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FACULTE DES

SCIENCES

UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

1
ANNEE UNIVERSITAIRE : 2022-2023

2
SOMMAIRE

INTRODUCTION

I- LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME


ET DES PEUPLES, UNE VOLONTE DES ETATS
AFRICAINS.

A- L’existence de la cour

B- la reconnaissance de sa compétence

II- LA LIBERTE DES ETATS SUR LES DÉCISIONS


RENDUES PAR LA COUR AFRICAINE DES DROITS
DE L’HOMME ET DES PEUPLES

A- Le refus persistant d’exécuter les arrêts rendus par la Cour

B- Le retrait des déclarations d’acceptation de la juridiction de


la Cour

CONCLUSION

1
INTRODUCTION

L’Afrique était restée longtemps sous la domination étrangère, ce qui faisait


qu’elle était écartée du bénéfice sans réserve de la protection des règles relatives
aux droits de l’homme. Ainsi, dans les années 1960 avec l’accession à
l’indépendance de la quasi-totalité de ses pays, les États africains ont décidé de
créer leur première institution continentale. Celle-ci est adoptée en 1963 et est
dénommée l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA)1 .
Toutefois, les États africains n’avaient pas inclus dans le mandat de l’OUA un
système régional de protection des droits de l’homme. Ainsi, ils ont élaboré en
1981 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples 2 qui est la source
juridique principale du modèle juridique africain des droits de l'homme. Elle
garantit des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que des droits
politiques et civils, porte sur les droits des peuples comme sur les droits
individuels et assigne aux personnes des droits et des devoirs. Elle constitue
aujourd'hui le pilier d'un véritable système régional de protection des droits de
la personne. En 1987 un organe semi-juridictionnel a été créé par la charte. Ce
dernier est la commission africaine des droits de l’homme et des peuples 3.
Celle-ci présentait des insuffisances telles que l’inexistence d’un pouvoir de
décisions au profit d’un seul pouvoir de recommandation, la confidentialité
outrancière de la procédure devant la commission et toute puissance d’un

1 L’Organisation de l’unité africaine est créée en mai 1963 à Addis-Abeba, à l’issue de la première conférence
des chefs d’Etat et de gouvernement africains
2 En juin 1981, lors de leur 18éme sommet de l’OUA, les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont adopté
par consensus: « la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples »
3 La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est l’organe de mise en œuvre de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) crée conformément aux dispositions de l’article 30,
pour promouvoir et protéger les droits humains en Afrique. Elle a été mise en place le 2 novembre 1987 et est
basé à Banjul, Gambie.

2
organe comme la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, mais dans la
pratique elle a atténué largement ces limites4
C’est la raison pour laquelle, le 10 juin 1998, les États africains ont décidé de la
renforcer en créant une cour africaine des droits de l’homme et des peuples par
le Protocole de Ouagadougou5. Celle-ci est l’organe juridictionnel devenu
opérationnel en 2006.
D’où l’objet de notre étude: « la cour africaine des droits de l’homme et des
peuples et les États africains ».
La cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) est une
juridiction internationale régionale spécialisée en droits de l’homme et établie
par les membres de l'union africaine (UA) pour mettre en œuvre les dispositions
de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples basée à Arusha
(Tanzanie).
Et les États africains désignent une unité souveraine formée par des populations
vivant sur le continent africain et reconnue comme une organisation juridique et
politique de la société internationale.
Ainsi, il apparaît opportun de poser la question de savoir : quelle est la relation
qui existe entre la cour africaine des droits de l’homme et des peuples et les
États africains?
Ce sujet revêt un intérêt pratique dans la mesure où il nous permet d’avoir une
meilleure vue d’ensemble sur le rôle des États africains dans le processus de la
création de la cour ainsi que sa compétence mais aussi sur le rôle de cette cour
dans le cadre de la protection des droits de l’homme et des peuples à travers les
arrêts rendus contre les États africains fautifs.

4 Ndiaye Sidy Alpha et Sall Alioune, Manuel Pratique des droits de l’homme, Dakar, Presse Universitaire de
Dakar, Deuxième Édition, Mars 2022 P.45
5 La Cour a été créée à Ouagadougou en vertu de l’article 1 du Protocole à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples par les États
membres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Elle est entrée en vigueur le 25 Janvier 2004

3
Le concept ne pouvait échapper à une dialectique théorique entre les
intellectuels de Droit International selon Thierry Sèdjro Bidouzo6 « Je
comprends, (…) qu’un Etat souverain refuse d’incliner sa souveraineté devant
un autre Etat souverain. […] Je ne comprends pas au contraire, qu’un Etat (…)
refuse d’incliner sa souveraineté devant celle d’une Cour de Justice offrant
toutes les garanties d’équité, d’impartialité et de conscience. En l’occurrence, ce
n’est pas la souveraineté de l’Etat qui se dresse contre la souveraineté d’un autre
Etat, c’est la souveraineté de l’Etat qui prétend se dresser contre la souveraineté
du droit ». Par contre pour Mamadou Hébié : « l’absence de mécanismes de
mise en œuvre n’affecte pas l’existence du droit international » et « c’est plutôt
l’effectivité de ces règles qui dépend fortement de l’existence de mécanismes de
contrôle et de mise en œuvre »
Tenant compte de ces différentes considérations et pour une meilleure
compréhension globale de ce sujet, il nous semble logique et judicieux
d’aborder d’une part que la cour africaine des droits de l’homme et des peuples
est née de la volonté des États (I) et d’autre part de montrer la liberté que les
États ont sur l’exécution des décisions rendues par la Cour africaine des droits
de l’homme et des peuples (II).

I- La cour africaine des droits de l’homme et des peuples,


une volonté des États

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est une Cour de justice
créée par la volonté des États africains membres de l’Union africaine afin
d’assurer la protection des droits de l’Homme en Afrique. Ainsi, l’existence de
la cour (A) et la reconnaissance de sa compétence (B) est l’œuvre de la volonté
des États africains.

6 Thèse de doctorat droit public sous la direction de Hélène Tigroudja et de Frédéric Joël Aïvo - Aix-Marseille,
soutenue le 19-03-2016

4
A- l’existence de la cour

Aujourd’hui dans une Afrique indépendante ayant retrouvé sa dignité, sa liberté;


elle s’est dotée d’une organisation politique continentale regroupant la quasi-
totalité des États africains. Il s’agit bien entendu de l’OUA, qui malgré les
échecs, les diversités idéologiques, les querelles de tendance etc. a pu doter
l’homme et les peuples d’un instrument important pour la protection et la
promotion de leurs droits et libertés fondamentaux qu’est la Charte Africaine
des droits de l’homme et des peuples. Celle-ci se distingue des autres
instruments internationaux. Elle proclame non seulement des droits, mais
également des devoirs, tant sur le plan individuel que collectif.
Cependant le contrôle de cette Charte est confié à une Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples, qui est l'organe semi juridictionnel de la
Charte. Sa compétence s’exerce lorsqu'elle a été régulièrement saisie au fond.
Celle-ci doit alors se prononcer sur le point de savoir si les droits de l'homme ou
les droits des peuples, tels que définis par la Charte africaine, ont été ou non
violés par un État donné, et tenter au besoin de régler le différend à l'amiable.
Pour ce faire, elle est investie d'un certain nombre de pouvoirs étroitement
circonscrits par le corpus de la Charte africaine.
Toutefois dans l’exécution de sa mission, la commission présentait des
insuffisances autour de plusieurs points que sont l’inexistence d’un pouvoir de
décision au profit d’un seul pouvoir de recommandation, absence de contrainte
où tout simplement d’incitation à l’exécution des décisions rendues,
confidentialité outrancière de la procédure devant la commission et toute
puissance d’un organe politique comme la pratique des chefs d’Etat et de
gouvernement7.
Les lacunes de cette commission ont poussé les États africains à mettre sur les
rails le projet d’une véritable juridiction chargée du respect des droits garantis
par la Charte africaine, dont les décisions seraient contraignantes pour les États.
En effet, les États restent convaincus que la réalisation des objectifs de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples nécessite la création d’une Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples pour compléter et renforcer la
mission de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

7Voir SALL Alioune et NDIAYE Sidy Alpha, Manuel pratique des droits de l’homme en Afrique, Dakar,
Presse Universitaire de Dakar, 2ième édition, Mars 2022

5
Ainsi, la cour a été créée en 1998 par le protocole de Ouagadougou relatif à la
Charte africaine, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et
des peuples.
En créant un organe judiciaire fonctionnel issu d’un protocole par les États
africains et surtout son entrée en vigueur prouvent qu’une justice endogène est
possible. Étant donné qu’un Protocole est un traité international qui est toujours
lié à une Convention. Or un Traité est un accord de volonté conclu par écrit
entre Etats et régi par le droit international, qu’il soit consigné dans un
instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle
que soit sa dénomination particulière8. Ainsi, on peut en déduire que les États
africains ont reconnu par leur volonté des compétences à la cour africaine des
droits de l’homme et des peuples.

B- la reconnaissance de sa compétence

Tout comme, on l’a abordé dès l’entame de nos propos, la cour africaine des
droits de l’homme et des peuples est le fruit d’une longue maturation 9. L’idée
des droits de l'homme est l’aboutissement d’une construction qui a commencé il
y a plus de trois décennies10 instituée par la volonté des États africains en vue de
compléter et de renforcer les fonctions de protection de la Commission africaine
des droits de l’homme et des peuples11.
Ainsi, la Cour est compétente pour connaître toutes les affaires et de tous les
différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la
Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés.12
De même, elle est aussi compétente pour connaître des requêtes dont elle est
saisie par la Commission, par l’Etat partie qui a saisi la Commission, par l’Etat
partie contre lequel une plainte a été introduite devant la Commission, par l’Etat

8 Article 2 convention de vienne de 1969 sur le droit des Traité


9 M. KAMTO (dir.), La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de
la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples : Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 33
10 En effet, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a été adoptée le 27 mai 1981 ; cinq ans
plus tard, le 21 octobre 1986, elle est entrée en vigueur. Mais le besoin de renforcer le système africain de
protection des droits de l’homme sur le continent africain a nécessité l’adoption le 10 juin 1998 à Ouagadougou,
du Protocole à la Charte, créant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, dont l’entrée en vigueur
n’est intervenue que le 25 janvier 2004.
11 Article 2 du Protocole de Ouagadougou, relatif à la Charte africaine, portant création d’une Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples.
12 Article 3 du Protocole de Ouagadougou, relatif à la Charte africaine, portant création d’une Cour africaine
.
des droits de l’homme et des peuples

6
partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme, ou
encore par les organisations intergouvernementales africaines. 13
Toutefois, les ONG dotées d’un statut d’observateur auprès de la Commission et
les individus peuvent saisir la Cour uniquement à l’encontre d’Etats qui ont
accepté spécifiquement la compétence contentieuse de la Cour à cette fin. 14
En effet, l’Etat doit faire une déclaration de reconnaissance de compétence de la
cour. Cette dernière avait été faite, par exemple, par le Bénin le 8 février 2016
qui est partie à la Charte depuis le 21 octobre 1986, après avoir ratifié le
Protocole le 22 août 2014. D’autres États africains ont aussi fait la déclaration
d’acceptation de compétence de la Cour à l’égard des requêtes émanant des
individus et des ONG. Ce sont les cas du Burkina Faso (1998), du Malawi
(2008), du Mali et de la Tanzanie (2010), du Ghana (2011), de la Côte d’Ivoire
et du Rwanda (2013), et précédait celles de la Tunisie (2017) et de la Gambie
(2019).
Cependant, la Cour n’est qu’un mécanisme subsidiaire dans le cadre duquel le
juge interne reste le principal juge de droit commun. Elle ne peut donc être
saisie qu’après épuisement des voies de recours internes 15 afin de s’assurer que
l’État ait eu connaissance de la violation et ait pu tenter d’y remédier.

II- LA LIBERTE DES ETATS SUR LES DECISIONS RENDUES PAR


LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES
PEUPLES

Le fonctionnement de la cour est paralysé par le nombre croissant de difficultés


qui menacent non seulement la réalisation effective de son mandat, mais sa
propre existence.
Les principaux obstacles auxquels la Cour est actuellement confrontée, sont le
manque apparent de coopération de la part des États membres de l'Union
africaine, en particulier au regard du refus persistant d’exécuter les arrêts de la
Cour (A) mais également le retrait des déclarations d’acceptation de la
juridiction de la Cour (B).

13 Article 5.1 du Protocole de Ouagadougou, relatif à la Charte africaine, portant création d’une Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples
14 Articles 5.3 et 34.6 du Protocole de Ouagadougou, relatif à la Charte africaine, portant création d’une Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples.
15 Article 56 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

7
A- Le refus persistant d’exécuter les arrêts rendus par la Cour

Conformément au Protocole de Ouagadougou, les Etats parties s’engagent à se


conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en cause
et à en assurer l’exécution dans le délai fixé par la Cour 16. Ainsi, la cour soumet
chaque année un rapport sur ses activités. Ce rapport présente les affaires dans
lesquelles les États ne se sont pas conformés aux arrêts et ordonnances de la
Cour après le délai fixé par elle17.
Toutefois, au cours de ces dernières années, la cour africaine des droits de
l’homme et des peuples a commencé à faire face à un certain nombre de sérieux
problèmes: le refus persistant des États sur l’exécution des décisions de la cour.
En effet, depuis sa création en 2006, la Cour a statué sur soixante-dix- huit (78)
affaires contentieuses et a rendu un arrêt sur le fond dans trente-neuf (39)
d’entre elles et n'a constaté aucune violation dans quatre (4) affaires. Sur les
trente-cinq (35) affaires restantes, elle a rendu des arrêts sur le fond séparément
dans douze (12) et des arrêts sur le fond et les réparations dans vingt-trois (23).
Elle a également rendu vingt-huit (28) ordonnances portant mesures provisoires
visant à éviter tout dommage irréparable aux requérants. La Cour a également
vidé douze (12) demandes d'avis consultatifs sur les treize (13) reçues.
Cependant, un seul État partie à savoir le Burkina Faso s'était pleinement
conformé aux arrêts de la Cour, un autre État, la République Unie de Tanzanie
s'est partiellement conformé à certains des arrêts rendus à son encontre, un autre
État, la République de Côte D’Ivoire a déposé son rapport sur l’état de mise en
œuvre, tandis que les autres États ne s'y sont pas conformés du tout, certains
indiquant ouvertement qu'ils n’exécuteront pas les ordonnances et les arrêts de
la Cour. Ce sont les cas de la République du Kenya (2017), du Libye (2016), de
la République Unie Tanzanie (2016 et 2019), du Rwanda (2018), du Bénin
(2019), de la Côte d’Ivoire (2019) etc. Ces États n’ont pas soumis de rapport sur
les mesures prises pour mettre en œuvre l’arrêt de la Cour.
Par exemple dans l’exécution de l’arrêt Lucien Ikili Rashid contre la
République Unie de Tanzanie du 02 Avril 2019, le requérant a adressé le 02
Octobre une lettre à la Cour lui demandant d'intervenir afin que l'État défendeur
se conforme à l'arrêt qu'elle a rendu. Cette demande a été communiquée à l'État
16Article 30 du Protocole de Ouagadougou de 1998 relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples portant création d’une cour africaine des droits de l’homme et des peuples
17 Article 31 du Protocole de Ouagadougou de 1998 relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples portant création d’une cour africaine des droits de l’homme et des peuples

8
et il lui a été demandé de présenter ses observations dans un délai de trente (30)
jours. Le délai imparti à l'État pour déposer ses observations a expiré sans que
celui-ci ne le fasse18
Ces événements participent à paralyser le fonctionnement de la cour. De même,
aujourd’hui, elle est confrontée à des retraits massifs des États de leur
déclaration d’acceptation de la juridiction de la cour qui sont les principaux
obstacles de l’exécution des arrêts de la cour.

B. Le retrait des déclarations d’acceptation de la juridiction de la


Cour

L’adhésion des Etats au système de justice de la Cour africaine procède donc


d’un mécanisme double : la ratification et la déclaration. Ces deux mécanismes
d’adhésion sont indépendants et consacrés par des actes séparés. Par la
ratification du Protocole qui est un traité, les Etats reconnaissent l’existence de
la juridiction et sa compétence de manière générale.
Le Protocole fait l’objet d’une signature puis d’une ratification se concluant par
le dépôt des instruments de ratification auprès de l’autorité dépositaire qu’est le
Président de la Commission de l’Union africaine (précédemment Secrétaire
Général de l’OUA).
Après la ratification, le Protocole prévoit que l’État doit aussi faire une
déclaration spéciale acceptant la compétence de la Cour africaine pour recevoir
directement les requêtes introduites par les citoyens 19. Aucun État partie ne peut
faire l’objet d’une action en justice en l’absence de cet acquiescement formel.
Au début de l’année 2020, sur les trente (30) États Parties au Protocole relatif à
la Cour, neuf (9) seulement avaient fait une telle déclaration. Ce furent les cas
du Burkina Faso, de la Gambie, du Ghana, du Malawi, du Mali et de la Tunisie,
en acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant des
individus et des organisations non gouvernementales (ONG).
18 RAPPORT D'ACTIVITÉ DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
de 2020
19 La déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour est prévue à l’article 34 paragraphe 6 du Protocole
de Ouagadougou 1998. Cette déclaration vaut acceptation, pour l’État, d’être attrait devant la Cour par des
personnes privées. Aucun État partie ne peut faire l’objet d’une action en justice en l’absence de cet
acquiescement formel.

9
Toutefois, la cour est aujourd’hui confrontée à des retraits massifs des États de
leur déclaration d’acceptation.
Au cours de l’année 2020, deux (2) de ces Parties ont retiré leurs déclarations,
ramenant donc à sept (7) le nombre d’États justiciables. Ainsi, le gouvernement
béninois a annoncé, par le biais de son Ministre de la Communication, qu'il
retire sa déclaration de compétence qui autorise les individus et Organisations
non gouvernementales à saisir directement cette juridiction continentale contre
l’Etat. Très rapidement, un lien a été établi entre ledit retrait et la décision
rendue par la Cour africaine en date du 17 avril 2020, sur requête de M.
Sébastien AJAVON20, ordonnant la suspension des élections communales
prévues pour le 17 mai 2020. Le Gouvernement béninois justifie ce retrait par
les « errements et les dérapages » répétés de cette Cour.
Lui emboîtant le pas, le gouvernement ivoirien retire également sa déclaration
de compétence à la Cour africaine, le mercredi 29 avril 2020 suite à
l’ordonnance de mesures provisoires du 22 avril 2020, de la Cour africaine des
droits de l’homme et des peuples, dans l’affaire Guillaume Kigbafori Soro et
Autres c. République de Côte d’Ivoire.
Dans cette affaire, la Cour a ordonné à l’Etat de la Côte d’Ivoire de « surseoir à
l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori Soro ; de
surseoir à l’exécution des mandats de dépôts décernés contre les Requérants
Alain Logognon (…) et de les mettre en liberté provisoire (…) » 21. C’est alors
qu’intervient la décision de retrait de la Côte d’Ivoire. Les autorités ivoiriennes
estiment qu’elle fait suite « aux graves et intolérables agissements que la Cour
africaine des droits de l’homme et des peuples s’est autorisée, dans ses actions
et qui non seulement portent atteinte à la souveraineté de l’Etat de Côte
d’Ivoire, à l’autorité et au fonctionnement de la justice, mais sont également de
nature à entraîner une grave perturbation de l’ordre juridique interne des Etats et

20 Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) : 17 avril 2020, Requête n° 062/19, affaire
Sébastien Germain Marie Aïkoue Ajavon c. République du Bénin, Op. cit., VII, para. 4.

21 Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) : 22 avril 2020, Requête n°012/2020,
affaire Guillaume Kigbafori Soro et Autres c. République de Côte d’Ivoire, Ordonnance de mesures provisoires,
Op.cit., pp. 10-11, paragraphe 42.

10
à saper les bases de l’Etat de droit par l’instauration d’une véritable insécurité
juridique »22. Les plus anciennes déclarations de retrait sont celles du Burkina
Faso (1998), du Malawi (2008)., du Mali et de la Tanzanie 23 (2019), du Ghana
(2011), et du Rwanda24(2013), et précédait celles de la Tunisie (2017) et de la
Gambie (2019)

CONCLUSION

Les États africains étaient depuis quelques années soucieux du problème des
droits de l’homme et des peuples en Afrique. C’est dans cette dynamique qu’ils
ont essayé de mettre en place un système continental de protection et de
promotion des droits de l’homme et des peuples qui est la Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples. Cette dernière reconnaît les droits et devoirs
de l’individu et des peuples. Cette Charte a créé un organe chargé de protéger et
de promouvoir les droits de l’homme et des peuples en Afrique qu’est la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Au bout de
quelques années de fonctionnement, cette commission a pu montrer ses limites.
Ainsi, les États africains en vue de la renforcer, ont décidé de créer une véritable
juridiction qu’est la cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette
dernière est compétente dans plusieurs domaines. Mais, actuellement elle est
confrontée à de nombreux obstacles sur l’exécution de ses arrêts rendus que
sont le retrait de la déclaration de compétence de la cour et le refus d’exécuter
des décisions de la cour.
Malgré l’effort fourni par les États pour avoir une véritable organisation
continentale de protection des règles édictées, l’OUA a pu montrer ses limites.
C’est pour cela qu’en Septembre 1999, elle a pris une décision de mettre en
place une nouvelle organisation continentale à l’effet de consolider ses acquis.
Celle-ci a été officiellement créée en Juillet 2002 à Durban en Afrique du Sud et
est appelée l’Union Africaine(UA). Cette dernière a adopté en 2003 le protocole
de la création d’une cour de justice qui n’est pas entrée en vigueur et en 2004,
elle a décidé de fusionner sa cour de justice avec la cour africaine des droits de

22 Communiqué du Gouvernement ivoirien, signé par le Ministre de la communication et des médias, Porte-
parole du Gouvernement, Sidi Tiémoko Touré, Abidjan, 29 avril 2020.
23 La Tanzanie a retiré sa déclaration, retrait notifié à l’Union africaine le 21 novembre 2019
24Le Rwanda a retiré sa déclaration, retrait devenu effectif depuis mars 2017.

11
l’homme et des peuples qui sera appelée la cour africaine de justice et des droits
de l’homme. Celle-ci n’est pas encore entrée en vigueur.
Ainsi, est-ce que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ne
serait pas une juridiction morte après l’entrée en vigueur de la nouvelle Cour ?

BIBLIOGRAPHIE

OUVRAGES:

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peuples, Paris, Silex 1984, 712p
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peuples: entre universalisme et régionalisme, Pouvoirs (Paris), n° 129, 2009,
pp. 77-100
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Dakar, Presse Universitaire de Dakar, 2éme édition, Mars 2022, 508p
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Générale, Droit Communautaire Comparé, Droit de l’Homme, Paix et Sécurité,
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Credila,L’Harmattan, 2018

ARTICLES:

•Niyungeko Gérard “La Cour africaine des droits de l’Homme et des


peuples: défis et perspectives”, Revue trimestrielle des droits de l’Homme
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•Quilleré-Majzoub Fabienne,“Le Protocole à la Charte africaine des droits
de l’Homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique: un projet
trop ambitieux”, Revue trimestrielle des droits de l’Homme (Bruxelles), n° 73,
1er janvier 2008, pp. 127-16

TEXTES JURIDIQUES:

● Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine


● Charte africaine
● Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969
● Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
● Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des
peuples adopté en 1998 à Ouagadougou

WEBOGRAPHIE:

•https://www.ceja.ch/images/CEJA/DOCS/Bibliotheque/Legislation/Africaine
/Textes%20Communautaires/BD/BD14.pdf

•https://www.actu-juridique.fr/international/international-etrangers/
lavenir-de-la-cour-africaine-des-droits-de-lhomme-se-jouera-sur-lexecution-de-
ses-decisions/amp/

•https://www.mediadefence.org/ereader/publications/modules-de-synthese-sur-
les-litiges-relatifs-aux-droits-numeriques-et-a-la-liberte-dexpression-en-ligne/
module-10-introduction-au-contentieux-des-droits-numeriques-en-afrique/
apercu-des-tribunaux-regionaux-et-continentaux/?lang=fr

•https://webdoc.rfi.fr/oua-union-africaine-histoire-institutions/chapitre-2.html

•https://www.humanrights.ch/fr/pfi/fondamentaux/application/acteurs-
regionaux/afrique/cour-africaine/cour-de-justice-de-l-ua

•https://www.persee.fr/doc/outre_0300-9513_1981_num_68_250_2301

13
•https://www.sqdi.org/wp-content/uploads/12.2_-_delas-ntaganda.pdf

•https://hal.science/hal-03800365/document

14

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