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FACULté DE DROIT
INTRODUCTION
Dans son acception la plus large, le droit pénal est une branche des sciences
criminelles qui répond au phénomène criminel par la sanction pénale. Les règles qui le
constituent ont donc pour finalité la sanction pénale des comportements infractionnels.
Plus précisément cependant, le droit pénal traite de l’infraction qui entraine, devant
des organes compétents et à la suite d’une procédure prévue par la norme qui s’y rapporte, la
sanction pénale.
Le droit pénal spécial traite, quant à lui, de chacune des infractions prévues par un
texte en fixant, conformément au principe « légaliste » que nous voulons « normativiste » ou
« textualiste », leurs composantes, notamment : les conditions préalables, les éléments
constitutifs et la sanction pénale applicable.
- la procédure pénale.
Dans son aspect formel, le droit pénal s’intéresse donc premièrement aux règles de
l’organisation judiciaire, identifiant les autorités compétentes, déterminant leurs différentes
attributions, et prévoyant le traitement de tout conflit de compétence pouvant surgir dans le
cadre du rétablissement, par ces organes compétents, de l’ordre public troublé par un
comportement infractionnel. On traitera donc de son cadre structurel et organisationnel.
L'étude détaillée du droit pénal spécial -ou plus modestement, celle des infractions
les plus caractéristiques ne peut être valablement entreprise sans tenter de brosser un
panorama d'ensemble de la matière.
Pour ce faire, plusieurs angles d'attaques peuvent être choisis, qui permettront
d'appréhender largement la discipline, en dépassant le simple catalogage inhérent à ce type
d'étude. D’une part, la définition et le contenu de cette branche du droit doivent être étudiés
avant de retracer son évolution. D’autre part, les questions de sources et qualification devront
être examinées.
Dans la dernière édition de son ouvrage de droit pénal spécial, le professeur Likulia
Bolongo enseigne qu’il faut entendre par droit pénal, la branche spéciale du droit criminel
ayant pour objet de prévenir par la menace et au besoin, de punir par l’application des
différentes sanctions : peines ou mesures de sûretés ; des actions ou inactions susceptibles de
troubler l’ordre publique au sein d’une société1. Il affirme que le droit pénal comprend deux
branches : une branche dite générale, qui contient des règles communes à toutes les
infractions définissant plus généralement les grands principes de l’intervention de la sanction
pénale tels que ceux qui précisent la responsabilité pénale et l’imputabilité résultant des
éléments constitutifs généraux des infractions, la complicité dans la participation criminelle,
la tentative, les règles générales de la fixation et de l’exécution de la sanction pénale, celles
qui posent les conditions générales de la non-intervention de la sanction pénale, c’est-à-dire
les causes justificatives et de non-imputabilité ou d’irresponsabilité subjective ; et une
branche appelée spéciale, qui comporte, en les décrivant, toutes les incriminations, les
modalités de leur répression ainsi que le régime juridique propre à chacune de ces
incriminations. Ainsi la première branche forme le droit pénal général et la seconde le droit
pénal spécial.
Il définit le droit pénal spécial comme une discipline des sciences criminelles
consacrée à l’étude concrète et particulière de chaque incrimination précisant ses
composantes (« conditions préalables » ou « conditions d’existence » et éléments constitutifs
spéciaux), les modalités de sa répression ainsi que son régime juridique propre.
Il considère que le droit pénal spécial se définit ainsi, par opposition au droit pénal
général. Mais que la distinction entre la généralité et la spécialité qui permet de caractériser
ces deux branches du droit criminel ne les rend pas totalement autonomes, car il existe,
souligne-t-il, une interaction, une interdépendance et une inter-complémentarité constantes
entre elles. C’est que celle-ci fournit de la matière à celle-là et vice-versa.
Par ailleurs, le droit pénal spécial constitue le substrat du droit pénal général ; celui-
ci procède en effet d'une systématisation, opérée à partir de la constellation des multiples
textes d'incrimination (...)2. Ainsi, peut-on dire que « le droit pénal général est au droit pénal
spécial ce que le droit civil des obligations est au droit des contrats spéciaux »3.
1. Norbert LIKULIA BOLONGO, Droit Pénal Spécial, sous presse en 2014 ; citant son droit pénal militaire Zaïrois, T1,
l’organisation et la compétence des juridictions des Forces Armées, Paris, LGDJ, 1977, p. 1
2. Philippe CONTE, Droit pénal spécial, Litec, n°2
3. Jacques-Henri ROBERT, Droit pénal général, PUF, coll. « Thémis droit privé », 2005, p. 59.
Dès lors, il s’agit d’une branche des sciences criminelles et pénales qui traite de la
spécificité de chaque comportement incriminé dans un ordre juridique donné. Concrètement,
le droit pénal spécial matérialise, concrétise, extériorise ou rend beaucoup plus vivant les
règles de la branche générale, abstraite et imprécise du droit pénal.
Le contenu même du droit pénal spécial est déterminé par des valeurs qui l'inspirent.
La présentation générale des incriminations du Code pénal n'est donc pas anodine. Elle reflète
les préoccupations du législateur et les priorités qui sont les siennes à une époque donnée.
Le droit pénal ne reste pas simplement un droit sanctionnateur. On touche alors ici
aux limites de la formule utilisée par Portalis dans son discours préliminaire prononcé lors de
la présentation du Code civil français. En effet, ce grand auteur affirmait que « les lois
pénales sont moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les autres. Elles
ne règlent pas, à proprement parler, les rapports des hommes entre eux, mais ceux de chaque
homme avec les lois qui veillent pour tous ». On constate d’emblée que selon cet auteur, le
droit pénal n’est qu’un droit sanctionnateur, alors qu’il devait souligner explicitement le
révélateur que ces lois constituent à travers les valeurs qu’il protège.
Néanmoins, le droit pénal évolue avec le temps et en tenant compte des cultures dans
chaque société. Si dans le passé, le droit pénal spécial de par le monde fut marqué par
l'emprise très forte de la religion, il y a lieu de reconnaître qu’à ces jours, il y a la diminution
peu à peu de la l’influence de la religion et l'instauration d'une société de plus en plus laïcisée.
De ce fait, le législateur contemporain s’adapte à cette réalité en intégrant ou en supprimant
certaines incriminations de la norme pénale. Il en est ainsi du blasphème et pour certains
pays : de l'adultère et de l'homosexualité4.
4. Jean-Marie CARBASSE, « Histoire du droit pénal et de la justice criminelle », n°223. Il faut noter que l’occident
supprime l’homosexualité tandis que certains pays d’Afrique renforcent en effet plutôt le régime de sa répression. Il en est
Dans le décret du 30 janvier 1940 portant l'actuel Code pénal congolais par exemple,
après les dispositions de droit pénal général, portées par le livre premier, le droit pénal spécial
que l’on retrouve au deuxième livre est présenté sous les huit titres suivants :
Les propriétés, la foi publique, l’ordre public, la sécurité publique, l’ordre des
familles, les droits des particuliers et la sûreté de l’Etat ne viennent qu’ensuite.
Sans méconnaître la nécessité de protéger les biens et les échanges dans les affaires ;
sans déconsidérer la foi, l’ordre et la sécurité publics ; sans négliger la sauvegarde des droits
des particuliers, de l’ordre des familles, des institutions républicaines et de la paix publique ;
il demeure que ce code pénal prend, et ceci paraît justifié, pour fin première la défense de
l’être humain. Le but poursuivi est donc celui d’assurer le plein épanouissement de cet être
humain, en le protégeant contre toutes les atteintes visant sa vie, son corps, ses libertés, sa
sûreté, sa dignité, son environnement.
C'est aussi le rôle pédagogique du droit pénal qui est ainsi souligné, en dépit des
maladresses qui caractérisent ce texte de base, soit dans l’inexistence de certaines infractions
(crimes internationaux contre l’humanité, de génocide, de guerre, de terrorisme…etc.), soit
dans le mauvais positionnement des autres (les atteintes à l’ordre des familles) ; maladresses
que devra prendre en compte le Code pénal en pleine réforme.
L'analyse du Code pénal congolais, enrichi des textes le modifiant depuis son entrée
en vigueur, n'épuise cependant pas la matière, bien d'autres incriminations viennent s'ajouter à
ce corpus. Elles sont cependant portées par d’autres normes.
De manière éparse, certaines infractions sont portées par des lois pénales techniques
ou particulières. Il s’agit en effet des lois qui traitent d’une matière donnée (précise), et qui
prévoient en leur sein, des dispositions pénales.
Aux termes de l’article 2 de l’avant-projet du code pénal5, on peut lire ce qui suit :
Les lois pénales particulières se constituent autour des ensembles suivants en
fonction de l’unité spécifique de leurs matières :
- droit pénal de la famille ;
- droit judiciaire et pénal militaires ;
- droit pénal économique et des affaires ;
- droit pénal social : travail et sécurité sociale ;
- droit pénal de l’information, de la presse et des Nouvelles techniques de
l’information et de la communication ;
- droit pénal écologique et forestier : environnement et conservation de la nature ;
- droit pénal de la circulation et des transports : route, chemin de fer, voies ferrées,
aériennes et navigables ;
- droit pénal administratif : police administrative et territoriale.
L’on peut ajouter à cette liste de matières : le droit pénal médical, le droit pénal des
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mineurs , le droit pénal électoral, …etc.
Dès lors, le droit pénal spécial se trouve également porté par ces différentes lois
pénales particulières ou techniques.
Il faut néanmoins souligner que ces dernières normes techniques sont tenues par les
limites fixées par la norme de base. Elles ne peuvent pas s’écarter des prescriptions édictées
par le Code Pénal. Puisqu’en principe, les dispositions de ce Code Pénal fixent les règles et
les principes qui déterminent le cadre, les conditions et les principes référentiels de
l’intervention pénale en République Démocratique du Congo. Elles s’appliquent à toutes les
infractions ou tout groupe d’infraction et à toutes les sanctions pénales ou tout groupe de
sanctions pénales, à moins qu’elles ne disposent autrement. Elles forment les principes
fondamentaux communs et les garanties essentielles du droit pénal auxquels les normes
pénales particulières, quelle qu’elles soient, ne peuvent, en aucun cas, déroger7.
Le droit pénal des affaires est l'un d'eux, tout comme le droit pénal du travail. Cette
dernière division est certainement moins difficile à cerner que celle de droit pénal des affaires
; elle permet d'étudier notamment les infractions en matière d'hygiène et de sécurité au travail,
celles relatives au travail illégal ou encore à l'entrave8.
A vrai dire, il n'est pas simple de répondre à toutes ces questions. D’ailleurs, le
professeur Michel VERON n’hésite pas à introduire son ouvrage de droit pénal des affaires9
par la question suivante : « Le droit pénal des affaires : mythe ou réalité ? ». Ce
questionnement rejaillit sur son contenu même.
Force est de constater ici un certain éclectisme puisque ce contenu varie en fonction
des auteurs. Le noyau dur de cette division du droit pénal spécial est à peu près fixé, mais il
n'en va pas de même pour toutes les infractions. Faut-il y inclure par exemple les infractions
douanières ? La difficulté est tangible lorsque l'on se réalise que le droit pénal des affaires est
la partie répressive du droit des affaires, dont les contours ne sont pas plus clairs.
8. Voir les Articles 320-329 du Titre XV de la loi n°015-2002 du 16 Octobre 2002 portant Code du travail.
9. Michel VERON, voir son Droit pénal des affaires, Paris, 6ième éd., Armand Colin, 2005, 410 pages.
Le contenu du droit pénal spécial est donc pour le moins hétéroclite puisqu'il y a, en
quelque sorte, les infractions de « droit commun » et celles qui ont un lien direct avec les
affaires, celles qui sont liées à un contexte particulier comme celui du droit du travail, et
celles qui, tout en étant du droit commun, se réalisent dans des contextes particuliers soit dans
le cadre militaire ; soit à l’endroit ou par une personne âgée de moins de dix-huit ans.
Est-il possible de préciser quelle est la tendance qui l'emporte ? Non, à l'évidence car
tout dépend de l'état de la société et des choix du législateur à un moment donné. Les textes
évoluent, changent, au gré des mutations des valeurs socioculturelles de la société pour
laquelle le droit est conçu. L'évolution du droit pénal spécial balance entre pénalisation et
dépénalisation ; entre allègement et aggravation du régime de la répression.
Quoique le compte rigoureux de ces oscillations soit difficile à tenir, il semble bien
que le phénomène de pénalisation l'emporte aujourd'hui face à celui de la dépénalisation.
A. La pénalisation
Incriminer un comportement n'est pas un pur acte de puissance publique, ce doit être
une nécessité sociale, sans laquelle la pénalisation n'atteint pas son but. Deux raisons peuvent
être identifiées afin de justifier la pénalisation, à savoir : la modification des valeurs et du
principe dit légaliste.
C’est aussi le cas avec la perception actuelle de l’infraction de viol qui a cessé d’être
imputable uniquement aux hommes pour être retenu à l’égard de quiconque se retrouverait
dans l’une des quatre déclinaisons arrêtées par le législateur congolais à l’article 170 du code
pénal tel que modifié par la loi du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles.
10. Article 194 de la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 sur la protection de l’enfant.
11. Article 62 de la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 sur la protection de l’enfant.
Elle s’y est engagée au cours des travaux de reforme du code pénal. Dans ce cas,
l’objectif poursuivi est celui d’assurer la protection pénale des activités liées à l’outil
informatique. Il s’impose ainsi la nécessité de réprimer par exemple les atteintes aux droits
des personnes résultant de l'utilisation de fichiers ou du traitement automatisé de données,
l’accès irrégulier au système, la soustraction frauduleuse des données numériques voire toute
autre attitude consistant à faire de l'informatique et ces applications un outil ou moyen du
crime.
12. Voir les articles 5 à 8 du Traité signé à Rome le 17 juillet 1997, ratifié par la RDC le 30 mars 2002, portant Statut de la
Cour Pénale Internationale entré en vigueur le 1 juillet 2002.
B. La dépénalisation
La loi n’a le droit de défendre que les actes nuisibles à la société et ne doit établir
que des peines strictement et évidemment nécessaires. C'est en ces termes qu’en France, la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen13, pose des limites à la répression.
Un acte infractionnel cesse de l’être lorsqu’il a été commis dans des circonstances
particulières qui font que ce comportement ne porte plus atteinte à l’ordre public et social.
Dans un tel cas, la société n’est pas menacée, l'État n’a pas à maintenir à l’ordre le texte
d’incrimination14.
Elle peut se réaliser soit par sa suppression du code pénal ou plus précisément de la
législation pénale, soit avec son maintien dans le texte pénal mais en organisant un autre
mécanisme ne pouvant aboutir à la condamnation à une peine (circuits de dérivation). Il y
aura peut être une sanction mais elle ne sera plus forcément une peine (mais peut être aussi
toute autre sanction pénale légère). Considérant dans ce cas que le recours à la peine est
inefficace, le législateur va utiliser des sanctions plus adaptées au délinquant (la situation des
mineurs délinquants qui méritent d’être traités en tenant compte de leur vulnérabilité, due à
leur âge.).
- L’article 138 souligne que « La médiation n'est pas permise pour des
manquements qualifiés d'infraction à la loi pénale punissables de plus de dix
ans de servitude pénale ».
15. Les articles 137 et 138 de la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 sur la protection de l’enfant.
A ces jours, la dépénalisation est réclamée en droit congolais applicable aux mineurs
de dix huit ans, dans le domaine de la presse, et quelque peu dans le monde des affaires.
L’infraction n’est pas caractérisée que par ses éléments constitutifs. En réalité, elle se
compose de plusieurs autres particules, toutes aussi portées par la norme d’incrimination.
Dans certains cas précis, l’acte d’incrimination organise des circonstances qui, en
elles-mêmes n’ont pas forcément de caractère illicite (sauf cas particuliers pouvant constituer
des infractions à part entière). Mais, que la structure de l’infraction exige que ces
circonstances soient préalablement établies, pour qu’ensuite, tel comportement adopté par
l’agent, soit constitutif d’une telle infraction à la norme pénale.
16. Diverses dispositions de la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 sur la protection de l’enfant affirment cette tendance comme
suit :
- l’article 132 : Aux termes de la présente loi, la médiation est ce mécanisme qui vise à trouver un compromis entre l'enfant
en conflit avec la loi ou son représentant légal, et la victime ou son représentant légal ou ses ayants droits sous réserve de
l'opinion de l'enfant intéressé dûment entendu.
- Article 133 : La médiation a pour objectif d'épargner l'enfant des inconvénients d'une procédure judiciaire, d'assurer la
réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant du fait qualifié d'infraction à la loi pénale, et
de contribuer ainsi à la réinsertion de l'enfant en conflit avec la loi.
- Article 134 : La médiation est notamment conclue sur la base d'une ou de plusieurs des mesures ci-après: l'indemnisation
de la victime, la réparation matérielle du dommage, la restitution des biens à la victime, la compensation, les excuses
expresses présentées de façon verbale ou écrite à la victime, la réconciliation, l'assistance à la victime, le travail d'intérêt
général ou la prestation communautaire.
Le travail d'intérêt général consiste en une orientation utile à la collectivité ne dépassant pas quatre heures par jour, pour
une durée d'un mois au plus. Le travail doit être effectué dans le respect de la dignité humaine, avec le consentement
éclairé de l'enfant et sous la supervision de l'assistant social.
Dans une infraction, les conditions préalables font partie des composantes textuels de
la responsabilité pénale. Elles constituent l’élément intrinsèque de cette responsabilité et
doivent pour cela être recherchées dans chaque infraction.
Ils doivent tous être liés, sans être confondus, pour que l’infraction soit possiblement
constituée. En réalité, pour certaines infractions il s’impose à la fois l’existence des conditions
préalables et celle de ces éléments constitutifs.
Dans l’examen des faits de l’infraction, il est important de détacher les conditions
préalables des éléments constitutifs et plus précisément des éléments fautifs ou interdits de
l’infraction.
C’est justement à cet exercice que le présent enseignement s’est livré en ce qui
concerne les infractions étudiées.
Rechercher les sources du droit, quel qu'il soit, est un exercice périlleux tant il est
vrai que l'expression à elle seule est susceptible de multiples interprétations. Deux éléments
peuvent être évoqués ici, les sources historiques et les sources textuelles actuelles.
17. L’on peut relever ainsi le meurtre et l’assassinat qui nécessitent la personnalité humaine de la victime ; le détournement
d’objets saisis qui est conditionnée à la qualité de l’auteur, au type d’objets à détourner ainsi qu’à l’existence d’une saisie
pratiquée sur lesdits objets.
Envisager d'abord les origines historiques de cette branche du droit pénal, permet de
faire une constatation simple. Historiquement, le droit pénal spécial a précédé l'émergence du
droit pénal général, parce que l'esprit ne procède pas a priori par abstraction. La liste des
comportements antisociaux pénalement répréhensibles a précédé l'élaboration de dispositions
générales plus abstraites.
Par ailleurs, " d'un point de vue scientifique, le droit pénal spécial constitue le
substrat du droit pénal général ; celui-ci procède en effet d'une systématisation, opérée à
partir de la constellation des multiples textes d'incrimination... "18.
Ainsi, peut-on dire que « le droit pénal général est au droit pénal spécial ce que le
droit civil des obligations est au droit des contrats spéciaux »19.
Le 1ier souci du législateur, quel qu'il soit, est d'établir une liste des comportements
méritant répression, en raison de leur caractère dangereux pour la cohésion sociale.
Les traités anciens du droit pénal font ainsi la part belle au droit pénal spécial, les
dispositions de droit pénal général étant quant à elles résiduelles20.
Aujourd'hui, l'œuvre d'abstraction est accomplie et le code pénal est élaboré avec
deux livres : le livre premier se rapporte à la partie générale et le second à la partie spéciale.
C’est justement ce deuxième livre du code pénal qui porte les différentes incriminations dont
la présentation ne doit pas être négligée.
Mais, l’antériorité du droit pénal spécial par rapport au droit pénal général ne doit
nullement occulter le fait que l’un et l’autre entretiennent aujourd’hui des rapports
d’interdépendance ou d’intercomplémentarité non moins importants. Le droit pénal spécial
dépend du droit pénal général et vice-versa. C’est que, celui-ci apporte à celui-là les matières
de sa systématisation ; et que celui-là fournit à celui-ci les données de son opérationnalisation.
L'étude du droit pénal spécial est pourtant toujours aussi essentielle puisqu'elle
permet de délimiter le champ de la répression et de saisir les difficultés de qualification des
faits. Par là même, deux grands principes affleurent, le principe « légaliste » ou plutôt
« normativiste » voir « textualiste » et son corollaire le principe d'interprétation stricte des
textes qui constituent justement des sources de l’infraction, voire des peines.
Les sources du droit pénal spécial sont normatives. Le droit pénal spécial est
caractérisé comme la terre d’élection du principe de la textualité. Un comportement n’est
donc punissable que s’il a été incriminé, et donc prévu par un texte précis. On retrouve
néanmoins, la jurisprudence, la doctrine et la coutume qui interviennent pour combler les
lacunes de la norme pénale.
Une infraction ne peut être créée que par un texte précis ; il peut s’agir d’une loi au
sens strict du terme, mais aussi de tout autre texte pénal ou norme pénale.
Nous avons choisi d’utiliser le terme « normativité » en lieu et place de celui de « légalité »
puisqu’à ce jour, l’infraction n’est plus portée uniquement par la loi au sens strict. D’autres sources
existent.
- des sources infra légales, notamment : les Actes réglementaires pour certains Etats, en ce
qui concerne les contraventions ; mais aussi les édits provinciaux (Illustration en droit
congolais : la Constitution en vigueur dispose-t-elle, que l'Assemblée Nationale et le
Sénat peuvent, par une loi, habiliter une assemblée provinciale à prendre des édits sur
des matières de la compétence exclusive22 du pouvoir central. La législation concernant
le Code Pénal23 se retrouve par ce fait incluse. On se rend compte qu'un tel acte
provincial pris dans ce cadre constituera une source créatrice aussi bien de la peine que
de l'infraction au niveau de la province). D’où, la nécessité de parler en effet plutôt de la
norme ou du texte au lieu du terme loi.
En ce qui concerne la sanction pénale, il y a lieu de souligner que tous les textes pénaux
particuliers sont tenus par les sanctions pénales portées par la norme pénale de base. Ils ne peuvent
donc pas prévoir, ni organiser d’autres sanctions en dehors des peines et mesures de sûreté que porte la
loi pénale générale.
2. La jurisprudence
Elle est définie comme l’ensemble des décisions rendues par les cours et tribunaux sur une
même question ou sur des questions analogues. La norme se bornant à poser des règles générales, il
appartient tout naturellement aux juridictions de donner à chaque cas particulier la solution qu’elles
jugent la plus conforme à ces règles générales.
22. Article 205 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, modifiée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011
portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.
23. Article 202 pt 36, b) de la même Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.
Son rôle se limite donc ici à compléter des lacunes contenues dans la norme, à résoudre
toutes les difficultés que son application pourra soulever notamment en précisant ou en définissant des
notions retenues par la norme lorsqu’elles sont susceptibles de diverses interprétations.
3. La doctrine
Elle peut être définie comme l’ensemble des études juridiques exposant, interprétant le droit,
ou commentant une décision judiciaire. Généralement, on estime que la doctrine donne l’orientation,
prépare de loin beaucoup de changement de législation et de jurisprudence par l’influence de
l’enseignement25.
En droit pénal spécial, elle joue presque un même rôle que la jurisprudence. Comme on l’a
dit, le juge est encore moins tenu, en vertu de la « légalité », par la doctrine que par la jurisprudence
mais il s’appuie souvent sur elle pour y puiser des arguments permettant de motiver sa décision26.
24.
C.C.19 et 20 janvier 1981, JCP. éd. G. 1981, II, 19701, note Franck ; Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands
arrêts du droit pénal général, Dalloz, 5ème éd.2005, 1
25.
Marcel PLANIOL, Droit Civil, T. I, p. 52.
26.
Jean LESUEUR, Précis de droit pénal congolais, Kinshasa, 1967, p. 7.
4. La coutume
Par coutume, on entend les habitudes collectives d’agir fondées sur la tradition, c’est-à-dire
consenties et observées à l’origine par un groupe d’individus donné et transmises oralement de
génération en génération.
Même dans un tel cas, la coutume ne sera appliquée que pour autant qu’elle ne soit pas
contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs27.
La qualification qui est une démarche tendant à trouver l’appellation légale correspondant à
l’activité criminelle donnée est l’un des problèmes les plus importants du droit pénal spécial compte
tenu des conséquences qui en découlent pour la personne poursuivie. Car c’est d’elle que dépendent le
régime juridique et processuel ainsi que la sanction et la note d’infamie.
Mais, il convient de souligner que lorsque le droit pénal d'un pays a opté pour la
classification tripartite des infractions, l'opération de qualification permettra de savoir si le
comportement reprouvé socialement parce qu'il serait immoral et même préjudiciable à autrui,
constitue une infraction en général, on parle alors de la qualification des faits, avant de la classifier
dans la catégorie de crime, délit ou contravention, ce que l’on appelle la qualification des infractions.
Elle constitue pour cela une activité intellectuelle consistant à rattacher un fait à un groupe ou famille
déjà existant29.
Pour y parvenir elle doit recourir à un certain nombre de méthodes et principes dont les uns
sont applicables à toutes les hypothèses de qualifications et les autres aux seules qualifications
multiples.
27.
Article 153 alinéa 4 de la Constitution de la République démocratique du Congo, op.cit.
28.
Lire avec intérêt les enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son droit pénal spécial zaïrois, Paris, LGDJ,
1985, 600 pages.
29.
Jean PRADEL, Manuel de droit pénal général, Paris, éditions CUJAS, 16è éd., 2006/2007, p. 245
Ici, il existe trois principes qui doivent guider l’autorité judiciaire dans sa démarche destinée
à découvrir la qualification adéquate à savoir :
- qu’elle peut adopter provisoirement une qualification ; c’est la méthode dite de
qualifications successives ;
- que celle-ci est susceptible de modification au cours du procès ; et
- que toute qualification s’apprécie et se cristallise au moment des faits.
Ce principe veut que toute qualification soit susceptible de substitution successive par
l’autorité saisie des faits. En effet, dès que les agissements répréhensibles sont portés à la connaissance
de l’autorité compétente, celle-ci doit adopter, au moins provisoirement, une qualification
apparemment légale pour lui permettre d’orienter l’enquête ou l’instruction, de rassembler les
éléments de preuve et surtout d’engager les poursuites.
Il faut insister sur le fait qu’à tous les stades où les qualifications sont modifiées, il y a
confrontation raisonnée et approfondie des faits avec les éléments constitutifs des infractions
considérées.
Aussi longtemps que la décision judiciaire n’est pas encore devenue irrévocable, toute
qualification est susceptible de modification. En effet, le parquet n’est pas lié par la qualification
retenue par l’officier de police judiciaire ou par la partie lésée dans sa plainte. De même, la juridiction
de jugement étant saisie de faits, elle peut souverainement modifier la qualification qui lui est
proposée par l’officier du ministère public ou par la partie civile en cas de citation directe.
La juridiction peut donc requalifier les faits en retenant une qualification plus sévèrement
sanctionnée que celle précédemment retenue, les disqualifier en retenant une qualification moins
gravement punie que celle retenue auparavant ou déqualifier les faits, lorsqu'elle estime que les faits
ne rentrent dans aucune qualification légale. Autrement dit elle peut modifier la qualification lui
proposée dans n’importe quel sens.
En résumé, le juge peut donc soit admettre ou adopter la qualification proposée s’il la trouve
correcte, soit la modifier au profit d’une autre qui peut lui paraître plus exacte et plus conforme au
texte de la loi30, soit enfin la rejeter purement et simplement lorsque les faits ne sont pas établis en
droit31.
Autrement dit, le fait d’honorer ultérieurement un chèque sans provision ne peut modifier la
qualification de l’émission de chèque sans provision retenue au moment de la constatation du fait
incriminé37. L’auteur du viol est punissable même si ultérieurement les deux partenaires se marient.
Le choix que doit faire l’autorité judiciaire obéit à un certain nombre de principes qui varient
selon qu’il s’agit de qualifications incompatibles, alternatives ou concurrentes.
La première situation est celle qui vise le cas où il existe plusieurs incriminations dont l’une
est le suite logique et naturelle de l’autre. Dans ce cas on retient la qualification qui résulte de
« l’infraction-fin » en écartant celle de « l’infraction-conséquence ». Il en est ainsi de celui qui blesse
mortellement une personne avec l’intention de la tuer et qui s’abstient de lui porter secours avant la
production du résultat recherché.
D’après ce principe, seule l’infraction de meurtre qui est une infraction-fin sera retenue et
non l’omission de porter secours à une personne en danger qui est la suite naturelle de l’autre.
De même, un voleur qui garde l’objet volé sera poursuivi pour la seule incrimination de vol
(infraction-fin) et non pour celle de recel (infraction-conséquence). Il serait, en effet, absurde et
paradoxal de poursuivre un voleur pour avoir conservé l’objet volé, car s’il a volé c’est pour se
l’approprier39 ou un meurtrier pour s’être abstenu volontairement de porter secours à la victime.
La deuxième situation est celle qui met en présence deux infractions dont l’une est le moyen
de perpétration de l’autre. C’est le cas lorsqu’un détournement de deniers publics a été réalisé au
moyen d’un faux document. Ce principe permet de retenir la qualification de détournement de deniers
publics (infraction-fin) en négligeant l’infraction de faux ou usage de faux (infraction-moyen).
L’assassinat ou meurtre prémédité perpétré par coups et blessures sera seule retenu (infraction-fin) à
l’exclusion du meurtre simple et de coups et blessures (infractions-moyen)40.
39. Une certaine opinion estime cependant que le législateur n’ayant pas établi cette incompatibilité, il serait légal de retenir
les deux qualifications en présence.
40. L’shi 3 avril 1969, R.J.C. 1969, pp. 278-279 ; 1ère Inst. App. Elis. 1er mai 1925, Jur. Kat. I, p. 207, Kis. 19 février 1970,
R.J.C. 1970, p. 161 ; Boma 22 août 1911, Jur. Congo 1219, p. 314.
41. Articles 49 et 50 du code pénal ordinaire.
42. C.S.J. 16 juin 1973, B.I.P.G.R. 1973, p. 153. L’shi 11 octobre 1969. R.J.C. 1970, p. 49, avec note 3 avril 1969, R.J.C.
1969, p.278, avec note E. Lamy.
43. L’shi 17 octobre 1968, R..J.C. 1969, p. 265
44. C.G.S. 20 août 1982, inédit.
Mais, dans le cas contraire c’est un autre principe qui s’applique ; celui de la plus haute
expression pénale.
Ce principe est applicable lorsqu’on est en présence de deux qualifications dont l’une est
générale et l’autre spéciale. En vertu de ce principe, c’est la qualification spéciale qui sera retenue au
détriment de la qualification générale à moins que la première ne se soit pas juridiquement réalisée,
auquel cas on retient la qualification générale. Ainsi le vol d’effets militaires ou de chambrée
(infraction spéciale) sera toujours retenu au détriment du vol simple (infraction générale)46. Le meurtre
commis au moyen du poison qu’on qualifie empoisonnement (infraction spéciale) sera toujours retenu
à l’exclusion du meurtre simple (infraction générale).
Ce n’est pas non plus le recel de l’article 101 du Code pénal qui sera retenu mais celui
réalisé au profit d’un banqueroutier s’il porte sur tout ou partie de ses biens. De même, les personnes
qui auront recelé sciemment les objets et instruments ayant servi ou devant servir à commettre les
infractions d’atteinte à la sûreté de l'État seront poursuivies non pas sur la base de l’article 101
prévoyant l’infraction générale de recel, mais sur celle de l’article 217 du Code pénal qui incrimine
spécialement cette entreprise.
Pour que l’incompatibilité s’applique, il faut qu’il y ait un rapport logique entre les diverses
qualifications en présence47. En l’absence de lien logique, c’est-à-dire lorsque l’une des infractions
n’est ni la suite naturelle, ni le moyen de perpétration de l’autre, ni spéciale, les diverses qualifications
correspondant aux faits peuvent être retenues soit cumulativement48, soit alternativement.
Cette hypothèse est envisagée lorsque plusieurs qualifications résultant d’un même fait
peuvent être retenues alternativement en s’excluant.
Ainsi celui qui frappe ou blesse mortellement une personne peut être poursuivi sous la
qualification soit de meurtre si l’intention de tuer est établie, soit de l’assassinat (art. 44 et 45 du C.P.),
s’il y a eu préméditation, soit de l’empoisonnement si le moyen utilisé est un poison (art. 49 du C.P.),
soit de l’homicide préterintentionnel, en l’absence d’intention-homicide (art. 48 du C.P.), soit enfin de
l’homicide par imprudence lorsque le coup mortel a été porté involontairement et sans que l’agent ait
cherché la mort de la victime(art. 53 du C.P.).
Ces diverses qualifications susceptibles d’être retenues sont dites « alternatives », car elles
s’excluent. Et le juge retiendra l’une ou l’autre selon que les faits correspondent parfaitement aux
conditions et aux éléments légaux prévus pour la qualification retenue.
Elle doit appliquer en effet, la théorie du concours de qualifications. On sait que celle-ci est
dominée par deux principes : le principe de cumul formel ou idéal de qualifications ; et le principe de
cumul réel ou matériel de qualifications.
Ce principe est posé par l’article 20, al. 1er du code pénal, qui prévoit que « lorsque le même
fait constitue plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée ».
À défaut d’activité unique, d’unité d’intention, de conception et de but, il n’y a pas concours
idéal d’infractions49. Car on applique le principe de cumul réel.
Ce principe est posé par l’alinéa 2 de l’article 20 du code pénal, qui prescrit que « lorsqu’il y
a concours de plusieurs faits constituant chacun une ou plusieurs infractions, le juge prononcera une
peine pour chaque fait et il cumulera les peines prononcées ». Autrement dit, le juge procède à la
qualification de tous les faits et cumule toutes les qualifications qui correspondent aux faits. Il s’agit
en réalité du cas d’une pluralité d’actions résultant d’une pluralité d’éléments moraux50.
Une certaine opinion applique le principe de cumul réel de qualifications même si elles
procèdent d’une intention unique lorsqu’une pluralité d’actions échelonnées dans le temps réalise
plusieurs infractions.
49. C.S.J. 12 mai 1972, B.A. C.S.J. 1973, p.64; 3 mars 1972, B.A. C.S.J. 1973, p. 26.
50. C.S.J. 3 mars 1972, B.A. C.S.J. 1973, p. 26 ; C.S.J. 12 mai 1972, B.A. C.S.J. 1973, p.64.
Plan du cours
Ne pouvant pas traiter de toutes les infractions dans le cadre de notre enseignement à ce
niveau, notre choix a été porté sur les infractions à l’endroit de l’être humain.
PREMIERE PARTIE
La lecture pénale de l’article 16 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par
la loi constitutionnelle n°11/002 du 20 janvier 2011, permet de relever que toute personne humaine
mais également toute la personne humaine est protégée.
C’est qu’en effet, puisqu’elle est « sacrée », nul ne peut impunément porter atteinte à la
personne humaine, qu’elle soit vivante (en la tuant, la blessant, la déshonorant…etc.) ou décédée53 (en
la mutilant) ; née (en lui donnant des coups) ou se trouvant encore dans le sein de la personne qui la
porte (en provoquant l’avortement ou en s’abstenant d’assister une femme en instance d’accouchement
alors qu’on est personnel médical) ; nationale ou étrangère ; saine d’esprit ou malade ; mineure ou
majeure ; de sexe masculin ou féminin (en la violant)...etc.
D’autre part, on assure la protection de toute la personne humaine. C’est que la personne
humaine est protégée dans son unicité entièrement :
- dans sa vie et son intégrité corporelle ;
- dans son honneur et sa dignité ;
- dans ses libertés de mouvement, d’expression et d’association culturelle, cultuelle voire
politique et autre ;
- dans ses libertés de choix en matière sexuelle, …etc.
51
. Article 16 alinéa 1, 2 et 4 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006.
52
. Article 17 alinéa 2 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006.
53
. En droit français, le législateur a incriminé la violation des sépultures (article 225-17-2 du CPF), le non respect de la
liberté des funérailles (article 433-21-1 du CPF), et l’atteinte à l’intégrité du cadavre (article 225-17 du CPF).
De ce fait, nul ne peut tuer, blesser, injurier publiquement, violer …etc. Nul ne peut porter
impunément atteinte aux valeurs fondamentales de la personne humaine parce qu’elle est sacrée, de
par la constitution en vigueur.
L’examen de cette partie requiert de se reporter d’abord à l’analyse des infractions contre la
vie et l’intégrité physique de l’être humain ; avant d’étudier ensuite les infractions contre son honneur,
sa famille et sa liberté de choix.
TITRE Iier
LES INFRACTIONS CONTRE L’INTEGRITE CORPORELLE DE L’ETRE
HUMAIN
Ces infractions sont constituées par une série d’agressions dirigées contre la vie, la santé, et
l’intégrité physique de l’être humain (vivant ou mort). Parmi ces agressions on distingue naturellement
celles qui ôtent la vie, de celles qui causent un dommage au corps (lésions corporelles).
La protection de ces différents droits fondamentaux est renforcée par la législation répressive
qui sanctionne toutes les atteintes qui causent dommage à l’être humain.
Le dommage corporel peut être réalisé soit par un acte matériel, physique et positif soit par
un acte simplement négatif ou une abstention.
Aussi allons-nous voir d’abord les infractions qui impliquent un acte matériel et positif et
ensuite celles qui sont réalisées par abstention. D’où :
- Les actions dommageables à l’intégrité corporelle.
- Les abstentions dommageables à l’intégrité corporelle.
Les actions dommageables à l’intégrité corporelle sont caractérisées, on l’a dit, par les
atteintes au corps. Ces atteintes sont réprimées par de nombreuses dispositions légales.
Lorsqu’on examine leur mode de réalisation et les mobiles qui conduisent à ces infractions,
on peut les grouper en deux grandes catégories. Il y a, en effet, d’une part, les homicides et lésions
corporelles, et d’autre part, les épreuves superstitieuses avec les pratiques barbares.
L'analyse des atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle démontre que les unes provoquent la
mort de leurs victimes, les autres simplement des lésions. Les premières sont qualifiées « homicides »
et les secondes « coups et blessures ». Ces deux catégories d’infractions sont réprimées très
différemment suivant qu’elles sont volontaires ou involontaires.
Parmi les atteintes volontaires à la vie humaine, le législateur congolais prévoit, notamment
dans la législation militaire (consécutivement au traité de Rome dument ratifié), des incriminations
assurant la protection de l’humanité, qu'il convient d'examiner à coté de celles traditionnelles. Nous
analyserons d'une part ces incriminations internationales et d'autre part celles traditionnelles.
C'est à partir de 1972 que notre législateur a intégré dans la législation militaire, les crimes
internationaux assurant la protection de l'humanité. Laquelle doit être perçue comme un nouveau sujet
de droit pénal, et affirme que par-dessus tout et en n’importe quelle circonstance, l’humain doit être
préservé dans son « unicité » mais surtout dans sa « globalité ».
A travers l’humanité, le droit pénal tient à assurer la protection de la personne humaine, des
groupes de personnes stables et permanents, des rapports entre adversaires à l'occasion des conflits
armés mais aussi et surtout le respect de la population civile dans ses particularités et ses
regroupements étant donné son caractère faible et par conséquent vulnérable.
Il y a lieu de souligner pour notre pays que les crimes internationaux portant atteinte à la paix
et à la sécurité internationales avaient déjà été prévus dans l’ordonnance-loi numéro 72/060 du 25
septembre 1972 portant code de justice militaire qui avait jeté pour la première fois les bases d’une
organisation judiciaire cohérente de notre justice militaire, mais cela, à la suite de la ratification de
certains instruments internationaux. C'est ce qui rendait nos juridictions militaires compétentes face
aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité nonobstant la présentation restrictive de leurs
éléments constitutifs. Ainsi, par rapport à sa formulation de l'époque, ce nouveau code de justice
militaire de 1972, qui s'était inspiré des législations étrangères dont les pays avaient connu la situation
exceptionnelle de la dernière guerre mondiale, s'était-il préoccupé, d'assurer la répression des crimes
de guerre susceptibles d'être commis par l'ennemi, dans l'éventualité d'un conflit armé international et
les soumettait à la compétence des juridictions militaires54.
C'est seulement en 2002 que le code pénal militaire venait consacrer ses quatrième et
cinquième titres du livre deuxième respectivement au terrorisme et aux crimes de génocide, crimes
contre l'humanité et crimes de guerre55.
54
. Norbert LIKULIA BOLONGO, Op.cit., p. 225
55
. Le constat que l’on peut faire est que le juge militaire congolais n’a été depuis lors que théoriquement compétent. Car, il
n’est parvenu qu’il y a peu à connaître des fais rentrant dans cette catégorie d’infractions graves. On peut citer notamment les
poursuites menées à l’Est du pays à Ankoro, dans la province du Katanga, à Songo-Mboyo dans la province de l’Equateur. En
Ces différentes incriminations prévues dans le code pénal militaire, sont actuellement
beaucoup plus approfondies et mieux détaillées. Car tous les éléments constitutifs des crimes du
cinquième livre ont été repris du traité de Rome du 17 juillet 1998 portant statut de la Cour Pénale
Internationale ratifié par notre pays le 30 mars 2002 et entré en vigueur le premier juillet 2002.
Pour une bonne compréhension, il va falloir traiter d'une part de leurs composantes (§1)
avant de connaître de leur régime répressif (§2).
A ce niveau de notre analyse, il va falloir étudier quatre principales incriminations dans les
sous-paragraphes qui suivent :
- Sous-paragraphe premier : Le génocide ;
- Sous-paragraphe deuxième : Les Crimes contre l'humanité ;
- Sous-paragraphe troisième : Les Crimes de guerre ;
- Sous-paragraphe quatrième : Le Crime d’agression.
Le crime de génocide est porté par la convention de l'Organisation des Nations Unies du 9
décembre 1948 sur la prévention et la répression du génocide. Il est en ce jour incriminé à l’article 6
du Traité conclu dans la ville de Rome le 17 juillet 1998 se rapportant au statut de la Cour Pénale
Internationale, entré en vigueur le 1ier juillet 2002 ; mais aussi à l’article 164 de la loi n°024/2002 du
18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire.
Par génocide, au sens du Code Pénal Militaire, il faut entendre la destruction totale ou
partielle d'un groupe national, politique, racial, ethnique, ou religieux.
Le génocide peut prendre la forme physique, biologique voir intellectuelle. Il est physique
lorsqu'il consiste dans la liquidation d'un groupe par son extermination ou l'assassinat de ses membres.
Il est biologique lorsqu'il se réalise notamment par la limitation ou l'empêchement de naissances en
appliquant systématiquement les mesures de castration ou de stérilisation. On parle du génocide
intellectuel ou culturel quand il se réalise par l'élimination progressive de caractéristiques ethniques ou
culturelles du groupe. Le crime de génocide requiert d'une part les faits matériels et de l'autre l'élément
moral. Ainsi, notre plan comportera deux articulations : la condition préalable et les éléments
constitutifs.
ces jours les juridictions militaires ont rendu un nombre non négligeable de décisions en matière des crimes internationaux
relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale.
A. Condition préalable : l’existence de l’un des groupes protégés dans l’acte d’incrimination
Le groupe doit ici être entendu comme un « groupe humain » à travers les individus qui le
composent56. Il doit s'agir d'une partie de la population ayant des traits caractéristiques communs en
leur sein, les distinguant du reste de la population.
Le groupe que protège l’acte incriminateur à travers le crime de génocide est celui stable et
permanent. Pour le Tribunal Pénal Internationale pour le Rwanda, il s’agit d’un groupe stable auquel
on appartient par la naissance de façon continue et irrémédiable. Dans le cas des tutsis et des hutus,
poursuit-il, cette notion de groupe protégé est objective au départ mais peut évoluer57. Ce qui signifie
que dans certaines circonstances, l'appartenance peut être déterminée sur le fondement de
l'identification subjective au groupe tant par les victimes elles-mêmes que par les auteurs des
infractions58.
Il doit s'agir de l'un des groupes prévus limitativement dans le texte incriminateur.
Ainsi, notre législateur a-t-il énuméré le groupe national, politique, racial, ethnique ou religieux.
Cependant, le statut de la Cour Pénale Internationale ne prévoit pas de groupe politique mais évoque
l'expression comme tel. En dehors des groupes prévus par l’acte incriminateur, le génocide ne sera pas
établi en droit congolais. Mais, il faut noter que certaines législations étrangères ont élargie le champ
laissant la place à l'analogie. Ces législations visent, en plus des précédents groupes, « un groupe
déterminé à partir de tout autre critère arbitraire »59, « tout groupe de personnes identifiables »60, « tout
autre groupe social »61, « tout autre groupe comparable » aux groupes énumérés à l'article II de la
convention de 194862 ».
Notons par ailleurs que le génocide peut viser plusieurs groupes distincts en même temps ou
successivement. Il y a donc possibilité de découvrir des formes de génocide multiple qui visent à
éradiquer différents groupes protégés par la loi. Il peut aussi viser le groupe auquel appartient l'auteur
des faits.
56
. Rapport du Secrétaire Général des Nations Unies 2003
57
. Affaire AKAYESU, TPIR, 1998
58
. Voir à ce sujet, l'article de Guglielmo VERDIRAME, ''The genocide definition in the jurisprudence of the ad hoc
tribunals'', in International and Comparative Law Quaterly, 2000, pp.578 et ss. Faisant allusion aux deux moyens permettant
de déterminer l'appartenance à un groupe[objectif et subjectif], l'auteur souligne que l'intérêt de la distinction n'est pas
seulement théorique. A cet effet, il assoit son opinion sur trois illustrations comme suit : D'abord, dans le cas de l'holocauste,
si l'on avait appliqué le critère objectif pour déterminer l'identité et l'appartenance, il aurait fallu conclure qu'un génocide
n'avait été commis qu'à l'encontre des victimes ''vraiment'' juives. En d'autres termes, certaines personnes tuées parce qu'elles
étaient considérées comme juives par les Nazis, en application des lois de Nuremberg, n'auraient pu être considérées que
comme des victimes de tout autre crime contre l'humanité et/ou d'un crime de guerre.(...) Il estime que la répugnance à
déterminer l'appartenance au groupe sur le fondement du critère subjectif dérive également du droit pénal. Car, l'erreur de fait
est en effet souvent déterminante pour la qualification d'un crime. En suite, dans la plupart des ordres juridiques internes,
affirme-t-il, Oedipe tuant son père Laïos serait accusé de meurtre et non pas de parricide, puisqu'Oedipe ignorait que le ''vieil
homme sur le chariot'' (...) était son père. Enfin, si cette approche subjective était retenue dans le contexte du génocide
rwandais, le viol et le meurtre d'une femme considérée comme Tutsi sur le fondement de sa seule apparence physique et se
révélant, en ''réalité'', d'origine mixte -un père Hutu et une mère Tutsi- [voir d'origine éthiopienne] ne constituerait qu'un
crime contre l'humanité et pas un génocide.
59
. Article 211-1 du Code pénal français et l'article 1 ier de la loi congolaise(Brazzaville) n°8-98 du 31 Octobre 1998 portant
définition et répression du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Ce qui permet d'inclure, sous ces
législations, divers autres groupes : homosexuels, handicapés, albinos...etc
60
. Voir le code pénal canadien.
61
. Voir le code pénal estonien
62
. Article 6 du Code pénal finlandais
Il existe d’une part les faits matériels et d’autre part l’élément moral
Les faits matériels de génocide sont en réalité des infractions à part entière, existant dans la
législation pénale à l'état ordinaire mais dont la gravité liée à certaines circonstances rend
« extraordinaires ».
Il s'agit de la forme de génocide physique. Le crime est ici caractérisé par la destruction de
l'ensemble du groupe visé. Dans le cadre du crime de génocide, par meurtre, il faut entendre non
seulement l'homicide commis avec intention de donner la mort mais également tout assassinat. En
effet, la formulation en français soulève une certaine controverse alors que celle anglaise reprenant
killing members of the group63 exprime bien la notion en englobant les deux termes français de
meurtre et d'assassinat.
63
. Article 6 lit. (a) du statut de la Cour Pénale Internationale cité par Philippe CURRAT, Les crimes contre l’humanité dans le
statut de la Cour Pénale Internationale, Bruxelles, LGDJ, Schulthess, 2006, p. 135.
64
. Affaire Akayesu, ICTR-96-4-A, 1999, § 503, le Tribunal fait une référence directe à la notion d’atteinte grave pour
tortures, traitements inhumains, viols.
65
. Dans l'affaire opposant le Procureur à EICHMANN, la Cour d'appel israélienne a jugé dans son arrêt du 12 décembre
1961, que le comportement génocidaire contre le peuple juif n’était pas fondé sur le meurtre mais sur des atteintes graves :
physiques et mentales ; réduction en esclavage, famine, déportation, persécution dans des conditions destinées à la
dégradation de l’être humain.
Notons enfin que la référence aux atteintes à l’intégrité mentale a été ajoutée plus
tardivement dans le but de couvrir des formes de génocide faisant appel à des stupéfiants ou armes
chimiques nuisant aux facultés mentales des victimes qui ne sont pas pris isolement mais en tenant
compte de leur appartenance au groupe visé.
L'illustration peut être trouvée en effet dans l'affaire opposant le procureur du TPIY à
Karadzic. Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie avait retenu cet acte dans le fait pour le
prévenu d'avoir placé des groupes dans des camps de concentration et les avoir soumis
intentionnellement à des conditions d’existence visant leur destruction.
La Cour d’appel de Tel-Aviv66 a jugéé que la mort lente des juifs placés dans les camps de
concentration et non d’extermination rentre dans cette catégorie de génocide. C'est également dans ce
sens qu’a décidé le tribunal pénal international pour le Rwanda, dans la célèbre affaire opposant le
procureur à Akayesu67 pour avoir soumis le groupe visé à un régime alimentaire de seule subsistance et
organiséé des déplacements forcés…visant la destruction du groupe à long terme. On comprend ainsi
qu'il n'est pas obligé d’établir l'existence d’une atteinte grave physique ou mentale. La juridiction
saisie des faits devra effectuer ce travail d’interprétation, elle devra donc déterminer avec précision,
les conditions d’existence du crime.
Cette forme de génocide est particulièrement biologique68. L'acte peut être réalisé soit par
stérilisation mais également par avortement.
Dans l’affaire Akayesu69, ont été ajoutées les mutilations et les violences sexuelles massives
comme sources potentielles d’actes génocidaires en raison du but recherché par les auteurs de ces
formes de violence. C’est le cas de l’usage du viol pour faire naître des bâtards qui seront rejetés par le
groupe, et qui permettront ainsi sa destruction. Pour le tribunal pénal international pour le Rwanda, il
peut s’agir des mesures physiques ou même mentales.
Pour que ce transfert parvienne à constituer le fait matériel de génocide, il doit porter
directement sur les enfants du groupe. Par enfant du groupe, il faut entendre toute personne âgée de
moins de dix-huit ans au moment de son transfert.
66
. Affaire le procureur c/ EICHMANN, 1961, op. cit.
67
. Affaire Akayesu, ICTR-96-4-A, 1999, §506
68
. C’est l’un des comportements matériels restant de la définition proposée par le juriste américain d’origine polonaise
Raphaël LEMKIN qui différenciait deux types de génocide : le génocide par destruction et le génocide par assimilation, dont
seule la première a été retenue en 1948.
69
. Chambre d'appel du TPIR, affaire AKAYESU (ICTR-96-4-T), Arrêt, 1juin2001, http://www.Ictr.Org/ FRENCH/index.htm
Pour engager sa responsabilité, il s'impose de prouver que l'auteur savait ou aurait dû savoir
que la personne ou les personnes étaient âgées de moins de 18 ans70. Ladite personne doit
obligatoirement appartenir à l'un des groupes protégés par la loi.
L’auteur doit donc l'avoir transféré sans son consentement, de son groupe à un autre groupe
qui peut ou ne pas être l'un de ceux légalement protégés. Les effets de ce transfert forcé d'enfants du
groupe à un autre groupe peuvent caractériser ainsi le génocide physique mais aussi celui biologique.
Ce fait ne sera pas caractérisé s'il est établi soit que ces personnes transférées n'étaient pas des enfants
soit qu'elles n'appartenaient pas au groupe protégé.
La mens rea du crime de génocide est son élément caractéristique particulier. En effet, ce
crime nécessite pour être constitué, que l'auteur agisse avec conscience et volonté afin d'atteindre le
but déterminé de la destruction du groupe. Il importe peu que son but poursuivi soit atteint pour
conclure à la consommation du crime. Il convient et il suffit d'établir une sorte de relation triangulaire
entre le fait matériel génocidaire-le but par l’agent-et la volonté d’agir.
C’est que l'agent doit avoir agi avec intention de détruire un groupe protégé. Détruire c'est
altérer profondément de manière à faire perdre l’aspect, la forme, les caractéristiques fondamentales.
Cela ne sous entend pas automatiquement la disparition totale du groupe. L'agent doit avoir agi dans
l'intention d'altérer profondément les caractéristiques fondamentales ou les formes du groupe visé.
C'est ainsi que le texte incriminateur fait allusion à une destruction totale mais aussi partielle. Mais,
cette destruction partielle ou totale doit porter sur un groupe bien identifié tel que traité aux conditions
préalables.
Cette infraction trouve sa base normative d’une part à l’article 7 du Traité conclu dans la
ville de Rome le 17 juillet 1998 se rapportant au statut de la Cour Pénale Internationale, entré en
vigueur le 1ier juillet 2002 ; et d’autre part aux articles 165 à 172 de la loi n°024/2002 du 18 novembre
2002 portant Code Pénal Militaire.
Le traité conclu à Rome relatif au statut de la Cour Pénale Internationale71 entend par attaque
lancée contre une population civile, le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes
bien identifiés à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de
la politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque.
70
. Éléments des crimes, article 6 e), pt 6
71
. Article 7 point 2, a) du Statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 2002.
On entend par crimes contre l'humanité, des violations graves du droit international
commises contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre. Ils ne sont pas nécessairement
liés à l’état de guerre et peuvent se commettre, non seulement entre personnes de nationalité différente,
mais même entre sujets d’un même État72.
Il s'agit donc des atteintes graves à l’intégrité de la personne humaine. Les crimes contre
l'humanité supposent une dégradation ou une humiliation de la personne humaine. Ils sont donc
systématiques, généralisés et découlent d’une concertation. Ils se commettent aussi bien en temps de
paix qu'au moment de conflit armé et peuvent toucher à la fois les populations des belligérants qui se
défendent que celles de ceux qui attaquent.
Les victimes des crimes contre l’humanité sont pour la plupart du temps des civils, mais
peuvent aussi être des personnes protégées autant que des combattants.
Deux types de crimes contre l'humanité peuvent être perpétrés : ceux qui induisent la
disparition physique de la population civile et ceux qui n’entrainent que persécutions. Mais nous
allons présenter dans un premier temps les actes matériels qui les caractérisent et au second, leur
élément moral.
B. Éléments constitutifs
Plusieurs faits matériels peuvent constituer les crimes contre l'humanité. Nous allons évoquer
à tour de rôle comme suit :
- Le meurtre :
Il s’agit du fait de causer la mort ou de tuer une personne intentionnellement. Cet acte peut
être prémédité ou non. Comme précédemment expliqué, le terme anglais « killing » englobe aussi bien
le meurtre que l’assassinat. Il faut que cet acte homicide se rattache aux autres critères du crime contre
l'humanité.
- L’extermination :
C’est le fait de tuer sur une large échelle. On retrouve ici la notion d’attaques généralisées ou
systématisées. L'extermination peut se consommer par des actes physiques de meurtre ou assassinat
mais aussi par le fait d’infliger de façon intentionnelle des conditions de vie visant la destruction totale
ou partielle de la population73.
72
. Voir les articles 165-172 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire.
73
. La jurisprudence du TPIR a précisé cette définition dans les affaires AKAYESU (première décision du TPIR) (§§591-592),
KAMBANDA (§§141-147), KAYISHEMA & RUZINDANA (§§141-147), RUTAGANDA (§§82-84), MUSEMA (§§217-
219). Dans ces quatre affaires, le TPIR a décidé que pour qu’il y ait extermination : l’accusé ou son subordonné doit avoir
participé au meurtre de certaines personnes nommées ou décrites, l’acte ou l’omission doit avoir été illégal et intentionnel,
Pour le traité conclu dans la ville de Rome relatif au statut de la Cour Pénale Internationale74,
par « extermination », on entend notamment le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie,
telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la
destruction d'une partie de la population.
Devant une tout autre juridiction pénale internationale. Il a été jugé dans l’affaire KRSTIC
par le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie que pour que le crime contre l'humanité soit
caractérisé il faut « démontrer en plus qu’une population particulière soit la cible désignée et que ses
membres aient été tués ou qu’ils aient été soumis à des conditions de vie calculées de façon à conduire
à la destruction d’une partie significative numériquement de la population »75.
Par réduction en esclavage, il faut entendre le fait d’exercer sur une personne l’un ou
l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des humains, en
particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle76. L’auteur doit avoir a exercé
l’un quelconque ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété sur une ou plusieurs personnes,
par exemple en achetant, vendant, prêtant ou troquant ladite ou lesdites personnes, ou en leur imposant
une privation de liberté similaire77.
Jugé dans l'affaire KUNARAC qu'il y a réduction en esclavage dans le fait pour ce dernier
d'avoir organisé dans un camp de concentration non seulement un traitement et des interrogatoires
musclés contre les prisonniers qu'il détenait, mais aussi un système d’agressions sexuelles, de viol et
d’esclavage sexuel, réduisant les prisonniers à l’esclavage physique et sexuel78.
Cela consiste à expulser des personnes de leur lieu de vie (habituel ou non) où ils sont
légalement établies sans aucune justification tant sur le plan national qu'international. Le statut de la
Cour Pénale Internationale79 entend par « déportation ou transfert forcé de population », le fait de
déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où
elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international.
l’acte illégal ou l’omission doit faire partie d’une attaque généralisée ou systématisée, l’acte illégal ou l’omission doit être
dirigé contre la population civile.
74
. Article 7 point 2, b) du Statut de la Cour Pénale Internationale du 17 juillet 2002.
75
. Affaire KRSTIC, TPIY, le 02 Août 2001. KRSTIC était le bras droit de VLADIC et il exécutait aveuglément ses ordres. A
Srebrenica, ils avaient séparé les hommes des femmes et des personnes âgées et avaient exterminé la population masculine à
l'âge de combattre. Le TPIY a considéré qu’il s’agissait bien du crime contre l'humanité.
76
. Article 7 §2) c) du statut de la Cour Pénale Internationale
77
. Éléments des crimes, article 7 1),c), pt 1. Par ailleurs, il est entendu qu’une telle privation de liberté peut, dans certaines
circonstances, inclure des travaux forcés ou d’autres moyens de réduire une personne à l’état de servitude, tel qu’il est défini
dans la Convention supplémentaire de 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et
pratiques analogues à l’esclavage. Il est aussi entendu que le comportement décrit dans cet élément inclut la traite d’êtres
humains, en particulier de femmes et d’enfants.
78
. TPIY, 2ème chambre de 1ère instance, affaire FOCA ou affaire KUNARAC.
79
. Éléments des crimes, article 7 1) d) 1
C’est que l’auteur doit avoir déplacé, déporté ou transféré de force, sans motif admis en droit
international, une ou plusieurs personnes d'une région, d'un État ou d'un autre lieu où elles se trouvent
légalement, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs.
Il faut noter que ce fait pourra être établi même si le transfert ou la déportation a lieu sur le
territoire d'un même pays auquel cas on parlera de déplacés, et contre ses propres nationaux. S’il y a
franchissement de frontière, on parlera de réfugiés.
Pour être constitué, l’auteur doit avoir emprisonné une ou plusieurs personnes ou autrement
soumis ladite ou lesdites personnes à une privation grave de leur liberté physique. Il faudra prouver
que la gravité du comportement était telle qu’il constituait une violation de règles fondamentales du
droit international80.
Notons qu'en principe, l'emprisonnement n’est pas en soi un crime contre l'humanité. Il n'en
sera ainsi qu'en cas de l'emprisonnement en violation des règles fondamentales du droit international
constituant la privation arbitraire de liberté, c'est-à-dire la privation de liberté d’un ou plusieurs
individus sans garantie de fond ni de procédure et en tant qu’élément d’une politique d’attaque
généralisée ou systématique dirigée contre une population civile81.
-La torture :
C’est le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques
ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle, aux fins de la punir,
l’intimider, obtenir des renseignements etc.
Pour la Cour Européenne des Droits de l'Homme, cette torture doit être infligée par un agent
de la force publique ou toute autre personne agissant à titre officiel82.
80
. Éléments des crimes, article 7 1) e) 1), 1
81
. TPIY, 20 février 2001, 3ème chambre de 1ère instance, Procureur c/ KORDIC & CERKEZ ou affaire la Vallée de Lasva
82
. CEDH, Arrêt Tomasi c/la France, 27 août 1992.
83
. Article 7 §2 e) du Statut de la Cour Pénale Internationale. Voir aussi la Convention de New York du 10 décembre 1984
contre la torture. Voir aussi l’article 48 Bis du Code Pénal Ordinaire.
84
. En France, l'illustration en a été donnée dans une affaire devant la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 11
janvier 2005. En l’espèce, la mère et des proches de celle-ci utilisaient un jeune enfant de 20 mois, dans des pratiques
sexuelles. Dans ce cadre là, il n'y avait pas de pénétration mais de simples contacts. À la question de savoir si il pouvait y
avoir une qualification de torture, cette juridiction a estimé qu’il pouvait être qualifié, et elle s'est appuyée sur l’élément
moral : « Comportement emprunt de perversité » « portant atteinte à la dignité », « répétition d’agressions filmées ».
La définition de cette notion en droit international pénal a été problématique car celle donnée
par les Nations Unies et par la Convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture n’est
pas la même que celle du Statut de la Cour Pénale Internationale, les deux premières étant plus
rigoureuses. La jurisprudence du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie l'a pourtant
précisé85.
Il importe peu les restrictions que peuvent donner certains États dans leurs législations
internes. Le cas des États-Unis qui n'appliquent pas les standards internationaux et ont élaboré une
définition nationale plus restreinte de la torture, en vertu de laquelle certaines techniques de torture,
telle que la torture par l'eau (ou noyade), ont été institutionnalisées86.
Cette notion englobe le viol, mais aussi l’esclavage, la grossesse forcée, la prostitution
forcée, la stérilisation forcée,… et toutes les autres formes de violence sexuelle de gravité comparable.
La violence sexuelle a posé des problèmes à la jurisprudence internationale pénale car elle a
généralement été mal définie par le droit international pénal, soit qu’il n’y avait pas de définition, soit
que les définitions n’étaient pas suffisantes.
Dans l’affaire AKAYESU du 2 septembre 1998, la Chambre de 1ère instance indique que
« le viol constitue une forme d’agression et qu’une description mécanique des objets et des parties du
corps qui interviennent dans sa commission ne permet pas d’appréhender les éléments essentiels de ce
crime ». De plus, la chambre définit le viol comme « une invasion physique de nature sexuelle
commise sur la personne d’autrui sous l’empire de la contrainte ». Cependant, cette définition
correspondait aux besoins de l’affaire et elle a dû être précisée.
85
. La précision est donnée dans un certain nombre de décisions du tribunal :
- TPIY, affaire DELALIC, 10 novembre 1998. Le TPIY a estimé qu’il s’agissait d’une notion autonome,
essentiellement coutumière et qui va plus loin que la définition textuelle.
- TPIY, affaire FURUNDZIJA, 16 décembre 1998. Dans cette affaire, FURUNDZIJA était un supérieur hiérarchique
qui avait laissé faire des tortures et des actes particulièrement barbares par ses subalternes. Lui-même avait
participé à des tortures et des omissions. La chambre d’instance donne dans cette affaire une définition plus précise
de la notion de torture, notamment la torture peut consister en l’humiliation de la victime. Même si l’acte ne remplit
pas exactement les conditions de la Convention de 1984, il peut caractériser un acte de torture pour la
jurisprudence.
- TPIY, affaire KUNARAC, du 22 février 2001. La chambre de 1 ière instance a ajouté que la définition de la torture
en droit international humanitaire ne revêt pas les mêmes caractéristiques que celle définie par les Droits de
l’homme, la présence de l’autorité en tant que telle n’est pas indispensable.
86
. Voir Association Internationale de Droit Pénal, in Revue Internationale de Droit Pénal, XVIII ièrme Congrès International de
Droit Pénal, Colloque Préparatoire, Pula (Croatie), 6-9 novembre 2008, Section III-Procédure pénale, Mesures de procédure
spéciales et respect des droits de l'homme, 80ième année nouvelle série, Éditions Erès, 1ier et 2ième trimestres 2009, p.52
L’autre problème était l’absence d’objection de la victime, car souvent on faisait pression
non pas sur la victime, mais sur des tiers. On considère ici qu’il s’agissait aussi d’un viol. Enfin, le
viol était généralement pratiqué en groupe car il était utilisé non pour un plaisir sexuel, mais en vue de
la destruction d’un groupe. Le viol, à ce titre, fait donc partie d’une politique d’attaque généralisée ou
systématisée, c’est-à-dire qu’il est un crime contre l'humanité.
La jurisprudence est devenue extrêmement simple : la pénétration, quelle qu’en soit la forme,
et l’absence de consentement, quel qu’en soit la forme. C’est ainsi qu’un consentement oral ne sera
pas forcément valide si le consentement moral n’est pas lui réel.
On les retrouve aussi, dans l’article 7 §2 f) du Statut de Rome. C’est par exemple :
- L’esclavage sexuel : la chosification d’un être humain. L’agent doit avoir sur la victime un droit
de propriété en la soumettant aux actes sexuels ;
- La prostitution forcée : une forme de persécutions d’un groupe (dégradation imposée au
groupe).
- La grossesse forcée : C’est une façon de détruire le groupe par le biais des ostracisassions, la
« bâtardisation » du groupe (faire naitre des enfants non admis au sein du groupe).
Le statut de la Cour Pénale entend par grossesse forcée, la détention illégale d’une femme mise
enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de
commettre d’autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune
manière s'interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse.
- La stérilisation forcée (soit par des moyens mécaniques soit par ceux chimiques).
La dégradation de l’être humain aboutit très vite à une situation d’acceptation de la situation.
- Les autres formes de violences sexuelles de gravité comparable permettent l’intégration future
d’incriminations sexuelles nouvelles. Le Statut de la Cour a confirmé ces incriminations à l’art
7(2)(f).
- Persécutions
Elles sont envisagées contre tout groupe ou collectivité identifiable, qu’il soit politique,
racial, national, ethnique, culturel, religieux, sexuel ou fondé sur tout autre critère. L’ouverture à la
fin est due à un désir d’étendre les persécutions à d’autres groupes visés selon des critères objectifs ou
subjectifs. Il s’agit de l’une des grandes différences entre le Crime contre l’Humanité et le Crime de
Génocide.
- Disparitions forcées
De plus, il doit y avoir refus d’aide des proches par l’Etat à la recherche du disparu, ce qui
aggrave le lien étatique.
• C’est une clause balais qui permet d’intégrer les évolutions futures des comportements durant
les conflits. Cela permet de condamner certains comportements alors qu’ils ne sont pas
expressément prévus.
• Ainsi le but est de permettre l’inculpation pour crimes contre l’humanité de personnes qui
auraient commis des actes ne rentrant pas dans des catégories précédentes, mais qui auraient
poursuivi le même but
A été évoqué dans l’affaire KUPRESKIC, le Statut de Rome n’a ainsi fait que reprendre une
idée émise par le TPIY. Clause balais qui était déjà présente dans le Statut du TMI de
Nuremberg par la phrase : « autres actes inhumains ».
• Pour l’instant, cette clause n’a jamais été utilisée.
Ainsi de suite.
L’agent doit avoir agi avec connaissance et volonté : Connaissance du caractère criminel de
son acte et volonté de réaliser le crime.
Un crime de guerre est une violation grave des lois et coutumes de la guerre commise en
rapport avec un conflit armé. Il y a trois notions à retenir de cette définition : une violation, les lois et
coutumes de la guerre et un conflit armé.
Il est prévu d’une part à l’article 8 du Traité conclu dans la ville de Rome le 17 juillet 1998
se rapportant au statut de la Cour Pénale Internationale, entré en vigueur le 1ier juillet 2002 ; et d’autre
part aux articles 173 à 175 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire.
Une violation grave du droit international humanitaire. C’est en fait une violation du
droit des conflits armés. La violation grave de ce droit entraîne un comportement qui s’appelle
« crime de guerre ». La violation grave du droit international humanitaire a été identifiée par
un arrêt comme étant la source des crimes de guerre. Cet arrêt est celui du TPIY Ch. Appel «
LE PROCUREUR C/DUSKO TADIC », dans un jugement du 2 octobre 1995 relatif a l'appel
de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence : Dusko TADIC
A. ELEMENTS DE LA DEFINITION.
Un crime de guerre doit être commis en rapport avec le conflit armé. Mais qu’est ce
qu’un conflit armé ? Pour le jugement d’octobre 1995, il s’agit de toute situation dans laquelle
il y a recours à la force armée entre Etats ou un conflit armé prolongé entre les autorités
gouvernementales et des groupes armés ou entre de tels groupes au sein d’un Etat. Il faut donc
un certain degré de violence, qu’elle soit établie, continue, et qu’elle se déroule entre des
parties identifiées.
Dans l’affaire TADIC, le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie a examiné ces
conditions et on les retrouve au paragraphe 94 du jugement. Le Tribunal Pénal International pour
l’ex-Yougoslavie a franchi un pas supplémentaire. Dans le conflit, on trouvait les Bosniaques, les
Serbes et les Croates, trois parties internes donc une protection minimale. On en a conclu que le
conflit interne s’était internationalisé du fait de l’intervention de gouvernements externes. On a étendu
la compétence du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.
Les Principes de Nuremberg entérinés par les Nations Unies donnent un caractère universel à
ces incriminations, car les Conventions de Genève de 1949 sont les seuls textes internationaux qui ont
été universellement ratifiés.
Ces Conventions ne s’appliquent qu’en cas de conflit armé international. Sauf cependant
l’article 3 qui s’applique aussi aux conflits armés non internationaux (CANI).
Les personnes qui peuvent être auteurs des crimes de guerre sont les exécutants matériels
directs mais aussi les responsables Officiels et les Civils ayant participé sous l’autorité des Forces
Armées à des Crimes de Guerre. 22 Décembre 1945, Affaire HEYERER ou les civils avaient participé
aux crimes de Guerre.
Il en a été aussi le cas avec KAYISHEMA qui fut Préfet (dans l’administration civile) ayant
ordonné un certain nombre d’actions facilitant la tâche aux Interhamwe et créant un lien avec les
forces (militaires) armées.
Le crime doit être commis dans un contexte de guerre ou en rapport avec elle.
Il convient de souligner d’abord que les termes utilisés par le législateur sont moins
évocateurs et plus déroutant que ceux des Eléments des crimes de la Cour Pénale
Internationale.
En effet, la loi pénale militaire congolaise entend par crime de guerre toutes
infractions aux lois de la République commises pendant la guerre et qui ne sont pas justifiées
par les lois et coutumes de la guerre88. C’est ainsi qu’il les qualifie de crimes de guerre.
L’indication du moment de la commission de l’infraction « pendant la guerre » a fait dire que
ce crime ne peut se réaliser qu’au moment où se déroule le conflit armé. Et pourtant ceci ne
parait pas du tout exact.
La violation des droits des prisonniers de guerre, les condamnations sans procès
équitable des personnes, l’enrôlement ou la conscription d’enfants pour les impliquer aux
combats … etc, peuvent se réaliser soit après la déclaration mettant fin aux hostilités, soit bien
avant, au moment de la préparation.
87.
Lire avec intérêt les développements de Bienvenu WANE BAMEME dans La responsabilité pénale pour crime de guerre.
Etude comparée des droits français et congolais. Thèse de doctorat en droit, Aix-Marseille Université/France, 14 mai
2012, pp. 126-130.
88.
Article 173 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire congolais.
89.
Article 8 des Eléments des crimes de la Cour Pénale Internationale, pp. 15-46.
Le fait pour le commandant d’une unité engagée à la guerre, de torturer jusqu’à ce que mort
s’en suive, deux militaires de ses propres rangs au motif qu’ils avaient commis le harcèlement sexuel
sur sa fille de 26 ans, ne constitue nullement le crime de guerre quand bien-même qu’il soit prouvé
que le pays se trouve en pleine guerre contre l’ennemi. Dans cette espèce, non seulement que
l’élément caractérisant l’adversité ne sera pas établi, mais en plus, cette infraction de tortures ayant
conduit à la mort de la victime ne présentera aucun lien avec la guerre.
Le comportement décrié doit s’inscrire dans la conduite de la guerre et avoir été réalisé en
vue de gagner la guerre ou de participer simplement à la guerre. Puisqu’il n’y aura pas de rapport
établi avec la conduite de la guerre, un tel homicide causé par les actes de torture ne constituera pas le
crime de guerre et sera sanctionné au titre de meurtre ou assassinat que punit le Code pénal ordinaire90.
Puisque le code pénal militaire ne prévoit aucun fait matériel constitutif de cette infraction, il
convient de procéder à l’inventaire des actes matériels prévus à l’article 8 du Statut de la Cour Pénale
Internationale.
Le statut distingue les faits commis dans le cadre d’un conflit armé international de ceux
commis dans le cadre d’un conflit armé non international.
Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l'un
quelconque des actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les
dispositions des Conventions de Genève :
1. L’homicide intentionnel ;
5. Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les
forces d'une puissance ennemie ;
8. La prise d'otages
On peut constater plusieurs choses : ceux-ci sont tous des faits qui se sont déroulés pendant la
2nde Guerre Mondiale. Cette liste semble néanmoins d’actualité, mais aujourd’hui limitée par rapport à
tous les comportements existants.
Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux
dans le cadre établi du droit international.
On trouve ici toute une série de comportements liés aux moyens et méthodes de combat car
certains sont prohibés.
1. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle
ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ;
2. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c'est-à-
dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;
4. Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu'elle causera incidemment des
pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des
dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à
l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l'ensemble de
l'avantage militaire concret et direct attendu ;
5. Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages,
habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;
6. Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n'ayant plus de
moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion ;
8. Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une partie de sa population
civile, dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du
territoire occupé de la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire ;
9. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion,
à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des
hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu'ils ne
soient pas des objectifs militaires ;
10. Le fait de soumettre des personnes d'une partie adverse tombées en son pouvoir à des
mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu'elles soient qui ne sont
ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l'intérêt de
ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur
santé ;
11. Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l'armée
ennemie ;
13. Le fait de détruire ou de saisir les biens de l'ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou
saisies seraient impérieusement commandées Statut de Rome de la Cour pénale internationale
par les nécessités de la guerre ;
14. Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des
nationaux de la partie adverse ;
15. Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux
opérations de guerre dirigées contre leur pays, même s'ils étaient au service de ce belligérant
avant le commencement de la guerre ;
18. Le fait d'employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides,
matières ou procédés analogues ;
19. Le fait d'utiliser des balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain,
telles que des balles dont l'enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée
d'entailles ;
20. Le fait d'employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer
des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du
droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et
méthodes de guerre fassent l'objet d'une interdiction générale et qu'ils soient inscrits dans une
annexe au présent Statut, par voie d'amendement adopté selon les dispositions des articles 121
et 123 ;
21. Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ;
22. Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence
sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève ;
23. Le fait d'utiliser la présence d'un civil ou d'une autre personne protégée pour éviter que
certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d'opérations militaires;
24. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités
et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit
international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève ;
25. Le fait d'affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens
indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l'envoi des secours
prévus par les Conventions de Genève ;
26. Le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les
forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités
Dans ce cas, les infractions sexuelles ne sont pas utilisées dans un but de plaisir sexuel, mais
comme moyen de combat par la partie la plus faible au conflit. Bien souvent, cela va engendrer un
phénomène de spiral, c'est-à-dire que la partie forte va se mettre à utiliser les mêmes méthodes.
L’on retient au titre de crime de guerre, toutes condamnations prononcées mais également
toutes les exécutions effectuées en dehors d’un jugement préalable, ayant d’une part été décidé par
une juridiction régulièrement constituée, et d’autre part observé des garanties judiciaires
généralement reconnues comme indispensables.
2. Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits
armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du
droit international :
1. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que
telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités ;
2. Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les
unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au
droit international, les signes distinctifs des Conventions de Genève ;
6. Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l'article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de
violence sexuelle constituant une violation grave de l'article 3 commun aux quatre
Conventions de Genève ;
8. Le fait d'ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au
conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l'exigent ;
11. Le fait de soumettre des personnes d'une autre partie au conflit tombées en son pouvoir
à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu'elles
soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni
effectuées dans l'intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou
mettent sérieusement en danger leur santé ;
12. Le fait de détruire ou de saisir les biens d'un adversaire, sauf si ces destructions ou
saisies sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit ;
14. Le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides,
matières ou procédés analogues ;
15. Le fait d’utiliser des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps
humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le
centre ou est percée d’entailles.
Ainsi, admet-on, que les deux catégories de crimes à savoir ceux commis dans le cadre des
conflits armés internationaux (CAI) et ceux commis dans le cadre des conflits armés non
internationaux (CANI) peuvent être présentées en quatre groupes de crimes ci-après :
- Crimes commis contre les personnes ne participant pas ou plus au conflit armé ;
- Crimes commis par l’emploi des méthodes de combat prohibées ;
- Crimes commis contre des personnes bénéficiant d’une protection spéciale ; et enfin
- Crimes consistant à utiliser les emblèmes protecteurs ou des uniformes de la partie
adverse (la perfidie).
1. Les crimes commis contre des personnes qui ne participent pas ou qui ne participent
plus au conflit armé :
▫ Les crimes commis contre les civils en territoire occupé. Aujourd’hui, dans les conflits
asymétriques, il y a une forte tendance à viser les civils et à les utiliser comme arme.
La commission de crime contre ses propres civils, ne peut pas constituer un crime de
guerre.
▫ Les crimes commis contre les mouvements de résistance en territoire occupé. Les
mouvements de résistance sont des mouvements de résistance supposés.
▫ Les crimes impliquant une forme de violence sexuelle contre un groupe particulier
(femmes, enfants, hommes).
Tous ces crimes doivent obligatoirement être commis en lien avec le conflit pour être qualifiés
de crimes de guerre. Lorsque ces crimes sont commis dans le cadre d’un conflit armé international, il
s’agira d’une violation grave aux Conventions de Genève (article 51, 54,…), alors que si le même
crime est commis dans un cadre non international, il s’agira d’une violation de l’article 3 commun des
Conventions de Genève ou de l’article 4 protocole 2 de 1977.
Il ne s’agit pas ici de la cible, mais de la façon dont les parties combattent.
• Les attaques dirigées contre la population civile ne prenant pas part aux hostilités dans les
zones de combat. Cela pose problème dans les cas de guérillas urbaines. Inévitablement, il y
aura des dommages collatéraux parmi les populations civiles. Aujourd’hui, dans les conflits
armés, la balance est de 20% de perte militaire et 80% de perte civile (tendance inversée par
rapport à la Seconde Guerre Mondiale).
• La commission de violence dont le but vise à semer la terreur au sein de la population civile
• Le lancement volontaire d’une attaque indiscriminée en sachant qu’une telle attaque
engendrera des effets et des pertes disproportionnées dans la population civile : c’est une
attaque qui fera autant de victimes parmi les civils que parmi les militaires. C’est évidemment
à appréhender sur le terrain de chaque opération. Il y a une grande différence entre ceux qui
savant, mais laissent faire et ceux qui ne savent pas et qui font.
• Lancer une attaque en sachant que la personne est hors de combat, même s’il s’agit d’une
personne ayant cessé le combat. Les personnes qui se rendent doivent être mises hors combat.
On peut distinguer les méthodes de combat prohibées des moyens de combat prohibés.
• L’emploi d’armes ou de projectiles (ou de matériaux) qui sont de nature à causer des blessures
superflues ou des souffrances inutiles
• L’emploi de gaz asphyxiants
• L’emploi d’armes bactériologiques (ADM) : ce sont des armes qui utilisent des bactéries
présentent dans l’environnement et qui sont relativement faciles à construire (par exemple
l’entraxe), mais pour maintenir son efficacité, il faut d’importants moyens.
• L’emploi d’armes chimiques (ADM) : ici, cela nécessité l’intervention de l’homme pour leur
création. Elles ont été prohibées par une Convention de 1973.
Dans cette liste, devrait se trouver l’arme nucléaire qui correspond à la définition de l’arme
chimique, mais pour des raisons plus politiques et économiques que juridiques, elle n’y figure pas.
3. Les crimes commis contre des personnes bénéficiant d’une protection spéciale
Cela vise le personnel médical, les journalistes ou correspondants de guerre, les membres des
organisations humanitaires, le personnel des Nations Unies (dans le cadre d’une opération de maintien
de la paix).
C’est ici la méthode qui constitue le crime de guerre, pas le résultat. En droit international
pénal, on considère qu’il y a crime même s’il n’y a pas eu commencement d’exécution.
La simple conspiration suffit à constituer le crime. Il faut que le crime ait un lien avec le
conflit armé, et qu’il entre dans une des catégories répertoriées pour que le crime soit un crime de
guerre.
L’agent doit avoir agi avec connaissance et volonté. L’infraction n’existera pas si l’organe
d’accusation ne parvient à prouver cette intention criminelle.
L’intention peut ensuite être révélée par la connaissance. Quand le crime est
commis, ceux qui sont responsables de ces actes savent qu’il s’agit d’un crime de guerre. Cela
vaut pour celui qui commet l’acte, mais aussi pour celui qui se trouve en amont et qui laisse
faire sans intervenir. Même si l’on ne participe pas au crime, la connaissance de l’acte et son
caractère de crime de guerre suffisent à démontrer l’intention.
L’intention peut également, dans le cas de certains crimes de guerre, reposer sur
la négligence grave, c'est-à-dire que l’on va imputer le crime à des personnes qui savent que
le crime va se produire, ou qu’il y a de forts risques qu’il se produise, et qui n’ont rien fait
pour l’empêcher. C’est la responsabilité du chef hiérarchique, qui aurait dû réagir et mettre en
garde avant que le crime ne se produise. Il y a une sorte d’obligation d’agir en amont. C’est
notamment le cas avec l’affaire BLASKIC qui devait prendre des mesures nécessaires en
amont et réagir si quelques exactions s’étaient produites. Donc, la négligence peut bien
révéler l’intention de commettre le crime de guerre. (Le Tribunal Pénal International pour
l’ex-Yougoslavie a connu plus de 50 pourcents d’affaires dans ce cadre).
Aujourd’hui, on a une idée assez précise de qu’est un crime de guerre. Cependant, trois
questions demeurent :
a) Le texte de l’article 8 est-il un texte fermé ou ouvert ? A priori, il est ouvert car il faut
considérer les crimes coutumiers, l’apparition de nouvelles armes (les armes technologiques
notamment).
b) La définition des crimes de guerre liée à l’emploi de moyens de combat illicites semble plus
étroite que celle reconnue en droit international coutumier : Que faut-il en conclure ? Droit
coutumier plus large donc possible influence mais la Cour Pénale Internationale pourrait
aussi juger selon son seul Statut sans prendre en compte les possibles évolutions.
c) Pourquoi le Statut a-t-il maintenu la distinction entre les Conflits Armés Internationaux et les
Conflits Armés Non-internationaux ? L’intérêt de la distinction a été diplomatique en 1998,
mais aujourd’hui, une liste commune de ces deux catégories semble logique. La
jurisprudence des juridictions internationales peut permettre d’amoindrir ces écarts.
Docteur Bienvenu WANE BAMEME, Professeur Associé. 51 | P a g e
Cours de Droit Pénal Spécial 2015
Il s’agit d’un crime quelque peu spécial. En effet, sa spécificité tient du fait que :
- Il est porté par l’article 5(1) (d) du statut la Cour Pénale internationale, déterminant le champ
de sa compétence matérielle ;
- Il est défini tardivement à l’article 8 bis, à l’occasion de la conférence de révision tenue à
Kampala OUGANDA le 11 juin 201092.
A. LA NOTION D’AGRESSION
Il n’a pas donné lieu à la création d’un crime clairement identifié avant la fin de la
2ème guerre mondiale.
92
. Après deux semaines d’intenses débats au cours de la Conférence de révision tenue du 31 mai au 11 juin 2010 et des
années de travaux préparatoires, la définition a finalement été arrêtée le 11 juin 2010.
93
. La Résolution de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, n°3314 (XXIX), du 14
décembre 1974 définit l’agression.
Est arrivé alors le projet du code de la Commission du Droit International des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité qui prévoyait, à son article 16, ce qui suit: Tout
individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur, prend une part active dans – ou
ordonne – la planification, la préparation, le déclenchement ou la conduite d’une agression
commise par un État, est responsable de crime d’agression.
Une définition normative. L’article 8 bis du Statut de la Cour prévoit ce qui suit :
1. Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la
préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de
contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par
sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des
Nations Unies.
2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par «acte d’agression» l’emploi par un État
de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies.
Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression au regard
de la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies :
a. L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou
l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle
attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre
État ;
b. Le bombardement par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou
l’utilisation d’une arme quelconque par un État contre le territoire d’un autre État ;
c. Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État ;
d. L’attaque par les forces armées d’un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes,
ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre État ;
e. L’emploi des forces armées d’un État qui se trouvent dans le territoire d’un autre État
avec l’agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l’accord
pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après
l’échéance de l’accord pertinent ;
f. Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un
autre État, serve à la commission par cet autre État d’un acte d’agression contre un
État tiers ;
g. L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou
mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de
forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui
apportent un concours substantiel à de tels actes.
Pour que la Cour Pénale Internationale puisse exercer sa compétence sur le crime
d’agression, il faut que :
- les deux tiers des États parties aient adopté une décision pour activer la compétence, à
tout moment à compter du 1er janvier 2017 ; et qu’au moins 30 États parties aient
ratifié ou accepté l’amendement.
Le crime d’agression relève non pas du comportement dans la guerre mais du droit
relatif au déclenchement d’une guerre. Il est donc important de déterminer l’acte d’agression
d’un Etat et le crime d’agression imputable à un individu.
Mais, il faut souligner qu’il y a indépendance des actes d’agression des crimes
d’agression. Sauf qu’il est important que le Crime d’agression suppose au préalable la
reconnaissance d’un acte d’agression, faite même à partir d’une décision prise par un organe
politique ou diplomatique. Il en est ainsi de l’Assemblée Générale, du Conseil de Sécurité,
voire même de la Cour Internationale de Justice.
Le constat d’un acte d’agression par un organe extérieur à la Cour est sans préjudice
des constatations que fait la Cour elle-même en vertu du présent Statut.
Devant la Cour Pénale Internationale, ce crime n’est donc pas imputable aux
hommes de rang. Cette limitation de l’imputation aux dirigeants avait déjà été soulignée
durant les procès consécutifs à la deuxième guerre mondiale (Aff. I.G Farben et Krupp).
En cas de crime d’agression, les articles 15 bis et 15 ter du statut de la prévoient les
conditions d’exercice de la compétence de la Cour Pénale à l’égard du crime d’agression.
94
. Il s’agit d’une insertion conformément à la résolution RC/Res.6 du 11 juin 2010.
Le même article 15 bis prévoit également que les États parties peuvent régulièrement
se soustraire à la compétence de la Cour en déposant une déclaration de non-acceptation de la
compétence auprès du Greffier de la Cour. Une telle déclaration pourra être faite à tout
moment (y compris avant l’entrée en vigueur de l’amendement) et sera révisée par l’État
partie dans un délai de trois ans.
Cet article prévoit explicitement que les États non parties ne seront pas soumis à la
compétence de la Cour vis-à-vis du crime d’agression lorsque celui-ci aura été commis par
des ressortissants ou sur le territoire d’un État non partie.
Comme tous les autres crimes déjà étudiés, celui d’agression est constitué de faits
matériels ainsi que de l’élément moral.
Les comportements visés par l’article 8 bis du Statut de la Cour Pénale Internationale
sont :
- L’invasion ou l’attaque du territoire d’un État par les forces armées d’un autre État, ou
toute occupation militaire ;
- Le bombardement, par les forces armées d’un État, du territoire d’un autre État, ou
l’emploi de toutes armes par un État contre le territoire d’un autre État ;
- Le blocus des ports ou des côtes d’un État par les forces armées d’un autre État ;
- L’attaque par les forces armées d’un État contre les forces armées terrestres, navales
ou aériennes, ou la marine et l’aviation civiles d’un autre État ;
95
. Il s’agit d’une autre insertion conformément à la résolution RC/Res.6 du 11 juin 2010.
- L’utilisation des forces armées d’un État qui sont stationnées sur le territoire d’un
autre État avec l’accord de l’État d’accueil ;
- Le fait pour un État d’admettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un
autre État, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d’agression contre un État
tiers ;
- L’envoi par un État ou au nom d’un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou
mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de
forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui
apportent un concours substantiel à de tels actes
Enfin, l’acte d’agression, par ses caractéristiques, sa gravité et son ampleur, doit
avoir constitué une violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
Il s’agit en effet d’un acte matériel et non formel. Il n’y a aucune condition de
déclaration de guerre. L’agent, autorité hiérarchique de décision, doit avoir posé l’acte dans le
cadre de la commission ou de la participation à l’agression
96
. Voir le rapport de la Cour Internationale de Justice de 2005, affaire opposant la RDC à l’Ouganda.
La mens rea du crime d’agression devant les TMI : Il faut une intention criminelle
(dolus generalis) Tribunal Militaire américain siégeant à Nuremberg97.
La question s’est posée pour savoir s’il fallait également une intention criminelle
spéciale (dolus specialis), et pour les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de
Tokyo, la réponse donnée était positive.
L’agent doit avoir agi avec connaissance que son comportement constituait un acte
d’agression. Ce qui veut insinuer que seul le dol général suffit à caractériser ce crime. Il n’est
pas requis que l’auteur d’un crime d’agression ait eu conscience de l’illégalité de l’acte
d’agression.
L’on admet pour cela qu’il n’est pas nécessaire de prouver que l’auteur avait évalué,
en droit, la question de savoir si le recours à la force armée était incompatible avec la Charte
des Nations Unies, ou le caractère « manifeste » de la violation de ladite Charte. Il convient et
il suffit de prouver qu’il avait connaissance des circonstances de fait qui avaient établi une
telle violation manifeste de la Charte des Nations Unies.
Il convient de présenter d’abord, en les examinant, les principes applicables dans le cadre des
crimes internationaux relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale, avant de traiter des
pénalités.
Les principes applicables en matière des crimes de la cour pénale internationale sont :
97
. Tribunal militaire de Nuremberg, Affaire IG Farben, Jugement du 29 juillet 1948, KRAUCH & Autres, § 1108.
- La compétence à vocation universelle de la Cour (article 4 du statut de la Cour) (la Cour, bien
que permanente, n’a de compétence que limitée sur les territoires des Etats parties, lesquels
peuvent-cas du crime d’agression- s’opposer à l’exercice de cette compétence par la Cour
Pénale Internationale. Quant aux Etats non parties, le statut leur reconnaît la possibilité
d’accepter la compétence de la Cour) ;
Il y a lieu de noter en ce qui concerne l’erreur (de fait ou de droit) qu’elle ne peut exonérer
de la responsabilité pénale ; sauf si elle fait disparaître l’élément psychologique du crime (article 32 du
statut de la Cour Pénale Internationale).
B. Les pénalités
En droit interne, le Code Pénal Militaire issu de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002
prévoit tantôt la peine de mort, tantôt la peine de servitude pénale à perpétuité ou à temps ne dépassant
pas vingt ans à l’endroit de celui qui aura commis le génocide ou les crimes contre l’humanité.
Mais, puisqu’il faut le souligner, ce texte ne prévoit pas de peine applicable à l’auteur du
Crime de Guerre.
Une certaine opinion affirme qu’il faille faire recours à l’article 162 du Code Pénal Militaire
qui prévoit ce qui suit : Les crimes contre l’humanité sont poursuivis et réprimés dans les mêmes
conditions que les crimes de guerre.
Cependant, la lecture minutieuse de cette disposition permet de relever en effet plutôt que le
législateur a renvoyé, pour la répression des crimes contre l’humanité, au régime répressif qu’il a
pensé à tord, avoir organisé pour les crimes de guerre. Nous estimons que la seule parade est de
prononcer l’une des peines prévues dans le statut de la Cour Pénale Internationale, en attendant
l’éventuelle réforme.
En droit de la Cour Pénale Internationale : face à l’auteur de l’un des quatre crimes étudiés,
l’article 77 prévoit l’emprisonnement à temps ne dépassant pas trente ans ou l’emprisonnent à
perpétuité. Il y a également possibilité de prononcer l’amende et la saisie des profits, avoirs et biens de
l’infraction.
L’article 43 du décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal souligne ce qui suit : « sont
qualifiés volontaires, l’homicide commis et les lésions causées avec le dessein d’attenter à la personne
d’un individu déterminé ou de celui qui sera trouvé ou rencontré quand même ce dessein serait
dépendant de quelque circonstance ou de quelque condition, et lors même que l’auteur se serait
trompé dans la personne de celui qui a été victime de l’attentat ».
Cette disposition organise la protection de la personne humaine contre toute atteinte à sa vie
et à son intégrité corporelle.
Il convient d’examiner les atteintes à la vie de l’être humain et celles à son corps.
Dans toute société, la loi doit assurer la primauté de la personne humaine, interdire toute
atteinte à la dignité de celle-ci et garantir le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.
Les atteintes volontaires au droit à la vie sont caractérisées par les infractions homicides.
L’homicide doit être entendu comme le fait de donner la mort à un être humain. Il peut être soit casuel
lorsqu’il est le résultat du hasard, dans quel cas il n’est jamais punissable ; soit involontaire quand il
est le résultat d’une négligence, d’une imprudence, d’une maladresse, ou d’une inattention sans que
l’agent ait eu l’intention d’attenter à la personne d’autrui ; soit enfin volontaire lorsqu’il est le résultat
de la volonté de l’auteur (art. 43 du code pénal ordinaire).
L’homicide volontaire peut être commis par l’agent soit sur sa personne, soit sur celle
d’autrui.
98
. En ce qui concerne particulièrement les atteintes à l’intégrité corporelle, nous analyserons le cas spécifique de mutilation
volontaire des hommes en uniformes de l’article 55 de la loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal Militaire.
En effet, le droit pénal moderne n’est plus irrationnel comme l’ancien. S’il ne sait pas
sanctionner un être humain ayant agi sans discernement, à plus forte raison celui qui n’a pas la
vie.
Le suicide est donc non punissable dans notre droit, aussi bien à l’endroit de l’auteur, qu’à
l’égard du coauteur ou complice. Etant donné cette impunité, sa tentative échappe aussi à la
répression. Il en est de même de la complicité qui est une criminalité d’emprunt.
. Le fait est qu’en 1984 paressait en France un ouvrage : Suicide mode d’emploi, écrit par Claude Guillon et Yves
99
Le Bonniec. Cet ouvrage comportait des recettes pour ne pas rater son suicide. Il est arrivé qu’une femme qui
s’était résolue de se suicider, contacte l’un des auteurs pour lui faire part du fait qu’elle avait tenté à trois reprises
de se suicider, mais en vain. Après des plus amples explications, elle avait fini par atteindre son objectif en se
suicidant. Suite à cette affaire, le législateur français a dû incriminer la provocation au suicide en 1987, à l’article
223-13 du Code pénal français, en ces termes : Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans
d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide.
Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende lorsque la victime de l’infraction définie à
l’alinéa précédent est un mineur de quinze ans. Quant au comportement de l’auteur du livre, c’est l’article 223-14 du Code
pénal français qui l’incrimine comme suit : la propagande ou la publicité au suicide, quel qu'en soit le mode, en faveur de
produits, d'objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort est punie de trois ans d'emprisonnement et
de 45000 euros d'amende.
100
. Article 158 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant
101
. En droit français, le législateur a incriminé l’incitation au suicide sans pour autant viser uniquement les mineurs de dix-
huit ans. Et c’est en particulier sur le fondement de cette incrimination (générale) qu’y ont été condamnés les auteurs et les
éditeurs d'ouvrages préconisant des méthodes de suicide. Comme ce fut le cas dans l’affaire de l'ouvrage " Suicide, mode
d'emploi ", devant le TGI de Paris qui s’est prononcé le 11 avril 1995 (Voir JCP. éd. G.1996, II, 22729 note Lucas-Gallais ;
Cass.crim.13 novembre 2001, Dr Pén 2002, n°13, obs. Véron).
A. Composantes de l’infraction
L'âge de la victime constitue une condition sine qua non. De sorte que s'il n'est pas établi,
l'infraction ne pourra aucunement exister.
C'est ainsi que l'incitation au suicide faite sur une personne âgée d'au moins 18 ans ne pourra
pas consommer cette infraction, même si l'incité s'est effectivement donné la mort.
Tout au moins, l'on pourra envisager l'hypothèse de la non assistance à personne en danger,
encore que toutes les conditions que nous examinerons plus tard devront, dans ce cas être remplies.
2. La nature de l'incrimination.
Il s'agit ici d'une infraction formelle. À cet effet, peu importe la survenance de l'acte suicide.
C'est-à-dire que le fait pour la victime de se suicider effectivement ou de tenter de poser l'acte incité,
n'a aucune incidence sur l'existence de l'infraction. En effet, l'infraction se cristallise au seul moment
de l'incitation faite par l'auteur sur sa victime. C'est ainsi que le fait pour l'incitateur de revenir sur ses
propos en décourageant l'enfant qu'il avait pourtant encouragé au suicide précédemment, n'enlève en
rien le caractère délictueux de son comportement.
L'acte matériel constitutif de l'incitation de l'enfant au suicide peut se caractériser par des
pressions psychologiques, injonctions, encouragements et conseils ou autres formes de contraintes.
L'agent peut soit pousser la victime ou l'encourager à passer à l'acte soit tout simplement lui fournir les
moyens afin d'accomplir son geste. C'est ainsi que sera constitutif d'une incitation au suicide prévue
par la loi sur la protection de l'enfant, la remise d'une arme à une personne âgée de moins de 18 ans
tenant elle-même des propos ou ayant exprimé ses propres intentions suicidaires. Il convient et il suffit
tout simplement que l'acte d'incitation soit susceptible de conduire le mineur victime au suicide.
L'agent doit avoir agit directement sur la victime. Ainsi, l'acte matériel de l'infraction de
l'article 158 de la loi de 2009 ne sera établit si à la suite des pressions psychologiques ou toutes autres
contraintes au suicide faites sur sa mère, l'enfant arrive à se suicider.
B. Régime répressif
Enfin, l'auteur de cette infraction à l'état simple est passible de la peine de privation de
liberté de un à cinq ans et d'une amende de quatre cents mille à un million de francs congolais. La
peine de privation de liberté peut s'aggraver lorsque l'incitation ainsi incriminée aboutit à la réalisation
effective du suicide par le mineur victime. Et dans ce cas, la peine sera portée à un emprisonnement à
perpétuité. Par ailleurs, il est prévu une peine complémentaire applicable à l'auteur de l'infraction,
lorsqu'il est une personne exerçant l'autorité parentale sur l'enfant victime. Sans être tenu, le juge a
dans ce cas, la possibilité de prononcer la déchéance de cette autorité.
Il existe plusieurs types d’atteintes volontaires à la vie, réalisées par autrui. Il va falloir les
traiter comme suit :
- Sous-paragraphe premier : Le meurtre et l’assassinat ; et
- Sous-paragraphe deuxième : L’empoisonnement et ses variantes.
A. LE MEURTRE
L’article 1er de l’ordonnance-loi n°68-193 du 3 mai 1968 qui a remplacé les anciens articles
44 et 45 du code pénal, définit le meurtre simple comme « l’homicide commis avec l’intention de
donner la mort ». Le meurtre simple ne peut donc se consommer que si l’agent a posé
intentionnellement un acte matériel capable de donner la mort à autrui. Il importe donc d’examiner la
condition d’existence de l’infraction ainsi que les faits matériels et l’élément moral.
Étymologiquement l’homicide est le fait de donner la mort à une personne humaine. C’est ce
qui résulte également des termes de l’article 43 du code pénal ordinaire selon lesquels l’homicide
consiste dans une atteinte dirigée contre la personne d’un individu.
Le meurtre ne peut donc exister que lorsque la victime est une personne humaine, née et
vivante. C’est ainsi qu’il ne peut pas y avoir meurtre si l’on parvient à établir que la victime du coup
de feu tiré par l’agent était déjà morte avant l’acte.
Il ne doit pas s’agir d’un animal ; au quel cas on parlerait, éventuellement, de la cruauté
envers les animaux. Si la victime n’est pas encore née, et que l’agent agissait en connaissance de
cause, en visant l’expulsion prématurée du produit de la conception avec destruction, il ne pourra
s’agir que d’un avortement.
Il faut également que la victime soit vivante au moment de l’action puisque, par définition,
l'acte doit être de nature à lui donner la mort ou du moins être susceptible de l'engendrer. C'est dire que
l'acte homicide commis par l’agent doit être causal de la mort de la victime.
Cette dernière ne doit avoir perdu la vie qu’à la suite de l’acte de l’agent. Si la solution peut
paraître logique, il faut néanmoins relever la possibilité pour le juge de retenir l’infraction impossible.
On ne commet pas un meurtre sur un cadavre. Puisqu’il est impossible pour l’agent d’obtenir
le résultat visé par l’acte homicide : la mort de la victime. Étant donné que l’objet de l’infraction fera
défaut, il y aura dans ce cas une impossibilité quant à l’objet.
La personne qui se rend coupable d'un acte homicide sur une personne qu'elle croît encore en
vie, en exerçant sur celle-ci des violences dans l'intention de lui donner la mort réalise une infraction
impossible pouvant caractériser un homicide volontaire, le décès de la victime, antérieur auxdites
violences, empêche simplement que le résultat visé ne soit atteint alors que l’agent aura réalisé tout
son forfait tous. Dans ce cas, on punira l’auteur d’un tel acte de meurtre impossible, réalisé sur un
cadavre.
Lorsqu’il est établi que l’agent savait que la victime de son acte de violence n’était plus
vivante mais qu’il a néanmoins choisi de la blesser, il pourra s’agir dans ce cas de la mutilation de
cadavre.
À partir du moment où la victime est une personne physique née, humaine et vivante le
meurtre existe, peu importe son sexe, sa nationalité, son âge, sa santé ou toute autre circonstance.
Il peut s’agir d’une vieille personne, d’un étranger102, d’un enfant ou même d’un malade sur
le point de mourir. Peu importe également la durée de la vie. Celui qui supprime ou abrège une vie
humaine même d’un instant tomberait certainement sous le coup de l'alinéa 1 de l'article 44/45 du code
pénal.
Peu importe le lien de parenté qui unit l’auteur du meurtre à sa victime. Ainsi, une fille-mère
qui tue son enfant nouveau-né ne pourra pas invoquer le lien de parenté pour échapper à sa
répression103. Enfin, il importe peu que la victime soit connue ou non, déterminée ou non, identifiée ou
non, ou encore que son corps ne soit pas retrouvé. Il suffit que la victime soit identifiable104.
2. Élément matériel
De l’acte positif. Le meurtre est une infraction de commission et non d’omission. De ce fait,
l’acte ayant entraîné la mort ou destiné à la provoquer doit être un acte positif car on estime que le
meurtre ne peut se consommer, par abstention, omission ou inaction.
102
. L’article 32 de la constitution prévoit que « tout étranger, qui se trouve légalement sur le territoire national jouit de la
protection accordée aux personnes et à leurs biens dans les conditions déterminées par les traités et les lois. Il est tenu de se
conformer aux lois et règlements de la République ».
103
. Lubumbashi 17 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 142.
104
. Conseil de guerre général, 1er septembre 1975, réquisitoire Ministère public, p. 74.
Ainsi n’est pas meurtrier, celui qui s’abstient de porter secours à une personne en danger de
mort. En cas de l'imminence du danger, l’agent ne peut être poursuivi que sur base de l’incrimination
de la non-assistance à personne en danger prévue et sanctionnée par l’article 66 ter du code pénal, tel
que modifié par l’ordonnance-loi n°78-015 du 4 juillet 1978.
Il doit s’agir en effet d’un acte tel qu’un coup porté avec la main ou les pieds, une arme ou
tout autre instrument. C’est ainsi que sera reconnu coupable du meurtre celui qui étrangle la victime de
ses mains105. Il en est de même de celui qui tue à l’aide d’une flèche106 d’un morceau de bois107 ou d’un
coup de couteau.
105
. Conclusion du Ministère public, p.72 et suivants, Conseil de guerre général, 1 er septembre 1975.
106
. Trib. 1ère Inst. de Kis., 23 juillet 1972 in R.J.Z. 1973, p.194 ; Kin. 18 janvier 1968, R.J.C. 1968, p.259.
107
. Cour d’appel de Kis., 28 mars 1974, in R.J.Z. 1977, p.73 ; Kin. 18 janvier 1963, R.J.C. 1963, p.259.
108
. Poitiers, 20 novembre 1901, S.1902, 2, 305 note Hémard ; D. 1902, 2, 81 note Le Poittevin. A.Gide, La séquestrée de
Poitiers, Gallimard 1930. En résumé : il s’agit de la chronique de l'histoire de Mélanie Bastian, qui a vécu recluse dans une
chambre pendant vingt-quatre ans dans un grabat au milieu d'excréments et de débris de nourriture, d'abord semble-t-il de sa
propre volonté, puis séquestrée par sa mère, qui l'obligeait à vivre nue parmi les immondices dans une chambre jamais
nettoyée, dont les fenêtres étaient condamnées. Elle fut libérée par la police suite à la dénonciation au procureur général d'un
militaire qui fréquentait la bonne de la famille, le commissaire de police découvrant la fille de la maison entièrement nue, la
tête cachée sous une couverture, ne pesant plus que 25 kg. Cette chronique est directement inspirée par un fait divers
authentique. Gide a simplement modifié les noms des protagonistes de ce drame domestique, révélé lors d'une perquisition le
23 mai 1901 chez Louise Monnier, (au n° 21, rue de la Visitation à Poitiers. L'affaire devint nationale lorsque le procès mit en
lumière la réclusion de Blanche Monnier (née en 1849) par sa mère depuis un quart de siècle dans une chambre au deuxième
étage sans air et sans lumière et dont les persiennes étaient cadenassées, à la suite semble-t-il de l'amour contrarié entre
Blanche et Maître Gilles Lomet. Ce dernier était protestant, fils d'un avocat républicain ; or la famille Monnier était royaliste
et nourrissait une haine viscérale envers les Républicains (le père de Blanche, Charles-Émile Monnier, avait perdu son poste
de doyen de la faculté des lettres de Poitiers et son frère Marcel Monnier, sous-préfet à PUGET THENIERS au temps de
l'ORDRE MORAL fut révoqué au moment de la crise du 16 mai 1877). (lire avec intérêt Jean-Marie Augustin, L'histoire
véridique de la séquestrée de Poitiers, Fayard, 2001, 334 p.). Le père de Blanche étant mort en 1882, sa mère décédée en
prison peu de jours après son arrestation, le premier procès se solda par le jugement du 11 octobre 1901 du tribunal
correctionnel de Poitiers qui condamnait son frère Marcel à quinze mois de prison pour complicité d'actes de violence. Ce
premier procès révéla que Marcel avait voulu faire placer Blanche dans une maison de santé mais sa mère refusa, comme il
était habituel pour une famille de la petite bourgeoisie de cacher une affaire honteuse. L'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du
20 novembre 1901 aboutit à l'acquittement de Marcel. Ce second procès relatif à la commission par omission mit en évidence
que Blanche souffrait de troubles mentaux (anorexie hystérique, coprophilie, exhibitionnisme, ses crises nerveuses
s'aggravant après le décès du père puis celui en 1896 de la veuve Fazy, la seule bonne qui parvenait à se faire écouter de
Blanche), considéra que la mère gardait l'autorité sur sa fille malgré la pension qu'elle versait à Marcel pour veiller sur sa
sœur. Enfin les juges considérèrent que la responsabilité directe du frère pour violences et voies de fait par omission ne
pouvait pas être établie car ce délit exigeait un comportement actif (acte de violence), l'omission (défaut de soins, défaut de
surveillance, etc.) ne pouvant être assimilé à une violence active qui devait toujours être un fait de commission. Le tribunal
blâma cependant le comportement de Marcel à l'égard de sa sœur. Mais, à l'issue de ce procès, Marcel vendit tous les biens de
la succession de sa mère (à l'exception de la maison 21, rue de la Visitation) et se retira à CIBOURE dans les Pyrénées-
Atlantiques, conservant une maison de campagne à MIGNE où il décéda en juin 1913. Blanche fut soignée à l'Hôtel-Dieu
puis placée à l'hôpital psychiatrique de Blois où elle mourut en 1913, sans jamais avoir recouvert la raison.
Jusqu’aujourd’hui, la maison de « la séquestrée » existe toujours mais a profondément changé depuis l'époque des faits, seule
la fenêtre de la chambre du deuxième étage subsiste.
Les moyens utilisés par l’agent importent peu. Il peut s'agir de l'utilisation d'objet, d'une
arme à feu, d'une arme blanche, ou de violences à main nue.
L’existence du lien de causalité. Au demeurant, il doit exister un lien de cause à effet entre
l'acte de l’agent et le décès de la victime. L’organe d’accusation est tenu de prouver ce lien, au besoin,
un rapport d'expertise médico-légal établira cette causalité. De sorte que, menacer une personne avec
une arme ne peut, en principe, constituer un meurtre si la personne décède des suites de l'émotion ou
du malaise causé par la menace.
Par ailleurs, si l'acte positif de violence est commis par plusieurs personnes, elles seront
toutes poursuivies lorsqu'il est impossible de déterminer la personne qui a porté le coup mortel ou le
coup fatal ; c'est la théorie française de la complicité corespective111. Dans l'hypothèse cependant où
l'auteur de ce coup pourrait être sûrement identifié, lui seul serait poursuivi pour meurtre et les autres
pour coups et blessures volontaires par exemple. Ledit acte pourra être unique mais aussi consister en
plusieurs actes successifs.
L’acte positif de l’agent peut aussi bien être unique que consister en plusieurs actes
successifs.
3. Élément psychologique
L’élément moral résulte du texte incriminateur lui-même qui précise que l’homicide
volontaire est celui qui est commis avec le dessein d’attenter à la personne d’un individu (art. 43 du
code pénal ordinaire).
109
. Conseil de guerre de région siégeant à Mbandaka en date du 13 octobre 1972, R.M.¨P. 24 avril 1972, P.U.B.
110
. Cass.crim.13 mai 1969, Bull.crim.n°139 ; 9 juin 1977, RSC.1978, 97, obs. Levasseur
111
. Cass. crim.5 octobre 1972, Rev.sc.crim.1973, 880, obs. Larguier.
Ainsi pour que le meurtre soit intellectuellement établi, l’auteur doit avoir eu l’intention de
tuer c’est-à-dire l’intention de donner la mort.
L'élément psychologique réside ici dans l’intention de tuer : l’animus necandi. Si cette
volonté particulière n'existe pas, les juges pourront selon les circonstances retenir soit la qualification
d'homicide involontaire soit celle de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans
intention de la donner.
C'est au ministère public qu'il appartient de rapporter la preuve de cette intention. Mais
comment établir une telle volonté, si ce n'est par le truchement des présomptions de faits. L’intention
homicide peut résulter :
- soit de l’arme employée, lorsque celle-ci a une puissance mortelle en elle-même telle
qu’une arme à feu, comme un revolver, fusil mauser ou encore une flèche, un gros
morceau de bois, un couteau pointu, solide à double tranchant112, une machette ;
- soit de l’endroit où le coup a été porté lorsque celui-ci est une partie vitale113 par
exemple l’abdomen, la tête, la poitrine, le poumon, le cœur114 ;
- soit du degré de la violence115 (par exemple le nombre important de coups donnés ou
leur violence) ou de sa gravité ;
- soit enfin de l’état physique de la victime (état de santé ou jeune âge).
Cet élément intellectuel, c’est-à-dire l’intention de donner la mort, est retenu peu importent
le mobile, l’erreur sur la personne, le consentement de la victime, et deux causes de justification.
1° Le mobile
Le mobile qui a déterminé l’acte du meurtre est en principe indifférent, quand bien même il
serait louable et charitable. C’est ainsi que sera poursuivi pour meurtre, celui qui tue par pitié pour
mettre fin à une agonie accompagnée d’intolérables souffrances, fût-ce à la demande de la victime
elle-même et même si la mort est prévisible, prochaine et certaine. Il en est de même de celui qui tue
dans le prétendu intérêt de la famille pour la soustraire au déshonneur. Ainsi ont été condamnées une
fille-mère et sa grand-mère pour avoir laissé dépérir une fille naturelle de trois mois, en l’étouffant et
jetant à l’eau.
En l’espèce une fille-mère, sous la pression de sa grand-mère, avait tué l’enfant qu’elle
venait de mettre au monde au motif que cet enfant était mal accueilli puisqu’il était un enfant naturel.
La grand-mère qui avait été condamnée en qualité de coauteur se donna d’ailleurs la mort à la prison
où elle était détenue. Avait-elle peur d’un long emprisonnement, ou honte de cet acte macabre et
sinistre dont elle s’était rendue coupable ?
112
. Kis. 19 février 1970, R.J.C. 1970, p. 282.
113
. Kin. 1 février 1968, R.J.C. 1969, p. 33. Cass. crim.8 janvier 1991, D.1991, 115, note Crozier-Nérac
114
. Kis. 19 février 1970, R.J.C. 1970, p. 159 ; Kin. 1 février 1968, R.J.C. 1969, p. 33 ; Elis. 2 janvier 1916, Jur. Col. 1926, p.
306.
115
. Kis. 28 mars 1974, R.J.Z. 1977, p. 72 ; Cass. crim. 6 janvier 1993, D.P.1993, n°103, obs. Véron
et
- l’euthanasie passive qui consiste au contraire en une abstention ou un abandon des
soins.
Les deux formes d'euthanasie peuvent être sanctionnées, la première au titre d'assassinat,
d'empoisonnement, ou d’administration des substances nuisibles. La seconde peut quant à elle être
poursuivie au titre d’abstention d’assistance à personne en péril116.
La passion ou la jalousie ne supprime pas non plus l’intention homicide. Le crime dit
passionnel tombe ainsi sous le coup de la loi pénale, car il n’est ni excusé ni justifié. La vengeance ou
l’animosité ne peut non plus exonérer l’agent de sa responsabilité. Il en est ainsi de celui qui tue par
animosité une personne qu’il accuse d’avoir, par des sortilèges, causé la mort de ses deux fils. La
colère demeure également inopérante.
La provocation même grave demeure inopérante. Le meurtre est retenu contre celui dont
l’acte homicide a répondu à une provocation de la victime.
2° Erreur
L’erreur est inopérante lorsque l’intention de tuer est établie (art. 43 du Code pénal). C’est
ainsi qu’il y a meurtre peu importe que l’intention de l’agent vise ou non une personne déterminée ou
que l’agent ait commis une erreur sur l’identité de la victime (il a tué Abomi croyant qu’il était Babeti)
ou que par maladresse, il ait atteint une personne autre que celle qu’il visait (cas d’aberratio ictus).
En cette matière d’erreur, des distinctions importantes méritent d’être faites entre l’erreur de
droit, l’erreur de fait et l’erreur sur la personne.
- L’erreur de fait peut en revanche avoir une influence sur l'appréciation de la culpabilité
de l'auteur de l'acte homicide. Cette erreur peut entraîner un changement de qualification
si la personne n'a pas eu l'intention de tuer. Il en va ainsi de celui qui vise et tire sur une
personne avec une arme qu'il croit vide, ou encore de l'accident durant une partie de
chasse. L'acte sera alors disqualifié en homicide involontaire.
- L’erreur sur la personne enfin, a donné lieu à une controverse non moins importante.
L'hypothèse est double, soit le meurtrier se trompe sur l'identité de la victime (error
personae)117, soit sa maladresse physique ou la déviation du coup lui fait tuer une autre
personne que celle qui était visée (aberratio ictus), nécessitant ainsi l’application de
l’article 43 du code pénal.
116
. Sur l'ensemble de la question, V° N. Aumonier, B. Beignier et Ph. Letellier, " L'euthanasie ", Que sais-je ? 5° éd. 2010,
n°3595, spéc. P 89 et suivantes ; J. Pousson-Petit, " Propos paradoxaux sur l'euthanasie à partir de textes récents ", Dr.
Fam.2001, chron.3.Depuis la loi du 22 avril 2005, est justifiée l'euthanasie passive réalisée par un médecin. Sur les apports du
texte, V° F. Alt-Maes, « La loi sur la fin de vie devant le droit pénal », JCP.G.2006, I, 119, V° aussi A. Portalis, "Crimes et
délits – Notre droit pénal permet plus qu'il n'interdit en matière d'euthanasie", Dr. pén.2011, études 7.
117
. L’shi 3 avril 1969 R.J.C. 1969, p. 278.
Le premier cas ne fait guère difficulté dans la mesure où l'identité de la victime n'est pas une
condition de la répression (article 43 du code pénal).
Pour le second en revanche, à une certaine époque, la doctrine a connu des controverses
importantes dans les différentes spéculations118 et il avait été proposé de retenir par exemple
une tentative de meurtre ou d'assassinat à l'égard de la personne visée et un homicide
involontaire à l'égard de la victime effective. Mais, on a considéré que « l'accusé déclaré
coupable d'avoir tiré un coup de fusil avec intention de tuer, est passible des peines du
meurtre, bien que la personne atteinte par le coup ne soit pas celle que cet accusé avait
l'intention de tuer» 119.
Force est de reconnaître que cette analyse prétorienne est conforme au principe légaliste. En
effet, tous les éléments constitutifs du crime sont réunis, seule l'identité de la victime fait
difficulté. Or, il suffit que l'acte homicide soit réalisé à l'encontre d'une personne humaine.
Raisonner différemment consisterait à distinguer là où le texte est général.
Dans une autre affaire, dite du colis piégé n’ayant pas explosé entre les mains de son
destinataire, il a été retenu ce qui suit : il n'importe à cet égard que les victimes de
l'acte commis dans une intention homicide aient été autres que celle visée dans
l'intention de son auteur120.
3° Le consentement de la victime
Tout comme le mobile, le consentement de la victime ne peut non plus justifier le meurtre.
C’est que, la compassion pas plus que le consentement de la victime ne sont de nature à modifier la
qualification de meurtre. Ainsi sera poursuivi un médecin qui, à la demande du malade, lui injecte une
solution plus dosée de morphine pour hâter sa mort et le délivrer de douleurs atroces. Et même si la
mort de la victime était certaine.
Alors même que l'infraction est consommée, l'existence d'un fait justificatif peut neutraliser
son élément légal en lui autant son caractère infractionnel, empêchant de ce fait toute qualification. Si,
sur un tel fondement, la responsabilité ne peut être écartée, la sanction pénale interviendra. La question
de la justification se pose dans deux hypothèses : le commandement de l'autorité légitime et la légitime
défense.
118
. Emile Garçon, op.cit., p. 676, n°66 et suivants
119
. Cass.crim.31 janvier 1835, S.1835, 1, 564.
120
. Cass. crim., 4 février 1978, Bull. crim., n°5 ; RSC.1978, 859, obs. Levasseur.
121
. Cass.crim.13 octobre 2004, Bull. crim.n°243 ; Dr. pén. 2005, n°2, obs. Véron : il s’agissait de l'affaire des paillottes. Dans
cette affaire, le commandement de l’autorité légitime avait été évoqué sans être retenue par la chambre criminelle. En effet,
cet arrêt du 13 octobre 2004 précise que si le préfet était bien une autorité légitime, un colonel de gendarmerie ne pouvait se
méprendre sur le caractère manifestement illégal de l'ordre donné.
B. L’ASSASSINAT
L’assassinat est défini par le législateur congolais au deuxième alinéa de l’article 44/45 du
décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal123 comme le meurtre commis avec préméditation.
Il résulte de l’analyse de cette disposition que l’assassinat comprend d’une part toutes les
composantes du meurtre simple et, d’autre part, la préméditation. Il n’y a que cette circonstance
particulière (préméditation) qui distingue le meurtre simple de l’assassinat.
1° La préméditation
La préméditation est plus que l’élément moral du meurtre. C’est, selon Likulia, le dessein
formé avant l’action, de façon réfléchie, délibérée et de sang-froid, c’est-à-dire avec calme, d’attenter
à la personne humaine.
La préméditation suppose une méditation préalable. L’agent doit avoir médité avant le
passage à l’acte infractionnel. Elle est entendue comme le dessein formé avant l'action de commettre
une infraction déterminée. Elle suppose une méditation préalable. Elle exprime par elle-même qu'un
dessein a été formé avant l'action en sorte que les juges n'ont pu se méprendre sur sa signification124.
La préméditation suppose donc : la résolution de donner la mort, une certaine durée dans le
temps et la réflexion. Ces trois composantes de la préméditation sont cumulatives. En effet,
l’aggravation ne résulte pas du seul fait qu'un intervalle de temps plus ou moins long s'est écoulé entre
la résolution et l'exécution.
122
. Reims, 9 novembre 1978, D.1979, 73, note Pradel. Cette discussion se retrouve avec l'utilisation de pièges à feu. Il n'est
que de citer l'affaire Legras pour s'en convaincre. Ayant été cambriolé plusieurs fois en quelques mois, le propriétaire d'une
résidence secondaire avait installé un transistor piégé dans un placard. Il avait aussi placé des panneaux prévenant du danger
et avertit la gendarmerie. Plus d'un an après, deux cambrioleurs pénétraient dans sa villa et l'un d'eux décédait des suites de
l'explosion du transistor piégé. Legras invoqua alors la légitime défense de ses biens. Il a été renvoyé devant la cour d'assises
qui l'a d'ailleurs acquitté de l’homicide volontaire et seul l’homicide involontaire avait été retenu. Mais, il y a lieu de
souligner que la qualification d'homicide involontaire est incompatible avec celle de légitime défense. C’est ce que soutient
désormais la chambre criminelle de la Cassation française dans sa décision du 16 février 1967, JCP.1967, II, 15034 note
Combaldieu ; Rev.sc.crim.1967, obs. Legal.
123
. Voir l’article 1er de l’ordonnance-loi n°68-193 du 03 mai 1968
124
. Cass.crim.31 mars 1999, D.2000, somm.26, obs. Mayaud.
Il faut encore qu’au-delà de la résolution de donner la mort, l'agent ait réfléchi froidement,
qu'il ait cessé d'être sous l'empire d'une passion dominatrice, qu'il n'ait pas cédé à l'entraînement de la
colère et à une impulsion désordonnée125.
Peu importe qu’elle soit arrêtée par l’agent ou subordonnée à un événement futur ou
incertain. Et le fait qu’elle soit conditionnelle ne lui enlève pas son caractère d’assassinat. Ainsi
prémédite son crime, l’individu, qui, se proposant de commettre un vol dans une maison habitée,
prévoit le cas où il serait surpris et prépare l’arme dont il doit se servir, le cas échéant, pour tuer la
personne qui le surprendrait. Il a été jugé que le fait que le prévenu n’aurait pas réalisé son dessein si
la victime avait accepté ses ultimes propositions de partager équitablement l’avoir social n’enlève pas
à l’assassinat ses éléments constitutifs et ne le transforme pas en meurtre simple.
Car, on estime que tout en étant conditionnelle la résolution est néanmoins le résultat d’une
volonté non subite et momentanée mais antérieure et mûrement réfléchie par conséquent constitutive
de l’assassinat.
- Une certaine durée du temps plus ou moins longue, en tout cas variable dans chaque cas,
entre la conception de l’infraction et son accomplissement. Alors que pour le meurtre simple, la
volonté de tuer peut surgir tout à coup, l’assassinat exige au contraire un certain laps de temps. Celui-
ci peut être d’ailleurs bref. Il a été jugé que la préméditation est établie par une série d’actes préparés
au moins vingt-quatre heures à l’avance, à savoir le fait d’avoir attiré la victime sur les lieux du
crime, porteur d’un revolver chargé, mais d’avoir reculé d’agir à ce moment pour divers motifs.
- La réflexion. Le laps de temps que nous venons de voir doit être consacré à la réflexion,
c’est-à-dire à une longue méditation. Celle-ci, qui doit précéder l’acte, doit être mûrie. La
jurisprudence estime qu’elle est suffisamment réalisée à charge d’un prévenu, ayant conçu sa
résolution criminelle trente-cinq jours avant le passage à l’acte.
2° Le guet-apens
Contrairement à certains codes étrangers notre code pénal ne prévoit pas expressément cette
autre caractéristique de l’assassinat. La jurisprudence constante et la doctrine congolaise considèrent
de ce fait que le guet-apens suppose la préméditation et donc qu’il constitue l’un des actes extérieurs
qui puisse révéler la préméditation. Considérant cet autre élément comme l’un des actes extérieurs de
la préméditation, elle est assimilée à la préméditation. Mais, ceci suppose que cette caractéristique doit
toujours être accompagnée de la préméditation avec sa résolution de donner la mort, une durée dans le
temps, et la réflexion plus ou mois longue pour qu’il soit retenu comme un élément de l’assassinat.
Quant à nous, nous pensons qu’il est tout à fait possible qu’un meurtre se réalise avec guet-
apens sans pour autant que l’agent n’aie prémédité son action. Et dans un tel cas, quelle devra être la
qualification à retenir ?
125
. V° Cass.crim.30 janvier 1975, Bull.crim.n°35.
A l’état actuel du droit congolais, ce meurtre commis avec simplement guet-apens (sans
préméditation) ne pourra nullement constituer l’assassinat.
Il serait souhaitable que le législateur congolais le prévoie effectivement 126 afin d’éviter tout
amalgame. Puisqu’en effet, s’il est vrai que dans la plupart des cas, le guet-apens est accompagné de la
préméditation ; il ne semble pas justifié de croire qu'il en serait toujours ainsi, sans pour autant
envisager des cas exceptionnels où il peut en être autrement.
La préméditation exige une réflexion froidement mûrie, alors que le guet-apens n'exclut pas
forcément l'exécution d’une infraction sous l'empire d'une impulsion simplement passionnée. Dans le
cas où le législateur l’intégrerait dans le code pénal, avec une telle précision dans la loi, le meurtre
commis avec guet-apens simplement (sans préméditation) pourra être régulièrement qualifié
d’assassinat.
C. LES PENALITES
Il ressort de la nature de la préméditation que lorsqu'elle est constatée pour l'auteur principal,
ce dernier fût-il inconnu, elle sert à qualifier l’infraction en l’aggravant128. Elle est « une circonstance
aggravante morale et personnelle », de sorte qu'en cas de pluralité d'accusés, la préméditation doit
faire l'objet de question distincte pour chacun d'eux129. Il faut donc bien distinguer la situation du
complice de celle du coauteur. C’est que cette circonstance aggravante, parce que faisant partie des
circonstances aggravantes morales, est personnelle à chacune des personnes mises en cause.
Dans le monde, trois conceptions caractérisent les législations : d’abord, certains codes n’y
attachent aucune importance particulière ; l’empoisonnement y est considéré comme un meurtre
ordinaire, aggravée généralement par la préméditation mais dont la structure juridique ne présente
aucune spécialité. Ensuite, d’autres législations, plus nombreuses, font de l’empoisonnement un
meurtre aggravé par le moyen spécial employé par l’agent. Dans ce cas, la substance mortifère
constitue donc une circonstance aggravante de l’infraction d’empoisonnement à l’état simple.
126
. En ces termes : Le meurtre commis avec préméditation et ou guet-apens est qualifié d’assassinat.
127
. Cass.crim.25 octobre 1962, D.1963, 221, note BOUZAT. Il en est ainsi de l’affaire Lacour où l'impunité était due à
l’absence d’infraction principale
128
. Cass.crim.12 mai 1970, D.1970, 515 rapport CHAPAR
129
. Cass.crim.30 octobre 1996, Bull. crim., n°384 ; 14 avril 1999, D.1999, somm.323, obs. Jean PRADEL
A cet effet, soit que le poison est nommément cité au nombre de circonstances aggravantes,
soit qu’il revient sous le couvert d’une formule générale, par exemple : l’emploi d’un procédé
particulièrement lâche ou un acte de traîtrise130. Enfin, il existe des législations qui retiennent
l’empoisonnement comme une infraction (formelle ou matérielle) à part entière.
C’est en réalité son caractère caché qui rend l’empoisonnement dangereux. Ce que l’on a
constaté dans plusieurs affaires131.
En droit congolais, l’article 49 du décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal prévoit ce
qui suit : « l’empoisonnement est le meurtre commis par le moyen de substances qui peuvent donner la
mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou
administrées ». Il s’agit donc de l’homicide par poison.
Compte tenu de la sévérité de la peine, le droit congolais exige que le poison produise son
effet, pour encourir la peine, c’est-à-dire la mort de la victime ; contrairement au droit français où
l'empoisonnement constitue une infraction formelle.
Il résulte de ce qui précède que l’empoisonnement suppose : des conditions préalables et des
éléments constitutifs qu'il convient d'étudier.
1. Conditions préalables
Le caractère mortifère des substances employées. Pour que l’infraction soit retenue, les
substances employées ou administrées à autrui doivent être mortelles ou susceptibles de la provoquer
plus ou moins promptement.
130
. André VITU, Traité de droit criminel, droit pénal spécial, Cujas, Paris, 1982, p.1389.
131
. Des affaires célèbres d'empoisonnement ont traversé les siècles, comme la vogue des empoisonneurs à Rome et « l'Affaire
des Poisons " sous le règne de Louis XIV, pour ne citer que les plus connues (V° Jean-Marie CARBASSE, op.cit,.n°83 et
174. Avec l'édit de 1682 faisant suite à l'Affaire des Poisons, le crime d'empoisonnement se distingue de la sorcellerie. Jean
Pradel et Michel DANTI-JUAN, Droit pénal spécial, n°27 citent des affaires des XIXième et XXième siècles).
132
. Extrait cité par Emile GARCON, op.cit., p. 712, n°2
Le législateur n’a pas défini ni donné la liste de ces substances. Il semble qu’il faudra
recourir à l’expert pour les déterminer133. Mais, il est claire que le terme « substance » utilisé par le
législateur est très général, plus que celui de poison. Cependant, il est constamment admis en effet par
la doctrine et la jurisprudence que ce sont les effets mortifères qui sont pris en considération. Aussi,
sont visés non seulement les poisons et les produits toxiques, qui par qualité donnent la mort, mais
également, les produits qui deviennent mortels lorsqu'ils sont administrés en quantité suffisante.
En tout cas, il doit s’agir du poison. Généralement, on considère comme tels : les substances
toxiques ou vénéneuses, des bacilles ou des virus. Il s’agit donc de toute substance capable de détruire
ou d’altérer les fonctions vitales. De ce fait, il peut s'agir de matière, de gaz, de liquide, de substance
végétale, animale, minérale mais aussi de microbes ou de virus mortels.
D’ailleurs, des substances végétales ont déjà été retenues comme poison bien qu’elles n’ont
pas été identifiées scientifiquement comme telles134. Il suffit que les substances toxiques soient
réputées telles et généralement reconnues dans le lieu de l’infraction135.
Dans ces cas, on pourrait retenir soit le meurtre soit l’assassinat137, à condition de prouver
que l’agent visait effectivement la mort de la victime ; au cas contraire, on ne retiendrait que
l’administration des substances nuisibles.
Notre droit pénal par contre, exige que le poison administré produise son effet, à savoir la
mort de la victime. Ainsi ne commet pas un empoisonnement l’agent qui, après avoir fait absorber des
substances susceptibles de donner la mort, se désiste spontanément en administrant un contre-poison
ou antidote qui annihile l’effet du poison.
133
. L’officier du ministère public devra chaque fois recourir à une autopsie.
134
. Trib. Inst. E/Ville 5 juillet 1962, R.J.A.C. 1963, p.67, avec note E. Lamy.
135
. Cour d’appel de Kisangani, 20 juillet 1974 in R.J.Z. 1977, p. 74.
136
. Elis. 4 février 1953, Rev. Jur., p. 48.
137
. Jean LESUEUR, op. cit., p. 20.
138
. Angelos TSARPALAS, Le moment et la durée des infractions, Paris 1967, p. 68.
L’acte matériel visé par le texte incriminateur c’est l’emploi ou l’administration des
substances capables de provoquer la mort. Il suppose en effet un acte positif. C’est que l’infraction
d’empoisonnement est une infraction de commission.
De ce fait, laisser quelqu’un s’abreuver à un puits que l’on sait empoisonné n’est pas un
empoisonnement, mais peut constituer d'autres infractions comme celle d'omission de porter secours à
personne en péril. Si l’administration est le procédé utilisé par l’agent au moment de l’action, ce
dernier pouvant agir en présentant la substance à la victime (en la mélangeant à la nourriture, à une
boisson, en l'administrant par inhalation etc.) ; l'emploi se situerait donc bien en amont.
Selon Likulia139, les deux termes visent la même réalité. C’est ainsi que par « emploi ou
administration », il entend, notamment le fait de faire absorber, faire manger, injecter, faire inhaler,
faire consommer ou faire boire des substances mortelles140. Peu importe, dit la loi, la manière dont ces
substances ont été employées ou administrées. Pourvu que l’emploi ou l’administration soient
caractérisés. Le fait de verser du poison dans les aliments, de présenter ou de mettre à la disposition de
la victime des aliments ou boissons empoisonnés ne peut constituer que la tentative
d’empoisonnement, pense-t-il. Tandis que la recherche, l’achat, la préparation ou la fabrication ne sont
que des actes préparatoires non punissables.
Il importe de noter que l’article 170 du Code pénal militaire punit de mort tout
empoisonnement des eaux ou denrées consommables ainsi que tout dépôt, aspersion ou utilisation de
substances nocives destinées à donner la mort. Il s’agit ici d’une infraction formelle.
139
. Lire avec intérêt Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
140
. Cour d’appel de Kisangani 20 juillet 1974, in R.J.Z. 1977, p. 74.
141
. Voir en ce sens Jean Pradel et Michel Danti-Juan, op.cit., n°30
142
. Notons en effet qu’en France, l'affaire du sang contaminé a donné lieu à toute une série de décisions de justice, dont deux
en particulier posent le problème sous l'angle de l'empoisonnement. Dans le cadre des poursuites engagées contre le Directeur
général du Centre National de la Transfusion Sanguine et de hauts fonctionnaires de la santé, la chambre criminelle de la
Cour de Cassation a notamment admis la condamnation pour fraude sur la qualité des marchandises mises en circulation, tout
en précisant que l’infraction de fraude et d'empoisonnement sont deux infractions " comportant des éléments constitutifs
distincts au regard notamment de l'intention coupable " et qu'elles sont donc susceptibles de poursuites séparées.
Cass.crim.18 juin 2003, JCP. éd. G. 2003, II, 10121 note Rassat, qui fait le point sur toute l'affaire. " Attendu que, pour dire
n’y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef d'empoisonnement, l'arrêt retient que seuls les médecins qui ont prescrit
l'administration des produits sanguins auraient pu être les auteurs principaux de ce crime, mais que la preuve n'est pas
rapportée qu'ils aient eu connaissance du caractère nécessairement mortifère des lots du CNTS, l'information n'ayant été
communiquée par Michel RR..., de façon partielle et confidentielle, que dans le cadre du CNTS et de la direction générale de
la Santé, et des incertitudes régnant encore, à l'époque, dans les milieux médicaux, quant aux conséquences mortelles du sida
; que les juges en déduisent que la complicité d'empoisonnement ne peut être retenue contre quiconque ; Attendu qu'en l'état
de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, la chambre de l'instruction a justifié la décision de non-lieu
des chefs d'empoisonnement et complicité. L’empoisonnement n’a donc pas été retenu dans cette affaire.
En droit congolais, l’empoisonnement est défini comme le meurtre commis par le moyen des
substances mortifères. Il en résulte logiquement que l’agent doit avoir agi avec l’intention de donner la
mort caractérisant déjà l’infraction de meurtre, ou tout au moins avec la conscience que la substance
administrée peut la provoquer plus ou moins promptement.
Sera puni d’une servitude pénale de un à vingt ans, et d’une amende dont le montant en
monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de 100 à 2000 francs144, dit l’article 50,
quiconque aura administré volontairement des substances qui peuvent donner la mort ou des
substances qui, sans être de nature à donner la mort, peuvent cependant gravement altérer la santé. Il
résulte de l’analyse de cette disposition que cette infraction diffère de l’empoisonnement par le résultat
recherché par l’administration des substances nocives, l’élément moral ainsi que par les pénalités.
Alors que l’empoisonnement vise la mort de la victime, l’administration des substances nocives tend
simplement à nuire à la santé. De plus, l’empoisonnement requiert l’intention homicide alors que
l’infraction de l’article 50, bien qu’étant intentionnelle, n’exige que la simple volonté de nuire.
1. Conditions préalables
Nature des substances. L’article 50 du code pénal retient deux natures des substances :
- Les substances mortelles, c’est-à-dire celles qui sont capables de donner la mort ;
- Les substances simplement nuisibles à la santé, c’est-à-dire celles qui sont incapables de donner
la mort mais qui peuvent altérer gravement la santé. Il s’agira par exemple des substances
capables de provoquer une maladie ou des lésions à l’intérieur du corps humain.
Le résultat. Aucun résultat n’est attendu étant donné qu’il s’agit d’une infraction formelle.
Alors que pour l’empoisonnement la loi exige la mort de la victime (infraction matérielle),
ici le simple fait d’administrer les substances capables de donner la mort sans que celle-ci s’ensuive ou
d’altérer gravement la santé suffit (infraction formelle).
Élément matériel. L’élément matériel de cette infraction consiste dans l’administration des
substances mortelles ou nuisibles. Il peut s’agir du fait de faire manger, de faire avaler, de faire boire,
de faire inhaler...etc.
143
. Lire avec intérêt Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
144
. L’ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979 portant majoration des amendes pénales.
Il va falloir ainsi traiter de cette incrimination en général avant de l'étudier dans ses aspects
particuliers relatifs notamment au VIH/SIDA avant l'examen de son régime répressif.
L'article 174i du Code pénal punit de la servitude pénale à perpétuité et d’une amende de
deux cent mille francs congolais constants, quiconque aura délibérément contaminé une personne
d’une infection sexuellement transmissible incurable.
À coté des conditions préalables de cette infraction, il faudra étudier ses éléments constitutifs
ainsi que son régime répressif.
1° Conditions préalables
1. Le type d’infection
Pour exister, l'infraction de l'article 174i du Code pénal doit porter sur une infection
sexuellement transmissible incurable. Il doit s'agir donc d'une infection qui, en principe, se transmet
par voie sexuelle ou à l'occasion des relations sexuelles aussi bien normales que contre-natures. Ce qui
exclu toute possibilité de retenir n'importe quelle autre infection. Ainsi par exemple les infections
pulmonaires ne peuvent constituer cette infraction.
Par ailleurs, il n'y a pas infraction si l'infection est curable. Elle doit donc obligatoirement
être incurable. C’est-à-dire que l’infection ne doit pas être traitable au moment de l’action. C'est ainsi
que toute infection sexuellement transmissible qui peut être soignée ne peut aucunement être retenue
pour caractériser l'infraction de l'article 174i en étude. La gonococcie, la syphilis, la blennorragie...etc.,
tout en étant des infections sexuellement transmissibles, ne peuvent caractériser cette infraction car
elles sont curables.
L’herpès génital est une infection sexuellement transmissible chronique. En effet, il est
impossible de s’en débarrasser. Mais, il existe des traitements qui réussissent à en soulager les
symptômes et à réduire la fréquence des poussées145. Elle est donc, comme le veut l’acte
d’incrimination dans son état actuel, incurable.
Hors mis cette nature de l'infection, la première condition préalable ne sera établie et par
conséquent, l'infraction ne pourra exister.
La victime de cette infraction doit être une personne humaine, vivante, autre que l'agent.
C'est ainsi en effet que ne viole pas les prescrits de l'article 174i du Code pénal, celui qui, se
connaissant porteur d'une telle infection espère la transmettre en consommant des rapports sexuels
avec un cadavre humain [acte pouvant caractériser la mutilation de cadavre] ou à un animal [acte
pouvant caractériser les violences envers les animaux à défaut de la zoophilie]. Il doit s'agir d'une autre
personne que l'auteur de l'acte matériel de contamination. Le législateur cite une personne, ce qui
permet d’écarter l’hypothèse de sa propre contamination.
C'est ainsi que celui qui contraint autrui à se faire contaminer engagera sa responsabilité
pénale entant qu'auteur intellectuel. Cependant, ne commet pas cette infraction, la personne qui,
volontairement et tout à fait librement se fait contaminer à soi-même d'une infection sexuellement
transmissible bien qu'incurable.
L’infraction de l'article 174i du Code pénal requiert un acte matériel et un élément moral.
L'acte matériel caractéristique de cette incrimination c'est la transmission qui aura entrainé la
contamination. L'agent doit avoir effectivement transmis l'infection à la victime. Il ne s'agit pas des
simples relations sexuelles entre partenaires. Il convient de prouver que l'infection incurable retrouvée
dans l'organisme de la victime lui a été transmise par l'agent. Les procédés de cette transmission
importent peu. En effet, s'il est juridiquement exigé que l'infection incurable soit transmissible
sexuellement, néanmoins, la modalité de cette transmission ne doit pas nécessairement être sexuelle.
Ces infections peuvent donc être transmises soit par des modalités asexuées soit encore par celles
sexuées.
145.
Cette maladie est très spectaculaire. C’est ainsi qu’elle se manifeste différemment : chez l'homme par une balano-posthite
avec urétrite ; et Chez la femme par une vulvo-vaginite aiguë fébrile avec méatite ou cervicite (attente du méat urinaire ou du
col utérin).
Par modalités asexuées, on entend toutes les voies de transmission du virus en dehors du
sexe. Il en est ainsi de la transfusion sanguine, l'utilisation ou la réutilisation des matériels contenant
du sang infecté [notamment une lame de rasoir, les aiguilles, les bistouris, les couteaux, les tondeuses
pour cheveux, les paires de ciseaux...etc], mais aussi de la transmission d’infection nosocomiale146.
Ce sont donc les modes non sexuels de transmission. On retrouve à côté, la voie périnatale
ou materno-foetale qui sous-entend une transmission du virus de la mère à l'enfant aussi bien pendant
la grossesse, au cours de l'accouchement qu'au moment de l'allaitement maternel. Aussi, admet-on les
modalités sexuées, toutes les voies de transmission de l'infection sexuellement transmissible incurable
à partir du sexe rentrent dans les modalités sexuées. Et sous cette forme, pour que cette infraction soit
établie, il suffit de prouver la consommation des rapports sexuels « normaux » ou « anormaux »,
réalisés sous l'un des types suivants : les rapports hétérosexuels, homosexuels, ano-génitaux voir des
rapports bucco-génitaux.
- Le rapport homosexuel est pratiqué entre des partenaires de même sexe. C'est le cas des
hommes sur d'autres hommes ou des femmes sur d'autres femmes. Il se réalise
différemment.
2. Élément intentionnel
L’agent doit avoir agi volontairement. En effet, par l'adverbe délibérément le législateur
souligne l'état psychologique de l'agent. Il doit avoir donc la volonté de transmettre l’infection, c’est-à-
dire l’intention de nuire.
L'infraction n'existe pas si l'on établit que l'agent avait agi involontairement ou par
imprudence. C'est ainsi que ne sera pas poursuivi sur la base de l’article 174i du Code pénal congolais,
le médecin qui, dans le cadre de sa profession, aura contaminé d'infection sexuellement transmissible
incurable une patiente sans la volonté ou l'intention de nuire à cette personne, même s'il s'en suivait
altération grave de la santé voir mort de la victime. Il serait dans ce dernier cas inculpé de l’homicide
par imprudence prévu et réprimé par les articles 52 et suivants du code pénal.
Pour être établi, il appartient à l'accusation de prouver dans le chef de l'agent le dessein de
nuire. Le mobile, le consentement de la victime ainsi que l'erreur sur la personne importent peu.
146.
Se dit d'une infection contractée par un patient à l'hôpital et non directement liée à la maladie pour laquelle il se trouve
hospitalisé.
Dans le cadre de la protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et des
personnes affectées, le législateur a, entre autres, incriminé spécialement toute transmission délibérée
de ce virus. L'on comprend ainsi que le législateur a prévu dans une loi spéciale la particulière
contamination du VIH/SIDA qu'il ne faut pas confondre à l'incrimination de l'article 174i du Code
pénal congolais ci-haut évoquée. L'infraction de la loi du 14 juillet 2008 est spéciale même si elle
conserve les éléments matériel et moral de l'infraction du Code pénal.
2° Éléments constitutifs :
Tant l'élément matériel que celui moral sont les mêmes que ceux de l'infraction de l'article
174i du Code pénal congolais. L'infraction de l'article 45 de la loi du 14 juillet 2008 se caractérise
donc de la même façon que la précédente de l'article 174i du Code pénal congolais, par l'acte matériel
de contamination d'autrui avec une intention de nuire147.
147.
Se reporter aux notions développées dans l'analyse des éléments constitutifs de l'infraction de l'article 174i du Code pénal
congolais.
148.
Cour d’appel de Kisangani 20 juillet 1974, R.J.Z. 1977, p.74.
149.
L’ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979 portant majoration des amendes pénales.
Lorsque les substances nuisibles sont volontairement administrées à une personne âgée de
moins de dix-huit ans, et qu'il s'agit notamment des stupéfiants et des psychotropes qui
peuvent donner la mort ou des substances qui, sans être de nature à donner la mort,
peuvent altérer gravement la santé d'une telle personne victime de quelque manière que
ces substances aient été employées ou administrées, l'auteur sera passible d'une peine de
servitude pénale principale de trois à vingt ans150. Le minimum est ici porté à trois ans au
lieu de un an à cause de la vulnérabilité de la victime, due à sa minorité.
En droit pénal congolais, les atteintes à l’intégrité corporelle sont de diverses formes.
Certaines atteintes causent un dommage corporel moins grave contrairement à d’autres. On parle de ce
fait des infractions de violences à l’intégrité corporelle de la personne humaine.
Depuis fort longtemps, le législateur congolais a incriminé les violences légères, les
violences importantes, et tout récemment les violences très graves, et enfin les violences convenues.
Nous analyserons les violences et voies de fait, les coups et blessures, la torture et le duel.
150.
Article 155 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
151.
Article 156 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
152.
Article 177 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
Aux termes de l’article 51 du code pénal, sont punissables au maximum d’une servitude
pénale de sept jours et d’une amende de 100 francs153 ou d’une de ces peines seulement les auteurs de
voies de fait ou violences légères exercées volontairement, pourvu qu’ils n'aient blessé ni frappé
personne, particulièrement ceux qui auraient volontairement, mais sans intention de l’injurier, lancé
sur une personne un objet quelconque de nature à l’incommoder ou à la souiller.
L’infraction de violences et voies de fait avaient été introduites dans le code pénal pour
élargir l'incrimination et punir ainsi des comportements intolérables constituant des atteintes
corporelles, sans pour autant pouvoir être qualifiés de coups.
On y retient par exemple le fait de jeter une personne à terre ou de lui arracher les cheveux,
ce qui suppose encore un contact avec la victime. Mais, l’infraction existe aussi, même en dehors de
tout contact physique.
Ainsi, les violences et voies de fait peuvent également résulter d'une attitude qui, sans
atteindre matériellement la victime, est de nature à impressionner une personne raisonnable154 » ou
« à troubler son comportement au point qu'elle se blesse elle-même155».
Nous examinerons d’abord la condition préalable, ensuite les éléments constitutifs de cette
incrimination et enfin les modalités des poursuites contre le coupable.
Pour que l’infraction de l’article 51 du code pénal soit retenue, les agressions doivent avoir
été exercées sur une personne humaine, née, vivante, autre que l’agent. C’est que, les violences et
voies de fait ne sont envisageables que lorsqu’elles portent sur des victimes, personnes humaines
vivantes et non sur des cadavres ni sur des animaux ou objets quelconques.
Peu importe l’âge, la nationalité, la race et le sexe de la victime. Il importe également peu
que la personne agressée soit autre que celle visée.
Il est évident que les violences exercées sur soi-même ne sont pas punissables. Si une
personne humaine n’est pas atteinte, il n’y a pas d’infraction à l’article 51 du code pénal. C’est ainsi
que le fait de jeter des pierres dans une maison habitée ne tombe pas sous le coup de cette infraction si
aucune personne n’est atteinte par des projectiles156.
153.
L’ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979 précitée.
154.
Cass. Crim. 7 mars 1972, Bull. crim. n°85 ; voir déjà Cass.crim.19 février 1892, DP 1892, 1, 550 : En visant les violences
et voies de fait exercées volontairement, le législateur a entendu réprimer notamment celles qui, sans atteindre matériellement
la personne, sont cependant de nature à provoquer une sérieuse émotion.
155.
Cass.crim.21 novembre 1988, Bull. crim. n°392. Il s’est développée en France toute une jurisprudence à propos des
appels téléphoniques multiples et agressifs destinés à troubler l'existence d'une personne et tombant sous la qualification de
voie de fait, au contraire des appels abusifs n'ayant pas éprouvé sérieusement la victime. Mais, aujourd'hui le code pénal
français de 1992 a créé une incrimination spécifique à l’article 222-16 du Code pénal concernant les appels téléphoniques
malveillants. L’incrimination spécifique protège la tranquillité d'autrui, non l'intégrité physique, de sorte que la pénalité
retenue est moindre.
156.
Parq. Elis. 30 juin 1934, R.J.C.B., p.180, avec note.
B. Éléments constitutifs
I. Élément matériel
L’élément matériel des violences et voies de fait est constitué d’une part par des agressions
autres que des coups et d’autre part par des agressions de nature à incommoder ou à souiller une
personne.
Des agressions dont il s’agit ici doivent être simples, c’est-à-dire elles ne doivent pas
consister en des coups et blessures et non plus en de simples propos ou injures. Il en est ainsi :
- du fait pour Mr A de secouer Mr B ;
- du fait pour l’agent de serrer par force la victime ;
- du fait d’arracher par force un objet des mains d’une personne ;
- du fait d’arracher des cheveux à quelqu’un ;
- du fait de pousser la victime contre un mur et du fait de jeter la victime à terre.
Le receveur de l’autobus qui arracherait une chemise ou des chaussures à un voyageur qui
n’a pas payé son billet tomberait sous le coup de cette loi sans préjudice d’autres infractions plus
graves. Lorsque ces atteintes comportent des conséquences beaucoup plus graves, l’article 51 n’est pas
applicable. Ainsi serait passible des peines prévues pour homicide involontaire et non pour voies de
fait et violences, celui qui pousserait sa victime contre un corps dur provoquant par ce fait la mort de
la victime157. Il en est de même s’il en est résulté des blessures ; dans ce cas c’est l’infraction de coups
et blessures qui serait retenue.
Souiller une personne c’est la salir, la couvrir de boue ou d’ordure. Ainsi est poursuivi sur la
base de l’article 51 du code pénal, l’agent qui jette volontairement un liquide malpropre ou de la terre
à sa victime ou l’automobiliste qui éclabousse un piéton. Il en est de même de celui qui crache sur une
personne.
Tandis que incommoder une personne c’est lui causer de la gène ou du malaise. Il en est
ainsi notamment des agressions qui sont de nature à impressionner vivement une personne même si
elle n’a pas été atteinte matériellement ; du fait de tirer des coups de feu pour effrayer une personne,
menacer sa victime avec un couteau ou une lance, le fait de causer à autrui des troubles de santé ou
une émotion forte par des appels intempestifs et agressifs ou encore par des cris ou bruits
insupportables.
157.
Boma 4 juillet 1990, Jur. E.I.C. 1890-1904, T. 1er, p.87.
Il doit s’agir en effet d’un choc émotif provoqué par l’attitude de l’agent. En effet, le choc
émotif peut provenir d'attitudes menaçantes. Il en est ainsi du fait d’avancer avec un couteau, ou
d’invectiver la victime dans un coin de bureau en pointant son doigt en direction de son visage, prêt à
la frapper, ou même le fait de l'utilisation de pétard. Ce choc émotif peut aussi provenir de violences
exercées sur les choses, comme par exemple, le fait pour un conducteur prétextant un geste injurieux
d'un autre conducteur de le poursuivre, de le contraindre à s'arrêter et de frapper son véhicule avec une
barre de fer, ce qui constitue « un acte de nature à impressionner vivement la victime et à lui causer un
choc émotif »158.
L’agent doit avoir agi « volontairement ». Peu importe le mobile. On estime qu’il n’est pas
nécessaire que l’agent ait voulu nuire ; le dol général suffit. Ainsi est punissable celui qui, même dans
les circonstances de deuil, souille ou incommode un passant. À défaut de l’élément intellectuel il n’y a
pas d’infraction. Jugé que ne tombe pas sous le coup de l’article 51 qui agit par imprudence, par défaut
de précaution ou de prévoyance.
L’agent doit avoir agi sans intention d’injurier sa victime. Ainsi n’est pas passible des peines
prévues par l’article 51 du code pénal mais bien de celles des articles 74 et suivants du code pénal,
celui qui commet des agressions injurieuses.
C. Pénalités
L’article 51 prévoit et punit les voies de fait ou violences d’une peine de servitude pénale de
sept jours au maximum et/ou d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays est
l’équivalent de 100 francs159.
En droit congolais, l’infraction de coups et blessure peut revêtir deux formes, à savoir :
- l’infraction de coups et blessures simples (art. 46 C.P.O.) ; et
- l’infraction de coups et blessure qualifiée (art. 47 C.P.O.).
Mais, que ces violences volontaires soient simples ou aggravées, elles comprennent une
condition préalable et deux éléments constitutifs.
Les coups et blessures qui constituent en réalité des violences volontaires, ne sont légalement
punissables que s’ils atteignent une personne humaine, née, vivante et autre que l’agent (art 43 CP).
158.
Cass.crim.18 mars 2008, Dr. pén. 2008, n°84 obs. Véron.
159. L’ordonnance-loi n°79-007 du 6 juillet 1979 portant majoration des amendes pénales.
Ainsi ne tombent pas sous le coup des articles 46 et 47, les coups portés et les blessures
faites à une personne déjà morte. On pourra évoquer dans ce cas l’infraction de mutilation de cadavre
(article 61 du CP). Il faut, d’autre part, qu’il s’agisse d’une personne autre que l’auteur lui-même.
Cependant, si l’agent est un militaire, il peut être poursuivi pour mutilation volontaire punie par le
code pénal militaire dans la mesure où toutes les circonstances de l'article 55 de ce texte seraient
établies.
B. Éléments constitutifs
Deux éléments constituent les coups et blessures volontaires : un fait matériel et l’intention.
I. Élément matériel
Les incriminations de coups et blessures supposent d’abord un élément matériel. Celui-ci est
doublement caractérisé. Il faut en effet, pour que ces incriminations soient matériellement établies que
l’acte perpétré par l’agent soit positif mais aussi matériel.
Comme dans le cas du meurtre, l’acte constitutif de coups et blessures doit être un acte
positif et non un acte négatif, c’est-à-dire une omission ou inaction.
Car il est inconcevable qu’une abstention puisse provoquer des coups et blessures.
L’infraction de coups et blessures requiert non seulement un acte positif mais aussi un acte
matériel, tel qu’un coup porté avec la main, les pieds, une arme ou tout autre objet ou instrument.
Par « arme » il faut entendre toute machine, ustensile ou généralement tout objet tranchant,
perçant ou contondant dont on se sert pour frapper ou blesser160. Ainsi une simple violence morale ne
peut matériellement caractériser cette incrimination.
Likulia soutient justement qu’une femme qui soumet son mari à des souffrances morales,
même intolérables constituées par des agressions verbales, ne tombe pas sous le coup de cette
qualification car on ne peut établir un lien de causalité entre les douleurs morales et le dommage
corporel. Ce double élément matériel comprend soit des coups soit des blessures qui peuvent d’ailleurs
consister en un acte unique malgré l’emploi au pluriel de l’expression « coups et blessures ». Ainsi une
seule lésion corporelle constituée soit par une seule blessure ou un coup isolé suffit à caractériser
l’infraction.
1. Le coup
Par coup, il faut entendre toute atteinte matérielle ou physique résultant du rapprochement
violent de deux corps. Il en est ainsi de tout heurt ou choc subi par la victime 161. Le coup peut être
infligé soit directement soit au moyen d’un objet quelconque.
160.
Article 213 du code pénal tel que modifié et complété par l’ordonnance-loi n°299 du 16 décembre 1963.
161.
C.G. App. 25 janvier 1900, Jur. Etat, I., p. 83 ; Boma 10 mai 1904, Jur. Etat, I., p. 344.
Peu importe la gravité ou le degré de la violence. Pourvu que l’élément matériel soit
caractérisé pour ne pas constituer de simples violences et voies de fait. Ainsi tombe sous cette
qualification le coup porté à une personne même s’il n’est pas particulièrement grave ou violent. Elle
sera également retenue même si le coup incriminé n’a pas laissé de traces apparentes ou durables.
Mais à la différence des violences et voies de fait, il est exigé, pour retenir cette qualification, que le
coup soit de nature à impressionner physiquement la personne agressée.
2. La blessure
La blessure s’entend de toute lésion externe ou interne produite dans l’organisme humain
soit par un coup, soit par un choc ou rapprochement, soit par une arme ou un instrument tranchant,
perçant, contondant, piquant, soit par tout autre objet ou moyen susceptible de laisser une trace
apparente ou durable par exemple les dents162. Il en est ainsi naturellement de toute déchirure de la
peau ou de la chair notamment la plaie, l’égratignure, l’ecchymose, l’écorchure, l’éraflure. Il convient
évidemment d’y ajouter toute brûlure, contusion ou meurtrissure.
Peu importe la gravité de la blessure. Une légère blessure peut être retenue163. Il en est de
même d’une simple piqûre ou d’une morsure de l’animal volontairement excité par son propriétaire ou
une tierce personne. Dans toutes ces hypothèses, l’auteur sera exposé aux sanctions réprimant les
coups et blessures volontaires. Peu importe également l’instrument utilisé ; un liquide corrosif, un jet
de vapeur ou un animal excité peuvent causer des blessures. Peu importe enfin le moyen utilisé ; celui-
ci peut être mécanique ou chimique. Pourvu qu’il agisse sur l’état physique de la victime164.
L’intention coupable est exigée. L’agent doit avoir agi avec l’intention d’attenter à la
personne physique d’autrui, c’est-à-dire il doit avoir eu la volonté de causer la blessure ou de porter le
coup (art. 43 CP). Peu importe le mobile, le consentement de la victime, et l’erreur sur la victime. On
exige à ce niveau un dol spécial, à côté du dol général. Ce dol spécial se caractérise par la volonté de
causer le dommage à la victime.
Selon Yves Mayaud : L'intention se définirait alors, non comme la volonté d'attenter à
l'intégrité physique ou psychique des personnes, mais comme la volonté du dommage inhérent à cette
atteinte. L'intention de porter atteinte à l'intégrité de la victime ne suffirait pas à remplir le délit de
son élément moral, encore faudrait-il que cette atteinte ait été également voulue comme un dommage
en soi.
1°. Le mobile
La volonté du comportement ne doit pas être confondue par ailleurs avec le sentiment qui
aura poussé l’agent à agir en vue de produire un résultat déterminé. Les coups et blessures sont
constituées dès qu'il existe un acte volontaire de violence, quelque soit le mobile qui ait inspiré cet
acte.
162.
C.S.J. 8 septembre 1979 inédit. : Le fait pour une personne de mordre une autre est en principe constitutif de l’infraction
de l’article 46 ou 47 du C.P. Dans le cas d’espèce la cour a prononcé l’acquittement au bénéficie du doute.
163.
Léo 29 mars 1951, R.J.C.B., p. 131.
164.
Idem.
Le mobile qui a déterminé l’agent à agir est indifférent lorsque l’intention coupable est
établie. Ainsi sa responsabilité pénale sera engagée quel qu’en soit le mobile. Autrement dit, il importe
peu que le mobile poursuivi soit antisocial ou profondément moral, ignoble ou louable, honorable ou
même charitable.
L’auteur de tatouage sur une personne est poursuivable. Et le tatoueur ne peut invoquer pour
sa défense l’idée esthétique qui aurait provoqué son acte.
Tombe également sous le coup de la loi une personne qui, par plaisanterie, porte des coups
ou fait des blessures à son ami. Le mauvais traitement caractérisé par des atteintes au corps administré
soit à la femme qui a perdu son mari soit à des tiers à l’occasion du deuil doit être réprimé sur la base
des articles 46 et 47 du code pénal.
3°. L’erreur
Comme dans le cas du meurtre, l’erreur est inopérante à la répression de l’incrimination des
coups et blessures lorsqu’il est établi que l’agent a agi avec la volonté de causer des lésions corporelles
à une personne humaine. Ainsi est poursuivable celui qui porte des coups et fait des blessures à une
autre personne que celle visée (art. 43 du C.P.O.).
Egalement dans le cadre de cette infraction de coups et blessures, les mêmes distinctions
faites dans le meurtre entre l’erreur de droit, l’erreur de fait et l’erreur sur la personne ; ont leur place.
- L'erreur de fait peut en revanche avoir une influence sur l'appréciation de la culpabilité
de l'auteur de coups et blessures. Cette erreur peut entraîner un changement de
qualification si la personne n'a pas eu l'intention de blesser. Il en va ainsi de celui qui
vise et tire sur une personne avec une arme ou tout instrument qu'il croit inefficace, ou
encore de l'accident durant une partie de chasse. L'acte sera alors disqualifié en coups
et blessures involontaire.
- L'erreur sur la personne enfin, a donné lieu à une controverse non moins importante.
L'hypothèse est double, soit l’auteur des coups et blessures se trompe sur l'identité de
la victime (error personae)165, soit sa maladresse physique ou la déviation du coup
cause blessure à une autre personne que celle qui était visée (aberratio ictus),
nécessitant ainsi l’application de l’article 43 du code pénal.
165
. L’shi 3 avril 1969 R.J.C. 1969, p. 278.
Il en est ainsi également dans l'erreur de fait, consistant par exemple à vouloir attenter
à l'intégrité physique d'une personne et à en blesser une autre, laissant intact l’élément
matériel et l’élément moral, de sorte que l'auteur des violences sera condamné.
L'identité de la victime importe peu.
La loi distingue les coups et blessures simples des coups et blessures aggravés. Notons par
ailleurs que le législateur incrimine à titre spécial les coups et blessures contre une personne âgée de
moins de dix-huit ans.
L’incrimination de coups et blessures simples est constituée des lésions corporelles plus
graves que les violences et voies de fait mais qui n’ont pas été préméditées ou n’ont entraîné ni
maladies, ni incapacité de travail, ni perte de l’usage d’un organe, ni mutilation grave.
Par ailleurs, la loi du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles a institué des cas particuliers
de violences envers les personnes âgées de moins de dix-huit ans.
166
. Il est évident que si aucun texte n’organise un sport mais que la société l’admet tout de même, il se pratiquera dans ce cas
sous des us et coutumes du milieu.
Il va falloir traiter d’abord des circonstances aggravantes de l’article 47 du code pénal tenant
au dommage corporel occasionné à la victime(1) avant d’examiner les circonstances aggravantes
résultant de l’accident de circulation(2).
- Perte de l’usage absolu d’un organe. Par perte de l’usage absolu d’un organe il faut
entendre une infirmité permanente résultant de la perte d’un des organes du corps
humain tels que la vue, l’ouïe, l’odorat. La paralysie d’un membre et la perte des
facultés mentales caractérisent également cette circonstance aggravante. C’est aussi le
cas de la cécité.
Il ne suffirait donc pas d’une difformité permanente telle qu’un nez cassé, une oreille
déchirée, un doigt coupé ou de la seule diminution de l’acuité visuelle169. Car la loi
exige qu’il y ait perte de l’usage absolu d’un organe, c’est-à-dire une infirmité
permanente. Ainsi toute autre incapacité fut-elle permanente doit être écartée.
167
. Cass.crim.30 octobre 1996, Bull. crim., n°384 ; 14 avril 1999, D.1999, somm.323, obs. Jean PRADEL
168.
Boma 26 mai 1908, Jur. Etat, II, p.239 ; Léo 3 novembre 1936 ; 6 août 1908, Jur. Et., t. II, p.258 ; Tev. Jur. 1937, p.32.
169. ère
1 Inst. app. Kasaï 16 août 1950, Rev. Jur. 1951, p.25.
- Mutilation grave. Pour que cette circonstance soit retenue, il faut que les coups et
blessures aient été la cause d’une amputation, de la perte ou de la privation de l’usage
d’un membre ou encore de la diminution sensible de l’usage d’un membre.
Mais, particulièrement, est passible d'une peine de servitude pénale de deux à cinq ans et
d’une amende de deux cent mille francs congolais constants, quiconque aura posé un acte de violence
qui porte atteinte à l’intégrité physique ou fonctionnelle des organes génitaux d’une personne.
Le décret du 03 décembre 1956170 aggrave également la situation de celui qui porte des
coups, fait des blessures ou plus généralement exerce des violences sur l’auteur d’un accident de
circulation.
Il ne tombera donc pas sous le coup de l’article 46 qui réprime les coups et blessures
simples, mais sera poursuivi sur pied de l’article 1er du décret précité qui prévoit la peine de servitude
pénale de 6 mois à 3 ans. Si l’une des circonstances aggravantes de l’article 47 se réalise, c’est bien ce
dernier article qui sera applicable. C’est que l’auteur sera passible de la servitude pénale de deux ans à
cinq ans et d’une amende qui ne pourra excéder l’équivalent du montant en monnaie ayant cours légal
au pays de mille francs.
Dans le but d'assurer un peu plus efficacement la protection de « l'enfant » contre les
atteintes à son intégrité physique et psychique, le législateur a incriminé dans une loi spécialement
consacrée à l'enfant, tout comportement violent contre l'enfant, alors même que ces comportements
font déjà l'objet d'incrimination en droit commun. Ainsi, a-t-il repris les coups et blessures avec
différentes circonstances aggravantes.
170.
Lire dans les Codes Larciers, Tome II, Droit Pénal, p. 244, le décret du 3 décembre 1956 relatif à la répression des
violences commises à l’occasion d’accidents de roulage. Approbation de l’ordonnance-loi 05-320 du 10 octobre 1955 (B.O.,
1956, p. 1986) :
Article 1ier. Sans préjudice de l’application de peines plus sévères qui seraient portées par le Code pénal, sera puni d’une
servitude pénale de 6 mois à 3 ans, celui qui, à l’occasion d’un accident de roulage, se sera livré à des violences à l’égard du
conducteur ou des passagers d’un véhicule.
Sera puni des mêmes peines celui qui aura commis des violences à l’égard des personnes qui portent ou cherchent à porter
assistance aux conducteurs et aux passagers des véhicules visés au premier alinéa du présent article ou aux victimes de
l’accident.
Article 2. Sera puni d’une servitude pénale de 8 jours à 6 mois et d’une amende ne dépassant pas 200 francs ou d’une de ces
peines seulement, celui qui aura pris part à un attroupement au cours duquel des infractions visées par l’article 1er auront
été commises.
Article 3. N’est pas punissable, dans les circonstances reprises aux articles précédents, le fait de repousser une attaque,
défendre autrui ou séparer les combattants.
Pour avoir déjà examiné tous les éléments constitutifs de cette infraction ainsi que ses
circonstances aggravantes, nous étudierons à ce niveau sa caractéristique spécifique avant d'évoquer
les peines telles que prévues par la loi de 2009 ainsi que les autres formes spécifiques de l'infraction.
L'infraction de coups et blessures prévue à l'article 147 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009
portant protection de l'enfant ne peut se constituer s'il n'est préalablement établi que l'âge de la victime
était de moins de 18 ans au moment des faits.
Peu importe le sexe du mineur victime des coups et blessures. Peu importe également sa
nationalité ou sa race. Il faut et il suffit qu'il soit prouvé qu'elle se trouvait au moment des faits, sur le
territoire de la République Démocratique du Congo. Une fois que cette condition est établie, l'examen
des éléments constitutifs de l'infraction se fera conformément à l'infraction prévue par le code pénal.
Masi, il faut avouer que dans certains cas, cette connaissance peut se présumer. Il en sera
ainsi lorsque la vulnérabilité de la victime, due à sa minorité, est manifestement visible et
incontestable (le cas de petits enfants de cinq ans par exemple). En définitive, le juge sera appelé à
apprécier au cas par cas.
Cependant, il faut rappeler que les peines que prévoit le législateur dans cette loi de 2009 ne
sont pas les mêmes que celles du Code pénal.
En cas des circonstances aggravantes. À chaque circonstance, la sanction prévue par la loi
diffère des autres. La loi de 2009 prévoit les mêmes circonstances aggravantes que celles du code
pénal.
171.
Article 147 alinéa 2 de la loi du 10 janvier 2009
- Lorsque les coups et blessures volontaires portés sur l'enfant ont entraîné une maladie
ou une incapacité172 de plus de huit jours, l'auteur subira six à douze mois de servitude
pénale principale et une amende de deux cents mille à trois cent cinquante mille francs
congolais.
Il convient de noter que le législateur congolais définit la torture comme tout acte par lequel
une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une
personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des
aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir
commis ou de l'intimider ou faire pression sur elle, intimider, faire pression sur une tierce personne, ou
pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur
ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.
Notons cependant que cette notion de torture a toujours existé en droit pénal congolais non
pas à titre d'infraction mais comme circonstance aggravante d'infraction avant son incrimination en
2011. L'évolution de la criminalité au niveau international a conduit les États d'une part à ratifier la
convention de New York du 10 décembre 1984 contre la torture, ce qui fut le cas avec notre pays, et
d'autre part à incorporer l'infraction sous diverses façons dans leurs législations pénales internes.
Il me semble que la volonté affichée par législateur de faire de la torture une infraction
distincte dans la loi de protection de l'enfant, peut bien constituer sur le plan purement technique du
droit pénal congolais une source de multiples conflits de qualifications inutiles. Heureusement que la
loi de 2011 est intervenue dans le sens de la généralisation de la notion.
En dépit de tout cela, il convient d'examiner les dispositions de la loi, pour ressortir les
particularités de l'incrimination. Aux termes de l'article 151 de la loi du 10 janvier 2009, on comprend
que la torture requiert deux conditions préalables : la qualité de l'auteur et celle de la victime.
Au niveau de la répression, il faut retenir que l'auteur de cette infraction à l'état simple est
puni de un à cinq ans de servitude pénale principale et d'une amende de 500.000 à 1.000.000 de francs
congolais. En cas de mort de la victime, la peine sera portée à la servitude pénale à perpétuité.
172.
Article 148 de la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
173.
Article 149 de la loi du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
-
De la mutilation sexuelle174
Notons tout de même qu'il s'agit d'une infraction particulièrement liée aux pratiques rituelles
chez certains groupes ethniques d'Afrique de l'ouest. Il semble même que certaines tribus congolaises
organisent ce rite de mutilation tant à l'endroit des personnes âgées de moins de dix-huit ans qu'à toute
autre catégorie de personnes. La mutilation sexuelle peut consister en une infibulation ou même une
excision causant ainsi une atteinte à l'organe sexuel.
L'auteur de ces actes sur un mineur est passible de 2 à 5 ans de servitude pénale principale et
d'une amende de 200.000 à 1.000.000 de francs congolais.
La loi incrimine le fait de pratiquer ou de faire pratiquer une expérimentation médicale sur
175
un enfant . Le législateur punit donc aussi bien l'auteur matériel que celui intellectuel. On considère
que l'enfant ne peut consentir valablement ni subir involontairement une expérimentation médicale
impunément. Il est évident qu'en cas de nécessité absolue, l'acte matériel sans intention coupable ne
pourra constituer l'infraction.
À l'état simple, l'auteur est passible de un à cinq ans de servitude pénale principale et d'une
amende de deux cents mille à un million de francs congolais.
En cas d'aggravation consistant en une incapacité ne dépassant pas huit jours, l'auteur subira
la peine de deux à cinq ans de servitude pénale principale et d'une amende de 200.000 à 1.000.000fc.
Paragraphe 3. LA TORTURE
174.
Article 153 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
175.
Article 154 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
Cette définition n’a résisté que durant deux ans. Puis qu’en 2011, le législateur a pris une
loi générale177 qui incrimina la torture en organisant également les différents effets en ce qui
concerne les circonstances aggravantes.
En effet, pour le législateur dans cette deuxième étape, à travers la loi congolaise du 09
juillet 2011 portant criminalisation de la torture et intégrant certaines dispositions dans le décret
du 30 Janvier 1940 portant Code Pénal congolais, l’article 48 bis entend la torture en ces termes :
« Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public ou toute
personne agissant sur son ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite,
qui aura intentionnellement infligé à une personne une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales, aux fins d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou
des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée
d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur
une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle
soit, sera puni de cinq à dix ans de servitude pénale principale et d'une amende de cinquante
mille francs congolais à cent mille francs congolais » 178.
Il a été jugé que par tortures corporelles il faut entendre des sévices très graves et des
actes de cruauté ou de barbarie, exercés principalement dans le but de causer une souffrance179.
Nous pouvons dire que la torture consiste en un ou plusieurs actes d'une gravité
exceptionnelle, dépassant la simple violence et occasionnant à la personne qui le subit une douleur
ou une souffrance aiguë. Acte qui nie à la victime sa dignité humaine.
176.
Article 151, alinéa 2 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
177.
La loi n°11/008 du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture.
178.
Article 48 bis du code pénal, tel que modifié par la loi du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture.
179.
Boma 4 décembre 1900, Jur. Etat, I, p. 108 ; Boma 22 juillet 1902, Jur. Etat, I, p. 205.
180.
Léo. 18 septembre 1928, R.J.C.B., 1931, p. 163.
181.
Elis. 23 mai 1911, Jur. Congo 1912, p. 174.
La qualité de l’agent. L’infraction de l’article 48 bis du Code pénal ne peut pas exister si
l’auteur n’a pas la qualité officielle. On considère donc que la torture doit avoir un lien avec l'autorité.
C'est que l'auteur peut être un agent public ou une personne qui commet, tolère ou fait commettre
l'acte dans un cadre officiel ou sous instigation de l’autorité publique. D'une part, il peut s'agir d'une
autorité [fonctionnaire] de droit et d'autre part d'une autorité [fonctionnaire] de fait.
Cette autorité peut agir elle-même, faire agir par le truchement d'une autre personne, mais
aussi simplement cautionner ces agissements de torture. L'auteur doit être une personne ayant une
autorité ou agissant en tant que telle par rapport à la victime.
C. Éléments constitutifs :
Comme toutes les autres violences, la torture est une infraction qui connaît des actes
matériels multiformes ainsi que l'élément moral.
Le législateur entend par torture le fait d’infliger des douleurs ou souffrances aiguës,
physiques ou mentales.
Cette définition laisse au magistrat un champ d'appréciation beaucoup plus large. Il peut
donc retenir des coups portés, des blessures causées, des conditions de détention et tout autre
traitement de souffrance que l’agent peut infliger à sa victime. Le juge appréciera donc chaque cas.
2. L'élément moral
Il s'apprécie à différents niveaux. En effet, l'auteur doit avoir agi intentionnellement avec la
conscience et la volonté de violer la loi en infligeant des souffrances aiguës à sa victime. Il doit avoir
aussi la volonté de nier en sa victime la dignité de la personne humaine.
Il faut établir également l'existence du dol spécial. L'agent doit avoir agi dans le but :
- soit d'obtenir des renseignements ou des aveux ;
- soit de punir ;
- soit d'intimider, ou de faire pression sur la victime ou un tiers, ou tout autre motif discriminatoire.
D. Régime répressif
Sans préjudices des dispositions de l'article 24 du Code pénal, l'action publique résultant
de faits prévus par les articles 48 bis et 48 ter ci-dessus est imprescriptible182.
2. Pénalités
La sanction de l’auteur de torture est fixée selon qu’elle a été réalisée simplement ou
avec circonstance aggravante.
A l’état simple, l’auteur est passible de cinq à dix ans de servitude pénale principale et
d'une amende de cinquante mille francs congolais à cent mille francs congolais
1. La peine sera doublée (dix à vingt ans de servitude pénale principale et une amende de
cent mille francs congolais à deux cent mille francs congolais) :
2. L’auteur subira la servitude pénale à perpétuité lorsque les mêmes faits auront causé la
mort de la victime.
Paragraphe 4. LE DUEL :
Les violences convenues en vue du règlement d’un différend
L’infraction de duel est prévue et punie par le législateur congolais aux articles 63 à 66 du
code pénal. Celui qui se sera battu en duel sera puni d’une peine de servitude pénale d’un mois à
trois ans et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre
l'équivalent 50 à 1000 francs183 ou d’une de ces peines seulement et l’article 66 ne porte que
l’aggravation de la situation du coupable s’il en est résulté mort d’homme ; prévoit l’article 65 du
code pénal.
Par duel, il faut entendre : le combat singulier entre deux personnes qui se déroule suivant
les conditions déterminées à l’avance et qui a pour but de vider un différend184.
182.
Article 48 quater la loi congolaise du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture.
183.
Ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979.
184.
Boma 26 octobre 1913, Jur. Col. 1924, p.189 ; 1ère Inst. appel. Coq. 1er décembre 1950, J.T.O.M. 1951, p. 21.
Le duel n’est envisageable qu’entre plus d’une personne humaine. Il doit s’agir forcément
des êtres humains vivants. C’est justement pour cela que le législateur fait allusion à « celui », visant
ainsi toute personne humaine, née, vivante, autre que l’adversaire duelliste.
Pour qu’il y ait un duel il faut qu’il existe un différend entre plusieurs êtres humains et qu’en
l’absence d’un règlement à l’amiable, c’est-à-dire d’une façon pacifique, elles puissent le régler par la
voie musculaire de coups et blessures.
L’infraction du duel suppose d’une part un élément matériel et d’autre part un élément moral.
Élément matériel. Le duel comprend un double élément matériel : un acte positif et un acte
matériel. Acte positif. Il doit s’agir d’un acte certain, réel, concret et non une abstention. Acte matériel.
L’acte matériel est constitué des coups soit des poings soit des pieds soit de tête ou tout autre
instrument.
3. La répression du duel
Le duel simple : En cas de duel simple, les peines prévues par l’article 65 du code
pénal frappent exclusivement les deux adversaires pour autant que la rencontre se soit
produite. Si le combat n’a pas eu lieu soit parce que la réconciliation est intervenue avant la
rencontre soit pour un cas de force majeure, ou toute autre raison, on estime qu’il n’y a pas
d’infraction à l’article 65. Le juge prononcera une sanction de servitude pénale comprise entre
un mois et trois ans et/ou une amende qui se situera entre l'équivalent en monnaie ayant cours
légal au pays, de 50 à 1000 francs185.
185.
Ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979.
B. La provocation au duel
Le mot « quelconque » employé par le législateur permet de prendre le terme « injure » dans
son acception la plus large. Tel est le cas de toutes les atteintes portées à l’honneur où à la
considération des personnes (calomnies, diffamations, termes de mépris, invectives, outrages). L’injure
peut se commettre par propos, paroles, écrits, gestes, ou images.
Mais on peut aussi faire une interprétation extensive de la notion de provocation. En dehors
du cas prévu par l’article 64 du Code pénal, la doctrine a précisé cette notion, conformément à l’article
63, en ces termes : la provocation au duel consiste dans tout fait quelconque qui tend à amener
l’adversaire sur le terrain, pour autant que la personne à qui la provocation est adressée en soit
réellement touchée. Cette définition englobe ainsi tous les modes de provocation, même ceux qui ne
sont pas prévus dans l’énumération de l’article 21 du code pénal186. Un simple geste ou une simple
menace suffit à caractériser l’infraction.
2. Pénalités
A l’état simple, lorsque la provocation ne résulte pas d’une injure, l’auteur est passible d’une
amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de 50 à 300
francs187. En cas d’injure quelconque-circonstance aggravante-, le coupable encourt aux termes de
l’article 64 du code pénal, une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie
entre l'équivalent de 100 à 500 francs188.
Toute atteinte à l’être humain n'est pas nécessairement volontaire, aussi le droit pénal
incrimine-t-il depuis fort longtemps, ce que l'on appelle couramment l'imprudence et que le législateur
qualifie d'atteintes involontaires à l’être humain. Il peut s’agir des atteintes à la vie, ou à l’intégrité
physique.
L’étude de ces infractions est capitale car elles induisent un contentieux important
puisqu'elles trouvent à s'appliquer lors de très nombreux accidents, quelle que soit leur origine. Sont
directement concernés les accidents de la circulation et les accidents liés au travail mais aussi les
erreurs médicales. Dans cet ordre d’idées, lorsqu'un enfant se blesse ou blesse autrui dans la cour d'une
école ou un lieu de jeux, à la maison ou sur le lieu du travail voir d’apprentissage, respectivement le
directeur ou le promoteur, les parents ou les responsables devraient être poursuivis sur le fondement
des infractions involontaires.
186.
Mineur, op. cit., p. 154.
187.
Idem.
188.
Ordonnance-loi n°79-007 du 06 juillet 1979.
Une compétence judiciaire liée à la loi. Sur le plan purement historique, il convient de
relever que par le passé, et notamment en droit français sous l’ancien régime, les juges ne pouvaient
pas tenir compte du fait que l'homicide était involontaire pour prononcer une peine moindre. Ils
avaient " une compétence liée " ; seul le roi pouvait, par des lettres de rémission, faire jouer sa
clémence. Dès qu'il y avait mort d'homme, quelles que soient les circonstances, la peine de mort devait
être prononcée. C'est tout le sens de l'adage tout homme qui tue est digne de mort, s'il n'a lettre du
prince. Ces lettres étaient toutefois accordées automatiquement à la veille de la Révolution189.
De l’analyse des articles 48, 52 et 53 du code pénal, il ressort que l’homicide involontaire
peut se réaliser de deux manières. La loi prévoit d’abord le cas où la mort, bien que causée par des
coups et blessures volontairement portés par l’agent à la victime, n’est pas le résultat de sa volonté.
C’est ce qu’on appelle l’ « homicide préterintentionnel » ou coups mortels. Elle prévoit ensuite
l’hypothèse où la mort provoquée par des violences involontaires n’a pas été voulue par l’auteur.
Autrement dit, la volonté de l’agent est totalement absente aussi bien au niveau de l’acte
(violences) que du résultat (mort) ; cette incrimination est qualifiée d’« homicide par imprudence ». Si
ces violences n’ont pas eu pour résultat la mort de la victime, elles sont également punies. Nous avons
déjà étudié dans la section précédente les coups et blessures volontaires, nous n’y reviendrons plus.
Dans le second cas, bien qu’involontaires, ces violences sont tout de même sanctionnées par notre
code (art. 52 à 56 C.P.O.). C’est ainsi que nous examinerons d’abord l’homicide dit préterintentionnel,
ensuite l’homicide involontaire, enfin les coups et blessures involontaires.
L’article 48 du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal incrimine les coups et blessures
réalisés volontairement mais ayant entrainé de manière involontaire, la mort de la victime desdits
coups. On parle alors d’homicide préterintentionnel. Il consiste dans, et c’est la qualification
qu’il fallait retenir dans l’acte d’incrimination, l’infraction de violences volontaires ayant
entraîné la mort sans intention de la donner.
Tout ce que nous avons dit au sujet des coups et blessures volontaires s’applique également à
cette infraction.
Nous n’examinerons donc que l’aspect particulier de cette infraction, c’est-à-dire cette
circonstance aggravante qui en résulte. Ainsi cet examen portera d’abord sur ses conditions préalables,
ensuite ses éléments constitutifs, et sur la participation criminelle ainsi qu'enfin sur sa répression.
189.
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, PUF 2ème éd, n°85 et 122. L'auteur précise
également : « A un magistrat qui l'avait consulté sur la possibilité de ne pas condamner à mort l'auteur d'un homicide
excusable, Daguesseau répondait ceci : tous les magistrats doivent savoir qu'ils sont établis pour rendre justice, et qu'il
n'appartient qu'au roi de faire grâce... ».
Pour que l’article 48 du code pénal soit applicable, il faut que les coups portés ou les
blessures faites volontairement provoquent la mort de la victime personne humaine. Peu importe le
temps écoulé entre la perpétration de l’acte incriminé et la mort, la loi n’ayant pas fixé de délai. Il
suffit qu’il y ait un lien de causalité entre l’acte matériel et la mort de la victime190.
L’infraction suppose une relation de cause à effet entre les coups portés ou les blessures
faites volontairement et la mort de la victime. Il en est ainsi évidemment si les coups sont mortels en
eux-mêmes.
Il en est ainsi aussi si la victime est décédée plus tard à la suite des blessures du crâne
causées par des instruments tranchants et contondants191.
L’article 48 du code pénal dispose que lorsque les coups portés ou les blessures faites
volontairement mais sans intention de donner la mort l’ont pourtant causée, le coupable sera puni…
Il doit s’agir d’un acte positif et matériel (et non d’une omission ou abstention) consistant en
des coups ou des blessures.
Le coup s’entend ici de tout heurt ou choc que l’agent inflige à sa victime. Tandis que la
blessure est toute lésion externe ou interne produite sur le corps humain.
Peu importe le moyen ou l’instrument utilisé. L’agent peut avoir frappé la victime soit de la
main soit par un coup de bâton (jeter quelqu’un à l’eau) ou blessé la victime par un instrument
quelconque qui peut être perçant, tranchant ou contondant192. Peu importe la gravité du choc. C’est
ainsi que de simples violences peuvent être retenues pour constituer l’infraction. Tel est le cas du mari
qui pousse et fait tomber son épouse dans un mouvement de colère entraînant ainsi la mort de celle-ci.
Il a été également jugé que tombe sous le coup de la loi celui qui jette une personne à l’eau ou la laisse
tomber du haut d’un pont, s’il en résulte pour la victime un choc nerveux qui provoque la mort.
Peu importe enfin l’importance de la blessure. C’est ainsi que l’on retiendra l’homicide
préterintentionnel lorsque la victime des blessures meurt du tétanos directement provoqué par celles-ci
même si elles étaient incapables en elles-mêmes d’entraîner la mort.
190.
Kis. 28 juillet 1970, R.J.C. 1970, p. 278 ; Kin. 8 février 1968, R.J.C. 1968, p. 260.
191.
Kis. 28 juillet 1970, R.J.C. 1970, p. 278.
192.
Kis. 28 juillet 1970, in R.J.C., 1970, p. 278.
B. Élément moral
L’agent doit avoir agi avec une intention de nuire à la victime de son acte de violence. Il ne
doit pas avoir agi avec une intention homicide. C’est que l’intention de l’agent doit avoir porté sur
l’acte mais non sur la mort qui en a été la conséquence. Dès lors, il importe peu que l’auteur ait prévu
ou non cette conséquence, qu’il l’ait voulu ou non, ou même qu’il n’ait pas pu la prévoir193.
Peu importe également que l’auteur des coups mortels ait su ou pu savoir que les coups
auraient pour résultat la mort de la victime. Mais il ne doit pas avoir cherché ou visé la mort de la
victime. Peu importe enfin le mobile. La mort peut résulter d’une bagarre ayant engagé plusieurs
antagonistes dont la victime elle-même194.
De la participation criminelle. Lorsque plusieurs personnes ont porté à une autre des coups
qui ont entraîné sa mort, sans que ce résultat ait été visé, l’absence de concert préalable entre elles ne
fait pas obstacle à l’application de l’article 48. Il s’agit d’une circonstance aggravante qui s’applique à
tous les coauteurs sans chercher à déterminer celui qui a porté le coup fatal ayant causé la mort ou s’ils
se sont ou non concertés au préalable195. On parle alors de circonstance aggravante réelle196.
Pénalités. L’homicide préterintentionnel est puni d’une servitude pénale de cinq ans à vingt
ans et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays ne pourra excéder
l'équivalent de 2000 francs. Par ailleurs, les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort d'un
enfant sans intention de la donner197 sont punis de cinq à vingt ans de servitude pénale principale et
d'une amende de cinq cents mille à un million de francs congolais. Aussi, admet-on que lorsque la
mutilation sexuelle198 pratiquée sur un mineur de dix-huit ans entraîne la mort de l’enfant victime sans
intention de la donner, l'auteur subira 10 à 20 ans de servitude pénale principale. Enfin, si
l’expérimentation médicale entraîne la mort de l’enfant 199, l’auteur est passible de la servitude
pénale à perpétuité.
Les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle de l’être humain peuvent se réaliser soit
volontairement, comme nous venons d’examiner ci-dessus, soit involontairement, c’est-à-dire sans
intention d’attenter à la personne d’autrui. Elles entrainent pour conséquence d’une part la mort et
d’autre part des simples lésions corporelles d’autrui.
Les articles 53 à 56 du code pénal précisent les éléments spéciaux à chacune de ces
incriminations.
193.
Kin 15 février 1968, R.J.C., 1968, p. 261.
194.
Kis 28 juillet 1970, in R.J.C., 1970, p. 278.
195. ère
1 Inst Kas. 9 août 1950, R.J.C.B., 1951, p. 23 ; Kin. 8 février 1968, R.J.C. 1968, p. 261.
196.
TSHILENGI-wa-KABAMBA, Cours de Droit Pénal Général, IIième graduat droit, Unikin, 2006/2007.
197.
Article 150 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
198.
Article 153 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
199.
Article 154 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant
L’atteinte involontaire à la vie est qualifiée homicide involontaire. L’article 52 du code pénal
considère involontaire, l’acte homicide de celui qui aura causé la mort par défaut de prévoyance ou de
précaution, mais sans intention d’attenter à la personne d’autrui.
L’article 53 du code pénal punit l’auteur de l’atteinte involontaire à la vie en ces termes :
« Quiconque aura involontairement causé la mort d'une personne sera puni d’une servitude pénale de
trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante à mille francs ».
Cette infraction comporte des composantes (§1) et connait une pénalité (§2).
Cette infraction portant atteinte involontairement à la vie comporte d’une part des conditions
préalables (A) et d’autre part, des éléments constitutifs (B) qu’il convient d’examiner.
La mort de la victime constitue le résultat de l’acte posé par l’agent. Elle conditionne
l’application de la loi. C’est qu’en effet, pour que l’article 53 du code pénal soit applicable, il faut que
les coups portés ou les blessures faites involontairement provoquent la mort de la victime personne
humaine. Peu importe le temps écoulé entre la perpétration de l’acte incriminé et la mort, la loi n’ayant
pas fixé de délai. Il suffit qu’il y ait un lien de causalité entre l’acte matériel et la mort de la victime200.
Le lien de causalité entre la faute commise et le dommage subi. Il doit y avoir une
relation de cause à effet entre la faute commise et le mal réalisé, c-à-d le dommage subi par la victime.
200.
Kis. 28 juillet 1970, R.J.C. 1970, p.278 ; 23 mai 1941, R.J.C., p.187 ; Kin. 8 février 1968, R.J.C. 1968, p. 260.
Est caractéristique d’une faute ayant causé un dommage justifiant une condamnation pénale,
le fait pour un guérisseur de donner ou d’indiquer à un malade, dans le but de le guérir, une plante
vénéneuse ayant provoqué la mort de la victime201.
La jurisprudence est abondante en cette matière. Likulia renseigne qu’une faute pénale a été
retenue dans :
- l’excès de vitesse202 ; la vente de viande avariée203 ; la conduite d’un véhicule défectueux204 ;
- le fait pour un infirmier de garde de négliger d’aviser le médecin de service que la température
d’un malade dépasse 38° degré celsius, négligence ayant entraîné la mort du patient205 ;
- le fait de rouler sur la gauche avec excès de vitesse206 ;
- le fait pour un féticheur d’employer comme remède, dans le but de guérir un malade, une
substance vénéneuse ayant causé la mort du malade207 ;
- le dépassement dangereux d’un véhicule en stationnement ayant provoqué un accident mortel208 ;
- le fait pour une mère de laisser entre les mains d’un tout jeune enfant un instrument tranchant,
perçant ou contondant ;
- le fait de causer la mort, en se livrant à une chasse dans les plantations d’un village habité209 ;
- le fait de causer la mort à une personne, en lançant une flèche ou une lance sur un objectif que l’on
aperçoit confusément, croyant qu’il s’agit d’un gibier.
Il a été admis qu’il y a un lien de causalité entraînant la responsabilité pénale de l’agent, dans
le fait pour un conducteur d’accepter sur un véhicule non aménagé pour le transport des passagers, des
personnes auxquelles ce mode de transport est étranger sans veiller à ce qu’elles prennent les
précautions indispensables210.
Il a été également jugé que l’omission, après arrêt prolongé de son véhicule dans une cour
d’usine, de vérifier au démarrage s’il n’y a aucun obstacle à l’arrière, constitue un acte d’imprudence
punissable nonobstant le fait totalement inadmissible de la mère de la victime (bébé d’un an)
mortellement atteinte, de ne pas la surveiller211.
Le mot involontaire utilisé par la loi a permis à la jurisprudence et à la doctrine d’aller plus
loin dans leur interprétation. C’est ainsi qu’elles estiment qu’il n’est pas nécessaire que la faute soit la
cause unique, exclusive, directe et immédiate de la mort ou des lésions corporelles pour que
l’incrimination soit coupablement établie et pénalement imputable à son auteur.
201.
Boma 12 août 1902, Jur. Et., T.I., p. 206.
202.
Trib. Distr. Mbuji-Mayi 20 avril 1971, in R.T.Z. 1977, p.89, et 11 mai 1971, in R.J.Z., 1977, p.90 ; Trib. 1ère Inst. Mbuji-
Mayi (App.) 17 août 1974, in R.J.Z. 1977, p.98 ; Trib. Sous-région Mbuji-Mayi 20 octobre 1973, in R.J.Z. 1977, p. 96.
203.
Résid. Ruanda 20 avril 1954 ; J.T.O. 1955, p.27 avec note.
204.
Distr. Mbuji-Mayi 16 avril 1971, R.J.Z. 1976, p. 69.
205.
Distr. Tanganyika 26 janvier 1938, Rev. Jur., p. 222.
206.
C.S.J. 6 avril 1978, in R.J.Z. 1979, p. 38.
207.
Boma 12 août 1902, Jur. Etat, T. I., p. 208.
208. ère
1 Inst. Bas-Zaïre 30 juillet 1976, R.J.Z. 1978, p. 115.
209.
Boma 11 avril 1905, Jur. Etat, II, p. 28.
210.
Distr. Maniema, 24 mars 1949, Rev. Jur., p. 220.
211. ère
1 Inst. L’shi 13 avril 1967, R.J.C. 1969, p. 216.
1° Qu’il y ait ou non des fautes multiples imputables à plusieurs personnes. L’homicide par
imprudence et les coups et blessures involontaires ont souvent pour cause, non pas la faute d’une seule
personne, mais des fautes multiples commises par plusieurs personnes. La responsabilité pénale de
chacune d’elles doit être engagée. Car on estime que l’imprudence ou la négligence de l’une ne saurait
justifier l’imprudence ou la négligence de l’autre212. L’exemple classique est celui d’un autobus ou
taxi-bus qui s’écrase contre un poteau électrique ou un immeuble et dont la carrosserie en mauvais état
s’effondre sur les voyageurs en les blessant grièvement.
Dans ce cas, on retiendra non seulement la faute du conducteur qui n’a pas su diriger son
véhicule mais aussi celle du responsable du service de transports ou du propriétaire qui a commis la
faute plus grave encore de maintenir en service un charroi dont il n’ignorait pas le mauvais état213.
2° Qu’il s’agisse ou non d’une cause étrangère. C’est ainsi qu’il y a lieu de retenir
également la responsabilité pénale de l’agent lorsque la cause étrangère n’est pas exclusive du
dommage corporel subi par la victime, quels que soient d’ailleurs la faute personnelle de celle-ci214 et
même sa prédisposition et son état de santé avant la production de l’accident215.
Ainsi tombe sous le coup de la loi un médecin qui néglige de soigner un malade sur le point
de mourir, attitude ayant hâté ou accéléré la réalisation du dommage à savoir la mort de la victime. Il
en sera ainsi même s’il établi que la mort était prochaine et certaine.
3° Que la cause soit directe ou indirecte216. C’est ainsi qu’il n’est pas nécessaire que la faute
de l’agent soit la cause du dommage corporel.
Ainsi sera coupablement établi le comportement de l’agent qui, par négligence, laisse à la
portée d’un enfant mineur un instrument tranchant à l’aide duquel, il blesse, en jouant, un autre enfant.
212.
Léo, 8 novembre 1951, R.J.C.B. 1952, p. 56.
213.
Distr. Mbuji-Mayi 16 avril 1971, in R.J.Z. 1976, p. 169.
214.
Trib. Distr. Mbuji-Mayi 25 janvier 1974, in R.J.Z. 1977, p. 83 ; Trib. 1ère Inst. L’shi 13 avril 1967, R.J.C. 1969, p. 216.
215.
Léo. 23 février 1928, 23 mai 1941, 20 mai 1934 précités.
216.
Elis. 12 octobre 1937, Rev. Jur. 1938, p. 14.
217.
Trib. Distr. Mbuji-Mayi 25 janvier 1974, in R.J.Z. 1977, p. 83.
218
. Elis. 12 octobre 1937, Rev. Jur. 1938, p. 44.
C’est en vertu de ce même principe que la jurisprudence estime également que le fait de
l’animal ou de la chose peut engager la responsabilité pénale de la personne coupable d’une faute219.
L’exemple classique est celui d’une personne qui laisse divaguer son chien, lequel mord un
passant220 ou celui d’un médecin qui laisse un produit toxique sans l’enfermer dans une armoire221 ;
négligence ayant provoqué un accident dommageable.
La jurisprudence est allée encore plus loin dans ce domaine en retenant l’infraction pour le
seul fait de posséder un animal que l’on sait être d’un naturel malfaisant222.
L’infraction ne peut donc pas être retenue, pour défaut de lien de causalité, lorsque la victime
d’une intoxication provoquée par suite de l’erreur commise par un médecin meurt pour avoir refusé
obstinément de subir un traitement qui lui était immédiatement prescrit.
La faute ne sera pas non plus retenue contre le conducteur d’un autobus transportant des
voyageurs dont l’un d’eux se blesse en sautant du véhicule en marche avant d’atteindre un point
d’arrêt.
Il est évident que la force majeure résultant d’un événement imprévisible et irrésistible
permet d’exonérer l’agent de sa responsabilité pénale.
A été également acquitté le conducteur d’un véhicule ayant causé un homicide et dont l’état
défectueux était ignoré à l’agent. C’est ce qui ressort d'un jugement225 qui avait décidé qu’en l’absence
de tout vice apparent et manifestement constaté avant l’accident aucun défaut de prévoyance ou de
précaution ne peut être reproché au prévenu, et l’accident survenu ne peut être attribué qu’à un
concours fatal de circonstances, constitutif du cas fortuit.
Mais ne constitue pas un événement imprévisible la présence sur la route de la victime (une
fille mineure) que le conducteur du véhicule a pu apercevoir à une distance de 60 mètres et qu’il aurait
pu, dès lors, éviter s’il avait pris les précautions nécessaires226.
Après avoir parcouru les conditions préalables de l’homicide par imprudence, il convient de
traiter de ces éléments constitutifs.
219.
Elis. 7 avril 1936, Rev. Jur., p. 145.
220.
Idem.
221.
Ibidem, 1936, p. 89
222.
Elis. 7 avril 1936, R.J.C.B., p. 145.
223.
C.A. Léo. 6 mars 1958, R.J.C.B. 1959, p. 267.
224. ère
1 Inst. L’shi 13 février 1967, R.J.C. 1969, p. 211.
225.
Tribunal de district de Mbuji-Mayi, 1er septembre 1971, R.J.Z. 1977, p. 93
226.
Kin. 21 avril 1970, R.J.C. 1970, p. 257.
B. Éléments constitutifs
Ce fait matériel peut consister soit en un acte positif tel que des coups227, soit en un acte
négatif tel que l’abstention, l’omission, la négligence ou le défaut de prévoyance228. Mais la loi exige
dans ce cas précis qu’une personne ait été effectivement tuée. C’est-à-dire que le mal doit avoir été
réellement causé. On tient ainsi compte du résultat qui consiste en la mort de la victime. C’est ainsi
qu’on estime que l’auteur de la faute, même la plus grave, la plus évidente et la mieux établie ne sera
poursuivie et réprimé que si celle-ci a produit le résultat matériel prévu par la loi, à savoir la mort de la
victime. A partir du moment où la faute est prouvée et que la mort s’est produite, l’agent doit être
sanctionné sans qu’il y ait lieu de faire la distinction selon la gravité de la faute. Tel est le principe
applicable en cette matière. Il importe donc de préciser cet élément fondamental qu’est la faute.
Pour que l’infraction soit retenue, l’agent doit avoir commis une faute. Et il n’est pas exigé
que cette faute soit intentionnelle, c’est-à-dire il n’est pas requis que l’agent ait voulu ou prévu le
résultat ni même le fait générateur de celui-ci. Une faute même légère peut caractériser cette
qualification229.
a. Définition de la faute
La faute pénale peut être définie comme une erreur de conduite qui permet d’imputer à un
agent une conséquence dommageable d’un fait qu’il n’a pas voulu provoquer. Autrement dit, le fait de
l’agent n’est pas le résultat d’une volonté positive mais plutôt d’une faute psychologique, intellectuelle
ou, mieux encore, d’une inertie de la volonté. Il y a donc absence de la volonté.
227.
1ère Inst. Stan. 27 juillet 1964, R.J.C. 1966, p. 46.
228.
Distr. Congo Ubangi 10 novembre 1953, R.J.C.B. 1954, p. 113.
229.
Elis. 21 mai 1914 et 10 décembre 1940, Jur. Col. 1925, p.91 ; R.J.C.B. 1941, p. 22.
S’il faut savoir laquelle de ces deux fautes est la plus moralement blâmable ? Il suffira de
reconnaître que la question peut se discuter, sur plusieurs terrains d'ailleurs ; mais pour nous pénalistes
cependant, la répression sera largement fonction du résultat provoqué. L'une des difficultés en la
matière, mais qui n'est pas la moindre, c'est que dans ces types d’infraction, généralement l'acte et
l'état d'esprit ou l'élément moral se confondent.
Mais, si ce raisonnement peut sembler a priori logique, il n'en est pas moins très critiquable
parce qu'il permet de retenir n'importe quelle faute, de la plus grave à la plus légère. Et pourtant, que le
droit civil tienne compte d'une faute très légère, cela n'est pas gênant puisqu’il est tourné vers la
réparation ; ce qui permet de mieux indemniser les victimes. Mais que le droit pénal, tourné vers la
répression, sanctionne la culpa levissima, cela nous parait bien plus contestable en ces jours.
Il résulte des articles 258, 259 et suivants de notre code civil que chacun est responsable du
dommage qu’il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son
imprudence. Cette théorie de l’unité des fautes civile et pénale, qui est également admise en droit
belge sans discussion (Legros, n°201), a été pendant longtemps controversée en France, et la
jurisprudence s’était prononcée d’abord en faveur de la différence de nature de ces deux fautes, de
sorte que le juge pénal et le juge civil avaient chacun ses critères et pouvaient statuer différemment sur
la même faute, appréciée successivement sous l’aspect criminaliste et sous l’optique civiliste230.
Alors que depuis le 18 décembre 1912, la Cour de cassation française, dans un arrêt célèbre
et historique, avait proclamé l’identité absolue de la faute pénale et de la faute civile231, il est arrivé par
la suite que ce choix soit changé par le législateur.
En effet, le système de l’identité absolue de la faute pénale et de la faute civile a été très
critiqué en France. Dans la mesure où, selon certains auteurs, il aboutissait à dénaturer le procès pénal
car le juge, pour accorder une indemnité, retenait une « poussière de faute » : le procès pénal devenait
donc un instrument au service des intérêts de la victime, ce qui n'est pas dans son essence.
C'est pourquoi la reforme française du 10 juillet 2000 a dépénalisé en partie la faute pénale
(par le biais du lien indirect entre faute et dommage et par le biais de la faute qualifiée) et inséré au
sein du code de procédure pénale un nouvel article 4-1 ainsi écrit : « l'absence de faute pénale non
intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action
devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article
1383 du Code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie, ou en application
de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet
article est établie ». 232
Le législateur français a en effet établi, dans le code pénal233 (pour les personnes physiques),
une nouvelle échelle de fautes pénales, pour ne tenir compte que des plus graves :
230
. Roger MERLE et André VITU, « Traité de droit criminel », p. 453.
231.
S. 1914. I.249, note Morel.
232.
Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN, Droit pénal spécial. Droit commun-droit des affaires, op.cit., p. 102
233.
Article 121-3 alinéa 3 et 4 du Code pénal français
- La faute délibérée : elle se situe entre la simple inattention et l'intention. Le manquement à une
obligation précise imposée par la loi ou le règlement est voulu, " manifestement délibéré " et les
risques sont connus. S'il s'agit en quelque sorte d'un pari sur l'avenir, le résultat quant à lui n'est
pas recherché. Il en est ainsi du gouverneur qui est averti de l'existence d'un danger par une
autorité ou par un usager, mais qui reste inactif jusqu’à ce que dommage survienne.
Cette faute d'imprudence qualifiée correspond à un dol éventuel. A défaut de pouvoir établir un
manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité et de prudence, les juges devront
rechercher si la faute caractérisée peut être retenue234.
- La faute caractérisée : elle se différencie de la précédente par deux éléments : elle n'existe pas
sans la violation préalable d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence mais
nécessite la preuve de la conscience du risque d'une particulière gravité rendant le dommage
prévisible235.
- Commet une faute caractérisée le dirigeant de société, « professionnel de la sécurité », qui limite le
nombre d'agents de protection de personnes participants à une soirée, n'accomplissant pas ainsi les
diligences normales qui s'imposaient236. Il en va de même pour un dirigeant qui ne choisit pas
l'équipement de protection le plus approprié pour ses salariés, ayant par ailleurs conscience de
l'importance du risque à la suite d'un accident mortel survenu trois mois auparavant237.
- Commet une faute caractérisée le garagiste qui prête un véhicule aux pneumatiques très usagés et
dont il connaît les graves dangers d'utilisation en raison de sa profession238.
- Commet une faute caractérisée le maire qui, en s'abstenant de vérifier le respect des règles de
sécurité, n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient239. Il en va de même du
maire qui, après un premier accident, ne prend pas les mesures de signalisation indispensables à la
sécurité des baigneurs240. Il convient de voir sur ce point en particulier, les critères retenus par la
cour d'appel de Lyon dans l'affaire du Drac241. La cour d'appel analyse la faute caractérisée comme
un manquement caractérisé à des obligations professionnelles essentielles ou comme
l'accumulation d'imprudences ou de négligences successives témoignant d'une impéritie prolongée.
234.
Voir en ce sens, Cass.crim. 4 octobre 2005, Droit pénal, 2006, n°2 obs. VERON
235.
Lire avec intérêt A. PONSEILLE,"La faute caractérisée en droit pénal", RSC.2003, note p.19 ; Yves MAYAUD, "La
faute caractérisée, relève, et non doublon, de la faute délibérée", RSC.2002, note p. 585.
236.
Cass.crim.11 décembre 2007, Dr.pén.2008, n°43.
237.
Cass.crim.31 août 2011, Dr.pén.2011, n°147 obs. Véron
238.
Cass.crim.4 février 2003, Dr.pén.2003, n°71, obs.Véron
239.
Cass.crim.11 juin 2003, Dr.pén.2003, n°120 obs.Véron
240.
Cass.crim.22 janvier 2008, Dr.pén.2008, n°43, 2ème espèce
241.
Lyon, 28 juin 2001, RSC.2001, 804, obs.Mayaud. L’affaire du Drac se résume comme suit : En décembre 1995, 22 élèves
visitent avec leur institutrice et une accompagnatrice du service de la mairie, le lit du Drac pour observer l'habitat des castors.
Ce lieu a la particularité de se situer au-dessous d'un barrage hydroélectrique. Alors qu'ils rebroussaient chemin, les eaux sont
brusquement montées, six enfants et l'accompagnatrice se sont noyés. De par la loi, l’institutrice, la directrice de l'école ne
peuvent être qualifiées d'auteurs directs, car le dommage est directement causé par le personnel d'EDF (société française
d’électricité), aussi se posait la question de savoir si une faute caractérisée pouvait leur être reprochée.
- Commet une faute caractérisée le chirurgien qui n’a pas appliqué « le standard minimal des soins
appropriés » exposant la victime à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer242.
- Commet également une faute caractérisée, le médecin d'un Centre Hospitalier Universitaire qui
s'est fondé sur les dires d'un jeune interne inexpérimenté, plutôt que sur le diagnostic d'un confrère
urgentiste, et "n'a pas pris les mesures permettant d'éviter" le décès de la victime243.
Jusqu’à présent, en droit congolais, il importe peu que la responsabilité de l’agent soit une
responsabilité contractuelle résultant du code civil telle que celle du médecin, du guérisseur, de
l’entrepreneur ou de l'architecte. Ainsi, la responsabilité pénale de l’entrepreneur dont les ouvriers
n’ont pas effectué un travail conforme aux devis sera également retenue si leur agissement entraîne un
dommage corporel.
D’une manière générale, il y a lieu de retenir toutes les fautes que l’agent pouvait éviter avec
plus de prévoyance, d’attention, de soins, d'habileté et de diligence. A cet égard, la jurisprudence
désigne indifféremment cette faute par les termes : inattention, négligence, imprudence247. La
maladresse qui est également constitutive de la faute non intentionnelle est comprise d’une manière un
peu plus différente que les autres expressions. Il est évident que l’inobservation des règlements de
police permet de constituer cet élément caractéristique.
242.
Cass. crim.23 février 2010, Dr. pén.2010, n°58 obs. VERON
243.
Cass. crim.8 février 2011, Dr. pén.2011, n°61 obs. VERON.
244. Trib. Sous-région de Mbuji-Mayi, 25 janvier 1974, in R.J.Z. 1977, p. 83.
245.
Elis. 21 mai 1914 et 10 décembre 1940, Jur. Col. 1925, p.91 ; R.J.C.B. 1941, p. 22.
246. ère
1 Inst. Eq. 18 mai 1955, R.J.C.B. 1956, p. 43.
247.
Elis. 7 avril 1936 et 12 octobre 1937, R.J.C.B. 1938, pp. 39 et 44.
En ce qui concerne l’omission de surveillance, il a été décidé qu’on ne peut retenir cet
élément infractionnel que si le prévenu avait une obligation positive de surveillance250. Tel est le fait
d’un médecin en cas d’hémorragie causée par l’abandon ou le défaut de surveillance du malade 251 ou
d’une mère en cas de la noyade de son enfant.
C’est le cas pour un médecin de prescrire par inattention à un malade un produit toxique qui
provoque sa mort. Constitue également une faute d’inattention :
- le fait, pour un infirmier, d’administrer un autre médicament que celui prescrit par le médecin,
erreur ayant entraîné la mort de la victime ;
- le fait, pour un pharmacien, de remettre à quelqu’un un produit autre que celui qui figure sur
l’ordonnance du médecin, erreur ayant provoqué la mort du patient ;
- le fait, pour un aide-infirmier, d’administrer de l’ammoniaque pur au lieu d’une liqueur
ammoniacale, erreur ayant provoqué la mort du patient252.
248.
Distr. Congo-Ubangi 10 novembre 1953, R.J.C.B. 1954, p. 113.
249.
1ère Inst. 15 avril 1940, Rev. Jur., 1950, p. 143.
250.
C.S.J. 23 juin 1972 ; R.J.Z. 1973, p. 43.
251.
Elis. 19 avril 1949, R.J.C.B., p. 131.
252. ère
1 Inst. Kas. 10 avril 1954, R.J.C.B. 1955, p.128.
253
. Trib. Distr. Mbuji-Mayi 11 mai 1971, in R.J.Z., p. 90.
254
. 1ère Inst. Coq. (App.) 19 janvier 1956, R.J.C.B. 1956, p. 379.
5° L’inobservation des règlements de police constitue aussi une faute au sens de l’article 52,
même si elle n’est pas pénalement réprimée en elle-même si elle ne résulte pas de l’inattention,
maladresse ou imprudence. Par règlement il faut entendre toute loi, toute ordonnance-loi, toute
ordonnance, tout décret, ou tout arrêté réglementaire. Et même le règlement qui n’oblige que certaines
personnes déterminées telles que le médecin. C’est la violation des prescriptions du code de la route
qui constitue le cas le plus fréquent de l’inobservation des règlements. Il en est ainsi de celui qui tue
ou blesse une personne par excès de vitesse255 ou de celui qui stationne dans un endroit interdit, défaut
de prévoyance ayant provoqué un accident dommageable.
Après avoir examiné les composantes de l’homicide par imprudence, voyons maintenant son
régime répressif.
Aux termes de l’article 53 du code pénal, quiconque aura involontairement causé la mort
d'une personne sera puni d'une servitude pénale de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante
à mille francs.
En dehors de la règle qui est posée à l’article 52 du code pénal, le législateur organise leur
répression aux articles 54, 55 et 56 du code pénal
255.
Trib. Distr. Mbuji-Mayi 20 avril 1971, in R.J.Z. 1977, p. 89 ; Trib. Distr. Mbuji-Mayi, 11 mai 1971, in R.J.Z. 1977, p. 90.
256.
Distr. Mbuji-Mayi 1er Septembre 1971, in R.J.Z. 1977, p. 93.
Sera tenu coupable de lésions corporelles involontaires, celui qui aura porté des coups ou
causé des blessures par défaut de prévoyance ou de précaution, mais sans intention d’attenter à
l’intégrité corporelle d’autrui (article Article 52 du code pénal).
L’article 54 du code pénal précise en ce qui concerne la sanction applicable que : s’il n'est
résulté du défaut de prévoyance ou de précaution que des coups ou des blessures, le coupable sera puni
d'une servitude pénale de huit jours à un an et d'une amende de cinquante à cinq cents francs, ou d'une
de ces peines seulement.
On comprend dès lors que cette infraction comporte des composantes (A) et connait une
pénalité (B).
Cette infraction comporte d’une part des conditions préalables (1) et d’autre part, des
éléments constitutifs (2) qu’il convient d’examiner.
Le lien de causalité entre la faute commise et le dommage subi. Il doit y avoir une
relation de cause à effet entre la faute commise et les lésions causées à la victime.
2. Éléments constitutifs
a. Un fait matériel
Ce fait matériel doit consister en un acte positif tel que des coups257. Mais, la loi exige dans
ce cas précis qu’une personne ait été effectivement frappée ou blessée. C’est-à-dire que le mal doit
avoir été réellement causé. On tient ainsi compte du résultat qui consiste non pas à la mort de la
victime mais aux lésions causées à autrui.
C’est ainsi qu’on estime que l’auteur de la faute, même la plus grave, la plus évidente et la
mieux établie ne sera poursuivie et réprimé que si celle-ci a produit le résultat matériel prévu par la loi,
à savoir dans ce cas la lésion ou la blessure de la victime.
Pour que l’infraction de coups et blessures de l’article 54 du code pénal soit retenue, l’agent
doit avoir commis une faute. Et il n’est pas exigé que cette faute soit intentionnelle, c’est-à-dire il n’est
pas requis que l’agent ait voulu ou prévu le résultat ni même le fait générateur de celui-ci. Une faute
même légère peut caractériser cette qualification258.
B. Pénalité et illustrations
La victime a également la possibilité d’initier une action en réparation du dommage subi, soit
devant la juridiction siégeant en matière pénale, soit devant la juridiction siégeant en matière civile.
- Dans le cadre de l’art de guérir, il a été jugé qu’un chirurgien qui oublie dans une
plaie une compresse, laquelle provoque une suppuration retardant ainsi la guérison,
commet une blessure par imprudence. Il en est de même du médecin qui a mis en
danger la vie d’un malade par suite d’abandon ou de défaut de surveillance du
malade261.
257.
1ère Inst. Stan. 27 juillet 1964, R.J.C. 1966, p.46.
258.
Elis. 21 mai 1914 et 10 décembre 1940, Jur. Col. 1925, p.91 ; R.J.C.B. 1941, p. 22.
259.
Idem.
260.
Mineur, p. 145.
261.
Elis. 19 avril 1949, R.J.C.B., p. 131.
- En Belgique, il a été décidé de poursuivre un mari qui ne veille pas, alors qu’il est
averti de la situation, à procurer en temps opportun à son épouse sur le point
d’accoucher, le secours médical qu’exige son état262.
- Le seul fait de posséder un animal que l’on sait être d’un naturel malfaisant est
caractéristique d’une imprudence susceptible de provoquer la responsabilité pénale
de son maître, en cas de morsure264.
L’article 55 du code pénal prévoit ce qui suit : Sera puni des mêmes peines ou de l'une d'elles
seulement celui qui aura involontairement causé à autrui une maladie ou une incapacité de travail
personnel en lui administrant des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement
la santé.
Comme celles étudiées précédemment, cette infraction comporte des composantes mais
également un régime de la sanction pénale, qu’il convient de traiter.
Il existe d’un côté les conditions préalables et de l’autre les éléments strictement constitutifs.
Il suffira, pour les deux autres conditions (la première et la troisième), de se reporter aux
mêmes notions examinées dans le cadre de l’étude de l’infraction des coups et blessures involontaires
ci-dessus.
a. Un acte matériel
Il ressort de l’analyse de cet article que le fait incriminé c’est l’administration des substances
qui sont de nature à donner la mort ou altérer gravement la santé.
Cet acte matériel d’administration se réalise soit par le fait de faire manger, de faire boire, de
faire avaler, de faire inhaler, ou de piquer…etc., un produit (ou une substance voire une matière) à
autrui.
Les termes « substances de nature à altérer gravement la santé » visent non seulement les
substances qui ont toujours cet effet nocif, quel que soit leur état de conservation, mais aussi celles
qui, gâtées ou corrompues, sont devenues nocives.
b. La faute de l’agent
L’agent doit avoir commis une faute en agissant. C’est qu’il ne doit pas avoir agi avec
conscience et volonté. Il ne doit avoir voulu ni l’acte ni le résultat. L’imprudence de l’agent ou son
défaut de précaution s’apprécie sur le plan de l’acte d’administration mais aussi au niveau de la nature
ou de la quantité des substances à administrer.
B. Le régime répressif
L’auteur ne subira donc qu’une servitude pénale de huit jours à un an et/ou une amende dont
le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de cinquante à cinq cents
francs.
Il a été jugé que « si l’administration des substances nocives n’a causé qu’une légère
intoxication momentanée qui ne peut être considérée comme une maladie, l’article 55 ne s’applique
pas267 ». L’auteur de cette infraction sera également condamné à réparer civilement le préjudice qu’il a
causé à la victime.
267. 1ère Inst. Léo. 15 avril 1940, Belg. Col. 1950, p.104.
L’article 56 du code pénal prévoit ce qui suit : Sont punissables au maximum d'une servitude
pénale de deux jours ou d'une amende de vingt-cinq francs ceux qui, imprudemment, auront jeté sur
une personne une chose quelconque pouvant l'incommoder ou la souiller. Cette infraction s’apparente
à celle de l’article 51 in fine du Code Pénal qui s’en distingue par l’élément intentionnel de l’agent au
moment de la commission de l’infraction. Celle-ci se réalise par imprudence, par inattention, par
maladresse, par erreur ou tout simplement involontairement tandis que celle-là volontairement.
Comme celles étudiées précédemment, cette infraction comporte des composantes mais
également un régime de la sanction pénale, qu’il convient de traiter.
Il existe d’un côté les conditions préalables et de l’autre les éléments strictement constitutifs.
L’existence de l’infraction de l’article 56 du Code Pénal est soumise aux trois conditions
suivantes : la personnalité humaine de la victime ; le dommage causé à la victime : il s’agit
particulièrement ici de la possibilité pour la victime d’être incommodée ou souillée ; et lien de
causalité.
Il suffira, pour les deux autres conditions (la première et la troisième), de se reporter aux
mêmes notions examinées dans le cadre de l’étude de l’infraction de l’article 61 du code pénal et pour
la deuxième à l’analyse des infractions involontaires.
a. Un acte matériel
Il ressort de l’analyse de cet article que le fait incriminé c’est le jet c’est-à-dire le fait de
jeter.
Cet acte matériel de jet peut se réaliser soit par projection, soit par arrosage, soit par
lancement, soit par versement, soit par émission…etc., d’une chose sur un être humain.
La nature de la chose importe peu. Il peut ainsi s’agir d’un liquide, de la poussière, des
ordures (solide)…etc. Il n’est pas nécessaire que la chose jetée soit malpropre, salissante, malodorante
ou puante. Il convient et il suffit qu’elle soit susceptible d’incommoder ou de souiller une personne
humaine, en lui causant de la gêne ou du malaise.
Peu importe le lieu de la commission de cette infraction. En effet, celui-ci peut être public ou
privé. Elle sera retenue si elle a été commise sur la voie publique ou même dans une habitation. On
retiendra l’infraction de l’article 56 du Code Pénal contre celui qui, imprudemment, aura jeté par à
travers la fenêtre, le contenu d’un verre d’eau, du sable ou toute autre matière, sans s’assurer au
préalable qu’elle n’atteindra personne.
Enfin, il importe peu qu’il y ait eu ou non concours d’autres circonstances. C’est ainsi que la
responsabilité pénale de l’automobiliste qui éclabousse une personne sera également retenue, même
s’il est établi qu’il pleuvait abondamment au moment des faits.
b. La faute de l’agent
L’agent doit avoir agi par faute. Il ne doit avoir voulu ni l’acte ni le résultat. L’imprudence de
l’agent ou son défaut de précaution s’apprécie sur le plan de l’acte d’administration mais aussi au
niveau de la nature ou de la quantité des substances à administrer.
B. Le régime répressif
L’auteur subira au maximum une peine de servitude pénale de deux jours ou une amende
dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de vingt-cinq francs.
La victime de cette infraction peut obtenir la réparation civile du préjudice subi soit devant le
tribunal répressif, soit devant le juge civil. Mais cette action civile sera déclarée irrecevable devant la
cour de cassation siégeant en matières répressives
Ainsi qu’il a été précédemment soutenu, la personne humaine voulue sacrée de par la
Constitution à l’article 16, ne doit impunément subir des actes superstitieux si elle est vivante, ni des
pratiques barbares, en l’occurrence la mutilation de cadavre humain et l’anthropophagie se rapportant
à la consommation de la chaire de l’être humain vivant ou décédé.
Traitons d’abord des épreuves superstitieuses, avant d’étudier les différentex pratiques
barbares.
Par épreuve superstitieuse, il faut entendre tout acte consistant à soumettre une personne, de
gré ou de force, à un mal physique réel ou supposé, en vue de déduire des effets produits,
l'imputabilité d'un acte ou d'un événement ou toute autre conclusion.
Les articles 57 à 60 du code pénal distinguent les épreuves superstitieuses simples des
épreuves superstitieuses accompagnées de circonstances aggravantes. Ils posent également des règles
particulières de la participation criminelle en matière de ces infractions. De l’analyse de ces différentes
dispositions, l'on observe que ces incriminations comportent, outre les conditions qui les caractérisent,
les éléments qui leur sont communs.
Docteur Bienvenu WANE BAMEME, Professeur Associé. 119 | P a g e
Cours de Droit Pénal Spécial 2015
Ainsi nous examinerons, d’une part, les composantes de l’infraction et, d’autre part, le
régime répressif applicable, sous deux sous-sections ci-après :
- Composantes de l’épreuve superstitieuse ; et
- Régime répressif de l’épreuve superstitieuse.
Les composantes de l’épreuve superstitieuse sont d’abord les conditions préalables, ensuite
les éléments constitutifs les identifiant.
Pour que l’infraction de l’article 57 du code pénal soit caractérisée, l'épreuve superstitieuse
doit porter directement sur une personne humaine, née et vivante. Si la victime est déjà morte, on
pourra poursuivre le superstitieux sous l’incrimination de mutilation de cadavre. Si elle n’est pas
encore née, l’incrimination de violences sur une femme enceinte ou l'avortement pourra être retenue
en cas d’expulsion du produit de la conception, en concours avec l’épreuve superstitieuse.
Peu importe l’erreur sur la personne. Peu importent également l’âge, l’état de santé, la
nationalité, la race, la condition de la victime.
Est exclue l’épreuve pratiquée sur un animal. Mais le superstitieux n’échappera pas à toute
poursuite pénale, car on pourra retenir à sa charge l’incrimination de mauvais traitement et actes de
cruauté infligés aux animaux, prévue à l’article 114 du code pénal268.
B. Résultat dommageable
En effet, l’épreuve superstitieuse exercée sur une personne humaine, née et vivante, doit
pouvoir lui causer un mal physique.
Il n’est pas nécessaire que ce mal physique soit réel. Un mal physique simplement supposé,
dit l’article 57, suffit à caractériser l’incrimination. Ainsi, l’infraction existe même si la victime n’a
souffert d’aucune lésion corporelle.
268.
C’est le Décret du 27 novembre 1934 modifiant le décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal, et inséré à l’article 114.
Seront punis d’une servitude pénale de un mois à deux ans, et d’une amende...269 ou d’une de
ces peines seulement, dit l’article 57, les auteurs de toute épreuve superstitieuse consistant à soumettre
de gré ou de force une personne à un mal physique réel ou supposé, en vue de déduire des effets
produits l’imputabilité d’un acte ou d’un événement ou toute autre conclusion. L’alinéa 2 de cet article
aggrave la situation du coupable lorsque l’épreuve entraîne des conséquences particulièrement graves
prévues par la loi.
L’analyse de cette disposition permet de constater que les incriminations prévues supposent
deux éléments constitutifs :
- un acte matériel d’épreuve ;
- une intention nuisible.
L’épreuve superstitieuse constitue l’élément matériel de cette infraction. La loi n’ayant pas
défini l’épreuve superstitieuse, on estime que celle-ci peut s’entendre de toute pratique, manœuvre,
exaction, sévices, torture ou souffrance de toute nature fondée sur la croyance.
La nécessité du dol spécial. Aussi, le superstitieux doit-il avoir poursuivi un but particulier.
C’est le but consistant à déduire des effets produits par des épreuves, l’imputabilité d’un acte, d’un
événement ou tout autre conclusion.
La volonté de l’agent n’est coupablement établie, dans ce cas, que si elle vise ce but, qui est
un élément essentiel de cette infraction.
Jugé que l’épreuve qui n’a pas ce but n’est pas punissable270. Il en est de même des
manœuvres de caractère inoffensif des devins, car elles ne sont pas, estime-t-on, nécessairement
mauvaises271. Il n’est pas requis que le ministère public apporte la preuve du caractère nuisible de
l’épreuve272.
À partir du moment où tous les éléments constitutifs sont réunis, le superstitieux doit être
poursuivi et sanctionné. Peu importe le consentement de la victime273. Jugé que le consentement du
patient n’enlève pas à l’épreuve superstitieuse son caractère coupable ou infractionnel.
Seront également poursuivis tous ceux qui ont coopéré d’une manière ou d’une autre à la
réalisation du crime non seulement les modes ordinaires de participation (art. 21 et 22 du C.P.) mais
aussi conformément aux règles particulières régissant cette matière.
269.
Ord-L n°79-007 du juillet 1979.
270.
1ère Inst. app. Luebo 3 octobre 1926, Rev. Jur. 1927, p.204.
271.
Mineur, p.148.
272.
Cons. Col. 1923, p.800.
273.
C’est ce qui résulte de l’expression « de gré ou de force » employée par le législateur.
A. Cas de l’article 58
N’est considérée ni comme auteur, ni comme complice, la personne qui consent à subir le
mal physique constitutif de l’épreuve.
L’alinéa 2 de l’article 58 permet ensuite de poursuivre, en dehors des règles prévues par les
articles 21 et 22 du code pénal, et à l’exception de la victime, tous ceux qui, de n’importe quelle façon,
ont à dessein fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de pratiquer l’épreuve superstitieuse.
Il a été jugé que le fait de traiter publiquement des individus de sorciers est constitutif de
l’infraction de l’article 58274. C'est également ce qu'a proscrit le législateur congolais275.
Cette extension des règles de participation ne peut s’appliquer que si les auteurs ou
complices ont agi intentionnellement.
b. L’élément psychologique
L’intention criminelle est requise pour que la participation soit coupablement établie. En
effet, l’alinéa 2 de l’article 58 ne peut recevoir application que si les auteurs ou complices ont « à
dessein » fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de pratiquer l’épreuve superstitieuse.
À défaut de cette intention, il n’y a pas d’infraction au sens de l’article 58. C’est ce qui a été
jugé par le tribunal de première instance d’Elisabethville en date du 29 janvier 1926 276 en décidant
qu’à défaut d’établir que l’accusation a été portée à dessein de faire naître chez la personne accusée
d’être sorcière la résolution de se soumettre de gré à une épreuve superstitieuse, l’article 58 n’est pas
d’application.
On a justifié cette extension des règles de la participation criminelle par le souci d’atteindre
le sorcier ou le féticheur277. Ainsi le sorcier ou le féticheur pourra être condamné même si sa
participation ne remplit pas les conditions retenues par les articles 21 et 22 du code pénal. Par exemple
en donnant des conseils dans ce sens, ou encore par son influence, par son attitude ou geste278.
Le comportement de celui qui a été soumis à l’épreuve qui est considéré comme une victime
même s’il a donné son consentement n’entraîne pas sa responsabilité pénale. C’est ce qui ressort de
l’article 58 qui précise que n’est considérée ni comme auteur, ni comme complice, la personne qui
consent à subir le mal physique constitutif de l’épreuve.
B. Cas de l’article 59
En effet, aux termes de cette disposition, quand une épreuve superstitieuse, qu’elle soit ou
non constitutive d’infraction, est la cause directe d’une infraction, ceux qui ont participé à l’épreuve
seront punis comme complices de l’infraction consécutive, à moins qu’ils n’aient pas pu prévoir
qu’elle serait commise.
274.
1ère Inst. Kasaï 27 novembre 1951, R.P.A. 1969.
275.
Notons pour cela que dans le cadre de la protection de l'enfant, la constitution du 18 février 2006 dispose à son article 41
que les accusations de sorcellerie sont prohibées et punies par la loi. L’article 160 de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 sur
la protection de l'enfant incrimine toute accusation de sorcellerie à l’égard d’un mineur de 18 ans. Il punit son auteur de un à
trois ans de servitude pénale et d’une amende de deux cents mille à un million de francs congolais. Dans l'article 157 de la
même loi du 10 janvier 2009, le législateur incrimine l'infraction d'épreuve superstitieuse commise sur une personne âgée de
moins de dix-huit ans.
276.
R.J.C.B. 1936, p. 198 ; R.C.J.B. 1951, p. 218
277.
Travaux préparatoires, Mineur, p. 149.
278.
Novelles droit colonial, T. I, pp. 258-259.
Cette disposition vise tous ceux qui ont participé aux infractions qui ont été la suite directe
d’une épreuve superstitieuse. La loi prévoit deux hypothèses.
Dans ce cas, tous ceux qui ont participé à l’épreuve superstitieuse sont poursuivis de deux
infractions :- l’infraction de l’épreuve superstitieuse ;
- l’infraction consécutive à l’épreuve superstitieuse.
Une présomption légale réfragable pèse sur tous les inculpés. Les participants avaient prévu
les conséquences de l’épreuve, mais la charge de la preuve contraire incombe à ces derniers qui
doivent alors établir qu’au moment de l’action, bien que participant, ils ne pouvaient en prévoir les
suites fâcheuses constitutives d’une infraction279.
b. Lorsque l’épreuve superstitieuse non constitutive d’une infraction est la cause directe
d’une autre infraction
Dans ce cas, les participants se pourront être poursuivis que pour l’infraction qui est la suite
de l’épreuve.
Il y a lieu de noter ici que, pour l’infraction qui est la conséquence de l’épreuve, les
participants ne sont poursuivis que comme complices (al. 2, art. 59).
On a justifié cette modération par le fait que, les participants à l’épreuve n’étant pas des
auteurs directs de l’infraction consécutive, une sévérité outrancière de la loi peut en pratique affaiblir
la répression280.
La portée de l’article 59 du code pénal n’est pas absolue, le législateur en a tracé les limites.
Par infraction moins grave, il faut entendre celle dont le maximum de la peine prévu est
inférieur à cinq ans de servitude pénale. Cette interprétation résulte implicitement de la loi elle-même
qui exclut le vol simple et la détention non aggravée dont le maximum de la peine est de cinq ans de
servitude pénale. Et on en déduit qu’est considérée comme moins grave et par conséquent non
punissable aux termes de l’article 59, toute infraction qui est punie de moins de cinq ans.
279.
Mineur, p. 150.
280. Le conseiller rapporteur Rolin cité par Mineur, p.150.
Il est évident que si le parquet est saisi de l’une de ces incriminations, il écartera des
poursuites répressives les personnes considérées comme complices. Si l’affaire est déférée devant le
juge pénal, celui-ci devra prononcer l’acquittement au profit de ces personnes. Mais ceux qui seront
considérés comme auteurs matériels de l’une de ces infractions seront pénalement sanctionnés et
peuvent être civilement condamnés.
S’il s’agit d’une infraction plus grave ou d’un vol ou détention accompagnée de sévices,
l’article 59 devra s’appliquer aussi bien contre les auteurs que les complices de cette infraction.
Aux termes de l’article 60 du code pénal, sont considérés comme ayant participé à l’épreuve
superstitieuse non consécutive d’infraction visée à l’article 59 ceux qui y ont prêté leurs concours,
selon les modes prévus aux articles 21 et 22 du livre 1er du code pénal et ceux, qui, de quelque façon
que ce soit, ont à dessein fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de pratiquer l’épreuve.
Cet article a pour but d’atteindre tous ceux qui, en dehors de l’article 59 du code pénal, ont à
dessein, de quelque manière que ce soit, fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de
pratiquer une épreuve dans le cas où elle n’est pas constitutive, elle-même d’une infraction. L’auteur
devra être poursuivi même si sa participation ne rentre pas dans les modes prévus par les articles 21 et
22 du code pénal. Pourvu qu’il ait à dessein fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de
pratiquer l’épreuve.
En effet, l’auteur de cette infraction est puni d’une peine de servitude pénale d’un mois à
deux ans et/ou d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre
l'équivalent de 25 à 500 francs281.
L’action civile en réparation du préjudice subi peut être exercée par la victime contre le
coupable soit devant le juge civil, soit devant le juge pénal à qui la loi reconnaît également le droit
d’allouer d’office des dommages-intérêts au profit de la victime.
Ce qui caractérise cette infraction, c’est la réalisation d’une des conséquences prévues par la
loi, à savoir une maladie, une incapacité de travail personnel, la perte de l’usage absolu d’un organe,
une mutilation grave ou la mort.
L’alinéa 2 de l’article 57 aggrave les peines encourues par les auteurs de ces épreuves
superstitieuses. Ils sont punis d’une peine de servitude pénale de deux mois à vingt ans et/ou d’une
amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de 100 à 2000
francs282, si l’épreuve a causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, ou s’il en est résulté
la perte de l’usage absolu d’un organe ou une mutilation grave.
Mais, lorsque la victime de l'infraction est une personne âgée de moins de dix-huit ans,
l'auteur sera passible de un à deux ans de servitude pénale principale et d'une amende de deux cents
mille à six cent mille francs congolais283.
Si les épreuves superstitieuses causent à une telle victime mineure d'âge, une maladie ou une
incapacité, ou s'il en résulte chez cette même victime mineure d'âge, la perte de l'usage absolu d'un
organe ou une mutilation grave, l'auteur subira cinq à vingt ans de servitude pénale principale et une
amende de deux cents mille à un million de francs congolais284.
L’action civile en réparation du préjudice peut être exercée par la victime ou ses ayants cause
soit devant le tribunal civil, soit devant le juge répressif accessoirement à l’action publique. La loi
reconnaît aussi au juge pénal le droit d’allouer d’office des dommages-intérêts au profit de la victime.
La personne humaine, bien que décédée, mérite, sur le plan pénal, la protection qu’il lui faut,
étant entendu qu’elle est constitutionnellement déclarée sacrée.
Sous d’autres cieux, la personne humaine décédée est protégée dans son intégrité corporelle
et dans sa mémoire285.
En droit congolais, les pratiques barbares sont prévues et réprimées par les articles 61 et 62
du code pénal. Le premier prévoit le cas de la mutilation d’un cadavre et le second l’anthropophagie se
rapportant à la consommation de la chaire d’un être humain (vivant ou décédé).
Sera puni d’une peine de servitude pénale de deux mois à deux ans et d’une amende dont le
montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de 25 à 500 francs ou d’une de
ces peines seulement, dit l’article 61 du code pénal, quiconque aura méchamment mutilé un cadavre
humain. Voyons sa condition d'existence, ses éléments constitutifs et enfin, son régime répressif.
Pour que l’infraction de l’article 61 soit retenue, il doit s’agir d’un cadavre humain, c’est-à-
dire d’un corps de la personne humaine (considérée sacrée par la constitution), mais étant sans vie.
282. Idem.
283.
Article 157 alinéa 1 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
284.
Article 157 alinéa 2 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
285.
En effet, le législateur français incrimine différents types de comportement à l’encontre de l’être humain décédé. Il s’agit
de : l’atteinte à la mémoire des morts (la violation des sépultures de l’article 225-17 alinéa 2 du CPF et le non respect de la
liberté des funérailles de l’article 433-21-1 du CPF) ; et les atteintes à l’intégrité du cadavre (Article 225-17 alinéa 1 du CPF).
Le mot cadavre désigne ainsi les dépouilles humaines pour autant qu’elles peuvent être
identifiées comme telles286. Cette infraction ne sera pas établie si l'on parvient à prouver que l'acte
matériel de l'infraction s'était réalisé sur une personne qui avait encore la vie au moment des faits. Il
n'y a pas non plus mutilation de cadavre dans l'hypothèse où le cadavre ayant subi les faits n'était
pas celui d’un être humain mais d’un animal.
Cette infraction suppose donc deux séries d’éléments : élément matériel et élément moral.
Pour que l’agent soit poursuivi, il doit avoir physiquement mutilé un cadavre humain.
Mutiler, c’est retrancher ou priver de quelque membre. C’est le fait, par exemple, de couper
un bras ou d’enlever un organe quelconque du corps287. Mais la jurisprudence ne s’en tient pas à cette
définition restrictive. Elle interprète très largement cette notion « de mutilation ».
En effet, elle estime que, par mutilation, le législateur a voulu atteindre non seulement tout
acte provoquant une lésion sur le corps du défunt, mais aussi tout contact avec ce corps, ou tout
outrage aux cadavres par une atteinte matérielle contraire au respect dû aux morts288. C’est ainsi que
tombe sous le coup de l’article 61 celui qui porte méchamment des coups de lance et de machette à
quelqu’un qui vient d’être tué289.
Il est évident que bien avant 1950, la jurisprudence retenait au titre de mutilation, tout acte
d’incinération de cadavre humain290. Sauf que le Congo a organisé sur base d’une Ordonnance de
1950, l’incinération des cadavres humains, en la soumettant à l’autorisation de l’officier de l’état civil
ou, à son défaut, de l’autorité administrative291.
B. Élément moral
L’élément moral de la mutilation de cadavre est doublement caractérisé, car il est requis que
l’agent ait agi non seulement intentionnellement mais aussi méchamment.
1. L’intention coupable
L’intention de l’agent est caractérisée dès qu’il agit avec connaissance de cause, c’est-à-dire
avec la conscience qu’il pose un acte interdit par la loi.
286.
1ière Inst. Coq. 26 avril 1934, R.J.C.B. 1938, p. 147.
287.
1ière Inst. Buta 10 décembre 1924, Jur. Kat., T. 1, p. 182.
288.
Elis. 16 mars 1943, R.J.C.B., p. 98.
289. ère
1 Inst. Stan. 22 novembre 1951, R.J.C.B. 1952, p.158.
290.
Elis. 16 mars 1943, Rev. Jur., p.98 ; 1ère Inst. app. Elis. 9 novembre 1939, Rev. Jur. 1940, p.30.
291.
Article 1ier de l’Ordonnance n°11-170 du 24 mai 1950 sur l’incinération des cadavres humains.
2. La méchanceté
La seule volonté coupable ne suffit pas à constituer cette infraction. L’agent doit avoir en
outre, dit l’article 61 du code pénal, agi méchamment. Par méchanceté, il faut entendre tout penchant à
faire du mal. Cet élément sera caractérisé dès que l’agent aura agi sans respect dû aux morts. Peu
importe le mobile. C’est ainsi que ne sont pas justifiés le prélèvement fait sur un cadavre en vue de
prouver l’homicide292 et l’incinération de cadavres humains dans un but superstitieux293.
Le coupable de mutilation de cadavre est puni d’une peine de servitude pénale de deux mois
à deux ans et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre
l'équivalent de 25 à 500 francs294 ou d’une de ces peines seulement. Le juge a la faculté de prononcer
soit les deux peines, soit l’une d’elles.
Sous-section 2. L’ANTHROPOPHAGIE
L’article 62 du code pénal qui réprime l’anthropophagie dispose que, sans préjudice à
l’application des peines frappant l’assassinat ou le meurtre, sera puni d’une peine de servitude pénale
de six mois à trois ans, et d’une amende de 100 à 1000 francs295 ou d’une de ces peines seulement,
quiconque aura provoqué ou préparé des actes d’anthropophagie, y aura participé, ou aura été trouvé
en possession de chair destinée à des actes d’anthropophagie.
Nous allons d’abord examiner la condition préalable et les éléments constitutifs de cette
infraction et ensuite son régime répressif.
Par « chair humaine », il faut entendre toute partie du corps humain. La jurisprudence
interprète très largement cette notion en retenant même, nous l’avons vu, du sang et de la cervelle.
Ainsi tombe sous le coup de l’article 62 celui qui absorbe du sang et de la cervelle d’un cadavre
humain296.
C'est dans ce cadre qu'il y a lieu de sanctionner toute personne qui consommerait ou
absorberait, détiendrait ou conserverait du sang humain destiné aux actes d'anthropophagie.
292.
Trib. 1ère Inst. Kas. 4 août 1965, R.J.C., p.256.
293.
1ère Inst. app. 9 novembre 1939, Rev. Jur. 1940, p.30.
294.
Ord-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979.
295.
Idem.
296. Distr. Kivu 17 janvier 1938, R.J.C.B., p. 155.
Soulignons par ailleurs, que le législateur vise la chair humaine sans pour autant affirmer
qu’il doit s’agir de la chair de la personne humaine décédée. Etant donné que la Constitution en
vigueur en RDC considère toute personne humaine sacrée dans son article 16, le législateur congolais
en matière pénale, tirant conséquence de cette disposition constitutionnelle proscrit toute
consommation de sa chair humaine. Que cette personne ait été tuée ou non, qu’elle ait été tuée par
l’anthropophage ou par quelqu’un d’autre.
Ceux qui provoquent ou préparent des actes d’anthropophagie violent l’article 62 du code.
Par acte de provocation, il faut entendre tout acte qui tend à exciter, à pousser ou inciter de
quelque manière que ce soit. Il peut consister par exemple dans des propos, attitude ou geste.
L’infraction est retenue à charge de celui qui provoque même s’il ne prend part à aucun acte. Si cette
provocation n’est pas suivie d’effet, l’agent peut néanmoins être poursuivi sur la base de l’article 62
pour autant que ses agissements rentrent dans les prévisions de l’article 21 du code pénal.
La préparation, elle, s’entend de toute disposition propre à atteindre le but qu’on se propose.
Pour que l’infraction soit retenue il n’est pas nécessaire que l’agent ait pris part à l’acte
d’anthropophagie. Le seul fait de préparer cet acte suffit à caractériser l’infraction298.
297.
Distr. Kivu 17 janvier 1938, R.J.C.B., p. 155.
298.
Distr. Kivu 21 mars 1950, R.J.C.B., p. 198.
Participer, c’est prendre part, coopérer, aider, concourir, assister quelqu’un, s’associer. Ainsi
tombe sous le coup de la loi celui qui aide ou assiste quelqu’un qui commet un acte d’anthropophagie.
L’article 62 du code pénal s’applique également contre une personne ayant été trouvée en
possession de la chair humaine pour autant qu’elle soit destinée à des actes d’anthropophagie.
L’infraction existe à charge de l’agent ; peu importe qu’il ait participé ou non aux actes
d’anthropophagie. Le seul fait d’être trouvé en possession de la chair humaine destinée à ces actes
suffit299.
C. Élément moral
L’intention méchante n’est pas requise. La simple intention coupable se traduisant par une
action consciente caractérise cet élément. Il suffit que l’agent ait su qu’il s’agit de la chair humaine.
Autrement dit, l’agent ne sera puni que s’il sait que la chair qu’il consomme ou prépare, le sang qu'il
conserve en vue de la consommation ou absorbe lui même provient d’une personne humaine.
Peu importe le mobile du coupable même si ce n’est pas dans le but de s’en nourrir300.
Ainsi, celui qui, pour se disculper d’une accusation de mauvais sort, absorbe du sang et de la
cervelle provenant du cadavre de la prétendue victime du mauvais sort tombe sous le coup de l’article
62 du code pénal301.
Il me semble que tombe également sous le coup de l'article 62, le fait pour une jeune femme
d'absorber le sang de son conjoint qui doit effectuer un déplacement, comme preuve d'attachement et
d'amour infinis. Ce mobile qui le pousse à agir n'aura aucune incidence sur l'existence de l'infraction.
A défaut de cette intention l'infraction ne sera pas coupablement établie. C'est ainsi que n'est
pas constitutif d'acte d'anthropophagie, le fait pour l'agent habilité de détenir un organe du corps
humain en vue de la transplantation ou du sang humain destiné à la transfusion d'un patient.
L’agent qui se rend coupable d’anthropophagie sera puni d’une peine de servitude pénale de
six mois à trois ans et/ou d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie
entre l'équivalent de 100 à 1000 francs.
299.
Distr. Kivu 21 mars 1950, R.J.C.B., p. 198.
300.
Idem.
301.
Ibidem.
Il s’agit de :
- l’abstention d’assistance contre une infraction ; et
- l’abstention de porter secours.
L’article 66 bis du code pénal ordinaire issu de l’ordonnance-loi précitée prévoit ce qui suit :
Sera puni d'une servitude pénale de trois mois à un an et d'une amende de cinq à cinquante francs, ou
de l'une de ces peines seulement, quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque
pour lui ni pour les tiers, une infraction contre l'intégrité corporelle de la personne, s'abstient
volontairement de le faire.
Il va falloir traiter d’abord des composantes de l’infraction en étude, avant d’étudier son
régime répressif.
L’infraction d’abstention d’assistance contre une infraction suppose les conditions préalables
ainsi que les éléments strictement constitutifs.
En effet pour que cette incrimination soit retenue, deux conditions préalables sont
nécessaires, à savoir : l’existence d’une infraction menaçant l’intégrité corporelle d’une personne
physique et l’absence de risque.
Par infraction, il faut entendre tout acte, tout fait ou toute activité prévue et punie par la loi
menaçant l’intégrité physique d’une personne humaine. Il en est ainsi non seulement des homicides et
des lésions corporelles volontaires ou par imprudence tels que les meurtre, empoisonnement,
administration des substances nuisibles, coups et blessures, violences et voies de fait mais aussi de
toutes autres agressions dirigées contre la personne et réprimées pénalement par exemple le viol,
l’arrestation arbitraire, l’avortement, etc.
302.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
Ainsi ne sera pas poursuivi l’agent qui s’abstient d’agir en cas d’exécution d’un condamné à
mort ou de l’usage des armes à feu conformément à l’article 10 du décret-loi n°002/2002 portant
institution, organisation et fonctionnement de la Police Nationale Congolaise.
La victime doit être une personne humaine et vivante à l’exclusion d’une personne déjà
morte ou d’une personne morale. À partir du moment où l’infraction est dirigée contre une personne
humaine et vivante, la responsabilité pénale doit être retenue peu importent, son âge, son sexe, sa
nationalité et ses antécédents judiciaires.
Ainsi sera poursuivi, celui qui s’abstient d’empêcher la commission d’une infraction dirigée
contre l’intégrité physique d’un repris de justice ou d’un criminel chevronné.
D’autre part, la non-dénonciation ne peut être réprimée que dans le cas d’une infraction
consommée, inachevée ou tentée alors que l’abstention d’assistance peut être retenue même dans le
cas d’un projet d’infraction. Car la loi tend à empêcher la réalisation d’un danger contre l’intégrité
physique d’une personne humaine. À défaut d’une infraction menaçant l’intégrité corporelle de la
personne, la responsabilité du spectateur ne peut être retenue. Il en est ainsi du cas d’une infraction
putative, d’un délit contre la chose publique, d’une infraction économique ou commerciale.
B. L’absence de risque
En effet l’intervention requise par la loi ne doit exposer, dit l’article 66 bis, celui qui pourrait
apporter son concours à aucun risque soit pour lui-même soit pour tous les tiers. En l’absence de
risque, l’infraction doit être retenue peu importe le lien de parenté qui peut exister entre le criminel et
le spectateur car on estime qu’il ne s’agit pas de la part des parents « d’une dénonciation qu’ils
répugnent mais d’une action immédiate, spontanée que tout homme de coeur, parent, allié ou ami, à
l’obligation d’accomplir. »303
Les deux conditions préalables étant réunies l’agent doit être poursuivi lorsqu’il s’abstient
volontairement de le faire.
Ainsi cette infraction est caractérisée d’une part par l’abstention ou la non-intervention en
vue d’empêcher une infraction et d’autre part par l’intention coupable. Il en résulte que celle-ci
suppose deux éléments constitutifs : un élément matériel et un élément moral.
303.
Francisque GOYET, Droit pénal spécial, 8è éd, par ROUSSELET, ARPAILLANGE et PATIN, Paris, Sirey, 1972, p. 182.
B. Élément moral : Le deuxième élément constitutif requis par la loi est l’élément moral. En
effet, l’infraction ne sera retenue que si le témoin s’abstient volontairement de porter secours. Cet
élément moral se caractérise donc par la volonté ou l’intention de ne pas empêcher la commission
d’une infraction. Autrement dit l’abstention ne peut être pénalement établie que si elle est consciente,
c’est-à-dire volontaire.
L’abstentionniste dont la culpabilité est établie encourt une peine de servitude pénale de trois
mois à un an et/ou une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre
l'équivalent de cinq à cinquante francs.
Si cette infraction est commise par une personne chargée par état ou profession d’assister les
autres en danger, sa situation sera aggravée car la loi prévoit à cet égard la servitude pénale d’un à trois
ans et obligatoirement majore l’amende en portant le maximum à l'équivalent en monnaie ayant cours
légal au pays, de cent francs.
La loi vise ici notamment les agents de l'ordre et particulièrement ceux de notre Police
Nationale qui sont charges de veiller à la sécurité et la tranquillité publiques304. Elle vise également de
manière générale les médecins, accoucheuses, sages-femmes et guérisseurs.
Une forme spéciale de cette infraction est prévue par le législateur congolais à l'article 192
de la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
En effet, l'on impose à toute personne l'obligation de dénoncer toute forme de violence
physique ou morale infligée à l'enfant ainsi que toute menace à sa santé et à son développement dont
elle a connaissance. C'est que, pour être retenue, l'agent doit avoir eu connaissance d’un côté de cette
violence ou menace ; et de l’autre de la vulnérabilité de la victime, due à son bas âge (précisément à sa
minorité d’âge. Lorsque cette double connaissance fait défaut, l'incrimination de l'article 192 de la loi
de 2009 ne pourra nullement être établie même si, l’agent a brillé par son abstention.
Le coupable de la non dénonciation des violences commises sur un enfant est passible d'une
amende de cent mille à deux cent cinquante mille francs congolais305.
304.
Article 5 du décret-loi n°002/2002 du 26 janvier 2002, op.cit.
305.
Article 192 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
L’article 66 ter du code pénal306 prévoit ce qui suit : Sera puni d'une servitude pénale de trois
mois à deux ans et d'une amende de cinq à cinquante francs ou de l'une de ces peines seulement,
quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour
lui ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
L’infraction d’abstention de porter secours suppose des conditions préalables (paragraphe 1),
ainsi que des éléments strictement constitutifs (paragraphe 2).
Pour que cette infraction soit consommée il faut d’abord qu’on soit en présence d’une
personne humaine et que celle-ci soit en péril.
En effet, l’abstentionniste ne sera poursuivi que si la personne à secourir est une personne
humaine et vivante. Ainsi on exclut du champ d’application de la loi une personne déjà morte. Il en est
de même de la personne morale. Un individu qui s’abstient de secourir un animal, bien qu’en danger
de mort, ne tombe pas non plus sous le coup de cette incrimination.
À partir du moment où il s’agit d’une personne humaine et vivante, l’infraction doit être
retenue. Peu importent son âge, son sexe, sa nationalité, sa race, son état de santé, sa situation de
suspect, captif, détenu ou condamné.
Encourt la sanction celui qui s’abstient de secourir un nouveau-né, qu’il soit viable ou non.
Ce qui tranche nettement avec les exigences posées par le droit civil. Il en sera de même pour le
vieillard sur le point de mourir. Le mobile étant indifférent dans la qualification des faits en matière
pénale, celui qui invoque l’état de tension ou d’animosité qui existe entre lui et la victime, n’échappe
pas à la répression.
Outre la personnalité humaine de la victime, la loi exige également l’existence du péril chez
la personne à secourir. En effet, l’infraction n’existe que si la victime est soumise à un péril que le
texte ne définit pas.
306.
Il a été introduit par l’ordonnance-loi n°78-015 du 4/7/1978 dans le décret du 30 Janvier 1940 portant code pénal.
Certains critères permettent de caractériser ce péril. Il doit être réel. Un danger éventuel ou a
fortiori hypothétique, voire putatif, ne suffit pas. Peu importe en revanche l'origine de ce danger ; il est
ainsi admis que le péril peut provenir d'une maladie, d'un accident ou de la faute d'imprudence de la
victime elle-même par exemple. Il peut s'agir aussi de porter secours à une personne qui a le projet de
se suicider307.
La loi n’exige pas que la victime à secourir soit morte ou décédée ou soit endommagée
corporellement du fait de l’omission. Il suffit tout simplement qu’elle ait été en danger ou, pour
reprendre l’expression du législateur, en péril. À cet égard Likulia estime que le péril dont il s’agit ici
doit être grave, constant, imminent et exigeant une action immédiate de la part du spectateur.
- Un danger est grave lorsqu’il menace non seulement la vie de la victime mais aussi sa santé ou
plus généralement son intégrité physique. Ainsi tombe sous le coup de la loi celui qui ne porte pas
secours à une femme qui est en train d’accoucher (la loi de protection de l’enfant sera
d’application si l’agent a la qualité de personnel soignant).
- Le péril est constant lorsqu’il dure, persiste et ne varie pas.
- Tandis qu’il est imminent lorsqu’il menace ou dont la menace est prochaine.
Le péril doit donc être grave, constant et imminent, de sorte que l'intervention du tiers soit
requise dans l'urgence. La gravité, la constance et l'imminence du péril s'apprécient au moment où la
personne qui doit porter secours en a la connaissance.
En conséquence, le fait que le péril disparaisse ou que la personne y échappe n'exonère pas le
responsable. De même, l'assistance est due quelle qu'en soit l'issue pour la victime ; même si la
situation semble désespérée, il faut porter secours car il s'agit d'un devoir par rapport à une personne
humaine, déclarée sacrée par la constitution.
Celui qui porte des coups à la victime, sans lui prodiguer ensuite les soins nécessaires ou
appeler du secours, ne tombe pas en principe sous cette dernière qualification, puisque les deux
qualifications étant exclusives, on retiendra uniquement la qualification de coups et blessures
volontaires.
B. L’absence de risque
L'assistance n'est due que si l'intervention est sans danger pour celui qui agit ou pour les
tiers. Si le texte incriminateur sanctionne l'indifférence au sort d'autrui, il n'impose pas pour autant
l'héroïsme. Il faut faire la part de chose entre le péril encouru par la victime et le risque supporté par le
sauveteur. Pour cela, il est inutile de se jeter à l'eau pour sauver une personne de la noyade, alors que
l'on ne sait pas nager soi-même. Mais si, sachant nager, on ne se jette pas à l'eau de peur de
s'enrhumer, la poursuite pourra prospérer. L'appréciation de ces diverses conditions se fait in concreto.
Mais l'application sera plus sévère pour certaines personnes comme les personnels soignants dans le
cadre de l’exercice de leur profession par exemples.
En effet, l’obligation d’assistance n’existe que si elle n’entraîne aucun risque pour le
sauveteur ou pour des tierces personnes.
307.
Cass.crim.26 avril 1988, D.1990, p.479 note Fenaux.
Ainsi l’auteur des lésions corporelles commises inutilement contre un tiers pour porter
secours à une personne agressée peut être poursuivi. Il en est ainsi d’un passant qui, pouvant se borner
à s’interposer entre l’agressé et l’agresseur, porte des coups ou fait des blessures à ce dernier. Il en est
de même de celui qui administre des coups et fait des blessures au mari qui dispute avec sa femme,
même s’il est établi qu’il existe un lien de parenté entre lui et la victime. L’absence de risque,
condition essentielle à l’existence de l’infraction, doit donc être expressément constatée.
L’infraction de non-assistance à personne en péril requiert outre les conditions préalables que
nous venons de voir, deux éléments constitutifs consistant dans l’abstention volontaire de porter
secours. Il y a donc un élément matériel et un élément moral.
A. L’élément matériel
Le secours du législateur étant de conjurer le péril, l’agent peut utiliser n’importe quel
moyen pour y parvenir. Mais il ne s’agit pas d’une obligation de résultat. Il lui faut la volonté
d’assister la victime. Ainsi il importe peu que son action soit maladroite, inefficace ou même vaine.
Pourvu que cette action personnelle tienne compte de la nature et des circonstances du péril à conjurer.
En claire, le texte incriminateur sanctionne l'inaction totale, face au danger menaçant autrui,
quelle que soit la qualité de la personne.
De sorte que si l'intervention a été inefficace, le texte est inapplicable. De même, la personne
poursuivie peut ne pas avoir agit personnellement mais avoir provoqué un secours. Ainsi, admet-on
que le médecin qui, informé qu'un malade est en péril, ne commet pas l’infraction de non-assistance à
personne en danger si, dans l'impossibilité de se déplacer, il s'assure que la personne à secourir reçoit
d'un tiers les soins nécessaires. Pourtant, dans certaines hypothèses, la qualification sera retenue
lorsque la personne se sera contentée de provoquer les secours alors qu'elle aurait pu agir elle-même ;
lorsqu’il est établi qu’il n’y avait aucun danger pour lui ni pour les tiers.
B. Élément intellectuel
En pratique, l'intention est déduite des circonstances de fait. Il ne faut pas en déduire pour
autant que l'intention de nuire soit requise.
L'abstention ne sera donc punissable que si l’organe d’accusation parvient à prouver que
l’abstentionniste avait connaissance et conscience du danger et de sa gravité ; mais qu’il a
délibérément choisi de ne pas agir personnellement ni par la provocation d’un secours. Cette
circonstance relève de l'appréciation des juges.
L’indifférence du mobile. Ici comme ailleurs, les mobiles sont indifférents. Mais il faut
noter cependant que l'accomplissement du devoir d'assistance justifie les infractions qui peuvent être
commises pour porter secours, ou qui conditionnent l'efficacité de ce dernier ; ainsi le fait d'assommer
la personne qui se débat et qu'on essaye de sauver de la noyade, ne peut être reproché au sauveteur.
Section 2. PÉNALITÉS
Les peines sont à distinguer selon qu’il s’agit de l’infraction à l’état simple ou aggravé.
L’article 66 ter du code pénal punit d’une peine de servitude pénale de trois mois à deux ans
et/ou d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de
cinq à cinquante francs tout individu qui s’abstient volontairement de porter à une personne en péril
l’assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action
personnelle, soit en provoquant un secours.
L’article 66 quater aggrave la situation d’une personne chargée par état ou profession
d’assister les autres en danger.
En effet, le coupable sera puni d’une peine de servitude pénale d’un à trois ans et
obligatoirement d'une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre
l'équivalent de cinq à cent francs. Il n’est donc pas possible de la part du parquet de transiger avec le
coupable. L’exposé des motifs de cette ordonnance-loi précise qu’il s’agit d’abord des personnes
astreintes à l’obligation alimentaire. À ce sujet dans le passé, on sanctionnait les parents, même
divorcés, qui avaient un devoir alimentaire à l’égard de leurs jeunes enfants; alors qu'aujourd'hui,
l'article 190 de la loi de 2009 portant protection de l'enfant incrimine de manière particulière le
délaissement d'un enfant en un lieu quelconque.
Docteur Bienvenu WANE BAMEME, Professeur Associé. 137 | P a g e
Cours de Droit Pénal Spécial 2015
TITRE IIième
LES INFRACTIONS CONTRE LES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE :
L’HONNEUR ET LA LIBERTÉ DE CHOIX308
Tel que présenté à l’intitulé, ce dernier titre de la première partie de notre cours se rapporte à
certains droits de la personne humaine.
La détermination du volume horaire nous oblige à procéder de manière sélective. C’est ainsi
que nous avons opté pou l’examen des :
- atteintes à l’honneur et au devoir de fidélité en famille ; et
- atteintes à la liberté de choix de l’être humain.
Cette protection pénale fait l’objet du Code pénal qui prévoit et sanctionne des
imputations tendant à porter atteinte à l’honneur, des agressions injurieuses, toute aversion raciale
et tribale, toute fausse accusation blessant la réputation qualifiée de dénonciation calomnieuse.
Nous aborderons aussi un certain nombre d’infractions portant atteinte à la famille soit
en détruisant le produit de la conception soit en violant l’intimité du couple.
308.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
Les imputations dommageables autrement appelées diffamation et les injures sont prévues et
réprimées par les articles 74, 75 et 77 du code pénal ordinaire.
Bien que la diffamation et l’injure soient, toutes deux, dirigées contre l’honneur et la
considération d’une personne, elles se distinguent par la manière dont elles se réalisent.
En effet, la diffamation suppose, d’après l’article 74 du code pénal, l’imputation d’un fait
précis de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne ou à l’exposer
au mépris. L’injure, quant à elle, se consomme par le seul fait d’offenser une personne par des
expressions blessantes, outrageantes, par mépris ou invective.
La différence essentielle entre ces deux atteintes réside dans le fait que la diffamation
implique nécessairement un fait précis, déterminé.
La diffamation existe peu importe que les faits imputés soient vrais ou faux. Tel est le
cas pour une personne de dire d’une autre personne que celle-ci a été condamnée pour
détournement, corruption, escroquerie, etc. Alors que pour l’injure, la détermination ou la
précision d’un fait imputable à une personne n’est pas requise. Il en est ainsi du seul fait de traiter
un individu de bandit, de voyou.
La diffamation est une infraction qui est constituée de certaines composantes et elle est
soumise à un régime répressif particulier.
La diffamation ne peut exister que si elle est perpétrée publiquement contre les
particuliers. Elle requiert en effet cinq préalables : la personnalité humaine de la victime, la
publicité, la qualité de la victime ou catégorie des personnes protégées, le caractère précis des
faits imputés et le préjudice.
La diffamation doit être faite à l’encontre d’un être humain. Seul ce dernier doit en être
victime. En conséquence, l’infraction de diffamation ne sera pas établie si l’on ne parvient à prouver
qu’au moment des imputations, la victime était une personne humaine, née, autre que l’agent. Comme
pour toutes les autres atteintes à la personne humaine, cette infraction ne sera pas établie au cas où la
victime est un animal ou un quelconque objet, un embryon ou la même personne auteur des propos
diffamatoires.
Notons néanmoins que la diffamation peut se réaliser si la victime est une personne humaine
déjà décédée. Dans ce cas, l’agent lui aura imputé des faits précis pour porter atteinte à la dignité de sa
mémoire.
2. De la publicité
La publicité est définie d’après les circonstances et les lieux. Ainsi, la publicité peut
résulter soit de propos proférés, soit d’écrits ou images distribués, vendus ou exposés dans des
lieux ou réunions publics309.
Jugé que le préalable de publicité requis est établi dès lors que le juge constate dans la
motivation du jugement que le prévenu « a déclaré en présence des témoins des faits précis de
nature à constituer une imputation dommageable »310. S’il s’agit de paroles, qui peuvent consister
en des discours, propos, cris elles doivent être proférées à haute voix dans des lieux publics ou en
présence de la victime et d’une tierce personne311.
309.
C.S.J. 1er avril 1980.
310.
C.S.J. 4 juillet 1975, B.A. C.S.J. 1976, p.168.
311.
Cons. Guerre app. 17 décembre 1909, Jur. E.I.C., p.339.
312.
C.S.J. 28 mars 1973, Bull. interne P.G.R. 1973, p.144, B.A. C.S.J. 1974, p.81.
313.
C.S.J. 4 juillet 1975, B.A. C.S.J. 1976, p.168.
314.
C.S.J. 1er avril 1980 ; Trib. S/R Kolwezi 26 février 1974, R.J.Z. 1975, p.49.
315.
Distr. Kin. 11 mai 1970, R.J.C. 1971, p.265.
316.
C.S.J. 28 mars 1973, B.I. du P.G.R. 1973, n°1, p.144.
Mais, une conversation privée se reproduisant plusieurs fois avec chaque fois un
partenaire nouveau ne revêt pas les conditions de publicité requises317.
La publicité existe, peu importe le pays dans lequel l’écrit a été rédigé. Il suffit que la
diffusion ait eu lieu en République Démocratique du Congo et que la personne diffamée soit
suffisamment désignée et que plusieurs personnes soient à même de la reconnaître320.
L’article 74 du code pénal qui réprime la diffamation ne concerne que les particuliers. Il
ne s’applique pas aux imputations adressées à un corps constitué321 : une institution de l’Etat.
En ce qui concerne les membres de nos forces armées, c’est l’article 87 de la loi
n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant Code Pénal militaire qui sera appliqué.
Par ailleurs, deux autres préalables méritent d’être évoqués, à savoir : la nature des faits
imputés et le préjudice.
317.
Servais, p.211, cité par Mineur, p.178.
318.
1ère Inst. Léo., 8 juillet 1931, Rev. Jur., p.314.
319.
L’shi 29 juin 1967, R.J.C. 1967, p.277.
320.
Terr. Coq. 29 juin 1906. Jur. État, II, p.95 ; 1ère Inst. Léo. 8 juillet 1931, Rev. Jur., p.308.
321. ère
1 Inst. Léo. 8 juillet 1931, Rev. Jur., p.311.
322.
Elis. 10 février 1912, Jur. Congo 1914, p.65 ; L’shi 29 juin 1967, R.J.C.B., p.375 ; L’shi 29 juin 1967, R.J.C. 1967, p.277.
Le législateur congolais exige que le fait imputé soit précis. Un fait est précis lorsque sa
véracité ou sa fausseté peut faire l’objet d’une preuve directe ou d’une preuve contraire323.
Autrement dit, lorsqu’il est susceptible d’être positivement contrôlé, c’est-à-dire éventuellement
démenti324.
Il importe peu que le fait précis soit positif ou négatif. C’est ainsi qu’il peut consister en
une omission. Par exemple, reprocher à quelqu’un de ne pas avoir empêché l’empoisonnement
d’un proche325.
5. Préjudice
L’imputation d’un fait précis doit être de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la
considération d’une personne ou susceptible de l’exposer au mépris public. Ce préjudice peut être
établi mais aussi à établir. Donc, on retiendra aussi bien un préjudice matériel qu’un simple
préjudice moral327.
Peu importe que la victime soit attaquée dans sa vie privée, publique ou professionnelle.
Toutefois, les critiques sur la valeur professionnelle de quelqu’un ne sont pas diffamatoires328.
323.
Mineur, p.175, C.S.J. 4 avril 1973, B.A. C.S.J. 1974, p. 91.
324.
C.S.J. 4 avril 1973, B.A. C.S.J. 1974, p. 91.
325.
Servais, art. 443, n°5, cité par Mineur, p. 176.
326.
C.S.J. 4 avril 1973, Bull. interne P.G.R., n°1, p.137 ; B.A. C.S.J. 1974, p. 90.
327.
Elis. 29 juin 1967, R.J.C. 1967, p.277.
328.
Elis. 8 janvier 1946, Rev. Jur., p. 146.
329.
Mineur, op. cit., p. 175.
330. ère
1 Inst. Léo. 6 juillet 1931, rev. Jur., p.308 ; Elis. 11 avril 1944, Rev. Jur. Précité.
Imputer, c’est alléguer, attribuer ou mettre au compte d’une personne déterminée un fait
quelconque. Peu importe la façon dont l’imputation est formulée. C’est ainsi que l’infraction
existe même si l’imputation est formulée de façon interrogative, négative, conditionnelle ou
hypothétique333.
Il suffit que la victime soit désignée d’une façon suffisamment claire. Peu importe que la
victime soit vivante ou déjà morte334.
Peu importe également que l’imputation soit directe ou indirecte335, ou qu’elle soit la
reproduction d’une allégation diffamatoire déjà sanctionnée.
2° Élément moral
L’agent doit avoir agi avec l’intention de nuire ou d’offenser. C’est ce qui résulte de
l’adverbe de manière « méchamment » employé par le législateur. Il est évident que cette intention
méchante est toujours présumée. Mais cette présomption peut être renversée par la preuve
contraire. Ainsi le diffamateur sera exonéré de sa responsabilité pénale s’il établit une cause
justificative prouvant sa bonne foi336.
Tel est le cas de celui qui pose un acte dans le cadre de l’exercice des fonctions ou des
devoirs couverts par les immunités. Il en est ainsi de la fonction de parlementaire (Député
national, sénateur ou député provincial), d’avocat, de magistrat). Il en sera de même également
pour le commentateur d’une décision de justice qui peut être amené, dans le cadre de ses
fonctions, à livrer certaines opinions susceptibles d’être considérée comme dommageables à
autrui.
331.
Mineur, op. cit., p. 176.
332.
Idem, p. 175.
333.
Elis. 18 mai 1943, Rev. Jur., p. 174.
334.
Idem.
335.
Elis. 11 avril 1944, R.J.C.B., 1945, p. 161.
336.
L’shi 17 octobre 1968, R.J.C. 1969, p. 265.
C’est aussi le cas pour un préposé à l’examen des candidatures aux élections qui, dans le
souci d’éclairer les électeurs, impute, de bonne foi, un fait déterminé à un candidat. C’est enfin le
cas des journalistes, des critiques d’art ou littéraires pour autant qu’ils ne dépassent pas les droits
de la critique. C’est-à-dire que la critique ne doit pas avancer des faits inexacts ou faux et ne doit
pas être injurieuse ou diffamatoire337.
Le comportement préjudiciable de l'agent peut être justifié par une quelconque cause
légitime et empêcher que les poursuites n'entraînent d'effets conséquents de sanction pénale.
L’auteur de la diffamation ou de l’injure ne peut être poursuivi même si tous les éléments
constitutifs de l’infraction sont établis, s’il invoque, pour sa défense, une immunité ou un fait
justificatif.
1. Immunités
Le principe d’égalité de tous les délinquants devant l’action publique n’a pas une portée
absolue.
337.
Elis. 5 mai 1942, R.J.C.B., p.131.
338.
1ère Inst. Elis. 9 octobre 1919, Jur. Congo 1914-1919, p.348 ; 26 février 1977, B.A. C.S.J. 1978, p.20.
339.
L’shi 29 juin 1967, R.J.C. 1967, p. 277 ; 17 octobre 1968, R.J.C. 1969, p. 265.
Les immunités parlementaires sont prévues par l’article 107 de la Constitution du 18 février
340
2006 qui dispose ce qui suit : « Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté,
détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun
parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit,
qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat, selon le cas. En dehors de sessions,
aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale ou
du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation
définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est suspendue si la Chambre dont il est
membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours ».
A première vue, cette disposition organiserait une simple entrave aux poursuites, aux
recherches, aux arrestations, aux détentions ou aux jugements ; entrave faisant échapper à toute
poursuite pénale les discours prononcés, les opinions ou les votes émis au sein du parlement ainsi
que les comptes rendus des débats parlementaires.
Et pourtant, la réalité c’est que sur le plan pénal, l’immunité, lorsqu’elle est
fonctionnelle, constitue en effet plutôt un obstacle à la qualification pénale des faits de ladite
fonction. Les faits réalisés dans ce contexte professionnel sont donc réguliers et ne seront ni pour
l’instant qualifiés d’infraction, ni dans le futur.
Mais, il arrive assez souvent que l’on confonde l’immunité proprement dite de
l’inviolabilité.
340.
L’article 107 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20
janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février
2006
Puisqu'il s'agit d'une immunité fonctionnelle couvrant les travaux parlementaires et non
la personne même du sénateur ou du député, il en résulte qu'elle s'applique aux non-
parlementaires dès qu'ils sont associés ou impliqués aux travaux de la fonction couverte par
l'immunité. L'on peut donc évoquer les témoins qui peuvent être entendus par une commission
d'enquête parlementaire. Il en sera aussi le cas pour les assistants parlementaires, secrétaires et
tous autres informateurs. Mais, il faut souligner qu'elle ne couvre pas les propos tenus en dehors
des travaux de la fonction parlementaire342.
Par ailleurs, étant donné que l'article 197 alinéa 5 de la Constitution en vigueur confirme
l'application des articles 100, 101, 102, 103, 108 et 109, mutatis mutandis, aux Assemblées
provinciales ; il me semble tout à fait logique que cette immunité parlementaire qui est
constitutionnellement garantie puisse leur être appliquée, dans les limites ci-haut définies.
De ce qui précède, il y a lieu de noter que les imputations faites dans le cadre de la
fonction parlementaire ne pourront nullement constituer l’infraction de diffamation.
Si l’immunité parlementaire est consacrée par la loi, il n’en est pas de même pour
l’immunité judiciaire que nous allons voir.
341.
Articles 107, al. 3, de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant
révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo.
342.
Bienvenu WANE BAMEME, Cours de Droit Pénal Général, Kinshasa, 2014.
2° Immunités judiciaires
Les immunités judiciaires ne sont pas expressément prévues par des textes de lois mais
simplement consacrées par la pratique. En effet, et comme le disaient les professeurs Merle et
Vitu, « si l’on veut que les cours et tribunaux rendent une justice éclairée, comment ne pas
permettre que tout puisse être dit ou écrit devant eux, si la vérité judiciaire doit par-là s’en trouver
renforcée ? ».
La pratique judiciaire écarte à cet effet la menace d’une action pénale ou civile pour
outrage, injure ou diffamation, ne laissant subsister que les limites indispensables pour éviter des
abus.
Les magistrats et les experts qui sont mis par leurs fonctions à l’abri des poursuites ne
sont pas concernés et protégés mais exclusivement les parties au procès : inculpé ou prévenu,
partie civile, partie civilement responsable, tiers intervenant et leurs défenseurs qui peuvent être
leurs conseils ou mandataires en justice.
Elles bénéficient ainsi de l’immunité judiciaire pour les propos, les interventions ou les
plaidoiries qu’elles tiennent ou font au cours de l’audience, ainsi que pour tous les documents,
notes, mémoires ou conclusions qu’elles soumettent à l’appréciation des juges.
Il est évident que si tous les intervenants dans la fonction judiciaire couverte par cette
immunité « judiciaire » dépassent les limites d’une défense raisonnable, l’immunité disparaît étant
entendu que tout dépassement ne servira pas l’intérêt de la fonction mais des intérêts propres. Il en
est ainsi quand les paroles ou les écrits diffamatoires ou injurieux sont étrangers à la cause
débattue devant la juridiction de jugement. Car on estime qu’il n’est pas concevable qu’un
plaideur ou son conseil use de la liberté de la défense pour diffamer à son aise son adversaire ou
les tiers343.
L’immunité ne peut pas non plus jouer à l’égard des écrits et discours outrageants,
diffamatoires ou injurieux même se rapportant à la cause débattue lorsque l’abus paraît manifeste
et que les formes d’une défense raisonnable ont été outrepassées. Dans les deux cas, les auteurs
peuvent être menacés soit de la suppression de ces discours ou écrits, soit de la poursuite pénale
pour délits d’audience, soit des sanctions disciplinaires à l’égard des avocats ou défenseurs
judiciaires telles que des injonctions, suspension, réprimande, avertissement, interdiction ou
radiation344.
343.
Roger Merle, op.cit., p.666
344.
Articles 23 et 29 de l’ordonnance-loi n°68-247 du 10 juillet 1968 portant organisation du barreau (M.C., p.1334).
345.
Crim. 16 octobre 1963, Bull. crim. 256 et 259.
Mais, lorsqu’on reste dans les limites du raisonnable, il n’y aura pas infraction de
diffamation, même si les imputations faites sont véritablement dommageables.
B. Les pénalités
La diffamation est punie de huit jours à un an de servitude pénale et/ou d’une amende de
25 à 1000 francs346 (article 74).
L’injure requiert pour son existence des préalables et des éléments constitutifs.
L’injure ne peut exister que si elle est perpétrée en principe publiquement contre les
particuliers. Comme la diffamation, elle requiert en effet cinq préalables : la personnalité humaine
de la victime, la publicité en principe, la qualité de la victime ou catégorie des personnes
protégées, le caractère imprécis et le préjudice.
Etant entendu que trois des quatre conditions sont examinées dans le cadre de la
diffamation, il va falloir s’y reporter.
Nous ne reprendrons à ce niveau que les conditions qui s’en distinguent, à savoir : la
personnalité humaine de la victime et le caractère imprécis de l’injure.
L’injure doit être proférée à l’encontre d’un être humain. Seul ce dernier doit en être victime.
En conséquence, l’infraction d’injure ne sera pas établie si l’on ne parvient à prouver qu’au moment
des imputations, la victime était une personne humaine, née, vivante, autre que l’agent. Comme pour
toutes les autres atteintes à la personne humaine, cette infraction ne sera pas établie au cas où la
victime est un animal ou un quelconque objet, un embryon ou la même personne auteur des propos
diffamatoires.
346.
Ord-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979 portant majoration des amendes pénales.
Contrairement à la diffamation, il n’y a pas d’injure établie lorsque la victime est un être
humain déjà décédé (situation connue par l’agent).
2. Le caractère imprécis
Alors que la diffamation nécessite que les faits imputés soient précis, l’injure par contre
requiert quant à elle un caractère imprécis. C’est ainsi que sera poursuivi pour injure celui qui traitera
une personne d’imbécile, de méchant, de moins intelligent…etc.
Le fait matériel est le fait d’injurier. L’agent doit avoir tenu des propos par parole ou par
chanson, couché des écrits, affiché des images. L’infraction se réalise donc par déclaration et non
par une quelconque agression physique. Il convient et il suffit que la victime se sente offensée soit
par des paroles tenues, des chansons exécutées, des images ainsi affichées
L’injure publique prévue par l’article 75 du code pénal est souvent retenue si son
expression est différente de celle d’un fait diffamatoire. Une expression plus ou moins vague peut
suffire à retenir l’infraction. Il suffit que ladite expression soit outrageante ou offensante.
347.
Mineur, op. cit., p.176.
348.
Idem, p.175.
349.
Parq. Lulua 22 octobre 1951, J.T.O.M. 1953, p.44.
350.
Elis. 25 janvier 1945, Rev. Jur. 1946, p.129.
351.
C.S.J. 28 mars 1973, interne P.G.R. 1973, n°1, p.144.
352.
C.S.J. 1er avril 1980.
Il y a lieu de retenir que le point de savoir si une expression est injurieuse ou non est une
question de fait laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond353.
Elément moral de l’infraction. Injurier une personne suppose que moralement l’agent a
conscience qu’il pose un acte de nature à l’offenser ou à la blesser. Ainsi l’agent doit avoir agi
avec la volonté d’offenser, c’est-à-dire avec l’intention coupable. Autrement dit, il faut établir
l’animus injuriandi354.
Mais cette intention coupable est toujours présumée tant que l’agent n’établit pas un fait
justificatif prouvant sa bonne foi. Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire.
C’est ainsi que l’emploi d’une expression apparemment injurieuse, sans intention coupable ne
faisant que constater une situation donnée, ne constitue pas une injure au sens de la loi 355.
L’article 77 introduit par le décret du 19 juin 1917 est le complément de l’article 75. Il
s’agit de ce que l’on appelle « injure simple ou non publique ».
Cette infraction requiert toutes les composantes de l’injure de l’article 75 du code pénal,
à l’exception de la condition relative à la publicité.
Les mêmes causes légitimes examinées pour la diffamation sont d’application dans le
cadre de l’injure.
Pénalités. Moins grave que la diffamation, l’injure publique est punie d’une peine de
servitude pénale de huit jours à deux mois et/ou d’une amende dont le montant en monnaie ayant
cours légal au pays n'excédera pas l'équivalent de 500 francs356 (art. 75) ;
Tandis que l’auteur de l’injure non publique, c’est-à-dire l’injure simple, ne risque que
huit jours de servitude pénale et/ou une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au
pays équivaut à 200 francs357.
353.
C.S.J. précitée.
354.
1ère Inst. Elis. 9 octobre 1919, Jur. Congo 1914-1919, p.348 ; C.S.J. 4 avril 1973, B.A. C.S.J. 1974, p.92 ; 26 février
1977, B.A. C.S.J. 1978, p.20.
355.
C.S.J. 1er avril 1980, inédit.
356.
Idem.
357.
Ibidem.
Ces pratiques procèdent par des manipulations des cellules embryonnaires et l'oeuf
fécondé ; elles les transforment ou les conforment selon que de besoins, et les détruisent à volonté
au point de les réifier.
Toutes ces pratiques ne sont malheureusement pas du tout prises en compte par le
législateur congolais contrairement aux autres pays et pourtant elles ne portent pas moins atteinte
à l'enfant avant sa naissance dans notre pays. Un tel vide juridique ne peut que constituer un
risque d’attraction de la part de tous ceux qui seraient tentés par ces pratiques, par ailleurs
délinquantes.
Sur certains aspects cependant, la loi de 2009 constitue une avancée mais, elle ne cerne
pas la question dans tous ses contours. L’intervention du législateur congolais en matière pénale
serait beaucoup plus salutaire et avantageuse pour l’enfant à naître, entant que personne humaine
déclarée sacrée par le constituant, même si il est simplement conçue.
SECTION 1. L’AVORTEMENT :
La principale atteinte à l’enfant simplement conçu
On constate dès lors que les articles 165 et 166 du code pénal incriminent l’avortement
sans le définir358. Mais, il convient d’analyser les composantes de l’infraction d’avortement (§1),
avant de traiter de son régime répressif (§2).
Les deux formes d’avortement du code pénal sont composées des conditions
préalables et des éléments constitutifs
Les différents avortements portés par les articles 165 et 166 du décret du 30 janvier 1940
portant Code Pénal, comportent une condition commune et une condition distincte.
358.
Problème de définition de l’avortement. La définition que donnent ainsi la doctrine et la jurisprudence de l’avortement
restreint la portée réelle de la protection pénale de l’enfant à naître. L’imprécision terminologique de l’avortement n’est pas
seulement le fait de la doctrine et de la jurisprudence ; elle résulte aussi de la loi elle-même, en l’occurrence de l’article 166
du code pénal, qui incrimine « l’avortement sur soi-même ». A proprement parler, il ne peut guère y avoir « avortement sur
soi-même », car l’avortement ne victimise pas la mère mais l’enfant simplement conçu. Il est plus juste de parler de
« l’avortement commis par la mère ». La confusion dans laquelle tombe l’article 166 du code pénal tient au phénomène de
« dualité victimale » qui est de l’essence même de l’infraction d’avortement, laquelle donne en effet lieu à une double
victimisation atteignant à titre principal et final l’enfant en gestation et, à titre secondaire et modale la mère. De cette analyse,
on peut tirer les conclusions suivantes : Lorsque la femme commet elle-même des manoeuvres abortives, elle est à la fois
victime de coups et blessures ou de l’administration de substances nuisibles, et délinquante eu égard à l’avortement. Sa
victimité ne prête pas à conséquence puisque elle ne peut être poursuivie comme auteur pour les infractions qui l’ont
victimisée ; Lorsque la femme a simplement donné son consentement à l’avortement sans pratiquer elle-même les
manoeuvres abortives incriminées, sa victimité n’entraîne aucune suite pénale à son propre égard mais doit être considérée à
l’égard des auteurs de l’acte prohibé, contre lesquels le cumul idéal avec l’avortement sera retenu. En revanche, la criminalité
de cette femme peut être établie en qualité de coauteur dans la mesure où elle a recherché librement et activement cet
avortement, ne fût-ce que parce qu’elle a dû se déplacer librement jusqu’au lieu où l’acte a été commis. Puisque la femme est
poursuivable comme complice, il est normal que l’homme, auteur de la grossesse, qui l’a incitée à avorter soit lui aussi
poursuivi non pas comme complice mais comme auteur, mettant ainsi l’accent sur sa double responsabilité à l’égard de sa
compagne et à l’égard du fruit de leur union. Doivent également être poursuivies comme auteur par provocation ou incitation
toutes autres personnes qui exercent une certaine ascendance ou une certaine autorité sur la femme. En dehors de ces cas,
l’incitation à l’avortement devrait être poursuivie comme une simple complicité ; Dans les deux cas qui précèdent,
l’avortement obtenu est intentionnellement recherché, en d’autres termes, les coups et blessures donnés et les substances
nuisibles administrées constituent des infractions – moyens par rapport à l’avortement, infraction – fin(358). Mais il peut se
faire que l’avortement résultant des coups et blessures intentionnellement donnés ou des substances nuisibles
intentionnellement administrées soit en réalité tout à fait involontaire. La protection de l’enfant aussi bien que celle de la
mère devrait quand même pouvoir être assurée dans ce cas, notamment par une aggravation de la situation de l’auteur de ces
coups volontaires ou de cette administration volontaire dans la mesure où celle-ci connaissait l’état de grossesse de la
victime. C'est probablement dans ce sens que le législateur a voulu assurer à travers la loi du 10 janvier 2009, la protection de
l'enfant avant sa naissance. Voir Likulia Bolongo dans son droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
Il n’y a pas d’avortement par quiconque sans grossesse. Entendu comme l’expulsion
prématurée de la grossesse, nul ne peut la consommer sur une personne qui n’était pas enceinte.
Peu importe aussi la viabilité ou non dudit produit. Nul n’a le droit d’évacuer une
grossesse à cause de la mal formation de l’enfant à naître. Peu importe enfin que l’existence de
ladite grossesse soit ou non attestée par l’acte d’un médecin compétent.
Il doit s’agir de la grossesse portée par une personne humaine. Il n’y a pas infraction
d’avortement lorsque l’agent détruit le produit de la fécondation faite in vitro. Il n’y a pas non
plus infraction d’avortement dans l’hypothèse de l’expulsion prématurée avec destruction du
produit de la conception d’un animal. Un tel traitement peut, si toutes les conditions sont réunies,
être qualifié de mauvais et entrainer la responsabilité de l’agent.
Elle est différente selon que l’on fait application de l’article 165 du code pénal ou de
l’article 166 du code pénal.
L’auteur de l’infraction d’avortement de l’article 165 du code pénal doit toujours être
une autre personne que la femme qui porte la grossesse. On parle alors de l’avortement commis
par autrui.
Il s’agit en effet du fait pour quiconque par aliments, breuvages, médicaments, violences
ou par tout autre moyen, de faire avorter une femme ; et cela, avec ou sans le consentement de
ladite femme.
Ainsi sera poursuivi le médecin qui aura provoqué l’avortement même avec le
consentement de la femme. On a estimé que le refus de prendre en considération le consentement
de la femme répond à l’idée que ce consentement ne peut légitimer l’acte qui est criminel, qui
menace l’intérêt social et destiné à priver un être de son existence. Car personne, en dehors de la
loi, n’a le droit de tuer. La femme ne peut pas décider de la vie ou de l’existence d’un être humain
même en gestation. Ce qui est d’ailleurs conforme aux principes généraux du droit tels qu’ils sont
appliqués en matière du meurtre et des coups et blessures.
L’auteur de l’infraction d’avortement de l’article 166 du code pénal doit toujours être la
même femme qui porte la grossesse. Pas une autre personne (femme ou homme). Il s'agit donc de
la femme enceinte qui provoque l’expulsion du produit de sa propre conception. Par exemple la
femme qui prend des aliments, médicaments, breuvages ou use de tout autre moyen dans le but
d’expulser le produit de sa propre conception qu’elle continue à porter. Dans tous les deux cas,
une autre personne peut néanmoins participer soit en qualité de coauteur, soit de complice.
B. Éléments constitutifs
1. Élément matériel
L’élément matériel de l’infraction d’avortement doit être réalisé par des moyens précisés
par le législateur avec résultat.
Les moyens employés. L’article 165 du code pénal vise d’une part tout moyen employé
sans le définir et d’autre part les aliments, breuvages, médicaments ou violences.
- En ce qui concerne les moyens, on distingue généralement les moyens chimiques
(quinine, eau-de-vie allemande, antimoine), des moyens mécaniques : sonde, injection d’eau
savonneuse de permanganate, crayon introduit dans l’utérus pour provoquer contraction et
expulsion, exercices physiques divers suivis d’hémorragie et de curetage, stérilets, micro-
abortifs359.
- Quant aux médicaments, on retient toutes substances solides ou liquides simples ou
composées, auxquelles l’art de guérir attache un effet déterminé sur l’organisme et en matière
d’avortement l’effet d’expulser le fœtus360.
- Tandis que par breuvage on entend toute boisson capable de provoquer l’avortement, c’est-à-
dire de détruire le foetus.
- Par aliments, il faut entendre tout ce qui sert de nourriture.
- Enfin le terme violence invoque l’idée de force ou de sévices. On retient généralement les
coups et autres actes de même nature. Tel est le fait de jeter une femme en bas d’une volée
d’escaliers361. Ou encore des exercices violents.
Résultat. Après avoir accompli son acte matériel constitutif d’avortement, l’agent
attendra un résultat qui peut être atteint ou non.
359.
Kin. 13 août 1970, R.J.Z. 1971, p.241, Jean LESUEUR, Précis de droit pénal spécial, p. 122 ; Norbert LIKULIA
BOLONGO, Problèmes juridiques actuels, UNAZA, 1973-1974.
360.
Idem.
361.
Mineur, op. cit., p. 350.
362.
Idem.
Résultat non atteint ou infraction inachevée : Quand le résultat recherché n’est pas
atteint, malgré la réalisation de l’acte matériel, il y a tentative punissable. La répression de cette
tentative s’étend également à l’infraction impossible. C’est dans ce sens que s’est prononcé le
tribunal de 1ère Instance de Stanleyville dans son jugement du 23 septembre 1952363.
2. Élément moral
L’intention coupable est requise. L’auteur doit avoir agi sciemment c’est-à-dire avec
l’intention de provoquer l’avortement.
Il en résulte que si l’avortement est le résultat de violences volontaires, portées non dans
le but de provoquer l’avortement mais dans l’intention générale d’attenter à la personne d’autrui ;
il y a lieu d’appliquer non pas l’article 165 du code pénal mais les articles 46 et suivants du code
pénal364.
Paragraphe 2. Pénalités
L’avortement commis par la femme elle-même volontairement est puni d’une servitude
pénale de cinq à dix ans365.
L’avortement commis par autrui par aliments, breuvages, médicaments, violences ou par
tout autre moyen, sur une femme sera puni d’une servitude pénale de cinq à quinze ans366.
363.
R.J.C.B. 1953, p.136. cité par Likulia Bolongo dans son Droit pénal spécial zairois, Op.cit.
364.
1ère Inst. Eq. 11 août 1955, J.T.O. 1957, p.89, n°12 ; 1ère Inst. Kas. 5 décembre 1956, R.J.C.B. 1957, p.187.
365.
Article 166 du code pénal tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°70-031 du 30 avril 1970.
366.
Article 165 du code pénal tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°70-031 du 30 avril 1970.
Car, au lieu de créer des incriminations spéciales, il aurait fallu tout simplement aggraver
la sanction du délinquant qui agresserait une femme dont la vulnérabilité due à son état de
grossesse est manifestement connue de l'agresseur. Ce qui ne protégerait pas moins l'enfant en son
sein mais apporterait plus de précision, de cohérence et de rigueur dans notre législation.
Parmi les incriminations créées par la loi de 2009 dans le cadre de la protection de
l'enfant avant sa naissance, de la femme et par conséquent de la famille, on retrouve :
- des actions dommageables ; et
- des abstentions dommageables
Il s'agit des incriminations d’une pat d’actions dommageables fondées sur les coups et
blessures des articles 46 et 47 du code pénal ; et des abstentions dommageables fondées sur
l'abstention de porter secours de l'article 66 ter du Code pénal congolais précédemment examinée
et auxquelles nous renvoyons en ce qui concerne les notions générales, c'est-à-dire les conditions
préalables et les éléments constitutifs.
Nous n'évoquerons donc ici que les aspects particuliers que ces incriminations
présentent, à savoir les conditions préalables et le régime de leur répression.
Il existe d'une part la vulnérabilité comme condition préalable à toutes les incriminations
de la loi de 2009 et d'autre part des conditions propres à chacune d'elles.
Les infractions des articles 143, 146, 191 et 193 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009
portant protection de l'enfant ont pour condition commune la vulnérabilité de la victime de
l'infraction.
Si la vulnérabilité de la victime de l'infraction de l'article 146 doit être due à son état
d'instance d'accouchement, en revanche, celle de la victime des infractions des articles 143, 191 et
193 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 doit en effet plutôt être due à son âge.
Les incriminations des articles 143 et 146 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009,
consistent dans les faits d’une part de porter des coups ou de causer des blessures à une femme
enceinte ; et d’autre part de s'abstenir de porter assistance à une femme en instance
d'accouchement.
La victime des infractions des articles 191 et 193 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009
doit, de par la volonté du législateur, être une personne vulnérable à cause de son âge de moins de
dix-huit ans.
Peu importent son sexe, sa nationalité, sa religion, son état-civil, ses moeurs ou n'importe
quelle autre condition sociale.
Il convient de noter que la victime directement atteinte par les violences doit forcément
être une personne de sexe féminin en état de grossesse. Peu importe l'âge du produit de la
conception. L'infraction existe donc, même si l'agression n'a eu lieu que deux semaines après le
début de la grossesse.
Hors mis l'absence de risque pour le sauveteur et pour les tiers, l’infraction d’abstention
de personnel soignant de porter assistance à une femme en instance d'accouchement de l'article
146 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 nécessite, pour être établie, d’un côté la qualité de la
victime et de l’autre côté une précision sur la qualité de l'agent.
D’une part, la victime n’est pas simplement une femme. Il ne s’agit donc pas de toute
femme, ni de toute femme enceinte ou même malade, auquel cas l’abstention dommageable
consommerait l’infraction de l’article 66 ter du code pénal, mais il faut démontrer que la femme
non assistée était, au moment des faits, en instance d’accouchement. Ce qui implique que cet état
n’ait pas été ignoré de l'agent.
L'âge de la femme enceinte non assistée importe peu. Sa nationalité, sa race, sa religion,
sa situation de prisonnière ou femme en liberté, son état civil ou n'importe quelle autre condition
sociale n'ont aucune incidence sur l'existence de l'infraction.
D’autre part, il est exigé que l'abstentionniste puisse avoir au moment des faits, la qualité
de personnel soignant.
La notion de personnel soignant doit être prise de manière globale. Il faut donc y inclure
tous les praticiens de l’art de guérir notamment les médecins, les chirurgiens, les infirmiers, les
accoucheuses ou sages-femmes, les tradi-praticiens ou guérisseurs, les dentistes,
kinésithérapeutes...etc. Il s'agit donc de toute personne impliquée de par sa profession, dans les
soins des patients sans tenir compte du grade qu'elle porte ni de la fonction administrative qu'elle
assure au moment de l'abstention.
La suite des événements importe peu pour l'établissement de l'infraction. C'est-à-dire que
même si il y a eu une autre assistance et que la victime n'a pas subi de préjudice manifeste, cette
infraction formelle existera tout de même. Il n'est donc pas nécessaire que la victime subisse
effectivement un dommage. L'infraction se cristallise donc au moment de la simple abstention.
Peu importe le lieu de la commission de l'infraction. C'est que le personnel soignant est
tenu de porter assistance à une femme en instance d'accouchement quel que soit le lieu où il se
trouve(même en dehors de son lieu de travail). C'est ainsi que pourra engager sa responsabilité
pénale pour cette infraction, le personnel soignant qui, se trouvant dans une salle de fête, refuse de
porter assistance à une femme en instance d'accouchement en invoquant les règles déontologiques
relatives au suivi des patients.
Par ailleurs, il s'agit d'une incrimination générale. C'est qu'en effet toute personne peut la
commettre. La qualité de l'agent n'a aucune incidence. Le législateur affirme ici la possibilité
pour quiconque d'engager sa responsabilité pénale pour abstention de porter secours à une
personne âgée de moins de dix-huit ans.
Pour être constituée, l'infraction de la personne qui prend connaissance d'abus ou de mise
en danger d'un enfant et qui s'abstient volontairement d'accomplir un acte de sa fonction ou de
son emploi requis pour la circonstance de l'article 193 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009
nécessite particulièrement que l'auteur des faits n'ait pas une autre qualité que celle prévue par la
loi.
En dehors de l'agent public qui est le fonctionnaire de droit, nulle autre personne ne
pourra se voir imputer cette infraction, sauf si la personne a agi entant que fonctionnaire de fait.
Cette qualité s'apprécie évidemment au moment des faits. Peu importe le changement
intervenu avant la mise en mouvement de l'action publique.
Aussi, l'agent public doit-t-il avoir pris connaissance d'abus ou de mise en danger de sa
victime non assistée. Il faudra aussi prouver que l'agent de l'État avait agi de manière volontaire.
L'agent de l'État doit avoir été tenu d'accomplir un acte de sa fonction ou de son emploi
requis pour la circonstance.
367
. Articles 144 et 145 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
Selon l’article 146 de la loi de 2009, lorsque le personnel soignant s’abstient volontairement
de porter assistance à une femme en instance d'accouchement, en dehors des causes de
justifications ou de non imputabilité, il subira la même peine que celle prévue en cas de non
assistance à personne en danger ; soit une servitude pénale de trois mois à deux ans et/ou une
amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays varie entre l’équivalent de cinq à
cinquante francs (voir l’article 66 ter du Code Pénal).
Aux termes de l’article 191 de la loi de 2009 : Toute personne qui s’abstient volontairement
de porter secours à un mineur de dix-huit ans (article 191 de la loi de 2009) est passible de
trois mois à un an de servitude pénale principale et d'une amende de cent mille à deux cent
cinquante mille francs congolais. Le juge est tenu de prononcer obligatoirement les deux
peines.
Pour ce qui est de l’article 193 de la loi de 2009, tout agent de l’Etat qui s'abstient
volontairement d’accomplir l’acte d’assistance prévu dans le cadre de sa fonction ou de son
emploi et requis pour la circonstance sera passible d’une amende de cent mille à deux cent
cinquante mille francs congolais. Seule la peine d'amende est prévue. Par conséquent, le juge
ne devra pas prononcer une peine privative de liberté.
Aux termes de l’article 174 k du décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal, tel que
modifié par la Loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles368, on peut lire ce qui suit :
Sera puni d’une peine de servitude pénale de dix à vingt ans, quiconque aura détenu une ou plusieurs
femmes rendues enceintes de force ou par ruse.
S’il est important de louer les efforts du législateur dans son élan de pénalisation, il semble
non moins pertinent de relever la difficulté de compréhension de cette infraction en droit pénal
congolais. Vise-t-elle véritablement la protection de la famille à travers celle de l’enfant avant sa
naissance ? En effet, le législateur congolais vient d’incriminer ce comportement après avoir incriminé
pratiquement le même comportement dans le cadre des crimes contre l’humanité lorsqu’il est établi
que l’agent voulait la destruction d’un groupe par le biais de la « bâtardisation » du groupe en détenant
des femmes engrossées par force ou ruse afin de faire naitre des enfants non admis au sein du groupe
ou concrètement en empêchant toute interruption de grossesse.
D’emblée, cette infraction vise à protéger le droit pour la femme à jouir de sa liberté de
mouvement, sans restriction aucune, afin de disposer, si elle le veut, librement de son corps ; mais
aussi de l’enfant se trouvant dans son sein et considéré (à l’étranger) comme une partie de ses organes.
La détenir consisterait à empêcher toute interruption, si elle le désire, de sa grossesse d’origine forcée
ou rusée.
Son incorporation en droit congolais doit normalement susciter un sérieux débat quant à
savoir si le produit de la conception est en ce jour pénalement protégé ou non.
368
. Article 174 k du décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal, tel que modifié par la Loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur
les violences sexuelles368, modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal Congolais, in JO RDC,
du 1ier Août 2006, n°15, p.13.
Il est un fait que le législateur congolais protège l’enfant dans le ventre de sa mère en
incriminant toute atteinte directe et indirecte à sa personne. Comment peut-il au même moment,
affirmer en quelque sorte une certaine « liberté de disposition » de la part de la femme enceinte ; en
incriminant toute détention qui l’empêcherait ?
L’idée c’est qu’il faut éviter d’être complice d’avortement mais en même temps, il faut
s’interdire d’empêcher une femme de s’émouvoir pour, éventuellement, aller se faire avorter, du
moment qu’elle prétend avoir été engrossée de force ou par ruse. D’une part, empêcher l’avortement
entrainera l’infraction de grossesse forcée et d’autre part, la soutenir à interrompre sa grossesse
réaliserait la participation à l’infraction d’avortement. Il me semble que le législateur congolais
affirme dans ce cas précis, dans le code pénal, quelque chose et son contraire.
Néanmoins, entant qu’infraction de droit commun portée par le code pénal, elle devra être
analysée dans ses composantes et son régime répressif.
Telle que présentée, l’infraction de grossesse forcée est une infraction qui est constituée des
conditions préalables et des éléments strictement constitutifs
L’article 174 k ne peut être appliqué que sous les deux conditions suivantes :
- L’existence d’une ou de plusieurs femme (s) enceinte (s); et
- L’existence de grossesse obtenue par force ou par ruse.
Premièrement, il doit s’agir d’une personne humaine de sexe féminin qui se trouve, au
moment des faits, en état de grossesse. L’âge du produit de la conception importe peu. Il peut s’agir
d’une grossesse de trois jours, deux semaines, trois mois voire de sept mois… etc. peu importe la
viabilité ou non du produit de la conception. Il faut souligner que l’infraction ne sera nullement
établie, s’il s’agissait d’un animal attendant de mettre bas.
Deuxièmement, la grossesse dont question doit avoir été obtenue par l’emploi de la force ou
de ruse. En dehors de la force ou de la ruse que doit avoir utilisé l’auteur de la grossesse, l’infraction
ne saura être retenue. Une grossesse obtenue régulièrement (sans emploi de la force ni de ruse), mais
ayant commencé à causer des complications ou de la gène à la porteuse, ne peut entrainer cette
infraction. Aussi bien la force que la violence doivent avoir été utilisées bien avant la commission de
l’infraction sous examen.
Il est important de préciser que l’agent peut ou ne pas être l’auteur de la grossesse. Dans
l’affirmative, il sera poursuivi aussi pour viol, lorsqu’il est établi qu’il a engrossé par voie sexuelle ou
pour coups et blessures aggravés en cas d’engrossement par une modalité assexuée (par exemple par
injection ou picure par force ou ruse).
Deux éléments caractérisent cette infraction, à savoir : l’acte matériel et l’élément moral.
1. La détention
L’acte matériel de l’infraction de grossesse forcée consiste dans le fait de détenir. Il s’agit en
effet de la privation des libertés de mouvement. L’agent ne doit pas avoir préalable violé la femme
enceinte ; au risque d’engager sa responsabilité pénale également pour cette infraction de viol. Il
convient et il suffit pour l’agent d’empêcher ou d’interdire toute sortie à une femme enceinte.
2. L’élément moral
L’auteur de l’infraction de grossesse forcée est passible d’une peine de servitude pénale de
dix à vingt ans.
C’est tardivement que la loi du premier août 1987 portant Code de la famille est venue
abroger entre autres ces deux textes et organiser l’incrimination d’adultère dans sa configuration
actuelle et son régime répressif.
Etant donné que ce texte retient toutes les deux formes de mariage : le mariage célébré
par l'officier de l'état civil selon les formalités prescrites par la loi et celui célébré en famille mais
enregistré par l'officier de l'état civil ; le législateur a de ce fait incriminé et puni l’infraction
d'adultère d'abord dans le cadre d'un mariage célébré selon les formalités prescrites par la loi et
ensuite la particularité de celui célébré selon les formalités prescrites par les coutumes.
369.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
L’auteur signale que l’adultère est une infraction dépénalisée dans plusieurs pays : la Norvège (code pénal de 1927) ; la Suède
(en 1937), la Russie (depuis la révolution socialiste), la France ; les États-Unis d’Amérique (certains États dont Arkansas,
Louisiane, Nevada, Nouveau Mexique, Tennessee, etc.). Mais ce courant abolitionniste ou mieux de décriminalisation de
l’adultère n’a pas encore atteint notre pays qui continue à organiser sa répression dans le Code de la famille.
L'article 459 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la famille affirme que
les époux se doivent mutuellement fidélité, respect et affection. C’est justement la violation de
cette fidélité qui réalise l’adultère.
Aux termes de l’article 467 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la
famille : « Sera puni, du chef d'adultère, d'une peine de servitude pénale de six mois à un an et d'une
amende de 500 à 2.000 francs :
1.Quiconque, sauf si sa bonne foi a été surprise, aura eu des rapports sexuels avec une femme mariée;
2. le mari qui aura eu des rapports sexuels avec une personne autre que son épouse, si l'adultère a été
entouré de circonstances de nature à lui imprimer le caractère injurieux ;
3. la femme qui aura eu des rapports sexuels avec un homme marié dans les circonstances prévues au
2° du présent article ;
4. la femme mariée qui aura eu des rapports sexuels avec une personne autre que son conjoint ».
De ce qui précède, l’adultère peut être entendu comme le fait pour une personne d’avoir
des rapports sexuels, de toute nature, avec un partenaire marié suivant les règles du droit
congolais, lequel (partenaire) n’est pas son conjoint légitime. Il se réalise également lorsqu’une
personne mariée consomme des rapports sexuels avec un autre partenaire que son conjoint
légitime.
En matière civile, l’adultère de la femme ou de l’homme est une cause de divorce 370. En
matière pénale, si l’adultère de la femme est toujours réprimé en droit congolais, l’adultère du
mari n’est punissable que s’il est entouré de circonstances de nature à lui imprimer le caractère
d’une injure grave. Ce qui n'est pas le cas dans certaines législations étrangères où le régime de la
répression est le même à l'endroit de tout contrevenant, qu’il soit homme ou femme.
L'existence d'un mariage et plus particulièrement sa forme, ainsi que la qualité des
protagonistes constituent les conditions d’existence de l’infraction en étude.
370.
Article 539 de la loi n°087-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille.
Il en est de même du droit d’exclusivité sexuelle que les fiancés se sont mutuellement
promis. Le commerce charnel d’une fiancée ne peut jamais constituer une infraction adultère.
Cette impunité est également assurée aux relations charnelles entretenues antérieurement à la
célébration de l’union conjugale même si les conséquences de ces œuvres notamment la grossesse
ne se manifestent qu’après la conclusion du mariage371.
Pour que l’adultère soit retenu, le mariage doit être valable. C’est ainsi que la nullité du
mariage, qu’elle soit absolue ou relative, doit écarter la condamnation. Cette nullité doit
évidemment être prononcée au préalable par une juridiction civile374. Il y a donc, comme en
matière de bigamie, une question préjudicielle qui devra être vidée avant de revenir traiter de
l’adultère.
L’adultère n’existe pas non plus à raison de faits postérieurs à la dissolution du mariage
survenu soit par la mort du conjoint, soit par le divorce. Dans l’hypothèse de divorce, les devoirs
de fidélité découlant du mariage, subsistent entre les époux, jusqu’au jour où le jugement de
divorce a acquis l’autorité de la chose jugée, toutes les voies de recours étant épuisées ou les
délais correspondants expirés (article 578 du Code de la famille).
On a également soutenu que le divorce intervenant avant le dépôt de la plainte, écarte, lui
aussi, la condamnation. Mais le jugement de séparation de corps (une institution ancienne),
laissant subsister le mariage et le devoir de fidélité, n’exclut pas la condamnation375.
371.
Même le droit coutumier consacre ce principe ; Kin. Terr. Léo. n°8145, 6 avril 1950, B.J.I. 1959, p.62.
372.
Articles 383 à 393 de la loi n°087-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille.
373.
Articles 369 à 382 de la loi n°087-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille.
374.
Elis. 24 janvier 1956, R.J.C.B., p. 123.
375.
Léo. 16 septembre 1947, R.J.C.B., p. 89.
Il s’agit ici d’une infraction plurale. Le partenaire d'un marié convaincu d'adultère sera
poursuivi non plus comme complice mais comme coauteur. Mais il est possible d’avoir à faire,
dans un même dossier, à un complice qui aura fourni soit des instructions soit logement habituel
aux infracteurs principaux.
Du sexe des partenaires. L’article 467 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code
de la famille organise quatre déclinaisons de l’infraction d’adultère, distinguant les différents
partenaires :
- Dans la premièrement déclinaison, l’agent peut être de n’importe quel sexe et le partenaire
forcément du sexe féminin ;
- Quant à la deuxième déclinaison, l’agent doit être de sexe masculin et son partenaire de
n’importe quel sexe ;
- Pour la troisième déclinaison, l’agent doit être une femme et son partenaire un homme ;
- En ce qui concerne la quatrième déclinaison, l’agent doit être une femme et son partenaire
peut être de n’importe quel sexe.
Parmi les éléments constitutifs de l’adultère dans le cadre du mariage célébré par
l'officier de l'état civil, certains sont communs à l’adultère de la femme et du mari ; et d’autres
sont propres à celui du mari.
La consommation des rapports sexuels de l’un des époux avec une personne autre que
son conjoint est l’acte par lequel se consomme l’adultère377.
376.
Article 467 points 1 et 3 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la famille
377.
Article 467 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la famille.
Cette union sexuelle est le fait matériel nécessaire de l’adultère. C’est ainsi que ne
peuvent être coupablement retenus :
- les actes obscènes ou impudiques d’une femme sur elle-même ;
- les familiarités obscènes quel que soit le degré de leur obscénité ;
- la vie commune d’une femme avec un tiers sans relations sexuelles normales ni anormales.
En revanche l’adultère doit être retenu peu importe la circonstance que l’âge, la santé ou
l’infirmité du coupable ne pouvait permettre la conception ou la jouissance. Alors qu'une ancienne
jurisprudence excluait la possibilité de retenir l'adultère en cas des relations contre nature entre
deux femmes ou deux hommes378 ; nous estimons qu'à ce jour, de tels actes caractérisent ce délit.
Deux moyens confortent notre position : l'évolution des mœurs et l'évolution du droit.
- En effet, les comportements ont évolué dans le monde et singulièrement dans notre pays. Les
rapports permettant d'assouvir les besoins libidinaux ne se caractérisent plus uniquement par
des actes sexuels « normaux ». Ils ne se pratiquent ni ne concernent pas que des personnes de
sexes différents ; ce qui peut manifestement porter atteinte au devoir de fidélité liant les époux
entre eux.
- Par ailleurs, à la suite de cette évolution des mœurs, la première, la deuxième et la quatrième
déclinaison de l’infraction d’adultère portée par l’article 467 du Code de la famille la
retiennent à l'endroit de personnes qui peuvent avoir le même sexe. Pour que l'adultère soit
retenu et entraîne des poursuites, le marié offensant doit avoir eu ces rapports avec une
personne autre que son conjoint. On se rend compte, par cette formulation, que le sexe de
cette personne importe peu.
Les mêmes peines de l’infraction d'adultère peuvent aussi être retenues à l'encontre de
quiconque (homme ou femme) pour des rapports consommés avec une personne mariée
(homme ou femme). Cette évolution est aussi constatée dans la formulation actuelle de
l'infraction de viol de l’article 170 du Code Pénal actuel (modifié par la loi du 20 juillet 2006 sur
les violences sexuelles) que nous étudierons dans la partie suivante.
La loi n’exige pas non plus que les rapports sexuels soient normaux et complets. Ainsi
sera punissable la femme mariée qui a eu des rapports sexuels même incomplets voir anormaux
avec une autre personne que son mari. De même elle ne pourra pas invoquer qu’elle n’a pas été
satisfaite par ces rapports incomplets ou anormaux.
Il faut dire enfin que bien avant l'indépendance du Congo, le droit coutumier sanctionnait
déjà l’homosexualité comme adultère379.
378.
Terr. Bafuasende 17 juin 1957, B.T.G. 1962.152.
379.
Terr. Bafuasende 17 juin 1957, B.T.G. 1962.152.
2. Intention coupable
C’est ainsi que ne sera pas poursuivie ni sanctionnée la femme qui a eu des rapports
sexuels illicites si elle a été contrainte physiquement ou moralement par une force irrésistible ou si
elle est atteinte d’aliénation mentale. Dès que l’adultère a été commis volontairement, en
connaissance des circonstances qui rendent l’acte délictueux, l’époux coupable doit être poursuivi.
Peu importe le mobile. Ainsi se rendait coupable d’adultère la femme mariée qui aurait
des relations sexuelles avec le patron de son mari dans le but soit d’obtenir une promotion pour
son mari soit de faire échapper son mari à des sanctions auxquelles il serait exposé.
S’agissant de l’adultère du mari, l’acte isolé ne suffit pas à constituer l’infraction, la loi
n’est applicable que si « l’adultère a été entouré de circonstances de nature à lui imprimer le
caractère d’une injure grave »380.
La loi n’a pas défini ce qu’elle entend par « injure grave ». Elle a laissé un grand pouvoir
d’appréciation au juge. Celui-ci appréciera donc souverainement quand l’époux coupable méritera
de se voir appliquer les sanctions prévues par la loi. Il a été jugé que le concubinage, par lui seul
n’était pas constitutif de l’adultère car on a estimé qu’il n’imprimait pas le caractère d’injure
grave à l’adultère du mari381. Par contre peut imprimer le caractère d’injure grave à l’adultère du
mari l’entretien d’une concubine dans le domicile conjugal. Dès lors, les deux conjoints ne sont
pas sur pied d’égalité ; distorsion violant le principe d’égalité des sexes, le devoir de fidélité et le
principe d’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes382.
Il existe toute une procédure à respecter impérativement pour espérer aboutir à des
sanctions que prévoit la loi contre l'auteur de l'adultère.
A. La procédure à suivre
380.
Article 467 point 2 du Code de la famille.
381.
Léo. 9 août 1951, R.J.C.B., p.47 ; et J.T.O. 1952, p.94, avec note, et 29 mars 1956, J.T.O. 1957, p.88, n°6.
382.
Lire avec intérêt le Professeur Eddy MWANZO Idin’ AMINYE dans son Cours de Droit Civil : Personnes, Famille et
Incapacités, Edition 2013-2014, p. 117
Il est tout de même important de relever que cette position du législateur ne rencontre pas les
aspirations de la société congolaise. Puisqu’en effet, il est difficilement admissible en Afrique en
général et en République Démocratique du Congo en particulier, de se voir interdit d’intervenir
lorsque par exemple on est témoin de l’adultère commis par le conjoint de sa propre fille, nièce, sœur,
cousine, mère, tante ou de son propre fils, neveu, frère, cousin, père ou oncle. On considère dans la
conception africaine ou simplement congolaise que le mariage implique toute la famille ; ce qui n’est
pas le cas en occident, d’où l’idée est venue. En Afrique ou plus précisément au Congo, c’est la
famille de l’homme qui va épouser la femme pour l’enfant. A cet effet, il serait tout à fait logique de
lui reconnaître juridiquement un rôle à jouer (tant dans les formalités de l’union que dans les
mécanismes de la désunion) ; tant il est vrai que sociologiquement les familles occupent des places de
choix de manière indiscutable. Il serait souhaitable que le législateur congolais tranche la question
sans se départir des réalités de nos sociétés.
Le conjoint plaignant bénéficie seul du droit de demander, à tout état de la cause, l’abandon
de la procédure initiée contre son conjoint fautif. Il peut également, à condition de consentir de
reprendre la vie commune, demander l’abandon des effets de la condamnation à la servitude pénale.
A travers un tel droit de quasi grâce (présidentielle) reconnu à l’époux offensé, le législateur congolais
renforce la protection de l’unité et la stabilité de la famille mais aussi la paix du ménage
383.
Léo. 30 octobre 1954, R.J.C.B., p.21.
384.
Léo. 6 mai 1947, R.J.C.B. 1948, p.54 ; Belg. Col. 1949, p.367 ; Elis. 8 mai 1951 ; R.J.C.B. 1951, p.134 précité.
385.
Jean LARGUIER, Procédure Pénale, PUF, 2ième éd, Paris, 1987, p. 71.
Forme de la plainte. La loi n’a prescrit aucune forme pour la plainte en matière
d’adultère. L’existence d’une plainte est constatée souverainement par le juge. Il peut s’agir soit
d’une dénonciation verbale soit d’une plainte écrite386.
Le ministère public, saisi d’une plainte pour adultère, se comporte comme en matière
ordinaire. Il apprécie librement la suite à donner, il poursuit même si l’époux offensé vient à
mourir après sa plainte.
2. Preuve de l’adultère
L’adultère commis soit par la femme, soit par le mari, peut être prouvé par tous les
moyens procès-verbaux de constat, aveux des inculpés, lettres d’amour388, témoignages,
387
présomptions, des explications fausses sur l’emploi du temps lors d’une absence suspecte de la
femme coupable389.
Le flagrant délit peut donc être prouvé par tous les moyens, notamment par témoins.
Désistement. Le désistement est prévu par l’article 468 alinéa 2 du code de la famille qui
dispose que : « Le plaignant pourra en tout état de cause, par le retrait de sa plainte, l'abandon de
la procédure ».
L’époux outragé peut donc, en tout état de cause, se désister de sa plainte et mettre ainsi
fin aux poursuites, même si elles sont exercées par le ministère public. Il éteint donc l’action
publique et efface le caractère délictueux de l’acte390. D’où le complice en bénéficie aussi bien
que l’auteur principal391.
386.
Codes Piron, T.I, p. 342
387.
La nature du délit d’adultère n’est pas susceptible de preuve absolue ; il ne peut être établi que par des présomptions. La
preuve physique et la démonstration de l’adultère, dit-on, est une découverte extrêmement difficile. Et les médecins ont fini
par avouer que cette infraction ne peut être prouvée que par des présomptions (Garçon, op. cit., p. 292).
388.
Distr. Kas. 18 avril 1968, R.J.C. 1969, p. 224.
389.
Trib. Distr. Kasaï 18 avril 1968, R.J.C. 1969, p. 224.
390.
Léo. 18 mars 1954, R.J.C.B., p. 196.
391.
Léo. 25 avril 1957, R.J.C.B. 1958, p. 133.
Pardon de l’époux outragé. Lorsque le jugement est devenu définitif, le désistement n’est
plus recevable. Toutefois l’alinéa 3 de l’article 468 du Code de la famille reconnaît à l’époux
outragé un droit exceptionnel, un véritable droit de grâce : il peut demander l’élargissement de son
conjoint et arrêter les effets, de la condamnation à la servitude pénale. Ce droit de grâce lui
conféré par la loi est subordonné à la condition de consentir à reprendre la vie commune.
Les effets de la condamnation à la servitude pénale étant seuls arrêtés, on en déduit que
l’époux coupable doit exécuter les condamnations civiles et les amendes prononcées.
Le droit de pardon concédé à l’époux offensé ne peut s’exercer qu’en faveur de l’époux
coupable et non en faveur du tiers partenaire. Celui-ci, s’il est condamné, doit exécuter sa peine.
4. Fins de non-recevoir
Par ailleurs, l'action du plaignant sera déclarée irrecevable si l'infraction a été commise
avec son consentement ou avec sa connivence392. À cet effet, il sera tenu de supporter les charges
de l'instance.
L'auteur du délit d'adultère sera passible d'une part, des sanctions pénales et d'autre part,
des sanctions civiles.
Les sanctions pénales. L'article 467 du code de la famille fixe les peines à infliger à
l'époux coupable ainsi qu’au partenaire autre que son conjoint. Toute personne convaincue
d’adultère devra encourir une peine de servitude pénale de six mois à un an et une amende de 500
à 2000 francs393. Peu importent leurs race et statut matrimonial, les mêmes peines prévues par la
loi s'appliquent à tous.
Les sanctions civiles. L’époux victime peut demander le divorce pour cause d’adultère
de sa femme. Mais la femme ne peut demander le divorce de son mari que si l’adultère a été
entouré de circonstances de nature à lui imprimer le caractère d’une injure grave 394.
392. ier
Article 469 de la loi n°87-010 du 1 Août 1987 portant code de la famille
393.
Article 468 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant code de la famille.
394.
Article 467 point 2 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la famille.
Cette action qui sera portée devant le juge civil n’appartient qu’aux époux. Si l'époux
demandeur est interdit, son tuteur peut en son nom, demander le divorce avec l'autorisation du
conseil de famille395. L'époux offensé conserve son droit de demander réparation à son conjoint
coupable d'adultère mais aussi à toute autre personne avec qui son conjoint aura commis ce délit,
à condition qu'il n'ait pas approuvé ou toléré sa consommation396.
Si dans les deux cas, les éléments constitutifs de l’adultère de l’homme demeurent
identiques, il n’en est pas de même de la condition préalable. Ici, c’est l’état de mariage et en
particulier la nature juridique du mariage et sa condition de validité qui distinguent des conditions
d'existence de cette incrimination.
B. La nature du mariage
Il faut avouer en effet que cette autre forme d'adultère n'est envisageable qu’en cas de
mariage célébré en famille selon les diverses formalités prescrites par les coutumes. Ces dernières
ne devront aucunement être contraires à l'ordre public397. Il doit s'agir nécessairement d'un
mariage monogamique coutumier.
C. Validité du mariage
Pour être valide, un tel mariage doit avoir été enregistré par l'officier de l'état civil. Ce
dernier devra aussi dresser l'acte le constatant. Comme pour l'adultère précédemment étudié, le
fait pour quiconque d’avoir des relations sexuelles avec une femme mariée constitue un fait
principal de ce délit. Le partenaire de la femme mariée sera puni non pas entant que complice
ainsi que le prévoyait par le passé l'article 13, al. 1er, du décret du 5 juillet 1948, mais comme auteur
principal d’adultère398.
395.
Article 554 de la loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la famille.
396. ier
Article 471 alinéa 1 de la loi n°87-010 du 1 Août 1987 portant Code de la famille.
397.
Article 369 du Code de la famille.
398.
Article 467 du Code de la famille.
Ces différents faits sont érigés en infraction par les articles 470 et 472 du Code de la
famille. Alors que le mari sera puni pour son incitation ou son cautionnement ; toute autre
personne peut engager sa responsabilité pénale pour avoir facilité ou permis à une femme d'avoir
des rapports sexuels constitutifs d'adultère.
L'article 470 du Code de la famille punit de la servitude pénale ne dépassant pas six
mois et d'une amende de 500 à 2000 francs, le mari qui aura incité sa femme à commettre
l'adultère ou en aura sciemment favorisé l'exécution. Le mari ne pourra engager sa responsabilité
pénale que si il est établi qu'il a lui même volontairement poussé son épouse à consommer les
rapports sexuels d'adultère ou occasionné sa commission.
L’article 472 du Code de la famille prévoit en effet que : sera puni des peines prévues en
cas d'adultère, sauf si sa bonne foi a été surprise :
- « quiconque aura enlevé, même avec son consentement, une femme mariée ou
l'aura détourné de ses devoirs de façon à la soustraire à la garde de son mari ou
de la personne chargée de ce soin pour le compte du mari, afin de faciliter ou de
permettre à cette femme des rapports adultères ;
- quiconque aura caché ou gardé cette femme dans la même intention ».
Cette disposition est applicable aussi bien aux parents, aux ascendants qu’à toute autre
personne.
Les auteurs seront punis des mêmes peines que celles prévues pour le délit d'adultère à
l'article 467 du Code de la famille. Ils subiront donc une servitude pénale de six mois à un an et
une amende de l'équivalent en monnaie ayant cours légale au pays de 500 à 2000 francs.
Dans le cadre de notre cours, il sera question de traiter notamment des atteintes à la
liberté de mouvement et des atteintes à la liberté de choix en matière sexuelle. Mais, il va falloir
s’intéresser d’abord à la protection pénale de l’inviolabilité de la vie privée caractérisée, en droit
congolais, principalement par la violation de domicile.
Parmi les droits fondamentaux reconnus aux citoyens par notre constitution, le droit au
respect de la vie privée est incontestablement celui qui est constamment violé et moins protégé.
L’inviolabilité du domicile consacre, à sa façon, en effet la garantie de la protection de la vie
privée.
Nous examinerons donc, d’un côté la violation de domicile entant que principale atteinte
à la vie privée et de l’autre les atteintes à la liberté de mouvement.
Nous allons donc examiner successivement les conditions préalables de ces deux
infractions, leurs éléments constitutifs et leur répression.
L'acte de violation de domicile suppose la réunion de certains préalables ainsi que des
éléments constitutifs qu'il faudra étudier séparément.
399.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
400.
Article 29 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006
Il existe des conditions générales à toutes les formes de violation de domicile et celles
propres à chacune d'elles.
Les infractions prévues par les articles 69 et 70 du code pénal supposent au préalable
l’existence d’un domicile et elles ne peuvent se consommer que si elles ont été commises au
préjudice des droits d’autrui.
Par domicile, il faut entendre non seulement le domicile au sens du droit civil ou la
résidence, c’est-à-dire le lieu où une personne a sa demeure habituelle, mais aussi toute habitation
occupée par une personne, « le chez soi de tout individu » (Garçon).
Il en est ainsi de tout lieu, maison, chambre, appartement, case, cabane, demeure, c’est-
à-dire tout logement et ses dépendances clôturées (art. 69 et 70).
Pour qu’il soit retenu au sens des articles 69 et 70, le domicile ou la résidence doit être
habitée. Car la loi n’a entendu protéger que la demeure d'une personne contre sa violation et non
les immeubles affectés à usage non résidentiel.
Peu importe l’usage de l’habitation. C’est ainsi qu’on retient le domicile affecté à
l’exercice d’un travail ou d’une profession. Par exemple : le cabinet d’un avocat, d’un médecin.
Peu importe le titre juridique justifiant l’occupation. Peu importe également que cette occupation
soit permanente ou temporaire. Peu importe enfin que celui dont le domicile a été violé soit
présent ou absent et non représenté.
Les faits prévus par les articles 69 et 70 du code pénal ne peuvent devenir infractionnels
que s’ils ont été commis au préjudice des droits d’autrui. D’où, trois conséquences sont à tirer.
1° Une personne ayant légalement accès au domicile ne peut commettre cette infraction
au regard de celui-ci
Celui qui détient un titre d’occupation d’un immeuble ne peut pas se voir reprocher cette
infraction. Tel est le cas d’un locataire qui occupe régulièrement les lieux, d’un étudiant interne
qui a accès à la chambre lui attribuée et même de la personne hébergée par le locataire.
Tant qu’un jugement prononçant l’expulsion d’un locataire n’est pas encore exécuté,
celui-ci peut impunément occuper son domicile. Il en est ainsi aussi évidemment des époux sauf
en cas de divorce. En effet, la femme mariée a son domicile chez son mari 401. Il en est de même
des enfants encore sous la garde de leurs parents. Car l'enfant a son domicile, selon le cas, chez ses
père et mère ou chez la personne qui exerce sur lui l'autorité parentale402.
L’interdit ne peut non plus se voir reprocher cette infraction au préjudice de son tuteur,
car il a légalement son domicile chez ce dernier403.
C’est ainsi qu’un bailleur ne peut entrer contre le gré du locataire dans la maison qu’il a
donnée en location, ni un hôtelier dans la chambre qu’un passager occupe dans son établissement,
ni même un employeur dans l’habitation que son serviteur occupe dans les dépendances de sa
maison, ni un recteur d’université dans la chambre de l’étudiant ou de l’étudiante, ni le concierge
dans l'appartement loue par une autre personne.
Pour que la violation soit coupablement établie, l’occupant doit s’opposer à l’entrée ou à
l’introduction de l’agent dans son habitation.
401.
Article 165 de la loi n°87-010 du 1ier août 1987 portant Code de la famille
402.
Article 46 de la loi numéro 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant. 1 ère Inst.Elis. 21 janvier 1953,
R.J.C.B. 1954, p.46.
403.
Idem.
404.
Distr. Haut-Katanga 23 février 1967, R.J.C. 1969, p.244.
405.
Mineur, p.160.
406.
C.S.J. 22 juin 1972.
La violation de domicile de l’article 69 du code pénal n’est punissable que si elle est
réalisée soit à l’aide de menaces ou de violences contre les personnes soit au moyen d’effraction,
d’escalade ou de fausses clefs407.
1° Les menaces
La loi exige que les menaces soient exercées contre les personnes physiques, humaines
et vivantes. Elles supposent donc la présence de l’occupant ou de l’habitant au domicile violé.
Cette notion a déjà été précisée à l’occasion de l’analyse de l’infraction de l’arrestation arbitraire.
2° Les violences
La loi n’ayant pas défini les violences dont il s’agit, on retient comme en matière
d’arrestation arbitraire toutes sortes de violences : violences physiques, morales ou voies de fait.
3° Effraction
4° Escalade
Il en est ainsi de celui qui pénètre dans une maison par-dessus ou par-dessous la clôture.
Par exemple, l’introduction dans une maison par une ouverture souterraine autre que celle qui a
été faite à cet effet ou en rampant dans une conduite d’aérage 408.
5° Fausses clefs
La fausse clef s’entend de tout instrument ou clef imitée non destinée aux serrures
auxquelles il en a été fait application par le délinquant.
407.
Distr. Haut-Katanga 23 février 1967, R.J.C. 1969, p. 244.
408.
1ère Inst. app. Coq. 6 novembre 1931, Rev. Jur. 1932, p. 23.
Une clef perdue, égarée ou volée est considérée comme une fausse clef alors même
qu’elle était primitivement destinée à la serrure en cause 409. Il en est de même de passe-partout ou
de la clef cachée et découverte par le délinquant. Il faut ajouter aussi tout code secret, tout son ou
tout dispositif d’ouverture d’un endroit, dont se sera servi le délinquant sans en avoir reçu
l’autorisation de la part de l’occupant ou son représentant (voir les analyses relatives au vol avec
fausses clefs).
Ici aucune circonstance particulière n’est exigée. Il suffit que l’occupant se soit opposé à
la visite. L’ouverture sous contrainte de vacarme n’enlève pas à la violation de domicile son
caractère infractionnel.
C’est ainsi que se rend coupable de cette infraction celui qui devant le refus initial de
l’occupant de lui ouvrir le contraint par la suite à le faire en créant du vacarme alertant voisins et
curieux et déterminant la victime à lui ouvrir pour faire cesser le scandale410.
Il ne s'agit pas du fait de se maintenir dans un domicile. C'est ainsi que la violation de
domicile ne sera pas établie dans le chef de la personne qui, après avoir reçu l'autorisation du
responsable des lieux à y entrer, s'oppose par la suite d'en sortir.
La violation de domicile est une infraction intentionnelle. Elle suppose chez l’agent
l’intention coupable. Cette intention existe dès que l’agent s’introduit contre la volonté de la
victime ; elle est donc liée au fait matériel.
409.
Mineur, p. 197.
410.
C.S.J. 12 mai 1972 ; B.A. C.S.J. 1973, p. 64 et s.
Peu importe le mobile411. C’est ainsi qu’il a été jugé qu’un porteur de contraintes ne
saurait en particulier être relaxé d’une prévention de violation de domicile sous le prétexte qu’il
avait l’obligation de recouvrer les impôts échus et qu’il pouvait craindre que le débiteur ne
cherche à se soustraire à ses obligations. La circonstance qu’il aurait agi sur les ordres du
percepteur, son commettant, demeurerait inopérante412. Cette intention coupable disparaît
évidemment à l’égard de celui qui agit sur ordre de l’autorité (un agent porteur d’un mandat de
justice) ou dans les cas où la loi le permet (perquisition domiciliaire). Il a été jugé qu’en donnant
au fonctionnaire compétent l’autorisation d’effectuer une visite domiciliaire et ce, sans réserve,
cette autorisation s’étend à toutes les pièces de l’habitation et ne peut plus être retirée et limitée
par la suite413.
L'auteur de la violation de domicile est passible des sanctions pénales mais aussi civiles.
La violation de domicile de l’article 70 est punie d’une servitude pénale de sept jours au
maximum et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays est l’équivalent
de 200 francs415 au plus, ou d’une de ces peines seulement.
La situation du coupable est aggravée si la violation de domicile a été commise avec les
circonstances de l’article 69 du code pénal. Il encourt alors une servitude pénale de huit jours à
deux ans et une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays est l'équivalent de
300 francs416 ou une de ces peines seulement.
Lorsque la victime a subi un préjudice, la loi lui reconnaît le droit d’exercer une action
civile tendant à obtenir la réparation du dommage occasionné. Elle a la faculté d’exercer cette
action civile soit devant le juge pénal accessoirement à l’action répressive soit devant le juge civil
auquel cas celui-ci doit attendre l’issue du procès pénal en vertu du principe « le criminel tient le
civil en état ». Le juge répressif peut également lui allouer d’office des dommages-intérêts.
411.
1ère Inst. Kas. 10 avril 1954, J.T.O. 1955, p. 44.
412.
Mineur, op cit, p. 160.
413.
Idem.
414. ère
1 Inst. Kas. 10 avril 1954, J.T.C. 1955, p.44, n°48.
415.
Ord.-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979 portant majoration des amendes pénales.
416.
Idem.
L’article 67 du code pénal ordinaire prévoit ce qui suit : « est puni d’une servitude pénale
de un à cinq ans, dit l’article 67, celui qui, par violences, ruses ou menaces a enlevé ou fait
enlever, arrêté ou fait arrêter arbitrairement, détenu ou fait détenir une personne quelconque ».
L’alinéa 2 de cette disposition aggrave la situation du coupable « lorsque la personne enlevée,
arrêtée ou détenue aura été soumise à des tortures corporelles, etc. ». L'alinéa 3 quant a lui
aggrave la situation du coupable si les tortures administrées entraînent la mort de la victime.
Nous examinerons le régime répressif après l’analyse des conditions préalables et ses
éléments constitutifs.
Pour que l’une ou l’autre infraction de l’article 67 existe, les actes matériels
d’enlèvement, d’arrestation ou de détention doivent se réaliser soit par violence, soit par ruse, soit
enfin par menace.
- La violence doit s’entendre ici de tout emploi de force, c’est-à-dire de tout moyen de
coercition mettant un obstacle matériel à la liberté d’aller et de venir418. Il en est ainsi
notamment du seul fait de maintenir en prison un détenu acquitté par le tribunal ou dans une
maison d’arrêt419. Le seul fait de détenir une personne dans un local fermé à clé est constitutif
d’une violence au sens de la loi420.
- La ruse : Elle consiste dans des manœuvres tendant à paralyser la volonté d’une personne ou
la mettant dans l’impossibilité morale d’user de sa liberté421. Par exemple l’usage de faux
uniformes pour faire croire à un ordre de l’autorité422, des dons, promesses, machinations,
artifices.
- La menace : Elle consiste dans l’annonce d’un mal imminent de nature à troubler ou à
impressionner la personne qui en est l’objet s’identifiant ainsi à une violence morale. Elle peut
être faite par parole, par geste ou en des termes quelconques même sous forme déguisée. Est
constitutive d’une détention par menaces le fait d’amener une personne à ne pas quitter
l’endroit qui lui a été assigné, en lui faisant craindre que sa famille ne subisse un grave
dommage matériel, si elle venait à s’évader ou que sa situation pouvait s’aggraver si elle était
reprise423.
417.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
418.
Léo. 30 décembre 1943, R.J.C.B. 1944, p. 102, note ; C.S.J. 28 mars 1973, B.I. P.G.R. 1973, n°1, p. 144.
419.
C.S.J. 5 avril 1973, B.I. P.G.R. 1973, p. 145.
420.
Boma 5 janvier 1909, Jur. Etat, II, p. 244.
421.
Léo. 30 décembre 1943, R.J.C.B. 1944, p. 182, avec note.
422.
Elis. 20 janvier 1912, Jur. Congo 1913, p. 163.
423.
Elis. 30 janvier 1914, Jur. Col., p. 77.
Pour être consommée, deux séries d’éléments sont requises : les éléments matériels et les
éléments intellectuels.
La loi exige que l’agent ait matériellement enlevé, arrêté arbitrairement ou détenu
illégalement une personne quelconque.
L’infraction se caractérise également sur le plan matériel, par le fait d’avoir fait enlever,
arrêter ou détenir un individu.
- La détention, quant à elle, est constituée par le fait de garder, de tenir en sa possession,
de retenir une personne pendant une durée plus ou moins longue, de l’incarcérer426.
La réunion de ces trois actes matériels n’est pas requise pour que l’incrimination de
l’article 67 du code pénal soit constituée. Un seul de ces faits : enlèvement, arrestation ou
détention suffit à culpabiliser l’agent. Ils peuvent donc exister isolément. C’est ainsi que le seul
fait d’enlever un enfant est constitutif de l’arrestation arbitraire428.
Peu importe la durée de la privation illégale de la liberté. Celle-ci peut être longue ou
très brève ou même instantanée. C’est ainsi que l’arrestation arbitraire ou la détention illégale sera
coupablement établie même si elle est suivie d’une mise en liberté immédiate.
424.
C.A. Kinshasa 8 mai 1972, in R.J.C., 1973, p. 183.
425.
C.A. Kinshasa 8 mai 1972, in R.J.C., 1973
426.
C.A. Kinshasa 8 mai 1972, in R.J.C., 1973
427.
C.A. Kinshasa 8 mai 1972, in R.J.C., 1973
428. ère
1 Inst. Eq. 9 mars 1950, R.J.C.B., p.197 ; 1ère Inst. U.S.A. 14 août 1952, R.J.C.B., p.87 ; 1ère Inst. Eq. 31 octobre
1956, R.J.C.B., p.185.
Peu importe également que l’enlèvement soit suivi d’une longue détention. Ainsi le
simple fait d’enlever une personne, de la déplacer du lieu où elle se trouvait suffit à caractériser
l’infraction. Peu importe, enfin, qu’une détention ait été ou non précédée d’une appréhension
matérielle de la victime particularisant l’arrestation. Tel est le cas d’un hôtelier qui enferme un
client dans sa chambre ou celui d’un chenapan armé qui empêche les citoyens de sortir d’un bar
ou d’une salle de cinéma ou encore le cas d’un magistrat qui maintient en détention une personne
acquittée par la juridiction de jugement429.
2. Éléments psychologiques
Même si tous les éléments matériels ont été réalisés l’infraction de l’article 67 du code
pénal ne sera punissable que si l’arrestation est arbitraire, et la détention illégale et perpétrée avec
la volonté consciente ou délibérée d’agir sans droit.
C’est ainsi que sur le plan intellectuel cette incrimination est triplement caractérisée. Il
faut, en effet, qu’il soit établi que l’agent a agi illégalement, intentionnellement pour ce qui est de
l’acte de détention et arbitrairement pour ce qui est de l’acte d’arrestation et d’enlèvement.
La violation de la liberté individuelle est alors justifiée parce que la loi ne peut pas
sanctionner celui qui a fait ce qu’elle ordonne ou permet de faire.
En revanche, ne peut être considérée comme arbitraire l’arrestation confirmée par une
condamnation judiciaire définitive432 ou résultant d’une plainte pour les faits apparemment
punissables433.
2° L’intention coupable
C’est ce qui ressort de la jurisprudence qui a décidé qu’un acte est arbitraire lorsque
l’agent a agi par caprice ou par dol, sans pouvoir indiquer aucune justification à l’appui de son
action436. Il en est de même lorsqu’il a agi par esprit de vengeance, de dépit, de mépris ou de
tyrannie. À défaut de l’élément intellectuel, il n’y a pas d’infraction437.
L’article 67 du code pénal, dans ses alinéas 2 et 3 prévoit deux cas des circonstances
aggravantes :
- les tortures ;
- la mort.
430.
Article 6 du C.P.P.
431.
Kis. 27 novembre 1978, R.J.Z. 1979, p. 117.
432.
Kin. 2 février 1967, R.J.C. 1967, p.248 avec note J.V.
433.
C.S.J. 8 janvier 1970, R.J.C. 1970, p.13. Même sens 10 avril 1976, B.A. C.S.J. 1977, p. 89.
434.
C.A. Kin. 8 mai 1972, in R.J.Z. 1973, p. 183.
435.
Boma 8 juin 1898, Jur. Etat, I, p.30 ; Boma 28 juin 1906, id., II, p.122 ; Boma 26 février 1907, id., II, p.175 ; Boma 7
avril 1908, id., II, p.226 ; Boma 4 avril 1911, Jur. Congo, 1912, p. 377.
436.
C.A. L’shi 1er septembre 1966, R.J.C.B. 1966, p.355 ; C.S.J. 8 janvier 1970, B.A. C.S.J. 1970, p.2 ; C.S.J. 5 avril 1973,
B.I. P.G.R. 1973, n°1, p. 145.
437.
L’shi 1er septembre 1966, R.J.C. 1966, p.155 ; Boma 8 juin 1898, Jur. E.I.C., T.I., p. 30.
1. Définition
La mort. Devant le silence de la loi, on peut définir la mort comme étant la cessation
définitive de la vie. Elle doit en principe être constatée par un médecin. Il doit s’agir de la mort
réelle et non de la mort apparente qui se caractérise par un état de ralentissement extrême des
fonctions vitales, donnant l’aspect extérieur d’une mort réelle ou effective.
Les tortures. A la suite de ce qui a été précédemment présenté, il faut tout simplement
souligner à ce niveau que les tortures constituent en effet plutôt des circonstances aggravantes des
infractions en étude.
Les circonstances aggravantes prévues par les alinéas 2 et 3 de l’article 67 sont réelles
car elles sont liées à la structure matérielle de l’infraction.
C’est ainsi qu’elles aggravent la situation de tous ceux qui ont participé soit comme
coauteurs soit comme complices à l’infraction de l’article 67.
Peu importe que les tortures n’aient été exercées que par certains.
Peu importe également que certains participants en aient ignoré l’existence 438.
Les sanctions pénales ne seront pas les mêmes pour les différentes formes d’arrestation
arbitraire et de détention illégale.
Dans le premier cas, c’est-à-dire dans le cas des tortures corporelles non suivies de la
mort de la victime, le coupable est puni de cinq à vingt ans de servitude pénale (al. 2). Dans le
second cas, c’est-à-dire quand il y a mort de la victime, le coupable encourt la servitude pénale à
perpétuité ou la peine capitale (al. 3).
438.
Boma 23 décembre 1902, Jur. Etat, I, p.228 ; Boma 12 avril 1904, Jur. Etat, pp.212-226 ; 11 avril 1911, Jur. Congo 1912,
p.335 ; Elis. 23 mai 1911, Jur. Congo 1912, p.174 ; Boma 8 février 1926, jur. Col. 1927, p.26 ; App. R.U. 28 septembre
1954 ; J.T.O. 1956, p.13 ; 1ère Inst. Eq. 21 avril 1955, J.T.O. 1957, p. 188.
En ce qui concerne la loi n°09/001 du 10 janvier 2009, la sanction pénale n'est plus la
même lorsque la victime d'arrestation arbitraire ou de la détention illégale est une personne âgée
de moins de dix-huit ans439.
De ce fait, l'auteur des faits sera passible de deux à cinq ans de servitude pénale
principale. Lorsque l'enfant enlevé, arrêté ou détenu a été soumis à des tortures corporelles,
l'auteur sera puni de dix à vingt ans de servitude pénale principale.
439.
Article 161 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
Par rapport à la liberté sexuelle, il existe des atteintes de deux ordres, à savoir :
- les attentats sexuels ; et
- les outrages sexuels.
La société congolaise actuelle, considère les attentats sexuels comme des violences
particulièrement graves dont les conséquences dommageables vont au-delà de l'intégrité physique de
la victime. C'est ainsi que depuis un certain temps, elles font l'objet d'un peu plus d'attention de la part
du législateur qui, par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles a modifié et
complété le code pénal ordinaire avant de sanctionner dans la loi n°09/001 du 10 janvier 2009, texte
spécial sur la protection de l'enfant, les agressions sexuelles perpétrées à l'endroit de l'enfant.
Les attentats sexuels supposent nécessairement un contact physique avec la victime. Ils
requièrent dans leur existence, l'absence du consentement de la victime.
Section 1. LE VIOL
Le viol constitue la forme la plus grave d'agression sexuelle à l’égard d’un être humain.
Agression qui constitue l'atteinte la plus odieuse que l'on puisse sexuellement porter contre la liberté,
la dignité et même la souveraineté de la personne humaine sur son corps.
Mais il est étonnant de constater que, nonobstant le fait qu'il a fait l'unanimité contre lui, ce
comportement a curieusement longtemps tardé à être défini par le législateur congolais. C'est la
jurisprudence et la doctrine qui se sont employées depuis fort longtemps à cette tâche. Seulement, en
juillet 2006, la loi sur les violences sexuelles va présenter de manière détaillée le contenu de cette
infraction, soit trois ans après la ratification du statut de la Cour Pénale Internationale440 par notre
pays. Notons aussi que ce sont les mêmes composantes qui sont reprises dans la loi de 2009 sur la
protection de l'enfant.
Il convient de relever que jusqu'à la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences
sexuelles, l'infraction de viol consistait en la conjonction des sexes masculin et féminin, l'homme seul
pouvant en être l'auteur envers la femme. Il s'en suivait que tout autre acte, comme l'intromission de
doigts, d'objets divers dans le vagin, ou encore des pratiques de sodomie sur une femme, constituait un
attentat à la pudeur, infraction, qui pouvait être perpétrée tant par un homme que par une femme.
C’est ainsi qu’en droit congolais, l’incrimination de viol, comme enseigné par le passé, ne
pouvait être reprochée qu’à une personne de sexe masculin441. Car, elle visait essentiellement à
protéger la femme et par conséquent on ne pouvait la retenir à sa charge.
440.
Signé le 17 juillet 1998, le traité de Rome portant statut de la Cour Pénale Internationale a été ratifié par la République
Démocratique du Congo par le décret du 30 mars 2002. Et il est entré en vigueur à partir du 1 juillet 2002.
441.
Norbert LIKULIA BOLONGO, Droit Pénal Spécial Zaïrois, LGDJ, 2ième édition, Paris, 1985, p. 334
On considérait même, et cela à juste titre, qu'il était pratiquement impossible qu’une femme
puisse contraindre un homme à avoir des relations sexuelles avec elle en usant de violence442.
Aujourd’hui, le droit pénal congolais de viol a connu une évolution remarquable. En effet, le
législateur congolais prévoit ce qui suit : « Aura commis un viol, soit à l’aide de violences ou menaces
graves ou par contrainte à l’encontre d’une personne, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers,
soit par surprise, par pression psychologique, soit à l’occasion d’un environnement coercitif, soit en
abusant d’une personne qui, par le fait d’une maladie, par l’altération de ses facultés ou par toute
autre cause accidentelle aurait perdu l’usage de ses sens ou en aurait été privé par quelques artifices :
a. tout homme, quel que soit son âge, qui aura introduit son organe sexuel, même
superficiellement dans celui d’une femme ou toute femme, quel que soit son âge, qui aura
obligé un homme à introduire même superficiellement son organe sexuel dans le sien ;
b. tout homme qui aura pénétré, même superficiellement l’anus, la bouche ou tout autre orifice
du corps d’une femme ou d’un homme par un organe sexuel, par toute autre partie du corps
ou par un objet quelconque ;
c. toute personne qui aura introduit, même superficiellement, toute autre partie du corps ou un
objet quelconque dans le vagin ;
d. toute personne qui aura obligé un homme ou une femme à pénétrer, même superficiellement
son anus, sa bouche ou tout orifice de son corps par un organe sexuel, pour toute autre partie
du corps ou par un objet quelconque.
Quiconque sera reconnu coupable de viol sera puni d’une peine de servitude pénale de cinq
à vingt ans et d’une amende ne pouvant être inférieure à cent mille francs congolais constants.
Est réputé viol à l’aide de violences, le seul fait du rapprochement charnel de sexes commis
sur les personnes désignées à l’article 167, alinéa 2 ».
Il semble que l'évolution des mentalités et des moeurs ont conduit le législateur à prendre en
charge des pratiques odieuses accomplis sur autrui dans le cadre sexuel. Toute la difficulté est de
savoir si l’organisme de l’homme a, entre temps, connu des changements importants au point de
rendre possible ce qui ne l’était pas il ya de cela quelques années. L’homme qui biologiquement ne
pouvait consommer des rapports sexuels sans consentement, étant donné que son organe sexuel ne
pouvait pas se mettre en érection sous la contrainte ou autre pression, est-il tout d’un coup capable de
le faire aujourd’hui ? Quel peut être le véritable intérêt de ce changement intervenu dans la loi
congolaise sans apporter la preuve d’une certaine évolution biologique de l’organisme humain ?
Tout en reconnaissant la nécessité de réprimer dans toute leur rigueur, les comportements
odieux et barbares pouvant avoir un rapprochement avec le viol, il nous paraît difficilement
concevable un tel revirement au-delà d’une précision.
Telle qu'elle se présente, l'infraction de viol requiert des conditions préalables sans lesquelles
l'infraction ne pourra exister et deux éléments constitutifs qui permettront, une fois établis, d'envisager
le régime répressif applicable à l'auteur des faits.
442.
1ère Inst. Elis. 1er août 1952, R.J.C.B. 1953, p. 86.
Tel que prévue par le législateur congolais dans l'article 170 du code pénal ordinaire,
l'infraction de viol ne peut se réaliser que sur une personne humaine vivante. La victime des actes de
viol ne peut donc être qu'une personne humaine et non un animal, au quel cas on retiendrait la
zoophilie de l’article 174 h du Code pénal livre II.
Comme on peut le constater, il parait assez difficile de réprimer pénalement cet acte
abominable. Nous estimons cependant que la théorie de la répression de la tentative infructueuse,
c’est-à-dire de l’infraction impossible peut permettre au magistrat de poursuivre et de sanctionner ces
nécrophilies443. Vers les années cinquante, une personne avait, dans le territoire de Basoko, après avoir
tué une femme, imposé des relations sexuelles à celle-ci.
L'infraction pourra exister dès lors que l'on prouvera que la victime, être humain, autre que
l’accusé, était vivante au moment des faits. Peu importe l'évolution par la suite des événements
pouvant entraîner sa mort soit au cours de la consommation même du viol soit plus tard après coup.
La victime du viol doit être une personne humaine, vivante autre que l’accusé, étant donné
qu'il s'agit d'une infraction qui porte atteinte à la liberté sexuelle. Laquelle ne peut être évoquée qu'au
sujet de l'être humain en vie. Aussi, l'absence de consentement qui est exigée comme une autre
condition préalable de l'infraction ne peut être prouvée que par rapport à une personne pouvant émettre
son avis. Ce qui est impossible, lorsqu'il s'agit d'un cadavre.
B. L'absence de consentement
Pour qu’il y ait viol, la victime ne doit pas avoir consenti à passer à l'acte sexuel. Elle doit
donc s'être préalablement opposée à la demande d'intromission sexuelle. Encore que, l'auteur des faits
doit la placer dans des conditions permettant d'opérer librement un choix et de décider
souverainement. C’est ainsi que si il est établi que l'acte de pénétration sexuelle a été accompli sans
violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise, et donc que la victime avait consenti librement...,
l'infraction de viol ne pourra être retenue.
Par contre, s'il s'est avéré que l'agent a usé de certains moyens ou circonstances, tels que
nous l'observerons plus en détail à propos des éléments constitutifs, n'accordant aucune possibilité à la
victime de prendre librement sa décision, l'acte matériel de pénétration sexuelle commis dans ces
conditions sera coupablement constitutif de viol.
443.
Dans la mesure où l’agent ignore que la victime est déjà morte.
Le coupable et la victime de l'infraction de viol doivent être des personnes différentes. C'est-
a-dire que l'acte de pénétration sexuelle doit être imposé à une autre personne qu'à celle qui le
pratique.
Mais, si l'âge des parties, l'état physiologique notamment la virginité d'une personne,
l'orientation sexuelle importent peu pour la constitution de l'infraction, il convient de reconnaître que
dans certains cas, le sexe de l'auteur et même celui de la victime sont déterminants de l'infraction.
Lorsque cette introduction a été imposée par une femme à un homme, c'est la femme qui s’est faite
introduire qui sera auteur intellectuel et l'homme en sera la victime. Remarquons par ailleurs que
le législateur insiste sur la non incidence de l'âge tant de l'auteur que de la victime. Ce qui à mon
avis, alourdi le texte sans un apport considérable sur le plan strictement pénal.
Car, l'existence de l'infraction ne dépend pas de l'âge des parties qui, dans le cas de viol n'influe
que sur la peine applicable au délinquant ayant commis son acte sur une victime mineur444.
- En cas de pénétration de l'anus, la bouche ou de tout autre orifice du corps de la victime : l'auteur
de l'infraction sera un homme pour l'utilisation de son organe sexuel sur la victime de l'un ou
l'autre sexe ; mais, lorsque l'acte de pénétration a été commis à l'aide de toute autre partie du corps
ou un objet quelconque, l'auteur peut être aussi bien un homme qu'une femme ; autant pour la
victime.
Toute fois, il importe de souligner que l'infraction de viol connaîtra logiquement quelques
difficultés à être établie en cas d'introduction d'un objet quelconque (bâton, stylos, crayon...) dans
un autre orifice du corps de la victime que celui sexuel (narine...).
- L'introduction de toute autre partie du corps ou d'un objet quelconque dans le vagin de la victime,
admet indifféremment l'auteur de sexe masculin ou féminin alors que la victime devra
nécessairement être une femme.
- Pour toute pénétration, même superficielle de son anus, sa bouche, ou tout orifice de son corps,
différentes hypothèses suivantes se présentent :
444.
L'âge des parties peut donc soit aggraver la sanction lorsque la victime est un mineur, soit empêcher l'application des
peines au profit des mesures éducatives prévues par la loi du 10 janvier 2009, en cas d'un auteur mineur d'âge.
Si il est vrai que l'article 170 du code pénal ne définissait pas le viol dans sa formulation
d'avant la loi de 2006 sur les violences sexuelles, cette dernière par contre présente en détail les
aspects particuliers de cette infraction.
L'infraction de viol suppose donc un élément matériel ainsi qu'un élément moral.
Le législateur sanctionne l'acte de pénétration sexuelle pratiqué par l'agent à l'aide de certains
moyens ou à la suite de certaines circonstances mettant en mal toute éventualité de l'expression valide
du consentement de la victime.
I. La pénétration sexuelle
L'analyse de l'article 170 du code pénal ordinaire permet de relever que le législateur
congolais a incriminé tout acte de pénétration sexuelle. Il a étendu sensiblement le concept de viol de
manière à ce qu'aucun acte de pénétration sexuelle ne soit exclu du champ d'application de la loi
pénale.
On se rend ainsi compte que d'un coté, la loi sanctionne tout acte d'intromission, conjonction
ou d’introduction sexuelle, qui peut consister en la consommation des rapports sexuels normaux se
caractérisant par l'introduction, soit de l'organe sexuel de l'homme, soit de toute autre partie du corps
ou d'un objet quelconque dans la partie génitale de la femme. De l'autre, il punit toute pénétration
[sexuelle] de l'anus, la bouche ou de tout orifice du corps de la victime par un organe sexuel ou toute
autre partie du corps ou par un objet quelconque.
Notons que le législateur ne sanctionne pas que les actes totalement consommés. En effet,
l'acte matériel de viol sera valablement établi, même lorsqu'il n'a été que superficiellement accomplis.
La jurisprudence soutient à cet effet que l'infraction de viol existe dès que la consommation
sexuelle est réalisée445.
Peu importe que la jouissance sexuelle ait été ou non obtenue446. Il n’est pas non plus exigé
qu’il y ait eu émission de substances séminales à l’intérieur des parties génitales de la femme447, ni
dans l'anus, dans la bouche ou même dans n'importe quel orifice du corps de la victime.
445. C.G. App. 7 avril 1904, Jur. Etat, I, p.332 ; Elis. 8 mars 1921, Jur. Kat., I, p.206 ; 1ère Inst. App. Elis. 25 février 1946,
R.P., p.110.
446. Boma 7 février 1905, Jur. Etat, II, p.9.
447. Codes Piron, T. 1, 1960, p.335.
Mais le simple contact caractérisé par la caresse sexuelle ne suffit pas. Il peut être réprimé
soit comme tentative du viol soit comme attentat à la pudeur448. Alors que la pénétration sexuelle,
quoique réalisée de manière superficielle, suffit à consommer le viol.
Précisons que pour qu’il y ait tentative de viol le coupable doit avoir accompli des actes
démonstratifs de son intention d’arriver à la pénétration sexuelle. Par exemple, lorsque l’auteur, dans
l’intention de commettre un viol, aura mis à nu son membre viril et essayé de le rapprocher des parties
génitales de la victime non consentante449. A fortiori doit-il en être ainsi du fait d’avoir saisi la victime
(à ce jour mineur car âgée de seize ans accompagnée de son enfant de cinq ans) par les jambes et les
bras, de l’avoir transportée précipitamment dans le buisson, de lui avoir ôté sa robe et son sous-
vêtement et d’avoir descendu son pantalon et essayé de lui imposer la conjonction sexuelle, acte qui a
manqué son effet par l’arrivée d’une tierce personne450.
Constitue également une tentative de viol le fait, pour un agent qui tente d’imposer des
relations sexuelles à une fille, d’entraîner la victime dans un lieu écarté notamment en brousse, de la
coucher par terre et de la déshabiller451 ou la contraindre à se déshabiller et à se coucher par terre452.
Le fait d’introduire le doigt dans les organes génitaux d'une femme est également constitutif
de l'infraction de viol.
Nous estimons que l'acte matériel de viol c'est-a-dire la pénétration sexuelle doit se
caractériser par une pénétration par le sexe ou dans le sexe d'autrui. Il doit y avoir donc un
rapport avec l'organe sexuel soit de l'auteur soit encore celui de la victime. C'est ainsi que ne constitue
pas le viol, le fait pour une personne d'introduire, même avec violence, menace, surprise ou contrainte,
un bâton ou un crayon dans la narine (orifice du corps) de la victime. Une telle violence n'est en tout
cas pas à notre avis, constitutive d'une atteinte sexuelle quand bien même l'hypothèse où les
protagonistes seraient de sexes opposés.
Étant donné que le viol suppose l'absence de consentement de la victime, il est exigé que
l'auteur ait utilisé certains moyens ou circonstances la contraignant à passer à l'acte.
Il peut arriver dans ce cas que la victime exprime son consentement alors même qu'elle
s'oppose intérieurement à l'acte de pénétration sexuelle. À cet effet, il revient au juge saisi des faits de
rechercher le rapprochement entre le consentement réel et celui apparent, étant entendu que tout
consentement oral n'est pas forcément valide si le consentement moral n’est pas lui, réel.
L'agent doit avoir utilisé l'un ou l'autre moyen 453 parmi ceux-ci : les violences ou menaces
graves, la contrainte, la surprise et la pression psychologique.
Quant aux circonstances, la loi prévoit : l’environnement coercitif et l'abus d’une personne.
448.
C.G. App. 7 avril 1904, Jur. E.I.C., p.332.
449.
Kis. 13 septembre 1969, R.J.C. 1970, p.39 : L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p.48.
450.
R.J.C. 1970, p.39, même sens L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p.48.
451.
Cour app. Kis. 13 septembre 1969, R.J.C. 1970, p.39 ; C.A. L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p.48.
452.
C.A. L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p.48 (fille âgée de 10 ans)
453.
L'article 170 alinéa 1 de la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles modifiant et complétant le Décret du
30 janvier 1940 portant Code Pénal Congolais
454.
Il s’agit de la même loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles, modifiant et complétant le Code Pénal.
Nous verrons les moyens et circonstances utilisés à l’égard de toute personne, d’une part, et à
l’égard d’un enfant de moins de dix-huit ans, d’autre part.
1° La violence
Le viol ne peut être retenu que si la pénétration sexuelle a été obtenue à l’aide de violence.
C’est ainsi que le fait de déflorer une femme sans avoir employé de la violence ou de menaces ne
constitue pas un viol455.
- La nature de la violence
La violence peut être physique ou morale. Cette contrainte matérielle ou morale doit être
telle, que le consentement de la victime d’après les règles du droit civil, ne soit pas valable 456. En
l’espèce la plaignante avait déclaré que le prévenu s’était borné à la serrer dans ses bras, sans la
frapper et sans la menacer457.
La violence physique. Celle-ci doit être exercée directement sur la personne même de la
victime458. C’est ainsi que ne peuvent être retenues les violences physiques contre les choses et les
violences commises sur d’autres personnes. Il en est de même de la violence primitivement exercée
sur une femme qui s’est, par la suite, volontairement abandonnée ou qui a cédé à l’agent.
Le défaut du consentement s’établit aisément lorsque la victime n’a cédé qu’à la force. Il
n’est même pas requis qu’elle ait conservé sur son corps les traces des brutalités de l’assaut dont elle a
été victime ou qu’elle ait crié au secours. Il en est ainsi évidemment de la personne à qui l'agent
impose la pénétration sexuelle après une lutte et qui n’a cessé de résister qu’à cause de la supériorité
musculaire de l’agresseur.
La violence morale. Jugé que la violence morale suppose que la femme n’a cédé que sous
l’empire de la crainte sérieuse de s’exposer elle-même, ou d’exposer les siens à un mal considérable et
présent459. Tel est le cas d’une personne qui ne se livre que pour sauver soit sa propre vie menacée par
l’agresseur, soit celle de ses parents, soit celle de son enfant qu’on menace de faire périr (cas des
rebelles).
Le mariage postule les rapports sexuels au sein du couple. C'est ainsi que depuis fort
longtemps, le viol n'était punissable que si la conjonction sexuelle était illicite, c’est-à-dire lorsque la
violence exercée pour y parvenir était illégitime.
455.
Boma 2 mai 1911, Jur. Congo 1912, p. 149.
456.
C.G. App. 28 janvier 1908, Jur. Etat, II, p. 215.
457.
Idem.
458.
Kis. 13 septembre 1969, R.J.C. 1970, p.39 ; L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p. 48.
459. ière
1 Inst. Cost. 19 septembre 1934, Res. Jur. 1935, p. 35.
L'agression exercée par l'un des époux sur l'autre pour le contraindre à des relations sexuelles
normales, c’est-à-dire conformes à l’ordre de la nature ne pouvait être constitutive de viol 460, car elle
était considérée comme légitime. Toutefois, si ces violences, en vue des relations sexuelles légitimes,
avaient été exercées en présence et avec l’aide d’une tierce personne, le mari pouvait, à l'époque, être
poursuivi pour attentat à la pudeur commis avec violence.
Étaient également illégitimes, les violences exercées par le fiancé sur sa fiancée461 ou par un
homme sur une femme qui a vécu ou qui vit encore avec lui en concubinage. C'était aussi le cas pour
les violences exercées sur une femme prostituée ou se livrant habituellement à la débauche462.
Tant la doctrine que la jurisprudence concluaient que l'on ne pouvait retenir le viol, défini à
l'époque, uniquement comme une conjonction des sexes, entre époux. Mais, à défaut du lien, ou en
dehors de l'acte sexuel normal, l'infraction devait être retenue. Ce qui pouvait permettre de retenir
l'attentat à la pudeur en cas d'intromission par voie anale ou buccale imposée à son conjoint ; ou le viol
lorsque le lien de mariage n'existait plus.
A ce jour, la doctrine congolaise semble partagée quant à l'infraction de viol entre époux.
Une tendance soutient, avec une forte influence occidentale, la répression de toute agression sexuelle
entre époux et une autre s'accroche à l'opinion contraire.
Il semble dans certains pays étrangers que la présomption de consentement des époux aux
actes sexuels accomplis dans l'intimité de la vie privée conjugale ne vaut que jusqu'à preuve
contraire463. Chaque époux étant pour cela tenu de s'assurer, avant toute relation sexuelle avec son
conjoint, que celui-ci y consent librement. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à
l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve du contraire. Et pour cela, aucune personne ne peut imposer à
son conjoint, sous prétexte des obligations résultant du lien de mariage, des relations sexuelles. On
estime en effet, que l’intention de violer ne se dissout pas dans les relations maritales 464. Lorsque
l'autre conjoint s'oppose à l'acte sexuel, l'époux sollicitant ne peut se faire justice lui-même en
procédant à l'exécution forcée du devoir conjugal. Il lui revient de demander au juge civil de tirer
toutes les conséquences d'un tel refus en prononçant, dans les conditions requises par la loi, le
jugement de divorce.
460.
Robert VOUIN, Droit Pénal Spécial, Dalloz, 1953, 1ère édition, n° 296, où l'éminent auteur affirme qu'il n'y a pas
d'infraction dans le cas du mari qui n'emploie la force ''que pour contraindre sa femme à des relations normales, c'est-à-dire
conformes à l'ordre de la nature et ne causant aucune blessure''.
461.
1ère Inst. Cost. 19 septembre 1934, Res. Jur. 1935, p.35.
462.
Kis. 13 septembre 1969, R.J.C. 1970, p.39
463.
Le code pénal français, article 222-22
464.
Emmanuel DREYER, Droit Pénal Spécial, Paris, Ellipses Editions Marketing, 2008, p.139
465.
Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN, op.cit., p. 537
466.
Les violences sont injustifiées lorsqu'elles consistent en une souffrance ou en des actes de tortures voir de barbarie. Ainsi,
considère-t-on que le viol entre époux peut être reproché à un mari qui, après avoir exercé des violences sur son épouse,
''l'aurait contrainte à se dévêtir, l'aurait ligotée et bâillonnée, l'aurait flagellée, lui aurait appliqué aux seins des pinces à linge,
tailladé au moyen d'un couteau diverses parties du corps, rasé le pubis et versé du parfum sur le sexe, avant de lui imposer par
la force des actes de pénétration vaginale et anale, lui introduisant en outre dans le sexe et dans l'anus des corps étrangers,
pour enfin uriner sur elle en l'obligeant à lécher le liquide répandu''.
Cette question mérite, à notre avis, d'être tranchée par le législateur congolais en assurant la
dignité de la personne humaine, en garantissant le respect de la liberté sexuelle et en préservant
l'harmonie du couple dans la société africaine. Ceci épargnerait notre société, et plus particulièrement
nos couples, de multiples et inutiles conflits dus aux diverses incompréhensions suscitées par des
interprétations qui ne cadrent pas forcement avec l'esprit tant de la loi que de nos sociétés.
2° Menaces graves
La loi écarte de simples menaces. Il doit s’agir de menaces graves. Par « menaces graves » il
faut entendre les menaces qui sont de nature à inspirer à la victime la crainte sérieuse d’exposer sa
personne, ou celle de ses parents, à un mal considérable et présent467.
- le fait de céder à la suite d’une menace d’arrestation de la part d’un agent de police ;
- le fait pour une femme mariée surprise en flagrant délit d’adultère de se livrer au
témoin qui la menacerait de la dénoncer à son mari.
À partir du moment où il y a menace grave, le viol existe. Peu importe que sa réalisation soit
ou non impossible.
3° Contrainte
Le viol est établi lorsque l'agent a usé de contrainte directement à l’encontre de la victime
elle même. Il est aussi retenu en cas de contrainte par l'intermédiaire d’un tiers.
4° Surprise
La surprise sous entend tout artifice dont on se sert pour tromper ou toute manoeuvre tendant
à paralyser ou à neutraliser la volonté de la victime. C’est le cas de la supercherie, ruse, fraude, etc.
Ainsi sera poursuivi pour viol par surprise un féticheur qui aurait des relations sexuelles avec
une femme mariée stérile qui chercherait à avoir des enfants en lui affirmant faussement que c’est le
seul moyen pour elle de concevoir.
Il en serait de même d’un guérisseur qui obtiendrait des relations sexuelles avec sa patiente
dans les mêmes circonstances.
5° Pression psychologique
Il y a viol pour tout rapport sexuel obtenu à la suite des pressions psychologiques exercées
sur la victime.
467.
1ière Inst. App. Cost. 19 décembre 1934, Rev. Jur. 1935, p. 35.
6° L'environnement coercitif
Il appartient à l'autorité judiciaire saisie des faits de la cause d'apprécier le caractère coercitif
d'un environnement donné.
Tombe également sous le coup de l’article 170 du code pénal, l’agent qui aurait des actes de
pénétration sexuelle en abusant d’une personne qui, par l’effet d’une maladie, par l’altération de ses
facultés ou par toute autre cause accidentelle, aurait perdu l’usage de ses sens, ou en aurait été privée
par quelques artifices.
L’infraction ne sera évidemment retenue que si le libre arbitre de la victime a été supprimé.
Il en est ainsi de l’aliénation mentale ; d’un évanouissement, d’une syncope, d’un état de
coma qui peuvent faire disparaître la liberté morale de la victime. C’est avec raison qu’une personne a
été condamnée pour avoir abusé d’une jeune fille de dix-sept ans, tombée sans connaissance à la suite
d’un premier viol commis sur elle par un autre individu.
Le viol commis dans l’état hypnotique a été également retenu. C’est ainsi qu’un dentiste a
été condamné pour avoir violé une jeune fille en état d’hypnose presque en présence de sa mère472.
Dans tous ces cas de viol (à l’aide de violences, menaces graves ou ruse) on recommande au
juge de ne pas accepter, sans autres preuves, les plaintes ou déclarations d’une femme ou d’une
fille(victime) qui peuvent chercher à excuser une faute par une accusation mensongère (non omnes
dermiunt qui closos habent oculos)473.
468.
1ère Inst. Léo. 20 avril 1948, R.J.C.B., p.151, et 17 novembre 1948, R.J.C.B. 1949, p.105 ; District Congo-Ubangi 19
janvier 1950, R.J.C.B., p.123.
469.
Idem.
470.
1ère Inst. App. Coq. 26 avril 1951, R.P.A. 8618, inédit.
471.
Garraud, T. V, n°2085, rapporté par Mineur.
472.
Ann. Méd. Lég. 1879.
473.
Kin. 6 novembre 1967, R.J.C. 1968, p.75.
La cour d’appel de Kinshasa avait, en effet, écarté l’infraction du viol au regard d’une
femme qui était consentante et qui n’avait porté plainte qu’à la suite de la « mauvaise rémunération
par le prévenu des services sexuels que lui avait rendus la prétendue victime »474.
Le défaut de consentement résulte enfin de l’âge de la victime. C’est ainsi que l’alinéa 3 de
l’article 170 du code pénal combiné avec l’alinéa 2 de l’article 167 du code pénal tel que modifié à ce
jour par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006, répute viol à l’aide de violences le seul fait du
rapprochement charnel des sexes commis sur une personne âgée de moins de dix-huit ans.
On estime qu’une personne âgée de moins de dix-huit ans est incapable de donner un
consentement libre et volontaire. Il importe ainsi d’assurer sa protection, même au-delà de la puberté.
Lorsqu’il l’atteint, l’enfant n’acquiert pas du même coup le discernement indispensable pour donner à
ses actes un consentement libre et volontaire. Autrement dit en-dessous de cet âge, le consentement ne
peut être valide.
C’est ainsi qu’un individu a été condamné pour viol à l’aide de violences dans le simple fait
d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de onze ans475. Un autre l’a été pour avoir
imposé un rapprochement charnel de sexes à une fille de quinze ans476
À partir du moment où la victime est âgée de moins de dix-huit ans, l’infraction existe. Peu
importe le consentement et le lien de parenté qui unit l’agent à la victime. Peu importe également la
provocation de la victime477. Ainsi sont coupablement établies, les relations charnelles avec une
personne âgée de moins de dix-huit ans même s’il est prouvé que celle-ci s’est offerte, a séduit l’agent
ou provoqué ces relations. C’est ainsi qu’un médecin a été poursuivi pour avoir eu des rapports
sexuels avec sa fille âgée de moins de seize ans (avant la réforme de 1978).
Jugé qu'il n’est pas non plus nécessaire que l’agent exerce une violence ou que la fille
oppose une résistance478. A plus forte raison si plusieurs personnes tentent d’imposer une conjonction
sexuelle à une jeune fille479.
La jurisprudence considère qu'il importe également peu que l’agent ait usé de menaces
graves, ruse, ou abusé de la jeune fille, que la victime soit ou non vierge, qu’elle soit ou non une fille-
mère, qu’elle soit de mœurs reprochables, prostituée, ou se livre habituellement à la débauche480,
qu’elle soit dans un état d’ivresse ou surprise dans son sommeil481.
Pour déterminer l’âge de la victime, le législateur renvoi à l'examen médical lorsqu’il n’y a
pas d’acte de l’état civil. Au cas contraire, c’est justement l’âge réel qui doit être pris en considération.
Il a été jugé que l’auteur du viol sur un enfant impubère ou protégé, qui excipe de l’ignorance de l’âge
de la victime, ne se disculpe pas s’il n’a pas pris toutes les précautions pour s’en assurer482.
474.
Kin. 5 mai 1972, R.J.Z. 1973, p.179.
475.
Kin. 14 août 1974, R.J.Z. 1976, p.85.
476.
C.S.J. 5 mars 1974, R.J.Z. 1974, pp.40-41 ; Trib. 1ère Inst. Kin. 18 février 1972, R.J.Z. 1976, p.86.
477.
Kin. 13 mars 1972, R.J.Z. 1973, p. avec note E. Lamy ; C.S.J. 5 mars 1974, R.J.Z. 1974, pp. 40-41.
478.
Kin. 14 août 1974, R.J.Z. 1976, p.85.
479.
Kis. 13 septembre 1969, R.J.Z. 1970, p.37.
480.
C.S.J. 5 mars 1974, R.J.Z. 1974, p.40 ; Kin. 27 juin 1975, R.J.Z. 1978, p.100.
481.
Kin. 13 mars 1972, R.J.Z. 1973, p.174, avec note E. Lamy.
482.
Elis. 24 avril 1945, rev. Jur., p.181 ; Kin. 13 mars 1972, R.J.Z. 1973, p.174, avec note E. Lamy.
Au-delà de l’âge requis par la loi, ce type de viol ne peut être retenu483.
B. Élément intellectuel
Cette intention paraît difficilement séparable des moyens et circonstances que doit utiliser
l’agent. Le seul fait d’exercer par exemple la violence ou d’user des menaces graves, ou de surprise,
suffit à faire présumer l’intention coupable de l’agent.
À défaut de cet élément, il n’y a pas d’infraction de viol. C’est ainsi que l’infraction disparaît
si l’agent a agi sans connaissance, croyant par exemple que la résistance opposée par la victime n’avait
aucun caractère sérieux et n’excluait pas, en réalité son consentement. Aussi, admet-on, que le
médecin qui introduirait les doigts dans les parties génitales mais également dans la voie anale d’une
patiente en vue de lui donner des soins, ne tomberait pas sous le coup de la loi.
Disons que la résistance de la victime est suffisamment établie lorsque la victime en meurt et
dont le cadavre saigne au nez484.
Il conviendra d'examiner d'une part, les principes légaux applicables aux infractions relatives
aux violences sexuelles et d'autre part, les pénalités de l'infraction de viol.
En ce qui concerne le délai de procédure, il y a lieu de noter qu'en matière des atteintes à la
liberté sexuelle, trois termes sont fixés à partir de la saisine de l’autorité judiciaire :
- l'Officier de Police Judiciaire saisi des faits portant atteinte à la liberté sexuelle, a un
délai de 24 heures pour aviser l'Officier du Ministère Public dont il relève485 ;
483.
Kin. 28 avril 1972, R.J.Z. 1973, p.177.
484.
Kin. 27 juin 1975, R.J.Z. 1978, pp.100-101.
485.
Article 7 bis du décret du 6 août 1959 portant code de procédure pénale tel que modifié et complété par la loi n° 06/019
du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles.
486.
Article 42 bis du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n°06/018
du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles.
487.
Article 42 ter du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, op.cit.
Le législateur congolais punit le viol à l'état simple différemment au viol à l'état aggravé.
1. Pénalités
Le viol prévu par l’article 170 du code pénal est puni d’une servitude pénale de cinq à vingt
ans et d'une amende ne pouvant être inférieure à cent mille francs congolais constants.
Le fait pour une fille protégée d’avoir des mœurs légères et d’avoir entretenu des relations
sexuelles avec d’autres personnes avant la consommation de la conjonction sexuelle incriminée
constitue une circonstance atténuante488.
2. Circonstances aggravantes
Alors que certaines circonstances tiennent aux conséquences de l'acte de viol commis,
d'autres cependant se rapportent à la qualité aussi bien de l'auteur que de la victime de l'infraction ainsi
qu'aux circonstances de la perpétration.
Il peut s'agir donc ici de la mort de la victime mais également de l'altération grave de sa
santé.
1° La mort de la victime
Si le viol a causé la mort de la personne sur laquelle il a été commis, l’agent sera puni d’une
servitude pénale à perpétuité489.
Il en est ainsi, tel que le jugeait une jurisprudence ancienne, de celui qui tuait pour briser la
résistance de la victime de moins de seize ans durant le coït ou pour s’assurer l’impunité490. Il a même
été jugé qu’un viol devait être considéré comme ayant été la cause de la mort de la victime, lorsque ce
viol avait amené une grossesse ayant pour conséquence directe la mort de la personne violée491.
Il s'agit à l'évidence de la situation dans laquelle la mort est résultée des faits matériels de
viol sans avoir été recherchée par l'agent. Auquel cas, on retiendrait tout naturellement le meurtre ou
l'assassinat lorsqu'il y a eu préméditation.
Sera également puni conformément à l’article 171, l’auteur de la tentative de viol ayant
causé la mort de la victime492.
Si l’infraction a causé à la victime une altération grave de sa santé et/ou laissé de séquelles
physiques et/ou psychologiques graves493, le minimum des peines prévues par l’article 170 alinéa 2 du
code pénal sera doublé. A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et
d'une amende ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais constants.
488.
C.S.J. 5 mars 1974, R.J.Z. 1974, pp.40-41.
489.
Article 171 du Code pénal.
490.
Kin. 13 mars 1972, R.J.Z. 1973, p.174, avec note E. Lamy.
491.
Mineur, op. cit., p.361.
492.
Article 4 du code pénal.
493.
Article 171 bis, point 8 du code pénal ordinaire.
Relevons simplement qu'il y a altération grave de la santé, même si elle n'est pas
accompagnée de séquelles physiques voir morales graves.
Ici, un lien de causalité entre le viol et l’altération de la santé est exigé pour que l’auteur
puisse se voir appliquer cette disposition.
La relation de cause à effet existe, même si l’altération de la santé a été facilitée par l’état
débile de la victime. Par exemple une fausse couche provoquée par une émotion résultant du viol.
On estime qu’il y a altération de la santé si une femme est devenue enceinte par suite d’un
viol ou si l’agent a communiqué une maladie grave et pénible à sa victime, telle qu’une maladie
vénérienne494. Mais la vie de la victime ne doit pas nécessairement être en danger495. Mais, si il s'est
avéré que cette maladie vénérienne contractée par la victime de l'infraction de viol est causée par la
transmission d'une infection sexuelle incurable, l'article 174 i du code pénal sera appliqué.
Le minimum de la peine prévue par l’article 170 alinéa 2 du code pénal sera doublé, si le viol
a été commis par un certain nombre de personnes. A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude
pénale de dix à vingt ans et d'une amende ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais
constants.
Par ascendants il faut entendre les parents légitimes, les parents dits « naturels », les parents
adultérins et incestueux. C’est le cas d’un père qui imposerait la pénétration sexuelle à son enfant.
On estime que les parents adoptifs doivent être exclus de cette énumération, car l’adoption
n’établit que des rapports fictifs ou purement civils sans faire sortir l’adopté de sa famille naturelle496.
Par l’expression « ceux qui ont autorité » il faut entendre non seulement l’autorité de droit,
qui prend sa source dans la loi elle-même, c’est-à-dire résultant d’une qualité qu’il suffit de constater,
mais aussi l’autorité de fait, qui dérive des circonstances et de la position des personnes497.
Il a été jugé que dans un poste détaché, le caporal du détachement a autorité sur les détenus
même lorsqu’il n’est pas en service de surveillance à la prison au moment des faits498.
494.
C.A. Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p.32.
495.
Mineur, op. cit., p.363.
496.
Mais, il y a lieu de souligner que l'article 353 de la loi n°87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille (J.O.Z. n°
spécial, 1er août 1987) prévoit à cet effet qu'en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants. En ligne
collatérale, le mariage est prohibé entre frères et soeurs germains, consanguins et utérins. Il l'est également entre alliés ou
d'autres parents collatéraux pour autant qu'il soit formellement interdit par la coutume. En cas d'adoption, le mariage est
prohibé entre l'adoptant et l'adopté.
497.
Codes et lois du Congo-belge, T. I, 1960, p.335.
498.
1ère Inst. Stan. 24 août 1948, R.J.C.B. 1950, P.180, avec note ; dans le même sens : 1ère Inst. Kas. 9 avril 1954, J.T.O.
1955, p.44, n°47 ; 1ère Inst. Stan. 13 septembre 1955, R.J.C.B. 1956, p.318 et J.T.O. 1957, p.168, avec note et conseil de
guerre app. Kivu 27 avril 1957, R.J.C.B. 1958, p.70, avec note.
- le second mari par rapport aux enfants mineurs non émancipés que sa femme a eu
d’un précédent mariage ;
Il a été jugé qu’il importe peu de savoir si les gages des serviteurs sont payés par le maître de
la maison, lui-même, ou par l’organisme qui les emploie501. L’autorité coutumière qu’un homme peut
avoir sur sa belle-sœur a été également retenue502.
L’auteur du viol sera sévèrement puni s’il est l’enseignant de la victime, son serviteur à
gages ou le serviteur des ascendants, des descendants ou de ceux qui ont autorité sur la victime.
Par enseignants il faut entendre exclusivement celui qui a autorité sur la victime. Cette
interprétation résulte du texte même de la loi qui emploie le possessif « ses ».
- un maître ou formateur ; et
Le serviteur à gages est toute personne dont on exploite les services moyennant
rémunération. Le législateur retient pour cela d'abord les propres serviteurs de la victime mais ensuite
ceux des ascendants, des descendants et de ceux qui ont autorité sur la victime. C’est le cas d’un
cuisinier qui aurait des relations avec la jeune fille de son patron ou d’un chauffeur chargé de conduire
les enfants à l’école qui imposerait la conjonction sexuelle à une fille mineure503.
L’article 171 bis résultant de la loi du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles modifiant et
complétant le code pénal aggrave la situation de l’auteur du viol si celui-ci est un agent public, un
ministre du culte (catholique, protestant, kimbanguiste, islam, etc.), un personnel médical, paramédical
ou assistants sociaux, tradi-praticiens.
499.
Mineur, op. cit., p.362.
500.
Idem.
501.
Distr. Uélé 8 novembre 1945, Rev. Jur. 1946, p. 150.
502.
C.A. Kin. 15 décembre 1966, R.J.C. 1967, p. 56.
503.
C.A. Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 32.
Il y a lieu de noter que cette disposition n’est applicable à l’égard des agents publics ou à
l’égard des ministres du culte que lorsqu’ils ont abusé de leur position.
Il en est ainsi notamment d’un prêtre qui imposerait la conjonction sexuelle à une femme qui
irait se confesser ; ou d’un officier de la police nationale ou d’un magistrat à une personne prévenue
ou en détention préventive504.
Tandis que pour les personnels médicaux, paramédicaux, ou assistants sociaux, ou tradi-
praticiens, la personne victime du viol doit avoir été confiée à leurs soins. C’est le cas d’une jeune fille
qui serait confiée à un médecin ou d’une femme enceinte confiée à un accoucheur.
On note à cet effet que le législateur a élargi le champ d'application de cette disposition en
incluant tout intervenant médical sans se limiter aux seuls médecins, chirurgiens et accoucheurs.
Jugé que si l’agent a été aidé dans l’exécution de l’infraction du viol par une ou plusieurs
personnes, il sera puni de dix ans à vingt ans de peine privative de liberté505. Le complice doit avoir
directement et matériellement coopéré à la consommation du crime. Cette aggravation s’applique aussi
bien à l’auteur du viol qu’à ceux qui l’ont aidé à obtenir la consommation de son infraction.
Certains droits étrangers (notamment les droits français et belge) aggravent la sanction
pénale du viol lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à
une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est
apparente ou connue de l'auteur des faits.
À l'état actuel de notre législation pénale, l'on retrouve trois hypothèses : la vulnérabilité due
à l'âge de la victime, à une infirmité caractérisée par le handicap de la victime mais aussi à une
déficience psychique due à l'environnement du crime.
Lorsque le viol est commis sur une personne âgée de moins de dix huit ans, la loi n°09/001
du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant prévoit que le coupable subisse une servitude pénale
de sept à vingt ans et une amende de huit cent mille à un million de francs congolais.
Lien entre le mineur victime et l’agent. Notons par ailleurs que l’auteur sera passible d’une
servitude pénale de quatorze ans à vingt ans et d’une amende de un million six cent mille francs
congolais, si ce viol sur mineur est le fait des personnes ayant un lien avec le mineur victime ;
notamment :
- les ascendants de l'enfant sur lesquels ou avec l’aide desquels le viol a été commis ;
- ses enseignants ou ses serviteurs à gage ou les serviteurs des personnes ci-dessus ;
- les agents publics, les ministres de culte qui ont abusé de leur position pour le
commettre, du personnel médical, para médical ou des assistants sociaux, des tradi-
praticiens envers les enfants confiés à leurs soins ; et
Le minimum de la peine est également doublé si ce viol sur mineur est commis avec l'aide
d'une ou plusieurs personnes, s'il est commis en public, s'il a causé à la victime une altération grave de
sa santé et/ou laissé de séquelles physiques et/ou psychologiques graves, s'il est commis sur un enfant
vivant avec handicap et enfin s'il a été commis avec usage ou menace d'une arme.
Le minimum de la peine prévue par l’article 170 alinéa 2 du code pénal sera doublé, si le viol
a été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son infirmité est caractérisée par
un handicap. A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et d'une
amende ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais constants.
Notons cependant que la vulnérabilité due à l'infirmité doit correspondre à un état physique
préexistant aux faits, objet de la poursuite et non être la conséquence de ces faits.
Par ailleurs, cette vulnérabilité de la victime est une circonstance aggravante réelle en ce
qu'elle touche aux conditions de l'infraction et non à la personne de celui ou ceux qui s'en rendent
coupable. Il en résulte qu'en cas de pluralité d'auteurs, la question de vulnérabilité de la victime ne
devra être posée en principe qu'une seule fois. En tout cas, si elle est posée plusieurs fois, elle ne
saurait être résolue tantôt affirmativement, tantôt négativement sous peine d'entacher de contradiction
la déclaration de la juridiction de jugement.
3° S'il est commis sur des personnes captives par leurs gardiens
C’est l'aggravation de la sanction pénale lorsque le viol a été commis par des personnes dont
la vulnérabilité due à l'environnement de la perpétration du crime entraînant un état psychologique de
faiblesse est connue de l'auteur ou manifestement visible. L'agent doit avoir été chargé de monter la
garde des détenues qu'il aura violé. Les victimes se trouvent dans une position d'infériorité et de
dépendance. Elles sont exposées préalablement à céder à presque toutes les sollicitations.
A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et d'une amende
ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais constants.
Le viol peut dans ce cas être commis en public ou avec usage ou menace d'une arme.
La sanction pénale pour viol sera aggravée si les faits se sont produits dans un lieu public.
Relevons que la publicité requise par la loi permet de retenir tout lieu public, qu’il soit par
nature, par destination ou par accident, dans la mesure où l’acte de viol a pu être vu ou aperçu
directement par le public ou produit au public.
A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et d'une amende
ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais constants.
Il y a aggravation de la sanction pénale lorsqu'il est établi que le viol a été commis avec
usage ou menace d'une arme.
Par le mot "armes", le législateur congolais entend dans l'article 214 du code pénal, toutes
machines, tous instruments, ustensiles ou autres objets tranchants, perçants ou contondants dont on se
sera saisi pour tuer, blesser ou frapper, même si on n'en a pas fait usage.
A cet effet, le coupable sera puni d’une servitude pénale de dix à vingt ans et d'une amende
ne pouvant être inférieure à deux cent mille francs congolais constants.
C. L’action civile
Le viol peut donner lieu à l’allocation des dommages-intérêts calculés sur base des usages et
coutumes locaux.
Il faut noter enfin qu'à coté des peines principales, le législateur prévoit la possibilité pour le
juge de prononcer en outre la déchéance de l’autorité parentale ou tutélaire si l’infraction a été
commise sur un mineur par une personne exerçant cette autorité conformément à l’article 319 du Code
de la famille.
Évitant le laconisme qui le caractérisait depuis fort longtemps dans les dispositions qui
réprimaient les attentats à la pudeur, le législateur congolais507 a, à la suite de la jurisprudence et la
doctrine508, défini l’attentat à la pudeur comme étant tout acte contraire aux mœurs exercé
intentionnellement et directement sur une personne sans le consentement valable de celle-ci.
À la différence du viol qui est une infraction simple, les attentats à la pudeur prévus par les
articles 167, 168, 169 du code pénal sont des infractions complexes. Cette complexité résulte du fait
que l’élément matériel est moins précis, et que chaque infraction présente une originalité propre
découlant de la façon dont la victime a été atteinte matériellement.
C’est ce qui nous conduit à examiner, sa condition d’existence, les éléments constitutifs de
ces infractions et leur régime répressif.
L’attentat à la pudeur ne peut exister que dans la mesure où, il est établi que la victime est un
être humain (pas un animal), vivant (pas un cadavre), autre que l’agent (pas la personne qui se palpe
elle-même).
Ces infractions, nous l’avons vu, comportent des éléments communs et des éléments propres
à chacune d’elles.
A. Éléments communs
- l’intention coupable.
L’acte matériel d’attentat à la pudeur est constitué par toute action physique et immédiate
contraire aux mœurs exercée sur une personne509.
Il doit s’agir donc d’un acte impudique c’est-à-dire de celui qui est de nature à offenser la
pudeur autrement dit de l’acte qui est réellement immoral510.
La loi ne vise pas la pudeur personnelle de la victime, mais bien la notion générale de la
pudeur, telle qu’elle est comprise dans la société, la région, le pays ou la communauté. Il s’agit donc là
d’une question de fait qui doit être appréciée souverainement par le juge du fond.
506.
Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
507.
Article 167 alinéa 1 du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n°
06/018 du 20 juillet 2006 relative aux violences sexuelles
508.
Elis. 13 avril 1943, Rev. Jur., p. 132.
509.
Elis. 12 février 1916, Jur. Col. 1926, p. 320 ; C.A. Kis. 11 septembre 1959, R.J.C. 1970, p. 32.
510.
Elis. 13 avril 1943, Rev. Jur., p. 132.
- le fait pour un adulte de rapprocher ses parties sexuelles de celles de la victime 512,
majeure d'âge ;
- le fait de porter la main sur une petite fille en relevant ses vêtements jusqu’à la
ceinture, en mettant à nu une partie de son corps et de la laisser en cet état pendant
un temps plus ou moins long ;
- le fait de relever les vêtements d’une personne, de lui mettre les cuisses à nu, de
passer sa main sur ses parties sexuelles, de sortir son membre viril et de chercher à le
faire toucher à la victime, le fait de soulever et de poser la victime sur ses jambes et
de mouiller ses cuisses par les spermes.
Pour que l’acte soit attentatoire à la pudeur, il doit être réellement immoral. C’est ainsi qu’un
acte révélant une légère impudicité ne peut être punissable sur la base d’attentat à la pudeur. C’est le
cas notamment du fait d’embrasser une femme, de la serrer dans ses bras, de se livrer sur ses
vêtements à des attouchements obscènes513.
D’autre part l’acte impudique doit être commis directement sur la personne de la victime ou
à défaut on peut retenir l’outrage public à la pudeur ou l’excitation d’un mineur à la débauche que
nous verrons plus loin.
À partir du moment où l’acte est réellement impudique et exercé directement sur la personne
de la victime, l’infraction existe.
Peu importe le lieu où il a été commis, ce lieu peut être public ou privé (secret).
Peu importent également le sexe de la victime (il peut s’agir d’un homme ou d’une femme),
son âge (majeur ou mineur) et le rôle (actif ou passif) joué par la victime514.
Il n’est pas non plus nécessaire de prouver que la pudeur de la victime a effectivement été
blessée . C’est le cas d’une personne qui n’a pas le discernement nécessaire telle qu’une personne de
515
Ainsi la tentative se confond avec l’acte consommé. Il suffit que la résolution criminelle ait
été manifestée par les actes extérieurs prouvant un commencement d’exécution.
511. 1ère Inst. app. Kasaï 19 décembre 1951, R.P.A. 1544, inédit ; Kin. 19 avril 1979, R.J.Z. 1979, p. 253.
512. C.A. Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 32.
513. Kin. 19 avril 1974, R.J.Z., p. 253.
514. 1ère Inst. app. 12 novembre 1929, Rev. Jur. 1930, p. 190.
515. Kin. 19 avril 1974, R.J.Z. 1974, p. 253.
516. Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 32.
517. Kin. 19 avril 1974, R.J.Z. 1974, p. 253.
Pour qu’il y ait attentat à la pudeur l’intention coupable est requise. Autrement dit, l’agent
doit avoir agi consciemment, avec la volonté d’enfreindre la loi518 en posant un acte qu’il sait
impudique.
Dès que l’acte impudique est réalisé intentionnellement, le comportement de l’agent est
coupablement établi.
Peu importe le mobile. C’est ainsi que sera punissable, l’agent qui a été mu par le désir de
satisfaire sa propre lubricité, un sentiment de luxure519, de vengeance ou de haine ou pour satisfaire
une curiosité obscène. C’est le cas de celui qui, appose ses mains sur les seins d'une femme en vue de
vérifier si elle a déjà enfanté et allaité ou pour son information personnelle.
Il en est de même des femmes qui, au cours d’une rixe peuvent se livrer à des attouchements
avec violence sur le sexe d’une autre (sans la moindre pénétration sexuelle au risque de tomber sous le
coups de l'article 170 du code pénal), ou des personnes qui mesurent l’organe sexuel d’une autre sous
prétexte de vérifier qu’il peut avoir des enfants.
Par contre, ne sera pas coupable d'attentat à la pudeur, le personnel médical qui pratiquerait
des attouchements sur le membre viril d’un homme dans le cadre d’une consultation médicale, en vue
de chercher s’il n’a pas une maladie vénérienne.
En revanche, si l'on établit que sous prétexte de soins, le personnel médical cherchait à
satisfaire une passion génésique, il serait évidemment poursuivable pour attentat à la pudeur.
B. Eléments distincts
Notre législation pénale distingue l’attentat à la pudeur sans violence commis sur les mineurs
(art. 167 du code pénal) de l’attentat à la pudeur avec violence (art. 168 du code pénal).
Tant l’article 167 du code pénal tel que modifié par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les
violences sexuelles que l'article 172 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de
l'enfant, incriminent tout attentat à la pudeur commis sans violence, ruse ou menaces sur la personne
ou à l’aide de la personne d’un enfant âgé de moins de dix-huit ans.
Le législateur congolais réprime aussi, mais assez sévèrement, l'attentat à la pudeur commis
sur un enfant, à l'aide d'un ou de plusieurs enfants âgés de moins de dix ans. L’élément caractéristique
de cette infraction est l’âge de la victime. Cet âge est fixé à dix-huit ans mais aussi à dix ans pour
aggraver la sanction pénale. Il pourra être déterminé notamment par examen médical, à défaut d’état
civil520. À partir du moment où il est établi que la victime de l’attentat à la pudeur est un enfant au sens
de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 sur la protection de l'enfant521, l’infraction existe.
518. C.A. Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 32 ; Kin. 19 avril 1974, R.J.Z. 1974, p. 253.
519. Kin. 19 avril 1974 R.J.Z. 1974, p. 253 ; Kis. 11 septembre 1969, R.J.C. 1970, p. 32.
520. Article 169 du code pénal ordinaire.
521. Toute personne âgée de moins de 18 ans.
522. C.A. Kin. 29 août 1967, R.J.C. 1968, p. 175.
D’après l’opinion généralement admise la violence chez l’enfant de cet âge est
invinciblement présumée523.
Peu importe enfin que l’acte impudique n’ait produit aucun effet sur l’esprit ni sur le sens de
la victime, qu’il ne l’ait ni corrompue, ni démoralisée524.
Dans l’article 168 du code pénal, le législateur incrimine tout attentat à la pudeur commis
avec violence, ruse ou menaces sur des personnes de l’un ou de l’autre sexe.
Ici, les éléments caractéristiques de cette infraction sont constitués par les violences,
menaces ou ruses.
1° Violences
Les termes violences visent les actes de contrainte physique et les moyens de contrainte
morale exercés contre la victime de l’attentat525.
Il peut s’agir des coups ou des voies de fait. Peu importe leur gravité. C’est ainsi que les
violences même légères sont retenues.
2° Menaces
La loi vise ici tout moyen de coercition irrésistible tendant à paralyser la volonté. Autrement
dit, la menace consiste dans l’annonce d’un mal que l’on veut faire ; celui-ci doit être imminent. Elle
constitue à l’égard de la victime une violence morale.
3° Ruse
Par ruse, il faut entendre tout artifice, tout acte ou toute manœuvre empêchant le libre
consentement. Tel serait le fait d’une personne qui se ferait passer pour médecin, accoucheuse ou
infirmière526.
Il a été jugé qu’un attentat à la pudeur commis par surprise est un attentat à la pudeur
commis avec violences lorsque, par suite des manœuvres de l’auteur, la victime se voit contrainte de
subir des actes immoraux soudains et imprévus, auxquels elle n’a pu physiquement se soustraire, mais
auxquels elle eût certainement résisté s’il lui avait été possible de réagir en temps utile527.
Il a également été jugé que la personne qui, en dormant, est victime d’un attentat à la pudeur,
qui s’éveille tout à coup, à la suite des attouchements commis sur sa personne, et qui se serait
indubitablement opposée, sur-le-champ, aux attouchements malhonnêtes si ceux-ci n’avaient pas eu
lieu pendant son sommeil, est victime d’un attentat à la pudeur avec violences528.
523. Kin. 19 avril 1974, R.J.Z. 1974, p.253 ; Kis. 11 septembre 1969, R.J.Z. 1970, p. 32.
524. Kin. 19 avril 1974, R.J.Z. 1974, p. 253.
525. Codes et lois du Congo-belge, T. I, p. 335.
526. Mineur, op. cit., p.357.
527. Codes et lois du Congo-belge, T. I, p. 335.
528. Cour Mil. 26 mars 1952, Rev. Dr. pénal, p.279 ; Mineur, op. cit., p. 357.
Il convient de présenter d'une part les circonstances d'aggravation de la sanction pénale avant
de préciser les peines applicables à l'agent.
A. Circonstances aggravantes
Les circonstances aggravantes de l’attentat à la pudeur sont les mêmes que celles du viol.
Elles sont également punies des mêmes peines.
Alors qu'une jurisprudence ancienne condamnait pour attentat à la pudeur avec circonstances
aggravantes le chauffeur, commis par le père de la victime, qui avait rapproché son organe des parties
sexuelles de la victime (fillette âgé de dix ans) et lui avait transmis une maladie vénérienne 529, il y a
lieu de souligner qu'à ces jours, d'une part, le législateur congolais répute viol avec violences, le seul
fait du rapprochement charnel de sexes commis sur les personnes âgées de moins de dix-huit ans ;
d'autre part, il incrimine à titre particulier la transmission délibérée des infections sexuellement
transmissibles incurables à l’article 174i du Code Pénal issu du décret du 30 janvier 1940.
B. Pénalités
Le législateur punit différemment l’attentat à la pudeur commis avec ou sans violence, ruse
ou menace.
Il s'agit de l'attentat à la pudeur commis sur des personnes âgées de moins de dix-huit ans.
Car, on considère que le consentement valide d'une personne majeure d'âge légitime le comportement
de l'agent.
Ainsi, admet-on, l’attentat à la pudeur commis sans violences, ruse, ou menaces sur la
personne ou à l’aide de la personne d’un mineur de dix-huit ans sera puni d’un d’emprisonnement de
six mois à cinq ans.
Si la victime est un mineur de dix ans, la peine principale de privation de liberté sera de cinq
à vingt ans.
Commis sur les personnes de l'un ou l'autre sexe âgées d’au moins dix-huit ans, il est puni de
six mois à cinq ans d’emprisonnement.
Mais, l'auteur de l'infraction d'attentat à la pudeur sera passible de cinq à quinze ans
d’emprisonnement s’il est établi que la victime est une personne âgée de moins de dix-huit ans.
Lorsque les faits sont commis sur un enfant ou à l'aide d'un ou de plusieurs enfants âgés de
moins de dix ans, l’emprisonnement sera de cinq à vingt ans.
Si le phénomène du harcèlement n'est pas nouveau dans notre société mais beaucoup plus
clandestin, par contre, son incrimination paraît nouvelle et ne remonte, en droit congolais, qu'à la date
du 20 juillet 2006.
Il s'agit d'un acte d'incitation sexuelle purement psychologique qui diffère de l'attentat à la
pudeur lequel se consomme par des actes d'agression sexuelle [physique] accomplis sur la victime. On
constate en effet que les dispositions légales prévoyant les incriminations d'attentat à la pudeur d'autrui
s'avèrent impropres à assurer la répression des comportements ne se traduisant pas forcement par des
contacts physiques mais qui prennent davantage la forme d'un chantage à l'avancement, à la mutation,
à la réussite, voire au licenciement auquel la victime ne peut échapper qu'en acceptant d'accorder au
demandeur des faveurs de nature sexuelle.
Le législateur incrimine ce comportement lorsqu'il est affiché aussi bien sur toute personne
majeur d'âge que sur la personne d'un mineur.
Il s'en suit à cet effet deux formes de harcèlement sexuel. La première forme est celle
commise sur toute personne majeure d'âge et la seconde, sur une personne âgée de moins de dix-
huit ans.
- le régime répressif.
Les deux formes de harcèlement sexuel ont respectivement leurs conditions d’existence.
L’une et l’autre forme du harcèlement sexuel ont pour condition d’existence commune : la
personnalité humaine de la victime. En effet, le harcèlement sexuel suppose une victime être humain.
Il ne peut, par conséquent exister que dans la mesure où, il est établi que la victime est un humain (pas
un animal), vivant (pas un cadavre), autre que l’agent (pas soi-même).
Le législateur congolais incrimine dans l'article 174 d du code pénal tel que modifié et
complété par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles le fait pour quiconque
d'adopter un comportement persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes soit en lui
donnant des ordres ou en proférant des menaces, ou en imposant des contraintes, soit en exerçant des
pressions graves, soit en abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions en vue d’obtenir de lui des
faveurs de nature sexuelle.
Le fait matériel de harcèlement sexuel peut donc être vertical-ascendant. C'est notamment le
comportement persistant affiché par des subalternes envers leur supérieur hiérarchique. Il peut
également être vertical-descendant. Le cas du supérieur hiérarchique qui harcèle son subalterne. Il peut
enfin être horizontal et opposer des collaborateurs ou personnes de même rang.
C. Harcèlement sexuel de l'alinéa 1ier de l'article 181 de la loi n°09/001 du 10/01/ 2009
En effet, le siège de cette infraction se trouve être l'alinéa 1ier de l'article 181 de la loi
n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant. L’élément caractéristique de ce
harcèlement sexuel c’est : la qualité des protagonistes.
L’auteur de l’infraction doit être une personne ayant une autorité sociale ou professionnelle
sur sa victime. C’est justement ce que prévoit la loi en ces termes : « …de l'autorité que lui confère
sa position sociale ou professionnelle… ».
La victime mineure d’âge. Quant à la victime, la loi exige qu'elle soit une personne âgée de
moins de 18 ans. Nous estimons qu'il s'agit de la protection d'une personne dont la vulnérabilité due à
son jeune âge est apparente ou connue par l'auteur des faits.
L'article 174 d du code pénal tel que modifié et complété par la loi numéro 06/018 du 20
juillet 2006 sur les violences sexuelles incrimine le fait pour quiconque d'adopter un comportement
persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes soit en lui donnant des ordres ou en
proférant des menaces, ou en imposant des contraintes, soit en exerçant des pressions graves, soit en
abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions en vue d’obtenir de lui des faveurs de nature
sexuelle.
Dans le cadre de la protection de l'enfant, le législateur a défini le harcèlement sexuel [dans
l'alinéa 1er de l'article 181 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009] comme le fait pour une personne
d'abuser de l'autorité que lui confère sa position sociale ou professionnelle en exerçant sur l'enfant des
pressions afin d'obtenir de lui des faveurs de nature sexuelle.
Il suit de ces notions que tout harcèlement sexuel suppose deux éléments communs :
- l’élément matériel : le fait de harceler et ;
- l'élément moral.
Le fait matériel du harcèlement sexuel écarte l'idée d'un contact physique entre l'agent et la
victime qui doivent néanmoins être en relation directe. C'est que l'on considère que l'auteur des faits a
soit tenu des propos, soit posé des gestes donnant injonction, proférant des menaces ou imposant des
contraintes directement à l’endroit de la victime. Ces propos ou gestes peuvent aussi exercer sur la
victime des pressions ou simplement consister en un abus de son autorité.
Il importe peu que la victime puisse céder aux injonctions subies. Auquel cas, les faits
seraient constitutifs de viol ou d'attentat à la pudeur [selon que les faveurs sexuelles recherchées et
obtenues dans ces conditions ont consisté ou non en une pénétration sexuelle].
La résistance de la victime ou son refus à accorder des faveurs sexuelles recherchées par des
pressions n'a aucune incidence sur le caractère infractionnel du comportement de l'agent. L'infraction
étant formelle, elle se consomme par les seuls propos ou gestes réitérés de l'agent.
B. L'élément moral
L'agent doit avoir accomplis son acte avec une intention coupable. Il revient pour cela à
l'organe d'accusation de prouver cette intention.
Notons par ailleurs que le harcèlement requiert un dol spécial. Il s'agit justement de
l’obtention de faveurs de nature sexuelle. L'accusation devra donc démontrer que toute l'attitude
persistante affichée par l'agent, par exemple la pression exercée sur la victime, ne concourait qu'à ce
seul objectif. En cas de doute sur ce dol spécial, l'infraction ne pourra être établie.
C'est ainsi que la simple utilisation de propos grossiers et grivois ne peut caractériser le dol
spécial de cette infraction. Les simples dragues d'une secrétaire par son patron de service et les
compliments faits à la victime, même s'ils sont répétés, ne consomment pas à eux seuls cette infraction
si l'on ne parvient à établir la preuve de la recherche par l'auteur des faits, des faveurs de nature
sexuelle.
D'une part, nous indiquerons les notions relatives aux poursuites et d'autre part à la peine à
infliger au coupable avant de connaître de l'éventuelle sanction civile d'une certaine catégorie de
personnes en cas de leur responsabilité pénale.
L'alinéa 2 de l'article 174 d du code pénal subordonne toutes les poursuites à la plainte de la
victime du harcèlement sexuel. C'est qu'en cas d'absence de cette plainte, aucune poursuite ne pourra
être engagée.
B. De la pénalité
Lorsqu'il est commis sur l'enfant, l'auteur subira trois à douze ans d'emprisonnement
principale et une amende de deux cents mille à quatre cents mille francs congolais530.
C. De la sanction civile
L'on comprend ainsi que cette sanction de déchéance de l'autorité parentale ne peut
s'appliquer que sur des personnes exerçant l'autorité parentale sur l'enfant qui aura subi le harcèlement.
Sans cette qualité, la déchéance de l'autorité parentale ne pourra aucunement être prononcée.
Nous examinerons d’abord l’outrage public à la pudeur et ensuite l’outrage aux bonnes
mœurs.
Contrairement à l'attentat à la pudeur, l’outrage public à la pudeur n’est pas défini dans le
code pénal ordinaire. Dans ce texte de loi, le législateur s’est tout simplement borné à disposer
laconiquement que : « quiconque aura publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la
pudeur sera puni »532.
Mais dans la loi sur la protection de l'enfant, il a désigné par l'exhibition sexuelle comme le
fait de montrer certaines parties intimes du corps et/ou de faire en public, des gestes à caractère
sexuel533.
Amenée à préciser les contours de cette notion, la doctrine estime quant à elle que l’outrage
public à la pudeur suppose nécessairement un acte, une attitude ou un geste impudique. Cet acte
impudique doit avoir été commis en public. Et l’agent doit avoir agi avec conscience d’offenser la
pudeur d’autrui.
Il y a lieu de noter également que l’agent, même s’il accomplit les trois éléments, ne sera
poursuivi que si l’acte a pour effet de corrompre les mœurs534.
Ainsi, admet-on que l'outrage public à la pudeur peut être défini comme l'attitude ou le
comportement infligé à la vue du public et qui heurte gravement le sens moral et la pudeur de ce
dernier535. Il s'agit donc des faits et gestes dont l'impudeur est particulièrement choquante et qui ne
peuvent guère échapper à la vue du public.
La publicité de l'acte. Alors que l’attentat à la pudeur n’exige pas une publicité, l’outrage
public à la pudeur ne peut être réprimé que si l’acte matériel a été accompli publiquement.
En effet, la loi protège ici la moralité ou l’honnêteté publique en réprimant tout scandale qui
est offert au public. Peu importe que l’acte impudique ait été offert au public par négligence ou même
fortuitement. Ainsi sera coupablement établi tout comportement vicieux d’un individu qui est présenté
soit avec effronterie, soit avec négligence. Il ne pourra donc pas invoquer le fait qu’il s’agit d’un cas
fortuit ou il a négligé de se cacher.
532.
Article 176 du code pénal.
533.
Article 178 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant.
534.
Article 177 du code pénal.
535.
C. LAPLATTE, Qu'est-ce que l'outrage public à la pudeur ?, G.P., 1965.II.49, cité par Jean PRADEL et Michel DANTI-
JUAN dans Droit pénal spécial, CUJAS, 4e édition, 2007/2008, p. 493
La généralité des termes de l’article 176 du code pénal a permis d’interpréter très largement
cette notion de publicité. C’est ainsi qu’on estime que la publicité requise par la loi permet de retenir
tout lieu public, qu’il soit par nature, par destination ou par accident, dans la mesure où l’acte
d’outrage a pu être vu ou aperçu directement par le public ou présenté au public.
Ici la publicité a un caractère absolu. Par le fait même que l’acte est accompli dans un lieu
public, l’infraction est retenue.
Peu importe que l’acte soit ou non vu, ou aperçu par un tiers. Et il n’y a pas lieu de
rechercher si l’agent a pris toutes les précautions nécessaires pour se dérober aux regards d’autrui.
Par lieux publics, il faut entendre les lieux publics par nature, lieux publics par destination et
lieux publics par accident.
Il s’agit des lieux qui, d’une façon permanente et absolue, sont accessibles au public. Par
exemple : les places publiques, les avenues, les rues, les routes, les cours d’eau, les jardins publics.
C’est ainsi qu’un individu a été condamné pour avoir commis un acte obscène dans les
herbes à trente mètres du chemin536.
A été également condamné celui qui a eu des relations sexuelles avec une femme dans une
voiture, en plein jour, sur la route537.
Il s’agit des lieux où toute personne peut être appelée ou admise à pénétrer ou séjourner
librement.
Par exemple les théâtres, salles de cinéma, les stades, les bars, les restaurants, les écoles, les
salles des cours de l’université, les salles d’audience des cours et tribunaux, les bureaux de
l’administration, les églises.
Il est évident qu’ici l’acte obscène ne peut constituer un outrage public à la pudeur que
pendant le temps où le public y est accessible. C’est ainsi que l’acte obscène ne serait pas public s’il
était commis dans un stade, salle de cours ou église après la fermeture.
Ici, la publicité résulte de la présence plus ou moins accidentelle d’un public. Par exemple :
un hôpital, une prison, une maternité, un dortoir d’un pensionnat, les magasins, les voitures et wagons
des chemins de fer, les voitures automobiles publiques (bus)538.
Les voitures privées sont également retenues si les actes accomplis à l’intérieur peuvent être
vus ou aperçus par les tiers. Dans ce cas, l’infraction existe dès l’instant où l’agent a prévu ou a pu
prévoir qu’il serait épié ou surpris par une ou plusieurs personnes, même fortuitement539.
536.
Boma 12 décembre 1905, Jur. Etat, II, p. 75.
537.
Kin. 28 avril 1972, R.J.Z. 1973, p. 177.
538.
Kin. 28 avril 1972, R.J.Z. 1973, p. 177.
539.
Elis. 9 novembre 1937, Rev. Jur. 1938, p. 45 ; Mineur, p. 371.
La publicité d’un acte obscène commis dans un lieu privé peut résulter d’abord de la
disposition même des lieux540.
Il en est ainsi lorsque les fenêtres de la maison dans laquelle l’acte est commis donnant sur la
rue sont ouvertes ou si la porte, dépourvue de voiles ou rideaux, est vitrée. Il en est de même de l’acte
commis dans un champ donnant sur le chemin public541.
La publicité de l’acte impudique commis dans un lieu privé peut également résulter du
défaut de précautions pour le tenir secret.
Par contre, ne constitue pas un défaut de précautions punissable : le fait de ne pas fermer à
clef la porte de la chambre ou d’un local privé dans lequel s’accomplit un acte impudique tel que celui
qui s’accomplit dans une case ou hutte (au village) dépourvue de fermeture.
La publicité d’un acte impudique commis dans un lieu privé peut résulter enfin de la
présence de témoins. Ici on fait la distinction entre un témoin volontaire et un témoin involontaire542.
Pour le témoin volontaire, on estime que la publicité requise par la loi fait défaut. Tel est le
cas de personnes curieuses et indiscrètes qui tenteraient de faire échec aux précautions prises par
l’auteur de l’outrage pour le tenir caché ; par exemple les enfants qui regardent par le petit trou d'un
mur, d'une porte ou d'une fenêtre ou qui escaladent un obstacle pour voir ce qui se passe à l’intérieur
d’une maison.
Pour ce qui est du témoin involontaire, on estime qu’il faut retenir la publicité requise par la
loi même si l’outrage public à la pudeur a été commis dans un lieu privé et clos. Tel l’acte sexuel
accompli dans une maison d’habitation où il y a des enfants ou des tiers. Les parents doivent prendre
des précautions suffisantes.
À cet égard, on estime même qu’il n’est pas nécessaire que les témoins involontaires aient
aperçu les actes obscènes, il suffit simplement qu’ils aient pu se rendre compte des faits immoraux qui
s’accomplissaient en leur présence543. Il importe peu qu’il s’agisse d’un seul ou de plusieurs
témoins544.
540.
Boma 12 décembre 1905, Jur. Etat, II, p. 75.
541.
Idem.
542.
Elis. 9 novembre 1937, R.J.C.B. 1938.
543.
Dalloz 1978, I, 28.
544.
Mineur, op. cit., p. 371.
Ainsi qu’il a été précisé, l’outrage public à la pudeur prévu aussi bien dans le code pénal
ordinaire que dans la loi de 2009 sur la protection de l'enfant, exige la réunion de deux éléments ci-
après :
- un acte matériel d’outrage à la pudeur ;
- l’élément intellectuel.
L’acte matériel est constitué par toute action susceptible de blesser la pudeur545.
Il peut s’agir d’un acte trop peu grave pour constituer un attentat à la pudeur546.
Cet acte peut consister dans une attitude ou un geste. Ce qui exclut des discours, propos,
paroles, images ou chansons obscènes ou impudiques qui ne peuvent être réprimés que comme
outrages aux bonnes mœurs547.
Contrairement à l’attentat à la pudeur qui requiert une atteinte physique corporelle, l’acte
d’outrage à la pudeur ne suppose pas un contact entre le corps de la victime et celui du coupable.
L’outrage est commis par la personne qui se fait voir et non par celle qui regarde.
Pour que l’outrage public à la pudeur soit punissable, l’acte matériel doit nécessairement
remplir les deux conditions suivantes :
Il doit être de nature à blesser la pudeur, d’une part, et doit avoir pour effet de corrompre les
mœurs, d’autre part.
Cette offense à la pudeur se caractérise par l’effet que l’acte produit ou est susceptible de
produire sur ceux qui en sont les témoins : scandale, acte qui choque l’honnêteté ou la pudeur548.
Cet acte matériel peut blesser la pudeur d’une personne déterminée ou non. On estime
également que l’acte d’outrage à la pudeur adressé à une personne déterminée est punissable qu’il ait
eu lieu contre ou sans sa volonté ou son consentement. Constitue un outrage public à la pudeur le fait
de passer la main avec une insistance outrageante sous la robe ou le pagne d’une femme.
L’acte d’outrage se conçoit également, nous l’avons dit, en dehors de toute personne
déterminée.
545.
Article 176 du code pénal.
546.
Elis. 13 avril 1943, Rev. Jur. 1943, p. 132.
547.
Article 175 du code pénal.
548.
Mineur, op. cit., p. 371.
- le fait de ne pas se cacher pour satisfaire un besoin naturel, par exemple uriner en
public ;
Ainsi ont été retenus comme constituant des actes matériels d’outrage à la pudeur tous les
actes sexuels, normaux ou anormaux, les pratiques contre nature qui s’accomplissent en public même
par des personnes mariées coutumièrement ou civilement. Il en est ainsi du fait de saisir une femme
dans le bas-ventre, de l’embrasser longuement et de se livrer sur elle à des attouchements impudiques.
En droit congolais, l’ardeur d’un baiser pourrait également tomber sous le coup de la loi.
- le fait pour une femme vêtue d’un cache-sexe (monokini), les seins entièrement nus
(dans certains milieux seulement), de se promener en public ou de porter un sous-
vêtement transparent.
2° Cet acte doit avoir en outre pour effet de corrompre les mœurs
Même s’il est constitué par un acte susceptible d’offenser la pudeur, l’outrage public à la
pudeur ne sera punissable que s’il peut avoir pour effet de corrompre les mœurs549.
Dans certains milieux en effet, certains actes considérés comme obscènes ne peuvent, aux
yeux des natifs, ni blesser la pudeur ni corrompre les mœurs551.
C’est ainsi que ne peuvent pas tomber sous le coup de l’article 176 du code pénal :
- Le port des costumes ou tenues légères dans certains milieux [coutumiers] étant
donné que c’est le seul mode d’habillement prévue ;
- certaines cérémonies coutumières qui obligent les acteurs à poser des actes
considérés comme impudiques (par exemple exhibition des parties génitales, ou
danses provocantes dans des cérémonies de naissance des jumeaux).
Par contre une jeune fille qui se promènerait avec simplement un cache-sexe dans les rues de
Kinshasa commettrait certainement l’outrage public à la pudeur alors qu’il n’en serait pas forcement
de même dans toutes les petites localités de l’intérieur de notre pays (le cas des jeunes filles pygmées).
B. Élément intellectuel
L’outrage public à la pudeur requiert un élément moral de la part de son auteur qui peut
consister soit dans la volonté délibérée d’offenser, de blesser ou de froisser la pudeur publique, soit
dans la négligence apportée pour cacher l’acte obscène.
C’est ainsi que le comportement des époux négligeant de tirer le rideau de leur fenêtre avant
d’accomplir l’acte sexuel peut être coupablement établi. On leur reprochera le fait de n’avoir pas pris
toutes les précautions pour dissimuler l’acte.
Alors que l'outrage public à la pudeur est prévu dans le code pénal dans son état simple, le
législateur aggrave la sanction du coupable dans la loi du 10 janvier 2009. C'est ainsi que nous
étudierons la répression de cette infraction sous le code pénal ordinaire avant de traiter de la
circonstance d'aggravation de la sanction amenée par la loi portant protection de l'enfant.
Aux termes de l’article 176 du code pénal, le coupable de l’outrage public à la pudeur est
passible de huit jours à trois ans de servitude pénale et ou d’une amende dont le montant en monnaie
ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de vingt-cinq et mille francs552.
Il va falloir apporter quelques précisions sur les composantes avant de connaître des
pénalités de cette infraction.
Dans l'article 178 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant, le
législateur punit l'exposition à l'exhibition sexuelle d'une personne âgée de moins de 18 ans.
Pour être constitué, l'acte matériel doit être accompli sur un mineur. Ce qui caractérise
particulièrement l'infraction.
L'autorité judiciaire saisie des faits a la possibilité de retenir l'infraction uniquement à la suite
de l'exposition des parties intimes mais aussi à partir des gestes à caractère sexuel posés en public
nonobstant la non exhibition des parties sexuelles de l'enfant. C'est que l'agent engagera tout de même
sa responsabilité pour exposition à l'exhibition sexuelle de l'enfant quant bien même que les gestes
sexuels posées n'ont pas été accompagnés d'une certaine exhibition des parties intimes dudit enfant.
Sous cette disposition, le législateur n'incrimine pas le comportement d'un agent qui expose
sa propre nudité en public mais celle d'une autre personne. C'est ainsi que l'infraction ne pourra être
coupablement établie si les faits d'exhibition sexuelle ont été commis par l'auteur de l'exposition lui
même. C'est notamment le cas, si l'agent a exposé en public les parties intimes de son propre corps. Ce
qui caractériserait en effet plutôt, l'acte matériel d'outrage public à la pudeur.
Cependant, la sanction pénale est aggravée lorsque l'exhibition sexuelle est le fait d'une
personne ayant une autorité sur l'enfant. La loi cite notamment le père, la mère, le parâtre, la marâtre,
le tuteur ou toute personne exerçant en droit ou en fait l'autorité sur l'enfant.
Par toute personne exerçant en droit ou en fait l'autorité sur l'enfant, l'on inclue les
enseignants[professeurs, chef de travaux, assistants, instituteurs ou moniteurs, préfets ou directeurs
d'établissement...etc.], les encadreurs d'enfant ou les assistants sociaux, les surveillants ou gardiens
d'enfants, les ministres de culte[évêques, prêtres, pasteurs, diacres, évangélistes...etc], les personnels
soignants[médecins chirurgiens, dentistes, infirmiers, tradi-praticiens, accoucheuses ],...etc.
Pour engager leur responsabilité pénale, il convient et il suffit que soit prouvé l'existence
d'un lien d'autorité entre l'agent et l'enfant qui, comme le public, subi cette exposition.
Et dans l'un ou l'autre cas, les peines encourues seront portées de cinq à quinze ans de
servitude pénale principale et l'amende de deux cents mille à un million de francs congolais.
L’outrage aux bonnes mœurs, à la différence de l’outrage public à la pudeur qui punit le
spectacle impudique, tend à réprimer l’expression ou la reproduction de l’immoralité, de l’impudicité,
de l’obscénité.
En effet, alors que l'outrage public à la pudeur résulte d'une exhibition qui suppose une
gestuelle ou une attitude lascive ou lubrique, l'outrage aux bonnes moeurs procède d'une impudeur
plus sophistiquée, plus intellectualisée et qui ne se matérialisera qu'indirectement à travers des écrits,
des objets, des images, des messages, des récits, etc554.
Cette infraction est prévue et réprimée par l’article 175 du code pénal qui dispose que :
« Quiconque aura exposé, vendu ou distribué des chansons, pamphlets ou autres écrits, imprimés ou
non, des figures, images, emblèmes ou autres objets contraires aux bonnes mœurs, sera condamné à
une servitude pénale de huit jours à un an et à d’une amende de vingt-cinq à mille francs555 ou à l’une
de ces peines seulement. Sera puni des mêmes peines quiconque aura, en vue du commerce ou de la
distribution, détenu, importé ou fait importer, transporté ou fait transporter, remis à un agent de
transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité des chansons, pamphlets,
écrits, figures, images, emblèmes ou objets contraires aux bonnes mœurs.
Dans les cas prévues par les alinéas précédents, l’auteur de l’écrit, de la figure, de l’image, celui qui
les aura imprimés ou reproduits et le fabricant de l’emblème ou de l’objet seront punis d’une servitude
pénale d’un mois à un an et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays
varie entre l'équivalent de cinquante à deux mille francs556 ou d’une de ces peines seulement.
Quiconque aura chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans des réunions ou lieux
publics devant plusieurs personnes et de manière à être entendu de ces peines, sera puni d’une peine
de servitude pénale de huit jours à un an et d’une amende dont le montant en monnaie ayant cours
légal au pays varie entre l'équivalent de vingt-cinq à mille francs ou d’une de ces peines seulement ».
553. Enseignements de Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
554. Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN dans Droit pénal spécial, CUJAS, 4e édition, 2007/2008, p. 500
555. Idem.
556 Ord.-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979.
Nous étudierons d’abord ses éléments constitutifs et ensuite son régime répressif.
Comme pour l’infraction d’outrage public à la pudeur, dans l’outrage aux bonnes mœurs, le
législateur tient à la protection des mœurs de la personne humaine. En conséquence, l’infraction
d’outrage aux bonnes mœurs ne peut exister que si l’on parvient à prouver que la victime est un être
humain (pas un animal ni un quelconque autre objet), autre que l’agent (pas la personne qui se palpe
elle-même). Il peut s’agir d’une victime réelle ou supposée, présente ou absente du lieu de
l’infraction ; mais pouvant y avoir accès.
A. Éléments matériels
Il suit de l’analyse de cette disposition que l’outrage aux bonnes mœurs peut se commettre
soit par écrits ou objets quelconques, soit par paroles.
1° L’objet
Pour que l’infraction d’outrage aux bonnes mœurs soit retenue, l’objet dont il s’agit doit être
contraire aux bonnes mœurs.
- La nature de l’objet
L’objet est constitué par des écrits, imprimés, chansons, pamphlets, figures, images,
emblèmes. Cette énumération législative n’est pas limitative. Par expression « autres objets », la loi
entend réprimer tout objet de nature à outrager les bonnes mœurs. Il peut s’agir des affiches,
photographies, gravures, peintures, films pornographiques et même des clichés, matrices, des
reproductions phonographiques, disques557.
C’est ainsi qu’on retient des figures, images aussi bien imprimées, lithographiées que peintes
558
à la main .
Les bonnes mœurs ne sont pas définies par la loi. Et, comme le fait remarquer Mineur, il est
impossible de le faire étant donné qu’il s’agit d’une notion relative car elle dépend non seulement de la
règle morale, mais aussi du temps, du lieu, du pays et des convenances du milieu social.
557. Arrêté du commissaire d’État à l'orientation nationale (à l’information) en date du 1er janvier 1975.
558. Mineur, op. cit., p. 368.
L’évolution des mœurs a rendu aujourd’hui cette notion très élastique qui va d’ailleurs en se
rétrécissant chaque jour et on admet à l’heure actuelle, ce qui pouvait faire autrefois frémir tel que les
images obscènes ou les films représentant les personnes en train de faire l’amour.
La définition de cette notion est donc laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond.
C’est ainsi que la jurisprudence distingue le nu scientifique ou artistique du nu « séducteur des sens »
qui seul sera réprimé. Il a été jugé que « les travaux de science utilisés dans le but en vue duquel ils
sont faits, sont par l’intention qui les inspire et par leur nature étrangers à toute notion d’outrage aux
mœurs, fussent-ils insérés dans un catalogue, et il est licite d’y insérer des éléments graphiques quels
qu’ils soient, il en serait autrement si sous prétexte d’œuvre scientifique, on avait tenté de couvrir les
faits punis par la loi »559.
2° L’acte
L’acte incriminé au regard des objets que nous venons de voir est constitué par trois séries de
faits :
La condition de publicité n’est pas requise ici. Car, par définition, ces termes invoquent
l’idée de publicité. D’où il n’est pas nécessaire que l’objet incriminé soit dans une vitrine ou exposé
dans une librairie, c’est-à-dire offert aux regards, il suffit seulement qu’il soit à la disposition de celui
qui désire se le procurer(560).
Ces faits ne sont punissables que si l’agent a agi en vue du commerce ou de la distribution561.
La loi punit également celui qui fait transporter, remet ou fait remettre à un agent de
transport ou de distribution des objets contraires aux bonnes mœurs.
Pour ce qui est de l’annonce, la loi exige la publicité. Mais peu importe le moyen utilisé.
Ici la loi punit aussi bien l’auteur de l’objet incriminé que celui qui l’imprime, le reproduit
ou le fabrique.
Il a été jugé que commet l’infraction d’outrage aux bonnes mœurs par exhibition d’images et
par actions, celui qui produit en public, à l’aide d’appareils spéciaux et d’images reproduisant les
organes génitaux de la femme, des démonstrations de nature à troubler l’imagination des victimes et à
les pousser au dévergondage562.
L’outrage aux bonnes mœurs peut également se commettre, nous l’avons vu, par paroles. En
effet, la loi punit quiconque aura chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans des
réunions ou lieux publics, devant plusieurs personnes et de manière à être entendues de ces personnes.
Il s’agit donc des chansons, des lectures, des récits, des discours, des cris ou des propos obscènes
proférés dans des réunions ou lieux publics563.
Par lieux publics, on retient aussi bien les lieux publics par nature (chemin public, place
publique, jardin public), les lieux publics par destination (salle de cinéma, salles des cours, bar, clubs,
dancings) que les lieux publics par accident (magasin, voiture publique, chemin de fer)564. Peu importe
que les propos ou chansons aient été entendus par des témoins involontaires ou volontaires ; le
consentement étant indifférent.
Des propos obscènes proférés devant plusieurs personnes doivent être entendus de ces
personnes. C’est ainsi que n’est pas punissable le fait de chanter chez soi des chansons obscènes ou de
tenir des propos contraires aux bonnes mœurs quel que soit le degré de leur immoralité. Il en est de
même du fait de détenir dans sa voiture une bande-cassette contenant des chansons de nature à faire
frémir565.
On estime que par l’expression « fait entendre », la loi vise spécialement les obscénités
reproduites à l’aide d’un appareil de phono, tourne-disques ou tout appareil récepteur de
radiocommunication566 tel qu’une bande-cassette567.
Et c’est à bon droit que la Cour suprême de justice, la plus haute juridiction [de l'ordre
judiciaire] avait confirmé la responsabilité pénale en date du 16 octobre 1979, d’un groupe d’artistes-
musiciens pour avoir chanté devant plusieurs personnes, enregistrés sur bandes-cassettes, vendu et
distribué à diverses personnes, deux chansons intitulées « Eleni et Jacquie » d’une rare obscénité ou
outrageant les parties intimes de ces deux femmes.
Trois autres individus, tenanciers des clubs dancing568 avaient été également pénalement
sanctionnés pour avoir détenu et diffusé devant des témoins ces bandes-cassettes.
B. Élément moral
Le dol spécial n’est pas exigé. Seul le dol général. C’est ainsi que pour que l’infraction
d’outrage aux bonnes mœurs soit retenue, il n’est pas requis que l’agent ait été mu par le désir ou la
volonté d’outrager les mœurs, mais il suffit que connaissant le caractère obscène de l’acte incriminé, il
l’ait néanmoins posé569.
563.
C.S.J. 16 octobre 1979, inédit, affaire L.
564.
C.S.J. 16 octobre 1979, inédit, affaire L.
565.
Idem.
566.
Ibidem.
567.
Ibidem.
568.
Juke-box, Club 1, 2, 3, Petit Jean.
569.
C.S.J. 16 octobre 1979, inédit.
Toutefois l’agent ne sera pas puni si, à raison des circonstances dans lesquelles l’acte
incriminé a été commis, il ne peut avoir pour effet de corrompre les mœurs570.
Il en est ainsi des propos obscènes qui peuvent être proférés lors de certaines cérémonies
coutumières. Par exemple, les cérémonies qui accompagnent la naissance des jumeaux.
Peu importe le mobile. On ne peut donc invoquer le caractère purement commercial qui
aurait déterminé l’acte obscène. C’est ainsi que le comportement de l’agent sera coupablement établi
même s’il soutient que c’est dans le but de reconquérir sa clientèle qu’il a conçu, chanté, enregistré,
vendu et distribué les chansons « Eleni et Jacquie » sous forme de bandes-cassettes571.
Peu importent également les services rendus, notamment le fait d’avoir composé de
nombreuses chansons révolutionnaires. En 1979, il a été jugé que le fait d’être dignitaire de l’ordre
national de Léopard ne pouvait exonérer l’agent de sa responsabilité572.
Le fait pour les autres prévenus d’avoir soutenu qu’ils ont obéi à leur chef, ne peut être élusif
de cette infraction car il s’agit d’un ordre manifestement illégal573.
Sera puni de huit jours à un an de servitude pénale et ou d’une amende dont le montant en
monnaie ayant cours légal au pays varie entre l'équivalent de vingt-cinq et mille francs574, celui qui
sera reconnu coupable d’avoir exposé, vendu ou distribué des objets contraires aux bonnes mœurs.
Sera puni des mêmes peines celui qui, en vue du commerce ou de la distribution, sera
reconnu coupable d’avoir détenu, importé, fait importer, remis à un agent de transport ou de
distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité des objets contraires aux bonnes mœurs.
Les mêmes peines seront applicables à celui qui se rendra coupable d’avoir chanté, lu, récité, fait
entendre ou proféré des obscénités dans des réunions ou lieux publics.
570.
Article 177 du code pénal.
571.
C.S.J. 16 octobre 1979, affaire L.
572.
C.S.J. 16 octobre 1979, inédit, affaire L..
573.
Idem.
574.
Ord.-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979.
575.
Ord.-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979.
DEUXIEME PARTIE
En effet, pour le constituant congolais, puisque la propriété privée est sacrée, l’Etat doit
garantir le droit à la propriété individuelle ou collective acquis conformément à la loi ou à la coutume.
Il lui appartient d’encourager et de veiller à la sécurité des investissements privés, nationaux et
étrangers.
Le constituant estime par ailleurs que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées
par la loi ; et que nul ne peut être saisi en ses biens qu’en vertu d’une décision prise par une autorité
judiciaire compétente.
Il existe 2 sortes d’atteintes aux biens de la personne humaine, à savoir : les atteintes aux
droits sur les biens de la personne, et les atteintes à l’intégrité physique desdits biens.
Mais, dans le cadre de notre enseignement, nous ne pourrons traiter de tout. Il sera question
de rester dans le champ des appropriations frauduleuses. Nous procéderons ainsi à l’étude des :
- Appropriations par appréhension ou prise de la chose ; et
- Appropriations par réception de la chose.
TITRE Iier
LES APPROPRIATIONS PAR APPRÉHENSION
D’apparence simple, mais en réalité cette définition pose bien des difficultés dans la
pratique judiciaire. Ces difficultés semblent liées à son histoire. S'il est une infraction qui
semble intemporelle, c'est bien le vol, puisqu’elle est sanctionnée dès l'antiquité. En effet, le
vol est connu du droit romain, c’est l’incrimination figurant dans la loi des XII Tables.
Pourtant, il n’a jamais été facile de la cerner l'incrimination. La notion du furtum ne fut
jamais unitaire. A travers les âges et les législations, le droit romain a connu plusieurs
catégories de vol ouvrant droit à plusieurs actions en justice et à des pénalités très différentes.
Il en est ainsi du vol qui se distingue de la rapine (rapina) et du péculat (peculatus). La rapine
est le vol commis à plusieurs à l'occasion d'un naufrage ou d'un incendie par exemple. Le
péculat est le vol d'une chose appartenant à l’Etat.
En droit congolais, le vol est prévu à l’article 79 du code pénal. L’article 80 fixe les
peines pour le vol simple. Il va falloir traiter des conditions préalables, des éléments
constitutifs et du régime répressif de cette infraction.
Pour être constitué, le vol suppose au préalable d'une part, l'existence d'une chose
susceptible d'appréhension, et d'autre part l'appartenance de cette chose à autrui.
En principe ne peuvent faire l’objet du vol que des biens mobiliers. Car ils sont
susceptibles de soustraction et d’appréciation. Il en est ainsi des sommes d’argent, des
véhicules, des vêtements, des marchandises, de tout objet susceptible d’appréhension
appartenant à autrui ainsi que des animaux.
Une personne humaine n’étant pas une chose, quoique susceptible d’enlèvement et
de supposition c’est-à-dire de substitution, ne peut jamais faire l’objet du vol. L’auteur d’un
enlèvement, d’un rapt ou d’une séquestration d’une personne sera poursuivie sous la
qualification de l’arrestation arbitraire ou la détention illégale.
Le principe selon lequel seules les choses mobilières peuvent faire l’objet du vol n’a
pas une portée absolue. Car le droit pénal manifestant son autonomie admet
exceptionnellement que les biens immeubles, incorporels et immatériels sont sous certaines
conditions susceptibles du vol.
S’il est évident qu’un immeuble insusceptible d’appréhension ne peut pas faire
l’objet du vol, l’on admet cependant que toutes les fois qu’une chose peut être détachée d’un
immeuble c’est-à-dire mobilisée, elle est susceptible d’enlèvement donc du vol. Il en est ainsi
des immeubles aussi bien par nature, par incorporation que par destination. En ce qui
concerne les immeubles par nature c’est-à-dire le sol et les mines, leurs éléments mobilisables
peuvent être soustraits et appropriés frauduleusement. C’est le cas notamment des pierres
précieuses, sables, graviers, minerais etc.
Pour les immeubles par incorporation comprenant les bâtiments et leurs accessoires,
les constructions érigées sur le sol, les arbres, les plantes, les fruits, et les récoltes, leurs
éléments détachables peuvent également être volées. Il en est ainsi des lustres, installations
sanitaires, fruits récoltés, portes d’une maison, les carreaux garnissant la porte et les fenêtres.
En effet, estime-t-elle dès que la chose, bien qu’immatérielle, est susceptible d’une
appropriation, elle peut faire l’objet du vol peu importent l’état et la forme sous lesquels elle
se présente. C’est ainsi qu’on réprime le vol d’eau et le vol d’électricité577.
576. Elis. 22 février 1944, Rev. Jur. 1944, p. 133 ; 1ère Inst. app. Coq. 21 août 1958, R.J.C.B. 1959, p. 209.
577. Elis. 27 février 1940, Rev. Jur. 1943, p. 103.
578. C.G. Garnison Gombe 11 juin 1983, inédit.
Mais la jurisprudence ne s’est pas limitée là. Elle est allée encore plus loin en
retenant même le vol de la simple énergie (transport et force motrice).
Les préjudices que causent aujourd’hui certaines personnes par voie électronique ne
sont plus à compter. En effet, certaines personnes agissent soit intentionnellement, soit
involontairement, et atteignent les mêmes objectifs que d’autres, mais en procédant par voie
électronique. L’informatique est devenue non seulement un moyen mais aussi un outil d’une
délinquance non encore spécialement qualifiée par le législateur congolais.
Les données numériques sont soustraites, transférées voire détruites par certaines
personnes au préjudice des autres ; et cela, par divers procédés. Ces comportements sont
affichés soit sur le territoire d’un Etat, soit sur les territoires de divers Etats.
Pour que le vol soit caractérisé, il est nécessaire que la chose appartienne à autrui
(peu importe que le propriétaire soit ou non connu), et qu’en outre elle ne soit pas la propriété
de l’auteur de l’appréhension579.
C’est ainsi qu’il n’y a pas vol contre celui qui s’empare de sa propre chose ou de la
chose n’appartenant à personne.
Il ne pourrait y avoir vol, nous l’avons vu, contre l’individu qui soustrait même
frauduleusement sa propre chose qui se trouve entre les mains d’une autre personne.
L’exception de propriété peut donc être soulevée en matière de vol. S’il s’agit d’une
chose mobilière, l’exception peut être portée devant le juge répressif en vertu du principe : le
juge de l’action est le juge de l’exception.
579. 1ère Inst. Stan. 7 septembre 1954, J.T.O. 1955, p.45, n°54.
Celui qui s’approprie des choses non encore appropriées ou des choses abandonnées
ne commet pas un vol.
Les choses non encore appropriées sont à la disposition du premier occupant. Ainsi
ne tombe pas sous le coup de l’article 79 du code pénal celui qui capture les animaux
sauvages (le gibier) dans leur état de liberté naturelle ; les poissons de la mer ou des eaux
courantes (fleuve, rivière, ruisseau, etc.).
Ces animaux cessent d’être des res nullius dès qu’ils ont été apprivoisés ou se
trouvent enfermés par leur propriétaire. C’est le cas notamment des animaux se trouvant dans
des parcs dont l’appréhension frauduleuse est constitutive du vol.
Il s’agit des choses qui étaient autrefois appropriées, mais présentement délaissées ou
abandonnées définitivement par leur ancien propriétaire.
Le fait de s’emparer d’objets déposés dans les cercueils ou dans les cimetières ou
tombes constitue un vol. Car on estime qu’ils ne sont pas abandonnés mais qu’ils ont reçu une
affectation ou une destination spéciale.
Pour la Cour d'appel de Montpellier, l’infraction de vol était établi (les objets
appartenant aux défunts) ; ce qui entrainait la condamnation. Devant la Cour de cassation les
accusés ont soutenu que les objets étaient abandonnés et n'étaient pas successibles de vol.
Mais, la Cour française de cassation rejeta le pourvoi en considérant que ce sont des choses
appropriées.
580.
Trib. Distr. Lualaba 18 avril 1964, Rev. Jur. 1966, p. 151.
581.
Affaire « les fossoyeurs de Montpellier », arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation française, le 25 octobre
2000 (n°pourvoi : 00-82.152).
Il y a lieu de souligner que ces objets ne sont ni abandonnés ni sans maître. Il s’agit
dans ce cas, des objets affectés à autre utilisation. Ils sont entretenus par la famille (les
vivants) mais pour orner les lieux des morts.
Après ces précisions sur les conditions préalables de l'infraction de vol, il convient
d'analyser ses éléments constitutifs
Le vol n’est pas défini dans le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal. L’article
79 du Code Pénal582 prévoit ceci : Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne
lui appartient pas, est coupable de vol.
La notion s’est donc enrichie, au prix de quelques subtilités, dans le seul but de
permettre une répression plus efficace, même si le législateur ne suit pas cette évolution et que
la jurisprudence ne poursuit pas sur la même lancée d’interprétation évolutive. Ce faisant, les
limites entre les infractions classiques que sont le vol, l'escroquerie et l'abus de confiance
semblent assez délicates à tracer dans certains cas.
Nous allons examiner d’une part cet élément matériel et d’autre part les éléments
intellectuels.
En effet, il n’y a vol que lorsque la chose, objet de l’infraction, passe de la possession
du légitime détenteur dans celle de l'auteur de l’infraction, à l'insu et contre le gré du premier.
Pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir.
582.
Il s’agit de la reprise exacte du libellé de l’article 379 de l’ancien Code Pénal français de 1810.
Lorsque la chose a été remise volontairement à celui qui se l’approprie, elle n’est pas
appréhendée, elle n’est pas ravie, elle n’est pas soustraite elle n’est pas un élément constitutif
du vol au sens de la loi. De ce fait, il n’y a pas vol en cas de remise de la chose.
Dans son acception la plus étroite, la soustraction désigne donc l'acte positif par
lequel on s'empare de la chose d'autrui, ce qui exclut en principe toute remise de la chose.
Mais, depuis un certain moment, une nouvelle conception est apparue.
583.
Cette conception est défendue par René GARRAUD dans son Traité théorique et pratique de droit pénal, Paris, Tome 3,
2ième éd. Librairie de la Société du Recueil Général des Lois et Arrêts, L. Larose et L. Ténin, 1899.
584.
Boma 26 mars 1901, Jur. E.I.C., T. I, p. 120.
585.
Distr. Luapula-Moero 11 février 1958, R.J.C.B. 1958, p. 387. C’est ce qu’avait déjà décidé la Chambre Criminelle de la
Cour française de Cassation en 1837.
586. ière
1 Inst. Stan. 7 septembre 1954, J.T.O. 1955, p. 45, n°54.
587.
La Cour de cassation statue par un arrêt du 24 novembre 1983.
588.
Affaire de « la fraude au décodeur », arrêt de 1987 de la Cour d'appel de Paris.
589.
C’est ce qu’avait déjà proposé Emile GARCON dans son Code pénal annoté au début du XXe siècle
590.
Jean PRADEL et Michel DANTI-JUAN, Manuel de Droit pénal spécial, Cujas, 4°éd., 2007, n°788
La remise n’est pas exclusive du vol lorsqu’elle est effectuée par une personne qui
n’a pu valablement y consentir, faute de comprendre la portée exacte de son acte. Ainsi, le fait
d’appréhender la chose, remise inconsciemment par une personne âgée, par une personne
ayant agi sans discernement (enfant) ou par une victime ne bénéficiant pas de toutes ses
facultés mentales (dément), sera qualifié de vol. On doit considérer que ces personnes n’ont
été en effet que des instruments passifs, de sorte que le prévenu est censé avoir appréhendé
frauduleusement la chose. Il en sera de même lorsque la remise aura été provoquée par dol.
Par ailleurs, on sait qu’en fait de meuble possession vaut titre. Donc, lorsque le
propriétaire du bien ne transfère que la détention matérielle du bien (le corpus sans l'animus),
l'interversion de possession ou l’usurpation de possession est constitutive de vol.
C’est cette analyse qui permet de retenir le vol dans ces différentes hypothèses :
- La remise par erreur : Le vol commis à la suite d’une remise par erreur suppose
par exemple que le vendeur ait remis à l’acheteur des objets de grande valeur que
ceux revenant au prix payé.
La remise est involontaire lorsque la volonté de celui qui remet faisait défaut. Il
en est ainsi lorsqu’il est établi que celui qui remettait n’avait pas le contrôle de
ses facultés mentales. Une telle volonté n’est pas valide soit parce que le
discernement de celui qui avait remis avait été aboli, soit tout simplement parce
qu’il avait été altéré au moment de la remise.
Il en est ainsi d’un malade mental qui distribue tous ses biens mais que sa famille
vient récupérer ces objets qu’il a pourtant remis. Celui qui se refusera de restituer
pourra être poursuivi voire condamné pour vol592.
591.
En effet, la possession doit être entendue comme la réunion du corpus et de l’animus c’est-à-dire d’un élément matériel
(la détention de la chose) et d'un élément intentionnel (la volonté de se comporter comme le propriétaire).
592.
Cour de Cassation française, chambre criminelle, arrêt du 16 mars 1989, 88-83.445. Il y a lieu de signaler que la Cour de
Cassation s’est ainsi prononcée contre un arrêt de la Cour d’Appel de Caen, Chambre Correctionnelle du 25 avril 1988.
La cliente, après avoir payé la surtaxe, saisi ensuite les organes de justice. La
Cour de cassation française retint le vol en considérant qu'il y a eu une remise de
la somme supplémentaire mais que c’était une remise sous la contrainte et il
n'avait pas du tout acquis l'animus mais simplement le corpus.
- La remise précaire : elle se réalise lorsque l’objet a été remis pour un temps.
Premièrement : le cas d’une personne qui joue à la loterie mais qu’elle n’a pas le
temps de se rendre au guichet indiqué afin de vérifier si son ticket est gagnant.
Cette personne peut charger son ami d’aller vérifier pour elle. Sauf que cette
remise précaire peut entrainer le vol si l’on constate que cet ami ne revient pas,
sans pour autant lui renvoyer son ticket ou son gain.
Deuxièmement : le cas d’une personne qui remet des pierres à un joaillier pour
expertise ; et qu’elle ne revoie jamais les pierres. Dans ce cas, comme dans le
précédent, on retiendra le vol. C’est vrai qu’on aurait pu retenir l’abus de
confiance pour les deux cas ci-dessus. Mais, l’autorité de justice qui se trouve
face à plusieurs qualifications alternatives, s’efforce dans tous les cas de retenir
celle qui est la mieux établie en excluant les autres.
593.
Cour de Cassation française, chambre criminelle, Arrêt du 04 mai 1973, 72-91.624. La Cour de Cassation s’est ainsi
prononcée contre un arrêt de la Cour d’Appel de Angers, Chambre des Appels Correctionnelle du 25 avril 1972.
Cette nouvelle analyse lui permet d’admettre ce que l’on appelle le vol « d’usage ».
Il en est ainsi du fait d’utiliser sans droit un véhicule pendant quelques heures pour ensuite
l’abandonner au bord d’une route ou sur un parking. Un tel comportement est constitutif de
vol d’usage.
L’extension de la notion est manifeste car il n’y a pas ici d’intention d’appropriation
définitive au plein sens du terme ; pourtant il n’en demeure pas moins qu’il y a vol lorsque
l’appréhension a lieu dans des circonstances telles qu’elle révèle l’intention de se comporter,
même momentanément, en propriétaire et revêt ainsi les caractères de la soustraction
frauduleuse595.
C’est ainsi que la jurisprudence décide que pour qu’il y ait vol au sens de la loi, il
faut, mais il suffit, que l’agent s’empare de la chose comme propriétaire alors qu’il sait qu’elle
est à autrui et que le propriétaire n’y consent pas597. Il s’en suit que le vol suppose une triple
intention qui consiste :
- dans la connaissance que la chose soustraite appartient à autrui ;
- dans la connaissance du défaut de consentement du propriétaire de la chose ;
- dans le fait de se comporter ou d’user de la chose comme un propriétaire.
594.
En ce qui concerne l’intensité de l’intention dans une infraction intentionnelle, il y a lieu de relever que l’intention exigée
varie d’intensité en fonction de l’infraction. Certaines se caractérisent par l’existence d’un dol général -conscience et volonté
de commettre l'infraction décrite par le texte incriminateur- ; d'autres exigent un dol spécial -volonté plus précise de poser un
tel acte ; il y en a même qui exigent un dol plus spécial -recherche du résultat prévu par l'incrimination. Lire avec intérêt
WANE BAMEME dans Cours de Droit Pénal Général, 2014.
595.
Cass.crim.19 février 1959, D.1959, p.331 note Roujou de Boubée
596.
Bordeaux, 5 mars 1992, D.94, 305 note
597.
1ère Inst. Stan. 7 septembre 1954, J.T.O. 1955, p.45, n°54 ; dans le même sens Boma 14 mars et 3 avril 1911, Jur. Congo
1912, p.43, 1913, p. 1.
L’intention doit être prouvée au même titre que les éléments matériels ; ce qui
permet aux juges de distinguer l’intention des simples mobiles et de mesurer éventuellement
la portée d’une erreur de fait.
L’intention doit être établie pour que l’infraction soit constituée, alors que les
mobiles sont indifférents. L’intention est une notion objective, elle est la même pour une
infraction précise, alors que les mobiles sont subjectifs et varient en fonction des auteurs598.
C’est que, dans tous les cas relevant l’infraction de vol, l’intention à établir est et doit être la
même. Peu importe le fait pour les agents d’avoir opéré en des lieux et à des moments
différents. Et pourtant, le mobile qui constitue le sentiment ayant poussé l’agent à agir peut
différer d’un cas à un autre.
Les mobiles sont indifférents également dans la qualification du vol. Il y aura vol dès
lors qu’en plus de l’acte matériel de soustraction, on retient l’intention frauduleuse dans le
chef de l’agent. Cela peut s’illustrer dans deux cas suivants :
- le cas du créancier impayé qui vole la voiture de son débiteur. La juridiction
compétente devra retenir le vol en distinguant l’intention du mobile. Le vol
est dans ce cas établi peu importe le mobile qui l’aura poussé à poser l’acte. Il
appartiendra au juge de retenir, si possible, ce mobile à titre de circonstance
atténuante afin d’alléger la sanction à lui infliger.
- le cas d’un individu qui ne supporte pas l’idée de Dieu et tout son temps libre,
il le passe dans les Eglises entrain de récupérer tous les écrits qu’il trouve
pour les détruire. Lorsqu’il est traduit devant la justice, l’autorité compétente
devra considérer dans ce cas que le vol est régulièrement constitué, quel que
soit le mobile politique qui l’aura poussé à agir.
Il faudra néanmoins sanctionner pénalement un tel comportement qui n’est pas moins
infractionnel.
C’est que le vol est qualifié lorsqu’il est réalisé avec des circonstances aggravantes
(Section 1) ; ainsi, la sanction pénale sera beaucoup plus aggravée (Section 2).
598.
Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, 6ième éd. 2007, n° 39 ; Jean
PRADEL, Droit pénal général, Cujas, 14ième éd. 2002, n°503 s.
599.
Article 80 du Code Pénal issu du Décret du 30 janvier 1940.
Les circonstances aggravantes du vol sont prévues par les articles 81, 82, 84 et 85 du
code pénal issu du décret du 30 janvier 1940.
Le vol est aggravé s’il est commis à l’aide d’effraction, d’escalade ou de fausses clés.
A. Effraction
Notre loi pénale n’a pas défini l’effraction. C’est ainsi que la jurisprudence a été
amené à préciser cette notion. D’après elle, on entend par « effraction » la rupture, le bris, la
démolition, l’enlèvement, la dégradation d’une clôture ou de tout autre dispositif servant à
fermer un passage, ou à protéger des objets susceptibles de vol601.
L’effraction peut être extérieure ou intérieure selon qu’elle permet l’accès au lieu du
vol ou s’accomplit dans ce lieu. L’effraction extérieure peut consister dans la rupture d’une
clôture en vue d’y pénétrer et l’effraction intérieure peut consister dans la rupture des
séparations des diverses pièces d’un édifice ou des meubles qui s’y trouvent602.
Lorsque la protection de l’objet n’est pas sérieuse, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas un
obstacle matériel, il ne saurait y avoir effraction. Constituent une effraction au sens de la loi :
le fait de dégrader la clôture extérieure d’une propriété pour permettre le passage 603 ; le fait de
forcer une serrure, une porte, une fenêtre, un volet ; le fait de briser un carreau ou une vitre
pour entrer dans une maison604.
B. Escalade
L’escalade, tout comme l’effraction, ne fait pas l’objet d’une définition légale. En
l’absence de cette définition légale, la jurisprudence décide qu’il y a escalade dans le fait de
pénétrer dans le lieu du vol par une entrée autre que celle destinée à cet usage, et en tout cas
en dehors de la voie d’accès normale605.
600.
Lire à cet effet Norbert LIKULIA BOLONGO dans son Droit pénal spécial zaïrois, LGDJ, Paris, 1985, op. cit.
601.
Léo. 10 février 1944, R.J.C.B. 1945, p.58 ; 1ère Inst. Léo. 12 octobre 1951, R.J.C.B. 1952, p.116 ; Distr. Haut-Katanga 8
août 1953, R.J.C.
602.
Rev. Jur. 1930, p. 39.
603.
1ère Inst. Elis. 12 août 1948, inédit.
604. Léo. 15 avril 1950, inédit.
605.
Distr. Lualuaba 13/01/1962, R.J.C. 1964.
Il en est ainsi du fait de s’introduire dans un lieu en rampant dans une conduite
d’aérage606 ou en se frayant un passage sous la porte de l’habitation dans laquelle se trouve
l’objet que l’auteur veut s’approprier607 en passant pas le trou de la vitre brisée d’une
fenêtre608.
En ce qui concerne l’escalade intérieure, la jurisprudence décide qu’il n’y a pas lieu
de retenir cette circonstance aggravante, car elle n’est pas prévue par notre loi.
C. Fausses clefs
Par « fausses clefs », il faut entendre toutes les clefs imitées, contrefaites, altérées,
perdues, égarées, volées et celles qui n’ont pas été destinées par le propriétaire aux fins
auxquelles le coupable les a employées610.
On retient également des passe-partout, des crochets ou tout instrument non destiné
par le titulaire des lieux aux serrures ou fermetures auxquelles il en a été fait application par le
voleur.
Par ailleurs, aux jours d’aujourd’hui, nous pensons que par fausses clefs, il convient
de retenir également les « codes secrets » chiffrés ou non, les voix ou sons permettant de
dévérouer, de décoder c’est-à-dire de débloquer certains dispositifs de fermeture. L’agent doit
l’avoir obtenu par des moyens non autorisés.
Si le vol est commis la nuit dans une maison habitée ou ses dépendances, la peine
prévue pour vol simple est aggravée614.
Par contre, s’il n’est commis que soit la nuit dans une maison non habitée, soit le jour
dans une maison habitée ou ses dépendances, cette circonstance aggravante ne sera pas
retenue. Le vol doit se réaliser aussi bien la nuit que dans une maison habitée ou ses
dépendances ; les deux circonstances étant en réalité cumulatives.
606.
1ère Inst. app. Coq. 6 novembre 1931, Rev. Jur. 1932, p. 23.
607.
Distr. Maniema 25 novembre 1943, Rev. Jur. 1944, p. 79.
608.
Kin. 12 mai 1972, R.J.C. 1973, p. 184.
609.
Distr. Kibali-Ituri 9 mars 1945, Rev. Jur. 1947, p. 216.
610.
1ère Inst. 14 janvier 1930, R.J.C.B., p. 255.
611.
Idem.
612.
1ère Inst. Stan. 25 septembre 1951, R.J.C.B. 1952, p. 71.
613.
1ère Inst. Elis. 12 mai 1952 Kat. I, p. 237.
614.
Article 81, al. 2 du code pénal issu du décret du 30 janvier 1940.
A. Circonstance de temps
Le fait que le vol a été commis la nuit constitue une circonstance aggravante à
condition que la soustraction ait été réalisée dans une maison habitée ou ses dépendances.
La loi n’a pas défini le mot « nuit ». En l’absence d’une définition légale, la
jurisprudence et la doctrine ont estimé, d’après la signification vulgaire et naturelle, que la
nuit s’entend de tout l’intervalle de temps compris entre le coucher et le lever du soleil615.
Peu importe également que le voleur loge ou non dans les lieux où le vol a été
perpétré. C’est ainsi qu’il a été jugé qu’un vol commis la nuit dans l’habitation où loge le
voleur même occasionnellement, tombe sous l’application de l’article 81 alinéa 2 du code
pénal616.
B. Circonstance de lieu
Est réputée « maison habitée » tout bâtiment, appartement, logement, loge, cabane,
même mobile ou tout autre lieu servant à l’habitation, notamment une tente618, un wagon de
chemin de fer mixte dont l’une des parties sert de logement619. Sont également considérés
comme « maisons habitées » : le bateau qui sert d’habitation, notamment au capitaine620 ; un
hôpital621 ; un poste de police où fonctionne une permanence622.
Ne constitue pas une maison habitée : un bureau qui est occupé pendant le jour
seulement pour l’exercice des fonctions administratives623.
615.
Mineur, op. cit., p.197 ; Lesueur, p. 47.
616.
Léo. 12 août 1937, R.J.C.B. 1938, p. 70.
617.
Cons. guerre Kasongo 16 décembre 1935 ; R.J.C.B. 1936, p. 190.
618.
Distr. Maniema 27 mai 1935, Rev. Jur. 1938, p. 156.
619.
Distr. Lualaba 7 juillet 1939, Rev. Jur., p. 159.
620.
1ère Inst. Eq. 21 avril 1955, J.T.O. 1957, p. 91.
621.
1ère Inst. app. Coq. 25 juillet 1935, Rev. Jur. 1938, p. 151.
622.
Idem.
623.
Cons. guerre Maniema 16 décembre 1935, Rev. Jur. 1936, p.190 ; Distr. Sankuru 26 septembre 1968, R.J.C., p.230.
624.
1ère Inst. Cop. 26 août 1933, R.J.C.B. 1934, p.11 (6, 7, 8, 9, 10).
La sanction pénale applicable au délinquant peut être aggravée soit en tenant compte
de la qualité de l'auteur des faits soit de celle de la victime.
A. De la qualité de l'agent
On estime que le terme fonctionnaire doit être pris, ici, dans son sens large
d’employé public. Il désigne ainsi toute personne chargée par l’autorité publique d’un service
d’utilité et d’intérêt publics627.
Pour que la circonstance aggravante soit retenue, le fonctionnaire doit avoir commis
le vol à l’aide de ses fonctions. L’exemple classique est celui d’un agent de police qui profite
d’une visite domiciliaire pour s’emparer d’un objet dans la maison où il perquisitionne628. Il
en est de même des agents de douane qui profitent de la fouille pour soustraire un objet dans
la valise qu’ils fouillent.
B. De la qualité de la victime
Dans le cadre de la protection pénale de l'enfant, l'article 164 de la loi numéro 09/001
du 10 janvier 2009 aggrave le minimum de la peine de servitude pénale, lorsque la victime de
la soustraction frauduleuse réalisée à l'aide de violences ou de menaces est âgée de moins de
18 ans au moment des faits.
625.
1ère Inst. Stan. 20 janvier 1953, J.T.O. 1955, p.45, n°55.
626.
Article 81, alinéas 3 et 4 du code pénal issu du décret du 30 janvier 1940.
627.
Cons. guerre 7 juillet 1967, inédit.
628.
Cons. guerre 4 mai 1969, inédit.
629.
Kin. 21 août 1974, R.J.Z. 1977, p.77
Nous examinerons ici les vols à main armée et les vols à l’aide de violences et de
menaces. Ces circonstances revêtent un caractère particulièrement grave, car elles constituent
non seulement des atteintes aux biens mais aussi des attentats contre les personnes. Et on
comprend dès lors que le législateur les punisse des peines très sévères.
Le législateur n’a pas défini le vol à main armée. Il s’est tout simplement borné à
disposer laconiquement que le « vol à main armée est puni de mort »630.
Sont compris dans le mot « armes », dit l’article 214 du décret du 30 janvier 1940
portant code pénal, toutes machines, tous instruments, ustensiles ou autres objets tranchants,
perçants ou contondants dont on se sera saisi pour tuer, blesser ou frapper, même si on n'en a
pas fait usage.
L’agent doit avoir fait usage de toutes machines, tous instruments, ustensiles ou
autres objets tranchants, perçants ou contondants pour soit tuer, blesser, frapper mais aussi
pour détruire au moment du vol. Ce vol sera aggravé quand bien même que l’agent ne se sera
pas servi de ces instruments.
Violences légères. Ici on n’exige pas que la victime ait été atteinte dans son intégrité
physique. Il en est ainsi du fait d’immobiliser la victime pendant le vol, de lui appliquer la
main sur la bouche, de lui arracher un sac à main, une serviette, de la fouiller, la dépouiller de
ses bijoux sans la molester, la gifler, lui donner des coups légers.
Il a été également jugé que constitue un vol commis avec violences le fait pour les
voleurs de voiler la tête de la victime pour l’empêcher de reconnaître les auteurs.
630.
Article 2 de l’ordonnance-loi du 3 mai 1968 devenu l’article 81 bis du code pénal abrogeant l’alinéa 5 de l’article 81.
Par contre ne commet pas un vol avec violences celui qui coupe les cordons du sac
contenant la somme volée ; violences ayant laissé sur la victime des traces de blessures ou de
contusions. Il peut s’agir de la simple bosse jusqu’à la blessure grave.
Pour que cette circonstance aggravante soit retenue, il faut qu’il y ait un lien de
causalité entre la violence ou la menace et la soustraction frauduleuse. Par conséquent, il n’y a
pas de circonstance aggravante si les violences ou menaces ont été commises après la
consommation du vol. Il est évident que cette notion de violence ou de menaces est une
question de fait laissée à l’appréciation souveraine du juge de fond. Elle dépend de l’âge, de
l’instruction, du milieu, du sexe ou généralement des conditions dans lesquelles se trouve la
victime. Il suffit tout simplement qu’il soit prouvé que le moyen utilisé par l’agresseur a
paralysé toute résistance de la victime.
Cette circonstance aggravante est prévue par l’article 85 du code pénal, qui dispose
que le meurtre commis, soit pour faciliter le vol ou l’extorsion, soit pour en assurer
l’impunité, est puni de mort.
La préméditation n’est pas nécessaire. Jugé que le vol tombe sous l’application de
l’article 85 du code pénal que le meurtre ait été ou non prémédité. L’article 85 du code pénal
sera également applicable même si le meurtre n’a pas été consommé, mais simplement tenté.
La loi retient cette circonstance aggravante qu’elle ait été réalisée avant ou après la
consommation de l’infraction du vol. En ce qui concerne le meurtre commis pour faciliter le
vol, l’exemple classique est celui d’un individu qui s’introduit dans une maison où il y a un
coffre-fort et qui tue l’occupant pour le voler.
631.
C’est précisément le cas qui avait été jugé par la Cour de sûreté de l'État en date du 21 juin 1974.
632.
Notons qu'a l'époque le montant de la somme volée était de 27 zaïres (monnaies qui avait cours légal au pays)
633.
A l'époque c'était la Cour de Sûreté de l'État alors qu'aujourd'hui c'est le Conseil d'État.
Section 2. PÉNALITÉS
Les peines applicables diffèrent selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre forme de vol.
La peine prévue pour le vol simple pourra être portée à dix années de servitude
pénale :
- si le vol a été commis à l’aide d’effraction, d’escalade ou de fausses clefs ;
- si le vol a été commis la nuit dans une maison habitée ou ses dépendances ;
- si le vol a été commis par un agent public de l'État à l’aide de ses fonctions ;
- si les coupables ou l’un d’eux ont pris le titre ou les insignes d’un agent
public de l'État ou ont allégué un faux ordre de l’autorité publique.
Au cas où la victime est une personne âgée de moins de 18 ans635, l'auteur est puni de
dix à vingt ans de servitude pénale principale et d'une amende de cinq cents mille à un million
de francs congolais. Notons que cette circonstance aggravante de violence ou menace est
applicable à tous ceux qui ont coopéré à l’infraction même s’il est établi que certains d’entre
eux n’ont pas pris part aux violences exercées636.
Ici le juge peut infliger soit les deux peines prévues, soit la peine de servitude pénale
seulement. Il ne peut jamais infliger la peine d’amende sans la peine d’emprisonnement.
L’article 2 de l’ordonnance-loi du 3 mai 1968 repris par l'article 81 bis du code pénal
ordinaire punit le vol à main armée de la peine de mort.
Celui qui commet le meurtre, soit pour faciliter le vol ou l’extorsion, soit pour en
assurer l’impunité, est puni de mort (art. 85 du code pénal).
634.
Ord.-Loi n°79-007 du 6 juillet 1979.
635.
Article 164 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant
636.
Boma 24 octobre 1911, Jur. Congo 1913, p. 24.
Chapitre I. L’ESCROQUERIE
L’escroquerie est une infraction portée par l’article 98 du décret du 30 janvier 1940
portant Code Pénal, tel que modifié et complété à ce jour. Elle peut s’entendre comme le fait
de se faire remettre volontairement une chose appartenant à autrui soit en faisant usage d’un
faux nom ou d’une fausse qualité, soit en employant des manœuvres frauduleuses.
L’infraction d’escroquerie requiert que les procédés frauduleux utilisés aient eu pour
objet la remise d’une chose énumérée par l’article 98 du code pénal.
Cette disposition énumère limitativement ces objets. Il s’agit des fonds, meubles,
obligations, quittances, décharges.
1. Les fonds désignent les espèces monnayées, c’est-à-dire l’argent ;
3. Obligations, quittances, décharges : Il s’agit ici de tout acte ou tout écrit qui
crée, établit, constate, supprime un rapport du droit ou éteint une obligation.
Si la remise a porté sur une autre chose que celles prévues par la loi, et ci-haut
analysées, l'infraction ne pourra exister.
C’est que la remise envisagée dans l’escroquerie est une remise matérielle, une
tradition, en principe, de la main à la main de meubles, de fonds, de valeurs. La formule est
large, avec pour restriction qu’il doit s’agir d’un bien ou d’un droit qui a une valeur
patrimoniale. Concrètement, il s’agit de sommes d’argent en espèce ou en chèque ou de tout
bien meuble corporel. Comme en matière de vol, les immeubles sont exclus. Toutefois,
l’escroquerie peut porter sur le prix de l’immeuble, ou sur le titre de propriété.
On comprend dès lors que le législateur veut ainsi protéger les tiers contre les
manoeuvres frauduleuses ayant pour finalité de produire ou au contraire de supprimer des
liens de droit avec l'escroc au détriment de la dupe. Il en sera le cas en matière de contrat de
vente ou d’escompte d’effets de commerce de complaisance, et même d’escroquerie au
jugement.
Mais, pour ce dernier cas, il convient de noter qu’étant donné que l’exercice de
l’action en justice constitue un droit, le simple fait de soutenir un mensonge en justice n’est
pas une escroquerie. Il faut que le mensonge soit corroboré par des faux ou de faux
témoignages.
L’article 98 du Code pénal punit : « Quiconque, dans le but de s’approprier une chose
appartenant à autrui, s’est fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, obligations, quittances,
décharges, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des
manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou
d’un crédit imaginaire pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou
de tout autre événement chimérique, pour abuser autrement de la confiance ou de la
crédulité…».
L’emploi d’un seul de ces procédés suffit d’ailleurs à caractériser cet élément
matériel d’escroquerie.
637.
Cass.crim.24 septembre 1996, RSC 1997, p.643, note Ottenhof.
Par « faux nom », il faut entendre un nom autre que le nom véritable de la personne
qui l’utilise. Il s'agit en effet d'utiliser un faux patronyme ou selon un vocabulaire plus actuel un faux
nom de famille ou un faux prénom ou un faux pseudonyme, c'est-à-dire au fond un autre nom que le
sien, un nom que l'on ne peut pas utiliser.
Il importe peu par ailleurs que le nom utilisé soit réel, usurpé ou utilisé avec l'accord
de la personne titulaire du nom, laquelle pourra être poursuivie, dans ce dernier cas, comme
complice. Le nom peut aussi être imaginaire. Enfin, l'usage peut en être verbal ou écrit. Si le
faux nom est déterminant de la remise, il sera constitutif d'escroquerie.
S’il est relativement plus facile d’établir l’usage d’un faux nom, il semble par contre,
plus difficile, de préciser la notion de la fausse qualité. Les « qualités », sont une notion bien
plus délicate à cerner que celle précédente. Le législateur ne l’ayant pas définie, la
jurisprudence retient généralement un faux état (état civil, nationalité), un faux titre, une
fausse profession ou fonction, un faux diplôme638.
Peu importe que la qualité soit réelle ou imaginaire, que l’usage soit verbal ou
écrit639. Mais il suffit que l’usage de la fausse qualité soit déterminant et qu’il tende au but de
l’escroquerie, c’est-à-dire à la remise des fonds, meubles ou valeurs640.
- celui qui, dans le but de se faire remettre des fonds, se présente comme
sorcier capable de jeter du mauvais sort à quelqu’un, notamment en lui
donnant la folie ;
638. L’shi 11 octobre 1969, R.J.C., p.49 ; Distr. Lualaba 5 août 1961, R.J.C. 1964, p.2.
639. Kis. 20 août 1970, R.J.C. 1970, p.285.
640. Codes et Lois, T. I, liv. I, p.325 ; L’shi 11 octobre 1969, R.J.C. 1970, p.49.
641. Léo. 5 novembre 1951, R.J.C.B. 1952, p.184.
642. C.G. 14 février 1943, inédit.
- celui qui, dans le but d’obtenir un crédit bancaire, fait usage de la fausse
qualité de parlementaire ;
- celui qui se dit faussement commissionné pour trancher les palabres dans un
milieu coutumier et se fait ainsi nourrir sans paiement et moyennant salaire
d’examiner ces palabres645.
C’est le procédé le plus utilisé par l’escroc que le professeur Jean Larguier, cité par
Likulia, appelle, très justement d’ailleurs, « comédien ». Car il s’agit précisément de « l’art
de bien jouer la comédie qui constitue une bonne partie du talent de l’escroc ».
Des manœuvres frauduleuses peuvent être montées en faisant intervenir un tiers. Ces
types de manœuvres font partie des techniques classiques de l'escroquerie.
En effet, pour que son intervention soit prise en considération, il faut que le tiers soit
indépendant par rapport à l'agent (un salarié dépourvu d'autonomie n'est pas un tiers, ni un
mandataire) et qu'il vienne confirmer, en usant de son propre crédit, les dires de l'escroc.
Des experts comptables et des commissaires aux comptes peuvent ainsi être
condamnés entant que participant, si l’on établit qu’ils avaient attesté de la sincérité des
comptes qui ne l’étaient pas. Leur qualité de professionnel joue contre eux et la participation
criminelle peut être assez facilement retenue (voir le droit comptable de l’OHADA).
Il est des hypothèses où le tiers n’existe pas, et que l’escroquerie est inventée de
toute pièce par l’escroc.
Mais alors, pour qu’il y ait escroquerie et non simple mensonge, il faut que la victime
ait pu croire à son existence (à cause de la présentation d’un écrit, ou à travers la
communication téléphonique). Cet élément peut se rapprocher de la mise en scène, laquelle
peut pendre des formes multiples.
Certaines machinations sont assez simples comme par exemple le fait de remettre en
paiement, pour divers achats, des billets que l’on sait être faux pour recevoir en échange de la
monnaie véritable. Il s’agit de l’escroquerie au rendez-moi. Plus l’ingéniosité de l'escroc est
grande et plus la machination peut devenir sophistiquée. On peut citer la pratique dite de la
carambouille qui consiste à simuler la création d’un établissement commercial (fictif), pour
acheter à crédit et revendre le plus vite possible au comptant649.
La tromperie doit être déterminante de la remise, pour cela elle doit donc être
nécessairement antérieure650.
Les manœuvres doivent avoir été réalisées en vue de la remise de l’objet convoité.
Si la remise de la chose exclut en principe le vol, il en va autrement ici, car elle est
un élément caractéristique de l’escroquerie. Il faut que l’agent se soit fait remettre ou délivrer
la chose convoitée. Il s’agit donc d’un acte positif de tradition651. D’où il n’y a pas
escroquerie dans le cas d’abstention, d’omission ou d’inaction.
Comme on l’a dit, ce qui importe en tout cas, « c’est cette remise, cette sortie du
patrimoine de la victime, sortie qui va être due aux agissements particuliers de l’auteur ». Il
s’agit donc d’une remise provoquée par tous les moyens mis en œuvre par l’agent.
648.
Cass.crim.11 mai 1971, Bull. crim.n°145 ; Cass.crim.25 mai 1977, Bull. crim.n°191.
649.
Il n’est qu’important d’évoquer l’affaire Stavisky en France dans les années 1930 et le scandale financier qui s’en suivit.
L’une des mises en scène de l’escroc avait été de faire construire des cheminées, ressemblant à celles d’une usine, à la base
desquelles des personnes étaient chargées de faire du feu pour que les victimes potentielles, qui les voyaient de loin, puissent
croire à une réelle activité industrielle.
650.
Cass.crim.21 mars 2012, Droit pénal 2012, n°97, obs. Véron.
651.
1ère Inst. app. Kiv. 26 juin 1957, avec note R.J.C.B. 1958, p.72.
652.
Idem.
L’infraction est donc caractérisée par la remise. Ceci a pour conséquence de faire de
l’escroquerie une infraction instantanée, même si elle constitue également une infraction
complexe ou composite qui suppose la réalisation des plusieurs éléments matériels
L’escroquerie n’est pas une infraction par imprudence, la mauvaise foi doit exister.
Premièrement, l’agent doit nécessairement avoir agi avec une intention coupable de
fraude. Cette intention coupable se caractérise par la volonté et la conscience de s’approprier
une chose appartenant à autrui par l’un des procédés incriminés par le législateur.
Peu importe le mobile qui pourra être invoqué par l’agent au moment de poursuites.
L'infraction sera consommée quels que soient donc les mobiles. Le mobile, distinct
de l’intention coupable, ne pouvant être pris en considération que soit en amont dans les
investigations, soit en aval pour l'application de la peine, un prévenu auquel est reproché
l'emploi de manoeuvres frauduleuses pour obtenir indûment décharge de la redevance
afférente au stationnement de voitures automobiles sur la voie publique, conteste à tort
l'élément intentionnel de l’infraction d'escroquerie en prétendant qu'il avait voulu attirer
l'attention des pouvoirs publics soit sur la défectuosité du système, soit sur la situation créée
aux membres de sa profession par l'organisation de stationnements payants653.
L’on doit également admettre qu’un créancier se rendrait coupable d'escroquerie, s'il
se faisait payer son dû par l'emploi de manœuvres frauduleuses. En effet, le créancier ne puise
pas dans son droit de créance celui de se faire remettre, à l'aide de manoeuvres frauduleuses,
des marchandises pour valoir payement654.
Il peut être difficile, surtout dans le domaine des affaires, de faire la part des choses
entre la vraie mauvaise foi et l'audace ou la témérité qui a mal tourné. Pourtant l'intention peut
transparaître dans les moyens employés, révélateurs en eux-mêmes de la fraude. Ainsi celui
qui élabore une machination complexe en ayant recours à des sociétés fictives par exemple
aura toutes les peines du monde à expliquer qu'il n'a pas eu d'intention coupable.
Deuxièmement, l’agent doit avoir agi avec un dol spécial. L’article 98 du Code Pénal
punit : « Quiconque, dans le but de s’approprier une chose appartenant à autrui,…».
C’est que le simple usage d’un faux nom, d’une fausse qualité ou de manœuvres
frauduleuses ne suffit pas à caractériser l’infraction d’escroquerie. Il faut que ceci soit réalisé
dans le but indiqué par le législateur. Dès lors, l’agent doit avoir fait usage d’un faux nom,
d’une fausse qualité ou l’emploi des procédés frauduleux dans le seul but de provoquer la
remise de l’objet convoité.
Section 3. PÉNALITES
Une fois la preuve d’escroquerie établie, l’auteur doit être sanctionné. L’article 98 du
code pénal prévoit, à cet effet, trois mois à cinq ans de servitude pénale et/ou une amende
dont le montant en monnaie ayant cours légal au pays ne dépasse pas l'équivalent de deux
mille francs656.
Comme le vol et l'escroquerie, l'abus de confiance fait partie des infractions classées
dans la catégorie des appropriations frauduleuses. Si les deux précédentes se caractérisent
respectivement par la soustraction et la remise, l'abus de confiance correspond à une
hypothèse de détournement, mais aussi à la violation de la foi contractuelle.
Les professionnels qui commettent l’infraction d’abus de confiance doivent donc être
plus sévèrement sanctionnés en raison de la confiance particulière qu'ils inspirent au public et
de la plus grande probité qui leur incombe.
La définition que donne le législateur congolais fait référence au contexte dans lequel
l'infraction doit être réalisée pour que la qualification puisse être retenue. L'article 95 du
décret du 25 janvier 1940 portant Code pénal est rédigé de la façon suivante : « Quiconque a
frauduleusement détourné, soit dissipé au préjudice d'autrui des effets, deniers, marchandises,
billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge et qui
lui avaient été remis à la condition de les rendre ou d’en faire un usage ou un emploi
déterminé, est puni d'une servitude pénale de trois mois à cinq ans et d'une amende dont le
montant ne dépasse pas mille francs ou d'une de ces peines seulement ».
Si, comme toutes les autres infractions, l'abus de confiance suppose la réunion
d'éléments constitutifs, il faut en outre que des conditions préalables soient remplies pour que
l'infraction soit susceptible d'être réalisée.
En effet, la remise de la chose détournée doit avoir lieu à l'occasion d'un contrat.
Mais, il faut le relever tout de suite que cette incrimination ne permet pas de
sanctionner tous les comportements blâmables, surtout dans le domaine des affaires, voilà
pourquoi le législateur de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires (OHADA) a créé des incriminations spécifiques, proches de l'abus de confiance mais
cependant différentes. Il n’est que de citer l’abus de biens et du crédit de la société incriminé
par l’article 891 de l’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique adopté le 30 janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina
Faso)658. Cette incrimination est étudiée en droit pénal des affaires et suppose en effet un
contexte tout à fait particulier.
L’article article 891 de l’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique(AUSCGIE) qui est le siège même de
cette infraction en droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires (OHADA), stipule ce qui suit : « Encourent une sanction pénale, le gérant de la
société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général(PDG), le
directeur général, le directeur général adjoint, le président de la société par actions
simplifiée, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de mauvaise foi,
font des biens ou du crédit de la société un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci,
à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale
dans laquelle ils sont intéressés, directement ou indirectement ». Nous l’examinerons en droit
pénal des affaires.
Il est consécutif à la remise d’une chose dans le cadre d’un titre privé ou authentique
obtenu face à une personne qui en sera préjudiciée.
658. Voir l’article 891 de l’acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique adopte le 30 janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Faso)
Paragraphe 1. Un titre
La première condition requise pour qu’il y ait abus de confiance c’est l’existence
d’un contrat660 ou plus précisément l’existence d’un titre préalable à l’abus.
L’existence même du titre peut soulever des difficultés qui doivent être réglées
d’emblée.
C’est aussi une illustration de l’autonomie du droit pénal. Ce dernier manifeste ainsi
son autonomie par rapport au droit civil en considérant que la nullité (au civil) du titre ne
supprime pas l’infraction de l’abus de confiance. C’est qu’elle n’a aucune influence sur la
culpabilité de l’agent. Ainsi l’agent sera poursuivi même si le titre était nul à la lumière des
règles civiles.
Il importe peu, comme l’affirme justement Likulia, que cette nullité soit relative
comme celle qui résulte d’un vice de consentement d’un des contractants en cas de dol, erreur
ou violence662 ou celle qui est fondée sur l’incapacité d’une des parties663; ou qu’elle soit
absolue comme celle qui tient à l’illicéité de la cause664. Il y a donc lieu de retenir la
qualification d’abus de confiance contre la personne qui détourne l’objet à lui remis par la
conclusion d’un contrat, constitutif d’une autre infraction car l’illégitimité du titre ne peut
légitimer un acte délictueux.
Pas d’autonomie absolue. Cette autonomie n’est cependant pas absolue car
s’agissant de la preuve du contrat, ce sont les règles de droit civil ou commercial qui
s’appliqueront, selon la nature de l’acte mais par le même juge.
Le juge pénal est donc compétent, et n'a pas à surseoir à statuer au profit du juge
civil. L’intérêt est ici de requalifier une convention, sans la dénaturer, pour retenir l’existence
de l’infraction. Le juge doit en effet caractériser la remise découlant du contrat et par
conséquent analyser les obligations qui en découlent.
En ce qui concerne sa nature, il convient de retenir que le titre, dont la violation est
constitutif de l’abus de confiance revêt deux formes ci-après :
- Un titre conventionnel.
On parle d’un titre légal ou judiciaire lorsqu’il s’agit d’une disposition normative ou
d’une décision rendue par une autorité compétente du pouvoir judiciaire. Un tel titre est alors
authentique. Il organise de manière régulière la remise à titre précaire. Il en est ainsi du cas du
tuteur, du curateur légal, voire du liquidateur judiciaire.
Le titre conventionnel ou contractuel est un titre privé, à partir duquel une personne
peut se faire remettre à titre précaire des biens d’autrui.
665.
Kin. 13 mars 1977, R.J.Z. 1979, p. 108.
666.
Idem.
Mais, il faut signaler aussi que la remise peut résulter d’une simple situation de fait
dans laquelle une personne remet un bien à un ami qui accepte cette remise sans qu’il y ait
l’intention de leur part de chercher un acte authentique. La remise acceptée ne passe donc pas
exclusivement par la recherche d’un tel acte.
En droit pénal congolais, le législateur n’a pas énuméré les titres concernés. Devant
le silence de la loi, il faut retenir tout accord de volonté en vertu duquel la chose n’a été
remise qu’à titre précaire667.
Par ailleurs, la jurisprudence et la doctrine identifie ces titres qui peuvent entrainer
l’abus de confiance.
Le détenteur d’un gage qui, ayant accepté de ne pas s’en dessaisir sans accord du
créancier gagiste, le réalise frauduleusement au préjudice de celui-ci commet l’infraction
d’abus de confiance669. Il en est de même de celui qui détourne et vend à un tiers des bijoux
reçus en gage.
Le mandat. Le mandat est un acte par lequel une personne (le mandant) donne à une
autre (le mandataire) le pouvoir de poser pour elle un ou plusieurs actes juridiques671.
Peu importe que le mandat soit exprès ou tacite, écrit ou verbal. Enfin, la gratuité de
l'opération n'est pas exclusive de l’infraction d'abus de confiance. La raison majeure en est
certainement que ce contrat repose sur la confiance donnée au mandataire.
Prêt à usage. Il y a prêt à usage lorsque le prêteur livre à l’emprunter une chose
corporelle, pour s’en servir672. C’est ainsi que le fait de remettre en gage un objet prêté est
constitutif de l’infraction de l’abus de confiance673. Il en est de même du fait de détourner des
effets mobiliers, de poste de radio et d’habillement reçus à titre de prêt d’usage674.
C’est donc le contrat par lequel une partie (le prêteur) met à la disposition de l'autre
(l'emprunteur) une chose pour son usage momentané, à charge de la restituer. Il s'oppose au
prêt de consommation dans lequel l'emprunteur doit seulement restituer l'équivalent,
l'exemple type étant le prêt d'argent. Seul un procès civil peut alors permettre de recouvrer la
somme. Il est par conséquent très important de préciser la nature du prêt puisque, pour le prêt
à consommation, le prêteur perd la propriété de la chose et n'est créancier que de la valeur de
la chose. L'emprunteur, n'étant pas tenu de restituer la chose prêtée, ne peut donc se rendre
coupable d'un abus de confiance.
La chose, objet du prêt à usage, ne doit pas être une chose consomptible. S’il s’agit
d’un prêt d’une chose consomptible, il y a alors prêt de consommation qui est exclusif de
l’abus de confiance676.
Le louage de la chose. Le louage de chose peut être entendu comme le contrat par
lequel une partie (le loueur) s'engage à procurer à l'autre partie (le locataire), pendant un
certain temps, la jouissance d'une chose moyennant un prix. Ce contrat suppose donc la
remise d'une chose mobilière à titre précaire et la restitution de cette chose.
Des difficultés particulières se sont posées dans la jurisprudence française avec des
contrats mixtes tels que le crédit-bail et la location-vente680.
Si le crédit-bail est une opération juridique complexe, elle peut donner lieu à abus de
confiance du seul fait de la présence d'un contrat de bail. Il s'agira alors pour le prévenu de ne
pas payer les échéances, tout en ne restituant pas la chose. En revanche, il n'y a pas infraction
au cas de location-vente car les sommes versées ici ne sont pas des loyers, mais des fractions
du prix de vente681. Enfin, la vente à tempérament ne peut pas donner lieu à poursuite pour
abus de confiance dans la mesure où la propriété est immédiatement et totalement transférée à
l'acquéreur. Seul un recours au civil peut être possible682. A l'évidence, il est impératif de
qualifier le contrat qui unit les parties tant les solutions sont différentes, en particulier en
matière de contrats mixtes.
En définitive, le louage de la chose ou des choses est un contrat par lequel l’une des
parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un
certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer683. Il n’est soumis à aucune condition de forme.
Il est parfait entre les parties dès qu’elles sont convenues de la chose et du prix684.
Ainsi, commet un abus de confiance une personne qui se met dans l’impossibilité de
rendre la bicyclette louée par lui ou qui détourne la voiture louée.
Dépôt. Le dépôt est un contrat par lequel une des parties appelée « le déposant »
remet à l’autre appelée « le dépositaire » une chose mobilière à garder, le dépositaire
s’engageant à la rendre en nature à première réquisition685.
Il importe peu que le dépôt soit volontaire686 ou nécessaire687. Peu importe également
qu’il soit gratuit ou à titre onéreux688. Le dépôt est défini comme le contrat par lequel une personne
« le déposant » remet une chose mobilière à une autre personne « le dépositaire » qui accepte de la
garder et s'engage à la restituer lorsque la demande lui en sera faite.
679.
1ère Inst. R-U 7 mai 1948, Rev. Jur. 1949, p.35.
680.
Sur ces opérations contractuelles complexes et les problèmes de qualification qu'elles posent, voir F. Collart-Dutilleul et
Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz 7°éd.2004 ; J. Larguier et Ph. Conte, Droit pénal des affaires,
Armand Colin 11°éd.2004, n°190.
681.
Cass.crim. 9 novembre 1987, Bull.crim.n°393.
682.
Cass. crim.9 août 1993, D.P. 1994, n°8.
683.
Article 371 du code civl., liv. III.
684.
Article 374 du code civl., liv. III.
685.
Article 482 du code civl., liv. III.
686.
Article 488 du code civl., liv. III.
687.
Article 512 du code civl., liv. III.
688.
Articles 520 et 521 du code civl., liv. III.
Seule existe, là encore, une obligation civile pour le banquier. L'élément déterminant
est l'existence ou non de la faculté, pour le dépositaire, de disposer de la chose.
Peu importe que ce travail soit salarié, rémunéré ou gratuit. Ainsi est poursuivi pour
abus de confiance, un couturier qui détourne le tissu qui lui était remis pour confection. Il en
est de même du bijoutier qui revend la montre à lui remise pour réparation690.
Il y a abus de confiance dans le cas de celui à qui un objet ancien est remis aux fins
de restauration et qui restitue une copie691. L'objet est alors confié dans le cadre d'un contrat
d'entreprise. Mais c'est aussi le cas de l'expert qui refuse de restituer des documents ayant
servi à évaluer les dommages, ou de l'employé qui après cessation de ses fonctions conserve
des documents qu'il transmet par exemple à une société concurrente692.
À côté de ces contrats que nous venons de voir et pour lesquels on retient sans
discussion l’infraction d’abus de confiance ; il y a quelques cas qui méritent cependant d’être
signalés car certains sont susceptibles de culpabiliser l’agent sous l’incrimination d’abus de
confiance ; mais, il faut d'une part, que le contrat ait pour objet de transférer un bien et qu'il y
ait, par ailleurs, une obligation de restitution ; autrement dit, qu'il y ait remise du bien à titre
précaire.
1° L’échange : L’échange qui est un contrat synallagmatique par lequel les parties se
donnent respectivement une chose pour une autre693, ne peut donner lieu à l’abus de
confiance. Mais il peut constituer une escroquerie ou un vol, comme on l’a vu dans ce que
l’on appelle « vol au rendez-moi ».
689. Cass.crim.28 janvier 1991, Rev. Sc. Crim.1992, p. 92, obs. Bouzat.
690. Lesueur, p. 58.
691. Cass. crim. 8 mars 1982, Bull. crim. n°69
692. Cass. crim. 2 avril 1974, Bull. crim. n°139
693. Article 365 du code civl., liv. II.
3° La société : La société qui est définie comme un contrat par lequel plusieurs
personnes conviennent à mettre quelque chose en commun en vue de partage le bénéfice qui
pourra en résulter695 peut donner lieu à un abus de confiance quand elle s’accompagne d’un
mandat. L’abus de confiance est concevable même dans le cas d’une société de fait à
condition, bien sûr, qu’il y ait eu mandat. On voit ici que l’élément déterminant est le mandat.
La deuxième condition retenue pour qu’il y ait abus de confiance, c’est la remise de
la chose qui consiste en une tradition.
Elle doit être en outre volontaire, au cas contraire il y aurait escroquerie et acceptée
par celui qui a l'obligation de restituer.
Il n’y a pas abus de confiance dans le fait pour un avocat d’avoir utilisé les
honoraires lui remis par sa cliente puisque dans ce cas, la remise d'honoraires provoque
transfert de propriété et que l'inexécution du mandat ne peut s'analyser en un détournement de
fonds remis701.
694.
Article 465 du code civl., liv. III.
695.
Dictionnaire droit, V° Société.
696.
1ère Inst. Elis. 18 juillet 1941, R.J.C.B. 1942, p.146, avec note.
697.
1ère Inst. Elis. 9 janvier 1913, Jur. Congo 1914-1919, p.309.
698.
C. app. Léo. 6 Août 1959, R.J.A.C. 1960, p. 225.
699.
Article 95 du code pénal ; Kin. 13 mars 1977, R.J.Z. 1979, p. 102 ; Kin. 3 novembre 1972, R.J.Z. 1973, p. 186 et s.
700.
1ère Inst. Elis. 18 juillet 1941, R.J.C.B. 1942, p.146, avec note.
701.
Cass.crim.26 janvier 2005, Dr. pén. 2005, n°60, obs. Véron.
Enfin, il importe peu que l'objet détourné ait été remis par le propriétaire lui-même,
ce qui permet de condamner en présence de plusieurs intermédiaires702.
En effet, pour qu’il y ait abus de confiance, il ne suffit pas qu’un contrat ait été formé
et qu’il y ait eu remise ; encore faut-il que cette remise ait porté sur un des objets mobiliers
énumérés par l’article 95 du code pénal. Cette disposition énumère limitativement les objets
suivants : effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou
opérant obligation ou décharge.
Par effets, il faut entendre tout objet mobilier commercialisable, tel qu’un véhicule703
le meuble meublant, tout effet de commerce, tout titre à ordre (lettre de change, trait, warrant,
etc.) ; toute valeur mobilière.
Les deniers désignent des sommes d’argent, des espèces monnayées, des numéraires.
Les marchandises s’entendent de tout produit faisant l’objet d’un commerce.
Paragraphe 4. Le préjudice
La loi exige donc que, pour que l’abus de confiance soit retenu, le détournement ait
été commis au préjudice d’autrui.
702.
Cass.crim.20 oct.2010, Dr.pén.2011, n°1 obs. Véron
703.
Kin. 3 novembre 1972, R.J.Z. 1973, p. 187.
Il importe donc de préciser qui peut subir le préjudice en étant victime de l’abus de
confiance et quels sont les caractères du préjudice qu’elle peut subir.
A. Victime
Il résulte de la généralité des termes employés par le législateur (autrui) et du fait que
l’abus de confiance est une atteinte au droit de propriétaire ; que cette infraction peut se
commettre au préjudice : des propriétaires ; des possesseurs ; ou des détenteurs.
B. Caractères du préjudice
Si un préjudice est requis pour qu’il y ait abus de confiance, en revanche cette notion
est très largement comprise. C’est ainsi qu’on retient non seulement un préjudice réel, c’est-à-
dire celui qui est réellement causé mais même un préjudice éventuel, c’est-à-dire simplement
possible dès lors que l’agent a pu le prévoir705. C'est que le préjudice peut être matériel ou
moral. Ordinairement, il est actuel, mais la répression est également possible s'il est
simplement éventuel. Peu importe que l’agent soit en mesure de réparer ce préjudice, c’est
ainsi qu’un préjudice même réparable est retenu706. Le préjudice requis par la loi ne suffit pas
à caractériser l’infraction car l’agent doit en outre avoir agi avec intention coupable.
Il résulte de l’analyse de cette disposition que, outre les conditions préalables déjà
examinées, l’abus de confiance comporte deux éléments constitutifs, à savoir :
- un acte matériel constitué par le détournement ou la dissipation ; et
- l’intention coupable.
704.
C.G. App. 10 juillet 1901, Jur. E.I.C., T. I., p.150.
705.
Kin. 3 novembre 1972, R.J.Z. 1973, p.187 ; C.S.J. 1er décembre 1976, B.A. C.S.J. 1977, p.194 ; C.G. App. 10 juillet
1901, Jur. E.I.C., T. I., p.150 ; Boma 18 mars 1899, Jur. E.I.C., T. I, p.48.
706.
C.G. App. 10 juillet 1901, Jur. E.I.C., T. I., p.150.
L'élément matériel de l’infraction d’abus de confiance est réalisé dès lors que le
propriétaire de la chose confiée ne peut plus exercer ses droits sur elle, par suite des
agissements frauduleux de celui qui la détenait.
En droit congolais, cet élément matériel de l’abus de confiance est caractérisé par le
détournement ou la dissipation de la chose reçue. Ces termes désignent tous les actes de
disposition ou d’appropriation707.
A. Acte de dissipation
Il peut s’agir : soit d’un acte de consommation, tel que dilapider une somme
709
d’argent ; soit d’un acte de destruction, tel que incendier une voiture louée ou supprimer un
effet de commerce ; soit un acte de détérioration, tel que abîmer un meuble reçu en gage ; soit
d’un acte d’abandon, tel que abandonner sur la voie publique une voiture louée.
On retient ici :
- soit un acte de vente, tel que le fait pour le vendeur de revendre à une tierce
personne une chose déjà acquise par le premier acheteur710 ou celui pour un
individu d’aliéner un couteau destiné à un tiers711 ;
- soit de la mise en gage, tel que le fait du mandataire qui met en gage les titres
reçus du mandat pour garantir ses propres engagements ; ou de celui qui met
en gage un objet prêté.
Il s’agit donc de tout acte de disposition. Mais tous les actes de disposition que nous
venons de voir ne mettent pas toujours l’agent dans l’impossibilité de restituer la chose. C’est
ainsi qu’on fait la distinction entre les choses fongibles et les choses non fongibles.
En ce qui concerne les choses non fongibles, « pouvant être restituées en nature » par
exemple une voiture louée ; on retient toujours l’abus de confiance car l’acte de disposition
rend la restitution de la chose impossible. Peu importe que l’agent soit solvable ou en mesure
de réparer le préjudice causé.
Pour les choses fongibles appelées à être restituées en valeur ou par équivalent, telle
qu’une somme d’argent, on estime qu’on ne peut retenir l’abus de confiance que lorsque
l’agent se trouve dans l’impossibilité de restituer même en valeur la chose reçue 712 par
exemple lorsqu’il est insolvable713.
B. Acte de détournement
- Pour ce qui est du refus de restitution, on estime que le simple retard mis à restituer la
chose ne suffit pas à caractériser le détournement. Mais il faut qu’il y ait appropriation 715
ou même rétention injuste.
Il y a appropriation injuste lorsque l’agent nie par exemple avoir reçu la chose alors
qu’il est établi que cette chose lui avait été remise ou lorsqu’il ne justifie pas l’usage qu’il a
fait de la chose confiée716.
712.
1ère Inst. app. Eq. 1er mars 1956, avec note, R.J.C.B. 1958, p.441.
713.
C.S.J. 1er décembre 1976, B.A. C.S.J. 1977, p.194 ; Elis. 7 décembre 1948, Rev. Jur. 1949, p.45 ; L’shi 21 septembre
1961, R.J.Z. 1971, p.143.
714.
Kin. 13 mars 1977, R.J.Z. 1979, p.108 ; Boma 3 janvier 1901, Jur. E.I.C., p.110.
715. Idem. Kin. 3 novembre 1972, R.J.Z. 1973, p.187 ; Boma 3 janvier 1901, Jur. E.I.C., T. I, p.110.
716. C.S.J. 1er décembre 1976, B.A. C.S.J. 1977, p.197.
Dans ce cas l’infraction existe ; peu importe la solvabilité de l’agent. Car son
intention de s’approprier la chose est évidente et manifeste. Tandis que la rétention injuste
existe quand l’agent retient la chose, sans motif légitime. Il en est ainsi d’un dépositaire qui
conserve l’objet reçu du déposant à l’expiration du dépôt.
Pour qu’il y ait abus de confiance, le détournement ou la dissipation doit être réalisé
avec intention frauduleuse. C’est ce qui résulte des termes de l’article 95 qui dispose que
« quiconque a frauduleusement, soit détourné, soit dissipé au préjudice… »
L’intention frauduleuse doit être établie ; elle ne peut être supposée721. C’est ainsi
que la simple constatation d’un déficit, même inexpliqué, ne suffit pas à caractériser cet
élément722.
Les poursuites exercées pour abus de confiance ne sont pas automatiques même si
tous les éléments constitutifs sont réunis car on reconnaît au prévenu le droit d’opposer
certaines fins de non-recevoir.
C’est ainsi que nous examinerons d’abord les fins de non-recevoir qui peuvent être
invoquées par l’agent et ensuite les pénalités.
En effet l’agent peut opposer aux poursuites engagées contre lui la novation, la
compensation, la remise de la dette, la confusion ou encore la prescription.
717. Codes et lois du Congo belge, II, liv. II, p.324 ; Belg. Col. 1949, p.248.
718. C.S.J. 1er décembre 1976, B.A. C.S.J. 1977, p.194 ; R.J.C.B. 1955, p.214.
719. 1ère Inst. Stan. 24 août 1954, R.J.C.B. 1955, p.214 ; Stan. 17 juin 1930, R.J. 33, p.203 ; C.G. App. 10 juillet 1901, Jur.
E.I.C., T. I., p.150.
720. C.S.J. 1e décembre 1976, B.A. C.S.J. 1977, p.194 ; Kin. 3 novembre 1972, R.J.Z. 1973, p.187.
721. C.S.J. 8 octobre 1969, R.J.C., p.7 ; Kin. 13 mars 1977, R.J.Z. 1979, p.108.
722. Elis. 11 octobre 1921, Jur. Kat. I, p.271 ; Stan. 17 juin 1930, Rev. Jur. 1933, p.203.
A. Novation
L’acte novatoire peut être écrit ou verbal et la volonté de nover doit résulter
clairement de l’acte725.
- la convention qui annule une vente antérieure et lui en substitue une autre 727 ;
dans ce cas, il doit alors s’agir d’une vente à tempérament avec réserve de
propriété.
B. Compensation
La compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des
débiteurs730.
C. Remise de la dette
D. La confusion
E. Prescription
L’abus de confiance est une infraction instantanée car il se réalise au moment même
où l’agent, c’est-à-dire l’accipiens, intervertit la possession par un acte de disposition ou
d’appropriation.
Paragraphe 2. Pénalités
Les peines de l’abus de confiance sont prévues par l’article 95 du code pénal aux
termes duquel, tout individu reconnu coupable d’abus de confiance est puni d’un
emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende dont le montant ne dépasse pas
l'équivalent en monnaie ayant cours légal au pays de 1.000 francs et/ou d’une de ces peines
seulement.
Pour qu’il y ait extorsion, la remise forcée doit porter sur l’un des objets prévus par
la loi. En dehors de ces objets, la remise bien que forcée ne pourra tomber sous le coup de la
loi.
Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans et d’une amende qui peut être
portée à 2.000 francs737, dit l’article 84 du code pénal celui qui a extorqué, à l’aide de
violences ou de menaces, soit des fonds, valeurs, objets mobiliers, obligations, billets,
promesses, quittances, soit la signature ou la remise d’un document quelconque contenant ou
opérant obligation, disposition ou déchargé.
- l’intention coupable.
Extorquer, c’est obtenir, soutirer, arracher, spolier, dépouiller, tirer quelque chose de
quelqu’un par force, violences, menaces ou par toute autre voie qui exclut la liberté du
consentement chez la victime. Il en est ainsi du fait d’arrêter arbitrairement une personne,
dans l’unique but de se faire remettre l’objet qu’elle détient, sous l’influence de la crainte
provoquée par ladite arrestation738.
735. Enseignements de Likulia Bolongo dans son droit pénal spécial zaïrois, op. cit.
736. 1ère Inst. 24 mars 1955, R.J.C.B. 1955, p.382.
737. Ord.-Loi n°07-009 du 6 juillet 1979.
738. 1ère Inst. app. Elis. 26 mai 1925, Jur. Kat., I, p. 270.
Pour que l’extorsion soit retenue, l’agent doit avoir usé de violences ou de menaces.
La violence. Par violence, on entend dans ce cas tout acte de contrainte physique
ayant pour conséquence la remise de l’un des objets énumérés par la loi740. Il en est ainsi
notamment des arrestations arbitraires. On estime dans ce cas que les arrestations opérées
doivent être considérées comme élément constitutif de l’extorsion, et cette seule infraction
devra être retenue.
La menace. Par menace, il faut entendre tout moyen de contrainte morale de nature à
amener le consentement de la victime par la crainte d’un préjudice grave ou même
simplement moral, qui ne peut être autrement évité.
Celui qui se rend coupable d’extorsion est puni d’une servitude pénale de cinq à
vingt ans et d’une amende qui peut être portée à l'équivalent en monnaie ayant cours légal au
pays de 2.000 francs.
L’auteur de l’extorsion peut également encourir les sanctions civiles. En effet, il peut
être condamné à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à la victime.
Le juge peut ordonner aussi la restitution de l’objet se trouvant entre ses mains. Ainsi la partie
lésée dispose du droit d’exercer cette action civile soit devant le juge répressif accessoirement
à l’action publique, soit devant le juge civil.
739.
Léo. 13 août 1925, Jur. Col. 1926, p. 171.
740.
Cour app. L’shi 20 juillet 1972, R.J.C. 1972, p. 182.
741.
C.S.J. 6 juin 1972, B.I. P.G.R. 1973, p.150 ; 1ère Inst. Léo. 29 septembre 1961, R.J.C. 1962, p. 13.
742.
Léo. 7 décembre 1933, R.J.C.B. 1934, p.108 ; 1ère Inst. Kas. 24 mars 1955, R.J.C.B., p. 382.
BIBLIOGRAPHIE
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du crime de Génocide.
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l’humanité du adoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968 et entrée en vigueur le 11 novembre
1970.
4. Les Protocoles additionnels I et II du 8 juin 1977 et le Protocole additionnel III (2005) aux
Conventions de Genève.
5. La Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya,
lors de la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) et entrée en vigueur le 21
octobre 1986.
6. Convention de Rome du 17 juillet 1998 se rapportant au statut de la Cour Pénale Internationale entré
en vigueur le 1ier juillet 2002.
7. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant, New york,
10 décembre 1984, in JORDC 40ème année n° spécial du 09 avril 1999 portant instruments
internationaux relatifs aux droits de l'Homme ratifiés par la RDC.
8. Convention relative aux droits de l'enfant, New york, 20 novembre, 1989, in JORDC, 40ème année n°
spécial du 09 avril 1999 portant instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme ratifiés par la
RDC.
9. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New york, 19 décembre 1996 in JORDC,
40ème année n° spécial du 09 avril 1999 portant instruments internationaux relatifs aux droits de
l'Homme ratifiés par la RDC.
1. Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant
révision de certains articles de la constitution de la République démocratique du Congo, in JORDC,
52ième année, n° spécial, du 20 janvier 2011.
2. Décret n° 11/O1 du 05 janvier 2011 portant création des tribunaux pour Enfants in JORDC, 52ième
année, n°8, du 15 avril 2011.
3. Décret du 30 janvier 1940 tel que modifié, complété et mis à jour au 05 octobre 2006, portant code
pénal Congolais, in JORDC, 47 ème année, n° spécial du 05 octobre 2006.
4. Décret du 06 août 1959 portant code de procédure pénale, BO 1959, in les Codes Larcier, République
démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, éd. De Boeck & Larcier S.A., 2003, Rue des
Minimes 39, 1000 Bruxelles, 2003, pp. 288-299.
5. Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 relative à l'organisation, fonctionnement et compétence des
juridictions d'ordre judiciaire, in JORDC.
6. Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour
Constitutionnelle, in JORDC.
7. Loi organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation
8. Loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire in JORDC 43 ème année n°
spécial du 20 mars 2002, in les Codes Larcier, République démocratique du Congo, Tome I, Droit civil
et judiciaire, éd. De Boeck & Larcier S.A., 2003, Rue des Minimes 39, 1000 Bruxelles, 2003, pp. 393-
421.
9. Loi n°024/2002 du 18 novembre 2002 portant code pénal militaire, in les Codes Larcier, République
démocratique du Congo, Tome II, Droit pénal, éd. De Boeck & Larcier S.A., 2003, Rue des Minimes
39, 1000 Bruxelles, 2003, pp. 42-60.
10. Loi n°87-010 du 1ier Août 1987 portant Code de la Famille, in J.O.Z., n° spécial, 1ier août 1987, in les
Codes Larcier, République démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, éd. De Boeck &
Larcier S.A., 2003, Rue des Minimes 39, 1000 Bruxelles, 2003, pp. 3-67.
11. Loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, in JORDC de la RDC N° Spécial 25
Mai 2009.
12. Ordonnance n°78-289 du 03 juillet 1978 relatif à l'exercice des attributions d'officiers et agents de
police judiciaire près les juridictions de droit commun, in les Codes Larcier, République démocratique
du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, éd. De Boeck & Larcier S.A., 2003, Rue des Minimes 39,
1000 Bruxelles, 2003, pp. 434-445.
13. Ordonnance n° 344 du 17/09/1965 relative au régime pénitentiaire, in les Codes Larcier, République
démocratique du Congo, Tome I, Droit civil et judiciaire, éd. De Boeck & Larcier S.A., 2003, Rue des
Minimes 39, 1000 Bruxelles, 2003, pp. 453-464.
14. Avant-projet du livre premier du Code Pénal du 25 mai 2009, approuvé par la CPRDC.
II. DOCTRINE
A. OUVRAGES
1. AKELE ADAU(Pierre), Analyse et commentaire du nouveau code pénal militaire congolais, inédit.
2. AKELE ADAU (Pierre) et SITA MUILA AKELE (Angélique), Crimes contre l’humanité en droit congolais,
CEPAS, 80 pages.
3. BECCARIA (Marquis Cesare Bonesana), Traité des délits et des peines, 1764.
4. BERNARDINI (Roger), Droit pénal général : Introduction au droit criminel, Théorie générale sur la
responsabilité pénale, Paris, Gualino, 2003.
5. BONFILS (Philippe) et GOUTTENOIRE (Adeline), Droit des mineurs, Paris, éditions Dalloz, 2008, 1121
pages.
6. BOULOC (Bernard), Droit pénal général, Dalloz, 19ième édition, 2005, 702 pages.
7. BOULOC (Bernard) et MATSOPOULOU (Haritini), Droit pénal général et procédure pénale, Paris, Dalloz,
2004.
8. BOUZAT (Pierre) et PINATEL (Jean), Traité de droit pénal et de criminologie, T. I, Droit pénal général,
Dalloz, Paris, 1963.
9. BURDEAU (Georges), Les libertés publiques et les droits sociaux, Librairie de droit et de jurisprudence,
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10. CASSESE (Antonio), International Criminal Law, Oxford, OUP, 2è éd., 2008.
11. CORNU (Gérard), Le vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2009
12. CURRAT (Philippe), Les crimes contre l’humanité dans le statut de la Cour Pénale Internationale, Bruxelles, LGDJ,
Schulthess, 2006, 808 pages.
13. DAVID (Eric), Eléments de droit pénal international et européen, Bruylant/Bruxelles, 2009, 1566 pages.
Docteur Bienvenu WANE BAMEME, Professeur Associé. 268 | P a g e
Cours de Droit Pénal Spécial 2015
14. DESPORTES (Frédéric) et LE GUNEHEC (Francis), Droit pénal général, 12ième édition, Economica, Paris,
15 septembre 2005, 1117 pages.
15. DONNEDIEU DE VABRES (Henri), Traité élémentaire de droit criminel et de la législation pénale
comparée, 3e éd., Paris.
16. DONNEDIEU DE VABRES (Henri), Les principes modernes du droit pénal international, édition
Panthéon-Assas, Paris, 2004, 470 pages.
17. GARE (Thierry) et GINESTET (Catherine), Droit pénal et procédure pénale, Paris, Dalloz, 2003, 183
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et PATIN Jacques, Paris, Sirey, 1972
19. LIKULIA BOLONGO (Norbert), Droit pénal militaire ; T1, Organisation et fonctionnement des juridictions
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pénale, Kinshasa, PUK, 2011.
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32. VERGES (Etienne), Procédure pénale, 2ème éd. Litec, Paris, 2007.
B. COURS ET THESE
TITRE IIième LES INFRACTIONS CONTRE LES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE L’HONNEUR
ET LA LIBERTE DE CHOIX……………………………… …………………………………………………………………………………………. 138
Sous-titre I. LES ATTEINTES A L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE FIDELITE EN FAMILLE …………………………………138
CHAPITRE I. LES ATTEINTES DIFFAMATOIRES ET MEPRISANTES ……………………………………………………………… 139
Section 1. COMPOSANTES ET REPRESSION DE LA DIFFAMATION…………………………………………………………………139
Paragraphe 1. Composantes de la diffamation…………………………………………………………………………………..……….. 139
A. Le préalable à l’existence de la diffamation……………………………………………………………………………………………….139
B. Eléments strictement constitutifs de la diffamation ……………………………………………………………………………….... 143
Paragraphe 2. Régime répressif de la diffamation …………………………………………...…………………………………………... 144
A. Causes légitimes ……………………………………………………………………………………………………………...…………………….. 144
B. Pénalités ……………………………………………………………………………………………………………………………………...………... 148
Section 2. COMPOSANTES ET REPRESSION DE L’INJURE……………….………………………………………………………………148
Paragraphe 1. Composantes de l’injure…………………………………………………………………………………..……………….….. 148
A. Le préalable à l’existence de l’injure………………………………………………………………………………………………………….148
B. Eléments strictement constitutifs de l’injure …………………...…………………………………………………………………….... 149
Paragraphe 2. Régime répressif de l’injure ……………………...……………………………...…………………………………………... 150
CHAPITRE II. LES ATTEINTES A LA PERSONNE HUMAINE SIMPLEMET CONÇUE ET AU DEVOIR
DE FIDELITE EN FAMILLE……..……………………………………………………………………………………………………………………..151
SOUS-CHAPITRE 1. LES ATTEINTES A LA PERSONNE HUMAINE SIMPLEMET CONÇUE…………………….…………151
SECTION 1. LAVORTEMENT : La principale atteinte à l’enfant simplement conçu……………………………………………152
Paragraphe 1. Composantes de l’infraction d’avortement ……………………………………………………………………………. 152
A. les conditions préalables ……………………………………………………………………………………………………………………….. 152
B. Éléments constitutifs ……………………………………………………………………………………………………………………………... 154
Paragraphe 2. Pénalités ……………………………………………………………………………………………………………………………… 155
SECTION 2. ACTIONS ET ABSTENTIONS DOMMAGEABLES CONTRE L’ENFANT ET LA FEMME ENCEINTE :
Une protection directe et indirecte de l’enfant………………………………………………………………………………..…………..…155
Paragraphe 1. Conditions préalables spéciales des infractions …………………………………………………………………….. 156
Sous-paragraphe 1. La vulnérabilité : une condition préalable aux quatre incriminations de la loi de 2009……...156
A. De la vulnérabilité de la victime des infractions des articles 143 et 146.………………………..……………………………156
B. De la vulnérabilité de la victime des infractions des articles 191 et 193……….………………………………….………… 157
Sous-paragraphe 2. Conditions propres à chaque incrimination ………………………………………………………………….. 157
A. Aspect propre à l'infraction de l'article 143 …………………………………………………………………………………………….. 157
B. Condition propre à l’infraction de l’article 146 ………………………………………………………………………………………... 157
C. Condition propre à l'infraction de l'article 191 ………………………………………………………………………………………... 158
D. Condition propre à l'infraction de l'article 193 ………………………………………………………………………………………... 159
Paragraphe 2. Régime répressif ………………………………………………………………………………………………………………….. 159
Section 3. LA GROSSESSE FORCEE : Une protection discutable de l’enfant avant sa naissance…………………………160
Paragraphe 1. Les composantes de l’infraction de grossesse forcée………………………………………………………………..161
A. les conditions préalables d’existence de l’infraction ………………………………………………………………………………….161
B. Les éléments constitutifs …………………………………………………………………………………………………………………………162
Paragraphe 2. Pénalité de l’infraction de grossesse forcée……………………………………………………………………………..162
Sous-Chapitre 2. L’ADULTERE : UNE ATTEINTE AU DEVOIR DE FIDELITE EN FAMILLE…………….………………….…162
Section 1. L'ADULTERE DANS LE CADRE DU MARIAGE CELEBRE SELON LES FORMALITES
DU CODE DE LA FAMILLE……………….……………………………………………………………………………………………………………163
Paragraphe 1. Caractéristiques de ce délit d'adultère ……………………………………………………………………………………163
Paragraphe 2. Éléments constitutifs ……………………………………………………………………………………………………….........165
Paragraphe 3. Régime répressif ……………………………………………………………………………………………………………………167
Section 2. L'ADULTERE DANS LE CADRE D’UN MARIAGE CELEBRE EN FAMILLE ET L’INCITATION
OU LA PERMISSION D’UNE PERSONNE MARIEE A CONSOMMER LES RAPPORTS SEXUELS ...………………………...171
Paragraphe 1. L’adultère dans le cadre d'un mariage célébré en famille………………………………………………………….171
A. Conditions préalables……………………………………………………………………………………………………………………………….171
B. Nature du mariage ……………………………………………….……………………………………………………………………………….…171
C. Validité du mariage………………………………………………………………………………………………………………………….……….171
Paragraphe 2. Le fait d’inciter, d'enlever, de détourner, de cacher ou de garder une femme mariée afin
de faciliter ou de permettre à cette femme des rapports sexuels ......……………………………………………………………….172
Sous-titre II. ATTEINTES A LA LIBERTE DE LA PERSONNE HUMAINE …………………………………………………………. 173
Chapitre I. ATTEINTES A LA VIE PRIVÉE ET A LA LIBERTE DE MOUVEMENT ……………………………………………… 173
Section 1. LA VIOLATION DE DOMICILE : Principale atteinte à la vie privée …………………………………………………. 173
Sous-section 1 : Conditions préalables et éléments constitutifs …………………………………………………………………… 173
Paragraphe 1. Conditions préalables …………………………………………………………………………………………………………... 174
A. Les conditions générales aux deux formes de violation de domicile …………………………………………………………. 175
B. Les conditions propres à chacune de ces deux infractions ……………………………………………………………………….. 177
Paragraphe 2. Éléments constitutifs …………………………………………………………………………………………………………… 177
A. Élément matériel de la violation de domicile : la pénétration dans un lieu ………………………………………………... 177
B. Élément intentionnel : une intention coupable ………………………………………………………………………………………... 177
Sous-section 2 : Régime répressif ……………………………………………………………………………………………………………….. 178
Paragraphe 1. Sanctions pénales ………………………………………………………………………………………………………………… 178
Paragraphe 2. Sanctions civiles …………………………………………………………………………………………………………..……… 178
SECTION 2. L’ARRESTATION ARBITRAIRE ET LA DETENTION ILLEGALE …………………………………………..………… 179
Paragraphe 1. Conditions préalables : les moyens à utiliser par l'agent ………………………………………………………... 179
Paragraphe 2. Éléments constitutifs …………………………………………………………………………………………………………… 180
A. Éléments constitutifs communs ……………………………………………………………………………………………………...……… 181
B. Circonstances aggravantes : tortures et la mort ………………………………………………………………………………………. 182
Paragraphe 3. Les pénalités ……………………………………………………………………………………………………………………..... 183
Chapitre II. LES ATTEINTES A LA LIBERTE SEXUELLE ………………………………………………………………………………… 185
Sous-chapitre I. LES ATTENTATS SEXUELS …………………………………………………………………………………………………. 185
Section 1. LE VIOL ……………………………………………………………………………………………………………………………………... 185
Paragraphe 1. Conditions préalables de l'infraction …………………………………………………………………………………….. 187
A. La qualité de la victime : un être humain ………………………………………………………………………………………………… 187
B. L'absence de consentement…………………………………………………………………………………………………………………….. 187
C. Les protagonistes de l'infraction …………………………………………………………………………………………………………….. 188
Paragraphe 2. Éléments constitutifs ………………………………………………………………………………………………………….. 189
A. Élément matériel de viol………………………………………………………………………………………………………………………… 189
B. Élément intellectuel ………………………………………………………………………………………………………………………………. 196
Paragraphe 3. Régime répressif …………………………………………………………………………………………………………………. 196
A. Quelques principes applicables aux atteintes à la liberté sexuelle ……………………………………………………………. 196
B. Pénalités et circonstances aggravantes …………………………………………………………………………………………………… 197
C. L’action civile ………………………………………………………………………………………………………………………………….......... 202
Section 2. L’ATTENTAT A LA PUDEUR …………………………………………………………………………………………………........... 203
Paragraphe 1. La condition préalable d’existence de l’infraction : la qualité de la victime……………………..……….. 203
Paragraphe 2. Éléments constitutifs …………………………………………………………………………………………………………… 203
A. Éléments communs ……………………………………………………………………………………………………………………….………. 203
B. Eléments distincts …………………………………………………………………………………………………………………………………. 205
Paragraphe 2. Régime répressif ………………………………………………………………………………………………………………….. 207
A. Circonstances aggravantes ……………………………………………………………………………………………………………………... 207
B. Pénalités ……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 207
Section 3. LE HARCELEMENT SEXUEL ……………………………………………………………………………………………..…………. 208
Paragraphe 1. Les conditions préalables ………………………………………………………………………………………..…………... 208
A. Une condition commune …………………………………………………………………………………………………………….………….. 208
B. Du harcèlement sexuel de l'article 174 d du code pénal …………………………………………………………….…………….. 208
C. Harcèlement sexuel de l'alinéa 1ier de l'article 181 de la loi n°09/001 du 10/01/ 2009 ……………….……………. 209
Paragraphe 2. Éléments constitutifs ………………………………………………………………………………………………..………….. 209
A. L’élément matériel : le fait de harceler…………………………………………………………………………………………..…………. 209
B. L'élément moral …………………………………………………………………………………………………………………………..………… 210
Paragraphe 3. Régime répressif ……………………………………………………………………………………………………….…………. 211
A. Des poursuites pour harcèlement sexuel ……………………………………………………………………………………….………... 211
B. De la pénalité ………………………………………………………………………………………………………………………………………… 211
C. De la sanction civile ……………………………………………………………………………………………………………………….………. 211
Sous-chapitre II. LES OUTRAGES ………………………………………………………………………………………………………..………. 212
Section 1. L’OUTRAGE PUBLIC A LA PUDEUR …………………………………………………………………………………….………... 212
277 | P a g e