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Ohadata D-08-33

L’ENVIRONNEMENT EN DROIT POSITIF CAMEROUNAIS


Par

Jean-Claude TCHEUWA
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II

Juridis, n° 63, p. 87

Si l’on affirme avec B. Boutros-Ghali, que « … Les actions concrètes destinées à sauvegarder la
planète et à gérer de manière attentive et équitable, les ressources à l’intérieur des pays, entre les pays
et entre les générations, n’ont pas été à la mesure des espoirs suscités et des engagements
souscrits… »1, force est de s’interroger sur la réception des exigences environnementales par les droits
nationaux. L’étude de la pratique camerounaise est, à cet égard, intéressante.
En effet, le Droit de l’Environnement représente cette branche du Droit (interne et international) qui
étudie l’ensemble des règles et mécanismes qui concourent à la protection et à la promotion de
l’environnement. Il est profondément marqué par sa dépendance étroite à l’égard des sciences et la
technologie. C’est, en d’autres termes, un droit qui bénéficie des innovations faites dans le domaine
technique, relativement à l’environnement2 ; ce qui explique son caractère mouvant et toujours en
perpétuelle construction3. Préserver l’environnement est une préoccupation récente. La véritable prise
de conscience au plan national, comme partout sur le continent africain par rapport aux problèmes de
l’environnement, date du Sommet de la Terre, qui s’est tenu à Rio de Janeiro au Brésil, en juin 19924.
Ce sommet a constitué un tournant décisif dans les relations internationales actuelles. Il a, en même
temps, porté un témoignage de la volonté collective et solidaire des pays, en faveur du développement
durable5. L’importance croissante, désormais accordée dans la politique environnementale, aux notions
de participation et de communication, dérive plus ou moins directement du débat international sur
l’environnement, qui s’est développé à l’occasion des grandes conférences mondiales, depuis la
deuxième moitié des années 19806.
Cette prise de conscience tardive affectera l’ensemble des sources du Droit international de
l’environnement. On notera ainsi, un foisonnement des conventions internationales relatives à
l’environnement. La coutume, quant à elle, sera largement dominée par sa version sauvage7. Cela n’a
cependant pas affecté son domaine, qui est allé en s’amplifiant. Le droit s’assimile et épouse
nécessairement le contenu des techniques qui lui fournissent des éléments nouveaux. Il n’y a qu’à
ausculter les conventions internationales relatives à l’environnement, et les lois nationales y relatives,

1
B. Boutros-Ghali, Message à l’occasion du Sommet Mondial pour le Développement Durable tenu à Johannesburg en 2002, La revue
Liaison Energie-Francophonie, N° 55, 56, 57, Numéro spécial, août, 2002, p. 3.
2
En ce sens, voir M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Edicef/Aupelf, 1996, p. 20 ; Voir aussi, A. Kiss, J.P. Beurier, Droit
international de l’environnement, 2ème éd., Pedone, Paris, 2000, p. 15.
3
En ce sens aussi, voir J.-Y. Cherot, A. Seriaux et al., Droit et environnement : propos pluridisciplinaires sur un droit en création,
Marseilles, PUM, 1995.
4
Il convient cependant, de signaler que certains Etats africains avaient, bien avant cette date, intégré des considérations
environnementales dans leurs ordres juridiques : il s’agit, notamment, du Bénin (Constitution de 1990, art.27), de la Namibie
(Constitution de 1990, art.35), du Mali (Constitution du 25/02/1992, art.15) et du Congo (Constitution du 15/03/1992, art.46, 47, 48).
Sur toute la question, voir D. Alland, Droit international public, PUF, Paris, 2000 ; J. Combacau et S. Sur, Droit international public,
Montchrestien, Paris, 2001 ; Voir aussi M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., pp. 33-50.
5
En ce sens, voir B. Boutros-Ghali, op.cit, p. 3.
6
Voir en ce sens, G. Berttoud, La forêt, un espace aux utilités multiples. La documentation française, n° 5168, mars 2003, p. 105.
7
La coutume sauvage c’est cette version de la coutume dont l’avènement s’effectue avec une certaine célérité, défiant la condition
temporelle qui caractérise la coutume sage. Sur l’ensemble de la question, voir A. Kiss, J.P. Beurier, Droit international de
l’environnement, op. cit., pp. 54-55.
pour comprendre que les règles de police en matière de pollution, sont désormais exprimées sous forme
de prescriptions techniques, physiques, chimiques ou acoustiques conduisant à un véritable ordre public
environnemental8. Les rapports entre normes internationales et réglementations nationales sont en
réalité inévitables, car la mise en œuvre au plan national, des principes de Droit international de
l’environnement, nécessite l’adoption d’un certain nombre de mesures, et la mise en place de systèmes
de contrôle.
Un constat mérite cependant d’être fait : les accords internationaux et déclarations sont souvent
silencieux sur la définition du concept d’environnement9. On est donc réduit à constater que
l’environnement, à travers ces conventions, est une notion générique et englobante qui intègre dans son
contenu, l’eau, l’air, la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l’atmosphère, etc.. . C’est d’ailleurs la
définition que donne la Convention de Lugano, qui pose clairement que l’environnement comprend
« les ressources naturelles abiotiques et biotiques telles que l’eau, l’air, le sol, la flore, la faune et
l’interaction entre ces mêmes facteurs ; les biens qui composent l’héritage culturel, et les aspects
caractéristiques du paysage10. La définition la plus élaborée est donnée par la CIJ, dans un avis du
8 juillet 1996. Elle affirme, en effet, que « l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien
l’espace où vivent les êtres humains, et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris
pour des générations à venir »11. Cette définition fait preuve d’une actualité saisissante, car elle prend
en compte non seulement l’environnement en tant que cadre de vie quotidienne, mais aussi et surtout,
en tant qu’élément d’un développement durable12. Il convient toutefois, de dire que la loi camerounaise
du 05 août 1996 pose clairement que « l’environnement constitue en République du Cameroun, le
patrimoine commun de la nation. Il est une partie intégrante du patrimoine universel »13. Cette
définition particulière implique nécessairement une interconnexion entre normes internationales et
normes internes. Son caractère abstrait ne permet pas de percevoir toute la subtilité de la notion
d’environnement. C’est ce qui justifie d’ailleurs, que la loi soit revenue sur la notion, en posant
clairement que l’environnement, c’est « l’ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres
biogéochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui
favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des
activités humaines »14.
Il est fréquent que dans ce domaine, l’application des règles et normes internationales entraîne
l’adoption d’actes législatifs et réglementaires relevant du droit interne des Etats. C’est dire qu’il existe
une synergie particulière entre les deux sources. En effet, la politique de la forêt et de l’environnement
ne se définit pas qu’à l’intérieur du périmètre national. De plus en plus et désormais dans des
proportions importantes, concernant des questions fondamentales, des normes et modalités de l’action

8
Voir M. Prieur, Droit de l’environnement, 4ème édition, Dalloz, Paris, 2001, pp. 6 et ss. ; Adon Gnangui, « La dégradation de
l’environnement urbain en Côte d’Ivoire », in Droit et environnement, Bulletin de Réseau « Droit de l’environnement », AUF, n° 8,
juin 2001, p. 8.
9
La lecture des Déclarations de Stockholm et Rio, et bien d’autres conventions, est à cet égard édifiante. Voir cependant, M. Kamto,
Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., p. 16 ; Voir aussi, M. Prieur, Droit de l’environnement, op. cit., pp. 1-5.
10
Voir la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement de
1993, article 2 (10).
11
Voir C.I.J, Avis du 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Rec. 1996, § 29. Voir aussi, CIJ, Arrêt du
25 septembre 1997, Affaire relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c/ Slovaquie), § 53. Cette définition est reprise mutatis
mutandis par le G8, dans le cadre du Plan d’action adopté à Evian, le 2 juin 2003 et portant sur la science au service du développement
durable, Documents d’actualité internationale, n° 15, août 2003, pp. 597-598.
12
Sur l’ensemble de la question, voir Energie-Francophonie, Numéro spécial Sommet de Johannesburg, août 2002. Relativement au
développement durable, il convient de préciser que l’on peut distinguer trois types de durabilité, qu’énumère bien Berttoud. Tout
d’abord la durabilité écologique, qui réside dans le maintien de la capacité des écosystèmes à reproduire leurs caractéristiques
biologiques ; ensuite, la durabilité économique, qui se réalise lorsque les bénéfices économiques apportés par la gestion forestière, ou
tout simplement, l’utilisation des ressources permettant leur renouvellement dans de bonnes conditions ; enfin, la durabilité sociale, qui
dépend de la capacité qu’a la société, d’assurer par des mécanismes permettant de garantir sa cohésion, la mise en œuvre des processus
de gestion correspondants. Pour aller plus loin, voir G. Berttoud, op. cit. pp. 106 et ss et G. Fievet, « Réflexions sur le concept de
développement durable : Prétention économique, principes stratégiques et protection des droits fondamentaux », RBDI, 2001/1,
pp. 128 et ss.
13
Voir art. 2 al. 1.
14
Voir article 4 al. K de la loi n° 96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement. Voir aussi, M. Kamto,
Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., p. 16.
publique dérivent des choix qui sont pris dans des instances internationales. Il se crée ainsi, un faisceau
de relations entre les normes de droit interne et des normes de droit international15, au point où l’on est
amené à s’interroger sur ces rapports en droit camerounais de l’environnement. Mais, au-delà de ces
rapports, une autre question, plus importante, mérite d’être posée. En effet, comment le droit positif
camerounais aborde les questions environnementales16 ? En d’autres termes, comment est-ce que ces
politiques initiées au niveau international sont accueillies et mises en œuvre en droit interne ?
Autrement dit, et au-delà des rapports classiques qu’entretiennent ces normes, l’on peut se demander
comment la réglementation camerounaise parvient-elle à se mettre en adéquation avec les accords
internationaux relatifs à l’environnement ? Ces questions en induisent une autre : le droit positif
camerounais est-il soucieux des préoccupations environnementales, telles qu’énoncées par les
Déclarations de Stockholm, de Rio et par bon nombre de conventions pertinentes auxquelles le
Cameroun est partie17 ?
Il s’agira ici, à travers la démarche retenue, de démontrer que les préoccupations environnementales
sont une réalité bien établie en droit positif camerounais, et que la reconnaissance du droit à
l’environnement pourrait fonder des demandes de réparation des préjudices environnementaux, par
l’ensemble des citoyens18. Cela serait d’autant plus vrai, que l’environnement représente en République
du Cameroun, le patrimoine commun de la nation19. La réponse à une telle préoccupation passe
nécessairement par l’analyse de la constitutionnalisation des questions environnementales en droit
camerounais (I), et par la mise en œuvre des normes y relatives dans l’ordre juridique de cet Etat (II).

I. La constitutionnalisation des questions environnementales au Cameroun


La constitutionnalisation, c’est le processus par lequel, le pouvoir constituant intègre dans la
Constitution, des matières qui jusque-là, étaient restées en dehors. C’est, en clair, un phénomène
d’irrigation de tout l’ordre juridique par la Constitution20. Si la France a choisi la voie d’une Charte de
l’Environnement adossée à la Constitution de 195821, le Cameroun, quant à lui, a opté pour
l’inscription directe des préoccupations environnementales dans la Constitution. Comme au plan
international et continental, la prise de conscience sur les questions environnementales est récente au
Cameroun22. Elle s’est forgée progressivement, au fur et à mesure des exigences au plan universel. Si
les constitutions camerounaises précédentes étaient restées muettes sur les normes et préoccupations

15
En ce sens aussi, voir A. Kiss, J.P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 48.
16
Il convient de noter qu’au plan institutionnel, la réglementation camerounaise a connu un réaménagement qui n’a pour l’instant, pas
porté atteinte au droit substantiel. Il s’agit précisément, du décret n° 2004/320 du 08 décembre 2004 portant organisation du
gouvernement, qui a scindé l’ex Ministère de l’Environnement et des Forêts, en deux départements : le Ministère de l’Environnement
et de la Protection de la Nature, et le Ministère des Forêts et de la Faune. Leurs attributions respectives sont précisées aux articles 5
al. 19 et 5 al. 21.
17
Sur les Traités, Déclarations et Résolutions relatifs à l’environnement, voir M. Prieur, Droit de l’environnement, op. cit. pp. 15-17. Voir
aussi, L. Boisson de Chazournes, R. Desgagné et C. Romano, Protection internationale de l’environnement, Recueil d’instruments
juridiques, Pedone, Paris, 1998.
18
En ce sens, L. Le Corre, « Marée noire de l’Erika : vers une réparation du préjudice écologique ? » Rev. Droit de l’environnement,
n° 97, avril 2002, p. 93.
19
Voir article 1er de la Loi camerounaise du 05 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement.
20
Voir en ce sens, F. Mélin-Soucramanien, Constitution de la République Française, A. Colin, Paris, 2004, p. xvi. Voir en ce sens aussi,
L. Favoreu, P. Gaïa et autres, Droit constitutionnel, 7ème éd., Dalloz, Paris, 2004, p. 80 ; S. Mouton et H. Roussillon, « Le rôle des
Cours Constitutionnelles dans la constitutionnalisation des branches du droit », in Constitution et droit interne, Académie internationale
de droit constitutionnel, 16ème session, Tunis, 2000, CERES, Tunis 2001, pp. 89-129. En ce sens aussi, L. Favoreu, « Modèle américain
et modèle européen de justice constitutionnelle », Etudes, AIJC, vol. IV, 1988, pp. 65 et ss. Contrairement au Cameroun, la France a
choisi une technique différente. En effet, le problème de la 6constitutionnalisation de l’environnement s’est posé, et la difficulté restait
celle de la méthode à adopter. Certains auteurs se sont posé la question de savoir si « la France devait constitutionnaliser les grands
principes de la protection de l’environnement, et sous quelle forme ? » (J. Morand-Deviller, « La Constitution et l’Environnement »,
Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 15, 2003, p. 120).
21
Voir Y. Jégouzo, « Quelques réflexions sur le projet de Charte de l’Environnement », Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 15,
2003, pp. 123 et ss. ; M. Prieur, « Vers un droit de l’environnement renouvelé », Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, op. cit., pp.
130 et ss. ; B. Mathieu, « Observations sur la portée normative de la Charte de l’environnement », Les Cahiers du Conseil
Constitutionnel, n° 15, op. cit., pp. 145 et ss. Voir aussi, à titre de droit comparé, M-F Delhoste, « L’environnement dans les
Constitutions du monde », RDP, n° 2/2004, pp. 441-455. Précisons que la loi portant Charte de l’Environnement est passée en première
lecture devant l’Assemblée Nationale, le 1er juin 2004.
22
Voir Adon Gnangui, « La dégradation de l’environnement urbain en Côte d’Ivoire », op. cit., p. 6.
environnementales, celle de 1996 constitutionnalise l’environnement et tout son droit, car non
seulement cette Charte fondamentale qui guide la réglementation camerounaise, présente
l’environnement comme l’une de ses préoccupations majeures (A), mais également, elle permet au
législateur, d’adopter une approche dynamique qui correspond parfaitement aux exigences des normes
et accords internationaux relatifs à l’environnement (B)23.

A. Une préoccupation du constituant camerounais de 1996


Le droit international de l’environnement, entendu comme un ensemble de normes et engagements
souscrits sur le plan international, a pris timidement place au sein de la réglementation camerounaise, à
partir de 1992, c’est-à-dire juste au lendemain de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement
et le Développement, réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992. La détermination du Cameroun en
faveur des préoccupations environnementales ira en s’affirmant davantage. C’est ainsi que l’on
adoptera dès 1994, la loi portant régime des forêts, de la faune et de la pêche24, dont les aspects
forestiers sont le pendant national de la Déclaration de Rio sur les forêts25. La consécration de cette
volonté au niveau normatif se fera en 1996, lorsque le constituant camerounais prendra position par
rapport à l’environnement (1), et aux normes internationales relatives à l’environnement (2).

1. Une prise de position claire


Le constituant de 1996 exprime clairement sa position en faveur des questions environnementales.
Le ton est donné dès le préambule, où il cite, au titre de l’énumération des droits et libertés
fondamentales, le droit à un environnement sain26. Il dispose en clair, que « toute personne a droit à un
environnement sain. La protection de l’environnement est un devoir pour tous. L’Etat veille à la
défense et à la promotion de l’environnement »27. Il a ainsi, adopté une position dynamique qui en fait
un droit fondamental de l’homme. Il rejoint ce faisant, non seulement la Déclaration de Stockholm qui,
en son principe 1, pose que « l’homme a un droit fondamental à un environnement dont la qualité lui
permette de vivre dans la dignité et le bien-être »28, mais aussi certaines Constitutions des pays
africains, qui l’ont devancé. C’est notamment le cas de la Constitution namibienne de 1990, qui en son
article 35 al. 1, place parmi les principes de la politique publique, « le maintien des écosystèmes, des
processus écologiques essentiels et de la diversité biologique, et l’utilisation des ressources naturelles
vivantes sur une base durable, pour le bénéfice de tous les Namibiens présents et à venir ». Il ne se
limite pas à énoncer ce droit fondamental ; il pose aussi la problématique de l’environnement en terme
de devoir pour tout citoyen, de concourir à sa protection. La préservation de l’environnement est donc
présentée non seulement comme un droit, mais aussi comme un devoir des citoyens. Au regard de cette
dernière prescription, l’on peut dire que le constituant camerounais avait déjà compris que la protection
de l’environnement commence au niveau du citoyen, et de la ménagère, c’est-à-dire à la base, ouvrant
ainsi la voie à une approche participative intégrant à la fois l’Etat, la société et toutes les autres

23
Sur la constitutionnalisation des droits fondamentaux en Afrique, voir M. KAMTO, « Charte africaine, instruments internationaux de
protection des droits de l’homme, constitutions nationales : Articulations respectives », in J-F. FLAUSS, E. LAMBERT-
ABDELGAWAD (dir), L’application nationale de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, Bruylant, Bruxelles, 2004,
pp. 32 et ss. Ici, l’auteur analyse amplement la constitutionnalisation des droits fondamentaux de l’homme, en insistant sur deux voies
ou techniques possibles : la constitutionnalisation bloquée et la technique du bloc de constitutionnalité.
24
Voir la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. Il convient de signaler que cette loi est très
souvent invoquée devant le juge camerounais ; Voir encore tout récemment, à titre d’exemple, le jugement n° 48 du 04/11/2003 du TPI
de Yabassi et le jugement n° 628 du 12/11/2003 du TPI de Yaoundé (infra).
25
Sur l’ensemble de cette Déclaration, voir M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., pp. 169-171.
26
Ce faisant, la Constitution camerounaise s’inscrit dans la même logique que d’autres textes internationaux relatifs aux droits de
l’homme. C’est le cas de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de juin 1981, qui proclame un droit à un
environnement satisfaisant et global. C’est le cas aussi de la Charte américaine des droits de l’homme qui, à l’article 11 de son
protocole additionnel de 1988, reconnaît que « chacun a le droit de vivre dans un environnement sain, et d’avoir accès aux services
publics essentiels… ». Sur les autres Constitutions africaines partageant la même préoccupation, voir M. Kamto, Droit de
l’environnement en Afrique, op. cit., p. 67 ; Voir également, J. du Bois de Gaudusson, G. Conac et Ch. Desouches, Les constitutions
africaines publiées en langue française, Bruylant, La documentation française, Paris/Bruxelles, 1998, 2 tomes.
27
Constitution de la République du Cameroun du 18/01/1996, Préambule, 21ème tiret.
28
Conférence des Nations Unies tenue à Stockholm du 5 au 16 juin 1972, Principe 1.
communautés. Cette synergie mise en place vise un seul objectif : parvenir à un développement
durable. Il naît donc à partir de là, dans la réglementation camerounaise, un ordre public écologique29,
confirmant bien les options camerounaises en faveur des prescriptions internationales relatives à
l’environnement.
La charte fondamentale de la République du Cameroun met à la charge de l’Etat, une « soft
obligation », à l’image même de tout le Droit international de l’environnement. En effet, l’Etat veille à
la défense et la promotion de l’environnement. Cette obligation est soft, de par la nature même de la
terminologie utilisée ici (veille).
L’affirmation d’un ordre public environnemental n’épuise pas fondamentalement la question de la
constitutionnalisation de l’environnement, car la Constitution de 1996 revient sur la question, bien que
de façon voilée, lorsqu’elle précise les compétences qui seront celles des régions. Ne pose-t-elle pas
que, « … les conseils des collectivités territoriales décentralisées ont pour mission, de promouvoir le
développement économique, social, sanitaire, . . . et culturel de ces collectivités »30. On sait que ces
domaines rentrent aujourd’hui, de manière décisive, dans le cadre générique de l’environnement, et
qu’il existe, sous-jacentes à cette énumération, des idées de cadre de vie et de qualité de vie, chères au
Droit international de l’environnement31 et à la réglementation nationale32. Ce faisant, elle élargit la
sphère de responsabilité. L’Etat n’est plus, en effet, le seul responsable des manquements ou omissions
en matière de protection de l’environnement ; les collectivités locales le deviennent aussi, au regard des
nouveaux aménagements faits par la nouvelle Constitution.

2. L’applicabilité au Cameroun, des normes et accords internationaux relatifs à l’environnement


La réglementation nationale camerounaise organise la réception des normes internationales relatives
à l’environnement. En effet, l’option faite au Cameroun en faveur du monisme avec primauté du Droit
international, s’applique largement en droit de l’environnement. Il s’agit des rapports entre le droit
interne et le droit international, et qui sont aujourd’hui, bien établis. La Constitution camerounaise de
1996 pose en effet, que « les traités et accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont,
dès leur publication, une autorité supérieure à celle de la loi, sous réserve pour chaque accord ou traité,
de son application par l’autre partie »33. Les normes et accords internationaux sont, de ce fait, intégrés
au sein de la hiérarchie normative camerounaise. Ils se situent au sein de cette pyramide, au-dessus de
la loi et légèrement en dessous de la Constitution qui organise leur réception34. Ceux-ci sont
d’applicabilité directe, sous réserve que leur contenu soit suffisamment clair et précis35. Cela est
fondamental, si l’on prend en considération la construction progressive d’une organisation d’intégration
dans la sous-région d’Afrique Centrale. En réalité, les normes communautaires de la CEMAC relatives
à l’environnement ont la primauté sur le droit interne et sont d’applicabilité directe. Il n’est pas inutile

29
Voir P. Dassé, Commentaire, Affaire Ministère Public et MINEF c/ Maurice Tsafack et autres, TPI de Dschang, 25 juin 1996, RASJ,
Université de Yaoundé II, vol. l, N° 2/2000, p. 246 et ss.
30
Voir les articles 55-2, art. 56-1-2 de la Constitution du 18-01-1996 ; Voir aussi, l’art. 3 de la loi-cadre du 05-08-1996 portant gestion de
l’environnement.
31
La quasi-totalité d’accords internationaux relatifs à l’environnement revient sur ces notions de cadre de vie et qualité de vie ; il n’y a
qu’à voir les Déclarations de Stockholm et de Rio.
32
Voir la réglementation camerounaise, notamment la loi du 05-081996, op. cit. L’on peut illustrer l’activité des municipalités, par deux
arrêtés municipaux : celui n° 002/91/AN/CUA/Y2/SG du 14-12-1991 fixant les modalités d’inspection d’établissements dangereux,
insalubres ou incommodes de la commune d’arrondissement de Yaoundé II, et celui n° 003/AM/CUA/Y6 du 24 juillet 1997 portant
assainissement de l’arrondissement de Yaoundé VI.
33
Voir article 45 de la Constitution camerounaise de 1996.
34
N. Mouelle Kombi, « Les dispositions relatives aux conventions internationales dans les nouvelles constitutions des Etats d’Afrique
francophone », Annuaire africain de droit international, juin 2001, p. 255 et ss. Voir aussi, J.C. Tcheuwa, « Le droit international à
travers la nouvelle constitution camerounaise du 18/01/1996 », TDP, 1999/1, pp. 77-91. Voir aussi, M. Boes, « La transcription du
droit international conventionnel de l’environnement dans le droit national des Etats quasi fédéraux : le cas de la Belgique », in
M. Prieur et S. Doumbé Billé (dir), Droit de l’environnement et développement durable, PULIM, 1994, p. 49.
35
Voir l’application en droit camerounais, des dispositions des accords CITES par le Ministère de l’Environnement et des Forêts, et par
les juridictions internes, notamment, jugement n° 502/Co du 22 décembre 1994 du Tribunal de Première Instance d’Ebolowa, Affaire
Ministère Public et Ministère de l’Environnement et des Forêts contre Ndjé Michel, relative à l’abattage sans autorisation légale, des
essences protégées. Voir aussi, M. Boes, « La transcription du droit international conventionnel de l’environnement », op. cit., p. 48.
de rappeler que les questions environnementales font partie des politiques sectorielles de la CEMAC36.
Il convient cependant, de noter le cas particulier de certaines conventions-cadres sur l’environnement
qui, dans certains cas, nécessitent la conclusion d’autres accords précisant leur contenu, ou tout
simplement, l’adoption d’une loi permettant leur mise en œuvre effective. Une telle procédure ne remet
point en cause l’option moniste de la Constitution camerounaise, car la loi adoptée ne vise pas à
permettre la réception de ladite convention, mais simplement, sa mise en œuvre. Il faut cependant dire
que ces deux notions ont, en droit international, des significations propres.
A cette option moniste que conforte l’applicabilité directe37, vient s’ajouter une adhésion globale du
Cameroun à la Charte des Nations Unies, ainsi qu’à toutes les conventions internationales dûment
ratifiées. La Charte des Nations Unies et le droit dérivé de cette organisation accordent une place de
choix aux questions environnementales. L’analyse de l’évolution normative et institutionnelle au plan
universel est, à cet égard, édifiante38.

B. Une approche dynamique du législateur


Le constituant camerounais n’a pas épuisé la problématique du rapport entre accords internationaux
et réglementation nationale relative à l’environnement. Il n’a fait que préciser un cadre global dans
lequel il est loisible pour le législateur, de prendre des mesures d’harmonisation, de protection et de
promotion effectives. Cette dévolution de compétence en matière environnementale découle de
l’énoncé même de l’article 26, qui définit le domaine de la loi39. Son approche dynamique découle de la
dimension du domaine qu’il accorde à l’environnement (1), et des préoccupations environnementales
très poussées qu’il réserve à certains codes sectoriels portant sur des activités pouvant causer des
dommages à l’environnement. C’est le cas du secteur pétrolier (2)40.

1. Un domaine environnemental considérablement élargi par le législateur camerounais


Le législateur camerounais, fort des compétences qu’il tire de la Constitution, a retenu une définition
large qui lui permet de donner force aux prescriptions des normes et accords internationaux y relatifs.
Il indique prima facie, pour démontrer l’importance qu’il attache à l’environnement, que celui-ci
« constitue en République du Cameroun, un patrimoine commun de la nation »41. Il s’agit, assurément
là, d’un environnement pris de manière abstraite. Ce qui n’aide pas à la compréhension de son étendue,
mais qui donne à la protection qui lui est due, ainsi qu’à tout son droit, une autre dimension. Cette
formule rappelle étrangement celle qui découle de la Convention de Montego Bay sur le Droit de la
Mer, et qui fait de la Zone et de ses ressources, le patrimoine commun de l’Humanité42. Cette première
indication représente l’une des avancées du Droit de l’Environnement au Cameroun, car non seulement
il est patrimoine commun de la nation, mais également, ce qui est plus révélateur, il fait partie
intégrante du patrimoine universel. Cette démarche globalise ipso facto les mécanismes et normes de
protection. Sa mise en œuvre suppose donc une nécessaire harmonie entre les normes et accords
internationaux et la réglementation nationale.
Le domaine ou l’étendue de l’environnement est considérablement élargi à travers les lois adoptées
par le législateur. Si l’on s’en tient à la loi-cadre du 05 août 1996 relative à la gestion de

36
La Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique Centrale, inscrit au rang de ces politiques, l’agriculture, l’élevage et la
pêche (art. 33 et ss.), l’énergie (art. 36 et ss.), la protection de l’environnement (art. 39 et ss.).
37
Ces notions d’applicabilité directe, et surtout de primauté, visent les actes communautaires qui seront pris dans le cadre de la CEMAC,
en matière environnementale. Il convient ici, de signaler que la protection de l’environnement en Afrique Centrale, fait partie des
politiques sectorielles où l’action du Conseil des Ministres est déterminante (règlements et recommandations). Voir articles 39 à 41 de
la Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique Centrale.
38
Voir D. Alland, Droit international public, op. cit. ; Nguyen Q. Dinh, A. Pellet, P. Daillier, Droit international public, LGDJ, 7ème éd.,
Paris, 2002.
39
Voir in fine article 26, et surtout, les alinéas a-1, d-4-5, e.
40
Nous n’analyserons pas ici, la question des rapports entre l’exécutif et le législatif, et encore moins, la répartition des compétences entre
ces deux organes. Le problème se pose en terme classique autour de l’analyse des articles 26, 27 et 28 de la Constitution du Cameroun
du 18/01/1996.
41
Article 2 (1) de la loi camerounaise du 5-08-1996.
42
Voir art. 136 de la Convention de Montego Bay de 1982.
l’environnement, l’on peut dire, sans risque de se tromper, que l’environnement intègre – et
conditionne même – tous les aspects de la vie humaine. En effet, cette loi pose que « l’environnement
est l’ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres biogéochimiques auxquels ils
participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la
transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines »43. La
loi de 1996 définit le régime juridique de certains domaines et de certaines activités qui participent de
la protection de l’environnement. Elle appréhende l’environnement, pour ce qui est de sa gestion, en se
plaçant sous trois angles distincts qui rappellent les préoccupations de tous les accords internationaux
relatifs à l’environnement.
Tout d’abord, le titre III de la loi-cadre de 1996 protège les milieux récepteurs44 que sont
l’atmosphère, les eaux continentales et les plaines d’inondation, le littoral et les eaux maritimes, les sols
et le sous-sol et les établissements humains. Le contenu de cette loi suffit, à lui seul, pour démontrer
l’étendue et le domaine de l’environnement au Cameroun, de son droit, et les rapports de ce dernier
avec les normes et accords internationaux, car tous ces domaines font aussi l’objet d’une approche
sectorielle sur le plan international.
Ensuite, ce même titre en son chapitre IV, définit le régime de certaines nuisances, en prenant en
considération les déchets, les établissements classés, des nuisances sonores et olfactives, qui viennent
renforcer cet ordre public environnemental amorcé dans la Constitution de 1996.
Enfin, le législateur camerounais de 1996 adhère aux principes énoncés, et qui sont maintenant bien
établis en droit international de l’environnement. La loi du 05 août 1996 relative à la gestion de
l’environnement au Cameroun, reprend à son compte, le principe de précaution, le principe de
prévention, le principe pollueur-payeur, le principe de responsabilité, en y ajoutant de manière décisive,
le principe de participation et celui de subsidiarité45. Au-delà des définitions que la doctrine et le droit
interne et conventionnel donnent à ces principes, l’on peut affirmer que de manière générale, ils
apparaissent en effet, comme des moteurs privilégiés des actions et des processus à la fois
complémentaires et contradictoires qui sous-tendent la politique de l’environnement46. Ils se
singularisent par leur vertu à la fois anticipative, participative et curative. Il ne manque pas de s’inscrire
dans l’air du temps, en accordant un intérêt certain au principe du développement durable, qu’il définit
comme « le mode de développement qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations
présentes, sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs »47.
L’emboîtement entre accords internationaux et réglementation nationale est parfait ici. Cette prise en
compte des prescriptions internationales par la réglementation camerounaise, s’affirme aussi, avec
suffisamment de force, à travers l’approche sectorielle du législateur.
43
Article 4-k de la loi cadre du 05-08-1996.
44
Tout le chapitre III du titre III.
45
Voir loi n° 96/12 du 05/08/1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement, chapitre III, art. 9. Le principe de
subsidiarité ici, signifie qu’en l’absence d’une règle de droit écrit, générale ou spéciale en matière de protection de l’environnement, la
norme coutumière identifiée d’un terroir donné et avéré plus efficace pour la protection de l’environnement, s’applique. Il s’agit là,
d’une spécificité camerounaise consacrant la coutume comme source du droit de l’environnement. Sur les autres aspects du principe de
subsidiarité, voir G. Fievet, « Réflexion sur le concept de développement durable ... », op. cit., pp. 160-164 ; Voir aussi C. Million-
Delsol, Le principe de subsidiarité, Puf, Paris, 1993.
46
A titre d’illustration, nous reproduirons simplement les définitions retenues par la loi-cadre de 1996. L’art. 9-a pose que le principe de
précaution est « un principe selon lequel, l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du
moment, ne doit pas retarder l’adoption des mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et
irréversibles à l’environnement, à un coût économiquement acceptable » ; Le principe de prévention postule la correction, par priorité,
à la source des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable
(art. 9-b) ; Le principe pollueur-payeur selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de la
lutte contre celle-ci et de la remise en l’état, du site pollué, doivent être supportés par le pollueur (art. 9-c) ; Le principe de
responsabilité selon lequel toute personne qui, par son action, crée des conditions de nature à porter atteinte à la santé de l’homme et à
l’environnement, est tenue d’en assurer ou de faire assurer l’élimination, dans des conditions propres à éviter lesdits effets (art. 9-d) ;
Le principe de participation selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l’environnement (...) et participer
à la prise des décisions relatives à l’environnement (art. 9-e). Sur l’ensemble de ces principes, voir Nicolas de Sadeleer, Les principes
pollueur-payeur, de prévention et de précaution :Essai sur la genèse et la portée juridique de quelques principes du droit de
l’environnement, Bruylant / AUF, Bruxelles, 1999, pp. 31 et ss. ; C. Cans, « Grande et petite histoire des principes généraux du droit de
l’environnement dans la loi du 02/02/1995 », RJE, 1995, pp. 195-217.
47
Voir article 4-d de la loi-cadre de 1996. Sur une approche critique du principe, voir G. Fievet, « Réflexion sur le concept de
développement durable … » op. cit., pp. 128 et ss.
2. Une approche sectorielle intégrant amplement la protection de l’environnement
De nombreuses lois ont été adoptées par le législateur camerounais, relatives à des secteurs bien
particuliers susceptibles d’affecter l’environnement. C’est le cas de la loi camerounaise du 20 janvier
1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche48. Son article 1er pose clairement que « la
présente loi et les textes pris pour son application fixent le régime des forêts, de la faune et de la pêche,
en vue d’atteindre des objectifs généraux de la politique forestière, de la faune et de la pêche, dans le
cadre d’une gestion intégrée assurant de façon soutenue et durable, la conservation et l’utilisation
desdites ressources et des différents écosystèmes ». On le voit, cette loi reste marquée par le souci de
mettre en place une politique de développement écologiquement durable. Elle garde encore
aujourd’hui, son actualité, car elle intégrait déjà considérablement les actions indiquées lors du Sommet
de la Terre tenu à Johannesburg en 2002, et celles plus récentes encore, issues de la réunion de janvier
2003 tenue à Paris et regroupant 14 gouvernements des pays du Nord et du Sud, ainsi que les ONG et la
Commission Européenne. Il convient de signaler que le but de ces rencontres était de mettre en place,
un plan régional de convergence des engagements nationaux, en vue d’une gestion durable des
écosystèmes forestiers. C’est aussi le cas de la loi du 22 décembre 1999 portant code pétrolier49,
matière qui fait bien partie du domaine de la loi, tel que précisé par l’article 26 de la Constitution du
Cameroun. Son chapitre II traite de la protection de l’environnement, en imposant au titulaire du
contrat, l’obligation de veiller au respect de l’environnement50.

C. Un apport décisif de l’exécutif


Le règlement joue en la matière, un rôle très important. L’exécutif produit, en effet, un nombre
impressionnant de décrets, arrêtés, circulaires et décisions relatifs à la gestion et à la protection de
l’environnement. Il est en réalité, l’organe central en la matière, car les textes réglementaires couvrent
l’ensemble des domaines concernés51.
Le texte d’application de la loi du 22 décembre 1999 portant code pétrolier est, à cet égard, édifiant.
Il s’agit du décret n° 485/2000 du 30 juin 2000 portant modalité d’application de ladite loi. Son titre X
est entièrement consacré à la protection de l’environnement et aux mesures de sécurité. Ce décret vient
enrichir le paysage normatif camerounais, en matière de protection de l’environnement, car non
seulement il met en place un comité de protection contre la contamination due aux hydrocarbures, mais
aussi, il va plus loin, en précisant la notion de substances dangereuses, et en affirmant le contenu de
l’étude d’impact environnemental relativement aux opérations pétrolières.
Il met à la charge du titulaire d’un contrat pétrolier, un ensemble d’obligations prises en fonction de
la réglementation en vigueur, et des normes et pratiques généralement admises dans l’industrie
pétrolière internationale. Il s’agit notamment, de :
- la souscription des polices d’assurance couvrant les dommages aux personnes et aux biens, résultant
des opérations pétrolières ;
- la minimisation des dommages causés à l’environnement sur le périmètre contractuel, résultant des
opérations pétrolières ;
- la mise en place d’un système de prévention d’accidents et les plans d’urgence à adopter en cas de
sinistre ou de menace présentant un danger pour l’environnement et la sécurité des populations et
des biens ;

48
Voir la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994.
49
Loi n° 99/013 du 22-12-1999 portant code pétrolier
50
Voir articles 82 et 83. Cette question a fait l’objet de plusieurs contestations devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples ; Voir Affaire Social and Economic Rights Actions Center, Center for Economic and Social Rights c/ Nigeria, Commission
africaine, Banjul, 2001.
51
Pour s’en convaincre, voir le décret n° 95/466/PM du 2 juillet 1995 fixant les modalités du régime de la faune et de la flore ; le décret
n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts ; le décret n° 99/820/PM du 09 novembre 1999
fixant les conditions d’agrément des personnes physiques ou morales, à l’exploitation des laboratoires de contrôle de pollution ; l’arrêté
n° 0002/MINEPIA du 01 août 2001 fixant les modalités de protection des ressources halieutiques ; l’arrêté n° 433 du 24 août 1999
portant organisation et fonctionnement du comité de pilotage et de suivi des pipelines (art. 5-A sur la section de l’environnement, du
tracé et de la sécurité). Voir aussi l’arrêté préfectoral n° 01487/AP/JO6/SP du 7 juillet 1997 instituant le programme d’urgence de lutte
contre l’insalubrité dans la ville de Yaoundé.
- l’élimination, le traitement et le contrôle des émissions de substances toxiques issues des opérations
pétrolières susceptibles de causer des dommages aux personnes, aux biens et à l’environnement52.
Il crée ensuite, un comité de protection contre la contamination due aux hydrocarbures, ayant pour
mission d’assister le Gouvernement dans l’application de la législation et de la réglementation en
vigueur en matière de protection de l’environnement et de sécurisation des opérations pétrolières.
Il définit enfin, les déchets de manière énumérative, en y intégrant les déblais de forage, les boues à
base d’huile, les déchets ménagers produits pendant la réalisation des opérations pétrolières53.
En outre, le décret insiste sur l’étude d’impact environnemental, c’est-à-dire au sens de la loi-cadre
de 1996, « l’examen systématique en vue de déterminer si un projet a ou n’a pas un effet défavorable
sur l’environnement »54. Il donne, ce faisant, l’opportunité à la réglementation camerounaise, de
s’insérer parfaitement dans le cadre du système international de protection de l’environnement55. Cette
exigence légale que représente aujourd’hui l’étude d’impact, est un préalable à l’autorisation de la
réalisation de tout projet pouvant avoir une incidence sur l’environnement. La loi-cadre sur la gestion
de l’environnement de 1996 et la loi portant code pétrolier de 1999, l’ont posée, et les décrets
d’application l’ont précisée. C’est une responsabilité qui pèse sur le promoteur ou le maître d’ouvrage,
et dont la finalité est d’évaluer les incidents directs ou indirects du projet sur l’équilibre écologique, la
qualité de vie et sur l’environnement en général56.

II. La mise en œuvre des normes environnementales en droit camerounais


La mise en œuvre des normes relatives à l’environnement est une opération à procédures de nature
interne et internationale. Il s’agit, là encore, à n’en point douter, d’une zone de rencontre entre accords
internationaux et réglementation nationale. Des mécanismes institutionnels et normatifs sont mis en
place au niveau international, pour s’assurer de l’adéquation entre ces deux catégories, de sources ou de
normes (A). Au niveau national, la mise en œuvre des normes et accords relatifs à l’environnement,
patrimoine universel, est soumise à une double action (B).

A. Une mise en œuvre sous contrôle international


Nés et consacrés en droit international des Droits de l’Homme, les mécanismes de suivi de
l’adéquation de la réglementation nationale aux normes internationales, ont pris un relief particulier en
droit de l’environnement, depuis la Déclaration de Rio57. En effet, des systèmes de rapports étatiques
ont été mis en place à cette fin (1). Ces rapports étatiques sont accompagnés d’un contrôle plus strict
qui s’opère sur le plan international, permettant par-là même, de s’assurer du sort qui est réservé aux
normes environnementales de facture internationale, par les réglementations nationales (2).

1. Le système des rapports étatiques

52
La prise en compte de ces obligations met le Cameroun à l’abri de certaines contestations, attaques ou plaintes venant des ONG ou des
populations avoisinantes, car l’on retrouve là, mutatis mutandis, l’ensemble des griefs soulevés par le peuple Ogoni à l’encontre du
gouvernement nigérian, dans le cadre des affaires traitées par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et impliquant le Nigeria
(Social and Economic Rights Actions Center C/ Nigeria), op. cit.
53
Voir les articles 61, 62, 63 et 64 du décret n° 485/2000 du 30/06/2000 fixant les conditions et modalités d’application de la loi
n° 99/013 du 22/12/1999 portant code pétrolier. Voir aussi la loi n° 96/14 du 05/08/1996 portant régime du transport par pipeline des
hydrocarbures en provenance des pays tiers, notamment, les articles 19 et 21. Voir également, la loi n° 98/005 du 14 avril 1998 portant
régime de l’eau, notamment, les articles 5 et ss.
54
Voir art. 4-0 de la loi-cadre de 1996 ; Voir aussi M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit., pp. 95 et ss.
55
Sur l’ensemble de la question, voir d’importants développements faits par le professeur M. Kamto, Droit de l’environnement en
Afrique, op. cit., pp. 95-102 ; Voir aussi A. Kiss, J.P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., pp. 141-144.
56
Cette manière de procéder rappelle la position de la CIJ, lorsqu’elle affirme que « la vigilance et la prévention s’imposent en raison du
caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes aux mécanismes mêmes de la
réparation de ce type de dommage... » , CIJ, Affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros, Arrêt du 25/09/1997, § 140.
57
En ce sens, voir A. Kiss, J.P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p. 50.
Cette technique prend place dans le cadre générique de promotion des préoccupations
environnementales. La présentation de rapports y occupe une place de choix58. C’est une procédure
largement répandue, et qui trouve application dans le cadre de toutes les grandes conventions de
protection de l’environnement. Ces conventions posent en effet, que « selon une périodicité qui sera
déterminée (…), chaque partie contractante présente à la Conférence des Parties, un rapport sur les
dispositions qu’elle a adoptées pour appliquer la convention, et la mesure dans laquelle elles ont permis
d’assurer la réalisation des objectifs qui y sont énoncés (…) ».
Les Etats doivent donc rendre compte par écrit (rapport), de leurs activités relativement à telles ou
telles autres conventions auxquelles ils sont parties. Dans ces rapports, ils font état des mesures
législatives, réglementaires et administratives qui ont été adoptées. La publication des rapports est, au
regard du système international et des solidarités naissantes, un mécanisme traditionnel de contrôle59.
La pratique camerounaise en matière de mise en œuvre s’enrichit tous les jours davantage60. Il n’est
cependant pas inutile de rappeler que les autorités camerounaises respectent très peu cette exigence,
qu’il s’agisse du droit de l’environnement ou des droits de l’homme en général.
C’est la technique dite du « reporting system », qui permet aux Etats parties, d’adresser
périodiquement des rapports à un organe créé ou désigné par ce Traité, sur la façon dont ils s’acquittent
de leurs obligations conventionnelles consenties dans le cadre dudit Traité61. Ainsi, le Comité
d’Application du Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone, qui est
chargé de surveiller les Etats, avait inscrit le Cameroun au rang des Etats n’ayant pas encore fait l’objet
de sanction. Le travail régulier effectué par cet organe, sur la base de rapports étatiques, l’a poussé à
demander au Secrétariat, de prendre des mises en garde et de demander des explications à 24 Etats
parties en situation dite de non-conformité62. Dans certains cas, il peut être demandé d’analyser les
effets pratiques de l’application de ces mesures, car certaines conventions se contentent d’orienter les
programmes d’action nationaux. C’est le cas de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la
Désertification des pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en
Afrique. Son article 10, qui traite du régime des programmes nationaux, pose un effet que « (...) les
programmes d’action nationaux précisent le rôle revenant respectivement à l’Etat, aux collectivités
locales et aux exploitants des terres, ainsi que les ressources disponibles et nécessaires (... ) »63.
Conformément à cette convention, les Etats doivent adopter des stratégies à long terme, pour lutter
contre la désertification et atténuer les effets de la sécheresse. Le Cameroun n’a-t-il pas réactivé le
programme ou l’opération « Sahel vert », dans l’Extrême Nord, en vue justement de se mettre en
conformité avec les préoccupations de cette convention64 ? Cette pratique d’analyse des rapports est
importante, car c’est véritablement par l’intégration des prescriptions internationales dans la

58
Ce mécanisme mérite d’être singularisé, au regard par exemple, des rapports produits par des cabinets internationaux, pour le compte de
certaines organisations comme la Banque Mondiale. C’est, en effet, le cas du rapport de non-conformité produit par les organismes
d’Appolonia SPA, GIC et COTCO, à la suite d’un suivi au compte de la Banque Mondiale, du Plan de Gestion Environnementale du
Projet Pipeline. Sur l’ensemble de l’action de la Banque Mondiale, voir M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit.,
pp. 362-363, et aussi A. Kiss, J.P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., pp. 77-78.
59
Voir en ce sens, K.B. Christakis, « Le système des rapports », in C. Imperiali (dir.), L’effectivité du droit international de
l’environnement, contrôle de la mise en œuvre des conventions internationales, Economica, 1998, p. 91.
60
Voir par exemple, Décret n° 95/466/PM du 02 juillet 1995 fixant les modalités du régime de la faune ; le Décret n° 95/531/PM du 3
août 1995 fixant les modalités d’application du régime des forêts ; Arrêté n° 0002/MINEPIA du 01/08/01 fixant les modalités de
protection des ressources halieutiques. Il convient de voir aussi les arrêtés n° 1262 et 0565/MINEF/DFAP/CEP/SAN du 14/08/1998
venant compléter et renforcer la liste des espèces figurant en annexe de la Convention Internationale sur le Commerce des Espèces de
faune et de flore menacées d’extinction.
61
Sur l’ensemble de la procédure, voir M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, op. cit. ; Voir aussi A. Kiss, J.P. Beurier, Droit
international de l’environnement, op. cit., pp. 50-51.
62
Sur toute la question, voir Th. Vaissier, « Actualité du droit international de l’environnement », Revue Actualité et droit international,
www.ridi.org
63
Voir article 10 (2) de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification dans les pays gravement touchés par la
sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique, du 07-061994.
64
Au rang des mesures incitatives et au regard toujours de la mise en œuvre des conventions internationales relatives à l’environnement,
la loi camerounaise du 05-08-1996 pose que « toute opération contribuant à enrayer l’érosion, à combattre efficacement la
désertification, ou toute autre opération de boisement ou de reboisement ... bénéficie d’un appui du Fonds prévu par la présente loi ».
C’est l’une des rares conventions pour lesquelles le Cameroun est à jour quant à la production des rapports périodiques.
réglementation nationale des Etats, que le but et l’objet de la convention peuvent se réaliser65. La
Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, est d’ailleurs allée un peu plus loin
que d’autres, en mettant en place des mécanismes d’appui à l’élaboration et la mise en œuvre des
programmes d’action66, ce qui précise et justifie l’institutionnalisation des rapports étatiques.
Il faut, dès lors, évoquer la nature particulière de la norme de référence qu’il s’agit d’exécuter. Le
droit [international] de l’environnement est réputé être un droit mou, dont les normes sont souvent
vagues et indéterminées. Les obligations des Etats, obligations de comportement souvent plus que de
résultat, y sont parfois grossièrement tracées par l’instrument juridique international (Convention-
cadre). Un contrôle de leur application est-il, dès lors, possible ? Peut-il être efficace ? Il faut y ajouter
le caractère non-self executing de la plupart des obligations contractées par les Etats67. Le rôle joué par
les organes de suivi de la Convention est complété par celui, plus large, joué par la Conférence des
Etats Parties en matière de contrôle. Ce rôle est certes capital, mais il reste limité à plusieurs égards. En
effet, l’on peut se poser la question de savoir, quelles mesures la Conférence des Etats Parties peut
prendre, après avoir examiné les rapports nationaux, pour favoriser l’application effective du Traité, et
pour remédier, le cas échéant, à l’inexécution des obligations qui en découlent. La réponse varie
suivant les cas. Il semble toutefois, que les traités environnementaux s’accordent au moins pour ce qui
est d’attribuer aux Conférences des Etats Parties, le pouvoir de faire des recommandations aux Etats,
relativement à l’application du Traité. C’est le cas de l’article 7-2-g de la Convention sur les
Changements Climatiques, de l’article 23-4-i de la Convention sur la Biodiversité, et de l’article 22-2-b
de la Convention sur la Lutte contre la Désertification. Ces recommandations n’ont pas une force
contraignante, mais il est exceptionnel de trouver, dans un traité sur l’environnement, des dispositions
attribuant aux Conférences des Etats Parties, le pouvoir de sanctionner l’inexécution des obligations
conventionnelles, de la part des Etats contractants68. Cela est d’autant plus vrai, que les Etats ont
toujours une marge d’appréciation pour la mise en œuvre des normes internationales. Ce qui justifie, si
besoin en était, l’interconnexion entre les mécanismes internationaux et les mécanismes internes69.
A ces actions, vient se greffer une autre activité, celle dite du monitoring, qui s’exerce dans le cadre
du processus d’échange et de communication d’informations. Une telle procédure vise en premier lieu à
s’assurer que les objectifs de protection de l’environnement sont atteints. Dans le domaine de
l’environnement, et relativement à la mise en œuvre des normes et accords qui sont les siens, il apparaît
souhaitable d’évaluer le comportement des Etats, au regard des obligations contractées. N’est-ce pas en
ce sens que se résume finalement l’action du PNUD, dans les différents Etats d’Afrique Centrale, avec
la mise en œuvre du programme « Action 21 » ?
Le souci ici, est celui d’exercer une certaine pression sur les Etats parties, afin qu’ils se conforment
à leurs obligations. C’est ainsi que la Conférence des Etats Parties, en tant qu’institution, fait
régulièrement le point sur la mise en œuvre de la Convention et le fonctionnement des arrangements
institutionnels, à la lumière de l’expérience acquise aux niveau national, sous-régional, international, en
tenant compte de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques70. Les mécanismes et
procédures mis en place dans le cadre des conventions, font clairement apparaître que les institutions

65
Voir D. Alland, op. cit., p. 741.
66
Article 13 de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, op. cit. L’on peut à cet égard aussi, indiquer qu’une
obligation de contrôle systématique et d’évaluation des efforts est mise en œuvre par les Etats parties. Une telle obligation existe dans
la plupart des conventions en vigueur. C’est le cas en matière de protection du milieu marin, de conservation des ressources et des
espèces. Voir à cet égard, la Convention de Montego Bay (Partie XII), la Convention de Londres de 1972, la Convention d’Oslo de
1972, la Convention de Paris de 1974, la Convention de Bâle de 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets
dangereux et leur élimination.
67
Sur l’ensemble de la question, voir C. Imperiali, « Le contrôle de la mise en œuvre des conventions internationales », in L’effectivité du
droit international de l’environnement, op. cit., p. 8.
68
Sur l’ensemble, voir O. Ferrajolo, « Les réunions des Etats parties aux traités relatifs à la protection de l’environnement », RGDIP,
2003/1, pp. 76 et ss.
69
Voir en ce sens, J. Charpentier, « Le contrôle par les organisations internationales, de l’exécution des obligations des Etats », RCADI,
1983, T. IV, vol. 182, p. 172.
70
Article 21 de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, op. cit. Voir article 10 (2) de la Convention des
Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en
particulier en Afrique, du 07-06-1994.
internationales de contrôle, et notamment, la Conférence des Etats Parties, sont considérées avant tout
comme un forum pour l’observation du comportement des parties et la résolution des conflits à travers
la négociation, la décision plutôt que des recours judiciaires71. Dans tous les cas, il s’agit toujours
d’exercer un contrôle international sur l’application du Traité, et de favoriser, au moyen d’une
interprétation dynamique ou par l’adoption d’amendements et protocole, l’évolution de ses
dispositions, en accord avec les modifications écologiques et le progrès des connaissances
scientifiques72.

2. Les procédures en cas de non-respect


Des procédures sont mises sur pied, afin de renforcer le suivi de l’application de la réglementation
ou du droit en général. Il est en effet apparu nécessaire que l’on institue des mécanismes qui complètent
celui de la présentation des rapports étatiques, tout en allant au-delà, en instaurant des procédures de
réaction à une violation du droit, car, comme l’affirmait Charpentier, « moins l’obligation est précise,
plus se développe l’importance du contrôle »73. Plus contraignantes sur le plan interne car mieux
suivies, ces réactions le sont moins sur le plan international, d’où la tendance actuelle à vouloir parler
d’une « soft responsabilité » ou d’une « soft sanction ». La plupart des conventions relatives à
l’environnement mettent en place aujourd’hui, cette procédure inaugurée par le Protocole de Montréal,
connue sous la terminologie de « non-respect »74. Cette terminologie est différente, quant à son régime,
de la non-conformité, bien que certains pensent que ces termes sont interchangeables75. L’un est souple
et s’inscrit dans le cadre des mesures de mise en œuvre, l’autre laisse apparaître l’idée d’une violation
et donc, d’une sanction pour non-observation d’une obligation prescrite. Cette procédure traduit le
souci des parties, de ne pas mettre en place une procédure accusatoire de caractère contentieuse.
Certaines des composantes de cette procédure relèvent en partie des procédés de réaction, montrant en
cela que le contrôle ne peut se départir des mécanismes d’application du droit, consécutifs à une
violation. Cependant, leur mise en oeuvre fait l’objet d’un encadrement collectif privilégiant la
recherche d’une solution favorable à l’ensemble des parties contractantes. Une telle procédure permet
en outre, qu’une ou plusieurs parties, qui auraient des « réserves » sur l’application de ses obligations
par une autre partie, communiquent leur thèse au Secrétariat du Protocole76. Ce dernier en informe la
partie intéressée, pour qu’elle puisse donner son point de vue. En cas d’opposition entre les points de
vue, il y a donc naissance d’un différend77. Cette procédure peut aussi être mise en route par le
Secrétariat, de sa propre initiative, s’il n’est pas satisfait de l’information à lui communiquée par l’Etat,
dans son rapport national. C’est dire que le non-respect joue un triple rôle, promotion, protection et
sanction, tandis que la non-conformité joue un rôle de promotion et d’harmonisation. L’organe de
contrôle doit être en mesure de réagir, solliciter des informations complémentaires, alerter la partie
défaillante. Dans ce cas de figure, la procédure utilisée pour la protection des droits de l’homme semble
transposable en droit de l’environnement. Le Cameroun n’a, jusque-là, pas fait l’objet d’une procédure
de non-respect. Cela ne veut pour autant pas dire qu’il soit le « meilleur élève » en matière de respect
des conventions internationales relatives à l’environnement. Il convient de noter que des efforts
considérables sont faits dans le but de se mettre en harmonie avec les exigences desdites conventions.
En tout état de cause, des sanctions sont toujours possibles à l’issue d’une procédure de non-respect.
Dès lors, la thérapie pour améliorer les conventions internationales relatives à l’environnement, réside
plutôt dans l’aide, l’assistance technique et financière que les autres Etats parties à la Convention

71
En ce sens, C. Imperiali, op. cit., p. 9.
72
Sur l’ensemble, voir O. Ferrajolo, op. cit., pp. 75 et ss.
73
J. Charpentier, op. cit., p. 172.
74
Voir Protocole de Montréal sur l’appauvrissement de la couche d’ozone de 1994 ; La Convention de Berne relative à la conservation de
la vie sauvage et du milieu naturel en Europe de 1979.
75
Voir D. Alland, Droit international public, op. cit., p. 744.
76
Sur le Secrétariat, voir S. Doumbé Billé, « Les secrétariats des conventions internationales », in C. lmperiali (dir.), op. cit., pp. 57 et ss.
77
Voir, relativement à la naissance d’un différend en droit international, la jurisprudence constante de la CIJ, notamment, l’affaire du
Timor oriental (1995) et l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Arrêt du 10.10.2002).
peuvent apporter à l’Etat défaillant78. Ce mécanisme viendrait à coup sûr, renforcer considérablement le
système interne de protection et de contrôle.

B. Une mise en œuvre diversifiée au plan interne


Les procédures de mise en œuvre au plan interne sont nombreuses et diversifiées. Cette
diversification apparaît de manière claire au niveau des organes chargés de la répression. Elles passent
par le canal de plusieurs institutions, qui peuvent jouer à la fois le rôle de promotion et celui de
sanction. La réglementation camerounaise a élargi considérablement le champ des acteurs compétents
en matière de promotion des préoccupations environnementales (1). Inversement, ce qui peut à certains
égards apparaître comme paradoxal, c’est que cette même réglementation fait de l’Administration, le
principal contrôleur des infractions environnementales, ce qui conduit le juge à jouer finalement un rôle
de second plan (2).

1. L’action de promotion
Le législateur camerounais a fait de l’environnement, le patrimoine commun de la nation. Cela
recouvre un aspect promotionnel indéniable, qui incombe à toutes les composantes de la nation. Cette
prescription de la loi de 1996 portant loi-cadre sur la gestion de l’environnement, est confortée par la
Constitution qui fait de la protection de l’environnement, un devoir pour tout citoyen79. Cette action
interpelle donc, non seulement les individus, les ONG nationales et les collectivités territoriales, mais
également, toutes les composantes du Gouvernement de la République. En réalité, chaque département
ministériel doit, dans la limite de ses compétences, intégrer des considérations liées à la protection de
l’environnement. Les risques de chevauchement sont ici écartés par la mise en place d’un comité
interministériel de l’environnement80. N’est-ce pas ce rôle de promotion que le MINEF joue, en
organisant les séminaires et rencontres autour des questions environnementales ? N’est-ce pas
également ce rôle que le Ministère de la Ville joue, en adoptant des slogans tels que « ville propre » ou
encore « Yaoundé sera propre ou ne le sera ». Il s’agit pour ce dernier département ministériel, de
mettre en œuvre les exigences environnementales liées au cadre de vie, à la qualité de vie, et à ce droit
fondamental qu’est le droit à un environnement sain.
Cette activité de promotion reste limitée, car elle n’atteint en réalité que les populations des zones
urbaines, laissant sur le pavé, l’immense couche des populations vivant en zone rurale, et qui sont
paradoxalement en contact immédiat avec l’environnement (forêt, faune, flore, air, sol, etc...). Il est vrai
que les communautés villageoises ont aussi compétence en la matière, mais ont-elles seulement les
moyens de leur politique ? L’Administration ne gagnerait-elle pas à financer de telles communautés,
qui ont une capacité de sensibilisation et de suivi encore plus forte (une sensibilisation de proximité)
que celle des médias et autres moyens de communication de masse ? En tout état de cause,
l’environnement, ou de manière générale, la mise en œuvre des préoccupations environnementales,
mérite encore au Cameroun, l’organisation des états généraux. De là, naîtront une réelle volonté
politique, une activité promotrice d’envergure et un suivi effectif des engagements souscrits. La
réglementation nationale au Cameroun reste l’affaire d’une certaine élite, ces « spécialistes de
l’environnement », et des ONG de promotion et de protection de certaines espèces et de certains sites.
Le « mécanicien du coin » sait-il seulement que le déversement des huiles de vidange dans la nature
constitue un dommage à l’environnement, punissable ? Le travail de promotion à travers la
réglementation doit donc s’orienter davantage vers l’éducation de ces petits artisans, qui mènent des
activités comportant des risques pour l’environnement. Ceux-ci ne sont, par exemple, pas au courant
des mesures incitatives prises dans le cadre de la loi de 1996, à leur endroit81. L’article 76(2) de la loi-

78
Voir C. Imperiali, op. cit., p. 17.
79
Il convient cependant, de préciser que la loi de 1994 pose que la protection des patrimoines forestier, faunique et halieutique, est
assurée par l’Etat (article 11).
80
Voir Décret N° 2001/718/PM du 03/09/2001, portant création d’un comité interministériel pour l’environnement.
81
Voir le titre IV de la loi-cadre de 1996 intitulé « Mise en œuvre et suivi des programmes », qui accorde un relief particulier à la
participation des populations (Art. 72 et ss.). Cette disposition vient donner corps à certains principes, et notamment, le principe 10 de
la Convention de Rio sur la participation des citoyens.
cadre prévoit en effet, que les personnes physiques ou morales qui entreprennent des actions de
promotion de l’environnement, bénéficient d’une déduction sur leur bénéfice imposable, suivant les
modalités fixées par la loi de finances. C’est dire que dans certains cas, « les taxes environnementales
ne poursuivent désormais plus un objectif redistributif, mais incitatif »82.

2. L’action de contrôle et de sanction


La réglementation nationale camerounaise est atypique à un double point de vue. Dans un premier
temps, elle met l’individu et toute la société civile au centre de l’activité promotionnelle, ce qui fait son
dynamisme83. Dans un second temps, ce qui marque sa spécificité, elle attribue un rôle quasi
juridictionnel au Ministère de l’Environnement et des Forêts. L’omniprésence de ce ministère vient
éclipser le rôle juridictionnel décisif que seraient amenées à jouer les juridictions nationales
compétentes.
En effet, la loi-cadre du 05 août 1996 a doté ce ministère, d’un pouvoir de contrôle et de sanction
sans précédent. Elle a en outre, mis à sa disposition, une « police de l’environnement » qui, à travers le
territoire national, traque les gros pollueurs et les autres contrevenants à la réglementation nationale
relative à l’environnement. L’affaire qui a opposé le Ministère Public à Monsieur S. Bakon, fut
déclenchée par une action des agents de la police judiciaire, spécialistes en environnement et forêts qui,
lors d’une descente sur le terrain, ont surpris à la résidence de Tchounkeu Jean, des sacs remplis de
morceaux de viande fumée de potamochères, une espèce animale protégée84. Cette « police » placée
sous l’autorité du MINEF, vient rappeler, si besoin en était encore, que le principe pollueur payeur
n’est pas qu’une simple technique jetée en pâture aux débats des théoriciens, mais une réalité concrète
et vivante. Cette loi met en place une mission d’inspection environnementale composée d’agents
assermentés, d’origines diverses. Ces agents, dont le statut est précisé par l’article 88, ont pour tâche de
mener, sur le terrain, des missions d’inspection, et de rendre en premier et en second ressort, des
décisions qui deviennent exécutoires après un délai de 20 jours85. A l’analyse de la réglementation
nationale, la justice (notamment administrative) n’intervient qu’à un troisième niveau de la procédure,
c’est-à-dire après le recours soulevé devant l’Administration compétente86.
C’est dire que l’Administration camerounaise reste très soucieuse de l’environnement et du respect
des normes et accords internationaux en la matière. Cette activité de l’Administration s’intègre dans
l’une des exigences faites aux Etats parties par la CITES. En effet, les Etats parties ont l’obligation et le
devoir de mettre en application ses dispositions, notamment, en adoptant des sanctions éventuelles
contre les contrevenants. Les mesures à prendre peuvent être regroupées en deux catégories : les
mesures visant la mise en œuvre et celles visant la surveillance87. Le Ministre de l’Environnement et
des Forêts n’a-t-il pas, sur cette base, publié récemment encore, une liste de six sociétés en marge de la
législation forestière et de la Convention Internationale sur le Commerce des Espèces de faune et de
flore menacées d’extinction (CITES)88 ?
Les constatations s’accompagnent d’amendes allant, pour ce qui est de la CITES, de
2.000.000 FCFA à 4.000.000 FCFA, assorties de suspension d’activité allant de quatre mois à un an,
suivant l’ampleur de l’infraction. La Mission d’Inspection est beaucoup plus sévère pour ce qui est de
la pollution,sous toutes ses formes (air, eau, sol). En clair, cette commission vient sonner le glas des
pratiques antérieures qui consistaient, pour les grandes sociétés industrielles, à polluer l’environnement
impunément, par le déversement du fuel dans des caniveaux, ou par l’émission des poussières

82
En ce sens, Nicolas de Sadeleer, Les principes pollueur payeur, de prévention et de précaution, op. cit., p. 24. Voir aussi, P. Thieffri,
« Aide publique à l’environnement : Opportunités et risques nouveaux pour les entreprises bénéficiaires », Revue mensuelle du
JurisClasseur-Environnement, mai, 2004, pp. 6-10.
83
Voir également le titre IV de la loi-cadre de 1996 op. cit.
84
Sur les faits, voir affaire Ministère Public c/ S. Bakon, TPI de Yabassi, 04/11/2003.
85
Si dans certaines décisions de ce type rendues par le MINEF, l’on accorde un délai de sept jours pour d’éventuels recours, il convient
cependant de noter que la loi-cadre de 1996 fixe ce délai à vingt jours, au titre de l’article 90.
86
Article 90 al. 2.
87
Sur l’ensemble, voir M. Kamto, Droit de l’Environnement en Afrique, op. cit., pp. 132-133.
88
Voir Cameroon Tribune du 28/01/2002.
industrielles, etc...89. La procédure devant l’Administration des Forêts est susceptible d’ouvrir la voie à
une action devant le juge administratif, car la décision prise par le ministre ou sous son couvert, est une
décision portant grief et donc, susceptible de recours pour excès de pouvoir90. Le contentieux
administratif camerounais est pauvre en la matière, alors même que le terrain est bien fertile. Il n’y a
qu’à voir les condamnations faites par le Ministre de l’Environnement, qui peuvent dans bien des cas,
déboucher sur un recours pour excès de pouvoir. De manière générale, la responsabilité de
l’Administration peut être mise en jeu ici, non seulement pour carence, mais aussi pour activité
bruyante ou toutes autres atteintes à l’environnement, ou même encore, du fait des lois
environnementales91. La pauvreté de ce type de contentieux peut en partie s’expliquer par l’absence
d’un esprit procédurier des citoyens, la méconnaissance du droit de l’environnement, l’inertie des
avocats et de la société civile92. A cela, l’on peut ajouter le manque d’audace de l’action publique, de
l’action civile des associations93, et des personnes morales de droit public.
Le MINEF joue donc un rôle non négligeable en matière de suivi et de mise en œuvre des normes
internes et internationales, notamment celles sur les pollutions et celles sur les substances qui
appauvrissent la couche d’ozone.
La démarche du législateur camerounais ne vient-elle pas conforter l’affirmation selon laquelle, les
mornes et accords en Droit international de l’Environnement, seraient des normes de soft law ? Cela est
d’autant plus vrai, que la loi-cadre de 1996 met en place une procédure de transaction qui ne représente
rien d’autre que du droit mou94. A cela, s’ajoute le rôle subsidiaire que reconnaît cette même loi à la
justice. En réalité, et dans la pratique actuelle, cette dernière n’intervient que si le prévenu souhaite
aller jusqu’au bout de l’action amorcée par la Mission d’Inspection. Cette dernière a été complétée
récemment par une Unité centrale de lutte contre les infractions forestières. Ses membres, au nombre de
sept, tous officiers de police judiciaire, ont prêté serment le 22 janvier 2003. La subsidiarité n’est que le
reflet de tout un système dans lequel l’on note l’absence d’un esprit procédurier des acteurs, lorsqu’il
s’agit de recourir au juge.
La violation des règles et le non-respect des modalités de l’exploitation forestière ont souvent amené
les tribunaux à prononcer des sanctions pénales et civiles dont l’analyse permet de mettre en exergue, la
complexité et la multitude des facettes des affaires portant sur l’environnement. L’article essentiel en
matière de responsabilité pénale et civile, semble bien être l’article 1382 du Code Civil. Le juge
dispose d’une large latitude d’appréciation pour déterminer si le trouble ou le dommage considéré,
dépasse les charges ordinaires ou les inconvénients normaux du voisinage, constituant ainsi une faute.
Pour ce qui est tout particulièrement du bruit, il convient par exemple, de rechercher si ce bruit résulte
d’activités domestiques95, ou s’il est le fruit de travaux réguliers96. Le juge doit ici, tenir compte des
circonstances de temps et de lieux, ce qui est naturel, mais aussi des circonstances particulières liées à
l’état des personnes auteurs du bruit97. La complexité des affaires portant sur l’environnement découle
de la normalisation des produits forestiers destinés à la commercialisation, des modalités mêmes de
l’exploitation, de la fiscalité et de la gestion de la rente forestière, et surtout, de l’imprécision et du

89
Voir décision du MINEF sanctionnant six gros pollueurs dans la région de Douala, par des pénalités allant de 1.000.000 F CFA à
7.000.000 F CFA assorties des avertissements et mises en garde. Voir Cameroon Tribune du 11-01-2002 et celui du 07-09-2001. C’est
mutatis mutandis la mise en œuvre du principe 13 de Rio, qui demande aux Etats d’élaborer une législation nationale concernant la
responsabilité, pour la pollution et d’autres dommages à l’environnement…
90
Voir R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 10ème édition, Montchrestien, Paris, 2002, pp. 189 et ss.
91
Voir CAA de Bordeaux, 26/02/2004, n° 03BX01767, MATE.
92
Sur l’ensemble, voir R. Romi, Droit et administration de l’environnement, Montchrestien, 4ème éd., Paris 2001, pp. 518 et ss ; F.
Goliard, « Le juge et le contentieux du bruit provoqué par la puissance publique », Droit et Ville, n° 40, 1995, pp. 55 et ss. Il convient
de dire que les décisions prises par l’autorité administrative en France, peuvent être déférées au juge administratif. Il s’agit, précise
l’article L141-1 du Code de l’Environnement, d’un contentieux de pleine juridiction, le juge pouvant ainsi prendre la décision
d’agrément, à la place de l’Administration (CAA, Paris, 2 décembre 2003, req. N° 99P AO3241, Commune d’Issy-les-Moulineaux).
93
A titre de droit comparé, voir CE, 24/11/2003, n° 250304, Union Nationale des Associations de Chasseurs d’Oiseaux Migrateurs et a. ;
TA Lyon, 21/10/2003, n° 0104782, Carminati-Assoc pour la protection des animaux sauvages.
94
Voir article 91 de la loi du 05 août 1996.
95
Civ. 2ème Chambre, 24 mai 1971, bull. civ. II, n° 189, p. 135.
96
TI de Versailles, 27 juin 1987, D. 1988, som. 15.
97
Voir de manière générale, J. Lamarque, in Code de l’Environnement annoté et commenté, Dalloz, 1994, pp. 974 et ss.
mutisme des coutumes. Certaines décisions judiciaires ont néanmoins été rendues par le juge
camerounais, et portant sur l’environnement dans son sens le plus large98. L’organisation de la gestion
de l’environnement en République du Cameroun représente une terre fertile pour l’action en justice,
soit devant le juge judiciaire (civil et pénal)99, soit devant le juge administratif, suite à un excès de
pouvoir résultant de l’action de l’Administration chargée de l’environnement.
Le juge pénal, tout particulièrement, trouve son domaine considérablement précisé et clarifié par la
loi du 05 août 1996, nonobstant quelques renvois généraux au code pénal. En effet, elle est revenue très
largement sur les infractions, crimes et autres délits, non seulement en prévoyant leur nature, mais aussi
en fixant le montant des amendes et des peines d’emprisonnement encourues. Dans l’affaire Ministère
Public et Administration chargée de la Faune contre KIARIPO, le juge avait condamné ce dernier à une
peine de prison ferme de deux mois et une amende de 200.000 F100. Dans une même espèce, le juge de
Yabassi avait condamné le sieur BAKON Samuel à six mois de prison ferme et au paiement de
200.000 F d’amende101. Dans ces deux affaires, le juge pénal s’était clairement fondé sur les
dispositions du code pénal (article 74) et sur celles de la loi n° 94/1 du 20 janvier 1994 portant régime
des forêts, de la fa une et de la flore (articles 78, 87, 98, 158), pour prononcer les sanctions. La loi de
1996 considère en outre, la non réalisation d’une étude d’impact environnemental, ou sa non
observation, comme un délit punissable d’une amende de 2.000.000 à 5.000.000 et d’une peine
d’emprisonnement pouvant varier entre six mois et deux ans102. D’autres atteintes à l’environnement
ont été sévèrement punies par le législateur. Leur prise en compte laisse penser que le législateur les
considère comme des crimes ; c’est le cas de l’introduction des déchets toxiques et/ou dangereux, sur le
territoire camerounais103, ou du rejet dans les eaux maritimes sous juridiction camerounaise,
d’hydrocarbures ou d’autres substances liquides nocives pour le milieu marin104.
De manière générale, le législateur camerounais, au regard de l’aménagement de la pénalisation des
atteintes à l’environnement, est resté généreux, en dépit de la multiplicité des incriminations. C’est
tellement vrai, qu’il a pris en compte un certain nombre de circonstances excluant l’illicéité ou la
responsabilité. Le juge doit, en effet, tenir compte dans l’application des pénalités, des circonstances
telles que l’extrême détresse, la force majeure et l’état de nécessité. La loi cadre du 05 août pose en
effet très clairement, que « les pénalités prévues par le présent article ne s’appliquent pas aux rejets

98
Voir les affaires suivantes :
- Aff. Administration des Eaux et Forêts contre Engono Essame Emmanuel, pour exploitation illicite des essences, Jugement n° 513/Co2
du 24 mars 1992 du Tribunal de 1ère Instance de Sangmélima, confirmé par un arrêt n° 07/Co/CAS du 25 janvier 1993 ;
- Aff. Félix Assiga Mvogo contre Société MM Bois Plus pour arrêt des travaux d’exploitation du bois et autres, Ordonnance de référé
n° 06 du 23 juillet 1994 du Tribunal de 1ère Instance d’Ebolowa ;
- Aff. Ministère Public et société Poly-Wood contre Ondoua Adang Samuel et autres pour blessures simples et menace sous conditions,
Tribunal de 1ère Instance d’Ebolowa, affaire pendante ;
- Aff. Ministère Public et Amougou Aboui contre Oyono Zé François pour Menaces sous condition et rétention sans droit de la chose
d’autrui, Tribunal de 1ère Instance d’Ebolowa, affaire pendante ;
- Aff. Ministère Public c/ Bakon Samuel, Abattage d’animaux protégés, sans permis de chasse, détention et circulation de la dépouille
d’animaux protégés, TPI de Yabassi, 04/11/2003 ;
- Aff. Ministère Public et Administration de la Faune c/ Kiaripo André, Détention et commercialisation d’animaux sauvages de classe B,
sans permis de collecte ni certificat d’origine, TPI de Yaoundé, 12/11/2003.
Pour d’autres éléments jurisprudentiels, voir P. Dassé, commentaire, op. cit. ; Sur quelques aspects théoriques de la question, voir P. Nkou
Mvondo, « Les droits des populations locales sur les richesses de la forêt et de la faune au Cameroun », RJPlC, n° 2, mai-août 2000,
pp. 220 et ss. Il convient surtout, de lire les pages 232 sur le droit de participer aux décisions de gestion, et 234 sur le droit à une
compensation pour perte d’usage.
99
Voir les affaires suivantes, qui portent sur les troubles de voisinage au sens large :
- TGI de Yaoundé, 12 octobre 1983, Nkouendjin Yotnda c/ Exarcos ;
- CA de Yaoundé, 30 juin 1987, Nguéma Mbo Samuel c/ Anoukaha François ;
- TGI de Douala, jugement du 03 octobre 1983, Dimité Thomas c/ CICAM et Guinness Cameroun ;
- CA de Yaoundé 16 août 1975, Société Paterson Zochonis c/ Atangana Protais.
100
Voir jugement n° 628/00 du 12/11/2003 du TPI de Yaoundé.
101
Voir jugement n° 48 du 04/11/2003 du TPI de Yabassi.
102
Voir les articles 79, 82, 84 de la loi du 05 août 1996.
103
Voir l’article 80 de la loi cadre du 05 août 1996.
104
Article 83 de la loi de 1996 op. cit.
effectués par un navire, pour assurer sa propre sécurité, ou celle d’autres navires, ou pour sauver des
vies humaines, ni aux déversements résultant des dommages subis par le navire, sans qu’aucune faute
ne puisse être établie à l’encontre de son capitaine ou de son équipage »105.
En guise de conclusion, l’on peut dire que la prise en compte des exigences environnementales dans
l’ordre juridique positif camerounais, s’affirme parfaitement quand on prend en compte les deux
principales dimensions que sont la constitutionnalisation et les aspects de mise en œuvre. En effet, le
constituant camerounais de 1996 s’inscrit dans la modernité, suivant en cela certains Etats africains qui
l’avaient déjà précédé dans cette voie. Il convient cependant, de déplorer l’absence d’un esprit
procédurier des acteurs, car cette attitude négative limite le contentieux environnemental et porte un
coup fatal à l’épanouissement de ce nouveau droit fondamental de l’homme.

Juridis Périodique n° 63 / 2005, p. 87.

105
Voir conjointement, les articles 23 à 25 du Projet d’article de la CDI sur la responsabilité internationale des Etats (décembre 2001) et
l’article 83 al. 5 de la loi cadre de 1996.

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