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Université Senghor

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Préambule
EDITORIAL

Christian Mésenge*, Thierry Verdel* et Joseph Zayed**


* Université Senghor, Département Santé et Département Environnement.
** Université de Montréal, Département de santé environnementale et santé au travail.

Le premier principe de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement fait


explicitement référence à la santé : « Les êtres humains sont au centre des préoccupations
relatives au développement durable. Il ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la
nature ».
Les interdépendances entre santé et environnement sont multiples et complexes, alors qu’il y a
aujourd’hui un intérêt, une mobilisation très forte autour de ces aspects. Depuis de nombreuses
années nous assistons à une aggravation des pollutions atmosphérique, tellurique et aquatique.
Les problèmes de santé environnementale ont pris une dimension planétaire et sont au centre des
préoccupations sociales et même politiques tant au nord qu’au sud. En effet, les facteurs
sanitaires liés à l’environnement constituent des déterminants fondamentaux de la santé des
populations.
L’état de l’environnement peut avoir de nombreuses conséquences directes sur la santé humaine.
En effet, la qualité de l’air, de l’eau ou de la nourriture peut y exercer une influence tangible.
L’omniprésence dans notre quotidien de polluants serait la cause d’un quart à un tiers des
maladies contractées dans les pays du nord et le motif direct de 2 à 5 % de la mortalité.
Les actions pour la réduction des impacts du réchauffement climatique, de la croissance
démographique, de la pauvreté, de la constante augmentation des déchets, de la consommation
ostentatoire des combustibles fossiles et de la surexploitation des ressources naturelles sont
d’immenses défis qu’il faut relever afin d’assurer un développement durable et viable aux
générations futures.
Depuis les catastrophes des années 80 comme Seveso, Bhopal ou Tchernobyl, la société civile est
de plus en plus sensible à ce lien entre santé et environnement. Cette prise de conscience doit être
soutenue, au niveau international, par des engagements politiques fermes et par un arsenal
juridique national et international. Les enjeux de cette thématique pour les pays Africain
conditionnent d’ailleurs un développement harmonieux par une prise de conscience des
problèmes de santé liés à l’environnement et des moyens nécessaires à mettre en œuvre pour y
remédier.
Comme l’a souligné l’appel de Paris du 3 février 2007,
« Aujourd’hui, nous savons que l’humanité est en train de détruire, à une vitesse effrayante, les
ressources et les équilibres qui ont permis son développement et qui déterminent son avenir.
Nous prenons conscience que le devenir de la planète dans son ensemble est en jeu, que
l’humanité tout entière est en cause dans son bien-être, dans sa santé, dans sa sécurité, et jusque
dans sa survie.»
A Rio, à Johannesburg, à Montréal, à Kyoto, la communauté internationale s’est mobilisée. Mais
il faut aller beaucoup plus loin : être plus efficaces, plus rapides, plus cohérents, plus ambitieux.

ii
La situation est grave et urgente. En absence d’une mobilisation internationale nous risquons
d’hypothéquer l’avenir de la terre.
C’est dans ce contexte que se situe l’initiative de l’université Senghor qui, par ce colloque, a
sensibilisé les futurs cadres africains à ces problèmes qui conditionnent l’avenir de nos enfants et
de nos petits enfants.

iii
DISCOURS DE MADAME LA CONSULE GENERALE DE FRANCE A
ALEXANDRIE

M. le Recteur de l’Université Senghor,


Mesdames et Messieurs les directeurs de Départements,
Mesdames, Messieurs,

Bien venue au CCFA qui héberge une nouvelle fois un colloque organisé par l’Université
francophone Senghor. Cet exercice illustre tout à la fois la diversité des liens qui se sont tissés
entre nos deux institutions, la volonté du Centre de s’ouvrir aux grand débats scientifiques et
sociaux qui traversent nos sociétés, enfin le dynamisme de l’équipe dirigeante de l’Université qui,
au delà de ses tâches pédagogiques stricto sensu, ouvre à travers ce type de rencontres, un
dialogue avec les milieux scientifiques et universitaires d’Alexandrie, favorise la diffusion de la
pensée scientifique et fait de l’Université Senghor un acteur important de la vie culturelle de la
région.
Le thème aujourd’hui « santé et environnement : risques et enjeux », s’inscrit dans le cadre de ce
vaste débat sur l’environnement mené d’un bout à l’autre de la planète, à tous les niveaux, de la
table du café du commerce au Palais de verre de l’O.N.U., car il concerne notre survie. Il
traduit la prise de conscience que l’homme a les moyens de détruire la planète et qu’il est temps
de mettre fin à cet aveuglement suicidaire.
Vous savez que la France est l’un des pays les plus en pointe dans le combat pour
l’environnement. Tout récemment encore, les 2 et 3 février, se tenait à Paris une conférence
internationale « Citoyens de la Terre : pour une gouvernance écologique mondiale », à laquelle le
Président de la République avait invité une cinquantaine de pays. Le Président du comité
d’honneur de cette manifestation était précisément M. Alain JUPPE, qui viendra demain clôturer
vos travaux.
Cette conférence a permis de dégager une commune détermination à conférer aux Nations Unies
un rôle central en matière d’environnement et à agir en ce sens dans le cadre de la réforme des
Nations Unies.
Un « Groupe des amis de l’ONUE » (organisation des Nations Unies pour l’Environnement) a été
créé dans le double but de mobiliser les énergies en faveur de la transformation du Programme
des Nations Unies pour l’Environnement en Organisation des Nations pour l’Environnement
Ancrer le principe d’une gouvernance internationale de l’Environnement
La première réunion du « Groupe des amis de l’O.N.U.E » aura lieu au Maroc, au printemps. Le
projet d’O.N.U.E., nouvelle organisation spécialisée des Nations Unies, élargirait et complèterait
l’action d’une autre organisation spécialisée des Nations Unies, l’Organisation mondiale de la
santé.
Votre colloque illustre parfaitement cette complémentarité. La santé environnementale est
devenue une préoccupation majeure des dirigeants et des citoyens. Vache folle, maladie du
mouton, grippe aviaire illustrent tristement l’importance des enjeux.

iv
Certes, il y a toujours des maladies liées à l’activité humaine comme la silicose ou l’asbestose,
mais le problème a changé de nature et d’échelle : ce n’est plus un individu ou une catégorie
limitée de personnes qui sont concernés, mais la population à l’échelle d’une région, d’un pays ou
de la planète. La pression de la démographie sur l’environnement, l’accroissement de la
production industrielle ont des effets que nous ne maîtrisons plus et qui sont pour ainsi dire
mondialisés, globalisés. Les problèmes liés à la qualité de l’air, à la qualité de l’eau, aux
matières chimiques dangereuses n’ont pas de frontières. La solution à y apporter, les moyens
pour y parvenir, notamment en termes d’effort financier, impliquent une responsabilité partagée.
Face aux risques, des plans nationaux santé environnement ont été élaborés et des cadres
juridiques et sociaux mis en place. Les pays d’Afrique doivent aussi effectuer leur propre
démarche en ce sens, en fonction de leur spécificité.
Mais encore une fois, les enjeux sont communs et les responsabilités aussi. Vos débats pendant
ces deux jours vont permettre d’analyser plus avant ces questions et d’échanger expériences et
points de vue.
Je souhaite plein de succès à vos travaux.

Mme Christine Glass, Consule générale de France à Alexandrie.

v
ALLOCUTION DU RECTEUR DE L’UNIVERSITE SENGHOR A
L’OUVERTURE DU COLLOQUE

Madame la Consule Générale,


Excellences,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs, honorables invités,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir à Alexandrie, au CCFA pour ce colloque


international consacré à la « Santé et l’Environnement : risques et enjeux », organisé par
l’Université Senghor et l’Université de Montréal.
« L’environnement est la clé d’une meilleure santé » déclare l’OMS (Organisation Mondiale de
la Santé) à la Conférence ministérielle « Santé et Environnement » (Londres, juin 1999). Et
d’inclure dans le terme Environnement des paramètres physiques liés aux milieux (pollution de
l’atmosphère, de l’eau, impact des déchets…) et à l’ensemble des activités humaines (air
ambiant, accidents domestiques, violences urbaines…).
La médecine cherche à prendre en compte les facteurs « environnementaux » dans ses diagnostics
et ses recherches depuis les années 70. L’environnement est aujourd’hui considéré comme
l’ensemble des facteurs pathogènes « externes » ayant un impact sur la santé.
Est-ce bien nouveau ? Hippocrate (v. 460-377 av. J.-C.) ne jugeait pas d’une partie du corps sans
connaître le tout, lui-même indissociable de son milieu : « Pour approfondir la médecine, il faut
considérer d’abord les saisons, connaître la qualité des eaux, des vents, étudier les divers états du
sol et le genre de vie des habitants. A l’époque romaine, l’hygiène s’intègre dans l’urbanisme
(égouts, aqueducs, thermes…). Tandis que les savants musulmans du Moyen Age (Avicenne,
980-1037) apportent d’importantes contributions à l’hygiène personnelle et collective, l’Europe
déverse ses immondices dans les rues et les rivières dont elle boit l’eau.
Depuis, il y a eu Pasteur et bien d’autres qui se sont penchés sur les relations entre environnement
et santé.
Grâce aux progrès de l’éco toxicologie et des sciences environnementales, un pas a été franchi
dans les années 80 avec l’apparition d’un nouveau concept, celui de santé environnementale et de
ses corollaires : médecine environnementale, risque sanitaire environnemental etc. Cette
discipline met l’accent sur les causes « externes » dans le développement de nouvelles
pathologies.
Le concept de santé environnementale résulte donc d’une convergence entre les dégradations de
l’environnement, la conscience qu’en ont les populations, les connaissances établies sur les liens
entre la santé et l’environnement, et les progrès de la recherche dans ce domaine.
La pollution parasitologique ou bactériologique de l’eau demeure le principal problème des pays
du Sud. Mais dans les pays développés, on est passé d’une pollution bactériologique à une
pollution industrielle et aujourd’hui, à une pollution chimique. Cette dernière pose de nouveaux
défis aux professions sanitaires, car elle est difficile à évaluer et à prévoir, et les quantités de

vi
polluants (pesticides, substances chimiques diverses) sont infimes mais touchent un nombre
d'individus important en raison de l'urbanisation.
Lier santé et environnement est une évidence pour l'opinion, mais c'est encore un défi pour qui
recherche des informations fiables et précises. La santé environnementale repose donc en partie
sur l'évaluation et la gestion du risque d'où l'émergence du principe de précaution que l'on
cherche désormais à introduire en plus de la protection et de la prévention sanitaires.
Cette volonté de prendre en compte ce concept de santé environnement resterait lettre morte s’il
n’était pas soutenu par les accords internationaux. Je citerai comme exemple la « Déclaration de
Stockholm » (1972) et le protocole d’Athènes, relatif à la protection de la mer Méditerranée
contre la pollution provenant de sources et acticités situées à terre.
L’Université Senghor lieu de rencontre et d’échanges et fidèle à sa vocation d’être au service du
développement africain, a décidé, cette année, d’organiser ce colloque sur la santé
environnementale, cet enjeu qui conditionne l’avenir de nos enfants et de nos petits enfants.
Avant de terminer, je voudrais remercier le Centre Culturel Français d’Alexandrie, en particulier
Mesdames Glas et Rémer, pour leur excellent accueil dans leurs murs.
Je voudrais vous souhaiter, à toutes et à tous, un excellent colloque et un bon séjour à Alexandrie.

Je vous remercie.

Professeur Fernand Texier, Recteur de l’Université Senghor

vii
DISCOURS DU DIRECTEUR DU DEPARTEMENT SANTE

Madame la Consule Générale de France


Excellences
Monsieur le Recteur
Mesdames, Messieurs

Comme vient de le souligner Madame la Consule générale et M le Recteur de l’université


Senghor, la santé environnementale est au centre des préoccupations des pays du nord et des pays
du sud.
En effet, les facteurs sanitaires liés à l’environnement constituent des déterminants fondamentaux
de la santé des populations.
L’état de l’environnement peut avoir de nombreuses conséquences directes sur la santé humaine :
celle-ci dépend de la qualité de l’air, de l’eau, de la nourriture et même du soleil, puisque la
dégradation de la couche d’ozone entraîne des risques cancérigènes accrus. L’omniprésence dans
notre quotidien de polluants serait la cause d’un quart à un tiers des maladies contractées dans les
pays du nord et le motif direct de 2 à 5 % de la mortalité.
Dans les pays en développement, la mauvaise qualité de l’eau est source de maladies diverses tel
que le choléra, la dysenterie, la typhoïde ou encore les différentes formes d’hépatites. Cette
mauvaise qualité de l’eau est également responsable d’une mortalité très élevée, en particulier
chez les enfants en bas âge.
Depuis les catastrophes des années 80 comme Seveso, Bhopal ou Tchernobyl, la société civile est
de plus en plus sensible à ce lien entre santé et environnement. Comme l’a évoqué m le recteur,
cette prise de conscience est soutenu par l’apparition d’un arsenal juridique national et
international.
Je remercie M le recteur Texier d’avoir insister sur la mission première de notre université qui est
de se mettre au service de l’Afrique.
C’est dans cet esprit que ce colloque sur la santé environnementale a été construit. Les enjeux de
cette thématique pour les pays Africain conditionne un développement harmonieux par une prise
de conscience des problèmes de santé liés à l’environnement et des moyens nécessaires à mettre
en œuvre pour y remédier.
Je vais maintenant passer la parole à ma collègue Madame Gallez, directrice du département
environnement qui va également en profiter pour vous présenter le programme de ces deux
journées.

Docteur Christian Mésenge,


Directeur du département Santé, Université Senghor

viii
Communications
Orales
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

GESTION SCIENTIFIQUE ET POLITIQUE D’UNE CRISE ALIMENTAIRE :


L’EXEMPLE DE LA « VACHE FOLLE »

Gérard PASCAL
Directeur de recherche honoraire à l’INRA, Paris. Expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS

Résumé

Dès la fin des années 80, l’existence au Royaume-Uni de bovins atteints d’un mal nouveau
qualifié de syndrome de la « vache folle » (ou encéphalopathie spongiforme bovine - ESB), a
conduit des scientifiques (en particulier en France) à s’interroger sur les risques de transmission
à l’homme de l’agent responsable (non identifié à l’époque). Pourtant bien peu de gestionnaires
de risques se préoccupèrent de ces risques avant l’annonce, en mars 1996, de la mise en
évidence en Angleterre de cette transmission, à plusieurs personnes qui décédèrent atteints d’une
nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vCJD). L’Union européenne a alors connu
une crise politique profonde qui a conduit à une réforme complète du système d’évaluation
scientifique des risques au sein de la Commission. En un an, une séparation de cette évaluation
et de la gestion des risques a été mise en place et un Comité scientifique directeur (SSC)
spécifiquement chargé de l’évaluation des risques liés à l’ESB mis en place au sein de la
Direction générale « Politique des consommateurs » aujourd’hui devenue « Santé et
consommation ».
Dans une situation d’incertitude scientifique rarement rencontrée, ce SSC a émis entre 1997 et
2003, plus de 230 avis à la demande des gestionnaires de risques. La nécessité de maîtriser
l’extension de la maladie animale ainsi que l’exposition humaine, a conduit le SSC à proposer
diverses mesures comme l’adoption de nouveaux critères pour le traitement des farines de
viandes et d’os, l’élimination des matériaux dits à risques spécifiés, l’interdiction des farines
animales pour les ruminants et à évaluer les « risques géographiques » existant dans différents
pays : les membres de l’Union européenne et leurs clients, importateurs ou exportateurs de
bovins et de produits bovins.
Les responsables de santé publique ont alors fait usage du principe de précaution à partir de
différentes appréciations scientifiques de la plausibilité des hypothèses concernant les risques.
Des divergences sont apparues en particulier entre la France d’une part et le Royaume-Uni et la
Commission européenne d’autre part. L’analyse scientifique et politique des raisons de ces
divergences met bien en lumière l’importance de la séparation de l‘évaluation et de la gestion
des risques, mais en même temps l’impérieuse nécessité de contacts étroits entre acteurs
impliqués dans la protection de la santé publique.
Le rôle des grands médias dans l’évolution des crises alimentaires ne peut pas être passé sous
silence ; leur accès n’est pas toujours équilibré entre politiques et scientifiques qui doivent,
chacun, assumer toutes leurs responsabilités, rien que leurs responsabilités.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 Rappels historiques :

1.1 Chez l’animal :


- Au XVIII ème siècle (1730-1772) plusieurs auteurs signalent l’existence, en Angleterre, d’une
maladie du mouton qui apparaît plus tard en France et qui est dénommée « scrapie » outre-
manche et « tremblante » en France. Elle se caractérise par des démangeaisons, du prurit et des
tremblements et n’apparaît que chez des animaux âgés ;
- En 1883, Sarradet, à l’Ecole vétérinaire de Toulouse, signale un cas de tremblante (qui ne
ressemble que de loin à celle du mouton) chez un bœuf ;
- En 1893, un ouvrage sur l’alimentation des animaux domestiques mentionne l’utilisation des
farines animales (il s’agit donc d’une très vieille pratique !) ;
- En 1898, le Pr. Besnoit décrit des lésions nettes (vacuoles) du tissu nerveux des animaux
atteints de tremblante ;
- Entre 1936 et 1950, il est prouvé que la tremblante du mouton est une maladie transmissible,
que son agent est très résistant (il résiste au formol par exemple), qu’il est principalement localisé
dans le système nerveux, mais pas seulement. On pense qu’il pourrait s’agir d’un virus. Plusieurs
types de tremblante sont observés. Cette maladie existe également chez le vison et peut être
transmise à la chèvre ;
- En 1959, un vétérinaire américain, W. Hadlow souligne les similitudes entre la tremblante du
mouton et une maladie humaine, le kuru.

1.2 Chez l’Homme :


- C’est en 1920-1930 que H.G. Creutzfeld d’une part et A.M. Jakob d’autre part, décrivent en
Allemagne des atteintes du système nerveux central chez des patients de différents âges.
L’hypothèse d’une maladie génétique est alors avancée, elle est dénommée maladie de
Creutzfeld-Jakob (MCJ) ;
- C’est seulement dans les années 50 que V. Zigas, puis C. Gajdusek décrivent, chez les Forés,
peuplade de Nouvelle Guinée qui pratique encore le cannibalisme, une maladie neurologique qui
existe à l’état endémique et est baptisée de « kuru » (trembler de froid ou de peur). Les lésions
histologiques du cerveau apparaissent comparables à celles observées chez des patients décédés
de maladie de Creutzfeld-Jakob ;
- On montre par la suite que le kuru ou la MCJ sont transmissibles au chimpanzé et au macaque,
par injection intracérébrale de suspension de cerveau de sujets atteints ;
- A la fin des années 1960, on sait que le kuru et la MCJ sont « de la même famille » ; on les
désigne sous le terme « d’Encéphalopathie Spongiformes Subaiguës » (ESS).
Pendant la période qui a suivi, les travaux scientifiques se poursuivent dans les milieux
vétérinaire et médical, sans beaucoup d’échanges entre ces milieux. La nature de l’agent (on
devrait dire des agents) de la tremblante n’est pas démontrée ; il pourrait être capable de se
multiplier sans contenir lui-même d’acide nucléique. L’hypothèse protéique naît en 1967.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

C. Gajdusek reçoit le prix Nobel de médecine et de physiologie en 1976, mais à la fin des années
70, on ne sait toujours pas la nature et la source de l’agent de la MCJ et la manière dont il se
transmet.
De 1980 à 1987, de nombreux travaux sont publiés sur les maladies animales et humaines et des
résultats importants obtenus :
Gajdusek parvient à transmettre le kuru et la MCJ à des singes écureuils par administration de
morceaux de système nerveux mélangés à la nourriture, donc par la voie orale, ce qui explique le
mode de transmission chez les Forés ;
Prusiner, neurologue américain, avance la notion de Prion, une protéine, pour qualifier l’agent
des ESS, devenues ESST, pour Transmissibles, car ;
Des cas de transmission iatrogène de la MCJ par injection d’hormone de croissance extraite
d’hypophyses humaines commencent à être décrits aux USA et en mai 1985, après les USA, la
Grande-Bretagne interdit l’utilisation de ce type d’hormone de croissance. En France, le Pr. Luc
Montagnier a déjà souligné ce risque.

2 « Incubation » de la crise de la « Vache folle » :

Les premiers cas de la maladie de la vache folle ou ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine,
BSE en anglais) apparaissent en Angleterre en 1985, même s’ils ne sont identifiés comme tels
qu’en octobre 1987 par G. Wells qui annonce dans « The Veterinary Record » l’apparition d’une
maladie des bovins (9 cas alors). Les animaux sont atteints de troubles nerveux graves et on peut
noter des lésions dans la substance grise du tronc cérébral, ainsi que de nombreuses vacuoles,
comme dans la tremblante. Dans la même revue, en décembre 1987, un article de Wilesmith et al.
incrimine l’alimentation des animaux : les méthodes de préparation des farines auraient été
modifiées (moins chauffées, arrêt de l’utilisation de solvants pour les dégraisser).
En avril 1988, un groupe de travail présidé par Sir R. Southwood est mis en place au Royaume-
Uni (R.U.) et rend rapidement un premier avis mettant en cause les farines de viande comme
responsable de la transmission de la maladie et recommandant d’intervenir. Le caractère
transmissible de la maladie est confirmé expérimentalement.
Alors que 137 cas avaient été enregistrés en 1987, c’est 1910 cas qui sont recensés en 1988. Il
semble qu’il y a eu une exposition simultanée de l’ensemble du cheptel bovin à une cause
inconnue (!) en 1981 ou 1982, compte tenu de la durée d’incubation de la maladie. Seuls les
bovins nés durant cette période étant alors frappés par la maladie.
Le rapport Southwood est publié en février 1989 : il conclue que la transmission de l’ESB à
l’homme est hautement improbable, que les risques de transmission sont infimes mais qu’il
convient de pendre des précautions ponctuelles. Le raisonnement retenu consistait à penser que
puisque la tremblante existait depuis 200 ans sans preuve de transmission à l’homme, la nouvelle
maladie, dont on pensait qu’elle était due au même agent que celui de la tremblante, disséminé
par l’incorporation de cadavres de moutons atteints dans les farines de viande et d’os distribuées
aux bovins, devait présenter peu de danger pour l’homme. Cependant, il existait une faille dans
ce raisonnement : même si la maladie était vraiment la tremblante chez les bovins, on savait qu’il

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

n’était pas possible de prédire le mode de dissémination d’un agent d’ESST lorsqu’il avait
franchi la barrière d’espèce.
Cependant, des appels à la prudence avaient été lancés, en particulier en France et aux USA.
En novembre 1989, 8100 cas d’ESB sont recensés au RU. Les évolutions du nombre de cas entre
1987 et 2006 au RU et en France figurent sur les figures 1et 2.

40000
35000 On distingue très mal les cas français
30000 sur cette figure qui utilise une échelle
25000 commune :
20000 R.U. - pic au R .U: 37.280 cas
15000 France - pic en France : 274 cas
10000
5000
0
1987 1991 1995 1999 2003

Figure 1 : évolution du nombre de cas de vaches folles en F et au R.U. entre 1987 et 2006

300

250

200

150
France
100

50

0
1987 1991 1995 1999 2003

Figure 2 : évolution du nombre de cas de vaches folles en France entre 1987 et 2006

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

3 Les mesures prises par les Etats et l’Union européenne entre 1987 et 1996 :

3.1 Au R.U. :
C’est en juillet 1988 (date d’application de la mesure) que les farines de viande et d’os sont
interdites au RU pour les ruminants. En août 1988, l’abattage devient obligatoire pour les
animaux suspects d’ESB ainsi que la destruction de leur carcasse.
En novembre 1989, les abats à risques (cerveau, moelle épinière, rate, thymus, amygdales et
intestins) des bovins de plus de six mois sont interdits à la consommation humaine en Angleterre
et au Pays de Galle ; ils doivent être détruits par incinération. Cette interdiction est étendue à
l’Irlande du Nord et à l’Ecosse en janvier 1990.
En septembre 1990, toute utilisation des matériaux à risques spécifiés (MRS) est interdite au R.U.
et leur exportation aux membres de l’UE interdite (en juillet 91 pour les pays tiers).

3.2 En France :

La France interdit l’importation des farines en provenance du R.U. le 13 août 1989, mais prévoit
des dérogations qui seront accordées jusqu’en février 1990. Cette interdiction sera étendue à la
République d’Irlande le 12 décembre 1989 ; cependant, elle sera levée pour ce qui concerne les
farines irlandaises le 17 mars 1993.
Le 16 février 1990 la France publie un avis aux importateurs qui interdit l’importation, en
provenance du R.U., de certains abats bovins. Le 30 mai elle met un embargo sur les produits
bovins en provenance du R.U., cet embargo est cependant levé après la prise de décision de la
Commission européenne du 8 juin 1990 qui limite strictement les expéditions de ces produits.
L’emploi des protéines de ruminants est interdit en France le 24 juillet 1990, soit 2 ans après le
R.U., mais pour les seuls bovins et non pour l’ensemble des ruminants comme au R.U. Cette
interdiction pour l’ensemble des ruminants interviendra seulement le 20 décembre 1994.
La France suspend le 31 juillet 1992, la fabrication et décide le retrait des compléments
alimentaires et des produits destinés à l’alimentation infantile renfermant des tissus autres que
musculaires d’origine bovine ou ovine. Cette décision est renouvelée en juillet 93 pour un an. En
février 1994, elle interdit l’utilisation des têtes, pieds et moelle épinière de bovins pour la
préparation des viandes séparées mécaniquement.

3.3 Dans l’U.E par la Commission :

La Commission européenne (CE) interdit le 9 avril 1990, d’exporter les abats spécifiés et
certaines glandes et organes vers les pays de l’UE, pour des usages autres que l’alimentation
humaine.
Le 27 juin 1994, la CE décide d’exclure les protéines de mammifères de l’alimentation des
ruminants. Le 14 décembre 1994, dans une modification d’une décision communautaire, il est
évoqué le risque d’exposition de l’homme à l’agent de l’ESB.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

4 La crise proprement dite et mon implication personnelle :

C’est le 20 mars 1996 qu’éclate véritablement la crise de la vache folle, après l’annonce par le
Ministre de la santé britannique de l’éventualité de la transmission de l’ESB à l’homme et de
l’apparition de ce qui va devenir la nouvelle variante de la MCJ (nvMCJ), annonce qui fait l’effet
d’une bombe auprès de l’opinion publique et de la communauté internationale. Dès le 21 mars, la
France décrète l’embargo sur la viande bovine britannique. Le 27 mars, c’est l’UE qui décrète
l’embargo sur la plupart des produits bovins britanniques.
Le 12 avril, la France publie une première liste de MRS impropres à la consommation humaine.
Le 17 avril, elle crée le Comité Interministériel sur les ESST (CIM ESST) dit « Comité
Dormont ». Il faudra attendre le 28 juin pour voir en France l’obligation du retrait et de la
destruction des MRS grâce à l’insistance de ce comité. Un arrêté du 10 septembre 1996 vient
compléter cette mesure pour ce qui concerne l’interdiction de l’introduction de MRS dans
l’alimentation humaine et animale s’ils proviennent de bovins de plus de 6 mois et d’ovins et
caprins de plus de 12 mois.
Ayant une formation de biochimiste, spécialisé en nutrition animale et humaine et en toxicologie
alimentaire, je n’avais aucune connaissance ni compétence en matière d’ESST et de prions en
1992. Ma première prise de contact avec la maladie de la vache folle eu lieu à l’automne 1992,
alors que je présidais la section de l’alimentation du Conseil supérieur d’hygiène publique de
France. A la suite d’un rapport d’un groupe de travail présidé par Dominique Dormont, qui
recommandait d’adopter, au titre du principe de précaution, des mesures visant à empêcher le
passage éventuel de l’agent de l’ESB à l’homme, les pouvoirs publics avaient pris le 31 juillet un
arrêté déjà évoqué qui concernait en particulier la composition des produits destinés à
l’alimentation infantile.
Une information de la section du CSHPF a été faite en novembre 1992 et un avis adopté dans
lequel nous évoquions, comme le groupe Dormont, les risques de transmission à l’homme et nous
nous félicitions de la décision française.
J’ai ensuite suivi dans la presse l’évolution des événements, le CSHPF n’ayant plus été saisi de la
question. C’est seulement en 1995, alors que j’avais été élu à la présidence du Comité
scientifique de l’alimentation humaine (CSAH) de l’Union européenne que j’ai repris contact
avec l’ESB, car la CE nous avait interrogés sur une demande de l’Allemagne qui concernait de
nouveau la composition des aliments pour bébés. Cette question nous concernait car ces aliments
sont préparés par l’industrie et notre comité n’avait mandat que dans le domaine des produits
industriels et pas des matières premières non ou peu transformées. La viande et les produits
dérivés nous échappaient donc. Après un examen attentif des éléments disponibles et un
apprentissage pour la plupart d’entre nous, nous avons émis le 8 mars 1996, un avis pour la CE
qui renfermait des recommandations de prudence car la transmission de l’ESB à l’homme nous
semblait alors probable. C’était quelques jours avant l’annonce britannique du 20 mars. Nous
avons alors été saisis de nouvelles demandes de la CE au sujet des risques liés à la gélatine et au
phosphate tricalcique.
La crise a éclaté au sein des instances européennes en avril, la CE étant violemment attaquée par
le Parlement européen (PE) pour la manière dont elle avait traité le problème de l’ESB depuis
1990. Moi-même et mes collègues du CSAH nous étions rapidement aperçus de
dysfonctionnements au sein de la CE dès que nous avons été impliqués. L’un des problèmes

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

majeurs concernait un mélange de genres entre l’évaluation des risques et leur gestion.
L’évaluation des risques liés à la maladie de la vache folle relevait du Comité scientifique
vétérinaire (CSV), placé auprès de la Direction générale de l’agriculture de la CE, direction elle-
même chargée de la gestion de toutes les questions agricoles. J’ai pu constater que le
fonctionnement du CSV laissait à désirer en termes d’indépendance et que son secrétariat
pratiquait de la rétention d’information. Les attaques du PE étaient bien justifiées.
La CE n’a sauvé sa tête que grâce à la promesse d’une réorganisation rapide de son système de
comités scientifiques. Elle a, dans un premier temps, immédiatement crée un Comité scientifique
multidisciplinaire sur l’ESB, placé auprès de son secrétariat général. J’ai été l’un des deux
membres candides de ce comité, l’autre étant le Pr. Fritz Kemper, qui en a assuré la présidence.
Tous les autres membres étaient des scientifiques spécialistes reconnus des ESST, dont D.
Dormont. Ce comité a travaillé une bonne année, avant la mise en place d’un nouveau dispositif
général de comités scientifiques européens à l’été 1997, au sein de ce qui était la DG XXIV
« Politique des consommateurs et protection de leur santé » et est devenu depuis la DG SANCO,
pour Santé et Consommation. Huit comités spécialisés ont été crées ou renouvelés, dont l’activité
était coordonnée par un Comité scientifique directeur (CSD) qui était par ailleurs spécifiquement
chargé de l’évaluation des risques pour l’homme et l’animal liés à la maladie de la vache folle et
aux ESST. Sélectionné pour faire partie de ce comité, j’en ai été élu président en 1997 puis de
nouveau en 2000. Durant ses six années d’existence, le CSD a émis 260 avis sur les ESST, à la
demande de la CE. Ils sont à l’origine de la façon dont l’UE gère, avec succès, les risques liés aux
ESST. Je ne développerai pas la teneur de ces avis dont la liste et l’esprit sont disponibles sur
Internet (http://ec.europa.eu/food/fs/sc/ssc/out364_en.pdf) dans un document de synthèse.
Les éléments essentiels de gestion, harmonisés dans l’U.E., sont les suivants :
conditions minimales de temps, de température et de pression (133°C, 3 bars et 20mn) pour le
traitement des farines de viande et d’os, avant qu’elles n’aient été totalement interdite en
élevage ;
élimination et destruction des MRS ;
surveillance permettant la détection (clinique) des animaux malades ou porteurs de l’agent de
l’ESB (tests à l‘abattoir et des animaux à risques)
abattage des cohortes de naissance dans les troupeaux qui connaissent un cas de vache folle.

5 En guise de conclusion

Je vais maintenant concentrer mon propos sur l’expérience que j’ai connue à l’occasion de
l’exercice de mes responsabilités à la tête du CSD, des relations entre scientifiques et politiques
et du rôle des médias lorsque les enjeux économiques et politiques sont de taille.
En octobre 1997, le R.U., qui nous l’avons vu avait pris un certain nombre de mesures pour
juguler l’épidémie de vache folle, a proposé un « Date Based Export Scheme » permettant la
reprise des exportations de viande bovine britannique dans les pays membres de l’UE, dans des
conditions très restrictives. La CE a interrogé le CSD sur la possibilité d’accepter cette
proposition. Le CSD a émis plusieurs opinions en particulier en décembre 97 puis en février 98.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Sur la base de ces opinions scientifiques, la CE a décidé le 25 novembre1998 d’autoriser la


reprise des exportations dans les conditions du DBES, avec date d’application au 1er août 1999.
La France avait mis en place, sur la base de la loi de sécurité sanitaire du 1er juillet 1998, une
Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) le 1er avril 1999, agence qui avait,
selon la loi, à se prononcer sur tout texte législatif ou réglementaire concernant la sécurité
sanitaire des aliments. Un arrêté français d’autorisation d’importation de viande anglaise pris en
application de la décision européenne devait être pris et l’AFSSA a souhaité naturellement
donner son avis sur le projet de texte. Pour ce faire, l’agence qui n’avait pas encore mis en place
ses comités d’experts spécialisés a donc demandé l’avis du comité Dormont, qui a rendu un avis
très mesuré qui concluait en particulier que le risque pour l’homme lié à la consommation de
cette viande n’était pas complètement maîtrisé. Sur la base de cet avis, l’AFSSA, c'est-à-dire
alors, son Directeur général, a rendu un avis négatif sur le projet d’arrêté, avis suivi par le
gouvernement français qui a donc refusé une première fois de lever l’embargo. Il a demandé à
l’AFSSA de préparer un dossier qui servirait à justifier la demande française d’un réexamen par
le CSD de la demande britannique sur la base de nouveaux éléments scientifiques. Le CSD a
donc été saisi de cette demande par la CE et s’est réuni les 28 et 29 octobre 1999. Président du
CSD, j’étais également à cette époque un tout récent président du conseil scientifique de
l’AFSSA. De plus, j’avais été, le 27 octobre, accusé par les tabloïds britanniques d’être un
patriote français et à ce titre de ne pas être en mesure de présider une réunion au cours de laquelle
on évoquerait un contentieux franco-britannique.
L’accueil à Bruxelles était impressionnant ; il y avait devant le centre de réunion environ 300
journalistes à l’affût de renseignements et d’interviews. Je suis entré sans encombre car ils ne me
connaissaient pas encore. Il a fallu faire évacuer des journalistes qui avaient envahi le bâtiment,
avant de pouvoir commencer à travailler. Compte tenu de ma situation j’ai demandé à mes
collègues de décider, en mon absence, si je pouvais cependant présider la réunion. Leur réponse a
été positive et après deux heures de discussion sur les éléments en notre possession, nous avons
conclu à l’unanimité que le dossier français n’apportait pas d’élément nouveau susceptible de
nous conduire à modifier nos avis antérieurs. La rédaction de l’avis a été longue et c’est
seulement le lendemain que nous avons pu le présenter lors d’une conférence de presse qui a fait
grand bruit, surtout à Londres et à Paris. De retour à Paris, j’étais passé du statut de patriote à
celui de traître à la nation !
La réunion suivante du conseil scientifique de l’AFSSA a été tendue, D. Dormont en étant
membre, mais chacun a pu expliquer sa position. En fait, le désaccord scientifique était mince,
mais nous n’avions pas répondu à la même question. Le CSD était d’accord avec l'AFSSA pour
considérer que le risque n’était pas totalement maîtrisé, mais ce que nous avons essayé de faire,
en tant que comité européen, c’était de comparer les niveaux de risque entre la consommation de
viande produite en France, aux Pays-Bas ou en Belgique avec celle de viande anglaise exportée
dans le strict respect du DBES. Notre conclusion était que ces risques étaient comparables, mais
pas nuls. Des vaches en phase d’incubation de la maladie passaient certainement dans le circuit
de la consommation humaine dans notre pays ; l’avenir nous a prouvé que nous avions raison,
lorsque des tests de détection ont été pratiqués sur de très nombreux animaux à l’abattoir et que
des cas ont ainsi été détectés. La France n’a pas accepté la position de la CE, basée sur l’avis de
CSD et a refusé à la fin de 1999, une nouvelle fois, après des négociations techniques qui avaient
semblé aboutir, de lever l’embargo. Elle a été attaquée en cours de justice par la CE. Elle a été

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condamnée en partie, mais sans conséquences puisque finalement elle a levé l’embargo à
l’automne 2002.
D’autres épisodes de désaccords ont marqué la période, par exemple dans l’évaluation des risques
de passage de l’agent de l’ESB chez les petits ruminants, moutons et chèvres. Quel a été le rôle
des politiques dans ces affaires ?
Tout d’abord, je dois dire que si j’ai été en contact quasi permanent avec les ministres français
concernés (agriculture, santé, consommation) ainsi qu’avec leurs administrations, je n’ai été
l’objet d’aucune pression. J’ai été simplement invité à exposer les raisons pour lesquelles le CSD
avait pris ses avis et ce qui justifiait le désaccord avec les avis français. Je n’ai pas plus été l’objet
de pressions du côté de la CE ou de la DG XXIV ou SANCO. J’ai été soutenu par ma hiérarchie
au sein de mon institut qui a fait confiance à mon indépendance scientifique. J’ai eu des relations
plus difficiles avec l’AFSSA, dont le statut laissait encore planer quelques ambiguïtés entre
évaluation et gestion des risques.
La séparation entre ces deux missions me semble encore plus nécessaire après mes expériences
difficiles mais enrichissantes. Cette séparation doit éviter aux politiques d’utiliser les
scientifiques en suivant systématiquement les avis scientifiques alors qu’il existe bien d’autres
critères à prendre en compte pour un politique. Elle doit aussi permettre au scientifique de ne pas
outrepasser ses prérogatives : il ne doit pas vouloir décider à la place de ceux qui sont légitimes
pour le faire, des mesures de gestion de risques.
Dans toute l’histoire de la crise de la vache folle telle que je l’ai vécue, rappelons que c’était une
période de cohabitation politique en France, chaque camp politique a joué des avis scientifiques
en fonction de la position de l’autre et a défendu successivement une thèse ou l’autre. Le principe
de précaution, outil de gestion de risque, a été employé à tord et à travers à mon sens.
L’une des décisions finales, l’interdiction totale des farines de viande et d’os a été l’objet d’une
surenchère au plan national entre le Président de la République et le Premier ministre et n’avait
pas été recommandée par les scientifiques au plan européen. C’était bien une décision politique,
d’ailleurs inévitable.
Politiques et scientifiques doivent les uns et les autres justifier leurs avis et décisions en
respectant la légitimité de chacun. Le principe de précaution ne doit pas conduire les experts à se
réfugier derrière des avis mi-chèvre mi-choux sans utilité pour le décideur qui doit prendre ses
responsabilités au bout du compte, sans se réfugier systématiquement derrière les avis
scientifiques.
Les médias sont souvent difficiles d’accès. J’ai eu personnellement des difficultés à présenter les
thèses du CSD, dans la mesure où elles n’étaient pas en accord avec les thèses françaises. De
plus, les grands médias d’opinion favorisent évidemment l’accès à ceux qui ont des positions qui
viennent à l’appui de leurs opinions, ce qui ne met pas le scientifique en situation favorable, dans
la mesure où il ne mélange pas activité professionnelle et militantisme.

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ASSAINISSEMENT, SALUBRITE ET SANTE INFANTO-JUVENILE EN


MILIEU URBAIN : ANALYSE DE L’IMPACT DE L’ASSAINISSEMENT
SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA PATHOLOGIE URBAINE

Dr. Zeyni El Abidine SY1 et Dr. Soulèye WADE2.


Chercheur en Géographie de la Santé, LTA.
Chef du Laboratoire de Télédétection Appliquée (LTA), Institut des Sciences de la Terre, Université Cheick Anta
Diop de Dakar, BP 5396 Dakar-Fann, Sénégal. Téléphone : (221) 825 25 30, télécopieur : (221) 824 63 18.
Courriels : zeynielabidine@hotmail.fr ; wadesouleye@yahoo.fr.

Résumé

Les conséquences du déficit de gestion de l’espace urbain sur les aspects sanitaires des
populations sont, non seulement dramatiques mais souvent mal connues. C’est à travers
l’exemple de Saint-Louis (Sénégal), que nous traiterons un problème beaucoup plus général et
qui touche fondamentalement toutes les villes du tiers-monde. Il s’agit d’une tentative d’analyse
des problèmes d’assainissement et de santé des enfants de moins de 15 ans en milieu urbain.
Nous caractériserons l’espace urbain dans une perspective sanitaire en analysant le rôle de
l’assainissement des quartiers sur le développement de la morbidité urbaine.
Situé dans le bas delta du fleuve Sénégal et à quelques encablures de l’océan Atlantique, le site
de Saint-Louis est régi par deux éléments fondamentaux : le fleuve et la mer. Des éléments qui lui
imprimeront sa morphologie et seront à la base de toute la problématique de son assainissement.
Notre hypothèse principale est de vérifier si l’état sanitaire moyenne d’une population dépend de
son niveau d’équipement en infrastructures de base. On s’appuiera sur des données d’ordre
démographique, socioéconomique et sanitaire pour la démonstration. L’analyse, basée sur des
traitements statistiques et factoriels, a permis d’établir des corrélations entre les pathologies, les
différents groupes d’âges, les mois et les conditions socioéconomiques des ménages. La
cartographie a été fortement sollicitée, elle a servi de support d’analyse avec la réalisation des
espaces à risque.
Il en ressort que Saint-Louis est une ville malade. La forte morbidité confirme l’état d’insalubrité
généralisée de la ville et du mauvais état de santé de toute la population. L’essentiel des
pathologies diagnostiquées (près de 80%) est lié au déficit d’hygiène. On note cependant une
absence de lien direct entre les fortes prévalences des pathologies hygiéniques et les niveaux des
équipements interquartiers.
L’analyse démontre que ce sont, probablement, les facteurs sociologiques en rapport aux modes
de vie et de comportements à risque des populations qui déterminent le plus, le niveau de risque
sanitaire. Les pathologies en cause affectent l’ensemble de la ville. La différence interquartier se
situe seulement au niveau de la nature de la pathologie. En conclusion, le déficit d’équipements
en infrastructures de base est une question de choix politique. Par contre, le développement de la
pathologie urbaine serait plutôt lié aux modes de vie des populations et non à l’insuffisance des
équipements sanitaires.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

L’article est tiré d’une Thèse de Doctorat soutenue en décembre 2005 à l’Université Paul
Valéry, sous la direction du Pr Henri Picheral. Sujet : « Assainissement, salubrité et santé en
milieu urbain : le cas de Saint-Louis du Sénégal ».

1 La problématique de la santé publique en ville

Les questions de santé ont été de tout temps une préoccupation des populations1. Une
préoccupation qui accompagnera le phénomène naissant de l’urbanisation et son corollaire de
fortes concentrations humaines, favorables à la contagion et à la propagation de multiples
maladies. Dès lors, l’intérêt porté à la santé publique aura comme catalyseur, l’espace urbain ; à
cause de la prolifération d’agents infectieux, due à un certains nombre de facteurs d’insalubrité
(absence de toilettes adéquates, d’eau potable en qualité et en quantité suffisante et de systèmes
d’évacuation des déchets), mais également à cause de la précarité des conditions sociales et
sanitaires des populations.
Contrairement en Occident où le processus historique de l’urbanisation s’est développé sur plus
de deux siècles2, ce qui a nécessité un long apprentissage avant d’aboutir à des changements
d’attitude et de comportements profonds eu égard aux nouvelles règles d’hygiène ; la ville
africaine moderne, est en revanche un produit de la colonisation. Son implantation est sans
précédent et est brutale en ce sens qu’elle a été à l’origine d’un sevrage violent et traumatique des
populations aux pratiques rurales. Des sociétés africaines qui, jusque là, étaient rurales et
traditionnelles s’urbanisent très et trop vite et, ce « processus contemporain amorcé à l’époque
coloniale est celui du passage en Afrique d’une civilisation globalement rurale à une civilisation
de l’urbain »3. Le colonisateur est venu avec une idée de la santé, de l’hygiène et de la ville, avec
son modèle, de ce qu’il convient de faire pour améliorer la santé publique4.
En Afrique, les éléments qui sous-tendent « sa révolution urbaine » diffèrent de ceux de
l’Occident. L’urbanisation fut plus ancienne en Occident et s’est opérée dans un contexte à la fois
d’industrialisation et d’intensification agricole. Autrement dit en corrélation étroite avec le

1 BOURDELAIS, P. La logique de développement de l’hygiène publique. Les hygiénistes,


enjeux, modèles et pratiques./ ed. par BOURDELAIS, P. Paris : Belin, 2001, p. 5-26.

2 MURARD, L. et al. L’hygiène de la République : la santé en France ou l’utopie contrariée


1870-1918. Paris : Fayard, 1996.

3 COQUERY-VIDROVITCH, C. Processus d’urbanisation en Afrique. Tome 1, Paris :


L’Harmattan, 1988.

4 MURARD, L. ibidem.

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développement économique de masse ; ce qui n’est pas encore intervenu pour les villes
africaines.
C’est donc à travers l’exemple de la ville de Saint-Louis du Sénégal, que nous traiterons un
problème beaucoup plus général et qui touche fondamentalement toutes les villes du tiers-monde.
Il s’agit par conséquent d’une tentative d’analyse des problèmes d’assainissement et de santé de
la population infanto-juvénile en milieu urbain. Autrement dit, de caractériser l’espace urbain
saint-louisien dans une perspective sanitaire en définissant des sous-espaces à risque selon les
niveaux d’assainissement et d’équipements des quartiers. L’analyse s’appuiera sur les trois
postulats suivants :
un espace urbain n’est jamais homogène ;
la morbidité diagnostiquée n’est jamais répartie aléatoirement ;
- l’état sanitaire moyen d’une population dépendrait de son niveau d’assainissement et
d’équipement en infrastructures de base.
L’étude se limitera aux enfants âgés de 0 à 14 ans, parce qu’entre autres, il est généralement
admis que l’un des meilleurs baromètres pour mesurer l’état de santé d’un pays ou d’une ville est
d’étudier sa population infanto-juvénile. Elle est la plus vulnérable et la plus sensible aux
mauvaises conditions de vie, d’autant plus que l’enfant jusqu’à un certain âge n’est pas
directement responsable de sa santé5.

2 Le terrain d’étude : la ville de Saint-Louis du Sénégal.

Situé dans le bas delta du fleuve Sénégal et à quelques encablures de la mer, le site de Saint-
Louis est régi par deux éléments fondamentaux : le fleuve et la mer. Ces éléments vont lui
imprimer sa morphologie et seront à la base de toute la problématique de son assainissement. Il
se caractérise par une absence quasi totale de relief et par un important réseau de cours d’eau et
de marécages lacérant en « lambeaux » des terrains qui ont du mal à émerger des flots : un des
pires sites pour l’implantation et le développement d’une ville, il est éclaté, marécageux,
inondable et vaseux.
Malgré sa longue tradition urbaine, la ville de Saint-Louis est confrontée encore aujourd’hui à
d’énormes problèmes structurels. Des problèmes liés à un site aquatique et à un déficit
d’équipements. Son urbanisation morbide comme, il est souvent le cas en Afrique noire, a
profondément modifié à la fois la fréquence et la gravité des pathologies6. Son corollaire,
l’explosion démographique et ses conséquences, est à l’origine des innombrables problèmes

5 BIAYE, M. Inégalités sexuelles en matière de santé, de morbidité et de mortalité dans


l’enfance, dans trois pays de l’Afrique de l’ouest. Paris : L’Harmattan, 1994.

6 UNIVERSITE FRANCOPHONE. L’eau et la santé en Afrique tropicale. Colloque


pluridisciplinaire Géographie-Médecine (2 oct. 1991). Limoges : 1993.

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d’assainissement et de santé que connaît la ville. Ce qui amène, certaines maladies à sévir à l’état
endémique, occupant ainsi une part importante de la pathologie infectieuse infantile7.
Elle reste une ville tiraillée entre les fortes densités humaines, la promiscuité, les installations
irrégulières, l’assainissement déficitaire et l’environnement physique défavorable. Ce qui va créer
un espace épidémiologique spécifique et particulièrement dangereux, que l’on assimile
facilement à un système pathogène8. Un espace qui potentialise les pathologies dont le
développement est lié au manque d’hygiène. L’enfant apparaît fragile et vulnérable dans ce
« bouillon de culture » où il s’expose de manière forte et permanente à divers risques pathogènes
aggravés par la faiblesse de ses défenses. Dans ce cas, les causes de dégradation de sa santé sont
à rechercher dans son environnement familial et d’une manière générale dans son milieu de vie.
On peut donc postuler qu’un bon état sanitaire de l’enfant suppose que son espace de vie soit doté
des installations élémentaires de base. Faute de quoi, il sera une proie accessible à un ensemble
morbide d’atteintes parasitaires, microbiennes, virales et carentielles9. Dans ces conditions, toute
tentative d’amélioration de la santé de l’enfant exigerait des actions combinées des organismes
sanitaires et de tous ceux qui œuvrent dans le domaine du logement, de l’éducation et de
l’assainissement.

3 Matériels et Méthodologie.

Les données collectées sont d’ordre démographique, socioéconomique et sanitaire. Les données
sanitaires, les plus importantes de toutes, couvrent l’année 2001 et sont déclinées à une échelle
mensuelle. Elles sont issues des dépouillements manuels et exhaustifs des registres sanitaires sur
les 12 mois. Seul le nombre de consultants est pris en compte, c’est-à-dire qu’un malade qui
revient une deuxième fois dans le mois n’est pas comptabilisé. Seuls les registres des 9 postes de
santé de la ville, du Centre de santé et de l’infirmerie militaire, ont pu être dépouillés. Nous
regrettons de n'avoir pas pu accéder aux statistiques de l'hôpital régional10. Les variables
concernées sont : la saisonnalité de la morbidité, le lieu de résidence du malade, la pathologie

7 HUARD, P. et LAPIERRE, J. Médecine et santé publique dans le tiers monde. Paris :


Centurion, 1981.

8 PICHERAL, H. Dictionnaire raisonné de Géographie de la Santé. Montpellier : GEOS,


2001.

9 OMS. Relevé épidémiologique hebdomadaire. 3 juin 2005, n°22, 2005, 80, 193-200.

10 Ce qui ne change en rien la tendance générale de la situation sanitaire. A cause de sa


vocation régionale, seuls, les cas critiques et suffisamment graves d'enfants malades de la ville
y sont admis. Généralement, la population consulte d'abord les postes de santé des quartiers :
la cherté des consultations et des ordonnances au niveau de l’hôpital, limiterait
considérablement son recours.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

diagnostiquée, le sexe et l’âge de l’enfant. Les enfants sont répartis en trois groupes : les enfants
de moins de 1 an, les enfants âgés de 1 à 4 ans et ceux de 5 à 14 ans. Le dépouillement a intéressé
plus de 60 pathologies qui sont regroupées dans 15 rubriques11.
Tous les traitements statistiques préliminaires sont réalisés avec la technique des Tableaux
Croisés Dynamiques grâce au tableur Excel. Des indices ont été utilisés pour calculer la/les
population(s) cibles d’un établissement. Il s’agit des Indices de Dépendance de la Population
(IDP) et celui de la Ressource (IDR). La technique des Analyses Factorielles de Correspondances
(AFC) et celle en Composante Principale (ACP) a servi à l’établissement des corrélations entre
les pathologies, les différents groupes d’âges, les mois et les conditions socioéconomiques des
ménages. La Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) complémentaire de celle des
analyses factorielles, très pratique en Géographie, a permis de dresser la typologie des espaces à
risque. La cartographie a été fortement sollicitée, elle a servi de support d’analyse avec la
réalisation des espaces à risques en fonction des niveaux d’assainissement et d’équipements des
quartiers et du risque sanitaire. Le logiciel ADDAD a servi pour les analyses factorielles et celui
de CARTES-et-DONNEES et CD-NUM pour la réalisation des cartes.

4 Les Principaux Résultats :

La prédominance des maladies hygiéniques sur les autres à un taux qui reste très élevé, plus de
78% ;
L’analyse selon des critères relatifs aux niveaux d’équipements et d’assainissement et des
comportements des populations face au déficit d’assainissement dans les quartiers, révèle des
territoires et des paysages à risque très contrastés (carte n°1) : un premier espace en situation
favorable, un deuxième en situation défavorable et un troisième en situation très défavorable.
A un espace en situation favorable devrait, en principe, correspondre une population relativement
en « bonne santé ». Alors qu’à un espace en situation défavorable, voire très défavorable,
correspondrait non seulement une population relativement en « mauvaise santé » mais aussi
exposée à plus de risques. Doit-on s’attendre pour autant à ce que la distribution du risque
morbide réponde à ce schéma ?
La prévalence est inversement proportionnelle aux niveaux des équipements et d’assainissement
des quartiers. Il existe une asymétrie presque « parfaite » entre les niveaux d’assainissement,
apparents ou réels, des quartiers définis supra (carte n°1) et la distribution de la prévalence (carte
n°2). Des quartiers « réputés » être en situation favorable (groupe 1), c’est à dire les mieux
assainis et les mieux équipés, sont au contraire les plus morbides. Il semble donc que les

11 Le Paludisme, les Dermatoses, les Affections Respiratoires, les Parasitoses Intestinales, les
Maladies liées au Péril Fécal, les Plaies, la Gale, les Maladies à Potentiel Epidémiologique, les
Maladies de l’œil et Annexes, les Affections Bucco-dentaires, les Maladies Carentielles, les
Maladies de l’Oreille et Oreillon, les ORL, les IST et les Autres Maladies.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

conditions de vie à l’intérieur des ménages et à l’intérieur des familles, joueraient plus sur la
variation du risque sanitaire que ceux des niveaux d’équipements et d’assainissement des
quartiers. Ce sont par conséquent les facteurs sociologiques en rapport aux modes de vie et de
comportements des populations qui influencent le plus leur état de santé ;
Les pathologies hygiéniques qui sont en cause, sont aussi bien développées par la population des
quartiers supposés être en situation favorable que par celle des quartiers en situation très
défavorable. La différence de risque interquartier se situe plutôt au niveau de la nature de la
pathologie qui affecte la population (carte n°3) ;
Quel que soit le niveau d’équipements de base des quartiers de la ville, supposé « bon » ou
« mauvais », la question d’hygiène est au cœur des problèmes sanitaires ;
La structure par âge renseigne, par exemple, que les affections respiratoires affecteraient plus les
nourrissons que les autres tranches d’âges et que le risque de maladies liées au péril fécal serait
sensiblement plus élevé chez les filles âgées de 5 à 14 ans.

5 Perspectives :

Partant du constat que les aspects sanitaires en milieu urbain africain sont parmi les plus
originaux mais aussi les moins connus, il apparaît donc urgent de réfléchir et de définir une
politique sanitaire spécifique aux villes. Sans oublier l’apport que pourrait apporter des SIG
dédiés à la santé urbaine. Un processus d’élaboration qui ne sera pas l’exclusivité des Politiques
ni des Médecins mais où, la géographie de la santé, par sa démarche systémique, pourrait sans
doute y contribuer de façon efficace et pertinente.
Il n’est pas non plus inutile de se pencher sur le cas des petites villes et des gros villages en
extension croissante à l’intérieur du pays, où les questions de gestion de l’espace se posent
chaque jour avec acuité. Une façon de prévenir et d’anticiper les problèmes. Il faudrait aussi
essayer d’inscrire l’analyse dans la durée, sur une période suffisamment longue pour valider ou
invalider les résultats obtenus.

6 Références bibliographiques :

ALLARD, R. et al. 1988. Dictionnaire d’épidémiologie. Edisem Maloire.


BIAYE, M. Inégalités sexuelles en matière de santé, de morbidité et de mortalité dans l’enfance,
dans trois pays de l’Afrique de l’ouest. Paris : L’Harmattan, 1994.
BOIS, D. 2004. Les équipements en eau à Diego Suarez : un échec de l’urbanisme colonial.
Politiques d’équipement et services urbains dans les villes du sud. / éd. par CHANSON-
JABEUR, Ch. Paris : L’Harmattan, p. 213-231.
BOURDELAIS, P. 2001. La logique de développement de l’hygiène publique. Les hygiénistes,
enjeux, modèles et pratiques. / ed. par BOURDELAIS, Paris : Belin, p. 5-26.
BOURGI, M. 1994. Urbanisation et problèmes liés à la distribution des eaux et à l’assainissement

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

dans les pays en voie de développement : application à une grande métropole africaine, Dakar
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17
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Définition des espaces à risque en fonction des niveaux


d’assainissement et d’équipements des quartiers.

groupe 1
groupe 1
Quartiers à risque
faible à intermédiaire.
groupe 2

Quartiers à risque
intermédiaire à élevé.
groupe 3 groupe 2
groupe 3

Quartiers à risque
élevé à très élevé.

groupe 3

Situation très
+ !
défavorable
sanitaire

groupe 2
Risque

Situation
défavorable
Schématisation
groupe 1 du Postulat 3
0 + !

?
Niveau d’assainissement Situation
et d’équipements favorable

Sources : District Sanitaire de Saint-Louis, 2001 © Zeyni El Abidine SY, 2005


CSL, 2001 et SH, 1994 Traitements : Zeyni El Abidine SY, 2005 CARTE 1

18
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La distribution de la morbidité 5

diagnostiquée : inversement
proportionnelle aux niveaux
1
d’équipements et d’assainissement. 6
8
3
9
7 2
10
12
4

Nbre de cas morb./1000 enfants


13
moins de 200
x = 347 moins de 300
11
" = 201 moins de 400
# = 58
637- 687

Schématisation du profil du risque pathologique dans les trois types de situations

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Type 1
Type 2
1
Type 3

Légende :

Type 1 : situation favorable ; Type 2 : situation défavorable ; Type 3 : situation très défavorable

1 : Nord 5 : Goxumbacc 9 : Balacoss


2 : Sud 6 : Ndar-Toute 10 : Diamaguène 12 : Ndiolofène
3 : Sor-Nord 7 : Guèt-Ndar 11 : Pikine 13 : Eaux-Calires/Diaminar
4 : Hlm-Léona 8 : Darou

© Zeyni El Abidine SY, 2005


Source : District Sanitaire de Saint-Louis, 2001 CARTE 2

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

La différence de risque interquartier se situerait plutôt


au niveau de la nature de la pathologie qui affecte la
population.
Type 1
La gale et Ndar-Toute
Guèt-Ndar
le paludisme CA
H
Hlm-Léona
Les parasitoses intestinales Diamaguèn
et les maladies carentielles e
Balacoss
Darou
Type 2

Quartiers Sor-Nord
susceptibles de Ndiolofène
développer toutes Pikine
les pathologies ? Eaux-Cl./D.

Nord
Les dermatoses
Sud
Les maladies à Goxumbacc
potentiel épidémique
Type 3

Type Un problème d’hygiène


1 corporelle et de paludisme

Type Un problème d’hygiène


2 alimentaire et de qualité
de la nourriture
Type Des quartiers développent a
3 priori toutes sortes de
pathologies

© Zeyni El Abidine SY, 2005


Source : District Sanitaire de Saint-Louis,
Traitements : Zeyni El Abidine SY,
CARTE 3
2001
2005

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IMPACTS DE MA POLLUTION DE L’EAU SUR LA SANTE : LE CAS DES


POPULATIONS RURALES S’APPROVISIONNANT EN EAU DANS LES
SOURCES ET LES PUITS AMENAGES

Jean Merlin Basile ETOBE


Ingénieur du Génie rural

Résumé

Le Projet Femec Babimbi (PFB) est un projet qui s’est investit dans les approvisionnements en
eau dans le département de la Sanaga Maritime dans la province Littoral du Cameroun. Dans le
cadre de ses activités, le PFB capte les sources et construit des puits cuvelés. Paradoxalement, le
PFB avait constaté que certains centres de santé à proximité des points d’eau enregistraient un
nombre croissant de maladies liées à l’eau. Dans l’impossibilité d’expliquer ce phénomène, le
PFB a commis une équipe pour établir les faits.
Il était question de :
! Circonscrire le périmètre à partir duquel les populations fréquentaient les centres de
santé
! D’identifier et caractériser les points d’eau dans ce périmètre
! D’identifier le périmètre de fréquentation de chaque point d’eau
! De faire des analyses des échantillons d’eau de ces points d’eau
! D’identifier les activités autour de ces points d’eau
! De déterminer la relation entre ces activités et la composition des échantillons d’eau
! De proposer des mesures susceptibles d’inverser ces tendances
A l’issu de ces travaux, il ressort que :
! 40% des échantillons des points d’eau présentent des taux élevés de E. coli
! Le taux de E. coli est proportionnel aux activités menées autour des points d’eau
! Les ménages les plus rapprochés des points d’eau contaminés ont été plus sujets aux
maladies hydriques
! Les activités menées autour des points d’eau sont proportionnelles au niveau de cohésion
du comité de gestion du point d’eau
Ainsi, il est indéniable l’accroissement du taux de maladies hydriques au sein des populations est
du à l’ingestion des eaux provenant des sources et puits mais contaminées par les activités des
hommes et des animaux en divagation.
Nos propositions, outre la clôture en matériaux locaux à construire, ont portées essentiellement
sur la dynamisation des comités de gestion des points d’eau et l’introduction dans le processus

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d’animation des populations bénéficiaires d’un module portant sur la protection et la


maintenance des points d’eau.

1 Introduction

Le Projet Femec Babimbi (PFB) est un projet de développement intégré qui œuvre dans le
Département de la Sanaga Maritime dans la Province du Littoral au Cameroun. Le PFB s’articule
autour de quatre principaux programmes à savoir :
Le programme d’adduction d’eau potable (Provillage) dont le but est de donner une eau potable
aux populations rurales
Le programme santé communautaire qui s’occupe de l’hygiène et de la sensibilisation contre le
VIH/SIDA
Le programme agricole qui accompagne les producteurs agricoles dans leurs activités de
production de biens
Le programme féminin qui a en charges la promotion des femmes et des enfants dans le
processus de développement
Dans le cadre de ses activités, le PFB a constaté une hausse du taux des maladies hydriques dans
certains centres de santé qui, pourtant, avait un taux appréciable de couverture en points d’eau
aménagés. Les indélicatesses du personnel médical ont jeté du trouble dans les esprits des
populations qui se méfièrent de ce fait des points d’eau réalisés par le PFB. Afin de lever le
discrédit qui s’abattait sur son action, le PFB a commis une équipe pour établir les faits.
L’objectif principal de la mission était non seulement de dégager les responsabilités des uns et
des autres, mais surtout de proposer des solutions susceptibles d’inverser ces tendances.
Il s’agissait de façon spécifique de :
Circonscrire le périmètre à partir duquel les populations fréquentaient les centres de santé
D’identifier et de caractériser les points d’eau dans ce périmètre
D’identifier le périmètre de fréquentation de chaque point d’eau
De faire des analyses des échantillons d’eau de ces points d’eau
D’identifier les activités autour de ces points d’eau
De déterminer la relation entre ces activités et la composition des échantillons d’eau
- De proposer des mesures susceptibles d’inverser ces tendances
Pour mener à bien cette mission, la participation des populations, du personnel médicale et du
PFB devaient être au centre de l’action, non seulement lors de la collecte des données, mais aussi
de leurs analyses et de leur interprétation.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

2 Méthodologie

L’équipe mise en place par le PFB était constituée de deux ingénieurs de génie rural, deux
ingénieurs agronome spécialisés en économie et sociologie et un technicien en santé
communautaire. La mission s’est déroulée en trois étapes principales à savoir : la préparation de
la mission, la mission proprement dite et la restitution des résultats.

2.1 La préparation de la mission


Lors de la préparation de la mission, nous avons premièrement rencontré les comités de santé des
deux centres de santé concernés par notre mission. Il était question non seulement de partager les
objectifs de la mission, mais aussi d’identifier leurs aires géographiques institutionnelle et réelle.
Nous avons ensuite compulsé les documents du PFB pour identifier les points d’eau construits
dans les aires géographiques réelles des centres de santé. En fin, nous avons rencontré les comités
de gestion des points d’eau identifiés pour leur expliquer les buts de la mission et susciter leur
adhésion.
Dès que ce premier tour de contact a été réalisé, une réunion s’est tenue dans les locaux du PFB.
Cette réunion regroupait les responsables du PFB, les médecins chefs des centres de santé, un
représentant de chaque comité de gestion des points d’eau et les membres de la mission. Il
s’agissait de présenter les outils qui seront utilisés et établir un planning prévisionnel de mise en
œuvre des activités qui clos alors la phase préparatoire de la mission.

2.2 La mission proprement dite


La mission s’est déroulée en deux sous étapes, la collecte des données et l’analyse des données.

2.3 La collecte des données


Les outils utilisés sont :
Les questionnaires administrés au moins à 10% des ménages de chaque village.
Les interviews semi structurées administrées en groupe (jeunes, femmes, hommes).
Les cartes du village des trois groupes (jeunes, femmes, hommes).
Les transects en diagonales dans un rayon de 100 mètres autour du point d’eau.
- Outres ces outils, trois échantillons d’eau ont été prélevés dans chaque point d’eau pour
analyse.

2.4 L’analyse des données


Etant donné que les activités agricoles se font sans apport d’engrais, nous n’avons pas jugé
opportun de chercher la présence des nitrites et nitrates dans l’eau. Ainsi, les analyses d’eau
devaient mettre en évidence les concentrations des bactéries E. coli, des entérocoques et des virus
de type coliphage F spécifique.

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2.5 Bactéries Escherichia coli


Les sources habituelles d’Escherichia coli sont les excréments des humains et des animaux à sang
chaud. En région rurale, lorsqu’il n’y a pas de réseau d’égouts sanitaires, la présence de E. coli
dans l’eau peut être associée à des installations sanitaires plus ou moins adéquates de résidences
isolées ou à l’épandage de fumier ou de lisier sur les terres agricoles.
La bactérie E. coli est généralement reconnue comme le meilleur indicateur bactérien de
contamination d’origine fécale en raison de sa spécificité. Sa présence dans une eau destinée à la
consommation indique que cette eau a été en contact avec des matières fécales humaines ou
animales, et donc que des microorganismes pathogènes risquent également de s’y trouver.

2.6 Bactéries entérocoques


Comme l’est E. coli, les bactéries entérocoques sont des indicateurs de contamination par des
sources fécales humaines ou animales. Elles persistent plus longtemps dans l'environnement que
E. coli, ce qui permet de mettre en évidence une contamination plus ancienne. Toutefois, les
entérocoques décelés dans l'environnement ne sont pas toujours d'origine fécale, ce qui les rend
moins spécifiques qu’E. coli pour mettre en évidence une contamination d'origine fécale (Edberg
et al., 1997). Leur présence révèle davantage une vulnérabilité de l'eau souterraine aux
microorganismes de l’environnement qu’un risque à la santé (Edberg et al., 1997).

2.7 Virus de type coliphages F-spécifiques


Les virus de type coliphages F-spécifiques sont des virus de très petite taille qui infectent E. coli
et quelques autres bactéries. Bien qu’ils soient non pathogènes pour l'humain ou les animaux, ils
se multiplient chez les bactéries de leur intestin et sont libérés dans l'environnement avec les
matières fécales. Considérés comme un complément à E. coli et aux entérocoques pour indiquer
une contamination d’origine fécale, leurs principaux avantages résident dans leur petite taille, qui
les aide à migrer plus facilement dans le sol que les bactéries (Abbaszadegan et al., 2003), et dans
leur temps de survie plus grand que celui de la bactérie E. coli. Ainsi, la détection de virus
coliphages F-spécifiques dans une eau souterraine peut indiquer une contamination fécale récente
ou plus ancienne qui n'est pas nécessairement détectable par les indicateurs bactériens
traditionnels. Leur présence indique une possibilité de présence de virus entériques. À ce titre, les
virus coliphages F-spécifiques possèdent l’avantage d’être plutôt propres à une contamination
d’origine fécale, mais l’inconvénient de ne pas toujours être présents lors d’une contamination
fécale.

2.8 Analyses au laboratoire


À la suite du prélèvement, les échantillons d’eau étaient transportés dans des glacières et envoyés
au laboratoire pour être analysés dans les vingt-quatre heures pour les microorganismes.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Les données ont été consignées dans le tableau ci-dessous et les pourcentages simples ont été
calculés.
Point Type Présence Présence Présence Nombre de Niveau de
d’eau d’ouvrage* de E. coli d’entérocoque virus F personnes cohésion du
s’approvisionnant au comité de
point d’eau gestion

2.9 Type d’ouvrage :


Source, puits de surface (inférieur à 8 mètres) et puits profond.
Le niveau de cohésion d’un comité de gestion était jugé sur la base de quatre paramètres à
savoir :
Le respect des heures de puisage.
La tenue des réunions réglementaires.
Le taux de recouvrement de la redevance pour l’eau.
La tenue des cahiers administratifs et comptables.
- La gouvernance (publication de tous les actes de gestion quotidienne).
Dans un souci de simplification, chaque paramètre a un total de dix (10) points. Pour avoir le
niveau de cohésion du comité de gestion, on fait la moyenne des notes de chaque paramètre
(chaque ménage enquêté donne sa note) et on additionne les différentes notes obtenues. Une note
supérieure à 40 équivaut à une bonne cohésion, entre 30 et 40 on a une cohésion moyenne, entre
20 et 30 elle est passable, médiocre entre 10 et 20 et nulle en deçà de 10 points.

2.10 La restitution
La restitution s’est faite à deux niveaux. Une restitution aux responsables du PFB et aux
responsables des centres de santé et une autre auprès de chaque comité de gestion des points
d’eau.

25
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

3 Résultats obtenus

Les centres de santé regroupent un total de quinze (15) villages pour environ onze milles sept
cents soixante seize (11 776) habitants. Le plus grand village a environ deux milles cinq cents
(2500) habitants et le plus petit, sept cents (700) habitants.
Les points d’eau identifiés dans cet espace géographique sont au nombre de douze (12) dont
Quatre (04) sources, Cinq (05) puits de surface et Trois (03) puits profond. Les résultats obtenus
sont consignés dans le tableau ci-dessous :
Point Type Présence Présence Présence Nombres de personnes Niveau de
d’eau d’ouvrage de E. coli d’entéro virus F s’approvisionnant au cohésion du
point d’eau comité de
gestion
1 Source Oui Oui Non 263 Passable
2 Source Oui Oui Non 457 Passable
3 Source Oui Non Non 279 Médiocre
4 Source Non Non Non 352 Médiocre
5 Puits de Oui Oui Oui 785 Médiocre
surface
6 Puits de Oui Non Non 860 Passable
surface
7 Puits de Non Non Non 700 Moyenne
surface
8 Puits de Non Non Non 687 Moyenne
surface
9 Puits de Non Non Non 1553 Passable
surface
10 Puits Non Non Non 1059 Passable
profond
11 Puits Non Non Non 949 Moyenne
profond
12 Puits Prof Non Non Non 960 Médiocre

Trois (03) sources sur quatre (04) soit 75% présentent des taux élevés de E. coli et deux (02)
source présentent simultanément E. coli et les entérocoques. Aucune source n’a recelé des virus
coliphage de type F.
Il convient de souligner que les trois sources sont dans des bas fonds. Quelques parcelles
agricoles sont présentes autour des sources. Etant donné que la collecte des données s’est faite
pendant la saison de pluie, nous pensons que les activités agricoles y sont plus intenses pendant la
saison sèche puisque respectivement 58%, 45% et 33% des ménages des villages concernés ont
déclarés faire des cultures de bas fonds en saison sèche. En outre, bien qu’aucune fosse septique
n’ait été détectée autour des sources, les transects ont révélés la présence de matières fécales de
différents âges et à des quantités différentes autour des différentes sources. Ceci nous permet
d’affirmer que les habitants utilisent les abords des sources comme salle de bain et latrines. Cet

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

environnement des sources explique les taux élevés de E. coli dans les échantillons d’eau de ces
sources.
Deux (02) puits de surface sur cinq (05) soit 40% ont des taux élevés de E. coli. De ces deux
puits, un (01) présente en plus de E. coli, des entérocoques et des virus coliphage de type F. Ce
puits est situé dans une zone de forte concentration humaine et comporte trois latrines sommaires
dans un rayon de 100 mètres. Cette présence de latrines explique la pollution de l’eau du puits.
Pour le second qui ne présente que E. coli, n’a n’avons pu déceler la source de pollution dans le
rayon de 100 mètres dans lequel nous avons travaillé. Toutefois, il convient de noter que des
latrines et autres activités agricoles apparaissent à environ 200 mètres du puits.
Malheureusement, aucune donnée permettant de comprendre le processus transfert des
contaminants n’est disponible.
Aucun puits profond n’a laissé entrevoir des traces de contamination de E. coli, entérocoques ou
virus coliphage de type F.
Mille sept cents quatre vingt neuf (1 789) personnes victimes de maladies hydriques enregistrées
aux centres de santé durant la dernière année, soit environ 90% des malades, proviennent des
villages s’approvisionnant dans les points d’eau incriminés. 40% de cette population est située à
moins d’un kilomètre des points d’eau et 60% sont allés au moins deux fois au centre de santé
pour des maladies hydriques. Ceci s’explique par le fait que plus on est proche d’un point d’eau,
plus on utilise de l’eau potable pour diverses activités. Lorsque cette eau est polluée, on est alors
plus exposé que ceux qui l’utilisent moins.
Les faits étant établis, il faudrait mettre sur pied des actions susceptibles d’inverser la tendance
actuelle.

4 Solutions proposées

Les solutions proposées sont de deux ordres, les solutions curatives et les solutions préventives.
Les solutions curatives sont les suivantes :
Le nettoyage des environs des points d’eau
Le nettoyage des points d’eau incriminés
- Le déplacement des fosses septiques
Les solutions préventives sont les suivantes :
La redynamisation des comités de gestion des points d’eau.
La sécurisation des points d’eau.
- L’enrichissement de l’animation après la réalisation des points d’eau.
Le nettoyage des environs des points d’eau : il s’agit de défricher les abords des points d’eau et
le débarrasser du fumier et autres déchets organiques d’origine végétale ou animale. On construit
alors une barrière en matériaux locaux pour isoler les points d’eau des animaux en divagation et

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inscrire une barrière mentale auprès des populations pour qu’aucune activité polluante n’ait lieu à
l’intérieur de la clôture.
Le nettoyage des points d’eau consiste à ouvrir les sources et les puits, de les laver avec des
brosses métalliques, de les développer, de les vider et de les stériliser. Les points d’eau sont alors
refermés et les populations pourront s’approvisionner dès la recharge des points d’eau.
En ce qui concerne le déplacement des fosses septiques, elle s’applique seulement au puits de
surface ayant trois fosses septiques dans un rayon de 100 mètres. La population va s’attendre
avec les familles concernées afin qu’elles déplacent les fosses septiques. Bien évidemment, les
populations donneront un coup de main aux familles pour creuser une nouvelle fosse. Les
anciennes fosses recevront de l’acide et seront comblées.
La prévention des pollutions passe par la redynamisation des comités de gestion des points
d’eau. En effet, les points d’eau incriminés ont des comités de gestion peu fonctionnels. Il en
résulte alors un développement d’activités polluantes autour des points d’eau et un entretien quasi
inexistant des points d’eau. En dynamisant les comités de gestion, les prescriptions du PFB après
la construction des points d’eau seront plus respectées et les points d’eau accueilleront
régulièrement des activités de maintenance préventive. En outre, les redevances d’accès à l’eau
potable seront mieux collectées et les points d’eau seront constamment nettoyés.
La sécurisation des points d’eau est la solution la moins facile à mettre en œuvre. En effet,
chaque point d’eau devrait avoir un périmètre de sécurité. Le diamètre du périmètre de sécurité
dépend entre autre de l’indice de vulnérabilité du site, de la constitution chimique des sols…
Malheureusement, ces données ne sont pas disponibles (même sur le plan national) et la
détermination du de la ceinture de sécurité se trouve être une gageure. Néanmoins, nous avons
proposé qu’une ceinture de sécurité de 150 mètres de rayon au moins soit observée autour des
points d’eau.
L’enrichissement du contenu de l’animation permettra que les populations soient plus aptes à
respecter les prescriptions dues à la ceinture de sécurité et diminuer, voire annuler les activités
polluantes autour des points d’eau.

5 Conclusion et recommandations

Au terme de cette mission, on peut affirmer sans risque de se tromper que les points d’eau
réalisés par le PFB fournissent une eau de bonne qualité, mais les activités des populations autour
des points d’eau sont responsables de la pollution des points d’eau, d’où l’accroissement du taux
des maladies hydriques dans les deux centres de santé qui accueillent ces populations.
Néanmoins, il convient de signaler que le PFB peut, avec l’aide des populations bénéficiaires de
point d’eau, améliorer la sécurité autour des points d’eau et réduire ainsi diverses pollutions. Il
s’agit entre autre :
De systématiser les ceintures de sécurité autour de chaque point d’eau
De dynamiser les comités de gestion des points d’eau pour que les prescriptions des ceintures de
sécurité soient respectées

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

De renforcer les capacités des comités de gestion dans les domaines de la gestion des ouvrages
hydrauliques communautaires
Nous ne saurons clore cette conclusion sans énoncer quelques recommandations à l’endroit du
PFB :
De privilégier des sites dans lesquels l’eau sera prélevée dans une nappe profonde (à plus de huit
mètres) pour la réalisation des puits.
De mettre en place un système de maintenance périodique qui associe le PFB, les municipalités et
les communautés.

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APPLICATION DE LA MICROEXTRACTION EN PHASE SOLIDE POUR


L’ANALYSE ET LE CONTROLE DES TRIHALOMETHANES DANS LES
EAUX DE DISTRIBUTION

Mohamed BAHRI et Mohamed Ridha DRISS


Laboratoire de Chimie Analytique et Environnement (05/UR/12-03), Faculté des Sciences de Bizerte, 7021
Zarzouna, Tunisie. Email : Mohamed.Bahri@fsb.rnu.tn

Résumé

En raison de leur impact sur la santé humaine, les composés organiques volatils et en particulier
les trihalométhanes dans l’eau de consommation font l’objet d’une attention accrue de la part
des pouvoirs publics internationaux. Ces composés peuvent être utilisés comme indicateurs de la
présence de tous types de sous-produits de désinfection dans les approvisionnements en eau
potable et on estime que leur contrôle entraînera une réduction des concentrations des autres
sous-produits de désinfection et des risques qu’ils posent pour la santé.
Le but de ce travail est d’adapter la microextraction en phase solide couplée à la
chromatographie en phase gazeuse munie d’une détection à capture d’électrons pour l’analyse
des trihalométhanes dans un échantillon aqueux. La SPME est une nouvelle technique simple,
rapide et sensible pour l’extraction et la détermination des THM dans l’eau potable. Cette
technique nous a paru économique et réussable qu’aux autres techniques traditionnelles de
traitement de l’échantillon (extraction liquide-liquide ; purge and trap). Ceci nous a mené dans
un premier temps d’étudier les différents paramètres agissant sur l’efficacité d’extraction des
THM de l’espace de tête d’un échantillon aqueux. Les paramètres testés sont :
- L’épaisseur du film de la phase d’extraction (le polydimethylsiloxane ; PDMS)
- Effet de l’agitation et l’ajout d’un sel
- La température et la durée d’extraction
- La durée de désorption.
Les performances analytiques de la méthode optimisée, en terme de linéarité, précision et limite
de détection (LDD), ont été étudiées. La linéarité a été vérifiée pour une gamme de
concentration allant de 5 à 100 !g/l. La précision, en terme de déviation standard relative
(DSR), est inférieure à 12%. Les LDD sont comprises entre 1,4 et 6,1 ng/l. La méthode a été
ensuite appliquée pour évaluer et contrôler les niveaux de contamination par les THM dans les
eaux de distribution de la région de Bizerte. Les résultats de cette étude montrent que les THM
ont été détecté dans 17 échantillons prélevés à différentes distances de la station de traitement de
l’eau. La concentration des THM varie significativement de 45.43 à 101.67 !g/l.
Mots Clés : trihalomethanes (THM) ; eau potable ; SPME

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1 Introduction

Le chlore est le désinfectant de l'eau le plus employé couramment dans le traitement des eaux
destinées pour la consommation. Cependant, des sous-produits indésirables de désinfection
comme les trihalomèthanes (THM) se forment [1]. Ces composés sont produits lorsque le chlore
réagit avec la matière organique naturelle dans des approvisionnements en eau, particulièrement
les eaux de surface. Les composés spécifiques de la catégorie des THM sont Le chloroforme
(CHCl3), le bromodichlorométhane (CHCl2Br), le dibromochlorométhane (CHClBr2) et le
bromoforme (CHBr3). Les THM ont été identifiés comme des substances cancérigènes chez
l'animal et ils sont considérés comme potentiellement cancérigènes chez l'humain. Par
conséquent, leur exposition à la santé humaine devrait être réduite au minimum [2]. Par ailleurs,
L'agence de protection de l'environnement des Etats-Unis (US EPA) exige un niveau de l’ordre
de 80$g/L pour le total des THM dans les eaux de consommation [3]. L'Union Européenne (UE)
établi un niveau de 100 µg/l pour les THMs [4].
Diverses méthodes analytiques ont été rapportées pour l'analyse des THMs et d'autres composés
organiques volatils dans des échantillons aqueux. Les méthodes de traitement les plus utilisées
sont l'extraction liquide-liquide (ELL) et la technique de l'espace de tête dynamique (purge et
piégeage) [5]. L’ELL nécessite l’emploi de grands volumes de solvants organiques coûteux et
dangereux. De plus, des étapes d’évaporation doivent être menées avec beaucoup de précaution
afin d’éviter des pertes. La méthode de purge et de piégeage se montre moins critiquer mais elle
présente aussi quelques inconvénients comme l’investissement important en appareillage, et une
durée d’analyse assez importante. La microextraction en phase solide (SPME), développé par
Pawliszyn et ses collaborateurs [6], est une alternative sans solvants pratiquée pour l'extraction
des composés organiques dans divers matrices solides, liquides ou gazeux. Dans cette
méthodologie, le prélèvement, l'extraction, la concentration et l'injection sont combinées en une
seule étape. Typiquement, les composés sont extraits par fixation sur une microsonde recouverte
d’un polymère spécifique et ensuite ils sont désorbés dans l’injecteur d’un chromatographe.
L’intérêt que suscite cette technique d’extraction est de plus en plus important si l’on en juge par
le nombre d’applications dans des domaines trop variés qui apparaissent dans la littérature. La
SPME a été appliquée avec succès pour l'analyse d'une large gamme de micropolluants
organiques dans des échantillons d'eau comme les composés organiques volatils (COV) [7], les
trihalométhane (THM) [8], les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) [9], les
pesticides [10] et les PCB [11].
L’objectif de cette étude consiste d’une part, à développer et prouver la SPME selon le mode
espace de tête (HS-SPME) et, d’autre part, à appliquer cette technique pour déterminer les
niveaux des THM et avoir une meilleure connaissance de leur présence et de leur évolution à
travers le réseau de distribution dans la région de Bizerte.

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2 Matériels et Méthodes

2.1 Appareillage
Les séparations chromatographiques en phases gazeuse ont été menées sur un chromatographe en
phase gazeuse Série HP 6890 (USA) équipé d'un détecteur à capture d’électrons (ECD) (63Ni).
L'acquisition des données est assurée par un système informatique avec le logiciel Chemstation.
La colonne capillaire utilisée est de type VOCOL de 60 m de long, 0,32 mm de diamètre interne
et de 1,8 $m d’épaisseur de film de phase stationnaire. Les conditions chromatographiques sont
regroupées dans le tableau I.

Tableau I Conditions opératoires des analyses chromatographiques par CPG-ECD.

Détecteur: 300°C
Injecteur: 250°C
Températures Colonne: Initiale : 60°C durant 4 min
Programmation : de 60°C à 210°C à 15°C/min
Finale : 210°C durant 10 min
Vecteur: Hélium : Débit = 1,5mL/min
Gaz
Additionnel: Azote à 60 mL/min
Injection Mode: splitless (durée de fermeture 4min)

2.2 Solutions étalons


Les THM en solutions standard de référence à une concentration de 2mg/L dans le méthanol
(solution mère) proviennent de Supelco. Les solutions étalons intermédiaires de 1 et 10 $g/mL
étaient obtenues par la dilution de la solution mère dans le méthanol. Des solutions standard
aqueuses (5-100 $g/L) ont été préparées chaque jour à partir des standards méthanolique.

2.3 Collecte des échantillons


Des échantillons multiples d’eau brute, d’eau traitée, au niveau de la station de traitement de
Bizerte (après désinfection totale mais avant distribution), et d’eau traitée, dans 17 réservoirs ont
été prélevés durant les quatre saisons de l’année 2005. Ils ont été prélevés dans des bouteilles
ambrées de 22 mL contenant du thiosulphate de sodium (50 $L d’une solution de 1,5 g/L de
Na2S2O3) afin de prévenir ou de minimiser la production des THM durant le transport et
l’entreposage. Les bouteilles ont été remplies à ras bords, fermées hermétiquement avec des
capsules garnies de téflon, transportées au laboratoire dans une glacière par l’itinéraire le plus
rapide, et entreposées dans une chambre froide jusqu’au moment de l’analyse (généralement
entre 1 et 4 jours).

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2.4 Protocole expérimental


L’étape d’extraction est réalisée en utilisant Une unité de SPME qui est constituée d’une fibre de
silice fondue, enrobée d’un matériau polymère mélangé parfois avec un adsorbant solide. La fibre
est fixée sur un piston en acier protégé par une aiguille puis conditionnée dans le corps de
l’injecteur à 250°C pendant 1 heure. L’extraction se produit en plaçant chaque fois 2 mL
d'échantillon aqueux dans une bouteille de 4 mL couverte avec un septum en PTFE et placée dans
un bain d'eau à température contrôlée. La fibre est immergée dans l'espace de tête de l'échantillon
pendant une période de temps nommée temps d’extraction ou temps de sorption. Au cours de
cette période une agitation de la phase aqueuse par un barreau magnétique est effectuée à une
vitesse constante. La désorption des solutés se produit thermiquement en plaçant la fibre dans le
corps de l’injecteur à une température de 250°C durant 4 minutes.

3 Résultats et Discussion

3.1 Optimisation de la HS-SPME


Les préconcentrations des THM dans des échantillons aqueux ont été menées par la HS-SPME.
Ce mode d’extraction permet d’augmenter la spécificité des analyses et de protéger la fibre et son
revêtement des solutés à haut poids moléculaires et non volatile de la matrice. La fibre est de plus
protégée de tout modificateur ajouté à la solution pour varier le pH ou la force ionique. Ce mode
de préconcentration nécessite l’optimisation des paramètres qui sont l’épaisseur de la phase
d’extraction, la température, la durée d’extraction, les conditions d’agitation et la force ionique de
la solution aqueuse.
Les expériences ont été réalisées avec une eau Milli-Q dopée par les composés d’intérêt.

3.1.1 Effet de l’épaisseur de la phase


Dans ce travail, trois fibres SPME de phase Polydiméthylsiloxane (PDMS) (le PDMS 100, 30 et
7 $m) ont été testés. Cette phase est, d’après la littérature, préconisée pour l’extraction des
composés hydrophobes. Par ailleurs, la durée et la température d'extraction sont fixées
respectivement à 20 min et 35°C. Les quantités extraites sont exprimées pour chaque soluté par la
surface du pic chromatographique correspondant. Les histogrammes de la figure I donnent, pour
chaque soluté, la variation de la quantité extraite en fonction de l’épaisseur de la phase
d’extraction. Nous déduisons des résultats observés que les réponses enregistrées pour la plupart
des THM analysés sont généralement, pour toutes les mesures, plus élevées avec les fibres
d’épaisseur 100 $m. Ces résultats confirment les prévisions théoriques qui stipulent qu’une
augmentation du volume de la phase conduit à une augmentation de la quantité extraite du
composé analysé. En raison de l’efficacité élevée des fibres PDMS-100 pour l’extraction de
l’ensemble des composés analysés, ils ont été retenus pour la suite de notre étude.

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1600 7!m
1400 30!m

Réponse
1200 100!m

1000
800
600
400
200
0
CHCl3 CHCl2Br CHClBr2 CHBr3

Figure I Représentation de la variation de la quantité extraite des THM en fonction de l’épaisseur de la fibre.
L’échantillon est maintenu sous une agitation à 35°C durant 20 minutes.

3.1.2 Effet de la température


L'effet de la température sur l’efficacité d’extraction des THM d’un échantillon aqueux par HS-
spme avec la fibre PDMS-100 a été étudié avec des échantillons d'eau Milli-Q dopée par les
THM à une concentration de 80 $g/L. Les températures testées varient de 40 à 60°C pour une
durée d’extraction de 20 minutes. Les résultats obtenus sont représentés dans la figure II.
Les variations de la quantité extraite montrent qu’une augmentation de la température améliore
l’efficacité d’extraction des THM et qui résulte essentiellement de l’accroissement de leurs
constantes d’Henry. Pour les deux derniers composés la meilleure récupération est observée à
50°C. Ce comportement peut être expliqué avec la double influence de la température : une
augmentation de la température d'extraction favorise, d’une part, l’élévation des coefficients de
diffusion et les constantes d'Henry mais, d’autre part, une diminution de la constante d’équilibre
entre l’espace de tête et le polymère (Kfh) [12]. L’examen des nos résultats favorise l’utilisation
de la température 35°C comme température d’extraction de l’ensemble des composés analysés
par HS-SPME.

1500

1000 CHCl3
Reponse

CHCl2Br
CHClBr2
500
CHBr3

0
25 35 40 50 60
Te m pe r é tur e (°C)

Figure II Représentation de la variation de la quantité extraite des THM en fonction de la température. L’échantillon
est maintenu sous une agitation durant 20 minutes.

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3.1.3 Choix du temps d'extraction


Afin d'évaluer l'efficacité d'extraction et travailler dans les conditions de sensibilité optimale, il
faut estimer le temps d’équilibre du processus d’extraction pour chaque soluté. Donc, nous avons
étudié les profils des temps d'extractions pour tous les composés sélectionnés entre 5 et 50
minutes. La Figure III donne les profils des rendements d’extraction en fonction de temps pour
les THM étudiés en utilisant la fibre PDMS-100. La température d'extraction est de 35°C et
l'échantillon est maintenu sous agitation. Nous remarquons que pour la plupart des composés
analysés, les temps d'équilibres estimés varient de 15 à 35 minutes. Ce résultat est dû
essentiellement aux différences de volatilité, des constantes de distribution et de la structure de
chaque soluté. Afin de se réconcilier à la bonne sensibilité avec un temps d’extraction
raisonnable, tout le développement ultérieur de la méthode a été fait avec un temps d’extraction
de 20 minutes.

2000

1500 CHCl3
CHCl2Br
Réponse

1000 CHClBr2
CHBr3
500

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 50
Te m ps (m in)

Figure III Représentation de la variation de la quantité extraite des THM en fonction du temps. L’échantillon est
maintenu sous une agitation à 35°C.

3.1.4 Effet de l’agitation


L'agitation a des répercussions importantes sur la cinétique. Pour la HS-spme, la présence d’un
système d’agitation permet d’accélérer l’obtention de l’équilibre en renouvelant l’interface entre
la matrice liquide et l’espace de tête. Ces prévisions ont été confirmées expérimentalement pour
les THM (figure IV). En raison de l'effet positif de l’agitation pour ces composés, l'agitation a été
retenue pour les expériences ultérieures.

3.1.5 Effet de la modification de la force ionique


La force ionique de la solution à analysée a été modifiée en y ajoutant du chlorure de sodium.
Deux niveaux de concentration du sel ajouté sont testés, soit 10 et 20% poids-volume. Les
variations des quantités extraites pour chaque soluté en fonction de la force ionique sont
représentées à la figure IV. Nous remarquons que l’ajout de sel à la solution augmente
significativement l’efficacité d’extraction de tous les solutés analysés.

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6000 statique
agitation
5000
agitation+sel

4000

Réponse
3000

2000

1000

0
CHCl3 CHCl2Br CHClBr2 CHBr3

Figure IV Effet de l’agitation et de la force ionique sur l’efficacité d’extraction des THM. L’échantillon est maintenu
sous une agitation à 35°C durant 20 minutes

3.2 Validation de la méthode


Le protocole expérimental développé pour déterminer les niveaux des THM par HS-SPME a été
initialement appliqué à une eau Milli-Q dopée à une concentration de 80 $g/L. Les conditions
optimales de la HS-SPME retenues sont reportées dans le tableau II. Le chromatogramme de la
figure VI illustre la qualité de la séparation et de la détection des composés étudiés après
extraction.

Tableau II Conditions optimales d’extraction par HS-SPME

Conditions de
Fibre Conditions d’absorption
désorption
Températu Températu
Temps Temps
PDMS re 25% de Avec re
(min) (min)
100 $m (°C) sel agitation (°C)
35 60 250 4

Figure V Chromatogramme issu de l’analyse par HS-SPME-CPG-ECD d’un échantillon d’eau Milli-Q dopés par les
THM à une concentration de 80 !g/L.

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3.3 Linéarité, précision et Limite de détection


La validation du mode opératoire adopté pour le dosage des THM nécessite la vérification de la
linéarité, la précision et la sensibilité de la méthode d’analyse. Pour évaluer la linéarité de la
méthode, nous avons recherché, avec des échantillons d’eau Milli-Q dopés, la corrélation entre la
quantité ajoutée et la réponse observée par le détecteur pour des taux de dopage compris entre 5
et 100 $g/L. Les coefficients de détermination des droites de calibration sont portés sur le tableau
III. Ces coefficients sont satisfaisantes (R2 >0,99) pour tous les composés étudiés. Les valeurs de
déviation standard relative (DSR) sont inférieures à 12%.
Les limites de détection (LDD) de la méthode de dosage ont été estimées pour chaque composé.
Elles ont été simplement estimées comme la plus basse concentration donnant une réponse 3 fois
le rapport signal/bruit (S/B). Les résultats mentionnés dans le tableau III prouvent que la HS-
SPME-ECD permet la détection des composés examinés dans l’eau avec des concentrations
inférieurs à 7 ng/L.

Tableau III Temps de rétention, Linéarité, limite de détection (LDD) et précision de la HS-SPME associée à la CPG-
ECD des THM (5-100 !g/L) (n=6)

Composé Temps de rétention (min) r2 LDD (ng/l)


CHCl3 9.87 0.9968 (4.7-10.1) 1.4
CHCl2Br 11.86 0.9952 (1.3-8.6) 6.1
CHClBr2 13.69 0.9947 (5.3-11.7) 2.3
CHBr3 15.45 0.9979 (3.8-10.5) 2.2

3.4 Teneurs des THM dans les échantillons analysés


La méthode HS-SPME a été appliquée avec succès pour déterminer et contrôler les niveaux des
THM dans la station de traitement de Bizerte et son système de distribution. Les résultats de cette
étude prouvent que les THM examinés ont été détectés à diverses concentrations dans tous les
échantillons d'eau traités par le chlore. Aucun THM n'a été détecté dans des échantillons d'eau
brute. Les teneurs moyennes des THM varient de 45,43 à 101,67 $g/l (Tableau IV). Les THM
bromés étaient les espèces dominantes, ils représentent en moyenne 71% (Réservoir 3) à 94%
(Réservoir 14) de la teneur totale des THM. Ces résultats sont, d’une part, comparables à ceux
obtenus par Golfinopoulos et al. [13] et, d’autre part, expliquent la présence des ions bromures
dans l’eau de surface. En fait, Beaucoup de chercheurs ont observé que la présence des ions
bromures augmente la concentration des THM bromés [14].
En outre, les résultats enregistrés pendant cette étude prouvent que la concentration des THM
bromés augmente lorsque la distance à la station de traitement augmente. Pour le CHBr3, on a
observé une augmentation importante de la concentration (concentration 12-fois plus élevée que
la concentration initiale après 66 kilomètres). Cette variation est due à la formation des THM qui
continuera dans la canalisation aussi longtemps que s’y trouveront à la fois des précurseurs et du
chlore. De même, on a observé une variation saisonnière importante des niveaux des THM dans
la station de traitement et les 17 réservoirs (figure VI). La concentration de ces composés était

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élevée pendant l'été et l'hiver et faible au printemps. Ces résultats peuvent être expliqués par la
demande élevée du chlore en été. De plus, la production des THM dépend aussi de la matière
organique naturelle actuelle dans l'eau traitée avant la désinfection. Au printemps la
concentration des THM est faible. À ces conditions, la demande de chlore n’est pas importante.

Tableau IV Variation saisonnière de la concentration moyenne des THM (!g/l) dans la région de Bizerte durant la
période de Janvier au septembre 2005. (a) Station de traitement ; (b) après pré chloration et avant décantation ; (c)
point à l’extrémité de ST

distance à
ST(a) CHCl3 CHCl2Br CHClBr2 CHBr3 TTHM
(Km)
ST(b) 0 10,98 15,84 14,58 4,03 45,43
ST(c) 0 17,38 23 16,31 4,72 61,41
Réservoir 1 7 23,06 33,39 24,28 5,3 86,03
Réservoir 2 20 28,69 27,16 22,4 9,23 87,48
Réservoir 3 40 20,61 19,76 21,44 26,57 88,38
Réservoir 4 44 25,11 23,93 25,69 13,95 88,68
Réservoir 5 42 21,85 23,19 25,85 17,89 88,78
Réservoir 6 45 20,83 21,04 22,87 15,77 80,51
Réservoir 7 43 18,6 19,15 20,16 24,06 81,97
Réservoir 8 45 12 21,25 24,06 27,19 84,5
Réservoir 9 41 16,43 17,68 25,65 15,01 74,77
Réservoir 10 46 19,35 21,81 24,31 30,56 96,03
Réservoir 11 47 20,55 23,63 21,43 22,9 88,51
Réservoir 12 43 17,06 21,17 21,34 24,56 84,13
Réservoir 13 48 14,75 22,63 29,08 33,79 100,25
Réservoir 14 58 6,06 14,71 22,68 33,74 77,19
Réservoir 15 62 9,53 18,23 24,43 38,78 90,97
Réservoir 16 59 10,49 18,47 28,12 44,58 101,66
Réservoir 17 66 8,08 16,75 27,4 47 99,23

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100 CHCl3

concentration (!g/l)
80 CHCl2Br
CHClBr2
60
CHBr3
40 TTHM

TTHM
20

CHBr3
CHClBr2
0

CHCl2Br
Winter

Spring

Summer

CHCl3
Fall
Figure VI Variation saisonnière relative des THM observés dans le système de distribution en fonction de la saison de
prélèvement.

4 Conclusion

Cette étude montre clairement que la méthodologie associant la SPME selon le mode espace de
tête, la chromatographie en phase gazeuse et une détection par capture d’électrons s’adapte
convenablement à la détermination des trihalométhanes dans les eaux potables. Par ailleurs, La
méthode proposée permet de contrôler ces composés dans les milieux aqueux même avec des
teneures plus basses que les normes proposées par l’EPA et l’UE. En outre, les résultats sur
l’évaluation préliminaire de la charge en THM des eaux potables dans la région de Bizerte
montrent notamment que le taux de formation des sous produits de chloration est souvent plus
important au cours de la distribution qu’au cours des opérations initiales du traitement de l’eau.

5 Références bibliographiques

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By-products Rule: proposed rule, Fed. Reg. Nos. 49547-49681, August 18, 2003.
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UTILISATION SANS RISQUES DES PESTICIDES AU MARAICHAGE :


APPROCHES DE SOLUTIONS

GREMBOMBO Adèle Irénée.


Chercheur au PRASAC/Correspondante Nationale du Programme 3.3
E-mail : gradele70@yahoo.fr
B.P. 1762 Bangui, République Centrafricaine (RCA)

Résumé

L’étude a été réalisée à Bangui et ses environs, en République Centrafricaine auprès des
maraîchers et de tous les acteurs du développement (vulgarisateurs, chercheurs et décideurs).
L’enquête à été réalisée sous forme d’un entretien semi-directif à l’aide d’un guide d’entretien
auprès de 176 maraîchers répartis sur quatre sites et de 25 personnes composées de décideurs,
vulgarisateurs et de chercheurs. Il ressort que l’encadrement technique sur l’utilisation des
pesticides et l’introduction des produits naturels pour la lutte chimique sont les moyens les plus
efficaces pour une utilisation sans risque des pesticides. Les raisons évoquées sont multiples et
varient d’une personne à une autre. Les produits naturels sont à moindre coût et les matières
premières sont disponibles. Les pesticides sont coûteux et sont souvent inefficaces, car les
vendeurs font souvent des mélanges anarchiques avant la vente. Le renforcement de capacités
des maraîchers sur l’utilisation sans risque des pesticides demeure une priorité, car le processus
d’innovation des produits naturels pour la lutte chimique est long. De ce qui précède, un
recensement des produits naturels combiné avec des essais de démonstration constitueraient une
solution adéquate quant à l’introduction des produits naturels pour la lutte chimique. La
commercialisation contrôlée des pesticides ainsi que la formation des maraîchers sur les
modalités pratiques d’utilisation des pesticides (choix des substances actives, du stockage des
produits, mode d’application et des précautions à prendre pour le traitement) contribueraient à
une utilisation sans risque.
Mots clés : Maraîchage, produits naturels, pesticides, lutte chimique

1 Introduction

S’il n’est indéniable que les pesticides ont permis de grands progrès dans le domaine de
l’agriculture et celui de la santé humaine, leur utilisation n’est malheureusement pas sans risque.
En dehors de leur détournement pour des usages inappropriés (en particulier pour combattre les
poux, pour la pêche ou la chasse ou encore pour la conservation des poissons), l’utilisation des
pesticides entraîne un certain nombre de problèmes. En effet, ils peuvent être à l’origine
d’intoxications chroniques ou aiguës plus ou moins graves (chez l’agriculteur qui traite comme

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chez le consommateur final), s’accumuler dans la chaîne alimentaire ou rester à l’état de résidus
encore toxiques sur des produits consommables par l’homme ou les animaux, contaminer l’eau,
l’air et le sol et modifier le fonctionnement des écosystèmes (Renon et al).
Une étude réalisée en 2005 à Bangui et ses environs, en République centrafricaine (RCA), sur
l’impact d’utilisation des pesticides sur l’état sanitaire des maraîchers et la qualité des légumes a
révélé que les maraîchers ne distinguent pas les insecticides des fongicides ni ne maîtrisent la
matière active, les domaines d’utilisation, ainsi que leur toxicité. En outre, les matériels
d’épandages et de protection appropriés sont très peu utilisés par les maraîchers. La mauvaise
qualité d’eau d’arrosage, l’ignorance de la rémanence des pesticides ainsi que le conditionnement
des légumes proche des emballages des pesticides influent sur la qualité des légumes offerts à la
consommation (Grèmbombo, 2005).
Le problème d’utilisation des pesticides apparaît aujourd’hui crucial, du moment où ces produits
peuvent pénétrer le corps humain par plusieurs voies, par la peau, par les voies respiratoires et
digestives.
Pour la population générale, exposée à faible dose, ces effets sont encore mal connus.
Néanmoins, de nombreux scientifiques tirent la sonnette d’alarme : l’exposition de la population
aux pesticides est chronique (alimentation, eau, sol, air), et la potentialité mutagène, cancérogène,
reprotoxique, neurotoxique de certains pesticides est bien identifiée, de même que leur capacité
de bioaccumulation tout au long de la chaîne alimentaire (PNSE, 2004).
L’exposition aux pesticides pourrait être la cause de l’augmentation de risques de cancers (en
particulier des lymphomes non hodgkiniens), de troubles de la reproduction et des effets
endocriniens adverses (en particulier infertilité masculine et malformations congénitales de
l’appareil génital masculin), ainsi que de troubles neurologiques (PNSE, 2004).
L’utilisation des pesticides occasionne des problèmes d’ordre sanitaire, environnemental et
économique. Même appliqués selon les très théoriques ‘’bonnes pratiques agricoles ‘’, les
pesticides ne sont jamais sans danger pour l'environnement. Dans les faits, de très nombreuses
erreurs de manipulation, de dosage et d'utilisation aggravent largement la dispersion réelle de ces
toxiques (FNE, 2006).
Face à ce qui précède, il serait opportun de chercher des alternatives pouvant améliorer
l’utilisation sans risque des pesticides. L’objectif de cette étude est de rechercher les approches
de solutions en vue d’une utilisation sans risque des pesticides au maraîchage.

2 Méthodologie

2.1 Choix des sujets


Les quatre sites maraîchers ont été choisis d’une manière aléatoire par la méthode des totaux
cumulés par tirage avec remise (Grais, 2000). La constitution du reste d’échantillon a été fait en
collaboration avec le Ministère de l’Agriculture d’où, une personne a été retenue dans chaque
service de la Direction Générale de l’Agriculture. L’encadreur des maraîchers de Bangui et les
chercheurs du domaine de la phytopathologie ont fait partie de l’échantillon.

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2.2 Déroulement de l’enquête


L’étape préliminaire consistait au choix des sites et à la détermination du nombre des enquêtés.
Les Directeurs généraux et les chefs de service ont été choisis car ils représentent les décideurs et
les concepteurs du plan directeur agricole. Les vulgarisateurs sont choisis car ils sont les
encadreurs des maraîchers, l’importance des chercheurs se situe au niveau de la recherche de
solution. Les maraîchers sont les premiers à être exposés aux risques des pesticides. L’homme de
la rue a été également enquêté car il constitue le consommateur. Deux enquêteurs de niveau
supérieur ont été ensuite formés. L’enquête proprement dite a eu lieu sur les sites maraîchers, au
Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage et sur les marchés.

3 Résultats et discussion

3.1 Pesticides utilisés en maraîchage à Bangui et ses environs

3.1.1 Insecticides et acaricides


Les pesticides utilisés contre les insectes et les acariens sont : le Décis, le Dursban, le Curater, le
Cypercal, le Reldan et le trimangol.

3.1.2 Fongicides
Le Daconil et le Peltar sont utilisés contre les maladies fongiques

3.1.3 Produits naturels


Les graines de Neem, les feuilles de tabac et le petit piment sont utilisés pour la lutte chimique en
maraîchage.

3.2 Approche de solutions


L’approche de solutions est présentée par chaque type d’acteur.

3.2.1 Maraîchers
Selon 63,7% des maraîchers la formation et l’encadrement technique sur les pesticides seraient
un atout, car ils ne disposent pas de connaissances nécessaires sur l’utilisation de ces produits, 27,
3% sont pour l’introduction des produits naturels, car ceux-ci ont une expérience sur l’utilisation
des graines de neem, les feuilles de tabac et le petit piment. Les pesticides sont très
coûteux.Tandis que les produits naturels sont disponibles. Ils ont également évoqué leur
dépendance aux pesticides par manque de valorisation des produits locaux pour la lutte chimique.
Les produits naturels sont moins polluants. Seulement, 9,1% ont opté pour la combinaison des
deux méthodes de traitement.

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3.2.2 Les Consommateurs de légume


Afin de garantir une bonne qualité des légumes à la consommation et pour des raisons de
l’analphabétisme de certains producteurs, 60% des consommateurs ont opté pour la formation des
maraîchers sur l’utilisation des pesticides et 40% pour l’introduction des produits naturels pour la
lutte chimique. Selon eux l’introduction de ces produits devrait être subordonnée à une formation
sur la maîtrise du processus de fabrication et d’utilisation.

3.2.3 Les Décideurs


Selon 40% des décideurs, l’accent devrait être mis sur l’encadrement technique des maraîchers
sur l’utilisation des pesticides. Les maraîchers ne disposent pas de connaissances sur les
pesticides (la rémanence d’action, la matière active, le degré de toxicité etc.).En outre,
l’introduction des produits naturels serait un long processus et nécessiterait des coûts élevés,
depuis la recherche jusqu’à la vulgarisation.
Cependant, l’introduction des produits naturels intéresse 20% des décideurs, car selon eux, il
serait mieux de valoriser certains acquis. La feuille de Neem et celle de la papaye étaient utilisées
par les maraîchers de Bangui. Les bien faits du Neem ont été prouvé par certains auteurs. Les
graines et les feuilles de Neem broyées en poudre sont utilisées comme insecticide pour la
conservation des récoltes (grains), en particulier contre les bruchidés des légumineuses. Elles
contiennent en effet une substance insecticide, l’azadirtachtine (Caburet, 2002).
Certains décideurs (20%) ont mentionné que l’organisation des séances de formation sur les
pesticides, combinés avec les essais de démonstration, ainsi que l’organisation du marché des
pesticides seraient nécessaires pour réduire les risques d’utilisation des pesticides. L’organisation
du circuit de commercialisation permettrait d’éviter, la manipulation anarchique des pesticides.
Le reste des décideurs ont insisté sur une franche collaboration entre les chercheurs, les
vulgarisateurs et les décideurs pour la mise en place du processus d’introduction des produits
naturels.

3.2.4 Chercheurs
La recherche a remarqué une utilisation anarchique des pesticides en maraîchage. De même ces
pesticides sont souvent inefficaces. Ce qui serait à l’origine de la résistance de l’Hélicoverpa. Les
vendeurs font également un mélange anarchique préalable des produits. Ce qui entrainerait un
manque à gagner aux maraîchers et la faible production. Ces mêmes faits sont observés en
France.
Beaucoup d'agriculteurs sur-dosent et mélangent plusieurs spécialités pour limiter les
déplacements. Des adjuvants de fortune et des recettes empiriques complètent ces cocktails
dangereux. Pour certaines cultures dites orphelines, pour lesquelles les agriculteurs ne disposent
pas de molécules homologuées (nombreuses plantes médicinales et maraîchères), le petit chimiste
à la ferme teste des produits disponibles pour des familles botaniques voisines, sans autorisations
ni contrôles. En travaillant sans masque ni gants ni protection, les agriculteurs témoignent avec
quelle insouciance ils manipulent des produits pourtant fortement dangereux pour eux-mêmes.
Par grand vent, en bordure de rivière, le long des fossés et caniveaux, en limite de parcelle, le
ballet des pulvérisateurs bénéficie aussi au voisinage et aux milieux contigus. Après traitements,
les fonds de cuve sont vidangés là où ils peuvent (au retour sur le chemin de terre, sur une

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tournière ou un bout de champ…) et les pulvérisateurs sont rincés le plus souvent dans les cours
de ferme, à proximité du robinet de remplissage. (FNE, 2006).
La collaboration entre les chercheurs, les vulgarisateurs et les décideurs n’existe pas. Ce qui
serait à l’origine du non application du code de conduite de la FAO pour la distribution et
l’utilisation des pesticides.
Ce code est composé de douze articles dont huit fixant les responsabilités de chacun, traitent du
bon emploi des pesticides, d’une bonne information de l’utilisation, de la nécessité d’une
évaluation de leurs effets à tous les niveaux, des mesures à prendre pour limiter les risques pour
la santé humaine, des nécessaires procédures d’homologation dans chaque pays, du commerce et
de la distribution des produits, des obligations en matière d’étiquetage, de conditionnement, de
stockage, de vente et de publicité (Renon et al).

3.2.5 Vulgarisateurs
Suite à un consensus entre les maraîchers et les vulgarisateurs (encadreurs), il ressort les points
inscrits dans le tableau suivant : Tableau 1 : Avantages et inconvénients de l’utilisation des
pesticides et des produits naturels et approche de solutions

Pesticides Produits naturels


Avantages • produits expérimentés et maîtrisés • produits moins coûteux
-bonne connaissance de la m.a -plusieurs espèces végétales sont
-rémanence des produits bien connue disponibles
-Toxicité connue -utilisation sans grands risques
-DJA connue majeurs pour le corps

Inconvénients •Produits importés et coûteux •Totale méconnaissance des m.a


• Difficile accessibilité aux producteurs utilisées
•Risques énormes d’intoxication des •rémanence des produits mal
utilisateurs connue
• Toxicité non maîtrisée
Approche de • mise en place d’un service compétent pour • Recensement des produits
solutions la réglementation des pesticides naturels
(homologation, formation, vulgarisation etc.) •expérimentation (concentration
•Mise à disposition des usagers de pesticides m.a, dosage, toxicité etc.)
de matériel de protection •formation des acteurs sur le choix
•réglementation de la commercialisation des et l’utilisation des produits
pesticides
• formation des acteurs sur les conditions
d’utilisation des pesticides (concentration de
la m.a, dosage, délai de traitement, nombre
d’application etc.)

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Au regard des informations contenues dans le tableau ci-dessus, la formation, l’encadrement


technique des utilisateurs des pesticides, la réglementation de la commercialisation des pesticides
et la recherche –développement sur les produits naturels seraient les meilleurs solutions pouvant
réduire les risques d’utilisation des pesticides au maraîchage. Cela nécessiterait l’implication de
tous les acteurs concernés depuis le choix des produits, la commercialisation jusqu’à
l’application. L’intoxication par les pesticides se situe au niveau de toute la chaîne de
manipulation. Cela a été évoqué par certains auteurs. Toute personne chargée du transport, de
stockage ou de l’application des pesticides, est constamment exposée à des risques d’intoxication
dont les conséquences peuvent être parfois dramatique (Houmy, 2004).

4 Conclusion

Qu’il s’agisse de la réglementation de vente des pesticides ou la formation et l’encadrement


technique sur l’utilisation des pesticides, ces approches de solution contribueraient à la réduction
des risques liés à l’utilisation des pesticides au maraîchage en RCA. La promotion des produits
naturels pour la lutte chimique constitue également aujourd’hui l’une des solutions. Il existe de
nos jours beaucoup de produits naturels utilisés en lutte chimique. La tendance actuelle est un
revirement vers ces produits. La Loi d’Orientation Agricole (LOA) n° 2006-11, du 5 janvier 2006
en France inquiète plus d’un. Certains articles de cette loi instituent l’interdiction de « toute
publicité commerciale et toute recommandation » pour les produits phytopharmaceutiques
contenant une ou plusieurs substances actives destinés au traitement des végétaux, dès lors que
ces produits ne bénéficient pas d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ou d’une
autorisation de distribution pour expérimentation. La promulgation de cette loi a entraîné la
création d'un collectif de défense et de promotion des produits naturels de protection des plantes
(MDRGF, 2006).
Tout ceci prouve l’intérêt des produits naturels pour la lutte chimique. L’implication de tous les
acteurs dans le processus d’introduction des produits naturels devient alors cruciale.

5 Références bibliographiques

Caburet A., 2002 ; Les plantes insecticides ; version multimédia du Mémento de l’agronome
Commission d’orientation du Plan national santé environnement (PNSE),- 2004 ; rapport
Pesticide et santé ; Paris France
FNE, - 2006 ; Agriculture : l’engrenage des pesticides ; France Nature Environnement
Grais B., – 2000 ; Méthodes statistiques- 23 ème édition Paris DUNOD, 400 p
Grembombo A.-2005 ; Impact d’utilisation des pesticides sur l’état sanitaire des maraîchers et la
qualité des légumes ; Résumé ; Acte des IVèmes journées agro-sylvo-pastorales, N’Djamena ;
Tchad
Houmy K. - 2004 ; la sécurité de l’opérateur dans l’application des pesticides dans Transfert de
Technologie en agriculture ; Ministère de l’Agriculture du Développement Rural et des Pêches

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Maritimes ; Royaume du Maroc ; 4p


MDRGF- 2006 ; Bulletin d’information sur les pesticides 1p
Renon A.et J.P. DEGUINE- 2002 ; La protection contre les ravageurs ; version multimédia du
Mémento de l’agronome.

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LA REGLEMENTATION INTERNATIONALE RELATIVE A LA


PROTECTION DE LA MEDITERRANEE CONTRE LA POLLUTION
TELLURIQUE : LE PROTOCOLE D’ATHENES DU 17 MAI 1980

Josette BEER-GABEL
Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Professeur associé à l’Institut océanographique de Paris
65 Avenue Bosquet 75007 Paris France
01 45 50 37 60 (fax : 37 02)
Josette.Beer-Gabel@univ-paris1.fr

1 Introduction

La pollution du milieu marin, quelle qu’en soit la cause, est liée aux activités menées par
l’homme :
la pollution des navires par exemple résulte de l’accroissement prodigieux du développement des
transports maritimes et des incidents qu’ils peuvent engendrer - rejets d’hydrocarbures ou
d’autres substances nocives ;
Les immersions de déchets,
Les activités d’extraction de minéraux, gaz ou pétrole,
- Et bien entendu la pollution venant de la terre ou pollution tellurique, témoignent bien de
cette origine humaine des pollutions.
Si de surcroît, l’on prend en compte la faible biodégradabilité des différentes substances en cause,
on comprend que la mer soit en grand danger et qu’elle constitue de ce fait un péril pour la santé
de l’homme.
Concernant plus particulièrement ce « carrefour de civilisation » que constitue la région
méditerranéenne, la menace est encore plus grande.
La Méditerranée en effet, est une mer semi-fermée, bordée de nombreux Etats et elle se trouve
soumise à une intense pression démographique. A l’heure actuelle, on estime la population des
pays riverains à environ 400 millions de personnes dont 130 millions vivent sur le littoral12. La
Méditerranée est aussi une voie de circulation stratégique et constitue pour toutes ces raisons un
foyer de tensions politiques. Ces simples constatations, montrent que l’on a affaire ici à un
environnement particulièrement vulnérable, et c’est la raison pour laquelle, conscients des

12 Cf Boisson de Chazourne, « Le droit de l’Environnement » p. 213

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dangers, les riverains de la Méditerranée ont cherché à protéger la région en concluant un


ensemble conséquent de traités internationaux13.
C’est sous les auspices de l’ONU et plus particulièrement du Programme des Nations Unies pour
l’Environnement (PNUE) et de son Programme pour les mers régionales,
qu’ont été conclus à partir de 1976, une Convention et plusieurs protocoles relatifs à la protection
de la Méditerranée contre la pollution.
Avant de m’attacher à l’étude du protocole qui nous intéresse aujourd’hui et qui touche à la
pollution tellurique, je voudrais simplement replacer cet instrument dans le grand ensemble
conventionnel auquel il appartient14.
Le système de Barcelone, comme on l’appelle couramment, représente aujourd’hui le dispositif
conventionnel le plus complet de protection des mers régionales. Il comporte en effet, une
Convention et 6 protocoles. Signée à Barcelone le 16 février 1976 et amendée le 10 juin 1995,
la « Convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée contre la
pollution », est qualifiée de « convention-cadre » car, à la différence des protocoles d’application
qui l’accompagnent, elle ne détaille pas en profondeur les actions à entreprendre. Ainsi, la
Convention de Barcelone énumère les différentes causes de pollution contre lesquelles il convient
de mener des actions ; elle engage les Etats à se mobiliser en énonçant un éventail de devoirs à
accomplir ; elle met en place une institution dénommée « Réunion des parties contractantes » qui
veille à l’application de l’ensemble des instruments.
Les protocoles pour leur part, ont été conçus comme des accords destinés à organiser la lutte
contre une pollution spécifique. Les deux premiers signés en 1976 en même temps que la
Convention concernent ainsi :
la pollution par les hydrocarbures et la coopération en cas de situation critique, et
les immersions (Protocole qui fut amendé le 10 juin 1995).
le 3è Protocole qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, et qui se préoccupe de la
pollution tellurique, a été signé à Athènes le 17 mai 1980 puis amendé à Syracuse le 7 mars
1996 ;
le Protocole de Genève du 3 avril 1982, amendé à Barcelone le 10 juin 1995 est relatif aux aires
spécialement protégées et à la diversité biologique de la Méditerranée ;
le Protocole de Madrid du 14 octobre 1994 traite de la pollution résultant de l’exploration et de
l’exploitation du plateau continental et du fond de la mer.
- enfin, dernier instrument de la famille, le Protocole signé le 1er octobre 1996 à Izmir, est
relatif aux mouvements transfrontières de déchets dangereux.

13 Cf. J. Beer-Gabel « Recueil des traités relatifs à la Méditerranée », publication de


l’INDEMER, Pedone 1997, 407 pages.

14J. Beer-Gabel, « Conventions régionales relatives à la lutte contre la pollution des mers »,
Jurisclasseur Environnement, fascicule 633,1999 et fascicule 634,2000.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Cet ensemble conséquent devrait semble-t-il, être complété d’ici quelque temps par un septième
instrument, encore en phase de négociations, qui devrait traiter, si mes sources sont bonnes, de la
gestion intégrée des zones côtières.

Si l’on se tourne plus particulièrement vers le Protocole d’Athènes, on observe qu’il occupe une
place centrale dans la famille de Barcelone. En effet, la pollution tellurique peut prendre des
proportions effrayantes ; de fait, on considère qu’elle représente actuellement près de 80% des
pollutions marines. A vrai dire, cette situation n’est pas si étonnante puisque les pollutions
provenant de sources situées à terre sont multiples. Telle que définie dans les traités, la pollution
tellurique est celle qui provient directement des côtes et qui est due, aux termes mêmes du
préambule du Protocole d’Athènes, « aux déversements par les fleuves, les établissements côtiers
ou les émissaires, ou émanant de toute autre source située sur le territoire ».
En d’autres termes, cette pollution a pour origine les activités d’implantations industrielles dans
les régions côtières ou le long de cours d’eau qui transportent jusqu’à la mer des substances
nocives dues à leur exploitation ; la pollution tellurique est aussi directement liée à l’usage
croissant en agriculture, d’insecticides et de fongicides ; elle trouve également sa source dans le
développement incontrôlé près des zones côtières, de centres urbains aboutissant parfois à la
formation de véritables mégalopoles où déchets et ordures ménagères de toutes sortes se
déversent directement dans la mer ; les mouvements de populations lors des saisons touristiques
aggravent encore cet état de chose.
La Méditerranée n’a pas, bien évidemment, le privilège d’une telle situation. Avant même
l’élaboration du Protocole d’Athènes, dès les années 70, des traités se préoccupant de la lutte
contre la pollution venant de la terre, avaient été négociés et ont ouvert la voie aux initiatives
futures. On considère la Convention d’Helsinki du 22 mars 1974 remplacée plus tard par la
Convention du 9 avril 1992, comme un texte fondateur en la matière ; toutefois, cet accord
conclu entre riverains d’une même mer, prenait en considération la protection de la Baltique dans
son ensemble et n’était pas spécifiquement consacré à la pollution tellurique. En revanche, la
Convention de Paris du 4 juin 1974 est le premier instrument entièrement consacré à la lutte
contre la pollution tellurique dans une région spécifique, l’Atlantique nord-est15.
La pollution tellurique évoque le risque incontournable qu’elle fait encourir pour la santé
humaine. Alexandre Kiss rappelle que les écoulements de rejets liquides contenant des métaux
lourds directement par émissaires ou insidieusement par diffusion dans le milieu aquatique, ont
eu des conséquences sur la faune et la flore ainsi que sur la santé de l’homme. Ils ont même été la
cause de mortalité comme dans le cas des rejets de méthylmercure dans la baie de Minimata en
mer de Shiso en 197116.

15En vigueur au 6 mai 1978, la Convention de Paris a été amendée par un Protocole du 26
mars 1986 puis fusionnée avec la Convention sur les immersions pour former la « Convention
pour la prévention de la pollution marine de l’Atlantique nord-est » du 22 septembre 1992.

16 Cf. A. Kiss et J.P.Beurier « Droit international de l’Environnement », Pedone 2004, p.174.

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Prévenir de tels dangers, nécessite la mise en œuvre de moyens importants et la coopération de


tous les Etats intéressés. Rappelons ici qu’il a fallu attendre 1987 pour que le grand émissaire de
Marseille soit supprimé et que les eaux usées de la ville soient traitées avant rejet à la mer. Par
ailleurs, ce n’est qu’en 2006 que l’agglomération de Montpellier a mis en service pour un
montant 150 millions d’euros, une station d’épuration assurant l’assainissement des eaux.
Dorénavant, les rejets s’effectueront en mer par un émissaire de 20 km de long dont 11 construits
par 30 mètres de fond. (Cet équipement est considéré comme le plus long installé en
Méditerranée).
Dès son Préambule, le Protocole d’Athènes reconnaît à l’alinea 4
«… le danger que fait courir au milieu marin et à la santé humaine, la pollution tellurique et les
problèmes graves qui en résultent dans un grand nombre d’eaux côtières et d’estuaires fluviaux
de la Méditerranée, dus essentiellement aux rejet de déchets domestiques et industriels non
traités, insuffisamment traités ou évacués de façon inadéquate ».
A vrai dire, le lien entre santé et pollution quelle qu’en soit la source, avait été établi de longue
date au cours de travaux de l’OCDE. Dans une Recommandation du 14 novembre 1974 (C74
224) portant proclamation de principes relatifs à la pollution transfrontière, le Conseil de l’OCDE
devait définir la pollution de la façon suivante :
« …on entend pat pollution, l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, de
substances ou d’énergies dans l’environnement, qui entraîne des conséquences préjudiciables de
nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux systèmes
écologiques, à porter atteinte aux agréments ou à gêner les autres utilisations légitimes de
l’environnement ».
Le professeur Alexandre Kiss fait valoir qu’il convient d’interpréter l’expression « conséquences
préjudiciables » à sa juste valeur ; en effet, toute activité humaine altère le milieu dans lequel
nous vivons ; la question est de savoir si elle peut être considérée comme causant une pollution ;
il y a pollution s’il y a un certain niveau d’importance et l’expression » conséquences
préjudiciables » entend dès lors, établir un seuil.
L’expression « de nature à mettre en danger » appelle aussi l’attention car elle signifie que ne
sont pas uniquement pris en considération les dommages établis mais aussi le risque de
dommage.
Ce qui est remarquable dans cette définition de la pollution, et que l’on se doit de souligner, c’est
que ce lien établi dès la genèse du droit international de l’environnement, entre santé et pollution,
se retrouve avec quelques modulations, dans tous les accords internationaux conclus depuis.
°°°
Ce panorama introductif conduit à s’interroger sur la teneur de la réglementation internationale
établie en vue de protéger la Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique. Celle-ci
s’articule autour de deux axes principaux qui concernent, comme dans la plupart des accords
régionaux du PNUE, les devoirs des Etats d’une part, (I) et les pouvoirs des mécanismes
institutionnels mis en place pour en assurer le fonctionnement (II). Dans le cas du Protocole
d’Athènes toutefois, il convient de s’interroger sur le devenir de cet instrument conventionnel
puisque l’on sait que d’importants amendements ont été apportés à ces réglementations à

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Syracuse en 1996 (III). Précisons ici, mais l’on y reviendra, que n’ayant pas encore fait l’objet
des ratifications nécessaires, ceux-ci ne sont par conséquent, pas encore entrés en vigueur.
La zone d’application du Protocole d’Athènes
Quelques mots tout d’abord concernant la zone d’application du Protocole d’Athènes.
Aux termes de son article 3, ce texte est conçu comme devant s’appliquer :
1/ à toutes les eaux maritimes de la mer Méditerranée, du cap Spartel à l’entrée du détroit de
Gibraltar, jusqu’au détroit des Dardanelles ;
2/ aux eaux intérieures des Etats parties c’est-à-dire aux eaux situées en deçà de la ligne de base
servant à mesurer la largeur de la mer territoriale, et, dans le cas des cours d’eau, jusqu’à la limite
des eaux douces ;
3/ le Protocole s’applique enfin aux étangs salés communiquant avec la mer.
L’on fera remarquer que les principes conventionnels établis à Athènes qui mentionnent les eaux
intérieures des Etats et les cours d’eau jusqu’à la limite de salure, s’appliquent par conséquent à
une partie du territoire terrestre des Etats et donc à des zones traditionnellement soumises à leur
seule souveraineté. En ce sens, on a affaire à un instrument juridique qui ne se limite pas à la
seule zone maritime de la Méditerranée, mais qui est conçu pour prendre en compte un espace
plus large englobant la mer et les zones côtières.
Nous verrons ultérieurement que cette conception continuera de se développer et connaîtra un
nouvel élargissement à Syracuse.

2 Les devoirs des Etats parties au Protocole d’Athènes

Nombreuses sont les conventions régionales relatives à la protection de la mer contre la pollution,
contiennent des dispositions relatives à l’engagement de leurs parties, de lutter contre celle-ci ;
mais seules quelques unes font l’objet de mesures véritablement précises et contraignantes pour
les Etats. Le Protocole d’Athènes est l’un de ces instruments car il comporte une réglementation
détaillée visant à protéger la Méditerranée contre la pollution provenant de sources terrestres. Ce
texte met en effet à la charge des Etats qui y sont parties, trois grandes séries de devoirs :
des devoirs vis-à-vis des substances polluantes,
des devoirs en matière d’adoption de réglementations et en matière de surveillance,
- des devoirs dans le domaine du suivi du Protocole.

2.1 Les devoirs vis-à-vis des substances polluantes


D’une façon générale, l’on peut dire du Protocole d’Athènes qu’il vise :
l’élimination de la pollution due aux déversements en mer de substances nocives, tels que le DDT
et les dioxines par exemple, et
- la réduction progressive de la pollution par des substances moins toxiques.

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Pour atteindre ce double objectif, le Protocole procède d’une part, en énonçant de façon claire et
stricte des devoirs s’imposant aux Etats, et d’autre part, en établissant des listes de substances vis
à vis desquelles ces devoirs sont formulés. C’est ici le modèle de la Convention de Paris de 1974
précédemment mentionnée, qui est suivi.

2.1.1 L’élimination de la pollution par les substances de l’Annexe I


En vertu de l’article 5, les Etats s’engagent à « éliminer progressivement » la pollution tellurique
par les substances particulièrement toxiques, qui font l’objet de l’Annexe I au Protocole. A cet
effet, ils ont le devoir :
d’élaborer et de mettre en œuvre conjointement ou individuellement selon le cas, des
programmes et mesures nécessaires pour atteindre ces buts (a.5.2) ;
- ils doivent aussi fixer des normes et calendriers d’application pour la mise en oeuvre de
ces programmes et mesures et les réexaminer périodiquement au besoin tous les deux ans
pour chacune des substances énumérées à l’Annexe I.
On fera observer ici, qu’il n’est pas simplement question pour les Etats, de « s’efforcer »
d’exécuter telle ou telle obligation, formule fréquente dans les accords conclus dans le domaine
de l’environnement, mais que les actes à accomplir leur sont véritablement dictés. Les substances
visées à l’article 5 ont été retenues sur la base des trois caractéristiques considérées aujourd’hui
comme les plus dangereuses pour l’environnement en raison de leur toxicité, de leur persistance
et de leur bio-accumulation. A l’instar de nombreux autres instruments, le Protocole d’Athènes
retient les composés organohalogénés, le mercure, le cadmium, des matériaux synthétiques
persistants, des substances radioactives, etc.
Le recours à l’établissement de listes de substances est courant en droit de l’environnement et,
selon la toxicité des matières qu’elles comprennent, l’on parlera de « liste noires », ce qui est le
cas ici, ou de « liste grises » par exemple.

2.1.2 La réduction de la pollution par les substances de l’Annexe II


Pour les substances considérées comme moins nocives, le Protocole ne va demander à ses parties
que de s’engager sur la voie de la réduction. Aux termes de l’article 6 les Etats ne s’engagent
qu’à réduire, certes rigoureusement la pollution tellurique dans la zone, par les substances
énumérées dans une deuxième Annexe. Il s’agit en l’espèce, de substances moins toxiques que
celles de l’Annexe I mais néanmoins dangereuses pour le milieu marin. Des éléments tels que le
zinc, le cuivre, le plomb, l’arsenic, l’uranium, les biocides et leurs dérivés non visés à l’Annexe I,
le pétrole brut, les cyanures, les rejets thermiques, les composés acides ou basiques qui peuvent
compromettre la qualité des eaux marines, etc. figurent dans une Annexe II qui fait figure dès lors
de « liste grise ».
Il ne faut pas se méprendre sur la qualification des devoirs qui s’imposent aux parties au
Protocole dans le cadre de la réduction de la pollution ; car les obligations sont tout aussi définies
ici et contraignantes que dans le cas précédent, celui de l’élimination.
En effet, les Etats se voient imposer ici, deux devoirs d’exécution importants ;

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

en premier lieu, ils ont l’obligation de mettre en oeuvre des programmes et mesures appropriés
permettant de réduire la pollution par les substances de l’Annexe II ;
- en second lieu, les rejets de telles substances de même que les rejets qui contiennent en
faibles quantités, des substances de l’Annexe I, ne peuvent en aucun cas être incontrôlés.
Ils sont en effet, strictement subordonnés à la délivrance par les autorités nationales
compétentes, d’une autorisation devant se conformer aux prescriptions énoncées à
l’Annexe III du Protocole. Le champ d’application de ces prescriptions est
particulièrement vaste puisqu’il touche à des domaines aussi divers que les
caractéristiques et la composition des rejets ; ce que l’on vise ici, c’est entre autres, le type
de déchet et sa forme, -liquide, solide ou boueuse- la quantité de déchet rejeté, sa toxicité,
sa persistance, etc.
Les prescriptions touchent aussi aux caractéristiques du lieu de déversement et du milieu marin
récepteur, aux atteintes possibles aux écosystèmes marins et aux effets sur la santé humaine du
fait notamment, des incidences de la pollution sur les organismes marins comestibles ou les eaux
de baignade. Retenons enfin, qu’en vertu de la section D de cette Annexe III, les Etats ne sont pas
libres d’effectuer leurs rejets comme ils l’entendent ; ici encore, ils ne peuvent y procéder
qu’après s’être pliés à certaines conditions ; ainsi, les Etats doivent avoir tenu compte de
l’existence et de la possibilité de mise en œuvre d’alternatives en matière de traitement de déchets
ou de décharge sur terre par exemple, ou de méthodes de réutilisation ou d’élimination ou encore
de l’usage de technologies faiblement génératrices de déchets.
Le Protocole d’Athènes met à la charge de ses parties une deuxième série de devoirs qui touchent
d’une part, à l’aptitude d’adopter des normes et d’autre part, à la capacité d’exercer des activités
de surveillance.

2.2 Compétences normatives et compétences en matière de surveillance


Retient ici particulièrement l’attention, l’article 7 en vertu duquel les Etats ont le devoir de
réglementer un secteur cardinal du domaine de la lutte contre pollution tellurique. Cet article met
en effet à la charge des Etats, le devoir d’adopter des lignes directrices ou des normes, ou encore
des critères relatifs à des questions aussi fondamentales que la longueur, la profondeur et la
position des canalisations utilisées pour les émissaires côtiers, le traitement des effluents, la
qualité des eaux de mer nécessaire pour la protection de la santé humaine ou encore le contrôle
et le remplacement progressif des installations ayant pour effet de polluer le milieu marin.
Par ailleurs, le Protocole, accorde une grande attention aux questions de surveillance de
l’environnement, aussi se tourne-t-il encore vers les Etats, seuls capables en termes de moyens,
pour leur enjoindre d’en assurer la charge. C’est en termes non équivoques que l’article 8 du
Protocole demande à ses parties contractantes d’entreprendre au plus tôt, l’évaluation
systématique des niveaux de pollution le long de leurs côtes ainsi que l’estimation des effets des
mesures prises en application du Protocole pour réduire la pollution du milieu marin
La 3è série de devoirs des Etats, concerne les activités de suivi du Protocole ainsi que la mise en
œuvre du « principe d’information »

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2.3 Le suivi du Protocole et « le principe d’information »


Le principe d’information est un principe important et reconnu du droit international de
l’environnement au même titre que les principes de prévention, de précaution, ou que le principe
de l’utilisation non dommageable du territoire, principes qui constituent en quelque sorte, la
trame de cette discipline. Le Protocole d’Athènes fait une place importante à la mise en œuvre du
principe d’information et lui donne effet par le biais de son article 13 qui enjoint aux Etats de
s’informer mutuellement des mesures prises, des résultats obtenus, des difficultés rencontrées
lors de l’application du Protocole ; les informations transmises doivent comprendre entre autres,
des données chiffrées relatives aux autorisations de rejet, aux quantités de polluants émis, des
données relatives à la surveillance continue évoquée précédemment, etc.
La formulation du devoir d’information est favorablement complétée par le rôle donné à la
Réunion des parties Contractantes ou RPC, qui est investie du pouvoir d’examiner toutes ces
informations.
L’on doit faire observer à cet égard, que le rôle d’une telle institution est ici fondamental car son
intervention permet, bien davantage que de simples réunions diplomatiques dont la régularité
n’est pas toujours assurée, d’encadrer l’action des Etats, et d’apporter une certaine garantie à
l’exécution des dispositions du Protocole.

2.4 Remarques sur les devoirs complémentaires des Etats


Les devoirs qui viennent d’être mentionnés au titre des obligations contraignantes des parties au
Protocole, forment les obligations fondamentales des Etats, celles auxquelles il n’est pas possible
de se soustraire dès lors que l’on a ratifié cet instrument. Mais il est d’autres devoirs qu’il
convient d’évoquer ne serait-ce que très brièvement et qui ont trait à la recherche scientifique par
exemple ou encore à l’assistance aux pays en développement.
Tels que formulés dans les articles 9 et 10, ceux-ci relèvent davantage, au plan juridique, de
l’incitation que de l’obligation contraignante ; c’est la raison pour laquelle je ne m’y suis pas
attardée –non pas faute d’intérêt, car ces deux domaines de coopération sont extrêmement
intéressants- mais faute de temps. C’est « dans la mesure du possible » selon l’expression
fréquente des accords relatifs à la protection de l’environnement, que les Etats sont invités à
coopérer en matière de recherche sur les différents polluants, sur les nouvelles méthodes de
traitement et qu’ils s’efforcent d’échanger des renseignements scientifiques et de coordonner
leurs programmes de recherche (article 9). C’est encore, « dans la mesure du possible » qu’ils
sont invités à mettre en œuvre des programmes d’assistance technique en faveur des pays en
développement (article 10).
Quant aux dispositions évoquant les possibilités de pollution à partir d’un cours d’eau commun à
plusieurs Etats (article 11) ou de pollutions susceptibles de mettre en cause les intérêts d’autres
parties, les Etats sont, selon des formules très classiques, invités à coopérer ou à entrer en
consultation en vue d’assurer l’application du Protocole ou de rechercher une solution
satisfaisante (article 12).

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3 Un mécanisme institutionnel : la Réunion des Parties Contractantes

Les Réunions des Parties au Protocole sur la pollution tellurique et les fonctions dont elles sont
investies, font l’objet des articles 14 et 15. Liées aux Réunions des Parties à la Convention de
Barcelone, celles-ci se tiennent au même moment, soit en principe tous les deux ans avec la
possibilité toutefois de tenir des réunions extraordinaires.
Du fait de leur régularité même, du fait aussi des pouvoirs dont elles sont dotées pour assurer le
bon fonctionnement du Protocole, ces Réunions constituent à vrai dire, plus que de simples
assemblées d’Etats parties à un accord, mais de véritables institutions.
Parmi les nombreuses fonctions dont elles sont dotées, rappelons entre autres que :
ce sont ces Réunions qui veillent à l’application du Protocole pour en assurer la bonne marche ;
ce sont elles qui adoptent des programmes et des mesures relatives à la réduction ou à
l’élimination de la pollution tellurique,
ce sont elles qui examinent les informations soumises par les parties en vertu de l’article 13,
- ce sont elles également, qui assurent en quelque sorte la garde des annexes au Protocole
puisqu’elles ont la capacité d’en adopter de nouvelles, de les réviser ou de les amender.
Cette brève analyse du Protocole d’Athènes, conduit à nous interroger sur son devenir et sur les
amendements qui ont été négociés et signés au mois de mars 1996 à Syracuse. Quelles en ont été
les raisons ? Quelle en est la teneur ?

4 Quel futur pour le Protocole d’Athènes ? Les amendements de Syracuse17

Conformément à l’article 16.2 de la Convention de Barcelone, qui ouvre le droit des parties de
proposer des amendements à l’un quelconque des protocoles, des amendements au Protocole
d’Athènes ont été proposés et adoptés au cours d’une conférence diplomatique qui s’est tenue en
Italie dans la ville de Syracuse au mois de mars 1996. Adoptés à la majorité des trois quarts des
parties au Protocole comme le requiert l’article 16.3 de la Convention, ces amendements ne sont
toutefois pas encore entrés en vigueur. Pour ce faire, aux termes de l’article 16.4 « les
amendements entreront en vigueur entre les parties contractantes les ayant acceptés, le trentième
jour après que le dépositaire aura reçu notification de leur acceptation par les trois quarts au
moins des parties contractantes … au Protocole concerné… ».
Une consultation récente du site des mers régionales du PNUE, montre en effet –sauf erreur de
ma part- que seuls ont accepté ces amendements, les Etats ou organisations dont les noms
suivent : Albanie, Chypre, Communautés européennes, France, Grèce, Italie, Malte, Monaco,
Maroc, Slovénie, Espagne, Tunisie et Turquie.
Restent donc en attente, l’Algérie, la Bosnie-herzégovine, la Croatie, l’Egypte, Israël, le Liban, la
Libye, la Serbie, le Montenegro et la Syrie18.

17 Document UNEP (OCA)MED IG 7/4

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Pour affiner ces données, il m’est possible encore de faire part dinformations recueillies tout
récemment selon lesquelles, l’Algérie, la Croatie et le Montenegro ont informé les instances du
PNUE que les procédures d’acceptation des amendements de Syracuse étaient en cours dans leurs
pays respectifs.
Avec 16 Etats parties, le nouveau Protocole d’Athènes modifié, semble avoir des chances de voir
le jour et dans ces conditions il n’est pas inutile d’en offrir une analyse.
Ce que l’on peut dire à première vue, des amendements de Syracuse, c’est d’une part, qu’ils
constituent un ensemble de textes qui viennent préciser sensiblement, nombre de formulations du
premier Protocole et d’autre part, que ces précisions vont toutes dans le sens d’un renforcement
d’efficacité des mesures mises en place à Athènes.
Rédigés sur le ton de la fermeté, ces amendements tiennent résolument compte de l’évolution du
droit international contemporain de l’environnement et mettent en particulier, le Protocole
d’Athènes en harmonie avec le « Programme d’action mondial pour la protection du milieu marin
contre la pollution due aux activités terrestres » adopté à Washington sous l’égide du PNUE le 3
novembre 199519.
C’est ainsi qu’une fois amendé, le nouveau Protocole abandonnera son titre de « pollution
tellurique » pour adopter celui-là même, plus large et plus expressif du Programme d’action
mondial, devenant ainsi « Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la
pollution provenant de sources et activités situées à terre ».
A cet égard, le nouveau Préambule n’évoque plus « l’accroissement rapide des activités
humaines dans la zone de la Méditerranée » mais il met l’accent sur « l’accroissement des
pressions sur l’environnement résultant des activités humaines ». S’y trouvent aussi inscrits, les
grands principes qui inervent désormais le droit de l’environnement ; le futur Préambule en effet,
comporte une nouvelle disposition selon laquelle les parties déclarent qu’elles feront application
du principe de précaution, du principe pollueur-payeur, et qu’elles utiliseront les meilleures
techniques disponibles et les meilleures pratiques environnementales ; ces pratiques que
mentionne aussi la Convention de Paris du 22 septembre 1992, sont généralement définies
comme la combinaison la plus adéquate des différentes méthodes de lutte contre la pollution
allant de la réglementation et de l’institution de systèmes d’autorisation, à l’élaboration de
stratégies, à l’information et à l’éducation.
Ces remarques introductives ouvrent la voie aux développements que j’aimerai consacrer au
contenu matériel des amendements qui nous occupent et qui concerneront tout naturellement les
devoirs des Etats parties au futur protocole (A) ainsi que les compétences de la Réunion des
Parties Contractantes (B) qui sont appelées à connaître d’importantes modifications.
Avant que de se pencher sur ces questions, il nous faut préciser deux choses :

18 Cf. site Web du PNUE : unepmap.org

19 Document Doc. UNEP(OCA)/LBA/IG.2/L4 du 2 novembre 1995. Voir, J. Beer-Gabel,


« Chronique des organisations internationales » in Annuaire du droit de la mer 1996, p.369 et
1997 p. 453.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

- Il a été décidé à Syracuse, d’apporter des modifications à l’article 3 relatif à la zone


géographique à laquelle s’appliquera le futur protocole. Restent bien entendu concernées au
premier chef, les eaux maritimes de la mer Méditerranée telle que l’a définie la Convention
de Barcelone en son article 1er, qui s’étendent du cap Spartel au détroit des Dardanelles. Mais
un changement remarquable vient élargir les autres espaces pris en compte, ce qui devrait
permettre ainsi, d’accroître l’efficacité des mesures qui seront mises en œuvre. Le nouvel
article 3 ne se limite plus à mentionner les eaux intérieures des Etats et les étangs salés
communiquant avec la mer, mais il vise « le bassin hydrologique de la zone de la mer
Méditerranée », autrement dit, « l’ensemble des bassins versants des territoires des parties
contractantes se déversant dans la zone …» ainsi que « les eaux saumâtres, les eaux salées
côtières y compris les étangs et les lagunes côtiers et les eaux souterraines communiquant
avec la mer Méditerranée ». Ces nouvelles dispositions étendent indiscutablement la zone
géographique concernée, du milieu marin à toute la zone littorale considérant cet espace
comme un tout, ne pouvant être dissocié.
- Ensuite, comme tout accord international, le futur protocole est appelé à régir les relations
entre ses Etats parties ; toutefois, une disposition importante a été ajoutée à l’article 4 relatif à
l’application de l’instrument, disposition qui envisage une possible application de celui-ci aux
Etats tiers. Le droit international n’admet pas facilement l’application d’un traité à des Etats
qui n’y seraient pas partie, ce qui se conçoit bien naturellement, et le principe de l’effet relatif
des traités est l’un des fondements du droit des traités. Certes des exceptions au principe
existent. A cet égard, l’article 4.3 peut être analysé comme renforçant l’efficacité du
Protocole, puisqu’il invite les Etats qui n’y sont pas au mais dont le territoire englobe
partiellement le bassin hydrologique de la zone de la Méditerranée, à coopérer à l’application
du Protocole.
Si les amendements sont adoptés, le futur Protocole d’Athènes devrait constituer un instrument
conventionnel remarquable au regard de la protection de l’environnement marin. A cet égard, je
prendrai en considérations comme je l’annonçais précédemment, deux piliers du futur protocole
d’Athènes que constituent les nouvelles obligations des Etats d’une part, et les compétences
renforcées de la nouvelle Réunion des parties contractantes.

4.1 Les amendements aux devoirs des Etats


Les devoirs des Etats qui découlent des amendements de Syracuse, sont considérablement plus
développés qu’à Athènes. En 1980 en effet, le Protocole mettait l’accent sur deux grands types de
devoirs : celui d’éliminer la pollution par certaines substances, et celui de la réduire concernant
d’autres substances.
16 ans plus tard, ces vues ont semblé dépassées et la distinction entre « élimination » et
« réduction » n’est plus de mise. Subsiste bien le devoir d’éliminer progressivement les apports
de substances toxiques, persistantes et susceptibles de bio-accumulation ; mais, jugé réducteur,
moins persuasif et surtout ouvrant la voie à interprétations de la part des Etats, le devoir de
réduire la pollution, n’a pas été retenu par les rédacteurs des amendements. L’on examinera ci-
après, trois des principaux devoirs mis à la charge des Etats.

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4.1.1 L’élimination des apports de substances toxiques, persistantes et susceptibles de bio-


accumulation (article 5, Annexe I)
Pour remplir ce devoir, l’article 5 nouveau intitulé « Obligations générales », requiert des parties
au Protocole, de satisfaire à deux modalités représentant une forte pression puisque les Etats ont
l’obligation d’élaborer et de mettre en œuvre des plans d’action et des programmes nationaux
contenant d’une part, des mesures et d’autre part, des calendriers d’application. L’action des Etats
se trouve donc ici fortement encadrée, ne laissant pas de place à l’improvisation. Les substances
dont il est question ici font l’objet de la nouvelle Annexe I beaucoup plus étoffée que celle du
Protocole d’Athènes.
Loin de se limiter à une simple énumération, le texte de Syracuse s’attache en premier lieu, à
camper en quelque sorte les substances dont il s’agit, et à les situer par rapport à leur niveau de
dangerosité pour l’environnement. Sont ainsi énumérés, les secteurs d’activité qui dès le départ,
doivent être envisagés par les Etats lors de l’élaboration des plans d’action et mesures
d’élimination de la pollution. C’est ainsi que le secteur de la production d’énergie, celui des
engrais, celui de l’industrie pharmaceutique, de l’industrie de la pâte à papier, du ciment, mais
aussi de secteurs comme celui du tourisme, par exemples, sont concernés en première ligne.
En second lieu, l’Annexe I engage les Etats à tenir compte, dans les mesures qu’ils élaborent, des
caractéristiques des substances dans l’environnement. C’est ainsi qu’à côté de la toxicité de ces
substances, de leur persistance dans l’environnement et de leur bio-accumulation, se trouvent
énumérées d’autres caractéristiques telles que, entre autres, la radioactivité et les risques
sanitaires.
Une fois ces éléments pris en considération, l’Annexe I énumère dans un troisième point, les
catégories de substances qui doivent être prises en considération par les Etats, lorsqu’ils élaborent
leurs mesures de lutte contre la pollution. On retrouve ici, nombre de substances du Protocole
d’Athènes, mais la liste est plus conséquente et l’on citera parmi de nombreuses autres : les rejets
thermiques, les détritus ou encore les substances non toxiques qui peuvent avoir un effet
défavorable sur les caractéristiques physiques ou chimiques de l’eau de mer.

4.1.2 Le devoir d’autoriser ou de réglementer d’autres rejets (article 6, Annexe II)


La nouvelle formulation du système d’autorisation et de réglementation, telle qu’elle résulte de
l’article 6 et de l’Annexe II révisés, en fait un devoir parfaitement contraignant pour les Etats. En
effet, tout comme en 1980, les rejets de sources ponctuelles dans la zone du protocole et les
rejets dans l’eau ou les émissions dans l’atmosphère qui atteignent la zone de la Méditerranée, (ce
ne sont pas les mêmes substances en 80 ; de plus o y parle de « déchets ») sont « strictement
subordonnés » à une autorisation des autorités compétentes qui devra tenir compte d’un certain
nombre d’éléments mentionnés à l’Annexe II. Ces éléments sont relatifs entre autres, aux
caractéristiques, à la composition, et au lieu des rejets20. En 1996 toutefois, l’encadrement de

20 Outre les Annexes I et II, une Annexe III concerne les « Conditions d’application à la
pollution transportée par l’atmosphère ». Une Annexe IV précise les « Critères pour la
définition des meilleures techniques disponibles et de la meilleure pratique
environnementale ».

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l’action des parties au futur Protocole va bien au-delà de ces prescriptions puisque les Etats ont
l’obligation de mettre en place des systèmes d’inspection en vue d’évaluer le respect des
autorisations et réglementations ainsi qu’un régime de sanctions appropriées en cas de non-
respect de ces conditions. Inspections et sanctions constituent bien deux instruments-clés destinés
à compléter le dispositif institué. De telles dispositions sont remarquables par leur efficacité car il
s’agit bien ici de contraindre les Etats à intervenir a posteriori pour s’assurer du respect sur leur
territoire, des règles énoncées par le Protocole.

4.1.3 La présentation de rapports d’activité


Si la présentation d’un rapport d’activité constitue, pour une collectivité quelle qu’elle soit, une
charge toujours lourde, on doit reconnaître qu’elle est particulièrement efficace pour permettre à
ses partenaires de suivre et de contrôler l’efficacité des actions entreprises. Cette technique
connaît une fortune particulière en droit de l’environnement où l’on constate au fil des années,
que cette « épreuve » du rapport aux parties et de la mise à découvert, en quelque sorte, des
politiques nationales, incite très fortement les Etats à respecter les termes des accords qu’ils
signent.
En 1980, dans le Protocole d’Athènes, il n’avait été question pour les Etats que de s’informer
mutuellement des mesures prises, des résultats et des difficultés éventuellement rencontrées dans
l’application du Protocole. Jugée trop floue et dénuée de rigueur, cette formulation a été
remplacée et le futur instrument énonce à cet égard, dans son article 13, en termes exempts
d’ambiguïté, que les parties « soumettent tous les deux ans…aux réunions des parties
contractantes, …des rapports sur les mesures prises, les résultats obtenus et, le cas échéant, les
difficultés rencontrées… » … « De tels rapports doivent comprendre, entre autres : des plans
d’actions, programmes et mesures mises en œuvre conformément aux articles 5 et 7 du présent
Protocole ».
A côté de ces devoirs fondamentaux, on rappellera, simplement les obligations qui avaient déjà
été énoncées en 1980 et que les amendements de Syracuse reprennent à leur compte, avec
quelques retouches : les Etats doivent ainsi assurer la surveillance continue de l’environnement
en évaluant notamment les niveaux de pollution le long de leurs côtes et les effets des
programmes adoptés ; ils coopèrent dans le domaine des sciences et techniques liées à la lutte
contre la pollution tellurique, et dans le domaine de l’assistance technique aux pays en
développement.

4.2 Les compétences de la Réunion des Parties Contractantes au Protocole


Les familiers du droit international de l’environnement connaissent bien le mécanisme de ce que
l’on nomme les « Réunions de Parties Contractantes ». Tous les traités conclus dans ce domaine
instituent de tels mécanismes et les dotent de pouvoirs plus ou moins développés de surveillance
ou de mise œuvre de mesures d’exécution ; de sorte que ces institutions constituent, pourrait-on
dire, la « conscience » de l’accord en question.
Les amendements de Syracuse dans les articles 14 et 15, viennent renforcer les compétences de la
Réunion des Parties Contractantes telles qu’elles avaient été énoncées en 1980, notamment sur
deux points :

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C’est à cette instance qu’il revient d’adopter à la majorité des deux tiers, les plans d’action et
programmes régionaux relatifs à l’élimination de la pollution provenant de sources et activités
situées à terre ;
- c’est la Réunion qui en fixe les mesures ainsi que les calendriers d’application.
On nous fera observer ici, que ce type de compétence est énoncé dans bien d’autres instruments
conventionnels.
Toutefois, on attirera l’attention sur le fait que dans le cas présent, ce pouvoir est renforcé par
deux règles de procédure :
En premier lieu, aux termes de l’article 15 paragraphe 2 nouveau, le PNUE formule les plans
d’action et les programmes régionaux21, les Etats eux-mêmes les examinent et les approuvent
ensuite, la Réunion des Parties les adopte lors de sa réunion suivante. Dans ces conditions, l’on
comprend bien que les plans d’action et programmes ne seront définitivement adoptés qu’au
terme d’un parcours garantissant l’implication de tous les acteurs de l’environnement appelés à
appliquer ces mesures.
- La seconde règle d’importance fait l’objet d’un nouveau paragraphe 3 de l’article 15. Il
n’est plus question ici de laisser aux Parties -comme dans le texte de 1980- la possibilité
en un certain sens, laxiste, de ne pas accepter un programme, et de se contenter
d’informer la Réunion, des dispositions qu’elles entendent prendre dans le domaine
concerné. Dorénavant une procédure d’objection est instaurée, procédure subtile,
fréquente en particulier dans le domaine de la pêche, et dont on ne mesure pas toujours la
puissance au premier abord, pour favoriser l’application d’un texte. L’idée ici est de
considérer qu’un texte sera adopté à une majorité déterminée, et deviendra obligatoire
sauf pour les Etats qui auront déposé une objection dans un certain délai. Dans le cas qui
nous occupe, l’article 15§3 nouveau, prévoit que le Secrétariat du PNUE notifie aux Etats
les mesures qui auront été adoptées aux deux tiers des parties, et que le 180 ème jour
suivant, ces mesures deviendront obligatoires pour les Parties qui n’auront pas notifié
d’objection.
On perçoit au premier regard la distance qui sépare les deux procédures car ici, il n’est plus
question de se retirer du jeu à son gré ; au contraire, il est important pour l’Etat de manifester
expressément son désaccord dans un délai donné ; à défaut la mesure devient obligatoire pour
celui-ci.
L’analyse des amendements de Syracuse montre que ceux-ci n’ont épargné aucun point sensible
des réglementations existantes qui nécessitaient d’être réformées ou parfois plus simplement,
perfectionnées. Dès lors s’il entre en vigueur, comme on peut l’espérer, il semble bien que le
Protocole d’Athènes révisé, constituera l’instrument qui permettra de poursuivre la tâche dans la
voie qu’avait ouverte Athènes 1.

21 Pour le professeur Tullio Scovazzi, l’expression « Regional action plan and programmes »
est utilisée pour désigner ceux qui couvrent la Méditerranée dans son ensemble,voir IJMCL
1996 p 574.

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LES DOMMAGES RESULTANT DES RISQUES SANITAIRES


ENVIRONNEMENTAUX : RESPONSABILITE ET INDEMNISATION

M. Guy Carmel MAHOUNGOU LOUFOUILOU


Juriste de l’environnement
Ministère de l’économie forestière et de l’environnement, Brazzaville, République du Congo
Tél : (00242) 535 17 57
Email: mahoungouguy@yahoo.fr

Résumé

De la définition du concept de santé environnementale proposée par l’Organisation Mondiale de


la Santé (Helsinki, 1994), il ressort en filigrane deux considérations fondamentales.
Primo, l’environnement influe fortement sur la santé humaine par le biais des éléments extérieurs
comme l’eau, l’air, les déchets, le bruit, les rayonnements.
Segundo, dans le souci de protéger la santé des générations actuelles sans compromettre celle
des générations à venir, il est nécessaire sinon impérieux d’adopter des politiques et des
pratiques efficaces.
La gestion des risques sanitaires environnementaux serait donc une responsabilité partagée
entre l’Etat, les entreprises privées et les individus.
L’Etat, principal gestionnaire, a l’obligation constitutionnelle d’assurer un environnement sain à
ses citoyens. A ce titre, il édicte des normes d’ordre réglementaire, économique ou juridique.
Les entreprises privées qui sont tenues de supporter les coûts d’externalités liées à leurs
activités, se voient par ailleurs imposer des règles de sécurité sociale pour le bien-être de ses
agents en milieu professionnel.
Les individus quant à eux, dans leur mode de vie et de consommation, sont incités à intégrer les
préoccupations environnementales.
Cette action collective est guidée par les principes indéniables du droit de l’environnement qui
entrent progressivement dans le domaine sanitaire. Il s’agit particulièrement du principe de
précaution, du principe de prévention et du principe pollueur payeur. Si les deux premiers
principes participent assurément d’une démarche d’anticipation et s’insèrent dans une politique
de développement durable, le dernier principe revêt lui une conception « responsabilitaire » et
vise, dans son acception originelle, « à empêcher que la prise en charge des mesures de lutte
contre la pollution soit assumée par quelqu’un autre que son auteur »
De toutes ces considérations, on déduit que le manquement des différents acteurs
environnementaux à leurs devoirs respectifs entraîne des dommages non négligeables sur la vie
des êtres vivants allant des malformations physiques aux décès en passant par des maladies
chroniques. Dès lors, il se pose la question de la réparation ou d’indemnisation des victimes,

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question qui trouve difficilement de réponse en raison de deux difficultés majeures :


l’identification de l’auteur du dommage et l’établissement du lien de causalité entre le dommage
et l’état de santé de la victime. Aussi, des disparités existent dans la réparation des victimes entre
le Nord et le Sud qui ne dispose pas toujours d’un fond d’indemnisation propre.
Mots- clés : Santé environnementale- risque sanitaire environnemental – environnement- santé- éléments ou
facteurs extérieurs- développement durable- responsabilité- acteurs environnementaux- coûts d’externalités-
principe de précaution- principe de prévention- principe pollueur-payeur- indemnisation- réparation- dommages-
victimes- lien de causalité.

1 Introduction

Maladies hydriques liés à la pollution bactériologique de l'eau au Sud, affections cardiologiques


dûes à la pollution industrielle au Nord, toutes susceptibles de provoquer des malformations de
tout genre ou des décès; sommes nous malades de notre environnement ?22 La question reste, les
maladies deviennent chroniques et la situation s'aggrave. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la
dégradation de l'environnement engendrée par l'accroissement des activités humaines exerce un
impact sur la santé des êtres vivants. La crise sanitaire de l'amiante en France et aux USA, celle
de la baie de MINAMATA au Japon ou en encore la récente affaire des déchets toxiques
d'Abidjan23 en constituent une parfaite illustration. En dépit de l'existence remarquable d'une
prise de conscience internationale matérialisée par quelques initiatives ici et là, les risques
sanitaires environnementaux (R.S.E) demeurent. Devant l'ampleur du phénomène, l'on est
conduit à s'interroger sur les responsabilités et le traitement réservé aux victimes. En clair, qui est
responsable pour pouvoir indemniser les victimes ? Il faut dire que l'Etat et les entreprises sont
les principaux acteurs impliqués dans la gestion des R.S.E, chacun a une part de responsabilité
importante. Certes, les individus, représentés par la société civile, ont aussi un devoir de
participation dans la prévention de ces risques. L’Etat a l'obligation constitutionnelle de garantir
le bien-être de ses citoyens en leur assurant un environnement sain, ne présentant aucun risque
pour la santé. A ce titre, il est considéré comme le principal gestionnaire des R.S.E. Sa gestion est
basée sur les résultats de l'évaluation des risques.
Dans l'exécution de sa mission, il dispose d'un ensemble d'outils ou d'instruments qui peuvent
être d'ordre réglementaire, économique ou juridique avec pour finalité de prévenir, réduire,
réparer ou compenser les risques identifiés.
Les entreprises de leur côté, en particulier l’employeur, a l'obligation de se conformer aux normes
édictées par les pouvoirs publics. Il doit assurer la santé et la sécurité des travailleurs notamment

22 Question posée par Nathalie KOSCIUKOMORIZET, Présidente du groupe d'études Santé


et Environnement à L’Assemblée nationale française, à l'ouverture de la 1ère édition des
Rencontres parlementaires Santé Environnement en 2003.

23 affaire en cours dont les faits remontent au 02 juillet 2006.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

en évaluant les risques à traiter au sein de l'entreprise afin de concevoir la prévention la mieux
adaptée à chaque poste de travail.
Il ressort donc en filigrane que le manquement à toutes ces obligations engage la mise en œuvre
de la responsabilité de ces acteurs, une responsabilité qui est souvent fondée sur le nonrespect des
principes indéniables de la protection de l'environnement comme la précaution et la prévention.
Dès lors, il est nécessaire de souligner l'importance du principe de précaution (I), avant de
déterminer les responsabilités des différents acteurs (II) qui donnent droit à une
indemnisation(III)

1.1 Un principe de responsabilité: le principe de précaution


Au cœur de la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement, le principe de précaution est
d'abord un principe de protection de l'environnement (1), avant de devenir principe de
responsabilité en matière de sécurité sanitaire (2)

1.1.1 Ce qu'il est réellement : un principe d'action pour la protection de l'environnement


« Parce que le succès du principe de précaution n'a d'égal que le flou qui l'entoure »24 selon
l'élégante formule du professeur M.Rémond Gouilloud, un retour aux sources s'impose.
D'origine allemande et signifiant « vorsorgeprinzip », le principe de précaution apparaît en 1970;
il est inscrit en novembre 1987 dans la Déclaration ministérielle de la 2è conférence
internationale sur la protection de la mer du Nord. La déclaration de Rio étend l'application de ce
principe à toutes les questions environnementales. « Pour protéger l'environnement, des mesures
de précaution doivent être largement appliquées par tous les États. En cas de risques de
dommages graves et irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte pour remettre à plus tard l'adoption des mesures effectives visant à prévenir la
dégradation de l'environnement». L'Union européenne adhère à ce principe en 1992, l'érigeant en
pilier de sa politique environnementale. Il a été formalisé juridiquement par la loi Barnier25. Le
législateur français se laisse séduire à son tour: il le consacre dans la loi relative à la charte de
l'environnement26 en son article 5.
Fondé sur l'éthique, le principe de précaution participe assurément d'une démarche d'anticipation.
La commission mondiale sur l'environnement considère qu'il s'insère, dans une politique de
développement durable, soucieuse de répondre aux besoins du présent sans compromettre la
possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs.

24 La précaution, art de la décision en univers incertain in Risques et sociétés ss. dir. M.


Tubiana et alii, 1999, p.301310, spéc. p.303

25 Loi du 02 février 1995

26 Loi adoptée le 28 février 2005 et promulgué le 1er mars 2005

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Aujourd'hui, il ne fait pas l'ombre d'aucun doute que le principe de précaution soit devenu le
moteur d'une nouvelle politique orientée vers une meilleure sécurité, capables d'atténuer les
phénomènes de risques sanitaires environnementaux.

1.1.2 Ce qu'il est devenu: un principe au domaine d'application étendu à la santé publique
« Utilisé en droit international, le principe de précaution était nécessairement flou et éloigné des
problèmes de responsabilité individuelle »27, toutefois le glissement a fini par s'opérer. En effet,
au delà de son domaine textuel, le principe de précaution s'applique à toutes les activités à
risques, génératrices d'incertitudes. Définir ainsi sa compétence rationne materiae revient à
l'ériger en un principe systématique applicable à tous les secteurs de la vie sociale dont la santé.
Les risques en cause sont ceux qui ne sont pour l'heure d'hypothétiques; ceux pour lesquels il
existe une incertitude tant quant aux causes qu'aux effets. Les affaires de la vache folle (ESB) et
de maïs transgénique (OGM) en sont les parangons.
Le principe de précaution a ainsi vu son domaine d'application s'étendre dans la pratique à la
santé publique et à la sécurité alimentaire. La déclaration de la quatrième conférence
ministérielle sur l'environnement28 s'y réfère par exemple dans son article 17 comme outil de
pour l'élaboration des politiques, en soulignant une série des dispositions dont l'O.M.S devrait
s'inspirer en vue d'établir des principes directeurs quant à son application.
Sur le plan juridique, ainsi que le recommande le professeur M.RémondGouillloud, la
présomption d'innocuité doit être remplacée pour un temps par une présomption de nocivité, le
temps pour les scientifiques d'acquérir des connaissances ».
Le principe de précaution répond à la même philosophie que le principe de prévention. Ils
permettent en effet d'anticiper sur l'évolution car l'absence de certitude scientifique ne doit pas
constituer un motif suffisant pour ne pas prendre les mesures de précaution nécessaires29. En
d'autres termes, la précaution est la gestion a priori d'un risque mal connu ou inconnu, elle vise à
limiter des risques potentiels ou hypothétiques; alors que la prévention est la gestion a priori d'un
risque connu, elle vise à contrôler les risques avérés.

27 Professeur G.J.Martin, Apparition et définition du principe de précaution: petites affiches,


30 nov. 2000, p.9

28 Conférence organisée à Budapest (Hongrie) en juin 2004

29 Delphine EMMANUELADOUKI,Code de l'environnement, éd. Saint Paul, 2004

65
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1.2 La détermination des responsabilités


En droit, toute personne physique ou morale engage sa responsabilité dès lors qu'il se rend
coupable de la violation d'une règle de droit. J. FRAUSSARD30 affirme à ce propos: « la
responsabilité est le reflet de l'obligation puisqu'elle en est la sanction: elle suppose la violation
d'une obligation préexistante, et ce qui n'est pas objet de l'obligation ne peut être source de
responsabilité »
Ainsi, la responsabilité des dommages résultant des risques sanitaires environnementaux est une
responsabilité partagée entre les pouvoirs publics (A) et les entreprises (B)

1.2.1 La responsabilité des pouvoirs publics ou de l'Etat


En matière de prévention des risques sanitaires environnementaux, l'Etat peut être mis en cause à
raison des carences ou des insuffisances de son action. Cette responsabilité est à double titre, elle
peut avoir pour fait générateur l'action de l'Etat lui-même ou de ses agents (1), ou le nonrespect
par l'Etat de son obligation en matière de protection d'hygiène et de santé publique à l'égard des
travailleurs (2).

1.2.1.1 Une responsabilité fondée sur une faute imputable à l'Etat ou à ses agents
La faute reste au cœur du régime de responsabilité de la puissance publique à l'égard des
administrés, en cas d'action fautive de l'administration ou de carence fautive de sa part. En
France, la loi du 04/03/2002 a réaffirmé le principe selon lequel la responsabilité en matière
sanitaire est avant tout fondée sur la faute, tout en prévoyant de faire jouer la solidarité nationale
dans certains cas, en particulier pour l'aléa thérapeutique et les produits de santé défectueux. La
responsabilité pour faute suppose qu'il suffit de la violation d'un règlement administratif pour que
la faute soit établie. Cette faute peut consister en une imprudence ou ne négligence. La loi
Fauchon du 10 Juillet 200031, précise qu'une personne est déclarée responsable s'il est établi
qu'elle a « soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement », soit « commis une faute caractérisée et qui
exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ».
Le Conseil d'Etat français dans la célèbre affaire de l'amiante32 a reconnu la responsabilité de
l'Etat pour carence fautive à prendre des mesures de prévention des risques liés à l'exposition des
travailleurs aux poussières d'amiante. Cette carence est notamment caractérisée par une absence
d'études et par une insuffisance de la réglementation.
Cette grave crise sanitaire, au sens de la décision du Conseil d'Etat, aurait pu être évitée en large
partie si des mesures de précaution avaient été prises à temps. Les juges ont relevé que le pouvoir

30 J. FRAUSSARD, La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultats,


paris 1965 p.68

31 Loi relative aux délits non intentionnels

32 CE, arrêt du 03 mars 2004

66
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

cancérigène des poussières d'amiante étant connu depuis les années 1950, les autorités françaises
n'avaient pas entrepris, avant 1977, « aucune recherche afin d'évaluer les risques pesant sur les
travailleurs exposés à l'amiante, ni pris des mesures aptes à éliminer les dangers d'une telle
exposition ».
De même dans l'affaire dite su sang contaminé33, le juge a considéré que la carence fautive de
l'administration était de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des contaminations
provoquées par des transfusions sanguines pratiquées. Comme on le voit, la carence fautive de
l'Etat est retenue pour n'avoir pas pris en temps utiles des mesures propres à limiter les risques de
contamination du VIH par transfusion sanguine.

1.2.1.2 Une responsabilité pouvant être élargie par l'obligation générale de sécurisation des
travailleurs
L'affaire de l'amiante en France a révélé que, les préjudices causés par les poussières de l'amiante
mettent en cause la responsabilité de l'Etat à un double titre: en tant qu'employeur et en tant
qu'Etatcontrôleur. La Cour de cassation13 avait en effet déjà retenu la responsabilité de l'Etat
employeur en se fondant sur « l'obligation de sécurité et de résultat» découlant du contrat de
travail.
Le Conseil d'Etat se réfère, certes, à l’obligation pesant sur les employeurs les employeurs de
protéger la santé des travailleurs placés sous leur autorité mais il ajoute qu’«il incombe aux
autorités publiques investies de la mission de prévention des risques professionnels de se tenir
informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité
professionnelle ».
Il résulte de toutes ces considérations que l'État a commis un double manquement dans l'affaire
de l'amiante à savoir: l'absence de suivi suffisant par l'inspection du travail de la dangerosité des
poussières d'amiante, qui a eu pour conséquence la méconnaissance de l'ampleur de la
contamination et le manque d'évolution de la réglementation, et, l'inapplication par l'État des
principes de prévention et de précaution.
Dans la mesure où l'Etat est investi d'une mission de santé publique, on comprend que sa
responsabilité puisse être recherchée en cas de faute du service public.
Toutefois, cette responsabilité administrative n'exclut pas la possibilité reconnue aux victimes et
au Parquet de poursuivre pénalement les agents et é lus pour leur faute personnelle.
L'article 1234 du nouveau Code pénal, dans sa nouvelle rédaction que lui donne la loi du 10
juillet 2000 prévoit spécifiquement que: « les personnes physiques qui n'ont pas causé
directement le dommage, mais qui ont crû ou contribué créer la situation qui a permis la
réalisation du dommage u qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont

33 affaires pendantes dans les années 1984-1985, ayant entraîné la condamnation en 1993 de
3 anciens membres ministres et du 1er ministre à l'époque des faits.

34 arrêt rendu entre le 28 février et le 19 décembre 2002.

67
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont , soit violé de façon manifestement délibérée
une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit
commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité
qu'elles ne pouvaient ignorer».

1.2.2 La responsabilité des entreprises ou des industriels


Les industriels sont responsables des dommages causés à la santé de leurs employés et de la
population environnante. Cette responsabilité, fondée sur le risque professionnel (1), est
également établie en raison de l'application du principe pollueur payeur (2)

1.2.2.1 Une responsabilité fondée sur le risque professionnel


L'activité industrielle n'a pas uniquement pour but la promotion des biens; elle doit assurer
l'hygiène, la qualité de l'environnement et la sécurité. Du fait de cette responsabilité sociale, le
chef d'entreprise a un devoir de surveillance et de commandement en vue de préserver le milieu
dans lequel il exerce ses activités de toute atteinte ou destruction.

Ainsi, le risque professionnel fonde la responsabilité des industriels. La précaution constitue ici
un élément de prise de décision, une sorte de gestion du risque au vu du manque d’informations
précises. L'industriel est jugé responsable du fait de son manquement à prévenir les dégradations
sérieuses ou irréversibles causées à l'environnement par la production ou l'utilisation des produits
dits à risques, souvent à l'origine de stress ou de maladies.
Cette responsabilité des industriels bénéficie d'un encadrement juridique particulier dans l'Union
européenne. En effet les règles du droit communautaire en matière de santé et de sécurité au
travail, influencées par le principe de prévention, comportent deux directives importantes: il s'agit
notamment de la directive «Seveso 1» du 24 juin 1982 et de la directive «Seveso 2» du 09
décembre 1992.
Si le premier texte impose aux industriels d'évaluer les risques de leurs installations de les réduire
par des mesures techniques et organisationnelles globales, le second texte étend le champ
d'application du premier en renforçant certaines dispositions de prévention et exigences
d'inspection. Ces deux directives empruntent leurs noms à la catastrophe industrielle de Seveso
produite en Italie en 197635.

1.2.2.2 Une responsabilité également établie en application du principe pollueur payeur


Le principe pollueur payeur conditionne souvent la responsabilité de l'industriel notamment à
l'égard des populations résidant autour du site industriel, victimes de leur pollution. Il s'agit ici
d'une pollution résultant de la négligence ou de l'imprudence de l'industriel. On se réfère dès lors

35 cf annexe

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au principe pollueur payeur36. Ce principe se traduit par la prise en charge des mesures
préventives et aussi par l'obligation de répondre des atteintes portées à l'environnement. La
responsabilité de l'industriel est donc engagée du fait de la pollution causée aux populations,
laquelle pollution est susceptible de causer de pertes de vies humaines importantes37.
Ainsi par exemple en France, l'exploitant d'une centrale nucléaire est responsable des dommages
causés par un accident38. De même, le propriétaire d'un navire est jugé responsable des nuisances
résultant de rejets d'hydrocarbures39. L'article 1384 du code civil dispose qu’une entreprise peut
être déclarée responsable en tant que gardien de ses installations à l'origine d'une pollution40.

1.3 L'indemnisation ou le droit à réparation des victimes


Il est un principe universellement admis en droit (A) qui cependant pose un certain nombre de
problèmes dans les cas de dommages liés aux risques sanitaires environnementaux (B)

1.3.1 Un principe universellement admis en droit


En matière de réparation de dommages, la référence à l'article 1382 du code civil est
généralement invoquée. Aux termes de ce texte, toute personne qui cause, par sa faute, un
dommage à autrui est tenu de réparer. La faute, faut il le rappeler, peut constituer parfaitement en
une imprudence ou une négligence.
Dans le domaine environnemental, le prince pollueur payeur s’applique. Le pollueur est tenu de
réparer les dommages résultant d'actes irréguliers dont il en est l'auteur. Dans l'affaire de
l'amiante aux USA par exemple, de centaines de milliers de personnes avaient engagé des
plaintes collectives pour obtenir des indemnisations. Plusieurs groupes, même étrangers mais
dont les activités s'exerçaient sur le territoire des USA, ont eu à verser d'importantes indemnités.
En France, selon la Cour des comptes, l'indemnisation cumulée des conséquences de l'utilisation
de l'amiante s'élevait, en 2004, à 1,4 milliard d'euros. Sur près de 15.000 demandes déposées,
6.240 victimes ou leur ayants droits, ont été indemnisés.

36 Principe inspiré de la théorie économique en vertu de laquelle toute activité économique qui
génère des coûts externes oblige le promoteur à les supporter dans les coûts de production

37 cf affaire des déchets toxiques dit « Probo Koala » qui a occasionné l'hospitalisation de 70
personnes et le décès de 15 personnes

38 cf lois du 30 octobre 1968 et 16 juin 1990

39 cf lois des 26 mai 1977 et 10 juin 1994

40 cf décision de la Chambre civile de la Cour de cassation française rendue le 08 mars 1978


pour les nuisances sonores causées par une machine industrielle

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1.3.2 Une réparation problématique en droit de l'environnement


Selon les principes généraux du droit de la responsabilité, le dommage doit être intégralement
réparé. Cette règle de la réparation intégrale est difficilement transposable en droit de
l'environnement qui conçoit la réparation en termes de mesures compensatoires. Cette difficile
application de la réparation intégrale est liée à un certain nombre d'obstacles importants.
D'abord le lien de causalité entre l'auteur du dommage, l'acte commis et la victime du dommage
n'est pas toujours facile à établir. C'est pour cela que de plus en plu, les législations nationales
recourent au système de responsabilité basé sur le risque ou sans faute en matière industrielle. Tel
est le cas par exemple de la loi japonaise de 197741 en vertu de laquelle les personnes atteintes
de certaines maladies et résidant dans une région industrielle n'ont pas à établir de lien entre la
maladie et les émissions industrielles, l'entreprise étant considérée responsable, doit réparer ce
dommage.
Ensuite les véritables effets néfastes d'une pollution se produisent qu'à plus ou longue échéance.
C'est un des problèmes mis en lumière par la catastrophe de Tchernobyl.
Par ailleurs, l'identification de l'auteur du dommage est rendue difficile dans les cas de pollution
de l'air notamment. Il est difficile par exemple d'appliquer aux gaz d'échappement des voitures et
aux fumées de chauffage individuel des règles de responsabilité et de demander réparation car ils
sont trop nombreux et leur apport individuel est relativement limité.
Enfin il existe de nombreux inconnus dans l'évaluation du dommage subi. Des éléments n'ayant
pas une valeur économique, ne font donc pas partie des choses qui se vendent.

2 Conclusion

Afin de réduire les impacts des R.S.E, il incombe aux États et aux entreprises d'appliquer les
normes existantes en la matière et de s'impliquer davantage dans la gestion de ces risques. Le
recours aux principes de prévention et de prévention est nécessaire dans cette action anticipatrice.
Par ailleurs, la gravité de la situation doit conduire à une nouvelle conception plus ou moins large
de la notion de faute. Autrement dit, à la responsabilité pour faute doit se substituer la
responsabilité sans faute qui présente l'avantage de rétablir l'égalité devant les charges publiques.
Dans ce cas, la responsabilité des personnes publiques peut être engagée en l'absence de faute ou
d'illégalité.
Enfin il convient de renforcer l'harmonisation de la relation entre responsabilité et droit à
indemnisation surtout dans les pays du Sud. Le développement du système mixte solidarité-
assurance devrait aboutir à la mise en place des fonds d'indemnisation, relais pour assurer

41 Loi adoptée suite à l'accident de MINATA

70
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l'indemnisation. Une attention particulière doit être accordée par les gouvernants qui brillent
souvent par une passivité incompréhensible.

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LA RELATION MICROCOSME-MACROCOSME DANS L'HISTOIRE


MEDICALE

Anne Marie MOULIN


Directeur de recherche CNRS, CNRS-CEDEJ, Le Caire42

Résumé

La préoccupation contemporaine des rapports entre santé humaine et environnementale invite à


reconsidérer une longue histoire... Dans la tradition médicale d'Hippocrate à Ibn Sîna, la
relation entre le microcosme humain et le macrocosme est d'ordre spéculaire : le corps humain
reflète le monde dont les quatre éléments entrent dans sa composition. Pour la médecine
ancienne, l'observation de l'environnement (climat) permet des orientations pronostiques autant
que diagnostiques. Au 18e siècle, l'étude des "constitutions médicales locales" est le fait d'une
médecine nomade qui recoupe les informations sur la pathologie, glanées lors de ses
déplacements d'un pays à l'autre. L'épidémiologie contemporaine est née de ce courant de
recherche.
Au 19e siècle, la biologie a inversé la perspective en s'intéressant en priorité au "milieu
intérieur" de l'organisme et à la façon dont ce dernier s'autorégule suivant des lois originales qui
donnent au système nerveux régulateur un rôle prédominant. Mais simultanément la
microbiologie a relancé la question de l'influence pathogène du milieu extérieur sur la santé sous
la forme de l'omniprésent microbe.
Aujourd'hui, le macrocosme est pensé en termes de menace globale, en raison notamment de
l'ampleur des bouleversements écologiques induits par l'activité humaine. Celle-ci fournit en
particulier des niches inédites aux "virus émergents". Face à la menace du réchauffement et de la
pollution de l'air et de l'eau, la solidarité internationale est invoquée pour penser les termes d'un
nouveau "contrat social" avec la "Nature".
La préoccupation contemporaine des modifications accélérées de l'environnement global
s'enracine dans une réflexion de longue date sur les relations entre milieu et santé. A travers
l'histoire, on peut suivre plusieurs lignes de recherche. Elles disposaient d'outils conceptuels et
techniques qui ont varié au cours du temps mais n'en témoignent pas moins d'une certaine
continuité dans la position de la question de la "nature", à propos du diagnostic, du pronostic et
de la thérapeutique.

42 moulin@cedej.org.eg, saint-romain@noos.fr

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 L'Homme "dans" la Nature

1.1 La vision hippocratique et galénique

Dans la tradition hippocratico-galénique commune à l'Occident et à l'Orient musulman, la prise


en compte de l'environnement est fondamentale pour l'orientation du médecin dans l'exercice de
son métier. Le médecin (rappelons que sa pratique est souvent nomade) consacre ses premiers
jours dès son arrivée dans un lieu nouveau d'exercice à la collecte d'informations et l'observation
des particularités locales : l'orientation et l'importance des vents, le rythme des saisons, l'intensité
de l'ensoleillement, le régime des pluies et des différentes perturbations climatiques. Ces
éléments lui offrent autant d'indices pour apprécier le déroulement cyclique des affections :
diarrhées d'automne, affections respiratoires liées au froid, troubles digestifs liés aux
changements de nourriture, fonction eux-mêmes des ressources alimentaires variables au fil de
l'année et évidemment très variables d'un pays à l'autre.
Ce cadre épidémiologique, conjugué avec des remarques personnalisées sur l'âge, le sexe et la
profession du patient, s'est maintenu au cours des siècles suivants, aussi bien en Occident qu'en
Orient, où le phénomène saisonnier (mousem, saison, terme arabe dont dérive "mousson") est
avec constance tenu pour responsable des épidémies récurrentes, liées aux modifications
cycliques de l'environnement.
En France, au XVIIe siècle, la Société royale de médecine animée par Vicq d'Azyr, médecin de la
reine Marie Antoinette, prévoit un large recueil de données adressées par des médecins
correspondants dans l'ensemble du pays et portant sur les "constitutions épidémiques", c'est-à-
dire tous les facteurs géoclimatiques qui peuvent être incriminés dans la pathologie locale.43 Ce
recueil est assorti d'une revue des eaux thermales et des plantes qui peuvent fournir des remèdes
appropriés.44 Les "topographies médicales" de telle ou telle localité demeureront un genre
fréquent de la littérature professionnelle, notamment très représenté dans les thèses de doctorat
des étudiants en médecine, jusqu'à la fin du 19e siècle. Avant l'essor de la théorie microbienne
qui représentera un changement radical dans la compréhension de la causalité des épidémies45,
la géographie médicale reste un outil courant des praticiens. En témoigne la parution de ce
monument, en 1860-64, qu'est l'ouvrage en deux volumes du médecin allemand August Hirsch46.
Il y examine exhaustivement pour toutes les maladies, comme la peste et le choléra, mais aussi la
syphilis, la lèpre et la tuberculose, l'ensemble des facteurs favorisants : température, altitude,
précipitations, alimentation elle-même évidemment déterminée par le climat. L'enseignement
médical en France jusqu'à il n'y a pas si longtemps insistait sur la distinction entre affections
d'hiver et de printemps (grippe, rougeole et scarlatine), et les affections d'été et d'automne

43 J-P Peter, Article Constitution médicale, Dictionnaire de la pensée médicale, D Lecourt


dir., PUF, Paris 2004, pp. 279-282.
44 Médecine, climat et épidémies à la fin du XVIIIe siècle, Jean-Pierre Peter éd., Mouton, Paris 1972.
45 A M Moulin, Article Etiologie, Dictionnaire de la pensée médicale, D Lecourt dir., PUF, Paris 2004, pp. 446-450.
46 A Hirsch, Handbuch der Historisch-Geographischen Pathologie, Erlangen, 1860-1864.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

(gastro-entérites, fièvres typhoïdes).47 Le lien à la saison peut être indirect, lié par exemple à la
consommation de coquillages (autrefois restreinte en France aux fameux mois "avec r", de
septembre à avril). Autrefois aussi, l'automne en Tunisie, saison des grenades, était réputé la
saison des ophtalmies aigues. Le rapprochement était tentant entre les follicules observés au
revers de la paupière et les grains rosés de la grenade à l'ouverture du fruit, mais comparaison est-
elle raison ?48
Un exemple trop beau pour ne pas être cité dans un congrès à Alexandrie est le cas de l'Egypte.
Ibn Ridwan, décrivant Les maux de l'Egypte au 11e siècle, établit un parallèle entre le type
d'affections régnantes et le bouleversement environnemental crucial pour l'histoire et la
géographie du pays, à savoir la crue du Nil. Ibn Ridwan décrit l'acmé des épidémies dû à
l'insalubrité du vent dominant, au printemps, qui coïncide fréquemment avec la survenue de la
peste entre mai et juin.49 La montée des eaux du Nil, coïncidant avec un changement de direction
du vent, renouvelle les eaux dans les réservoirs, en même temps qu'elle étend son limon
nourricier, et les épidémies perdent alors de leur force. L'automne ramène avec lui certaines
affections, comme les dysenteries et les diarrhées liées, selon le savant égyptien, à la stagnation
des eaux dans les réservoirs des maisons.
Ce qui est frappant et inattendu est de voir cette description relayée, à quelques détails près, au
16e siècle par Prosper Alpin, médecin italien résidant au Caire dans La médecine des
Egyptiens.50. Alpin commente en termes analogues à ceux d'Ibn Ridwan le profil épidémique de
la ville et son lien avec les changements des vents et la crue du fleuve. Plus frappant encore, c'est
dans le même moule que Larrey, le chirurgien de Bonaparte, débarqué en Egypte en 1799 avec
l'expédition militaire, verse ses observations sur la pathologie des soldats français, puis de l'armée
des Mamelouks et finalement de la population civile qu'il est amené à soigner successivement.
Vingt ans plus tard, le Dr Clot, quand il est appelé par le pacha Mohammed Ali à diriger l'Ecole
de médecine d'Abou Zabel puis de Qasr el Ayni, se situe encore dans cette longue tradition.51
S'il adhère pleinement aux doctrines "révolutionnaires" de l'inflammation de son maître François
Broussais (la gastro-entérite est à l'origine de tous les maux), il n'en reprend pas moins l'essentiel
des considérations de ses prédécesseurs sur le retour régulier de la peste, endémique en terre
d'Egypte et née en quelque sorte de ses particularités climatiques.
Dans la tradition médicale de l'Occident aussi bien que dans celle de l'Orient musulman de
culture arabe, persane et indienne, il existe une étroite relation entre le microcosme humain et
l'ensemble du cosmos. Les quatre humeurs reconnues par le corps chez Hippocrate, le sang, le

47 Maurice Huet, Tel climat, quelle santé ? L’Harmattan, Paris 2002.


48 M Huet, op.cit.
49 Michael Dols, Medieval Islamic Medicine. Ibn Ridwan's Treatise on the prevention of bodily ills, University of
California Press, Berkeley 1984.

50 P Alpin, La médecine des Egyptiens, 1581-1584, 2 vols., IFAO, Le Caire 2007.

51AM Moulin, L'esprit et la lettre de la modernité égyptienne. L'enseignement médical de Clot


bey, 1805-1882, Cahier des Annales islamologiques , IFAO, 2002, 22, pp. 119-134.

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phlegme, les deux biles, jaune et noire, dont l'équilibre et le déséquilibre correspondent aux états
opposés de la santé et de la maladie, sont en rapport étroit avec les quatre éléments qui
constituent la nature du monde, objet général de la "physique", l'eau, le feu, l'air et la terre, et les
quatre qualités, froid/chaud, sec/humide qui caractérisent les éléments. Cette référence au froid
et au chaud inspire une division non seulement des maladies, en référence au changement de
saison, mais des remèdes. Ceux-ci sont fondamentalement répartis en drogues "froides" et
"chaudes", comme les aliments eux-mêmes dont beaucoup ont une position intermédiaire entre la
pharmacopée et la diététique, comme l'ail, l'oignon, l'huile d'olive, le blé mondé etc., où l'on
reconnait des éléments essentiels du paysage méditerranéen.
La reconnaissance du rapport étroit du macrocosme et du microcosme humain inspire une autre
dimension de la médecine ancienne, l'importance de l'horoscope pour porter un diagnostic et un
pronostic et juger du choix des jours de médication. En Occident, les médecins de la Renaissance
en Occident étaient souvent versés en astrologie. En Orient, un médecin astrologue est présent
dans la plupart des cours d'Asie centrale, de Perse et de Chine jusqu'à la fin du 19e siècle. A la
cour de l'émir Abd ar Rahman en Afghanistan, en 1896, le médecin anglais de l'émir, le Dr
Hamilton entre en conflit avec les astrologues qui le conseillent ordinairement.

1.2 Les maladies professionnelles et la pathologie de l'environnement

Parmi les éléments figurant dans l'interrogatoire du malade, à côté de l'alimentation et de la vie
sexuelle, figurait en bonne place l'activité professionnelle, qui imprime au corps certaines
aptitudes mais peut aussi l'affliger de difformités. Les affections des travailleurs des mines
d'argent dans l'Antiquité étaient bien connues. Bernardino Ramazzini au 16e siècle a étendu et
systématisé ces observations. Son ouvrage le plus connu, Les maladies des artisans, De morbis
artificorum, reste aujourd'hui la référence obligée des médecins du travail. Au nombre des
métiers dont la pénibilité est connue depuis longtemps, ceux de la teinturerie, qui obligent les
artisans à manier des produits toxiques, à brasser des mélanges dont s'exhalent des vapeurs
délétères, et enfin à vivre dans une atmosphère insalubre au bord de canaux où s'effectuent les
opérations de tannage des cuirs ou de rouissage du lin. C'était le cas du quartier de la Bièvre à
Paris, aujourd'hui remplacé par le quartier Censier.52 En Egypte, la description des dommages de
ces métiers pour la santé se retrouve sous la plume de Maïmonide au 12e siècle lors de son long
séjour au Caire, comme sous celle des contemporains de l'expédition de Bonaparte en Egypte. Le
quartier des teinturiers au Caire, situé vers l'aqueduc, reste aujourd'hui un quartier insalubre, où
des enfants apprenant le métier sont exposés à un environnement toxique.

52 André Guillerm, Les temps de l'eau, Champ Vallon, 1993.

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1.3 L'homéostasie et les lois d'un déterminisme autonome

La physiologie du 19e siècle a semblé prendre ses distances avec les considérations portant sur
l'environnement et le macrocosme, en ce qu'elle a semblé s'intéresser prioritairement au
déterminisme interne de l'organisme. La physiologie d'un Claude Bernard et d'un Liebig a mis
l'accent sur la façon dont un organisme fonctionnait selon des lois qui lui étaient propres et
permettaient son émancipation voire son autonomie par rapport à l'environnement. Le propre de
l'organisme serait précisément de maintenir inchangés, à l'intérieur de normes très strictes, les
principaux paramètres tels que la température, les volumes d'échanges gazeux, l'hydratation des
tissus, etc., et ce, quelles que soient les modifications ambiantes. Le principe d'homéostasie,
correspondant à la stabilité du "milieu intérieur" cher à Claude Bernard et plus tard formalisé par
Starling53, implique l'énoncé de lois originales, qui reflètent un ordre supérieur, modulé par le
système nerveux, qui échappe dans une certaine mesure aux forces mises en jeu dans l'univers.
L'émancipation des contraintes du milieu apparait cependant plus aisée en zone tempérée. A
l'époque des entreprises coloniales, le milieu "tropical" est considéré comme plus intimement
assujetti aux influences climatiques. L'idéologie coloniale jongle avec les perspectives exaltantes
d'une "acclimatation" de l'homme "blanc" sous les Tropiques d'Afrique et d'Asie,54 et l'idée d'une
grande diffusion du modèle hygiéniste esquissé dans les pays d'Europe. Le terme tropical est
largement utilisé pour dénommer une pathologie à détermination explicitement climatique :
l'ulcère tropical, la dysenterie, l'ophtalmie du même nom.55 La chaleur accélère les
fermentations, du coup on lui prête aussi la faculté d'exciter les passions humaines et de nourrir le
fanatisme. La raison serait "froide" par excellence.56 Les facteurs climatiques peuvent être ainsi
raccordés à une physiologie plutôt qu'à une cosmologie, une physiologie qui prend volontiers des
accents racistes.57
Mais au moment même où la physiologie des organismes vivants concentrait l'attention, la
problématique de l'homme et de l'environnement est renouvelée par les découvertes de la
microbiologie. Celle-ci relance la question de l'influence du milieu extérieur sur la santé sous les
espèces de l'omniprésent microbe.

53 Chistiane Sinding, La sagesse du corps d’Ernest Starliing, Actes-Sud, Arles 1989.

54Michael Osborne,Acclimatizing the World. A history of the paradigmatic colonial science,


Osiris, 2000, 15, pp. 135-151.

55 Cités dans tous les manuels de médecine tropicale du 19e et aussi du 20e siècle.

56 A Bordier, La géographie médicale, Paris, Reinwald, 1884.

57 Un exemple est l'article d'E Gobert, Le tempérament arabe, Revue tunsienne,1913.

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1.4 La théorie microbienne

La théorie microbienne des maladies semble modifier radicalement la conception des rapports
entre l'homme et son milieu en désignant un responsable unique des méfaits et en simplifiant la
donne. Elle se substitue à la théorie incriminant les miasmes dans le déclenchement des
épidémies et des fièvres putrides. Le vocabulaire des miasmes est définitivement relégué aux
oubliettes comme témoin d'un archaïsme définitivement dépassé. Les mauvaises odeurs, émanant
des marécages ou des égouts, quels que soient leurs inconvénients olfactifs, ne sont plus
supposées créer de toutes pièces des épidémies, et on se gausse de certaines paniques provoquées
dans les capitales européennes, au 19e siècle, par la diffusion d'odeur insupportables.
L'appellation ancienne de malaria, le mauvais air, pour désigner ce qu'on appelle aussi paludisme,
de palus, marécage, subsiste néanmoins, qui rappelle le lien entre les miasmes et la fièvre.
Pourtant même si stricto sensu, il est vrai que le mauvais air ne cause pas le paludisme, et qu'il
faut l'action conjointe du parasite Plasmodium et de son vecteur le moustique Anophèles pour
faire fonctionner le cycle de la maladie, il n'en demeure pas moins que l'odeur des eaux
stagnantes révèle souvent un profil épidémiologique favorable au développement du paludisme,
qui est transmis par les anophèles exploitant pour développer leurs larves les étendues aquatiques
ou se contentant de simples flaques d'eau dans les villes. Mais le changement de mentalité a été
radical et caractérisé comme il est habituel à chaque génération, par la disqualification ou l'oubli
du savoir et du savoir-faire antérieurement acquis.
A la fin du 19e siècle, la toute puissance du microbe dans la genèse de la maladie a renouvelé la
politique de prévention des maladies. La première stratégie consiste à reprendre, sur des bases
nouvelles, l'ancien système des quarantaines, destiné à limiter la transmission interhumaine et la
diffusion par les marchandises des infections comme la peste ou le choléra, objet de conventions
internationales et de règlements portuaires. A Alexandrie, grand port de l'Egypte et centre actif du
commerce international, le bâtiment du Conseil quarantenaire rappelle le rôle de cette institution
dans le contrôle des épidémies58. Mais la quarantaine, liée au chiffre mythique des quarante
jours, s'est désormais modernisée en tenant compte du temps réel d'incubation des maladies, en
fonction de l'apparition du germe dans l'organisme. Sa détection au laboratoire permet de
diagnostiquer de façon plus rapide la nature de la maladie et d'établir scientifiquement la fin de la
période de contagiosité et d'isolement.
La deuxième stratégie consiste à rechercher au cours de la transmission de la maladie, le maillon
faible dans le cycle microbien, celui qui peut le plus facilement être rompu. Il est illustré par
l'exemple célèbre du médecin britannique John Snow mettant fin en 1849 à l'épidémie de choléra
en enlevant la poignée de la pompe dont l'eau était souillée par les déjections des cholériques,
pour empêcher les habitants du quartier de s'approvisionner à une source contaminée.59 Snow

58 Sylvia Chiffoleau, Entre initiation au jeu international, pouvoir colonial et mémoire


nationale, le Conseil quaranténaire d’Alexandrie (1803-1938), Figures de la Santé en Egypte,
Egypte Monde Arabe, M Fintz, AM Moulin et S Radi dirs., 2008.

59J Snow, On the pathology and mode of communication of the cholera, London Medical
Gazette, 1849, 44, pp. 730-732, 745-752, 923-929.

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avait d'ailleurs raisonné épidémiologiqement juste bien avant la description du vibrion cholérique
par Koch à Calcutta en 1882, mais l'observation précise d'un germe présent dans l'eau ou des
prélèvements humains va pourvoir le médecin d'un outil performant pour caractériser exactement
une épidémie et adopter les mesures qui s'imposent en conséquence.
Au 20e siècle, la découverte de différentes "chimiothérapies', les sulfamides dans les années 1930
et les antibiotiques après la deuxième guerre, vont nourrir l'espoir de l'éradication des microbes
responsables de différentes pathologies60. En fait, l'espoir d'une éradication méthodique et
systématique des différentes infections, plus ou moins sur le modèle de ce qui avait été réalisé
avec la variole, proclamée éradiquée en 1979, s'est rapidement heurté à l'évolution des germes.
Ceux-ci ont su s'adapter aux stratégies humaines de lutte et même de prévention. Les microbes de
l'environnement ne sont pas restés inertes devant les modifications de leur propre milieu. Ils
disposent de ressources variées d'origine en particulier génétiques, dont nous commençons
seulement à percevoir l'étendue et la complexité.61
Ce qui nous amène à un deuxième volet. Jusque là nous avions surtout envisagé le milieu humain
comme une "nature" variée mais plus ou moins immuable. Il nous faut maintenant considérer les
bouleversements considérables de cette nature par les activités de l'homme. Là encore l'Egypte
peut servir d'exemple. La construction des grands barrages et de multiples canaux, commencée
dès le 19e siècle mais portée à des dimensions sans précédents pendant le régime nassérien avec
le gigantesque barrage d'Assouan, a bouleversé l'écologie du pays et la société tout entière, à un
point que nous évaluons encore imparfaitement.

2 L'Homme "contre" la Nature

Le milieu climatique était resté jusqu'alors relativement préservé. L'homme s'efforçait avant tout
de s'adapter aux conditions locales, adaptation rendue possible par la plasticité de l'organisme. Au
20e siècle, les termes du rapport de l'homme à l'environnement tendent à se modifier à nouveau.
Notre pouvoir d'autonomisation et d'intervention s'amplifie jusqu'à risquer de porter atteinte à
l'équilibre cosmique. En revanche, les progrès de la science font espérer identifier en même
temps le mal et le remède.
Certaines maladies peuvent ainsi paraître anciennes et modernes selon l'éclairage qu'on leur
apporte. L'émergence est souvent une question de point de vue.

60A M Moulin, L'éradication des maladies, un remède à la globalisation ? La Globalisation,


Odile Jacob, Paris 2004, pp. 207-228.

61 A M Moulin, L'actualité des maladies infectieuses dans les pays industrialisés : évolution ou
histoire ?, Revue d'Epidémiologie et de Sante Publique, 1996, 44, pp. 519-529.

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2.1 La bilharziose, maladie industrielle ou maladie de l'environnement tropical ?

La bilharziose est un bon exemple d'affection à la fois ancienne et moderne. Dans les entrailles
des momies des Pharaons, présentes sur la paroi intestinale, il est loisible à l'aide du microscope,
d'observer, parfaitement reconnaissables grâce à leur éperon caractéristique, les oeufs d'un ver qui
ne fut identifié qu'en 1887 par le médecin autrichien August Bilharz, au Caire, qui donna son
nom à l'affection.
Le cycle du parasite fut identifié plus tard. Il comportait un passage obligé par les cours d'eau
douce où des coquillages, les bulins, hébergent une forme intermédiaire du ver. Si l'affection était
ancienne et constituait peut-être une des plaies d'Egypte, elle a littéralement explosé au 19e siècle
lors de l'extension des canaux d'irrigation par Mohammed Ali, liés à sa politique
d'industrialisation et de développement des voies de communication. La construction du canal
Mahmoudiyye, entre le Nil et la mer, a connu chez les ouvriers un taux de mortalité avoisinant
30% (attesté par la correspondance administrative62). La multiplication des canaux secondaires a
créé des gites additionnels pour les mollusques vecteurs qui ont transformé l'endémie
bilharzienne en un fléau national.
Mais s'agit-il d'une maladie tropicale, liée à un climat chaud et à la dépendance d'un biotope
particulier, ou plutôt, comme le suggère l'historien canadien Gerard Farley, d'une maladie
"industrielle", liée à la modernisation de l'économie et aux exigences de la culture de rente
représentée par le coton ?63 Remarquons au passage que la "leçon de l'histoire" du lien entre
développement de l'irrigation et l'extension des deux bilharzioses, intestinale et urinaire, est
régulièrement redécouverte au moment de la construction de grands barrages comme Toll au
Sénégal et depuis cette date à bien d'autres occasions.64 Il est même recommandé maintenant
d'adjoindre à tout projet de développement ayant un impact sur le milieu, un volet de recherche
sur les modifications pathogènes à anticiper. Mais en dépit de ces injonctions renouvelées,
chaque grand projet s'accompagne d'une redécouverte apparemment naïve de l'impact des
modifications des écosystèmes sur les pathologies locales. Les barrages du centre de la Tunisie,
autre exemple, ont été probablement responsables d'une aggravation des leishmanioses dans la
région, en raison des pullulations de rongeurs dépendants des ressources hydriques.
Autre exemple d'un milieu profondément remanié par l'intervention humaine, le paradoxe des
infections nosocomiales.

62 Allan Mikhail, communication “Counting men, measuring canals, drawing maps : the
science of irrigation in Ottoman Egypt, séminaire du CEDEJ, 29 mai 2007, Le Caire.

63G Farley, Bilharzia. A History of Imperial Tropical Medcine, Cambridge University Press,
Cambridge 1991.

64 AM Moulin, Les stratégies de lutte contre les bilharzioses en l’an 2000, La lutte contre les
schistosomoses, Editions IRD, Paris 2000, pp. 9-17.

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2.2 Les infections nosocomiales

Les hôpitaux avaient joui pendant longtemps d'une très mauvaise réputation en raison de la
fréquence des infections, qu'on subsumait sous le nom de "pourriture d'hôpital". Au 19e siècle, le
voisinage d'un hôpital dans un quartier était jugé délétère et occasionnait une dévaluation des
logements. Avant l'avènement de l'asepsie, les chirurgiens préféraient opérer au domicile, pour
éviter les suppurations. Au moment de la guerre de Crimée en Turquie, les rapports de la célèbre
Florence Nightingale sur les hôpitaux militaires en 1857 faisaient état d'une terrible mortalité due
à la propagation foudroyante des infections d'un lit à l'autre dans les services surpeuplés.65
On pouvait espérer que ces catastrophes iatrogènes appartenaient au passé, après l'avènement de
l'asepsie et des antibiotiques. La vogue du terme infections nosocomiales a correspondu à la prise
de conscience d'un phénomène allant s'amplifiant. Les infections hospitalières se sont multipliées,
liées à l'augmentation des germes résistants au traitement, sélectionnés par les antibiotiques trop
communément employés et répandus dans le milieu. En Europe, il s'agit souvent de germes
telluriques, autrefois peu représentés dans la pathologie et récemment adaptés à l'homme comme
les klebsielles. En Afrique subsaharienne, il s'agit plus souvent de germes fécaux, Coli et
salmonelles dus à la contamination de l'eau utilisée dans les hôpitaux. En Europe, le spectre des
infections hospitalières est volontiers rapporté à l'audace des interventions sur le corps humain,
des cathétérismes et autres techniques invasives.66 Mais un examen attentif des statistiques
relève un taux élevé d'infections associé à des manoeuvres de cathétérisme urinaire, une
technique de sondage connue depuis des siècles... Et cette considération nous renvoie à une
évaluation des gestes quotidiens des professionnels et à la nécessité de les préparer à leurs
responsabilités, compte tenu de la transformation du milieu dans lequel ils évoluent, en
particulier de la multirésistance de certains germes (tuberculose par exemple).

2.3 La menace nouvelle de l'environnement

Au-delà des fausses protections des murs hospitaliers, l'environnement tout entier est maintenant
perçu comme une menace, du fait de l'imprudence de l'activité humaine. Le changement
climatique a quitté le domaine des experts pour hanter l'horizon des simples citoyens. Le
réchauffement dû entre autres à l'effet de serre pourrait modifier la répartition des zones
d'affections parasitaires liées à des seuils de température et d'hygrométrie.
Le milieu urbain, profondément anthropisé dans les mégapoles mais aussi les villes moyennes,
souffre d'une pollution atmosphérique dont les causes associent de façon variable fumées des
voitures, poussières de certains sols, rejets des industries chimiques et du bâtiment. Le Caire

65Gillian Gill, Nightingales,The extraordinary, upbringing and curious life of Miss Florence
Nightingale, Random House, New York 2004.

66 AM Moulin, La sécurité des soins. Prévenir le risque infectieux, Accueillir et soigner à


l’AP-HP. Cent cinquante ans d’hstoire, F Salaün dir., Editions de l’AP, Paris 1999, pp. 190-
193.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

associe une pollution historique, en rapport avec les vents du désert, le célèbre khamsin, dénoncé
de façon récurrente par les voyageurs, à des causes locales, le brûlis de la paille de riz sur les
champs par les cultivateurs à proximité des villes, à la circulation automobile asphyxiante et aux
cimenteries indispensables à l'industrie galopante du bâtiment. La règlementation européenne
prévoit de limiter l'émission dans l'air des particules avec des taux fonction des dimensions de ces
particules (inférieures ou non à 10 millimus), qui pénètrent profondément les conduits
respiratoires et déclenchent des phénomènes inflammatoires chroniques associés non seulement
aux infections pulmonaires mais à l'athérosclérose (cardiopathies et accidents vasculaires
cérébraux). La montée de l'allergie liée à la pollution est-elle caractéristique ou ne désigne-t-elle
pas métaphoriquement notre angoisse à l'égard des modifications du milieu dont l'impact nous
dépasse ?67
Néanmoins, l'Union européenne tente de faire la différence entre une pollution "naturelle" (jugée
inévitable ?) et une pollution "artificielle".68 Cette distinction est-elle pertinente ou ne reflète-t-
elle pas plutôt les lacunes de nos connaissances sur la physiopathologie de toutes ces affections ?
Aujourd'hui le spectre de la pollution et la crainte du prochain ont conjointement favorisé le repli
des plus riches dans ce qu'on appelle du terme américain des "gated communities", coupées du
reste de la ville, et avec des allers et venues socialement contrôlés. Ce mouvement a pris
naissance aux Etats-unis et en Amérique latine, où le quartier de Barra de Tijuca à Rio de Janeiro
fait figure de modèle. Il repose sur l'idée d'une "sécurité" à double sens, naturel et social. Mais ce
modèle se développe aussi en Egypte, dans des banlieues chics dont les habitants imaginent
retrouver luxe, calme et... pureté de l'air.
La généralisation de la menace d'une nature à la fois silencieuse69 et stridente, un des visages de
ce qu'on appelle aujourd'hui la globalisation, a amené à imaginer une parade, le principe de
précaution. Son application signifie un exercice de projection sur le long terme des effets
délétères de la déforestation et de la désertisation, du réchauffement des mers et de la fonte des
glaciers, et la mise en place de dispositifs qui s'opposent à ces effets. L'accent est mis sur les
biens globaux, air et eau, patrimoine commun en droit inaliénable mais qui a été mésusé. A partir
de ces considérations, s'opposent différentes écoles, rappelant aux différents états leurs
responsabilités sanitaires, invoquant des arbitrages internationaux pour distribuer les tâches, ou
au contraire célébrant les mécanismes de marché pour diminuer les risques et cerner les causes de
vulnérabilité de façon plus efficace.

67 Michael Jackson, Allergy, the History of a modern malady, Reaktion Books, London 2006.

68 Isabella Annesi-Maesano and coll., Particulate matter and EU policy, European


Respiration Journal, 2007, 29, pp 1-4.

69 Rachel Carson, Silent Spring, Houghton, Boston 1962.

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3 Conclusion. Interdisciplinarité requise

Le souci de l'ordre du monde invite à l'interdisciplinarité agissante dans le domaine de la


recherche, en commençant, suivant une jolie formule, à relier le temps qui passe au temps qu'il
fait. La diffusion rapide des nouvelles des incessantes catastrophes naturelles et autres tsunamis a
ravivé la sensibilité et créé la peur, avec la reconnaissance de mécanismes inquiétants
bouleversant à terme l'existence des êtres vivants. D'où le souci de parer à ces dangers en
rétablissant des liens conviviaux entre la nature et l'homme. Pourquoi ne pas signer un nouveau
"contrat social" avec la Nature, pour parler comme Michel Serres.70
En terre d'Islam, le souci de l'environnement s'exprime sous forme d'une injonction faite aux
scientifiques et aux citoyens de contribuer au respect de la beauté et de l'harmonie de la Création.
Dans différents pays de la région, les conventions sur le respect de l'environnement, signées par
les gouvernements, témoignent de préoccupations convergentes.71 Mais la mise en oeuvre de
programmes de prévention et de diminution de la pollution d'origines diverses se heurte à la fois à
l'insuffisance des connaissances et au manque de moyens, pour comprendre et pallier les effets
nocifs des pratiques industrielles et sociales, urbaines et rurales.

70 Michel Serres, Le contrat naturel, François Bourin, Paris 1990.

71 Josette Beer-Gabel, Recueil des traités relatifs à la Méditerranée, Institut du droit économique de la mer,
Pedona, Monaco, 1997

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LES NANOPARTICULES : RISQUES ET ENJEUX EN SANTE ET EN


SECURITE DU TRAVAIL

Claude OSTIGUY1, Brigitte Soucy1, Catherine Woods2, Gilles Lapointe3, Luc Ménard3, Yves
Cloutier1, Charles-Anica Endo4
1 : Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST), Montréal, Québec, Canada
2 : Université de Montréal, département de santé environnementale et de santé au travail, Montréal, Québec, Canada
3 : Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), Montréal, Québec, Canada
4 : NanoQuébec, Montréal, Québec, Canada

Résumé

Par définition, les nanoparticules ont au moins une de leurs trois dimensions de moins de 100
nanomètres (<0,1 µm). Ce sont essentiellement de nouvelles particules dont la fabrication mise
sur leurs propriétés uniques qui permettent d’envisager de nouvelles perspectives industrielles et
commerciales. Plusieurs produits commercialement disponibles intègrent des nanoparticules. Or,
des travailleurs doivent produire, manipuler et transformer ces particules. Les premières études
démontrent de nombreux effets toxiques pour ces nouveaux matériaux qui, à l’état solide, peuvent
franchir tous les mécanismes de défense du corps humain et se retrouver dans les différents
organes, pénétrer le cerveau ou encore, se rendre au noyau cellulaire. La toxicité serait reliée à
la surface de ces particules et non à la masse, rendant ainsi caduques plusieurs de nos façons de
faire en hygiène industrielle. Nos stratégies usuelles d’évaluation de l’exposition professionnelle
sont à repenser. Nous sommes en présence d’une problématique émergente pour laquelle il faut
considérer, dès à présent, les risques et les enjeux en santé et en sécurité du travail. Une rare
opportunité nous est offerte de pouvoir intervenir afin de favoriser la mise en place de mesures
de prévention efficaces dès le début d’un potentiel d’exposition professionnelle à des produits
dont il a déjà été démontré qu’ils sont plus toxiques que la même substance synthétisée à plus
forte taille.

1 Introduction

De nouveaux matériaux aux propriétés uniques


Une nouvelle révolution industrielle s’amorce autour des nanotechnologies. L’engouement,
maintenant planétaire, se traduit par des investissements annuels de plusieurs milliards de dollars
en recherche et développement afin de développer de nouveaux produits et de nouvelles
applications industrielles reliées aux nanotechnologies. De ces sommes, quelques dizaines de
millions seulement sont investis afin de déterminer les risques potentiels à la santé des

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travailleurs et les moyens de contrôler ces risques. Dans un contexte où les technologies actuelles
permettent de manipuler la matière et de synthétiser des produits à l’échelle atomique, les
nanoparticules démontrent des propriétés totalement différentes des produits de même
composition mais de plus forte taille. L’ère des nanomatériaux et des nanotechnologies nous
promet des développements et des percées scientifiques majeures qui affecteront de façon
permanente le quotidien de chacun dans un avenir rapproché. Plusieurs de ces produits sont déjà
utilisés et de nombreux organismes estiment un marché mondial annuel de l’ordre de 1 000
milliards de dollars américains dès 2015. Bienvenue dans le nanomonde où tout se passe à
l’échelle du nanomètre (nm), soit le milliardième de mètre (10-9 m).
Les nanotechnologies couvrent un large domaine multidisciplinaire où les activités de recherche
et d’implantation industrielle se sont développées extrêmement rapidement au niveau mondial au
cours de la dernière décennie. Des physiciens, chimistes, biologistes, ingénieurs, électroniciens et
divers spécialistes des matériaux, de procédés et d’applications travaillent conjointement sur des
objets de dimensions nanométriques. Les nanoparticules peuvent être produites par toute une
série de procédés chimiques, physiques ou biologiques parmi lesquels certains sont totalement
nouveaux et innovateurs alors que d’autres existent depuis fort longtemps.
En effet, de nouvelles technologies permettent de construire des matériaux atome par atome, ce
qui leur confère souvent des propriétés fort différentes des matériaux usuels. Les nanoparticules
et les nanotechnologies ne représentent pas uniquement une autre étape vers la miniaturisation. À
cette échelle, le comportement des particules est dominé par les effets quantiques. Celles-ci
peuvent être confinées dans une petite structure, présenter de grandes fractions surfaciques aux
interfaces et démontrer toute une série de phénomènes et de propriétés uniques, non rencontrées
chez les matériaux de plus grande taille.

Une synthèse des connaissances existantes s’impose


L’objectif principal de notre première étude consistait à produire une synthèse des connaissances
scientifiques actuelles sur les nanoparticules en portant une attention particulière aux risques à la
santé et aux moyens de prévention de l’exposition des travailleurs aux nanoparticules produites
selon de nouvelles approches. Cette revue inclut les nouvelles nanoparticules (nanotubes de
carbone, fullerènes, puits et points quantiques, nanopigments de dioxyde de titane, certains
métaux de dimensions nanométriques, etc.) mais exclut les produits de dimensions
nanométriques issus de la combustion lors de différents procédés industriels (émissions de
moteurs diesel, fumées de soudage, fumées de divers procédés industriels) de même que les
produits de dimensions nanométriques déjà fabriqués à grande échelle telles les fumées de silice
et le noir de carbone.

2 Méthodologie

En parcourant de façon sommaire les informations disponibles sur les nanoparticules lors de
l’élaboration du protocole visant la production d’un bilan de connaissances (1,2), les auteurs ont
réalisé que les études parues dans la littérature scientifique permettant d’estimer les risques et de
mesurer l’exposition des travailleurs aux nanoparticules sont très limitées. Par conséquent, il a été
décidé de procéder à l’élaboration de ce bilan à partir: d’une analyse de la littérature scientifique

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

dans les revues avec comités de pairs via les approches couramment utilisées pour ce type de
recherche. La recherche documentaire a été réalisée par l’informathèque de l’IRSST et le centre
de documentation de la CSST. Parmi les principales bases de données et moteurs de recherche
consultés, il convient de mentionner MedLine, Toxline, PubMed, Inspec, Coppernic, Embase,
Ntis, Ei, Compendex, SciSearch, Pascal, Alerts, Teoma et Scirus. Cette information est
particulièrement utile afin de documenter la toxicité des nanoparticules; d’une recherche par
Internet afin, principalement, de documenter les types de procédés permettant la fabrication de
ces produits de même que la description de ces produits, de leurs propriétés et de leurs usages
potentiels; de l’utilisation de rapports synthèse de comités reconnus d’experts internatio-naux en
nanoparticules et en nanotechnologie; des informations recueillies auprès d’intervenants
québécois clés directement impliqués dans le domaine des nanotechnologies; de discussions au
sein du comité éditorial du rapport.

3 Résultats

Le développement de nouveaux produits


La recherche internationale visant la production, la mise en marché et l’utilisation de nouveaux
nanomatériaux est excessivement importante et représente des objectifs stratégiques de
développement économique durable, notamment en Asie, en Europe, aux États-Unis, au Canada
et au Québec. Les nanoparticules démontrent des propriétés qui diffèrent des matériaux en vrac
desquels ils proviennent. En général, l’intégration de nanoparticules visera la modification de
propriétés électriques, optiques, mécaniques, magnétiques ou chimiques. Les utilisations
potentielles des nanoparticules sont à prévoir dans des secteurs d’activités très diversifiés allant
du domaine biomédical à l’électronique, en passant par la métallurgie, l’agriculture, le textile, les
revêtements, les cosmétiques, l’énergie, les catalyseurs, etc. Des matériaux anticorrosion, des
vitres autonettoyantes, des médicaments délivrés directement au site atteint ou des peintures anti-
graffitis ne représentent que quelques exemples des applications possibles.

Les principales nanoparticules


Les fullerènes, troisième allotropie du carbone après le graphite et le diamant, sont des cages
sphériques contenant de 28 à plus de 100 atomes de carbone (Figure 1). La forme la plus étudiée,
synthétisée pour la première fois en 1985, contient 60 atomes de carbone, le C60. C’est un ballon
creux constitué de pentagones et d’hexagones de carbone interreliés, à l’image d’un ballon de
soccer. Les fullerènes constituent une classe de matériaux démontrant des propriétés physiques
uniques. Ils peuvent être soumis à des pressions extrêmes et retrouver leur forme originale
lorsque la pression est relâchée.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Figure 1 : Représentation schématique d’un fullerène

Ces molécules n’interagissent pas entre elles, leur donnant ainsi un potentiel important
d’application comme lubrifiant. Lors de la fabrication de fullerènes, certains atomes de carbone
peuvent être remplacés par des atomes d’azote et former des molécules qui peuvent se lier,
produisant ainsi un matériau dur mais élastique. Les fullerènes, modifiés ou non (Figure 2), ont
également démontré un potentiel important comme catalyseurs. Ils possèdent des propriétés
électriques intéressantes et il a été suggéré de les utiliser dans le domaine électronique allant de
l’entreposage des données à la production de cellules solaires. En les incorporant à des nanotubes
de carbone, le comportement électrique des fullerènes est modifié, créant des régions dont les
propriétés semi-conductrices varient, offrant ainsi des applications potentielles en
nanoélectronique. Leurs propriétés optiques varient avec les longueurs d’onde trouvant ainsi des
applications en télécommunications. Les fullerènes étant des structures vides aux dimensions
semblables à plusieurs molécules biologiquement actives, ils peuvent être remplis de différentes
substances et trouver des applications médicales. Ces modifications auront des impacts majeurs
non seulement au niveau des propriétés mécaniques, électriques et optiques des fullerènes, mais
également au niveau des interactions possibles avec des composantes biologiques d’organismes
vivants.

Figure 2 : Représentation schématique d’un fullerène modifié

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Découverts depuis à peine plus d’une décennie, les nanotubes de carbone (Figure 3) représentent
un quatrième allotrope du carbone. Enroulés dans un réseau hexagonal d’atomes de carbone, ces
cylindres creux peuvent avoir des diamètres aussi petits que 0,7 nm et atteindre plusieurs
millimètres de longueur.
Chaque bout peut être ouvert ou fermé par une demi-molécule de fullerène. Ces nanotubes
peuvent avoir une seule couche ou plusieurs couches de cylindres coaxiaux de diamètres
croissants dans un axe commun. Les nanotubes de carbone multicouches peuvent atteindre des
diamètres de 20 nm.
Les petites dimensions couplées aux propriétés physiques, mécaniques et électriques
remarquables des nanotubes de carbone en font un matériau unique. Ils démontrent des propriétés
métalliques ou semi-conductrices, selon la façon dont le feuillet de carbone est enroulé sur lui-
même. La densité de courant que peut transporter un nanotube est extrêmement élevée et peut
atteindre le milliard d’ampères par mètre carré, ce qui en fait un supraconducteur. Légers et
flexibles, la résistance mécanique des nanotubes de carbone est plus de soixante fois supérieure
aux meilleurs aciers, même si leur poids est plus de six fois inférieure. Les nanotubes de carbone
démontrent également une très grande surface spécifique, sont d’excellents conducteurs
thermiques, démontrent des propriétés électroniques uniques et offrent une grande capacité
d’absorption moléculaire. De plus, ils sont chimiquement et thermiquement très stables.

Figure 3 : Représentation de nanotubes de carbone monocouches, multicouche ou contenant d’autres éléments

Important domaine de recherche depuis cinq ans environ, les puits quantiques et les points
quantiques, représentent une forme spéciale de nanocristaux de 1 à 10 nm de diamètre. Ils ont été
élaborés sous forme de semi-conducteurs, d’isolants, de métaux, de matériaux magnétiques ou
d’oxydes métalliques. Le nombre d’atomes des points quantiques peut varier de 1 000 à 100 000.
La structure résultante n’est ni un solide étendu, ni une entité moléculaire. Les principales
recherches ont porté sur les points quantiques semi-conducteurs qui démontrent des effets
quantiques distinctifs selon les dimensions. La lumière émise peut être ajustée à la longueur
d’onde désirée en modifiant la dimension de l’ensemble.
Plusieurs autres nanoparticules sont souvent synthétisées par pyrolyse à la flamme ou par
polymérisation. C’est ce que l’on appelle l’approche ascendante où les structures sont élaborées

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

par l’ajout graduel d’atomes ou de molécules. Ces nanoparticules peuvent inclure des métaux, des
oxydes métalliques, des semi-conducteurs, des céramiques et du matériel organique. Ils peuvent
également inclure des composites avec, par exemple, un noyau métallique et un recouvrement
d’oxyde ou d’alliage. Il est également possible de produire des nanoparticules par l’approche
descendante, par exemple, en broyant une structure macrométrique jusqu’à ce qu’elle atteigne
une dimension nanométrique.

Des milliers de travailleurs déjà potentiellement exposés dans de nombreux pays


Uniquement au Québec, on compte environ 200 professeurs-chercheurs actifs dans ce domaine et
plus de 1000 étudiants répartis dans presque toutes les universités et certains cégeps ainsi que
dans plusieurs centres de recherche. La majorité de ces personnes sont potentiellement exposées à
des nanoparticules. Environ une cinquantaine d’entreprises québécoises oeuvrent actuellement
dans la production des nanomatériaux ou sont en phase de démarrage, ce qui est quatre fois plus
qu’il y a trois ans à peine. De plus, il faut tenir compte que certaines entreprises achètent des
nanoparticules afin de les intégrer à des produits à valeur ajoutée dans différents domaines, dont
le textile, où des travailleurs-utilisateurs sont déjà exposés, souvent même sans disposer d’aucune
information relative aux risques potentiels des produits utilisés.

Les principaux effets à la santé


Quoique la R-D visant le développement de nouveaux produits, l’implantation industrielle et la
mise en marché soit en ébullition depuis plus d’une décennie, les efforts de recherche visant la
compréhension des effets sur la santé suite à des expositions professionnelles ou des risques que
posent les nanoparticules à la sécurité du travail sont beaucoup moins avancés. Néanmoins,
plusieurs études sur animaux de laboratoire démontrent clairement une plus grande toxicité des
particules nanométriques comparativement aux particules plus volumineuses, de dimensions
micrométriques et ce, pour un même produit. Ces données soutiennent ainsi certaines
recommandations de traiter les nanoparticules d’un certain matériau comme un nouveau produit
ayant sa propre toxicité.
La principale voie d’absorption en milieu de travail demeure la voie respiratoire, comme pour les
autres poussières. Les études toxicologiques démontrent clairement que la très petite taille des
nanoparticules est un élément-clé au niveau de sa toxicité, surtout au niveau des particules non ou
peu solubles. Premièrement, le site de déposition pulmonaire variera beaucoup en fonction de la
granulométrie de la particule. Ainsi, la Figure 4, reproduite avec l’autorisation de l’INRS en
France, illustre qu’aucune particule de 1 nm n’atteindra les alvéoles pulmonaires, le tout se
déposant au niveau des sites supérieurs des poumons. Des particules de 5 nm se déposeront de
façon relativement uniforme au niveau du nez et du pharynx, de la trachée et des bronches et
finalement au niveau des alvéoles. Des nanoparticules de 20 nm se déposeront à plus de 50 % au
niveau alvéolaire.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Figure 4 : Prédiction du dépôt total et régional des particules dans les voies respiratoires en fonction de la taille des
particules (3)

Deuxièmement, les études toxicologiques ont démontré que la toxicité est mieux corrélée à la
surface de la particule qu’à sa masse. Troisièmement, les propriétés de la surface, sa capacité à
induire des radicaux libres ou à libérer certains ions peuvent également influer substantiellement
sur sa toxicité. Plusieurs effets pulmonaires ont été documentés dont la capacité de certaines
nanoparticules à induire des granulomes pulmonaires et à générer des radicaux libres. Les
données actuellement disponibles semblent indiquer que l’absorption cutanée serait relativement
limitée.
La translocation, c’est-à-dire la capacité à se déplacer vers d’autres sites dans l’organisme, est
une autre caractéristique importante des nanoparticules insolubles. En effet, il a été démontré que
ces particules réussissent à franchir l’épithélium pulmonaire et à se rendre aux sites interstitiels
puis au système sanguin et au système lymphatique qui peuvent ainsi les distribuer partout dans
l’organisme. Ces particules peuvent également se rendre directement au cerveau, entre autre, via
le nerf olfactif pour la fraction arrêtée au niveau nasal. Les nanoparticules peuvent également
franchir les barrières intestinales, cellulaires et placentaires. D’ailleurs, dans le domaine
pharmaceutique, on fonde beaucoup d’espoirs thérapeutiques sur le fait que certaines
nanoparticules peuvent franchir la barrière hémato-encéphalique et pénétrer directement dans le
cerveau.
Il a été démontré que certaines nanoparticules modifient les paramètres sanguins et s’accumulent
dans certains organes dont le foie et la rate alors que des études épidémiologiques ont démontré
une corrélation significative entre le taux de décès par maladies cardio-respiratoires et la teneur
en particules de dimensions nanométriques lors d’épisodes sévères de pollution atmosphérique.

L’évaluation quantitative du risque à la santé des travailleurs


Le manque important de connaissances scientifiques nous met en présence d’une grande
incertitude relativement aux risques posés par les nanoparticules. Actuellement, quoique de
nombreux effets toxiques aient été démontrés chez l’animal, une évaluation quantitative du risque
sur l’un ou l’autre des nouveaux nanomatériaux est très difficile à réaliser. Néanmoins, les
recherches en toxicologie s’organisent et plusieurs résultats sont déjà publiés. Deux rapports

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

IRSST (1,2) regroupent le détail de l’ensemble des connaissances toxicologiques répertoriées


spécifiques aux nanoparticules. Ces deux rapports sont d’ailleurs actuellement en révision afin
d’intégrer les plus récentes données disponibles. Ils seront disponibles, notamment par le web
(www.irsst.qc.ca) avant la fin de l’année 2007.

La synthèse des nanoparticules


Les nouvelles nanoparticules sont principalement synthétisées selon quatre grandes approches :
en phase gazeuse, par déposition de vapeurs, par chimie des solutions et par broyage. Plusieurs
procédés de production de nanoparticules sont relativement semblables aux procédés de
production chimiques existants.

Les limites des connaissances actuelles


En regard de l’estimation des risques à la santé et à la sécurité du travail associés aux
nanoparticules, les informations actuellement disponibles permettent de conclure que : les quatre
principaux procédés de production peuvent conduire à une exposition professionnelle par voies
pulmonaire, cutanée ou par ingestion; les procédés en phase vapeur offrent le plus grand potentiel
d’exposition pendant l’étape de la synthèse des nanoparticules. Par contre, tous les procédés
peuvent conduire à l’exposition du travailleur par les trois voies d’absorption pendant les étapes
de récupération, d’ensachage et de manipulation des poudres qui sont souvent sous forme de
nanoparticules agglomérées les unes aux autres; pour éviter l’agrégation des particules, plusieurs
procédés auront une étape post-synthèse visant à modifier la surface de la particule, souvent en la
recouvrant d’une autre substance organique ou inorganique; ceci aura un impact direct sur la
toxicité de la nanoparticule.
Pour bien comprendre les effets de l’exposition aux nanoparticules chez l’homme, beaucoup de
recherches sont encore requises et devront permettre d’élucider certaines lacunes majeures :
les connaissances actuelles sur la toxicité et les voies d’absorption de ces produits sont très
limitées ;
les outils permettant d’évaluer l’exposition professionnelle doivent être adaptés en raison d’une
plus faible quantité massique et d’une toxicité plus grande (i.e. diminuer de beaucoup les limites
de détection);
les expositions réelles doivent être mesurées;
- l’efficacité des moyens de contrôle et de protection personnelle doit être évaluée.
Les outils actuels d’évaluation de l’exposition des travailleurs normalement utilisés en hygiène
industrielle sont mal adaptés à l’application aux nanoparticules en milieu de travail. Il n’est
actuellement pas possible d’estimer l’exposition des chercheurs, étudiants et travailleurs à partir
de données de la littérature. Les quelques données disponibles suggèrent que les expositions
peuvent être substantielles lors de la manipulation des poudres. De plus, les connaissances
scientifiques actuelles sur la toxicité des nanoparticules sont insuffisantes pour pouvoir faire une
évaluation quantitative du risque, sauf, peut-être, pour le dioxyde de titane.
À cause de leur grande surface spécifique, plusieurs nanoparticules offrent un important potentiel
de réactivité pouvant conduire à des incendies ou des explosions et des mesures spécifiques de
prévention doivent être mises en place afin d’éviter de tels événements.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

D’ailleurs, plusieurs organismes de recherche en santé et sécurité du travail et en environnement,


tels NIOSH et EPA aux États-Unis de même que le HSE en Angleterre ou l’INRS en France,
réalisent actuellement des recherches afin de développer de nouvelles connaissances permettant
éventuellement de faire des évaluations quantitatives de risque pour l’exposition des travailleurs.

La prévention : un aspect essentiel à mettre en place


Le contrôle de l’exposition professionnelle aux nanoparticules comporte plusieurs inconnues. En
effet, les approches existantes au contrôle par encoffrement ou la protection respiratoire lors de
l’inhalation devraient être efficaces, mais cette efficacité reste à démontrer. Le contrôle de
l’exposition par ventilation à la source ou ventilation générale pose un défi puisque les
nanoparticules ont plus tendance à se comporter comme un gaz qu’un solide. L’efficacité
pratique de tels systèmes doit être documentée avec soin. Au niveau de la protection personnelle
par voie cutanée, il n’existe presque pas de données. Des vêtements jetables de type Tyvek! sont
recommandés dans un contexte où il est probable que les méthodes basées sur les autres
équipements actuels de protection personnelle ne permettent pas une protection adéquate. Des
résultats préliminaires concluent que les équipements de protection respiratoire avec filtres à
haute efficacité devraient être performants.
Même en l’absence de l’ensemble des connaissances requises pour l’évaluation du risque ou de
l’efficacité des moyens de contrôle disponibles, plusieurs pays ont commencé à légiférer pour
protéger les travailleurs d’expositions potentielles afin de prévenir le développement de maladies
professionnelles. C’est ainsi que NIOSH (4) recommande une norme 15 fois plus sévère pour le
dioxyde de titane de moins de 0,1 µm (0,1 mg/m3) par rapport à une particule de même
composition qui est supérieure à cette valeur (1,5 mg/m3).
Jusqu’à ce que leurs effets sur l’environnement ou sur l’homme soient adéquatement
documentés, des mesures de prévention strictes devraient être prises à titre de précaution afin de
limiter l’émission de ces produits autant dans l’environnement de travail que dans
l’environnement extérieur.

4 Conclusion

Alors que beaucoup de recherches sont en cours pour le développement et la mise en marché des
nanoparticules, la recherche visant à évaluer les risques potentiels de ces produits pour les
travailleurs en nanotechnologie n’en est qu’à ses débuts. Les informations actuellement
disponibles suggèrent que certains de ces produits puissent être très toxiques et que les moyens
actuels de prévention puissent ne pas être aussi efficaces qu’on le souhaiterait. Au Québec
seulement, on estime qu’environ 2000 personnes oeuvrent dans le domaine des nanomatériaux,
principalement en milieu scolaire, faisant actuellement de ces gens la plus importante population
potentiellement exposée à ces matériaux. L’implantation industrielle s’accélère, le Québec
comptant environ quatre fois plus d’entreprises qu’il y a trois ans à peine. Il faut aussi noter que
des nanoparticules sont importées et que nous disposons de très peu d’informations sur les
utilisations qui en sont faites de même que sur les conditions de mise en œuvre et l’exposition des
travailleurs.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

5 Suivis recommandés

L’hygiène industrielle nous offre rarement l’opportunité de favoriser la mise en place de mesures
préventives dès le développement d’un nouveau procédé ou d’un nouveau produit. Le domaine
des nanoparticules nous offre cette opportunité que les réseaux de prévention doivent saisir.
L’implantation de mesures strictes de prévention doit être encouragée auprès de l’ensemble de
ces clientèles afin de prévenir le développement de maladies professionnelles.
Au niveau des différents pays, l’évaluation des expositions professionnelles devrait être
documentée et les résultats publiés lorsque des stratégies adaptées auront été développées. Des
ententes de partenariat avec des intervenants-clés devraient être conclues afin de faciliter le
transfert des connaissances auprès des clientèles nécessitant ces informations, telles les maisons
d’enseignement, les fabricants et les utilisateurs de nanoparticules. Un suivi régulier de
l’évolution de la connaissance scientifique reliée à la toxicologie et à l’hygiène industrielle
devrait être réalisé afin de pouvoir soutenir efficacement le monde du travail dans un objectif de
prévention du développement de maladies professionnelles reliées aux nanoparticules. Les pays
qui le peuvent devraient s’investir dans certains créneaux spécifiques de recherche et la
collaboration internationale de même que la diffusion élargie des résultats devraient être
préconisées afin d’optimiser les ressources disponibles et de prévenir le développement de
maladies professionnelles reliés à ces nanoparticules.

6 Références

1. Ostiguy C, Lapointe G, Ménard L, Cloutier Y, Trottier M, Boutin M, Antoun M, Normand C.


Les effets à la santé reliés aux nanoparticules. Rapport de recherche IRSST, R-451, mars
2006, 55 pages, Montréal, Québec, Canada.
2. Ostiguy C, Lapointe G, Ménard L, Cloutier Y, Trottier M, Boutin M, Antoun M, Normand C.
Les nanoparticules : connaissances actuelles sur les risques et les mesures de prévention en
santé et sécurité du travail. Rapport de recherche IRSST, R-455, mars 2006, 90 pages,
Montréal, Québec, Canada.
3. Witschger O, Fabries JF, 2005. Particules ultrafines et santé au travail: 1- caractéristiques et
effets potentiels sur la santé. Hygiène et sécurité du travail. Cahiers de notes documentaires,
INRS, 199 : 21-35.
4. NIOSH, NIOSH Current Intelligence Bulletin : Evaluation of Health Hazard and
Recommendations for Occupational Exposure to Titanium Dioxide, NIOSH, version
préliminaire, 158 pages, 22 novembre 2005.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

PREVENTION DES ACCIDENTS PROFESSIONNELS ET DES RISQUES


ENVIRONNEMENTAUX DE LA POLLUTION INDUSTRIELLE. DANS
L'INDUSTRIE INFORMELLE EN EGYPTE: ETAT DES LIEUX ET
PROPOSITIONS

Nawal ABADIR1, Françoise CLEMENT2


1 : Département de Biochimie, Université de Hélouân, Le Caire, Égypte.
2 : CEDEJ, CNRS-MAE (France), Le Caire.

La législation égyptienne ne couvre les accidents et maladies professionnelles que pour les
salariés affiliés à l'assurance maladie. L'assurance maladie est seule habilitée à réaliser les
examens, à prescrire un congé maladie légal et à déterminer le taux de handicap. La
reconnaissance d'une affection ou d'un accident professionnels est restreinte à 35 maladies qui
sont reconnues depuis plus de 30 ans, elle doit être demandée au plus une année après
l'interruption du contrat de travail, et elle est contrainte par des procédures bureaucratiques et
aléatoires.
En 2002, sur 22 millions d'actifs, l'assurance maladie prélevait des cotisations équivalant de 1% à
3% du salaire auprès des employeurs de 3,2 millions de salariés des secteurs public et privé sur 7
millions de salariés des 4000 grandes et moyennes entreprises et administrations du secteur
formel. Mais ce sont seulement 1,7 million employés des entreprises publiques et des
administrations qui ont vu leurs entreprises signaler des accidents ou maladies en 2002.
L'assurance enregistra la même année 57.000 cas accidents ou maladies, soit 1,8% des assurés,
dont seulement 5000 employés du secteur informel72, sur 10 millions d'employés dans 40.000
petites entreprises et 2,5 micro entreprises.
De 1990 à 1996, le nombre de cas reconnus de maladies professionnelles a stagné entre 400 et
700. Puis il a été relevé à 2000 en 1997 et oscille entre 3000 et 5000 depuis. Le nombre
d'accidents du travail reconnus, plus facilement établis, a diminué de 61.000 en 1993 à 33.000 en
2002, soit 2% des effectifs des entreprises concernées.
Cette baisse, qui traduit probablement la réduction de près de 50% des effectifs des entreprises
publiques, exprime aussi la volonté du gouvernement égyptien de ne pas élargir le diagnostic et la
reconnaissance des accidents et maladies professionnels. Le peu d'enthousiasme du
gouvernement égyptien à rendre effective la couverture des maladies professionnelles a plusieurs
raisons:
D'une part, la caisse des maladies professionnelles enregistre un excédent, qui compense en partie

72 ABO EL ATA Gehad A. (Dr.) & NAHMIAS Michèle (Ms.) Towards Decent Work in Noth
Africa No (4) Occupational Safety and Health in Egypt, A National Profile, ILO Sub Regional
Office for North Africa, Cairo, WHO Regional Office for Eastern Mediterranean, January
2005, Cairo, Egypt. ISBN 92-2-118525-7 & 978-2-118525-3. Ainsi que toutes les statistiques
nationales qui suivent sur la santé professionnelle.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

les déficits des autres caisses de l'assurance santé. Une caisse maladie excédentaire, cela signifie
que les affiliés ne sont pas soignés ou insuffisamment soignés.
D'autre part, les assurances sociales économisent des pensions qu'elles devraient verser aux
employés reconnus malades.
Enfin, le gouvernement pénaliserait les employeurs, qui devraient payer également des
compensations, dont la loi ne définit pas le montant ou les conditions d'obtention, et remplacer
les employés qualifiés reconnus handicapés.
De ce fait, la couverture des accidents et maladies professionnelles est restreinte à quelques
"privilégiés". Bien que la loi égyptienne reconnaisse les accidents de travail depuis 1936, et
quatre maladies professionnelles depuis 1944, le nombre de maladies reconnues n'a augmenté
que jusqu'à 29 maladies en 1983, puis 35 maladies en 2004. Ce nombre est très faible
comparativement à l'Irak (110 maladies reconnues), La Corée du Sud (118 maladies) et la
Tunisie, dont le nombre de maladies peut être étendu avec leur apparition.
Sur 395.000 employés travaillant dans des activités causant une des 35 maladies professionnelles
reconnues par la loi, et examinés en 2001, seulement 3550 (0,9%) ont été certifiés affectés et
dotés d'un taux de handicap. Parmi ces "privilégiés", prédominent deux affections dues à des
activités ou des entreprises précises: la "silicose"(56% des malades reconnus) liée à l'extraction
des roches et à l'industrie du verre et de la céramique, l'"asbestose"(5%), liée au fibrociment.
Sinon, la couverture de santé professionnelle ne reconnaît qu'une affection générale commune à
tous les secteurs, la "surdité", qui concerne 39% des malades reconnus.
Les 33.000 personnes reconnues accidentées travaillent essentiellement dans les entreprises
publiques de l'industrie (23.900), du bâtiment (2.265) et des transports (3.730).
Les employés du secteur privé ne bénéficient pas de la reconnaissance d'accidents et de maladies
professionnels, parce que la loi exige que la déclaration soit faite par l'employeur ou le syndicat.
Or les employés du privé ne peuvent se syndiquer sans risquer le licenciement, et le syndicat ne
reçoit pas les requêtes individuelles. Dans le secteur public, la reconnaissance de maladie ou
d'accident est soumise à l'approbation de la direction, ou réservée aux individus ayant des
relations privilégiées dans le syndicat.
Les demandes de reconnaissance de maladie professionnelle doivent être présentées par
l'employeur ou le syndicat officiel à son application aux affiliés ayant droit reste de ce fait très
marginale.
Le cas des employés retraités de l'entreprise privée de fibrociment Uramisr est exemplaire. Bien
que le gouvernement ait fait fermer leur usine en 2004 pour non respect des normes d'hygiène et
de sécurité, puis interdit l'importation d'amiante en Égypte en 2005, et que leurs collègues de la
société publique Segwart obtiennent des reconnaissances d'asbestose, les employés de la société
privée Uramisr n'ont pas pu subir l'examen médical légal nécessaire pour déterminer leur taux
éventuel d'incapacité. En effet, il n'existe pas de structure administrative pour recevoir leur
plainte, alors que la loi prévoit explicitement que les assurances sociales doivent transférer leur
demande à l'assurance santé. Avant leur départ en retraite, les structures publiques légales
(syndicat, assurance santé, hôpitaux) et l'employeur, s'étaient opposés à la reconnaissance
éventuelle de handicap des ouvriers qui réclamaient en justice à l'employeur des compensations
atteignant 100.000 LE (13.333 euros) et 1 million de LE (133.333 euros) par employé, soit

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l'équivalent de 20 ans de salaire73.


Pour les employés du secteur privé formel, entre l'absence totale de reconnaissance de maladie
professionnelle et la demande en justice d'indemnités sans critères et limites précis, ne pourrait-il
pas y avoir une réglementation? Le modèle du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
en France, qui précise les conditions de reconnaissance d'un handicap, fixe le montant de
l'indemnité correspondante, et collecte les fonds nécessaires, est-il applicable en Egypte?
Dans le secteur des micro et petites entreprises, dit "informel", qui emploient plusieurs millions
de personnes, la protection maladie est inexistante. Les employés travaillent dans des
environnements fortement pollués, avec des risques élevés d'accidents, sans régulation sanitaire,
ni couverture maladie, ni représentation syndicale; ils ignorent tout de la prévention, comme des
régulations nationales et internationales, sur la détection et le suivi des maladies professionnelles.
Parmi eux, plus d'un million de femmes et près d'un demi million d'enfants sont les plus
vulnérables face aux risques sanitaires; Ceux et celles qui travaillent dans l'agriculture, les mines
et la construction, les industries chimiques et agrochimiques sont les plus exposés aux accidents
et maladies professionnelles.
Les rares études sur l'impact de la pollution et des conditions de travail sur la santé dans le
secteur informel indiquent un taux élevé d'affection parmi les employés. A titre d'exemple,
l'examen de 41 ouvriers d'une PME de matériels d'impression et d'emballage plastiques, exerçant
à Gisr El Suez (Le Caire) dans un quartier densément peuplé a révélé que ces jeunes gens (âgés
de 22 à 24 ans) souffraient de différentes formes d'allergies: asthme, rhinites, rhino-
conjonctivites, urticaire, eczéma, dermatites de contact, etc. Les polluants manipulés se sont
avérés cancérigènes, toxiques pour le foie, les reins, les nerfs, et détruisent le système
immunitaire74.
Dans le secteur informel, s'ajoute aux difficultés mentionnées précédemment, celle de faire
appliquer des réglementations sanitaires et environnementales à des centaines de milliers
d'entreprises de petite taille, insérées au milieu des populations.
Comment l'administration, qui n'est pas en mesure s'appliquer la législation de la santé
professionnelle aux grandes entreprises publiques et privées, pourrait étendre cette législation aux
micro entreprises du secteur informel ?
Comment parvenir à un système de protection sanitaire applicable aux quinze millions

73 CLEMENT, Françoise, l'amiante en Egypte (recherche en cours). Informations recueillies


auprès de nombreuses sources dont les anciens employés de Uramisr.

74 KAMAL, Khaled, Biochemical studies on the probable effect of packaging and printing
materials on workers of these industries as occupational diseases, M. S. THESIS in
biochemistry, Helouan University, 2003. Cité par ABADIR Nawal Y. (Dr.), Rôle des ONG dans
la prévention des accidents de santé professionnelle et des risques environnementaux de la
pollution industrielle dans le secteur industriel informel en Egypte. Document préparé pour le
colloque Santé et environnement : risques et enjeux », Université Senghor, Alexandrie 17 et 18
février 2007.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

d'employés du secteur informel?


Plusieurs phénomènes font obstacle à l'application de la protection sanitaire en milieu
professionnel en général, et dans le secteur informel en particulier: l'insuffisance de la législation,
le manque d'institutions pour la faire appliquer, la contradiction entre rentabilité et sécurité, les
valeurs morales discriminant la protection.

Les valeurs morales discriminantes

Le fait de risquer sa vie ou sa santé est considéré par l'employé comme un acte de bravoure et un
signe de virilité, de dévouement à l'employeur, de conscience professionnelle, ou comme une des
caractéristiques naturelles du travail. Si le travailleur considère son salaire et ses indemnités de
retraite comme un dû, qu'il réclame sans hésiter à l'employeur ou aux assurances sociales, il
pense que sa santé n'appartient qu'à Dieu, et qu'il ne peut la gérer comme un capital qu'il doit
préserver, pour lui et sa famille, au même titre que ses biens matériels.

Les contraintes économiques

D'une part, la modification des conditions de travail ayant un impact sur la santé des employés se
traduit en gains (ou pertes) financiers cumulés pour l'employeur.
- Les substances moins toxiques sont beaucoup plus chères que celles utilisées
- Les mesures de protection de l'employé réduisent les cadences et donc la rentabilité de
l'employé
- Les aménagements et équipements destinés à protéger l'environnement et les employés
augmentent le coût de l'investissement et de son entretien. Dans les micros entreprises, l'espace
disponible n'est souvent pas compatible avec l'installation de tels équipements.
D'autre part, la reconnaissance du handicap professionnel occasionne un coût pour les assurances
publiques (santé et sociales) ou privées et le budget de l'état ainsi qu'un coût potentiel et non
limité pour l'employeur, en cas de demande de compensation par les employés devant un tribunal.
La caisse des accidents professionnels est excédentaire parce que les maladies et accidents ne
sont pas reconnus. S'ils le deviennent, comment et par qui le paiement des indemnités sera-t-il
financé?

Les carences de la législation

Seulement 35 maladies professionnelles peuvent être légalement reconnues. De plus, ce qui n'est
pas explicitement décrit dans le tableau ne peut être reconnu maladie professionnelle. Les
handicaps de la motricité (articulations, tendons, os, muscles) ne sont pas admis comme affection
professionnelle (bien qu'ils soient cause de non admission à l'armée). Seulement 3 maladies
contractées par des animaux sont prises en compte. Avec les nouvelles industries et sources de

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

pollution, des dizaines de maladies devraient être inclues dans le tableau.


Les taux d'incapacité sous-évaluent le handicap. Le taux de 100% est théoriquement accordé à
celui qui a perdu toute capacité à travailler.
Or une surdité totale n'est indemnisée qu'à 55%, un bras droit arraché à 50%, un bras gauche à
35%, un œil perdu à 35%, etc. Comment peut-on travailler avec ces handicaps?
L'asbestose n'est reconnue qu'au delà d'une perte de 20% de capacité respiratoire. Une perte de
capacité de 20% à 40% ne sera indemnisée que de 5% à 15% (si le handicap est reconnu).
La loi n'accorde qu'une année après avoir quitté l’entreprise pour reconnaître une maladie causée
par le travail. Or certaines maladies apparaissent au bout de dizaines d'années. La Tunisie accorde
jusqu'à 40 ans. La ministre du travail a accepté le principe d'un allongement du délai à 5 et 10 ans
selon les maladies. Dans combien de temps cette mesure entrera en vigueur? Est-elle suffisante?

Le manque d'institutions ou leur inefficacité

La loi 37 de 1981, prévoyait que le Haut comité législatif de santé et sécurité professionnelles se
réunirait tous les six mois. Entre 1981 et 2003, il s'est réunit trois fois.
La loi prévoit depuis 1976 d'indemniser un accident, une maladie, un handicap ou le décès
survenu après un effort excessif. Un ouvrier ayant subi un accident cardiaque, une détérioration
des os et des articulations suite à un effort excessif pouvait être indemnisé tout en continuant à
travailler et à toucher un salaire.
Il n'existe pas de protocole médical rigoureux de reconnaissance de maladie professionnelle. La
reconnaissance se fait "à la tête du client" et les procédures de contestation sont longues,
coûteuses et hasardeuses. Certaines contestations de non reconnaissance ou de taux de handicaps
insuffisants durent un, quatre, dix ans. Le malade peut mourir avant d'avoir obtenu
reconnaissance des preuves médicales, faites à ses frais.
L'Égypte comporte une centaine de médecins et chercheurs spécialistes de médecine industrielle.
répartis entre deux centres universitaires (Le Caire et Ain Chams). Chaque centre possède une
revue scientifique, dirige des thèses et publie des travaux de renommée internationale, soigne les
patients. Le nombre de ces médecins est très en deçà des besoins de l'Egypte, mais il pourrait être
démultiplié si des moyens supplémentaires étaient accordés aux formations universitaires
existantes et si les centres de dépistage des maladies professionnelles étaient crées au fur et à
mesure du recensement des besoins.

En résumé

- Il n'y a pas de valorisation de la prévention, ni chez les employeurs ni chez les employés,
- La législation sur les normes relatives à la santé et à la sécurité n'existent pas ou ne sont pas
appliquées, en particulier dans les PME et micro-entreprises. - Il n'y a pas de production nationale
de vêtements et équipements de travail et de sécurité conformes aux normes qui n'entravent pas

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l'efficacité du travail ou qui ne gênent pas leur utilisateur.


- Les personnels des administrations responsables de la mise en œuvre de la réglementation
sanitaire ont tendance à ne pas l'appliquer en faveur de l'employé, qu'ils appliquent les directives
officielles ou qu'ils soient soudoyés par les employeurs.
L'extension de la régulation sanitaire aux centaines de milliers d'entreprises du secteur informel
ne ferait qu'accroître l'engorgement et la corruption des administrations, et limiter l'application
réelle de la protection sanitaire.
Le coût de l'extension de la couverture des maladies du travail doit être calculé, puis financé.
Dans le projet de loi de 2000 sur l'assurance santé, les cotisations maladie et accidents
professionnels devaient être réduits de moitié. C'est au contraire une augmentation importante des
cotisations qui est nécessaire pour couvrir l'application de la législation actuelle, puis son
élargissement à de nouvelles maladies. Les travailleurs indépendants (chauffeurs de taxi,
marchands ambulants, artisans, agriculteurs, etc.) doivent cotiser à un régime accidents et
maladie professionnelle, être soignés et percevoir des indemnités.
Quelles régulations sont applicables dans le secteur informel d'un pays du tiers monde ?
L'étude d'expériences antérieures dans d'autres pays du tiers monde peut suggérer des pistes de
réflexion. Les données locales, politiques, sociologiques, économiques restent cependant
déterminantes.
L'étude des problèmes de santé dans chaque type d'activité, en relation avec les problèmes
économiques de ses entreprises, dans les différentes localisations géographiques, est nécessaire
pour envisager les régulations possibles et éliminer celles qui ne seraient pas applicables ou
produiraient des effets pervers.
La mise en œuvre des régulations doit être progressive, commencer par des expérimentations à
petite échelle (quartier ou cluster) en coopération avec les institutions publiques et privées
locales, avant d'être élargies à des activités entières, au niveau d'un district, d'un gouvernorat ou
du pays.
Des organisations spécialisées doivent être crées pour concevoir puis réaliser l'étude, puis la
formulation, l'expérimentation et enfin la mise en œuvre de systèmes de protection sanitaire pour
le secteur informel. La création de ces organisations nécessite la mise en commun des
compétences des organisations et institutions existantes, nationales et internationales, concernées
par la question de la santé au travail: syndicats, assurances, instituts de santé, ONG de santé et
d'environnement, organisations professionnelles.
La formation, l'information et la diffusion des connaissances sur les maladies professionnelles et
environnementales doit être favorisée, par la télévision, les écoles, les hôpitaux et dispensaires,
les centres de paiement des cotisations.
Des incitations financières et non financières à l'application des mesures de sécurité et santé
professionnelle, et la mobilisation des fonds nécessaires à leur financement, doivent être
expérimentées au niveau des quartiers et des branches d'activité: réduction d'impôts ou de taxes
de licence (pour ceux qui en payent), récompenses (attribution de labels et de normes de
conformité, aides à la commercialisation, à l'investissement, à la substitution de produits moins
nocifs, fourniture de matériels de protection, organisation de règles par quartier sur

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l'aménagement de l'espace, l'aération des lieux de travail, le maniement et le stockage des


produits dangereux, etc.
La mise en œuvre d'une politique de santé professionnelle nécessite la création d'un département
spécifique à la santé professionnelle et environnementale, dépendant du ministère de la santé et
du ministère du travail, mais disposant d'un budget propre, ayant des représentations dans les
gouvernorats. Il nécessite également la création d'institutions spécialisées destinées à mobiliser,
canaliser et distribuer les financements nécessaires à l'application, localement, des règles de
sécurité et santé au travail et environnementales. La politique de santé professionnelle doit être
intégrée aux programmes du ministère de la santé et financée, comme les autres programmes, par
les aides bilatérales, les organismes internationaux, les ONG, les mécénats divers. La formation à
la santé professionnelle et environnementale doit être intégrée à celle des médecins, des
travailleurs sociaux, des agents de l'administration, des forces de police, de enseignants, etc.
Les ONG de santé publique égyptiennes ont un rôle majeur à jouer dans l'élaboration d'une
politique nationale de santé professionnelle, en coopération avec les ministères, les syndicats de
travailleurs et de médecins, les associations d'employeurs, les organismes internationaux.
La création d'ONG spécifiques à l'expérimentation et la mise en œuvre de programmes de santé
professionnelle et environnementale par zone d'habitation ou par activité économique doit être
encouragée. Coopérant avec les ministères, les administrations, les associations d'employeurs et
d'employés, les professionnels de la santé et de la justice, les ONG ont une structure plus souple
qui leur permet de se déplacer d'un lieu à un autre, d'une activité à une autre, une fois leur
mission achevée. Associant salariés et bénévoles, professionnels et personnes en formation,
nationaux et étrangers, elle peut être à la fois plus proche des populations qu'une administration,
moins dépendante des contingences locales, et capable d'accumuler et de transmettre l'expérience
et les connaissances acquises sur le terrain et dans des réseaux plus larges, nationaux et
internationaux.

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ABADIR Nawal Y. (Dr.) Printers' athma in Egypt, "Tenth International Congress on
Occupational Respiratory Desease", Pekin, 2005.
ABADIR Nawal Y. (Dr.), Rôle des ONG dans la prévention des accidents de santé
professionnelle et des risques environnementaux de la pollution industrielle dans le secteur
industriel informel en Égypte. Document préparé pour le colloque Santé et environnement :
risques et enjeux », Université Senghor, Alexandrie 17 et 18 février 2007.
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2005, Cairo, Egypt. ISBN 92-2-118525-7 & 978-2-118525-3.


CLEMENT Françoise, La réforme de l'assurance santé en Egypte, Egypte-Monde Arabe n°4, (à
paraître) 2ème semestre 2007, CEDEJ, Le Caire, 2007.
KAMAL, Khaled, Biochemical studies on the probable effect of packaging and printing materials
on workers of these industries as occupational diseases, M. S. THESIS in biochemistry,
Helouan University, 2003.
SABRI Amal I., Dangers de la pollution industrielle et moyens d'y faire face (guide des ONG) ,
Makhatar al-Talawuth al-Sina'I wa Kaifiyat Muwajahatihi, AHED, Le Caire, 2006.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

METAUX ET MALADIES NEURODEGENERATIVES

Christian MÉSENGE 1, Haymen GIRGIS 1, Othman GHRIBI 2


1 : Département Santé de l’université Senghor, Université internationale de langue française au service du
développement africain et opérateur direct de la Francophonie.
2: Department of Pharmacology, Physiology and Therapeutics. School of Medicine and Health Sciences,
University of North Dakota.

Résumé

Les maladies neurodégénératives se caractérisent par un dysfonctionnement progressif du


système nerveux contrairement à d’autres lésions telles que l’ischémie cérébrale et le
traumatisme crânien qui sont d’apparition brutale. En revanche, les voies physiopathologiques
mises en route sont souvent les mêmes. La neurodégénérescence est un processus aboutissant à
plusieurs états pathologiques chroniques très complexe. L’agrégation protéinique et le stress
oxydatif semblent être un critère commun pour la plupart de ces affections. Bien que l’étiologie
reste toujours inconnue, les deux facteurs, génétique et environnemental semblent jouer un rôle
important. Les métaux jouent un rôle essentiel dans l’agrégation des protéines ayant une forte
relation avec le processus de neurodégénérescence. De plus en plus d'indices montrent que les
métaux à travers leur effet de stress oxydatif, sont fortement impliqués dans la neurotoxicité
observée au cours de la maladie d’Alzheimer ou de la maladie de Parkinson.
Si l’association entre l’exposition à des agents environnementaux et la survenue de troubles
neurologiques chez l’animal est démontrée, elle est encore insuffisamment documentée chez
l’homme. De nouvelles études épidémiologiques sont donc nécessaires et notamment celles
concernées par l’établissement d’un lien causal entre l’intoxication aiguë, subaiguë ou
chronique à des métaux et l’apparition de la maladie.
Mots-clés : maladies neurodégénératives, maladie d’Alzheimer, métaux, aluminium.

1 Introduction

Contrairement à d’autres lésions telles que l’ischémie cérébrale et le traumatisme crânien qui sont
d’apparition brutale, les maladies neurodégénératives comme la sclérose en plaque, la maladie de
Creutzfeld-Jacob, la maladie de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique, l’ataxie de
Friedreich, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson, se caractérisent par un
dysfonctionnement progressif du système nerveux. En revanche, les voies physiopathologiques
mises en route sont souvent les mêmes. Seuls changent les facteurs déclenchant
(Mésenge et al., 2000; Mueller et al., 2005) qui mettent en route le processus de la mort
cellulaire différée ou mort par apoptose (Boulu et al., 2001; Bomboi et al., 2005).

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

La neurodégénération est un processus aboutissant à plusieurs états pathologiques chroniques est


très complexe (Gaeta & Hider, 2005). Pourtant, l’agrégation protéinique et le stress oxydatif
semblent être un critère commun pour la plupart de ces affections (Bocca et al., 2005;
Sayre et al., 2005).

1.1 Métaux et neurotoxicité

Le cuivre, le manganèse, le fer et le zinc sont indispensables pour beaucoup de réactions


biologiques comme la synthèse de l’ADN, l’ARN, les métalloprotéines et comme des catalyseurs
et des co-enzymes. Si leur carence entraîne des troubles fonctionnels, une accumulation anormale
d’un de ces éléments sera cytotoxique à cause de la production des radicaux libres et la
génération d’un stress oxydatif au niveau cellulaire (Sayre et al., 2005).
En fait, de plus en plus d'indices montrent l’implication de ces métaux dans la neurotoxicité
observée au cours de la plupart des maladies neurodégénératives (Bocca et al., 2005;
Gaeta & Hider, 2005; Ide-Ektessabi & Rabionet, 2005; Sayre et al., 2005). De plus, les métaux
jouent un rôle essentiel dans l’agrégation des protéines ayant une forte relation avec le processus
de neurodégénération (Gaeta & Hider, 2005). Des études ont montré que la libération de l’ion de
fer contenu dans la ferritine in vivo, avait des effets délétères largement prouvés au cours de la
maladie d’Alzheimer et celle de Parkinson (Gaeta & Hider, 2005; Sayre et al., 2005;
Salazar et al., 2006).

1.2 Métaux et la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par une détérioration progressive des fonctions
cognitives et notamment une atteinte de la mémoire, du comportement ainsi que de la faculté de
penser et de communiquer (Ide-Ektessabi & Rabionet, 2005). Ces troubles neuropsychiques
constituent un critère majeur du diagnostic ainsi qu’une cause essentielle d’institutionnalisation
du patient, ont un retentissement significatif sur les activités sociales et professionnelles du
malade (Ropacki et al., 2005; Zhou et al., 2007).
Une centaine d’années après sa découverte par un neuropsychiatre allemand du nom d’Aloïs
Alzheimer, il s'agit toujours de la forme de démence la plus courante avec une augmentation du
risque de 100% tous les 5 ans selon l’âge (Letenneur et al., 1999; Munoz & Feldman, 2000;
Bomboi et al., 2005; Mueller et al., 2005; Behrens et al., 2007). Elle touche 2% de la population
dans les pays industrialisés (Nelson et al., 2007). Elle représente la première cause de mortalité
chez les personnes âgées aux États-Unis (Heron & Smith, 2007). En effet, près de 4 millions
d’américains sont touchés ce qui représente une perte économique annuelle dépassant
100 milliards US$ et on estime que dans 50 ans, 14 millions souffriraient de cette maladie
(Mueller et al., 2005; Savory et al., 2006). Si la projection des chiffres pour les États-Unis est
préoccupante, elle en est de même pour le reste de la planète. En fait, on estime que la prévalence
mondiale de cette maladie se quadruplera d’ici 2047 (Luchsinger et al., 2005). Son incidence et
par conséquent son impact socio-économique seront aggravés à cause du phénomène de
vieillissement de la population surtout observé dans les pays développés (Mueller et al., 2005;
Ravaglia et al., 2005).

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La maladie d’Alzheimer n’est plus un phénomène mystérieux grâce à plusieurs travaux de


recherche dans le domaine de la biologie moléculaire et de la génétique permettant une meilleure
compréhension de la nature hétérogène de la maladie ainsi que la cascade d'événements
biochimiques impliqués (Christen, 2000; Munoz & Feldman, 2000; Mueller et al., 2005;
Sayre et al., 2005; Li et al., 2006; Settembre et al., 2007). Des expérimentations menées avec des
souris transgéniques dont un gène a été modifié pour altérer l’expression d’un certain type de
protéine, ont pu contribué à la comprehension de la physiopathologie de la maladie sur des bases
génétiques (Sayre et al., 2005; Savory et al., 2006). Cependant, sa pathogenèse surtout pour la
forme non héréditaire reste toujours mal connue (Bomboi et al., 2005; Sayre et al., 2005).
De point de vue histopathologique, il s’agit d’une maladie caractérisée par des dégénérescences
neurofibrillaires, une perte de neurones et l’accumulation dans le cerveau de protéine appelée %-
amyloïde sous forme de plaques séniles (Munoz & Feldman, 2000; Bocca et al., 2005;
Ide-Ektessabi & Rabionet, 2005; Gaeta & Hider, 2005; Mueller et al., 2005; Sayre et al., 2005).
Celle-ci provient de la protéine précurseur de l’amyloïde après une série de clivages réalisée par
des enzymes membranaires nommés % et &-sécrétases (Munoz & Feldman, 2000;
Savory et al., 2006; Nelson et al., 2007). Cette substance induit une atrophie cortico-subcorticale
directement proportionnelle à la sévérité clinique de la maladie (Du et al., 2007).
Par ailleurs, plusieurs études ont montré le rôle fondamental des facteurs modifiables de risque
vasculaire tels que le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et le tabagisme dans l’apparition
de la maladie chez les personnes âgées (Luchsinger et al., 2005). L’âge étant le facteur de risque
majeur, Mueller et al., 2005, pose à son tour l’hypothèse que les radicaux libres et leurs effets
oxydatifs sur les acides nucléiques, les lipides ainsi que les protéines des neurones sont fortement
impliqués (Christen, 2000; Munoz & Feldman, 2000; Gaeta & Hider, 2005). De plus, un taux
sanguin élevé de l’acide aminé sulfuré « homocystèine » et une carence en acide folique ou en
vitamine B12 peuvent être aussi considérés comme facteurs de risque (Ravaglia et al., 2005).
Bien que l’étiologie de la maladie d’Alzheimer reste toujours inconnue, les deux facteurs
génétique et environnemental semblent être importants (McLachlan et al., 1991;
Sayre et al., 2005). Les cas sporadiques de la maladie et son inexistence chez un des jumeaux
monozygotiques renforcent l’idée d’un facteur extrinsèque sous-jacent (McLachlan et al., 1991;
Munoz & Feldman, 2000; Rondeau et al., 2000; Mueller et al., 2005). Ainsi, des anomalies du
métabolisme du cholestérol ou des facteurs environnementaux comme les ions métalliques
pourraient être des facteurs déclenchant de la maladie (Savory et al., 2006).
Plusieurs études ont détecté un déséquilibre dans plusieurs métaux tels que l’aluminium, le fer, le
calcium, le mercure, le plomb, le zinc et le cuivre chez les malades (Bomboi et al., 2005;
Sayre et al., 2005). Des études post-mortem des cerveaux ont montré une accumulation de fer, de
zinc, de cuivre et d’aluminium capable de jouer le rôle de catalyseurs dans la production des
radicaux libres (Christen, 2000; Ide-Ektessabi & Rabionet, 2005). D’autre part, des études
expérimentales chez l’animal ont mis en évidence les effets de l’injection intracérébrale
d’aluminium sur la cognition et la mémoire tandis que d’autres études biochimiques et
épidémiologiques ont montré un ralentissement du progrès de la maladie en utilisant un agent
chélateur fixant et éliminant l'aluminium du corps (McLachlan et al., 1991; Savory et al., 2006).
En revanche, et malgré la neurotoxicité démontrée de l’aluminium chez l’animal, les études
épidémiologiques chez l’homme n’ont pas pu mettre en évidence, jusqu’à l’heure, de lien entre
l’apparition de la maladie et l’exposition soit de type professionnelle ou bien à travers l’ingestion

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des aliments, de l’eau de boisson et des antiacides ou même par l’utilisation de produit contenant
de l’aluminium comme les antiperspirants (Munoz & Feldman, 2000; Rondeau et al., 2000).
Pourtant, ces résultats non concluants ne permettent pas de rejeter la possibilité que l’exposition
environnementale à l’aluminium, un des ions les plus répandus dans la croûte terrestre, soit
responsable au moins en partie, de l’apparition de la maladie (Savory et al., 2006). C’est pourquoi
les effets de l’environnement sur le système nerveux de l’homme devraient continuer à faire
l’objet de programmes de recherche à l’échelle internationale.

2 Conclusion

Le développement remarquable des connaissances sur l’épidémiologie, les facteurs de risque et la


pathogenèse de la maladie d’Alzheimer au cours de ces deux dernières décennies, devrait
contribuer à la mise au point de nouvelles stratégies spécifiques visant à ralentir ou même
prévenir la mort cellulaire. Si l’association entre l’exposition à des agents environnementaux et la
survenue de troubles neurologiques chez l’animal est démontrée, elle est encore insuffisamment
documentée chez l’homme. De nouvelles études épidémiologiques sont donc nécessaires et
notamment celles concernées par l’établissement d’un lien causal entre l’intoxication aiguë,
subaiguë ou chronique à des métaux et l’apparition de la maladie.

3 Références bibliographiques

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105
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

BIOTECHNOLOGIE ET ENVIRONNEMENT : CAS DE L’USINE


D’EXTRACTION D’HUILE D’ALEXANDRIE

Mohamed GAD
Enseignant chercheur en Biochimie et Biologie Cellulaire, Institut des études supérieur et de la recherche (IGSR)
Université d’Alexandrie, Egypte

Résumé

Par biotechnologie, on entend «l’intégration des sciences naturelles et du savoir faire de


l’ingénieur dans l’utilisation d’organismes, de cellules, ou de leurs parties et analogues
moléculaires, en vue d’obtenir des produits ou des services» (Assemblée générale de l’EFB,
1989. Les procédés biotechnologiques ont déjà été utilisés dans la protection de l’environnement
depuis presque un siècle, bien avant l’invention du terme biotechnologie. On a mis au point des
installations municipales d’épuration des eaux usées et des filtres pour purifier le gaz de ville au
tournant du siècle. Ils se sont montrés très efficaces, alors qu’on en savait peu à cette époque sur
les principes biologiques expliquant leur fonctionnement. Depuis ce temps-là, notre savoir a
beaucoup augmenté. La présente mise au point décrit l’état actuel des connaissances dans le
domaine de la biotechnologie environnementale et les possibilités de cette dernière. Le cas de
l’usine d’extraction d’huile d’Alexandrie serra également présenté.

1 Bioremédiation

La bioremédiation consiste à utiliser des systèmes biologiques pour réduire le niveau de pollution
de systèmes présents dans l’air, l’eau ou le sol. Ce sont des micro-organismes ou des plantes qui
sont normalement utilisés comme systèmes biologiques. Le plus souvent, on choisit de mener les
opérations de bioremédiation en laissant faire les biodégradations à des micro-organismes. Pour
assurer leur croissance et/ou leurs besoins en énergie, les micro-organismes peuvent utiliser, en
les dégradant, la plupart des composés chimiques. Ces processus de dégradation biologique
peuvent exiger la présence d’air, ou non. Dans certains cas, les voies métaboliques que les
organismes utilisent pour s’accroître ou pour obtenir de l’énergie peuvent aussi être utilisées pour
décomposer des molécules de substances polluantes. Dans ce cas (nommé co-métabolisme), le
micro-organisme ne retire aucun bénéfice direct. Les chercheurs tirent avantage de ce phénomène
pour l’appliquer dans le domaine de la bioremédiation. Complète, une biodégradation parvient a
dètoxifier des polluants minéraux jusqu’au stade du dioxyde de carbone (gaz carbonique), de
l’eau et de sels minéraux inoffensifs. Une biodégradation incomplète peut fournir des produits de
dégradation moins toxiques que le polluant initial, mais pas forcément. Par exemple, la
biodégradation du trichloro- ou du tétrachloro-éthylène peut libérer du chlorure de vinyle, qui est
plus toxique et plus cancérogène que les composés initiaux. Le phénomène de biodégradation

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

peut apparaître spontanément; on utilise alors souvent les termes de bioremédiation intrinsèque
ou d’atténuation naturelle. Très souvent cependant, les conditions naturelles ne sont pas
suffisamment favorables, par manque d’éléments nutritifs, d’oxygène ou de bactéries
appropriées. On peut améliorer ce genre de situations en complétant l’un ou l’autre des facteurs
nécessaires, ou même plusieurs. Par exemple, en 1989, lors de la marée noire due au pétrolier
géant Exxon Valdez, on a dispersé des éléments nutritifs supplémentaires pour hâter la
dégradation des hydrocarbures qui avaient été répandus sur 1 000 milles le long de la côte de
l’Alaska. Dans le domaine de la bioremédiation, on aura de plus en plus tendance à observer en
premier lieu la vitesse de la biodégradation naturelle et à intervenir seulement si l’activité
naturelle ne suffit pas à éliminer assez rapidement le polluant pour écarter ainsi tout risque
prévisible dû à ce polluant donné. On peut utiliser les techniques de bioremédiation pour réduire
les déchets dangereux ou pour éliminer ceux qui ont déjà pollué un milieu. Elles peuvent aussi
être employées pour traiter des effluents chargés de déchets avant qu’ils ne quittent les
installations de production: en phase finale. Quelques applications de la bioremédiation sont
présentées ci-dessous.

2 Eaux usées et effluents industriels.

Dans les stations d’épuration, ce sont des micro-organismes qui retirent des eaux usées les
polluants les plus courants, avant qu’elles ne rejoignent la rivière, le lac ou la mer. Les pollutions
croissantes, dues à l’industrie et à l’agriculture, suscitent un plus grand
besoin de procédés capables d’éliminer des polluants spécifiques, tels que
l’azote, le phosphore, les métaux lourds et les composés chlorés. Les
méthodes nouvelles comprennent des processus aérobies, anaérobies et
physico-chimiques se déroulant soit sur des filtres (biofiltres) à lit fixé soit
dans des bioréacteurs où les matériaux et les microorganismes sont
maintenus en suspension dans le liquide. Le recyclage des déchets en
produits utiles peut réduire les coûts du traitement des eaux usées. Par
exemple, grâce à des bactéries utilisant le soufre dans leur métabolisme,
les métaux lourds et les composés soufrés, présents dans les eaux usées Figure 1 : Biofiltres utilisés
dans la bioremédiation
qui proviennent de l’industrie de la galvanoplastie, peuvent être retirés,
puis réutilisés. La production d’aliments pour animaux à partir de la biomasse de champignons
qui demeure après l’extraction de la pénicilline est un autre exemple. Enfin, la plupart des
systèmes de traitement des eaux usées produisent un gaz utilisable (biogaz).
Air et déchets gazeux. À l’origine, les systèmes de traitement des déchets industriels gazeux
reposaient sur l’utilisation de filtres bon marché, remplis de compost,
qui supprimaient les odeurs. Ces systèmes existent encore. La lenteur de
ces procédés et la brève durée de vie de ces filtres ont toutefois stimulé
la recherche de solutions meilleures, telles que des biofiltres (Figure 1)
dans lesquels les polluants sont éliminés par lavage au contact d’une
suspension de cellules, ou telles que les filtres à ruissellement, où les
polluants sont dégradés par des micro-organismes immobilisés sur une
matrice inerte et nourris par une solution nutritive aqueuse, coulant
goutte-à-goutte à travers le dispositif. En sélectionnant des
Figure 2 : Le saule

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microorganismes dont le métabolisme utilise plus efficacement certains polluants, on a aussi pu


améliorer les biofiltres destinés à la purification de l’air et des gaz. En voici deux exemples: un
système de biofiltres sert à éliminer les oxydes, à la fois d’azote et de soufre, au niveau des gaz
s’échappant de la cheminée des hauts fourneaux (ce système a été développé pour remplacer le
procédé classique au gypse); et c’est à l’aide d’un biofiltre contenant des champignons qu’on
retire le styrène présent dans les déchets gazeux résultant du traitement du polystyrène. Un autre
procédé pour démineur la pollution de l’air est la utilisation des carburant mois polluant. Par
exemple le saule (Figure 2) est considéré comme un combustible neutre par rapport au gaz
carbonique (CO2). Il absorbe autant de CO2 pendant sa phase de croissance qu’il en libère lors de
sa phase de combustion. De la même manière des diminutions significatives des émissions en
oxydes de soufre et d’azote ont été mesurées par rapport aux combustibles fossiles. L'utilisation
de cette plante comme carburant va à la fois diminuer la pollution de l’air et aussi assurer une
substitution des carburants fossiles.

3 Traitement des sols et de la terre agricole.

On trouve sur le marché des méthodes pour dépolluer le sol et les eaux de la nappe phréatique qui
lui sont associées, aussi bien in situ (à leur place originelle) que ex situ (ailleurs). Les traitements
in situ peuvent comprendre l’introduction de micro-organismes (bio-enrichissement), l’aération
et/ou l’addition de solutions nutritives (biostimulation). Le traitement ex situ suppose qu’on
excave la terre et qu’on retire l’eau de la nappe phréatique pour les traiter en surface. Le sol peut
être traité sous forme de compost, amassé en surface dans des tertres, ou traité dans des
bioréacteurs à boues spéciaux. L’eau de la nappe phréatique est traitée dans des bioréacteurs, puis
soit repompée vers le sol soit drainée et conduite vers les eaux superficielles. La bioremédiation
de la terre agricole (bioréhabilitation) coûte souvent moins cher que les méthodes physiques, et
les produits qu’elle laisse sont inoffensifs, si la minéralisation est complète. Son action nécessite
toutefois du temps, et immobilise les capitaux et la terre. La bioremédiation in situ du sol situé
sous les exploitations de pétrole est déjà une pratique courante, mais la bioremédiation in situ est
aussi possible pour les solvants chlorés comme le trichloro- ou le tétrachloro-éthylène. La
faisabilité de cette méthode de bioremédiation in situ dépend des paramètres physiques du sol (et
continuera certainement à en dépendre), surtout de ses propriétés de transport. La bioremédiation
peut utiliser des plantes: on la nomme alors phytoremédiation ou phyto-assainissement. Cette
technique est déjà utilisée pour éliminer les métaux contaminant les sols et l’eau de la nappe
phréatique; on cherche à la développer dans la décontamination biologique d’autres polluants.
L’utilisation combinée de plantes et de bactéries pourrait aussi être possible. Des bactéries vivent
en étroite association avec les racines de certaines plantes et dépendent de substances excrétées
par les racines. Ces rhizobactéries, qui dépassent en nombre les autres bactéries du sol, pourraient
être génétiquement transformées de manière à dégrader des substances polluantes. Des
recherches sont en cours pour examiner cette voie.

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4 Cas de l’usine d’extraction d’huile d’Alexandrie

L’usine (Figure 3) est située à l’entrée d’Alexandrie sur l’autoroute du désert. Elle est composée
de quatre unités. A partir des huiles de palme et de maïs l’usine produit des savons, des
détergents et de la margarine. Les taux de production sont présents dans le tableau 1. Les eaux
usées des ces trois unités sont épurées à la section du traitement. Les eaux usées, avant le passage
à la section d'épuration, contiennent des lipides. Les micro-organismes qui se trouvent dans ces
eaux usées secrètent des enzymes (lipases) capables d’hydrolyser ces lipides. On a eu l'idée
d'utiliser les lipases sécrétées par ces micro-organismes dans la fabrication de détergents. Par
cette façon le recyclage de lipases pourrait être une méthode biotechnologique dans la
bioremédiation de l’environnement.

Figure 3 : L’usine d’extraction d’huile d’Alexandrie

Tableau 1 : La production annuel (2001/2002) de l’usine d’extraction d’huile d’Alexandrie

Produit Quantité (ton /an)


Huiles 35 000
Savons 7500
Glécyrine 150
Aliments animales 50 000
Margarine 20 000
Détergent 5000

Dans le procédé de fabrication des détergents on trouve plusieurs composants. Parmi ces
composants il y a la silice (en forme de silicate de sodium) qui sert à protéger les machines (les
lave-vaisselle et lave-linge) contre l’usure. Il sert aussi à maintenir la saleté en suspension.

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Figure 4 : Tester l’efficacité de la nouvelle formule de détergent contenant de la lipase isolé à partir de bactérie des
eaux usées

Dans cet objectif, nous avons collecté des échantillons des eaux usées et nous avons isolé les
microorganismes. Sur des milieux de culture riche en lipides les micro-organismes ont été
cultivés. Ensuite, les lipases ont été purifiées à partir de milieux de culture. Après, les lipases ont
été fixées sur une silice. La silice a été ajoutée dans la procédure de fabrication des détergents.
Pour tester l’efficacité de la nouvelle formule de détergent, une expérimentation a été mise en
place (Figure 4). Quatre morceaux de tissus similaires ont été utilisés. Le premier a été lavé à
l’eau. Le deuxième avec le détergent sans additif. Le troisième avec le détergent contenant de la
silice et le quatrième avec le détergent contenant la silice sur laquelle les lipases ont été fixées.
Les résultes obtenues de cette expérimentation (Figure 4) montre que le détergent contenant les
lipases isolées à partir des micro-organismes des eaux usées sont efficaces dans la fabrication des
détergents

5 Conclusion

La carrière de la biotechnologie remonte au siècle passé. Puisque l’on prend davantage


conscience de la nécessité de se tourner vers des modèles d’activité économique moins
destructeurs, tout en maintenant l’amélioration des conditions sociales, et ce malgré
l’augmentation de la population, la biotechnologie voit se confirmer son rôle dans la
bioremédiation et dans l’écologie industrielle. Cette technologie a déjà fait ses preuves dans un
certain nombre de domaines et les développements futurs promettent d’élargir son champ.
Certaines nouvelles techniques, qui sont actuellement à l’étude, emploient des organismes
génétiquement modifiés, conçus pour accomplir efficacement des tâches spécifiques. Ainsi qu’il
arrive chaque fois qu’une nouvelle technologie est mise en oeuvre dans l’environnement, une
certaine inquiétude se fait sentir. La biotechnologie pourrait apporter une contribution importante
à la protection et à l’assainissement de l’environnent. La biotechnologie est par conséquent en
bonne position pour contribuer au développement d’une société durable.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

6 Références

Biotechnologie Environnementale : Bioremédiation, prévention, détection et surveillance et génie


génétique (1999) EFB Task group on Public perceptions of Biotechnology.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

LA VALORISATION DES DECHETS PAR COMPOSTAGE : NIVEAUX DE


MATURITE DE DIFFERENTS COMPOSTS

Patrice–Firmin BOULALA1, Maelenn POITRENAUD2


1 : Faculté des Sciences, Université de Bangui, République Centrafricaine. B.P. 908, Tel (00236) 04 70 21, Fax
(00236) 61 78 90 E-mail : boulala2@yahoo.fr
2 : CReeD, Véolia Environnement, 78520 Limay, France. E-mail : mpoitrenaud@cgea.fr

Résumé

Dans le processus de développement durable, de nombreuses collectivités se sont engagées dans


la modernisation de la gestion de leurs déchets. Les efforts étaient initialement focalisés sur des
opérations de collecte et de tri. Le développement des filières de valorisation permet de résoudre
le problème d’accumulation des déchets dans les décharges et partant d’éviter la pollution de
l’environnement et des nuisances pour la santé des populations riveraines. L’utilisation des
produits issus du traitement et de la valorisation des déchets ne va pas toujours sans
conséquence pour l’environnement et la santé. Le cas du compostage des déchets urbains est
particulièrement typique. Le compostage est un procédé de traitement et de valorisation par voie
biologique des déchets, il aboutit à la production du compost utilisable en agriculture comme
amendement organique. Pour éviter tous risques, de perturbation, de l’écosystème, de la
structure du sol, de la croissance du couvert végétal et les risques sur la santé dus à la diffusion
dans l’eau et à l’incorporation dans les plantes des éléments traces métalliques (ETM), un
niveau de maturité des composts est requis. L’objectif de cette étude est de déterminer le niveau
de cette maturité à partir de la caractérisation physico – chimique, des tests de maturités
utilisables sur plate forme de compostage (Solvita et Rottegrad), de la minéralisation du carbone
et de l’indice de stabilité biochimique. Il ressort de cette étude que : les composts issus du
traitement des déchets verts avec des teneurs en carbone organique total (COT) variant de 20,4 à
31,7% sont ceux qui apparaissent les plus stabilisés. Par contre les composts d’ordures
ménagères avec des COT variant de 16,2 à 35,7% montre un faible taux de carbone minéralisé
(21,8 à 30,7%) ce qui témoigne un manque de maturité. Une phase de maturation un peu plus
longue avec des retournements et des criblages à mailles supérieurs à 10mm sont à préconiser
pour le compostage des ordures ménagères.
Mots clefs : Compost, Maturité, Minéralisation, Stabilisation

1 Introduction

La gestion, le traitement et la valorisation des déchets organiques sont des problèmes importants
qui se posent aux municipalités. Les modes de traitement biologique de déchets qui peuvent
déboucher sur une valorisation organique sont le compostage et la méthanisation

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

(biométhanisation). L’utilisation de ces modes de traitement biologique nécessite cependant une


bonne connaissance des conséquences environnementales et agronomiques. Dans le cas du
compostage, la valorisation agronomique des composts est confrontée à la méfiance de certains
agriculteurs suite à des pratiques passées d’épandage de composts de qualité médiocre.
La valorisation agronomique des déchets organiques consiste au retour au sol des matières
organiques des déchets après traitement. Les composts sont classés parmi les matières
fertilisantes qui sont définies comme des produits dont l’emploi est destiné à assurer ou à
améliorer la nutrition des végétaux ainsi que les propriétés physiques, chimiques et biologiques
des sols. Ils sont de ce fait considérés comme des amendements organiques.
Le développement des filières de traitement organique des déchets est une préoccupation pour les
pays du sud qui produisent des déchets à forte proportion de fractions fermentescibles.
Pour pouvoir prévoir les effets des composts sur les propriétés du sol amendé et la culture, il est
important de connaître son degré de maturité que nous considérons ici comme un degré de
stabilité de la matière organique permettant des conseils d’utilisation. Les caractéristiques de la
matière organique d’un compost dépendent essentiellement de la maîtrise du procédé de
compostage.
Notre étude vise à établir un lien entre le degré de maturité, le procédé de compostage et les types
de déchets compostés.

2 Méthodes analytiques

2.1 Echantillonnage

Les échantillons de composts utilisés au cours de notre étude proviennent de différentes plates
formes du groupe ONYX – Véolia Environnement (France). Ce sont des composts d’ordures
ménagères grises (OMG) de déchets verts (DV) et de mélange de déchets verts et de biodéchets
(DVBIO). Chaque site de compostage utilise un procédé spécifique.

2.2 Analyses physico – chimiques

La teneur en matière sèche (MS) a été déterminée après séchage à l’étuve à 105° C pendant 48
heures.
La teneur en matière organique (MOT) total a été déterminée après calcination au four à 480° C
pendant 6 heures.
La teneur en carbone organique total (COT) est déterminée après combustion sèche (Norme ISO
10694). La teneur en CO2 dégagé après oxydation du carbone total à 900°C sous flux d’oxygène
est déterminée par catharométrie à l’aide d’un détecteur infrarouge (Appareil Shimadzu Détecteur
TOC 5050A Four SSM 5000A).

114
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Les tests de maturité ont été réalisés sur des échantillons frais. L’échantillon est tamisé (taille des
mailles 10 mm), puis l’humidité est ajustée entre 40 et 50% suite au test de la poignée la veille de
l’analyse [1].
L’indice SOLVITA a été mesuré à l’aide de deux indicateurs sur un échantillon placé dans un
récipient de 250ml et incubé dans une enceinte thermostatée à 25 °C pendant 4 heures. Les
indices varient de 1 à 8 pour le CO2 et de 1 à 5 pour l’ammoniac et sont compilés en un indice de
maturité variant de 1 pour le compost frais à 8 pour le compost considéré comme mûr.
L’indice Rottegrad a été mesuré à l’aide d’un thermomètre sur des échantillons placé dans un
isotherme DEWAR 1,5 l et incubé dans une enceinte thermostatée à 25°C pendant 10 jours au
moins [1]. Cet indice va de I (température maximale supérieure à 60°C) pour un compost
assimilé à de la matière brute, à V (température maximale inférieure à 30°C) pour un compost
considéré comme mûr.

2.3 Minéralisation du carbone

Le suivi de la minéralisation du carbone organique en CO2 a été fait au cours d’incubations de 28


jours de mélange sols–composts par piégeage du CO2 dégagé dans une solution de soude.
Périodiquement, le piège de soude a été prélevé pour analyses et remplacé dans les flacons
d’incubation par un autre piège de soude de même volume et de même normalité. Le C-CO2 est
ensuite analysé dans la soude par colorimétrie en flux continu au SKALAR (Skalar, Sampler
1000, Pompe 6010, Photometer 6010).
Les incubations ont été réalisées avec du sol frais tamisé à 5 mm dont l’humidité est équivalente à
pF 2,8. Il s’agissait d’un sol limoneux - argileux de teneur en matière organique inférieure à 1%
et provenant des parcelles du dispositif de FEUCHEROLLES (INA – Paris – Grignon). Les
échantillons de composts ont été séchés (40°C) et broyés à une maille de 1 mm. Les incubations
des mélanges sol-composts ont été réalisées avec 25 g du sol pesé dans des flacons et une masse
de compost apportant 50 mg de carbone soit 2°/00 de la masse du sol.

3 Résultats discussions

3.1 Caractéristiques physico – chimiques des échantillons

La détermination des caractéristiques physico – chimiques des échantillons a été la phase initiale
pour les analyses sur la maturité des composts. En effet, ces caractéristiques permettent une
interprétation des résultats d’incubations en conditions contrôlées et des tests de maturité (Solvita
et Rottegrad). Les résultats sont consignés dans le tableau 1.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Tableau 1 : Caractéristiques physico – chimiques des composts

Paramètres physico - chimiques


Type de compost Echantillons Age MOT (%
MS (%) COT (% MS)
MS)
OMG1 5 mois 52,7 ± 1,3 53,2 ± 2,2 17,7 ± 0,5
OMG2 4 mois 57,5 ± 0,2 63,3 ± 0,3 16,2 ± 1,8
Ordures ménagères 40
OMG3 79,2 ± 1,3 54,6 ± 2,5 24,7 ± 1,4
grises jours
OMG4 2 mois 86,7 ± 1,3 60,3± 0,6 33,0 ± 1,4
12
OMG5 56,7 ± 0,2 64,5 ± 1,6 35,7 ± 2,5
mois
DV1 8 mois 66,3 ± 1,4 43,9 ± 0,5 20,4 ± 1,3
DV2 7 mois 79,5 ± 1,3 49,7 ± 0,6 24,7 ± 1,2
DV3 6 mois 67,8 ± 0,3 50,6 ± 1,4 24,8 ± 1,6
Déchets verts
DV4 5 mois 53,2 ± 0,2 49,9 ± 1,3 31,7 ± 1,5
DV5 8 mois 69,7 ± 1,1 52,6 ± 1,5 25,8 ± 0,5
DV6 8 mois 73,9 ± 1,2 50,7 ± 2,3 24,9 ± 0,8
Déchets verts et
DVBIO1 6 mois 60,2 ± 0,5 40,7 ± 1,3 21,3 ± 0,3
biodéchets

On n’observe pas une différence significative suivant le type de compost, sauf pour OMG4.
Dans tous les cas, les teneurs en matière sèche sont supérieures à 50%, ce qui signifie qu’il n’y a
pas d’humidité excessive. Pour les composts d’ordures ménagères, les échantillons les plus secs
sont OMG3 et OMG4. Ce sont les composts les plus jeunes et aussi ce sont des échantillons dont
le processus de compostage a été piloté par la température. Dans les composts de déchets verts, le
plus humide est le plus jeune, cela peut être expliqué par une perte d’eau par évaporation au cours
du compostage. DV2 est plus sec que DV1 pourtant c’est le même processus et en plus DV1 est
plus jeune, cela peut être expliqué par les conditions atmosphériques en début de compostage ou
les mélanges initiaux.
Les teneurs en matières organiques varient en moyenne de 59% pour les composts d’OMG,
49,6% pour les composts de DV et 40,7% pour DVBIO, on observe donc une grande différence
suivant le type de composts ; c’est l’effet type de déchet. Les ordures ménagères contiendraient
plus de matière organique que les déchets verts à l’état initial [2, 3]. Il peut aussi avoir l’effet de
l’âge car les composts de déchets verts sont en moyenne plus vieux que les composts d’ordures
ménagères. OMG2 contient plus de matière organique que OMG1 cela est lié à l’effet de
retournement durant la maturation et surtout à la durée de compostage ; il est connu que quand la
durée de compostage augmente la teneur en matière organique diminue [4].
La teneur en COT est plus faible dans les composts de déchets verts que les composts d’ordures
ménagères ; les rapports moyens MOT/COT sont de l’ordre de 1,92 pour les composts de déchets
verts et biodéchets et 2,14 pour les composts d’ordures ménagères. Les Composts de déchets
verts présentent donc de fortes proportions en carbone minéral que les composts d’ordures
ménagères. Les composts OMG1 et OMG2 montrent des teneurs en COT plus faibles à celles de

116
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

la bibliographie probablement dues à la nature des déchets entrants. En effet, certains auteurs
trouvent pour les composts de déchets verts des valeurs de COT de 20 à 30% [2, 3]. Cette teneur
est de 25 à 50% pour les composts d’ordures ménagères [5, 6].

3.2 Indice SOLVITA®

Ce test est basé sur la minéralisation du carbone sous forme de CO2 et la volatilisation de l’azote
sous forme d’ammoniac. Selon le fabricant, on distingue trois classes principales de maturité des
composts par rapport à l’indice Solvita : compost frais (ISolvita < 3), compost fini (ISolvita > 6),
compost « actif » (ISolvita = [3 ; 6]). A partir de cette classification, nous pouvons attribuer aux
échantillons les degrés de maturité du tableau 2.

Tableau 2 : Classes de maturité des composts selon l’indice solvita® (Woods End® Research Laboratory).

Solvita
Type de compost Echantillons Age Degré de maturité
CO2 NH3 Indice
OMG1 5 mois 3 4 3 Compost en dégradation
OMG2 4 mois 4 4 4 Compost en maturation
Ordures ménagères
grises OMG3 40 jours 3 4 3 Compost en dégradation
OMG4 2 mois 3 5 3 Compost en dégradation
OMG5 12 mois 5 4 5 Compost en maturation
DV1 8 mois 7 5 7 Compost mûr
DV2 7 mois 7 5 7 Compost mûr
DV3 6 mois 7 5 7 Compost mûr
Déchets verts
DV4 5 mois 5 5 5 Compost en maturation
DV5 8 mois 6 5 6 Compost en maturation
DV6 8 mois 6 5 6 Compost en maturation
Déchets verts et DVBIO1 6 mois 6 5 6 Compost en maturation
biodéchets

Les échantillons les plus âgés présentent un degré de maturité élevé qui se traduit par des indices
Solvita élevés. Il ressort de cette classification que les composts d’ordures ménagères sont pour la
plupart en phase de dégradation, alors que parmi les composts de déchets verts et de biodéchets,
les échantillons DV1, DV2 et DV3 sont mûrs, les échantillons DVBIO1, DV4, DV5 et DV6 sont
en phase de maturation. Ces résultats ne nous permettent pas de bien repartir nos échantillons,
cependant si l’on dissocie les résultats de CO2 et NH3, on remarque que le degré attribué dépend
beaucoup plus de la minéralisation du carbone que de la volatilisation de l’azote (tableau 2). Ces
observations ont été confirmées par Changa et al. (2003) qui estiment une faible corrélation entre
l’indice NH3 et les autres indicateurs alors que l’indice CO2 est un bon indicateur [7].

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

3.3 Indice ROTTEGRAD

Ce test estime le niveau de stabilité de la matière organique d’un compost à partir de la


température maximale atteinte après au moins 10 jours en vase. Les différents indices relevés
pour nos échantillons sont consignés dans le tableau 3.
Ces résultats confirment le degré de maturité plus faible des composts d’ordures ménagères par
rapport aux composts de déchets verts et de biodéchets. Les composts d’ordures ménagères qui
contiennent des teneurs en matières organiques élevées par rapport au compost de déchets verts
ont les indices Rottegrad les plus faibles. Ces résultats ne permettent pas de bien séparer les
échantillons surtout pour des composts d’un degré de maturité élevée. Cependant, après cinq
mois, les composts de déchets verts présentent un degré de maturité élevé. Avec cette indication,
tous les composts de déchets verts ont un degré de maturité élevé dès cinq mois, les composts
d’ordures ménagères sont peu matures même après une durée de compostage longue (OMG1 et
OMG5) et avec un processus accéléré.

Tableau 3 : Classes de maturité des composts selon l’indice Rottegrad

Rottegrad
Type de compost Echantillons Age T° max. Degré de maturité
Indice
(°C)
OMG1 5 mois 60 I Compost frais
OMG2 4 mois 58 II Intermédiaire
Ordures ménagères grises OMG3 40 jours 70 I Compost frais
OMG4 2 mois 63 I Compost frais
OMG5 12 mois 72 I Compost frais
DV1 8 mois 30 IV Intermédiaire
DV2 7 mois 35 IV Intermédiaire
DV3 6 mois 32 IV Intermédiaire
Déchets verts
DV4 5 mois 33 IV Intermédiaire
DV5 8 mois 39 IV Intermédiaire
DV6 8 mois 39 IV Intermédiaire
Déchets verts et biodéchets DVBIO1 6 mois 32 IV Intermédiaire

4 Minéralisation du carbone

4.1 Cinétiques de la minéralisation

Les différentes courbes de minéralisation présentent une phase rapide de minéralisation en début
d’incubation (10 –14 jours) (figures 1 et 2). Cette forte quantité de carbone minéralisé est due à la
présence d’éléments facilement biodégradables. En fin d’incubation, on observe une baisse du
taux de minéralisation due à la disparition d’éléments faciles à biodégrader [4].

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Les figures 1 et 2 montrent deux grandes familles, une première famille composée des composts
d’ordures ménagères (OMG1, OMG2, OMG3, OMG4 et OMG5) qui présentent une forte
minéralisation en début d’incubation : après deux semaines 20% de carbone minéralisé et 25 à
30% après quatre semaines d’incubation. La deuxième famille est constituée par les composts de
déchets verts et de biodéchets (DV3, DV4 et DVBIO1) qui montrent une minéralisation assez
lente 5 à 10% après deux semaines et 7 à 12% après 28 jours.
Nous remarquons que OMG2 minéralise un peu moins que OMG1, ce qui confirme le Rottegrad.
Ces observations confirment celles d’autres auteurs [4, 8]. Pour les composts de déchets verts et
de biodéchets, la proportion de carbone minéralisé varie de 7,5 (DV3) à 10,4 (DV4). Cette
proportion est de 21,88 (OMG2) à 25,87 (OMG1) pour les composts d’ordures ménagères. Ces
résultats sont les mêmes que ceux obtenus par Garcia et al en 2003 sur un compost végétal (11%
à 15% de carbone minéralisé) [5]. Francou (2003) pour des composts de déchets verts de six mois
obtient des taux de 6 à 9% de carbone minéralisé [4].

35

30

25
C minéralisé (% COT)

20

15

10

0
0 5 10 15 20 25 30
Temps en jours

OMG5 OMG1 OMG2 OMG4 DVBIO1 DV3 DV4

Figure 1 : Cinétiques de minéralisation du carbone en % COT de tous les composts étudiés.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1000

900
800

C-CO2 (mg/Kg de sol sec)


700

600
500
400

300

200
100

0
0 5 10 15 20 25 30
Temps en jours

SOL OMG5 OMG1 OMG2


OMG4 DVBIO1 DV3 DV4

Figure 2 : Cinétiques de minéralisation du carbone en mg/kg de sol sec de tous les composts étudiés

4.2 Etude de la stabilité des composts

Le degré de stabilité d’un compost traduit l’aptitude de la matière organique du compost à résister
à une dégradation microbienne lorsqu’il est incorporé au sol. Ce degré de stabilité est évalué lors
des incubations en conditions contrôlées.
Francou (2003) appelle coefficient de biodégradabilité à 28 jours (CB28), la proportion de
carbone organique du compost minéralisé en 28 jours d’incubation à 28 °C dans des mélanges
sol-compots. A partir de ce coefficient, il a défini cinq classes de stabilité allant du compost très
instable au compost très stable (tableau 4) [4].

Tableau 4 : Classes de stabilité basée sur la minéralisation du carbone en conditions contrôlées [3].

C minéralisé (% COT) [0 ; 6] ] 6 ; 10] ] 10 ; 15] ] 15 ; 23] > 23


Moyennement
Classe de stabilité Très stable Stable Instable Très instable
stable

Les résultats de minéralisation nous ont permis de classer les composts dans les cinq classes de
stabilité proposées. Les degrés de stabilité par rapport au carbone organique des composts étudiés
sont ceux du tableau 5.

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Tableau 5 : Degré de stabilité des composts étudiés

Echantillons Age C minéralisé (%COT) à 28 jours Degré de stabilité


OMG1 5 mois 25,8 Très instable
OMG2 4 mois 21,8 Instable
OMG4 2 mois 29,6 Très instable
OMG5 12 mois 30,6 Très instable
DV3 6 mois 7,5 Stable
DV4 5 mois 10,4 Moyennement Stable
DVBIO1 6 mois 11,9 Moyennement Stable

On remarque que plus la quantité de carbone minéralisé est élevée moins le compost est stable.
Ce qui nous emmène à établir pour nos échantillons le diagramme de la figure 3. Les composts de
déchets verts apparaissent comme ceux qui ont la matière organique la plus stable, ces composts
peuvent donc être considérés comme mûrs.
A durée de compostage égale, les composts d’ordures ménagères sont moins stabilisés que les
composts de déchets verts malgré un procédé accéléré (exemple OMG1 et DV4). La stabilisation
de la matière organique est plus rapide pour les composts issus de déchets verts. On observe
aussi l’effet de l’âge et/ou du processus dans la stabilisation des composts de déchets verts. En
effet, DV3 apparaît plus stabilisé que DV4. La durée de maturation de cinq mois et le processus
accéléré par insufflation utilisé pour la fabrication de DV3 peuvent expliquer cette situation.

35

30

25

C 20
minéralisé
(% COT) 15

10

0
OMG5 OMG1 DVBIO1 DV3

Figure 3 : Quantité totale (% COT) de carbone minéralisé au cours des incubations en conditions contrôlées des
composts étudiés.

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5 Influence du procédé de compostage sur la maturité des composts étudiés

Les différents paramètres qui ont une influence sur la stabilité de la matière organique des
composts après observations des différents procédés utilisés par les plates formes sont :
- La durée de la fermentation et de la maturation,
- Le criblage en fin de fermentation,
- Les retournements pendant la fermentation et pendant la maturation,
- Le système de compostage : système lent, accéléré avec aspiration ou insufflation, avec
BRS ou en Silo.
D’une manière générale une durée de compostage suffisamment longue permet d’avoir un
compost avec un degré de stabilité élevé. On observe l’influence de la durée de compostage avec
les échantillons DV1, DV2, DV3, OMG4 et OMG1. Les composts DV1 et DV2 avec une durée
de fermentation et de maturation élevée sont très stables. Cette observation est seulement vérifiée
dans le cas des composts de déchets verts. Pour les composts d’ordures ménagères, même avec
une durée suffisamment longue, le compost n’atteint pas un degré de stabilité satisfaisant. C’est
le cas avec l’échantillon OMG5 âgé de 12 mois. D’autres paramètres que nous verrons après tels
que le criblage et les retournements pourraient également influer. L’utilisation d’un système de
compostage accéléré avec insufflation ou aspiration de l’air permet de réduire la durée. Nous
observons cela avec les échantillons DV3 et OMG4.
Le criblage en fin de fermentation joue aussi sur la stabilité de la matière organique des
composts. On observe l’effet du criblage sur les échantillons OMG1, DV4, DV5, DV6, et
DVBIO1. L’échantillon DV4 bien que moins âgé et sans période de maturation, qui a été criblé
en fin de fermentation, a le même degré de stabilité que les composts DV5, DV6 et DVBIO1.
L’instabilité observée avec OMG1 serait en partie due au manque de criblage en fin de
fermentation. Le criblage en fin de maturation n’a pas en général beaucoup d’effets sur la
maturité des composts, il est beaucoup lié à l’usage ultérieur du compost [4, 9].
Les retournements pendant la fermentation et pendant la maturation sont aussi des facteurs qui
conditionnent la stabilité des composts. En effet, ils permettent une aération du tas et l’exposition
de nouvelles surfaces à la biodégradation [4]. L’instabilité de la matière organique de OMG1 et
OMG3 est due en partie au faible nombre de retournements malgré la durée très longue de
compostage.
L’utilisation d’un système de compostage accéléré avec insufflation permet de réduire la durée de
compostage, le nombre de retournements et d’assurer une stabilité de la matière organique. Les
déchets verts sont ceux qui présentent une relative souplesse pour le compostage par rapport au
système à utiliser. Par contre avec les ordures ménagères, il convient de combiner plusieurs
paramètres (durée, retournements, criblage, système avec BRS ou en silo) pour obtenir des
composts avec un niveau de stabilité de la matière organique satisfaisant. Une ventilation avec
des retournements et ou des criblages permet une meilleure homogénéité du compost [9].

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6 Conclusion

Les analyses effectuées sur des échantillons de composts provenant de divers sites du groupe
ONYX Véolia Environnement (France) nous ont permis d’établir le lien : type de déchets –
process - qualité du compost.
Les différents résultats montrent une influence du type de déchets sur la qualité du compost.
Ainsi, les composts produits à partir des déchets verts sont ceux qui atteignent rapidement un
degré de stabilité élevé de leur matière organique. Cette maturité peut être atteinte après au moins
trois mois de compostage. Les composts d’ordures ménagères présentent les taux de matière
organique les plus élevés et libèrent plus de carbone après minéralisation.
Quel que soit le type de composts, les courbes de minéralisation du carbone organique présentent
une même allure, preuve que le processus de minéralisation est identique mais avec des
amplitudes variant en fonction de la teneur en carbone des échantillons.
Le procédé utilisé a beaucoup plus d’influence pour le traitement des déchets à base d’ordures
ménagères. En effet, les degrés de maturité sont variables d’un compost à l’autre selon le procédé
utilisé, mais en général une longue période de maturation avec des retournements est à
préconiser. Un criblage précoce à maille faible (10 mm) après la phase de dégradation accélérée
peut avoir un effet néfaste sur la maturation par suite d’une absence d’oxygène nécessaire à
l’activité de biodégradation des microorganismes durant le compostage.
Des deux tests de maturité utilisés, le test d’auto échauffement semble être plus fiable que
l’indice Solvita. En effet, le second surestime la maturité des composts et ne confirme pas
souvent les résultats de la minéralisation du carbone en conditions contrôlées alors que l’auto
échauffement d’un compost traduit directement la quantité de carbone organique contenu dans
l’échantillon.
Le compostage est un mode de traitement et de valorisation des déchets respectueux de
l’environnement à cause du fait qu’on ne constate pas de rejets incontrôlés, ensuite la production
d’un amendement organique en vue de l’épandage permet de rendre au sol ce qui y a été puisé.
La boucle est ainsi bouclée par ce biais, les utilisations annexes d’amendements chimiques sont
alors réduites.

7 Bibliographie

[1] FCQAO. 1994. Methods book for the analysis of compost - Kompost information.
Nuremberg. 1994. Ed. BGK. 230 pages.
[2] Riffaldi R, Levi-Menzi R, Pera A and De Bertoldi M. Evaluation of compost maturity
bymeans of chemical and microbial analyses. Wastes managements and research. 1986. 4 :
387-396.
[3] Vallini G, Pera A, Vadrighi M and Cecchi F. Process contraints in source-collected vegetable
waste composting. Wat. Sci. Tech 1993. 28 (2) 229-236.
[4] Francou, C. Stabilisation de la matière organique au cours du compostage de déchets urbains :

123
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

influence de la nature des déchets et du procédé de compostage ; recherche d’indicateurs


pertinents. Paris. Thèse de Doctorat de l’institut National Agronomique Paris – Grignon. 2003.
242 pages.
[5] Garcia C, Hernandez T, Costa F and Pascual JA. Phytotoxicity due to the agricultural use of
urban wastes:Germination experiments. J. Sci. Food agric 1992. 59 : 313-319.
[6] Avnimelech Y, Bruner M, Ezrony I, Sela R and Kochba M. Stability indexes for municipal
solid waste compost. Compost Science and Utilization 1996. 4 (2) 13 – 20.
[7] Changa CM, Wang P, Watson ME and Hoitink HAJMF. Assessment of the reliability of a
commercial maturity test kit for composted manures. Compost Sciences and Utilization 2003.
11 (2) 125-143.
[8] Garcia-Gomez A, Bernal MP and Roig A. Carbon mineralisation and plant growth in soil
amended with compost samples at different degrees of maturity. Waste management Research.
2003. 21 : 161-171.
[9] Devisscher, S. Le compost : propriétés et valorisation. Picardie. Mémoire de DESS.
Université Picardie. 1997. 60 pages.

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MAITRISE DES DECHETS SOLIDES URBAINES ET DE


L’ASSAINISSEMENT DE LA VILLE DE BANGUI

Barthélemy LAMBA
Agro-environnementaliste, Enseignant-chercheur Université de Bangui

Résumé

Le bilan de la gestion des déchets solides urbains et de l’assainissement de la ville de Bangui est
loin d’être positif au regard de la mobilisation des acteurs de la société civile et des institutions
étatiques impliquées dans la recherche d’un environnement propice et durable.
L’objectif assigné à ce travail est d’amener les populations à prendre en charge elle-même la
gestion de leur environnement à partir d’une méthodologie axée sur la mixité sociale et de la
connaissance de l’état des lieux en terme d’insalubrité et de pollution. Il s’agit ici de mettre à la
disposition de la population un paquet technologique de gestion des déchets solides et de
l’assainissement élaboré en partenariat avec la population elle-même en vue de prévenir et de
sauvegarder la santé publique.
Au vu des résultats préliminaires, il ressort aujourd’hui que le problème de la qualité des eaux
constitue l’épicentre des risques sanitaires liés à l’eau potable encourus par les consommateurs
de Bangui et des environs. La détérioration de la qualité des eaux et à l’origine des maladies
hydriques constitue la principale source des risques sanitaires liés à l’eau.
Les politiques et les stratégies de la RCA en matière d’eau s’appuient sur le concept de la gestion
intégrée des ressources en eau (GIRE). L’eau des puits traditionnels extraite de la nappe
phréatique superficielle est largement consommée par les populations concernées. Elle couvre
environ 90% de leurs besoins en raison de la faible extension du réseau et de la production
limitée d’eau potable. La consommation d’eau des puits est en effet un problème majeur pour
cause du degré de pollution élevé.
Aussi, il est à noter la dénaturation de la qualité des eaux de surface. Les principaux canaux
collecteurs qui drainent les eaux de surface vers l’exutoire principal sont fortement chargés par
les ordures ménagères, les rejets commerciaux, les égouts et le plus souvent végétalisés. C’est ce
qui est à l’origine des inondations des quartiers de Bangui. En 2004, 12.096 personnes avaient
été affectées et 5 cas de décès avaient été enregistrés.
Au-delà de la simple gêne à la vie courante, les inondations ont des conséquences très graves
tant sur le plan sanitaire (submersion des latrines entraînant la contamination des puits, mise en
eau des gîtes larvaires, développement des maladies hydriques et du paludisme, accumulation
des déchets entraînés par le ruissellement …), qu’économique (pertes des maisons, érosion des
sols avec pertes de surfaces cultivables surtout chez les maraîchers …) et social (mort de
personnes…).
Cette étude financée par la Fondation Internationale pour la science (IFS) en Suède est en cours
de réalisation et nous pensons que beaucoup reste à faire sur le plan gestion des déchets solides

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urbains et de l’assainissement au niveau des arrondissements de la ville de Bangui. A cet effet,


des réflexions se poursuivent dans ce domaine.
Mots clés : déchets, insalubrité, maladies hydriques, assainissement, santé publique, Bangui, RCA

1 Introduction

Bangui, capitale de la République Centrafricaine est confrontée depuis des années aux problèmes
de gestion des déchets solides urbains et aux problèmes d’assainissement. Les causes sont
multiples : d’abord on peut signaler la forte croissance démographique couplée à l’exode rural, la
métropolisation de la ville de Bangui avec ses conséquences dans le domaine de l’habitat, de
l’éducation, de la santé et de l’environnement et ensuite la non maîtrise de l’implantation de la
population les plus démunis dans les zones à habitats précaires surtout que Bangui a été fondée
sur un site précaire, un bourrelet alluvial sableux. Le fait que Bangui se trouve dans une zone de
plaine marécageuse, elle constitue à ce titre un risque permanent susceptible de compromettre la
vie des humains qui s’y habitent.
Aussi la prolifération du secteur informel conséquence de l’inadéquation formation/emploi et de
la restructuration du secteur privé ont été à l’origine de l’accélération du processus de
l’informalisation et de l’aggravation de la pauvreté (lamba, 2004).
Le faible taux de participation au marché de l’emploi et plus particulièrement de la population
jeune, les personnes déflatées, les diplômés sans emploi considèrent que la seule solution pour
sortir du marasme économique est de s’approprier de la rue. C’est souvent le secteur informel qui
les accueille et leur donne des moyens de subsistance. Ils s’investissent dans le commerce des
produits manufacturiers, des vivriers et autres produits dont les déchets sont susceptibles de
polluer notre environnement.
La dégradation des terres dans les zones rurales, les crises politico-militaires sont à l’origine de
déplacement des populations toujours à la recherche des conditions de vie descente et durable.
Aujourd’hui avec la dynamique démographique, les migrations des populations vers les villes
tendent à dégrader la qualité du cadre de vie. Quelles sont les mesures à adopter pour éviter à ce
que notre environnement ne soit trop dégradé ? Que faut-il faire au regard de la détérioration de
la qualité de l’eau, de l’augmentation du taux du paludisme et autres maladies susceptibles
d’altérer la santé de nos populations déjà sérieusement touchées par des crises politico-militaires.

2 Méthodologie

L’approche adoptée est basée sur une démarche de mixité sociale calquée sur l’approche
participative. Elle rend compte inéluctablement de la manière à laquelle la population s’est
résolument impliquée dans le processus de gestion des déchets solides urbains et de
l’assainissement de la ville de Bangui. La première étape a nécessité que l’on se réfère aux
documents existants qui d’une manière où d’une autre nous ont retracé l’historique de la ville de

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Bangui et aussi de la problématique de la maîtrise des déchets ménagers et de l’assainissement


de ladite ville.

3 Problématique de la maîtrise des déchets solides urbains et périurbains

La République Centrafricaine à l’instar des autres pays d’Afrique connaît depuis fort longtemps
le problème de gestion des déchets solides urbains et périurbains. L’état de l’assainissement de la
ville de Bangui à travers la gestion des déchets solides ménagers est très préoccupant. Les
activités de la population génèrent une grande variété de déchets : domestiques, commerciaux,
industriels etc. qui peuvent individuellement ou collectivement polluer notre environnement (
Glyna, 1972). L’environnement est défini comme un ensemble de systèmes naturels et sociaux
dans lequel l’être humain et les autres organismes vivent et tirent leurs subsistances selon la loi
cadre sur l’environnement qui est en cours de finalisation.

4 Principaux problèmes de gestion des déchets solides

Ils sont d’ordres institutionnels ou réglementaires, financiers ou matériels, techniques et


urbanistiques.

5 Problèmes institutionnels

On peut citer entre autres :


- insuffisance d’une démocratie locale réelle ;
- non implication des usagers/pollueurs ;
- insuffisance de coordination des actions ;
- absence d’une réglementation sur la gestion des déchets ;
- absence de politique de renforcement des capacités des ONG ;

6 Problèmes financiers/matériels/humains

- pauvreté et déficit budgétaire ;


- insuffisance de politique de financement ;
- insuffisance et inadaptation des équipements et matériels utilisés ;
- insuffisance des personnes qualifiées ;

7 Problèmes technique et urbanistique

- non maîtrise de l’urbanisation ;

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- prolifération des bidonvilles ;


- irrégularité des campagnes de sensibilisation et leur faible impact sur les populations ;
- faible taux de collecte ;
- mauvaise gestion des décharges existantes et contamination des ressources en sol et en eau ;
- méconnaissance des déchets et adoption de solutions techniques sur des bases peu fiables ;
- mauvaise gestion des déchets spéciaux provenant des hôpitaux et autres industries chimiques
(Savex, Brasserie, HUSACA, …) ;

8 Ces problèmes évoqués ci-dessus ont des conséquences drastiques :

Sur la population et le cadre de vie


- prolifération des vecteurs de maladies ;
- risques accrus de toxicité et d’asphyxie due à l’incinération sauvage des déchets inertes et aux
émanations des gaz dans les décharges ;
- inesthétismes du paysage qui entraîne une pollution visuelle ;
Sur les écosystèmes
- contamination généralisée de l’environnement urbain et des ressources en eau mobilisables ;
- risques accrus de disparition des écosystèmes très sensibles tels que les zones humides ;
- nuisances diverses (odeurs, inondations, …) ;
- développement des maladies hydriques (paludisme, diarrhée, dysenterie, typhoïde, dermatoses,
etc.).
Aujourd’hui le bilan de la gestion des déchets solides urbains dans la ville de Bangui reste très
mitigé au regard de la mobilisation des organisations non gouvernementales et de la société
civile. Les populations de Bangui ne sont informées du fait que les déchets biodégradables
peuvent être valorisés en vue de renforcer l’agriculture urbaine et périurbaine.

9 Problématique de la maîtrise de l’assainissement

Bangui a été fondée en juin 1889 sur un site précaire acquis à l’eau. De la création du poste
militaire sur le bourrelet alluvial sableux à l’extension de la ville dans la plaine marécageuse du
site à l’ouest des collines, Bangui a connu toutes sortes de contraintes liées aux diverses
manifestations de l’eau (pluies diluviennes, inondations, absence ou rareté de l’eau potable, etc.).
Ces contraintes se sont amplifiées dan le temps et persistent actuellement, en raison non
seulement de la croissance démographique et ses corollaires, qui les ont alimentées en relation
avec la géomorphologie locale et l’abondance des pluies mais aussi de l’insuffisance des
aménagements. En effet, les dynamismes démographiques et spatiaux expliquent l’acuité des
problèmes de l’eau à Bangui et dans les autres villes du pays : faible accès à l’eau potable,
fluctuations du niveau hydrostatique des puits traditionnels selon la variété annuelle ou
interannuelle de la pluviométrie, inondations urbaines et sur l’Oubangui, pollution des ressources
hydriques, question de l’assainissement.
La question de l’eau potable remonte aux origines de Bangui où l’eau de boisson était rare. A

128
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l’heure, plus de trois-quarts des personnes vivant dans la capitale ne sont pas connectées aux
réseaux d’adduction d’eau potable en raison des problèmes d’urbanisation ; cela veut traduire que
cette population consomme essentiellement l’eau des puits en majorité traditionnels qui est
polluée car se trouvant à proximité des latrines. Cela induit inexorablement la prépondérance des
maladies d’origine hydrique et compromet la santé de nos paisibles citoyens. Nous savons tous
que lorsque la saison sèche est marquée, les puits tarissent et les besoins en eau se font sentir.

10 Inondations

L’abondance ou la violence relative des pluies entraîne à Bangui des inondations à l’échelle de la
ville, particulièrement le long des petits cours d’eau façonnés en collecteurs d’eaux pluviales
issues du ruissellement. Car l’infiltration amoindrie par la compaction du sol nu urbain accroît le
ruissellement pluvial (Nguimalet, 2006). La concentration des eaux dans les collecteurs ainsi que
dans les zones basses marécageuses actuellement colonisées par l’habitat, est souvent à l’origine
des inondations urbaines.
Au-delà de la simple gêne à la vie courante, les inondations ont des conséquences graves tant au
plan sanitaire (submersion des latrines entraînant la contamination des puits constituant la
principale source d’eau potable, mise en eau de gîtes larvaires, développement des maladies
hydriques et du paludisme, accumulation des déchets entraînés par le ruissellement…), qu’au
plan économique (pertes des denrées, destruction des maisons, érosion avec pertes des surfaces
cultivables surtout les cultures maraîchères et social (mort d’hommes, perturbation de la
circulation …).

11 Eaux de surface

Les principaux canaux collecteurs qui drainent les eaux de surface vers l’exutoire principal sont
fortement chargés par les ordures ménagères, les rejets commerciaux et des eaux domestiques. Ce
qui dénature inexorablement la qualité des eaux de surface.
On note une difficile maîtrise des ressources en eaux de surface du fait que ce n’est pas une
préoccupation première de la population au regard de l’abondance de l’eau enregistrée au niveau
de la ville et que valoriser les eaux de surface même par les techniques traditionnelles ne rentrent
dans le comportement quotidien de la population. Nous pensons qu’il est important du fait que
ces dernières années la République centrafricaine est menacé de problème de perturbation
climatique qu’il faille prendre des mesures qui s’imposent en vue de faire face à cette avancée à
grand pas du désert.

12 Eaux souterraines

Les nappes phréatiques sont dans la plus part des cas superficiels de l’ordre de 10 m de
profondeur en moyenne. Lorsque la topographie s’y prête, certaines sources affleurent et sont le

129
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

plus souvent sujettes à la contamination du fait de déversement des déchets ménagers et des
égouts.
La disponibilité des eaux souterraines est observée pendant la saison pluvieuse. En effet, les sols
ferrallitiques de par leur porosité élevée assurent une régulation des stocks hydriques. Ces nappes
d’eau souterraines sont alimentées de façon continue surtout entre Avril et Novembre de chaque
année. Environ 30 % de la lame d’eau tombée s’infiltre et participe à la recharge de la nappe
phréatique (Nguimalet et al, 2005).
A cette période la population n’éprouve de difficultés que sur le problème de la qualité de cette
eau puisqu’on constate que malgré les efforts consentis ces dernières années par les organisations
non gouvernementales (DEDED, CEDIFOD, Best Fonder…) le problème de la qualité d’eau de
puits se pose avec acuité car ces organisations sont limitées financièrement dans leur intervention
et qu’il n’y a aucune politique du Gouvernement orientée vers la conscientisation de la
population pour une prise de conscience effective de l’état de l’environnement en République
Centrafricaine.

13 Problèmes de qualité des eaux

Les travaux de certains auteurs (Nguimalet et al, 2005) montrent que le problème de la qualité
d’eau constitue l’épicentre des conflits et risques liés à l’eau potable encourus par les
consommateurs potentiels que sont les populations de Bangui et des environs. La détérioration de
la qualité de l’eau est à l’origine des maladies hydriques.

14 Risques de désastres naturels

La chaîne de collines de Gbazabangui représente depuis fort longtemps un risque permanent au


regard de la topographie très accidentée. Selon Boulvert (1976), on peut la considérer comme un
démantèlement de la surface centrafricaine dont on retrouve quelques témoins.
Les sommets rocheux des collines et les escarpements sont généralement constitués de sols
squelettiques (lithosols ou sols minéraux brut et sols peu évolués d’érosion) (Kokamy, 1994). Ils
devraient être intégralement protégés de l’érosion.
Les travaux effectués par le projet de gestion participative des ressources naturelles n’ont pas été
à la hauteur des attentes du fait que la colline de Gbazabangui continue à être le théâtre des
agressions par la population vivant dans une extrême pauvreté.
Les phénomènes d’éboulement, de transport de terres sont toujours observés dans la partie nord-
est de Bangui. Ils se manifestent le plus souvent au moment des orages où les eaux de
ruissellement se chargent des terres et se déposent dans les principaux canaux collecteurs d’eaux
excédentaires. Les dépôts de terres couplés aux déchets solides ménagers sont à l’origine de
problème d’inondation avec des conséquences désastreuses sur le plan environnemental et
sanitaire.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

15 Conclusion

La question des déchets est avant tout humaine avant d’être technique et doit requérir une
certaine prudence quant au choix et option à définir. La production des ordures ménagères ne
cesse de croître dans la ville de Bangui en croissance continuelle tant sur le plan démographique
que sur le plan occupation de l’espace. Il devient impérieux de mettre en place des stratégies
pouvant maîtriser les déchets solides urbains. La première solution est d’abord la prise de
conscience de l’état de notre environnement par nos populations elles mêmes avant de prétendre
renforcer la capacité organisationnelle des structures traitant de la question.
Si aujourd’hui la gestion des déchets est maîtrisée on peut dire aussi que l’assainissement est
maîtrisé.

16 Bibliographie

Boulvert Y., 1976 : Notice explicative n°4 : Carte pédologique de la République Centrafricaine à
1/200.000, ORSTOM, Bondy, 116p. ;
Kokamy S., 1994 : Erosion et dégradation des collines de Bangui :impacts sur le milieu urbain,
bilan des trois années d’études, 76p. ;
Lamba B., 2004 : la rue, concurrence pour l’espace, ouagadougou, Burkina Faso, 17p. ;
Nguimalet C., 2005 : Gestion de la qualité de l’eau, conflits et risques dans la ville de Bangui,
pp325-334 ;
Nguimalet C., 2006 : Dynamique Eau-Population-Santé, Gestion rationnelle des Ressources en
eau en situation de pénurie, 4p.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

ANALYSE DE L’IMPACT DES NUISANCES DUES A LA DECHARGE


D’AKOUEDO SUR LA SANTE DES POPULATIONS RIVERAINES ET
UTILISATRICES (ABIDJAN-COTE D’IVOIRE)

Sylvain AMALAMAN1, Florent Ahou BOTTO2, Florent Manan IREGBE3


1 : Ingénieur du Genie Sanitaire, Chargé d’Etudes à l’Agence Nationale De l’Environnement De Côte d’Ivoire
(ANDE-CI). ADRESSE POSTALE : 08 BP 09 ABIDJAN 08; COURRIEL : a_sylvain2001@yahoo.fr
2 : Ingénieur Genie Sanitaire Chargé d’Etudes au Cabinet EHOULE en Côte d’Ivoire ADRESSE POSTALE: 20 BP
347 ABIDJAN 20
3 : Technicien Supérieur de Santé, Option : Hygiène et assainissement, Chargé d’Etudes à l’Agence Nationale De
l’Environnement De Côte d’Ivoire (ANDE-CI). ADRESSE POSTALE: 08 BP 09 ABIDJAN 08; COURRIEL:
florent_manan@yahoo.fr

Résumé

L’un des problèmes environnementaux auquel doit faire face toute agglomération marquée par
une démographie galopante et une urbanisation rapide comme la ville d’Abidjan est la gestion
rigoureuse des déchets solides urbains.
Abidjan est une ville qui s’est dotée il y’a environ 41 ans (1965) pour l’élimination de ses déchets
solides d’une décharge à ciel ouvert située à 16 Km de la ville, sur l’axe Abidjan-Bingerville
mais à proximité du village d’Akouédo. Exploitée sans aucun respect des règles recommandées
pour une décharge classique, cette décharge est source de nuisances entraînant de nombreuses
maladies.
C’est pour mieux identifier ces nuisances en vue de leur atténuation, cerner les conditions socio-
sanitaires dans lesquelles vivent les populations et les différents problèmes de santé qu’elles
rencontrent, proposer des solutions de rémédiation, qu’une enquête a été conduite au sein de 274
ménages dont 74 ménages utilisateurs de la décharge, 100 ménages riverains et 100 ménages
éloignés du site pris comme témoins. Cette enquête a été suivie d’une analyse physico-chimique
et microbiologique d’échantillons de lixiviat et d’eau de la lagune Ebrié en trois points pris le
long de l’écoulement du lixiviat et un sur les berges de la lagune Ebrié.
Il en ressort de l’étude que :
96% des ménages riverains et 34% des ménages utilisateurs perçoivent les nuisances de cette
décharge. En termes d’odeur, ils sont 27% des riverains et 26% des utilisateurs à les percevoir
(odeurs de fumées et de putréfaction des déchets en décomposition). 22% des riverains et 20%
des utilisateurs pensent qu’elle est une source de nombreuses maladies.
Le lixiviat qui s’écoule de la décharge jusqu’à la lagune Ebrié à 2,1km, a de fortes
concentrations en NH4+ et en germes pathogènes pour modifier la qualité de cette eau.
En somme, cette décharge dégrade la qualité de l’eau de la lagune, du sol, de l’air et produit des
effets sur la santé des riverains et des utilisateurs. La création d’un CET, puis la réhabilitation

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

de cette décharge s’impose. Le traitement du lixiviat issu de cette décharge avant tout rejet dans
la lagune, la limitation de l’accessibilité à cette décharge aux populations, la reconversion des
récupérateurs informels, la ceinture de cette décharge d’une haie d’arbres pour atténuer les
odeurs des déchets sont entres autres propositions de solutions qui ont été évoquées.

1 Introduction

La dégradation de l’environnement et des écosystèmes qui soutiennent la vie est à l’origine des
problèmes de santé environnementale. Cette dégradation se manifeste sous diverse formes :
pollution de l’air, de l’eau, du sol et des aliments. Un environnement biophysique exempt de
déchets d’origines anthropiques engendre moins de problèmes de santé publique. En
l’occurrence, les déchets solides urbains sont une source importante de dégradation de
l’environnement et constitue l’un des problèmes majeurs auxquels doit faire face toute
agglomération qui en produit en grande quantité.
Les capitales Africaines au Sud du Sahara, parmi lesquels la ville d’Abidjan sont marquées par
une urbanisation rapide et une démographie galopante créant des problèmes environnementaux.
Parmi ces problèmes l’on compte celui de la gestion des déchets produits par les ménages, le
commerce et les services publics. De quelques tonnes des déchets produits en 1955 à la veille de
son indépendance en Abidjan la production annuelle est passée à 982 220,4 tonnes en 1996
(Sane, 2002). Aujourd’hui on est à plus d’un million de tonnes selon la Direction de
l’environnement du District d’Abidjan. Face à ce défi d’élimination sécuritaire des déchets,
Abidjan s’est doté depuis 1965 d’une décharge à ciel ouvert située à 16 km de la ville mais à
proximité du village d’Akouédo. Des tonnes de déchets y sont déversées chaque jour sans aucun
respect des règles strictes recommandées pour une décharge contrôlées classique. Ce site se
présente comme un cadre idéal de développement de nuisances qui sont des caractéristiques
connus des sites d’enfouissements sanitaires. Celle de générée du biogaz par le processus de
digestion anaérobie et du lixiviat. Si le biogaz peut être récupéré pour produire de l’énergie, il
n’en est pas de même du lixiviat qui peut s’infiltrer dans le sous- sol pour contaminer l’eau
souterraine ou regagner les rivières, les lagunes via les eaux de ruissellement, s’il n’est pas
collecté puis traité. Le dioxyde de carbone et le méthane émanant de la décharge d’Akouédo sont
des gaz à effet de serre participant au phénomène de réchauffement global de la planète. Le
lixiviat produit s’écoule dans la lagune Ebrié, laquelle lagune est utilisée pour la pêche par les
populations.
La présente communication:
• Identifiera les différents types de nuisances dues à la décharge d’Akouédo,
• Evaluera l’impact de certaines d’entre elle sur la ressource en eau, en analysant des
échantillons de lixiviat et d’eau de lagune,
• Proposera des solutions de remédiation

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

2 Contexte

2.1 Cadre physique

2.1.1 Situation géographique


La Côte D’Ivoire est un pays de l’Afrique de l’Ouest. Elle fait frontière avec le Libéria et la
Guinée à l’Ouest, le Mali et le Burkina au Nord, le Ghana à l’Est et le Golfe de Guinée au Sud.
L’agglomération d’Abidjan ou le district d’Abidjan, capitale économique et administrative est
située au Sud de la Côte d’Ivoire. Elle comporte 13 communes dont la commune de Cocody qui
abrite la décharge d’Akouédo et les villages d’Akouédo, d’Akouédo Attié et d’Anono.
La décharge d’Akouédo est située à environ 16 km du centre ville sur l’axe Abidjan- Bingerville.
2.1.2 Description du site
La décharge d’Akouédo qui a été mise en exploitation depuis 1965. L’amoncellement des déchets
s’élève de 2 à 4 m par endroits au dessus du niveau de la route et s’abaisse graduellement vers
l’Est en direction d’un ravin. Le site a une superficie totale de près de 100 ha.

2.2 Gestion des déchets à Abidjan

La quantité de déchets générés par la ville d’Abidjan a augmenté continuellement en corrélation


avec sa démographie galopante. En 1991 la quantité moyenne générée était de 2126 tonnes par
jour et aujourd’hui la production journalière tourne autour de 3000 tonnes. De toutes ces
quantités, seuls environs 53,65% des déchets sont effectivement collectés et mis en décharge avec
un peu plus du tiers des déchets industriels et certains déchets dangereux (hospitaliers
notamment).
Evolution de la quantité d’ordures mises en décharge

Année 1965 1992 1996 2000 2003


Tonnage 145 620 441 971 526 962 712 785 818 114

Cadre institutionnel et réglementaire de la gestion des déchets

La gestion des déchets fait intervenir deux groupes d’acteurs. Le premier dont la fonction est
politico- administrative comprend :
- Ministère en charge de la santé et de l’Hygiène Publique en collaboration avec le Ministère
chargé de l’environnement assure la tutelle technique. Le Ministère chargé de l’économie et des
finances assure le paiement partiel de la gestion des déchets. Le Ministère chargé de
l’administration du territoire assure la tutelle administrative des communes et du District
d’Abidjan. Le District d’Abidjan assure la collecte, la mise en décharge, le balayage des rues et le
curage des caniveaux. L’Agence Nationale de l’Environnement (ANDE) a en charge de mettre en
œuvre la Stratégie et le Programme National de Gestion des Déchets.
Le second groupe, appelé acteurs techniques, est composé des intervenants directs sur le terrain ;

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Il s’agit du secteur formel et du secteur informel. Le secteur formel est représenté par six
entreprises de collecte. Les acteurs du secteur informel sont les ménages, principaux générateurs
de déchets et les précollecteurs. Les communes sont chargées de la précollecte.
En matière de gestion des déchets, la loi numéro 96-766 du 13 octobre 1996 portant code de
l’environnement a été prise et stipule en son article 33 que toute personne a le droit fondamental
de vivre dans un environnement sain et équilibré. En ce sens, tous les déchets (notamment les
déchets hospitaliers et dangereux) doivent être collectés, traités et éliminés de manière
écologiquement rationnelle afin de prévenir, supprimer ou réduire leurs effets nocifs sur la santé
de l’homme, sur les ressources naturelles, sur la faune et la flore et sur la qualité de
l’environnement.

3 Problématique

La décharge d’Akouédo, décharge « sauvage », a pratiquement 40 ans d’existence ; il s’y échappe


du biogaz ainsi que du lixiviat non collecté ni traité qui regagne la lagune Ebrié à 2,1km en aval
de la décharge.
Le fond de la décharge est non imperméabilisé. Le lixiviat stagne par endroit, s’il ne s’écoule pas
dans la lagune, s’infiltre dans la nappe phréatique qui se trouve à une vingtaine de mètres de
profondeur.
Des cultivateurs utilisent souvent le lixiviat en stagnation dans la décharge pour arroser leurs
cultures. A la pause, ils se désaltèrent et se restaurent chez des vendeuses de mets installés sur le
site. Le vent soulève par moment les odeurs des déchets en putréfaction et des fumées issues des
feux de la décharge vers ces habitations autour de la décharge. Ces odeurs drainent aussi les
mouches et autres insectes vecteurs de maladies, empêchant les populations de vivre dans un
environnement sain.
En somme, il se pose des problèmes de santé publique et de dégradation de l’environnement
autour de la décharge d’Akouédo. En l’absence de solutions et d’actions appropriées aux diverses
nuisances, la situation à Akouédo risque de tourner au drame :
La contamination du sol, de l’air, de la nappe phréatique et de l’eau de la lagune par les odeurs ou
le lixiviat issus des déchets est très prononcée ;
Les risques d’explosion et d’asphyxie sont énormes, ainsi que ceux de la propagation des
incendies jusqu’aux habitations autour de la décharge ;
Les blessures et la prévalence des maladies telles que le tétanos, la fièvre typhoïde, la dysenterie
amibienne, le choléra, les maladies pulmonaires, les dermatoses peuvent être importantes ;
- Les risques de maladies oculaires, respiratoires, dermatoses et les problèmes digestifs dus
à une exposition aigue à la toxicité des gaz dangereux consécutifs à l’incinération sauvage
des plastiques et de vieux papiers seront élevés.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

4 Objectifs

L’objectif consiste à supprimer les nuisances dues à la décharge d’Akouédo.


Pour ce faire il s’agira :
d’identifier les différents types de nuisances dues à la décharge d’Akouédo ;
d’évaluer l’impact de certaines d’entres elles sur la ressource en eau, en analysant des
échantillons de lixiviat et d’eau de lagune ;
- de proposer des solutions.

5 Approche méthodologique

L’approche méthodologique a consisté à :


- la recherche documentaire sur la thématique
- l’élaboration des outils de collecte des données
- la collecte de données
- la réalisation des travaux de laboratoire

6 Résultats de l’enquête

6.1 Les résultats obtenus à la suite du traitement des données relatives aux nuisances dues à la
décharge et ressenties par les populations.

Les odeurs provenant de la décharge, la prolifération des vecteurs de maladies, la décharge


comme source de maladie sont les principales nuisances perçues par 96% des populations
riveraines. Face à l’absence de puits régulièrement utilisés par les populations dans la zone, il est
difficile de percevoir le phénomène de contamination de l’eau du sous sol. C’est pourquoi cette
contamination de l’eau du sous-sol reste moins citée par les enquêtés (seulement 15% des
riverains et 2% des utilisateurs).
Chez les utilisateurs, la perception de la décharge en termes de nuisance se fait avec une intensité
moindre. 14% seulement des utilisateurs reconnaissent percevoir les nuisances dont 26%
perçoivent les odeurs, 20% considèrent la décharge comme source de maladie, 19% voient la
décharge comme nuisance auditive et 18% pensent qu’elle fait proliférer les vecteurs de
maladies.
Chez les témoins, à environ 7km de la décharge, 58% perçoivent les odeurs qui proviennent de la
décharge surtout en saison pluvieuse.
La perception à un degré moindre des odeurs de la décharge par les utilisateurs que les riverains
est due par certains facteurs externes comme l’exposition prolongée à des gaz, vapeur ou
particules irritantes contribue à altérer quantitativement et qualitativement la perception des

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

odeurs. En effet, 15% des utilisateurs contre 14% des riverains ont durée plus de 10 ans sur le site
de l’enquête. Entre autre facteurs externes, il y a le facteur personnel comme le sexe (les femmes
sont plus sensibles selon la plupart des études) (61% des enquêtés chez les riverains sont des
femmes contre 28% chez les utilisateurs). Et aussi, un phénomène d’adaptation se manifeste par
une baisse dans le temps de l’intensité de l’odeur perçue (Gerin et al, 2003).
La décharge d’Akouédo génère des nuisances dont les principales sont :
les odeurs
les bruits
la pollution visuelle
la prolifération des vecteurs de maladies (mouches, moustiques et rongeurs)
- le lixiviat qui s’écoule jusqu’à la lagune Ebrié
Les ordures déversées à même le sol ne sont pas recouvertes de matières inertes en fin de journée,
il s’ensuit le dégagement du disulfure de diméthyle et le sulfure d’hydrogène qui sont les types de
contaminants responsables des odeurs (Gerin et al, 2003) ou après fermentation, une production
de biogaz composé en grande partie de CH4 et CO2.
Les véhicules de tout type (camions tasseuses, bennes, porte coffre etc.) de ramassage d’ordures
qui fréquentent quotidiennement les lieux de la décharge font du bruit par le vrombissement des
moteurs et rejettent par combustion de l’essence utilisé, du monoxyde de carbone et autres
métaux lourds comme le plomb.
L’incinération sauvage des plastiques et les vieux papiers produits également par combustion
incomplète du monoxyde de carbone.
La plupart de ces polluants constituent un risque pour la santé des populations :
- les expositions aux odeurs environnementales en général peuvent causer des maladies
dont les symptômes relèvent de système variés : cardio-vasculaire, pulmonaire, digestif et
d’autres symptômes généraux tels que la fatigue, les céphalées et le manque d’appétit
(Gerin et al, 2003) ;
- Le diméthyle et le sulfure d’hydrogène peuvent causer des symptômes d’irritation des
yeux et des muqueuses des voies respiratoires supérieures (Gerin et al, 2003) ;
- Le monoxyde de carbone pose un problème particulier du fait de sa forte affinité pour
l’hémoglobine ; il compromet fortement le transfert de l’oxygène, détruit les poumons
jusqu’aux tissus. Ce qui engendre des troubles cardio-vasculaires du système nerveux
moteurs ; A forte dose, il est mortel par asphyxie et à faible dose, il peut entraîner les
maux de tête, les vertiges.
- Le dioxyde de carbone est un gaz asphyxiant qui agit par réduction de la quantité
d’oxygène amenée aux poumons par dilution ; avec le méthane, ce sont des gaz à effet de
serre ;
- Le bruit altère la structure du sommeil qui a fonction réparatrice sur la fatigue physique et
mentale et participe au maintien du métabolisme et donc la conservation de la santé
(Gerin et al, 2003) ;
Par ailleurs, cette mauvaise gestion des ordures ménagères favorise la prolifération des vecteurs
de maladies. Comme vecteur, nous avons les mouches qui sont des vecteurs vicariants de

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

l’amibiase, la shigellose, la bacillose et diverses myases (Same, 1995).


Toutes ces nuisances ont des effets qui semblent affectées les riverains et les utilisateurs.
Les fortes et presque mêmes proportions d’utilisateurs et de riverains (88% des utilisateurs et
86% des riverains) tombant régulièrement malades comparées à la proportion de ménage témoins
(81%) laissent supposer que plus l’on s’éloigne de la décharge moins l’on tombe malade.

6.2 Les résultats des dosages physico-chimiques et microbiologiques

L’une des nuisances que génère la décharge d’Akouédo est le lixiviat qui suinte de la masse des
déchets et s’écoule jusqu’à la lagune. Des prélèvements ont été faits en différents points le long
de son écoulement et en un point beaucoup plus éloigné au niveau de la lagune.

Paramètres physiques, chimiques indicateurs de la pollution chimique et germes de contamination fécale mesurés
aux points A, B, C et D (analyse effectuée du 4 au 7 novembre 2004).

Au fur et à mesure qu’on se rapproche de la décharge, les teneurs en ces différents éléments
chimiques minéraux, microbiologiques augmentent dans l’ensemble et de fortes valeurs auraient
pu être obtenues si l’on échantillonnait au niveau de la zone en exploitation actuelle. Le pH
confirme l’âge de la décharge qui est de 41 en variant entre 7,98 et 8,28 donc restant supérieur en
tout point de mesure à 7,50 (Wethe, 2001).
La forte concentration en NH4+ observée au point B est due à l’écoulement lent du lixiviat en cet
endroit provoquant sa stagnation et l’accumulation en cet élément.
Les teneurs élevées en CF et SF au point D s’expliquent par le fait qu’il y ‘ait un apport de
germes pathogènes par les nouveaux déchets apportés ; en effet, en aval du point C, il existe la
nouvelle zone en exploitation de la décharge. Les apports en lixiviat d’âge plus récent sont donc à
l’origine de la forte concentration en cet endroit.
La variabilité des paramètres dans le temps est due essentiellement à la composition des déchets
et à leur mode de décomposition d’une par et d’autres part au mode d’exploitation de la décharge.
Au point C, point de rejet final de l’eau du lixiviat à la lagune, les teneurs en NH4+ , CF et SF
dépassent les normes exigées pour une eau de baignage. En conséquence, l’eau de lixiviat de la
décharge doit subir un traitement pour réduire la charge en CF et SF, ainsi qu’en éléments

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

phosphorés et azotés avant sont rejet dans l’eau de la lagune.

7 Conclusion et recommandation

La décharge d’Akouédo telle qu’exploitée génère des nuisances, au nombre desquelles les
odeurs, le bruit, la dégradation du sol et de la qualité de l’eau de la lagune. Les fortes
concentrations en NH4+, CF et SF obtenues au point de rejet final du lixiviat, montrent qu’elle a
une influence sur les paramètres qui rendent compte de la qualité de l’eau de lagune. Aussi la
prédominance des infections respiratoires aigues telles que le rhume, des maladies diarrhéiques
chez les populations riveraines ou utilisatrice indiquerait qu’elle a une influence sur la santé des
populations.
Face aux nuisances dues à la décharge d’Akouédo, les solutions les mieux indiquées sont :
- La réhabilitation de la décharge qui consistera à :
Construire une clôture de dissimulation pour contrôler les entrée et sorties du site ;
De drainer les eaux de ruissellement en stagnation dans la décharge ;
De confiner verticalement l’ensemble de la décharge afin d’éviter toute migration accidentelle de
biogaz et imperméabiliser le fond de la décharge.
De capter et valoriser le biogaz formé par décomposition anaérobie des déchets biodégradables
pour générer de l’électricité ;
De procéder à la construction d’une usine de triage des déchets pour la récupération industrielle
des déchets recyclables ou réutilisables ;
- Et enfin transférer le site réhabilité après son aménagement en parc de loisirs par les
promoteurs.
- Organiser des séances de vaccination à l’endroit des populations ainsi que des campagnes de
démoustication
- Abandonner progressivement la pratique de la décharge sauvage tout d’abord :
En revoyant le mode de gestion actuel des déchets c'est-à-dire, les recouvrir de matériau inerte
après les avoir répandus. Cela éviterait les odeurs et les flaques d’eau qui sont les gîtes de
moustiques.
Limiter l’accessibilité de la décharge uniquement aux personnels exploitants de la décharge.
Interdire radicalement la vente de denrée alimentaires et la pratique de l’agriculture sur le site.
- Créer un Centre d’Enfouissement Technique pour recevoir les déchets.

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IMPACT DE LA GESTION DES DECHETS SUR LA SANTE : CAS DE LA


VILLE DE YAOUNDE

Béatrice Angeline YODIODI


Cadre de Développement / Environnementaliste. Ingénieur d’Appui – Tél : (237) 223 35 81 Courriel :
beatriceyombi@yahoo.fr

Résumé

L’urbanisation et le développement économique ont généralement pour corollaire une


augmentation de la consommation et de la production des déchets par habitant.
Malheureusement dans un contexte de forte précarité et d’inefficacité des politiques de gestion
de déchets, les pays africains sont confrontés à d’énormes problèmes sanitaires. Considéré
comme un pays d’Afrique Centrale à faible revenu, le Cameroun est également confronté à
d’énormes problèmes sanitaires. En effet sa population est passée de 5.296000 habitants en 1960
à 17 110 000 habitants en 2005 avec un taux d’urbanisation de 5,5%. Malheureusement, face à
cette forte urbanisation, la production des déchets est devenue de plus en plus importante, la ville
de Yaoundé étant le siège des institutions de la République du Cameroun. Et la gestion des
déchets domestiques étant centralisée aussi bien au niveau de l’organe de contrôle, qu’est la
communauté urbaine de Yaoundé (CUY), qu’au niveau de la collecte des déchets assurée par la
société privée Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) . Yaoundé dispose de moins de
100 km de route toutes catégories confondues avec seulement 30% de route bitumées dont près
de 70% restant impraticables .Devant une telle insuffisance du réseau de voirie, le service de
ramassage des ordures ménagères est rendu encore plus difficile.
Au Cameroun aucune réglementation ne définit encore de manière spécifique les déchets. A
Yaoundé les déchets considérés comme spéciaux (médicaments périmés, déchets chimiques de
laboratoire, et certaines substances émanant du Centre Pasteurs et des hôpitaux) sont produits
en faibles quantités et ramassés sans précaution par des opérateurs du secteur informel pour être
traités et recyclés
Selon HYSACAM, en moyenne 700 tonnes de déchets domestiques quotidienne, correspondant à
un taux de collecte de 65 – 70% sont collectées dans la ville de Yaoundé et ceci essentiellement
dans les quartiers et les secteurs de la ville accessibles aux engins de ramassage et les déverse à
la décharge de NKOLFOULOU située dans l’arrondissement de SOA. La principale source
d‘inefficacité du service de collecte des déchets domestiques à Yaoundé reste le caractère
inaccessible des camions de ramassage des déchets de HYSACAM dans la plupart des quartiers
de la ville. En effet 51% des ménages accèdent à leur domicile par une piste de quartier ; de ce
fait le service rendu par HYSACAM ne peut pénétrer tous les quartiers, réduisant ainsi le taux de
collecte des déchets domestiques et favorisant la multiplication des décharges sauvages dans la
ville posant ainsi un sérieux problème d’assainissement urbain.
MOTS CLES : Gestion durable des déchets, Pollution, Assainissement, Santé, Développement, Urbain, Yaoundé

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 Introduction

Le Cameroun est un pays d'Afrique Centrale qui couvre une superficie de 475.650 km2 avec une
population estimée à 15.292.000 habitants en 2001 (annuaire national de la statistique), soit une
population estimée de 32,81 habitants/km2. Il est limité à l'Ouest par le Nigeria, au Nord-est par
le Tchad, à l'est par la République Centrafricaine, au Sud par le Congo, le Gabon, et la Guinée
Equatoriale. Le Cameroun dispose d'un potentiel remarquable en matière de diversité biologique
et de ressources naturelles. Près de 90% des écosystèmes africains y sont représentés (étude sur le
profil environnemental du Cameroun UE).
Les principaux défis de développement nationaux sont : la consolidation de la sécurité
alimentaire notamment à travers la promotion de l'accès aux traitement phytosanitaires et zoo
sanitaires, la diminution des coûts d'inputs et matériels agricoles, la facilitation d'accès aux
financements des micro projets agricoles et pastoraux, la promotion du tourisme, le
désenclavement des provinces avec l'entretien/construction des infrastructures routières,
l'amélioration/construction des infrastructures ferroviaires, l'amélioration de télécommunication,
d'accès à l'eau, de l'éducation et de la santé et la gestion durable de l'environnement.
L'environnement peut être défini comme l'ensemble des conditions naturelles (biologiques,
physiques et géographiques) et des conditions découlant de l'aménagement du territoire qui
agissent sur les organismes vivants, tels que les plantes, les animaux et les humains.
L'état de l'environnement au Cameroun montre que les problèmes sont multiples et complexes:
dégradation des sols, de la biodiversité, des eaux, de l'environnement urbain, de la santé, etc.
Promouvoir la salubrité de l'environnement des agglomérations est une des préoccupations du
gouvernement de la République du Cameroun, dans le souci de permettre aux citadins de vivre
dans un environnement sain. La constitution Camerounaise énonce dans son préambule que,
« Toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain ».
L'état de l'environnement peut avoir de nombreuses conséquences directes sur la santé humaine:
celle-ci dépend de la qualité de l'air, de l'eau, de la nourriture et même du soleil puisque, la
dégradation de la couche d'ozone entraîne des risques cancérigènes accrus. L'omniprésence dans
notre quotidien de polluants directs tels que fumées ou micro particules, ou indirects telles que les
substances chimiques contenus dans les produits ou des équipements contribuant à notre confort,
serait la cause d'un quart à un tiers des maladies contractées dans les pays industriels (source
U.E). Dans les pays en développement comme le Cameroun, la mauvaise qualité de l'eau est
source de maladies hydriques diverse (choléra, dysenterie, typhoïde ...) et d'une mortalité très
élevée, surtout d'enfants en bas âge de (0 à 4 ans).
Le déchet devient nocif lorsqu'il s'invite dans l'environnement habituel dans lequel on évolue.
D'où la nécessité de gérer de façon optimale ces déchets. Optimalité qui se caractérise par la
réduction ou l'annulation des effets nocifs de ces derniers.
Dans la province du Centre au Cameroun et dans la ville de Yaoundé en particulier de
nombreuses initiatives ont été prise, notamment avec l'installation d'une entreprise de gestion des
ordures ménagères Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) dans le cadre du
Programme Social Urbain (PSU).
Mais comme cela demeure encore le cas dans de nombreux pays africains, ces mesures s'avèrent

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encore trop insuffisante du fait d'une gestion inappropriée.

2 Problématique

L'urbanisation et le développement économique ont généralement pour corollaire une


augmentation de la consommation et de la production des déchets par habitants.
Malheureusement dans un contexte de forte précarité et d'inefficacité des politiques de gestion de
déchets, les pays africains sont confrontés à d'énormes problèmes sanitaires. Considéré comme
un pays d'Afrique Centrale à faible revenu, le Cameroun est également confronté à d'énormes
problèmes sanitaires. En effet sa population est passée de 5.296000 habitants en 1960 à 17110000
habitants en 2005 avec un taux d'urbanisation de 52,8%. Malheureusement, face à cette forte
urbanisation, la production des déchets est devenue de plus en plus importante.
Au Cameroun aucune réglementation ne définit encore de manière spécifique les déchets. A
Yaoundé les déchets considérés comme spéciaux (médicaments périmés, déchets chimiques de
laboratoire, et certaines substances émanant du Centre Pasteurs et des hôpitaux) sont produits en
faibles quantités et ramassés sans précaution par des opérateurs du secteur informel pour être
traités et recyclés.
La principale source d'inefficacité du service de collecte des déchets domestiques à Yaoundé
reste le caractère inaccessible des camions de ramassage des déchets de HYSACAM dans la
plupart des quartiers de la ville. En effet 51 % des ménages accèdent à leur domicile par une piste
de quartier; de ce fait le service rendu par HYSACAM ne peut pénétrer tous les quartiers,
réduisant ainsi le taux de collecte des déchets domestiques et favorisant la multiplication des
décharges sauvages dans la ville.
Malheureusement, fort est de constater que comme dans bien des villes africaines, le système
actuel de gestion des déchets domestiques à Yaoundé est centralisé et totalement incompatible
avec les préoccupations de développement SOCIO économique et environnemental de la ville.
Afin d'interpeller les administrations et les conscientiser sur la nécessité d'une gestion optimale
de déchets, nous avons choisi d'analyser les impacts de cette gestion sur la santé des populations
de la ville de Yaoundé
Pour mener cette réflexion, nous avons choisi les axes suivants: tout d'abord une présentation des
différents modes de gestion couplée d'une analyse critique de ceux-ci relativement à leur impact
sur la santé
Ensuite une présentation des problèmes inhérents aux différents modes de gestion rencontrées en
d'autres termes quels sont les problèmes observés dans la ville de Yaoundé? Pour finir une
présentation de quelques suggestions pour amélioration de cette gestion afin de réduire les
risques. Et présenter les enjeux.

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3 Notion de déchets. Mode de gestion et classification

3.1 Notion sur la gestion des déchets

La notion de déchets est subjective. Un déchet est un résidu que les hommes jugent inutile dans
un contexte donné.
Le déchet entra dans la catégorie du sale et de l'insalubre quand il n'est pas à sa place (les déchets
dans la poubelle sont considérés comme inoffensifs, ces mêmes déchets s'échappant des espaces
attribués sont nuisibles), quand il appartient à l'univers de l'indéterminé (d'une provenance
indétectable, voire simplement d'une autre commune, ou d'une composition brouillée par la
dégradation, la pourriture).
Le déchet entre dans la catégorie de pollution quand il est considéré comme le revers de la
production et de la consommation, un excédent dont la technologie ne sait que faire. Le déchet
comme pollution n'est plus ici le germe proliférant dans la décomposition, l bactérie reine au
royaume de la pourriture. Il est le poison de composants artificiellement crées et échappant à la
maîtrise de leurs inventeurs.
Le déchet suscite : le dégoût, la répulsion à l'égard de la dégradation organique et s'accompagne
d'une distinction entre le « biodégradable » inoffensifs et le « chimique » inapte à cette forme de
disparition. Le dégoût est toujours en relation avec la vie et la mort car il est essentiellement lié à
l'expérience de la dégradation de la matière vivante.

3.2 Mode de gestion

Les services urbains tels que l'eau, l'éclairage public, les transports en commun, les propretés sont
pour l'essentiel assurés généralement par deux modes de gestions (directe et déléguée) ayant
plusieurs variantes qui conduisent aux notions de « faire » et « faire faire ».
La gestion des déchets peut être définie comme étant la collecte, le transport, la réutilisation ou
l'élimination des déchets afin de réduire leur effet sur la santé humaine. Ils sont produits par
l'activité humaine, l'environnement, l'esthétique ou l'agrément local. L'accent a été mis ces
dernières décennies, sur la réduction de l'effet des déchets sur la nature et l'environnement et sur
leur valorisation.
A Yaoundé spécifiquement, HYSACAM assure la collecte, le balayage, le transport et enfin le
traitement des ordures ménagères.
La collecte se fait essentiellement le long et autour des rues praticables. Hysacam collecte entre
600 et 700 tonnes/jours. Trois systèmes sont mis en place:
- La collecte en porte-à-porte les ordures sont reprises devant chaque porte par des camions
spécialisés
- La collecte des tas sauvages constitués spontanément dans la ville avec des camions
grues.
- La collecte dans les bacs disposés à certains carrefours.
Le balayage est manuel et mécanisé. La société dispose de balayeuses automatiques et

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mécaniques. Mais volontairement, le balayage manuel est prépondérant pour des raisons sociales
car il emploi une importante de main peu qualifiée.
Le transport se fait de Yaoundé vers la décharge située à environs 15 km du centre ville à l'aide
de la quarantaine de camions dont dispose la société.
Le traitement se fait dans la décharge de Nkolfoulou. Les ordures y sont déversées dans les
casiers et poussées par un bull, compacteur à couteau et recouvertes de terre à la fin. Les lixiviats
ainsi que les eaux pluviales sont drainées séparément. Le système de gestion est de type semi
contrôlé.
Jusqu'en 1996, en raison des dysfonctionnements du système de gestion et de l'arrêt des
subventions par l'Etat pour les services appropriés de nettoiement et la collecte des ordures
ménagères, la ville de Yaoundé a atteint un état de salubrité avancée. Pour faire face à cette
situation, l'Etat a signé, en 1998, un contrat avec la société HYSACAM qui collecte, désormais
jusqu'à 25.000 tonnes/an d'ordures ménagères. Le budget annuel de l'opération s'élève à 3
milliards FCFA. Le gouvernement le subventionne à hauteur de 70% tandis que les communautés
tandis que les communautés urbaines concernées financent 20% et la taxe d'enlèvement prélevée
à la source sur les salaires des travailleurs couvrent la balance de 10%. Du coup le retour
progressif de la salubrité est sensible. On signale également une contribution des ONG
environnementales qui assurent la pré collecte dans les zones d'accès difficiles. La gestion
déléguée des déchets à Yaoundé a crée une intercommunalité entre les villes de Yaoundé et Soa.
Cependant, la gestion déléguée des déchets à Yaoundé ne fait pas seulement intervenir Hysacam
et les autorités municipales (CUY et SOA). Pour qu'il y ait cohérence, l'implication des autres
petits opérateurs, ainsi que des institutions universitaires est indispensable.
A Yaoundé les mois de décembre, janvier février et juillet sont les périodes sèches contrairement
au mois de septembre, octobre, avril et mai qui sont les périodes humides (car la pluviométrie est
de 1565 mm et 163 jours de pluie par an). Les périodes humides sont généralement considérées
comme les plus insalubres car elles correspondent généralement aux périodes des récoltes, les
marchés étant inondés de fruits et légumes et les déchets solides ménagers pèsent plus lourd du
fait de leur forte densité en eau.
Il est important de remarquer que les taux de collecte mensuels les plus bas correspondent très
souvent aux périodes strictement humides dont les plus insalubres de l'année. Les taux les plus
élevées quant à eux correspondent aux mois les plus secs et donc les moins insalubres de l'année.
Hélas à partir de cette situation, l'on comprend pourquoi la ville tarde à sortir de son état
d'insalubrité.
A la lumière de ces résultats, nous pouvons conclure que le système des déchets domestiques est
inefficace. Cette inefficacité du système (collecte-transport-enfouissement) des déchets
domestiques à Yaoundé tient du fait qu'il est d'une part totalement incompatible avec la structure
vallonnée de la ville qui rend inaccessible certains quartiers de la ville surtout en saison pluvieuse
; et d'autre part il ne favorise pas les opérations de récupération et de recyclage des déchets.
Malheureusement une telle inefficacité de la gestion des déchets entraîne une dégradation de
l'environnement urbain ; ce qui gravement à la santé des populations, à l'esthétique urbain et donc
au développement socio- économique et environnemental de la ville de Yaoundé.

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3.3 Classification

La connaissance de la nature des déchets est un préalable à la proposition d'une ou plusieurs


filières de traitement adapté au contexte local. Dans cette perspective, un inventaire exhaustif de
la filière des déchets domestiques de la ville de Yaoundé a été réalisé en 2002 par le laboratoire
LESEAU de l'ENSP du fait de leur hétérogénéité intrinsèque. Les déchets ont été regroupés en
macro classes pouvant présenter une certaine homogénéité.
D'autre part les déchets solides peuvent être regroupés en trois grandes classes en fonction de
leur polluant connu :
- Les déchets inertes : verres, métaux, gravats, etc. ;
- Les déchets banals assimilables aux ordures ménagères ;
- Les déchets spéciaux.
Les déchets considérés comme spéciaux (médiatement périmés, déchets chimiques de laboratoire,
certaines substances radioactives émanant du Centre pasteur et des hôpitaux produits en faible
quantité) sont ramassées, sans précaution par des opérations du secteur informel pour être traités
ou recyclés, entraînant des contaminations voire des risques énormes pour ceux qui les ramassent
et les traitent.
Le volume des déchets spéciaux non ménagers, surtout les emballages et encombrants est estimé
à 68 tonnes/mois dont 94% proviennent des entreprises de tous types et 3,5% (15 t/mois) du
secteur informel. Ce sont surtout les emballages souillés (boite de peinture, bouteilles de
détergent, emballage pour produits de cheveux, etc. ...). On compte 21 t/mois de vieilles batteries,
toutefois, 69% des déchets d'entreprise sont récupérés par le circuit informel et/ou les ménages.
Selon Hysacam, la moitié des 2,823 t/an de déchets spéciaux domestiques suit le circuit des
ordures ménagères. Le reste est jeté dans les dépotoirs incontrôlés des quartiers inaccessibles ou
dans les cours d'eau.
Les tableaux 1 à 5 complètent ces informations.

Entreprises
Informel
Ménages

Figure 1 : Source de production des déchets solides spéciaux dans la ville de Yaoundé (source ?).
Entreprise : 69% Informel : 4% Ménages : 27%

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Tableau 1 : Composition des ordures ménagères à Yaoundé (Source: Ngnikam et al, 1997)

Catégories Composition des OM à Yaoundé


Sur ordures sèches % Sur ordures brutes %
Papiers et cartons 3,5 3,3
Métaux 4,6 1,6
Verre et céramiques 4,1 2
Tissus et cuirs 1,6 1,9
Bois et coques - -
Gravats 10,6 4,2
Matières plastiques 4,6 2,4
Eléments fins<20mm 27,6 17,4
Matière organique fermentescible 47,9 67,2
Total 100 100

Tableau 2 : Quantité totale des déchets banals des entreprises et des activités Informelles.
Constituant Entreprises (t/mois) Informel (t/mois) Total (t/mois)
Papier 382,5 0 382,5
Déchet alimentaire 109,4 0,0 109,4
Déchets fermentescibles 1896,6 0,0 1896,6
Carton 93 0 193
Bois, copeaux et sciure 148 2311,0 2459
DIB en mélange 580 100,2 680,2
Boue des fosses septiques 480 0 480
Autres 132,6 96,5 229,1
Caoutchouc (pneus) 0 326,0 326
Total 3822,1 2831,4 6653,5

Tableau 3 : Nature et quantité des déchets spéciaux produits à Yaoundé.


Constituant Entreprises (t/mois) Informel (t/mois) Total (t/an)
Encre pour imprimante 6,7 0 6,7
Emballage souillé 44,4 15,4 59,8
Boue de filtration de bière 9 0 9
Autres déchets spéciaux 3,4 2 5,4
Batterie 0 21 21
Boue de pressing 1,2 0 1,2
Boue primaire chargé d’hydrocarbure 360 0 360
Déchets hospitaliers 205 0 205
Total 629,7 38,4 668,1

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Tableau 4 : Nature des déchets informels déposés dans les bacs ou le milieu naturel.

Catégorie Quantité Pourcentage


Papiers 30 4,1%
carton 9 1,2%
verre 3 0,4%
Boîte de peinture 1,3 0,2%
textile 9,1 1,2%
plastique 0,7 0,1%
DIB en mélange 138 18,8%
Appareil électronique 12 1,6%
Boue 9 1,2%
cheveux, mèches 54 7,3%
Flacons produits 12 1,6%
Batterie 21 2,9%
ferrailles 110,9 15,1%
Pneus 326 44,3%
Total 736 100,0%

Ces encombrements (pollution physique) amplifient parfois les risques d'inondations durant la
saison des pluies.
Actuellement, le contribuable finance des tâches d'assainissement car la communauté s’est
solidaire, l'élimination des déchets étant considéré comme service public. Par ricochet, la plupart
des entreprises considèrent qu'il est bon de jeter leurs déchets dans les bacs ou dans la nature.
Bien que ce ne sont pas toujours respectés dans ces conditions, il est devenu urgent d'ajuster la
pratique au principe du pollueur payeur conformément aux termes de la loi cadre sur
l'environnement.
Les déchets solides ménagers sont quant à eux constitués des ordures ménagères produits
quotidiennement par les habitants. Leur composition est hétérogène. Elles sont constituées entre
autres de vieux habits, des déchets alimentaires, de papier, de fragments de verre ou de bouteilles,
de restes d'aliments, etc. Ces déchets sont généralement concentrés en bordure de l'axe bitumé qui
ceinture les quartiers. Quotidiennement, des éboueurs de la société HYSACAM les collectent à
l'aide des véhicules spécialisés. Mais cette tache n'est pas toujours accomplie avec efficacité.
Face à cette difficulté de nombreux ménages déposent les ordures sur des espaces vagues tels que
les cours d'eau proches qui jonchent les bas fonds.
Quand il pleut, la pratique courante consiste à verser les ordures dans les rigoles souvent très
étroites. Elles accroissent ainsi l'insalubrité de ces bas fonds marécageux et malsains avec toutes
les conséquences que cela comporte (moustiques, maladies, inondation, etc.).

Les eaux usées urbaines : d'une manière générale, on constate le peu d'attention que les pouvoirs
publics ont accordés à la filière des déchets liquides, tant pour les eaux ménagères, que pour les
eaux des entreprises en milieu urbain. Il n'existe pratiquement pas de réseau d'égouts fonctionnel.
Le Ministère de la ville réhabilite actuellement la vieille station d'épuration des eaux du Camp
SIC MESSA à Yaoundé. En général, seules les rigoles en terre et les cours d'eau assurent le

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drainage des eaux de pluies et des eaux grises (65%), 42,2% des ouvrages sont bouchés (ordures
ménagères, herbes, etc. ...) d'où une stagnation persistante des eaux usées et un risque sanitaire
élevé.
79% des ménages des quartiers résidentiels de Yaoundé utilisent des latrines à fond perdu.
Seulement 19% ont des toilettes avec chasse. A peine 2% des latrines« améliorées », comportent
un tuyau d'aération (d'où odeurs nauséabondes, rats et insectes vecteurs de maladies). 83% des
latrines sont extérieures. Plus de 80% réalisés en auto construction: autofinancement. 57, 7% des
ménages utilisent leurs latrines en commun. Il ressort que les eaux urbaines aussi bien que les
déchets sont des vecteurs de maladies et demeurent des risques sanitaires pour les populations de
Yaoundé.

4 Risques et impact de la gestion de déchets sur la santé

Les effets des déchets sur la santé de l'homme et son environnement sont généralement
complexes à interpréter. Ils peuvent présenter des aspects chimiques, bactériologiques ou
parasitaires. Les populations peuvent en ressentir les effets sous plusieurs formes:
- A court terme, des pollutions, détectées par des analyses, et des nuisances détectées par
les sens (nuisances olfactives ou visuelles) ;
- A plus long terme, des risques sanitaires pour l'avenir des populations et des risques
environnementaux.
A ce jour la quasi-totalité des stations d'épuration est à l'abandon suite à un conflit d'intérêts et
des compétences entre la municipalité et les promoteurs immobiliers SIC et MAETUR qui
avaient installés ces équipements. Aucun autre dispositif de traitement n'existe. L'évacuation des
effluents se fait par déversement, en l'état, sur des terrains vagues ou dans des cours d'eau
périurbain. Une étude hydrodynamique récente, à l'échelle d'un bassin versant de la ville de
Yaoundé, où la majorité des ménages utilise des latrines construites à proximité des points
d'approvisionnement en eau pour les usages ménagers, a mis en évidence la fluidité permanente
des échanges horizontaux entre la nappe phréatique, les eaux des puits des fosses d'aisance dans
les bas fonds des zones d'habitation spontanées. Dans le même temps des analyses de laboratoires
ont confirmé une forte ampleur de la contamination des nappes par des germes pathogènes (voir
tableaux 5 à 7).

Tableau 5 : Charge polluante des eaux vannes ménagères à Yaoundé (source : sogreah, 1992)

Charge DCO (mg/l) DBO5 (mg/l) Variation mesure


DBO5
Nom de la station
Université de Yaoundé I 573 198 25%
CUSS 198,1 151,3 43%
Grand Messa 1105 416 7,5%
Cité Verte 1079 405 15%
Biyemassi 1087 413 13%

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Tableau 6: Exemple d’analyses bactériologiques de l’eau à Yaoundé

Moyenne
Coliformes Moyenne Streptocoques
Ion ammoniac Moyenne Streptocoques
N° mg Fécaux Coliformes fécaux
NH4+ (mg/l) NH+ fécaux
UFC/100ml fécaux UFC/100ml
UFC/100ml
1 2 1 2 1 2
8 S8 3,90 2,50 3,2 9 14 11,5 0 0 0
8m S8 ménage 2,26 1,98 2,12 66 130 98 4 16 10
2 S2 0,00 0,01 123 86 106 55 15 35
10 P1 1,58 2,00 1,79 0 11 0 1
34 P25 4,00 7,60 5,8 8 117 62,5 1 13 7
44 34P35 2,50 6,20 4,35 16 65 40,5 2 2 2
BF 0,01 0,08 0,045 0 0 0 0 0 0
0 Bf ménage 0,10 0,18 0,14 6 246 126 4 85 42,5

Tableau 7: Exemple d’analyses physico-chimiques à Yaoundé


BF P3m S2 S5 S5m P10 BFm P25 BF’ P3’ S2’ S5’ S5’m P10’ BFm’ P25’
HCO3-
36,16 36,16 36,16 61,01 61,01 195,23 36,16 97,62 36,16 36,16 36,16 61,01 61,01 329,45 36,16 97,62
(mg/L)
Cl- (mg/L) 21,30 49,64 28,4 63,83 63,83 141,84 21,30 99,21 21,30 42,55 28,40 56,74 56,74 173, 15,04 112,83
Ca2+ (mg/L) 15,23 7,21 4,41 2,81 2,41 8,42 15,63 10,02 15,63 6,81 4,81 2,41 1,60 8,02 15,23 9,62
Mg2+ (mg/L) 4,13 7,78 3,65 1,70 2,92 6,57 3,16 8,51 3,65 8,51 3,65 1,46 1,70 8,51 3,65 7,78
K+ (mg/L) 3,08 5,73 2,27 10,10 14,70 29,70 2,85 14,70 2,74 5,73 2,27 10,10 12,40 38,90 2,97 14,70
Na+ (mg/L) 1,95 6,00 2,30 13,20 13,20 32,00 1,63 13,20 1,63 5,70 2,60 13,20 16,30 35,10 1,63 10,10
Fer (mg/L) <0,03 <0,03 <0,03 0,42 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03 <0,03
Al3+ (mg/L) 0,78 0,41 <0,04 <0,04 <0,04 0,19 0,98 <0,04 0,75 0,36 <0,04 <0,04 <0,04 0,35 1,01 <0,04
SiO2 (mg/L) 3,76 6,82 4,87 3,64 3,64 5,02 4,45 6,6 4,41 6,85 5,29 3,64 3,64 6,47 4,87 6,63
pH 7,2 5,0 5,2 5,4 6,6 6,4 7,8 6,0 7,2 5,0 5,0 5,6 6,8 6,4 7,6 6,0

La quasi-totalité des cours d'eau est placée dans les classes de pollution IV (forte) et V (très
forte). Celles du niveau V regorgent de plus de rejets non ménagers tandis que celles qui
reçoivent des eaux usées non traités subissent des modifications sensibles des caractéristiques du
biotope local, par exemple une eutrophisation poussée.
La qualité de l'eau consommée par les % des citadins de Yaoundé est constamment médiocre.
Les effets d'un tel environnement sont favorables à la prolifération de germes pathogènes et de
certains vecteur (moustiques, mouches, ... ). Il en découle des risques corrélatifs de morbidité et
de mortalité humaine. Quant aux « eaux-vannes» rejets chargés de matières fécales et urinaires
(riches en substances organiques biodégradables), elles sont souvent mélangées aux eaux
ménagères contenant du savon et du détergent, et véhiculent d'énormes quantités de germes
pathogènes intestinaux.
Pour ce qui concerne les entreprises de Yaoundé, le flux calculé pour l'ensemble des effluents
émis est d'environ 744 000 m3/an. Ce chiffre ne tient pas compte des rares entreprises disposant

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de systèmes autonomes d'assainissement. Quant aux « déchets liquides de process », ils sont de
composition et de température variable (rejets bruts des eaux de refroidissement et de lavage de
l'industrie papetière) d'une usine à l'autre et au sein d'une même entreprise. Ils peuvent nécessiter
un traitement spécial ou séparé. Le volume de ce flux est estimé à 2 808 000 m3/an pour
l'ensemble du secteur agro alimentaire (abattoirs, brasseries, etc.). Les traitements légaux régis
par la loi sur les établissements classés ne leur sont pas appliqués. Leur dégradation incontrôlée
impose une forte charge polluante à la nature et en compromet l'utilisation de la ressource eau à
d'autres fins.
Le faible taux de desserte en eau potable et la contamination de l'eau de boisson sont les
problèmes majeurs, en particulier dans les zones d'urbanisation anarchique. Par conséquent, des
épidémies de maladies d'origine hydrique (diarrhée, paludisme, cholera, fièvre typhoïde,
trachome, dysenterie amibienne), atteignent la majorité (53%) des citadins. L'incidence mortelle
de la diarrhée constatée parmi les enfants de 0 à 4 ans est de 10% et s'élève à 46% pour le
paludisme. Ces indicateurs reflètent l'effet des nuisances environnementales sur l'état sanitaire
général de la population.
Cette situation imputable à la faible priorité accordée tant aux politiques qu'aux infrastructures
urbaines d'assainissement. Cependant, l'Etat subventionne la desserte générale en eau potable et
la collecte des déchets. Il s'est également doté d'une loi portant régime de l'eau, visant à garantir,
à terme, un accès amélioré aux services collectifs de l'eau et d'assainissement. La loi prévoit en
outre, un mécanisme d'autofinancement durable du secteur selon les principes du « pollueur-
payeur» et de « l'usager-payeur ».

5 Enjeux

Il ressort de façon très schématique :


- Pour la collecte et le tri des déchets managers, que les enjeux se situent essentiellement au
niveau des travailleurs. Différents types de problèmes potentiels ont été identifiés (accident,
troubles digestifs ou respiratoires, ...). L'exposition aux microorganismes et poussières, la non
utilisation de casques de protection apparaissent aujourd'hui comme causes probables.
- Pour le recyclage, que les enjeux sont aussi divers et variés que les industries et les déchets
concernés (du verre aux déchets d'équipements électriques et électroniques par exemple). Les
enjeux concernent aussi bien les travailleurs que les riverains de la décharge et peuvent être
liés, selon les industries, à divers types de rejets (liquides, atmosphériques), à l'usage des
produits.
- Pour la gestion biologique des déchets, c'est-à-dire le retour au sol des déchets organiques
avec ou sans traitement), que les investigations menées concernent essentiellement les
travailleurs (en usine de compostage notamment), ainsi que les maladies pulmonaires qui
semblent être liées majoritairement aux micro-organismes, et aux substances chimiques
(métaux, composés organiques).
- Pour le stockage à la décharge de Nkolfoulou, que les enjeux sont liés aux substances
chimiques ou microorganismes, émis sous forme liquide ou atmosphérique. Le caractère
diffus et différé des émissions génère des difficultés pour appréhender les risques. Les
niveaux de risques pour les riverains apparaissent dépendant de la nature des déchets enfouis,

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

mais faibles dès lors que les pratiques d'exploitation sont conformes aux réglementations
désormais en vigueur. Selon le Ministère de la Santé Publique, les pathologies étudiées sont
certains cancers ou troubles de la reproduction

6 Recommandations

Considérant d'une part ce qui précède et, d'autre part, l'engagement pris a Johannesburg (2002),
vis-à-vis des états africains par l'union européenne en faveur d'une coopération accrue en matière
d'eau et d'assainissement, il est recommandé d'apporter au secteur un appui institutionnel des
moyens conséquents de contrôle des sources d'abattement de toutes les formes de pollutions en
vue de :
- évaluer objectivement et gérer systématiquement la connaissance des polluants et étudier leurs
impacts, à travers un réseau scientifique de surveillance des paramètres environnementaux et
mobiliser un système d'alerte précoce concernant les risques de la santé du fait de la qualité de
l'eau et l'état général de l'environnement dans les communautés urbaines du Cameroun (Yaoundé)
- développer des systèmes de pré-collecte dans les zones non carrossables, la collecte sélective en
vue du recyclage, des infrastructures améliorées de traitement final (stations d'épuration,
compostage industriel répondant aux besoins nationaux en fertilisants agricoles).

7 Conclusion

Il s'agissait pour nous dans cette communication, de faire une analyse critique de la gestion des
déchets, et l'impact de ladite gestion sur la santé dans la ville de Yaoundé, et l'efficacité du
service, de proposer un système de gestion des Déchets Solides Ménager décentralisé et
compatible avec les préoccupations de développement socio-économique et environnemental de
la ville de Yaoundé.
En effet, du fait de la structure vallonnée de la ville de Yaoundé et de la prolifération des
quartiers spontanés, beaucoup de DSM ne sont pas collectés et restent dans les quartiers, polluant
ainsi l'environnement et menaçant la santé des populations et la sécurité alimentaire de la ville.
La décentralisation du service de collecte des déchets à travers l'institutionnalisation du pré
collecte et la construction des centres de regroupement s'imposent comme étant la solution la plus
efficace. Car elle permettrait à coup sur de collecter d'avantage de DSM, d'assainir les zones
enclavées, de créer de l'emploi et de promouvoir le développement de L’agriculture urbaine et
périurbaine à travers les opérations de récupération et de recyclage des DSM.
Nous souhaitons que cette communication apporte quelques informations utiles à l'élaboration
des politiques efficaces de gestion des déchets compatibles avec les préoccupations de
développement socio-économique et environnemental des villes africaines en général et celle de
la ville de Yaoundé au Cameroun en particulier.
Une solution à cette impasse passerait par la décentralisation du système de gestion des déchets
qui devrait permettre la multiplication des acteurs dans la gestion des déchets domestiques de
Yaoundé afin de rendre plus efficace le service que rend HYSACAM. Et l'Etat devrait transférer

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

la compétence et les moyens appropriés en matière de collecte aux Associations de pré collectent
exerçant dans les quartiers. Cette décentralisation de la gestion des déchets de l'amont (des
quartiers), vers l'aval (décharge municipale) devrait permettre une amélioration considérable du
taux de collecte des déchets qui de façon significative, contribuerait également au développement
au développement socio-économique et environnemental de la ville de Yaoundé. Une ville propre
améliorée le cadre de vie de ses habitants en les mettant à l'abri des effets nocifs qu'ont les
déchets sur la santé (mauvaise odeurs, prolifération des moustiques, pollution des nappes d'eau
souterraine, contamination ...).

8 Annexes

8.1 Annexes 1 : note sur la gestion des déchets urbains

Compte tenu de la nature des ordures de Yaoundé (85% de matières organiques), la CUY
envisage, de compléter la filière actuelle de traitement de ses ordures en intégrant, sur le site de
la décharge semi-contrôlée de Nkolfoulou (65 ha, ouvert en 1990) une unité expérimentale de
compostage couplé d’une déchetterie de tri sélectif en plus d’un incinérateur des déchets
hospitaliers (source Hysacam).

8.2 Annexes 2 : Autres textes réglementaires relatifs à l’environnement

Textes réglementaires relatifs à la pollution


Loi n° 98/005 du 14 Avril 1998régissant les ressources en eau et fixant la liste des substances
nocives dont le rejet, l’immersion et le déversement dans l’eau sont interdites ainsi que les
modalités d’exécution des évaluations d’impacts sur les eaux de surface et les eaux souterraines.
Loi n° 98/015 du 14 juillet 1998 relative aux établissements classés dangereux, insalubres ou
incommodes qui fixe les normes environnementales des rejets industriels.
Loi n° 64/LF-23 du 13 novembre 1964 portant protection de la santé publique (responsabilise les
communes urbaines d’arrondissement sur les problèmes d’assainissement d’hygiène et salubrité).
Arrêté du 1er Octobre 1937 fixant les règles d’hygiène et de salubrité à appliquer dans le
territoire du Cameroun.
Le Code Civil (articles 138 et suivants)
- Le Code pénal (sur les articles 267, R367, R369, R370…), etc.

Textes réglementaires relatifs à la prévention des risques majeurs


Loi n°73/ du 07 Décembre 1973 portant organisation générale de la protection civile au
Cameroun,

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Décret n° 86/1144 du 12 septembre 1986 portant organisation de la protection civile au


Cameroun,
Loi n°96/12 du 05 Août 1996 portant loi – cadre relative à la gestion de l’environnement
Loi n° 98/015 du 14 Juillet 1998 relative aux établissements classés dangereux, insalubres ou
incommodes,
Loi n°98/020 du 24 Décembre 1998 prescrivant les règles associées aux réservoirs sous pression
tels que les réservoirs à vapeur d’eau et de gaz.*Loi n) 89/027 du 27 décembre 1989 interdisant
l’introduction ; la production, le stockage des déchets dangereux et toxiques sur le territoire
national.
Arrêté n°009/MINT/DTT du 23 Février 1998 portant réglementation du transport routier des
marchandises.

8.3 Annexes 3 : liste des personnes/organismes consultés

Liste des personnes consultées


- BESSALA NGOMA : Chargé d’Etudes Hysacam Ydé
- LETT Stéphane : ingénieur communauté urbaine de Yaoundé
- KACMANY Irène : Conseiller Technique MINDUH, YDE
- ETOGA Simon Pierre Promoteur de TAM- TAM MOBILE YDE
- NDZANA Arnaud : Directeur Technique CUY
- ZINTCHEM Emmanuel : Service d’Hygiène Communauté Urbaine de YDE
- ABBO Marcus : MINEP/SPE, Contrôleur de l’environnement, YDE
- ZAUMU F. Joseph : HYSACAM YDE, Environnemental Scientist, Décharge de
Nkolfoulou
- OMBALLA Dieudonné : MINMEE, Inspecteur des eaux, YDE
- QUINCI Philipp : Fourmi 2 Programme de Développement Participatif, Chef de Projet
- SUSPLUGAS Jean : PACDU, Chef de mission, Projet Coopération développement Urbain
Cameroun UE
- WAOUMANE MBELE : MINEP/SPE ? Chargé d’Etudes Assistant (Normes et procédures
Yaoundé)

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

8.4 Annexes 4 : Liste des documents consultés

- Programme gestion durable des déchets et de l’assainissement urbain : ERA CAMEROUN


- Déchets et santé (représentation des risques sanitaires liés aux déchets et à leurs modes de
traitement) :D.LHUILLIER et Y. COCHIN
- AFD (1995) - Country Environnemental Profile-Cameroun, African Development Bank
(1995)
- Déclaration sur la Partenariat Afrique-UE en matière d’eau et d’assainissement
Johannesburg, (2 Septembre 2002)
- DJEUDA H-B Et Al (2004) POLLUTIONS AU Cameroun/ états des lieux, orientations
institutionnelles, acteurs et pratiques de terrain-faculté des sciences- université de
Yaoundé2- Cameroun (février 2004)
- DJEUDA H6B, TANAWA E. & NGIKAM E. (2001)- l’eau au Cameroun – Tome 1 –
Département- Environnement et sciences de l’eau – Ecole Nationale supérieur
Polytechnique, Presses Universitaires – Yaoundé Sept, 2001.
- FOURMI II- Programme de développement Participatif Urbain _ Présentation synthétique
du Projet de Coopération Union Européenne – Cameroun/CERFE

8.5 Informations complémentaires

Quelques indicateurs de santé des populations du Cameroun (Source : Banque Mondiale - 1997)

1980 (% population totale) 1994/1995 (% population totale)


Accès aux soins de santé 20
Accès à l’eau potable 41
Accès aux services d’assainissement 40
Prévalence de la malnutrition 14
Mortalité infantile 94 56
Taux de fécondité 6,5 5,7

Distribution des principales maladies d’origine hydrique


Maladies % des ménages atteint
Fièvre typhoïde 36,112
Diarrhée grave 47,21
Dysenterie 11,12
Amibes 16,668

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Maladies hydriques suivant les micro-organismes responsables


Maladie Micro-organisme ou parasite
Choléra Vibrio-Cholerae
Dysenterie bacillaire Shigella SPP
Fièvre typhoïde Sallonella typhi
Fièvre paratyphoïde Salmonella paratyphi
Dysenterie amibienne Entamoeba histolytica
Diarrhée infantile Escherichia Coli

Pourcentage des maladies hydriques (par catégorie)

Maladie Pourcentage
Typhoïde 32
Amibes 15
Diarrhée 43
Dysenterie 10
Total maladies 100

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET FINANCIER DE LA SUBSTITUTION


DU TRAITEMENT DES DECHETS DE SOINS A L’INCINERATION PAR
LA STERILISATION A LA CHALEUR HUMIDE (EXPERIENCE DU CHU-
SAHLOUL DE SOUSSE)

Baligh SOUILEM1, HEDI AMAMOU2


1 : Responsable des projets innovants au CHU-Sahloul de Sousse
2 : Directeur Général du Centre Hospitalo-Universitaire Sahloul de Sousse

Résumé

Etant donné les risques liés aux déchets hospitaliers, entre autres la contamination de
l’environnement, les infections, la toxicité, le programme de reforme hospitalière entamé en
Tunisie depuis 1991 a tenu au respect des droits fondamentaux de l’être humain et au respect des
règles d’hygiènes, fixées par la législation en vigueur. Pour se faire, la Direction de l’Hygiène du
Milieux et de la Protection de l’Environnement appartenant au Ministère de la Santé Publique, a
lancé une enquête nationale en 1994. Cette enquête a abouti à un rapport d’étude en 1995 et à
l’apparition du nouveau cadre réglementaire en 1996 notamment l’article 7 de la loi cadre du 10
juin 1996, relatif aux déchets et au contrôle de leur gestion et élimination. La nouvelle loi interdit
l’incinération des déchets à l’air libre, considérée très polluante à cause de l’émission des
dioxines.
Au niveau du CHU Sahloul qui est l’un des plus grands hôpitaux de Tunisie, depuis sa création
jusqu’à mai 2005 a eu recours à l’incinération pour le traitement de ses déchets à risques
infectieux.
Dans cet état d’esprit le CHU Sahloul a testé en collaboration avec une société privée, l’Agence
Nationale de Protection de l’Environnement et le Centre International des technologies de
l’environnement un nouveau procédé propre, moins coûteux, et permettant la valorisation des
déchets.

Partout dans le monde, la protection de l’environnement figure parmi les enjeux majeurs de notre
époque. Quelque soient les pays, les hôpitaux publiques et privés génère annuellement des
déchets solides ou liquides par milliers de tonnes, et sont donc concernés au premier chef par les
problèmes d’environnement. En Tunisie comme partout dans le monde, les resserrements
budgétaires, la réglementation en permanente évolution sont autant des contraintes fortes qui
s’imposent au gestionnaire hospitalier. Vienne s’y ajouter :
- Les mauvaises conditions dans lesquelles s’opère généralement le traitement des déchets
hospitaliers ;
- L’apparition sur le marché de nouveaux procédés de traitement, et de conditionnement

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

des déchets d’activité de soin.


Les structures et établissements sanitaires publiques et privés en Tunisie doivent fonctionner dans
des conditions qui garantissent d’une part les droits fondamentaux de l’être humain et la sécurité
des malades qui recourent à leurs services et d’autre part le respect des règles d’hygiène fixées
par la législation et réglementation en vigueur notamment la loi n°91-63 du 29 juillet 1991.
Au niveau des établissements cette réglementation reste inappliquée car :
- elle est non adaptée aux réalités et assez mal connue
- une classification de déchets complexes et difficile à faire respecter
- des responsabilités pas très bien définies
- des instances peu mobilisées
- une faible implication du personnel et particulièrement du corps médical
- des conditions de collecte à la source dangereuses
- des modalités de stockage et de transport insatisfaisantes
- des procédés d’élimination des déchets qui ne respectent pas l’environnement. Deux
méthodes sont pratiquées. La première est l’enfouissement des déchets au niveau des
décharges publiques. Les déchets étant généralement stockés en contact avec le sol celui-
ci se trouve par conséquent pollué (acidification, concentration en produits toxiques,
micro-organismes pathogènes, etc.). La deuxième est l’incinération à l’air libre ou dans
des incinérateurs sans filtrage des émanations. Cette dernière provoque une pollution
atmosphérique en particulier, l’émission des dioxines (source importante suite à
l’incinération des plastiques chlorés) qui sont un facteur de la maladie du cancer et des
irritations respiratoires.
Face à cette situation le ministère de la Santé publique a adopté une stratégie qui repose sur cinq
actions :
1- Lancer une enquête nationale en 1994
2- Etablissement d’un rapport d’étude en 1995
3- Apparition d’un nouveau cadre réglementaire
4- Etablissement d’un guide technique pour la gestion de déchets
5- Etablissement d’un module de formation type

Parmi les principales dispositions de la nouvelle réglementation on trouve l’obligation d’éliminer


les déchets de soins à risques infectieux par des méthodes qui respectent l’environnement.
L’incinération est devenue interdite à l’air libre (article 7 de la loi cadre du 10 juin 1996 relative
aux déchets et au contrôle de leur gestion et de leur élimination.).
Un schéma national d’élimination des déchets d’activités de soin a été instauré et se base
essentiellement sur la mise en place d’incinérateurs et banaliseurs au niveau de chaque région
avec une capacité qui correspond à leur production en déchets.
En Tunisie on produit environ 18000 tonnes de déchet de soins par année. 7200 tonnes sont des
déchets à risques, les restants sont assimilables aux déchets ménagers et peuvent être déversé
dans les décharges publiques.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Le Centre Hospitalo-universitaire Sahloul, qui se trouve dans la ville de Sousse au niveau du


centre-est de la Tunisie, a une capacité de 520 lits. Son activité est essentiellement chirurgicale. Il
produit environ 150 Tonnes de déchets à risques par année. Depuis sa création en 1993 jusqu’à
mai 2006 le traitement de ses déchets s’effectuait par une incinération dont les gaz brûlés sont
directement évacués à l’air libre.
En mai 2006 le CHU a lancé en collaboration avec un partenaire privé une expérience pilote pour
le traitement de déchet hospitalier par une méthode conforme aux normes internationales et
s’insère parfaitement dans l’objectif global fixé par la législation tunisienne en terme de déchets.
La société privée a fourni le personnel qualifié et les équipements nécessaires qui utilisent un
nouveau procédé propre dont le procédé se base sur le principe de la chaleur humide pour la
stérilisation des déchets.
Une commission de suivi et d’évaluation a été constituée et comprend les membres suivants :
1- Un représentant du service d’hygiène de l’hôpital
2- Un représentant du ministère de la santé publique
3- Un représentant du ministère de l’environnement
4- Un représentant du centre international des Technologies de l’Environnement
5- Un représentant de la société privée.

L’opération pilote qui durera six mois constitue une période d’essai au cours de laquelle des
testes d’efficacité et d’évaluation du système et de son impact sur l’environnement on eu lieu.
Le principe de fonctionnement du Banaliseur est le suivant : Dans une enceinte de stérilisation
fermée, un rotor, doté de lames, désintègre, agite et chauffe le déchet par chocs et frottements. La
température de la masse est élevée en temps réel avec grande précision par des capteurs spéciaux
durant son agitation intense et continue. Quand la température a atteint 155°c, la masse est
aspergée automatiquement d’injection d’eau nébulisée de façon à ce qu’elle reste sous
température contrôlée afin de garantir le processus de stérilisation. Tout le résidu pulvérisé
obtenu est refroidi à 95°c. A ce stade le cycle est terminé et le résidu déshydraté et inodore est
déchargé automatiquement. Les vapeurs libérées par évaporation des liquides, sont absorbées
dans une colonne reliée à la cellule de stérilisation, dans un flux d’eau courante. Les vapeurs et
les gaz condensables sont évacués à l’égout avec des valeurs répondant aux normes en vigueur.
L’air rejeté est traité par des filtres à charbon actif et par le filtre absolu avec un DOP de 99.99 %.
Divers types de tests ont pu avoir lieu :
a- Test bactériologique : La cellule du broyeur comporte un emplacement spécifique destiné au
positionnement d’un indicateur biologique contenu dans une fiole pour la vérification
épisodique du bon déroulement de la stérilisation. Ses caractéristiques bactériologiques et
biologiques en font un indicateur absolu de sécurité, il est constitué d’une suspension de
spores de bacilles stearothermophilus ATCC7953 dans un milieu de culture spécialement
formulé. Après le processus de stérilisation la fiole est incubée à 55°c pendant 24 heures
présente toujours une couleur violette, ce qui met en évidence l’efficacité et la réussite du
processus de stérilisation. Des analyses supplémentaires sur le résidu obtenu après

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

banalisation des déchets montres que ce résidu ne présente pas des valeurs qui dépassent les
limites admissibles par la norme tunisienne NT 106-20.
b- Caractéristiques des rejets atmosphériques : l’expérience a montré que les valeurs atteintes
par les émanations de gaz ne dépasse pas les limites admissibles selon la norme tunisienne
NT106-04 relative à la santé.
c- D’autre part les COV mesurés n’atteignent pas les valeurs limites d’exposition selon les
recommandations de l’OMS.
d- Caractéristiques des rejets hydriques : L’analyse effectuée a concernée le PH, Conductivité,
Salinité, oxygène dissous, indice de permanganate, DCO et les méthodes de teste se basent
sur l’électrochimie et la titrimétrie. Ces analyses ont montrés que les valeurs atteintes n’ont
pas dépassé les limites admissibles selon la NT 106-02 dans une canalisation.
e- Caractéristiques économiques : Dans cet étude on a comparé pour le stérilisateur et
l’incinérateur le coût de reviens du traitement d’un kilogramme de déchet en incluant :
- Consommation d’énergie
- Entretien préventif et curatif
- Charges salariales
- Amortissement du matériel
On conclu que le coût de traitement est de 40% moins cher pour le banaliseur par rapport à
l’incinérateur. Le temps de récupération de l’investissement est de cinq ans. Le taux de rentabilité
du projet est de 27%.

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SANTE PUBLIQUE ET DECHETS DANGEREUX : ANALYSE DE LA


GESTION SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE DES DECHETS
TOXIQUES DU DISTRICT D’ABIDJAN

ATSE M’bo Armelle Rosine


Chef du bureau d’enquête publique à l’Agence Nationale de l’Environnement (Côte d’Ivoire) – 08 BP 09 Abidjan 08
– Tél. (225) 05 40 21 54 / 22 47 08 65 / 22 4706 29 – Fax : (225) 22 47 06 77 – Courriel : armelbel@yahoo.fr

Résumé

Dans la nuit du 19 au 20 août 2006, le Probo koala, navire de la compagnie grecque Prime
Maritime Management affrétée par la société néerlandaise Trafigura accostait au Port d’Abidjan
avec dans ses soutes des résidus toxiques à forte teneur en hydrogène sulfuré et mercaptans. Ces
déchets toxiques estimés à près de 580 tonnes seront déversés clandestinement dans 14 sites du
district d’Abidjan dans cette même nuit.
Conséquence de cet acte, 08 morts officiellement connus et plus de 56000 personnes intoxiquées
par les émanations qui se sont dégagées de ces produits. Les réactions qui font suite à
l’inhalation de ces émanations à l'odeur d’ail qui prend à la gorge sont des irritations cutanées,
des malaises, des diarrhées, des maux de tête, des vomissements et des saignements de nez sur
une grande échelle.
En dehors de l’homme, les ressources naturelles ainsi que les animaux ont été aussi touchés par
cette catastrophe produite par les hommes. En effet, des cours d’eau, des espèces aquatiques
floristiques et fauniques, des forêts, le sol et l’air ont été contaminés et détruits par les déchets
toxiques déversés.
Face à la crise environnementale et sanitaire sans précédent qui touche le pays, le
Gouvernement de Côte d’Ivoire, a pris des mesures et des dispositions urgentes en mettant en
route le dispositif national de gestion des catastrophes. Pour maîtriser le flux des personnes
intoxiqués par les déchets toxiques, 36 centres de santé (dont deux mobiles) ainsi que la garantie
de la gratuité des soins et des médicaments pour les victimes de la pollution ont été mis en place.
Pour la réhabilitation des sites pollués, les autorités ivoiriennes ont fait appel à la société
française TREDI qui s’est occupée du ramassage des déchets toxiques, du stockage dans des
bunkers et de leur transfert en France pour traitement.
A travers l’analyse des impacts sociaux et environnementaux ainsi que l’analyse des mesures
d’urgence mises en place, le but de cette communication est de montrer les enjeux politique,
socioéconomique et environnemental liés à la pollution par les déchets dangereux dans un pays
en voie de développement, les mécanismes nationaux de gestion des déchets dangereux, leur
efficacité et leur capacité de réaction.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 Introduction

Protéger la santé humaine et l'environnement contre les effets nuisibles pouvant résulter de la
production, des mouvements transfrontières et de la gestion des déchets dangereux et autres
déchets est depuis plus d’une décennie, le combat que mènent nombre d’institutions
internationales, gouvernementales et non gouvernementales dans le monde.
Comme preuve palpante la Convention de Bâle adoptée le 22 mars 1989 par 116 états à
Stockholm sur le Contrôle des Mouvements Transfrontières de Déchets Dangereux et leur
élimination. Ce traité international, le plus important actuellement, sur les déchets dangereux est
entré en vigueur depuis le 5 Mai 1992.
De plus, la même année, la Conférence sur l'Environnement et le Développement à Rio revient
intensifier les actions de cette convention en consacrant un chapitre entier au sujet. Ce chapitre
communément connu sous l’Action 20 s’intitule en effet « Gestion écologiquement rationnelle
des déchets dangereux, y compris la prévention du trafic international illicite de déchets
dangereux»
Comme bon nombre de pays, la Côte d’Ivoire est signataire de la Convention de Bâle.
Cependant dans la nuit du 19 au 20 août 2006, le pays connaîtra, dans les jours qui suivront, une
grave et grande crise de santé publique liée à la gestion des déchets dangereux qui a ce jour n’a
pas encore fini de faire couler de l’encre.
Notre objectif principal, visé par cette communication est, à travers l’analyse des impacts sociaux
et environnementaux ainsi que l’analyse des mesures d’urgence mises en place, de montrer les
enjeux politique, socioéconomique et environnemental liés à la pollution par les déchets
dangereux dans un pays en voie de développement, les mécanismes nationaux de gestion des
déchets dangereux, leur efficacité et leur capacité de réaction.

2 Présentation de la gestion des déchets industriels en Côte d’Ivoire

Au lendemain de l'indépendance de la Côte d'Ivoire et dans le cadre de sa politique


d'industrialisation, le gouvernement ivoirien a favorisé la création et le développement de zones
industrielles aussi bien à Abidjan que dans les principales villes du pays.
Bien que dominé par l’agroalimentaire, le secteur industriel apparaît toutefois diversifié : textile,
bois, mécanique, matières plastiques, bâtiment et travaux publics, produits chimiques (engrais,
peinture, insecticides), produits pétroliers….
Il apparaît que l’essentiel des établissements industriels se localise à Abidjan, la capitale
économique, (92,8% des établissements industriels).

161
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Tableau : Nombre d’établissements industriels par ville en Côte d’Ivoire en 1998

Nombre de villes Nombre d’établissements industriels

69 2822

Source : INS, RGPH-1998

Mais, si le développement industriel est considéré comme un résultat tangible du développement


économique d’un pays, il est aussi l’un des principaux facteurs de pollution et de nuisance.
Le secteur industriel a produit en Côte d’Ivoire près de 150 000 000 kg de déchets en 2001. Le
tableau suivant présente l’évolution des déchets industriels et compare la quantité de déchets
produits aux types de déchets.

Tableau2 : Evolution de la quantité des déchets en Côte d’Ivoire de 1996 à 2001

Catégorie de déchets 1996 1998 2001


(en kg)

Déchets industriels 150 000 000 150 000 000 150 000 000

Déchets ménagers 2 059 899 000 1 956 904 000 1 989 579 000

Déchets biomédicaux 3 600 000 3 600 000 3 600 000

Autres 78 235 000 66 643 000 70 230 000

Source : Gestion durable des déchets : stratégie et programme national. Direction de l’environnement et du cadre de
vie. Octobre 2001

Il faut souligner cependant les difficultés de collecte, de mesure et des méthodes d’estimations
utilisées pour le recueil des données statistiques sur les déchets industriels et biomédicaux.
En Côte d'Ivoire, l'inspection et le contrôle des activités des établissements industriels sont
assurés par le Centre Ivoirien Anti-pollution (CIAPOL), établissement sous tutelle du
Ministère en charge de l’environnement. Ce même établissement se charge aussi d'analyser et de
quantifier les pollutions et d'établir un système de surveillance continue des milieux à travers le
Réseau National d'Observation de Côte d'Ivoire (RNO-CI).
Il faut souligner que la gestion des déchets industriels reste encore insuffisante. Pour pallier ces
insuffisances, une nouvelle stratégie de gestion des déchets a été élaborée et adoptée en 2002.
Cette stratégie prévoit la construction d’un Centre d’Enfouissement Technique (CET) pour le
traitement des déchets industriels qui à ce jour n’a pas encore vu le jour. Cependant les études sur
le sujet sont très avancées.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 Le déversement des déchets toxiques dans le district d’Abidjan

Dans la nuit du 19 au 20 août 2006, le Probo Koala, navire de la compagnie grecque Prime
Maritime Management affrétée par la société néerlandaise Trafigura, parti d'Espagne, accoste à
Abidjan, le plus grand port d'Afrique de l'ouest pour une vidange.
Le liquide à vidanger est composé des boues issues du raffinage pétrolier, riches en matière
organique et en éléments soufrés très toxiques (hydrogène sulfuré, H2S et mercaptans).
De façon encore mystérieuse, ce liquide a été notifiée sous la qualification d"eaux usées" et a
franchi les exigences de traitement.
La société AIBS, consignataire dudit navire a coopté TOMMY, spécialisée dans la vidange,
l’entretien et le soutage des navires au Port Autonome d’Abidjan pour le déversement du produit
dans différents points du District d’Abidjan.
Ainsi, dans la nuit du 19 au 20 août, 528 tonnes de déchets hautement toxiques transportés à bord
de camions citernes ont été déversées dans divers quartiers de la ville d'Abidjan ainsi que dans
ces banlieues. Au total près de 14 sites dans le district d’Abidjan ont été répertoriés.

Un camion citerne allant déverser illicitement des déchets toxiques qui a été bloquée par les populations

Ces sites sont de natures diverses. Il s’agit de :


" Des cours d’eau se trouvant à la périphérie de la ville d’Abidjan ;
" Un espace boisé situé à la périphérie du parc national du Banco près de la Maison d’Arrêt
et de Correction d’Abidjan (MACA) ;
" La décharge publique d’Akouédo à Abidjan, décharge sauvage qui reçoit toutes les
ordures ménagères du district d’Abidjan ;
" Un collecteur d’eaux pluviales.

163
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Des cours d’eau pollués par les déchets toxiques

Ce n'est qu'après le départ du navire, que les autorités ivoiriennes se sont rendues compte de la
supercherie.

2 Impacts du déversement des déchets toxiques

Les impacts du déversement des déchets toxiques dans le district d’Abidjan ont créé un problème
de santé publique sans précédent en Côte d’Ivoire.
Le bilan actuel de 10 morts officiellement connus, 66 cas d’hospitalisation et près de 107 900 cas
de consultation est plus qu’éloquent.
Les victimes des déchets toxiques ont été essentiellement intoxiquées par les émanations qui se
sont dégagées de ces produits. Sur une grande échelle, les réactions qui font suite à l’inhalation
de ces émanations à l'odeur d’ail qui prend à la gorge sont des irritations cutanées, des malaises,
des diarrhées, des maux de tête, des vomissements et des saignements de nez.
En dehors de l’homme, les ressources naturelles ainsi que les animaux ont été aussi touchés par
cette catastrophe produite par les hommes. En effet, des cours d’eau, des espèces aquatiques
floristiques et fauniques, des forêts, le sol et l’air ont été contaminés et détruits par les déchets
toxiques déversés.
Par ailleurs, l’affaire des déchets toxiques a provoqué de nombreux remous sur le plan politique.
Le premier ministre a, aux premières heures de l’affaire, annoncé la démission de son
gouvernement. Les principaux responsables des structures tels le Port Autonome d’Abidjan, le
District d’Abidjan, la douane, les Ministères en charge de l’environnement et des transports ont
été convoqué et entendu par l’Assemblée Nationale.
Certains responsables ont même été démis de leurs fonctions pour faute de manque de vigilance.

164
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

3 Mesures d’atténuation et de réduction des déchets toxiques

Face à la crise environnementale et sanitaire sans précédent qui touche le pays, le Gouvernement
de Côte d’Ivoire, a pris des mesures et des dispositions urgentes en mettant en route le dispositif
national de gestion des catastrophes. Ce dispositif comprend :
- La création d’un comité interministériel composée de 13 Ministères pour la gestion de la
crise. Ce comité a fait place aujourd’hui à une cellule opérationnelle du Plan National de
Lutte contre les Déchets toxiques ;
- La création d’un comité scientifique composé de 27 structures dont des laboratoires, des
centres de recherches, des structures opérationnelles et des ministères ;
- La prise en compte des victimes.
Pour maîtriser le flux des personnes intoxiquées, 36 centres de santé (dont deux mobiles) ainsi
que la garantie de la gratuité des soins et des médicaments pour les victimes de la pollution ont
été mis en place.
Une campagne médiatique d’information et de prévention a été mise en oeuvre. Les spots
confectionnés ont été largement diffusés en français ainsi qu’en langues locales dans les
journaux, à la radio et à la télévision pendant plusieurs mois.
Pour la réhabilitation des sites pollués, les autorités ivoiriennes ont fait appel à la société
française TREDI qui s’est occupée du ramassage des déchets toxiques, du stockage dans des
bunkers et de leur transfert en France pour traitement.
De plus, de façon systématique et par mesure de précaution, les animaux des fermes avoisinants
les différents sites pollués ont été abattus et incinérés. Près de 453 porcins ont été ainsi abattus et
incinérés. Le même sort a été réservé aux poissons des étangs contaminés.
Une enquête pour découvrir les responsables du déversement illicite des déchets toxiques a été
diligentée par le gouvernement de Côte d’Ivoire.

4 Conclusion

La promptitude de réaction du gouvernement ivoirien face au déversement illicite des déchets


toxiques dans le district d’Abidjan a permis de limiter la catastrophe sanitaire et
environnementale.
Les mesures sociales, telles la gratuité des médicaments et des consultations ainsi que la large
diffusion de la campagne d’information et de sensibilisation sur le sujet, ont permis d’éduquer
les populations et de prendre en charge les victimes.
Pour la dépollution des sites, près de 20 milliards de F CFA a été déboursé par le gouvernement
ivoirien.
Cependant l’application stricte de la Convention de Bâle devra être effective afin d’éviter dans
l’avenir une telle catastrophe environnementale et sanitaire semblable.

165
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

5 Références bibliographiques

Agence Nationale De l’Environnement : Profil Environnemental du Port d’Abidjan, Novembre


2006
Direction de l’Environnement et du Cadre de Vie : Gestion Durable des Déchets Stratégie et
programme national, Octobre 2001
Division Infrastructures Afrique Occidentale et Centrale : Politique de décentralisation et
stratégie d’investissement dans les villes de Côte d’Ivoire 1993-2000, Juillet 1993.
GUILLOTTE J.F, GUILLOTTE J.P., HAUPT F. et STOLL H.R. :Gestion des déchets industriels
et dangereux dans les zones urbaines en Afrique de l’Ouest édition Lux Development,
Luxembourg, 1996
K- KIRINE Jean Rock : Déchets toxiques : 240 porcs abattus et brûlés à Akouédo in Fraternité
Matin du Vendredi 10 novembre 2006
Réseau pour l’Environnement et le Développement Durable en Afrique : Rapport sur l’état de
l’environnement en Afrique de l’Ouest, PNUE, 2004

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

ORIGINE ENVIRONNEMENTALE DES INTOXICATIONS ALIMENTAIRES


COLLECTIVES AU MAROC : CAS DE LA REGION DU GHARB
CHRARDA BNI HSSEN.

BELOMARIA M.1,2, AHAMI A.O.T1, ABOUSSALEH Y.1, & EL BOUHALI B.1


1 : Équipe de Neurosciences et Nutrition. Laboratoire de Biologie et Santé. Faculté des Sciences .Université Ibn
Tofail. BP : 133 Kenitra Maroc.
2 : Direction du Médicament et de la Pharmacie, Ministère de la Santé. Rabat.

Résumé :

Les intoxications alimentaires constituent un problème qui nuit à la santé publique. Son
dévoilement ouvre une opportunité sur le plan d’action pour cerner le problème et l’éviter.
L’objectif de notre travail est de décrire le profil épidémiologique des intoxications alimentaires
dans la région du Gharb Chrarda Bni Hssen (Maroc) et la stratégie préconisée. Nous avons
procédé à une étude investigatrice portant sur 37 cas de toxi-infections alimentaires collectives
(TIAC) notifiées au Centre Hospitalier Provincial Idrissi sur la période de 2001 à 2006. Les
principaux résultats sont : la majorité des cas ont été notifiés en milieu communal (70%), une
nette baisse des cas des TIAC cette dernière année (3cas), l’âge des malades varie de 15 à 25ans,
les femmes sont les plus exposées (85%). La déclaration est faite en majorité par l’animateur du
SIAAP (30%), le foyer familial est le plus atteint (70%). Les principaux aliments causes des TIAC
sont les fruits et légumes (20%) et lait et ses produits dérivés (17%). L’agent responsable est le
Staphylocoque doré (72%) et le Clostridium perfringens (28%). Le développement de la cellule
de surveillance épidémiologique des TIAC et l’installation d’une cellule d’assurance qualité sont
les points forts de la maîtrise de l’épidémiologie des intoxications alimentaires.

1 Introduction :

Un foyer de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) est défini par l’apparition d’au moins
deux cas groupés d’une symptomatologie similaire, en général digestive, dont on peut rapporter
la cause à une même origine alimentaire (l). Le diagnostic est d’abord clinique et la
symptomatologie est fonction de l’agent responsable. Les signes digestifs (diarrhées,
vomissements, nausées, douleurs abdominales) peuvent s’accompagner de signes généraux
(fièvre).
Une prédominance de signes digestifs hauts est en faveur d’un processus toxinique et d’une durée
d’incubation courte à moyenne (2 à 8h : Staphylococcus aureus, Bacillus cereus). L’absence de
signes digestifs hauts et une prédominance de fièvre sont plutôt en faveur d’un processus invasif

167
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

et donc d’une durée d’incubation plus longue (>8h : Salmonella, Campylobacter, Yasinia). Les
infections liées à des parasites (Cryptosporidium, Giardia) se caractérisent par des diarrhées
persistantes avec peu ou pas de fièvre. Les infections virales (Calcivirus, Rotavirus) génèrent une
diarrhée et/ou des vomissements avec des durées d’incubation de 12 à 72h (2). Des signes
neurologiques peuvent notamment orienter vers une intoxication à la toxine botulinique, à
l’histamine, à des champignons ou à des toxines de cyanobactéries. L’investigation des cas de
gastro-entérites doit être encouragée : recherche d’autres cas de même origine et recours plus
fréquent au diagnostic biologique (coproculture).
Dans la majorité des cas, la réhydratation est le seul geste réellement important. Les autres
traitements sont à mettre en œuvre selon les situations (traitement de fièvre, pansements
gastriques, antibiotiques) (3).
Situation épidémiologique dans certains pays :
Aux Etats-Unis, pour 76 millions d’intoxications alimentaires (26000 pour 100000 habitants)
dont 325000 personnes ont été hospitalisées (111 pour 100000 habitants) et 5000 personnes sont
mortes (1.7 pour 100000 habitants) (4).
Au Royaume-Uni en l’an 2000, le nombre d’intoxications s’est élevé à 2 millions (prés de 3400
pour 100000 habitants), les bactéries impliquées furent : Campylobacter jejuni : 77,3%,
Salomnella : 20,9%, Escherichia Coli O 157 : H7 : 1,4% et toutes les autres : <0,1%.
En France, sur les 250000 à 750000 intoxications alimentaires par année (400 à 1210 pour
100000 habitants) : 70000 on fait l’objet d’une consultation aux urgences (113 pour 100000
habitants), 15000 personnes ont été hospitalisées (24 pour 100000 habitants) et 400 personnes en
sont mortes (65 pour 100000 habitants).
Situation épidémiologique au Maroc :
Une augmentation progressive au cours des dix dernières années a été constatée. En effet le
nombre de cas et des épisodes de TIAC de 1996 à 2001 a doublé. Les TIAC représentent, au
Maroc, 11% des intoxications. Plus de 90% des TIAC sont d’origine bactérienne confirmée ou
probable. Environ 7% des cas sont d’origine chimique : Contamination des aliments par des
pesticides surtout. Prés de 1% des cas : TIAC d’origine végétale (Addad). Le reste étant d’origine
indéterminée (1,5%)(5).
La contamination des aliments peut provenir des matières premières ou des préparateurs. L’eau
d’alimentation peut aussi être à l’origine de TIAC.
Les TIAC sont sous-déclarées au Maroc comme dans autant de pays du Monde. Vu que la
population marocaine ne connaît pas les risques des TIAC, celles-ci ne sont déclarées qu’en face
d’aggravation. Ainsi on peut estimer 10 cas pour chaque déclaration (6).
Conscients des dangers et des effets des TIAC nous avons dressé un bilan par l’intermédiaire
d’une enquête épidémiologique au niveau de la région Gharb Chrarda Bni Hssen.

168
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

2 Matériels et Méthodes :

Il s’agit d’une étude rétrospective exhaustive sur les TIAC sur 6 ans (2001-2006) qui ont été
déclarées à l’hôpital provincial de Kenitra. Nous avons exploité les registres du SIAAP de la
délégation de santé. Nous avons retenu des maladies à déclaration obligatoire seulement, les
TIAC. La consultation des archives de l’Hôpital Provincial de Kenitra nous a permis d’aboutir
aux résultats exposés.

3 Résultats :

Entre 2001 et 2006, TIAC ont été notifiées dans la région du Gharb Chrarda Bni Hssen soit
environ 4% des 930 TIAC en total Maroc. Parmi les 36 TIAC dans la région du Gharb Chrarda
Bni Hssen, 26 (70%) l’ont été en communale et 10 (30%) en rurale.

Communale

Rurale
Couafaa S.B.hadj Oued El
Makhazine
My Arbaoua
BousselhamDlalha L.Mimouna
K.B.ouda
Ouazene

L.yetto
1cas L.Ghanou S.A.Hadi
S.H.Bahraoui Masmouda Teroual
S.M.Lahmer Souk Larbaa
S.Redouane
Ben Mansour
Sk Tlatl B.Ksiri Ain Defali S.Bousber
S.A.Tazi Had Kourt
S.Kamel
Houafat 1cas S.A.Aziz
Mnasra K.S.Aiss Jorf Melha
a D.Guedari Laâbyat Kheniche
Mograne
S.Ayac S.YA HI Chibane t
A 1cas
h
Od.El Assal Mradsa
KENITRA Dhor Kbar
2cas
Kcebia S.A.Ghyati Baggara S.Kacem SIDI KACEM
Kenit r D.Aicha Od Boutbet
a 17cas 1cas
S.Slimane 5cas
S.Taibi Touirsa Gnafda 7cas/1cas
fjar Zegotta
Mgadid
Dar Bel Amri Azghar
M.Kattane

Figure 1 : Région Gharb Chrarda Bni Hssen

Répartition selon l’âge :


Les intoxications rapportées concernant des malades de moins de 25 ans s’élèvent à 110
(65%).La majorité de ces intoxications impliquent cependant des adolescents. ( Figure 3).

169
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

35

Nombre de malades
30
25
20
15
10
5
0

15

25

35

45

55

60
5
à

à
<

<

<

<

<

<

>
Années

Figure 2 : Répartition des malades selon leur âge

Répartition selon le sexe :

Les TIAC touchent 94 hommes (41%) contre 130 femmes (59%).


Sources de Déclaration :

Sur les 36 TIAC notifiées en région Gharb Chrarda Bni Hssen de 2001à 2006, la source de
déclaration des TIAC notifiées était précisée dans 33% % des cas. Soit par l’animateur ou la
cellule épidémiologique. Les autres sont rapportées surtout administrativement.

Rapporteur Nombre Pourcentage

Animateur de santé 7 19%

Cellule Epidémiologie 5 14%

Délégué de la santé 3 9%

Médecin Chef 2 6%

Autres personnel médical ou paramédical 19 52%

Total 36 100%

Figure 3: Sources de déclaration des intoxications

170
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Lieux de survenue :

Les 70% des TIAC rapportées en région Gharb Chrarda Bni Hssen étaient survenues au foyer
familial, 8% en épicerie, 5% en laiterie, 5% marchant ambulant, 2% marché de poissons, 2%
foret, 2% pâtisserie, 2% restaurant et 4% en divers situations.
Taille des ménages :

La taille des foyers variait selon le type de foyer. Le nombre moyen de malades par foyer était de
6 en milieu familial et de 8 en collectivité. Le foyer le plus important survenu en milieu familial a
concerné 20 personnes et en collectivité 17 personnes.
Aliments incriminés :

L’aliment causal des TIAC notifiées a été identifié ou suspecté épidémiologiquement dans 86%
des TIAC notifiées (31/36) les aliments les plus fréquent en cause étaient légumes et fruits 20%,
lait et produits laitiers 17%, volailles et œufs 9% et viens après par ordre décroissant du
pourcentage d’incrimination escargots 7%, poissons 7%, couscous 6%, viandes 4%, pâtisserie
4%, eau de boisson 2%

eau de boisson
légumes et fruits
volailles et œufs
viandes
lait et produits laitiers
escargots
poissons
patisserie
couscous
autres

Figure 4: Pourcentage de TIAC par types d'aliments incriminés dans la Région du Gharb entre 2001 à 2006

Facteurs ayant contribué à la survenu de TIAC :

Dans les 36 cas des TIAC notifiées survenu dans la Région du Gharb Chrarda Bni Hssen 38 %
sont du à des matières premières contaminées, 22 % à la contamination par l’environnement du
personnel et 22% à la contamination par l’environnement de l’équipement, 6 % est du au non
respect des températures réglementaires, 6 % est du au délai important entre préparation et
consommation, 6 % sont du à une erreur dans la préparation et de la consommation

171
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Agent Responsable :

L’agent étiologique responsable des TIAC notifiées a été confirmé par des prélèvements
d’origine humaine (selles, sang et autres) en plus des données cliniques et épidémiologiques, 72
% c’est le Staphylocoque doré et 28 % Clostridium Perfringens.

4 Conclusion :

Le nombre des TIAC notifiées est presque stable entre 2001 et 2005, alors qu’en 2006 une chute
remarquable est relevée. Ceci peut être lié à l’éducation sanitaire, l’information, la
communication en matière d’hygiène alimentaire et la prise de conscience du citoyen de
l’incidence sociale et économique, en particulier l’arrêt du travail, les mesures répressives à
l’encontre des entreprises et des restaurants en cause. La restauration collective nécessiterait un
suivi régulier et en particulier les foyers ayant présenté des TIAC antérieurement. Il faut être
conscient que chaque TIAC déclarée limite son aggravation. Il faut, également, fournir
d’avantage d’efforts pour développer le système d’enquête et d’investigation épidémiologiques.

5 Références bibliographiques :

Haeghebaert E. et coll. Epidémiologie des maladies infectieuses en France, les toxi.infections


alimentaires collectives en France en 1997,1997.
Anonyme, Surveillance des toxi.infections alimentaires collectives, MDO infos n° 5 décembre,
2003
Anonyme, Centers for Disease Control and Prevention, Diagnosis and Management of Food
borne Illnesses: A Primer for Physicians and Other Health Care Professionals. MMWR: vol
53, n° RR64, 2004
Anonyme, Salubrité des aliments et maladies d’origine alimentaire) WHO/Aide Mémoire n° 237
Mars 2000
Benkaddour K. Situation épidémiologique des toxi.infections alimentaires collectives au Maroc,
1992-2001),2001
Rhalem N. Profil épidémiologique des intoxications au Maroc, 2002

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

LE DANGER AU FOND DU CARTABLE ET DANS L’ENVIRONNEMENT :


UNE ETUDE DES RISQUES DE L’ALIMENTATION EN MILIEU
SCOLAIRE AU CAMEROUN

Robert NGOUFFO
Agronome-Nutritionniste, Directeur de DK International, BP. 1464 Bafoussam-Cameroun, Tél. (237) 999 41 09,
Email: roleengouffo@yahoo.com

Résumé

Une étude sur « l’alimentation de la rue, morbidité et performances scolaires des élèves» a été
réalisée dans 13 établissements secondaires de la Province de l’Ouest Cameroun, entre octobre
2005 et mai 2006. 876 élèves dont 437 filles et 439 garçons tous âgés de 9 à 25 ans ont ainsi été
tirés au hasard et enquêtés. Par ailleurs, 36 échantillons d’aliments prélevés auprès des
vendeurs dans les enceintes des établissements scolaires ont été analysés au Laboratoire du
Centre Pasteur de Yaoundé au Cameroun pour l’investigation de la flore microbienne. La
relation entre le nombre de repas pris à l’école et l’état nutritionnel général des élèves a été
significative au seuil de 10%. Par ailleurs, le nombre de repas pris à l’école a semblé influencer
positivement (p<0.1) les performances scolaires des élèves. Par contre, ce paramètre n’a eu
aucun effet significatif sur la morbidité des élèves, bien que les échantillons prélevés dans leurs
établissements scolaires et analysés étaient à 75% impropres à la consommation humaine. Des
observations ciblées ont montré que les eaux de service, les restes d’aliments et les emballages
mal gérés qu’engendre cette forme d’alimentation sont à l’origine de la pollution des enceintes
scolaires. En conclusion, cette étude a révélé des relations significatives d’une part entre
l’alimentation de la rue et l’état nutritionnel général, d’autre part entre l’alimentation de la rue
et les performances scolaires des élèves. Des mesures sont à envisager auprès de tous les acteurs
impliqués dans ce phénomène, notamment pour préserver la qualité de ces aliments et améliorer
les conditions d’hygiène et de salubrité.
Mots-clés : Alimentation- Rue - Etablissement scolaire – Morbidité-Performances scolaires-Acteurs

1 Constat

L’alimentation est une fonction vitale pour l’homme. C’est la nourriture que nous consommons
qui garantit notre immunité et éloigne de nous de nombreuses maladies. Notre santé est avant tout
dans notre plat. Seulement, pour mieux nous nourrir, il faut transcender le paramètre de
disponibilité alimentaire pour considérer les aspects comportementaux et d’équilibre nutritionnel.
C’est là que la notion d’alimentation trouve toute sa délicatesse.

173
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Depuis quelques décennies, notamment dans les centres urbains et sub-urbains du Cameroun et
des autres pays de l’Afrique, il se développe un phénomène de prise des repas hors ménage
encore appelé alimentation de la rue. Ce phénomène s’est pratiquement institué dans les
établissements scolaires, avec des effets adverses sur la santé des élèves et sur l’environnement.

Les facteurs favorisants

Au fil des ans, le phénomène d’alimentation de la rue s’est développé chez les élèves à la faveur
de certains facteurs favorisants, notamment : les contraintes professionnelles de certains ménages,
la programmation parfois anarchique des horaires des enseignements , la recherche de la facilité
par certaines ménagères, les longues distances à parcourir par les élèves, la baisse du pouvoir
d’achat de certains ménages, la gourmandise, les compagnies amicales, …etc

Les risques potentiels de contamination et d’intoxication


De nombreuses pratiques à risques sont observables chez certains acteurs impliqués dans ce
phénomène. Nous évoquons ici quelques-unes de ces pratiques : les personnes qui vendent n’ont
pas de responsabilité légale vis à vis des consommateurs, les conditions d’hygiène de préparation,
de conservation et de distribution des aliments sont déplorables, l’alimentation de l’élève n’est ni
suivie, ni contrôlée, les horaires de consommation sont mal programmés, la réglementation en
vigueur n’est pas respectée, la nature même des repas vendus qui constituent des substrats
privilégiés pour la prolifération des germes pathogènes, le développement d’une certaine culture
des manifestations et des fêtes
Les risques de pollution de l’environnement
L’alimentation en milieu scolaire porte atteinte à
l’environnement avec des eaux de préparation et de
service, les restes d’aliments et les papiers d’emballage
qui sont régulièrement versés à côté des points de vente
et qui forment des eaux polluées à écoulement lent
constituant d’excellents gisements pour les moustiques
vecteurs de malaria, de bilharziose et d’onchocercose
(Robert Dalleré, 1993).

Elèves et vendeurs d’aliments au Collège Martin Luther


King à l’Ouest-Cameroun

2 Illustration : une étude menée dans les


établissements scolaires de l’Ouest-Cameroun

Au cours des mois d’octobre et de novembre 2005, nous avons mené une étude diagnostique sur
« l’alimentation de la rue, morbidité et performance scolaire des élèves dans les établissements
secondaires de l’Ouest-Cameroun ». L’objectif de cette étude a été de rechercher les relations
possibles entre le phénomène d’alimentation de la rue et l’état général des élèves, leur morbidité
et leurs performances scolaires ainsi que les effets sur l’environnement, avec en perspective de

174

Elèves se frétillant autour des vendeurs


Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

faire une intervention si nécessaire en matière d’éducation nutritionnelle, sanitaire et


environnementale auprès des différents acteurs impliqués dans ce phénomène.

3 Matériels et méthodes

3.1 Matériels

Un questionnaire a été élaboré pour la collecte des données (identification, caractéristiques


anthropométriques, habitudes alimentaires, histoire médicale et performances scolaires) dans les
13 établissements secondaires publics st privés de la Province de l’Ouest Cameroun ayant
consenti pour l’étude. Les enquêtes ont été conduites par 2 équipes de 2 enquêteurs coiffées
chacune par un superviseur. En plus du questionnaire, les enquêteurs ont fait usage sur le terrain
d’une toise, d’une pèse personnes, d’une glacière et du matériel pour écrire et filmer au besoin.

3.2 Méthodes

L’unité de sondage était l’élève. Dans chaque établissement, sur la base des listes officielles, les
élèves ont été divisés en 2 strates (1er et 2nd cycle) à l’intérieur desquelles il a été procédé à un
sondage aléatoire simple. Le tirage systématique a été fait à partir d’une valeur comprise entre 1
et l’inverse du taux de sondage qui dans cette étude était de 1/20. Les autres numéros d’unités à
enquêter ont été obtenus à partir de la valeur du 1er tirage, modulo l’inverse du taux de sondage.
Les listes des élèves à enquêter ont ainsi été préparées pour chaque établissement.
Les enquêtes ont été conduites pendant 3 semaines (octobre à novembre 2005) en conformité
avec le calendrier de passage préétabli. Dans chaque établissement, les élèves étaient reçus
individuellement dans une salle. Après une mise en confiance, ils étaient pesés et leur taille
mesurée. Enfin, ils échangeaient avec l’enquêteur
pendant une quinzaine de minutes sur les questions
prévues sur la fiche d’enquête.
A la fin de chaque journée, les superviseurs collectaient
les fiches remplies et les acheminaient au siège de DK
International pour attendre le dépouillement et la
codification. Les caractéristiques anthropométriques ont
permis de calculer les Indices de Masse Corporelle (IMC)
grâce à la formule IMC = P/T2 (kg/m2), où P représente le
poids de l’élève et T sa taille.
L’IMC a servi d’indicateur pour apprécier l’état
nutritionnel général.
36 échantillons d’aliments ont été collectés le 30
novembre et le 1er décembre 2005 auprès des vendeurs Une séance de prise
habituels, dans les enceintes des établissements anthropométrique pour connaître l’IMC
secondaires concernés, de façon spontanée, entre 10 heures et 13 heures. Ils ont été conservés et

175
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

acheminés dans une glacière (0 à 5°C) le soir du 1er décembre au Centre Pasteur de Yaoundé
pour analyse, suivant les normes de l’Association Française de Normalisation (AFNOR V08-
102). Les seuils microbiologiques suivants ont été utilisés pour l’appréciation qualitative de ces
échantillons:
Bactéries aérobies : < 300 000 /g ;
Coliformes : < 1 000 /g, et pour les glaces : = 100 /g ;
Coliformes thermotolérants et E. coli : < 1 /g ;
Staphylococcus aureus : <100 /g ;
Salmonella : absence ;
Vibrio cholérae : absence.

3.3 Traitement et analyse statistique des données

Le test à partir de la probabilité de chi2 a été retenu pour l’analyse des données, la plupart des
variables étudiées étant qualitatives. Ainsi, ont été considérés tour à tour les seuils de
signification de 10% (p<0,1), 5% (p<0,05), et 1% (P< 0,01). Pour l’identification des facteurs
explicatifs des variables étudiées, nous avons eu recours à la régression logistique multinomiale
puisque la plupart des variables expliquées ont plus de 2 modalités. Par ailleurs, le Pseudo- R2 a
permis d’appréhender le pouvoir explicatif du modèle sur la variable explicative.

4 Résultats

4.1 Echantillon enquêté

Au terme des descentes sur le terrain, 876 élèves dont 437 garçons et 439 filles, tous âgés de 9 à
25 ans ont effectivement été enquêtés. Par strate, 61,19% et 38,81% de ces élèves étaient
respectivement de 1er et du 2nd cycle.

4.2 Nombre de repas pris à l’école et état nutritionnel général des élèves

Globalement, les élèves présentant une obésité sont ceux qui prennent 3 repas à l’école par jour.
Par contre, chez les élèves présentant une maigreur de 3ème et de 2ème grade, aucun ne prend 3
repas à l’école (Figure 1). Cette relation entre le nombre de repas pris à l’école et l’état
nutritionnel général des élèves a été significative au seuil de 10% (p=0.058).

176
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Figure 1 : Etat nutritionnel général des élèves selon le nom bre de repas pris à
l’école dans l'ensem ble

69,7% 66,7%
62,8%
55,6% 54,8% 51,9%
44,4% 45,2% 46,8%
34,5%
28,7% 22,2%
11,1%
0% 0% 1,3% 2,7% 1,6

Maigreur 3éme Maigreur de 2éme Maigreur de 1er Etat de santé Surpoids Obésité
grade grade grade satisfaisant

Pearson chi2(10) = 17,8429


1 repas 2 repas 3 repas
Pr = 0,058

4.3 Repas pris à l’école et morbidité générale

Sur la base de leur histoire médicale, 86.7 % des élèves enquêtés ont déclaré avoir connu une
épisode morbide au cours des 2 dernières années. Le paludisme, les coliques, les céphalées, la
toux, la grippe et la fièvre typhoïde ont été dans cet ordre d’importance les maladies les plus
citées par les élèves. Il faut cependant noter que nous utilisons ici le terme de maladie par abus de
langage. Il s’agit dans la plupart des cas des symptômes ressentis par l’enquêté. Ce choix tient au
fait que l’on ne peut distinguer, à partir des déclarations des individus, la maladie (paludisme,
fièvre typhoïde, dysenterie, etc.) du symptôme ressenti (fièvre, coliques, céphalées, etc.)).
Les élèves qui ont été le plus malades sont ceux qui dans l’ensemble prennent moins de deux
repas à l’école par jour. Par contre, on constate que c’est parmi les élèves ayant pris au moins
trois repas qu’on rencontre les fréquences de maladie les moins élevées. Tel est le cas chez les
élèves du deuxième cycle. Mais, cette relation n’est pas significative, même au seuil de 10%.

Tableau 1: Nombre repas pris à l'école et fréquence de maladies

Fréquence de maladies Nombre de repas pris


1 repas 2 repas 3 repas
1 64,8 33,6 1,6
2 62,8 34,9 2,3
3 59,7 35,3 5,0
4 67,1 31,8 1,1
5 62,3 36,4 1,3
6 et plus 56,4 41,2 2,4
Valeur du chi2 Pearson chi2(10) = 8,6854
Probabilité Pr = 0,562

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Par ailleurs, il ressort du tableau 2 que la source d’eau consommée à l’école n’a également aucun
effet significatif sur la morbidité des élèves (p=0.263)

Tableau 2: Source d'approvisionnement de l'eau consommée à l'école et fréquence de maladie

Fréquence de SNEC/fontaine Marigot/source Vendeur d'eau Autres


maladies
1 79,1 12,7 2,7 5,4
2 77,9 11,5 4,9 5,7
3 76,5 13,9 0,9 8,7
4 73,2 13,4 6,1 7,3
5 75,0 16,7 5,6 2,8
6 et plus 70,7 10,6 6,6 12,1
Ensemble 75,0 12,6 4,6 7,9
Valeur du chi2 Pearson chi2(15) = 17,9879
Probabilité Pr = 0,263

4.4 Repas pris à l’école et performances scolaires

Dans l’ensemble, près de la moitié des élèves ayant des moyennes extrêmes (inférieur à 8 ou
supérieur à 14) prennent 1 ou 2 repas à l’école par jour. Pratiquement tous ceux qui consomment
3 repas ont une moyenne comprise entre 08 et 14. . Cette relation est significative au seuil de
10%.

178
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Figure 2 : Perform ances scolaires des élèves au cours des 2 dernières


années selon le nom bre de repas pris à l’école dans l'ensem ble

63,8% 64,8%
54,6%
50% 50% 52,5%
43,3% 45,5%

33% 33,5%

3,2% 4,2%
0% 1,7% 0%

Moy < 8 8 ! Moy < 10 10 ! Moy < 12 12 ! Moy < 14 14 ! Moy

Pearson chi2(8) = 4,6037


1 repas 2 repas 3 repas
Pr = 0,067

4.5 Résultats de l’analyse des échantillons d’aliments

Trente six échantillons d’aliments ont été prélevés dans les différents établissements et analysés
au Centre pasteur de Yaoundé. Les aliments suivants ont été échantillonnés: beignets,
sandwiches, glaces, beignets haricots, bouillies de maïs dans une certaine variabilité. A l’issue
des analyses, seulement 9 (25%) échantillons se sont avérés propres à la consommation alors que
les 27 autres (75%) hébergeaient une flore anormale de germes pathogènes à des seuils largement
au dessus des critères microbiologiquement acceptables. Les germes les plus nombreux ont été
les coliformes (jusqu’à 106), les coliformes thermotolérants (jusqu’à 105) et les Staphylococus
aureus (jusqu’à 103).

4.6 Résultats des observations sur l’environnement

L’atteinte à l’environnement avec des eaux de préparation et de service, les restes d’aliments et
les emballages qui sont régulièrement versés à côté des points de vente et qui forment des eaux
polluées à écoulement lent constituant d’excellents gisements pour les moustiques vecteurs de
malaria, de bilharziose et d’onchocercose (Robert Dalleré, 1993).

5 Discussion

L’alimentation de la rue, mode d’approvisionnement alimentaire, lieu de consommation et


importante source de revenus pour de nombreux individus et familles des villes des pays en
développement, est largement reconnue comme un phénomène incontournable lié à la croissance
urbaine (Chauliac & Gerbouin-Rerolle, 1996). Les écoles sont une des principales cibles de ce
phénomène en Afrique (Canet & N’Diaye, 1997). L’alimentation de la rue a pris de l’importance

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

au Cameroun avec l’instauration de la journée continue qui contraint les travailleurs et les élèves
à ne pas rentrer manger à la maison à midi. Pour ravitailler les élèves, les vendeurs se regroupent
autour des écoles et collèges ou dans leurs enceintes pour vendre les aliments pendant les 2
pauses de la journée.
Bien qu’il soit difficile d’évaluer les effets de cette forme d’alimentation sur la santé et la
nutrition (Canet & N’Diaye, 1997), cette étude a cependant essayé de rechercher les relations
possibles entre elle et l’état général de nutrition des élèves, leur morbidité et leurs performances
scolaires.
Les résultats obtenus montrent qu’il existe une relation bénéfique significative (p=0.058) entre le
nombre de repas pris à l’école par jour et l’état nutritionnel général des élèves. En effet, bien que
dans l’ensemble près de 6 élèves sur 10 prennent un seul repas par jour à l’école, les élèves
présentant une obésité sont globalement ceux qui prennent 3 repas par jour à l’école. Par contre
chez les élèves présentant une maigreur de 2ème ou de 3ème grade, aucun ne prend 3 repas à
l’école. Cette signification traduit ainsi l’effet bénéfique des casse-croûtes à l’école sur l’indice
de masse corporel des élèves. Il faut cependant craindre le surpoids et même l’obésité chez ces
élèves qui mangent plusieurs fois à l’école. Toutefois, la quantité et la nature des repas pris à
domicile pourraient être d’une influence remarquable d’où la nécessité d’une harmonisation entre
les repas pris dans le ménage et hors ménage.

Il ressort également de cette étude qu’aucune relation significative n’existe entre le nombre de
repas pris à l’école par les élèves et leur morbidité. Pourtant, on se serait attendu à des effets
néfastes significatifs de ce mode d’alimentation compte tenu des risques toxiques et infectieux
engendrés par les modes de préparation, de conservation et de vente des produits
(Chauliac & Gerbouin-Rerolle, 1996). En effet, 75% des échantillons analysés au Centre Pasteur
se sont avérés impropres à la consommation humaine à causes de leurs taux élevés de
contamination microbienne. Ce résultat n’est pas surprenant dans la mesure où il est difficile,
rapportent Canet & N’Diaye (1997), d’évaluer les effets sur la santé et la nutrition des aliments
contaminés ou falsifiés. Une chose reste certaine : les aliments vendus dans la rue influencent
l’état de santé, la morbidité, voire la mortalité des consommateurs et cela de façon plus aiguë sur
les enfants que sur les adultes (Chauliac & Gerbouin-Rerolle, 1996). D’où la nécessité des
cantines scolaires où les conditions d’hygiène et la qualité bactériologique des aliments
pourraient être mieux contrôlées.
Il faut aussi noter que la réglementation exigeant de la part des vendeurs la présentation d’un
certificat médical datant d’au trop 3 mois n’est généralement pas mise en œuvre aussi bien par les
vendeurs eux-mêmes que par les autorités scolaires. L’absence d’une surveillance officielle
permanente de cette activité peut entraîner toutes sortes de problèmes mettant en jeu la santé des
consommateurs (Canet & N’Diaye, 1997).
Par ailleurs, les résultats de cette étude montrent que le nombre de repas pris à l’école influence
positivement les performances scolaires des élèves (p<0.1). Cette influence pourrait s’expliquer
par le tonus que ces repas donnent aux élèves lorsqu’ils sont pris modérément. Toutefois, pris à
l’excès, ces repas pourraient alourdir les élèves et influencer négativement leurs performances
scolaires. Le constat fait de cette manière appelle la réflexion sur les aspects qualitatifs et non
seulement quantitatifs des casse-croûtes à l’école. Les aliments vendus à l’école devront répondre

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

aux besoins en énergie, en protéines, en vitamines et en minéraux des élèves. Ainsi, une prise
serait suffisante pour permettre aux enfants de tenir au cours de la journée, de produire de bonnes
performances scolaires et d’éviter en même temps le surpoids et l’obésité. Ceci souligne non
seulement la nécessité d’organisation et de formation des différents acteurs intervenant dans ce
secteur (Elèves, Associations des Parents d’Elèves, Vendeurs d’aliments, Responsables des
établissements scolaires, Responsables des structures médico-scolaires, ONG,…), mais
également le rôle de la cantine scolaire, seule structure susceptible de garantir la qualité des repas
pris à l’école par les élèves.
Les résultats du tableau 3 confirment l’effet du nombre de repas pris à l'école sur les
performances scolaires des élèves. En effet, comparés aux élèves qui prennent un seul repas à
l’école, ceux qui en prennent 2 ont 1.5 fois plus de chance d'avoir une moyenne comprise entre
12 et 14, et même 2.4 fois plus de chance d’avoir une moyenne supérieure ou égale à 14.

Tableau 3: Effet brut du nombre de repas pris à l’école sur les performances scolaires de l’élève

Indicateurs Risque relatif du modèle logit multinomial


Moy < 8
1 repas 1
2 repas 2,0 NS
8 ! Moy < 10
1 repas 1
2 repas 1,0 NS
12 ! Moy < 14
1 repas 1
2 repas 1,5**
14 ! Moy
1 repas 1
2 repas 2,4**
Pseudo R2 0,0052
Prob > chi2 0,0435
Modalité de référence : 10 " Moy < 12 ; * 1%, ** 5%, *** 10%, NS=non significatif

6 Conclusion

Cette étude a permis d’apprécier dans des établissements scolaires de la Province de l’Ouest-
Cameroun, les effets de l’alimentation de la rue sur l’état nutritionnel général des élèves, leur
morbidité et leurs performances scolaires. Les résultats obtenus montrent que cette forme

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d’alimentation a un effet positif sur l’état nutritionnel général des élèves et sur les performances
scolaires. Par ailleurs, elle n’a pas pu trouver de relation significative entre l’alimentation de la
rue et la morbidité. Toutefois, elle a montré des risques réels toxiques et infectieux encourus par
les élèves, au vu des résultats des analyses microbiologiques des aliments vendus dans les
établissements secondaires où les enquêtes ont eu lieu. Il y a donc une nécessité d’envisager des
mesures qui assureront la vente en milieu scolaire des aliments de bonne qualité non seulement
sur le plan hygiénique, mais aussi sur celui de l’équilibre en éléments nutritifs (énergie,
protéines, vitamines, minéraux).

Mobilisons-nous pour réduire

la morbidité chez nos jeunes

scolaires à travers des

programmes concertés de

formation et d’éducation

nutritionnelle. Ceci réduirait

les budgets alloués pour le Les enquêteurs de DK International posent avec les outils de
prise anthropométrique
traitement des maladies.

7 Références Bibliographiques

Canet, C. (1998). L’alimentation de rue en Afrique In : Aliments dans les villes : collection
d’ouvrages, bulletin des services agricoles de la FAO 2, P1-11
Canet, C. et N’diaye C. (1997). L’alimentation de rue en Afrique. Division de l’alimentation et
de la nutrition, service de la qualité et des normes alimentaires, Bureau Régional de la FAO
pour l’Afrique, Accra, Ghana.
Chauliac, M. et Gerbouin-Rerolle P. (1996). Les enfants et l’alimentation de la rue. Centre
international de l’enfance au Château de Longchamp, Bois de Boulogne, Paris.
Dalleré, R. (1993). Terres et vivres : concilier protection et production ; Centre Technique de
Coopération Agricole et Rurale ; P56, Wageningen, Pays-Bas.
FAO. (1995). Rapport de la réunion technique FAO sur l’alimentation de la rue à Calcuta, Inde,
6-9 novembre 1995. Annexes (version provisoire).

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QUELLE EAU POUR QUELLE SANTE DANS LA COMMUNE


LACUSTRE DE SO-AVA ?

M. B. Ilarion S. GUEDEGBE
Géographe Aménagiste, Spécialiste en Evaluation Environnementale, Association Béninoise des Professionnels en
Evaluation Environnementale (ABPEE), Tél. 95 05 93 95, gilarion@caramail.com / gilarions@yahoo.fr

Résumé

La santé ne peut être considérée de manière isolée. Elle est étroitement liée à la qualité de
l’environnement. Pour vivre en bonne santé, les humains ont besoins d’environnements sains et
de l’eau potable. Mais au sud - est du Bénin dans la Commune de Sô-Ava qui occupe la basse
vallée du fleuve Ouémé (510 km) dans le département de l’Atlantique, une civilisation de l’eau et
de la pêche se développe dans un milieu où l’approvisionnement en eau potable se pose et se
complique d’avantage par la dégradation de la qualité de l’eau du lac Nokoué.
La population très dynamique est estimée à 14.594 habitants en 2002. Les premiers forages qui
ont donné de l’eau potable aux populations ont été réalisés vers les années 50 par
l’administration coloniale et complétés par l’Etat Béninois vers les années 80. Toujours pour
accompagner les populations dans la prévention et la lutte contre les maladies liées à l’eau, des
latrines publiques ont été construites dans certaines localités pour éviter l’utilisation du lac
comme WC.
La situation a évolué et se présente actuellement comme suit :
- Défécation directe dans l’eau du lac ;
- Rejet des cadavres des animaux et des ordures dans l’eau du lac ;
- Pollution de l’eau du lac par les métaux lourds, les pesticides agricoles et les résidus de
teintures ;
- Elevage du porc mal organisé ;
- Consommation directe de l’eau polluée du lac par plus 50% de la population lacustre ;
- Recrudescence des maladies hydro fécales et hydriques ;
- Taux de mortalité infantile très élevé ;
- Découragement des agents de santé et de l’enseignement à travailler sur le lac. En effet,
habitués à utiliser de l’eau selon leurs besoins, une fois sur le lac, ces agents doivent se contenter
de peu d’eau pour satisfaire à leurs besoins.
MOTS CLES : Sante, Eau, Approvisionnement, Lacustre, Ganvie.

183
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

1 Introduction

Au Bénin, de 1980 à 1990, la Décennie Internationale de l’eau potable et de l’Assainissement


(DIEPA), a permis au gouvernement du Bénin d’améliorer son taux de couverture en eau potable
par la construction d’environ 430 points d’eau par an. En 1990 la disponibilité de ressources en
eau n’était que de 12 622 m3/hbts/an. En 1995 cette disponibilité des ressources par habitant et
par an n’était plus que de 5 825 m3 soit une baisse de disponibilité de 53,9% en cinq ans. On
estime, que la population du Bénin pourrait atteindre 11.337.000 habitants en 2025 ce qui
réduirait la quantité d’eau disponible par habitant et par an à 2.293 m3. Dans la réalité, les
ressources totales en eau du Bénin ne restent pas constantes, mais diminuent pendant que la
population augmente.
Dans la Commune de Sô–Ava, le phénomène est pire. Non seulement la population augmente,
mais depuis la période de la DIEPA d’autres puits n’ont pas été forés. Les quelques uns qui
permettaient à la population de subvenir à ses besoins en eau tombe en panne et deviennent
parfois irrécupérables. L’accès à l’eau potable devient aujourd’hui un défi majeur en milieu
lacustre, et crève les yeux.

2 Description du milieu

2.1 Cadre physique

Située dans le département de l'Atlantique, la Commune de Sô-Ava occupe la basse vallée du


fleuve Ouémé (510 km) et de la rivière Sô.
Cette basse vallée, immense Ria comblée à la faveur de la régression post-flandrienne (G. E.
Bourgeoignie, 1972) est encadrée par les plateaux de terre de barre d'Abomey et de Porto-Novo.
Profondément entaillée dans les matériaux meubles du bassin sédimentaire sablo-argileux, il
entretient l’alimentation en eau du lac Nokoué (150 km'). Le climat est de type subéquatorial à
saisons contrastées, dans lequel deux périodes humides généralement de quatre (4) mois (avril à
juillet) pour la grande saison de pluie et de deux (2) mois (Septembre-Octobre) pour la petite
saison de pluie, s’opposent à deux périodes sèches généralement de quatre (4) mois (Décembre à
Mars) pour la grande saison sèche et Août pour la petite saison sèche.

2.2 Cadre humain

Sur les levées de la berge des bras de l’Ouémé et de la Sô s’est développée depuis plus de trois
siècles une véritable civilisation de l’eau, et de la pêche. Le processus de mise en place des
principaux groupes socio-culturels s’est fait progressivement par les vagues de migrants
provenant du Sud-Ouest. Avant leur installation sur le lac, les Toffinu se seraient installés
d’abord sur le plateau d’Allada. Leur déplacement sur le lac serait dû aux razzias opérées par les
daxomènu à la recherche d’esclaves.

184
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

La population lacustre est très dynamique. Estimée à 59.148 habitants lors du recensement
général de 1992, elle est passée en 1999 à 75.371 habitants (projection statistique de L’INSAE) et
à 76.315 habitants en 2002 avec le recensement général de la population de l’INSAE, en 10 ans
plus de 16.167 âmes. Avec le recensement de 2002 la population se présente comme présentée
dans le tableau ci-joint.
Tableau n°1 : Présentation de la population par arrondissement

N° Arrondissement Population Sur le lac Nokoué, la pêche


constitue l'activité
1 Ahomey-lokpo 8.760 principale des populations.
2 Dékanmey 4.241 En effet le Lac à lui seul
fournit une quantité très
3 Ganvié 1 10.280 importante de produits
4 Ganvié 2 10.288 halieutiques.
5 Houédo-Aguékon 10.610 Dans la Commune de Sô-
Ava où la pêche et
6 So-Ava 9.961 l’agriculture sont
7 Vekky 22.175 considérées comme base de
l’économie, le tourisme et
Total 76.315 l’extraction du sable sont
aussi florissants.
Source: INSAE 2002
L’ensemble lac et ses villages, constitue un important site touristique. Les caractéristiques
(habitats palafittes, déplacement en pirogue) dont dispose le milieu lacustre, exercent un attrait
sur les visiteurs.
Par ailleurs, la situation géographique du lac fait de lui un important moyen de communication
entre le Bénin et le Nigéria. En effet, d’importantes quantités de produits achetés sur le marché
nigérian sont transportées jusqu’à Cotonou par le lac.
A leurs premières installations sur les terres de Ganvié et de Sô-Tchanhoué, les fondateurs des
villages lacustres, buvaient à la source des eaux du Lac, des marécages ou parfois recueillaient
des eaux de pluie. Ce ne fut que dans les années 50 que le colonisateur a pu doter quelques
villages d’une eau que l’on pouvait encore, en rapport à ce qui existait déjà, dire "potable". Ces
forages installés dans les villages de Sô-Tchanhoué et de Ganvié desservaient presque tous les
autres villages environnants. L’on pouvait dans le temps (autour des années 50) estimer la
population à trente mille (30.000) âmes environ. C’était donc à peine que les deux forages
pouvaient satisfaire la demande en eau de cette population. Malgré donc le caractère salé du Lac,
les habitants étaient toujours tenus de s’y abonner pour assurer la lessive et d’autres besoins du
même genre.
Au fur et à mesure avec l’accroissement de la population, le besoin en eau potable a augmenté.
La demande étant plus forte que l’offre, les forages commencèrent par céder sous le coup d’un
usage trop répété. L’année 1983 fut l’année de la nouvelle crise en eau. De nombreuses maladies
telles que la dysenterie amibienne, la diarrhée, le choléra, la fièvre typhoïde pour ne citer que
celles-là firent de nombreux dégâts sur le lac.
Pour y remédier, l’Archevêque d’alors, le feu Mgr Isidore de SOUZA, dota quelques villages
lacustres de nouveaux forages en 1985. Toujours pour accompagner les populations lacustres

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

dans la prévention et la lutte contre les maladies liées à l’eau, des latrines publiques ont été
construites dans certaines localités pour éviter l’utilisation du lac comme WC.

3 Problématique de l’eau en milieu lacustre

Au Bénin l’accès à l’eau potable demande encore beaucoup d’effort : le taux de couverture est de
52% en milieu rural contre 64% pour le milieu urbain en 1998.
Dans plusieurs localités les ressources en eau sont exploitées à la fois pour la baignade, la lessive
et pour la boisson et l’abreuvement des animaux. Cette dégradation de l’eau s’accentue par
endroit par la pratique de la pêche chimique ou la pollution diffuse des intrants agricoles, le rejets
industriels, la sédimentation des berges des plans d’eau par les décharges d’ordures tenant lieu,
par ailleurs, de lieux d’aisance.
Sur le lac depuis l’année 2000, les forages ne fonctionnent plus régulièrement par faute
d’entretien. Mis à part la défaillance au niveau de l’entretien, des erreurs techniques ont été
commises en amont à l’installation des forages. Dans plusieurs villages des analyses
approfondies n’ont pas été menées pour mieux identifier où forer et mettre le puits à l’abri du
front salin.
Actuellement, plusieurs villages lacustres sont privés d’eau potable. Et pire dans les centres de
santé les femmes après accouchements, manquent d’eau pour leurs premières toilettes.
Dans les autres villages où les forages fonctionnent à peine, les femmes y vont après des heures
de pirogue à pagaie. Elles partent parfois à 5h pour ne revenir qu’à 14h. Ne pouvant pas attendre
jusqu’à 14h avant de préparer leurs denrées alimentaires à vendre, les femmes sont obligées
d’aller alors à la rivière ou au lac ou dans les abreuvoirs de troupeaux prélever de l’eau.
La situation actuellement sur le terrain se présente comme suit :
# Défécation des populations dans l’eau. L’inexistence de latrines dans les maisons justifie cet
état.
# Rejet des cadavres des animaux et des ordures dans l’eau du lac ; ce qui entraîne une très
forte pollution de l’eau du lac.
# Perturbation de la scolarisation des enfants. En effet, partis à la recherche de l’eau très tôt le
matin, les enfants n’en reviennent qu’après de longues heures d’attente donc après l’heure de
démarrage des classes.
# Noyade des enfants en quête d’eau ; pendant la période de la crue, le courant du lac devient
très fort et partis chercher de l’eau en pirogue à rame, les enfants perdent vite le contrôle de la
pirogue qui chavire.
# Dispute autour des forages. Trop nombreux pour un seul forage qui sort difficilement de
l’eau, l’impatience gagne l’arène et dégénère très tôt en bagarre.
# Découragement des agents de santé et de l’enseignement à travailler sur le lac. En effet,
habitués à utiliser de l’eau selon leurs besoins, une fois sur le lac, ses agents doivent se
contenter de peu d’eau pour satisfaire à leurs besoins.

186
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Mais comment comprendre que sur le lac il n’y ait pas d’eau ? C’est la question que toute
personne se pose en apprenant qu’il n’y a pas d’eau potable sur le lac. En effet, suite à l’état sus
mentionné, l’eau du lac est impropre à la consommation à cause de son état insalubre et de
salinité.
En effet, dans un milieu sensible comme Sô-Ava, l’agriculture et l’eau ont une très longue
histoire commune assise sur des pratiques locales complexe associant esprit de conquête,
sauvegarde des droits d’usage et développement de nouvelles pratiques dans un contexte
d’apparente gratuite. On peut ainsi aisément remarquer que les grands programmes et leurs
incidences sur la ressource et les oppositions et divers conflits autour d’elle rendent sa gestion
encore plus difficile.
En effet, l’eau de pluie reste et demeure un bien concurrent à l’eau potable dans les zones
bénéficiaires de forages de puits. Cette eau sert à la fois à satisfaire les besoins domestiques et de
boisson. L’eau de pluie peut ainsi être facilement substituable à l’eau potable non pas parce
qu’elle a les mêmes propriétés mais parce que l’accès à l’eau potable est directement lié à l’état
de précarité dans lequel se trouvent encore les populations lacustres. Il faut prendre des mesures.
Mais avant, un diagnostic est nécessaire pour savoir exactement les dispositions à prendre pour
sortir le milieu lacustre de cet état qui impose aux populations de certaines localités de se
déplacer sur des kilomètres pour s’approvisionner en eau ou de consommer directement l’eau du
lac.

4 Méthodologie

L’approche méthodologique utilisée pour ce diagnostic est centrée sur la démarche ECRIS
"Enquêtes Collectives Rapides d’Identification des Intérêts et groupes Stratégiques". Cet outil a
permis de profiler la typologie des groupes stratégiques et leurs intérêts pour une bonne définition
des modules et stratégies d’IEC.
Les campagnes de sensibilisation et de collecte d’informations ont permis d’améliorer les degrés
de connaissance et d’appropriation des acteurs concernés par la mise en œuvre du projet. Ces
campagnes de sensibilisation ont été capitalisées par un atelier de concertation et d’engagement
des acteurs locaux. Cet atelier a reuni les groupes stratégiques qui ont redéfini le cadre logique,
les rôles et engagements de chaque groupe d’acteurs pour une assurance de l’appropriation des
mesures. L’atelier a utilisé l’outil FFOM "Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces" pour
analyser et prioriser les scénarii de jeux de rôles des différents groupes d’acteurs dans le cadre de
la mise en œuvre d’un projet d’approvisionnement en eau potable. L’atelier s’est basé par ailleurs
sur l’expertise méthodologique de modération reposant fondamentalement sur la facilitation de
l’expression de tous les groupes stratégiques en présence (équité et genre).
Dans la localité, un échantillonnage restreint a été opéré et a porté sur la population de la
commune. La plupart des personnes interrogées vivent dans la commune de Sô-Ava. Les données
physiques sont tirées de la bibliographie et complétées par des observations et des données
collectées sur le terrain. Les statistiques de l’INSAE sont également utilisées comme
informations de base.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Les démarches suivies, les analyses faites et les conclusions tirées ont été faites par rapport aux
visions nationales et internationales suivantes de : L’OMD 7 ; Le DSRP ; Grandes orientations
du secteur.
Code de l’eau de 1987 et son actualisation
Avec le nouveau code, les directives du secteur sont plus cohérentes et reposent principalement
sur quatre orientations prioritaires :
# Réformer le cadre de gestion en recherchant la bonne gouvernance de l’eau
# Assurer un accès équitable et durable à l’eau potable pour les populations urbaines et
rurales
# Garantir la disponibilité de l’eau, en quantité et en qualité, pour les activités de production
# Assurer la santé et la sécurité publique et la conservation des écosystèmes aquatiques.

5 Résultats et diagnostic

5.1 Historique

Les premiers forages qui ont donné de l’eau de potable aux populations lacustres ont été réalisés
vers les années 50 par l’administration coloniale à Ganvié et à Vekky (Sô – Tchanhoué). Mais
l’approvisionnement avec le souci du rapprochement de l’eau potable des populations, a été
l’œuvre de l’archidiocèse dès les années 80 et complété par la DIEPA. Ainsi une série de forage a
été réalisée. Dans certaines localités, le forage est réalisé à la périphérie ce qui contraint une
bonne partie de la population au déplacement sur une longue distance.

5.2 Approvisionnement en eau

Aujourd’hui dans plusieurs localités, les populations


manquent de l’eau potable. Elles sont parfois obligées
de se déplacer sur des kilomètres pour s’approvisionner.
Dans le cas contraire elles se contentent de la ressource
en eau disponible dans les bas - fonds, marécages,
rivière ou parfois dans des trous creusés pour la
circonstance (Voir photo n° 1). Mais la pollution
chimique et biologique dont le complexe lac – ouémé et
sô fait l’objet altère catégoriquement leur qualité et
cause parfois de graves préjudices à leurs ressources
biologiques. Ce qui veut dire qu’en aucune circonstance
cette eau ne peut être consommée par des hommes.
Après la défaillance de la pompe installée par le projet Photo n°1 : Puits creusés par les femmes
de Dékanmey
de l’hydraulique villageoise en 1986, les villages
d’Ahomey, Kinto et de Dékanmey vivent dans un

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

manque cruel d’eau potable.


Les femmes de ces villages parcourent des kilomètres à la recherche de l’eau. A Dékanmey par
exemple, les pannes répétées renvoient les populations à la rivière. D’autres choisissent de gratter
eux-mêmes le sol jusqu’à jaillissement du sol de l’eau. Actuellement l’eau potable est devenue
une denrée rare et très chère sur le lac. Pour les plus pauvres, l’ultime solution est l’eau du lac et
celle des flaques d’eau car elles n’ont pas de prix, les villageois préfèrent la consommer. Dans ce
choix à priori facile, les habitants des villages d’Ahomey, de Kinto et de Dékanmey, bien
conscients de tous les risques, continuent toujours de boire l’eau de la rivière et de la brousse que
polluent les animaux et les hommes.
Dans les autres villages où les forages fonctionnent à peine, les femmes y vont après avoir fait
des heures de rame à pagaie. Elles partent à 5h pour revenir à 14h. Ne pouvant pas attendre
jusqu’à 14h avant de préparer leurs denrées alimentaires à vendre, les femmes sont obligées
d’aller alors à la rivière ou dans les abreuvoirs de troupeaux prélever de l’eau. Pour tous les
usages : boisson, lessive, bain et cuisine les populations se servent de cette eau pour éviter d’aller
très loin s’approvisionner. Cet approvisionnement en eau est souvent assuré par les femmes et les
jeunes filles. Les maisons dans lesquelles il n’y a pas de jeunes filles, la charge revient aux jeunes
garçons. Le temps perdu pour l’approvisionnement perturbe et influence énormément les activités
génératrice de revue chez et la scolarisation chez les jeunes enfants.
Le problème est plus atroce dans la localité de Dékanmè où après de longue marche il faut aller
perdre des heures à la source ou se battre avant de s’approvisionner. Dans les localités où l’eau
est disponible, c’est en cas de panne que les populations se rabattent sur les villages voisins ou
carrément sur les eaux du lac. Par rapport au comportement adopté en cas de panne, 66 % des
personnes enquêtées s’approvisionnent dans le lac ou dans les puits de fortune. Ce qui veut dire
qu’en cas de panne, la majorité de la population se rabat sur l’eau du lac. C’est le schéma actuel.
D’une localité à une autre, les cas de figure ne sont pas identiques. Il y a des localités qui
semblent avoir de l’eau. Reste à savoir si les conditions sont conformes aux normes de
l’approvisionnement en eau. Dans d’autres, des mois durant les populations ont cessé de boire de
l’eau potable.

5.3 Fonctionnement et qualité de l’eau

L’eau de forage est supposée être une bonne


eau de boisson. Mais actuellement avec la
vétusté du système d’approvisionnement,
l’eau qui sort est parfois saumâtre (ce qui a
fait que la population de Kinto a cessé de
boire l’eau de pompe) ou parfois rougeâtre à
cause à de la rouille ou du mauvais entretien
des filtres à eau des châteaux ou des
châteaux eux - mêmes. Presque partout où
ça continue de fonctionner le débit est faible,
(même au niveau du puits artésien de
Ganvié) et la qualité de l’eau est douteuse.
Photo n°2 : Transport de l’eau par barque à Ahomey

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Même si l’eau à la pompe est d’une bonne qualité la pollution peut toujours survenir sur le
parcours du transport des bornes fontaines à la maison. Dans la majorité des cas, l’eau est
transportée dans des récipients ouverts alignés (voir photo n°2) dans des pirogues. Le lac est
utilisé comme latrines pour la plupart des populations qui vivent sur le lac. Voir tableau suivant
pour le point en existence de WC.
Les différents paramètres physico-chimiques étudiés sur ce système et relatifs à la température, le
pH, la conductivité, la salinité, l’oxygène dissous et le potentiel redox ainsi que les paramètres
indicateurs de pollution inorganique azotée et phosphorée tels que les nitrates, les nitrites,
l’ammonium et les phosphates montrent
que :
Tableau n°2 : Existence de WC
• les teneurs des indicateurs Nitrates
Localité WC Population (10,8 mg/L pour le lac et 23,59 mg/L pour le
Ahomey – Lokpo - 3.035 chenal), Nitrites (2,30 mg/L pour le lac et
0,79 mg/L pour le chenal), Ammonium (0,21
Dékanmè 06 latrines publiques 4.241 mg/L pour le lac et 0,17 mg/L pour le
Ganvié - 10.288 chenal) et Phosphates (0,50 mg/L pour le lac
et 0,26 mg/L pour le chenal) comparées aux
Gbessou - 1.611
normes de qualité admises sont révélatrices
Sô - Tchanhoué 04 latrines publiques 9.878 de l’existence de pollution inorganique
azotée et phosphorée tant dans le lac que
Kinto - 2.883 dans le chenal ;
Vekky - 2.774 • par comparaison de ces teneurs
Sô-Zounko - 9.523 moyennes dans les deux milieux, il est
constaté que le lac est plus pollué que le
Total 8 latrines 44.233
chenal ; alors qu’apparemment on penserait
Source : Enquête avril 2006 le contraire. Cet état pourrait s’expliquer par
le fait que :
$ le lac reçoit dans un premier temps, non seulement les charges polluantes provenant des
localités riveraines et des cités lacustres (Ganvié, Sô-tchanhoué, Sô-Ava,…), mais également les
apports minéraux et organiques qui sont drainés par les eaux de l’Ouémé et de la rivière Sô
venant de l’amont ;
$ en outre, le lac Nokoué est un milieu semi-fermé, alors que le chenal échange ses eaux
avec le lac et la mer. Les eaux du lac sont ainsi
soumises à un mouvement cyclonique de
rotation ; ce qui fait que les charges polluantes
présentent un temps de séjour suffisamment long
dans le milieu avant d’être évacuées vers la mer.
$ Du point de vue du degré de trophie, la
teneur moyenne en phosphates du lac (0,50 mg/L)
par rapport à celle du chenal (0,26 mg/L) montre
que le lac est plus productif que le chenal et que
cette teneur dépasse légèrement le seuil
d’eutrophisation (qui est de 0,3 mg/L selon
Photo n°3 : Mauvaise gestion des déchets

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

SOULARD, 2000). Mais l’ouverture du lac sur la mer par le biais du chenal permettant
l’évacuation périodique des eaux du lac, limite et ralentit le processus d’accentuation du
phénomène qui se traduit de temps à autre par quelques traînées d’algues à la surface des eaux et
par la prolifération des plantes aquatiques telles que Eichhornia crassipes (la Jacinthe d’eau).
Dans ces milieux, différentes sources contribuent à la pollution, par catégorie on peut citer :
• Dans le lac :
o les latrines construites sur pilotis ;
o les déchets (voir photo n°3) solides et liquides directement déversés dans le milieu par les
populations riveraines ;
o les déjections animales provenant du bétail rencontré le long du lac ;
o les acadjas dont les branchages polluent le milieu après décomposition ;
o le commerce mené à l’ambacadaire de Calavi (trafic d’essence, petits commerces ….) ;
o les eaux de ruissellement provenant de la ville.
• Dans le chenal :
o les latrines sur pilotis ;
o les caniveaux drainant les eaux usées domestiques et les eaux pluviales de la ville de
Cotonou ;
o les déchets solides déposés tout au long des rives ;
o des activités commerciales telles que la teinte de tissus, la préparation des noix d’acajou dont
respectivement les eaux usées remplies de produits chimiques et les résidus, sont rejetés dans
la lagune ;
o les eaux résiduaires industrielles (effluents de la SOBEBRA, de CRUSTAMER…).

5.4 Les maladies transmise ou liées à l’eau

L’analyse des données épidémiologiques de la Commune de Sô-Ava en 2002 et 2004 a présenté


toutes les catégories de maladies liées ou transmise par l’Eau (Voir tableaux 3 et 4).

Tableau n°3 : Maladies transmises par l’eau

Maladies Transmission Symptômes


Choléra Par l’eau et les aliments infectés (voie -Maux de ventre
orale) -Selles liquides et répétées
-Déshydratation
-Fatigue
-Amaigrissement

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

Diarrhée Par l’eau et les aliments infectés


-Nausée, vomissement
-Douleurs à l’abdomen
-Selles liquides et très fréquentes
-Fatigue intense
-Perforation de la colonne
Dysenterie Par l’eau et les aliments infectés (voie -Selles pâteuses, liquides
orale) -Vomissements intenses
-Dessèchement des muqueuses
-Collapsus Circulaire
Fièvre Typhoïde Par les aliments et l’eau souillée -Fièvre
-Maux de tête
-Somnopathie intestinale

Tableau n°4: Les maladies liées à l’eau

Maladies Transmission Symptômes


Paludisme Par le sang (piqûre de moustique) - Fièvre
- Maux de tête
- Refroidissement
- nausée, Vomissement
- Douleurs de l’abdomen

6 Conclusion

Avec l’évolution actuelle du phénomène, les populations lacustres ont de sérieux problèmes en
matière d’approvisionnement en eau. Il est urgent de se pencher sur la situation pour vite trouver
une solution. Les problèmes ne se pose avec la même ampleur dans toutes les localités. Les
interventions pour la résolution de ces problèmes devront suivre un ordre chronologique. Il serait
urgent de se pencher sur le cas des villages qui manquent complètement d’eau potable avant de
voler au secours des villages qui en ont mais en quantité insuffisante.

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THE SERO-PREVALENCE OF HEV IN RURAL COMMUNITY IN GIZA


GOVERNORATE, THE ROLE OF ENVIRONMENTAL FACTORS

Dr Mohamad Anwar Soliman


Hepatology Unit, Cairo University. As. Lecturer of Hepatogastroenterology, October 6 University

Résumé

Viral hepatitis is one of the most important global health problems. The outcome of viral
hepatitis depends upon many factors including the type of the virus, the age, and the
immunological status of the patients, and can range from acute transient infection to subclinical
chronic hepatitis.
Hepatitis E virus is responsible for much of the acute viral hepatitis in areas of epidemics in
developing countries. The transmission of HEV is most often associated with fecally
contaminated drinking water and to a lesser extent through contaminated food.
We conducted a study on 612 subjects representing the residents of 9 villages in different districts
in Giza governorate. The aim of the study was to estimate the sero-prevalence of anti-HEV Ig G
antibodies among the population living in rural community in Giza governorate. The results of
the study showed that 179/612 (29.2%) were sero-positive for anti-HEV Ig G antibodies.
Ecological surveys in the studied villages showed markedly diminished sanitary measures as
regards water supply and sewage disposal, as well as food handling.

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NOUVEAUX CONTAMINANTS DE L’ENVIRONNEMENT ET IMPACT


SUR LA SANTE

Pr Claude Casellas
UMR « Hydrosciences », Montpellier, Département Sciences de l’Environnement et Santé Publique, Faculté de
Pharmacie – Montpellier – France

Résumé

Le nombre de substances chimiques synthétisées par l’homme est en constante croissance. En


Europe, l’évaluation des risques pour l’homme et l’environnement est actuellement cadrée par la
nouvelle législation sur les produits chimiques (REACH). Toutefois, il restera un problème posé
par l’approche par substance chimique pour la surveillance de contaminants dans les eaux et
leur réglementation. Au-delà des substances surveillées classiquement (métaux, organochlorés,
pesticides, hydrocarbures), une préoccupation de plus en plus sensible se fait jour sur les
éventuels effets de nombreuses autres substances chimiques que l’on retrouve pour les usages
domestiques ou comme produits cosmétiques ou pharmaceutiques. Ces substances peuvent être
qualifiées comme contaminants émergents compte tenu de l’absence de données dans les milieux
aquatiques les concernant, du fait des difficultés analytiques pour mesurer leur présence à de
faibles concentrations. Par ailleurs, pour un grand nombre de ces substances, leurs effets
potentiels sont très peu connus. Dans cet exposé nous traiterons l’exemple des médicaments dans
l’environnement qui est devenu, depuis les années 1990, une préoccupation concernant leur
concentration, leur diversité, leur devenir et de leurs effets potentiels sur la biocénose et/ou
l’homme. Les principes actifs pharmaceutiques, utilisés en thérapeutique humaine sont
biologiquement actifs. De plus, ils sont continuellement rejetés dans l’environnement via les
effluents hospitaliers et domestiques. Une partie des médicaments ingérés est excrétée à des
degrés variés de métabolisation. Une autre partie peut générer des métabolites qui restent
bioactifs. Ces rejets multiples et continus confèrent aux médicaments un caractère d’ubiquité.
Plusieurs substances ont été identifiées bien qu’en très faibles concentrations grâce à
l’amélioration des performances analytiques qui ont permis une meilleure détection.
Effectivement ils ont été retrouvés dans les eaux de surface, les eaux souterraines et même, dans
quelques cas dans les eaux potables. Les effets, sur des organismes non cibles sont peu connus et
leur étude devrait tenir compte de plusieurs facteurs comme par exemple : les concentrations
environnementales peuvent ne pas refléter l’ampleur des effets ; les effets sur les écosystèmes
sont complexes du fait de la vulnérabilité de certaines espèces, leurs stades de développement ou
d’autres caractéristiques. De plus la connaissance des effets à long terme pour l’homme et
l’environnement d’une exposition à plusieurs substances chimiques présentes à de très faibles
concentrations (ppb-ppt) reste limitée.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

LE PLAN NATIONAL SANTE ENVIRONNEMENT (PNSE) FRANÇAIS

Pr Isabelle Momas
Faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université René Descartes, Paris, France.

Résumé

Après un rapide rappel sur le contexte national et international, les conditions d’élaboration du
premier Plan national santé environnement français seront décrites, avec tout d’abord le
diagnostic sur la santé environnementale établi par les experts de la Commission d’orientation
du Plan. Ceux-ci ont identifié huit thématiques sanitaires prioritaires et en réponse à ces
priorités, formulé des recommandations d’action visant à prévenir les risques sanitaires liés à la
qualité des ressources et aux substances chimiques. Parallèlement, la Commission a proposé un
certain nombre de mesures dans l’objectif de promouvoir la santé environnementale, via la
recherche, l’expertise, la formation et l’information.
Les douze actions prioritaires du Plan gouvernemental seront ensuite présentées. L’exposé se
terminera par le processus d’évaluation à mi-parcours du plan, un processus axé sur quatre
questions évaluatives, la pertinence, la cohérence, la mise en œuvre et l’impact sur les politiques
publiques en matière de réduction des risques sanitaires environnementaux.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

POLLUTION DE LA TERRE ET GESTION DES DECHETS

Pr Nathalie Seta
Faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université René Descartes, Paris, France.

Résumé

Les déchets sont de nature, de composition et d’origines très différentes. Ils n’ont en commun que
leur définition. De plus, la notion de déchet est variable selon le point de vue, le lieu et l’époque.
Les déchets sont à l’origine d’effets sanitaires dans la population générale et les travailleurs
impliqués dans leur traitement. Mais les déchets sont aussi sources de pollution des sols, de l’air
environnant et de l’eau superficielle et souterraine. Le devenir des déchets doit être pris en
compte aussi bien pour l’environnement, les ressources naturelles que la santé des populations.
Il s’agit de mettre en place d’une part une prévention des déchets, aussi bien en volume qu’en
nocivité, et d’autre part, une gestion rigoureuse des déchets produits.

196
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

REACTIONS PSYCHOGENES COLLECTIVES

Pr Joseph Zayed
Département de santé environnementale et santé au travail, Faculté de médecine, Université de Montréal

Résumé

Au cours des dernières années et en particulier depuis le 11 septembre 2001, plusieurs


événements importants de nature terroriste ou même accidentelle sont survenus, exacerbant ainsi
la vulnérabilité de plusieurs populations et provoquant des réactions psychogènes collectives
(RPC) dont les conséquences peuvent être majeures.
L’apparition des symptômes est spontanée et inclut souvent des tensions musculaires, des
palpitations cardiaques, des vertiges, des maux de tête, des hyperventilations, des nausées, des
sudations et des tremblements.
Les RPC réfèrent à une rapide propagation de signes et de symptômes. Elles affectent
généralement les membres d’un groupe cohésif et se produisent dans le contexte d’une menace
ayant des conséquences potentielles sur la santé.
Parmi les principaux déclencheurs des RPC, la croyance arrive en tête de liste, alors que
certains facteurs individuels reliés à la nature du travail peuvent déclencher et renforcer l’état de
panique.
Mal gérées, les RPC engendrent un accroissement des sentiments d’insécurité et d’anxiété tout
en entraînant des problèmes de santé publique. Or, les services de santé physique et mentale ne
sont pas encore organisés pour pouvoir assumer efficacement leurs rôles et prendre en charge
les individus affectés par une RPC. Un des enjeux majeurs réside donc à pouvoir distinguer les
RPC des situations réelles à risque et d’élaborer des plans de mesure d’urgence pour favoriser
une intervention rapide.

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Communications
Affichées
Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

HALTE A LA POLLUTION SONORE !

Djerline Clergé, Ousmane Dadonon Yamadji, Saoudogo Hamadou, Christian Tendeng, Fatou
Sabelle Diop, Christian Mésenge
Université Senghor, Département Santé.

Résumé

Le bruit est un son indésirable. Les sources de bruit sont innombrables : les usines les avions, les
véhicules, la musique….Environ 120 millions d’habitants rien qu’en union européenne se
plaignent. Plus de 50 millions subissent des niveaux sonores supérieurs à 65 décibels (unité de
mesure), le seuil considéré comme néfaste pour la santé. Les femmes enceintes et les jeunes y
seraient plus vulnérables que l’ensemble de la population.
Le son est une vibration qui se propage dans l’air, les liquides et les solides. En général il s’agit
d’une force de l’air qui fait vibrer la membrane des tympans et exciter des terminaisons
nerveuses qui se trouvent dans l’oreille interne.
Effet du bruit sur la santé : conséquences physiologiques et psychologiques : élévation de
pression sanguine, hypersécrétion d’hormones (adrénaline), accélération du rythme respiratoire,
perturbation du système digestif, immunitaire, du sommeil, surdité irréversible, trouble de
mémoire.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

ALEXANDRIE ET LA POLLUTION SONORE : QUELS RISQUES POUR


NOTRE SANTE ?

Bedwani Nancy Ramez, Girgis Haymen Kamal, Hanna Mina Nemr, Mesenge Christian
Université Senghor, Département Santé.

Résumé

Les gens quittent les zones rurales pour les villes, espérant y trouver un emploi et y bénéficier
d'un accès facile à l'éducation et d'un niveau de vie plus élevé. Le développement des zones
urbaines depuis la deuxième moitié du 20ème siècle entraîne une importante augmentation de la
pollution sonore dans les villes. Cette pollution est à mettre en relation avec le développement de
l’industrie et l’augmentation de l’usage de différents types de transport.
La pollution sonore est un phénomène acoustique produisant une sensation auditive désagréable
ou gênante. Les niveaux sonores, les fréquences et la durée d’exposition sont des facteurs jouant
un rôle fondamental dans les conséquences pathologiques. En effet, le bruit est responsable de
nombreux troubles psychophysiologiques tels que : les lésions auditives, les cardiopathies
ischémiques, l’hypertension artérielle, la sécrétion d’hormones de stress, la perturbation du
sommeil et des performances scolaires. Ces troubles peuvent atteindre toutes les catégories
d’âge de la population.
En Alexandrie, les sources de la pollution sonore sont multiples. On a eu en fait beaucoup de
réactions publiques envers cette problématique. On peut citer comme exemples : l’interdiction de
klaxonner avec amende en cas de non respect et l’interdiction des haut-parleurs au cours des
funérailles ou des mariages se déroulant dans la rue après 21 h en hiver et 22 h en été. De plus,
il y a le mouvement social contre les vendeurs ambulants utilisant haut-parleur ou hurlements
pour vendre leur marchandise, le contrôle technique des rails du tram et des trains de banlieue
pendant les années 90, le renforcement des mesures d’aménagement des lieux de travail et enfin
le grand débat social en cours sur l’interdiction des haut-parleurs à distance des mosquées.
Cependant, il existe encore de grands défis à relever. Il est nécessaire de réaliser une “carte
stratégique du bruit” permettant l'évaluation de l'exposition dans une zone soumise à différentes
sources de bruit. Ensuite, il faut adopter des plans d’action pour gérer les problèmes de pollution
sonore et ses effets sur la santé.
Bien que certains effets sanitaires du bruit ainsi que leurs mécanismes biologiques soient connus,
il est toujours difficile de les quantifier car ils sont multifactoriels. Il faut quand même noter que
la recherche épidémiologique sur l’exposition au risque, l’établissement d’un lien de causalité
ainsi que l’engagement de différents secteurs de la société, sont indispensables pour contrôler ce
problème de santé publique.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

L’EAU TUE !

Haddou Rahou Bouchra, Hassane Y Mondoha, Seck N Rokhaya, Tassiba Esther, Mésenge
Christian
Université Senghor, Département Santé.

Résumé

Selon les estimations, l’eau insalubre et le manque d’assainissement de base et d’hygiène


entraînent chaque année 8 millions de victimes dont 1,5 million d’enfants de moins de 5 ans
emportés par la diarrhée. Tous ces décès surviennent dans les pays en développement.
Le rapport de l’UNICEF intitulé « Progrès pour les enfants : Bilan de l’eau et de
l’assainissement » indique que beaucoup de pays en développement sont loin d’atteindre la
réalisation de l’Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) relatif à l’eau et à
l’assainissement : l’OMD 7 qui vise à réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la
population qui n’a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable et à un
assainissement de base.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

NEUROPHYSIOLOGIE DE L’OREILLE

Koné Adama, Sanou zézouma Philippe, Tarkpessi Kossi, Bedwani Mariam, Christian Mésenge.
Université Senghor, Département Santé.

Résumé :

Chez l’Homme les performances auditives sont représentées par une large gamme de fréquences
et d’énergie sonore.
Anatomie de l’oreille :
Organe périphérique de l’audition composé de 3 parties :
! L’oreille externe : la partie visible est appelée pavillon
! L’oreille moyenne est séparée de l’oreille externe par le tympan
! L’oreille interne dans laquelle se situe la cochlée
Physiologie de l’oreille :
L’oreille assure 2 fonctions : l’audition et l’équilibration. Les vibrations sonores sont captées
par le pavillon de l’oreille et se propagent à travers le conduit auditif jusqu’au tympan. Ce
dernier se met à vibrer sous l’impact de l’onde sonore et transmet les vibrations à la cochlée par
l’intermédiaire de la chaîne des osselets qui les amplifie. Les limites de perception de l’oreille
humaine sont comprises entre 16Hz et 20KHz.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

DECHETS TOXIQUES EN COTE D’IVOIRE

Mitelezi K. A., Gbané M., Assemien JD., Mésenge C.


Université Senghor, Département Santé.

Résumé

Contexte :
Arrivé au port d’Abidjan (Côte d’Ivoire) le 19 août 2006, le Probo Koala, bateau de la
compagnie grecque Prime Maritime Management Inc affrétée par la société néerlandaise
Trafigura avait dans ses soutes des résidus toxiques à forte teneur en hydrogéne sulfuré et
mercaptans. Ces déchets toxiques sont livrés à la société Tommy en Côte d’Ivoire.
La société Tommy déversa 580 tones de déchets toxiques sur une douzaine de sites d’Abidjan et
ses environs.
Conséquences :
80.000 consultations dont 08 morts officiellement connus avec plus de 56.000 personnes
intoxiquées de ces émanations.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

RECYCLAGE DES SOUS-PRODUITS INDUSTRIELS DANS LA


PRODUCTION ANIMALE : LE CAS DU SURPLUS DE LEVURE DE
BIERE D’UNE BRASSERIE A YAOUNDE (CAMEROUN)

S. Nzali1, 2, 3, E. Kengne3, C. Kouébou 4


1 : Laboratoire de Chimie Inorganique, Université de Yaoundé I, B.P. 812, Yaoundé, Cameroun.
2 : Département Environnement, Université Senghor, B.P. 21111 - 415 Alexandrie, Egypte
3 : Brasseries du Cameroun S.A., Yaoundé, Cameroun.
4 :Institut de Recherche Agricole pour le Développement, B.P. 415 Garoua, Cameroun.

Résumé

Au Cameroun, la plupart des brasseries sont installées à proximité des eaux de surface (rivières)
et déversent leurs effluents dans ces dernières, généralement sans aucun traitement préalable.
Ces dernières décennies, avec l’augmentation de la consommation de bière et du nombre
d’usines brassicoles, la compréhension et la maîtrise des problèmes de pollution liés à ce type
d’industrie deviennent un challenge.
La présente communication examine l’importance du recyclage du surplus de levure de bière
comme solution à la pollution d’une brasserie industrielle de Yaoundé (Cameroun). Dans cet
optique, des échantillons de levure fraîche ont été prélevés pendant les opérations de purge à
l’égout et analysés, avant qu’ils ne se mélangent aux eaux usées. Au même moment, des
prélèvements d’eaux usées étaient effectués dans l’exutoire à la sortie de l’usine (A0), dans la
rivière Mfoundi à 100 mètres en amont (A1) et en aval (A2) du point de contact. Les analyses
physico-chimiques (température, pH, turbidité, Solides Totaux Dissous (STD), Matières en Suspension
(MES)) et de la pollution organique (Demande Biochimique en Oxygène en cinq jours (DBO5) et
Demande Chimique en Oxygène (DCO)) ont ensuite été effectuées pour estimer l’impact de la
pollution. La récupération /distribution de cette levure a été initiée par la brasserie et une
enquête a été menée auprès de 30 éleveurs qui recyclent ce sous-produits dans l’élevage porcin,
en vue d’évaluer l’importance de ce sous-produit dans leur élevage.
Les résultats obtenus montrent que pendant une purge d’une durée de 15 heures, environ 4
tonnes de levure sont rejetées, entraînant une pollution moyenne de 1000 grammes de DBO5 par
kilogramme de levure. En outre, les concentrations des paramètres de pollution (MES, DCO et
DBO5) augmente significativement (> 80 %) dans la rivière durant les rejets de levures. Le
recyclage est une alternative encourageante puisque tous les éleveurs (75% le sont de métiers)
affirment que leur bétail est satisfait de sa nouvelle alimentation ; 56,25% affirment nourrir leurs
bêtes avec un mélange de drêche et de levure tandis que 37,5% diluent la levure à de l’eau.
Grâce à ce recyclage, les éleveurs ont permis de récupérer près de 80.450 litres de levures (18
tonnes) entre juin et août 2006, ce qui a permis d’éviter une pollution et les risques de santé
qu’elle aurait pu entraîner.
Mots-clés: Pollution, Sous-produits, Déchets, Effluents, Récupération, Valorisation., Brasseries.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

IMPACT DES EFFLUENTS INDUSTRIELS SUR LA QUALITE


PHYSICOCHIMIQUE DES EAUX DE SURFACE DE LA ZONE
INDUSTRIELLE DE YAOUNDE (CAMEROUN)

S. Nzali1, 2, A. Doubla1, S. Laminsi1, C. Kouébou 3


1: Laboratoire de Chimie Inorganique, Université de Yaoundé I, B.P. 812, Yaoundé, Cameroun.
2 : Département Environnement, Université Senghor, Alexandrie, Egypte
3 : Institut de Recherche Agricole pour le Développement, B.P. 415 Garoua, Cameroun.

Résumé

Le but de cette étude était de mener une évaluation des impacts causés par les effluents
industriels sur la qualité physicochimique des eaux de surface dans la zone industrielle de
Yaoundé. Dans cette optique, des prélèvements d’eaux ont été effectués dans les puits et cours
d’eaux (en amont et en aval des ponts de rejets) environnants une brasserie industrielle entre
novembre 2005 et janvier 2006 et une série d’analyses physico-chimiques (température, pH,
turbidité, Solides Totaux Dissous (STD), Matières en Suspension (MES)) et de la pollution
organique (Demande Biochimique en Oxygène en cinq jours (DBO5) et Demande Chimique en
Oxygène (DCO)) ont été effectuées. Les résultats obtenus montrent que les puits de cette zone
sont très peu chargés en matières organiques (DBO5 et DCO nulles), il n’existerait donc pas un
contact direct entre les effluents industriels et l’eau de ces derniers. Cependant, pour les deux
rivières étudiées [Mfoundi(A) et Aké (B)], on constate pendant la période de fonctionnement de
l’usine une forte augmentation de la température (A:+5,74% et B :+9,39%), du pH (A:+5,80% ;
B: +23,69 %), de la turbidité (A:- 1,68% ; B: +29,51%), STD (A:+8,10% ; B:+19,74 %), de
MES (A:+85,86% ; B:+30,77%), de la DCO (A:+92,87% ; B : +96,91%) et de la DBO5
(A :+87,18% ; B :+96,34%). Cette déstabilisation de la qualité naturelle de l’eau des rivières
par le rejet illégal d’effluents non traités par la brasserie pourrait avoir des impacts graves sur
la santé des populations riveraines qui utilisent l’eau pour des usages ménagers et l’agriculture.
Mots-clés: Pollution, Impact, Effluents, Eaux de surface, santé.

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Colloque Santé et environnement : risques et enjeux, Université Senghor, Alexandrie, Egypte 17 - 18 février 2007

PREVENTION DES RISQUES SANITAIRES LIES A L’ENVIRONNEMENT

S.M.K. Aonon/IGS/
Université Senghor, Département Environnement.

Résumé :

L’état de l’environnement et ses conséquences sur la santé humaine sont lies par une relation de
cause à effet engendrée en amont notamment par le développement économique, la croissance de
la population et les technologies. Le modèle DPSEE (driving pressure state exposure effect
action ou Force Motrice-préssion-etat-exposition-effet-action) dévellopé par l’OMS depuis 1997
présente ces liens. Comme action des mesures de prévention peuvent être adoptées pour
empêcher l’exposition des populations aux dangers d’un environnement dégradé. La gestion des
déchets solides et liquides, la question de la qualité des eaux alimentaires, la gestion des risques
liés à l’habitat, la question de la contamination des milieux et des produits sont autant de
mesures à déployer pour se préserver des maladies d’origine environnementale. Les installations
sanitaires ainsi qu les gestes quotidiens de leur utilisation constituent également des barrières à
la transmission des maladies d’origine environnementale. Le présent poster présente le modèle
DPSEE, les techniques de prévention des risques sanitaires liés à l’environnement, les barrières
physique et quelques conseils d’hygiène.

8
Clôture
BILAN ET PERSPECTIVE

Joseph Zayed, Ph.D.


Université de Montréal

RESUME : Conférence de clôture du colloque


MOTS-CLEFS : santé environnementale, santé publique, pays en développement, politiques
publiques.

Ce colloque sur les rapports entre la santé et l’environnement qui été organisé en partenariat
entre l’université Senghor et l’université de Montréal a été l’occasion de réflexion sur les
enjeux de la santé environnementale en tant qu’important déterminant de la santé publique, sur
l’insertion de la santé environnementale dans le cadre plus large de la santé publique tant dans
les pays en développement que dans les pays développés, sur l’évolution de leurs problèmes et
de leurs besoins prioritaires et sur l’impact des politiques publiques relatives au
développement de la santé environnementale.
Plusieurs modèles ont été proposés pour identifier et comprendre les liens entre les différents
déterminants de la santé et du bien-être. Celui de Evans et Stoddart (1990) est certainement
parmi les plus percutants (figure 1). Au-delà des déterminants classiques relatifs au patrimoine
biologique (bagage génétique individuel), aux habitudes de vie (tabagisme, sédentarité,
surconsommation de drogue ou d'alcool, habitudes alimentaires), à l'environnement physique
(contaminants et agresseurs chimiques dans divers milieux de vie et de travail) et à
l'environnement social (culture et représentations sociales, vie communautaire ou de quartier,
statut social), ce modèle met également l’accent sur la place et le rôle des politiques socio-
économiques, de la productivité et la prospérité.
Ce colloque a permis de dégager les tendances actuelles à l’échelle mondiale, en particulier les
gains notables au niveau de l’amélioration continue de l’espérance de vie en bonne santé grâce
à la réduction des affections aigues et infectieuses, par une meilleure hygiène et des
campagnes de vaccination en œuvre depuis de nombreuses années. À ceci s’ajoute de
meilleures identification et surveillance des problèmes de santé environnementale dont
personne aujourd’hui ne nie plus l’importance.

1
Figure 1 : Facteurs associés à la santé et au bien être d’après Evans et Stoddart, 1990

Malgré les progrès enregistrés dans les domaines économique et de la santé, les tendances
témoignent également d’une persistance des inégalités sociales et un fardeau accru des
maladies chroniques comme certaines maladies neurologiques et respiratoires. Les
mécanismes physiopathologiques responsables de telles maladies restent aujourd’hui mal
connus. Bien que des mutations génétiques puissent être à l’origine de certaines de ces
maladies, la vaste majorité des cas sont d’apparition sporadique sans que l’on puisse mettre en
évidence des liens de causalité clairs. Néanmoins, nombre de facteurs environnementaux
associés au régime alimentaire et à l’exposition à des à des agents chimiques tels les métaux et
les pesticides pourraient contribuer à leur développement. En l’absence d’une connaissance
précise de la pathogenèse, l’identification de facteurs majorant les risques pourrait aider à
mettre en place de mesures préventives et contribuerait à la mise au point de traitement.
Ainsi, la santé environnementale doit faire face à des défis actuels et futurs :
- le vieillissement de la population, responsable d’une plus grande susceptibilité aux
agresseurs environnementaux entrainant une augmentation de la prévalence de plusieurs
maladies (par exemple des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer) ;
- l’émergence de pathogènes nouveaux ou transformés (grippe aviaire, SRAS) dont les
mécanismes d’action et de transmissibilité font encore l’objet de nombreuses études;
- l’émergence de nouvelles problématiques telles celles reliées aux nanopolluants, à
l’antibiorésistance et à l’utilisation des bombes sales.
Pour y faire face plusieurs acteurs doivent jouer et intensifier leur rôle. À ce titre, il faudrait
considérer l’accroissement de la responsabilité de la société civile dans l’orientation des
politiques gouvernementales et développer des mesures d’imputabilité quant aux
responsabilités en matière de dommages environnementaux tant de natures locale
qu’internationale.

2
Le colloque a également permis de rappeler la présence plusieurs menaces environnementales
qui affligent tant les pays développés que ceux en développement et pour lesquelles aucune
solution durable n’a encore été développée. Signalons à ce titre l’augmentation substantielle
des déchets domestiques et leur problématique de gestion, l’augmentation substantielle des
déchets dangereux (biomédicaux par exemple) et leur impact potentiel sur la santé publique,
l’accroissement des émissions atmosphériques de sources fixes et mobiles, la contamination de
l’eau et l’augmentation de la pollution des sols et de la chaîne alimentaire notamment par
l’utilisation de pesticides en agriculture. Signalons enfin les nombreux et graves enjeux
associés aux changements climatiques qui appellent à une plus grande concertation à l’échelle
internationale.
Les solutions qui devront être apportées au cours des prochaines années en matière de santé
environnementale feront probablement une place plus importante à l’application raisonnée du
principe de précaution et à la gouverne efficiente de la protection environnementale qui devra
composer avec des contraintes financières toujours croissantes, avec un système en
transformation continue et avec une participation citoyenne plus grande, plus active et plus
critique.
Les solutions devront aussi considérer les nouvelles technologies comme ceux découlant du
jumelage des systèmes d’information et de la génomique. Il sera enfin indispensable de
prendre en compte l’éthique en santé environnementale notamment au niveau des droits et
intérêts individuels versus les droits et intérêts collectifs.
Tout ceci passera par un indispensable accroissement des efforts individuels, collectifs et
politiques, par la mise en œuvre de nouvelles approches de décontamination de
l’environnement, par la multiplication des approches interdisciplinaires et par la formation de
base et la formation continue des intervenants en santé environnementale.
Comme nous venons de le présenter, si notre civilisation, avec ses progrès techniques et ses
facilités, nous a procuré confort et aisance, elle a aussi multiplié les dangers et les risques.
Leurs effets à long terme restent souvent peu prévisibles et leurs effets directs et indirects à court
terme sont souvent chargés d'incertitudes. Dans ce contexte, la précaution oblige à prendre en
compte des risques non ou mal connus de manière à éviter les effets d’irréversibilité et à
limiter l’impact des surprises susceptibles de survenir ultérieurement.
En raison de l’ampleur des nombreux problèmes potentiels de santé environnementale, la
gestion des risques connaîtra probablement un développement fulgurant au cours des
prochaines années. Elle sera un outil incontournable pour assurer une prise de décision qui
tienne compte non seulement des connaissances scientifiques mais qui fasse place réelle aux
préoccupations de la population. Souhaitons qu’elle soit exercée dans un contexte de
développement durable pour les générations futures visant l’amélioration de la qualité de
l’environnement qui conditionne notre avenir et de notre devenir.
Bibliographie
Evans et Stoddart, 1990. Producing health, consuming health care. Soc Sci Med.
1990;31(12):1347-63.

3
DISCOURS DE CLOTURE DE MONSIEUR ALAIN JUPPE ANCIEN
PREMIER FRANÇAIS, MAIRE DE BORDEAUX

Madame la Consule Générale,

Monsieur le Recteur,

Mesdames et Messiers les professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Merci de votre accueil. Le hasard de ma venue pour donner un cours à l’université Senghor me
permet d’être avec vous ce soir pour conclure ce colloque. Je vous félicite pour le choix du sujet,
santé et environnement.
En effet, la situation est grave voire catastrophique. Ce constat implique une mobilisation de tous
les acteurs concernés sinon, nous courrons à un suicide collectif. Le GIEC75 prévoit que d’ici à la
fin du siècle on pourrait observer un réchauffement de 1,8 à 4°C. Ces chiffres qui peuvent
paraître sympathiques pour nos pays du nord sont en
réalité une catastrophe. Ce réchauffement va provoquer
une fonte des glaciers et de la calotte glacière et
entraînera une migration climatique de plus de 200
millions de personnes dont les terres seront devenues
inhabitables.
On constate également le recul de la biodiversité. Si
nous continuons sur la même voie, en 2050, c'est-à-dire
demain, avec nos méthodes de pèche qui reposent sur
des ressources naturelles renouvelables la plupart des
espèces de poissons que nous connaissons pourraient
disparaître.
Il en est de même pour la déforestation et les effets en
chaînes qu’elle entraîne. Elle met en péril la biodiversité en raison d’une exploitation non
contrôlée de cette ressource.
Nos villes, en particulier des mégapoles comme Le Caire ou Alexandrie ont un rôle majeur à
jouer dans la sauvegarde de la planète. Nos villes pourraient s’engager sur quelques terrains
privilégiés comme les transports où la part de la voiture est importante dans de l’émission de gaz
à effet de serre et les déchets dont il faut réduire la production et améliorer le traitement. Un autre
problème est celui de la gestion de l’eau qui devient une ressource rare.

75
Le GIEC : Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat, organisation mise en place en 1988, à
la demande du G7, groupe des 7 pays les plus riches, USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada et
Italie, destinée à l’étude et à la synthèse des travaux de recherche menés dans les laboratoires du monde entier.

4
Je citerai également dans nos villes la part des constructions souvent gourmandes en énergie et
donc responsable de pollutions de l’environnement devraient s’orienter vers des éco-
constructions.
L’état peut intervenir dans cette lutte contre les pollutions en utilisant l’arme fiscale, plus on
pollue plus on paye. Les pollueurs sont les payeurs et il faut parallèlement détaxer ceux qui
polluent moins.
On peut agir au niveau régional comme avec le projet du programme européen REACH76.

Au niveau international, il existe maintenant une gouvernance écologique mondiale. Cependant,


la situation n’est pas satisfaisante. Il existe aujourd’hui 500 accords internationaux avec leur
propre secrétariat, 18 organismes internationaux et parmi eux, le programme de l’ONU.

La situation est grave mais pas désespérée. On peut encore agir comme vous l’avez évoqué dans
le cas des cimenteries en Égypte qui a été notablement amélioré. De même, à la suite de la
signature du protocole de Montréal visant à l’élimination des produits attaquant la couche
d’ozone, nous avons gagné la bataille de la couche d’ozone qui diminuait à cause des CCF
(chlorofluorocarbures) contenus dans les aérosols. Celle-ci s'est stabilisée durant ces quinze
dernières années grâce à une baisse de 90% des émissions de CFC. Le trou de la couche d’ozone
pourrait se refermer d’ici 20 ans.
Il n’y a pas de fatalité on peut agir. L’action doit commencer dans la vie quotidienne. Il faut aller
du particulier au général. L’action doit être planétaire et internationale.
Face à l'extrême gravité de la situation et pour inverser la tendance, il est urgent d'agir
Je terminerai en soutenant comme il l’a été fait à la conférence de Paris les 2 et 3 février 2007 la
création de l'Organisation des Nations unies pour l'environnement (ONUE), même si ce projet
rencontre l’opposition des Etats-Unis qui n’aiment pas beaucoup le système onusien ou encore
celle de pays émergeants. L’ONUE sera comme l’a afirmé le président Jaques Chirac la
conscience écologique du monde, lieu privilégié de notre action commune pour les générations
futures,

Merci

76
REACH : acronyme anglais pour « Registration Evaluation Autorisation of Chemicals ». Le but de ce projet et
d’améliorer la santé et la sécurité des travailleurs et du grand public. En ce qui concerne l’environnement, il s’agit
d’éviter la contamination chimique, de préserver la biodiversité et d’améliorer la maîtrise des substances persistantes,
bio- accumulables et toxiques pour mieux réguler les produits chimiques.

5
Université Senghor
1 place Ahmed Orabi - El Mancheya - B.P. 21111 415 Alexandrie - Egypte
Téléphone : (203) 484 3504 - Télécopie : (203) 484 3479
info@usenghor-francophonie.org
www.usenghor-francophonie.org

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