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Cours N°4 :

La valeur de signe
Lanval Monrouzeau
I - Étude d’images

● Observez les différentes images qui suivent, tirée du


travail de l’artiste Robin Collyer. Que remarquez-vous
?
Photographie : Robin Collyer
Photographie : Robin Collyer
Photographie : Robin Collyer
Photographie : Robin Collyer
Photographie : Robin Collyer
Voici ce qu’on peut lire sur le site de la FRAC Centre-Val
de Loire :

[Robin Collyer] porte un regard sur la façon dont nous agençons nos villes, sur les lieux qui ont
gardé trace de l’activité humaine ainsi que sur les systèmes de représentation et de communication
de masse. Depuis le début des années 1990, il fait appel à l’ordinateur pour ôter des paysages
urbains photographiés toute trace de l’écrit, révélant que le texte prévaut dans nos espaces tout
autant que les formes construites ; l'absence de tout signe typographique transforme en
environnements étranges presque factices ces lieux qui nous sont pourtant familiers.*

*Nadine Labedade, www.frac-centre.fr, site consulté en décembre 2020


Suite…

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II - Valeur d’usage, valeur d’échange et valeur de signe
● En économie, on associe généralement une
marchandise à une valeur d’usage et une valeur d’
échange. Ce sont des idées déjà développées par
Aristote dans La Politique, au IVe siècle av. J.-C.

● La valeur d’usage est l’utilité concrète d’un objet.


Exemple : un pull sert à se couvrir et avoir chaud.

● La valeur d’échange est ce contre quoi on pourrait


échanger cet objet, en général de l’argent ou quelque
chose d’autre de valeur équivalente. Exemple : vous
décidez de vendre votre pull 50 €.
● Mais il existe encore une autre valeur liée à la
marchandise : la valeur de signe (au sens entendu
par Jean Baudrillard). Il s’agit de toute la symbolique
associée à l’objet. Exemple : on associe un pull de
marque Nike à l’idée de sport… Mais cette idée ne
va pas de soi, il s’agit d’une construction !

● Pour bien saisir le sens de la valeur de signe et son


importance dans les métiers du design, du marketing
et de la communication, il faut remonter aux origines
de la société de consommation dans laquelle nous
nous situons aujourd’hui.
III - Naissance de la société de consommation *

* Note : ce chapitre est une restitution très partielle du cours de Jean-Michel Dufays, La
révolution industrielle et le socialisme au XIXe siècle, daté de 2013 et disponible sur la chaîne
Youtube de l’auteur ici : https://youtu.be/dPNEvgrMTL0
● Notre système économique et social est directement lié
aux principes de la société de consommation, que l’on
pourrait définir en reprenant le début de l’article de
l’encyclopédie en ligne Wikipédia dédié à ce terme :

(...) le concept de « société de consommation » renvoie à l'idée d'un système économique et


social fondé sur la création et la stimulation systématique d'un désir de profiter de biens de
consommation et de services dans des proportions toujours plus importantes. (...) *

● On situe les origines de la société de consommation vers


la fin du XIXème siècle.
* Société de consommation. (2021, août 30). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 09:22, août 30, 2021 à partir de
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Soci%C3%A9t%C3%A9_de_consommation&oldid=185914868.
● Le XIXème siècle est marqué par de grands changements
dans la façon de produire, distribuer et consommer des
marchandises. Voici quelques éléments de culture
générale pour comprendre ce phénomène historique.

Photo : Usines de filage mécanique du coton à Manchester vers 1820. Source : Mr Stephen — Scanned from
A Century of fine Cotton Spinning, 1790-1913. McConnel & Co. Ltd. Frontispiece. Domaine public.
● En Europe, des richesses énormes ont été accumulées,
notamment grâce à l’exploitation injuste des colonies.
Elles sont réinvesties dans l’industrie avec le concours
de nouveaux outils financiers (ex : crédits bancaires,
sociétés par actions) on parle alors de capitalisme
industriel.

● Une théorie économique se répand : le libéralisme, qui


promeut la libre entreprise, la libre concurrence, la non
intervention de l’Etat dans le secteur économique.
● L’exploitation du charbon transformé en énergie et
l’usage de la machine à vapeur permettent d’accélérer
la production des marchandises au sein des usines.

● L’exode rural des paysans, des campagnes vers les


villes, offre une main d’oeuvre abondante et bon
marché pour les usines ou les mines de charbon.

● La construction de réseaux ferroviaires et de réseaux


maritimes à vapeur, se répandent et facilitent la
distribution des marchandises sur de longues distances.
● Autre changement majeur :
vers la fin du XIXème siècle,
la population commence à se
nourrir en achetant des
produits fabriqués par
l’industrie. Cela marque les
prémices de ce que l’on
nomme aujourd’hui la société
Ci-dessus : une boîte de petits suisses
Gervais datée probablement de la fin du de consommation.
XIXe siècle (source : ebay.fr).
● Mais comment faire
confiance à ces produits
lointains, parfois
conditionnés de manière
étrange et dont on n’a
nullement participé à l’
élaboration ? *

Image : Atelier de remplissage et de soudure des


* Cf : Anthony Galluzzo, La fabrique du
boîtes au XIXe siècle, par Fondo Antiguo de la
consommateur : une histoire de la société
Biblioteca de la Universidad de Sevilla from
marchande, Zones, 2020
Sevilla, España .CC BY 2.0
IV - Petite histoire du branding *

* Note : ce chapitre est une restitution très partielle du cours de Jean-Michel Dufays, La
révolution industrielle et le socialisme au XIXe siècle, daté de 2013 et disponible sur la chaîne
Youtube de l’auteur ici : https://youtu.be/dPNEvgrMTL0
● Pour rassurer les
consommateurs face aux
nouveaux produits issus de
l’industrie, les marchands
développent les marques,
qu’ils annoncent comme
des labels de qualité.
Note : affiche publicitaire
présentant la marque
Trébucien, le café des
gourmets (1886).
● Mais comme l’explique Anthony Anthony Galluzzo
dans La fabrique du consommateur : une histoire de
la société marchande*, la création des marques
possède deux autres avantages majeurs pour les
marchands.

* Cf : Anthony Galluzzo, La fabrique du consommateur : une histoire de la société marchande,


Zones, 2020
● Tout d’abord, elle permet de distinguer un produit
de ses concurrents, pourtant quasiment identiques
(ou totalement identiques).

Ci-dessus : deux marques de soda américaines de la fin du


XIXème siècle quasiment identiques, Pepsi et Coca-Cola.
● Par la suite, la marque devient
aussi un moyen pour les
industriels d’insuffler de manière
artificielle des valeurs et des idées
dans leurs produits. Ce faisant, ils
les transforment en sortes de
fétiches (cf : Karl Marx) : des
objets dotés de pouvoirs
bénéfiques pour qui se les
procurent.
Ci-dessus : Affiche de Cappiello
(1911) qui associe un papier de
cigarettes… à un prestige royal !
● Dans ce domaine, Edward
Bernays (1891-1995) fait preuve
d’une ingéniosité très particulière.
Il s’inspire des découvertes en
psychologie de son époque
(notamment celles de Sigmund
Freud, son oncle, et de Gustave
Le Bon) afin de développer ces
associations d’idées dans l’esprit
des consommateurs.
Image : Photo d’Edward Bernays sur le site Wikipedia
Etude de cas...
● Selon la légende, sa
campagne publicitaire
spectaculaire Torches of
Freedom (1929), visant à
associer la cigarette à l’idée
d’une puissance émancipatrice
aurait grandement participé au
succès de ce produit auprès
des femmes.

Image : Edith Lee smokes a cigarette on the 'Torches for Freedom' march, New York, 1929, historytoday.com
● La création d’images de marques
prend un nouvel essor vers la fin
du XXe siècle, lorsque des
grandes entreprises décident de
concentrer l’essentiel de leur
activité dans ce domaine, tandis
qu’elles externalisent la fabrication
de marchandises là où la main
Note : Dans les années 1980, Phil Knight, PDG d’oeuvre, la législation et la
de Nike, ne définit plus son entreprise comme
un équipementier sportif. Il souhaite associer fiscalité leurs sont avantageuses.
Nike à l’idée même du sport, du dépassement
de soi et de rêve de performance. C’est ce qu’explique l’essayiste
Naomi Klein dans No Logo.
● Selon cette logique, l’important
n’est plus tellement la
marchandise que l’on fabrique,
mais les idées, les valeurs, les
styles de vie que l’on véhicule à
travers les marques. Il est
d’ailleurs possible de les associer
à n’importe quel type produit, Note : magasins, radios, hôtels, boissons,
trains, mise en orbite de satellites… Que fait
même si celui-ci n’est pas lié au vraiment Virgin ?

coeur d’activité de la marque.


● La fabrication et la gestion des
marques, ou branding, devient
une activité essentielle du
marketing à partir de la fin du
XXème siècle. Elle nécessite le
déploiement d’une stratégie
complexe qui mobilise de
nombreux professionnels (ex :
brand managers, designers,
Note : logo d’Apple, une des marques les plus
importantes de la fin du XXème et du début du
community managers,
XXIème siècles. influenceurs, etc.)
Exercice

Voici plusieurs paquets de bonbons :


● Qu’observez-vous ?
● A quelles valeurs renvoient ces marques ?
● A qui s’adressent en priorité ces marques ?
Rien à bouffer là-dedans !

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