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SUJET N°1
Il a souvent été reproché à la Commission vérité et réconciliation en
Afrique du Sud d’avoir sacrifié la Justice au profit de la
réconciliation.
Que pensez-vous de cette critique et quelle évaluation faites-vous
de la capacité des mécanismes similaires institués en Afrique à
s’imposer comme éléments pertinents de fondation d’une théorie de
la justice transitionnelle aujourd’hui.
INTRODUCTION..................................................................................................................................3
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................9
INTRODUCTION
Une Commission de vérité et de réconciliation (CVR) est une juridiction ou une commission
non juridique mise en place dans le cadre de la justice transitionnelle après des périodes de troubles
politiques, guerres civiles, de dictature ou de répression politique ; elle œuvre dans un esprit de
réconciliation nationale. Bien qu'il y ait de fait une certaine diversité d’organisation, ce type
d'organisme peut en général faire procéder à des enquêtes ou bénéficier de moyens d'investigations
propres. Elle cherche à reconnaître les causes de la violence, à identifier les parties en conflit, à
enquêter sur les violations des Droits de l’homme et à établir les responsabilités juridiques qui en
découlent1. L'objectif est d'aider les sociétés traumatisées par la violence à faire face à leur passé de
façon critique, afin de sortir de leurs crises profondes et d’éviter que de tels faits se reproduisent dans
un proche avenir2.
Concrètement, les victimes sont invitées à s'exprimer devant un forum afin de leur permettre de
retrouver la dignité. Quant aux auteurs d'exactions, ils sont appelés à avouer leurs forfaits et à
exprimer leur repentir devant les victimes ou familles concernées. Des Commissions de vérité et de
réconciliation ont été mises en place dans environ une trentaine de pays. La plus connu de ces
commissions est celle d’Afrique du Sud, qui a notamment fourni le modèle des commissions
ultérieures, dans d'autres pays.
Cependant, Il a souvent été reproché à la Commission vérité et réconciliation en Afrique du
Sud d’avoir sacrifié la Justice au profit de la réconciliation. Cette remarque pousse d’ailleurs à
remettre également en cause la capacité des mécanismes similaires institués en Afrique à s’imposer
comme éléments pertinents de fondation d’une théorie de la justice transitionnelle aujourd’hui.
Le problème qui ressort donc de ce constant est celui de l’éfficacité des juridictions de justice
transitionnelle mises en place en Afrique. Autrement dit, les juridictions de justice transitionnelle
mises en place dans les Etats africains, suivant le modèle de la CRV d’Afrique du sud sont-elles
éfficace ?
Dans l’optique de fournir des éléments de réponse à cette problématique, il sera question de
présenter la CVR d’Afrique du sud et d’autres commissions de justice transitionnelle notoire du
continent africain (I). Ensuite, sera éffectuée une analyse critique de la capacité de ces commission à
s’imposer comme éléments pertinents de fondation d’une théorie de la justice transitionnelle
aujourd’hui (II).
1
Arnaud Martin, La mémoire et le pardon. Les commissions de la vérité et de la réconciliation en Amérique latine, Paris,
L'Harmattan, 2009. [archive], ISBN 978-2296083660, p.26
2
Un suivi en est fait par le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), une ONG fondée en 2001 et basée à
New York[1] [archive].
I- EMERGENCE DES MECANISMES DE JUSTICE TRANSITIONNELLE EN
AFRIQUE
A la suite du model précurseur que représente le CRV d’Afrique du Sud (A) ; une Diversité de
Commissions de justice transitionnelle ont vues le jour en Afrique (B).
3
Volker Nehrlich (2006), "Lessons for the International Criminal Court: The Impact of Criminal Prosecutions on the
South African Amnesty Process", in Gerhard Werle (ed.), Justice in Transition – Prosecution and Amnesty in Germany
and South Africa, Berliner Wissenschafts-Verlag, Berlin, 2006, 277 pp., p. 55-83.
4
Dominique Darbon, L'après Mandela, Karthala, 2000, p. 143.
5
Ibid, p 148
Certains étaient déjà derrière les barreaux manifestant une asymétrie évidente entre ceux-ci et les
membres des services de sécurité non inculpés. Le 28 février 1997, le comité d'amnistie de la
commission accorde l'amnistie à 37 anciens responsables de l'ANC dont Thabo Mbeki, Aboobaker
Ismail et Dullah Omar. Cette amnistie provoque un tollé chez les anciens partisans de l'apartheid qui
saisissent la Haute-Cour de Justice, laquelle annule la décision en mai 19986.
La CVR d'Afrique du Sud a fourni le modèle des commissions ultérieures, dans d'autres pays,
qu'il soit imité ou contesté.
La Commission Vérité Réconciliation, telle qu'elle a été mise en place en Afrique du Sud au sortir du
régime d'Apartheid, constitue le modèle de commissions le plus fréquement cité et étudié. Bien que
considéré comme un succès, son appréciation par de larges fractions de la population sud-africaine
est bien moins enthousiaste voire négative. Priscilla Hayner note, qu'un sondage d'opinion, réalisé
dans des conditions rigoureuses indiquait, en 1998, que « deux tiers des sud-africain considéraient
que les révélations, faites à l'occasion des travaux de la Truth and Reconciliation Comission, avaient
provoqué la colère de la population et affecté la cohabitiation entre les diverses communautés sud-
africaine »9. Ces contradictionsou incohérences sont liées, à des dynamiques différentes qui devraient
inciter à mieux préciser les modalités de la mise en place des comissions et de leurs corrolaires, les
tribunaux spéciaux. Le régime qui en décide les formes est-il vainqueur? Est -il le fruit d'un
compromis? Dans quelle mesure l'appui international joue-t-il un rôle dans sa survie ou sa
8
La justice transitionnelle : une voie vers la réconciliation et la construction d’une paix durable, actes de la 2 e
conférence régionale sur la justice transitionnelle, tenue du 17 au 19 novembre 2009 à Yaoundé, au Cameroun, Carol
Mottet, Christian Pout éditeurs, Copyright : 2009 Mediaw4Peace, Département fédéral des affaires étrangères de
Suisse, Ministère des affaires étrangères et européennes de France, Centre des Nations Unies pour les droits de
l’homme et la démocratie en Afrique centrale (Cameroun), p.65
9
Voir P.HAYNER, Unspeakable Truth : Confronting State Terror and Atrocity, Londres, Routledge, 2001, p.145.
consolidation? Ces différences ou contradictions sont également liées à des choix politiques ou
géopolitiques où seule la conjoncture dicte les choix, et non les priorités de vérités et de
réconciliation. Que dire également quand les bourreaux ont pu jouer un rôle décisif dans
l'instauration de la paix et de sa consolidation, nottament dans le camp des insurgés? Faut-il les
emprisonner et les juger? La justice peut alors remettre en cause la pacification. Alors dans quelle
mesure la consolidation de la paix et de la réconciliation peuvent elles se concilier avec la justice?
C'est bien là que réside l'ambiguïté et le défi. Il ne s'agit pas dans cette partie de remettre en cause la
validité et l'efficience d'une commission vérité, mais plutôt de souligner les points aveugles du
discours international qui l'instaure et la légitime. La commission sud-africaine va fournir un cadre
pour l'amnistie et ce à condition que tous les crimes lui soit révélés. Cette tâche prend d'ailleurs peu à
peu l'ascendant sur les autres et contribue à susciter un malaise10.
L’amnistie de ces commission est donc une forme d’injustice et la plus part des pays africains ont dû
s’en arranger au mieux. En effet, poussés par un désir profond d’aller vers la réconciliation, ces Etats
ont donc cherché un compromis entre l’impunité et l’oubli du passé. Le modèle des Commisions
Vérité, les mécanismes de l'aveu et du pardon sont des processus contingents aux spécificités locales.
Il est nécessaire de penser la réconciliation directement en fonction de l'Histoire nationale et des
attentes de la population en matière de vérité. La réconciliation n'est pas un remède et doit se
réinventer à chaque fois qu'elle est nécessaire.
Le droit international doit être respecté, que ce soit dans une approche judiciaire ou non-
judiciaire. Une amnistie inconditionnelle pour des actes de torture est inacceptable. Aussi, une
initiative vérité et réconciliation ne peut se faire uniquement au niveau de la société civile ou de la
justice traditionnelle. Les autorités (au niveau du pouvoir législatif, exécutif et judiciaire) doivent au
moins donner leur aval et reconnaître l’autorité de cette initiative. Une initiative vérité et
réconciliation doit rester indépendant de l’administration publique et des acteurs politiques. Ceci a
des conséquences au niveau de l’élaboration d’une initiative ainsi qu’au niveau du mandat, du
fonctionnement, du financement et du rapportage.11
10
A.DU TOIT, La commission Vérité et Réconciliation sud-africaine : histoire locale et responsabilité face aumonde,
Revue:Politique Africaine numéro 92, décembre 2003.
11
Stef Vandeginste, « L’approche “verite et reconciliation” du genocide et des crimes contre l’humanite au Rwanda »,
PDF, PP. 36.
En effet, Si la CVR a absous les « bourreaux », il est nécessaire que les « victimes » s’affranchissent
d’une position de dominés. Son mandat doit porter sur les violations commises par l’ancien régime et
l’ancienne opposition, ainsi que par le régime en place et la nouvelle opposition armée. L’exemple
de l’ANC en Afrique du Sud est inestimable.12
L’initiative doit inclure des éléments d’enquêtes et de reconstruction des événements,
d’identification et de condamnation de responsables, de réparation et de compensation des victimes
et de réconciliation et prévention. L’approche judiciaire et non-judiciaire doivent être combinées. On
pourrait, par exemple, exclure l’approche purement non-judiciaire pour les crimes qui relèvent de la
catégorie 1 aux termes de la loi organique du 30 août 1996.
L’élément de la vérité est une condition sine qua non et préalable à toute mesure de pardon ou autre.
Dans ce sens, des libérations de détenus sur base de leur age ou de leur sante peuvent être justifiables
par des raisons humanitaires, mais ne font pas justice si la vérité concernant le rôle qu’ont joué ces
personnes reste méconnue. Est-ce cela qui explique en partie les protestations de certains rescapés?
Des mesures qui empêchent la découverte de la vérité et qui font obstacle aux enquêtes et à
l’identification des responsables sont inacceptables. Par contre, des solutions peuvent être adoptées
au niveau de la purgation de la peine ou sous forme de pardon ou de sanctions alternatives13.
BIBLIOGRAPHIE
12
Ibid. P.37.
13
«Punishment is negotiable - the Truth is not» (WERLE, G., “Without truth, no reconciliation. The South African
Rechtsstaat and the Apartheid past” in Verfassung und Recht Uebersee, n°1, 1996, p.72).
- Arnaud Martin, La mémoire et le pardon. Les commissions de la vérité et de la réconciliation
en Amérique latine, Paris, L'Harmattan, 2009.
- « Bientôt, une CVR sans justice : à Bugendana et aux alentours, la population diverge »,
Rénovat Ndabashinze, iwacu burundi, consulté sur http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?
article4294, le 2012-12-16.
- «Punishment is negotiable - the Truth is not» (WERLE, G., “Without truth, no reconciliation.
The South African Rechtsstaat and the Apartheid past” in Verfassung und Recht Uebersee,
n°1, 1996, p.72).
- Volker Nehrlich (2006), "Lessons for the International Criminal Court: The Impact of
Criminal Prosecutions on the South African Amnesty Process", in Gerhard Werle (ed.),
Justice in Transition – Prosecution and Amnesty in Germany and South Africa, Berliner
Wissenschafts-Verlag, Berlin, 2006, 277 pp., p. 55-83.