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©JUNGHEINRICH ©DEMATIC
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u’est-ce qu’un entrepôt si ce n’est Dans les années 60, l’immobilier logistique se résume
4 murs et 1 toit ? Pour rapide encore à des bâtiments classiques, de taille relative-
qu’elle soit, cette définition n’est ment modeste, souvent mal éclairés, parfois sur plu-
pas entièrement fausse. Elle n’est sieurs niveaux. C’est encore l’époque des « magasins
pas non plus totalement vraie :
en dehors de son ossature en Mini sommaire
béton, les équipements, la tech-
Pages
nologie, les process et le design ont fait du bâtiment
48-49 Années 50-60. L’entrepôt au service des 30 Glorieuses
logistique l’outil central d’un dispositif incroyable-
50 Le magasin général, précurseur de l’entrepôt
ment complexe. Et si l’on s’attache à observer son
à valeur ajoutée ?
évolution depuis 7 ou 8 décennies (autant dire la pré-
Marie-Françoise Courtin, Fedimag
histoire !), on se rend compte qu’il s’est transformé
à mesure que la logistique s’est professionnalisée. Le 52 Années 70. À la recherche de performance
voyage s’annonce passionnant. Au début des années 53 Jean Damiens, E.S.T.
50, juste après la guerre, la France entrait dans une « Plus il y a d’innovations technologiques,
ère nouvelle, marquée par une forte croissance et une plus on divise le travail »
formidable envie de consommer. Les produits sont 54 Michel Martin, M2 Consulting
alors stockés d’une manière très hasardeuse dans des « L’essor de la grande distribution
hangars industriels ou les docks, vestiges du XVIIIe a transformé la logistique »
siècle, que l’on retrouve surtout dans les zones por- 56-57 Années 80. Quand l’entrepôt s’ouvre au monde
tuaires ou à proximité des fleuves. Les opérations de extérieur
manutention et d’entreposage s’effectuent plus ou 58-59 Jean-Pierre Gautier, ACSEP
moins empiriquement. L’utilisation de la palette, ima- Les années 80, c’est la véritable prise de conscience
ginée 10 ans plus tôt aux Etats-Unis, va révolutionner de la logistique »
la conception du stockage à l’intérieur des bâtiments. 60-61 Luc Marcus, LMC Conseil
Avec pour effet de développer l’usage du chariot L’arrivée de la micro-informatique a changé
élévateur qu’un certain Eugène Clark avait inventé beaucoup de choses
au début du XXe siècle outre-Atlantique, et dont le
concept avait été repris par d’autres constructeurs, 62-63 Années 90-2000. Apogée des S.I., du temps réel et
dont Fenwick, qui créa le 1er chariot élévateur fran- des prestataires logistiques
çais, en 1926. Il ne restait plus qu’à inventer les racks. 64-65 Claude Samson, Afilog
Dès lors, l’entrepôt moderne était né. Les années 2000, charnières dans l’évolution
des entrepôts
66-67 Laurent Horbette, Gicram
De l’entrepôt à la plate-forme logistique
68 Marc Riot, Jungheinrich
Les débuts de la mécanisation remontent aux années 60
70-71 Pierre Marol, Alstef
L’explosion de la préparation de commandes au colis
a tout changé
71 Marco Simonetti, Segro
L’e-commerce imprime sa marque
72-73 Années 2010 et au-delà. Des entrepôts plus singuliers,
pour des usages pluriels
A
près la 2nde guerre mondiale où la logis- loristes dans l’entrepôt : accompagnant une production
tique militaire du Débarquement allié a de masse de plus en plus efficace et la standardisation
eu une importance décisive, les entrepôts des produits, la notion de gestion des coûts intervient.
se développent pour servir la recons- Des standards de manutention divisent les mouvements
truction et la croissance économique des en opérations de base dotées d’un temps standard de
30 Glorieuses. « La prise de conscience par l’entre- réalisation. Ainsi, la circulation des flux de marchan-
prise de problèmes logistiques remonte au début des dises est étudiée, mais les différentes fonctions logis-
années 1960, lorsqu’il a fallu traduire sur le terrain tiques sont encore séparées : si le responsable d’entrepôt
des flux physiques les options ambitieuses du mar- cherche à réduire le coût de fonctionnement de son site,
keting naissant, fonction avec laquelle la logistique a et le directeur industriel à réduire les stocks, l’approche
d’emblée entretenu d’étroites proximités », explique fragmentée limite l’efficacité, qui reste partielle.
le professeur Jacques Colin, dans Le Supply Chain Dans les années 60 débute également l’adressage
management existe-t-il réellement ? (Revue fran- manuel pour connaître l’emplacement des produits
çaise de gestion, 2005). dans l’entrepôt. « Il s’effectue sur des fiches en car-
Dans les années 50 sont construits de grands sites ton, et on tenait à jour le « Cardex », c’est-à-dire le
comme celui du Citrail à Pantin. Les entrepôts sont fichier des emplacements », explique Jean Damiens,
encore souvent la propriété des chambres de commerce, Directeur de l’Ecole Supérieure des Transports.
connus sous le nom de magasins généraux. Dans les
années 50 et 60, de petits entrepôts avec des maga- La palette, sésame vers la modernité
siniers polyvalents cohabitent avec de plus grandes L’arrivée de la palette en 1954, sa standardisation
structures où la division du travail fordiste règne, entre avec la palette bois Europe en 1960, puis sa géné-
réception, stockage, préparation et expédition. ralisation progressive représentent une rupture. Ce
support de manutention et de stockage pousse à la
Standards de manutention mécanisation de l’entrepôt et au développement de
« Les spécialistes logistiques militaires démobilisés l’usage de palettiers et de chariots élévateurs. En
après la fin de la 2nde guerre mondiale vont transposer 1963, l’Institut de Formation aux Techniques d’Im-
leur savoir-faire au monde de l’entreprise. Cependant, plantation et de Manutention (IFTIM) est créé par
du fait de la reconstruction, la recherche d’optimisa- les sociétés exerçant des activités de manutention et
tions opérationnelle ne débute que dans les années 60, d’entreposage. Il forme les caristes qui conduisent les
explique Vincent Criton, Consultant de l’entité Excel- engins de manutention.
lence Opérationnelle chez Capgemini. On observe dans Dans les années 60, les entrepôts sont pour la plupart
un 1er temps des optimisations disjointes (stocks d’un embranchés fer, car les réseaux ferrés transportent
côté, production de l’autre) où la démarche est avant une grande partie du fret, devant les transports rou-
tout productiviste. Elle vise à réduire le coût des opéra- tiers qui eux, poussent à la création des gares rou-
tions et à améliorer la circulation des flux, sans cher- tières, comme, en 1967, Garonor au nord de Paris
cher une optimisation globale des processus. » Les flux et Sogaris au sud de la capitale. En Ile-de-France,
logistiques sont traités par la voie quantitative. Les le développement logistique s’accélère à partir des
entreprises du secteur automobile et de la grande distri- années 60, avec un déploiement du parc d’entrepôts,
bution, qui naît en France au début des années 60, vont surtout en proche couronne. ■ CHRISTINE CALAIS
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réés par la 2e République en 1848, les Magasins Po, au milieu des années 60, celle-ci regroupe envi-
Généraux ont prospéré en étant dédiés à des ron 400 acteurs, et un parc hétérogène d’entrepôts et
catégories de produits alimentaires (céréales, de magasins généraux. Certains acteurs sont en lien
sucres, alcools, etc.) ou de matières premières (char- avec des structures de développement économique
bon, liège…), jusqu’à des produits manufacturés. Mais territorial ou des organisations ad hoc, comme à
le magasin général n’est pas Cognac. Les autres sont des propriétaires immobiliers
qu’un espace de stockage : les partie-prenante de la chaîne de distribution. Dans les
marchandises qu’une entreprise années 70, beaucoup quittent les villes et bien des
y dépose lui ouvrent un principe entrepôts historiques sont rasés, les magasins géné-
de mise en gage associé à des raux demandant le transfert de leur agrément vers
titres endossables, les warrants. de nouveaux bâtiments.
La formule limite les immobili-
sations liées au stock, sorte d’al- La convergence de nouveaux acteurs
ternative au crédit pour finan- Emerge ensuite la logistique comme secteur d’activité,
cer son développement. suscitant l’intérêt de la grande distribution et surtout
de transporteurs routiers visant des créneaux plus
A la croisée de l’histoire générateurs de marge. Il y a 30 ans, certains comme
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A
vec la crise économique et des clients qui au stade artisanal. « Dans les années 1970, les
deviennent plus exigeants, les entreprises industriels font appel aux transporteurs locaux
souhaitent améliorer leur qualité et leur pour faire du stockage, se souvient Michel Mar-
flexibilité. L’offre doit se diversifier tout en res- tin, Consultant, M2 Consulting, qui a démarré
tant rentable. Les entreprises veulent optimiser sa carrière en 1976 dans la société de transport
leurs opérations logistiques, tout en réduisant des frères Tardy. Chaque industriel avait quelques
leurs coûts. La fonction logistique commence à se dizaines de références à stocker, en vrac, dans des
structurer dans les grandes entreprises. On passe entrepôts à sol bitumé. La question de la durée du
progressivement à une logistique inter-fonction- stockage n’en était pas encore une. Les besoins de
la grande distribution grandissant, les industriels
qui ne savent pas y répondre se tournent vers les
prestataires. »
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fait du besoin de qualification. Ainsi, les chariots élé- Logistiques au lancement de Disneyland
vateurs qui arrivent progressivement dans l’entrepôt Paris, en 1992, les bonbons étaient condi-
à partir de la fin des années 50, d’abord pour gerber tionnés en boîtes acétate et étiquetés dans l’entrepôt,
les palettes, créent le métier de cariste. Puis le déve- qui fonctionnait 7 j/7.
loppement des chariots grande hauteur pour allées
étroites au début des années 90 segmente le métier SCMag : Quand le bien-être des salariés devient-il une
de cariste selon le type d’engin à conduire. Le Cacès préoccupation importante ?
(certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) fait J.D. : Dans les années 90, un effort est fait sur l’ergono-
son apparition en 1998. mie des postes de travail et sur les procédures hygiène et
sécurité. Dans les années 2000 apparaît l’échauffement
SCMag : Qu’est-ce qui accélère la diversification des musculaire des équipes avant la prise de poste. ■
métiers dans l’entrepôt ? PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTINE CALAIS
Supply Chain Magazine : D’où pro- SCMag : Quelles sont les sources de l’externalisa-
vient l’optimisation des entrepôts ? tion logistique ?
Michel Martin : La révolution vient M.M. : Au début des années 90, les flux s’accé-
des grandes surfaces. C’est au début lèrent. L’organisation de la grande surface nécessite
des années 80 qu’on passe vérita- que les linéaires soient optimisés et que la rotation
blement d’une logistique artisanale des produits y soit la plus rapide possible. Les distri-
à la rationalisation des opérations, buteurs (mais aussi les industriels) sous-traitent leur
la mise en place d’organisations plate-forme logistique de distribution. Le regrou-
logistiques et de systèmes de gestion pement des flux sur une plate-forme spécialisée de
informatiques. L’entrepôt des frères proximité permet d’assurer une cadence de réassort
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Tardy, environ 1.500 m2, comportait qui élimine les réserves dans les points de vente et
à mon arrivée en 1976 des magasi- leur permet d’améliorer la rotation des produits tout
niers, des chariots à fourches fron- en augmentant le taux de service et en diminuant le
tales et quelques tires-palettes et avait un client. risque de rupture. La taille des entrepôts augmente,
En 1983, il compte 12 clients lors de la création de même que leur hauteur. La proximité des plates-
France Distribution System (FDS), 1er prestataire formes, relais de distribution, permet d’assurer face
logistique national créé en 1983 avec 8 autres aux variations de consommation des réapprovision-
logisticiens régionaux spécialisés dans la grande nements accélérés. La concentration et la spéciali-
distribution. Nous mettons en place un état de sation des plates-formes permettent de traiter les
stocks informatique, avec la date d’entrée et de produits selon les contraintes de la mise en linéaire
sortie par référence. La gestion des emplace- et d’assurer des livraisons spécialisées aux différents
ments se fait sur papier. Nous avons été l’un des points d’accueil des marchandises.
1ers clients d’Infolog, éditeur de logiciels logis- FDS propose ainsi des unités dédiées qui comportent
tiques créé aussi en 1983. toutes les caractéristiques et les moyens correspon-
dant aux tailles d’un outil logistique moderne et qui
SCMag : Comment s’effectue la rationalisation offre en plus, par rapport à des moyens intégrés, plus
des opérations ? de flexibilité : l’organisation est pensée pour répondre
M.M. : La livraison des grandes surfaces restait aux variations de volume et d’activité. Cette flexibi-
alors synonyme de temps d’attente. FDS a été l’un lité est liée à un mode de management et d’animation
des premiers à proposer un planning de livraison comportant une forte responsabilité des opérateurs,
avec les hypermarchés de la région lyonnaise. Dans à l’intéressement aux résultats, à un niveau de com-
la 2e partie des années 1980, la notion d’entrepôt pétence et de polyvalence du personnel le plus élevé
distributeur apparaît. La logistique s’industrialise, possible. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTINE CALAIS
E
ncore balbutiante dans les années 70, la par Minitel, ouvrent des perspectives à une ges-
logistique commence à devenir bouillonnante tion partagée des approvisionnements.
d’idées au cours de la décennie suivante. Ce
basculement spectaculaire provient en grande Professionnalisation de la logistique
partie du secteur de la grande distribution, qui Ce n’est pas un hasard si c’est justement la période
entame sa période dorée, dans un contexte de où les groupes de distribution créent des postes de
concurrence acharnée sur les prix et de maîtrise « Directeur Logistique » (on ne parlera de Supply
des coûts de distribution. « Quand on sait ce que Chain que dans les années 90), chargés de mettre
ça coûte, on choisit Mammouth », clame en 1983 en place des organisations au niveau national et
l’enseigne au pachyderme préhistorique. Et juste- des systèmes de gestion informatique. Comprenant
ment, dans l’entrepôt aussi, on commence à savoir que le raccourcissement des délais de livraison et
de réassort des magasins devient un enjeu straté-
gique, les enseignes perçoivent bien l’avantage de
se doter de bases régionales de 3.000 à 5.000 m2.
Les industriels des PGC ne tardent pas à suivre.
D’autres commencent à automatiser le stockage
de leurs sites logistiques centraux, ou la prépara-
tion de commandes de détail (début des systèmes
à gares). On assiste également à l’émergence de
l’externalisation de la logistique, notamment vers
les entrepôts de distribution régionale de trans-
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pôt s’appelaient des magasi- J-P.G. : Au début des années 90, ce n’était pas
niers, des « blouses bleues » qui étaient un peu des encore la montée en puissance de la radiofré-
laissés pour compte dans l’entreprise. Les patrons quence, la grande révolution de l’optimisation
d’entrepôt, on les appelait des contremaîtres, pas était tout juste entamée. Je me souviens chez Hays
des directeurs d’exploitation. Et puis petit à petit, Logistique en 1990-1991, on avait réussi à gérer,
on s’est rendu compte que la logistique, pour en optimisant notre SI, nos 2 clients la Roche aux
peu qu’on s’y intéresse, pouvait devenir un élé- Fées et Yoplait dans le même entrepôt. C’était une
ment qui faisait gagner de l’argent, ou en tout cas période où l’on inventait encore des processus, de
arrêter d’en perdre, et ainsi améliorer les marges. l’optimisation de ramasse, de la globale et de la
Il n’y a pas de hasard, cette prise de conscience ventile, ou le cross-docking, qui s’appelait plutôt
s’est faite aussi avec la nécessité d’apporter du « passage à quai ». La grosse révolution était aussi
service. Je me souviens notamment du slogan d’avoir un SI capable de calculer l’ABC en fonc-
précurseur de La Redoute dans tion du taux de rotation des produits. On s’est mis
Mini CV les années 80 avec son « 48 h à mieux implanter, à mieux optimiser les circuits,
Depuis 2011 : Chrono » en 1984 (puis 24 h grâce au WMS. Il fallait être hyper réactif, ren-
Directeur du Pôle Métiers Chrono en 1994). tabiliser les déplacements de chaque opérateur.
chez Acsep C’est aussi le début des grands recours à l’inte-
2001-2011 : SCMag : Et puis les WMS sont rim. On commençait à calculer la consommation
Co-fondateur de L4 Epsilon arrivés dans l’entrepôt… des chariots, le retour sur investissement, car on
1997-2001 : J-P.G. : Oui, les progiciels était désormais capable d’enregistrer ce que la
Directeur de Projets/ dignes de ce nom ont com- machine faisait. Les offres full service sont appa-
Directeur de site/ mencé à émerger, en même rues avec un paiement à l’utilisation. Et puis la
Responsable d’exploitation temps que la démocratisation radiofréquence a pris son essor, d’abord dans les
chez Hays Logistique de l’ordinateur. Il faut quand entrepôts de produits frais, en flux tendus, on ne
1986-1996 : même se rappeler qu’à cette parlait pas encore de Wifi à l’époque, puis dans la
Responsable Opérationnel époque, les fax sont encore grande distribution, mais ça coûtait une fortune.
chez Saupiquet gros comme des machines à Le vocal a fait aussi ses 1ers pas. Je me rappelle
laver. Les capacités machine avoir fait des tests chez Hays Logistique en 1996
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til de gestion avant d’envoyer la préparation. Et
puis très vite est arrivé le transfert par fichiers EDI, très bien, car les racks forment de belles cages de
d’abord en mode batch, vers la fin des années 80. Faraday. Et puis, ce n’est pas encore du temps réel,
C’est un gros changement : l’entrepôt et le WMS on charge dans l’appareil un fichier de picking,
deviennent partie prenante d’une chaîne, reliés avec un certain nombre d’articles, en le posant sur
électroniquement aux fournisseurs, et dans la fou- un « puits de données », un peu comme on charge
lée aux clients. Les 1ers terminaux radiofréquences aujourd’hui son téléphone et on « vide » l’appareil
lecteurs de codes-barres, avec mémoire embarquée, au retour de la mission. Les machines en temps
font leur apparition au début des années 90. Les réel sont arrivées au milieu des années 90. ■
1ères technologies ne fonctionnaient pas toujours PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON
D
« ans les années 90, le développement du d’externalisation à des prestataires logistiques
système de transmission par radiofréquence déferle. La grande distribution, qui s’est dotée de
transforme les métiers. Fini le personnel puissantes organisations d’achats, veut massifier
administratif qui saisit les informations et les opé- ses flux, ce que la réduction des risques sociaux
rateurs qui effectuent les mouvements : les don- de l’époque tend à faciliter (moins de risques de
nées sont transmises au WMS en temps réel », voir un site regroupant les approvisionnements de
observe Jean Damiens, Directeur de l’E.S.T. C’est plusieurs hypermarchés/supermarchés bloqué par
ainsi qu’Acteos lance Logidrive, logiciel de pilo- une grève). En effet si en 1994, la livraison directe
tage d’entrepôts en temps réel, en 1992, et que compte pour 60 % des flux chez Leclerc et plus
le site Leclerc Scapnor devient le 1er site français encore pour Cora, chez Carrefour, c’est l’inverse :
piloté à 100 % sans papier et en temps réel en 60 % des flux en épicerie sèche passent par des
1996. La radiofréquence a fait de gros progrès plates-formes ou entrepôts et même 100 % des flux
durant cette décennie puisque les 1ers réseaux surgelé, marée et fruits & légumes. Chez Casino
hyperfréquence à 2,4 GHz voient le jour en et Docks de France, les flux alimentaires passent
Europe à cette époque. En 1991, Datatronic déve- également majoritairement par des plates-formes.
loppe le 1er réseau radiofréquence à 38,4 kbit/s, Ils atteignent 98 % chez les Comptoirs Modernes,
pour Leclerc à Saint-Quentin Fallavier. Ce mou- 85 % chez Intermarché et 90 % chez Promodès. Les
vement va se poursuivre dans les années 2000 distributeurs veulent piloter eux-mêmes leur logis-
avec la construction d’interfaces plus efficaces
entre les WMS (logiciels de gestion d’entrepôt)
et les WCS (logiciels de pilotages d’automates).
« Les WMS conversent de mieux en mieux avec
les automates et assistent la préparation de com-
mandes de détail fine, expose Jean Damiens, qui
poursuit : les outils d’intralogistique deviennent
de plus en plus sophistiqués jusqu’à aboutir à la
création du métier de pilote de flux pour gérer les
flux de l’entrepôt, les systèmes et les automates. »
On note en effet l’arrivée du pick-to-light, de la
préparation vocale, l’affranchissement des AGV
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ments sociaux étaient forts, on ficient d’occupation des sols de 0,4/0,5, nécessi-
évitait de mettre « tous ses œufs tant 200.000 m2 de terrain pour un entrepôt de
dans le même panier ». C’est ainsi que Monoprix par 100.000 m2, tend à limiter le nombre d’entrepôts
exemple avait séparé les produits secs des produits XXL, car il faut pouvoir trouver du foncier aussi
frais, avait un entrepôt au nord de Paris et un au Sud. étendu à des conditions acceptables.
Par ailleurs, contrairement aux années 80 où le coût
de l’énergie était élevé, ce qui favorisait des bâti- SCMag : L’automatisation a de nouveau du
ments plus petits et proches des lieux de consom- succès, quel impact cela va-t-il avoir sur les bâti-
mations, dans les années 2000, les entrepôts peuvent ments selon vous ?
s’éloigner, le coût du transport n’étant plus décisif C.S. : Effectivement, la 1ère vague d’automatisation
dans les calculs de barycentres d’implantation d’en- posait 2 problèmes. Les éléments de mécanisation
trepôts. Enfin, c’est aussi au début des années 2000 étaient très lourds et rigides. De plus, le taux de colis
que se développent les parcs dévoyés était trop important du fait de difficultés
Mini CV logistiques, des zones dédiées d’identification, les outils n’étant pas suffisants pour
Depuis 07/2011 : où les bâtiments peuvent être lire les codes-barres sur des étiquettes placées n’im-
Président d’Afilog plus grands. porte où. Ces problèmes de qualité et de performance
02/2003 - 08 /2011 : ont conduit à une pause d’une dizaine d’années dans
Directeur Logistique Samada/ SCMag : Qu’en est-il de leur l’automatisation. Mais depuis 5/6 ans, les textes gou-
Monoprix hauteur ? vernementaux sur la responsabilité des entreprises
01/1992 - 01/2003 : C.S. : A la fin des années 70, vis-à-vis de la santé/sécurité de leurs collaborateurs
DRH Hays Logistique France début des 80, les entrepôts ont un véritable impact et conduisent à un regain
étaient de petite hauteur, à d’automatisation pour limiter les travaux pénibles.
emblématiques d’automatisa-
tion qui vous ont marqué dans les années 80 ?
P.M. : A l’époque, c’étaient des projets très liés à
l’industrie lourde, la pétrochimie, avec des problé-
matiques essentiellement de stockage, même si les
flux tendus avaient déjà commencé dans l’auto-
mobile. Je me souviens notamment d’un gros pro-
jet pour Caterpillar et d’un autre pour ExxonMo-
bil, à Notre-Dame-de-Gravenchon, qui combinait
stockage automatique avec transstockeurs et AGV.
lancent aussi dans l’automatisation pour répondre des années 90, début des
aux besoins de leurs clients. Nous avons signé années 2000, on a vu arriver
nos 2 1ers contrats avec des prestataires en 2016 des bâtiments standards plus
et venons de signer un 2e projet avec Pasquier qui grands, en France comme en Europe, qui se sont éloignés des
porte à 6 le nombre de nos références dans la pré- bassins de consommations. Ils ont commencé à se mécaniser et
paration avec robots. ■ à s’automatiser. A présent l’e-commerce oblige, avec le dévelop-
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-LUC ROGNON pement du same day delivery, à créer de petits entrepôts proches
des villes pour assurer la distribution urbaine.
E
ntamée sur fond de crise économique, la décen- 2016, près de Marseille. Côté e-commerce, il faut
nie débute sur un net décrochage des surfaces s’appeler Amazon pour s’installer sur une surface
d’entrepôts commercialisées, souvent multi- similaire, comme c’est en cours à Boves, où l’au-
canal. La grande distribution et bientôt l’e-com- tomatisation n’est pas forcément la priorité. Elle
merce contribuent à relancer le marché, tout en l’est plus chez de petits acteurs, mais leur rythme
illustrant l’automatisation croissante du secteur. de croissance et une moindre capacité d’investis-
Côté grande distribution, elle s’envisagera bientôt sement impliquent une démarche plus graduelle.
à une échelle globale. En 2014, Scapalsace ouvre Pour répondre à ces problématiques de flexibilité,
la 1ère plate-forme de préparation automatisée du les solutions de préparation de commandes se sont
sol au plafond, pour les magasins E.Leclerc de l’est faites plus modulaires et plug & play, à l’image de
de la France. Un profil de projet qui alimente l’ac- celles d’Intelis chez Savoye, ou des convoyeurs de
tualité des différentes enseignes, sur fond de réor- Boa Concept à partir de 2013. Le tout participe
ganisation de leurs circuits de distribution autour d’une démocratisation de l’automatisation, que
d’entrepôts XXL. Leur automatisation se retrouve l’on voit poindre sur de plus petits sites, y compris
aussi à l’échelle des drives, qui maillent progres- des 3PL disposant de moins de 10.000 m².
sivement tout le territoire. La distribution spécia-
Entrepôt Action
de 70.000 m2 à lisée s’engage aussi sur ce chemin, en s’appuyant Etre encore plus flexible et évolutif
Moissy Cramayel plus sur ses prestataires logistiques. A l’image de En termes d’organisation interne, ce sont surtout
livrable pour
fin 2017 Deret, qui robotise la préparation de palettes de les équipements goods-to-man ou les AGV qui
modifient les modes de fonction-
nement ou la configuration de
l’espace, plus centrée sur le poste
de préparation. Surtout avec la
nouvelle attention portée à la
pénibilité au travail, aiguillonnée
par une loi ad hoc. L’automatisa-
tion concourt à réduire la taille
des équipes mobilisées sur les
nouveaux sites, mais elle y amène
aussi plus de diversité, puisqu’on
y croise des ingénieurs. Non plus
dédiés aux questions de main-
tenance des équipements, mais
©SAGL
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Les grands distribu-
teurs investissent dans
Préparation
les murs et les WMS, et jonglent avec les presta- manière forte les lignes sur le bâtiment. Avec le robotisée
taires, qui se chargent des mouvements de flux et développement des livraisons urbaines, on aura de palettes
hétérogènes
des aspects sociaux », estime pour sa part Michel un schéma à 2 voire 3 niveaux : des entrepôts de liquides.
Martin, Consultant M2 Consulting. Certains maga- de stockage de masse loin des villes, des points
sins de stockage automatisé franchissent la barre de relais à la périphérie des villes (ex : Chapelle
des 30 m de haut, comme le projet en construction International), voire un 3e niveau dans les par-
par Socamaine dans la Sarthe. Son choix de gagner kings pour desservir les quartiers avec des moyens
en hauteur est aussi dicté par une problématique de doux. Le foncier en ville étant cher et les ruptures
foncier disponible, qui pèse sur un nombre croissant de charges, coûteuses, il va falloir trouver de nou-
de projets, à la périphérie des villes. Forçant parfois velles solutions (contenants adaptés en fluvial ?),
les architectes à sortir du traditionnel format rec- ce à quoi Afilog est en train de réfléchir. Avec
tangle pour tirer le maximum de la parcelle. Le tout l’économie d’usage, la notion d’entrepôt patri-
participe d’une logique de sur-mesure, interne avec moine devrait disparaître au profit de la location
l’automatisation, externe avec des projets sortant de m2 et de services informatiques en fonction
des sentiers battus en matière d’architecture. des besoins. L’impression 3D devrait aussi faire
évoluer les systèmes à terme ». Nul doute que la
Et demain ? Supply Chain va devoir encore s’adapter et avec
Pour Claude Samson, Directeur d’Afilog, « Demain elle, son humble maillon, l’entrepôt. Au point de
on pensera l’organisation et les processus puis disparaître au profit de stocks circulants ? ■
on posera la coque au-dessus, ce qui bouge de MAXIME RABILLER ET CATHY POLGE
2012 2014
Le transpalette EJE 112i de Jungheinrich Scapalsace, qui gère les achats et
devient le 1er engin de manutention la logistique de distribution des magasins
électrique à être commercialisé avec E.Leclerc sur 10 départements
une batterie basée sur la technologie du Grand Est, ouvre
Lithium ion, plus légère qu’une batterie le 1er centre en France complètement
au plomb, plus compacte, automatisé pour la préparation
plus rapidement rechargeable de commandes dans la grande
et sans effet mémoire. distribution (réalisé par Witron).
©JL.ROGNON