L’intention du complice est caractérisée par la simple connaissance que
celui-ci avait de la volonté criminelle de l’auteur. Il n’est pas nécessaire que le
complice ait partagé cette volonté. Par exemple, une personne peut être déclarée
complice de crime contre l’humanité alors qu’elle n’adhérait pas elle-même à la
volonté d’extermination, qui animait l’auteur principal. Il suffit que le complice ait su
que l’auteur était animé d’une telle volonté.
En règle générale l’intention du complice ne pose aucun problème. Cependant, en
pratique, il existe des situations délicates.
• lorsque l’infraction réalisée est différente de celle projetée et est plus grave : en
la matière, la jurisprudence distingue deux hypothèses. Si l’infraction réalisée est
sans rapport avec celle projetée, il n’y a pas complicité. Ainsi, dans l’arrêt
NICOLAI ((Crim., 13 janv. 1955, D. 1955, 291) Nicolaï avait chargé Rubio de se
rendre chez son débiteur pour l’obliger à rembourser un prêt. Pour lui permettre
d’accomplir sa tâche, Nicolaï avait remis à Rubio 2 pistolets automatiques. Se
rendant au domicile du débiteur, Rubio est interpellé par le concierge qui le
menace d’appeler la police. Rubio le blesse alors mortellement avec l’un des
pistolets fournis par Nicolaï. Nicolaï est alors poursuivi pour complicité de
meurtre. La chambre criminelle rejette cette thèse au motif que le complice n’est
punissable que si le moyen fourni l’a été en sachant qu’il devait y servir). Si
l’infraction commise est bien celle réalisée mais s’accompagne de circonstances
aggravantes, le complice supporte l’aggravation.

• si le complice s’abstient mais que l’infraction se réalise quand même : pour la


jurisprudence et la doctrine, il y a complicité. Ce sursaut moral est insuffisant. Le
complice doit agir positivement pour assurer son impunité : récupérer l’arme,
alerter la victime, prévenir la police…

• s’il y a complicité d’une complicité, la solution réside dans une condamnation


(Crim., 1er sept. 1987, Bull. crim., n° 308).

• si une personne est complice d’un délit d’habitude : on punit le complice quand
l’acte auquel il est associé est le deuxième terme du délit d’habitude. En effet,
selon la jurisprudence « pour être punissable, la complicité d’une infraction
d’habitude n’exige pas l’aide du prévenu à au moins deux actes de l’infraction
principale » (Crim., 19 mars 2008, Droit pénal 2008, com., 79).

L’infraction commise par l’auteur principal peut ne pas être intentionnelle.

B : La participation à l’exécution d’une infraction non intentionnelle

Sous l’empire du Code pénal de 1810, la jurisprudence n’admettait pratiquement


jamais ce type de complicité. Cependant, en la matière, on peut noter la présence
d’un arrêt contradictoire de la Cour d’appel de Chambéry de 1956 (Chambéry, 8 mars
1956, J.C.P. 1956, II, 9224 : accident de bobsleigh).
En la matière, la question se pose de savoir s’il peut exister une complicité pour les
infractions non intentionnelles, alors que la complicité, on l’a vu, est nécessairement
intentionnelle.

Avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la question semble devoir être
appréhendée différemment. En effet, désormais, nous l’avons dit, la complicité en
matière contraventionnelle est retenue. Plus précisément, rappelons-le les complices
par instigation sont dans tous les cas punissables alors que les complices par aide et
assistance ne pourront être déclarés coupables que si le règlement le prévoit. Ainsi,
la complicité pour les infractions non intentionnelles devrait se développer.

En outre, la jurisprudence a estimé que doit être déclaré complice du délit de mise en
danger d’autrui le passager d’un véhicule qui donne ordre à son chauffeur de brûler
un feu de signalisation en position rouge (Crim., 6 juin 2000, Droit pénal 2000, com.
124).

En revanche, il semble que la complicité pour les infractions de pure imprudence ou


négligence puisse être exclue dans la mesure où l’alinéa 3 de l’article 121-3 NCP
dispose que « il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute
d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas
accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses
missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des
moyens dont il disposait ». Ainsi, cet article fait référence à l’auteur des faits ce qui
sous-entend qu’il ne peut y avoir de complice pour ce type de faute.
Outre les éléments constitutifs de la complicité, comment peut-on distinguer

Section II) La distinction du coauteur et du complice

En théorie, le critère de distinction entre coauteur et complice est extrêmement


simple. Celui qui réalise tous les éléments matériels et psychologiques de l’infraction
est un auteur ou un coauteur s’ils sont plusieurs. En revanche, celui qui sans
accomplir intégralement l’infraction y a participé dans les conditions de l’article 121-7
du nouveau Code pénal est un complice. Cependant, dans la réalité, la distinction
n’est pas très aisée, d’autant que la jurisprudence tend à cautionner certaines erreurs
dans le but de favoriser la répression.
La jurisprudence tend à assimiler le complice au coauteur chaque fois que cette
solution est bénéfique pour la répression. Notamment, sous l’empire du Code pénal
de 1810, en matière de contravention, le complice était souvent qualifié de coauteur.
Cette assimilation devrait, peut-on penser, être abandonnée puisque le nouveau
Code pénal tend à assurer (sous réserve des distinctions que nous avons faites) la
répression de la complicité en matière contraventionnelle.
Dans d’autres hypothèses, le coauteur est assimilé au complice notamment pour les
crimes de foule. Lorsque les juges du fond confondent le coauteur et le complice, il y
a rarement cassation en raison du principe dit de la peine justifiée (Crim., 7 mars
1972, Bull. crim., n° 84). En outre, en matière d’action collective, la jurisprudence
estime que celui qui est identifié pour avoir accompli personnellement des actes
délictueux au cours d’une action collective doit être déclaré pénalement responsable
(Crim., 22 juin 1999, Droit pénal 1999, com. 140).
Outre la distinction entre le coauteur et le complice, il convient d’envisager la
répression de la complicité.

Section III) La répression de la complicité

Quelles sont, en la matière, les règles applicables ?

Le Code pénal de 1810, consacrait en matière de répression de la complicité deux


règles fondamentales :
• La règle de l’emprunt de criminalité d’après laquelle la répression de la
complicité suppose l’existence d’une infraction principale.

• La règle de l’emprunt de pénalité selon laquelle le complice encourt les


mêmes peines que l’auteur principal.

Par rapport à ces deux principes, le nouveau Code pénal, ne retient que celui de
l’emprunt de criminalité. En effet, désormais, le nouveau Code pénal ne dispose plus
que le complice est puni des mêmes peines que l’auteur principal. Le nouveau code
pénal dans son article 121-6 dispose que le complice encourt les mêmes peines que
s’il avait été lui-même auteur principal de l’infraction. Ce changement rédactionnel
est susceptible de produire des modifications lorsque l’infraction est accompagnée de
circonstances aggravantes.
Ainsi, prenons l’exemple d’une personne qui est complice du meurtre de son père.
Sous l’empire de l’ancien code pénal, cette personne était punie comme l’auteur
principal. Elle encourait donc les peines du meurtre simple et non celles du parricide.
Désormais, cette personne est punie comme si elle était elle-même auteur principal
de l’infraction. Elle encourt donc les peines du meurtre aggravé, l’aggravation tenant
au lien de parenté avec la victime de l’infraction.
Après la répression de la complicité, nous allons aborder le cas spécifique de l’article
221-5-1 NCP.

Section IV) L’article 221-5-1 NCP

Aux termes de l’article 221-5-1 NCP, « le fait de faire à une personne des offres ou
des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin
qu’elle commette un assassinat ou un empoisonnement est puni, lorsque ce crime n’a
été ni commis ni tenté, de 10 ans d’emprisonnement et 150.000 € d’amende ». Cet
article consacre l’incrimination d’un acte de provocation non suivi d’effet, c’est-à-dire
l’absence de réalisation de l’acte criminel projeté. Cet article constitue donc un
tempérament à la théorie de la tentative et à celle de la complicité (A. PONSEILLE,
L’incrimination du mandat criminel, Droit pénal 2005, chron. 10). Il s’agit finalement
d’incriminer le contrat d’assassinat. Cette idée n’est pas nouvelle puisque le projet de
nouveau code pénal envisageait cette possibilité dans son article 121-6 selon lequel
le complice était, notamment, envisagé comme la personne qui « provoque
directement un tiers à commettre un crime, lors même qu’en raison de circonstances
indépendantes de la volonté de l’instigateur, la provocation n’est pas suivie d’effet ».
Cette solution retenue par le législateur était proposée par la doctrine depuis
longtemps pour pallier une carence de la législation qui ne réprimait pas l’incitation à
la commission d’un assassinat ou d’un empoisonnement lorsque ces infractions ne
sont ni réalisées ni tentées. En effet, un commencement d’exécution est nécessaire
pour retenir la tentative et, dans l’instigation non suivie d’effet, cet élément fait
défaut. De même, en matière de complicité, un fait principal punissable est
nécessaire, ce qui n’est toujours pas le cas en matière d’instigation non suivie d’effet.
Cependant, le législateur s’était déjà engagé dans la voie de la sanction de la
provocation non suivie d’effet en retenant l’article 450-1 NCP relatif à l’association de
malfaiteurs qui peut être définie comme « tout groupement formé ou entente établie
en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou
plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans
d’emprisonnement ».
Ainsi, lorsque le comportement pour lequel une personne est pénalement poursuivie
correspondra exactement à celui décrit par l’article 221-5-1 NCP, le juge sera tenu
d’écarter l’article 450-1 NCP en application de la règle selon laquelle la qualification
spéciale l’emporte sur la qualification générale.
Cependant, il faut bien comprendre que l’article 221-5-1 NCP n’incrimine que la
provocation à un assassinat ou à un empoisonnement. En conséquence, la
provocation non suivie d’effet à un autre crime reste impunie, sauf à appliquer
l’article 450-1 NCP, en tant qu’incrimination de secours.
Après avoir envisagé la complicité dans un chapitre premier, nous allons aborder,
dans un chapitre II, la responsabilité pénale des dirigeants.
CHAPITRE II
LA RESPONSABILITE PENALE DES DIRIGEANTS

Contrairement au Code pénal de 1810, le nouveau Code pénal définit la notion


d’auteur de l’infraction. Selon l’article 121-4 NCP, est auteur celui qui « commet les
faits incriminés ». Cette définition peut être améliorée par le recours à l’article 121-1
NCP qui dispose que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Est
donc responsable de l’infraction celui qui en a personnellement accompli les différents
éléments constitutifs. Cependant, dans le nouveau Code pénal, certaines infractions
sont définies de manière telle que leur auteur peut ne pas avoir commis lui-même les
actes matériels incriminés par la loi. Ainsi, le génocide est défini par l’article 211-1
NCP comme le fait de « commettre ou de faire commettre » des atteintes volontaires
à la vie … L’auteur d’une telle infraction est alors désigné comme son auteur moral. A
côté de cette situation, la responsabilité de l’auteur de l’infraction est susceptible
d’être affectée par le fait d’un tiers : c’est le cas des infractions collectives et des
infractions imputables aux dirigeants.
Lorsque l’on aborde la responsabilité pénale du dirigeant, cela signifie que l’on va
s’intéresser à la responsabilité pénale du fait d’autrui. En effet, cette responsabilité
permet de déclarer le dirigeant pénalement responsable en raison d’actes matériels
commis par une autre personne. Il convient, en ce domaine, d’envisager la
responsabilité du chef d’entreprise puis les modalités d’exonération dont il dispose.

Section I) La responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise

Cette responsabilité permet de déclarer un dirigeant d’entreprise pénalement


responsable en raison d’actes commis par un de ses préposés.
Dans le code pénal de 1810, aucun texte général n’interdisait ou n’excluait la
responsabilité du dirigeant d’entreprise. Dans le nouveau Code pénal, seuls quelques
textes spécifiques permettent de l’envisager. Parallèlement, dans des pans
spécifiques du droit pénal, il semble que cette responsabilité soit admise.
Parallèlement aux textes en vigueur, la jurisprudence retient fréquemment la
responsabilité du dirigeant d’entreprise.

Paragraphe I) Les textes

Trois catégories de textes permettent de retenir la responsabilité pénale du chef


d’entreprise : ceux dans lesquels la responsabilité du dirigeant est expressément
prévue, ceux dans lesquels elle est implicite et ceux qui sont rédigés de manière
suffisamment large pour qu’une telle responsabilité puisse être envisagée.

• Les textes dans lesquels la responsabilité du dirigeant est expressément prévue :


l’article 433-18 NCP relatif à l’usage irrégulier de qualité dans un document
publicitaire retient la responsabilité du « fondateur ou du dirigeant de droit ou de
fait d’une entreprise qui poursuit un but lucratif ».

- l’article L. 244-1 C séc. Soc. dispose que « l’employeur ou le travailleur indépendant


qui ne s’est pas conformé aux prescriptions de la législation de sécurité sociale est
poursuivi devant le tribunal de police… ».

• Les textes dans lesquels la responsabilité est plus implicite : Il s’agit alors de textes
d’incrimination qui visent le dirigeant comme éventuel auteur de l’infraction.
C’est notamment le cas des articles L. 4741-1 et L. 4741-9 du Code du travail qui
visent l’employeur et le préposé, d’une part, et « toute personne autre que celles
mentionnées à l’article L. 4741-1 ». Cet article concerne les règles d’hygiène et de
sécurité dans le monde du travail.

• Le texte est très large et permet la responsabilité du chef d’entreprise.


C’est le cas en ce qui concerne les articles 221-1 et 221-6 NCP relatifs à au meurtre
et à l’homicide involontaire.
Face à ces textes, quelles sont les solutions retenues en jurisprudence ?

Paragraphe II) La jurisprudence

Le problème est de savoir comment la jurisprudence aborde la responsabilité des


dirigeants d’entreprise et quel est son fondement.
On cite traditionnellement trois fondements à cette responsabilité :
• la théorie du risque par analogie avec le droit civil ;

• la théorie de la faute

• la théorie du pouvoir.

En pratique, la jurisprudence semble retenir la 3ème solution. Depuis le milieu du


XIX° siècle, elle fait peser sur le chef d’entreprise la responsabilité pénale pour les
infractions commises par ses préposés (Crim., 15 janvier 1841, S., 1849, I, 149).
La jurisprudence, en pratique, se fonde sur le principe suivant lequel nul n’est
responsable que de son fait personnel. Ainsi, dans un arrêt de principe du 30
décembre 1892 (Crim., 30 décembre 1892, S., 1894, I, 201, note Viley), la Cour de
cassation a considéré que “s’il est de principe que nul n’est passible de peines qu’à
raison de son fait personnel, …”
Cependant, la jurisprudence introduit des tempéraments à cette règle permettant de
retenir la responsabilité des dirigeants. En effet, ce même arrêt précise “il en est
autrement dans certains cas exceptionnels où des prescriptions légales engendrent
l’obligation d’exercer une action directe sur le fait d’autrui ; qu’en matière
d’industries réglementées, notamment celle des entreprises de démolition, il y a
nécessité de faire remonter la responsabilité pénale aux chefs d’entreprise, parce que
les conditions et le mode d’exercice de ces industries leur sont personnellement
imposées, et qu’ils sont tenus d’assurer l’exécution des règlements”.
La question a été posée de savoir si cette jurisprudence devait être consacrée par le
nouveau code pénal. Le nouveau code pénal est resté muet sur la question.
Cependant, depuis son entrée en vigueur, les arrêts retenant la responsabilité pénale
des dirigeants ont été nombreux.

Si l’on tente de procéder à une synthèse de la jurisprudence, il semble que le chef


d’entreprise soit responsable dans 2 grands domaines infractionnels. :

• dans le cadre de la violation des règlements propres à son entreprise.

• en cas de manquement d’ordre général commis dans son entreprise. Tel est le
cas s’agissant des règles d’hygiène et de sécurité dans le monde du travail.

La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef d’entreprise obéit au respect de


certaines conditions : la commission d’une infraction par le préposé et une faute
personnelle imputable au dirigeant.

A) Une infraction commise par le préposé


L’infraction commise par le préposé peut consister dans une infraction de commission
(pollution de rivière) ou une infraction d’omission (non-respect des règles d’hygiène
et de sécurité). Il peut s’agir d’infractions d’imprudence ou de négligence
(inobservation de règlement). Mais, la question qui se pose est de savoir s’il peut
s’agir d’infractions intentionnelles commises par le préposé ? Dans son principe, la
responsabilité pénale du chef d’entreprise ne devrait pas être retenue dans ce cas
puisque le chef d’entreprise est responsable de sa négligence dans l’exercice de son
devoir de contrôle et de surveillance.
Malgré cela, la jurisprudence a parfois admis la responsabilité pénale du chef
d’entreprise en cas de faute intentionnelle commise par un préposé. Ainsi, en matière
de pollution des eaux, lorsque cette infraction était de nature intentionnelle (Crim., 6
oct. 1955, J.C.P. 1956, II, 9098, note Lestang).
Il convient également de préciser qu’en principe, la responsabilité pénale du dirigeant
n’exclut pas celle du préposé puisque c’est lui qui a matériellement commis
l’infraction. Cependant, fréquemment, pour des raisons d’opportunité, seul le
dirigeant fait l’objet de poursuites. En outre, la jurisprudence estime que les
infractions en matière d’hygiène et de sécurité ne peuvent pas être reprochées aux
ouvriers, mais seulement aux personnes élevées dans la hiérarchie.
Cependant, pour que la responsabilité du dirigeant puisse être retenue, il est
également nécessaire qu’une faute puisse être imputée au chef d’entreprise.

B) Une faute imputable au chef d’entreprise

Pendant longtemps, on a considéré que la responsabilité pénale du chef d’entreprise


était quasiment automatique (J. SALVAIRE, Réflexions sur la responsabilité pénale du
fait d’autrui, Rev. sc. crim., 1964, 314). En effet, la jurisprudence était extrêmement
sévère et retenait quasi systématiquement la responsabilité pénale du dirigeant. Pour
tempérer cette sévérité, le législateur a modifié l’article L. 263-2 du Code du travail
par la loi du 6 décembre 1976. La nouveauté de cette loi est qu’elle introduit la
notion de faute personnelle du chef d’entreprise pour que sa responsabilité pénale
puisse être engagée. Ainsi, le dirigeant ne peut être déclaré pénalement responsable
que si une faute lui est imputable. Cependant, la jurisprudence décide que l’existence
de cette faute est présumée. Mais, cette présomption ne constitue qu’une
présomption simple. En conséquence, l’absence de faute constitue une des causes
d’exonération.

Section II) Les exonérations

Les exonérations sont au nombre de deux : l’absence de faute et la délégation de


pouvoirs.

Paragraphe I) L’absence de faute

Depuis 1976, l’absence de faute de l’employeur constitue une cause d’exonération de


la responsabilité pénale du chef d’entreprise. Cependant, la jurisprudence estime que
l’existence de la faute du chef d’entreprise est présumée. Mais, cette présomption
étant une présomption simple, le dirigeant peut rapporter la preuve contraire. En
raison de cette présomption de faute, les arrêts ayant exonéré le chef d’entreprise
sur la base de l’absence de faute sont peu nombreux. On peut en citer un du 14 mars
1979 qui a relaxé un chef d’entreprise en considérant qu’il n’avait “pas commis
d’infractions aux règles concernant la sécurité du travail puisqu’il avait pris toutes les
mesures utiles pour que ces règles soient effectivement observées par le personnel
de l’entreprise” (Crim., 14 mars 1979, Bull. crim., n° 109). Solution identique en cas
d’accident causé par un salarié ayant 20 ans de pratique professionnelle (Crim., 20
sept. 1980, Bull. crim., n° 237).
D’autres arrêts, en revanche, retiennent une solution contraire (Crim., 28 octobre
1986, Bull. crim., n° 311 : dans cette affaire, la chambre criminelle a considéré que
l’exonération du chef d’entreprise ne pouvait pas être obtenue sur la base d’une
tolérance administrative qui dérogeait à la réglementation en vigueur).
En tant que cause d’exonération, la délégation de pouvoirs est beaucoup plus
souvent retenue par la jurisprudence.

Paragraphe II) La délégation de pouvoirs

Nous aborderons, ici, le domaine de la délégation de pouvoirs, ses conditions et ses


effets.

A) Le domaine de la délégation de pouvoirs

Historiquement, on enseignait que la délégation de pouvoirs n’était pas admise en


tout domaine. On estimait qu’elle concernait essentiellement l’hygiène et la sécurité
au sein de l’entreprise (Crim., 18 juin 1991, Droit pénal 1992, n° 19).
Néanmoins, certaines décisions de jurisprudence admettaient dans d’autres domaines
l’effet exonératoire de la délégation de pouvoirs. Ainsi, en matière de publicité fausse
ou de nature à induire en erreur, la jurisprudence considérait que “aucune disposition
de la loi du 27 décembre 1973 n’interdit au chef d’entreprise de déléguer tout ou
partie de ses pouvoirs à un préposé” (Crim., 7 décembre 1981, Bull. crim., n° 325).
Il en était de même en matière routière (Crim., 19 janvier 1988, Bull. crim., n° 29).
Depuis 5 arrêts du 11 mars 1993, la jurisprudence estime que la délégation de
pouvoirs peut être admise en tout domaine, sauf disposition contraire. Cependant, si
le texte d’incrimination prévoit expressément qu’est responsable le chef d’entreprise,
il semblerait que la délégation de pouvoirs ne puisse pas être admise (Crim., 11 mars
1993, Bull. crim., n° 112). Cependant, les cas concernent uniquement le domaine de
l’hygiène et de la sécurité (L’entrepreneur : un responsable comme un autre ?, Droit
pénal 2009, p. 9).

En outre, en matière de presse, l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit qu’en


matière de diffamation, est auteur principal le directeur de la publication. Celui- ci
verra donc sa responsabilité engagée de manière automatique.
Outre son domaine, quelles sont les conditions de la délégation de pouvoirs ?

B) Les conditions de la délégation de pouvoir

Lorsque l’on envisage les conditions de la délégation de pouvoirs, il est nécessaire de


distinguer l’objet de la délégation et sa forme.

1) L’objet de la délégation de pouvoirs

En la matière, les conditions de la délégation de pouvoirs sont nombreuses :


• Les pouvoirs délégués doivent être effectivement transférés. Ils peuvent
d’ailleurs l’être au profit d’une personne hors de la société employeur (Crim.,
26 mai 1994, Droit pénal 1995, n° 219). Cependant, la délégation ne doit pas
être fictive et être destinée de la part du chef d’entreprise à nier ses
responsabilités. Ainsi, le délégant reste maître de la délégation de pouvoirs
consentie. Notamment, il peut la réduire à néant du fait de son immixtion
dans les pouvoirs délégués. Ainsi, la délégation ne permettra l’exonération du
chef d’entreprise que si les pouvoirs sont réellement transmis. On doit donc se
demander, au cas par cas, si le délégataire disposait d’une autonomie
suffisante pour faire respecter la règlementation.
• Cependant, cette transmission de pouvoirs n’est envisageable que dans les
entreprises importantes. Et, d’ailleurs, elle est admise dans les groupes de
sociétés.

• De surcroît, la délégation ne peut pas être totale. Son objet doit donc être
précis et limité (Crim., 13 juin 1972, Bull. crim., n° 23). Ainsi, les délégations
de pouvoirs générales sont prohibées ainsi que les délégations de pouvoirs
consenties au profit de plusieurs personnes ce qui est inopérant (Crim., 6 juin
1989, Bull. crim., n° 243). En revanche, les subdélégations sont admises par
certains arrêts (Crim., 4 février 1991, Bull. crim., n° 79).

• En outre, le transfert d’autorité doit être réalisé au profit d’une personne


capable d’exercer les responsabilités qui lui sont confiées. C’est ce que
retient la cour de cassation lorsqu’elle affirme que le délégué doit “avoir la
compétence, l’autorité et les moyens nécessaires pour veiller efficacement
à l’observation des dispositions en vigueur” (Crim., 11 mars 1993, Bull. crim.,
n° 112). Cela sous-entend donc que si le délégataire n’a pas les compétences
suffisantes, il doit refuser la délégation. La condition d’autorité signifie que le
délégué doit pouvoir donner des ordres et les faire respecter. Ainsi, il doit
disposer d’une certaine autonomie et des moyens financiers et disciplinaires.
Les moyens s’évaluent par l’allocation d’un budget afin d’organiser la sécurité
des salariés (Grenoble, 26 nov. 2003, n° RG 0300030). Cependant, les trois
conditions posées par les arrêts de 1993 sont appréciées in globo par la
jurisprudence. Il s’agit donc d’un faisceau d’indice qui se justifie par le fait que
la frontière entre les trois critères est poreuse (Rennes, 18 mars 2004, Juris-
Data n° 2004-287424).

Outre son objet, quelle doit être la forme de la délégation de pouvoirs ?

1) La forme de la délégation de pouvoirs

En la matière, deux cas doivent être distingués :

1er cas : si l’on prend pour exemple les articles L. 4741-1 et L. 4741-9 du code du
travail, on constate qu’ils visent plusieurs sortes de responsables (employeur,
préposé, toute autre personne). Pour le premier, la délégation de pouvoirs n’a pas
besoin d’être expresse puisque ses fonctions lui confèrent l’autorité. La délégation
n’est donc que l’accessoire de droit de ses fonctions.

2nd cas : hormis ces hypothèses dans lesquelles la délégation de pouvoirs découle
des fonctions, la délégation de pouvoirs doit être expresse et publique (Crim., 13
janvier 1972, Bull. crim., n° 23). Cependant, il n’est pas nécessaire qu’elle soit écrite
(Crim., 27 octobre 1976, Bull. crim., n° 303).
La délégation de pouvoirs doit néanmoins être connue des autres employés.
En outre, celui qui invoque la délégation de pouvoirs (le chef d’entreprise en
pratique) doit rapporter la preuve de son existence (Crim., 1er octobre 1991, droit
pénal 1992, n° 19). Mais, en tout état de cause, la réalité et la portée de la
délégation de pouvoirs à une personne ayant la compétence, l’autorité et les moyens
nécessaires au sein de l’entreprise, que le dirigeant social peut invoquer pour
combattre la présomption de responsabilité qui pèse sur lui, sont laissées à
l’appréciation souveraine des juges du fond (Crim., 3 déc. 1998, Bull. crim., n° 332).

C) Les effets de la délégation de pouvoirs


La délégation de pouvoirs engendre deux effets :
• elle a un caractère exonérateur pour le déléguant ;

• elle est attributive de responsabilité pour le délégataire. Cependant, il est des


domaines pour lesquels la délégation de pouvoirs ne produit pas d’effet
exonératoire car le texte d’incrimination connaît uniquement la responsabilité
du chef d’entreprise (infraction à la législation économique : Crim., 19 déc.
1977, Bull. crim., n° 402, fraudes et tromperies…).

La responsabilité pénale est transmise du délégant au délégataire. La responsabilité


du délégataire est identique à celle qu’avait antérieurement le déléguant. La
responsabilité est donc alternative entre le déléguant et le délégataire. Il ne peut y
avoir cumul des responsabilités entre le déléguant et le délégataire sur le fondement
de l’article L. 4741-1 du code du travail (Crim., 12 janvier 1988, Bull. crim., n° 15).
La condamnation du préposé sur le fondement de l’article L. 4741-1 du Code du
travail ne peut entraîner aucun licenciement ni aucun préjudice pécuniaire pour le
délégataire.

Lorsque le préposé est déclaré pénalement responsable, seule la responsabilité


pénale lui est transmise et non la responsabilité civile (article L. 4741-1 du Code du
travail). De même, les amendes restent à la charge de l’employeur.
Outre la responsabilité du dirigeant d’entreprise, nous allons maintenant aborder la
responsabilité pénale des personnes morales qui peut, dans certains cas, constituer
un remède à la responsabilité pénale des dirigeants.
CHAPITRE III
LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES

Envisagée dans des articles généraux, la responsabilité pénale des personnes


morales constitue une nouveauté instaurée par le nouveau Code pénal. Le principe de
la responsabilité pénale des personnes morales est fixé par l’article 121-2 du
nouveau Code pénal. L’article 121-2 définit à la fois le domaine de cette
responsabilité pénale et les conditions de sa mise en œuvre. Cependant, nous ne
pouvons faire l’économie de ce qui se passait sous l’empire du Code pénal de 1810
où certaines lois spécifiques retenaient déjà le principe de la responsabilité pénale
des personnes morales.
Pour cette raison, ce chapitre sera divisé en trois sections : la situation du Code pénal
de 1810, le régime de la responsabilité pénale des personnes morales et le régime
des peines qui leur sont applicables.

Section I) La situation du Code pénal de 1810

Sous l’empire du Code pénal de 1810, aucun article général ne retenait le principe de
la responsabilité pénale des personnes morales. Pourtant, un important débat avait
mobilisé la doctrine. En l’absence d’un texte général, certains textes épars avaient
retenu la responsabilité pénale des personnes morales.

Paragraphe I) Le débat doctrinal

Certains auteurs se sont, historiquement, prononcés contre la responsabilité pénale


des personnes morales. D’autres, en revanche, y étaient favorables.

A) Les auteurs défavorables à la responsabilité pénale des personnes


morales

Les auteurs classiques s’interrogeaient sur l’aptitude à la responsabilité pénale des


personnes morales. A l’appui de leur point de vue, ils avançaient quatre arguments :
• ils soulignaient que la personne morale est une fiction juridique incapable
d’avoir une volonté personnelle. Or, la volonté personnelle est la base de la
responsabilité pénale. Cet argument est appelé argument tenant à la fictivité
de la personne morale.

• les auteurs invoquaient également que l’objet social (principe de spécialité)


de la personne morale ne pouvait pas consister dans la commission
d’infractions.

• les auteurs estimaient également qu’une personne morale ne pouvait pas


faire l’objet d’une peine car la peine en raison de sa nature (caractère
intimidant, caractère rébributif) ne pouvait être prononcée qu’à l’encontre des
personnes physiques.

• les auteurs considéraient, enfin, que la responsabilité pénale des personnes


morales porterait atteinte au principe de la personnalité des peines. En effet,
prononcer une peine à l’encontre d’une personne morale aurait pour
conséquence de punir l’ensemble des membres de ce groupement, c’est-à-
dire même ceux qui n’ont ni souhaité ni pris part à la réalisation de
l’infraction.
D’autres auteurs, en revanche, étaient favorables à la responsabilité pénale des
personnes morales.

B) Les auteurs favorables à la responsabilité pénale des personnes


morales

Dès la fin du XIX° siècle, tous les arguments avancés par la doctrine classique et
défavorables à la responsabilité pénale des personnes morales ont été contrés.
• S’agissant de l’argument de fictivité, la doctrine moderne indiqua que la
fictivité ne faisant pas obstacle à la responsabilité civile des personnes
morales, leur responsabilité pénale pourrait donc être retenue.

• S’agissant de l’argument tiré de la spécialité, la doctrine considéra que si,


certes, l’objet déclaré de la personne morale ne pouvait pas consister dans la
commission d’infractions, son activité pouvait toutefois entraîner la réalisation
de comportements infractionnels.

• En ce qui concerne l’objection relative aux peines, les auteurs estimaient que
puisque la personne morale avait un patrimoine, des sanctions pouvaient
supprimer ou restreindre ses droits ou atteindre son patrimoine.

• S’agissant, enfin, du principe de la responsabilité individuelle, les auteurs


avancèrent l’idée selon laquelle cette critique avait pour base une conception
erronée du principe de la personnalité des peines. En effet, une
condamnation peut toujours avoir une incidence sur des tiers innocents : une
lourde amende peut priver une famille entière de revenus. Cependant, dans
ce cas, il n’est pas porté atteinte au principe de la personnalité des peines
dans la mesure où la condamnation en cause n’est pas directement
exécutoire à l’encontre des tiers innocents.

En dépit de ce débat doctrinal, des textes retenaient le principe de la responsabilité


pénale des personnes morales.

Paragraphe II) Les textes retenant la responsabilité pénale des personnes


morales

Jusqu’à la promulgation du nouveau code pénal en juillet 1992, les personnes


morales n’étaient pas véritablement ignorées du droit pénal, notamment lorsqu’il
était question au titre des peines complémentaires de la fermeture d’établissement.
Parallèlement au Code pénal de 1810, quelques textes spécifiques retenaient le
principe de la responsabilité pénale des personnes morales. Certains de ces textes
sont antérieurs au Code pénal de 1810 ; d’autres, en revanche, lui sont postérieurs.

A) Les textes antérieurs au Code pénal de 1810

Avant 1810, une Ordonnance de Louis XIV du 26 août 1670 retenait la responsabilité
pénale des personnes morales de droit public.
On constate donc que, dès 1670, était envisagée la responsabilité pénale des
collectivités territoriales. Par comparaison avec l’avant-projet de Code pénal de 1986,
on observe que l’ordonnance de 1670 est finalement plus moderne. En effet, le projet
de Code pénal excluait la responsabilité pénale des collectivités publiques et des
groupements de collectivités publiques. Le droit positif du 1° mars 1994 n’exclut,
quant à lui que l’État. En cela, il est identique à l’ordonnance de 1670 qui ne retient
pas la responsabilité pénale du royaume. Dans l’ordonnance de 1670, on observe que
la responsabilité pénale des personnes morales peut être cumulée avec celle des
auteurs de l’infraction ou de leurs complices. On observe, en outre, que la personne
morale doit nommer quelqu’un pour la représenter dans le procès : un syndic, un
député ou un curateur. Si l’on aborde les peines que pouvaient encourir les
personnes morales de droit public, nous remarquons qu’il s’agit soit de peines
d’amende donc des peines de nature pécuniaire, soit de peines privatives de droit ne
même nature que nos actuelles peines complémentaires (suppression de privilège par
exemple).
Le problème des corporations et des corps intermédiaires a été solutionné à la
Révolution par le biais d’un anéantissement. Pour cette raison, le Code pénal de 1810
est demeuré muet sur la responsabilité pénale des personnes morales. D’ailleurs, la
Cour de cassation a consacré ce principe à plusieurs reprises (Crim., 8 mars 1883,
S., 1885, 1, 470).

Par ailleurs, des textes postérieurs au Code pénal de 1810 retiennent la


responsabilité pénale des personnes morales.

B) Les textes postérieurs au Code pénal de 1810

Il faut ici distinguer les lois éparses et celles intégrées dans les différents Codes.

1) Les lois éparses

• loi du 21 mars 1884 qui prévoyait la dissolution des syndicats en cas d’activité
mettant en danger l’ordre public. Ainsi, par décision du Tribunal de la Seine du 13
janvier 1921, la CGT a été dissoute (Gaz. Pal., 1921, 1, 87).

• loi du 10 janvier 1936 qui prévoyait la dissolution par décret du Président de la


République des associations ou groupements de fait dangereux pour la sûreté de
l’État et la paix publique.

• ordonnance du 5 mai 1945 (J.O. 6 mai 1945 et rectif. 15 mai 1945) relative aux
entreprises de presse coupables de collaboration, aujourd’hui abrogée. Cette
ordonnance prévoyait la responsabilité pénale des personnes morales françaises
ayant favorisé l’ennemi par leur activité. La complicité y est réprimée comme le fait
pour une société d’être auteur principal. Néanmoins, l’ordonnance prévoit dans son
article 3, deux faits justificatifs d’origine légale :

- lorsque l’activité de la personne morale n’est pas punissable au sens des


ordonnances du 29 mars 1945.

- lorsque les actes ont été accomplis par les dirigeants de la personne morale
pour leur propre compte.

Dans cette ordonnance, les poursuites à l’encontre de la personne morale


n’excluaient pas celles à l’encontre de ses dirigeants. Les peines applicables à la
personne morale coupable de fait de collaboration étaient la dissolution ou la
confiscation de ses biens. La confiscation pouvait n’être que partielle en cas de
bénéfice des circonstances atténuantes. Les peines applicables aux personnes
morales étaient donc extrêmement sévères et sans juste milieu. Il n’y avait donc pas
d’échelle de la répression.
Cette ordonnance a perdu tout effet en raison de la publication d’une nouvelle
ordonnance du 11 mai 1946 aux termes de laquelle l’actif des entreprises de presse
en fonctionnement sous l’occupation devait être transféré à l’État même si la société
avait fait l’objet d’une décision de relaxe.
En pratique, l’ordonnance du 5 mai 1945 a donné lieu à une seule jurisprudence,
avec l’affaire dite du progrès de la Côte d’or (Dijon, 20 mai 1946, D. 1946, 253).
• ordonnance du 30 juin 1945 relative à la répression des infractions
économiques qui prévoyait l’interdiction d’exercice de la profession à
l’encontre de la personne morale. Certains ont considéré qu’il ne
s’agissait pas d’une responsabilité pénale de la personne morale dans la
mesure où la sanction était prononcée par une autorité administrative
(ministre de l’économie).

• ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et


de séjour des étrangers en France : aide à l’entrée, à la circulation ou au
séjour irréguliers d’un étranger.

• loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions


atmosphériques et les odeurs : infractions à la législation en cause.

• loi du 27 juin 1973 : relative à l’hébergement collectif : violation de


l’obligation de déclaration, violation des décisions de fermeture totale ou
partielle.

• loi du 27 décembre 1973 concernant le délit de publicité trompeuse ou


de nature à induire en erreur. Cette infraction est désormais intégrée
dans le code de la consommation.

• loi du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la


récupération des matériaux : infractions de l’article 24 de la loi.

• loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la


protection de l’environnement : infractions définies aux articles 18 et 20.

• loi du 5 juillet 1983 relative à la pollution des mers par les


hydrocarbures.

• loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard : infractions à la


législation en cause.

• loi du 3 janvier 1992 sur l’eau : infractions à la législation en cause.

• loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire


: infractions définies à l’article 362-12 de l’ancien Code des communes.

Quelles sont les lois retenant la responsabilité pénale des personnes morales qui ont
été intégrées dans des codes ?

2) Les lois codifiées

Code pénal (article 428 ancien CP) qui permettait d’infliger une amende à “toute
association d’artistes qui aura fait représenter sur son théâtre des ouvrages
dramatiques au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs”. Cet
article a été abrogé par une loi du 11 mars 1957 relative à la propriété littéraire et
artistique.

Code du travail (article L. 4741-2 du code du travail) qui permet, compte tenu
des circonstances, de mettre à la charge de l’employeur les amendes prononcées
contre un préposé dont l’infraction aux règles d’hygiène et de sécurité a provoqué un
homicide ou des blessures involontaires.
Code du travail (article L. 4741-11 du code du travail) qui fait obligation à la
juridiction saisie d’imposer à une entreprise des mesures destinées à rétablir les
conditions d’hygiène et de sécurité. Cependant, tous les auteurs ne considèrent pas
qu’il s’agit ici d’une responsabilité pénale des personnes morales. Notamment Mr
REINHARD, estime qu’il ne s’agit pas d’une responsabilité pénale puisqu’aucune
infraction n’est sanctionnée.

Code du travail (art. L. 8256-2) : recours aux services de travailleurs clandestins.


Code du travail (art. L. 5224-1 et s.) : infractions à l’emploi de la main- d’œuvre
étrangère.
Code du travail (art. L. 8234-1 et 8243-1) : marchandage et prêt illicite de main-
d’œuvre.
Code de justice militaire (art. L. 333-4) : atteinte aux intérêts fondamentaux de la
nation en temps de guerre.
articles L. 512-1 et s. Code minier : exploitation de mine sans titre d’exploitation,
travaux de recherche de mine sans le consentement du propriétaire de la surface…
Code de la propriété intellectuelle : édition au mépris des règles relatives à la
propriété des auteurs (art. L. 335-8), atteinte aux droits du producteur de bases de
données (art. L. 343-6), atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou
modèle (art. L. 521-12), atteinte aux droits du propriétaire d’un brevet (art. L. 615-
14-3), atteinte aux droits du titulaire d’un certificat d’obtention végétale (art. L. 623-
32-2), contrefaçon de marque (art. L. 716-11-2).
Code de la santé publique (art. L. 1126-2) : violation des obligations concernant la
recherche biomédicale.
Code de commerce : banqueroute (art. L. 654-7).

Après avoir abordé dans une première section le système applicable sous l’empire du
Code pénal de 1810, nous allons envisager le système retenu par le nouveau Code
pénal à travers deux sections.

Section II) Le régime de la responsabilité pénale des personnes morales

La responsabilité pénale des personnes morales est envisagée, nous l’avons dit, dans
son principe général, par l’article 121-2 NCP. Aux termes de cet article, modifié par
l’article 54 de la loi Perben II : “les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont
responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des
infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants (al. 1er).
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables
pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de
faire l’objet de conventions de délégation de service public (al. 2). La responsabilité
pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou
complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du 4° alinéa de l’article
121-3 (al. 3)”. L’entrée en vigueur de l’article 54 de la loi du 9 mars 2004 a été
reportée au 31 décembre 2005.
A partir de cet article 121-2 NCP, il convient de déterminer successivement le
domaine d’application et les conditions de la responsabilité pénale des personnes
morales, avant d’envisager la question du cumul de responsabilité entre la personne
morale et les personnes physiques.

Paragraphe I) Le domaine d’application

L’article 121-2 du nouveau Code permet de préciser le champ d’application de la


responsabilité pénale, d’une part quant aux personnes morales concernées, d’autre
part quant aux infractions considérées.

A) Les personnes morales concernées


Peuvent être responsables pénalement toutes les personnes morales à l’exclusion de
l’État. Cependant, la personne morale doit avoir la personnalité morale.

1) Toutes les personnes morales sauf l’État

Il résulte de l’article 121-2 NCP que peuvent engager leur responsabilité pénale les
personnes morales de droit privé, celles de droit public ainsi que les personnes
morales étrangères.
• S’agissant des personnes morales de droit privé, peuvent engager leur
responsabilité pénale les personnes morales à but lucratif dont l’objectif consiste
dans la recherche du profit : sociétés civiles, sociétés commerciales, GIE,
coopératives… Mais, sont également concernées les personnes morales à but non
lucratif, telles les associations, les congrégations, les fondations, les syndicats et les
partis politiques.

• S’agissant des personnes morales de droit public, toutes peuvent engager leur
responsabilité pénale, hormis l’État. La question qui se pose est de savoir pourquoi
le législateur a exclu l’État de la responsabilité pénale. Cette solution s’explique par
le fait qu’il a été considéré comme inconcevable que l’État qui détient le monopole
du droit de punir puisse se sanctionner lui-même. Parmi les personnes morales de
droit public susceptibles d’engager leur responsabilité pénale, il convient de
distinguer les collectivités territoriales et les autres personnes morales de droit
public.

— Les collectivités territoriales et leurs groupements : en application de l’alinéa 2


de l’article 121-2 NCP, la responsabilité pénale des collectivités territoriales ou de
leurs groupements est limitée aux “infractions commises dans l’exercice d’activités
susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public”. Cette
limitation concerne donc les communes, les départements, les régions ainsi que
leurs groupements (syndicats de communes). En pratique, la notion de conventions
de délégation de service résulte d’une loi du 6 février 1992. Il s’agit d’activités de
service public pouvant être assurées en régie par la collectivité publique concernée
ou par une autre personne de droit public ou de droit privé agissant en vertu d’une
délégation de service public. Cette délégation peut prendre des formes diverses :
concession, gérance… Ainsi, lorsqu’une commune exploite en régie un service de
ramassage scolaire, une cantine ou le ramassage des ordures ménagères, sa
responsabilité pénale pourra être engagée pour les infractions commises dans
l’exercice de cette activité. A l’inverse, les infractions commises par une collectivité
territoriale dans l’exercice d’activités relevant de sa puissance publique (maintien de
l’ordre public, tenue des registres de l’état civil…) ne peuvent donner lieu à
responsabilité pénale de la personne morale de droit public.

En ce domaine, la jurisprudence a considéré qu’une commune doit être déclarée


responsable d’un accident lorsque la municipalité n’établit aucune instruction
générale relative à la sécurité des élèves et se fie aveuglément au bon sens de sa
préposée (aff. du Drac : TGI Grenoble, 15 sept. 1997, Droit pénal 1998, com. 5).

— Les autres personnes morales de droit public : pour ces personnes morales, leur
responsabilité pénale peut être engagée pour l’ensemble de leurs activités. Par
“autres personnes morales de droit public”, on entend les établissements publics et
les groupements d’intérêt public tels que les sociétés d’économie mixte, les
entreprises nationalisées et les ordres professionnels.
• S’agissant des personnes morales étrangères, l’article 121-2 NCP ne faisant aucune
distinction, elles peuvent donc engager leur responsabilité pénale. En application des
règles relatives aux conflits de lois pénales dans l’espace, la loi pénale française leur
est applicable lorsque l’infraction est commise en France ou, dans certains cas,
lorsque l’infraction est commise à l’étranger (infraction commise contre un français,
notamment). La nationalité de la personne morale dépend du lieu de son siège
social ou du lieu de la direction effective ou de la nationalité des personnes
contrôlant la société.

Cependant, pour pouvoir engager sa responsabilité, la personne morale doit avoir la


personnalité morale.

2) L’exigence de la personnalité morale

Seules les personnes morales ayant la personnalité morale peuvent engager leur
responsabilité pénale. Sont donc exclues les sociétés de fait ainsi que les sociétés en
participation. L’exigence de la personnalité morale suscite deux interrogations
concernant les personnes morales en cours de formation et, à l’inverse, celles en
cours de liquidation.

Les personnes morales en cours de formation : les personnes morales


n’obtiennent leur existence juridique qu’après une période de constitution
(accomplissement de formalités). Il semble que les actes accomplis au cours de la
période de formation ne peuvent engager que la responsabilité des fondateurs,
personnes physiques. Cette solution s’explique dans la mesure où la personne morale
peut, finalement, ne jamais voir le jour. Néanmoins, la responsabilité de la personne
morale peut être engagée s’agissant de la reprise par elle des actes passés par ses
fondateurs.

Les personnes morales en cours de liquidation : la disparition d’une personne


morale entraîne généralement l’ouverture d’une période de liquidation. Pendant cette
période, la personne morale survit pour les besoins de la liquidation. En conséquence,
lorsqu’une infraction est commise au cours de la période de liquidation, la personne
morale pourra être déclarée pénalement responsable.

B) Les infractions concernées

Jusqu’à la loi Perben II, la responsabilité concernait des infractions limitativement


énumérées par la loi. Elle est en effet limitée expressément aux “cas prévus par la loi
ou le règlement” selon l’article 121-2 du nouveau Code pénal. Les infractions
susceptibles d’être imputées aux personnes morales se trouvaient aussi bien dans la
partie législative que dans la partie réglementaire.
On peut citer : les crimes contre l’humanité, les homicides et les violences
involontaires concernant surtout les accidents du travail, le trafic de stupéfiants et le
blanchiment de l’argent de la drogue, le risque de mort causé à autrui,
l’expérimentation sur la personne humaine, le proxénétisme, les discriminations et
les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, la
dénonciation calomnieuse, le vol, l’extorsion de fonds, le chantage, l’escroquerie,
l’abus de confiance, les destructions dégradations et détériorations, les atteintes aux
systèmes informatiques, la trahison, l’espionnage, l’attentat, le complot, d’autres
atteintes à la Défense nationale, les actes de terrorisme, la corruption active, le trafic
d’influence, le faux, la fausse monnaie.

En outre, la loi d’adaptation du 16 décembre 1992, avait prévu la responsabilité


pénale des personnes morales à l’occasion d’hypothèses qui n’étaient pas
répertoriées dans le nouveau Code : la banqueroute, les atteintes en matière de droit
de l’environnement, les infractions en matière de jeu de hasard, les infractions
relatives à la recherche biomédicale, les infractions aux dispositions relatives à la
liberté des prix et de la concurrence, les infractions relatives à la pollution
atmosphérique, à l’élimination des déchets, aux installations classées, les infractions
en matière de travail clandestin, les infractions en matière de pollution (cf. loi
BARNIER du 2 février 1995), le travail clandestin (Crim., 7 juill. 1998, Bull. crim., n°
216)…

Cependant, la loi du 9 mars 2004 (art. 54), dont l’entrée en vigueur a été, sur ce
point, reportée au 31 décembre 2005, retient désormais le principe général de
responsabilité pour les personnes morales, à l’instar des personnes physiques.
Désormais, la responsabilité pénale des personnes morales peut être retenue pour
toutes les infractions, sauf dans les cas où le législateur écarte cette responsabilité,
comme c’est le cas pour les entreprises de presse (art. 55 de la loi du 9 mars 2004).
Outre son domaine d’application, quelles sont les conditions de la responsabilité
pénale des personnes morales ?

Paragraphe II) Les conditions de la responsabilité

La mise en œuvre de la responsabilité des personnes morales implique d’abord


l’examen des conditions de fond, ensuite l’examen des conditions de forme.

A) Les conditions de fond

Pour engager la responsabilité pénale des personnes morales, l’article 121-2 du


nouveau Code énonce que l’infraction doit avoir été commise “pour leur compte, par
leurs organes ou représentants”. Il faut successivement analyser ces deux éléments
de fond.

1) Une infraction commise pour le compte de la personne morale

Agir pour le compte de la personne morale, suppose une infraction qui doit
nécessairement apporter un profit, quel qu’il soit à cette personne. Ainsi, n’engage
pas la responsabilité pénale de la personne morale le représentant qui agit pour son
propre compte dans son intérêt personnel. A l’inverse, la personne morale engage sa
responsabilité pénale lorsque le dirigeant agit au nom de la personne morale et dans
son intérêt. Dans ce cadre, la responsabilité pénale d’une personne morale pourra
être retenue en raison du défaut d’application d’une règle d’hygiène et de sécurité
ayant entraîné un homicide ou des blessures involontaires.
Dans ce cadre, une personne morale pourra être déclarée responsable d’une
infraction consommée ou simplement tentée. De même, la responsabilité de la
personne morale pourra être retenue en tant qu’auteur ou en tant que complice.
Mais, l’infraction doit avoir été commise par les organes ou représentants de la
personne morale. Et, ne justifie pas sa décision, une Cour d’appel qui condamne une
personne morale sans rechercher si l’infraction a été commise pour le compte de la
société par l’un de ses organes ou représentants (Crim., 1er avril 2008, Droit pénal
2008, n° 140, 2ème esp.). Cependant, la responsabilité pénale de la personne
morale ne suppose pas qu’elle ait commis une faute distincte de celle de ses organes
ou représentants (Lyon, 3 juin 1998, Droit pénal 1998, com. 118).

2) Une infraction commise par les organes ou représentants de la


personne morale
Seuls les organes ou les représentants de la personne morale peuvent, par leurs
actions ou omissions, engager la responsabilité pénale de la personne morale. La
question se pose donc de savoir ce qu’il faut entendre par organes ou représentants.
Cependant, la jurisprudence est assez sévère en la matière, dans la mesure où elle
retient la responsabilité pénale de la personne morale sans préciser l’identité de
l’auteur des infractions commises pour son compte, dès l’instant qu’elles n’ont pu
être commises que par ses organes ou représentants (Crim., 20 juin 2006, Bull.
crim., n° 188 ; Crim., 26 juin 2007, Droit pénal 2007, com., 135 ; Crim., 25 juin
2008, Droit pénal 2008, com., 140). Et, cette solution tend à étendre
considérablement la responsabilité pénale des personnes morales. Il ne semble pas,
en la matière, que la Cour de cassation fasse une interprétation stricte de l’article
121-2 NCP.

• La notion d’organe

Les organes d’une personne morale sont constitués par une ou plusieurs personnes
physiques auxquelles la loi ou les statuts donnent une fonction particulière dans
l’organisation de la personne morale en les chargeant “de son administration ou de
sa direction”. Ainsi, constituent les organes d’une personne morale de droit privé le
gérant, le président-directeur général, le conseil d’administration ou le directoire, les
directeurs généraux, le conseil de surveillance, l’assemblée générale pour les
associations et les syndicats.
Constituent les organes des collectivités territoriales et de leurs groupements le
maire, le conseil municipal d’une commune, le président du conseil général et le
conseil général du département, le président du conseil régional et le conseil régional
d’une région, le président, le bureau et le comité d’un syndicat de communes…

Face à ces organes de droit, la question se pose de savoir si les organes de fait d’une
personne morale (société commerciale) peuvent engager la responsabilité pénale de
la personne morale ? Dans une réponse à une question écrite, le garde des sceaux
s’est prononcé en faveur de la responsabilité pénale de la personne morale dans de
telles circonstances (Quest. n° 5635, JOAN Q, 22 nov. 1993, p. 4170). La doctrine,
quant à elle, est partagée sur la question. La jurisprudence ne s’est pas encore
prononcée sur la question.
Qu’entend-on par représentant de la personne morale ?

c) La notion de représentant

Le terme de “représentant” se confond quelque peu avec celui d’organe dans la


mesure où la majorité des organes d’une personne morale sont également les
représentants légaux de la personne morale.
Cependant, dans d’autres hypothèses, les représentants de la personne morale n’en
sont pas ses organes. Ainsi, le terme de représentant ne s’entend pas seulement du
représentant légal, faute de quoi il se confondrait avec le terme d’ “organe”.
Constitue le représentant de la personne morale l’administrateur provisoire, le
liquidateur, le chef d’entreprise (directeur de publication d’une société de presse) ou
le mandataire de la personne morale chargé de la représenter auprès des tiers.

Face à ces tiers, la question s’est posé de savoir si le bénéficiaire d’une délégation de
pouvoirs pouvait engager la responsabilité pénale de la personne morale. Il semble,
selon la doctrine, que l’on doive apporter une réponse positive à cette question.
Selon la jurisprudence, ont la qualité de représentants, les personnes pourvues de la
compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ayant reçu une délégation de
pouvoirs de la part des organes de la personne morale (Crim., 9 nov. 1999, Bull.
crim., n° 252).
B) Les conditions de forme

C’est la loi d’adaptation du 16 décembre 1992, insérée dans le Code de procédure


pénale, qui met en place des règles de procédure spécifiques relativement à la
poursuite et au jugement des personnes morales. Un titre XVIII intitulé “De la
poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions commises par les personnes
morales” est ajouté au livre IV du C.P.P. (art. 706-41 à 706-46).
L’article 706-41 CPP précise que sauf dispositions contraires, l’ensemble du code de
procédure pénale est applicable aux personnes morales. Cependant, leur spécificité a
conduit à l’introduction de certaines adaptations. L’article 706-43 CPP précise que
l’action publique est déclenchée à l’encontre de la personne morale prise en la
personne de son représentant légal au moment des poursuites. Ce représentant légal
sera chargé de représenter la personne morale dans tous les actes de la procédure.
Cependant, lorsque des poursuites sont également exercées à l’encontre de ce
représentant légal, le président du TGI doit alors désigner un mandataire chargé de
représenter la personne morale. Et, dans ce cas, la désignation d’un mandataire de
justice pour représenter la personne morale est obligatoire (Crim., 9 déc. 1997, Droit
pénal 1998, com. 60).
Dans le cadre de la phase d’instruction, l’article 706-45 CPP prévoit que la personne
morale peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, lequel peut être assorti du respect
de certaines obligations fixées par le juge d’instruction :
« 1° Dépôt d'un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une
ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction ;

2° Constitution, dans un délai, pour une période et un montant déterminés par le


juge d'instruction, des sûretés personnelles ou réelles destinées à garantir les droits
de la victime ;

3° Interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de
fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de
paiement ;
4° Interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ou sociales lorsque
l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités
et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ;

5° Placement sous contrôle d'un mandataire de justice désigné par le juge


d'instruction pour une durée de six mois renouvelable, en ce qui concerne l'activité
dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ».

Paragraphe III) Le cumul des responsabilités entre personnes physiques et


personne morale

L’article 121-2 NCP pose clairement le principe du cumul des responsabilités.


Cependant, ce principe est assorti d’un certain nombre d’exceptions.

A) Le principe du cumul de responsabilité

L’ article 121-2 al. 3 NCP dispose que “la responsabilité pénale des personnes
morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes
faits”. Les personnes physiques visées par cet alinéa sont les organes ou
représentants de la personne morale ainsi que toute autre personne qui agirait sur
leurs instructions ou qui serait coauteur de l’infraction. Cependant, la jurisprudence
précise que la responsabilité pénale des personnes morales n’est pas le résultat
automatique de celle de leurs dirigeants (T.C. Lyon, 9 oct. 1997, Droit pénal 1997,
com. 154). D’ailleurs, en pratique, certains procureurs de la République, notamment
celui de Paris, épargnent les personnes physiques lorsqu’ils décident de poursuivre
les personnes morales.
Parfois, cependant, la jurisprudence prononce une condamnation conjointe d’une
société et de son directeur général (Crim., 15 mai 2012, Droit pénal 2013, p. 29).
Ce principe comporte, cependant, des exceptions.

B) Les exceptions au cumul de responsabilité

L’objectif avoué des parlementaires ayant voté la responsabilité pénale des


personnes morales consistait à limiter la responsabilité pénale des personnes
physiques, et, notamment, des dirigeants de sociétés. Pour cette raison, il semble
que le cumul des responsabilités connaisse quelques tempéraments.

a. Ainsi, dans le cadre des infractions d’imprudence, il semble possible


de ne retenir que la responsabilité pénale de la personne morale. A cet
égard, la circulaire générale du 14 mai 1993 prévoit que “dans
certaines hypothèses, et tout particulièrement s’il s’agit d’infractions
d’omission, de négligence ou matérielles, qui sont constituées en
l’absence soit d’intention délictueuse soit d’un acte matériel de
commission, la responsabilité pénale d’une personne morale pourra
être engagée alors même que n’aura pas été établie la responsabilité
pénale d’une personne physique. En effet, ces infractions auront pu
être commises par les organes collectifs de la personne morale sans
qu’il soit possible de découvrir le rôle de chacun de leurs membres et
d’imputer la responsabilité personnelle de l’infraction à un individu
déterminé”.

Ainsi, par exemple, la jurisprudence a retenu la responsabilité d’une compagnie


pétrolière à la suite d’un délit de pollution des eaux (arrêt ERIKA, Crim., 25 sept.
2012, Droit pénal 2013, p. 27).
De même, la circulaire d’application du 5 avril 1995 de la loi BARNIER relative à la
protection de l’environnement (loi du 2 février 1995) prévoit une solution identique
en établissant la distinction entre les faits “qui relèvent principalement d’une gestion
défectueuse de la personne morale et ceux qui traduisent une véritable faute
personnelle de son dirigeant”.

Dans certains cas restreints, la responsabilité pénale des personnes morales pourra
être la seule retenue dans le cadre d’infractions intentionnelles. Ainsi, une
infraction résultant d’une délibération prise à bulletin secret par un organe collectif
d’une personne morale pourrait engager la seule responsabilité pénale de la personne
morale sans qu’une faute puisse être démontrée à l’encontre des personnes
physiques prises individuellement. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a
retenu la dissociation de la responsabilité pénale de la personne morale de celle de
ses organes ou représentants (Crim., 8 sept. 2004, Droit pénal 2005, n° 11). Il existe
donc une certaine autonomie de la responsabilité pénale des personnes morales par
rapport à celle des personnes physiques.

Section III) Le régime des peines applicables aux personnes morales

Le nouveau code traite distinctement les peines criminelles, correctionnelles et


contraventionnelles à propos des personnes physiques, tandis que pour les personnes
morales il groupe d’un côté les peines criminelles et correctionnelles, de l’autre les
peines contraventionnelles. Nous retiendrons donc ce partage voulu par le législateur.
D’emblée, il convient de remarquer que plusieurs sanctions sont prévues pour la
répression des personnes morales dans les articles 131-37 à 131-49 du N.C.P.

Paragraphe I) Les peines criminelles et correctionnelles

L’article 131-37 du nouveau Code pénal prévoit deux types de peines applicables
en matière criminelle et correctionnelle :
- L’amende ;

- Un certain nombre de peines spécifiques énumérées à l’article 131-39.


En outre, en matière correctionnelle s’applique également la peine de sanction-
réparation prévue par l’article 131-39-1 NCP.

A) L’amende

Rappelons au préalable que le Conseil constitutionnel avait déjà considéré dans une
décision du 30 juillet 1982 “qu’il n’existe aucun principe de valeur constitutionnelle
s’opposant à ce qu’une amende puisse être infligée à une personne morale” (cf.
Décis. n° 82-143, J. O. 31 juillet 1982).

L’amende, selon le nouveau Code, est en fait toujours applicable quelle que soit
l’infraction commise par la personne morale. L’article 131-38 prévoit notamment que
le taux de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui
prévu pour les personnes physiques à propos de la même infraction. Ce taux apparaît
très élevé lorsqu’on sait que le nouveau Code, de manière générale, a déjà relevé le
taux de l’ensemble des amendes applicables aux personnes physiques.
En outre, la loi du 9 mars 2004 a réglé la lacune concernant les infractions pour
lesquelles aucune peine d’amende n’était encourue par les personnes physiques
(meurtre, empoisonnement, par exemple). Désormais, il est ajouté un alinéa 2 à
l’article 131-38 NCP aux termes duquel « lorsqu’il s’agit d’un crime pour lequel
aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende
encourue par les personnes morales est de 1 000 000 € ».
Quelles sont les peines prévues par l’article 131-39 NCP ?

B) Les peines spécifiques de l’article 131-39 du N.C.P.

Un crime ou un délit peut être sanctionné par l’une des peines restrictives ou
privatives de droit, dont la liste est prévue à l’article 131-39 (loi du 9 juillet 2010).
Reprenons-les une par une :
« 1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un
crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine
d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour
commettre les faits incriminés ». Cette peine est considérée comme la peine de mort,
puisque c’est en réalité la fin de la personne morale sur le plan juridique. Cette peine
concerne évidemment les infractions les plus graves comme le trafic de stupéfiants
ou le proxénétisme. L’article 131-45 prévoit toutefois que la décision prononçant la
dissolution de la personne morale nécessite le renvoi de celle-ci devant le tribunal
compétent pour procéder à la dissolution : soit le tribunal de grande instance lorsque
la personne morale est civile, soit devant le tribunal de commerce lorsqu’elle est
commerciale. A noter cependant que certaines personnes morales sont exclues du
champ d’application d’une telle peine : ce sont les personnes morales de droit public,
les partis politiques, les syndicats ainsi que les institutions représentatives du
personnel.
« 2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer
directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
».
« 3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ».
Des précisions supplémentaires sont données par l’article 131-46. Ainsi, le
placement sous surveillance judiciaire entraîne la désignation d’un mandataire de
justice qui doit, tous les six mois au moins rendre compte de sa mission au juge de
l’application des peines. Au vue de ce compte-rendu, le juge de l’application des
peines peut saisir la juridiction qui a prononcé le placement sous surveillance
judiciaire. Cette juridiction peut, soit relever la personne morale de la mesure, soit
prononcer une nouvelle peine.
« 4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des
établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant
servi à commettre les faits incriminés ». Cette peine est aussi appliquée aux
personnes physiques.
« 5° L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au
plus ». La question se pose, cependant, de savoir si les marchés publics visés sont les
marchés futurs ou également ceux en cours d’exécution. La jurisprudence ne s’est
pas prononcée sur cette question.

« 6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder
à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux
négociations sur un marché réglementé ;
7° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres
que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui
sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
8° La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à
l'article 131-21 ; 9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci
soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie
électronique ; »Cette mesure très efficace pour les personnes physiques l’est
également pour les personnes morales, car elle touche incontestablement l’image de
l’entreprise concernée.
« 10° La confiscation de l'animal ayant été utilisé pour commettre l'infraction ou à
l'encontre duquel l'infraction a été commise ;
11° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de détenir
un animal ».

« Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas applicables aux personnes
morales de droit public dont la responsabilité pénale est susceptible d'être engagée.
Elles ne sont pas non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux
syndicats professionnels. La peine définie au 1° n'est pas applicable aux institutions
représentatives du personnel ».

On remarque évidemment que la peine d’emprisonnement n’est pas prévue par le


nouveau Code pour les personnes morales puisqu’elle n’est absolument pas
concevable.
Dernière peine envisagée : la sanction-réparation.

C) La sanction-réparation

Selon l’article 131-39-1 NCP, « En matière délictuelle, la juridiction peut prononcer


à la place ou en même temps que l'amende encourue par la personne morale la peine
de sanction- réparation selon les modalités prévues par l’article 131-8-1.
Dans ce cas, la juridiction fixe le montant maximum de l'amende, qui ne peut
excéder ni 75 000 Euros ni l'amende encourue par la personne morale pour le délit
considéré, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à
exécution en tout ou partie dans les conditions prévues par l’article 712-6 du code de
procédure pénale si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation. ».

Quelles sont les peines applicables en cas de commission d’une contravention ?


Paragraphe II) Les peines contraventionnelles

L’article 131-40 du nouveau code pénal prévoit que “les peines


contraventionnelles encourues par les personnes morales sont :
« 1° L’amende ;
« 2° Les peines privatives ou restrictives de droit prévues à l’article 131-42.
« 3° La peine de sanction-réparation prévue par l’article 131-44-1.
« Ces peines ne sont pas exclusives d’une ou plusieurs des peines complémentaires
prévues à l’article 131-43 ».

A) L’amende

L’amende est la peine principale unique en matière contraventionnelle applicable aux


personnes morales. Mais selon l’article 131-43, le règlement peut prévoir à titre de
peine complémentaire la confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction,
la confiscation de l’animal et l’interdiction pour une durée de trois ans au plus de
détenir un animal.

Comme pour les peines criminelles et correctionnelles, le taux de l’amende, selon


l’article 131-41, peut aller jusqu’au quintuple de celui prévu pour les personnes
physiques pour la même contravention. Il peut donc atteindre la somme de 7.500 €,
voire 15.000 € en cas de récidive, lorsque le règlement prévoit la possibilité de
retenir la récidive.
Quelles sont les privations et restrictions de droits pouvant être prononcées en
matière contraventionnelle ?

B) Les privations et restrictions de droits

Les privations et restrictions de droit envisagées à l’article 131-42 du nouveau Code


pénal sont les suivantes :
- L’interdiction, pour une durée d’un an au plus, d’émettre des chèques autres que
ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement.

- La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou


de la chose qui en est le produit.

- Il faut cependant noter la disposition suivante de l’article 131-42 selon laquelle :


“Pour toutes les contraventions de la cinquième classe, la peine d’amende peut être
remplacée par une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de droits”
énoncées ci- dessus. C’est donc la faculté de remplacement qui est laissée ainsi à
l’appréciation des juges.

Dernière peine applicable en matière contraventionnelle : la sanction- réparation.

C) La sanction-réparation

Selon l’article 131-44-1 NCP, « pour les contraventions de la cinquième classe, la


juridiction peut prononcer à la place ou en même temps que l'amende encourue par
la personne morale la peine de sanction-réparation selon les modalités prévues par
l’article 131-8-1.
Dans ce cas, la juridiction fixe le montant maximum de l'amende, qui ne peut
excéder 7 500 Euros, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise
à exécution en tout ou partie dans les conditions prévues par l’article 712-6 du code
de procédure pénale si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation ».

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