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Protection de l'environnement et droits fondamentaux

Le droit à la protection de l'environnement a été consacré dans une centaine de


constitutions nationales (article 66 de la constitution portugaise de 1976), (article 45 de
la constitution espagnole de 1978), (article 225 de la constitution brésilienne de 1988,
souvent citée en référence qui prévoit que : « chacun a droit à un environnement
écologiquement équilibré, bien à l'usage commun du peuple est essentiel à une saine
qualité de vie ; le devoir de défendre et de le préserver au bénéfice des générations
présentes et futures incombe à la puissance publique et à la collectivité ».) (Constitution
française, charte de l'environnement de 2004 incorporés en 2005 à la constitution).
Ce droit a également fait l'objet d'une reconnaissance au niveau international, cette
reconnaissance ayant son origine dans la déclaration adoptée par la conférence de
Stockholm sur l'environnement humain tenu en juin 1972. (« Le monde a le droit
fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisante, dans un
environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a
le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement pour les générations
présentes et futures »). La première formulation de ce droit dans un traité international
se trouve dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (article
24 : « tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et globale, propice à
leur développement »). Enfin, l'article 11 du protocole additionnel à la Convention
américaine relative aux droits de l'homme, adoptée à San Salvador le 17 novembre 1988
qui traite des droits économiques sociaux et culturels à prévu que « toute personne a le
droit de vivre dans un environnement salubre et de bénéficier des équipements
collectifs essentiels ». La charte des droits fondamentaux de l'union européenne
comprend quant à elle un article 37 intitulé « protection de l'environnement » qui
prévoit que : « un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa
qualité doive être intégrée dans les politiques de l'union est assurée conformément aux
principes du développement durable ». Notons que cette disposition ne comporte
aucune obligation directement à la charge des états membres de l'union, mais seulement
des directives à caractère programma toi relative à la politique de l'environnement de
l'union européenne.
Le « droit à l'environnement » a suscité de nombreux débats. Trois tendances, apparues
successivement, se sont dégagées. La première, la plus ancienne est une conception
procédurale du droit à l'environnement (droit à l’information, droit au recours). La
seconde cherche à insérer des préoccupations environnementales dans les droits déjà
protégés par les instruments internationaux (droit à la santé, droit au respect de la vie
privée et familiale, droit de propriété). La troisième, qui n'est qu'à son début, vise à
proclamer des droits substantiels (comme le droit à l’eau) qui pourront être rattachés à
la protection de l'environnement.

La conception procédurale du droit d'environnement.

La question de savoir si le droit à l'environnement pouvait être reconnu en tant que


droit de tout individu, comme les autres droits fondamentaux, a été longuement discuté.
La difficulté vient du fait que l'environnement ne peut pas être défini avec suffisamment
de précision si bien que sa mise en œuvre par des instances judiciaires se heurte à des
difficultés considérables.
S'agissant de la définition même du terme « environnement » on constate un effort
d'interprétation de ce terme voir des formulations plus précises dans les constitutions
nationales. Par exemple, la constitution du Pérou du 12 juillet 1979 reconnaît à toute
personne « le droit de vivre dans un milieu sain, écologiquement équilibré et approprié
au développement de la vie ainsi que la préservation du paysage et de la nature ».
Notons toutefois qu'en droit international il n'existe pas encore de formulation qui serait
généralement acceptée.
S'agissant de la mise en œuvre du droit à l'environnement, on peut considérer qu'il s'agit
en fait d'assurer la protection de l'environnement et non d'assurer à toute personne et à
tout groupe humain des procédures permettant de protéger « leur » environnement. Le
droit à l'environnement peut ainsi être compris comme un droit procédural, un droit à la
protection de l'environnement. À savoir l'obligation des pouvoirs publics de permettre
la concrétisation de ce droit. En réalité, les dispositions constitutionnelles et
internationales imposent à l'état l'obligation de protéger l'environnement ce qui ne fait
que formuler une règle générale créant un devoir plus ou moins abstrait, alors que le
droit procédural de l'individu à la protection de l'environnement doit conduire les
pouvoirs publics à intervenir dans des situations concrètes, sur plaintes individuelles.
Toutefois, le droit environnement présenté des spécificités, l'expérience montre par
exemple la difficulté de réparer les dommages écologiques, souvent très difficile à
évaluer à cause de leur nature même et à cause du caractère irréversible qui peuvent
revêtir. Si bien qu'il semble souhaitable de prévoir des méthodes qui permettent de
prévenir les violations du droit à la protection de l'environnement plutô t que de
multiplier les possibilités de recours a posteriori. Autrement dit, il convient d'offrir aux
individus et à leurs groupements la possibilité d'intervenir avant qu'il ne soit trop tard,
en les informant des projets pour leur être préjudiciable et le temps leur offrant la
possibilité de participer aux décisions qui risqueraient de porter préjudice à leurs droits.
Il est évident que des voies de recours doivent aussi être à leur disposition au cas
auraient été méconnues soient leur droit d'obtenir des informations, soit leur droit de
participation, sans que pour autant leur droit à la réparation de dommages à
l'environnement soient affectés.
La déclaration adoptée par la conférence de Rio en juin 1992 à consacré cette méthode.
Ainsi le principe de 10 de cette déclaration proclame que « la meilleure façon de traiter
les questions d'environnement et d'assurer la participation de tous les citoyens
concernés au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dû ment
accès aux informations relatives à l'environnement que détiennent les autorités
publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses
dans leur collectivité, et avoir la possibilité de participer au processus de prise de
décision. Les états doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du
public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des
actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours doit
être assurés. ». Par la suite, la convention relative à l'information, participation du public
au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, adoptée à
Aarhus le 25 juin 1998 à codifier et compléter les règles ici énoncées. L'information sur
l'environnement qui est au cœur de cette convention doit être entendu comme
comprenant toute information sous forme écrite visuelle orale ou électronique portant
sur l'état d'éléments de l'environnement et l'interaction entre ces éléments, ainsi que
sur les facteurs qui ont pu ou peuvent avoir des incidences sur ces derniers. L'accès ne
doit pas être assuré seulement l'information déjà détenue par les autorités publiques.
Celles-ci doivent également mettre en place des mécanismes pour être dû ment informé
des activités proposées ou en cours qui risque d'avoir des incidences importantes sur
l'environnement. En cas de menace imminente pour la santé et environnement, toutes
les informations susceptibles de permettre au public de prendre des mesures de
protection doivent être diffusées immédiatement. La participation du public doit
comporter la possibilité pour celui-ci de soumettre par écrit ou lors d'une audition ou
d'une enquête publique toutes observations, information analyse ou opinion qu'il estime
pertinentes au regard de l'activité proposée. Cette convention prévoit aussi que l'accès à
la justice doit être assuré lorsqu'une personne estime que sa demande d'information a
été ignorée ou rejeter.
La convention d’Aarhus est à l'origine d'une nouvelle directive européenne en matière
de protection de l'environnement (directive 2003/4/EC) qui ne parle que de
l'information et ne mentionne pas la participation et l'accès à la justice. Cette convention
a également influencé la convention africaine sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles, adopté par l'assemblée de l'unité africaine le 11 juillet 2003.
Celles-ci proclament dans son article 16 des « droits procéduraux » comportant
l'obligation des états partis d'adopter des mesures législatives et réglementaires
nécessaires pour assurer en temps utile la dissémination des informations relatives à
l'environnement, l'accès du public à de telles informations, sa participation à la prise de
décision et l'accès à la justice.

L'autre aspect du droit de l'environnement et son intégration dans les droits déjà
garantis.

Intégration du droit à l'environnement dans des droits garantis

Un certain nombre de conventions internationales, plus anciennes que celles qui


viennent d'être mentionnées, garantissent des droits qui peuvent être invoqués dans la
perspective de la protection de l'environnement, en particulier lorsqu'il existe des
institutions chargées d'en assurer l'application.

Au niveau des Nations unies, le comité des droits de l'homme créé par le pacte relatif aux
droits civils et politiques peut recevoir des communications permettant d'assurer le
respect des droits garantis. Des affaires en rapport avec la protection de
l'environnement ont ainsi invoqué devant cet organe des dispositions du pacte relative
au droit à la vie et à la protection des minorités. (Voir la communication numéro
67/1980 concernant un dépô t de déchets nucléaires au Canada et la communication
numéro 645/1995 concernant les essais nucléaires français dans le Pacifique ou encore
la communication numéro 511/1992 concernant l'exploitation d'une carrière sur un
territoire appartenant traditionnellement au peuple Sami et la communication numéro
547/1992 relatives aux droits des maoris à la pêche).

Au niveau européen, ce sont surtout les articles huit (droit au respect de la vie privée
familiale) et 10 (liberté d'expression) de la Convention européenne des droits de
l'homme, ainsi que l'article premier de son premier protocole (protections de la
propriété) qui ont fait l'objet de recours impliquant des questions d'environnement.
Une série de requêtes invoquées notamment le droit au respect de la vie privée et du
domicile, s'agissant de nuisances sonores (le bruit des avions de l'aéroport de hisser au a
été considéré comme une violation de l'article huit mais la cour a jugé que l'ingérence
était justifiée par le deuxième alinéa de l'article huit comme étant nécessaire dans une
société démocratique pour le bien-être économique du pays). D'autres requêtes ont
concerné des projets industriels mais elles n'ont pas abouti car ils ont été jugés
considérer comme justifier là encore par la nécessité d'assurer le bien-être économique
du pays mis en cause. Par contre une affaire déclenchée par l'installation d'une station
d'épuration des eaux et de déchets provenant d'une tannerie dans la ville de Lorca
(Espagne) a abouti à un arrêt de la cour européenne qui est considéré à juste titre
comme ouvrant la voie vers la reconnaissance du droit des individus à un
environnement sain. (Lopez –Ostra c. Espagne, CEDH 1994). La station d'ouverture
n'était pas autorisée, causer des émanations de gaz et d'odeurs nauséabondes
provoquant des troubles de santé et des nuisances auprès des habitants du quartier la
cour a jugé que des atteintes graves à l'environnement peuvent affecter le bien-être
d'une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie
privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l'intéressé. En
conséquence la cour estimait que la le gouvernement espagnol n'avait pas su préserver
l'équilibre entre l'intérêt du bien-être économique de la ville de Lorca, celui de disposer
d'une station d'épuration, et la jouissance effective du droit au respect de son domicile et
de sa vie privée par la requérante qui a obtenu une somme de 4 millions de pesetas en
dédommagement.
Dans une autre affaire, Anna maria Guerra contre Italie, la cour européenne des droits de
l'homme a jugé en 1998 que des nuisances industrielles provenant d'une usine de
produits chimiques portait atteinte au droit des requérants au respect de leur vie privée
et familiale.

La cour européenne a rendu aussi plusieurs arrêts dans des affaires concernant la
violation du droit de propriété par des mesures tendant à protéger l'environnement.
Pour diverses raisons les requêtes n'ont pas abouti sans même que la cour ait eu à se
prononcer sur les relations de ce droit de propriété avec l'environnement. Certains
arrêts reconnaissent par ailleurs la légitimité de la protection de l'environnement, à
condition que les restrictions imposées au droit de propriété soient proportionnelles ou
raisonnables (par exemple :Pine Valley Dévelopment contre Irlande, CEDH,1991).

Si des progrès sérieux ont été réalisés pour prendre en compte les considérations
relatives à la protection de l'environnement dans la pratique des organes internationaux
judiciaires ou quasi judiciaires chargés de garantir le respect des droits de l'homme, il
faut cependant constater qu'il n'existe pas de jurisprudence systématique reconnaissant
le droit à l'environnement en tant que des droits de l'homme. Des progrès peuvent
cependant être envisagés dans ce domaine et il convient en conclusion de s'interroger
sur la possibilité de reconnaître à chaque personne des droits substantiels en la matière.

Vers la reconnaissance de droits substantiels ?

Certains développements intervenus ou en cours permettent d'entrevoir une évolution


vers la proclamation de droit substantiel spécifique détaillant le contenu du droit
environnement, comme le droit à l'eau, à l'air pur, à la jouissance des paysages, au
bénéfice de la biodiversité, donc en somme à la vie dans des conditions
environnementales saines. Quelques pas importants ont déjà été esquissés dans cette
direction, notamment la charte européenne des ressources en eau adoptée par le comité
des ministres du conseil de l'Europe en octobre 2001 qui proclame que toute personne a
le droit de disposer d'une quantité d'eau suffisante pour satisfaire ses besoins essentiels
(voir aussi le protocole de Londres sur l'eau et la santé de 1999 qui complètent la
convention d'Helsinki de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau
transfrontières et des lacs internationaux qui affirme « qu'un accès équitable à l'eau,
adéquat d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif, devrait être assuré à tous
les habitants, notamment aux personnes défavorisées ou socialement exclues ». Notons
aussi que le plan d'application des résultats du sommet mondial sur le développement
durable, adoptée à Johannesbourg en 2002 fait une place importante à l'action
internationale à entreprendre dans le domaine de la gestion de l'eau en vue d'assurer à
chacun l'accès à l'eau potable. Ainsi pourrait se trouver progressivement intégrée le
droit à l'environnement dans le processus de développement durable, objectif affiché
aujourd'hui par tous les gouvernements.

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