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1G H th2chap2 2019-2020

INDUSTRIALISATION ET ACCELERATION DES


TRANSFORMATIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES EN
FRANCE

Introduction :

L'Europe de l'Ouest, et tout particulièrement la France et l'Angleterre, connaît d'importants


changements économiques à partir du début du XIX e siècle qui s'accélèrent vers 1840
alors que la Révolution Industrielle commence en France.

A la suite d’innovations techniques, la force animale est remplacée par la force mécanique
issue soit de la combustion de charbon (vapeur) soit de la force du mouvement de l'eau
(énergie hydraulique). Il faut cependant mobiliser des capitaux importants pour investir
dans ces nouveaux facteurs de production : l’équipement des entreprises en nouvelles
machines notamment, est très coû teux. Des industriels constituent ainsi des structures
économiques et financières de plus en plus puissantes soutenues par des systèmes financiers
innovants et des Etats ouverts aux changements.

Ces mutations productives provoquent des changements sociaux, en particulier en


France. Le monde rural et agricole domine toujours largement mais les villes se développent
et se transforment, sous l'action combinée de l'Etat et d'entrepreneurs. De nouvelles régions
industrielles apparaissent à proximité des lieux d'extraction de matières premières.
L'exode rural débute. La question ouvrière devient alors un enjeu politique majeur. La
mécanisation du travail ouvrier, la concentration de plus en plus forte du prolétariat dans les
usines et les villes ouvrières, des conditions de travail et d'existence misérables donnent
naissance à des mouvements populaires violents et des idéologies nouvelles qui pensent
autrement le monde du travail et cherchent l'émancipation de la classe ouvrière.

PBLQ : Comment la société française change-t-elle au XIX ème siècle sous l'action de
l'industrialisation et de l'urbanisation.

I- L'industrialisation progressive de l'économie française sous


le Second Empire.

A- Des conditions économiques anciennes qui perdurent.

Jusqu'au XIX ème siècle, l'industrie est la transformation de matières premières en produits
manufacturés, grâ ce à l’utilisation de l’énergie animale et humaine. Elle se faisait
principalement sous forme d’artisanat, en quantités limitées par les capacités de production :
souvent des ateliers personnels avec main d’œuvre restreinte, sans mécanisation. La
production en série est rare et n’apparait qu’au XVIIe siècle avec les manufactures royales.
Bien que cette industrie ait pu se développer et permettre approvisionnement des sociétés
(surtout des plus riches), elle a des limites avant le XIXe siècle :

• rareté des forces motrices (forces naturelles et humaine) : la production dépend de


l’énergie humaine, de la main d’œuvre disponible et de sa capacité à produire, soulever,
creuser… qui n’est pas infinie. Il manque une énergie capable de suppléer à l’énergie
biologique. On ne peut donc augmenter massivement la production.

• rareté des outils et quasi absence des machines. (sauf métier à tisser : mule-jenny
inventée en Grande Bretagne à la fin du XVIIIe siècle). Des presses permettent de
produire du papier-peint en série mais elles ne sont pas mécanisées à proprement
parler. Il manque des innovations mécaniques pour développer les systèmes
automatisés. On est dépendant de la main d’œuvre humaine pour réaliser tous les
travaux même les plus épuisants.

• rareté des usines à l'exception des manufactures royales (ex : Sèvres, les
Gobelins). La plupart des produits sont réalisés dans des ateliers appartenant souvent à
une famille, où travaillent des maitres et apprentis. Le niveau de formation peut être
important, il s’agit d’artisanat. On ne peut donc pas produire en masse, les produits
restent chers.

Cela se concrétise une dispersion des activités industrielles : petites unités industrielles
domestiques polyvalentes. Les produits sont rares, chers, non standardisés. On parle de
proto-industrialisation.

Le commerce, échange de produits sur différentes distances entre producteurs et


consommateurs, est aussi très limité : il est principalement intra-européen (pas de colonies
majeures ni d’échanges tout à fait mondialisés) et ouvert sur l'extérieur aux productions
américaines seulement. Les bassins de consommation sont limités, il y a un commerce
ambulant pour aller vers des débouchés de consommateurs dispersés, enclavés, isolés (les
colporteurs sont une forme de commerce polyvalent ; les foires une concentration
commerciale ponctuelle où le consommateur doit se rendre).

Ce commerce est également limité par la rareté des biens à échanger. Les consommateurs,
notamment ruraux, ont également l’habitude de peu consommer ou de fabriquer eux-mêmes
la plupart des objets de consommation courante (bols, meubles…)

Il est enfin limité par des conditions de transport médiocres : peu de ponts, des routes peu
praticables pour les transports terrestres. La navigation à voile sur les fleuves était lente et
irrégulière. Il est donc difficile d’accéder aux marchés locaux lorsqu’une production existe.

Ce schéma économique général est encore pleinement d'actualité au milieu du XIX e
siècle alors que des innovations de rupture ont eu lieu au XVIII e siècle mais peinent à se
diffuser en France.
La force motrice de la vapeur est mise en évidence à la fin du XVIIe siècle par Denis PAPIN
mais c'est l 'Anglais James WATT qui de 1769 à 1779 met au point la première machine
industrielle à vapeur = machines à filer et métiers à tisser.

Le chemin de fer avec locomotive mue par la vapeur se développe lentement en France
à partir des années 1820 = craintes et réticences, autorités peu convaincues. La première
voie de chemin de fer est construite en France entre Saint-Etienne et Andrézieux en 1823. La
première gare parisienne, la Gare Saint-Lazare, ouvre en 1837.

C'est en 1840 seulement qu'on commence à relier Paris aux grandes villes françaises par le
rail.

B- Le développement de la grande industrie favorisé par l'Etat.

La France commence vraiment son industrialisation dans les années 1840, plusieurs
décennies après l'Angleterre. Napoléon III contribue en grande partie à ce décollage industriel
en créant des conditions législatives favorables, en engageant des grands travaux
d'aménagements, en favorisant les industriels et les capitalistes. Cela est mis en œuvre dans
une politique de prestige visant à faire de la France une puissance dans le domaine
économique aussi bien que militaire face à la Prusse et au Royaume-Uni.

On assiste au déclin progressif de la proto-industrie. Les petits ateliers ferment et les


ouvriers-artisans rejoignent des usines où ils deviennent salariés.

Les ressources énergétiques sont de plus en plus exploitées. Installation des usines à
proximité des lieux d'extraction de houille et de charbon (Nord pour le Charbon, Nord-Est
pour le fer). La baisse du prix de l'énergie augmente les productions et diminue le prix de
revient unitaire : on peut produire davantage pour moins cher, augmenter ses bénéficies et
vendre davantage de produit, dont les prix diminuent également. Cela lance ainsi une période
de croissance économique : augmentation durable et soutenue de la production, avec
des conséquences positives pour la population.

Les innovations technologiques sont nombreuses, encouragées par les débouchés


productifs lucratifs dans l'industrie par exemple, le procédé Bessemer qui permet une
production massive d'acier (coke + fer) bon marché : métal souple et résistant.

De là découlent de multiples applications industrielles :

- rails de chemin de fer


- coques de navires en acier (1877),
- machines-outils (marteau-pilon, laminoirs, presses mécaniques…),
- locomotives, trains puis métros
- poutres acier pour la construction d’immeubles, gares, lieux d’expositions

Les machines sont de plus en plus grosses et efficaces ce qui permet aux entreprises
d’effectuer des économies d'échelle et de connaître une plus grande productivité
 ex : 200 hauts fourneaux en France produisent de la fonte en 1870 contre 80 en 1845
faisant passer la production de 4 millions à 14 millions de tonnes.

L'Etat soutient ces innovations en organisant des expositions et des salons qui
présentent ces progrès et les récompensent de prix (création des comices agricoles par
exemple sous Louis-Philippe). Par exemple, l’exposition universelle des produits de
l’agriculture, de l’industrie et des beaux-arts inaugurée par Napoléon III en 1855 à Paris
(p.114-115). Ces expositions internationales stimulent la compétition et l’innovation
internationale tout en servant la politique personnelle de l’Empereur.

Mais cette industrie demande des investissements importants car pour augmenter la
production il faut en avoir les moyens matériels et payer pour ces facteurs de productions :
bâ timents, machines, matières premières (pour la production et l’énergie utilisée), main
d’oeuvre.... Tous les entrepreneurs ne disposent pas de ces moyens et de nombreux petits
ateliers ne sont pas capables de se développer faute de financement, ce qui permet
l’apparition d’une concentration des moyens industriels au sein d’un groupe.

L'Etat encourage alors la naissance d'un capitalisme industriel : les détenteurs de


capitaux investissent dans des usines pour leur apporter les liquidités dont les dirigeants ont
besoin pour produire. Les bénéfices sont ensuite répartis entre actionnaires. La loi de 1867
favorise l'actionnariat en limitant la responsabilité et les risques de l'actionnaire à la valeur
du capital investi (Sociétés anonymes). Cela permet les entreprises audacieuses au risque
global élevé.

 Percement du canal de Suez par Lesseps soutenu par Napoléon III (financement – 200
millions de francs – soutien diplomatique auprès de l'Empire Ottoman).
 Construction des réseaux ferrés par des compagnies privées…

Naissance des sociétés par actions : Le capital de l'entreprise est divisé en actions, chacune
représente une part du capital, par exemple, une entreprise de 100 millions de francs de
capital émet 200 000 actions de 500 francs chacune. Ces actions sont accessible pour tous les
épargnants en fonction de leur fortune. (1 action = 1 voix au CA de l'entreprise + 1 part des
dividendes), ce qui ouvre à terme la possibilité de bâ tir des fortunes et de spéculer
uniquement par la vente et l’achat de titres boursiers.

Cela est complété par les banques de dépôts qui collectent les petites épargnes (Crédit
Lyonnais – Henry Germain. 1863) et les banques d'affaires comme le Crédit Mobilier des
frères Péreire en 1852.

L’Etat favorise également la conquête des débouchés extérieurs : Les industriels français
doivent exporter pour éviter une crise de surproduction : inadéquation entre les quantités
produites et celles vendues, on continue à produire en masse alors que les consommateurs
ont déjà acheté ce dont ils ont besoin. Il n’y a pas encore à l’époque de marketing destiné à
faire consommer au maximum, ni d’obsolescence programmée résolvant la question de la
surproduction.

Là encore l'Etat favorise le grand commerce :

- les traités de libre échange à partir de 1860 avec le RU puis d'autres Etats européens
(Belgique, Suisse...),
- le développement des compagnies maritimes (ex : Compagnie Générale Maritime
des frères Péreire en 1861 p.124-125),
- l'installation de câbles télégraphiques sous marins (1851 entre la France et
l'Angleterre) qui relient les principaux pô les économiques entre eux permettent de
favoriser la communication d’informations économiques.

Cela aboutit à unifier l'économie mondiale et à uniformiser les prix des produits, cô tés dans
des bourses de cotation internationales.

Enfin l’Etat lance un essai d’unification des marchés européens : pour favoriser les
échanges en Europe une union monétaire est conclue entre la France, la Belgique, l'Italie et la
Suisse rejoints par d'autres ultérieurement (une trentaine de pays y compris en Afrique et
Amérique) : l'Union latine. Cela permet la libre circulation des monnaies et une stabilité de
leur valeur favorable aux échanges commerciaux. Elle est limitée par l'accessibilité des
métaux précieux et le respect des règles du traité par les différents Etats membres.

II- Les mutations sociales sous l'action de l'Etat et de l'industrie

A- La modernisation du pays et la transformation des villes sous le


Second Empire.

1- Les campagnes.

Elles accueillent plus de 70 % de la population et connaissent d'importants changements avec


le phénomène d'industrialisation.

Certaines régions inhospitalières sont aménagées pour être exploitées. C'est le cas des
Landes, région sableuse et peu productive, couverts par des forêts de pins. Les campagnes
sont reliées aux bassins de consommation permettant des spécialisations productives
agricoles : spécialisation vinicole du midi relié par le train à Paris. Les rendements et la
surface agricole utile augmentent.

Un développement inégal : Le revenu agricole progresse ce qui enrichit certains


cultivateurs. Dans le même temps la misère agricole pour la masse est forte (forte croissance
démographique qui offre des bras nouveaux et développement des machines entrainent une
diminution des salaires et des terres disponibles pour les jeunes hommes). Par ailleurs, une
croissance inégale a lieu selon les régions : forte si des avantages comparatifs sont présents
ainsi qu’un accès aux transports vers les marchés (Languedoc , Normandie) ; faible sinon
(enclavement : Auvergne, Bretagne).

2- Les réseaux de transports.

Les routes sont plus nombreuses mais elles restent peu praticables (boue, pavés bruyants et
inconfortables). La technique d'empierrement des routes se développe depuis XVIIIe siècle et
progressivement le macadam qui en est l'amélioration (concassage de cailloutis) se répand à
son tour.
La voie ferrée connait une explosion dans les infrastructures et l’usage qui en est fait pour le
transport de pondéreux et de personnes, sur de courtes ou longues distances. Le nombre de
voies ferrées est multiplié par 3 entre 1852 et 1870 = 17 000 km. La ligne Paris-Lyon-
Marseille est inaugurée en 1857 : 14 heures Paris/Marseille au lieu de 8 jours ! Elle complète
des réseaux de canaux et l'aménagement de ports maritimes modernes (liaisons
transatlantiques comme Le Havre- New York en 1864 ou transméditerranée comme
Marseille-Alger en 1854, puis vers l’Asie par Suez).Le désenclavement du pays se fait en
faveur des vallées fluviales et des plaines littorales valorisables dans l’optique du commerce
national et international. Cependant les littoraux peu attractifs et montagnes sont à l’écart de
ces développements.

3- L'essor et la modernisation des villes.

Le Second Empire détruit les quartiers médiévaux des grandes villes françaises pour les
moderniser = plus de confort, plus d'habitants, de nouvelles fonctions, un meilleur contrô le
social.

Ce qui est vrai à Marseille, Lyon ou Lille l'est encore davantage à Paris : capitale politique dont
Napoléon III veut développer le rayonnement économique et culturel dans le monde.

Paris est agrandi en 1860 et gagne 8 arrondissements. Le préfet de la Seine, Georges


Eugène Haussmann, se voit confier la tâ che d'une modernisation en profondeur. Les vieux
quartiers sombres et insalubres sont rasés et remplacés par des immeubles alignés qui
respectent des normes esthétiques uniformes. Ces normes sont imposées aux constructeurs
depuis la hauteur jusqu’aux matériaux de parement. De grandes avenues rectilignes sont
tracées. Les grands magasins apparaissent (Le Bon Marché en 1852, le Printemps en 1863).
Mise en place des égouts (ingénieur Eugène Belgrand à partir de 1854) qui se déversent à
Clichy, en aval de Paris. Des gares sont construites (Gare du Nord 1865, Gare de Lyon 1855),
l'opéra Garnier commence à être construit sous le Second Empire également. Les cimetières
sont regroupés et déplacés pour limiter les risques sanitaires et les épidémies de choléra.

Ces changements importants aboutissent à la concentration des parisiens populaires vers


les arrondissements périphériques du Nord et de l'Est : les vents dominants y poussent
les fumées d'usines et de chauffage urbain. Ils sont rejoints par des néo citadins au début
de l’exode rural.

Sous le Second Empire la population urbaine passe de 24% à 35% et Paris double
presque sa population (2,5 millions en 1870).

B- - « Classes laborieuses, classes dangereuses  », la question sociale


sous le Second Empire.

La misère ouvrière concentrée dans les villes explique, en partie, l'instabilité politique
française de la première moitié du XIXe siècle. L'industrialisation et les mutations urbaines
aggravent la situation.

1- Le salariat se développe.
Les ouvriers qui étaient à leur compte ou dépendaient d'un donneur d'ordre fournisseur de
matières premières dans un atelier leur appartenant (artisanat) déclinent. La concurrence des
usines rend ce mode de production obsolète. Pour les ouvriers, souvent peu qualifiés
contrairement aux artisans, de nombreux problèmes peuvent se poser : chô mage, emploi
disqualifié dans les usines, salaires et conditions de travail misérables (12 à 14h /jour, sans
pension ni week-ends…).

Ces ouvriers forment un prolétariat urbain qui vit dans des villes inadaptées en 1850 :
habitats insalubres, pas d'eau courante, pas de chauffage, difficile accès à la nourriture,
maladies, insécurité (incendie et criminalité), violence... font craindre ces quartiers et
populations aux classes bourgeoises et à la classe moyenne. L’espérance de vie y est plus
basse.

 Prolétariat : définie par Karl Marx, il s’agit de la classe des travailleurs, souvent
pauvres et ne disposant pas des moyens de production sur lesquels ils travaillent. Ils
s’opposent dans le concept de la lutte des classes au patronat, classe sociale aisée qui
possède les moyens de production et de ce fait domine les travailleurs.

Les relations ouvriers / patrons changent avec la mise en place de la grande industrie.
Ignorance mutuelle et distinction sociale entre une masse pauvre et une élite fortunée très
éloignées l'une de l'autre se généralise de même qu’une forme de haine de classe et défiance
entre des groupes aux intérêts antagonistes. Les patrons craignent une révolte constante de
leurs travailleurs et les prolétaires reprochent leurs conditions de vie aux patrons.

La discipline imposée aux ouvriers est stricte puisque les classes dominantes ont peur du
« Rouge », le révolté, le gréviste. Les ouvriers sont soumis au livret ouvrier depuis 1803 pour
limiter leurs déplacements, astreints à 12 heures de travail par jour et des cadences rapides et
dangereuses.

2- Des intellectuels, écrivains et artistes s'intéressent à la question sociale en


France qui devient une question politique.

Frédéric La Play rend compte dans ses études sociologiques de la réalité ouvrières en Europe
dans les années 1850 ; scientifique, libérale et catholique il montre la misère sociale de ce
monde.

Des peintres réalistes comme Gustave Courbet avec les Casseurs de pierre (1849), les
cribleuses de blé ( 1855) , Honoré Daumier avec la troisième classe (vers 1862 – 1864). Des
romanciers et hommes politiques comme Victor Hugo (Discours sur la misère en 1849 devant
l'Assemblée nationale). Les artistes revendiquent leur représentation du quotidien des classes
travailleuses dans des toiles ou textes qui les valorisent, allant à l’encontre de l’art officiel,
célébrant les victoires politiques ou militaires ainsi que les dirigeants du pays.

Tout ceci contribue à une prise de conscience de la question politique que pose le problème
social.

3- Les premiers courants socialistes,

Dans les années 1820 avec Charles Fourier ou Saint-Simon, ces courants soulignent les
inégalités sociales engendrées par l'industrialisation et préconisent des réformes. Elles sont
appliquées par des patrons paternalistes dans leurs usines comme l'industriel Godin qui, à
partir de 1859, crée autour de son usine de Guise, le « familistère » pour offrir à ses employés
un cadre de vie agréable (logements confortables, accès à la culture, école). Il s’agit à la fois de
disposer d’ouvriers en bonne santé et productifs mais aussi d’éviter le mécontentement et les
mouvements sociaux qui nuiraient à la productivité.

Ces idées se radicalisent avec le développement de la grande industrie. Karl Marx et Friedric
Engels produisent un corpus d'idées lançant la théorie du socialisme marxiste : la lutte des
classes qui, à travers l'histoire, doit aboutir au triomphe de la classe ouvrière et la disparition
du capitalisme (dialectique historique). Avec le Manifeste du Parti Communiste, publié en
1848, cette idéologie va gagner de l’importance et va associer Socialisme et Communisme
jusqu’à la fin du XIXe siècle.

4- Les idées libérales.

La bourgeoisie prend conscience de son unité de classe, elle s'appuie sur l'idéologie libérale
qui consiste à « laisser faire » les agents économiques pour fixer les prix, les salaires et toutes
les conditions économiques. L’économie serait autorégulée par une « main invisible » (Adam
Smith) et les interventions humaines ne feraient que la ralentir. Les crises y seraient
nécessaires pour éliminer les entreprises les plus faibles. Le rô le de l'Etat se limite à garantir
le cadre des affaires : justice, sécurité. L’Etat ne doit pas entraver les échanges par des taxes
ou des droits de douane.

Elle vit de la captation de la plus value du travail ouvrier et justifie cette situation par la prise
de risque de ses investissements financiers. La rémunération du capital est la récompense de
l'esprit d'initiative et d'entreprendre. Si ces entrepreneurs s’enrichissent ils sont alors censés
faire ruisseler cette richesse en payant mieux les employés ou créant de l’emploi… ce qui peut
entrer en contradiction avec le système d’actionnariat où , pour augmenter les bénéfices
demandés par les actionnaires, il faut souvent limiter l’emploi ou les salaires.

Cependant il faut opérer une distinction entre la grande bourgeoisie (dynasties familiales
dans une sécurité matérielle totale, qui entretient des liens étroits avec les dirigeants
politiques) et la petite bourgeoisie (petits patrons, rentiers ; en insécurité économique selon
la conjoncture).

Ces bourgeois entendent se distinguer de la population par des codes vestimentaires,


leurs pratiques culturelles, l'accès aux loisirs et le début du tourisme de villégiature (bains de
mer ou débuts du tourisme montagnard). C'est un code de bienséance qui impose des règles,
parfois difficiles à suivre pour les petits bourgeois. Diffusion de ces modes de vie bourgeois à
d'autres catégories sociales comme les employés et corps intermédiaires se fait sans trop
tarder même si des formes de loisirs populaires demeurent (cabarets, bals populaires, sport,
théâ tre…).

L'Etat entretient des relations ambivalentes vis-à-vis des ouvriers. Le plus souvent il
défend les intérêts de classe de la bourgeoisie. Pour cela il applicaque des idées libérales,
réprime des ententes ouvrières (interdites depuis la loi Le Chapelier de 1791) et envoie
l'armée pour écraser les révoltes (juin 1848 par exemple)...

Cependant un constat est fait de la misère ouvrière et l’organisation du monde ouvrier de plus
en plus efficace (mutuelles ouvrières d'assurance, Association internationale des travailleurs
en 1864). Il y a une multiplication des grèves ouvrières (1862, 1864, 1869) pendant le 2d
Empire, la misère est relayée par les auteurs populaires, notamment Zola. Napoléon III
concède quelques avancées sociales telles qu’en 1864, la loi Emile Ollivier : les grèves
ouvrières sont autorisées.

Conclusion :

Les progrès industriels très rapides de la France sous le Second Empire marquent le début de
changements durables. Le monde rural, toujours dominant, commence à sortir de siècles
d'enclavement et d'archaïsme. Les transports, les machines permettent des gains de
productivité et le début de l'exode rural au profit des villes. Celles-ci, de même, connaissent
des changements importants. Coeur de l'activité industrielle, elles sont des vitrines du progrès
économique et social.

Néanmoins, ces changements entrainent des inégalités entre les territoires et entre les
individus. Les antagonismes de classes augmentent en même temps que les richesses. De
nouveaux privilégiés, les bourgeois, qui bénéficient pleinement du progrès et concentrent
tous les pouvoirs (politique, économique et culturel) entendent conserver leur position
sociale exclusive. Les revendications ouvrières sont difficilement entendues dans un système
politique non démocratique.

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