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Armand Colin

La croissance industrielle et urbaine de la porte d'Alsace


Author(s): Bernard Dézert and Jacqueline Beaujeu-Garnier
Source: Annales de Géographie, 80e Année, No. 439 (Mai-Juin 1971), pp. 353-356
Published by: Armand Colin
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/23447784
Accessed: 03-05-2021 22:08 UTC

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LES VILLES NOUVELLES FRANÇAISES 353

Les villes nouvelles françaises1

Des villes nouvelles, on en a construit un peu partout à travers le monde : soit


pour favoriser le développement industriel de régions rurales (U.R.S.S., Hongrie...),
soit pour créer de nouvelles capitales afin d'arbitrer les rivalités entre les villes exis
tantes et de créer de nouveaux pôles de croissance (Brasilia, Canberra, Chandigarh...),
soit surtout pour organiser la croissance des grandes villes.
La France avait un grand retard à cet égard. Ni les grands ensembles, ni les Z.U.P.,
ni même des villes comme Mourenx ne peuvent constituer des villes nouvelles, tant
il leur manque d'éléments parmi ceux qui contribuent à constituer une ville. Depuis
quelques années, exactement depuis 1965, date de la publication du schéma directeur
d'aménagement et d'urbanisme de la région de Paris, on a décidé de réaliser des villes
nouvelles pour orienter et organiser la croissance des grandes métropoles. Neuf
villes nouvelles sont aujourd'hui décidées : cinq en région parisienne (Cergy-Pontoise,
Évry, Trappes, vallée de la Marne, Melun-Sénart) et quatre en province : Lille-est
dans le Nord, L'Isle d'Abeau à l'est de Lyon, Fos dans la région de Marseille et
Le Vaudreuil, en amont de Rouen. On ne peut que saluer l'initiative d'Urbanisme
de consacrer un numéro spécial à ces projets, dont certains sont déjà en cours de
réalisation. Sept de ces villes sont présentées par leurs responsables (seules Sénart
et Fos ne figurent pas au sommaire). Le lecteur pourra y voir apparaître des caracté
ristiques communes, telle la volonté de réaliser des villes importantes, condition
apparue, à la lumière des expériences étrangères, comme nécessaire pour obtenir
de véritables villes, disposant d'une gamme variée d'emplois et d'équipements. Il
pourra aussi, au prix d'un examen attentif, déceler des différences de conception,
qui permettront à chacune de porter la marque de ses urbanistes, puis, selon le mot
de M. Paul Delouvrier, « d'acquérir une âme, son âme2 ».
La géographie trouvera dans ces projets des éléments très riches sur un des aspects
les plus importants de la géographie volontaire qui est en voie d'inscription sur le
sol : les villes de la fin du siècle.
Pierre Merlin.

La croissance industrielle et urbaine de la porte d'Alsace


par Bernard Dézert3

La thèse de Bernard Dézert est consacrée à cet espace-carrefour, à cette zone


de contact naguère étudiée par André Gibert, sous le nom de « La porte de Bourgogne
et d'Alsace » (1930).
Cette double appartenance qu'André Gibert n'avait pu arriver à départager,
Bernard Dézert la tranche résolument en faveur de l'Alsace. Il consacre 500 pages
extrêmement denses à l'étude de ce phénomène si particulier : une zone de passage

1. « Les villes nouvelles françaises », Urbanisme, 1969, n° 114, 66 p., phot., plans.
2. Préface de l'ouvrage : Les Villes nouvelles, par P. Merlin, Pans, P.U.F., 1969, 312 p., plans.
3. Bernard Dézert, La Croissance industrielle et urbaine de la porte d'Alsace. Essai géographique
sur la formation d'un espace régional, en fonction de l'attraction industrielle, Paris, Société d'Édition
d'Enseignement Supérieur, 1969, 520 p., 163 flg., 4 h.-t. couleurs.

ANN. DK &ÉOB. LXXXe ANNÉE 23

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354 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

devenue un morceau d'espace bien individualisé, dom


industrielles, où la firme Peugeot joue le rôle fondam
tants, une ouverture entre les Vosges et le Jura qu
Maîche au sud, Thann au nord et Ferrette à l'est, vit
trielle dynamique. Des firmes puissantes jouent un
l'élément caractéristique, exerçant une profonde inf
naux, et mérite de prendre la première place dans un
Bouleversant légèrement le plan de l'auteur, qui c
sentation générale de la région, il paraît important d
appeler «le ciment industriel» (cf. thèse p. 116 sq.)
est dominée par cinq grands groupes industriels, le
traitants : ils fournissent les 2/3 de la production i
les 4/5e de la main-d'œuvre. Parmi eux, Peugeot est
grande puissance financière privée conserve encore un
et la famille Peugeot joue un rôle important dans c
tériser de la manière suivante : 6 milliards d'invest
du Marché commun, 10e constructeur automobile e
mobile français, faisant vivre directement 140 000 p
60 kilomètres, grâce aux 35 000 employés. Une telle
tion presque séculaire : en 1886 Armand Peugeot, «u
l'automobile », lance l'affaire ; associé à Daimler, un
créer le premier moteur à pétrole, il construit une
qui sort des voitures ayant les caractéristiques de la v
à pétrole, les célèbres « pétroleuses ». La deuxième é
avec la création de la Société des automobiles Peu
usine est construite dans la plaine alluviale de Sochau
tares et emploie 9 000 personnes ; en 1938, elle sort 5
dont 1/3 vendu à l'étranger. En effet, au lendemain
l'essor se poursuit et, coordonnées par un siège so
tiplient.
La porte d'Alsace elle-même voit pousser, à côté du groupe Sochaux-Montbéliard
qui rassemble plus de 24 000 personnes, occupe 600 000 m2, mais manque de place
et de main-d'œuvre, un second groupe à Mulhouse depuis 1962. Celui-ci, installé
dans l'île Napoléon, à proximité du canal de Nifer, à grande section, rencontre des
conditions meilleures encore qu'à Sochaux (espace, main-d'œuvre abondante) et
emploie actuellement 2 800 personnes. Outre ces deux établissements, le groupe
Peugeot compte 6 autres implantations en France (Lille, Dijon, Saint-Étienne,
Vesoul, La Garenne-Colombes, entre autres). L'intégration verticale est étroite.
A côté de Peugeot, un certain nombre d'autres firmes jouent un rôle dynamique,
mais plus réduit : Alsthom à Belfort, La Société alsacienne de constructions mécaniques
à Mulhouse, le groupe Japy à Sochaux-Montbéliard, l'usine Bull à Belfort. Ces cinq
grands groupes industriels ont tous des caractères communs : importance nationale
et internationale, usines puissamment intégrées dépendant de chaînes importantes,
dynamiques, disposant de ramifications à l'étranger et travaillant en grande partie
pour l'exportation.
On connaît le cadre de ce développement : un passage de plaine entre les Vosges
et le Jura, la seule ouverture facile entre la France et les pays de l'Europe centrale
depuis le nord des Vosges jusqu'à la Méditerranée, et par conséquent un carrefour

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LA PORTE D'ALSACE 35S

de voies de communication (routes


mieux aménagé demain avec les p
est aussi une zone de contact entre
nique, un espace relativement priv
l'eau, et les ressources minières va
activités artisanales. Les échanges p
des capitaux, encore stimulée par le
Deux siècles d'histoire industriell
un milieu complexe. En 1929 exist
liardais, essentiellement métallurgiq
textile, et un groupe belfortain, à
des structures modernes ont, depu
libre par la concentration industrie
Quelles ont été les conséquences de
Démographiquement, la populat
naturel (60 p. 100) et par immigrati
breux. Un des traits les plus carac
dulaires : sur 24 000 ouvriers de P
qui vont jusqu'à 70 km de l'usine, et
[cf. carte p. 264). L'importance de l
pour la porte d'Alsace contre 36,8
tiaire est beaucoup jilus faible que d
le secteur primaire était, dès cette é
La vie industrielle intérieure est
de type traditionnel ferment ou se t
dans le textile (diminution de 65 p
dans la potasse, également, à Mulh
Peugeot mulhousien de trouver ra
firmes, au contraire, sont en expa
Thann, ou quelques usines décentra
de bâtiments modernes, de personn
(par exemple les produits pharmace
1 000 ouvriers). Seules subsistent o
posant de finances solides et d'un b
demande si l'on ne risque pas d'abou
disparition des activités non intégr
Le monde rural lui-même subit l'i
tion de la population agricole, quas
caractéristiques de la région, crise
de celles de plus de 50 hectares et
la demande urbaine (sélection du b
de lait...) et enfin conquête des terr
d'influence plus ou moins directe
jusque sur les pentes des Vosges et
Quant à l'urbanisation locale, elle n
cient, une croissance du tertiaire in
urbains, et surtout le manque d'une
locaux. La région est en quelque so

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356 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

L'auteur se demande alors si une capitale locale p


Mulhouse ? 199 000 habitants en 1968, mais « n'est ce
ni une ville moderne » (p. 470) ; son influence se heu
nord, au sud-est à Bâle, à l'ouest à Belfort-Montbéliard ; ces deux dernières sont
importantes par leur rôle économique et, l'attraction qu'elles exercent sur la main
d'œuvre, mais leur rôle commercial est beaucoup plus limité. Leur équipement ter
tiaire est insuffisant pour répondre aux besoins d'une population de plus de 200 000
âmes. Quant à Bâle, située hors des frontières françaises, elle s'intéresse plus à l'espace
voisin suisse ou à l'espace allemand, et mord très peu sur le Sud de l'Alsace. L'hypo
thèse d'une « regio basiliensis » internationale semble assez chimérique.
Ainsi résumée, cette thèse montre un remarquable apport dans deux domaines.
En géographie industrielle, elle rompt résolument avec une conception souvent
trop statistique et technique. L'industrie décrite par Bernard Dézert est solidement
implantée dans un milieu physique et parmi des sociétés humaines. L'auteur démonte
des mécanismes et analyse des situations avec un luxe de détails et de précisions que
bien peu d'autres géographes ont atteint, avant lui, dans le domaine industriel. Il a
donné de nombreuses indications financières et fait, en particulier, une carte de l'ori
gine des capitaux dans la région qui est probablement la seule de ce type qui existe
dans la géographie française.
Le second grand mérite de ce travail est d'insister fortement sur le rôle du facteur
industriel dans l'organisation de l'espace régional (cf. p. 69). La démonstration des
éléments positifs et des obstacles qu'ils rencontrent est remarquable. Quelles sont
les forces intégrantes ? Le recrutement des travailleurs, qui aboutit au renforcement
de certaines densités, à la circulation convergente de grands flux de migrants pendu
laires, la diffusion de pouvoirs d'achat par le biais des salaires, des gains accrus des
migrants quotidiens, alors que disparaissent les ouvriers-paysans, et la montée de
besoins nouveaux qui engendrent une profonde transformation des spéculations
rurales, tandis que les prolongements urbains grignotent les campagnes ; la progression
de cette urbanisation galopante, qui non seulement s'étale autour des trois grandes
agglomérations, mais s'implante dans presque toutes les communes, soit voisines,
soit bien reliées par route ou voie ferrée avec les zones d'appel industrielles... Et pour
tant, il manque à cette aire d'influence diffuse un équipement tertiaire suffisant, un
véritable centre-métropole : « L'armature urbaine est inadaptée » ; les « relations
internes et externes » sont insuffisantes. L'auteur est donc amené, en conclusion, à
mettre l'accent sur les nécessités d'un aménagement rationnel du territoire dans cette
zone. Il faudrait créer, susciter, ou améliorer un pouvoir urbain suffisamment effi
cace. Cette conclusion, qui est aussi un appel, sera-t-elle entendue ? Ce serait certai
nement la meilleure récompense et la meilleure réponse à donner à une thèse qui,
par ses méthodes comme par ses conclusions, s'impose au tout premier rang de la
recherche géographique de ces dernières années.

Jacqueline Beaujeu-Garnier.

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