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BY

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QUE SAIS-JE ?

La marque

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SI
BENOÎT HEILBRUNN
AS

Professeur de marketing
à l’ESCP Europe et à l’IFM.
Consultant en stratégie de marque
BY

Troisième édition mise à jour


8e mille
978-2-13-065241-0

Dépôt légal – 1re édition : 2007


3e édition mise à jour : 2014, octobre

© Presses Universitaires de France, 2007


6, avenue Reille, F-75014 Paris

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Sommaire

Page de titre
Page de Copyright
Introduction
Chapitre I – Histoire et fonctions des marques
La marque et ses parties prenantes
Chapitre II – Qu’est-ce qu’une marque ?
I. – Les différents types de marques
II. – La marque-produit ou service
III. – Les marques-familles
IV. – La marque-corporate et la logique de cautionnement
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V. – La trifonctionnalité des marques
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VI. – Les composantes identitaires d’une marque
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Chapitre III – La marque du point de vue de l’entreprise


I. – Les fonctions de la marque pour l’industriel
II. – Les modalités de développement de marque
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III. – Le branding versus le badging


IV. – Les alliances de marques
V. – La gestion d’un portefeuille de marques
Chapitre IV – La marque du point de vue du consommateur
I. – Les fonctions de la marque pour le consommateur
II. – La sensibilité à la marque
III. – La fidélité à la marque
IV. – L’attachement à la marque
Chapitre V – La marque du point de vue de la distribution
I. – Les fonctions des marques nationales pour les distributeurs
II. – L’évolution du statut des marques de distributeurs (MDD)
III. – Les stratégies de marquage des enseignes de commerce
IV. – Les facteurs explicatifs du succès des MDD
V. – Les facteurs de riposte des marques nationales face aux MDD
Chapitre VI – La valorisation du capital de marque
I. – La multiplicité des méthodes de valorisation
II. – La marque comme actif dérivé
III. – Les approches comptables
IV. – Les comparables ou les multiples
V. – Les redevances reçues au titre de l’utilisation de la marque
VI. – Les flux futurs actualisés
VII. – L’option réelle de croissance
VIII. – Les approches multi-attributs du capital de marque
IX. – Les principaux leviers du capital de marque
Conclusion – La marque comme icône culturelle et religieuse
Bibliographie
Notes

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Introduction

Que serait une vie sans marque ? Même les auteurs de science-fiction les
plus hardis ne se sont pas hasardés à une telle hypothèse, tant les marques
sont omniprésentes à chaque moment de notre vie : nous consacrons de plus en
plus de temps à des activités dites de consommation et pratiquement tous les
produits sont marqués. Des fruits et légumes sur les étals des marchés au nom
des villes (Saint-Tropez, Chambord) 1 ou des pays, la marque a étendu son
emprise hors du domaine des produits et des services, pour toucher des entités
aussi différentes que des artistes (Picasso, Ben Vautrier), des designers
(Philippe Starck, Ora Ito), des clubs de football (certains clubs comme
Manchester United sont par exemple cotés en Bourse), des sportifs (David
Beckham, Éric Cantona), des institutions (le Moma, le Louvre, la Sorbonne).
Notre civilisation semble ainsi avoir pratiquement exclu les objets non

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marqués. Ainsi, même l’enseigne japonaise Muji (Mujirushi Ryohin signifie
« produit de qualité sans marque » en japonais) est-elle devenue une marque :
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la marque serait-elle le signe indépassable de la société de consommation ? De
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façon générale, on peut considérer que les marques sont devenues des
médiateurs essentiels entre les individus et leur environnement quotidien
(entreprises, villes, régions). De signe de différenciation, la marque devient, au
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sein d’une société régie par le marketing, une entité dont les retentissements
sur les acteurs sociaux et leurs interactions sont innombrables. C’est sur cet
objet proprement sociétal que le présent ouvrage se propose de réfléchir.
Chapitre I

Histoire et fonctions des marques


Contrairement à une idée répandue, la marque n’est pas issue de la
révolution industrielle et n’est pas propre à l’entreprise moderne : elle a
toujours existé comme signe anthropologique et précède (et de très loin !)
l’industrie, l’entreprise et… le marketing. Ainsi a-t-on retrouvé des marques
sur des poteries datant de 1 300 ans av. J.-C. dans une région qui devint par la
suite une partie de la Grèce ancienne. Les traces d’utilisation de marques qui
prennent la forme soit d’un nom, soit d’un dessin, soit d’un motif (rosette sur
céramique par exemple) remontent donc à l’Antiquité2. Ces marques étaient
apposées soit par le producteur de l’objet, soit par le distributeur ; d’où le
nombre important de marques retrouvées sur des bouchons d’amphore de vin
ou d’huile3, des tuiles ou des poteries. La marque est d’abord un signe
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anthropologique lié à deux fonctions essentielles qui sont l’identification de
l’origine (sa fonction de signature) et la différenciation4. Cependant, rien ne
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laisse supposer que les lois grecques aient attaché un quelconque droit
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d’exclusivité à l’usage de la marque. Elle avait avant tout valeur de signature :


marquer un produit signifiait alors l’indication symbolique d’une origine ou
l’authentification d’un savoir-faire. Une loi anglaise datant de 1266 impose aux
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boulangers d’apposer leur marque sur la moindre miche de pain vendue afin
qu’il soit possible de retrouver le fautif en cas d’erreur sur le poids de la
miche. Ainsi, la marque assure la traçabilité du produit depuis son lieu
d’origine : c’est sa fonction de labellisation. Il en est de même pour les
orfèvres et les argentiers à qui l’on impose également l’apposition d’une
marque associant leur signature à un symbole personnel assurant la qualité du
métal.
Mais on peut en fait considérer que le véritable usage économique de la
marque date du XVe siècle, époque à laquelle apparaît en français le terme
« marque » (1456). Son étymologie–« marque » dérive de l’ancien français
« merchier » – désigne un signe mis intentionnellement sur un objet pour le
rendre reconnaissable et en assurer la propriété5. La marque va rapidement
se diffuser comme un signe permettant de distinguer les artisans les uns des
autres. Ainsi, en 1597, deux orfèvres accusés d’apposer de fausses marques
sur leur marchandise furent cloués au pilori par les oreilles, illustrant la
lourdeur de la sanction en cas de contrefaçon6. Ce n’est en fait qu’au XVIIe
siècle que la marque en vient à s’appliquer à une pratique professionnelle.
Pendant l’Ancien Régime, de nombreux règlements corporatistes tentent de
limiter une production déjà restreinte du fait des techniques manuelles de
production. Le rôle du droit de jurande est alors de limiter la concurrence et la
production en grande quantité en interdisant par exemple aux artisans de
posséder plusieurs ateliers ou en les obligeant à n’employer qu’un nombre
restreint de compagnons. L’organisation corporatiste vise alors à limiter toute
forme de concurrence dans un univers commercial qui assigne à l’artisan la
double fonction de producteur et de marchand. La marque, très prégnante,
permet d’assurer au client final le respect de règlements de fabrication en
même temps qu’elle offre une sorte de garantie policée des monopoles et
privilèges corporatistes7.
La Révolution de 1789, en supprimant les jurandes, établit la liberté du
commerce.
À partir du XVIIIe siècle, l’importance de la marque s’accroît de façon
significative dans la majorité des pays occidentaux du fait de la coexistence
d’un certain nombre de phénomènes. L’évolution des techniques de production,
de transport et du machinisme conduit à une substitution progressive de la
grande industrie aux artisans, ce qui entraîne notamment une spécialisation de
la production. Les progrès significatifs réalisés par les systèmes de

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communication et de transport permettent bientôt la distribution des biens à
un niveau régional, national et international. Les produits frais font notamment
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l’objet de marquage parce qu’ils sont périssables. Parallèlement, les progrès
dans les processus de production permettent une certaine uniformisation de la
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production : la marque indique alors une reproductibilité des produits ainsi que
la production de grandes quantités de produits à prix réduit. Enfin,
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l’amélioration des modes de conditionnement permet de proposer au client


final des conditionnements fractionnables et individualisables (le premier tube
de dentifrice apparaît en 1890, le premier bouchon de canette en 1892, etc.),
de même que des progrès dans les modes d’impression permettant
l’identification de la source du produit. La marque devient notamment par
l’entremise du packaging un « vendeur silencieux », selon l’expression de
Vance Packard, chargé de séduire le consommateur dans une économie de plus
en plus intermédiée.
Par ailleurs, le marché se fragmente avec la séparation de l’activité de
fabrication de celle de la vente. Un système commercial autonome se met en
place qui opère notamment un transfert de responsabilité du produit de
l’industriel vers le commerçant, désormais seul en contact avec le client final.
Ce sont alors les commerçants qui cautionnent les produits qu’ils vendent.
D’ailleurs, l’essor des grands magasins et du petit commerce en général tend à
favoriser les dépenses des consommateurs.
Ce morcellement des acteurs du marché contribue également à renforcer le
pouvoir du distributeur. La marque se dote d’une nouvelle valeur de lien : elle
permet à l’industriel de retisser un lien avec le client.
Parallèlement se met en place tant en Europe qu’aux États-Unis un système
de protection légale avec l’apparition des premières lois assurant la protection
industrielle ; la loi française du 23 juin 1857 sur les marques de fabrique et de
commerce concrétise l’existence juridique de la marque : la propriété d’une
marque s’acquiert et se conserve par l’usage et elle est perpétuelle, à la
différence des brevets.
Enfin, le développement de la marque est inextricablement lié à l’essor de la
publicité qui représente dès lors une facette importante de la stratégie de
communication et de valorisation d’une marque. Elle devient au XIXe siècle une
source crédible d’information et une manne financière non négligeable des
quotidiens et magazines. À la fin du XIXe siècle, face à la multiplication des
nouveautés (ampoules électriques, radio, phonographe, automobiles), il
incombe aux publicitaires la tâche d’insérer ces produits dans des schèmes de
consommation courante. Le rôle de la communication publicitaire est alors
d’informer les consommateurs de l’existence de nouvelles inventions et de les
convaincre que leur vie serait nettement améliorée s’ils utilisaient la voiture à
la place du train, le téléphone à la place du courrier ou bien encore les lampes
électriques à la place des lampes à pétrole. Les noms de marques que portent

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ces produits – dont certains existent encore aujourd’hui8 – sont la plupart du
temps accidentels. Ce sont les produits qui par leur nouveauté sont porteurs de
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messages.
Les produits dotés d’une véritable stratégie de marque apparaissent à la
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même époque du fait du développement de la sérialisation des produits. La


marque caractérise un savoir-faire et doit communiquer la légitimité, le
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prestige et la pérennité de l’industriel ; il s’agit alors d’éduquer le


consommateur sur la proposition de valeur basique du produit et
éventuellement d’induire de nouveaux usages de consommation. Cette
idéologie repose notamment sur une segmentation des marchés en termes de
bénéfice, chaque marque tâchant dans une économie de plus en plus
concurrentielle de s’approprier une légitimité sur un type particulier de
bénéfice (l’USP : Unique Selling Proposition) sur son marché.
Mais rapidement le développement des marques s’appuie sur une sorte
d’inflation des promesses jusqu’à la revendication de bénéfices spectaculaires,
voire surnaturels et qui conduit notamment à la réglementation de la réclame
en France et à la naissance de la publicité moderne. Alors que les réclames
communiquaient soit sur des bénéfices fonctionnels, soit sur des effets
miraculeux des produits, la publicité introduit un nouveau style de
communication : les produits commencent à incorporer des idéaux sociétaux
liés aux aspirations des individus (concernant leur famille, leur place dans la
société, leur masculinité ou féminité, etc.) qui n’ont plus qu’un lien
extrêmement ténu avec leurs bénéfices fonctionnels. À travers des métaphores
et des allégories, les marques sont progressivement transformées par la
publicité en êtres mystérieux capables d’incarner des propriétés
psychologiques ou sociales. C’est ce que l’on peut appeler le tournant
symbolique des marques. Le symbole est un signe (ou un ensemble de signes)
qui est conventionnel ; en cela, il opère un décrochage entre la valeur
fonctionnelle des produits et la valeur aspirationnelle d’image des marques.
Plutôt que de polariser le message publicitaire sur les bénéfices produits, une
nouvelle génération de publicitaires (au nombre desquels Leo Burnett et David
Ogilvy) officie au développement d’une véritable méthodologie publicitaire
fondée sur une échelle de liens entre les attributs concrets des produits et un
ensemble de caractéristiques psychosociologiques représentatives de la
« bonne vie moderne ».
Les marques commencent à développer un discours qui déborde largement
et de plus en plus leur univers de produits pour intégrer des discours
paternalistes et prescriptifs sur le sens de la vie ou les clés et chemins d’une
vie harmonieuse et réussie.
Les marketers et les publicitaires ont d’ailleurs été aidés dans cette
démarche par le développement de méthodes d’investigation à caractère
scientifique qui leur ont permis d’accroître le pouvoir des messages. Ainsi, la

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théorie fondée sur le rôle des émotions dans l’élaboration des stimuli
développée par le béhavioriste James Watson a connu un succès considérable
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jusqu’aux années 1960 dans le milieu publicitaire américain. De même, le
recours aux théories de la motivation élaborées notamment par Ernst Dichter
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a influencé de nombreuses entreprises qui ont commandé des études de


psychologie clinique pour mettre à jour les structures inconscientes des
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consommateurs et les magnétiser grâce à l’utilisation d’images archétypales.

La marque et ses parties prenantes

L’essor de la société de consommation accompagne et entretient une


économie des marques se traduisant par une emprise croissante de la marque
et son immixtion graduelle dans des univers dont elle était auparavant exclue.
Pour ce faire, la marque doit prendre en compte un ensemble important de
parties prenantes dans l’évolution de ces produits et de ces discours. On ne
peut plus aujourd’hui considérer la marque du point de vue unique de
l’énonciateur (l’artisan, l’entreprise), puisqu’elle existe au sein d’un espace
social de communication ; elle est donc coconstruite par un ensemble d’acteurs
au nombre desquels le consommateur occupe une place de choix.
L’influence croissante des consommateurs dans l’évolution des stratégies de
marque peut revêtir différentes formes. Nombreuses sont les marques qui
prennent véritablement en compte l’avis des consommateurs dans le
développement de leurs produits de marque (les « clients experts » chez
Casino ou le marketing interactif chez Thierry Mugler). Le consommateur peut
également devenir un acteur de la marque en véhiculant les logos et produits
de la marque, ce qui est notamment le cas pour les produits à forte visibilité
(vêtements, chaussures, etc.). Il s’agit alors d’un espace de communication
sans charge pour l’entreprise, ce qui n’est pas sans risque dans la mesure où
l’entreprise n’est plus à même de contrôler l’image de la marque véhiculée par
ces endosseurs disséminés. Le rôle croissant du consommateur dans
l’évolution de la marque renvoie également aux actions d’appropriation et de
détournement de la marque par les consommateurs : des sites interactifs de
marques sont entièrement élaborés par des consommateurs sans le contrôle
des entreprises. La prise de pouvoir du consommateur est également
perceptible dans le développement d’actions de boycott ou de défense de la
marque. En 1985, Coca-Cola s’est ainsi vu dans l’obligation de revenir à sa
formule classique suite à des mouvements massifs de consommateurs
réagissant au lancement du New Coke aux États-Unis. L’ensemble de ces
phénomènes tend à montrer que le consommateur n’est plus un récepteur
passif de la marque, mais qu’il fonctionne davantage comme un véritable
acteur de la marque capable d’influencer de façon significative l’évolution des

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pratiques, discours et perceptions de celle-ci.
Autre acteur, l’actionnaire qui, du fait de l’évolution du mode de gouvernance
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des entreprises, impose un seuil de rentabilité minimum des marques et influe
de façon significative sur le développement des portefeuilles de marque
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(exemple de la vente de Lu par le groupe Danone), mais aussi sur la fonction


latente des marques, souvent réduite par les actionnaires peu scrupuleux au
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rôle de « cash-machine ». La financiarisation de l’économie des marques


signifie que la stratégie de marque peut parfois dépendre de l’actionnaire
susceptible d’exiger des stratégies de croissance qui ne sont pas toujours en
phase avec le projet identitaire et humain de ladite marque. La marque est
donc souvent une source de tension entre, d’une part, les actionnaires qui
exigent qu’elle dégage le maximum de marge (logique financière) et, d’autre
part, les consommateurs qui lui demandent d’être un vecteur de sens.
Comprendre la marque et la façon dont son identité et sa valeur se
construisent exige donc de prendre en compte les attentes des différentes
parties prenantes qui en assurent la coconstruction et qui sont recensées dans
la figure suivante :
Figure 1. – La marque au cœur d’un réseau relationnel

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Chapitre II

Qu’est-ce qu’une marque ?


La marque concerne aujourd’hui des entités aussi diverses que des gammes
de produits (Colgate égrène par exemple tous les produits liés à l’hygiène
buccodentaire), des services (HSBC, McDonald’s), des enseignes de
distribution (Auchan, la fnac), des mixtes de produits et services (Virgin
marque à la fois des supports musicaux, des magasins, une compagnie
aérienne, des produits d’assurance, etc.), des associations (la Croix-Rouge ou
les Restos du Cœur peuvent être considérés comme des marques), des entités
géographiques (la marque des parcs naturels régionaux par exemple). Ces
évolutions obligent à repenser la notion de marque, puisque la marque ne
s’applique souvent plus à un seul objet, mais à un système d’offre souvent
hétéroclite et disparate incluant des éléments à la fois tangibles et intangibles.
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SI
I. – Les différents types de marques
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Contrairement à une idée reçue véhiculée par une idéologie managériale


souvent paresseuse, et parfois arrogante, disposer d’un nom de marque
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déposée ne signifie pas que l’on détient une marque au sens d’un outil
stratégique de création de valeur. Il faut donc distinguer le simple identifiant
commercial qui est certes protégé, mais n’est associé dans l’esprit des
consommateurs cibles à aucun imaginaire spécifique, et la marque qui articule,
comme on va le voir, des niveaux de contenu, de récit et d’expression. N’en
déplaise à certaines entreprises, les trois quarts des noms de marques qui
existent sur les marchés des produits de grande consommation ne sont pas des
marques à part entière mais de simples identifiants commerciaux. Il faut
d’abord du temps pour construire une marque (la règle des vingt-cinq ans
semble empreinte de bon sens et de justesse car elle signifie la capacité de la
marque à avoir traversé trois générations), de même que la règle des cinq
associations minimales. On peut en effet penser que si des individus pris au
hasard dans le marché cible ne peuvent citer cinq associations suffisamment
précises, différentes et différenciantes que leur évoque un nom de marque,
nous sommes davantage en présence d’un identifiant commercial que d’une
marque. À ce titre Cristalline, Corail Theoz, voire Lipton sont peut-être
davantage des identifiants commerciaux que des marques même si leur force
d’impact est indéniable.
Il faut ensuite distinguer la marque-entreprise, dite corporate, de la marque
commerciale. Ainsi Nestlé et Renault sont des marques-corporate qui sont
utilisées comme telles pour cautionner des marques commerciales filles telles
que Nesquik, Nescafé, KitKat, Galak, ou Zoé, Clio, Twingo.
Par ailleurs, il est important de bien distinguer le label de la marque. Certes
une marque peut être dotée d’une fonction de labellisation qui vise à adjoindre
à l’objet manufacturé des coordonnées spatio-temporelles précises et une
traçabilité propre à rassurer le consommateur quant au processus
d’élaboration ou aux ingrédients d’un produit ou service. Mais une marque qui
se réduirait à cette unique fonction d’authentification ne serait pas à
proprement parler une marque parce qu’elle ne véhiculerait que des valeurs
fonctionnelles propres au label. Il nous faut donc réserver le terme de « label »
pour des signes transversaux garants d’un niveau de qualité ou d’un mode de
production.
Signalons également le cas des marques ingrédientielles telles qu’Intel,
Lycra ou Nylon qui sont en fait des marques de composants. Ils viennent
souvent légitimer les marques de produits qui les intègrent. D’où la tentation
pour certaines de ces marques d’acquérir de la visibilité auprès du

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consommateur final par des stratégies dites d’inside out.
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II. – La marque-produit ou service
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La marque-produit est une marque attachée de façon étroite, exclusive et


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durable à un produit. Une entreprise comme Mars commercialise différents


produits, chacun étant vendu sous une marque spécifique : Mars, Bounty, Twix,
Milky way. De même, Procter & Gamble couvre le marché français du soin du
linge avec plusieurs marques dont Ariel, Gama, Mr. Propre, Lenor, chacune
d’elles étant liée à une promesse spécifique et bénéficiant d’une stratégie de
communication particulière. Toute marque est quasi originellement une
marque-produit. Que l’on pense à la fameuse boîte bleue de Nivéa, à Nesquik
ou bien encore à Coca-Cola qui a été une marque monoproduit jusqu’en 1975.
La marque-produit permet de pourvoir la marque d’une identité forte et
distincte, de personnaliser la communication publicitaire tout en isolant le
socionyme de l’entreprise. Le recours à des marques-produits permet la
plupart du temps à une entreprise d’adopter une approche multimarque en
couvrant un même segment de marché avec plusieurs noms de marques
indépendantes. Une telle stratégie permet aussi à une entreprise de s’orienter
vers des marchés qui ne sont pas forcément liés à son activité originelle : ainsi
des entreprises comme Procter & Gamble ou Unilever sont présentes sur des
marchés aussi distincts que le savon, la lessive, les couches, le shampoing et le
snacking. Elles ont recours à des stratégies multimarques qui permettent de
jouer sur une segmentation plus fine du marché en créant un effet d’opacité
entre les différentes marques qui sont perçues par le consommateur comme
indépendantes les unes des autres.
Cependant, la marque-produit pose à l’entreprise de nombreuses contraintes
liées à la nécessité d’investissements promotionnels et publicitaires élevés du
fait de l’existence de seuils minimaux d’efficacité publicitaire ; par ailleurs, la
marque-produit induit un phénomène de déperdition stratégique, puisqu’elle ne
peut bénéficier de synergie (de notoriété, d’image ou de facilité de
référencement) avec d’autres marques du portefeuille de l’entreprise. En
d’autres termes, l’utilisation d’une marqueproduit ne permet pas de capitaliser
sur la confiance accumulée dans l’entreprise ou la marque mère (via une
stratégie d’extension) au cours du temps.
Un cas particulier de la marque-produit est le branduit, amalgame de brand
et produit, c’est-à-dire la marque qui est devenue par usage le nom générique
désignant la catégorie de produits ainsi que l’illustrent des marques telles que
Lego, Coca-Cola, Scotch, Post-it, Suze, Schweppes, Google, etc. L’avantage du
produit est sa très forte notoriété, quoique celle-ci puisse varier d’un pays à
l’autre. Ainsi, des marques telles que Caprice des dieux ou Suze sont des

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branduits uniquement sur le marché français tandis qu’une marque comme
Xerox fonctionne comme un branduit sur le marché américain où elle est
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devenue le synonyme de photocopier. L’inconvénient majeur du branduit est la
confusion entre la marque et le produit. Beaucoup d’entre nous sont encore
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persuadés d’avoir acheté récemment du Sopalin alors que la marque n’existe


plus depuis plusieurs années. Ce risque de générisation de la marque explique
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pourquoi une marque comme Google a obstinément refusé d’entrer dans


l’Oxford Dictionary fin 2006. Un branduit est difficilement étirable hors de son
territoire d’origine, car il est justement perçu par les consommateurs comme
très typique de sa catégorie. Une entreprise comme 3M a par exemple dû
attendre de nombreuses années pour étendre la marque Scotch en dehors de
sa catégorie de produit originelle (ruban adhésif) et l’emmener vers de
nouveaux territoires (cassette audio, cassette, vidéo, etc.) ; dans le même
ordre d’idées, il apparaît très difficile de tirer la marque Post-it vers d’autres
univers de produits.

III. – Les marques-familles

La marque-famille renvoie au cas où l’entreprise utiliserait un nom de


marque pour une ou plusieurs lignes, voire plusieurs gammes de produits. Dans
le cas d’une extension de ligne, de gamme ou de marque, la mise en œuvre
d’une telle stratégie présente deux avantages majeurs. Elle permet une
réduction significative des coûts de lancement d’un produit tout en assurant un
certain niveau de vente lié à la confiance accumulée par la marque au fil du
temps. Ainsi, elle peut autoriser une réduction des dépenses marketing
(publicité, promotion, négociation avec les centrales d’achat, etc.) grâce à
d’importants effets de synergie. Il convient néanmoins de distinguer la marque-
gamme de la marque-ombrelle.
La marque-gamme. – Elle résulte d’une stratégie de développement fondée
sur la complémentarité des produits. Elle désigne un ensemble de produits et
de lignes de produits appartenant au même univers de produits. Ainsi, une
marque comme Dove s’est successivement étendue à partir de l’univers du
savon vers les crèmes pour la douche et le bain, les lotions hydratantes, les
déodorants, et plus récemment les capillaires avec une promesse liée à
l’hydratation et justifiée par un attribut du produit (le quart de lait hydratant).
Le développement de cette marque-gamme est intéressant parce qu’il illustre
la question du transfert d’une promesse d’un univers de produit à l’autre, en
l’occurrence du soin de la peau au soin capillaire. En effet, si le bénéfice de
l’hydratation apparaît comme évident pour les consommateurs dans les univers
de l’hygiène, la stratégie de Dove est de construire la pertinence et la
légitimité de ce bénéfice dans le secteur capillaire en rendant cet attribut plus

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saillant, c’est-à-dire en travaillant sa visibilité et sa prise en compte par le
consommateur. De la même façon, partant d’un savoir-faire dans le domaine de
SI
la farine, la marque Francine a développé une gamme de produits pour la
préparation des gaufres, des brownies, de la fougasse, des crêpes, des muffins,
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des brioches, du pain, etc. La marque-gamme permet donc à l’entreprise de


capitaliser sur une image de marque cohérente et facilite tant la distribution
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que le lancement de nouveaux produits en s’appuyant sur la forte notoriété du


nom de marque.
La marque-ombrelle. – Elle regroupe plusieurs gammes de produits sur des
marchés différents. Yamaha vend sous sa marque des pianos, des guitares et
des motos tandis que Swatch commercialise des montres, des sacs, des tee-
shirts, des téléphones, des stylos, etc. La marque-ombrelle se distingue
essentiellement de la marque-gamme en ce que son territoire produit est plus
étendu, et que chaque ligne de produits est souvent liée à une promesse et à
une communication spécifiques. Elle est souvent le fait de la diversification
d’une marque disposant d’une très forte notoriété et d’une image valorisante.
L’immense avantage de la marque-ombrelle est de profiter d’effets de synergie
lors d’opérations de développement de marque, mais aussi d’entretenir et de
rénover régulièrement la marque par la mise sur le marché de nouveaux
produits. Son principal inconvénient provient de la difficile gestion de l’identité
d’une marque recouvrant plusieurs types de produits dotés chacun d’une
promesse spécifique. Le risque majeur est celui d’une dissolution de l’identité
de la marque par un éloignement progressif des territoires de produit et de
communication fondateurs de la marque. Ainsi, la marque Virgin n’a pas le
même positionnement selon que l’on se place dans l’univers de la téléphonie,
du service aérien ou de la radio.

IV. – La marque-corporate et la logique de cautionnement

Le développement des logiques de gouvernance oblige les entreprises à se


poser la question du statut à donner au nom de l’entreprise. Autrement dit, le
nom corporate doit-il devenir une marque ? Avec la marque-corporate,
l’entreprise met en scène son socionyme pour cautionner les produits
commercialisés, comme le fait Danone depuis le début des années 1990.
L’entreprise BSN est devenue groupe Danone et, en apposant son logo (un
enfant regardant une étoile) sur la plupart de ses produits, Danone semble
ainsi signifier à ses consommateurs que les valeurs de l’entreprise se diffusent
par contamination dans le produit lui-même. Ce cautionnement systématique
signifie que ses produits (eaux, yaourts, etc.) sont empreints des mêmes
valeurs que celles défendues par l’entreprise, à savoir l’enfance, la nature et la
santé. De même, une marque comme Renault est une véritable marque-

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corporate dotée d’une signature (« des voitures à vivre », puis « Créateur
d’automobiles », puis…) qui cautionne l’ensemble des modèles du constructeur,
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ainsi que le font d’ailleurs tous les acteurs du secteur, car on imagine mal une
voiture ne bénéficiant pas de l’engagement (et donc de la signature) d’un
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constructeur dans une catégorie de produits présentant un important niveau


de risque perçu. La marque-caution est donc essentiellement une signature de
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l’entreprise qui vient en supplément d’une autre marque (produit, ligne ou


gamme) pour cautionner ses produits et en authentifier l’origine en établissant
une relation de transparence entre le produit et le socionyme de l’entreprise.
Ainsi, tous les produits vendus par Kellogg’s sont cautionnés par le nom de
l’entreprise de la façon suivante : Kellogg’s Corn Flakes, Kellogg’s Fruit’n
Fibre, Kellogg’s All-Brand, Kellogg’s Country Store, Kellogg’s Cracky Nut, etc.
Figure 2. – Les différents types de marques

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La marque-caution repose sur une approche systémique du portefeuille de
SI
marque dans lequel chaque élément participe à la constitution de l’ensemble
AS

du système par des effets de rétroaction permanents. Le cautionnement peut


donc mener à des logiques vertueuses lorsque chaque élément bénéficie de la
contribution des autres. Il peut aussi s’avérer dangereux si l’une des marques
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du système se retrouve en péril, que ce soit la marque-corporate ou l’une des


marques du portefeuille.
La marque-caution présente de nombreux avantages. Elle permet tout
d’abord de bénéficier d’effets de synergie entre la marque-entreprise et les
différentes marques (produit ou famille) du fait de la mise en place possible de
boucles de rétroaction. La marque fonctionne à la façon d’une galaxie de
marques qui interagissent entre elles. Par ailleurs, la marque-caution peut
nourrir la marque mère de nouvelles associations qui permettent d’étendre son
domaine d’expertise perçue, ainsi que ses traits d’image9 et ses différentes
cibles.
En revanche, la marque-caution n’est pas exempte d’un certain nombre de
risques au nombre desquels :
– un fort risque de dilution de l’image de la marqueentreprise dans un
territoire trop large et perçu comme non légitime car trop éloigné des
racines de la marque ;
– une concurrence possible entre la marque-caution et la marque-produit
ou famille qui peut limiter le champ d’action de la marque-caution à
terme ;
– un phénomène de rétroaction négatif si l’une des marques-produits est en
péril ou si au contraire la marque-entreprise est mise en danger.

V. – La trifonctionnalité des marques

La marque est un dispositif qui emblématise les trois fonctions mises en


évidence par l’anthropologue Georges Dumézil10 comme structurant les
sociétés indo-européennes et correspondant aux figures symboliques du
prêtre, de guerrier et l’agriculteur, à savoir :
– la fonction de souveraineté : la marque est d’abord dépositaire d’un
savoir-faire d’où le fait que les grandes marques s’enracinent
généralement dans un produit icône porteur d’une invention ou d’un
savoir-faire inédit. C’est pourquoi les premières marques furent
essentiellement des marques patronymiques reprenant la plupart du
temps le nom du créateur, comme il est encore légion dans le domaine de
la mode et du luxe11. La conception occidentale de la marque est donc
essentiellement prométhéenne, dans la mesure où la marque peut être
M
conçue comme une sorte d’objet magique susceptible, comme nous allons
le voir, de créer des transformations (d’un objet naturel en objet culturel,
SI
d’un objet lointain en un objet proche, d’un objet passé en objet présent,
AS

etc.) et d’octroyer du pouvoir (rapidité, omniscience, sécurité, confort,


etc.) aux consommateurs. D’où une logique inhérente d’hypervisibilité de
l’effet participant à la fois du « pas comme les autres » et de l’« en-
BY

plus ». La fonction de souveraineté renvoie à la fonction de signature de


la marque en mettant en évidence l’origine du produit, un facteur très
important pour les produits liés à un fort risque perçu par l’utilisateur ou
bien encore pour les entreprises (comme Danone ou Nestlé) qui
cautionnent leurs marques pour garantir l’origine et la qualité de
fabrication des produits et ainsi rassurer les consommateurs ;
– une fonction guerrière qui correspond au balisage et à la défense d’un
territoire symbolique ; ainsi que le rappelle Marie-Claude Sicard, « la
marque est un morceau d’espace » comme en témoigne l’étymologie du
mot français qui, d’après le linguiste Claude Hagège, vient du
germanique markjan, terme issu d’un dialecte mosellan et signifiant
« territoire que l’on délimite et par lequel on s’identifie »12. La marque
s’inscrit dans l’interface et le rapport à l’autre ; la fonction guerrière
vise à définir et capitaliser sur des éléments mentaux, verbaux et visuels
(les identifiants de la marque), qui vont lui être à terme attachés de
façon « naturelle » par ses différents publics, comme si ceux-ci lui étaient
consubstantiels. Ainsi, les consommateurs associent de façon spontanée
le code coloriel rouge et blanc à Coca-Cola ou une coquille jaune et
rouge à Shell. Ce rôle de médiation est aussi accru par la concurrence
entre les marques. Le nombre moyen de marques auxquelles est exposé
un individu vivant en milieu urbain excède largement ses capacités
d’attention et de mémorisation ; cette surabondance informationnelle sur
le marché des signes de nature commerciale justifie le fait que les
marques, soumises à une âpre concurrence, se dotent de signes de
reconnaissance simples, frappants et identifiants. Un consommateur
dans un hypermarché est exposé à plusieurs dizaines de milliers de
produits pendant près de trente à quarante-cinq minutes, et le tête-à-
tête entre chaque consommateur et chaque produit ne dure que quelques
secondes. Dans une catégorie de produits comme la lessive, un client ne
consacre guère plus de huit secondes à réaliser son achat. La vitesse est
donc la règle de conduite essentielle dans le milieu de la grande
distribution, d’où l’absolue nécessité pour les marques de grande
consommation de développer de véritables systèmes d’identification
visuelle, permettant la reconnaissance immédiate d’un produit dans un
linéaire ou sur une aire d’autoroute. Les divers modes de rationalité
managériale occidentaux se sont d’ailleurs construits sur un modèle

M
stratégique qui cloisonne les espaces et renvoie à une structure d’ordre
qui permet de baliser le marché ; cette structure d’ordre conduit
SI
implicitement à une hypertrophie des fonctions de souveraineté et
guerrière pour reprendre l’idéologie trifonctionnelle de Georges
AS

Dumézil ; l’on parle de « chef de produit », de « territoire de marque »,


de compétition, etc., en recourant à des métaphores essentiellement
BY

spatiales et conquérantes du marché. Le fondement économique de la


marque réside ainsi dans sa capacité à créer de la préférence (aux
dépens d’autres marques), de la part de marché et de la part d’esprit
imposant une position différentielle dans l’esprit de ses consommateurs
actuels et potentiels. Cette fonction a été hypertrophiée par le
marketing qui existe essentiellement à travers des dispositifs guerriers.
La marque définit un territoire notamment à travers un positionnement,
c’est-à-dire l’espace mental qu’elle tente de se forger dans l’esprit des
consommateurs cibles. Ce positionnement est relayé par des éléments
de reconnaissance au nombre desquels le choix d’une typographie,
d’éléments textuels d’identité (nom de marque, signature, etc.), d’un
code coloriel, d’un ou plusieurs symboles (la pomme pour Apple, le
swoosh de Nike, l’écureuil de la Caisse d’Épargne), d’un personnage (le
Bidendum de Michelin, la mascotte Quicky de Nestlé, etc.). Elle s’inscrit
dans l’interface et le rapport à l’autre et correspond à un registre de
différenciation ; il s’agit de capitaliser sur des éléments visuels qui vont
être, à terme, attachés de façon « naturelle » à la marque par ses
différents publics. Ce rôle de médiation est aussi accru par la
concurrence entre les marques ;
– une fonction de reproduction qui vise à disséminer sa présence dans les
dimensions de l’espace et du temps. La fonction de reproduction est
fondée sur un principe d’ubiquité, propriété essentielle de la marque qui,
comme signe d’identité, a l’essentielle propriété d’être reproductible à
l’infini. Ainsi que l’écrit Jacques Derrida, « pour fonctionner, c’est-à-dire
pour être lisible, une signature doit avoir une forme répétable, itérable,
imitable ; elle doit pouvoir se détacher de l’intention présente et
singulière de sa production »13. La fonction de reproduction va donc
notamment s’incarner dans les identifiants de marque qui ont pour
fonction d’incarner cet être virtuel qu’est la marque, c’est-à-dire de
rendre présente une absence avec des signes tangibles (logo, identité
sonore, etc.).
La marque est un être vivant qui évolue et se reproduit pour pouvoir
survivre. La reproduction est donc une fonction vitale qui concerne toute
forme de développement (produit, cible, géographique, etc.). La reproduction
de la marque pose également la question de sa capacité à assurer une
reproductibilité de l’expérience en assurant au consommateur que toute
M
expérience avec la marque est dupliquable dans le temps. Cette fonction
renvoie à la caractéristique majeure de la société industrielle qui est (de faire
SI
croire à) la reproduction à l’identique des objets dans le temps et dans
AS

l’espace. Le contrat que propose implicitement toute marque est donc la


reproductibilité possible de l’expérience de consommation dans les modalités
du temps (à chaque occasion de consommation) et de l’espace (en chaque lieu
BY

de consommation). La marque participe à ce titre d’une sorte de routinisation


rassurante des effets et de l’expérience de consommation qui vise à la
réassurance fonctionnelle et alternativement à la stabilisation émotionnelle.
Comment peut-on alors penser la diversité des marques en dépit de
l’universalité de leur logique trifonctionnelle ? On peut en fait, en suivant
Douglas Holt, considérer plusieurs métaphores pour envisager la marque :
– la marque comme empreinte mentale : sa fonction principale est
d’occuper un territoire dans l’esprit des consommateurs avec un
bénéfice clairement identifié et des éléments de reconnaissance très
spécifiques. Elle apparaît alors comme un ensemble d’associations
abstraites. On parle alors d’ADN, d’essence de la marque, d’oignon de
marque, de code génétique. Les produits ciblés entrent dans des
catégories fonctionnelles (yaourts, pansements…). Une marque comme
Ariel fondée sur la déclinaison de la notion d’impeccabilité fait partie de
cette catégorie ;
M
SI
Tableau 1. – Quatre métaphores pour penser la marque

Source : Adapté de D. Holt, How Brands Become Icons. The Principles


AS

of Cultural Branding, Harvard Business School Press, 2004.


BY

– la marque partenaire : elle correspond à une sorte


d’anthropomorphisation de la marque par laquelle elle vise à stimuler
des connexions émotionnelles et identitaires. Les termes associés sont :
identité de marque, personnalité de marque, marque expérientielle.
Contrex qui se positionne comme « partenaire minceur » en essayant de
suivre l’individu tout au long de la journée ou bien encore M. Propre sont
des exemples de telles marques ;
– la marque virale : elle sert à assurer l’unité de la communication. Les
termes associés à cette approche sont la contagion, l’infection, le
bouche-à-oreille. La marque sert à assurer la circulation maximale du
message. Elle concerne les produits de mode et les produits
technologiques. Dans ce cadre, le produit devient une dimension
totalement périphérique ainsi que l’illustre la marque Budweiser avec sa
campagne « wasuup » ;
– la marque comme icône culturelle : la marque met en scène des mythes
culturels et identitaires et sert à incarner un récit qui rend compte d’une
contradiction anthropologique fondamentale. Ces marques qui sont de
forts miroirs d’identification concernent essentiellement les produits de
styles de vie. Des marques comme Coca-Cola, Nike ou Apple font
évidemment partie de cette catégorie.

VI. – Les composantes identitaires d’une marque

Une marque existe essentiellement dans l’esprit des consommateurs du fait


de sa capacité à évoquer des valeurs esthétiques, émotionnelles et affectives
qui excédent sa seule valeur fonctionnelle. Les consommateurs n’achètent pas
une bouteille d’eau minérale pour se désaltérer, mais un produit dont on leur
promet qu’il préservera l’équilibre et la santé de leur corps. L’automobiliste
n’acquiert plus guère une auto pour se déplacer d’un point A à un point B, mais
une « voiture à vivre », « une voiture pour toute la famille », ou encore « une
modalité de redécouverte de l’espace urbain ». La marque permet aux objets
de devenir consommables et donc désirables par la transformation d’une
substance matérielle en substance signifiante dont les niveaux de
communication sont multiples (produit, logo, packaging, discours publicitaire,
etc.). La marque est donc un dispositif qui permet d’associer deux univers a

M
priori disjoints, en créant une passerelle (fictive et donc fictionnelle) entre des
mondes matériels et immatériels. La marque est donc un essentiel vecteur de
SI
sémantisation. Elle enrobe les objets d’une valeur de signe qui dépasse leur
seule valeur d’usage (ce à quoi ils servent) pour les transformer en instance
AS

signifiante. Cela veut dire qu’une marque articule en permanence deux


niveaux : un niveau dit de l’expression ou du signifiant qui renvoie aux
BY

différentes émanations matérielles de la marque et un niveau du contenu ou


du signifié qui correspond aux différentes significations véhiculées par la
marque. Gérer une marque ne consiste donc pas à organiser les éléments
matériels et directement préhensibles par les sens, mais aussi à enrichir en
permanence les valeurs et l’imaginaire auxquels on désire la voir associée. La
marque joint de façon indissociable un plan du contenu et un plan de
l’expression, selon la hiérarchisation qu’opère la sémiotique des différents
plans et niveaux que l’on peut reconnaître dans tout langage (verbal ou non
verbal). Ainsi, les consommateurs associent McDonald’s à des éléments aussi
divers que des produits (frites, hamburgers, etc.), des marques de produits
commercialisés par l’enseigne (Chicken McNuggets, Country potatoes, etc.),
des marques distribuées par l’enseigne (Coca-Cola, Orangina en France, etc.),
des représentants de la marque (Ronald McDonald’s), des couleurs (rouge,
jaune), un symbole (les fameuses arches dorées), des valeurs (praticité,
rapidité, propreté, etc.).
Une appellation dépourvue de contenu ne peut d’ailleurs prétendre être une
marque à part entière. Il est nécessaire de se départir d’une vision de type
« produit-plus » de la marque dans laquelle on réduit la marque à un nom de
marque surajouté à un ensemble de prestations matérielles (produits) et
immatérielles (services liés). On peut véritablement considérer la marque
comme une force expressive, un « moteur sémiotique » pour reprendre
l’expression d’Andréa Semprini14 chargé de produire des valeurs et du sens.
De façon générale et comme nous allons maintenant le voir, une marque est un
dispositif qui articule une éthique (une façon de voir le monde et de se
comporter, « ce à quoi elle marche » pour reprendre l’expression de Jean-
Marie Floch15) et une esthétique (les éléments figuratifs qui la rendent
reconnaissable) selon un processus d’enrichissement progressif partant d’un
niveau abstrait (le programme de la marque) mis en scène dans un récit puis
mis en signe dans des identifiants de marque16.
Figure 3. – Les différents niveaux d’une marque

M
SI
AS
BY

1. Le niveau axiologique. – Le premier niveau appelé niveau axiologique


correspond aux valeurs profondes de la marque ; il s’agit en quelque sorte du
noyau dur de la marque, c’est-à-dire un ensemble d’éléments à évolution très
lente et qui font que la marque est à nulle autre pareille. L’axiologie signifie ici
que la marque opère un choix parmi l’univers de valeurs qui structurent son
marché. C’est en ce sens que toute marque est porteuse d’une idéologie. Ainsi,
par exemple, une marque de produits de beauté doit nécessairement se
positionner par rapport à un discours sur la beauté sachant qu’il existe deux
grands registres de la beauté : une beauté naturelle fondée sur l’idée que la
beauté est inhérente à la personne, la marque ayant pour objet de la révéler
(c’est la posture implicite de marques comme Yves Rocher, Clinique ou The
Body Shop), et une beauté construite sur l’idée que c’est la marque qui confère
à l’individu qui en est originellement dépourvu les attributs d’une beauté
(nécessairement culturelle). C’est de cette seconde idéologie que se réclament
des marques comme L’Oréal Paris ou encore Biotherm. Ainsi, construire un
discours de marque sur la beauté conduit nécessairement à se positionner par
rapport à un axe nature/culture et défendre une vision anthropologique de la
beauté.
Le niveau axiologique s’enracine donc nécessairement dans une vision, qui
correspond au point de vue que porte la marque sur son marché, sa manière
propre d’« informer le réel ». Quand Habitat ouvre son premier magasin sur
Fulham Road à Londres en 1964, la marque opère une véritable révolution
dans l’équipement de la maison. À l’époque, pour se meubler, les jeunes
n’avaient d’autres choix que le meuble de famille et, à défaut, son imitation en
série dans des chaînes de distribution passablement vieillottes. En introduisant
pour la première fois le concept de mode dans le mobilier et en l’étendant
jusqu’aux ustensiles de cuisine, Habitat s’affiche vraiment comme un
précurseur17. De même que Cervantes, Dostoïevski, Proust ou Beckett ont
opéré une césure définitive dans le tissu littéraire, des marques comme Nike,
Apple, Alessi ont opéré de véritables disruptions sur leur marché : Nike en
transformant la chaussure de sport en accessoire de la quotidienneté urbaine
branchée, Apple en reconfigurant l’idée d’ordinateur à travers l’émergence de
la convivialité et de l’esthétique, Swatch en transformant la montre en
accessoire de mode qui, accessoirement, donne l’heure, et en redéfinissant le

M
marché même de l’horlogerie pour ensuite proposer une idée du temps (et une
unité de mesure : le bit). Dieno Rosso, propriétaire des jeans Diesel, déclarait
SI
par exemple : « Nous ne vendons pas un produit, mais un style de vie […]. Le
concept Diesel, tout est là. Une façon de vivre, une façon de s’habiller, une
AS

façon de faire. »18 Un grand créateur est celui qui est capable de
recatégoriser un univers d’objets, et toute grande marque s’inscrit toujours
BY

dans une logique démiurgique, en redéfinissant la genèse (au sens propre) de


son univers. C’est d’ailleurs à cette seule condition qu’il est possible de
débanaliser des produits et services sur des marchés qui sont de plus en plus
concurrentiels et saturés. Cet engagement recouvre notamment la
revendication d’un savoir-faire qui fonde la légitimité de la marque. Toute
marque est en effet fondée sur une expertise particulière qui repose sur un
savoir-faire spécifique qui fonde sa raison d’être, la rend légitime aux yeux des
consommateurs et permet de revendiquer une contribution originale sur son
marché : une certaine façon de travailler la soie et les couleurs pour Hermès,
le travail de la maille pour Lacoste ou Rodier, etc. Cette légitimité est
d’ailleurs bien souvent ancrée dans un produit icône – le polo Lacoste (1933) ;
la coccinelle Volkswagen (1934), la brique Lego (1948), la Cocotte-Minute Seb
(1953) – qui est le dépositaire d’une manière de faire bien particulière ou
d’une innovation technologique. Cette expertise se conjugue souvent avec des
valeurs qui sont des principes directeurs implicites fondateurs de la marque :
la créativité chez Sony, la convivialité et l’esthétique chez Apple, la robustesse
et la complicité chez Volkswagen, etc. Ces valeurs ont pour corollaires les
principes éthiques et déontologiques qui guident les modalités relationnelles de
base auxquels la marque adhère dans chacun de ses actes et discours : la
volonté de proposer des produits universels, simples, ingénieux et bon marché
pour Bic. L’éthique fait nécessairement partie de tout projet de marque, dans la
mesure où, comme le rappelle Paul Ricœur, « il n’y a pas de récit éthiquement
neutre ».

2. La mise en récit. – Les principes axiologiques que nous venons


d’énoncer et qui fondent l’essentiel d’une plate-forme de marque n’ont de sens
qu’à partir du moment où ils peuvent être matérialisés et ainsi passer d’un
niveau abstrait à un niveau concret et donc préhensible par le consommateur.
La procédure qui permet de transformer ces éléments abstraits en unités
signifiantes pour le consommateur est en fait une mise en récit qui consiste à
incarner les valeurs, la vision et la mission de la marque à travers une histoire
qui fasse sens pour le consommateur. Ainsi, Marlboro ne peut se contenter de
parler de façon abstraite de valeurs telles que la masculinité, la liberté et la
solitude : elles sont incarnées dans un récit, en l’occurrence celui de la
conquête de l’Ouest américain.
Mais comment construire un récit pour un produit d’apparence banale
M
comme l’eau minérale gazéifiée ? Une marque comme Badoit peut raconter
SI
plusieurs types d’histoires à ses consommateurs selon qu’elle privilégie son
origine géographique (« l’eau des sources de Saint-Galmier »), sa pureté (« une
AS

eau infiniment pure »), sa durabilité (« conditionnée depuis… »), sa


composition (« une eau riche en sels minéraux »), le type d’effet qu’elle peut
BY

avoir sur le corps (« une eau qui défatigue », « une eau qui maintient en
forme »), ses bénéfices diététiques (« une eau qui aide à perdre du poids ») ou
bucco-dentaires (« une eau anticaries »), les plaisirs qu’elle procure (« une eau
qui redonne le plaisir de reboire de l’eau »), les valeurs sociales qu’elle permet
de véhiculer (« le champagne des eaux de table »), les moments de
consommation qu’elle suscite (« l’eau des pique-niques entre amis »), etc. Il est
donc nécessaire de déterminer un point d’ancrage (driver) qui va permettre de
structurer le récit de marque.
Or, qui dit récit dit intrigue, c’est-à-dire l’identification d’un problème à
résoudre. La marque se donne à lire comme un récit dans la mesure où elle
permet de résoudre une intrigue, c’est-à-dire de répondre à un problème
rencontré par le consommateur en lui proposant un objet de désir. Le récit est
un processus par lequel un sujet part en quête d’un objet de désir. L’intrigue du
récit de marque est donc fondée sur une situation de consommation
problématique, à savoir un décalage entre ce qu’a l’individu et ce qu’il désire.
La promesse de marque (autrement appelée contrat de marque) découle de
cette mise en évidence du problème que rencontre le consommateur dans une
catégorie de produits donnée. Ce problème peut être la saleté du linge, les
kilos superflus, le machisme, la solitude. Ce n’est qu’à partir du moment où la
marque a cerné les dimensions du problème expérimenté par le consommateur
qu’elle peut véritablement mettre en œuvre à la fois ses compétences, sa
vision et ses valeurs à travers le contrat de marque. La notion de contrat est
d’autant plus importante dans le cadre d’une marque-corporate, c’est-à-dire
d’une entreprise qui décide de s’engager derrière ses produits et ses marques.
On mesure ici à quel point une marque est avant tout une parole, une parole
adressée à ses publics (consommateurs, partenaires commerciaux,
actionnaires, etc.), une parole verbale, cela va de soi, mais aussi non verbale.
L’une des définitions les plus justes de la marque est la notion de « contrat de
confiance » inventée par Darty. Le contrat de marque renvoie donc à la
relation de fiducie qui fonde toute marque, en posant les termes de
l’engagement qui lie implicitement la marque à ses consommateurs actuels et
potentiels : Contrex s’engage à l’égard de ses consommatrices à travers un
« contrat minceur », Moulinex propose des produits astucieux qui permettent à
l’individu de consacrer son temps à d’autres activités que les seules activités
ménagères tandis qu’Axe promet aux adolescents imberbes et boutonneux
l’« objet magique » qui leur permettra de ne pas rentrer bredouille de leur
soirée en discothèque ; la crème anti-âge Roc promet « 10 ans de moins »

M
tandis que Prince de Lu s’engage à « donne(r) de l’énergie tout au long de la
journée » grâce au principe de l’énergie à diffusion progressive. Le contrat de
SI
marque doit, pour être valide, articuler une dimension fonctionnelle liée à des
valeurs d’usage (« zéro tracas, zéro bla-bla » de MMA) et une dimension
AS

émotionnelle, liée à des valeurs dites de vie (« Sheba, pour dire je t’aime »). Si
le contrat n’embraye que des valeurs fonctionnelles, la marque n’est qu’un
BY

identifiant commercial ou un label.


En revanche, le risque existe d’un décrochage entre les deux registres ; il
conduit à un décalage possible entre l’usage et l’image et est préjudiciable à la
marque. Cette dernière ne devient qu’un être de discours. C’est ce qui guette
des marques comme Nike et a failli conduire à la ruine Levi’s, avant que la
marque ne se ressource avec des innovations produits (jeans à coutures
tournantes, tissu qui ne se repasse pas, etc.).
Figure 4. – La double dimension du contrat de marque
Le contrat de marque n’est donc valable qu’à la mesure d’une mise en
évidence des compétences requises. Les compétences assoient un dispositif de
preuves mis en œuvre par la marque pour justifier sa capacité à remplir son
contrat. Ainsi le Mach III propose-t-il un rasage avec moins de passages et
moins d’irritations parce qu’il dispose de trois lames et de l’investissement
technologique de Gillette. De la même façon, le n° 5 de Chanel permet à la
femme de laisser une trace olfactive qui la rend inoubliable. Cette étape du
récit correspond à une logique de justification du contrat de marque. Elle est
validée lors d’une phase de performance qui correspond à l’épreuve de réalité
et à la confrontation du consommateur avec le produit ou le service tangible.
C’est une forme de moment de vérité au cours duquel le consommateur va
expérimenter de façon concrète les performances de la marque. Qu’en est-il
par exemple de l’éradication de la tache, du respect des couleurs ou encore de
la forme du vêtement après avoir fait sa lessive avec Ariel qui nous promet
l’impeccabilité ? Qu’en est-il de mon sentiment de bien-être après une
utilisation régulière de Kérastase ou une semaine passée au Club Med ?
Le récit s’achève par une prise (ou non) de béné​fices par le consommateur.
La marque est donc sanctionnée positivement (rachat, prescription, etc.) dans

M
le cas où elle remplit son contrat et négativement (abandon, bouche-à-oreille
négatif) dans le cas inverse.
SI
On peut alors distinguer trois niveaux de bénéfices selon un axe qui va du
monde concret et matériel au monde abstrait19 :
AS

– le niveau sensoriel du bénéfice : la fraîcheur ou le pétillant d’un cola, la


douceur d’une crème de soins, etc. ;
BY

– le niveau instrumental lié aux conséquences fonctionnelles de l’acte de


consommation : la séduction (« Laissez le charme agir » pour Axe ou « le
contrat minceur » de Contrex) ;
– le niveau des valeurs profondes (« Le paradis sur terre » de Caprice des
dieux ou « Sheba pour dire je t’aime »).

3. Les éléments figuratifs de la marque. – La structure narrative propre


à toute marque doit nécessairement s’exprimer par des identifiants, c’est-à-
dire des signes qui permettent à une marque d’être à la fois reconnaissable et
spécifique. Il s’agit du troisième niveau qui représente la mise en signe du récit
au travers d’éléments figuratifs tels que les matériaux utilisés dans la
conception des produits, les couleurs, les formes des objets, mais aussi les
représentants de la marque, etc. Les identifiants d’une marque renvoient à une
sorte de caractère de la marque, une force de perpétuation qui lui permet de
se faire identifier et reconnaître au cours du temps ; ces identifiants sont
d’autant plus stratégiques pour des marques-produits comme Nesquik, Danette
ou Carambar. En effet, contrairement aux marques-corporate qui disposent
d’éléments tangibles de représentation (un siège social, un dirigeant, etc.),
elles n’ont en réalité d’existence que lorsqu’elles sont représentées par des
produits, des publicités, c’est-àdire à travers des dispositifs matériels qui
assurent leur reconnaissance. Ces identifiants sont d’ailleurs déterminants
dans l’établissement d’un dispositif de protection juridique de la marque, car ils
sont les actifs protégeables de la marque. Les identifiants de la marque sont
les marques énonciatives qui la caractérisent dans la durée. Ils doivent
alternativement jouer sur deux registres : l’impact et le contenu. L’impact
renvoie à des dimensions telles que la reconnaissance, la mémorisation et
l’attribution. Pour optimiser l’impact d’un identifiant, celui-ci doit être simple,
facilement reconnaissable, différenciant et répétitif. Le contenu correspond à
la richesse d’évocation de l’identifiant, à sa capacité à raconter une histoire. Il
dépend donc de la complexité du signe, car un minimum de contenu nécessite
un minimum de complexité.
On peut alors envisager plusieurs types d’identifiants :
– le nom de marque qui peut être un chiffre (1664), un sigle (BP), un
acronyme (fnac), un patronyme (Christian Dior), un mot composé (Carte
d’Or), une expression (La Vache Qui Rit), un descriptif de l’effet du
M
produit (Frissonade), un nom géographique (Evian), un nom arbitraire
(Schweppes) ou sans signification (Vivendi, Vivarte, etc.) ;
SI
– un attribut du produit icône : la cire de Babybel, le packaging aluminium
AS

cubique des apéricubes, le design de l’iPod. Ainsi, l’échec du Crystal


Coke lancé par Coca-Cola il y a quelques années est explicable en partie
parce qu’en commercialisant sous son nom un produit translucide Coca-
BY

Cola reniait une aspérité essentielle de son identité : la dimension


transgressive, mystérieuse et secrète incarnée par la couleur qui fait son
succès auprès des adolescents puisque c’est la couleur noire de la
boisson qui donne au produit cette image d’interdit et de mystère ;
– un code coloriel : le rouge/blanc de Coca-Cola (par opposition au bleu de
Pepsi), Kit Kat, Virgin, SFR, l’opposition orange/noir de la marque
Orange, le violet de la marque Whiskas, etc. ;
– un symbole : la pomme pour Apple, le swoosh de Nike, l’écureuil de la
Caisse d’Épargne, les arches dorées de McDonald’s ;
– un personnage de marque qui incarne la marque de façon durable (le
géant vert, le Bibendum de Michelin, la mascotte Quicky de Nestlé,
etc.) ;
– un personnage publicitaire qui représente la marque un temps donné
dans des messages publicitaires ;
– une signature de marque dont la principale fonction est d’incarner la
promesse de la marque et de renforcer la valeur ajoutée de la marque
signifiée par le nom de marque : « Just do it » (Nike), « Assureur
militant » (Maif), « La bière qui fait aimer la bière » (Heineken), etc.
Par ailleurs, le développement du marketing dit polysensoriel, c’est-à-dire
d’un marketing qui ne touche plus exclusivement les consommateurs par le
biais du sens visuel ou auditif, nécessite d’étendre la notion d’identifiant aux
sphères tactiles, olfactives et gustatives. Pour autant, la culture occidentale
ayant privilégié le sens de la vue au détriment des autres, les identifiants de
marque sont encore aujourd’hui essentiellement visuels. Seule l’identité
sonore, qui regroupe l’ensemble des identifiants sonores attribuables à une
marque, a pour l’instant fait l’objet de développements conséquents. Elle
renvoie par exemple au bruit du produit (le bruit du moteur d’une Ferrari, le
briquet Dupont, le claquement de porte d’une automobile, le bruit de la
rencontre du lait et des céréales Frosties, le bruit de compactage de la
bouteille d’Evian, etc.), au jingle, jusqu’à la bande-son d’un point de vente (voir
par exemple la série de musiques composées par Claude Chale pour des
endroits tels que le Buddha bar, le Byblos bar, etc.). Il est donc possible
d’étendre la notion d’identifiants à des éléments tels que l’olfaction (le logolf
est la signature olfactive d’une marque) ou tactiles (le toucher des ballons
Kipsta de Décathlon).
L’ensemble des éléments fondamentaux de la marque est alors recensé dans

M
une plate-forme de marque, dont nous reprenons les principales rubriques
dans le tableau ci-après.
SI
AS

Vision La façon dont la marque informe et considère son marché


BY

La façon dont la marque considère sa raison d’être et sa


Mission
contribution au marché
Valeurs Les principes directeurs de la marque
Ambition Ce que la marque voudrait être à terme
Personnalité Les principaux traits de caractère de la marque
Le type de bénéfice que la marque s’engage à fournir à ses
Promesse
utilisateurs
L’ensemble des consommateurs actuels ou potentiels visés
Cible
par la marque
La façon dont l’entreprise souhaite que la marque soit
Positionnement
perçue dans l’esprit des consommateurs
Signature L’expression du positionnement de la marque

Tableau 2. – La plate-forme de marque comme expression des fondamentaux de la marque


Chapitre III

La marque du point de vue de l’entreprise

I. – Les fonctions de la marque pour l’industriel

La marque est tout d’abord un outil visant à créer de la préférence sur des
marchés qui sont de plus en plus saturés et de plus en plus banalisés. Elle
assure une fonction de signature, notamment dans le cas d’utilisation de la
marque-corporate, en mettant en évidence l’origine du produit, un facteur très
important pour les produits liés à un fort risque perçu par l’utilisateur ou bien
encore pour les entreprises (comme Danone ou Nestlé) qui cautionnent leurs
marques pour garantir l’origine et la qualité de fabrication des produits et ainsi
rassurer les consommateurs. Du fait de la distanciation des acteurs du marché,

M
la marque joue une éminente fonction de lien qui permet donc de recréer une
relation avec le consommateur final en court-circuitant tant que faire se peut
SI
l’influence souvent déterminante du distributeur. D’où l’idée de marque
relationnelle déployée pour rendre compte des nombreuses et diverses
AS

modalités d’interaction avec le consommateur en dehors d’une approche


purement publicitaire : site Web, magazine consommateur, marketing de rue,
BY

etc. Cette fonction de signature n’est valable qu’à mesure que la marque se
dote d’une fonction symbolique de sémantisation qui vise à enrichir la valeur
perçue du produit ou service en le projetant dans un univers de sens ; la
marque pare le produit d’une histoire et devient de ce fait un vecteur de
transmission de valeurs et de savoirs. Cette fonction narrative de la marque lui
permet de valoriser des objets au-delà de leur seule valeur d’usage et surtout
au-delà de biens concurrents considérés comme très similaires. Une Golf est
par exemple environ 15 % plus chère qu’une Clio, à performances techniques
comparables. C’est cet écart de prix directement attribuable à la marque que
l’on appelle le goodwill.
Figure 5. – La marque comme processus de création de valeur

On peut considérer qu’une marque articule une dimension fonctionnelle liée


aux fonctions pratiques et utilitaires d’un système d’offre et une dimension liée
aux aspects davantage émotionnels, ludiques et symboliques ; c’est
essentiellement cette dernière dimension qui permet de créer de la survaleur
et de générer un premium, autrement appelé prime de marque, c’est-à-dire
une différence de prix par rapport aux marques proposant une offre similaire.
Toute marque répond à des attentes fonctionnelles (se désaltérer, se déplacer,
M
dormir, etc.) mais elle doit également être capable de créer et d’entretenir une
SI
survaleur (qui peut être émotionnelle, symbolique, esthétique) ; cette
survaleur se traduit par une prime de marque ou différentiel de prix que la
AS

marque peut créer par rapport à des marques concurrentes ou par rapport au
prix de référence du marché. Cette prime de marque est ensuite investie en
BY

innovation et en communication afin de justifier en retour la survaleur de la


marque et donc sa prime de marque.
Cette question est cruciale en ce qui concerne notamment le développement
des produits à marques de distributeurs (Reflets de France) qui remettent
directement en question la légitimité des marques de fabricants à créer et
entretenir de la valeur ajoutée.
La réduction des coûts de production et l’accroissement du coût d’accès aux
médias dans une ère de fragmentation des audiences et de globalisation
médiatique poussent de nombreuses entreprises à concentrer leurs efforts et
leurs investissements sur un petit nombre de mégamarques dotées d’un fort
capital et d’un potentiel d’extension des activités et d’internationalisation.
Cette stratégie pousse à l’extension et à l’ombrellisation des marques : la
marque fédère souvent des systèmes d’offre qui peuvent être très disparates.
Ainsi, une marque comme Virgin est présente dans des univers aussi différents
que la production musicale, l’assurance, la loterie, le transport aérien, etc., ce
qui n’est pas sans poser un problème de consistance identitaire.

II. – Les modalités de développement de marque


Ces fonctions n’ont de sens qu’à mesure que la marque peut se développer,
puisqu’une marque est comme un organisme vivant qui ne peut vivre qu’en
croissant. Les raisons poussant une marque à innover sont de plusieurs ordres.
Des raisons d’ordre sociétales tout d’abord, dans la mesure où l’idéologie
propre à la modernité est de forger du nouveau d’abord et toujours. La
deuxième raison est d’ordre concurrentiel, puisque les stratégies
concurrentielles poussent les entreprises à produire invariablement de la
différence et donc de la nouveauté, fût-ce sous la forme d’innovation
incrémentale ou de rupture, réelle ou fictive. La troisième raison poussant une
marque à innover est la pression des consommateurs dont les attentes sont
changeantes et de plus en plus exigeantes. La marque participe d’une
psychologie de la simplification dans la mesure où elle répond à des attentes de
repérage et de réassurance par la répétition de certains schèmes (produits
icônes, identifiants de marque, etc.), mais elle participe également d’une
psychologie de la complexification, car ses consommateurs attendent d’elle
autre chose que la seule répétition de schèmes discursifs (produits, publicité,
promotion des ventes, mécénat, etc.). Il en résulte une constante nécessité de
revitaliser la marque et de proposer de la variété aux consommateurs afin de

M
s’adapter à leurs attentes souvent changeantes. La marque oscille
perpétuellement entre la redondance et la créativité dans un balancement
SI
entre 1/ une conformité qui, en répondant aux attentes des destinataires, les
rassure en excluant les ambiguïtés conduisant à un effort d’interprétation trop
AS

élevé ou aléatoire, et 2/ une originalité provoquant de l’inattendu par


transgression des conventions et de l’horizon d’attentes de ces mêmes
BY

destinataires.
Il est alors possible d’envisager plusieurs modes de développement pour une
marque qui sont inventoriés dans la figure suivante.

1. L’extension verticale vs extension horizontale. On peut distinguer,


d’une part, les extensions horizontales qui consistent à utiliser une marque
existante pour introduire, dans un même univers de produits, un produit de
nature ou de fonction différente sans affecter de façon significative le prix de
référence du produit de la gamme, et d’autre part, les extensions verticales qui
utilisent une marque pour lancer un nouveau produit avec un niveau de prix
significativement différent (c’est-à-dire de l’ordre de 25 % au moins). La
marque Mercedes longtemps positionnée comme une marque luxueuse de
berlines allemandes a su faire évoluer son positionnement dans les années
1990 du fait d’un vieillissement progressif de sa cible en déportant son
discours du luxe vers l’hédonisme et en accompagnant cette évolution avec une
nouvelle offre de produits complémentaires (la Class A, nouveaux modèles de
la Classe C, reprise en main de la Smart) qui permettaient de capturer de
nouvelles cibles de clientèles plus jeunes par une extension de la gamme de
prix proposée par la marque.
Figure 6. – Les formes d’extension d’une marque

On peut alors envisager deux modalités d’extension verticale : d’une part les
extensions verticales vers le haut ainsi que l’illustre le cas de Volkswagen avec
la Phaeton qui entendait montrer la légitimité de la marque à investir le
segment des berlines à plus de 100 000 € ou encore le lancement de
M
l’Avantime par Renault qui procédait du même type d’objectif stratégique ;
SI
d’autre part, on peut envisager les extensions verticales vers le bas
qu’illustrent des exemples aussi différents que la Mercedes Class A, les Must
AS

de Cartier ou encore la gamme Marc by Marc Jacobs qui propose des


vêtements et accessoires plus abordables.
BY

2. L’extension de cible. – Une marque est souvent conduite à faire évoluer


sa cible du fait d’une saturation de son marché de base ou d’un vieillissement
de sa cible naturelle ainsi que l’illustrent des exemples aussi différents que Gap
avec Gap Kid, la Fnac avec la création de la Fnac junior visant à conquérir une
clientèle de jeunes enfants et de futurs clients de l’enseigne ou que Kinder
ayant développé une gamme de produits spécifiques aux adultes afin de couvrir
les attentes des consommateurs de tout âge. Une marque comme Gillette
pourtant ancrée dans l’univers masculin (qui sert de base à sa signature
publicitaire) s’est étendue avec succès dans des gammes de produits de rasage
à destination des femmes (avec la gamme Venus) ; inversement la marque
Babyliss tente de séduire une cible plus masculine avec des produits
spécifiquement dédiés à la coupe des cheveux. La marque Ricard s’est donnée
pour objectif majeur de séduire les femmes et notamment les 18-35 ans parce
que la population masculine est surreprésentée parmi les consommateurs de la
catégorie de produits.
Dans un autre univers de produits, la marque Louis Vuitton a déployé de
nouvelles gammes de cuirs et de bagages à travers la mise en œuvre d’une
véritable grammaire de marque qui lui permet de décliner la promesse de la
marque (« l’âme du voyage ») selon différentes marques filles liées à des
matières (le cuir épi, la toile monogramme, le cuir Taïga) ; le cuir Taïga assure
pour exemple une promesse de discrétion (le grain est peu reconnaissable de
loin, le branding est léger, etc.), il s’adresse davantage à des hommes avec une
promesse de fonctionnalité alors que la gamme monogramme va s’adresser
davantage à une clientèle en quête d’ostentation par un affichage spectaculaire
par lequel le nom de marque devient lui-même motif de la marque.

3. L’extension des moments de consommation. La marque Prince qui


est à l’origine une marque-produit liée à un biscuit au chocolat est devenue une
marque-gamme qui suit le consommateur à chaque instant à travers une
promesse qui est de fournir de l’énergie à tous les moments de la journée. La
ligne de produits « Les matins Taillefine » permet à la marque Taillefine de
conquérir le moment du petit déjeuner, etc. De même Nutella vise à sortir du
cadre strict du petit déjeuner ou du goûter en proposant des kits de repas. La
Vache Qui Rit en lançant des gammes de produits comme Apéricube ou Pick &
Crock a réussi à conquérir avec succès deux nouveaux moments de
M
consommation (l’apéritif et le snacking), ce qui a notamment permis de
SI
désenclaver la marque du seul univers du repas. La déclinaison de la marque
Milka sur des produits comme les biscuits ou la glace est un bon exemple
AS

d’extension permettant de toucher à la fois de nouvelles cibles, de nouveaux


réseaux de distribution et de promouvoir de nouvelles occasions de consommer
BY

la marque.

4. L’extension des réseaux de distribution. L’évolution des activités de la


marque conduit souvent à la pénétration de nouveaux lieux de distribution. La
vente en canettes (et non plus uniquement en bouteilles de verre) de boissons
comme Orangina, Perrier ou Coca a par exemple permis à ces marques d’être
référencées dans les distributeurs automatiques et de toucher des
consommateurs nomades. De même, l’extension de la gamme de produits
Kinder permet à la marque de proposer une offre complète dans les
distributeurs automatiques. Le développement de la gamme Nespresso par
Nescafé s’est opéré par le déplacement des modalités de vente du café de la
grande surface vers les boutiques aux couleurs de la marque et la vente par
correspondance.

5. L’extension géographique des activités de la marque. – Du fait de la


mondialisation des processus de fabrication et de consommation, l’un des axes
de déploiement d’une marque est bien évidemment l’internationalisation de ses
activités. On parlera alors d’une marque internationale quand ses produits ou
services sont commercialisés dans un nombre significatif d’espaces
géographiques. D’une façon générale, la gestion internationale d’une marque
impose de comprendre et d’articuler les facteurs qui expliquent la dialectique
du « mondial » et du « local ». Du point de vue des entreprises, tout semble se
passer comme si un ensemble de « forces » exerçait des pressions en faveur ou
en défaveur de la mondialisation. D’un côté, des forces incitent à l’intégration
et à la coordination mondiale des activités géographiquement dispersées
(principalement pour des raisons d’économies d’échelle et d’avantage
comparatif entre les pays), de l’autre des forces incitent à s’adapter à la
demande et aux contraintes locales (barrières douanières, obstacles non
tarifaires tels que les quotas, les normes, les formalités… ; poids des marchés
publics, diversité des goûts du consommateur, effets liés à l’origine nationale
de l’offre, diversité des circuits de distribution, position historique de certaines
entreprises, prédominance des acheteurs locaux). Il s’ensuit que chaque
secteur est soumis à divers degrés à ces différents facteurs. Dès lors, certains
secteurs sont mondialisés parce que la pression des forces de coordination et
d’intégration est forte et que les forces d’adaptation locales sont négligeables

M
(les composants électroniques, les chaussures de sport). À l’opposé, certains
secteurs sont « domestiques » parce que les forces d’intégration et de
SI
coordination sont faibles, tandis que la pression des forces d’adaptation locale
est forte (les produits alimentaires ultrafrais, la charcuterie). Entre ces deux
AS

situations, on trouve un très grand nombre de secteurs « mixtes » : certains


sont plutôt « multidomestiques », parce que l’ensemble des facteurs exercent
BY

une pression faible ; d’autres sont plutôt « transnationaux », parce que


l’ensemble des facteurs exerce des pressions fortes. On peut alors distinguer
trois grandes approches stratégiques :
– une approche locale qui consiste à considérer la gestion de la marque par
pays en l’adaptant pour répondre au mieux aux conditions de marché et
aux facteurs culturels, soit parce que la marque n’existe que dans un seul
pays ou groupe de pays (exemple de la crème dessert Mont-Blanc ou de
la chicorée Ricorée qui ne trouvent grâce qu’aux yeux des
consommateurs français), soit parce que l’entreprise ne dispose pas
d’une organisation, d’une taille ou d’une volonté stratégique pour
procéder autrement ; ainsi, la marque Hollywood Chewing-Gum qui
possède apparemment tous les atouts pour s’imposer sur la scène
internationale reste néanmoins confinée dans les frontières du marché
français tant les coûts d’entrée sur d’autres marchés sont élevés ;
– une approche multidomestique (encore appelée glocale) qui vise à
développer une position stratégique et une structure organisationnelle
permettant une grande sensibilité et une forte capacité de réaction à
l’égard des différences d’environnements nationaux. La gestion
européenne d’une marque comme Ovomaltine dont le positionnement
diffère selon que l’on se trouve en France (boisson pour les enfants), au
Royaume-Uni (boisson chocolatée du soir) ou en Allemagne (boisson
énergisante pour les sportifs) illustre une telle stratégie ; une marque
glocale standardise certains éléments de sa stratégie de marque (nom de
marque, packaging, distribution par exemple) et en adapte d’autres
(offre produit, publicité, promotion des ventes, etc.) ; des marques
comme McDonald’s ou Coca-Cola illustrent également de telles
approches ;
– une approche globale ou mondiale qui procède d’une vision standardisée
et uniforme de la stratégie de marque appliquée à l’ensemble des pays
en faisant fi le plus possible des différences culturelles et des conditions
locales de marché. Cette approche repose sur l’idée que la position
concurrentielle dans un pays est largement influencée par la position
concurrentielle dans d’autres pays et vise de ce fait à considérer le
marché mondial comme un seul ensemble intégré en construisant des
avantages fondés sur les coûts par des opérations à l’échelle mondiale et
centralisées. Des marques aussi différentes que Gillette ou Swatch

M
illustrent une telle approche. La prise en compte de l’interdépendance
entre les pays et la volonté de rationaliser la stratégie dans une
SI
perspective mondiale s’accompagnent alors des décisions suivantes :
AS

une offre standardisée et une communication standardisée


fondées sur l’idée que les attentes des clients sont homogènes, ou
homogénéisables, quel que soit le territoire géographique
BY

considéré. American Express ou Nespresso exploitent une idée et


développent donc une stratégie mondiale pour leur marque ;
un engagement significatif dans tous les marchés nationaux
majeurs pour obtenir des volumes et des synergies. Un tel
engagement permet à l’entreprise de s’appuyer sur les tendances
de consommation et/ou les changements technologiques qui
traversent la diversité des situations géographiques ;
une concentration des activités créatrices de valeur dans quelques
sites géographiques (la recherche et développement, la
fabrication, les campagnes publicitaires), de manière à obtenir des
économies d’échelles et/ou bénéficier des avantages d’une
localisation particulière ;
la construction cohérente d’un avantage concurrentiel significatif
et durable pour assurer une position mondiale avantageuse, et la
conduite de manœuvres stratégiques concertées entre les
principaux pays pour anticiper les interdépendances.
6. L’extension de marque. – Une modalité fondamentale du développement
d’une marque est l’extension de marque. Pourquoi étendre une marque ?
L’extension permet de bénéficier du capital de confiance accumulé par la
marque au cours du temps auprès des différents acteurs du marché ; les
centrales d’achat et les distributeurs seront plus enclins à référencer les
nouveaux produits sous une marque connue, et les consommateurs seront plus
portés à essayer le nouveau produit s’ils connaissent déjà la marque. Alors que
la prolifération des marques entraîne une saturation de la capacité de
rétention des consommateurs, il est plus aisé de convaincre ces derniers
d’essayer un nouveau produit, si celui-ci est porté par une marque bien établie.
L’extension permet également de réduire les coûts de lancement de nouveaux
produits ainsi que les frais promotionnels et de packaging. Elle augmente la
visibilité de la marque sur le marché et donc accroît sa notoriété. Elle permet
à la marque de pénétrer, grâce au nouveau produit, des circuits de distribution
où les anciens produits n’étaient pas présents. Par ailleurs, l’extension de
marque peut devenir un moyen de faire face à la concurrence en consolidant
les valeurs de la marque sur différents marchés et en développant ces mêmes
valeurs dans de nouvelles catégories de produits. L’extension ouvre ainsi la

M
marque à de nouveaux segments tout en renforçant une association centrale
de la marque : L’extension permet d’enrichir les associations évoquées et
SI
d’accroître le périmètre de signification de la marque. En lançant une gamme
de produits à faible teneur en calories, Weight Watchers a pu dépasser le
AS

cadre de la perte de poids pour signifier également l’accompagnement


diététique. L’extension de la marque permet alors d’enrichir à la fois le noyau
BY

externe et le noyau central de la marque.


Enfin, certaines extensions de marque peuvent être motivées par des raisons
de protection des droits de propriété de la marque. Afin d’éviter qu’un tiers ne
dépose une marque déjà établie en France sur le plan international dans une
catégorie de produits non couverte par la marque en question, celle-ci peut se
prémunir en s’étendant à ces catégories de produits. C’est le cas, par exemple,
pour Cartier qui recouvre aujourd’hui des produits tels que le textile ou les
arts de la table. L’extension de marque peut aussi être appréhendée comme
une riposte à l’évolution législative. Par exemple, l’interdiction faite en France
de communiquer sur les cigarettes a été contournée par les fabricants qui ont
étendu leur marque à d’autres catégories de produits pour lesquelles il était
possible de faire de la publicité. Ainsi en est-il de la ligne de vêtements et des
magasins « Marlboro Country » mais également du Camel Trophy et des
montres du même nom.
L’extension de marque est un cas particulier de développement d’une marque
et consiste à utiliser un nom de marque existant pour lancer un produit dans un
nouvel univers de produits.
On peut ensuite distinguer plusieurs niveaux de développement d’activités
d’une marque, selon que le nouveau produit ou service s’inscrit ou non dans le
territoire originel de compétence et d’expertise de la marque. Alors que
l’approche américaine vise très souvent à agglomérer les notions de
développement et d’extension, il est possible de typologiser les différents
scénarios de développement à l’aide de deux critères20 :
– la nature du produit, c’est-à-dire l’ensemble de ses éléments tangibles ;
– la fonction du produit qui comprend sa valeur d’usage et ses bénéfices
consommateurs.
L’extension de marque correspond alors aux cas où la nature et la fonction du
produit-extension diffèrent de celles des produits commercialisés par la
marque mère. Cette analyse permet de distinguer l’extension de marque des
autres modes de diversification d’une marque. Par exemple, l’extension de
gamme a lieu lorsque le produit nouveau complète une gamme existante en lui
ajoutant un produit complémentaire qui a une fonction identique et une nature
différente, ou qui a une fonction différente et une nature identique.
On peut alors représenter les trois principales strates de développement
d’une marque.
Il faut donc distinguer :
M
– le complément de gamme qui consiste à proposer le produit sous un
SI
autre conditionnement sans affecter l’essence du produit (Coca-Cola ou
AS

Perrier en cannette vs en bouteille de verre) ;


– l’extension de ligne qui consiste à diversifier l’offre autour d’un produit
cœur (exemple la ligne Nivea Visage ou la ligne Nivea solaire) ;
BY

– l’extension de gamme qui consiste à diversifier les usages du produit,


soit en proposant de nouveaux usages, soit en « étendant la cible »
(exemple d’extension de Kinder vers Kinder Pingui ou Kinder Bueno pour
toucher une cible adulte) ;
– l’extension de marque qui consiste pour la marque à sortir de sa
catégorie d’origine. Il est possible d’envisager plusieurs modalités qui
peuvent d’ailleurs se conjoindre :
l’extension via des produits périphériques qui sont
complémentaires en usage du produit référent de la marque :
lancement des lingettes cuisine et sol M. Propre, lancement d’une
mousse à raser Gillette ou de brosses à dents Colgate ;
des extensions essentiellement technologiques qui consistent à
étendre le territoire de compétences de la marque dans un autre
univers de produits. On peut alors envisager deux types
d’utilisation des technologies de la marque : une extension de type
continu par laquelle les technologies originelles de la marque mère
sont préservées : ainsi Kodak et Minolta ont transféré leur savoir-
faire en matière d’optique au marché de la photocopie, Michelin a
transféré son savoir-faire dans le domaine du caoutchouc au
domaine des chaussures de tennis (en association avec la marque
Babolat) et Baccarat a investi le domaine du bijou en cristal ; une
extension de type discontinu correspond, quant à elle, à une
extension du domaine d’expertise et de compétences de la marque
comme l’illustre le cas de Virgin passé de la production musicale
au domaine du transport aérien, du cola ou des assurances ou
encore celui de la Fnac passé du développement photographique à
la vente de produits culturels et à la vente de produits de
vacances ;
des extensions d’image notamment avec des stratégies
d’associations ainsi que l’illustrent l’ensemble des marques de
mode ou de luxe qui se sont étendues dans le parfum ou dans
l’accessorisation (lunettes, joaillerie, etc.). La plupart des
extensions de marque sont d’ailleurs des extensions fondées sur
l’image, dans lesquelles la marque essaie d’emmener ses valeurs et
son imaginaire dans un autre territoire-produit. Ainsi en est-il par
exemple de la diversification de Mont-Blanc vers la maroquinerie,

M
de celle de Louis Vuitton vers les chaussures, les vêtements et les
instruments d’écriture.
SI
AS
BY

Tableau 3. – Le spectre des modes d’extension de la marque

Il existe néanmoins deux types de risques liés à une extension de marque :


l’affaiblissement du capital de la marque d’une part, les risques d’échec de
l’extension d’autre part. Dans le premier cas, c’est l’extension de marque qui a
un impact négatif sur la marque mère et qui altère donc son capital tandis que
dans le second cas, l’échec de l’extension est dû à la marque mère.
La décision d’extension de marque est d’importance stratégique pour celle-ci
dans la mesure où un échec de l’extension peut avoir des conséquences
néfastes sur le capital de la marque. En effet, le piège le plus grave de cette
pratique d’extension est la vision à court terme que les décideurs semblent
privilégier. Il est souvent reproché aux entreprises de favoriser les critères
économiques de l’extension au détriment de la vision à long terme de
l’opération qui prend en compte la préservation du capital de la marque. Le
caractère extensif de la marque, c’est-à-dire sa capacité à être étendue, doit
être analysé avant de prendre la décision d’extension. Un élargissement trop
important ou trop rapide du positionnement de la marque risquerait de porter
préjudice au capital de la marque et d’endommager la marque mère. Le risque
est de voir une dilution, à long terme, du capital de la marque ou encore la
création d’une image négative pour la marque mère. Ainsi en a-t-il été de la
marque Tati qui s’est diversifiée trop rapidement et dans trop de directions

M
(lunettes, optique, bonbons, robes de mariées, voyages, etc.).
N’oublions pas que l’extension de marque se dit en anglais brand stretching,
SI
rappelant par là le caractère élastique de la marque : la marque est comme le
caoutchouc ; elle peut s’étirer, mais elle rompt si l’on tire trop fort ou trop
AS

rapidement. Le sage chinois ne dit-il pas : « Inutile de tirer sur la plante, elle
ne poussera pas plus vite… » ?
BY

L’extension nécessite donc du temps et surtout un lien sensible entre la


marque mère et le produit issu de l’extension. La première cause d’échec
d’une extension est souvent attribuable au fait que la marque mère ne permet
pas de crédibiliser le produit issu de l’extension, soit parce que la notoriété
n’est pas suffisante pour faire « décoller » le produit, soit parce que celui-ci est
trop éloigné de la marque mère pour bénéficier de sa crédibilité, soit parce
qu’encore la marque mère projette sur le nouveau produit des associations
inappropriées. À titre d’exemple, l’on peut citer l’échec des parfums Bic pour
lequel l’image de la marque Bic était trop éloignée du monde du parfum mais
aussi l’échec des téléphones Tefal, des machines à laver Mercedes Benz ou des
couches Kleenex.

7. Le processus d’extension de marque. – La prise en compte du


territoire-produit de la marque permet de savoir comment les consommateurs
organisent les informations cognitives et affectives concernant les marques et
leurs produits et comment ils sont de ce fait susceptibles d’évaluer
l’acceptabilité du futur produit-extension. Ainsi, si le produit-extension est situé
dans le territoire-produit et s’il est considéré comme typique de la marque, il
sera évalué favorablement par le consommateur. Cela permet d’évaluer le
potentiel d’extension de la marque et de réduire les risques d’échec. En outre,
la prise en compte du territoire-produit limite les risques pour la marque elle-
même. Plus l’extension sera typique, plus son influence sur le capital-marque
sera bénéfique : la marque pourra alors s’étendre sans perdre ses acquis.
Le processus d’extension doit donc nécessairement procéder par étapes en
considérant les différentes formes de développement possible de la marque, à
savoir21 :
– les éléments constituant le noyau central de la marque ;
– les éléments constituant le noyau externe ;
– les zones d’extension de gamme et de marque possibles ;
– la zone interdite.
Figure 7. – Zones et frontières de la marque Nutella

M
SI
AS
BY

Le schéma précédent montre les différentes strates d’extension possibles


pour la marque Nutella qui est restée jusqu’à aujourd’hui une marque
essentiellement monoproduit.

III. – Le branding versus le badging

La marque est devenue un capital qu’il s’agit de développer via notamment


des stratégies d’extension tous azimuts. Cette stratégie paraît lucrative, car
elle génère du chiffre d’affaires à court terme et de la marge auprès de clients
captifs, mais l’on peut penser qu’une stratégie de ce type peut être
dommageable à terme dans la mesure où 1/ elle n’est pas fondée sur un vrai
savoir-faire de la marque et 2/ le lien entre la marque mère et les produits
issus de l’extension n’est pas légitimé et 3/ elle repose sur un schéma très
ostentatoire de la marque qui la réduit à être un signe de valorisation
personnelle et sociale. Ainsi, les stratégies d’extension à outrance de certaines
marques de prestige posent le problème à terme de leur pérennité. Il convient
à ce titre de distinguer les opérations de badging des stratégies d’extension.
Le badging consiste à apposer sa marque sur des produits sans lien
d’expertise ou perceptuel avec la marque dans le cadre de stratégies de
milkage qui consistent à considérer la marque comme une cash machine en
n’accordant d’importance qu’à la rentabilité immédiate. Des marques comme
Lacoste ou Ferrari se contentent souvent, dans leur logique d’extension,
d’apposer leur marque sur des produits fabriqués par des soustraitants
(exemples des parfums et des lunettes Lacoste ou encore des vêtements siglés
Ferrari qui manquent de spécificité). Tel est également le cas de marques
ayant recours à la sous-traitance pour rentabiliser leur marque dans des
catégories éloignées des sphères de métiers et de compétences d’origine de la
marque. C’est le phénomène de « cardinisation » de la marque synonyme de
l’épuisement de la marque qui perd son sens du fait de la multiplicité des
extensions dans des catégories de produits très diverses (fers à repasser, par

M
exemple) sans lien avec l’identité de la marque. La marque Cardin pâlit
aujourd’hui une image négative en raison de l’incohérence qui existait entre
SI
certaines extensions et la marque mère.
AS

Développement à
BY

Développement à travers une logique


travers une logique
de badging
de branding
Objectif Enrichir le capital de
Générer du cash
principal la marque
Infuser un savoir-
Milker la marque par une
faire à travers une
surcodification des lignes de
Approche nouvelle expertise
reconnaissance de la marque (logo
et/ou un nouvel
notamment)
univers de produits
Cohérents avec
l’identité de la
marque
Fortement visibles Liés à un véritable
Conçus comme de simples supports savoir-faire
Types de d’identification visuelle de la marque différenciant de la
produits Empreints d’un fort risque social marque
(lunettes, gadgets, briquets, montres, Susceptibles de créer
etc.) un véritable bénéfice
pour le
consommateur

Dimension Articulation
prégnante Plan de l’expression logo (signature, cohérente du plan de
de la couleurs d’identité visuelle) l’expression et du
marque plan du contenu
Maroquinerie Mont-
Produits dérivés
Blanc
Exemples Lunettes et jeans Lacoste
Parfums Hermès
Produits Ferrari (hors automobiles)
Lunettes Porsche

Tableau 4. – Comparaison des modes de développement par badging et par branding

M
IV. – Les alliances de marques
SI
Une autre forme de développement d’une marque consiste à s’allier avec une
AS

autre marque pour élargir son portefeuille d’offres. Le développement de


telles alliances de marques illustre le fait qu’une fois encore la marque n’est
plus la résultante unique du succès d’une entreprise : elle est coconstruite par
BY

un ensemble d’acteurs. Une modalité particulière de ce type d’alliances est le


cobranding ou alliance entre plusieurs marques (généralement deux) qui
consiste à les réunir de manière visible ou non sur un même support22.
Chacune des marques s’appuie ainsi sur les compétences et/ou l’image des
marques partenaires, et leur conjonction assure à l’entreprise commune des
chances de succès accrues. Il existe plusieurs façons pour deux ou plusieurs
marques de s’associer selon leurs objectifs, leur notoriété, leur image, leurs
moyens financiers et leur implication dans l’association.
Le comarquage recouvre les collaborations entre deux ou plusieurs marques
fondées sur la codéfinition et sur la cosignature du produit ou service par les
marques partenaires qui cherchent des effets de synergie. C’est le cas lorsque
Nestlé et Disney lancent la confiserie au chocolat Disney Family, réponse à
l’œuf Kinder Surprise, en jouant sur la caution donnée par Nestlé dans le
registre du chocolat et sur la caution ludique donnée par Disney. De même,
lorsque Häagen Dazs s’associe à des marques telles que Bailey’s, Malibu ou
Cointreau pour faire évoluer sa gamme de produits.
On peut alors distinguer le comarquage fonctionnel ou marquage
ingrédientiel et le comarquage symbolique. Le comarquage fonctionnel
consiste pour la marque invitante à aller chercher la caution technique de la
marque invitée : ainsi en est-il des associations Coca-Cola/Nutrasweet, de Dim
et de Lycra, d’Intel avec la quasi-totalité des fabricants d’ordinateurs. Le
comarquage de type symbolique consiste quant à lui à apposer une marque
invitée, génératrice d’attributs symboliques additionnels, sur le produit cosigné
avec la marque invitante. La dénomination du produit est alors constituée de
l’association des deux marques. Cette stratégie est très souvent utilisée dans
l’automobile : AX/K-Way, Twingo/Benetton, Twingo/Kenzo, Saxo/Bic, etc.
On parle de codéveloppement lorsque deux ou plusieurs marques mettent
leur travail en commun dans le cadre de la conception ou de la fabrication d’un
produit. Le produit issu de l’alliance peut être endossé par l’une des marques
(la Renault Espace développée par Renault et Matra, Evian Affinity, la gamme
de soin élaborée avec Johnson & Johnson), ou bien encore faire l’objet de la
création d’une nouvelle marque (la Smart résultant de l’association de Swatch
et Mercedes, Inneov résultant de l’association dans le domaine de la
cosmétique actif de Nestlé et de L’Oréal, Philishave Coolskin résultant de
l’association de Philips et Nivéa).
Les facteurs clés de succès d’une alliance de marques sont notamment la

M
contribution réelle du produit comarqué en termes de bénéfices consommateur
(pour éviter une forme de co-badging), la complémentarité d’image et/ou de
SI
cible entre les marques partenaires, la légitimité des marques alliées dans les
catégories de produits investies et la cohérence entre le produit comarqué et
AS

chacune des marques.


BY

V. – La gestion d’un portefeuille de marques

L’offre de l’entreprise est rarement caractérisée par un seul niveau de


marquage, mais au contraire par une structure d’étagement nominal, grâce à
l’utilisation d’une véritable architecture de marques chacune solidaire d’une
promesse, d’un positionnement, d’une cible, etc. Les entreprises sont donc
confrontées en permanence à la question de l’organisation de leur portefeuille
de marques. Or, qu’est-ce qu’un portefeuille de marques si ce n’est
l’organisation d’une offre de produits et de services structurée selon deux
dimensions : la largeur du portefeuille qui renvoie aux nombres de gammes
commercialisées tandis que la profondeur renvoie au nombre moyen de
références dans chaque gamme. Ainsi, le groupe Accor développe des marques
d’hôtellerie une étoile (Formule 1), deux étoiles (Ibis), trois étoiles (Novotel) et
quatre étoiles (Sofitel). La marque Tefal propose des crêpières, des poêles, des
fait-tout, des casseroles, des appareils à raclette, des woks électriques, etc. Il
s’agit de la largeur de la gamme. En revanche, la marque Nestlé Dessert
existe sous plusieurs formats respectivement « corsé », « chocolat au lait
entier » et « noir intense » ; il s’agit de la profondeur de la gamme.
L’organisation d’un système d’offre sous la forme de portefeuille de marques
représente plusieurs avantages23 :
1/ en exploitant plusieurs marques, l’entreprise accroît la probabilité qu’un
consommateur achète l’une des marques de son portefeuille ;
2/ l’entreprise peut bénéficier d’effets d’économies d’échelle et faire jouer
des effets de synergie qui permettent d’accroître le niveau de
profitabilité ;
3/ l’exploitation de plusieurs marques est un facteur indéniable de
diminution du risque ;
4/ l’exploitation de plusieurs marques donne une base plus solide à de
futures stratégies d’extension.
La gestion d’un portefeuille de marques consiste en la détermination du
nombre minimum de marques signifiantes permettant de capturer le maximum
de valeur sur le marché. Autrement dit, de combien de marques ai-je besoin
pour couvrir le marché de la lessive, du café, de la berline haut de gamme en
optimisant à la fois la marge et la part de marché de l’entreprise ?
La gestion d’un portefeuille de marques renvoie en fait à deux choix
M
essentiels : d’une part, la contribution de la marque à l’individualisation du
SI
produit et, d’autre part, sa contribution à l’authentification de l’entreprise. On
peut alors envisager différents types de stratégie de marquage :
AS

1/ une logique monolithique lorsque la marquecorporate sert de support


BY

principal à la stratégie de marquage de l’offre. Cette approche peut soit


prendre la forme d’une identité commune assignée aux différents produits
(exemple de BMW), soit d’une stratégie de différenciation des identités par
univers de produits (exemple de Virgin) ou par zones géographiques (la
marque Levi’s n’a pas la même identité aux États-Unis et en Europe parce que
la structuration du marché et l’intensité concurrentielle ne sont pas
strictement comparables) ;
2/ une logique de sous-marquage qui passe soit par une procédure de
dénomination structurée autour de la marque mère (HP Deskjet, Zara Home),
soit par une répartition égale des forces entre la marque mère et la sous-
marque (exemple de Gillette Sensor ou de Sony Vaio) ;
3/ une logique d’endossement qui peut s’envisager selon différents modes
d’explicitation : des marques-corporate comme Accor ou Nestlé cautionnent
leurs marques de façon on ne peut plus explicite (sauf pour des cas isolés
comme la marque Perrier qui n’est pas cautionnée par Nestlé), tandis que des
marques comme Lexus ou Touchstone ne sont cautionnées que de façon
implicite par Toyota et Disney. De même, Carrefour ne signe pas ses marques
Tex, Bluesky ou Firstline, car ils ne sont pas liés à son domaine de compétence
perçu, mais les clients sont bien évidemment capables de faire le lien entre ces
trois marques et l’enseigne. Une autre stratégie d’endossement consiste à
fabriquer des noms de marques-produits ou gammes en déclinant une partie du
socionyme (marque-corporate), ainsi que l’illustrent les quelques exemples
suivants :
Danone avec Danao, Dany, Danino, Danette, Danerolle, Danessa, Dan’up,
etc. ;
Nestlé avec Nescafé, Nesquik, Nescoré, Nespresso, etc. ;
Christian Dior avec Miss Dior, Diorella, Dioressence, Diorissimo,
Diorama, Diorling de 1947 à 1985 puis plus récemment Diorever, Dior
Culte, Dior Bronze, Dior Addict.
4/ Une logique d’indépendance qui donne à chaque marque-produit ou
gamme une autonomie complète en la libérant dénominativement du joug de la
marque-corporate ainsi que l’illustre par exemple l’ensemble des marques du
Groupe Bongrain (Caprice des dieux, Le Rondelé, Brebiou, Valrhona, etc.). Ce
modèle initié par Procter & Gamble se justifie quand l’entreprise est présente
sur des marchés très divers (alimentaires et non alimentaires) et qu’elle micro
segmente ses marchés. Il est alors possible de profiter d’une segmentation
plus fine du marché, dans la mesure où chaque segment représente une taille
M
suffisamment conséquente pour justifier le développement de moyens et
SI
d’actions spécifiques. Ce type de stratégie permet, outre le fait d’accroître la
part de marché globale de l’entreprise sur un secteur donné, de favoriser des
AS

phénomènes de concurrence interne très profitables à la gestion globale du


portefeuille de marques.
BY
Figure 8. – Le spectre des stratégies d’architecture

M
SI
AS
BY
Chapitre IV

La marque du point de vue du


consommateur
Les Américains ont forgé la notion de brandscape pour rendre compte du
« paysage de marques » dans lequel chaque individu évolue quotidiennement.
On estime par exemple qu’un consommateur connaît en moyenne 5 000 noms
de marques, ce qui est un chiffre absolument considérable compte tenu du
nombre moyen de termes servant à l’expression courante (de l’ordre de 8 000
à 30 000 selon les individus). On peut donc considérer que les noms de
marques représentent une partie très significative du répertoire sémantique
usuel d’un individu. Ce chiffre, quoique anecdotique, illustre la prolifération des
marques dans l’univers quotidien des individus et montre l’emprise linguistique

M
et le pouvoir idéologique des marques. Ce phénomène a tendance à s’amplifier
du simple fait que les enfants assimilent les noms de marques à un âge
SI
précoce. Des études24 ont notamment montré que, vers 6 ou 7 ans, les enfants
AS

sont capables de citer clairement les marques qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment
pas dans une famille de produits comme les bonbons mais aussi pour les
chaussures de sport, les jeans, les jouets, et les fast-foods. Ils peuvent même
BY

indiquer la marque de lessive de leur mère ou les marques de dentifrice.


Comme le rappelle Joël Brée25, les jouets sont à ce titre un bon vecteur
d’information pour apprendre aux enfants les noms de marques et pour opérer
la relation à laquelle elles correspondent. Ainsi, quand un enfant demande à
ses parents une voiture miniature, il demande généralement une marque
précise (Twingo, Peugeot 106, BMW, etc.). De même, les échoppes pour jouer
au marchand ou bien encore les accessoires de poupées contiennent très
souvent des reproductions de produits existant réellement comme la poudre
chocolatée Banania, la soupe Royco, ou encore les céréales Kellog’s. La
poupée Barbie est même désormais dotée d’une carte Visa… !

I. – Les fonctions de la marque pour le consommateur

La marque est d’abord dotée d’une fonction de garantie (du fait qu’elle est
un « contrat de confiance »), fonction qui s’estompe du simple fait que la
plupart des produits commercialisés sont aujourd’hui marqués. C’est alors la
notoriété de la marque, son image, mais aussi l’expérience personnelle du
consommateur avec elle qui vont largement justifier cette fonction de garantie.
La marque est également dotée d’une fonction de repère dans la mesure où
elle simplifie l’achat. Imaginez que vous êtes dans un pays à l’autre bout de
monde et qu’il vous faut faire les courses pour une famille pour une semaine.
Cette expérience de magasinage qui prendrait environ quarante-cinq minutes
dans votre pays d’origine demanderait plusieurs heures dans un tel contexte
parce qu’il faudrait alors se familiariser avec l’ensemble des produits et des
marques. La marque court-circuite donc le processus de choix des produits en
signifiant quels sont les produits dignes de confiance et qui vont alors rentrer
dans ce que l’on appelle notre ensemble de considération. C’est pourquoi le
seul fait d’avoir une marque présente à l’esprit lors d’une visite au magasin est
relativement prédictif d’un acte d’achat de cette marque, surtout pour des
produits comme les biscuits ou le fromage pour lesquels près de deux tiers des
décisions d’achat concernant la marque se font en magasin.
La marque a également pour vocation de diminuer le niveau de risque
associé par le consommateur à la catégorie de produits en jeu. La sensibilité à
la marque (l’importance du nom de marque dans le processus d’achat) est
d’autant plus grande que l’achat ou la consommation sont perçus comme

M
risqués. Cette fonction « antisurprise » de la marque lui permet de réduire
alternativement le risque fonctionnel (lié à la qualité du produit ou service), le
SI
risque physique (lié au danger que peut représenter la consommation du
produit pour l’individu), le risque psychologique (lié à la satisfaction
AS

personnelle qui découle de la consommation du produit) et le risque social (lié


à l’importance perçue de la consommation du produit dans l’identité sociale de
BY

l’individu). Cette diminution du risque social est fondamentale en ce qui


concerne les achats d’ostentation et concerne au premier chef les marques de
mode, de luxe et celles dites de style de vie. Pourquoi un jeune surfeur irait-il
s’équiper chez Quicksilver plutôt que chez Tribord (marque des sports
aquatiques de Décathlon), si ce n’est parce que son identité se joue notamment
dans l’affichage d’une marque de vêtement ou de surf vis-à-vis de son
environnement social ? La marque est de ce fait dotée d’une fonction
d’expression identitaire en permettant à l’individu à la fois de se singulariser
(notamment pour les produits à fort risque social) et de s’affilier (pour le cas
des marques tribales telles que Quicksilver, Ducati ou Harley-Davidson). Ce
type de comportements tribaux concourt au développement de communautés
de marques qui peuvent se comprendre comme un ensemble structuré de
relations sociales entre les utilisateurs d’une marque dont l’affinité, la culture
et l’histoire dérivent de la consommation de cette marque.
De ce fait la marque est une pourvoyeuse d’expériences pour le
consommateur en lui faisant vivre des émotions personnelles ou collectives soit
à travers des produits (l’Ipod, l’Iphone, la console de jeu Playstation, etc.), soit
à travers des lieux de vente dits expérientiels (les Nike towns, l’Atelier
Renault, le cristal Room de Baccarat, etc.) qui sont souvent des magasins
pavillonnaires dédiés au culte de la marque. Enfin, la marque a un rôle
psychologique de placebo très important qui guide nos croyances et oriente
nos choix de consommation. En effet, le poids de marché d’une marque est très
souvent lié à un fort impact psychologique de celle-ci sur les processus de
décision des consommateurs. L’apposition d’une marque sur un produit a une
très nette influence sur la perception qu’ont les consommateurs de ce produit,
ce que confirme clairement la conduite de tests aveugles. Beaucoup de
consommateurs sont convaincus qu’Evian est meilleure pour notre organisme
que Cristalline ou que Coca-Cola a meilleur goût qu’un cola à marque de
distributeur ; ces croyances sont d’autant plus ancrées pour les produits que
les consommateurs ont du mal à évaluer soit parce qu’ils n’ont pas les
compétences requises, soit parce qu’ils font montre d’une faible habileté
gustative discriminatoire ; ce pouvoir psychologique du nom de marque joue
par exemple sur l’efficacité perçue d’un médicament comme l’aspirine qui
dépend pour au moins 30 % du nom de marque26.
La marque est bien souvent un compagnon symbolique qui rassure. Des
marques de confiserie comme M&M’s ou Milka développent depuis peu des

M
produits dérivés (réveille-matin, trousse, cartable, peluche) qui leur
permettent de devenir un véritable partenaire de l’enfant ou de l’adolescent
SI
consommateur. La marque devient un doudou qui réconforte et qu’on ne peut
plus lâcher. D’où, par exemple, la volonté pour les marques d’entrer le plus tôt
AS

possible dans la vie des enfants, comme en témoigne le développement massif


du marketing scolaire pour, avec des moyens de communication classiques
BY

(publicité, packaging attrayants, personnages de marque, etc.), toucher les


enfants avec la caution de l’enseignant et les mettre en contact avec l’univers
de la marque, que ce soit par la distribution de petits déjeuners ou de goûters,
l’explicitation des principes clés de l’hygiène buccodentaire (Signal) ou bien
encore de distribution d’échantillons assortie de sorties scolaires.

II. – La sensibilité à la marque

La notion de sensibilité à la marque rend compte de l’importance du nom de


marque dans le processus de choix du produit à l’intérieur d’une catégorie de
produits donnée. Les catégories de produits telles que l’automobile, le
champagne, le shampoing, le chocolat sont empreintes d’un fort indice de
sensibilité à la marque par opposition à des catégories comme l’essuie-tout, les
piles électriques ou l’huile de moteur. Plusieurs facteurs permettent
d’expliquer le degré de sensibilité à la marque27 :
– le degré d’intérêt du consommateur pour le produit : le sens de sa
relation à la sensibilité peut néan moins être double ; d’une part, les
consommateurs ayant un fort intérêt pour la catégorie de produits ont
des images structurées des marques et sont sensibles à celles-ci ;
d’autre part, le manque d’intérêt pour la catégorie peut pousser le
consommateur à faire un choix rapide devant le linéaire ;
– le degré de risque perçu par le consommateur dans l’acte d’achat : le
risque renvoie ici à la fois à la conséquence négative en cas de mauvais
choix, mais aussi à la probabilité de faire une erreur de choix telle
qu’elle est estimée par l’acheteur ; le risque perçu est donc également
lié à la difficulté du choix ressentie par l’acheteur dans la catégorie de
produits ainsi qu’à sa compétence perçue. Dans un sens, on peut postuler
que le degré de risque va accroître l’intérêt de l’acheteur et donc sa
sensibilité en le poussant à s’informer sur plusieurs alternatives ; mais,
inversement, la marque peut également jouer un rôle de réducteur de
risque dans une situation jugée incertaine ; de façon générale, on peut
néanmoins considérer que le risque perçu est un déterminant majeur de
la sensibilité et qu’il accroît la probabilité d’un comportement fidèle ;
– la valeur de signe attribuée par le consommateur à la catégorie de
produits : les études sur la congruence d’image montrent que, dans

M
certaines catégories de produits, les consommateurs ont une préférence
pour les marques dont l’image est proche de la représentation qu’ils se
SI
font d’eux-mêmes ;
– la valeur hédonique attribuée par le consommateur à la catégorie de
AS

produit : ce reflet de lui-même que perçoit le consommateur dans


certaines marques peut laisser supposer une cristallisation (voire un
BY

attachement comme nous le verrons par la suite) à un ensemble de


marques dans des catégories à forte résonance identitaire.

III. – La fidélité à la marque

La fidélité est sans doute la variable d’interaction la plus étudiée en


marketing, et ce pour des raisons managériales évidentes, à savoir qu’elle
renvoie au bénéfice mesurable et tangible de créer et d’entretenir des
relations signifiantes avec les consommateurs d’une marque. C’est finalement
une notion assez large qui renvoie aussi bien à des mesures comportementales
(dans le sens de l’achat exclusif d’une marque, de probabilité de réachat, de
taux de nourriture28, etc.), qu’à des mesures attitudinales (en renvoyant à des
notions telles que la préférence de marque, l’affection pour une marque,
l’engagement à l’égard d’une marque, etc.). De façon générale, la fidélité
renvoie à un schème d’achats répétés du produit, accompagné par une attitude
positive sous-jacente à l’égard de la marque ; c’est donc un construit
essentiellement comportemental sous-tendu par un système d’attitudes
favorables à l’égard de la marque. Il faut néanmoins distinguer deux types de
fidélité : une fidélité déterminée par un effet produit, une fidélité déterminée
par un effet marque.
La fidélité à la marque renvoie à deux versants : d’une part une fidélité
active dénotant une forte empathie à l’égard de la marque se manifestant par
un achat fréquent et donnant notamment lieu à un engagement à l’égard de la
marque. Néanmoins, les travaux sur les comportements routiniers ont mis en
évidence le fait que la fidélité à la marque est un construit comportemental qui
n’implique pas forcément d’engagement de la part du consommateur. Le
concept de fidélité renvoie donc d’autre part à une fidélité passive liée à une
forte inertie comportementale et dont la manifestation ne renvoie à aucune
espèce d’empathie ou d’affection de la part du consommateur.
Que sait-on finalement au sujet de la fidélité à la marque ? Assez peu de
choses en définitive. De nombreuses recherches se sont attachées à définir les
caractéristiques du consommateur fidèle type. Elles ont uniformément abouti à
l’idée qu’il n’existe pas de consommateur fidèle, c’est-à-dire de consommateur
qui serait fidèle aux marques quelle que soit la catégorie de produits. La
fidélité à la marque est spécifique à une catégorie de produits. Par ailleurs, des

M
variables comme l’âge, le sexe et les caractéristiques psychologiques ou de
revenus ne sont que très faiblement prédictives de la fidélité. En revanche, la
SI
fréquence d’achat et le prix relatif du produit dans le budget du ménage sont
tous deux corrélés avec la fidélité. Ainsi, une fréquence d’achat élevée et donc
AS

la répétition de l’achat d’un produit seront statistiquement associées à des


scores de fidélité plus élevés. De même, le niveau de prix et l’importance
BY

relative de la marque dans le budget du ménage influent sur la fidélité, ce qui


montre clairement le rôle de la marque comme réducteur de risque. La fidélité
est également plus importante pour les classes de produits à forte pénétration,
du fait de l’augmentation des occasions de contact. Enfin, la fidélité est plus
importante pour des produits de consommation familiale et moindre pour des
produits dits ostentatoires. Les autres résultats sur la fidélité concernent
généralement des données agrégées sur les liens existant entre la part de
marché et le taux de fidélisation de la marque. Ehrenberg a montré avec son
double jeopardy effect que les marques à faible part de marché disposaient
généralement d’un faible taux de fidélisation et qu’inversement les marques à
forte part de marché bénéficiaient de taux de fidélité plus élevés.
Comment mesurer la fidélité à la marque ? Deux approches permettent
de mesurer la fidélité à la marque : une approche fondée sur les
comportements d’achat et une approche fondée sur les attitudes à l’égard de la
marque.
L’approche comportementale consiste à définir la fidélité à partir de
l’observation du comportement : un consommateur est fidèle lorsqu’il achète
régulièrement la même marque. Dans cette optique, on utilise les
comportements d’achats passés pour prédire les comportements futurs
(approche stochastique) en estimant la probabilité qu’a un consommateur
d’acheter une marque au regard du nombre d’achats antérieurs de cette même
marque. Ainsi, un consommateur qui achète n fois de suite la même marque de
jus d’orange aura une probabilité de x % de racheter cette marque lors de son
prochain achat. Cette approche est fondée sur des mesures comportementales
définies soit en termes de séquences d’achat (un consommateur est dit fidèle à
la marque X s’il l’achète trois, quatre ou cinq fois de suite), soit en termes de
taux de nourriture qui mesure la part représentée par la marque dans les
achats d’un consommateur à l’égard d’une catégorie de produits. Un
consommateur sera par exemple dit fidèle à la marque X si celle-ci représente
plus d’un certain pourcentage de ses achats dans la catégorie de produits,
sachant que ce pourcentage peut varier entre 30 et 65 % selon les catégories
de produits.
La vision comportementale de la fidélité est problématique pour plusieurs
raisons. Tout d’abord, il s’agit d’une approche purement mécanique de la
fidélité qui repose sur la prédiction des comportements futurs à partir des
comportements d’achat passés. Il n’est pas assuré que cette base de prédiction

M
soit la plus fiable. Par ailleurs, il apparaît difficile d’établir un nombre standard
d’achats ou de proportions d’achat pour caractériser un comportement fidèle.
SI
Faut-il en effet considérer qu’un consommateur est fidèle au bout de trois,
quatre ou cinq achats successifs de la marque ? De la même façon, peut-on
AS

considérer qu’un consommateur est fidèle à partir du moment où la marque


représente 35, 40 ou 60 % de ses achats dans une catégorie de produits
BY

donnée ?
Enfin, le caractère intentionnel de la fidélité mesurée de la sorte est
difficilement décelable et ne fournit aucun élément explicatif quant à ses
motivations. Un consommateur peut acheter une marque déterminée pour de
nombreuses et différentes raisons qui peuvent soudain se modifier, parfois à
l’insu du fabricant : la marque a des attraits perçus bien réels, c’est la marque
la moins chère (forte sensibilité au prix), la marque a une part de linéaire bien
supérieure aux autres marques sur le point de vente habituel, il y a très peu de
références, il s’agit d’un comportement fortement empreint d’inertie (loi du
moindre effort), le consommateur est fidèle à son point de vente ; des études
ont en effet montré un lien existant entre la fidélité à l’enseigne de distribution
et la fidélité à un panier de marques donné.
Cela étant posé, la fidélité d’un consommateur est difficile à évaluer dans la
mesure où, contrairement à une culture occidentale monogame qui envisage la
fidélité selon le critère unique de l’exclusivité, il n’y a aucune raison a priori
pour qu’un consommateur ait un comportement de fidélité inconditionnelle à
l’égard d’une marque dans une catégorie de produits donnée. Il faut donc
considérer plusieurs types de scenarii et donc plusieurs types de fidélité :
– la fidélité exclusive : elle correspond au rachat systématique d’une seule
marque à l’intérieur d’une catégorie de produits donnée. Trois types de
scénarios sont envisageables pour comprendre ce type de comportement
d’achat :
une fidélité routinière qui renvoie davantage à un processus
automatique de décision. Dans ce cas de figure, la marque est
achetée parce qu’elle est disponible et facilement accessible. Il
s’agit essentiellement d’un achat routinier qui traduit une relation
désaffectivée dans une catégorie de produits peu impliquante : le
consommateur rachète la même marque par effet d’habitude et
par souci de commodité, pour se simplifier la vie ;
une fidélité raisonnée largement fondée sur des motifs
fonctionnels d’exigence, d’« insistance intransigeante » ou de
rapport qualité/prix. Après avoir essayé plusieurs marques, le
consommateur est persuadé que la marque représente le meilleur
rapport qualité/prix ou que la marque est nettement supérieure
aux autres marques de sa catégorie. Il s’agit donc d’un
comportement de fidélité qui renvoie à une logique d’optimisation
M
de l’utilité dans un contexte de forte sensibilité ;
une fidélité inconditionnelle qui renvoie à l’étymologie de la
SI
fidélité personnelle, à savoir « la liaison qui s’établit entre un
AS

homme qui détient l’autorité et celui qui lui est soumis par
engagement personnel »29. Une relation affective extrêmement
forte s’est tissée au cours du temps entre le consommateur et la
BY

marque. La marque est devenue un partenaire incontournable


dans la vie du consommateur qui ne peut s’en passer et n’envisage
pas de lui trouver un substitut. De tels comportements sont
observables pour des produits visibles à forte résonance
identitaire (parfum, vêtements, équipement sportif) ; ce type de
fidélité résulte généralement d’un très fort attachement à la
marque ;
– la fidélité partagée qui signifie que le consommateur achète de façon
régulière deux ou plusieurs marques dans la même catégorie de
produits. Ce scénario, que l’on dénomme aussi panachage réfléchi, peut
renvoyer à plusieurs types de situations :
le cas de produits à usages liés : shampoing, après-shampoing,
dentifrice pour la prévention de la carie, dentifrice pour la
fraîcheur de l’haleine ou la blancheur des dents,
les préférences différenciées des membres du foyer pour des
marques dans l’univers de produits ; ainsi, les fabricants de
céréales segmentent finement leur offre, et l’on voit sur les tables
de petits déjeuners coexister plusieurs marques de céréales qui
renvoient à plusieurs types de produits et de positionnements ;
– le changement de marque qui consiste à changer de marque soit de
façon ponctuelle lors d’un schéma de fidélité long terme, soit de façon
permanente. Les raisons invocables sont de plusieurs ordres :
une lassitude d’une marque consommée pendant plusieurs années
sans discontinuité,
une déception à l’égard de la marque couramment achetée
(mauvaise expérience, baisse de qualité – a exemple les cigares
Davidoff qui n’ont pas communiqué explicitement à leurs
consommateurs le changement de provenance des
approvisionnements),
l’irruption d’une marque innovante sur le marché ou d’une
innovation perçue comme radicale qui vient bouleverser les
attentes et les habitudes (exemple des produits deux en un),
un changement significatif dans le cycle de vie familial : la mise en
couple est souvent liée à des changements dans les habitudes de
consommation et à des répercussions sur les types de marques
choisies, M
SI
un changement radical de mode de vie (lieu d’habitation par
exemple) ou de niveau de vie,
AS

l’indisponibilité de la marque soit pour une raison de rupture de


stock, soit pour un déréférencement ; il y a alors un arbitrage à
BY

faire entre la fidélité à l’enseigne et la fidélité à la marque ;


l’attachement du consommateur à la marque peut le conduire à
changer de magasin ou à reporter son achat plutôt qu’à porter son
choix sur une marque de substitution,
une offre promotionnelle alléchante portant sur une marque
concurrente qui va pousser le consommateur à essayer une
nouvelle marque, voire à la racheter de façon régulière. Les
études montrent que les consommateurs achetant par erreur une
contremarque (c’est-à-dire des marques qui plagient les produits
et les codes visuels de marques leaders) ont tendance à la
racheter de façon régulière s’ils sont satisfaits de leur première
expérience de consommation ;
– l’infidélité chronique qui correspond à des logiques opportunistes
d’insensibilité totale à la marque pour lesquelles on ne peut distinguer de
récurrence et qui sont souvent le jeu de consommateurs promophiles.

IV. – L’attachement à la marque


La limite des approches comportementales de la fidélité incite à se tourner
vers des approches liées à l’attitude. Ainsi en est-il de l’attachement à la
marque qui tâche d’envisager pourquoi nous sommes susceptibles d’aimer une
marque en dehors de toute considération fonctionnelle. L’attachement des
consommateurs à la marque peut se comprendre comme l’intensité du lien
émotionnel et affectif qu’un consommateur entretient à l’égard d’une marque.
En effet, la relation à une marque ne se réduit pas à une série de transactions
entre un sujet et un objet. Elle peut dans certains cas se comparer à une
relation de type interpersonnelle. L’attachement recouvre en fait plusieurs
facettes, à savoir :
– une facette de stimulation hédonique qui renvoie à la capacité de la
marque à fournir une expérience de consommation riche et plaisante ;
– une facette de stabilisation émotionnelle qui renvoie à la création d’un
univers de marque rassurant pour le consommateur ;
– une facette de lien interpersonnel qui renvoie à la capacité de la marque
à rappeler à l’individu des personnes qui lui sont chères ;
– une facette de cristallisation de valeurs qui renvoie à la capacité de la
marque à défendre des valeurs qui sont jugées importantes par le
consommateur ;
M
– une facette d’expression identitaire qui renvoie à la capacité de la
SI
marque à projeter les consommateurs dans son discours et à les
AS

représenter ;
– une facette épistémique liée à la variabilité émotionnelle et à la capacité
de la marque d’étonner le consommateur par des évolutions sensibles en
BY

termes de packaging, de discours publicitaire ou d’extension de gamme


de produits, etc.
L’attachement se manifeste par ailleurs au travers d’un certain nombre
d’attitudes et de comportements d’attachement dont la plupart sortent du
domaine purement marchand. Ces comportements qui dénotent un fort
attachement à la marque sont de plusieurs ordres :
– une propension à personnifier la marque qui est alors véritablement
considérée comme un partenaire doté d’une personnalité ;
– un effet de tristesse en cas d’absence de la marque dans le point de vente
et corrélativement un réel effet de deuil en cas de disparition de la
marque ;
– une propension à jouer un effet de prescription et à recommander la
marque à d’autres personnes ;
– des rituels de consommation du produit de ladite marque notamment
lorsqu’il s’agit de produits alimentaires ;
– un comportement de fidélité (quoique le lien entre l’attachement et la
fidélité ne soit pas systématique) qui peut aller jusqu’à de véritables
phénomènes d’accoutumance à la marque même dans des catégories
recouvrant des produits a priori non addictifs ;
– des comportements de défense de la marque si elle est critiquée ou en
péril.
Il importe semble-t-il de bien réfléchir aux enjeux sociétaux de telles
relations affectives à l’égard des marques. Considérer la relation
consommateur-marque comme une relation de type interpersonnelle peut
laisser penser que, dans une situation d’évidement du soi propre à la société
contemporaine, la marque en vient petit à petit à se substituer aux personnes.
On peut donc se demander dans quelle mesure l’investissement affectif porté
aux objets et aux marques de la vie quotidienne ne vient pas trahir une sorte
de carence affective, via un transfert sentimental sur des marques
personnifiées et promues au stade de véritables compagnons. La dimension
partenariale de la marque indique une évolution majeure des modalités de
constitution des agrégats humains en lieu et place des liens de parenté et de
famille traditionnels. Cette évolution emblématise par là même un « champ
politique à adhésion multiple qui représente sans nul doute l’une des
singularités de la collectivité d’aujourd’hui. Elle accompagne la naissance et la
M
généralisation d’un corps social morcelé en démocratie »30.
SI
AS
BY
Chapitre V

La marque du point de vue de la


distribution
Ce chapitre a pour objectif d’aborder la marque du point de vue de l’un des
acteurs principaux du marché qui est le distributeur. Se pose tout d’abord la
question de la fonction et des sources de valeur des marques dites
« nationales » pour les distributeurs. Mais la marque est avant tout le nœud
d’un jeu relationnel entre les industriels et les distributeurs du fait du
développement de marques dites de distributeurs (MDD) qui se sont
développées de façon conséquente depuis le milieu des années 1970.

M
I. – Les fonctions des marques nationales pour les
distributeurs
SI
AS

Il faut distinguer d’une part les marques dites nationales qui recouvrent en
fait des produits à marque qui ne sont pas spécifiques à une enseigne de
distribution particulière et que les consommateurs peuvent donc retrouver
BY

chez la plupart des distributeurs sans modifications de leurs caractéristiques


d’un point de vente à l’autre, et d’autre part les marques de distributeurs
(MDD) qui sont des marques appartenant à une entreprise commerciale de
vente au détail, ou en gros, et recouvrant une ligne ou un univers de produits
distribués exclusivement par cette dernière sous son contrôle.
Les marques de fabricants sont dotées d’un certain nombre de fonctions
pour le distributeur que nous allons maintenant passer en revue.
Tout d’abord, mis à part les enseignes qui ne fonctionnent qu’en marque
propre (Leader Price) ou quasi exclusivement avec leurs marques propres
(Décathlon), force est de constater que la marque nationale est tout d’abord un
levier éminent pour attirer les chalands dans un point de vente. À ce titre, la
marque nationale a une fonction de création de trafic et de réduction du
risque commercial. La marque nationale représente une valeur de marché
(notoriété, image) qui, d’une part, réduit considérablement l’effort commercial
du distributeur et, d’autre part, est un facteur de valorisation de l’enseigne.
C’est pour cette raison que les enseignes ne peuvent généralement se passer
des marques leaders de leur catégorie (Evian, Ariel, Pamper’s, Coca-Cola) au
risque de se délégitimer aux yeux des consommateurs qui viennent aussi dans
leur magasin pour trouver leurs marques préférées. Par ailleurs, les marques
nationales participent activement à l’animation de la catégorie de produits
dans la mesure où une marque leader va déployer des efforts d’innovation et
de promotion qui vont contribuer à valoriser le rayon du distributeur.
La marque nationale signe un transfert de risque de l’enseigne vers le
fabricant dans la mesure où elle est liée à une promesse qui recouvre un
engagement de l’industriel à l’égard du consommateur final et contribue à
dégager la responsabilité du distributeur en cas de problème lié au produit ; le
développement des numéros d’appel consommateurs facilite d’ailleurs le lien
entre l’industriel et le consommateur final, mais accroît d’autant plus la
responsabilité de l’industriel aux dépens de celle du distributeur.
La marque nationale a également un rôle indéniable de fidélisation de la
clientèle parce que l’on sait qu’il existe un lien fort entre la fidélité à l’égard
d’une enseigne et la fidélité à l’égard d’un panier de marques, ce qui pose la
question de la « propriété » du consommateur : le chaland vient-il dans une
surface commerciale pour l’attraction que représente ladite surface ou vient-il
pour retrouver des marques qui lui sont chères et découvrir des innovations
issues de ces marques ?

M
La marque nationale a également un rôle de booster de marge commerciale
dans la mesure où une partie de la survaleur dégagée par la marque fabricant
SI
bénéficie en partie au distributeur. Au-delà de la marge commerciale classique
(appelée marge avant), il faut ici intégrer la notion de marge arrière (qui peut
AS

aller jusqu’à 40 %) qui constitue aujourd’hui le principal levier de


développement et de marge de la grande distribution en France31. D’ailleurs,
BY

même si cela peut sembler paradoxal au premier abord, la marge dégagée par
certaines marques nationales dotées d’un fort premium est parfois plus
importante que la marge dégagée par les marques propres du distributeur.

II. – L’évolution du statut des marques de distributeurs


(MDD)

Outre l’importance des marques nationales pour les enseignes, les


distributeurs se préoccupent depuis le milieu des années 1970 de développer
leurs propres marques également appelées MDD32. Ainsi, les trente dernières
années ont illustré une évolution du poids, des fonctions et du statut des
marques de distributeurs, évolution due notamment à des phénomènes tels que
la concentration des centrales d’achat, le pouvoir accru des distributeurs vis-à-
vis tant des fabricants que des consommateurs, l’évolution de la législation,
etc.
Les MDD se sont largement développées dans des pays ayant une culture du
libre-service et notamment de l’hypermarché. Dans la logique désintermédiée
du libre-service, la marque devient justement l’interface commerciale qui
permet au fabricant de recréer une sorte de lien avec le consommateur. Les
marques de distributeurs se sont donc essentiellement développées dans des
pays où la concentration de la distribution était importante. Il faut en effet une
masse critique de points de vente pour justifier la création d’une marque
propre, d’où le développement graduel des MDD parallèlement à un
mouvement de concentration de la distribution. Créées en 1869 en Grande-
Bretagne par Sainsbury, les MDD se sont développées au XIXe siècle lorsque le
commerce succursaliste et coopératif s’est orienté vers une politique
d’intégration vers l’amont pour tenter de s’affranchir autant que possible des
fabricants et offrir au consommateur des produits moins chers, allant parfois
jusqu’à prendre en charge la fabrication de certaines matières premières. En
1901, Casino, propriétaire d’usines, appose sa marque sur des produits
d’épicerie confiserie, de charcuterie, de parfumerie, de droguerie ou encore de
liqueurs, sirops et limonades, afin d’affirmer de façon concrète sa politique de
qualité.
En 1963, Carrefour ouvre le premier hypermarché, une innovation française,
et marque ainsi les débuts du commerce moderne en réunissant sous un même

M
toit l’alimentaire et le non-alimentaire, dans des magasins de grande surface
situés à la périphérie des villes (pratique déjà courante aux États-Unis).
SI
Bien que les distributeurs recherchent en premier lieu des prix bas, les
marques de distributeurs n’entrent pas dans la stratégie des distributeurs
AS

pendant la « période pionnière ». En effet, seuls quelques distributeurs avaient


déjà réussi à faire de leurs marques de distributeurs un véritable avantage
BY

compétitif, comme Marks & Spencer au Royaume-Uni ou Migros en Suisse.


Mais, globalement, la logique de développement des hypermarchés était alors
peu compatible avec la forte complexification des organisations et de
l’alourdissement des coûts fixes impliqués par l’élaboration de MDD.

1. La première génération de MDD. – Jusqu’au milieu des années 1970


en France, les distributeurs suivent une logique de volume et de conquête
fondée sur le cercle vertueux « petites marges/prix bas/gros volumes ». Leur
orientation est alors davantage commerciale que marketing : à l’aide d’un
marketing concret, engagé, voire consumériste ; les grandes surfaces
s’« allient » au consommateur pour une offre rationalisée et moins chère. Elles
s’adressent d’ailleurs davantage au consommateur qu’au shopper (client en
magasin), privilégiant la transaction commerciale et l’accroissement du panier
moyen plutôt que la construction d’un véritable marketing d’enseigne.
C’est à cette époque que Carrefour révolutionne le concept de MDD avec le
lancement, en 1976, de ses « produits libres », une cinquantaine de produits
d’entrée de gamme vendus de l’ordre de 30 % moins cher que les produits de
marque, car dépourvus de marques et au conditionnement rudimentaire.
Étienne Thil, alors directeur marketing de Carrefour, constate que si la
marque nationale « leader » est presque toujours leader dans sa catégorie de
produits, des marques très peu connues mais ayant un rapport qualité/prix
avantageux prennent souvent la deuxième ou la troisième place33.
L’opération des « produits libres » relève d’une idéologie consumériste, c’est-
à-dire d’une approche essentiellement critique de la consommation qui vise à
saper la prétention des marques de fabricants à survaloriser leur produit par
un enrobage de discours à la fois verbal (messages publicitaires, packaging,
etc.) et non verbal (marchandisage, promotion, etc.). Carrefour dénonce une
sorte d’abus dont auraient fait preuve les fabricants en constituant un nuage
de « falbalas » et de « fioritures » autour du produit. C’est ce qu’expriment des
slogans publicitaires tels que Voici la confiture confiture ou bien Aimons le
café pour le café. La marque de fabricant ne serait rien d’autre qu’une couche
de discours et d’images venant se surimposer à cette réalité originelle et
élémentaire qu’est le produit (le café, la lessive ou la confiture). Cette critique
de la valeur ajoutée prétendument illégitime que proposent les marques de
fabricants est en fait essentiellement une sévère critique de la société de
consommation fondée sur un phénomène inévitable de sémantisation de l’offre.

M
La stratégie des « produits libres » développée par Carrefour donne lieu à de
nombreuses réactions puisque rapidement nombre d’enseignes (sauf Leclerc)
SI
s’en sont inspirées.
AS

2. La deuxième génération de MDD. – La démarche de construction d’un


BY

assortiment de marques propres s’inscrit très clairement dans la dynamique de


concurrence par les prix qui règne alors parmi les distributeurs à la fin des
années 1970. La mise en place de produits génériques comme les « produits
libres » permet d’une part de baisser les prix au minimum (puisque les produits
sont réduits à leur valeur fonctionnelle brute) et d’autre part d’améliorer une
rentabilité jusque-là limitée par la forte concurrence interenseigne sur le
marché des produits de marques. Bientôt, toutes les enseignes nationales
disposent de leurs marques propres. La stratégie de l’enseigne doit par
conséquent intégrer cette dimension « produit », et ne plus se limiter à une
dimension « magasin ». Apparaissent alors des quasi-marques qui sont toujours
des produits vendus moins chers que les marques nationales mais avec des
noms spécifiques qui permettent d’identifier un produit ou une ligne de
produits. C’est aussi à ce moment qu’apparaissent des contremarques qui sont
en fait des copies des marques nationales et qui jouent sur la confusion du
consommateur (exemple chez Leclerc : les pâtes Padori, l’apéritif Fortini, le
nettoyant ménager Clair Ammoniacal), sachant que les taux de confusion
atteignent souvent 30 %. Certaines enseignes comme Intermarché (ou des
enseignes de hard-discount) se développent d’ailleurs exclusivement sur le
modèle des quasi-marques en investissant parfois dans des capacités
productives.

3. La troisième génération de MDD. – Se pose alors la question pour les


enseignes de s’engager ou pas sur leurs marques, d’où le déploiement de deux
stratégies fort différentes, avec d’une part des enseignes qui misent leur offre
MDD sur des quasi-marques et d’autre part des enseignes qui envisagent des
logiques de marque univers cautionnée par le nom de l’enseigne.
Au début des années 1980, les produits sans marque et bas de gamme
laissent rapidement la place dans les linéaires à une troisième génération de
MDD. Pour éviter la confusion des consommateurs sur la légitimité des
marques, les distributeurs décident d’engager le nom de leur enseigne sur
leurs produits. C’est l’apparition des MDD reprenant le nom de l’enseigne dites
marques d’enseigne. Cette stratégie de différenciation est imputable tout
d’abord à la prolifération de MDD quasi équivalentes aux yeux des
consommateurs, mais aussi à l’arrivée des hard-discounters allemands (Aldi,
Lidl, Norma) en France dont l’avantage compétitif repose sur la compression
des frais d’exploitation (assortiment étroit, aucun stock à supporter, logistique
tendue), la nature même de l’assortiment étant constituée de produits sans
M
marque, dépouillés, achetés en très grande quantité et vendus avec un profit
SI
minimum.
Se pose alors la question de l’endossement ou non de la MDD par le nom de
AS

l’enseigne. Cautionner la MDD en ayant recours à une marque d’enseigne


permet de bénéficier de l’effet d’image de l’enseigne et d’enrichir en retour le
BY

contenu et l’image de l’enseigne par la MDD. Ainsi, des enseignes comme


Carrefour, Casino, Champion décident assez tôt d’engager le nom de l’enseigne
sur des gammes relativement transversales, couvrant l’alimentaire puis peu à
peu le nonalimentaire (bazar, hygiène-beauté, etc.). Une enseigne comme
Leclerc choisit de ne pas engager le nom de l’enseigne en ayant recours à la
marque « Repère », bien qu’il s’agisse là d’une forme de cautionnement
implicite puisque les consommateurs comprennent assez vite que cette marque
est liée de façon exclusive à l’enseigne.
Se pose également la question de la transversalité du positionnement de la
marque enseigne. Certaines marques d’enseigne (Auchan, Casino) sont gérées
comme des marques-gammes avec une promesse unique (qui est souvent le
meilleur rapport qualité/prix dans la catégorie de produits), alors que d’autres
sont gérées comme des marques-ombrelles. La marque Carrefour recouvre
une vaste étendue de produits, des légumes surgelés aux yaourts en passant
par l’huile automobile et les corn flakes et n’a pas la même fonction selon la
catégorie de produits. Ainsi, dans des univers comme le filtre à café ou les piles
électriques, elle représente la marque la moins chère, alors que dans le
pneumatique, elle est la marque de meilleur rapport qualité/prix.
4. La quatrième génération de MDD. – À la fin des années 1990, le
modèle de la grande distribution est contraint de se remettre en cause du fait
du ralentissement de la croissance par (création de) mètre carré linéaire, de la
saturation du potentiel de croissance. Les distributeurs doivent donc
développer des politiques de fidélisation à l’enseigne. Ils modifient leur
politique de MDD en améliorant la qualité des produits et en développant des
offres de plus en transversales et de plus en plus segmentées ; ils déploient
également des efforts marketing importants pour donner à leurs marques un
véritable statut afin qu’elles ne soient plus considérées comme des sous-
marques ou des contremarques. La MDD s’accapare quasiment tous les
domaines de légitimité autrefois réservés à la marque de fabricant. On assiste
alors à plusieurs phénomènes qui modifient de façon significative la légitimité
des MDD et notamment :
– l’extension de la gamme des produits couverts : les marques de
commerce transforment la catégorie de produits parce qu’elles la
rendent souvent accessible à des segments de clientèle qui s’en
pensaient auparavant exclus pour des raisons budgétaires ; c’est le cas
d’une marque comme Leclerc qui a attiré vers le bijou et le voyage des
M
consommateurs qui n’auraient jamais auparavant poussé la porte d’une
bijouterie ou d’une agence de voyages. D’ailleurs la plupart du temps,
SI
ces offres ne cannibalisent pas les marques nationales. Elles contribuent
AS

dans une large mesure à accroître la demande primaire et donc la taille


du marché potentiel ;
– la légitimité revendiquée par les distributeurs à marquer des produits
BY

soit à haute technicité (lessive, électroménager, etc.) quitte à recourir à


des marques semi-opaques (exemple de Carrefour avec « Firstline »
pour les produits électroniques bruns et blancs), soit à très forte valeur
ajoutée (exemple de la marque d’épicerie fine « Escapades
gourmandes » de Carrefour ou de « Savoir des Saveurs » chez Super U),
soit encore l’extension du marquage à des activités de service
(assurance, crédit, etc.) ;
– l’extension hors du seul domaine alimentaire : la MDD est par exemple
un élément essentiel de la stratégie de spécialistes comme Zara
(Trafaluc) ou H & M (Big Mana) et peut même devenir une marque
internationale pour des produits relativement homogènes entre marchés
(marques BlueSky et First Line de Carrefour en électronique grand
public).
Se trouvent donc légitimés, d’une part, la faculté des distributeurs à couvrir
avec leurs marques des secteurs qui sont restés pendant longtemps du ressort
exclusif des seuls fabricants, et d’autre part, le rôle croissant des distributeurs
dans le processus de création de valeur. C’est ainsi qu’apparaissent des
marques de quatrième génération, qui sont des marques propres segmentées
correspondant à des produits à très forte valeur ajoutée, fondés sur
d’indéniables innovations et de ce fait vendus souvent plus cher que les
produits de marques nationales. Ces marques propres segmentent très souvent
un univers de produits avec une logique de gamme liée à une promesse
spécifique. Les promesses véhiculées sont singulières (Carrefour Bio, J’aime,
Mmm chez Auchan) et permettent aux MDD de s’attaquer à des cibles haut de
gamme où la présence des produits d’enseignes était jusqu’alors inexistante.
La marque « Reflets de France » qui commercialise des produits alimentaires
« qui renouent avec les recettes et le savoir-faire de chaque terroir qui ont fait
de notre pays à travers le monde le symbole du bon goût » est un excellent
exemple des MDD de quatrième génération qui, en croisant les qualités
traditionnelles et authentiques des produits, couvre une gamme de 365
produits allant du cidre de Normandie aux yaourts de Saint-Malo en passant
par le cassoulet de Castelnaudary et les calissons d’Aix.
À cet essor des MDD à forte valeur ajoutée correspond d’ailleurs la relance
par les distributeurs de leurs marques premiers prix (1 pour Carrefour, le
pouce pour Auchan, Bien vu pour Système U) qui ont une fonction d’attraction
de la clientèle et de lutte contre le harddiscount. Ces marques, souvent

M
transversales, traduisent une forme de réappropriation du territoire de
l’économique avec des stratégies marketing plus affûtées que pour les produits
SI
génériques de 1re génération.
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M
SI
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Tableau 5. – L’évolution des marques de distributeurs

III. – Les stratégies de marquage des enseignes de


commerce

Pour gérer leurs portefeuilles de marque, les distributeurs mettent en œuvre


des stratégies d’architecture de marque qui sont tout à fait comparables à
celles mises en œuvres par les industriels pour leurs marques nationales. On
peut distinguer cinq grandes logiques de marquage :

1/ la logique monolithique qui recouvre le cas d’une unique marque portant


les couleurs de l’enseigne et couvrant l’ensemble des produits de façon
transversale. Leader Price est emblématique de ce type de stratégie qu’avait
également initié Décathlon avant de décliner ses marques par univers ;
2/ la logique de sous-marquage qui fonctionne sur le principe de déclinaison
de la marque mère pour créer des marques univers. Dans ce cas soit la
marque mère est utilisée comme racine (driver) principale du nom de marque
à laquelle on adjoint un qualificatif (J’M, Daily Monop, Cora Bio, etc.), soit la
marque fille est construite en rapport d’équivalence avec la marque mère
(Monoprix Gourmet) ;
3/ la logique d’endossement qui renvoie au cas des entreprises qui engagent
leur nom d’enseigne sur les produits. On retrouve ici l’ensemble des marques
enseigne (Casino, Carrefour, Auchan, etc.) mais aussi le cas des gammes de
produits qui utilisent le nom de l’enseigne comme caution (« Grande Sélection
Cora ») ;
4/ la logique de caution implicite qui renvoie aux marques qui sont
attribuées par les consommateurs à l’enseigne même si leur nom ne fait pas
référence explicitement au nom d’enseigne. On trouve ici le cas des marques
enseignes déguisées (la marque « Repère » de Leclerc), les marques premiers

M
prix (Éco +, Top Budget, Winny), les marques univers (Tex, Tissaïa, Topbike),
les marques qui s’adressent à une cible particulière (Kido chez Cora,
SI
Bout’Chou chez Monoprix) et les marques transversales (Reflets de France,
Nos régions ont du talent, Savoir des Saveurs de Système U, etc.) ;
AS

5/ la logique d’indépendance qui correspond à des marques réservées pour


lesquelles le consommateur ne fait pas forcément le lien avec l’enseigne. Ainsi
BY

les marques-produits (le mélange café-chicorée Calicoré ou le whisky Old Barn


chez Auchan), les marques-copies (Fortini ou Padori chez Leclerc). L’enseigne
Intermarché a fondé l’essentiel de sa stratégie sur ce type de marques.

IV. – Les facteurs explicatifs du succès des MDD

Le poids des MDD dépend de plusieurs facteurs économiques et culturels,


des facteurs liés à la stratégie des enseignes, et des facteurs liés à la catégorie
de produits. Peu de variables de type sociodémographiques, économiques ou
psychographiques permettent d’expliquer l’achat de produits génériques, à
l’exception de la recherche d’économies. En ce qui concerne le secteur de
l’alimentaire, la part de marché des MDD est plus élevée dans certains pays
d’Europe, en particulier en Grande-Bretagne, leur pays d’origine, et en Suisse,
pays dans lesquels la grande distribution est très concentrée. Les grands
distributeurs de ces pays ont accordé une importance prépondérante à leurs
propres marques. Ainsi en Suisse, la première enseigne Migros ne vend
pratiquement que des produits à sa marque. Certains distributeurs comme
Marks & Spencer (avec sa marque Saint-Michael’s) vont même jusqu’à utiliser
l’expression d’« industriels sans usine » pour définir leur activité. L’autre
acteur explicatif du succès des MDD est l’accès direct et permanent au client :
le distributeur est au cœur du marché, car il est au contact avec les industriels
mais aussi et surtout avec les consommateurs ; la MDD bénéficie du fait que le
distributeur choisit dans une certaine mesure l’implantation des marques en
rayon et décide de la place qu’il accorde à ses propres marques. Cela étant dit,
la présence des MDD varie selon le circuit de distribution. Les supermarchés
(surface inférieure à 1 500 m2) possèdent une offre en marques nationales plus
courte que les hypermarchés, les marques de distributeurs y sont de ce fait
soumises à une concurrence moindre et bénéficient d’une meilleure visibilité.
L’accès privilégié aux magasins dont bénéficient les marques de distributeurs
procure un avantage important sur les coûts et en particulier sur les coûts
commerciaux et marketing. Contrairement aux marques nationales, les
marques de distributeurs n’ont pas à supporter l’ensemble des coûts marketing
des marques nationales. Même si les MDD ont aujourd’hui accès à la publicité
et à la promotion (depuis le 1er janvier 2007, les enseignes de distribution
peuvent apparaître à la télévision en France), les coûts de référencement ou

M
de force de vente resteront toujours absents du compte de résultat des
distributeurs. S’étant dotés de structures marketing comme les industriels, les
SI
distributeurs ont souvent fait de leurs MDD des marques à part entière.
Celles-ci ayant désormais accès à la communication télévisée peuvent
AS

envisager de développer une puissance de feu médiatique égale à celle des


marques nationales. En Angleterre, Sainsbury’s et Safeway figurent déjà parmi
BY

les premiers annonceurs britanniques. Intermarché a mené plusieurs


campagnes sur ses marques les plus connues et sur le fait que l’enseigne,
contrairement à ses concurrentes en France, disposait de forces productives
(usines, bateaux de pêche, etc.). On ne compte plus aujourd’hui le nombre
d’émissions télévisées parrainées par des marques d’enseigne.
Le développement des MDD dépend également de la catégorie de produits et
des stratégies de fabricants. Certains rayons comme le rayon PDH (Droguerie
parfumerie hygiène) accusent un retard par rapport à l’alimentaire. C’est
également le cas sur les marchés dont les caractéristiques des produits sont
les suivantes :
– les produits avec un secret de fabrication comme Coca-Cola ou Nutella ;
– les produits à très forte sensibilité à la marque et liés à un degré de
risque perçu important ;

Part de marché volume Part de marche valeur


(2011) (2011)
France 41,5 % 31 %
Allemagne 49,6 % 37,7 %

Italie 20,3 % 16,1 %


Pays-Bas 35 % 27 %
Espagne 49,5 % 40,4 %
Royaume-
56,9 % 49,2 %
Uni
États-Unis 22,9 % 18,5 %

Tableau 6. – Pénétration et ventes des MDD en Europe (en volume et en valeur) en 2011

Source : Symphony IRI Group, Retail Private Label Brands In Europe,


Current and Emerging Trends, décembre 2011.

M
– les produits à très forte valeur sociale comme le champagne ou le pastis
par exemple ;
SI
– les marchés qui font l’objet de dépenses de communication importantes
AS

(lessive, shampoing, chocolat, bière, etc.) ;


– les marchés qui, trop petits, n’ont pas la taille critique pour développer
des MDD.
BY

V. – Les facteurs de riposte des marques nationales face aux


MDD

La montée en puissance des MDD remet en cause d’une part la légitimité


tous azimuts des industriels détenteurs de marques ancestrales mais aussi le
diktat du premium. Ainsi, une majorité de consommateurs se déclare prête à
continuer à acheter des MDD même si elles sont au même prix que les
marques nationales.
On peut tout d’abord identifier les principaux facteurs explicatifs du
développement des MDD dans une catégorie de produits :
– la sensibilité au prix et l’élasticité de la demande en fonction du prix qui
est un facteur important dans la mesure où le prix est spontanément une
raison majeure d’achat des MDD ;
– le nombre de magasins offreurs qui est bien évidemment le premier
levier de pénétration. Ainsi, la forte progression de la marque Reflets de
France s’explique aussi simplement par sa présence systématique dans
l’ensemble des enseignes du groupe Carrefour (à l’exception d’ED). Par
ailleurs, la qualité perçue d’une MDD est liée à sa pénétration ;
– le degré de sensibilité du consommateur à la marque : même si les
distributeurs ont acquis la légitimité de marquer des produits
comportant un degré important de risque perçu, les MDD ont du mal à
percer pour des produits comportant une forte part d’hédonisme
(parfum), de risque social (les boissons apéritives alcoolisées) ou de
légitimité perçue (exemple typique de la lessive) ;
– le taux de concentration du secteur : plus l’industrie est concentrée,
moins forte est la pénétration des MDD, ce qui se comprend par le fait
qu’un secteur concentré est souvent lié à des marques fortes.
La première riposte envisageable est de baisser le prix facial de leurs
produits en proposant des offres de meilleur rapport qualité/prix. Un tel
repositionnement de la politique de prix explique notamment comment Air
France résiste aussi bien à des compagnies low cost comme Ryan Air et Easy
Jet.
Le degré d’innovation dans le secteur reste néanmoins le facteur
prépondérant de résistance des marques nationales face à la montée en
M
puissance des MDD. Les marques nationales résistent d’autant mieux aux
MDD que les industriels sont soucieux de légitimer et de développer une
SI
véritable contribution pour le consommateur via des stratégies d’innovation.
AS

Les grandes marques telles que Sony, Gillette ou encore L’Oréal Paris sont
connues pour être soutenues par de fortes innovations. De façon générale, la
pénétration des MDD est une fonction décroissante de l’innovation dans un
BY

secteur donné. Encore faut-il que l’innovation apporte une réelle contribution
aux consommateurs. Cela étant dit, du fait de l’évolution des rapports de force
entre les fabricants et les distributeurs, la vitesse de transfert des innovations
des marques nationales vers les MDD a tendance à s’accélérer, si bien que les
industriels se font de plus en plus rapidement déposséder de leurs innovations
ou de leurs idées par les distributeurs (voir à cet égard l’exemple de la marque
Fébrèze par P&G, dépoussiérant antistatique qui a rapidement été copié,
obligeant l’entreprise à proposer rapidement des extensions de gammes en
innovant radicalement à chaque fois sur le plan technologique). Or, seuls les
grands groupes peuvent investir suffisamment en recherche et développement
afin de consolider l’image forte et exclusive de leurs marques.
Le degré d’investissement publipromotionnel des industriels est également
un facteur clé de résistance. La plupart des études montrent que la publicité et
plus généralement la communication restent encore une barrière
fondamentale à la croissance des MDD. L’exemple de Coca-Cola illustre
parfaitement la domination par l’image et la communication. Les pays où l’on
ne trouve pas du Coca-Cola se comptent sur les doigts d’une main. Ainsi, même
les MDD, qui concurrencent Coca-Cola avec un produit qui, testé en aveugle
plaît davantage aux consommateurs, ne réussissent pas à conquérir des parts
de marché significatives. La marque joue sur ces marchés comme une barrière
à l’entrée. De la même façon, en capitalisant toutes leurs actions de
communication sur leur seul nom et en pratiquant une logique d’extension de
marque hors du segment initial, des marques comme Président ou Nivéa ont su
dominer la scène par leur notoriété. De façon générale, le montant des
investissements publicitaires des fabricants dans une catégorie est
inversement proportionnel à la pénétration des MDD par catégorie de produit.
D’où l’importance pour les industriels de mettre en œuvre des opérations
promotionnelles stratégiques, c’est-à-dire qui sont susceptibles d’accroître de
façon structurelle la demande pour leurs marques. Ainsi, le Bingo des marques
organisé chaque année par le groupe Danone permet aux consommateurs de
bénéficier de cadeaux en échange de bons d’achat et d’accroître de façon
structurelle les ventes de certaines marques du groupe tout en faisant essayer
aux consommateurs de nouveaux produits. De même, par son magazine
consommateur Danone et vous, Danone renforce sa notoriété et touche ses
consommateurs d’une façon originale par un discours sur l’alimentation et la
santé qui déborde très largement le cadre d’un discours commercial.

M
SI
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Chapitre VI

La valorisation du capital de marque

I. – La multiplicité des méthodes de valorisation

La valorisation des marques renvoie à la notion de capital de marque


apparue au début des années 1980 pour rendre compte d’une attention plus
soutenue aux investissements immatériels des entreprises et au rôle de la
marque comme levier de croissance. Cette attention accrue à la valeur de
marque a été d’ailleurs largement conditionnée par le développement
d’opérations de fusions, d’acquisitions ou d’OPA impliquant des entreprises
dotées de fortes marques. L’idée qui sous-tend la notion de capital de marque
(brand equity pour les Anglo-Saxons) est que cette dernière peut être

M
considérée comme un actif financier dont la valeur peut être créée, entretenue
et développée aux moyens d’investissements stratégiques (innovation-produit,
SI
investissements médias et hors médias, etc.) ou bien, au contraire, érodée du
fait d’opérations promotionnelles trop souvent répétées. Que les marques aient
AS

une valeur ne fait aucun doute. L’achat de marques de sociétés en faillite afin
d’exploiter leur reconnaissance en est la preuve. Compte tenu de leur image et
BY

de leur notoriété, du potentiel de développement qui leur est lié, certains noms
de marques peuvent donc se négocier comme des actifs autonomes de l’entité
économique et juridique qui les a créés et développés. Pour autant, la valeur
d’une marque n’est pas la même si l’on se place du point de vue de l’actionnaire
(qui a comme attente le retour sur investissement), l’industriel (qui peut avoir
des attentes liées à la rentabilité de l’activité, à la prise de part de marché, à
l’impact d’image, etc.) ou du consommateur.
La valeur de marque, qui résulte du capital de confiance que la marque a su
acquérir dans le temps auprès des différents acteurs du marché, est bien
représentée par la notion anglo-saxonne de goodwill (survaleur). Cette notion
renvoie à la différence comptable entre le prix payé pour le rachat d’une
marque et la valeur comptable de l’entreprise et, de manière plus générale, à
la valeur ajoutée directement attribuable à la marque lors de la vente d’un
produit ou service.
Le capital de marque demeure une notion complexe qui pose le problème des
variables à prendre en compte dans son évaluation. Il n’existe pas à l’heure
actuelle de consensus pour mesurer la valeur du capital de marque. Les
approches existantes diffèrent essentiellement sur trois aspects majeurs : la
perspective adoptée, l’horizon temporel et la nature des indicateurs utilisés.
La gestion stratégique du capital de marque est devenue l’un des axes
majeurs de la stratégie globale des entreprises.
Les méthodes d’évaluation varient considérablement selon que l’on adopte
une perspective comptable, financière ou marketing. La perspective adoptée
est pourtant déterminante, car une marque n’a pas une valeur, mais des
valeurs selon le contexte d’évaluation : valeur liquidative en cas de vente
forcée, valeur comptable pour les comptes sociaux, valeur pour apprécier les
préjudices et les atteintes à la valeur de marque, valeur pour estimer le prix
des licences, valeur en cas de fusions ou d’acquisitions, etc. La valeur d’une
marque dépend donc très étroitement du contexte d’évaluation. Par ailleurs, la
perspective adoptée influe bien évidemment sur les outils de mesure proposés.
Pour ce qui est de l’horizon temporel, certaines approches proposent une
mesure instantanée de la valeur de marque, d’autres une approche dynamique
et évolutive qui considère la marque dans son passé (en prenant en compte les
investissements réalisés) et son futur (en prenant en considération le potentiel
de diversification de la marque). En ce qui concerne la nature des indicateurs
utilisés, certaines méthodes visent à définir un indice de la valeur de marque

M
(approche unidimensionnelle de la valeur de marque) tandis que d’autres
méthodes envisagent la valeur de marque comme un construit
SI
multidimensionnel formé de multiples indicateurs. De plus, certaines méthodes
sont fondées sur l’utilisation d’indicateurs comptables ou financiers (revenus
AS

attribuables à la marque, investissements dus à la marque, etc.), alors que


d’autres approches reposent essentiellement sur des variables marketing
BY

(notoriété, image, etc.).


Du fait de la divergence extrême des méthodes d’évaluation, il est
recommandé, lors d’une opération d’évaluation, de ne pas s’attacher à une
méthode exclusive, mais d’opérer des recoupements entre les résultats de
plusieurs méthodes.

II. – La marque comme actif dérivé

La marque ne peut pas être considérée comme un actif complètement


indépendant de l’activité sur laquelle elle s’est développée. Il semble par
conséquent difficile d’admettre qu’il puisse exister un marché des marques
comme il existe un marché d’actions, d’obligations ou d’autres produits
financiers.
Il est en effet difficile de considérer qu’une marque soit utilisée dans un
contexte très différent de son activité « racine », et ce, malgré les stratégies
d’extension tendant à des politiques de diversification des produits abrités sous
une même enseigne. Qu’une marque comme Renault permette de vendre des
voitures et des produits financiers conjointement est un fait, mais il est difficile
d’imaginer que la Société Générale puisse tirer valeur du rachat d’une marque
comme Renault pour étendre et valoriser ses activités financières.
La marque est donc un actif lié, pour partie, non pas à une entité juridique,
mais à un domaine d’activité à partir duquel se développent son image, sa
notoriété et son potentiel de croissance. Ce point est fondamental, notamment
pour envisager ensuite des méthodes de valorisations fondées sur les
approches financières, donc prévisionnelles.
La marque s’apparente donc bien plus à un produit dérivé, comme les
options, qu’à un actif primaire (actions, obligations, matières premières, etc.).
La marque est pour partie liée à son domaine d’activité et au potentiel de ce
domaine, tout comme une option (au sens financier) est assise sur un actif
sous-jacent. À la différence, cependant, qu’il est peut-être possible de
développer la valeur d’une marque complémentairement à la valeur de
l’activité elle-même, notamment en jouant sur des phénomènes de perception,
irrationnels mais réels, ou bien sur les comportements individuels ou collectifs
de consommation. La marque n’existe donc pas sans une référence minimum à
un domaine d’activité.

M
SI
III. – Les approches comptables
AS

L’approche de l’évaluation par les coûts consiste à reconstituer la valeur de


la marque en faisant la somme de l’ensemble des coûts d’investissement
BY

imputables à la gestion de la marque au cours du temps. Cette approche pose


plusieurs questions de méthode. Sur quelle période estimer les coûts ? Quels
coûts prendre en considération ? Comment prendre en compte les
investissements n’impliquant pas de cash (par exemple les coûts liés à
l’adoption d’une politique de pénétration) ? Cette méthode nécessite donc de
séparer dans les dépenses prises en compte la part réellement créatrice
d’actifs, (c’est-à-dire de notoriété, d’image) de celle qui constitue un simple
coût commercial, indispensable à la commercialisation du produit. Cette
méthode n’est par ailleurs réellement significative que pour les marques
récentes, car il est difficile de déterminer pour les marques anciennes les coûts
de création de la marque. Il faut enfin noter que cette méthode ne tient compte
ni de la surcotation de certaines marques due à leur succès, ni de la situation
financière de la marque, ni des aspects juridiques liés à l’enregistrement et à la
protection de celle-ci.
L’approche par les coûts de remplacement consiste à déterminer la valeur
d’une marque en estimant les coûts liés à la recréation d’une marque
équivalente qui bénéficierait du même niveau de notoriété et de fidélité. Une
fois encore, cette approche n’est pas pertinente pour les marques anciennes
puisque la valeur de remplacement ne saurait être analysée par la seule
méthode des coûts.
Pour les marques développées par l’entreprise elle-même, la méthode du
coût historique est fréquemment pratiquée. Elle consiste en la valorisation
d’un coût de production mis à la disposition d’une stratégie de marque depuis
sa création à la manière des méthodes de comptabilisation des programmes de
recherche et développement. Rappelons cependant que les normes comptables
IFRS actuelles n’autorisent pas la comptabilisation des marques créées en
interne, alors qu’elles offrent une grande liberté dans l’évaluation des marques
acquises.
Il est important de souligner quelques principes fondamentaux issus des
règles comptables :
1/ la valorisation, sur la base de transactions réelles, doit être effectuée au
coût historique, elle correspond donc aux achats effectués pour
développer l’actif immatériel ;
2/ l’entreprise doit être capable d’identifier un lien direct entre les
dépenses et l’actif ;
3/ il faut démontrer que l’actif est susceptible de dégager des revenus ;
M
4/ il est nécessaire de vérifier la valeur potentielle de l’actif via une
validation par le marché afin d’éviter de faire apparaître à l’actif du bilan
SI
un actif fictif.
AS

Ces règles, issues de l’application des principes comptables, sont


évidemment applicables aux marques, à la différence près qu’il faut aussi
BY

prévoir dans quelle mesure la valeur de marque sera soutenue par un


programme marketing cohérent dans les années à venir. Pour que la valeur de
la marque (au sens défini précédemment) perdure à travers le temps, il faut
enfin que le dirigeant de l’entreprise réalise une « déclaration d’intention »
visant à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la conservation de la valeur
figurant au bilan. Cette méthode manque évidemment de souplesse et ne laisse
guère la possibilité d’intégrer dans la valorisation la création de valeur qu’une
stratégie marketing bien établie est susceptible d’engendrer.
Par ailleurs, force est de constater que pour les marques anciennes il est
bien difficile de définir quels moyens ont permis, au fil du temps, de développer
la valeur actuelle de la marque.
La méthode de la valeur de remplacement permet quant à elle d’éliminer le
problème de la durée d’étude ; elle consiste à reconstituer les moyens
marketing qu’il faudrait aujourd’hui mettre en œuvre afin d’obtenir une
marque d’une notoriété équivalente à celle détenue par l’entreprise. C’est
donc fondamentalement une méthode de simulation chiffrée, liée à une
stratégie de marque fictive devant permettre de reconstruire la réalité
actuelle de la marque de l’entreprise en termes d’image, de notoriété et de
« force de marque ». Sur le plan conceptuel, et sous réserve que l’on admette
les principes comptables fondamentaux, cette méthode est beaucoup plus
satisfaisante que la précédente, car assise sur des données correspondantes
aux données actuelles du marché.
Elle reste cependant fondée sur une évaluation de la marque par les coûts de
production. Elle ne peut par conséquent intégrer des éléments comme le
premium (la prime de marque). De plus, elle reste contrainte par les mêmes
règles que celles énoncées pour la méthode du coût historique.
Enfin se pose à nouveau le problème du maintien de la valeur de marque au-
delà de l’horizon d’une stratégie donnée. Comment garantir, à terme, le
maintien de la valeur de marque ?

IV. – Les comparables ou les multiples

Les comparables et les multiples sont utilisés dans tous les domaines de
l’évaluation, depuis l’évaluation du fonds de commerce jusqu’à l’évaluation
d’entreprise. Qui n’a jamais entendu dire qu’une entreprise était vendue un an
de chiffre d’affaires, ou cinq années de résultats nets comptables ? Les

M
multiples réconfortent généralement les évaluateurs dans la mesure où ils sont
assis sur des transactions réelles donc des prix. Ils permettent ainsi de
SI
nuancer les évaluations faites par le biais d’autres méthodes, notamment
prévisionnelles. Ils permettent enfin de faire comprendre aux acteurs
AS

(acheteurs ou vendeurs potentiels) qu’une valorisation ne peut être par trop


éloignée du prix moyen sur le marché. Les comparables (ou les multiples, selon
BY

les unités de mesure) vont ainsi souvent s’ériger en norme pour les futures
transactions.
L’étude et le choix de comparables, donc de prix constatés lors de
transactions similaires, permettent ainsi d’intégrer la réalité d’un marché
donné, celui d’une marque par exemple, dans un ensemble de méthodes
(comptables ou prévisionnelles) où seules les données propres à l’entreprise
ont été retenues et étudiées. D’une certaine façon, les principales méthodes de
l’évaluation en entreprise sont assises sur une perception
« microéconomique » de la valeur de l’actif, alors que la méthode dite des
comparables s’inscrit bien plus dans une logique de reconstitution d’un marché
« extérieur », donc dans une logique macroéconomique.
Cette méthode pose cependant le délicat problème du choix des transactions
« comparables ». En matière d’évaluation d’entreprise par exemple, le choix
d’une comparaison avec des transactions ayant eu lieu dans le même secteur
d’activité est souvent retenu. Cependant, ce choix se fait souvent au détriment
relatif de la vérification de comparaisons possibles sur des variables
économiques fondamentales (croissance, structure de coût,
internationalisation ou non du marché, taux de rentabilité, etc.). Appliquer au
domaine des marques, pour lequel les transactions sont déjà assez peu
nombreuses, une priorité donnée à l’approche sectorielle pourrait se traduire
par une sous-estimation de variables telles que la notoriété, l’image de la
marque, les comportements de consommation qui lui sont liés (fidélisation par
exemple), mais aussi le potentiel d’évolution (diversification des services ou
produits, etc.).

V. – Les redevances reçues au titre de l’utilisation de la


marque

L’évaluation des marques par la méthode des redevances est l’une de celles
privilégiées par les Anglo-Saxons. C’est une méthode très pragmatique : elle
permet, en travaillant sur des transactions réelles ou théoriques, de
reconstituer un marché de la marque « extérieur » à l’entreprise.
La valorisation de la marque est alors assise sur une approche par les prix
(assez similaire, dans l’esprit, de l’utilisation des comparables), sur une forme
de marché dérivé de transactions concernant la marque. Le marché des

M
redevances ne correspond cependant qu’au marché de l’utilisation du nom de
la marque et donc pas à la marque elle-même, ce qui constitue l’une des
SI
principales limites de la méthode. Enfin, il serait réducteur de considérer que
AS

la marque ne vaut que dans une logique de loyer. En effet, la marque est aussi
susceptible de participer à la création de valeur pour l’entreprise par de
multiples autres vecteurs : diversification, croissance des volumes, fidélisation
BY

des consommateurs, etc. Il est donc probable que la force de marque, au sens
des marketers, soit plus percutante pour l’entreprise détentrice de la marque,
laquelle en possède finalement les leviers stratégiques, que pour les tiers
redevables des loyers. Ces derniers n’ont en effet aucun moyen d’agir sur la
stratégie marketing liée à la marque.
Ces réserves et commentaires étant faits, la méthode des redevances reste
simple, concrète et assise sur une réalité économique de transaction et donc
de prix.

VI. – Les flux futurs actualisés

Les méthodologies financières reposent sur le principe de la valorisation de


revenus futurs liés à un actif. Elles utilisent d’une part la technique dite de
l’actualisation des revenus futurs. Cette méthode consiste à évaluer la marque
en fonction des revenus qui lui sont attribuables. Il est donc nécessaire, dans
un premier temps, d’estimer les revenus directement imputables à la marque
et, dans un second temps, de capitaliser ces flux de revenus pour calculer la
valeur financière de la marque.
Se pose tout d’abord la question de la séparabilité, puisqu’il s’agit d’isoler les
revenus attribuables à la marque des revenus générés par les autres actifs
incorporels. Or, il est bien souvent impossible d’isoler les revenus attribuables
à la marque seule, si bien que l’évaluation financière de la marque englobe de
façon quasi systématique l’ensemble des autres actifs incorporels (brevets,
savoir-faire, etc.) avec lesquels la marque interagit en permanence pour créer
de la valeur.
En second lieu, il s’agit de trouver le ou les critères pertinents pour
déterminer les bénéfices que l’entreprise tire de la marque. La méthode la plus
courante se fonde sur la prime de marque, en considérant que tous les actifs du
capital de marque (notoriété, fidélité, image, etc.) permettent parfois de
vendre celle-ci plus cher que des produits concurrents ; la méthode consiste
alors à mesurer cette prime de marque, c’est-à-dire l’écart entre le prix de la
marque et le prix d’un produit équivalent générique ou non marqué, et à
multiplier cette plusvalue (encore appelée premium price) par le volume des
ventes de la marque. Le problème essentiel inhérent à cette méthode est le
fait que beaucoup de produits n’ayant pas d’équivalents (exemple de la barre

M
chocolatée Mars), il n’est pas toujours possible de définir une prime de
marque.
SI
Une fois estimés les revenus attribuables à la marque, il convient de
capitaliser les flux de revenus, ce qui suppose tout d’abord de déterminer les
AS

taux, la période d’actualisation et ensuite de définir une méthode de


capitalisation. Ainsi est-il possible de déterminer la valeur financière de la
BY

marque à partir des revenus attribuables à celle-ci ; soit en fonction des flux
prévisionnels par le calcul de la valeur actuelle des flux futurs ; la valeur de la
marque est alors évaluée par une capitalisation de ces revenus ; cette méthode
repose sur des anticipations portant à la fois sur les flux générés par la
marque, les taux d’actualisation et les durées d’existence économique (horizon
d’actualisation) ; soit en fonction des flux actuels de revenus attribuables à la
marque par application d’un multiple à ces flux de revenus34.

VII. – L’option réelle de croissance

La méthode des options, déjà éprouvées pour la valorisation des programmes


de recherche et développement, ou pour la valorisation des start-up
(biotechnologies, Internet, etc.), peut permettre de compléter les analyses
financières et comptables traditionnelles. Elle crée aussi l’opportunité de faire
un lien direct entre les leviers stratégiques de gestion de la marque et sa
valeur financière. Puisque les marketers proposent des méthodes d’étude et
d’analyse des marques fondées sur la « prime de marque », il peut paraître
judicieux de proposer une méthode d’évaluation en parfaite correspondance
avec cette approche, valorisant un premium (au sens financier du terme cette
fois), donc une méthode par les options réelles.
Cette méthode peut apparaître comme complémentaire à celle des flux
futurs. Elle peut aussi s’avérer être un outil précieux d’aide à la décision dans
le cadre du lancement d’une nouvelle marque, en fonction du potentiel de
valeur de cette dernière, et en fonction des stratégies voulues par les
dirigeants.
Elle peut être utile dans le cadre de négociations avec des tiers, notamment
pour le calcul des redevances dues par ceux qui utiliseront la marque, car sa
valeur sera alors fort différente selon les caractéristiques du cocontractant lui-
même.
La méthode dite des « options réelles » fournit un calcul immédiat du
premium de marque tel que défini par les spécialistes du marketing.
Construite dans une logique d’outil d’aide à la décision, elle sera alors
comparable aux méthodes classiques préconisées habituellement pour
l’analyse des choix d’investissement, comme le calcul de valeur actuelle nette
(VAN).

M
SI
VIII. – Les approches multi-attributs du capital de marque
AS

Les méthodes multi-attributs partent du principe qu’il est possible de


décomposer le capital de la marque en un certain nombre de dimensions clés
BY

dont il est alors possible d’évaluer séparément la valeur, si ce n’est la force.


Les méthodes multicritères, très en vogue au Royaume-Uni, se fondent, quant
à elles, sur une approche composite de la valeur de marque. Parmi celles-ci, il
convient de citer la méthode mise au point par la société Interbrand qui définit
une note de force de marque résultant de la somme pondérée de sept facteurs
estimés de façon subjective par des experts. Cette force de marque est ensuite
utilisée pour déterminer le multiple à appliquer au bénéfice net attribuable à la
marque, afin de déterminer la valeur financière de la marque. Le lien entre la
force de marque et le multiple est établi par une courbe en « S ». En France, la
Sorgem a élaboré une approche de la valeur de marque estimée en fonction de
quatre facteurs : la valeur du marché, les actifs de la marque, les leviers de
croissance et les capacités de l’entreprise.
Ces méthodes, quoique largement médiatisées, reposent néanmoins sur des
choix axiomatiques qui peuvent prêter à questionnement.

IX. – Les principaux leviers du capital de marque

Avant d’envisager en guise de synthèse une typologie des sources de valeur


d’une marque, rappelons que les deux principaux leviers de création de valeur
restent, d’un point de vue marketing, la notoriété et l’image.

1. La notoriété. – C’est une mesure quantitative visant à évaluer le degré


de présence d’une marque, quel que soit d’ailleurs ce type de marque, à l’esprit
des consommateurs. Elle peut se définir comme le degré de connaissance de la
marque par les consommateurs et s’exprime de ce fait sous la forme d’un
score : le taux de notoriété.
Il faut donc bien distinguer la notoriété et l’image dans la mesure où la
notoriété est une mesure quantitative qui répond à la question « Combien de
consommateurs connaissent cette marque ? » alors que l’image est une mesure
qualitative qui répond à la question « Comment la marque est-elle perçue ? ».
Outre la distinction qu’il convient d’opérer entre ces deux types de mesures, il
faut également rappeler qu’il n’y a pas de lien systématique entre la notoriété
et l’image. En effet, une marque peut disposer d’un excellent score de
notoriété et d’une piètre image (exemple des marques Aeroflot et Sabena),
tout comme il est possible d’envisager un faible score de notoriété pour une
marque disposant d’une très bonne image (exemple des marques spécialisées
M
dans certains univers de produits comme la marque Schimano pour la pêche).
SI
Il faut envisager trois approches de la notoriété :
AS

– la notoriété spontanée qui correspond au fait que la marque est citée


spontanément par le consommateur sans aide extérieure (en réponse à
la question : « Citez-moi l’ensemble des marques de shampoings que
BY

vous connaissez ? ») ;
– le top of mind qui mesure la place de la marque dans la série de marques
précitées. On regarde ici selon les cas si la marque est citée dans les
trois ou cinq premières marques ;
– la notoriété assistée qui mesure la reconnaissance de la marque par un
répondant auquel on a cité une liste de marques (en réponse à la
question : « Parmi ces marques de shampoings, quelles sont celles que
vous connaissez ? »). Cet indicateur présente un inconvénient de fiabilité
dans la mesure où il n’est pas possible d’établir avec certitude qu’un
répondant connaît effectivement les marques qu’on lui cite et qu’il dit
connaître. Cet indicateur sert essentiellement pour les marques
disposant d’une notoriété spontanée très faible et donc d’un top of mind
quasi nul ; il est dans ce cas le seul indicateur véritablement sensible
permettant de suivre l’évolution de la notoriété de la marque.

2. L’image. – Alors que la notoriété est un indicateur quantitatif lié à


l’impact de la marque, l’image de marque est un indicateur qualitatif lié au
contenu de la marque et à sa perception par un public cible. Les composantes
de l’image témoignent donc de l’impact des traits identifiants de la marque. Il y
a différents niveaux d’analyse de l’image de marque et notamment :
– la nature des associations qui rend compte du degré abstrait vs concret,
fonctionnel vs émotionnel et du type d’imaginaire véhiculé par la marque.
Certaines marques sont essentiellement définies par un contenu
fonctionnel alors que d’autres sont davantage liées à des valeurs
émotionnelles (le café Carte noir), ludiques (La Vache Qui Rit), ou à
l’articulation de valeurs fonctionnelles et ludiques (Kinder Surprise) ;
– la richesse des associations qui renvoie au nombre d’axes signifiants
pour le consommateur ; il s’agit ici de prendre en compte la diversité des
traits d’image pour mettre en évidence l’étendue du territoire mental et
imaginaire de la marque dans l’esprit des consommateurs ;
– la proximité des traits d’image : l’image de la marque est d’autant plus
proche que les consommateurs évoquent spontanément un ensemble de
représentations que leur évoque la marque. Il s’agit ici de se demander
dans quelle mesure les traits d’image « parlent » aux consommateurs,
c’est-à-dire sont spécifiques et liés à leur préoccupation ;
M
– la netteté des traits d’image qui renvoie à la précision avec laquelle les
consommateurs vont citer des produits liés à la marque ou bien des
SI
associations en termes de valeurs. Ainsi dire d’une marque qu’elle est
AS

« jeune » ne dénote pas d’une représentation très nette, alors que des
associations telles que la « rapidité », l’« esprit d’entreprise »,
l’« innovativité », etc. sont des traits qui supposent une représentation
BY

plus claire et plus tranchée de la marque.

3. Les autres indicateurs de la force d’une marque. – Les indicateurs


d’impact et de contenu que sont respectivement la notoriété et l’image doivent,
dans le cadre d’une évaluation multicritère de la valeur de marque, être
complétés par d’autres indicateurs qui sont respectivement :
Le pouvoir de marché de la marque : ces indicateurs tiennent compte de la
capacité de la marque à asseoir et défendre une position économique
souveraine sur le marché. Il s’agit donc de sa longévité, de la taille de ses
budgets de marketing et de communication, du montant de ses investissements
en recherche et développement. Il faut également considérer sa capacité à
capter de la valeur sur le marché à travers l’évolution de sa notoriété, de sa
part de marché, son contrôle des circuits de distribution ainsi que des éléments
liés à la spécificité de son positionnement.
Les facteurs d’identité de la marque qui prennent en compte sa longévité, la
cohérence et la pertinence de son projet, sa capacité à représenter un univers
de produits qui soit spécifique, la force des identifiants de marque, etc.
Le potentiel de la marque : il faut ici tenir compte de la dimension projective
de la marque et de sa capacité à envisager de nouveaux développements, qu’il
s’agisse de marchés (internationaux, circuits de distribution), d’extension de
cible, de développement sous forme de licences ou bien évidemment de la
diversification des activités.
Figure 9. – Les indicateurs du capital de marque

M
SI
AS
BY
Conclusion

La marque comme icône culturelle et religieuse

Le développement de la société audiovisuelle a contribué à donner une


légitimité à la marque comme repère et comme guide dans les pratiques
d’achat et de consommation, mais aussi comme instance productrice de sens et
donc d’idéologie. Il en résulte un rôle grandissant des marques aux yeux des
consommateurs par leur familiarisation croissante avec les messages de
marque du fait notamment du rôle omniprésent de la publicité35 et de la
communication marketing dans la vie quotidienne des individus. Pour autant,
les marques ne sont pas uniquement des systèmes de communication, elles ont
plus généralement une fonction de transmission culturelle et idéologique en

M
modifiant de façon significative une chaîne d’éléments structurels de
l’environnement socio-économique (système de croyance, règles de
SI
comportements, rituels, etc.), comme l’a fort bien montré Naomi Klein dans
AS

son ouvrage No logo. La fonction d’une marque est donc souvent de renforcer
ou de modifier des systèmes de croyances existants. La marque jouerait alors
sur le mode de l’empreinte et de la pérennisation d’un système de valeurs et de
BY

comportements alors qu’elle a souvent été pensée sur le mode de l’actualité et


de la vitesse. Elle est finalement devenue une sphère d’autorité en proposant
des modes de consommation, de pensée et donc de vie. Ainsi, la coca-
colonisation ou la macdonaldisation du monde ne signifie pas seulement une
préemption de l’espace économique par des marques dites globales, mais
surtout la prétention de ces marques à devenir des structures idéologiques qui
façonnent nos manières d’être et de faire et qui imposent une vision du monde.
Une grande marque propose en effet, toujours à travers sa promesse de
marque, une sorte de contrat de confiance qui présuppose une façon de voir le
monde et qui se manifeste dans l’ensemble de ses dispositifs
communicationnels : design, produit, packaging, rhétorique publicitaire,
dispositifs promotionnels, choix de ses endosseurs (les personnes choisies pour
représenter la marque), etc. La marque Apple nous enjoint par exemple à
penser différemment (Think different), sous-entendant comme par ricochet
« sentez différemment », « regardez différemment », et donc en définitive
« vivez différemment ». Les marques contribuent par la puissance de leur
discours à modifier notre rapport au monde, le rapport à notre corps, le
rapport aux autres. Ainsi, des marques comme Danone, Renault, Carrefour,
Auchan ou encore L’Oréal ne nous parlent pas tant de la praticité ou de la
qualité des produits que de valeurs de vie. Castorama se positionne comme « le
partenaire du bonheur » en proposant à ses consommateurs de prendre en
charge l’ensemble des événements importants de la vie (mariage,
déménagement, naissance), tandis que le Club Med développe depuis plusieurs
années une rhétorique confortant une sorte d’hédonisme permissif autour de
slogans tels que le bonheur couché, le bonheur debout ou encore le bonheur
si je veux. Le pouvoir des marques se fonde sur leur capacité à orchestrer un
véritable programme visant le bien commun comme l’illustre à merveille la
signature d’Auchan : « La vie, la vraie » …
De fait, la marque, en tant qu’elle est avant tout un système symbolique,
semble renvoyer à une organisation trinitaire articulant trois versants, à
savoir :
un versant physique essentiellement lié aux dimensions sensorielles de la
marque, à ses aspects tangibles et directement préhensibles par le
consommateur au moyen de ses sens (couleur et odeur des produits,
effet de matière, etc.). L’attraction que certaines marques exercent sur
les consommateurs s’exprime souvent à travers les dimensions
M
matérielles de la marque. La marque de biscuit Pim’s a par exemple revu
intégralement ses codes produits, pour pouvoir se défendre contre la
SI
montée en puissance des marques de distributeur par une mise en
AS

évidence de la polysensorialité d’un produit qui associe trois couches et


autant d’expériences gustatives (le craquant du chocolat, le moelleux de
la génoise et l’onctuosité de la confiture) et une requalification
BY

qualitative de chacune des couches du produit (densification de la coque


en chocolat, travail sur la provenance des ingrédients et la contenance
en fruits) ;
un versant rhétorique lié à la dimension persuasive et discursive de la
marque. La marque Pim’s a assuré son relancement par une signature
permettant d’exprimer l’extase sensorielle (« recherche personne
majeure pour partager volupté »). La marque Petit Déjeuner lancée par
Lu constitue un très bel exemple d’innovation idéologique, en ce sens que
la marque tâche par un discours très technique de déconstruire la
croyance répandue selon laquelle il est nutritionnellement bon de
manger des corn flakes le matin. La dimension rhétorique des marques a
pour fonction de façonner ou de modifier des systèmes d’attitudes (par la
création de forts modèles identificatoires) et de comportements ;
un versant pragmatique qui renvoie à la capacité de la marque à faire
agir le consommateur (essayer, acheter, prescrire, etc.) et qui
s’orchestre notamment à travers la faculté de modifier de façon
significative des pratiques d’achat et de consommation. La marque
Nesquik lors de sa déclinaison en sirop prétendait par exemple dans sa
campagne publicitaire « transformer un goûter jenveupas en goûter
jenreuveu » montrant ainsi la capacité de la marque à modifier le
comportement alimentaire des enfants. La marque Actimel doit en partie
son succès à sa capacité d’avoir su créer un « geste santé », de même
que la marque Mikado a pu être relancée grâce à une emphase
publicitaire sur le fameux « petit geste qui vous perdra ». Cette
dimension pragmatique illustre le pouvoir prescriptif des marques, nous
enjoignant à certains comportements (« Sourire la vie » nous dit par
exemple Coca-Cola).
Pourquoi ne pas alors considérer la marque comme un objet-chimère au sens
où Loup Verlet le définit, à savoir comme ce qui réunit « dans une trinité
indissociable trois entités hétérogènes situées à des niveaux logiquement
distincts », à savoir « une chose considérée comme réelle, une représentation
symbolique globale dans laquelle cette chose est prise, un acte de foi socialisé
assurant la jonction de la chose et de sa représentation »36. La marque
incarnerait alors le concept de reliance, à savoir « ce qui englobe tout ce qui
fait communiquer, associe, solidarise, fraternalise : elle s’oppose à tout ce qui
fragmente, disloque, disjoint, brise toute communication, renferme. La reliance
M
doit être comme la religion de ce qui relie, faisant front à la barbarie qui
divise »37. La marque renverrait alors à un ancrage religieux en reprenant et
SI
rationalisant l’idée d’une entité puissante et reliante qui donne du sens à nos
AS

existences. Le fait que certains consommateurs emploient un registre affectif


pour parler de leur marque préférée et que leurs relations avec ces marques
peuvent se comprendre comme l’extension ou le substitut symbolique de
BY

relations personnelles dans les sociétés matérialistes peut légitimement faire


penser que ces relations sont de nature à nourrir (symboliquement du moins)
le « soi vide » auquel prédispose l’abandon de la tradition et de la communauté
dans la société contemporaine.
Bibliographie

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Remaury B., Marques et Récits, Paris, IFM/Éditions du Regard, 2005.

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Plasseraud Y. et al., Marques. Création, valorisation, protection, Francis
Lefebvre, 1994.
Notes
1
La ville de Saint-Tropez fut l’une des premières marques urbaines déposées en
France pour des raisons que l’on comprend aisément.
2
Le premier cas avéré d’utilisation d’une marque commerciale remonte à la
Chine de 2700 av. J.-C. : il s’agit de poteries qui indiquent le nom de l’Empereur
ou celui de l’artisan. Voir à ce sujet A. Beltran et al. Des brevets et des
marques, Fayard, 2001.
3
Exemple cité dans Claude Sodet et al. Les marques de distributeurs jouent
dans la cour des grands, Éditions d’Organisation, 2002, p. 17.
4
Ces deux fonctions ressortent dans la définition que donnent la plupart des
M
dictionnaires, à savoir un « signe ou symbole qui identifie un objet et permet de
SI
le différencier d’objets concurrents ».
AS

5
Selon le Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert), la marque
se rapporte successivement à une tache de naissance chez un homme ou un
BY

animal (1538), à la trace laissée sur un corps par des doigts (1553), au signe
infamant en forme de fleur de lys que l’on imprime à même la peau du
condamné (1531) et à l’ornement distinctif d’une dignité.
6
K. Lane Keller, Strategic Brand Management, Prentice-Hall, 1998, p. 27.
7
Voir à ce sujet Ph. Malaval, Stratégie et gestion de la marque industrielle,
Publi-Union, 1998, p. 11.
8
Rappelons la date d’apparition de quelques grandes marques : Schweppes
(1798), Levi’s (1850), Heineken (1864), Coca-Cola (1886), Philips (1893),
Gillette (1905).
9
Voir p. 115 et 116.
10
G. Dumézil, Mythe et Épopée, Gallimard, 1968.
11
Ce qui pose le problème de la continuité du savoir-faire après la disparition du
créateur.
12
M.-C. Sicard, Ce que marque veut dire, Éditions d’Organisation, 2001, p. 176.
13
Jacques Derrida, Marges de la philosophie, Éditions de Minuit, 1972, p. 392.
14
A. Semprini, La Marque, Puf, coll. « Que sais-je ? », 1995.
15
J.-M. Floch, Identités visuelles, Puf, 1995.
16
Nous suivons ici le principe du parcours génératif de la signification propre à la
sémiotique structurale initiée par l’École de Paris et notamment par A.-J.
Greimas.
17
M
N. Pénicaut, « Ikéa doute d’Habitat », Libération, mardi 13 août 2002, p. 14.
SI
18
Exemples tirés de N. Klein, No logo. La tyrannie des marques, Actes Sud,
AS

2001, p. 49.
19
BY

Selon l’approche des chaînages moyens-fins chargés d’assurer un lien


perceptuel ou du moins conceptuel entre les différents niveaux de l’échelle
Attributs (concrets, abstraits). Conséquences (fonctionnelles et
psychologiques) et Valeurs (instrumentales et terminales). Pour une bonne
synthèse de ces notions, voir notamment P. Valette-Florence, « Introduction à
l’analyse des chaînages cognitifs », Recherche et applications en marketing,
vol. 9, n° 1, p. 93-117.
20
J.-J. Cegarra et D. Merunka, « Les extensions de marque : concepts et
modèles », Recherche et applications en marketing, 1993, vol. 8, n° 1.
21
Voir à ce sujet : G. Michel, « La stratégie d’extension de marque, Vuibert,
2000 », et « L’évolution des marques : approche par la théorie du noyau
central », Recherche et applications en marketing, vol. 14, n° 4, p. 33-53,
1999.
22
Voir à ce sujet J.-J. Cegarra et G. Michel, « Cobranding : clarification du
concept », Recherche et applications en marketing, 16, 4, 2001, et J.-J.
Cegarra et G. Michel, « Alliances de marques : quel profit pour les marques
partenaires ? », Revue française de gestion, 29, 145, p. 163-174, 2003.
23
P. Barwise et T. Robertson, « Brand portfolios », European Management
Journal, 10 (3), 1992, p. 277-285.
24
Voir notamment à ce sujet J. Brée, Les Enfants, la Consommation et le
Marketing, Puf, 1993.
25
J. Brée, Les Enfants, la Consommation et le Marketing, Puf, 1993.
26
L. de Chernatony et M. McDonald, Creating Powerful Brands, Butterworth
Heinemann, 1992, p. 138.
27
Voir à ce sujet G. Laurent et J.-N. Kapferer, La Sensibilité à la marque,
Éditions d’Organisation, 1992.
M
SI
28
Le taux de nourriture représente la part du budget consacrée à l’achat d’une
AS

marque dans une catégorie de produits donnée.


29
BY

É. Benveniste, Le Vocabulaire des institutions européennes, t. I : Économie,


Parenté, Société, Éditions de Minuit, 1969, p. 104.
30
D. Quessada, La Société de consommation de soi, Éditions Verticales, 1999.
31
Les marges arrière correspondent aux frais de référencement, promotion et
communication facturés en France par le distributeur au fabricant en plus de
la marge commerciale.
32
Même si, rappelons-le, les premières marques de distributeurs apparaissent en
Angleterre à la fin du XIXe siècle et en 1901 en France avec la marque Casino.
33
É. Thil et C. Baroux, Un pavé dans la marque, Flammarion, 1983.
34
Ce principe du multiple repose en fait sur l’application à la marque du
price/earning ratio, qui s’applique habituellement à une entreprise, pour
exprimer le rapport existant entre sa capitalisation boursière et ses bénéfices
nets.
35
Rappelons qu’un individu est soumis en moyenne à plus de 1 500 messages de
nature publicitaire par jour.
36
L. Verlet, Chimères et Paradoxes, Le Cerf, 2007.
37
E. Morin et S. Naïr, Une politique de la civilisation, Arléa, 1997, p. 183.

M
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www.quesais-je.com
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