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Université centrale

Histoire de la diplomatie et des relations


internationales – cours

Par Anis Snoussi


Maître- Assistant en droit public

Année universitaire 2023 -2024

Introduction générale
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Les relations internationales désignent les relations (politiques,
économiques et culturelles …) qu’en tretiennent les Etats les uns avec les
autres et la manière dont ils mettent en place les uns avec les autres un ordre
ou un système international leur permettant de vivre en paix. Ce qu’on l’on
appelle en sciences politiques les relations internationales est le champ
disciplinaire de l’étude de ces relations (les acteurs, les systèmes, les
évènements et les théories.) Les relations internationales s’exercent dans un
milieu en évolution constante et rapide.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’il y a une multiplication


considérable du nombre des Etats, les intérêts des Etats ne sont pas toujours
en accord avec les intérêts de la communauté internationale.

Paragraphe premier, les Caractères généraux de la société


internationale
Au sein de la communauté internationale, chaque Etat dispose, d’un
point de vue juridique, d’une souveraineté égale à celle des autres Etats
indépendamment des disparités objectives de puissance et de développement.
A ce propos, l’article 2 § 1 de la charte des Nations Unies dispose que : «
l’Organisation des Nations Unies est fondée sur le principe de l’égalité
souveraine de tous ses membres. »

Cette égalité trouve une application pratique en termes de vote au sein


de l’Assemblée Générale des Nations Unies qui est l’organe plénier de
l’Organisation des Nations Unies. En effet l’article 18 de la Charte de cette
organisation dispose que « chaque membre (Etat) de l’Assemblée Générale
dispose d’une voie. »

Actuellement, il n’y a plus de terre sans maître, car toute terre relève de
la juridiction d’un Etat (sauf l’Antarctique). Tous les Etats sont voisins, mais les
Etats de la communauté internationale sont appelés à dépasser la simple
coexistence pour privilégier la coopération internationale. La nécessité de
coopérer va conduire à la multiplication des relations internationales.

Toutefois, il convient de souligner que la société internationale reste


décentralisée et différente de la société nationale. Car sur le plan national l’Etat

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a un monopole certain ainsi il peut imposer sa volonté aux particuliers et à
l’ensemble des acteurs sur le plan national.

En effet, la société interne est toujours hiérarchisée et centralisée alors


que la société internationale est décentralisée. Car au, sein de la communauté
internationale, le pouvoir est réparti de manière égalitaire entre les Etats. C’est
la raison pour laquelle les pays colonisés ont voulu accéder à ce statut d’Etat
qui leur permet d’avoir une existence politique sur le plan international.

Paragraphe deuxième, les spécificités de l’ordre juridique


international
Sur le plan international, la souveraineté est égale pour tous les Etats.
Pourtant, la société internationale est hétérogène marquée par de grandes
disparités essentiellement au niveau de la puissance économique politique et
militaire.

Par ailleurs, entre 1945 et 1991 une ligne de fracture a opposé deux
blocs sur le plan international : le bloc de l’est et le bloc de l’ouest. Cette
mésentente explique la course vers l’armement. L’effondrement du bloc
communiste n’a pas mis fin à l’armement.

L’Organisation des Nations Unies a permis seulement de réguler le


recours à la force sur le plan international. Pourtant, l’article 2 § 4 de la Charte
des Nations Unies évoque l’interdiction du recours à la force.

On peut dire que l’ordre juridique international se caractérise par une


physionomie très particulière qui tient à l’absence d’autorité centrale et
l’autonomie intérieure et extérieure des Etats.

La s ociété internationale ne connaît pas un pouvoir législatif


international qui a habilité à établir des lois internationales. Ceci ne veut pas
dire que les Etats ne sont pas soumis à des normes sur le plan international.

De plus, le rôle du juge international est limité car les différentes


juridictions internationales ne peuvent trancher un litige que suite aux
consentements des Etats (qui ont la qualité de demandeur et de défendeur.)

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Paragraphe troisième : Aux sources du droit international public
et du droit diplomatique
Aux 15ème et 16ème siècles naissent les Etats ce qui implique en théorie
au moins leur indépendance les uns par rapport aux autres.

Il est actuellement clairement admis que le droit intervenait depuis fort


longtemps dans l’organisation des rapports entre communautés humaines.
Dans l’antiquité la maxime « pacta sunt servanda » (Les engagements doivent
être respectés) s’imposait comme principe général.

A ce propos, il est important de souligner l’apport de la civilisation


romaine au droit d’une manière générale.

Au moyen âge, la papauté d’une part, les théologiens et les canonistes


d’autre part, ont tenté d’introduire quelques principes moraux dans les
rapports entre communauté humaine.

A titre d’exemple, lors des conquêtes menées dans le nouveau monde,


des théories relatives à la guerre juste furent élaborées. Il est possible de dire
qu’une ébauche du droit international public existait déjà à l’époque.

Au 16ème siècle, des données nouvelles interviennent ; dorénavant, les


Etats se veulent souverains. La souveraineté est par définition une puissance
absolue. Dans ce cas, la question qui s’impose est la suivante : comment
concilier souveraineté Etatique dans l’ordre interne et soumission à un ordre
juridique dépassant l’Etat ? (C’est-à-dire un ordre juridique qui s’inspire
essentiellement des normes du droit international public.) Cette question
demeure controversée, car cet ordre juridique international peut prendre des
aspects très variables.

Paragraphe quatrième : existait-il des normes juridiques


supranationales ?
Dans l’ancien droit, il existait des normes qui n’étaient spécifiques à une
seule communauté humaine. Ceci peut apparaître, notamment, à travers le
droit romain et le droit canonique.

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Ainsi, en ce qui concerne le droit canonique, la plupart des règles
essentielles émanaient de la papauté et d’imposaient aux fidèles de tout
l’occident. Le jus commune (expression latine qui veut dire « droit commun »)

Toutefois, la situation a évolué, car aux temps modernes un droit


commun à plusieurs Etats n’a plus sa place. Par exemple, en France le droit
canonique doit s’inscrire dans un cadre national c'est-à-dire dans le cadre du
droit positif.

Paragraphe cinquième : existait-il une organisation des


relations internationales ?
Sous l’ancien régime, la question est la suivante : connaissait- on les
conventions internationales et les traités internationaux ou encore quelques
principes guidant les relations internationales et permettant de limiter le
nombre des conflits armés ou au moins d’encadrer les manifestations de ces
conflits ?

Au moyen âge, l’Eglise ensuite les rois avaient tenté de lutter contre les
guerres privées au sein des royaumes européens en mettant en application une
politique pacificatrice qui pourtant ne s’inscrivait pas dans le cadre des
relations internationales.

Parmi les traités internationaux de l’époque, il est possible de citer le


traité de la paix Westphalie (1648) qui met fin à la guerre de trente ans. Il s‘agit
d’un premier ensemble d’accords organisant l’Europe et établissant une carte
et créant certains Etats (les Pays-Bas et la Suisse). Plusieurs traités sont signés
qui forment un important ensemble normatif.

La guerre de trente ans a impliqué l’ensemble des puissances du


continent dans le conflit entre le Saint Empire Romain et les Etats allemands
protestants en rébellion.

Plusieurs autres traités internationaux étaient également signés souvent


à la suite d’un conflit armé. Durant la même époque, la France et l’Espagne
reçurent compétence pour intervenir si nécessaire. Le recours à la force de la
part de l’un de ce deux pays était admis dès lors qu’il pouvait assurer l’ordre
européen.

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D’une manière générale, les traités internationaux étaient signés suite à
un conflit armé ce qui permettait aux vainqueur de faire valoir une partie
importante de ses prétentions.

Dans tous les cas, les guerres, les victoires et les défaites dictaient
l’organisation des relations internationales. Le fondement de la force
obligatoire de ces traités fut précisé par les juristes à partir du 16 ème siècle.

A la différence de ce qui se produit depuis la deuxième guerre mondiale


(1939-1945), les accords connus à partir du 16 ème siècle ne créaient pas
d’instances dotées d’une compétence pour décider des relations militaires
économiques et culturelles. Les rapports entre pays ne passaient pas par
l’intermédiaire d’organes internationaux, mais dépendaient de la volonté
personnelle de chaque prince.

Dans le domaine des relations internationales, le prince agissait par lui-


même souvent à titre privé. La politique internationale demeurait souvent une
affaire de famille et les objectifs politiques n’étaient pas toujours en accord ace
le bien de l’Etat. En outre, avant la révolution française de 1789, les Etats-
nations étaient rares. L’unité se faisait davantage autour de l’autorité
personnelle du prince souverain. Les relations entre Etats étaient tributaires de
cette réalité.

D’autre part, la situation médiévale dans laquelle l’empire germanique et


le pontife Romain (grand prêtre à Rome dans l’antiquité) s’étaient autrefois
disputés la maîtrise du monde avait disparu. Les relations internationales ne
dépendaient plus de ces deux pouvoirs au 17 ème siècle, le principe qui s’est
imposé au niveau des relations internationales est le principe d’équilibre.

En effet, en l’absence d’autorité supranationale le principe d’équilibre


semblait être la solution adéquate pour empêcher un Etat particulier de dicter
sa loi aux autres. En réalité, on considérait, à l’époque, qu’un certain équilibre
s’était établi en Europe entre les Etats suite aux traités de Westphalie qui ont
permis une certaine pacification des relations internationales.

Ainsi, l’ordre international pouvait évoluer mais sans remise en question


des rapports de force entre Etats. Cependant, le principe d’équilibre était tout
à fait conciliable avec la supériorité de quelques pays sur les autres. A l’époque,

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on voulait concilier deux tendances en apparence contradictoires : la volonté
de puissance inhérente à chaque Etat et la nécessité qu’un Etat fort ne
constitue pas une menace pour ses voisins.

Au 18ème siècle, le principe d’équilibre était la maxime fondamentale qui


guidait la politique des gouvernements et des ambassades. Les textes des
traités internationaux faisaient expressément référence à ce principe.
Toutefois, cette doctrine a permis de couvrir nombre d’abus et d’exploitations
des petits pays par les plus forts (France, Autriche, Russie, Prusse, Angleterre et
Espagne) ; ces abus ont conduit les philosophes des lumières à critiquer le
principe d’équilibre, ces philosophes cherchaient à limiter le droit dont
disposaient les princes de faire la guerre.

Dans le même esprit, on s’éleva contre la conception selon laquelle la


politique extérieure était une affaire privée entre grandes puissances. Juristes
et philosophes pensaient que les intérêts des nations devaient être pris en
compte, plutôt que ceux des princes à titre personnel.

Paragraphe sixième : peut-on parler d’un droit international


public et donc d’un droit diplomatique ?
En l’absence d’un droit supranational et alors que les relations
internationales ne connaissent qu’une ébauche d’organisation peut- on parler
d’un droit international public ?

Il faut bien noter, à ce propos, que le droit diplomatique est une


ramification du droit international public.

Durant des siècles, la force obligatoire des traités fut parfois contestée.
La conception même de la souveraineté permettait à un Etat, en tant qu’entité
souveraine, de ne pas s’estimer liés par des dispositions contraignantes à son
propre égard.

D’autre part, se développaient la pratique des négociations et des


relations diplomatiques. Dès le 15 ème siècle, des ambassadeurs permanents
d’un prince auprès d’un autre prince furent établis. Ce mouvement prit d’abord
de l’ampleur dans le cadre de l’Eglise. Ce fut le pape qui le premier qui le

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premier établit de tels représentants permanents dans plusieurs pays. Le
mécanisme s’est généralisé à toute l’Italie ensuite au reste de l’Europe.

Il convient de noter que les ambassadeurs permanents ont, en réalité,


remplacé les ambassadeurs itinérants.

A l’époque, l’installation d’un diplomate dans un pays étranger


nécessitait l’existence d’un traité qui doit préciser le statut et la mission de ce
haut responsable de la politique étrangère.

Jean Hotman fut l’un des premiers auteurs à présenter une théorie
relative aux fonctions de l’ambassadeur. Il publia en 1603 l’ambassadeur et
l’année suivante « de la charge et dignité de l’ambassadeur » (Jean Hotman est
né en 1552 à Lausanne -une ville Suisse, et il est mort le 26 Janvier 1636. Il
s’agit d’un diplomate et conseiller juridique français.)

Actuellement, contrairement à un ambassadeur résident qui doit résider


dans un pays ou dans une ambassade. L’ambassadeur itinérant est chargé
d’opérer dans plusieurs pays ou parfois d’occuper un siège dans une
organisation internationale telle que les Nations Unies.

Enfin, il convient de noter que des doctrines en rapport avec le droit


international sont apparues durant trois siècles (16ème , 17ème et 18ème siècles).

Toutefois, ces doctrines (réflexions de théoriciens) ne constituent pas du


droit positif et ne proposent guère de règles juridiques concrètes.

Notons également que ces théories émanent de philosophes,


réfléchissant tant sur les expériences des siècles antérieurs que sur la politique
de leur temps.

En l’absence de règles de droit positif en rapport avec le droit


international public, les philosophes et les théoriciens au cours de ces siècles
ont posé les fondements des normes juridiques, notamment, à travers la
notion de droit naturel et droit des gens.

Toute norme de droit positif doit respecter le droit naturel ; en revanche,


le droit des gens est fréquemment pensé comme découlant du droit naturel.
Droit naturel et jus gentium étaient en fait le fondement d’un droit rationnel

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devant gérer les relations entre nations ce que l’on désignera par la suite
comme étant le droit international public.

Les doctrines à ce propos furent nombreuses, retenons trois : auteurs :

Francisco Suarez ( 1548-1617),

Grotius (hugo de Groot) ( 1583-1645)

Emer de Vattel (1714-1767).

Première partie : histoire des relations internationales


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Chapitre premier : la mondialisation :

Introduction
Nouvelle grille de lecture depuis une quinzaine d’années, le mot
mondialisation est traduit de l’anglais « Globalization ». Cette notion permet
de désigner sous un mot unique une multitude de phénomènes qui affectent
les représentations d’un ordre politique relativement stable.

La mondialisation suscite désormais régulièrement des mobilisations


très médiatisées, le Forum Economique de Davos ou le forum social mondial de
Porto Allègre.

Ces manifestations devenant l’occasion de face -à -face avec les anti-


mondialistes ou les alter-mondialistes. Ces groupes manifestent leur opposition
au libéralisme et au capitalisme qui mettent à bas les valeurs et les équilibres
individuels et sociaux.

L’usage de la notion de la mondialisation s’est ainsi imposé pour


exprimer l’importance de la mutation issue de ces processus de transactions.

Paragraphe premier : Le processus de création d’une société-


monde : Un phénomène ancien
Il convient sans doute davantage de parler de mondialisations
successives au pluriel.

Le 15ème siècle c’est le moment des grandes découvertes des espaces de


la planète puis celles réalisées par les empires coloniaux à la fin du XIX ème
siècle jusqu’ à la fin de la guerre froide.

La mondialisation apparaît consubstantielle au capitalisme. Fernand


Braudel a montré comment le capitalisme s’est d’abord constitué dans les
circuits de l’échange international dans « des économies-monde » qui
transcendent les frontières politiques et culturelles avant de prendre sa forme
moderne dans le cadre de l’Etat-nation.

Le capitalisme est un système à l’échelle de la planète, organisant ses


diverses zones, c'est-à-dire essentiellement les centres et les périphéries.

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L’économie-monde européenne s’unifie autour du 16 ème siècle en
fonction des contraintes de distance et de temps. Mais également en fonction
de la hiérarchie des espaces entre des centres et des périphéries selon leur
positionnement et leur rayonnement dans l’économie-monde.

Une étape ultérieure semble avoir été franchie depuis les années 80 ;
cette étape permet d’expliquer les raisons qui poussent les acteurs à parler de
mondialisation et non plus d’internationalisation des économies.

Les stratégies nouvelles des firmes multinationales ont eu des


conséquences majeures aussi bien dans le domaine de la réglementation
financière internationale que dans celui du développement des nouvelles
technologies de l’information.

La déréglementation des économies nationales a permis l’extension des


règles du marché sur toute l’économie mondiale : fin du contrôle des échanges,
liberté accrue de circulation des capitaux, modernisation des marchés
financiers, extension des règles de libre concurrence dans des domaines de
plus en plus nombreux.

Les firmes multinationales ont adopté des stratégies globales de production


profitant d’un système d’information instantané de grande capacité.

L’informatisation des marchés financiers, le développement des réseaux


d’information a transformé la division internationale du travail.

Paragraphe deuxième : les territoires de la mondialisation


Cette flexibilité a favorisé l’adoption de stratégies globales pour des
entreprises globales. Une firme mondiale peut choisir d’ouvrir ou de fermer
certaines de ses activités en tout point du globe selon les opportunités.

La compétence des populations, leur formation, leur fiabilité constituent


un avantage concurrentiel dans la course globale aux marchés et non plus le
contrôle des matières premières. Le territoire devient donc un élément
relativement secondaire dans l’économie mondiale.

Paragraphe troisième : les enjeux de la régulation

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La mondialisation soulève plusieurs types de problèmes qui posent la
question de la nécessité d’inventer des formes de régulation.

Dans tous les cas, il convient de souligner que la mondialisation n’est pas
le fruit d’un néolibéralisme sans entraves. En effet, les nombreux acteurs de la
mondialisation ne cessent de s’adapter aux législations et aux contraintes qui
influencent leur cadre d’action.

La grande mobilité et la concurrence accrue entre les territoires


modifient les références et les modalités de la régulation.

Section première : La mondialisation et l’explosion des flux


Le trait fondamental de la mondialisation réside dans l’explosion des flux
de toutes sortes. Le gros de ces flux circule entre trois pôles : l’Amérique du
Nord, l’Europe occidentale et l’Asie.

Paragraphe premier : les flux migratoires

a-Des migrations intercontinentales aux migrations Sud –Nord


De la seconde moitié du 19ème siècle à la crise de 1930 se font les grandes
migrations européennes vers l’ouest des Etats-Unis et l’Australie. La
conjoncture est particulière : poussée démographique de l’Europe, besoin de
certaines puissances de coloniser des espaces par des hommes.

Actuellement, la forme de migration la plus répandue est la migration


Sud -Nord.

b-La prolifération de l’urbanisation


En l’an 2000, la moitié de l’humanité habite des villes. Cette urbanisation
est spectaculaire et s’accélère. A titre d’exemple, Pékin, 1 million d’habitants
en 1900 et 10 millions aujourd’hui. Ce phénomène n’est plus limité aux pays
industrialisés. Il est actuellement planétaire. La plupart des mégapoles de
l’avenir se trouvent dans le sud. Mexico 20 millions d’habitants, Sau Paulo 18
millions. Cette dynamique s’explique, notamment, par la surpopulation des
compagnes. Le développement très rapide de la Chine s’accompagne de la
migration de millions de chinois vers les agglomérations de la chine côtière.

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Dans cet univers l’homme est déraciné et isolé. D’où la recréation de
tissus sociaux précaires. Cette anarchie a accouché de mouvements politiques.
Dans l’Iran du Shah au cours des années 1970, la contestation Khoméiniste a
recruté dans la jeunesse à demi- scolarisée.

Dans l’Algérie des années 1990, le Front Islamique du Salut (FIS) recrute
parmi les jeunes.

Paragraphe deuxième : L’échange des biens et des services


La mondialisation a transformé la terre entière en un espace commercial
unique. De 1950 à 1990 la production industrielle mondiale est multipliée par
plus de sept.

Depuis la seconde moitié des années 1980, la quasi-totalité des pays en


développement ayant choisi un modèle fermé s’ouvrent de leur propre
initiative. Il s’agit notamment de la Chine, de l’Inde du brésil et la Russie.

Paragraphe troisième -La circulation des richesses

a)- L’enrichissement du monde et l’internationalisation des


acteurs
Cette poussée de la mondialisation naît d’abord de la croissance des
trente glorieuses (1945-1975). De nouveaux besoins prennent corps.

L’enrichissement des sociétés occidentales accroît la consommation et


l’épargne.

En outre, la capitalisation (c'est-à-dire l’épargne du futur retraité)


s’impose du fait du vieillissement des populations occidentales et
l’alourdissement des poids de retraite. Ceci amplifie l’internationalisation.

Depuis le début des années 1970, d’abord aux Etats-Unis, c’est le


développement spectaculaire des fonds de pension qui gèrent des sommes
colossales.

Ces institutions deviennent des acteurs financiers internationaux


majeurs.

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Du côté de la demande, il y a notamment la croissance et
l’internationalisation des entreprises. Un tournant historique se produit dans la
seconde moitié des années 1980.

A partir de 1985 l’internationalisation ne se fait plus seulement par le


commerce car l’investissement direct émerge comme un moteur majeur. Les
flux financiers deviennent beaucoup plus importants que les mouvements
commerciaux.

A partir des années 1990, les crises financières se succèdent.

b)- La dislocation des règles et des contrôles


Dans les années 1970, le régime des parités fixes ( le régime de change
fixe) entre les monnaies (accords de Bretton woods, juillet 1944) est
abandonné pour celui des taux de change flottants (accords de Kingston,
Janvier 1976). Désormais la valeur des monnaies est établie par les marchés et
donc ne cesse de varier en fonction de l’offre et de la demande.

La distinction entre le régime de change fixe et le régime de change


flottant est essentiel.

Le régime de change fixe


Dans un régime de change fixe, le cours d’une devise est fixe par rapport
à un étalon. Souvent une monnaie. Il est déterminé par la Banque Centrale qui
émet cette monnaie. Le cours ainsi fixé est appelé cours pivot (ou parité fixe) et
constitue le taux de change de référence autour duquel une certaine marge de
fluctuation peut être autorisée. Les autorités monétaires sont tenues de
défendre le cours pivot.

La Chine qui a un poids grandissant dans le cadre du commerce


international est souvent accusée de ne pas jouer le jeu des changes flottants
comme la plupart des pays développés en maintenant une devise sous évaluée
afin de favoriser les exportations.

Le régime de change flottant

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Dans un régime de change flexible ou flottant aucun engagement n’est
pris au sujet du taux de change qui évolue librement en fonction de l’offre et de
la demande.

Le démantèlement du contrôle des changes s’intensifient durant les


années 1980. La déréglementation visant à supprimer les barrières dans les
domaines internationaux (notamment financier).

Cette disparition ou du moins assouplissement des règles officielles


constitue l’un des signes de la formation d’un système financier mondial
échappant aux Etats.

Ainsi dès les années 1960, le marché des eurodollars prend corps, à partir
de dépôts en dollars hors des Etats-Unis. D’abord par les multinationales
américaines, mais aussi par les entreprises manipulant les flux en dollars. Les
Eurodolars représentent une source de crédits au- delà des contrôles
nationaux.

Dans les années 1970, arrivent les pétrodollars. Dans les années 1980,
déferlent les narcodollars dont les trafiquants de drogue effacent les origines
douteuses à travers le blanchiment.

c)-La connexion des marchés


La connexion des marchés est imposée par les pressions formidables pur
rendre aussi fluide que possible la circulation de l’argent. En quelques secondes
les capitaux se déplacent d’une entreprise à une autre ; il s’agit d’une
globalisation financière.

Section deuxième : les acteurs de la mondialisation


Quatre principaux titres d’acteurs sont transformés par la mondialisation : les
individus, les entreprises, les Etats et les mouvements transnationaux.

Paragraphe premier - Les individus

a)-Le déracinement
Pour l’individu, la mondialisation indissociable de l’urbanisation entraine
l’arrachement. En fait, la mondialisation contraint les habitants à émigrer. En

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effet, du fait de l’amélioration de la santé la démographie explose ; avec
l’accroissement des rendements beaucoup de bras deviennent superflus.

b)-L’apatride, figure clé de la mondialisation


C’est la nationalité qui donne selon la formule de la philosophe
Germano- Américaine Hannah Arendt « le droit d’avoir des droits ». Sans ce lien
avec un Etat l’individu n’a plus de droits. Or il est vrai que la personne déplacée
est un apatride ; il s’agit là de l’une des figures emblématiques de la
mondialisation.

Paragraphe deuxième -Les entreprises.


Toutes les grandes entreprises se trouvent contrainte de raisonner à
partir de la demande et de l’offre mondiale qui a explosé.

La demande se déplace, elle s’élargit. Les marchés des pays riches


paraissent saturer, c’est pourquoi l’Asie, l’Amérique Latine et l’Afrique se
présentent comme des gisements de consommateurs.

L’offre se mondialise essentiellement du fait de la délocalisation des


entreprises occidentales.

La mondialisation implique en permanence des délocalisations autrement


dit des transferts par les entreprises d’activités vers des zones à plus bas coût
de production. Ce phénomène n’est pas nouveau. La délocalisation s’inscrit
dans la dynamique capitaliste de division internationale du travail poussant les
multinationales à exploiter les avantages comparatifs dont chaque pays
dispose.

Depuis les années 1970, de nombreux facteurs ont amplifié


considérablement les délocalisations notamment la réduction des barrières aux
investissements étrangers et l’entrée dans les circuits internationaux de régions
qui étaient en marge. A titre d’exemple, la Chine et les anciens pays de
l’Europe de l’est après l’effondrement du bloc soviétique.

Paragraphe troisième - Les Etats

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Par définition, l’Etat est souverain ; il doit être reconnu comme tel par
les autres Etats, mais force est de reconnaitre que la mondialisation perturbe
les fonctions de l’Etat.

-La sécurité : pour le philosophe anglais Hobbes dans le Léviathan (1668)


le fondement de l’Etat réside d’abord dans sa capacité à garantir la paix civile.
Par ailleurs, selon la formule du philosophe-sociologue Allemand Max weber
(1864-1920), l’Etat moderne a le monopole de la contrainte physique légitime.

Or la multiplication des flux ne permet plus la fermeture hermétique de


l’espace national. La mondialisation encourage la recherche de mécanismes de
sécurité collective visant à exercer en commun la force au sein de dispositifs
internationaux. Par exemple, à travers l’organisation des Nations Unies.

- La législation : l’Etat souverain est également un espace indépendant de


législation. Cette souveraineté législative de l’Etat est affectée par la
mondialisation. Désormais, pour tout ce qui a trait à l’échange, les
législations nationales sont remodelées par les accords internationaux.
Ce processus est extrêmement poussé au sein de l’union européenne
impliquant une subordination des droits nationaux au droit européen.

Paragraphe quatrième -Les mouvements transnationaux


La mondialisation appelle la multiplication d’acteurs transnationaux

Le développement des opinions publiques qui étaient d’abord nationales.


Actuellement, on reconnait l’émergence d’une opinion publique internationale.

La mondialisation a conforté, notamment, les solidarités et les


mobilisations nationales.

Le développement d’une opinion publique internationale trouve son


explication notamment dans la densité et la rapidité des réseaux d’information
et de communication et particulièrement l’explosion d’internet durant les
années 1990. A l’origine, internet a été crée en 1969 aux Etats-Unis pour
connecter dans un réseau commun tous les ordinateurs reliant tous les
ordinateurs travaillant pour la défense américaine. Actuellement internet relie
des centaines de millions d’ordinateurs. Le nombre des utilisateurs augmente
de 10 % chaque mois.

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Parmi les manifestations de l’opinion publique internationale, il est
possible d’évoquer essentiellement les ONG. Actuellement, il existe plus de 180
ONG parmi les plus célèbres Amnesty international et médecins sans frontières.

*Amnesty International, créée en 1961 par le britannique Peter


Benenson, Amnesty a plus d’un million de membres.

* Pour médecins sans frontières, le point de départ est circonstanciel : la


guerre du Biafra (1967-1970), le peuple biafrais était en lutte avec le Nigéria
dont il a fait sécession.

Les ONG ont pu imposer la reconnaissance à partir des années 1980


dans les résolutions de l’ONU d’un droit « d’assistance humanitaire aux
victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre »,
notamment à travers la résolution 43/131 adoptée par l’Assemblée Générale le
8 décembre 1988.

Récemment, l’obligation d’assistance humanitaire a connu une évolution


remarquable. En effet, en septembre 2005, au sommet mondial des Nations
Unies, tous les Etats membres ont officiellement accepté la responsabilité de
chaque Etat de protéger sa population du génocide, des crimes de guerre, du
nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.

Dans le cadre de ce sommet mondial, les dirigeants mondiaux ont


également décidé que lorsqu’un Etat ne respecte pas le principe de la
responsabilité de protéger tous les Etats de la communauté internationale sont
dans l’obligation d’aider à protéger les personnes menacées par ces crimes
considérés comme étant des normes impératives du droit international
général.

Finalement, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies a


pour la première fois fait officiellement référence à la responsabilité de
protéger en avril 2006 dans le cadre de la résolution 1674 sur la protection des
civils en période de conflits armés.

Section troisième : les conflits de la mondialisation

Paragraphe premier -Les conflits à dominante économique

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a)-Les conflits entre riches et pauvres : les luttes entre ces deux catégories
est une des constantes de l’histoire humaine. Pour Karl Marx, il s’agit d’un
moteur de transformation des sociétés humaines. Par ailleurs, la révolution
industrielle à partir de la fin du 18 ème siècle change progressivement et
radicalement le mode de pensée de l’humanité. Grâce à la croissance
économique les hommes ne se disputent plus une richesse limitée mais une
richesse accrue et renouvelée.

L’une des dimensions majeures de la mondialisation de la libération des


échanges réside dans la mise en concurrence d’économies inégalement
développées. Les écarts des coûts de travail entre les pays les plus riches et les
pays les plus pauvres pouvant être de 1 à 10. D’où les dénonciations d’une
compétition déloyale entre les travailleurs des pays riches et ceux des pays
pauvres.

Pour la théorie économique libérale, la suppression des obstacles aux


échanges consolide la division internationale du travail. Dans cette
perspective, les délocalisations permettent d’exploiter les avantages qu’offrent
les pays développés : une main d’œuvre abondante et peu chère.

Mais cette représentation suppose un monde dans lequel les hommes


s’adaptent facilement aux évolutions techniques. Ceci n’est pas toujours vrai
car de nouveaux pays industriels se placent dans les services informatiques
(Maroc, Inde…). A cela s’ajoute que les pays industriels sont aspirés dans une
nouvelle aire technique entrainant notamment une réduction massive des
emplois industriels.

La propriété intellectuelle illustre un des conflits typiques de la


mondialisation entre riches et pauvres. Pour les pays riches, inventions, brevets
constituent le cœur de la prospérité. En plus, ces pays riches sont à l’origine des
systèmes de protection des connaissances.

Pour les pays en voie de développement, la copie, le piratage fournissent


des modes faciles d’enrichissement.

L’opposition entre les pays riches et les pays pauvres à propos de la


propriété intellectuelle a été l’un des derniers enjeux de l’une des négociations
du GATT. (Cycle de l’Urugay, Urugay Round- 1986 / 1994).

19
L’enrichissement tend à se concentrer dans quelques mégapoles
bénéficiant d’une forte croissance comme, par exemple, Londres ou Paris.

Les écarts de richesse produisent des tensions à l’intérieur des sociétés.


Il est vrai que les inégalités sociales dans chaque société sont durcies par la
compétition internationale.

Dans un monde divisé par les barrières douanières, le marché se confond


avec le cadre Etatique. A l’inverse la réduction ou la disparition de ces barrières
créent des marchés transnationaux et des régions petites ou moyennes
peuvent rechercher l’indépendance. D’où la fragmentation des Etats fédéraux
durant les années 1990 : l’Union Soviétique, la Yougoslavie…

b)- Conflits autour de l’exploitation des ressources naturelles

Cette problématique des ressources est également déterminée par les


progrès techniques. Depuis la fin du XVIII siècle, la révolution industrielle
entraine une exploitation accrue de la nature par l’homme.

Dans tous les cas, l’humanité doit pouvoir au 21 ème siècle assurer un
développement global équitable et qui permet de laisser aux générations
futures des richesses suffisantes.

1)-Les changements climatiques

Tout problème mondial ne peut être résolu sans la participation de tous


les acteurs. Ainsi, en 2005, le protocole de Kyoto, a fixé les limites quantitatives
aux émissions de gaz à effet de serre. Or ces limites ne visent que les pays
développés laissant libres les pays du sud. Par exemple, la Chine et l’Inde qui
sont de gros pollueurs.

2)- Les forêts tropicales

Celles-ci sont l’un des enjeux de la mondialisation.

La déforestation des pays européens s’étale sur plusieurs siècles alors


que la moitié des forêts tropicales disparaît au cours du dernier demi- siècle.
Pour les mouvements de défense de ces forêts celles-ci doivent faire partie des
«biens communs de l’humanité ».

20
Au sommet de Rio, en 1992, les pays tirant des revenus de leurs forêts
(Inde, brésil, Indonésie…) rejettent le principe d’une convention internationale
qui les priverait de la liberté d’exploitation. Une simple déclaration est
adoptée.

Paragraphe deuxième : les confits à dominante politique


a)- Fin ou poursuites des conflits classiques ?

Les conflits classiques sont essentiellement des conflits armés. Ce type


de conflit est défini comme étant une confrontation organisée collective et
virulente entre au moins deux acteurs qui peuvent être des acteurs Etatiques
ou non-Etatiques.

Il est nécessaire d’établir une typologie des conflits. La qualification d’un


conflit permet de déterminer les lois applicables, mais cette qualification n’est
pas toujours évidente à faire en raison de l’évolution possible d’un conflit
d’une catégorie à une autre.

A propos des conflits armés, il est possible d’établir la typologie


suivante :

- Le conflit interne : il s’agit là du type de conflit le plus commun. Il doit


avoir lieu entre les forces armées du gouvernement et un groupe civil
opposant organisé à l’intérieur des frontières de l’Etat. Ces conflits sont
motivés par des positions ethniques, religieuses ou idéologiques. Par
ailleurs, il convient de noter que le conflit interne peut se dérouler sans
intervention étrangère ou conduire à une intervention étrangère. Dans
ce cas, les troupes militaires d’un gouvernement étranger interviennent.
- Le conflit interétatique : ce conflit a lieu entre deux gouvernements
utilisant chacun leurs forces armées. Le conflit est souvent initié par une
déclaration formelle.
- Le conflit non -étatique : est l’utilisation de forces armées entre deux
groupes organisés. Aucun d’entre eux n’étant le gouvernement de l’Etat.

21
La mondialisation signifie-t-elle selon la formule de Hegel reprise par
l’Américain Francis Fukuyama « la fin de l’histoire » c'est-à-dire la disparition
des conflits et l’installation d’une paix universelle ?

La fin de l’histoire et le dernier homme (En anglais, the end of history and
the last man) est un essai du politologue américain Francis Fukuyama publié en
1992, identifié comme l’un des essais les plus importants du 20ème siècle.

Pour Fukuyama, « la fin de l’histoire » est une expression qui fait


référence à la fin de la guerre froide qui marque la victoire idéologique de la
démocratie et du libéralisme sur les autres idéologies politiques.

Pour le politologue américain, la chute du mur de Berlin, la dislocation du


bloc soviétique vont entrainer d’importants troubles. Mais, dans tous les cas, la
fin de l’histoire ne signifie pas l’absence de conflits mais plutôt la suprématie
absolue et définitive de l’idéal de la démocratie libérale.

Il est vrai que l’ère des conquêtes territoriales et des dominations


impériales est en principe close. La force se brise contre les résistances
nationales, ceci a été le cas de l’Union Soviétique en Afghanistan dans les
années 1980.

Le recours à la force est également banni par la communauté


internationale. A titre d’exemple, à la suite de l’invasion du koweit en 1990,
l’Irak est chassé de l’Emirat par une coalition sous commandement des Etats-
Unis.

Toutefois, il est utopique de vouloir bannir totalement le recours à la


force dans le cadre des relations internationales, tout au plus peut on assurer la
régulation de la force.

b)- Vers un affrontement mondial des civilisations ?

La mondialisation en diffusant les valeurs occidentales suscite de


véritables réactions. A l’aube du 21ème siècle, l’un des grands conflits de la
mondialisation oppose l’Occident et l’Islam. Pourtant, ce n’est pas un face à
face direct entre deux blocs idéologiques ou politiques.

Tout d’abord, les sociétés musulmanes se sentent profondément


humiliées. Jusqu’à présent aucune de ces sociétés n’a réussi pleinement son
22
développement économique et politique, en dépit de la variété des voies
choisies, par exemple, le nationalisme moderniste (L’Egypte de Nasser et l’Irak
de Saddam Hussein) ou l’Islamisme (l’Iran de Khomeini.)

Cette quête déçue de la modernité conduit à diaboliser l’occident et à


trouver toutes les explications possibles pour le rendre responsables de l’échec
du monde musulman. Paradoxalement, ces sociétés sont profondément
pénétrées par l’occidentalisation.

Dans cette otique, le choc des civilisations est un sujet qui est considéré
comme étant toujours d’actualité. L’expression « choc des civilisations » est la
base d’un modèle conceptuel élaboré par Huntington.

En effet, le choc des civilisations (en anglais the clash of civilizations and
the remaking of the world order) est le titre d’un essai d’analyse politique
rédigé par l’américain Samuel Huntington, professeur à Harvard paru en 1996.
La théorie développée par cet universitaire avait été initialement publiée dans
un article de la revue foreign affairs à l’été 1993. Cet article ayant suscité de
nombreuses réactions négatives et positives, Huntington a souhaité
approfondir sa théorie en publiant un livre « le choc des civilisations et la
refondation de l’ordre mondial ».

Le projet de Huntington est d’élaborer un paradigme pour décrire le


fonctionnement des relations internationales après l’effondrement du bloc
soviétique à la fin des années 1980. Toutefois, l’auteur ne prétend pas donner à
son modèle une validité qui s’étend forcément au-delà de la fin du 20 ème siècle,
et le début du 21ème siècle. En gros, Huntington s’appuie sur une description
géopolitique du monde fondée non plus sur des clivages idéologiques et
politiques mais sur des oppositions culturelles qu’il appelle
« civilisationnelles ».

23
Chapitre deuxième : le terrorisme

Introduction générale
Le terme terroriste est controversé, notamment, parce qu’il a été
employé pour qualifier les maquis résistant durant la seconde guerre mondiale,
de la même façon, le combat d’un Mandela à la tête de l’ANC dans l’Afrique du
Sud de l’apartheid était présenté par les autorités politiques de l’époque
comme relevant du terrorisme.

Récemment, les mouvements de résistance islamiste en Palestine


comme l’Etat d’Israël se renvoient mutuellement l’accusation de terroriste.
Chacune des deux parties espère convaincre l’opinion publique internationale
qu’elle est la cible d’actions terroristes.

Le terme terroriste constitue souvent l’enjeu même du combat auquel se


livrent les acteurs aussi bien sur le plan interne que sur le plan international.

L’emploi du terme terrorisme relève avant tout d’une opération de


dénonciation politique de l’adversaire.

La partie désignée comme étant terroriste est généralement celle qui


conteste la légitimité de l’Etat. Ce jugement est souvent remis en question si
les circonstances politiques changent. A titre d’exemple, l’Irgoun de Menahem
Begin était qualifié de groupe terroriste par le pouvoir Anglais en Palestine,
avant que le leader de ce groupe ne devienne premier ministre de l’Etat
d’Israël.

Paragraphe premier : une controverse constante à propos de


la définition du terrorisme
Le terrorisme peut se définir comme l’utilisation de moyens violents et
indiscriminés c'est-à-dire n’opérant aucune distinction entre les cibles militaires
et civiles, à des fins de pression sur le pouvoir de l’Etat. A ce propos, il convient
de souligner que le terrorisme conteste le monopole de l’Etat sur la violence.

Cette définition ne suffit pas à ôter à l’emploi de ce terme toute


ambiguïté. Il est difficile d’avoir recours à la notion de terrorisme sans poser de
véritables problèmes.

24
Appréhender la réalité terroriste pour imposer au concept une définition
claire n’est pas une opération aisée. Les définitions multiples du terrorisme
insistent sur de nombreux points dont aucun n’est à lui seul satisfaisant.

A ce propos, le philosophe Jacques Derrida écrit : « si on se réfère aux


définitions courantes ou explicitement légales du terrorisme qu’y trouve-t-on ?
La référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois (nationales
ou internationales) impliquant à la fois la distinction entre civil et militaire, (les
victimes du terrorisme sont supposées être civiles) et une finalité politique
(influencer ou changer la politique d’un pays en terrorisant sa population
civile.) »

Au-delà de la tautologie consistant à définir le terrorisme par la terreur,


on peut dire que les expressions privilégiées du terrorisme sont
essentiellement l’attentat aveugle et la prise d’otage.

L’Assemblée Générale des Nations Unies propose la définition suivante


du terrorisme : « les actes criminels qui à des fins politiques sont conçus et
calculés pour provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou
chez des particuliers sont injustifiables en toutes circonstances et quelques soit
les motifs de nature politique, philosophique, idéologiques raciale, ethnique,
religieuse ou autre que l’on puisse invoquer pour les justifier. »

Les actes de terrorisme sont contraires au droit de la guerre et aux droits


de l’homme et de ce fait ils sont hors la loi. Le droit de la guerre impose
d’épargner les civils. L’article 33 de la quatrième convention de Genève relative
à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949
précise que « les peines collectives de même que toute mesure d’intimidation
et de terrorisme sont interdites. »

L’article 51 du 1er protocole additionnel et l’article 31 du 2 ème protocole


additionnel aux conventions de Genève concernant la protection de la
population civile dispose que : « (…) ni la population civile en tant que telle ni
les personnes civiles ne devront être l’objet d’attaques.

Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est
de répandre la terreur parmi la population civile. »

Paragraphe premier : la dimension historique du terrorisme:


25
Dans le droit Romain, le terrorisme porte le nom de jus terrendi notion
qu’on trouve dans les digesters de l’empereur Romain d’orient justinien.

Le jus terrendi est le droit d’inspirer au criminel une terreur salutaire afin
de le maintenir dans le respect de la loi. Mais les Romains envisagent
également une autre acceptation. Selon eux l’usage de la terreur permet de
chasser du territoire tous ceux qui voudraient enfreindre les lois.

En somme, le jus terrendi a une dimension éthique puisque la terreur a


un effet dissuasif, quand il s’agit d’imposer la souveraineté de l’Etat.

Le mot terrorisme est apparu pour la première fois en 1794. A la base, le


terrorisme est un mode d’exercice du pouvoir et non un moyen d’action contre
lui.

Le mot a évolué au cours du 19 ème siècle pour désigner non pas une
action de l’Etat mais une action contre lui.

Le terrorisme au sens moderne est né avec les médias modernes. Le


terrorisme sous sa forme moderne se répand au moyen orient.

Le terrorisme désigne actuellement les actions violentes destinées à


répandre la terreur afin de faire pression sur un Etat ou sur une population
civile. (Exemples Daesh et Boko Haram). Ces actions violentes visent souvent
les populations civiles afin de détruire, tuer ou mutiler. Elles ont pour but de
promouvoir des messages à caractère idéologique, politique ou religieux.

Le terme terrorisme est actuellement fréquemment employé en droit


international et par les institutions internationales, mais cette notion ne donne
lieu à une définition unique et universelle.

La fin du 19ème siècle voit émerger le terrorisme anarchiste visant le réveil


des masses dont les effets avec l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche en 1914
seront considérables.

Le terrorisme paraît connaitre son apogée dans les années 60 en Europe


comme en orient. Son origine est beaucoup plus ancienne sous le poids des
trois révolutions, politique national et industrielle. L’Europe connaît une onde
de choc générant un climat de violence particulier.

26
Ce n’est que récemment à l’issu de la révolution Iranienne et de
l’invasion soviétique en Afghanistan que la menace fondamentaliste va
poindre.

L’émergence de cette variante de fondamentalisme prendra une


dimension véritablement dramatique à partir du début des années 90 qui
marque également la fin de la bipolarisation du monde.

La tragédie algérienne durant les années 90 ou l’irruption soudaine d’un


terrorisme transnational islamiste sous l’égide d’Al Quaïda illustrent une
mutation idéologique et tactique du terrorisme contemporain.

Paragraphe troisième : la typologie du terrorisme


Il est nécessaire de mettre en évidence la multiplicité des visages du
terrorisme :

Tout d’abord, dans ses ambitions, A priori, il n’y a pas de dénominateur


commun entre l’IRA, mouvement nationaliste à forte domination marxiste et le
discours anti-humaniste de Ben Laden.

Aux Etats-Unis d’Amérique le Ku Klux Klan mène un terrorisme constant


contre la population noire jusque dans les années 1960.

Ensuite, dans ses moyens en adoptant ce critère on peut se rendre


compte qu’il y a une différence remarquable entre d’une part, action directe,
sans soutien ni envergure et, d’autre part, les militants du Hamas, fortement
armés et immergés dans une population compréhensive.

Enfin, dans sa dangerosité, puisque le même qualificatif est de terroriste


est proposé pour désigner des clandestins corses du FLNC et les maquisards du
GIA algériens.

Il est possible également d’établir une typologie des groupes terroristes :

1-Le terrorisme à vocation révolutionnaire, a été fortement marqué par


le gauchisme militarisé qui secoua l’Europe occidentale dans les années 70. La
fraction Armée Rouge Allemande, les Brigades Rouges Italiennes, le GRAPO en
Espagne ont été les principaux animateurs de ces années de plomb qui
touchèrent essentiellement les pays anciennement totalitaires.

27
2-Le terrorisme indépendantiste, particulièrement vif en Irlande du Nord
et au pays Basque Espagnol mais également au Cachemire ou en Tchétchénie
constitue le même visage de cette typologie.

3- Le terrorisme fondamentaliste, le plus récent mais actuellement le plus


préoccupant. A titre d’exemple, le terrorisme transnational d’Al Qaïda
surprend et effraie, notamment, à cause de son manque d’ancrage
géographique, ainsi que le manque d’objectifs.

Depuis les années 1990, le terrorisme islamiste a pris une place


croissante sur la scène internationale. Les auteurs de ces actes veulent
apporter une réponse à la situation politique en Israël Palestine et en Irak à la
suite de l’intervention américaine. Cependant, le terrorisme islamiste a touché
aussi bien des pays comme l’Algérie, l’Egypte ou l’Indonésie où il n’y a pas de
troupes occidentales et ou il est difficile de parler de domination impérialiste.

4-Le terrorisme d’Etat complète la typologie proposée en venant rappeler que


le terrorisme est aussi utilisé par les Etats.

L’Etat intervient toujours au moyen de la terreur en la justifiant de façon


vertueuse, comme la résultante d’une politique morale à l’image d’un
Robespierre, inventeur d’un terrorisme d’Etat, comme une émanation d’une
pratique démocratique au service de la nation.

Extrait d’un discours de Robespierre du 5 févier 1794 intitulé « sur les


principes de la morale en politique ». « Si le ressort du gouvernement populaire
dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est
la fois la vertu et la terreur : la vertu sans laquelle la terreur est funeste ; la
terreur sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que
la justice, sévère prompte, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu ;
elle est moins un principe particulier qu’une conséquence du principe général de
la démocratie appliquée aux plus pressants besoins de la patrie (… ) que le
despote gouverne par la terreur ses sujets abrutis, il a raison, comme despote.
Domptez par la terreur les ennemis de la liberté et vous aurez raison comme
fondateur de la République. Le gouvernement de la révolution est le despotisme
de la liberté contre la tyrannie. »

28
Une constante du terrorisme est l’usage indiscriminé de la violence à
l’égard des civiles dans le but de promouvoir un groupe, une cause ou un
individu.

Le terrorisme d’Etat est une notion controversée utilisée pour désigner


« des actes terroristes » menée par un Etat. On parle également de terrorisme
d’Etat dans le cas où des actions terroristes ont été commanditées, manipulés
ou ignorés par un Etat. Dans ce cas, les méthodes utilisées sont strictement les
méthodes du terrorisme (Enlèvement, séquestration et assassinat), mais sous
couvert de la raison d’Etat. Les agents de l’Etat impliquées bénéficient de la
part de ses autorités de l’assentiment nécessaire.

L’expression terrorisme d’Etat est parfois utilisée pour décrire les


agressions ouvertement commises par un Etat contre un groupe particulier.

Le terrorisme d’Etat est pratiqué par les services secrets à des fins
politiques. Dans les années 1930, les services secrets soviétiques et italiens ont
ainsi éliminé plusieurs de leurs opposants réfugiés à l’étranger. Pendant la
guerre d’Algérie, les services français à travers la Main Rouge ont mené
plusieurs centaines d’actions homicides contre les responsables du FLN.

Après les indépendances, des dictatures comme celle de Saddam Hussein


en Irak et Mouamar Kadhafi en Libye ont aussi pratiqué la liquidation de leurs
opposants à l’étranger.

Section première : terrorisme et Etat de droit

Paragraphe premier : la difficile conciliation entre les


impératifs de l’Etat de droit et la lutte contre le terrorisme
Dans un contexte de terreur le juge, est invité à jouer un rôle essentiel
pour en vue de préserver l’intégrité de l’Etat de droit. Il a le devoir de contrôler
le maintien d’un équilibre fragile entre sécurité et liberté en s’assurant que les
Etats respectent l’obligation de protéger les personnes contre les menaces et
les attaques terroristes et tout en garantissant le respect des droits
fondamentaux des terroristes.

29
La tâche n’est pas aisée. Au lendemain des attaques du 11 septembre
2001, les réactions de plusieurs Etats dont les Etats-Unis d’Amérique montrent
que les risques de réflexes sécuritaires sont présents.

Les juges sont en réalité les gardiens de l’Etat de droit.

Si les actes terroristes portent atteinte aux droits fondamentaux des


victimes, les réactions des sociétés démocratiques face au terrorisme doivent
impérativement respecter le respect des droits de l’homme.

Ce rappel élémentaire porte en fait sur l’équilibre entre sécurité et


liberté que les sociétés démocratiques s’efforcent de maintenir.

Les droits de l’homme sont au cœur de ce débat. Ils sont perçus par
certain comme une menace à l’efficacité des stratégies de lutte contre le
terrorisme, tandis que pour d’autres, ils garantissent l’efficacité de ces
mesures.

Dans cette logique, il ne s’agit pas simplement de vouloir préserver les


droits de l’homme dans le cadre de la mise en œuvre des politiques de lutte
contre le terrorisme, mais également de les utiliser comme un outil de
prévention et de lutte.

Le respect des droits de l’homme n’est pas dans ce contexte une


revendication idéaliste, mais plutôt la condition technique nécessaire à
l’efficacité des mesures anti-terroristes.

Les écarts répétés de l’administration américaine de cette ligne de


conduite font l’objet d’une dénonciation non seulement au nom des principes
de l’Etat de droit mais surtout en raison de leur effet contre-productif.

Ainsi, les détentions de la baie de Guatanamo ou encore les tortures


d’Abu Graïb ont entravé les stratégies américaines de lutte contre le
terrorisme.

De telles méthodes extrêmes ne portent pas leurs fruits ; bien au


contraire. Aussi les stratégies antiterroristes doivent de manière générale
vieller au renforcement et au respect de l’intégrité de l’Etat de droit.

30
Derrière l’Etat visé par les conventions internationales de lutte contre le
terrorisme apparaissent en pratique les pouvoir exécutif, législatif et judiciaire
de l’Etat.

Il y a une apparente contradiction entre la logique d’efficacité de


l’exécutif qui doit préserver l’Etat de droit des terroristes et la logique
d’efficacité du judiciaire qui doit préserver l’Etat de droit des risques d’excès
sécuritaires. Certes, les difficultés de concilier ces deux logiques sont loin d’être
nouvelles.

Les Etats démocratiques ne doivent pas adopter une approche


unilatérale de la lutte contre le terrorisme basée sur l’efficacité sécuritaire. Les
organes de l’Etat vont être confrontés à la question de la conciliation entre ce
dernier impératif et un autre tout aussi fondamental qui réside dans la
protection des droits individuels.

L’activité normative est très intense aussi bien sur le plan interne que sur
le plan international avant même les attentats du 11 septembre 2001.

Le pouvoir exécutif doit s’assurer que la mise en œuvre des mesures de


lutte contre le terrorisme ne met pas en danger le respect de la garantie des
droits de l’homme.

Dans cette perspective, le garant ultime des droits de l’homme est bien le
juge qui est invité à contrôler la constitutionnalité (et la conformité au droit
international) des législations adoptées dans un contexte de terreur et la
légalité de l’action de l’exécutif.

Le raisonnement du juge sera systématiquement influencé par la position


qu’il adopte sur la question de la conciliation du paradigme sécurité et liberté.
En outre, le juge qui entend la cause d’une personne accusée de terrorisme
doit garantir et imposer le respect tout au long de la procédure et même au-
delà des droits de la défense et des droits de l’homme de l’accusé ou du
condamné.

Pour le juge, il ne s’agit pas d’opposer radicalement sécurité et liberté


mais de contribuer à l’efficacité des mesures anti-terroristes grâce à la
sauvegarde des droits fondamentaux et des principes qui fondent l’Etat de
droit.
31
A travers la jurisprudence interne et internationale apparaît la
conception que se font les juges de la société démocratique.

Comme le souligne le juge Barak, président de la Cour Suprême


Israélienne, la manière dont un Etat organise sa réaction au terrorisme est
symptomatique de l’état de la démocratie dans cet Etat.

En réalité, le terrorisme questionne les régimes démocratiques, car


l’enjeu majeur du problème est la survie de la démocratie comme modèle
politique.

Le difficile travail du juge doit permettre de mettre en balance deux


impératifs : la protection de la sécurité nationale et la sauvegarde des droits de
l’homme.

Les Etats ont l’obligation de garantir à la sécurité des personnes qui sont
sous leur juridiction. En matière de terrorisme les Etats doivent prévenir les
actes terroristes, notamment, à travers l’adoption de législations pénales
appropriées.

Toutefois, ceci n’implique pas que l’Etat ait une obligation de résultat de
protéger la vie et la sécurité de toutes les personnes qui sont sous sa
juridiction.

L’Etat jouit d’une marge discrétionnaire quant à la mise en place de


mesures préventives ou de lutte contre le terrorisme. Il a l’obligation
d’enquêter sur les violences terroristes et poursuivre et punir pénalement les
auteurs.

La nature de ces mesures et des stratégies pénales des Etats en matière


de lutte contre le terrorisme sont précisées dans les conventions
internationales relatives au terrorisme.

La stratégie de lutte contre le terrorisme des Etats doit être


proportionnée et les mesures ne doivent pas entraver le régime des droits de
l’homme et l’Etat de droit.

L’intervention du juge interne ou international, tient dans ce cas, à


écarter l’application des législations contraires aux droits de l’homme et à
rappeler aux Etats leurs obligations en la matière.
32
Paragraphe deuxième : Les droits et les libertés du terroriste
dans un Etat de droit

1- La censure et la liberté d’expression et de la presse


Il est raisonnable de soutenir que l’action terroriste s’accompagne
traditionnellement de l’expression de revendications.

Les autorités en charge de la lutte contre le terrorisme interviennent en


principe pour sanctionner les discours d’incitation à l’action terroriste.

De telles ingérences dans la liberté d’expression et parfois dans la liberté


de presse ne sont conformes au droit des droits de l’homme que sous certaines
conditions.

En ce qui concerne l’incitation à la violence, le pacte international (article


20) et la convention américaine (article 13-5) obligent les Etats à interdire les
discours de haine. Ces articles visent l’appel à la haine nationale, raciale ou
religieuse qui constitue une incitation à la discrimination à l’hostilité ou à la
violence.

Par ailleurs, même s’il est incarcéré un individu condamné pour


terrorisme continue, en principe de jouir du droit d’être informé qui constitue
l’un des aspects de la liberté d’expression. Les textes internationaux de
protection des droits de l’homme garantissant, en effet, à la fois le droit de
s’exprimer et le droit de recevoir des informations.

Peut-il pour autant recevoir et consulter n’importe quel journal pour


autant qu’il soit en vente libre ?

La dangerosité supposée d’un terroriste, même s’il est détenu explique


que dans certaines circonstances, les autorités pénitentiaires estiment qu’il est
nécessaire de prohiber certaines lectures.

2-L’interdiction des réunions, des associations et des partis


politiques
La liberté de réunion et d’association est garantie par de nombreux
instruments internationaux. Cette liberté prend directement sa source dans la

33
notion de pluralisme démocratique. Elle est indispensable pour permettre à
chacun de participer à la vie sociale et politique des démocraties, notamment,
en créant ou en intégrant des partis politiques, des syndicats, des associations
et des réunions. En effet, la liberté de réunion et d’association peut être
soumise à des limitations. Dans tous les cas, l’ingérence de l’Etat doit être
prévue par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaire d ans une
société démocratique.

Il convient de souligner que ces restrictions légitimes aux libertés


d’association, de réunion et de manifestation confèrent à l’Etat une certaine
marge de manœuvre dans leur mise en œuvre. Toutefois, en raison de
l’importance de cette liberté pour les démocraties, le contrôle des organes de
protection sera scrupuleux et exigeant.

Pour justifier l’interdiction d’un rassemblement pacifique, un Etat ne


peut pas se retrancher derrière l’existence d’une menace terroriste vague. Telle
est l’interprétation retenue par la Cour Européenne des droits de l’homme
dans l’affaire Makhmoudov c / Russie du 26 juillet 2007. Dans cette affaire, le
requérant se plaignait d’avoir été empêché par les autorités de tenir un
rassemblement visant à exprimer le mécontentement de citoyens concernant
l’administration locale.

3- Les écoutes téléphoniques et les autres moyens d’enquête


Pour lutter efficacement contre le terrorisme et en particulier pour
déjouer les attentats les autorités de l’Etat (forces de police, service de
renseignements…) doivent réunir des informations.

De la qualité de ces informations et de leur fiabilité, va dépendre


l’efficacité des enquêtes et des moyens de lutter contre le terrorisme.

Or, au regard des droits et des libertés, l’utilisation de ces moyens pour
collecter l’information constitue assurément une ingérence dans le droit de la
vie privée.

Le droit à la protection de la vie privée et familiale est énoncé par les


articles 17 et 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,
l’article 11 de la convention américaine des droits de l’homme, l’article 8 de la
convention européenne des droits de l’homme.
34
Dans l’affaire Klass et autre c/ Allemagne qui concernait la loi relative aux
écoutes téléphoniques adoptée dans le contexte du terrorisme des années
1970, la Cour Européenne des Droits de l’Homme met en avant la nécessité de
protéger les droits individuels sans pour autant nier l’importance de lutter
efficacement contre les activités terroristes.

4-L’assignement à résidence et les autres entraves à la liberté


de circulation
Avant d’en arriver à l’arrestation d’une personne soupçonnée de
terrorisme et son placement en garde à vue, les autorités nationales peuvent
restreindre la liberté de circulation des individus.

Le droit à la liberté de circulation est protégé par l’article 12 du pacte


international relatif aux droits civils et politiques.

Cette liberté n’est pas absolue, mais elle peut selon ces traités faire
l’objet de restrictions poursuivant notamment comme dans le cas de la lutte
contre le terrorisme, un objectif de sécurité nationale, de maintien de l’ordre
public, de préservation d’une infraction ou de préservation des droits d’autrui.

Un scénario relativement classique est celui dans lequel une personne


est suspectée de terrorisme se voit soit assignée à résidence. Les autorités de
lutte contre le terrorisme visent ainsi à s’assurer de pouvoir contrôler les
déplacements d’un suspect.

Les organes de protection des droits de l’homme insistent en particulier


sur la nécessité du contrôle judiciaire de telles mesures voulant ainsi limiter le
pouvoir discrétionnaire des autorités de lutte contre le terrorisme.

5-Les assassinats ciblés « targeted killings » et les opérations


meurtrières
Pour prévenir des actions violentes, les autorités de lutte contre le
terrorisme peuvent dans certains cas choisir d’aller encore plus loin et avoir
recours à la force au risque d’affecter dans certains cas le droit ultime : le droit
à la vie ; ce droit est incontestablement un droit pilier du droit international des
droits de l’homme.

35
Les organes de protection des droits de l’homme ont à plusieurs reprises
souligné que le droit à la vie met à la charge des Etats deux types d’obligations :
une obligation d’abstention dite aussi négative à savoir celle de ne pas priver
arbitrairement une personne de la vie et des obligations positives telles que
celle de prévenir ou réprimer les atteintes arbitraires au droit à la vie. Il faut
néanmoins ajouter que si ce droit est indérogeable, l’interdiction de porter
atteinte à la vie n’est pas posée de manière absolue. L’article 2 de la
convention européenne reconnaît des cas licites den privation de la vie. En
particulier, cette disposition énonce que la privation de la vie « résulterait d’un
recours à la force rendu absolument nécessaire pour assurer la défense de toute
personne contre la violence illégale, pour effectuer une arrestation régulière ou
pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ou pour
réprimer conformément à la loi une émeute ou une insurrection. »

La jurisprudence de la Cour Suprême Israélienne a dû trancher la


question de savoir si les mesures antiterroristes fondées sur le « Targetted
Killing » et pouvant entrainer la mort du terroriste. Cette pratique est-elle
conforme aux dispositions des traités internationaux de protection des droits
de l’homme qui protègent le droit à la vie telles qu’interprétées par les organes
de surveillance ?

Les juges de la Cour Suprême Israélienne appliquent la notion de « war


on terror ». Ils considèrent que l’Etat d’Israël est dans une situation de conflit
armé international. Les assassinats ciblés sont examinés au regard du droit
international humanitaire de sorte que la protection du droit à la vie du
terroriste et des civils qui se trouvent dans la zone visée n’est pas absolu. Ainsi,
le terroriste reste certes un civil au sens du droit international humanitaire
mais il perd son immunité dès lors qu’il prend part active aux hostilités au sens
der l’article 51 § 3 du protocole I de 1977 aux conventions de Genève.

6- Les disparitions forcées et les transferts extraordinaires


La lutte contre le terrorisme est un impératif et doit être une priorité
pour les Etats de manière à protéger les droits des personnes.

Face au péril de la terreur, certains Etats choisissent parfois d’éliminer les


éléments à risque susceptible de porter gravement atteinte à la sécurité
nationale en recourant à la technique des disparitions forcées.
36
Les disparitions forcées constituent en droit international des droits de
l’homme à une catégorie bien particulière de violation des droits de l’homme
qui peut être constitutive de crime contre l’humanité.

La convention internationale pour la protection de toutes les personnes


contre les disparitions forcées adoptée en 2006 définit les disparitions forcées
en ces termes : « aux fins de la présente convention, on entend par disparition
forcée, l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de
privation de liberté commise par les agents de l’Etat ou par des personnes ou
des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou
l’acquiescement de l’Etat, suivie du déni de la reconnaissance de la privation de
liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu
ou elle se trouve la soustrayant à la protection de la loi. »

7- L’arrestation arbitraire ou illégale


Le droit à la liberté occupe une place déterminante en droit international
des droits de l’homme. Toutefois, cela n’interdit pas pour autant l’Etat de
priver de leur liberté certains individus qui constituent une menace pour la
société.

D’une manière générale, pour être conforme au droit international des


droits de l’homme, la privation de liberté doit être légale et régulière.

Toute privation de liberté s’accompagne enfin de garanties judiciaires


qui doivent permettre aux personnes détenues de se défendre.

Parmi ces garanties, on soulignera en particulier le droit d’être traduit


dans un bref délai devant un juge qui doit limiter le délai de garde à vue. Ainsi
que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable qui limite le délai de la
détention préventive.

Face aux menaces terroristes ou en réaction à des attaques terroristes,


les Etats ont tendance à revoir les conditions d’arrestation et de détention de
personnes soupçonnées d’être directement ou indirectement impliquées.

En pratique, ces exceptions visent à renforcer l’efficacité et la rapidité


des mesures policières. Dans ce cas, l’Etat adopte des délais de garde à vue
plus longs que ceux du régime ordinaire. Ce régime d’exception permet

37
également d’institutionnaliser le secret et la confidentialité qui explique par
exemple que le suspect est privé de son droit de s’entretenir avec son avocat.

Ce régime d’exception peut se solder dans des cas plus extrêmes par la
détention arbitraire. C’est la solution retenue par les autorités américaines
dans le cadre de la guerre au terrorisme. En effet, les détenus de Guatanamo
étaient sous l’entière discrétion des autorités gouvernementales sans aucun
contrôle judiciaire.

8-La torture et les mauvais traitements


La lutte contre le terrorisme soulève une série de questions concernant
le respect de l’intégrité physique des personnes suspectées, accusées ou
condamnées pour terrorisme.

Les autorités de lutte contre le terrorisme vont devoir s’assurer que leurs
agents ne maltraitent pas les terroristes que ce soit pour obtenir des
informations ou par vengeance.

Pour le droit international des droits de l’homme la dignité et l’intégrité


de la personne humaine sont absolues. Ce principe est proclamé, notamment,
par l’article 3 combiné à l’article 15 de la Convention Européenne des Droits de
l’Homme.

9-Les aveux forcés


La lutte internationale contre le terrorisme a posé la question de la limite
des moyens à utiliser pour obtenir des preuves. La confession obtenue sous la
torture est inadmissible tant sur le plan moral que juridique.

L’article 15 de la convention contre la torture et autres peines ou


traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 stipule qu’une
déclaration obtenue par la torture ne peut pas être invoquée dans le cadre
d’une procédure.

L’information ainsi obtenue risque d’être erronée et peu utile. La réalité


de la lutte contre le terrorisme pousse parfois les autorités à s’écarter de la
voie du raisonnable et du droit. Dans ce cas, la principale question qui se pose
devant la justice est la recevabilité des preuves.

38
10- La condamnation du terroriste à la peine de mort
Les instruments conventionnels visant à réprimer les actes de terrorisme
requièrent des Etats non seulement d’incriminer les comportements identifiés,
mais également en rapport avec la gravité des actes commis. Doit-on
considérer que les actes terroristes ayant pour effet d’ôter la vie à un grand
nombre de personnes doivent être punis par la peine capitale ?

La réponse du droit international des droits de l’homme et en particulier


le système européen est assurément négative. Certes, la peine de mort n’est
pas interdite dans la version originelle des traités de droits de l’homme et elle
fait même partie dans l’article 2 de la convention européenne des droits de
l’homme de 1950, des privations licites de la vie dès lors qu’elle est prononcée
à la suite d’un procès équitable conduit devant un tribunal compétent.

La pratique conventionnelle des Etats et du Conseil de l’Europe et de la


jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est venue dans
l’affaire öcalan c/ Turquie parachever cette évolution vers l’abolition totale de
la peine de mort en toutes circonstances sur le continent européen. La Cour
Européenne a fait preuve d’une audace particulière lors de l’interprétation des
obligations internationales de la Turquie sous l’angle de la peine capitale.

Section deuxième : terrorisme et relations internationales

Paragraphe premier : La naissance d’Al Quaida : le fondement


idéologique d’un mouvement islamiste radical (transnational)
Al Quaida, la base en arabe est une organisation islamiste radicale créée
clandestinement en 1988 au Pakistan parmi les combattants arabes engagés
dans le jihad ne Afghanistan.

Dans la fondation de cette organisation, trois personnes ont joué un rôle


important : le cheik Abdallah Youssef Azzam, et deux disciples, Oussama Ben
Laden et Aymen Al-Zawahiri.

Azzam est d’origine palestinienne. Il était un théologien fortement


engagé dans le mouvement des frères musulmans. Il a enseigné en Arabie
Saoudite où il rencontré Oussama ben Laden à la fin des années 1970.

39
Abdallah Azzam a sa conception particulière du jihad et il a contribué au
développement de l’islamisme radical transnational. Son assassinat en 1989 au
Pakistan a fait de Ayman al Zawahiri l’idéologue d’al Qaida.

D’un point de vue idéologique, Al Qaïda est une organisation islamiste


radicale néo-fondamentaliste qui prône un jihad international en vue de créer
les conditions de la fondation d’un Etat islamique. Sous l’égide d’un calife
d’abord dans les pays musulmans (l’Oumma) et ensuite à l’échelle mondiale.

La présence actuelle d’al Qaïda en Syrie et de Daesh en Irak s’inscrit dans


cette logique. Il s’agit là de deux mouvements islamistes de tendance Salafiste.
Il s’agit d’un courant sunnite qui revendique un retour à l’Islam authentique
pratiqué par le prophète de l’islam et ses compagnons (Sahaba).

Parmi les figures majeures du courant, on trouve également Ibn


Taymiyya (1263-1328) théologien et juriste musulman et Muhammed Ibn Abdel
Waheb (1720-1792) fondateur du Wahabisme et penseur du Salafisme.

Au sein de ce courant, on peut on peut distinguer deux tendances : le


salafisme révolutionnaire ou Jihadsite et le Salafisme missionnaire ou
prédicatif.

Un autre trait de l’idéologie d’Al Qaïda, se manifeste par la notion de


jihad global. Selon les idéologues d’Al Quaïda, le jihad est une obligation
individuelle.

D’un point de vue politique et stratégique, al Qaida se réfère à la théorie


de « l’ennemi proche » et de« l’ennemi lointain » conceptualisée par
l’idéologue du jihad islamique Egyptien Abdel Salam Farej dans un ouvrage
l’impératif occulté publié en 1981.

Cette idée fut reprise par AL Zawahiri. Dans un texte intitulé cavaliers
sous l’étendard du prophète, il montre la nécessité de combattre l’ennemi
lointain. Selon cette distinction les Etats-Unis, Israël et leurs alliés sont l’ennemi
lointain, alors que les dirigeants des pays musulmans dépendant de l’occident
se classent dans la catégorie de l’ennemie proche. La majorité des actions d’Al
Qaïda s’inscrivent dans cette logique, y compris les attentats du 11 septembre
2001.

40
Paragraphe deuxième : les effets des attentats du 11
septembre 2001 sur la situation politique de l’Afghanistan.
En frappant les Etats-Unis, les auteurs des attentats du 11 septembre
visaient également l’ennemi lointain dans le cadre d’une guerre asymétrique
illustrant la montée en puissance du terrorisme transnational.

Des attaques contre les Etats-Unis, (membre de l’Otan) ont été


perpétrées par Al Qaïda, basée principalement en Afghanistan qui à cette
époque était dirigée par les talibans qui ont refusé d’extrader ben Laden.
L’article 5 de la Charte de l’Otan a été invoqué et l’alliance atlantique est
intervenue en Afghanistan au nom de la guerre contre le terrorisme et elle a
fini par instaurer un gouvernement sous la présidence d’Hamid Karzei.

Il est important de souligner que ces attentats ont été organisés par une
organisation terroriste et non pas par le régime politique Afghan. Par
conséquent, la sécurité des Etats-Unis s’est trouvée directement menacée par
un acteur non-étatique de type transnational et non par un Etat.

Depuis l’instauration d’un nouveau régime, les islamistes radicaux


estiment que la présence des troupes de l’Otan en Afghanistan constitue une
occupation par des non musulmans et que le Jihad est devenue une obligation.

Pour l’heure, l’Afghanistan demeure un Etat failli en raison de ses


fragilités et de ses faiblesses et du fait que sans soutien étranger, il risque
l’effondrement. L’Etat failli est générateur d’instabilité et d’insécurité à
l’échelle régionale, par conséquent, dans ce cas l’aide et la solidarité de la
communauté internationale sont essentielles.

Paragraphe troisième : le rôle d’Al Quaïda et de l’Etat


islamique dans le conflit en Irak après 2003.
En 2002, les Etats-Unis ont placé l’Iran, et la Corée du Nord la liste des
pays formant « l’axe du mal » : ce discours a montré le caractère idéologique
de la nouvelle politique étrangère de Washington dans la mesure où cette
politique repose sur des critères moraux et idéologiques.

Durant la mandature de Georges W Bush le discours politique était basé


sur le clivage suivant « un axe du bien et un axe du mal » impliquant une vision
41
manichéenne « tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre eux ». Cette
vision renvoie à une sorte de droit naturel qui s’inscrit dans la continuité d’un
concept ancien de guerre juste.

L’un des objectifs de la politique étrangère poursuivi par les


néoconservateurs tenait en la démocratisation du moyen orient dans le cadre
doctrinaire du grand moyen orient. La stratégie de ce projet consistait à
remodeler la géopolitique de la région afin d’y instaurer un nouvel ordre sous
l’hégémonie américaine. C’est pour réaliser cet objectif qu’il était nécessaire de
renverser les régimes dictatoriaux afin d’instaurer la démocratie en
commençant par provoquer la chute du régime irakien. Les Etats-Unis ont
accusé ce dernier de détenir les armes de destruction massive et de soutenir Al
Qaïda.

Washington a fait le choix d’attaquer l’Irak en 2003 sans l’aval de l’ONU


afin de renverser le régime irakien et d’instaurer un gouvernement provisoire.

La politique des Etats-Unis loin de contribuer à la stabilité internationale


a entrainé un désordre régional marqué par l’insécurité et la fragilisation d’une
partie des Etats de la région.

D’un point juridique, cette guerre ne reposait sur aucune légalité


internationale étant donné que ses auteurs n’avaient pas respecté les
procédures juridiques relatives au droit de la guerre. C’est pourquoi, elle
s’inscrit comme une rupture radicale au regard du droit international
contemporain.

Les conséquences politiques et stratégiques de l’invasion de l’Irak sont


multiples. 1-L’instauration d’un nouveau système politique dominé par les
chiites qui représentent près de 60 % de la population. 2- L’augmentation de la
puissance de l’Iran en Irak et au moyen orient 3-L’Irak est devenu le théâtre
d’une rivalité entre l’Arabie Saoudite, la Turquie et l’Iran en vue d’y accroitre
leur influence. 4- Le démantèlement de l’armée et des services de sécurité
irakien. 5- le développement des activités des islamistes radicaux sous la
direction d’Al Qaïda qui n’était pas présente en Irak auparavant. 6-
L’accentuation des conflits interconfessionnels 7-L’émergence d’une nouvelle
configuration de puissance au moyen orient.

42
L’Irak a été dirigé par un gouvernement provisoire durant trois ans avant
de se doter en 2006 d’un gouvernement issu du suffrage universel. Depuis
cette date, l’Irak a connu plusieurs exécutifs. D’abord, le gouvernement Al
Maliki un chiite pro-iranien. Ce premier ministre a appliqué une politique
sectaire, c’est ce qui explique qu’il a été écarté du pouvoir en 2014.

Par ailleurs, le nouveau président kurde et le nouveau premier ministre


chiite se sont engagés à former un gouvernement d’union nationale pour que
toutes les parties politiques et ethniques soient représentées.

Il est important de rappeler que l’Irak est un pays multiethnique. A


l’époque de l’ancien régime, les chiites 60 % et les kurdes 20% étaient
discriminés et réprimés par le régime de Saddam Hussein. Depuis le
renversement de ce dernier, c’est l’inverse qui se produit.

Depuis 2014, l’Etat islamique de l’Irak et du Levant a renforcé ses


opérations en Irak. Ses combattants ont attaqué plusieurs villes importantes
notamment Mossoul. Daesh (l’Etat islamique) invite les musulmans du monde
entier à prêter allégeance au nouveau calife. Il est nécessaire de préciser que
l’effondrement de l’empire ottoman avait entrainé la fin de ce système. En
1924, Kamel Atatürk avait aboli le califat. L’Etat Islamique projette d’étendre
son autorité sur l’ensemble de l’Irak.

Paragraphe quatrième : le rôle de Al Quaïda et de l’Etat


Islamique de l’Irak et du Levant dans le conflit en Syrie
Le conflit syrien a débuté après la révolte d’une partie du peuple syrien
porteuse de revendications démocratiques et exprimant son mécontentement
par des manifestations.

L’ensemble de ces revendications ont été réprimées et c’est à partir de


l’été 2011 que le conflit s’est militarisé.

Dans un contexte international marqué par « le printemps arabe » et les


changements de régime en Tunisie et en Egypte, une majorité d’observateurs
dans le monde s’attendaient à la chute du régime mais la révolte n’a pas
abouti.

L’exception syrienne s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs.

43
Premier facteur : L’existence d’une armée puissante et fidèle au
président syrien d’autant plus que la majorité des commandants de cette
armée sont issus de la communauté alaouite et qu’un éventuel renversement
du régime doit, en principe, entrainer des conséquences importantes pour
cette communauté.

Deuxième facteur : il faut également prendre en considération le soutien


populaire dont jouit le régime étant donné que 10% de la population syrienne
sont alaouites et 10 % chrétiens. Les sunnites sont majoritaires, mais une partie
de cette majorité n’a pas pour autant soutenu les opposants au régime.

A ce propos, il convient également de souligner que les sunnites sont


également représentés au sein du pouvoir.

En plus, les élites économiques sunnites ont bénéficié de la libération


économique et de la stabilité politique de la Syrie. Elles n’avaient donc aucune
raison de soutenir le soulèvement contre le pouvoir.

Troisième facteur: L’importance stratégique de la Syrie pour la Russie,


pour l’Iran et pour le Hezbollah a fait en sorte que le régime a trouvé quelques
soutiens extérieurs.

Quatrième facteur : Il convient également de souligner les divergences


entre les membres du Conseil de Sécurité de l’ONU et en particulier
l’opposition de la Russie et de la Chine à une intervention internationale en
Syrie. Ces deux puissances défendent leurs intérêts stratégiques au moyen-
orient et ne souhaitent pas voir se reproduire le scénario libyen en Syrie.

Par ailleurs, il convient de souligner qu’une série d’acteurs tels que


l’Union Européenne, les Etats-Unis la Turquie ou l’Arabie Saoudite ont soutenu
les opposants syriens et plus particulièrement l’armée syrienne libre.

En février 2012, Ayman Al-Zawahiri a appelé tous les musulmans à


soutenir l’opposition syrienne, ce qui a eu pour conséquence l’entrée officielle
d’al Qaïda dans le conflit afin d’y mener le jihad contre le régime syrien.

La transformation de la protestation pacifique en lutte armée a débuté


en 2011 pour deux raisons majeures.

44
Premièrement, le régime syrien a amplifié la répression et n’a pas
répondu favorablement aux revendications de la population et la protestation
pacifique n’a pas abouti au changement du régime espérée.

Deuxièmement, en juillet 2011 le colonel Riyad al Assad a fondé l’armée


syrienne libre pour lutter contre les forces militaires du régime. Dès lors, cette
armée a mené le combat dans différentes villes de Syrie. Depuis sa fondation,
ces troupes sont soutenues par la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Quatar, les pays
Européens et les Etats-Unis.

En effet, l’Arabie Saoudite, en rivalité régionale avec l’Iran, soutient


l’Armée Syrienne Libre (ASL) dans son combat pour renverser le pouvoir syrien
et ainsi affaiblir le régime Iranien. Cette armée est toujours active, mais elle est
confrontée à la montée en puissance des islamistes radicaux qui ont réduit son
importance.

A la suite de la proclamation du jihad contre le régime de Bachar Al


Assad en 2012 par le chef d’Al Qaïda, la branche Syrienne de cette organisation
(le front Al Nosra) a intensifié ses attaques contre l’armée régulière. Cette
organisation a perpétré des attentats à Damas et à Alep en 2012 ainsi que dans
différentes villes syriennes en 2013 et 2014.

L’objectif poursuivi par Daesh était l’instauration d’un Etat Islamique en


Irak en Syrie et au Liban, mais depuis 2013, le chef d’Al Nosra s’est opposé à la
fusion de son organisation dans la structure de l’Etat Islamique qui a proclamé
le califat en juin 2014 en Irak. Dans le contexte actuel, le Front Al Nosra
poursuit ses activités en Syrie et les dirigeants d’al Qaïda n’ont pas reconnu
l’Etat islamique en Irak comme califat légitime ce qui prouve l’existence d’une
lutte pour le leadership chez les islamistes radicaux.

L’implication en Syrie d’Al Qaïda et de l’Etat Islamique de l’Irak et du


Levant a produit des conséquences sur l’internationalisation du conflit. Ces
organisations ont affaibli le régime en attaquant l’armée et en contrôlant
plusieurs villes notamment dans les régions frontalières.

Dans ce contexte, la possibilité de l’effondrement du régime syrien a


entrainé la mobilisation militaire du Hezbollah, l’allié stratégique de l’Iran et de
la Syrie et cela a joué un rôle décisif dans la consolidation du régime. L’entrée

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en guerre du Hezbollah en faveur du régime syrien s’inscrit en faveur d’un
pacte stratégique qui existe depuis 2000 entre le Hezbollah, l’Iran et la Syrie.
C’est la raison pour laquelle l’Iran a soutenu le régime syrien et a empêché avec
l’appui de la Russie et du Hezbollah le renversement de Bachar Al Assad.

Une autre conséquence de l’intervention d’al Qaïda et de Daesh en Syrie


tient en la crainte de la population de voir instaurer un Etat Islamique. Cet effet
psychologique a affaibli l’opposition et a renforcé le régime.

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