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Sabine MALEBRANCHE 1
Novembre 2000
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Responsable académique du programme de maîtrise en développement urbain et régional au
Centre de techniques de planification et d’économie appliquée (CTPEA). Aussi, architecte-
urbanisme, professeur-chercheur au CTPEA, à l’Université Quisqueya et à l’Université d’État
d’Haïti.
Table des matières
Résumé ......................................................................................................................i
Introduction ................................................................................................................1
Port-au-Prince : évolution de la forme urbaine et pratiques urbaines ..............................3
L’occupation française : le contexte urbain et les différentes étapes de la
colonisation .........................................................................................................3
La Fondation de la ville de Port-au-Prince.............................................................4
Si les centres sont réorganisés et remodelés dans les pays industrialisés, dans
les pays en développement la problématique est toute autre. Les centres
historiques des pays du Tiers-Monde sous l’effet de fortes centralités
contradictoires et inorganisées sont l’objet de tensions sociales, voués à
l’anarchie et soumis à une grande détérioration. En effet, les centralités se
définissent par la mixité anarchique des usages et des fonctions, la
fragmentation du tissu urbain, la précarisation du cadre bâti et du patrimoine
architectural et la dégradation progressive de la qualité de la vie en milieu urbain.
Cette recherche sera basée sur une étude de l’habitat de certains quartiers du
centre historique de Port-au-Prince, la dynamique des marchés urbains formels
et informels et, les différentes pratiques spatiales des populations qui vivent ce
centre au quotidien. L’enquête a été réalisée dans les quartiers caractéristiques
ou constitutifs du centre historique de Port-au-Prince : le Bel Air (quartier de la
Cathédrale ou zone Cathédrale), le Morne-à-Tuf, les cités, Saint-Martin, la zone
du Bas-Peu-de-Chose (place Jérémie) et dans l’hypercentre ou centre
commercial de Port-au-Prince. Deux cent quatre vingt (280) ménages en
constituent l’échantillonnage sur Port-au-Prince et sa région métropolitaine (la
région métropolitaine de Port-au-Prince comprend les localités de Pétion-Ville,
Delmas, Carrefour, Croix-des-Bouquets et Kenscoff).
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base et le mode d’utilisation et de gestion de l’espace urbain par les populations
urbaines des quartiers du centre historique.
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européennes rivales qui croisent dans les environs. L’autorité coloniale s’étend
en implantant et structurant ses organismes de contrôle (maréchaussée,
administration, armée, fortifications) dans les différents quartiers qui seront
érigés en paroisses.
Aussi, les villes seront-elles avant tout, des espaces ou des centres de
commerce et d’échange et aussi des postes stratégiques et militaires.
Cette position centrale est aussi une position stratégique devant permettre de
résister aux invasions ou aux éventuelles attaques venant des autres puissances
européennes rivales. Les fonctions essentielles de la nouvelle capitale avaient
été définies en effet dans le décret du roi Louis XV de novembre 1749. Ce décret
stipulait que la ville avait pour fonction essentielle :
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Le tracé de la ville coloniale et la structure urbaine
Les villes, conçues en métropole, seront édifiées suivant un plan en damier,
correspondant à l’évolution des idées de la Renaissance française, et offrant
l’avantage de permettre la répartition des lots de terrains en secteurs différenciés
et la construction de blocs réguliers, convenablement orientés.
Toutes les villes ont une place principale, la place d’Armes ou place Royale,
obtenue par l’ablation d’un ou de quatre îlots de la trame. Elle jouxte toujours
l’église et sert parfois de marché des vivres. La fonction principale de commerce
fait que l’on ne retrouve aucun élément monumental, comme dans les autres
villes de l’Amérique espagnole. Tout semble être réalisé avec économie, le gros
de la fortune réalisée étant transféré en France. Le tracé de la ville coloniale
traduit donc dans l’espace les privilèges de la métropole. À la fois ville
marchande de commerce et d’échanges, Port-au-Prince sera également une ville
de contrôle, d’administration et militaire.
La ville marchande
La ville marchande aura un tracé en échiquier, tracé devant faciliter d’une part
l’entreposage de marchandises et leur écoulement rapide, d’autre part devant
faciliter des interventions militaires et stratégiques. Ce tracé était également
agrémenté d’une «place d’armes» à l’entrée de la ville. Les rues principales
partent de la «place d’armes» face à l’entrée de la ville.
5
La ville royale
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commencé à exister en tant que «centre» ou «cœur» de la ville avec l’activation
du port, l’établissement des agents consignataires français et allemands au bord
de mer et l’implantation des levantins dans les commerces de la place.
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de Belladère et la cité de l’Exposition Internationale du Bicentenaire de Port-au-
Prince (actuel Front de Mer de Port-au-Prince). Le général Paul Magloire, à son
tour, construira la Cité Militaire, la Cité Magloire no 1 et la Cité Magloire no 2.
Entre 1957 et 1966, durant les premières années qui ont suivi l’avènement de
François Duvalier au pouvoir, les migrations vers la capitale et vers l’étranger se
sont accentuées. De plus, afin d’établir un contrôle policier, le plus strict possible
sur la population, et en vue d’asseoir son pouvoir totalitaire et dictatorial, tous les
ports des villes de l’intérieur avaient été fermés au commerce international. Le
port et l’aéroport de Port-au-Prince devaient désormais desservir le pays tout
entier. La rotation du commerce s’en trouve accélérée avec la capitale et, avec
elle, les premières migrations vers la capitale.
Par ailleurs, à des fins de démonstrations politiques, plusieurs fois par année,
des dizaines de milliers de paysans et de paysannes étaient déversés à la
capitale par des centaines de camions venus de tous les coins du pays. Les
chômeurs des campagnes trouvaient l’opportunité de tenter leur chance à la
capitale à la recherche d’une embauche, édifiant des bidonvilles et s’installant
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dans les rues incitant ainsi l’éclosion des premiers commerces marginaux
informels.
Ces derniers ont eu tendance à s’installer sur les trottoirs en débordant les aires
de marchés d’abord (marché Vallières, marché Salomon, marché de la Croix-
des-Bossales) et plus tard, surtout après 1986, sans plus aucune contrainte, à
même les rues du centre historiques et jusque sur les places publiques (place
Sainte-Anne, place Carl-Brouard, place de la Cathédrale).
Dans la période comprise entre 1950 et 1970, des portions de l’habitat urbain du
centre-ville se sont graduellement détériorées, ce type d’informalité représente
24 % de l’aire informelle totale de Port-au-Prince (CLED/ILD:2000).
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commerce traditionnels, désertent les étages et les cours du centre-ville pour
aller se loger dans les hauteurs, cédant la place à des entrepôts, quand ils ne
déménagent pas totalement les lieux.
Il faut ajouter qu’une étude sur la typologie des situations informelles a mis en
exergue qu’à partir de 1986, vingt % de l’aire informelle totale de Port-au-Prince
est essentiellement constituée de terrains de l’État occupés de facto. À partir de
1990, deux % de l’aire informelle de Port-au-Prince est constituée de terrains
privés occupés de facto (CLED/ILD:2000). Port-au-Prince avec un taux
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d’accroissement annuel de 6,6 % a triplé de population en 20 ans. Cet
accroissement de population a eu comme conséquence l’occupation massive
des terrains de l’État et privés ainsi que l’accélération du processus informel de
la propriété urbaine entre 1991 et 1994.
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Les axes structurants de la composition urbaine
Il a été signalé que l’accès aux installations sanitaires pour les commerçants de
la rue se présentait de la façon suivante : 34 % des commerçants de la rue
habitent dans les alentours et utilisent leurs propres toilettes; 20 % d’entre eux se
rendent chez des particuliers ou dans des bureaux publics pour avoir accès à
une toilette. De plus, les enquêtés rapportent que 13 % bénéficient de relations
d’amitié stable pour satisfaire leurs besoins physiologiques.
Une bonne section de la rue des Casernes est truffée de corridors où pullulent
des petits entrepôts de stockage des pièces de récupération des démolisseurs
de voitures. Ces corridors sont à la fois des lieux d’aisance à ciel ouvert pour
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environ 8 % des mécaniciens d’occasion et des commerçants du secteur
informel. Les autres paient entre deux et cinq gourdes à des propriétaires de
toilettes privées.
La rue Bonne Foi (rue Martelly-Séide) : liaison place de la Cathédrale/ Front de Mer
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À cette typologie particulière identifiée le long de la rue Bonne Foi, s’ajoute un
usage très spécifique, celui de la vente de livres usagés et de livres neufs en
prolongement des activités traditionnelles formelles existantes, c’est-à-dire les
librairies dont le nombre est très important le long de certains îlots de la rue
Bonne Foi.
Cette rue a une position particulière et privilégiée dans la trame urbaine à cause
de sa situation «centrale» dans le centre historique. Elle relie la place de l’Autel
de la Patrie au Front de Mer de Port-au-Prince. Là encore, on retrouve un
commerce informel basé sur la vente de produits manufacturés (télévision,
accessoires divers et variés pour maison, pneus usagés, pièces usagées de
voiture, démolisseurs de véhicules accidentés, etc.).
Certains trottoirs sont récupérés par des propriétaires des édifices attenants à
ces activités. Un repère de poids sur cet axe est le mur du Pénitencier National
(datant de la colonie). Le reste des îlots arrivant jusqu’au boulevard Jean-
Jacques-Dessalines se caractérise essentiellement par des occupations
informelles de type «manje kuit».
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activités commerciales informelles liées aux activités de garagistes, de
réparation de véhicules ou de vente de pièces automobiles.
Il existe donc une dynamique et une vitalité urbaines qui transforment la réalité
urbaine du centre historique et configure les milieux urbains. Mais cette
dynamique a généré de nouvelles structures urbaines hors norme. La
multifonctionalité urbaine est source de conflits et génère, en réalité, l’apparition
et «l’installation» d’activités de plus en plus non intégrables. Donc, l’habitat du
centre historique est un habitat saturé, dégradé, soumis aux contradictions
générées par l’accélération de l’informel dans la ville de Port-au-Prince.
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Les caractéristiques socio-économiques et physico-spatiales du déclin
du centre historique de Port-au-Prince
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Les réseaux de voirie et de circulation
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L'absence d'un système d'assainissement de la ville
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la qualité de vie et les conditions de vie à Port-au-Prince se sont considéra-
blement dégradées jusqu’à atteindre un niveau de sous-humanité.
Le concept de qualité de vie se définit à partir des paramètres tels que la santé
de la population, le niveau de salubrité et d'hygiène du milieu ambiant (qualité de
l'air, odeurs, bruits, le drainage des eaux usées, etc.), les effets combinés de la
croissance des villes sur l'atmosphère, l'eau, le sol, les forêts, ou les déchets, sur
la qualité globale de l'environnement.
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Des enquêtes et des travaux de terrain (Commission 250e anniversaire de la ville
de Port-au-Prince: 1998) ont mis en évidence que la plus grande place de la ville
de Port-au-Prince, la place du Champ-de-Mars (360 000 m2) regroupe des
activités informelles allant du lavage des automobiles à la vente de «manje kuit»,
des boissons et de livres d'occasion.
On admettra que d'une manière générale, il ne s'agit pas d'avoir des politiques
urbaines d'exclusion systématique des activités informelles. On estime qu'envi-
ron 75 % des emplois urbains à Port-au-Prince sont informels. Ces activités
constituent une démarche productive de survie, par une multitude d'investis-
sements personnels dans les services, l'artisanat et les arts face aux
concurrences du marché du travail. Il faut donc penser à leur intégration de
manière objective et inciter à leur formalisation graduelle.
20
La qualité des infrastructures de service
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des quartiers où leur vie et leur santé sont constamment menacés par l'absence
d'une distribution d'eau salubre en quantité suffisante, d'installations sanitaires,
d'évacuation des déchets solides et liquides (...)».
Sur les 319 400 logements informels identifiés dans les quatre grandes villes du
pays, Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Les Cayes et Les Gonaives, Port-au-Prince
regroupe 82 % de ce stock de logements, soit 263 100 logements (CLED/ILD :
2000). Cinquante-trois pourcent de ces logements, soit 139 300 sont localisés
dans les ravines, 39 %, soit 10 200 dans les collines, 5 %, soit 12 000 dans le
centre-ville détérioré et 3 %, soit 9 600 dans les marécages (CLED/ILD : 2000).
Le stock total de quartiers d’établissements informels répertoriés dans les quatre
principales villes a été estimé à 2 025 milliards de dollars au coût de
remplacement : 89 % de ce stock de logements dans la zone métropolitaine
compte pour ce total (CLED/ILD: 2000).
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L' insalubrité du milieu ambiant
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Le deuxième élément important à signaler en ce qui a trait à la qualité du
transport est qu'il n'existe pas de parcours pré-établis ou fixés par type de
transporteurs. Les poids lourds, les véhicules transportant des déchets solides
ou liquides au site de décharges n'ont pas de parcours assignés. Ils circulent
dans les quartiers résidentiels et près des hôpitaux sans aucune forme de
protection pour l'environnement. À cela, il faut ajouter que les horaires de
livraison pour les transports de marchandises ne sont pas planifiés.
Il est à signaler également qu'il n'existe pas de normes par rapport au type de
transporteur : les transporteurs scolaires ne sont pas adaptés à la fonction des
véhicules. Il en est de même pour les taxis et les bus. S'il existe un standard par
exemple au niveau du transport public au centre-ville, c'est le tap-tap. On peut
dire qu'il s'agit là d'un standard spontané. Aucune étude n'est faite pour mettre
en évidence le standard optimal.
On observe par ailleurs, que les lieux de stationnement assignés aux véhicules
qui assurent le transport interurbain ne sont pas des gares routières. En effet, il
s'agit de lieux choisis arbitrairement, sans aucune structure physique appropriée,
le long des artères principales. Autour de ces espaces vitaux d'échanges,
viennent se greffer les éléments essentiels aux voyageurs (marchandes de
«manje kuit», confiserie, boissons, pâtés et tout le commerce informel). Il en
résulte un encombrement permanent des circuits de transport au voisinage de
ces lieux de stationnement.
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L’utilisation des vides urbains à Port-au-Prince
Les terrains vagues, les espaces vacants dans les quartiers résidentiels ou le
centre-ville sont des espaces négatifs, des espaces refuges, sans contrôle, qui
transmettent aussi des images de vacuité sociale et spatiale, de biens collectifs
mal gérés, et de la mauvaise qualité de vie dans la ville.
Faudra-t-il rappeler que la lecture des paysages dans la ville est aussi la lecture
de l'histoire et du degré d’évolution économique et sociale des sociétés ?
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Définir un cadre théorique pour les interventions de consolidation
urbaine
Pourquoi consolider ?
Notre hypothèse est de considérer le fait que la ville de Port-au-Prince est un
espace constitué de fragments ou quartiers autonomes qui, à la fois, se
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complètent et se repoussent. Les interventions de consolidation de son centre
historique devra permettre de regénérer la forme urbaine en tenant compte des
spécificités et des particularités de chaque quartier.
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Le renforcement des centralités existantes
En effet, ces travaux ont créé un mouvement de population vers les espaces
publics réhabilités. 51,2 % de la population des quartiers du centre historique
vont se promener sur la place du Champ-de-Mars et 39 % de cette même popu-
lation se rend au Bicentenaire, sur la place des Nations-Unies. Ces indications
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montrent que, lorsque les places publiques sont rénovées, elles constituent un
attrait à toute heure pour les populations en quête d’espaces collectifs,
d’espaces salubres, d’espaces paysagers et d’espaces de détente. Le caractère
de l’habitat résidentiel sera donc renforcé par l’ajout de services de base et
d’équipements de loisirs.
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faisait dans les années 60, mais par restructuration interne de la ville (Sokoloff :
1999).
Il est clair que la municipalité, en tant que gouvernement local ou collectivité, est
le premier acteur intéressé à démarrer le processus, le mettre en place et le
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finaliser. Elle devra prendre en charge l’élaboration des plans de restructuration
et de revitalisation urbaine, la programmation d’un échéancier devant permettre
de réaliser les différents projets urbains issus de cette programmation
d’ensemble.
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Références bibliographiques
Sources primaires
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Sources secondaires
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