Vous êtes sur la page 1sur 17

CHAPITRE 1.

L’ARCHITECTURE AFRICAINE DE PAIX ET DE


SECURITE

L’Union Africaine est une organisation internationale, et un des acteurs


des relations internationales contemporaines, qui est créée par la volonté de ses
fondateurs qui sont des sujets primaires du droit international, les Etats Africains en
2002. Les organisations internationales sont des associations volontaires d’Etats
constituées par accord international, qui sont dotées d’organes permanents, propres
et indépendants chargés de gérer des intérêts collectifs, et ont la capacité
d’exprimer une volonté juridiquement distincte de celle des membres 1. Elles sont
créées sous la pression de besoins, en vue de réaliser certains buts.

Suivant leur but, on oppose schématiquement les organisations de


coopération et les organisations d’intégration. Dans le premier cas, les Etats sont
associés mais ils gardent leur entière souveraineté. Elles sont caractérisées par
l’absence ou le faible développement du pouvoir de décision. Ces organisations
internationales ont pour rôle de favoriser et de promouvoir l’harmonisation et la
coordination des politiques et des comportements des Etats membres 2.

Dans le deuxième cas, l’organisation internationale est caractérisée par


l’attribution des compétences aux organes communautaires, qui limitent l’exercice
la souveraineté des Etats membres ; le pouvoir réglementaire qui leur est conféré
est une sorte de pouvoir législatif qui se substitue à celui des Etats. Ces
organisations internationales supposent un transfert de compétence des Etats aux
institutions communautaires qui disposent des pouvoirs du même ordre que ceux
qui correspondent à l’exercice des fonctions étatiques supérieures, et les décisions
prises par elles sont susceptible dans certains cas d’avoir un effet direct et immédiat
dans les ordres juridiques nationaux.

En succédant à l’Organisation de l’unité africaine, l’Union africaine se


donne pour ambition de renouveler et de consolider le projet d’intégration politique
DIEZ DE VELASCO VALEJO M., Les organisations internationales, Paris, Economica, 2002. p.10.
1

OTSHUDI OKONDJO L., Droit des organisations internationales volume 1 : Théorie générale, Kinshasa,
2

Editions les Lumières, 2017. p.46


et économique dont les bases avaient été jetées en 1963 et dans le traité d’Abuja. A
cet effet, l’Acte constitutif de la nouvelle organisation, dont les contours ont été
tracés dans la Déclaration de Syrte du 9 septembre 1999, a fixé des objectifs dont
notamment « accélérer les processus d’intégration politique et socio-économique
sur le continent »3. Mais la mise en œuvre de ce vaste projet ne peut réussir que
dans un environnement sécurisé.

En effet, les années 1990 ont été particulièrement meurtrières et


éprouvantes pour l’Afrique, avec les conflits sierra-léonais et libérien, ainsi que les
génocides au Rwanda et au Burundi, qui ont accentue le phénomène des refugies et
des déplacés internes. Bien que la situation sécuritaire du continent se soit
améliorée, la conflictualité y est encore importante a cause essentiellement des
problèmes de gouvernance et la quête incontrôlée des ressources naturelles, a la
fois par les multinationales, les groupes armées, voire des puissances occidentales
dans certaines régions et pays du continent. Le cas de la Republique démocratique
du Congo (RDC) est éloquent : on y retrouve une composition explosive des
exemples cités ci-avant dans certaines régions et pays du continent 4.

Face a tous ces défis, l’Union africaine, créée en 2000, a pour ambition
de concevoir et de mettre en œuvre une politique africaine de defense et de sécurité
comme solution aux défis sécuritaires qui deviennent structurels en Afrique. Les
moyens de défense et de securite mobilises par l’UA sont souvent circonscrits a
l’Architecture africaine de paix et de sécurité, alors qu’il s’agit plutot d’un
mécanisme constitutif du système de défense et de securité de l’UA. La politique de
défense et de securité africaine est orientée par des principes, etant donne que
l’organisation voudrait que les Etats du continent prennent davantage de
responsabilités dans la prevention et la resolution de ses propres conflits.

3
Article 3 de l’acte constitutif de l’Union Africaine
4
OUMBA P. « L’effectivité du rôle du conseil de paix et de sécurité de l'union africaine dans la résolution des
conflits » in : NAP, n° 10 – août 2013, pp.1-27
SECTION 1. LE CADRE NORMATIF DE LA SECURITE COLLECTIVE
EN AFRIQUE
Le droit international public a pour objet de réglementer les relations au
sein de la société internationale. Il ne s’intéresse qu’aux rapports entre sujets de
Droit international, c’est-à-dire principalement les États et plus récemment les
organisations internationales et les individus 5. Pendant longtemps, le droit
international public a été considéré comme un droit de la paix et de la guerre. Sous
l’empire de la Charte des Nations-Unies, il est devenu un droit de la paix et de la
sécurité internationale6.

Pour assurer la promotion de la paix et de la sécurité internationale ainsi


que le developpement harmonieux des relations pacifiques et amicales entre les
Nations, le droit des gens met à la disposition des Etats, qui sont ces sujets
primaires, des règles contenues dans des instruments juridiques ou non qui ont
vocation à être observées par ceux-ci qui sont à la fois ces sujets et acteurs.

Dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité internationale,


les relations sont prégnantes entre l’ONU et les organisations régionales. Un
chapitre spécifique de la charte, le chapitre VIII, est consacré à ces relations 7. En
effet, l’article 53 de la Charte reconnait aux organisations régionales la compétence
de connaitre le règlement pacifique des différends relatifs au maintien de la paix et
de la sécurité internationales. La notion de règlement pacifique des différends
couvre les moyens diplomatiques, institutionnels et juridictionnels, bilatéraux ou
multilatéraux, qui facilitent la résolution des différends entre Etats.

Dans ce contexte, les organisations internationales constituent des


forums par excellence pour l’élaboration de la résolution d’un différend. Ainsi
l’étude de cette section s’évertue d’appréhender la sécurité collective sous
l’organisation de l’unité africaine et celle de l’union africaine.
5
ROCHE C., L’essentiel du Droit international public, 10e éd., Paris, Gualino, 2019. p.16.
6
CAMBACAU J. et SUR S. Droit international public, 12e éd., Paris, LGDJ, 2018, p.619.
7
BOISSON DE CHAZOURNES, L. : Les relations entre organisations régionales et organisations universelles,
RCADI, Tome, 347, 2010 pp.79-406.
§1. La sécurité collective sous l’Organisation unité africaine

À la création de l’Organisation de l’unité africaine le 25 mai 1963, le


volet politique avait été priorisé. La prévention, la médiation et la gestion des
conflits demeuraient prioritaire.

En effet, pour assurer avec le maximum d'efficacité l'application de


l'article 3, alinéa 4 de la Charte d'Addis-Abéba, relatif au règlement pacifique des
différends, les Etats africains avaient, dès 1965, envisagé la création d'une
Commission de médiation, de conciliation et d'arbitrage. La composition et les
règles de fonctionnement de cette commission ont été définies par un comité
spécial ; elles furent approuvées par la troisième session ordinaire du Conseil des
ministres tenue au Caire et définitivement adoptées comme partie intégrante de la
Charte par la première conférence des chefs d'Etat et de gouvernement 8.

Le protocole y relatif, adopté le 21 juillet 1964 au Caire, était secondé en


matière d’intervention, par la Commission (spécialisée) de la défense. Cette
Commission avait été mandatée pour relever les défis du continent en matière de
paix et de sécurité.

Aux termes du Protocole constitutif, la Commission est composée de


vingt et un magistrats nommés pour cinq ans ; elle est dirigée par un bureau
permanent de trois membres. Contrairement aux autres commissions spécialisées
prévues par la Charte, la Commission est un organe autonome, indépendant du
Conseil des ministres et de la Conférence des chefs d'Etat ; elle possède son propre
instrument constitutif et jouit d'une autonomie relative à peu près semblable à celle
dont bénéficie la Cour internationale de justice par rapport à l'O.N.U 9.

8
MANIGAT MIRLANDE. « L'Organisation de l'unité africaine ». In: Revue française de science politique, 21ᵉ
année, n°2, 1971. pp. 382- 401
9
Ibidem.
Cette qualité particulière, le statut international et le nombre élevé des
membres, étaient prévus pour permettre à la Commission de fonctionner en
permanence, avec la possibilité de s'occuper de plusieurs dossiers à la fois.

Jusqu’au début des années 1980, l’application du protocole a buté contre


l’hétérogénéité socio-juridique entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Les
complexités procédurales et diplomatiques qui en ont découlé, de grande ampleur,
ont réduit l’efficacité du système juridique africain de règlement des contentieux
interétatiques. Les us et coutumes l’ont souvent emporté sur la règle de droit. En
conséquence, plusieurs pays d’Afrique du Nord avaient préféré convoquer, non pas
les auspices de la Commission, mais plutôt des médiations arabes extra-africaines.
La médiation de la Syrie et de l’Irak à propos du conflit algéro-marocain de 1963,
s’inscrit dans ce cadre. Il en est de même de celle de l’Arabie Saoudite à propos du
Sahara occidental en 1977 ou celle de la Ligue arabe à la demande du roi Hassan II
du Maroc, n’ayant pas connu de succès à cause de la méfiance entre ses membres et
des soupçons de partialité10.

Toutefois, il est à noter que c’est la commission ad hoc de l’OUA


(composée entre autres de Haïlé Sélassié et Modibo Keita) qui a réussi à obtenir
des deux parties, un accord de cessez-le-feu. Par la suite, les accords d’Ifrane et de
Tlemcen, fruit des négociations bilatérales (directes entre le Maroc et l’Algérie),
sans doute favorisées par le changement à la tête de l’Algérie, avaient abouti au
dénouement. En définitive, plutôt que de connaître une existence réelle ou
fonctionnelle, cette Commission, depuis le conflit entre l’Algérie et le Maroc, s’est
muée, insidieusement, en plusieurs commissions ad hoc, opportunément créées
pour des conflits et crises ponctuels11.

10
BOISSON DE CHAZOURNES, L.op.cit. p.324.
11
Ibidem.
En conséquence, l’efficacité fonctionnelle et opérationnelle -escomptée-
de la Commission, attribuée aux chefs d’État qui en étaient des garants dans la prise
des décisions et le contrôle des actions, avait été inhibée par l’absence de volonté
politique. Et à la fin de la guerre froide (1990), la libéralisation des régimes
politiques a démultiplié les foyers de tensions et accru les conflits ouverts
(République Démocratique du Congo, Liberia, Soudan, République du Congo etc.).
En même temps, on a assisté, implicitement, au désintéressement et au
désengagement des Nations unies en Afrique, bien que 60 % des efforts onusiens
étaient orientés vers l’Afrique12.

Face à l’appauvrissement structurel de l’OUA en matière de prévention


et de gestion des conflits et en sus des changements opérés au début de la décennie
1990, le 29e sommet des chefs d’État de l’OUA a adopté, le 30 juin 1993, la
Déclaration du Caire. Celle-ci crée le Mécanisme de prévention, de résolution et de
règlement des conflits dont l’objectif est la prévention et la consolidation de la paix
(par l’action diplomatique et les négociations) ; la mention concernant les
opérations de maintien de la paix n’étant faite que subrepticement. Deux outils
avaient été mis en place pour l’efficience du mécanisme : l’un financier (le Fonds
spécial pour la paix) et l’autre opérationnel (le Centre de gestion des conflits) À
l’analyse, seul le Fonds spécial pour la paix était susceptible de garantir l’efficacité
du Mécanisme. Or, en 1998, seulement neufs pays africains avaient contribué au
Fonds (soit un montant total de 1,4 million de dollars US). À la même période, les
contributions des États non africains s’élevaient à 18,2 millions de dollars (dont 16
millions provenant des pays occidentaux). Aussi, le Mécanisme de la Déclaration
du Caire s’est-il avéré inefficace parce que peu contraignant juridiquement, mal
articulé 9 et inadapté aux conflits complexes (Rwanda en 1994) 13.

12
CHOUALA Y-A., « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union africaine.
Théorie et pratique" », Annuaire Français des relations internationales, 2005, volume VI, pp.286-308
13
Ibidem.
§2. La sécurité collective sous l’union africaine
La politique de défense et de sécurité conduite par l’Union africaine est
portée par des instruments juridiques qui créent et définissent les contours, les
responsabilités ainsi que le mode d’action de l’organisation et des acteurs
régionaux engages dans le système de sécurité collective de l’UA.

L’Acte constitutif de l’UA souligne sa prise de conscience ≪ du fait que


le fléau des conflits en Afrique constitue un obstacle majeur au développement
socio-économique du continent, et de la nécessité de promouvoir la paix, la
sécurité et la stabilité. A cet effet, l’UA s’est fixe plusieurs objectifs, notamment
celui de la stabilité sur le continent. Pour la construction de la paix en Afrique,
l’Acte constitutif définit des instruments structurant et organisant la démarche de
l’UA dans la gestion de la sécurité collective 14.

L’institution continentale envisage de mettre en place une politique de


défense commune constitutive d’un ensemble d’instruments et de moyens a
mobiliser pour défendre le continent. L’opérationnalisation de la politique de
défense et de sécurité de l’organisation est inherente a la creation du Conseil de
paix et sécurité de l’organisation par un protocole additif a l’Acte constitutif.

Le CPS constitue un systeme de sécurité collective et d’alerte rapide,


visant à permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise
en Afrique : cela sous-entend que le CPS est l’organe de mise en oeuvre des aspects
de defense et de securite de l’organisation panafricaine. Et conjointement avec la
Commission, le Conseil de paix et sécurité […] élabore les politiques et actions
nécessaires pour que toute initiative extérieure dans le domaine de la paix et la
sécurité sur le continent soit entreprise dans le cadre des objectifs et priorités de
l’Union15.

14
BASSOU A. «  Architecture Africaine de Paix et de Sécurité : Pertinence dans la conception et difficultés
dans les réalisations » in : 'OCP Policy Center, 2017, pp.1-11
15
Ibidem.
Le Pacte de non-agression et de defense commune affirme dans son
preambule la determination des Etats membres de l’Union a mettre fin aux guerres
et aux conflits de quelque nature que ce soit, a l’interieur des Etats et entre les Etats
en Afrique, en vue de garantir les conditions propices au developpement socio-
economique et a l’integration du continent, ainsi qu’a la realisation des aspirations
des peuples africains. S’il n’y a plus aujourd’hui de conflit direct ou ouvert entre
Etats africains, l’une des plus grandes menaces, a la paix et a la securite en Afrique
demeure les conflits internes, notamment ceux relatifs aux problemes de
gouvernance.

La volonté proclamée de réalisation des aspirations des peuples africains


peut paraitre dissonante au regard des defis africains relatifs a la bonne
gouvernance. C’est probablement pour cette raison que le preambule du Pacte de
defense commune considere que, la promotion d’une culture democratique forte par
l’organisation d’elections honnetes et regulieres, le respect des droits de l’homme et
de l’Etat de droit sont des instruments essentiels a la securite collective. En d’autres
termes, defense et securite collective sont, en contexte moderne, correlatives a la
bonne gouvernance et democratie16.

En outre, le pacte a pour objectifs de promouvoir la coopération entre les


Etats membres en matiere de non-agression et de défense commune, de promouvoir
la coexistence pacifique en Afrique, de prévenir les conflits entre les Etats ou dans
les Etats, et de veiller a ce que les différends soient résolus par voie pacifique.
Toute agression ou menace d’agression dirigee contre l’un des Etats membres
constitue une menace ou une agression contre l’ensemble des Etats membres de
l’Union, sachant que les Etats membres de l’UA sont lies par ce pacte condamnant
et refusant tout acte de guerre17.

16
NZE BEKALE L. « les principes et les instruments de la politique de défense et de sécurité de l’union
africaine » in Annuaire français des relations internationales, vol 13, 2019, pp.614-657
17
DE GENDT P., « L’Union Africaine face aux défis du continent », in :SIREAS, 2016/02 N°08 p.1-28
Cependant, la pratique prouve que les Etats ont desormais recours à
l’instrumentalisation de rebelles et groupes armees pour contourner le Pacte. Un
autre instrument qu’il convient d’evoquer est la declaration solennelle sur la
politique africaine commune de defense et de securite, qui confirme «  la volonté
politique commune d’intensifier les efforts collectifs en vue de contribuer a la paix,
à la sécurité, a la stabilité, a la justice dans l’intéret supreme des peuples
africains ». Dans le meme document, les chefs d’Etat et de gouvernement africains
ont reaffirme la determination du continent a se doter des capacités requises en
matiere de prise de décision en vue d’assurer une gestion effective des crises
politico-militaires afin de sauvegarder la paix et de renforcer la sécurité du
continent africain sur tous les plans, y compris l’élimination des conflits. Cet
instrument est consecutif a la prise en compte de l’indivisibilite de la securite du
continent, notamment du fait que la securite des Etats africains est liée 18.

Le preambule du Pacte reconnait aussi la contribution de l’Union


africaine et des Mecanismes regionaux pour la prevention, la gestion et le
reglement des conflits a la promotion et au maintien de la paix, de la securite et de
la stabilite en Afrique, ainsi que la cooperation et la collaboration accrues entre eux
dans la mise en oeuvre de l’agenda de paix et de securite du continent. en effet, Les
Parties institutionnalisent et renforcent leur coopération et coordonnent
étroitement leurs activités pour réaliser leur objectif commun d’éliminer le fléau
des conflits sur le continent et de poser les jalons d’une paix, d’une sécurité et
d’une stabilité durables. Le texte confirme ainsi la reconnaissance du role des CER
et des Mecanismes de coordination dans la prevention, la gestion et le reglement
des conflits dans leur zone de juridiction 19.

18
NZE BEKALE L. « les principes et les instruments de la politique de défense et de sécurité de l’union
africaine » in Annuaire français des relations internationales, vol 13, 2019, pp.614-657
19
Ibidem.
SECTION 2. LE CADRE INSTITUTIONNEL DE L’ARCHITECTURE
AFRICAINE DE PAIX ET SECURITE

Dans l’optique de garantir la defense et la securite du continent, l’Union


a fait de la prévention et du reglement pacifique des conflits des instruments
primordiaux de sa politique de defense et de securite. L’organisation s’est fixee
comme objectif d’eviter tout conflit sur le continent a travers la prevention et la
mobilisation des moyens pacifiques de resolution des conflits. Toutefois, les
instruments politiques de l’organisation dans ce domaine ne se limitent pas a la
prevention, etant donne que ces moyens peuvent s’averer inefficaces. Dans cette
hypothese, l’Union africaine a prevu des moyens coercitifs et des sanctions. Ce sont
des instruments mobilisables graduellement en fonction de la gravite de la situation
securitaire, c’est-a-dire qu’on peut d’abord imposer des sanctions avant d’opter
pour l’intervention militaire20.

C’est ainsi que cette architecture s’appuie sur un organe de décision (le
Conseil pour la paix et la sécurité); sur des mécanismes d’analyse et d’évaluation
(le système continental d’alerte rapide et le conseil des sages) et enfin, sur un
instrument d’action (la Force Africaine en Attente).

§1. Le Conseil de Paix : l’organe de décision

C’est le pendant africain du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il a


remplacé le Mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits
de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) devenu caduque avec l’avènement de
l’Union Africaine21. L’Union avait, en effet, décidé, dès 2002, de réviser ses
structures, ses procédures et ses méthodes de travail. C’est ainsi qu’en matière de
Paix et de Sécurité, l’Union avait opté pour l’élaboration d’un protocole relatif à la
création d’un Conseil de Paix et de sécurité.

20
LECOUTRE D. « Le conseil de paix et de sécurité de l'union africaine, clef d'une nouvelle architecture de
stabilité en Afrique ? » in : Afrique contemporaine 2004/4 n° 212. P. 131
21
BASSOU A. «  Architecture Africaine de Paix et de Sécurité : Pertinence dans la conception et difficultés
dans les réalisations » in : 'OCP Policy Center, 2017, pp.1-11
Ce protocole qui a été adopté à Durban en juillet 2002 et qui est entré en
vigueur en décembre 2003, stipule dans son article 2, 1er alinéa : « Il est créé, au
sein de l’Union, conformément à l’Article 5 (2) de l’Acte constitutif, un Conseil de
paix et de sécurité, qui est un organe de décision permanent pour la prévention, la
gestion et le règlement des conflits. Le Conseil de paix et de sécurité constitue un
système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à permettre une réaction
rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique 22 ».

Conformément à son protocole, les objectifs du Conseil de paix et de


sécurité sont notamment :

- de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique, en vue


d'assurer la protection et la préservation de la vie et des biens, le bien-
être des populations africaines et de leur environnement, ainsi que la
création de conditions propices à un développement durable ;
- d’anticiper et de prévenir les conflits. Lorsque des conflits éclatent, le
Conseil de paix et de sécurité aura la responsabilité de rétablir et de
consolider la paix en vue de faciliter le règlement de ces conflits ;
- de promouvoir et de mettre en oeuvre des activités de consolidation
de la paix et de reconstruction après les conflits pour consolider la
paix et prévenir la résurgence de la violence ;
- de coordonner et d’harmoniser les efforts du continent dans la
prévention et la lutte contre le terrorisme international sous tous ses
aspects ;
- de promouvoir et d’encourager les pratiques démocratiques, la bonne
gouvernance et l'état de droit, la protection des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, le respect du caractère sacré de la vie
humaine, ainsi que du droit international humanitaire, dans le cadre
des efforts de prévention des conflits23.

22

23
Le Conseil de paix et de sécurité est devenu l’organe de décision la
gestion et le règlement des conflits et vise à pourvoir le continent d’une capacité de
réaction rapide face aux situations de conflit et de crise en Afrique. Pour répondre
aux tâches qui s’imposent en termes de résolution des conflits, le Conseil de paix et
de sécurité, s’est doté de structures adéquates pour chacune des tâches.

Pour mener à bien son action et les missions qui lui ont été dévolues, le
CPS dispose de pouvoirs énoncés à l’article 7 du protocole, à savoir :
- l’anticipation, la prévention et le règlement des conflits ;
- l’intervention dans le cadre d’une opération de maintien de la
- paix ;
- les sanctions contre toute menace ou atteinte à la paix ;
- la mise en œuvre de la politique de défense commune ;
- la lutte contre le terrorisme ;
- la coopération avec les mécanismes régionaux et les Nations
- Unies dans la préservation et le maintien de la paix.

Enfin, Le Conseil de paix et de sécurité est composé de quinze membres


ayant des droits égaux dont dix membres élus pour un mandat de deux ans et cinq
membres élus pour un mandat de trois ans en vue d’assurer la continuité 24.

§2. Les autres organes de l’architecture africaine de paix et de sécurité


Face au défi intégrateur, de prévention et de consolidation de la paix
comme gage du développement, l’Union africaine a élaboré un ensemble
d’instruments institutionnels et normatifs au rang desquels le Conseil de paix et de
sécurité. Il s’agit de l’organe central de l’architecture de paix et sécurité de l’Union
Africaine issue de la mutation du Mécanisme de prévention, de gestion et de
résolution des conflits de l’OUA, créé au sommet de Lusaka en juillet 2001 25.

24
LECOUTRE D. « Le conseil de paix et de sécurité de l'union africaine, clef d'une nouvelle architecture de
stabilité en Afrique ? » in : Afrique contemporaine 2004/4 n° 212. Pp. pages 131 à 162
25
BASSOU A. op.cit. p.5.
L’APSA est l’instrument issu d’une convergence entre la demande de
certains dirigeants africains et le réengagement politique et financier de certains
partenaires extérieurs. Novatrice dans sa conception parce que son champ d’action
va de la prévention des conflits à la consolidation de la paix, l’APSA, pierre
angulaire du développement du continent africain, a suscité de réels espoirs 26.

En outre politique Toute politique de défenses suppose l’existence d’une


doctrine ou des idees explicatives soutenant la strategie. L’UA a defini un ensemble
d’outils et d’idees qui forment le corpus doctrinal et operationnel des actions de
defense et de securite de l’organisation.

Nous avons, à coté du conseil de paix et de sécurité, des mécanismes


d’analyse et d’évaluation que sont le système continental d’alerte rapide et le
conseil des sages et sur un instrument d’action qu’est la Force Africaine en Attente.

A. Le système continental d’alerte rapide et le conseil des sages

L’UA, dans sa politique de defense et de securite, a prevu un système


exercant des activites de veille et de collecte des informations aux fins derenseigner
l’organisation, les CER et les Etats membres sur les menaces qui pesent sur eux.
Pour cela, le CPS assume, dans ses nombreuses missions, les responsabilites
d’alerte rapide telles que prevues par l’article 6 de son protocole. En consequence,
pour faciliter la prevision et la prevention des conflits, un systeme continental
d’alerte rapide a ete cree en 2008 27.

Le systeme d’alerte rapide est compose d’un centre d’observation et de


controle denomme salle de veille, charge de l’analyse des donnees sur la base d’un
module approprie d’indicateurs d’alerte rapide, ainsi que d’unites d’observation et
de controle des mecanismes regionaux directement lies par des moyens de
communication appropries a la salle de veille.

26
LECOUTRE D. op.cit. p.140
27
NZE BEKALE L. « les principes et les instruments de la politique de défense et de sécurité de l’union
africaine » in Annuaire français des relations internationales, vol 13, 2019, pp.614-657
Le système d’alerte continentale et ceux des CER ont fait des progres
considerables en mettant en place les infrastructures et la methodologie necessaires
au systeme. Le systeme d’alerte continentale a continue a evaluer les informations a
travers sa salle de situation, en produisant de nombreux rapports. Le systeme fait
des efforts pour renforcer la coordination avec les divisions du departement de paix
et de sécurité et les différents programmes de l’UA 28.

S’agissant du conseil de sage note que c’est un organe consultatif qui


intervient en appui aux efforts du CPS et du président de la Commission auprès
desquels il a un rôle de conseil sur toute question relative à la promotion de la paix
sur le continent ; il leur soumet des avis et des recommandations en la matière. Il
fait office d’organe de médiation renforcé et a pour but de renforcer la capacité de
médiation de l’UA. En tant qu’instrument de prévention des conflits, il facilite
l’établissement du dialogue entre l’UA et les parties au conflit et peut entreprendre
des navettes diplomatiques et mettre en œuvre le processus de conciliation 29.

Le Groupe des Sages compte cinq personnalités africaines, hautement


respectées, venant de diverses couches de la société et ayant apporté une
contribution exceptionnelle à la cause de la paix, de la sécurité et du développement
sur le continent. Les « Sages » sont sélectionnés par le Président de la Commission,
après consultation des États membres concernés, sur la base de la représentation
régionale puis nommés pour trois ans par la Conférence des chefs d’État. Le
Groupe des Sages fait rapport au CPS qui, à son tour, le transmet à la Conférence.
Ses modalités de fonctionnement ont été adoptées en novembre 2007 par le CPS 30.

28
NZE BEKALE L. op.cit. p.629.
29
ATANGANA AMOUGOU J-L « Les accords de paix dans l’ordre juridique interne en Afrique », in : RRJ-
Droit Prospectif, 2008, n°3, pp. 1723- 1745
30
Ibidem.
Comme le laisse supposer sa dénomination, le Groupe des sages est
destiné à exercer une magistrature d’influence, notamment en jouant un rôle de «
cellule de réflexion » ou « laboratoire d’idées » sur la promotion de la paix, de la
sécurité, de la stabilité. Il est néanmoins utile de remarquer que le groupe des sages
dispose d’un pouvoir d’initiative qui lui permet ainsi d’entreprendre des activités
sans une demande préalable ou l’assentiment du CPS ou du Président de la
Commission.

L’idée d’une autonomisation de l’Afrique dans les domaines du maintien


de la paix et de la sécurité, répond au besoin évident de lever les obstacles au
développement socio-économique du continent, représentés notamment par la
persistance des conflits et de l’instabilité dans certains pays. La construction d’une
architecture africaine de paix et de sécurité s’inscrit aussi dans le contexte d’une
augmentation du nombre d’opérations de maintien de la paix (OMP) et du déclin
relatif des capacités d’intervention de la communauté internationale – baisse des
budgets de défense des pays occidentaux et réticence vis-à-vis des opérations de
soutien à la paix (OSP) –, justifiant une responsabilisation accrue des organisations
régionales31.

Comme vue ci-haut L'architecture africaine de paix et de sécurité


(African Peace and Security Architecture, de son acronyme anglais APSA) est
chapeautée par un organisme calqué sur le Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil
de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine. Le Protocole relatif à sa création,
adopté en juillet 2002 et entré en vigueur en décembre 2003, lui confère de larges
pouvoirs en matière de prévention, de gestion et de règlement des conflits.

L’une des grandes innovations de l’UA réside dans la constitution d’une


force africaine en attente (FAA). La FAA est l’un des piliers de l’architecture
continentale de paix et sécurité dont la mise en place effective permettra de
renforcer les capacités du continent dans le domaine de la paix et de la sécurité.
31
NATAMA JEAN-BAPTISTE « Architecture de paix et de sécurité en Afrique : la force africaine en attente »,
in : Institut des hautes études de défense nationale. 2015, pp.1-13
La FAA a vocation à constituer l’instrument commun de maintien de la
paix et de lutte contre le terrorisme, une sorte de casques bleus de l’UA. Elle va
permettre au CPS d’assumer ses responsabilités en ce qui concerne le déploiement
de missions d’appui à la paix en s’appuyant sur des brigades régionales mises en
place dans chacune des cinq régions du continent et en principe liées aux
organisations régionales existantes et opérationnelles 32.

Contrairement à la défunte OUA, l’UA s’est ainsi dotée d’un cadre


normatif lui permettant, en principe, d’intervenir dans les zones de conflit et
d’envisager des actions diplomatiques voire militaires, lorsque les circonstances
l’exigent33.

Pour permettre au Conseil de paix et de sécurité d'assumer ses


responsabilités, notamment dans le déploiement de missions d'appui à la paix et
l'intervention visant à prévenir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre
l'humanité, etc., une Force africaine « prépositionnée » a été créée en 2004. Cette
force est composée de contingents multidisciplinaires en attente, avec des
composantes civiles et militaires, issus de différents pays membres et prêts à être
déployés rapidement, dans différentes situations de crises 34.

En effet, la Force africaine en attente (FAA) est l’une des composantes


essentielles de l’APSA, aux côtés du Groupe des sages et du Mécanisme
continental d’alerte rapide. Les contingents de la FAA, sélectionnés et formés pour
des missions communes, peuvent être déployés rapidement selon six « scénarios »,
correspondant chacun à des situations de crise de plus en plus marquées 35.

32
Ibidem.
33
LUNTUMBUE M. APSA : contours et défis d’une Afrique de la défense. Note d’Analyse du GRIP, 15 janvier
2014,
34
Ibidem.
35
BOISSON DE CHAZOURNES, L. :op.cit.p.247
La FAA a été conçue avec une structure pyramidale se déclinant du
niveau continental vers les États membres et passant par le niveau des organisations
sous-régionales, celui des communautés économiques régionales (CER), avec une
répartition de responsabilités à chaque échelon concerné.

Les cinq régions du continent à savoir, l’Afrique australe, de l’Est, du


Nord, de l’Ouest et centrale, ainsi que leurs CER correspondantes, constituent
chacune une brigade en attente, devant servir de base à la FAA.

Les cinq brigades sont : la Brigade de la communauté de développement


d’Afrique australe (SADCBRIG), la Brigade en attente d’Afrique de l’Est
(EASBRIG), la Brigade en attente d’Afrique du Nord (NASBRIG), la Brigade de la
communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (ECOBRIG) et la Brigade
de la communauté économique des États d’Afrique centrale (ECCASBRIG) 36.

Outre sa brigade en attente, chaque CER est censée posséder un


dispositif de planification permanent, un quartier-général cadre à partir duquel est
assemblée sa brigade. Au total, à l’échéance 2015, la FAA devrait être en mesure
de regrouper de 25 000 à 32 000 hommes avec ses cinq brigades 37.

En vue de l’opérationnalisation de la FAA, une feuille de route a été


établie, précisant un plan de mise en place avec des délais indicatifs assorti
d’exercices au triple plan stratégique, tactique et opérationnel. Dans cette
perspective, des exercices ont été réalisés au niveau des régions, à l’exception de
celle du nord, et un exercice continental a eu lieu en 2010. Depuis 2013, note qu’à
peine deux des cinq brigades régionales sont en passe de devenir opérationnel, en
raison de multiples écueils politiques et matériels.

36
LIEGEOIS M, Le rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationales : éléments pour une approche comparative. Sherbrooke, EUE, 2016, p.127.
37
Ibidem.

Vous aimerez peut-être aussi