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PLAN DU COURS
Objectifs du cours :
Ce cours se situe dans le prolongement du cours sur l’économie des ressources naturelles.
Le cours cherche à combiner théorie et faits empiriques. Le but de ce cours est de suggérer
ce que les outils de l’analyse économique peuvent dire de cette réalité et des voies pour
l’améliorer. Il porte sur l’acquisition des outils de base, sur les liens entre l'économie et
l'environnement dans l'exploitation des ressources de la diversité biologique. Il permettra
à l’étudiant de maîtriser les méthodes et outils de l'économie portant sur les ressources de
la biodiversité.
Le cours se structurera autour de la définition de la biodiversité, de l’évaluation et la
valorisation économique des dispositifs de gestion durable de la biodiversité et des
contributions de la biodiversité à l’économie et l’analyse des politiques de conservation. Il
insiste ce faisant sur le rôle que devrait jouer l’analyse économique dans l’élaboration et la
mise en œuvre des politiques publiques.
Chapitre I : Définitions et enjeux de la biodiversité et services écosystémiques
Dès le début des années soixante-dix, Bruno Latour déclarait : « les relations homme nature
ne sont que des relations entre les hommes à propos de la nature » (Weber, 2002). La
conception selon laquelle la nature peut - être vue comme extérieure à l’homme laisse place
à une vision où l’homme est considéré comme faisant partie intégrante de son
environnement. C’est donc une reconnaissance des multiples interactions qui existent entre
les êtres humains et les écosystèmes.
Cette évolution des mentalités montre qu’il existe diverses représentations du rapport
homme-nature. La pluralité des points de vue à ce sujet n’est en fait que le reflet de la
confrontation de différentes éthiques environnementales. Cette question de l’éthique
environnementale et de son évolution est importante pour fournir des outils de réflexion
qui permettent de se situer par rapport aux discours multiples sur les humains et la
biodiversité (Weber, 2004). Demeulenaere (2006) propose une typologie des différentes
éthiques existantes :
Une première vision basée sur une éthique biocentrée : souvent appelée deep
ecology, en ce sens, elle est une extension à tous les êtres vivants de la morale
kantienne appliquée aux êtres raisonnables, c’est-à-dire doués de raison.
Une seconde vision centrée sur une éthique écocentrée (ou éthique de la
communauté): c’est une vision holiste de la biodiversité où l'homme appartient à la
communauté biotique et où il existe de nombreuses relations d'interdépendance
entre l’homme et son environnement mais aussi entre les espèces de l’écosystème
au sein duquel il évolue.
Une troisième et dernière vision basée une éthique anthropocentrée : dans ce cas,
L'homme est maître protecteur de la nature. Les hommes ont alors le devoir de
l’ordonner et de la socialiser.
Le mot biodiversité est un néologisme composé à partir des mots biologie et diversité. Au
Sommet de la Terre de Rio (1992), sous l'égide de l'ONU, tous les pays ont décidé au
travers d'une convention mondiale sur la biodiversité de faire une priorité de la protection
Puis le sommet européen de Göteborg en 2001, dans l’accord sur «Une Europe durable
pour un monde meilleur » s'est fixé (pour l'Europe) un objectif plus strict : arrêter le déclin
de la biodiversité en Europe d’ici 2010 (année mondiale de la biodiversité pour l'ONU).
Depuis 1986, le terme et le concept sont très utilisés parmi les biologistes, les écologues,
les écologistes, les dirigeants et les citoyens. Cependant, le terme de diversité biologique
persiste et l’emploi du mot biodiversité a du mal à s’imposer. L'utilisation du terme
coïncide avec la prise de conscience de l'extinction d'espèces au cours des dernières
décennies du XXe siècle.
En juin 1992, le sommet planétaire de la Terre de Rio de Janeiro a marqué l'entrée en force
sur la scène internationale de préoccupations et de convoitises vis-à-vis de la diversité du
monde vivant. Ce traité international emploie le terme de biodiversité. Au cours de la
Convention sur la diversité biologique qui s'est tenue le 5 juin 1992, la diversité biologique
a été définie comme : « La variabilité des organismes vivants de toute origine y compris,
entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces
et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. » — Article.2 de la Convention sur la
diversité biologique, 1992.
Aujourd’hui, le terme biodiversité a pris le pas sur l’expression diversité biologique et s’est
imposé comme un terme de référence dans le langage courant. La Convention sur la
biodiversité écologique du 5 juin 1992 a défini le terme de biodiversité comme étant « la
variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes
terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils
font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle
des écosystèmes ».
Il apparaît que la complexité qui se cache derrière l’idée de biodiversité le rend difficile à
décrire. Cependant, le terme a le mérite de synthétiser la complexité et la diversité du
vivant.
b. Une notion difficile à caractériser
Il existe aujourd’hui aucune approche qui soit capable d’appréhender toutes les notions et
concepts sous-jacents au terme de biodiversité. La biodiversité peut être caractérisée en
utilisant les trois approches complémentaires :
e.g. Formation des sols, photosynthèse, Production primaire Cycles des nutriments
(carbone, azote, phosphore, etc.), cycle de l'eau
Services
Services de régulation
D’approvisionnement Services culturels
Les services d’approvisionnement sont les biens qui peuvent être obtenus des écosystèmes (ibid.) et sont
généralement les plus faciles à identifier et à quantifier. Ils peuvent être fournis par des écosystèmes
anthropisés comme les plantations et les zones agricoles, mais aussi par les milieux naturels (UK National
Ecosystem Assessment, 2011). Ils permettent notamment de se nourrir, de s’abreuver, de se loger et de se
vêtir.
Les services culturels sont les bénéfices non matériels que les gens retirent à travers leur contact avec les
écosystèmes (MEA, 2005a). Ils regroupent notamment le tourisme et la récréation, l’appréciation esthétique
et l’inspiration pour l’art et la culture, l’expérience spirituelle, l’éducation, etc. (ibid.). En plus de leur lien
avec les écosystèmes, ils sont aussi le fruit d’interactions avec la culture, les sociétés et les technologies (UK
National Ecosystem Assessment, 2011).
Quant à elle, la classification proposée par de Groot et al. (2002) quelques années auparavant comptaient
aussi quatre catégories similaires (fonctions de régulation, fonctions d’habitat, fonctions de production de
biens et services et fonctions d’information). Les BSE des deux premières catégories sont essentielles au
maintien des structures et processus naturels permettant de fournir les BSE des deux autres catégories (de
Groot et al., 2002).
Selon le contexte d’utilisation, la classification la plus pertinente peut changer (Fisher et al., 2009). Dans un
contexte d’évaluation économique des BSE, les classifications du MEA et de deGroot et al. (2002) ne sont
peut-être pas les meilleures représentations bien qu’ils puissent être très utiles pour l’éducation et la
sensibilisation (ibid.). Dans les différentes classifications, ce ne sont pas tant les BSE eux-mêmes qui
changent plutôt que la façon de les organiser. Le but est d’éviter les doubles comptes de la valeur de différents
BSE (Fisher et al., 2009; Maurel et al., 2011), par exemple le cycle de l’eau, la filtration de l’eau et la
disponibilité d’une eau potable.
Dans un contexte d’évaluation économique des BSE, Fisher et al. (2009) proposent de
diviser les BSE en services intermédiaires, en services finaux et en bénéfices (schéma ci-
dessous). En procédant ainsi, les processus et les fonctions écologiques peuvent être
considérés comme services intermédiaires ou finaux en fonction de leur degré de relation
avec le bien-être humain (Fisher et al., 2009). La réorganisation de cette classification
permet de mieux refléter la complexité des écosystèmes et de n’attribuer une valeur
économique qu’aux services finaux ou aux bénéfices qui sont pertinents dans un contexte
donné (ibid.).
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D’ailleurs ces différents termes seront clarifiés dans la prochaine section. Fisher et al. (2009) ont passé en
revue les différentes définitions et ont proposé la suivante : « the aspects of ecosystems utilized (actively or
passively) to produce human well-being » (ibid., p. 645). Les BSE doivent provenir de phénomènes
écologiques et ne sont pas nécessairement utilisés directement (ibid.). Il est important de mentionner que les
BSE ne peuvent être appelés ainsi que lorsque les fonctions ou les processus écologiques bénéficient à des
humains (ibid.). Donc, sans humains, les BSE n’existent pas, comme il sera discuté à la prochaine section.
Partant de ces considérations, la définition de BSE utilisée dans cet essai sera une traduction libre de celle de
Fisher et al. (2009). Les BSE sont donc : « les composantes des écosystèmes utilisées directement ou
indirectement pour contribuer au bien-être humain. » Comme le suggère de Groot et al. (2002), seuls les BSE
qui peuvent être utilisés de manière durable, de façon à maintenir les fonctions écosystémiques de même que
les processus et les structures, devraient être considérés. Ainsi, l’extraction de minerais (or, fer, cuivre,
uranium, etc.) ainsi que l’exploitation d’hydrocarbures sont exclus des biens et services fournis par les
écosystèmes. Dans un même ordre d’idée, les sources d’énergie qui ne peuvent pas être attribuées à aucun
écosystème particulier, comme le solaire et l’éolien, devraient aussi être exclues (ibid.).
Pour bien comprendre ce que sont les BSE, imaginons d’abord un monde sans humains,
dans lequel différents écosystèmes couvrent la surface du globe. Dans chacun de ces
écosystèmes, une structure (p. ex. géomorphologie, hydrologie, sols, faune et flore) et des
processus (p. ex. physiques, chimiques et biologiques) sont à la base de l’écosystème et lui
permettent de perdurer dans le temps (Maltby and Barker, 2009).
Différents processus, tels que la transformation des nutriments par des bactéries, la
production de tourbe à partir de végétaux morts en absence d’oxygène et l’infiltration de
l’eau dans le sol à cause de la gravité, sont nécessaires à la production de fonctions
écologiques. Les fonctions associées à ces processus pourraient par exemple être
l’absorption des nutriments par les plantes, le stockage de carbone ou la recharge des
aquifères. Ces processus et ces fonctions permettent à l’écosystème de fonctionner, même
si aucun homme n’est présent. Ils fournissent des BSE lorsque des bénéfices en sont retirés
par des hommes s’ils s’ajoutent à l’équation. Des services comme une meilleure qualité de
l’eau, une réduction des gaz à effet de serre ou encore une augmentation de la quantité
d’eau disponible dans les aquifères bénéficient aux hommes et peuvent être évalués
monétairement. Le schéma (inspiré de : Chevassus-au- Louis et al., 2009, p. 123) ci-
dessous illustre schématiquement ces concepts.
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Bien que le schéma semble simple, plusieurs faits viennent compliquer la donne, notamment pour la
classification et l’évaluation économique des BSE. D’abord, un même écosystème peut générer plusieurs
BSE qui peuvent eux-mêmes engendrer de nombreux bénéfices pour le bien-être humain, situation appelée
joint production (Fisher et al., 2009) ou coproduction. Par exemple, le service de régulation des débits des
rivières peut produire de multiples bénéfices comme les opportunités de récréation, la disponibilité de l’eau
pour l’irrigation et pour la production d’hydroélectricité.
Dans un autre ordre d’idées, il est bien souvent difficile de bien départager les structures et
les processus, les fonctions ainsi que les BSE, car les écosystèmes sont des systèmes très
complexes qui ne sont pas toujours bien compris, même d’un point de vue écologique
(ibid.). De plus, des boucles de rétroactions, des seuils critiques, des décalages temporels
et des phénomènes non linéaires, entre autres, peuvent encore davantage complexifier la
compréhension des écosystèmes (Limburg et al., 2002). Finalement, la variation du niveau
d’un BSE n’est pas toujours proportionnelle à la variation dans la quantité ou l’efficacité
d’un processus ou d’une fonction écologique (Farley, 2008; Chevassus-au-Louis et al.,
2009) et les liens entre ces concepts ne sont pas toujours bien compris (Elmqvist et al.,
2010).
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qualitatives sont énormes, et qu'à l'échelle planétaire ces dernières s'effectuent de manière
régulière et pernicieuse.
Outre la surpêche et la surexploitation des forêts, la déforestation et la destruction des forêts
anciennes par la sylviculture, des phénomènes sociaux aussi divers la collection
(d'animaux, de plantes, d'invertébrés, de coquilles, etc. ou l'élevage domestique d'espèces
rares prélevées dans la nature, ou l'intérêt pour l'or (cf orpaillage destructeur en Amazonie
par exemple), ou l'intérêt pour des sous-produits animaux rares (caviar, fourrure), voire
l'impact de certaines médecines traditionnelles prélevant leurs ressources dans la nature
non-cultivée), du tourisme de nature ou encore de la pêche ou de la chasse de loisir...
aggravent la situation.
Au-delà de ces résultats, les auteurs de l’EEM portent leur espoir sur des interventions
économiques et financières qui pourraient constituer de puissants instruments de régulation
de l’usage des biens et services procurés par les écosystèmes.
Conclusion
La biodiversité est devenue un motif de préoccupation mondiale. Tout le monde n'est pas
d'accord sur le fait qu'une extinction massive est ou non en cours, mais la plupart des
observateurs admettent la disparition accélérée de nombreuses espèces, et considèrent
essentiel que cette diversité soit préservée, selon le principe de précaution.
La présence de l'homme, mais surtout l'intensivité de ses actions perturbent les équilibres
écologiques avec, notamment dans les plaines, une destruction et fragmentation croissante
des habitats, devenus deux des principaux facteurs de la perte d’un haut niveau de richesse
biologique, l'autre étant les invasions biologiques. Une grande partie des activités humaines
semblent compatibles avec le maintien d’une biodiversité importante à condition que
certaines règles de gestion et d’aménagement soient respectées. Certaines demandent de
profonds changements, sociaux, politiques et économiques. La volonté d’utiliser des outils
économiques pour évaluer la biodiversité en terme monétaire et ainsi orienter le
comportement de l’Homme soulève cependant deux questions majeures : est-ce acceptable
d’un point de vue éthique ? Est-ce faisable techniquement?
C’est sur l’ensemble de ces questions et de ces considérations que nous tenterons
d’apporter un éclairage dans le chapitre II.
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