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bra.marrakchi@gmail.com
Enseignant-chercheur, Faculté des Sciences Juridiques, Économiques
et Sociales de Tanger. Université Abdelmalek Essâadi. Maroc.
Équipe de Recherche sur la Gouvernance Territoriale et le
Développement Durable.
Résumé :
L’objet de cet article est d’aborder et expliquer les facteurs et les éléments spatiaux qui ont
accordé à la zone de "Castilla" à Tanger sa forme actuelle ; notamment sa spécialisation en
entretien et réparation des véhicules. Ce type d’activité nuisible et dangereux pose énormes
défis urbains.
Resumen:
El objetivo de este artículo es abordar y explicar los factores y los elementos espaciales que
han acordado la zona de “Castilla” en Tánger su forma actual; sobre todo su especialidad en
mantenimiento e reparación de los vehículos. Este tipo de actividad perjudicial y peligrosa
pone enormes desafíos urbanos.
Abstract:
The purpose of this article is to discuss and explain the factors and spatial elements that have
given the zone of “Castilla” in Tangier its present form; including its specialization in vehicle
maintenance and repair. This type of harmful and dangerous activity poses enormous urban
challenges.
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Les villes, comme un « concept interprétatif » (RÉMY et al., 1992 :7), sont des lieux qui
maximisent les interactions intra et extra-muros. Elles sont en fait des structures dynamiques
marquées par des phénomènes liés à la localisation, la production, la distribution et la
consommation dans l’espace. Il s’agit, à ce titre, d’identifier et de comprendre la logique
derrière la spatialisation des activités économiques (ROUZIER, 1993).
Dans ce contexte, la relation entre l’espace et les activités économiques est porteuse de
plusieurs phénomènes liés aux économies d’agglomération. Celles-ci, influent sur les niveaux
de la compétitivité et modifient les choix de localisation.
À cet égard, notre but est d’aborder certaines questions relatives à la localisation des activités
économiques, spécialement les garages de mécanique. Pour ce faire, nous avons choisi l’unité
spatiale de "Castilla" à Tanger. D’ailleurs, cette ville est découpée en 4 arrondissements :
"Médina" (58 Km²), "Souani" (10,5 Km²), "Mghogha" (25 Km²) et "Béni-Makada" (36 Km²).
La zone d’étude se situe à l’arrondissement de "Médina", et sa superficie à peine voisine le
0,7 km².
Dès les prémices de cet article, on doit mentionner que sur papier "Castilla" n’a aucune
reconnaissance par l’adressage officiel mené par la Commune ; elle est usuellement utilisée
par la population. Toutefois, cette dénomination figure aussi dans l’adressage de la Poste et
des agences bancaires.
À vrai dire, Tanger est transposée dans cet essai de « la ville dans l’espace à la ville comme
espace » (RACINE, 1996 : 213). Dit autrement, cela signifie que la ville du Détroit est
considérée comme un territoire non discriminant. Selon cette perspective, Tanger est un
espace « de coordination entre acteurs (…) poursuivant des objectifs différents mais
congruents » (COLLETIFS, 2008 : 181).
Par cette recherche également nous essayerons de découvrir l’influence que porte ce territoire
sur le niveau de compétitivité entre les garages de mécanique, et leurs choix de localisation.
En effet, l’analyse de la concentration des activités liées à l’entretien et à la réparation des
véhicules à "Castilla" montrera que l’étalement urbain à Tanger a eu une influence
remarquable sur les comportements spatiaux des agents économiques. Autrement dit, cette
localisation a eu des répercussions multiples sur les structures spatiales composées
essentiellement par des entités sociales et démographiques complexes.
Pour réaliser cette étude, nous avons surmonté deux obstacles. Le premier est relatif à
l’absence de différents travaux de recherche sur la zone d’étude. Nous avons comblé ce déficit
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par une enquête de terrain et par une série des entretiens individuels avec des personnages
(espagnols et marocains) ayant vécu ou travaillé à "Castilla" durant la période 1940-1970.* Le
deuxième obstacle est relatif au statut des garages de mécanique. Ils sont majoritairement des
unités de petite taille constituant la base de la vie sociale d’une partie non négligeable de la
communauté. Donc, ils sont complexes à étudier, puisqu’ils sont méfiants aux facteurs
extérieurs. Pour gagner leur confiance il faillait consommer beaucoup de temps pour établir
un mode de communication à la fois simple et crédible, sans déduire ou menacer leurs
intérêts. À cet égard, une citation s’impose : « la complexité de la société s’y retrouve et parce
qu’elle résulte déjà d’une combinatoire de principes spatiaux élémentaires » (LUSAULT,
2007 : 89).
Découvrir l’origine de la nomination de la zone est le premier pas pour dévoiler les
mécanismes qui sont derrières la forte concentration des activités d’entretien et de réparation
des véhicules. D’où vient le mot de "Castilla" ? Quel rôle pour les accidents historiques ? Les
économies d’agglomération sont-elles suffisantes pour expliquer la forte concentration des
garages de mécanique ? Comment "Castilla" a passé de la concentration à la saturation, puis à
la dispersion ? Et pour quelles raisons des centres secondaires ont-ils surgi ?
*
La réalisation de cette étude a été également poussée par la motivation du chercheur qui natif de "Castilla" (3 ème
génération).
1
Statut établi à Tanger entre 1923 et 1956 sur une superficie de 373 km².
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INIMEX. En fait, cette zone, en sa totalité, est considérée comme l’une des périphéries de la
ville.
2
Photos n°1 : Zone de "Castilla" au début de 1947
2
Source : Page web "tangerjabibi", http://www.tangerjabibi.com/industria_inimex.htm (consultée le 20 février
2011). La page n’existe plus depuis 2015.
3
Dont la famille de ma grande mère maternelle.
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3. Début de la concentration
Le rôle de la société INIMEX est crucial dans l’émergence des activités liées à la réparation et
l’entretien des véhicules à "Castilla". Son atelier entra en activité depuis 1950 ; quelques
années après d’autres ateliers ont surgi. Le métier et le savoir-faire était principalement italien
et espagnol, à côté, tout près de "Castilla", d’un seul marocain surnommé "Mucho" (le célèbre
garage Mucho). En 1961, un marocain d’origine rifain, après avoir acquis le métier chez un
espagnol, a décidé d’ouvrir son atelier au cœur de "Castilla" (garage Daoudi), et entra en
concurrence avec les ateliers qui y existent.
En paire avec cet étalement urbain, la zone d’étude a manifesté une grande tendance vers la
spécialisation des activités liées à l’entretien des véhicules, mais aussi à la commercialisation
des produits de sanitaire et de construction.6 En fait, la croissance de ces activités s’est
4
Le dépôt existe encore à la croisée de la rue Cadi Ayad avec la rue de Fès.
5
Localisation actuelle : Immeuble n°8, rue Cadia Ayad.
6
Veuillez consulter l’annexe n°1.
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Il s’agit d’un processus collectif et aléatoire où les "accidents historiques" et les "petits
évènements" (1) sont des facteurs qui ont poussé à une concentration élevée des activités liées
à l’entretien des véhicules. Le rôle des économies d’agglomération n’est que le résultat et le
constat des interactions entre les garages de mécaniques (2).
7
Le dépôt se trouvait à l’époque au rue de Fès, n°174. Il existe encore à la croisée de la rue Cadi Ayad avec la
partie d’extrême sud de la rue de Fès.
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liées à la réparation des véhicules et à la vente des produits de sanitaire suivraient un parcours
différent. En fait, INIMEX a rempli une panoplie divergente des activités : la construction, la
vente et la location des matériaux de construction et des accessoires de bricolage, la
production de céramiques, l’importation de bois, la réparation des véhicules et la
représentation des marques (automobiles et des camions). Parmi ces marques figuraient
"Austin Motor Corporation". La société disposa également d’une autre antenne à Fès.
Cet évènement historique a accordé à "Castilla" l’image d’une zone spécialisée dans ce
domaine et qui assure des services à la fois avec une grande qualité et un prix concurrentiel.
Cette image est transmise et renforcée de génération en génération. Malgré que les activités
d’INIMEX soient cessées trois ans après l’indépendance du Maroc, d’autres garages de
mécaniques et d’autres commerçants des matériaux et accessoires de construction se sont
installés pour y profiter des économies d’agglomération créées par INIMEX.
taille du marché ;
d’agglomération ; et que les dynamiques des échanges ont une logique d’agglomération
(KRUGMAN, 1991). Paul Krugman parle dans un contexte différent d’une localisation issue
d’un processus de causalité circulaire et cumulative. D’ailleurs, ce concept est important pour
mieux comprendre la formation des inégalités territoriales.
Dans ce cadre logique, les premiers garages de mécanique ont encouragé le développement
d’un processus d’apprentissage interactionniste qui accorda, comme nous l’avons déjà
mentionné, à la zone progressivement une réputation en cette matière. Ils ont du surcroît
transmis le savoir-faire du métier aux apprentis marocains.8 En outre, la localisation de ces
activités nuisibles s’accorde avec les normes d’aménagement, puisque "Castilla" était encore
une zone périphérique enregistrant une faible densité urbaine.
Aujourd’hui, les activités liées à l’entretien des véhicules localisées au "Castilla" sont de
nature différente. En fait, la zone offre aux clients qui viennent pour réparer leurs véhicules
tout un service complet :
Lavage-auto.
Dépannage.
Auto-école.
Au total, elles sont 140 activités liées aux véhicules (neufs ou d’occasions) localisées dans
cette zone sélectionnée. Pour autant, la réparation et l’entretien de véhicules accaparent un
pourcentage de 51,5%, tandis que le commerce d’équipements et des pièces automobiles
arrive en deuxième position avec 28,5%. Pour autant, l’ensemble de ces activités liées aux
véhicules représentent 38,5% de toutes les branches d’activités localisées à "Castilla".
8
Dans cette catégorie nous soulignons également le garage de "José Parres", l’un des premiers garages de
mécaniques à s’installer à Tanger (1936) non loin de "Castilla" au rue de Fès, n°77.
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D’après l’enquête que nous avons effectuée 69% des familles à "Castilla" comptent au moins un membre
affecté par une maladie respiratoire et/ou l’hypertension.
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Occupation intensive des trottoirs et des voies publiques qui coulent vers la partie Sud
de la rue de Fès.
Congestion urbaine.
Saturation de la zone.
En fait, 85,5% des entretiens des véhicules s’effectuent sur les voies publiques. Il est tout à
fait concevable que cette concentration n’est pas porteuse d’avantages pour toutes les
composantes du territoire. Certes, "Castilla" est aujourd’hui un lieu majeur de concentration
des garages de mécaniques, mais marqué par des inégalités environnementales qui affectent
négativement une catégorie fragile de résidents. C’est ce que certains chercheurs ont qualifié
par le paradoxe de la localisation (PILON, 2007 : p.11-13).
Ces inégalités sont de plus en plus palpables. Les villes « sont donc à la fois le moteur de
l’économie et le signe de ses dérèglements » (LOROT, 2001 : 476) qui se manifestent par la
marginalité et l’exclusion d’une partie du territoire (MARRAKCHI, 2007 : 80).
Bref, ces dynamiques montrent que l’inanité des effets de la concentration des garages de
mécanique n’y existe pas. À contrario, cette concentration a entraîné la création d’un véritable
centre de gravité à "Castilla" ; mais peu compatible avec le développement durable.
D’ailleurs, « nombreux sont ceux qui voient dans l’étalement urbain l’antithèse de tout
principe de développement durable » (BARCELO, 2004 : 16).
En tout cas, l’étalement urbain a été toujours un défi pour le développement durable
(AGUEJDAD, 2009 : 48-49). Dans notre cas d’étude, cet étalement s’est accompagné, depuis
les années 1990, par une modification de l’occupation du sol et par la pollution (rejets de CO2,
odeurs, bruit). Ces facteurs soulevés ci-dessus ont poussé une partie des activités liées à
l’entretien des véhicules à se diffuser vers les zones les plus proches. Comment ce processus a
conduit finalement à l’émergence de nouveaux centres secondaires ?
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10 minutes de centre-ville.
10 minutes du souk de "Casa Barata" (pour faire connaitre les nouveaux lubrifiants).
Néanmoins, la demande est devenue accrue face à une occupation intensive des locaux. Si la
rareté et le besoin accru mènent à l’augmentation de la rente foncière, les prix du m2 à
"Castilla" ont suivi un trend haussier. C’est ainsi que pour acheter un local de 45 m² le prix
oscille entre 2,5 et les 3 millions de DH.Ce constat a poussé certains ateliers à se localiser
dans les environs de Castilla. Donc, des centres secondaires ont commencé à se développer ;
mais ils ont resté strictement en arrière par rapport au centre principal. Comme une tâche
d’huile, les garages de mécanique se sont diffusés spatialement à partir du cœur de "Castilla".
Au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre, la concentration des activités devient de plus en
plus faible. C’est ainsi par exemple que la concentration est relativement forte à "Lala
Chafia", relativement moins au "Souani" (à l’exception de la place 20 août) ; encore plus
faible dans la zone du "Val Fleuri", et ainsi de suite.Grâce à son histoire, sa spécialité et son
accumulation des savoir-faire "Castilla" reste le cœur ou le noyau de toutes les activités
d’entretien et de réparation des véhicules à Tanger. Si par exemple un atelier ne parvient pas à
trouver la solution, il demande au client de rejoindre l’un des ateliers de "Castilla" ; idem
pour les pièces autos, etc. Cette forme de diffusion spatiale peut être schématisée comme suit :
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Figure 1 : Places centrales des activités liées à la réparation des véhicules à Tanger
Donc, les centres secondaires se situent à "Lalla Chafia" (0,5 km de "Castilla"), "Souani" (0,6
km de "Castilla") et "Ben Dibane" (2,6 km de "Castilla"). Ils sont aussi entourés par des
centres de taille inférieure rendant des services moins sophistiqués. À cause des accidents
historiques, ces centres secondaires sont fortement interconnectés avec le centre principal. En
plus, plusieurs chefs d’ateliers de ces centres ont été des apprentis à "Castilla".
Ce schéma postule qu’au sein de l’agglomération tangéroise les activités d’entretien et de
réparation des véhicules se localisent de façon concentrée dans des places centrales
hiérarchisées. Néanmoins, "Castilla" demeure le centre principal grâce à son histoire, sa
grande spécialité et les externalités de connaissances qu’il diffuse.
Conclusion
En somme, la localisation des activités liées à l’entretien et la réparation des véhicules n’est
que le résultat de la combinaison entre des forces centrifuges et des forces centripètes. Les
garages de mécanique déterminent leurs choix de localisation en fonction du résultat de cette
comparaison. Si "Castilla" est le centre majeur ces activités c’est grâce à certains accidents
historiques, où la première présence de la société INIMEX a joué un rôle déterminent. Mais,
l’hétérogénéité du territoire et des techniques a aussi un rôle important. Comment ?
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Figure inspirée de la théorie des places centrales de Walter Christaller.
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En effet, la concentration des activités à "Castilla" est de deux types. La première, c’est la
concentration du même secteur d’activité (garages de mécanique). Ce type de concentration
profite d’un bassin d’emploi généré par l’accumulation du capital humain, des marchés locaux
de biens et services intermédiaires, des réseaux d’information, etc. La deuxième, c’est la
concentration des secteurs d’activité divergents.11 Ce type de concentration profite de la
proximité des fournisseurs et des clients permettant de réduire les coûts de transport.
La prise en considération de tous ces éléments apporte une véritable compréhension de la
localisation de ce type d’activités à "Castilla".
Dernier point à soulever, le projet "Tanger métropole"12 prévoit dans un axe la délocalisation
des garages de mécanique de "Castilla" vers l’entrée de la ville. Cependant, cette décision a
été prise d’une façon unilatérale, sans étude préalable, sans planning et sans prendre en
considération les intérêts de mécaniciens, ainsi que les autres activités qui assurent des
services complémentaires.
11
Veuillez consulter l’annexe n°1.
12
Projet de rénovation urbaine (2013-2017), représente 7663 milliards de dirhams (676 millions d’euro). Il
concerne des aspects liés à la logistique, les équipements, le socio-culturel, l’économie et la protection de
l’environnement.
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Références bibliographiques
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Thèses
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