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Cours de l’organisation judiciaire

Semestre 4

Prof. Kawtar NFISSI

Année Universitaire 2019-2020


Introduction générale

Lorsqu’une personne estime que l’un de ses droits a été bafoué, elle ne peut pas se venger en
se faisant justice elle-même. C’est à l’Etat qu’il revient de régler les différends qui séparent
les individus afin de faire régner l’ordre dans la société.
Pour ce faire, L’Etat marocain dispose de différentes juridictions et de multiples personnels
affectés à celles-ci.

La justice est un vecteur essentiel du renforcement de la cohésion sociale, un facteur décisif


de la démocratie en profondeur de la société et le principal pilier de la consolidation de l'Etat
de droit.
La justice occupe une place du choix dans l’organisation du pouvoir des Etats, et constitue le
moyen de réalisation d’un certain ordre social et de protection des droits et libertés des
personnes.
La sécurité et la prévisibilité juridiques, la certitude que la loi est la même pour tous,
conditionnent la confiance que les citoyens peuvent avoir dans un système judiciaire, et
contribuent, de façon décisive à la quiétude et la stabilité sociale.

L’organisation judiciaire désigne l’ensemble des tribunaux et des cours du Royaume chargés
de statuer sur les différents litiges, et de réprimer l’infraction sous toutes ses formes.
Dans l’optique de ce schéma, le terme « Tribunal » renvoie à une juridiction de premier degré,
en l’occurrence le Tribunal de première instance, tandis que le terme « Cour » se rapporte aux
juridictions supérieures telles que les Cours d'appel ou la Cour Suprême.
Au terme de l'article premier de la loi 1-74-388 du 24 Joumada II 1394 (15 juillet 1974)
fixant l'organisation judiciaire du Royaume, celle ci comprend les juridictions de droit
commun et les juridictions spécialisées.

Or, il a été difficile dans tous les pays à travers le monde de mettre sur place une organisation
judiciaire rapidement. Ceci s’explique par le fait que l’organisation judiciaire est une œuvre
lente qui nécessite le respect des traditions d’un pays, le respect des principes formels hérités
du passé et de la propre conception de la justice. En outre, l’organisation judiciaire nécessite
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la formation de techniciens de droit, pour donner à tous les citoyens des garanties pour la
défense de leurs droits et de leurs biens.
Cela nécessite une formation particulière d’un personnel qualifié, et cette formation ne peut
pas se produire d’une manière instantanée.

Avec la croissance économique et le développement politique et social, la réforme de la


justice s'avère pour le Maroc une nécessité vitale.
Cette réforme doit prendre en compte les expériences étrangères qui ont fait leurs preuves,
mais aussi puiser dans notre histoire, dans notre culture, dans notre patrimoine juridique et
dans nos aspirations.
Au Maroc, l’organisation de la justice est intimement liée à l’histoire du pays, à sa
civilisation et à sa culture (La justice est le reflet de la culture civilisation).
La situation actuelle du système judiciaire marocain est l’aboutissement d’une longue
évolution depuis le Protectorat jusqu’à nos jours, évolution dictée par les changements
intervenus dans l’environnement politique, économique et social.
C’est pourquoi il nous parait indispensable, pour mieux saisir la réalité du système judiciaire
actuel, de faire un aperçu de son développement historique et d’étudier les différentes stations
par lesquelles est passé le train de l’organisation judiciaire marocaine jusqu’à sa présente
phase qui sûrement, ne sera pas la gare butoir, puisqu’on a assisté auparavant comme on
assiste actuellement et on continuera à assister dans l’avenir à des réformes du système
judiciaire marocain, selon l’évolution des conditions sociales, politiques et économiques du
pays et de sa population.

Dans cette optique, on peut dire que l’évolution du système judiciaire marocain a connu trois
grandes étapes à savoir :

1 – La justice d’avant le Protectorat :


A cette époque, il n’y avait pas d’organisation judiciaire dans le sens contemporain. Il existait
de nombreuses juridictions sans aucun rapport entre elles.
Le Maroc, pays musulman appliquait en principe la CHARIAA par un CADI nommé par le
SULTAN.
A cette époque, la justice au Maroc comprenait cinq juridictions : la justice du CADI, la
juridiction du CAID et du PACHA, la justice coutumière, la justice du Rabbin et les
juridictions consulaires.

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Dans les pays arabophones, deux juridictions particulières existaient : d’une part, le tribunal
du CADI, et d’autre part, le tribunal du juge (MAKHZEN) qui est celui de l’agent de
l’autorité locale : le CAID dans les campagnes et le PACHA dans les villes.
Les procédures judiciaires étaient simples et le domaine d’intervention du CADI était très
large et englobait toutes les différentes sortes de litiges.
Quant aux Caïds et Pachas, ils disposaient de la force publique et pouvaient réquisitionner
tout le monde, même si les affaires portées devant eux étaient des plus simples.
Dans les pays berbères, il y avait une justice coutumière composée d’une juridiction pénale et
une juridiction civile.
Le juge pénal était le chef de la TRIBU (L’AMGHAR) ; il était élu par la « JMAA », une
assemblée tribale qui réunit les sages de la tribu. Dès son élection, l’AMGHAR dressait la
liste des infractions et des peines qu’il va juger pendant son mandat. Il détenait la « JMAA »
informée de ses initiatives et ses diligences.
Quant à la compétence civile, elle était donnée à un arbitre choisi par les parties au procès, et
dont la décision pouvait faire l’objet d’un appel constant. Ce juge était aussi choisi par les
sages de la TRIBU, caractérisés par la neutralité, l’impartialité et la probité.
Toutes ces juridictions étaient enrichies par les juridictions de la communauté juive au
Maroc : les tribunaux hébraïques dans lesquels c’est le RABBIN qui tranchait les litiges et
détenait un pouvoir de coercition sur ses justiciables.
Enfin, existaient des juridictions chargées de trancher les litiges nés entre les étrangers qui
existaient au Maroc : ce sont les juridictions consulaires ou capitulaires.

2 – La justice pendant le Protectorat :


Le législateur du protectorat optait pour une organisation caractérisée par la multiplicité des
juridictions :
- Les tribunaux du Chraâ ;
- Les tribunaux du Makhzen ;
- Les tribunaux Hébraïques ou rabbiniques ;
- Les tribunaux coutumiers ;
- Les tribunaux consulaires,
- Et enfin, les tribunaux chérifiens modernes mis en place dans les zones françaises et
espagnoles, et composés de magistrats français.
Ce système pluraliste était complexe et soumettait les populations à des régimes juridiques
différents selon qu’elles habitaient les villes ou les campagnes.

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La probité des représentants du pouvoir judiciaire était suspecte et appelait des réserves. Ces
personnes tiraient leurs ressources et parfois leurs fortunes des « cadeaux » qu’ils recevaient
des justiciables.
La justice du CHRAA (mariage, divorce…etc.) était entre les mains des CADIS qui
tranchaient en matière immobilière et en matière du statut personnel des marocains
musulmans.
Les juridictions Makhzen étaient constituées à la base par les tribunaux du PACHA et du
CAID qui étaient compétents en matière pénale, ainsi que par les tribunaux des juges-
délégués qui connaissaient seulement des actions civiles et commerciales. Les jugements
rendus en premier ressort étaient portés en appel devant le Haut tribunal chérifien.
Les CAIDS et les PACHAS n’avaient aucune connaissance juridique, et le protectorat a
éprouvé le besoin de les faire assister par des contrôleurs français pour les éclairer.
Les autorités françaises ont tenté d’instituer dans les zones berbères des juridictions spéciales
(tribunaux coutumiers) destinées à créer une division de la population marocaine.
Les juridictions rabbiniques furent maintenues en vue d’appliquer aux marocains de
confession juive la loi mosaïque dans les affaires du statut personnel et successoral.
Quant aux tribunaux chérifiens modernes, ils comprenaient des justices de paix, des tribunaux
de première instance, des conseils de prud’hommes et une cour d’appel. Ils étaient composés
uniquement de magistrats français aussi bien au siège qu’au parquet.
Ces tribunaux offraient aux français du Maroc une justice perfectionnée pour inciter les autres
puissances étrangères à renoncer à exercer leur justice consulaire.
La mise en place d’une organisation judiciaire française et espagnole était neutralisée par la
promulgation du code de l’organisation judiciaire française et espagnole le 12 Août 1913.
Pendant toute la durée du protectorat, il n’avait été question que de la nécessité d’introduire
des réformes dans le domaine de la justice ; mais les autorités du protectorat ignoraient toutes
les revendications des citoyens en prétendant que la justice en place répondait au vœu de la
majorité.
Il fallait attendre l’indépendance pour organiser la justice sur des bases saines, et il fallait
également unifier la justice en supprimant cette multitude de juridictions pour les remplacer
par des juridictions ouvertes à tous les justiciables, quelle que soi leur nationalité ou leur
religion. De même, il fallait créer un corps de magistrats et lui donner un statut indépendant.

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3 – L’ERE de l’indépendance :
La 3éme étape débuta avec l’indépendance du pays. A ce moment, aucun critère de la justice
moderne n’était satisfait.
Une fois l’indépendance retrouvée, il avait été nécessaire de mettre immédiatement sur place
une organisation judiciaire totalement nouvelle sur tout le territoire marocain, sans aucun
héritage du protectorat.
Le système judiciaire devait connaître un important développement afin de se mettre en
conformité avec les changements politiques économiques et sociaux du Maroc.
Ainsi, le législateur s’efforça de réunir les juridictions françaises du Maroc et les juridictions
marocaines dans une seule institution, un seul tribunal. Les premières nommées les
juridictions modernes compétentes à l’égard des français et des étrangers résidents, les
secondes désignées juridictions ordinaires réservées aux marocains.
De 1956 à 1961, le système judiciaire fut renforcé par de nouvelles institutions judiciaires qui
répondaient aux besoins du Maroc de l’indépendance.
Ainsi, ont été institués des tribunaux de juges-délégués, des tribunaux régionaux et le haut
conseil chérifien.
Les tribunaux des conflits du travail et la Cour suprême ont été mis en place parallèlement au
renforcement de l’arsenal judiciaire.
Enfin, la cour de justice et le tribunal militaire ont été institués afin de préserver la sûreté
intérieure et extérieure de l’Etat.
La séparation des pouvoirs fut concrétisée par la suppression de tout contrôle de la justice.
L’année 1965 fut caractérisée par l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier relative à
l’unification, la marocanisation et l’arabisation du système judicaire.
En vertu de cette loi, l’organisation judiciaire du Royaume se composait désormais des seuls
tribunaux du SADAD, des tribunaux régionaux, des Cours d’appel et de la Cour suprême.
Cette organisation est restée en place jusqu’à l’adoption de la loi du 15 juillet 1974 relative à
l’organisation judiciaire et au statut de la magistrature.
Dorénavant, le système judiciaire était organisé de façon à simplifier la composition des
tribunaux et faciliter le rapprochement des justiciables.
Ainsi, le législateur a mis en place une nouvelle architecture composée de juges communaux
et d’arrondissements, de tribunaux de première instance, de Cours d’appel et de la Cour
suprême.
En 1993, les tribunaux administratifs spécialisés ont été créés.

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En 1997, la nécessité de se mettre en conformité avec le développement économique sur la
scène internationale a conduit à l’instauration des tribunaux de commerce et des cours d'.
En 2003, l’entrée en vigueur de la loi portant code de la famille s’est accompagnée de
l’instauration d’une justice de la famille au sein des tribunaux de première instance.
En 2006, ont été instaurées des cours d’appel administratives.
Aujourd’hui, depuis le 15 septembre 2011, le législateur marocain a mis en place les
tribunaux de proximité qui sont venus remplacer les tribunaux communaux et
d’arrondissement.
L'entrée en vigueur de la loi relative à la justice de proximité, est supposée, grâce à la mise en
place d'une jurisprudence traitant des litiges et délits mineurs selon une procédure simplifiée,
afin d’améliorer le rendement et l'efficacité de l'appareil judiciaire.
La mise en œuvre des nouveaux textes devrait permettre de rationaliser la justice et de la
conformer aux changements introduits par la réforme constitutionnelle. Ainsi, l’organisation
judiciaire du Maroc s’en verra profondément modifiée.

Toujours dans le contexte du processus de réforme profonde du système judiciaire marocain,


on assiste à l’adoption de deux nouvelles lois organiques :
La première est la loi n°100-13 du 24 mars 2016 relative au conseil supérieur du pouvoir
judiciaire. Cette réforme veille à ce que l'organisation judiciaire s'appuie sur le principe de
l'indépendance du pouvoir judiciaire, tout en garantissant les mécanismes de coopération
relatifs au fonctionnement administratif des tribunaux.
Par le biais de cette loi, le conseil supérieur du pouvoir judiciaire a pris fonction le 7 avril
2017 après l’installation de ses membres par le souverain. Il s’agit d’une institution qui veille
à l’application des garanties relatives à la nomination, la promotion, la discipline,
l’indépendance et la retraite des magistrats.
Alors que la seconde loi organique n° 106-13 portant la même date est relative au statut de la
magistrature. Elle comprend des dispositions relatives à la composition du corps de la
magistrature, aux droits et devoirs des magistrats, à leurs positions statutaires ainsi qu’aux
garanties qui leur sont accordées.

Actuellement, la nouvelle loi n° 38-15 du 18 décembre 2018 relative à l’organisation


judiciaire du royaume porte révision générale du cadre juridique de l'organisation judiciaire
conformément à une approche visant à assurer l'efficience et l'efficacité judiciaire au niveau
des tribunaux.

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Dans cette optique la réforme apporte de nouveaux mécanismes pour aplanir les difficultés
qui entravent la bonne marche de la justice, et renforcer la confiance des citoyens dans le
système judiciaire.
La nouvelle loi ambitionne d’assurer une plus grande efficience des tribunaux, de garantir les
droits des justiciables et d’améliorer la gestion de l’administration judiciaire, à travers la
consolidation de la confiance et de la crédibilité dans ce domaine. L’idée est d’insuffler une
nouvelle dynamique à l’appareil judiciaire, afin de couper avec certaines pratiques qui ont
grippé la machine et favorisé la perte de la confiance des citoyens.
Cette loi insiste également sur l’exécution des dispositions et des procédures auprès des
tribunaux de manière à garantir un procès équitable, ainsi que sur le respect des droits de la
défense et le prononcé des jugements dans un délai raisonnable avec leur justification.
Elle prévoit le principe de bénéficier de l’assistance judiciaire et de percevoir des dommages
et intérêts en cas d’erreur judiciaire.

Ainsi à travers ce long chemin historique, peut-on constater que l’évolution du système
judiciaire marocain est l’aboutissement d’un long processus de réformes importantes, afin
d’établir un système moderne capable de réaliser la justice judiciaire.
D’une manière générale, pour qu’une organisation judiciaire soit valable, elle doit être
représentée par un pouvoir judiciaire indépendant et animée par des magistrats honnêtes et
compétents, pour refléter la notion de justice répandue dans la masse.
Il faut aussi que l’organisation judiciaire représente un ensemble homogène qui soit bien entre
les mains de la souveraineté qui s’exerce dans le pays.
Cette organisation atteint son but si elle assure le rayonnement de la justice et donne
confiance à la masse des justiciables.
Cela se réaliserait par le respect de principes importants comme l’unité de la justice,
l’indépendance du pouvoir judiciaire et la probité du personnel des différentes juridictions.

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Chapitre I. Les principes de base de l’organisation
judiciaire marocaine
Il existe à la base de l’organisation judiciaire actuelle un certain nombre de principes
fondamentaux qui lui donnent sa particularité et sa valeur. Ces principes sont au nombre de
six.

Section 1. Le principe de séparation des pouvoirs


La séparation des pouvoirs est un principe qui préconise que les trois grandes fonctions de
l’Etat (le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire) soient chacune
exercée par un organe ou une instance différente :
 Le pouvoir législatif confié au législateur par le biais du parlement qui édicte les
règles de droit ;
 le pouvoir exécutif confié au gouvernement qui exécute les règles de droit, et à la tête
duquel se trouve le chef du gouvernement ;
 le pouvoir judiciaire qui règle les litiges à travers les différentes juridictions du
royaume.
Ainsi, le pouvoir législatif ne peut pas intervenir dans le fonctionnement judiciaire, et ne peut
ni juger un procès, ni modifier un jugement. Inversement, les tribunaux ne doivent pas
intervenir dans les affaires qui sont de la compétence du législateur, et surtout, les tribunaux
ne doivent pas s’abstenir d’appliquer une loi au motif que cette loi est anticonstitutionnelle.
Dans ce sens, l’article 25 du code de la procédure civile interdit aux juridictions marocaines
de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ou d’un décret.
Le principe de la séparation des pouvoirs, à l'aune duquel se juge tout système démocratique,
a reçu dans la nouvelle constitution une consécration qui se mesure à travers un agencement
judicieux et une répartition des pouvoirs traduisant un souci d'équilibre, d'efficacité et de
définition claire des responsabilités.
La séparation des pouvoirs traduit l'indépendance du pouvoir judiciaire, considéré non pas
comme un privilège octroyé aux magistrats mais comme la condition du bon fonctionnement
de la justice, l'illustration du devoir d'impartialité qui incombe au juge et la concrétisation du
droit de chaque citoyen à une justice indépendante.
Ce principe a été affirmé dans l’organisation judiciaire dès l’indépendance du Royaume, afin
de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines.
Le Dahir du 19/03/1956 a supprimé les autorités de contrôle.

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Le Dahir du 04/04/1956 a supprimé le pouvoir juridictionnel des caïds et des pachas pour le
confier à des magistrats appelés juges délégués.
Le Dahir du 16/12/1956 est venu créer les tribunaux de droit commun qui sont les tribunaux
du Saddad et les tribunaux régionaux.
La constitution de 1962 a consacré définitivement le principe de la séparation des pouvoirs ;
et finalement la dernière constitution de 2011 reconnait le pouvoir judiciaire comme un
pouvoir indépendant.
Actuellement, l’adoption des deux lois organiques, l’une relative au conseil supérieur du
pouvoir judiciaire et l’autre au statut de la magistrature, milite en faveur du renforcement de
l’indépendance du pouvoir judiciaire, de manière à contribuer à la consolidation du processus
de réforme profonde et globale du système judiciaire marocain.
Le trait principal de la réforme relative au conseil supérieur du pouvoir judiciaire concerne la
présidence de ce conseil qui sera assurée par le premier président de la cour de cassation au
lieu et place du ministre de la justice. Il s’agit en fait de garantir l’indépendance
administrative et financière du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, lui consacrer ensuite
un budget annuel à partir du budget général de l’Etat et un siège indépendant ; et cela dans
l’objectif de dépasser la situation actuelle du conseil supérieur de la magistrature qui est abrité
au sein même du ministère de la justice dont il dépend financièrement, et où le ministre de la
justice siège en tant que vice président.
C’est justement par un souci d’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir
exécutif que l’inspection générale du conseil supérieur du pouvoir judiciaire ne sera plus
rattachée au ministère de la justice et des libertés. Elle sera plutôt composée d’un inspecteur
en chef nommé par le Roi et d’inspecteurs désignés par la présidence déléguée qui est assurée
par le premier président de la cour de cassation.
Cette inspection générale aura pour mission d’enquêter et de contrôler les juridictions en vue
d’unifier les méthodes de travail. Elle pourra proposer des mesures pour renforcer l’efficience
du système judiciaire. Le pouvoir d’inspection est également accordé aux présidents des cours
d’appel. Des rapports d’investigation seront soumis au conseil supérieur du pouvoir judiciaire.

Section 2. Le principe de l’égalité des citoyens devant la justice


Le principe de l'égalité des citoyens devant la justice signifie que toute personne a une égale
vocation à être jugée par les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de fond et de
procédure, sans la moindre discrimination.

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Ce principe implique que chacun puisse avoir la possibilité de saisir la justice pour faire valoir
ses droits. Autrement dit, les justiciables se trouvant dans une situation identique doivent être
jugés par un même tribunal. En conséquence, les privilèges de juridiction, qui permettaient
auparavant à certains individus d’être jugés dans des conditions plus favorables, ont été
définitivement supprimés.
Ce principe tire son origine directement du principe selon lequel la justice est le monopole de
l'Etat. C’est un service public et, en tant que telle, l’accès à la justice est libre et ne doit
supposer, en tout cas, ni privilèges, ni discrimination.
Ce principe a reçu une exception avec le système des capitulations étrangères qui existait au
Maroc sous le protectorat où les étrangers gardaient un privilège de juridictions, et étaient
justiciables des tribunaux modernes.
Après l’indépendance, la loi du 26/01/1965 a mis fin à ce système en instaurant l’unification,
la marocanisation et l’arabisation de la justice marocaine.
L’organisation judiciaire marocaine actuelle, telle qu’elle a été mise en place en 1974,
consacre à nouveau le principe de l’égalité des citoyens devant la justice. Ainsi, tous les
plaideurs nationaux et étrangers peuvent s’adresser aux mêmes juridictions et dans les mêmes
conditions.
Cependant, le principe d’égalité devant la justice souffre de quelques aménagements. La
multiplication des juridictions spécialisées favorise indirectement un traitement différencié
entre les justiciables. De même, l’existence de deux ordres juridictionnels conduit
l’administration à ne pas être traitée comme les autres justiciables : les modalités d’exercice
des voies de recours, ou la mise en œuvre à son encontre de l’exécution forcée lui sont par
exemple plus favorables qu’aux particuliers.

Section 3. Le principe de la gratuité de la justice


La justice est un service public qui est gratuit. Les juges qui sont des fonctionnaires ne sont
pas payés par les justiciables mais par l'Etat.
Mais cela ne veut pas dire que le procès est totalement gratuit et que les plaideurs sont
dispensés de tout paiement. Si les plaideurs ne payent pas les juges, ils doivent malgré cela
payer des sommes plus ou moins importantes sous forme de taxes judiciaires. Ils doivent aussi
payer les frais d’expertise, les frais de déplacement des témoins et les honoraires de leurs
avocats.

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La taxe judiciaire est indispensable ; elle est réglée au début de tout procès. Elle est soit une
taxe fixe, soit une taxe proportionnelle suivant la nature de l’affaire.
Pour les frais d’expertise et les frais de déplacement des témoins, ils sont fixés par le juge.
Pour ce qui est des honoraires des avocats, ils sont librement fixés entre l’avocat et son client.
En principe, ces honoraires d’avocat varient en fonction de l’intérêt du litige, du travail fourni
par l’avocat et de la réputation de ce dernier.
La question qui se pose concerne les personnes pauvres et qui ont des intérêts à faire valoir en
justice. Pour ces personnes, le législateur a créé une institution qui consiste dans « l’assistance
judiciaire » par un dahir du 01/11/1966.
En cas d’insuffisance constatée, le plaideur qui bénéficie de cette assistance judiciaire est
dispensé du paiement de la taxe judiciaire et obtient le concours gratuit d’un avocat.
Il faut noter que dans certaines matières, notamment les affaires sociales, l’assistance
judiciaire est de plein droit (automatique) ; alors que dans d’autres affaires, l’assistance
judiciaire est obtenue sur demande.

Section 4. La plénitude de juridiction du tribunal de première instance


Avec l’organisation judiciaire qui était mise en place au Maroc en 1974, il y avait une seule
juridiction qui était compétente dans toutes les matières. Il n’y avait pas de juridictions
spécialisées. Il y avait donc un seul et unique tribunal : le tribunal de première instance.
Mais avec la création des juridictions administratives en 1993, le contentieux administratif ne
relève plus de la compétence du tribunal de première instance.
Puis, avec la création des juridictions de commerce en 1997, le tribunal de première instance
n’est plus compétent en matière commerciale.
Par la suite, le législateur a revu cela et a donné à nouveau compétence au tribunal de
première instance en matière commerciale pour les affaires allant jusqu’à 20.000 DH.
Actuellement, avec la nouvelle modification intervenue par le dahir du 17 août 2011 sur
l’organisation judiciaire par la création de la justice de proximité ainsi que les chambres
d’appel au sein du tribunal de première instance, cette juridiction a pris une importance
considérable.
Ainsi, le tribunal de première instance est compétent dorénavant à la fois en matière civile,
pénale, sociale, statut personnel et succession, justice de proximité et juridiction de la peine
pour certaines catégories d’affaires.

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Il faut noter aussi qu’avec les modifications intervenues en 2011, le législateur entend créer
des tribunaux de première instance spécialisés ; en l’occurrence, le tribunal de première
instance civil (affaires civiles et commerciales de 20.000 DH), le tribunal de première
instance pénal et le tribunal de première instance social.
A Casablanca, trois tribunaux de ce type restent à se généraliser dans tout le Maroc.

Section 5. Le principe du double degré de juridiction


En vertu de ce principe, le plaideur non satisfait d’un jugement a la possibilité de porter le
litige qui a été déjà tranché, devant une juridiction supérieure à celle qui a rendu la décision
attaquée.
C’est un principe qui peut paraître comme portant atteinte à la dignité des magistrats.
On peut penser qu’il est anormal de faire censurer les juges par une juridiction supérieure,
parce que cette censure est gênante pour les magistrats qui ont rendu la première décision.
Cependant, ce principe a été définitivement admis parce qu’il permet de réparer des erreurs
toujours possibles. Au niveau du premier degré, les affaires sont nombreuses. Par conséquent,
les juges peuvent commettre des erreurs de fait ou de droit qui doivent être réparées. De là,
intervient la possibilité de l’appel, c'est-à-dire élever le litige du premier degré à la juridiction
d’appel. Ce principe apparait clairement lorsqu’on va du tribunal de première instance à la
cour d’appel, du tribunal de commerce de première instance à la cour d’appel de commerce.
Donc, le fondement du principe du double degré de juridiction est le désir d’éviter les erreurs
et de faire œuvre de justice aussi parfaite et correcte que possible.
Pour son application, ce principe suppose l’existence de deux juridictions de niveaux
différents dont l’une qui est la juridiction d’appel est supérieure à la première qui est la
juridiction du premier degré.
Cependant, ce principe n’a pas une valeur absolue ; un certain nombre de litiges échappent à
son application. Ainsi, les jugements rendus par les juges de proximité ne sont pas
susceptibles d’appel.
Il faut noter que l’utilisation du principe du double degré de juridiction n’est pas obligatoire
pour les plaideurs, elle est laissée à l’appréciation des justiciables qui sont libres de l’utiliser
ou non. Mais inversement, si un plaideur n’a pas fait de procès en première instance, il ne
peut pas saisir directement la juridiction du deuxième degré.

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Section 6. Le principe du juge unique / Le principe de la collégialité
Dans tous les pays, s’est posé le problème de savoir si la justice doit être rendue par un
collège de juges ou par un juge unique. Ce problème est d’autant plus délicat à résoudre que
chaque système présente des avantages évidents.
Les partisans de la collégialité avancent trois arguments :
*La collégialité est une garantie de bonne justice, parce que les magistrats avant de rendre
leur jugement, étudient l’affaire et délibèrent entre eux, et cette délibération permet d’arriver à
une bonne décision.
*La collégialité est une garantie d’impartialité ; donc elle inspire la confiance.
*La collégialité est une garantie d’indépendance. Les juges ont plus de liberté dans leurs
décisions parce qu’ils sont couverts par le secret des délibérations. Ce n’est pas un seul juge
qui supporte la responsabilité du jugement.
Pour les partisans du système du juge unique, eux aussi avancent certains arguments :
*La collégialité diminue le système de la responsabilité chez les juges. Par contre, le juge
unique est pleinement conscient de ses responsabilités, et par conséquent, il va accorder toute
l’attention voulue aux affaires dont il est chargé de juger.
*Le système du juge unique diminue le personnel et permet à l’Etat de payer convenablement
les magistrats. Cela va accroitre en contrepartie l’indépendance et l’impartialité de ces
derniers.
*Les partisans du juge unique avancent que dans la collégialité il n’y a pas de véritable
délibération. Les magistrats se limitant à homologuer le rapport du juge rapporteur.
De même, le système de la collégialité ne confère pas la compétence technique comme celui
du juge unique.
Au Maroc, et avec l’organisation judiciaire de 1974, on a introduit le système du juge unique
au niveau du tribunal de première instance et au niveau des juridictions communales et
d’arrondissements. Mais le système n’a pas donné un très bon résultat.
Pour cette raison, on est revenu en 1993 à la collégialité au niveau du tribunal de première
instance.
Puis en 2003, une nouvelle modification est intervenue en gardant le juge unique pour
certaines affaires et la collégialité pour d’autres.
Finalement, en 2011 on est revenu au juge unique au niveau du premier degré (première
instance) pour toutes les affaires, sauf les affaires immobilières et les affaires du statut
personnel et de succession (collégialité) à l’exception de la pension alimentaire.

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Chapitre II. Les organes de juridictions
Le système juridictionnel marocain est un système moderne, harmonieux et cohérent,
composé de plusieurs juridictions de fond et une juridiction de droit.
Les juridictions de fond comprennent des juridictions de droit commun et des juridictions
spécialisées. Quant à la juridiction de droit, elle consiste dans la cour de cassation.
Au sein de cet ordre juridictionnel, on peut distinguer entre les juridictions du 1 er degré
(section 1), les juridictions d’appel (section 2), et la cour de cassation (section 3).

Section 1. Les juridictions de premier degré


Les juridictions de premier degré sont constituées par la juridiction de droit commun de
premier degré à savoir le tribunal de première instance (§1), et par les juridictions spécialisées
(§2) de premier degré qui comprennent le tribunal de proximité, le tribunal administratif
spécialisé et le tribunal spécialisé de commerce. Signalons que le tribunal militaire des forces
armées royales fait également partie des juridictions spécialisées.

§1. La juridiction de droit commun de premier degré :


Le tribunal de première instance

En principe, il existe un tribunal de 1ère instance par province. Il s’agit d’une juridiction du 1er
degré dans la meure où ses décisions peuvent être attaquées par toutes les voies de recours
ordinaires et extraordinaires.
Le tribunal de 1ère instance se compose d’un président, des vice-présidents et des juges.
Le ministère public est composé du procureur du roi et d’un ou plusieurs substituts.
Le service du greffe est composé de plusieurs bureaux. Il y a aussi un secrétariat du ministère
public.
Le tribunal de 1ère instance est présidé par un président qui est chargé de la direction générale
et qui exerce une surveillance sur les magistrats du siège et sur les services du greffe.
Après l’entré en vigueur de la loi du 17 août 2011, les tribunaux de 1ère instance se divisent en
section de la famille, section de proximité, les chambres civiles, commerciales, immobilières,
sociales et pénales.
La réforme du 5 septembre 2011 sur l’organisation judiciaire du royaume a instauré une
chambre d’appel au sein du tribunal de 1ère instance, et ce, pour les affaires civiles et

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commerciales dont la valeur est inférieure ou égale à 20.000DH. La chambre d’appel siège en
une formation collégiale de 3 magistrats.
Or le projet de loi 38-15 de 2016 sur l’organisation judiciaire a prévu la suppression des
chambres d'appel des tribunaux de première instance, et la création des bureaux d'assistance
sociale pour prêter main forte notamment en matière de famille, de tutelle des enfants et de
lutte contre les violence à l'égard des femmes et des enfants.
Le tribunal de 1ère instance siège à juge unique au niveau du 1er degré pour toutes les affaires
sauf pour les affaires immobilières et les affaires du statut personnel, à l’exception des
demandes des pensions alimentaires.
Le tribunal est assisté d’un greffier et la présence du ministère public est facultative sauf dans
le cas où la loi en dispose autrement.
Le parquet est dirigé dans le tribunal de 1ère instance par le procureur du Roi qui a un certain
nombre de substituts chargés chacun de certaines matières déterminées par lui.
Il faut noter qu’un ou plusieurs magistrats du tribunal de 1ère instance peuvent être détachés
pour exercer à titre permanent en qualité de juges résidents dans des localités situées à
l’intérieur du ressort du tribunal.
Le TPI doit se réunir en assemblée générale à la première quinzaine du mois de décembre de
chaque année. Cette assemblée comprend tous les magistrats du siège et du ministère public
ainsi que le secrétaire greffier en chef. Elle a pour rôle de fixer la composition des chambres
et les jours et les heures des audiences, de même qu’elle fixe le nombre des magistrats qui
seront affectés à chaque section et leurs missions.
Devant le tribunal de 1ère instance, les justiciables sont défendus par des avocats inscrits dans
le tableau de l’un des syndicats barreaux du Royaume.

§ 2. Les juridictions spécialisées de premier degré

A : Les tribunaux de proximité


Ce sont des juridictions introduites au Maroc par la réforme judiciaire n° 42-10 du 17 août
2011. Elles remplacent les tribunaux communaux et d’arrondissements institués en 1974 qui
eux-mêmes ont remplacé les tribunaux du Saddad prévus par la loi de 1965 sur l’arabisation,
la marocanisation, et l’unification de la justice marocaine ; ces tribunaux du Saddad ont fait
suite aux tribunaux des juges-délégués introduits au Maroc en 1944.

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La justice de proximité est instituée dans les tribunaux de 1ère instance et dans les centres des
juges résidents dont le siège se situe dans les chefs lieux des circonscriptions administratives
dénommées « cercles ».
L’institution de la justice de proximité au Maroc permet la généralisation de la justice
professionnelle et l’application du droit positif, ce qui constitue une avancée géante contre
l’arbitraire. Sa nature juridique est claire à partir du moment où elle a une compétence limitée
et une procédure particulière. Ce sont des juridictions spécialisées.
La loi de 2011 permet à ces tribunaux de tenir des audiences itinérantes ; il en découle qu’ils
peuvent se déplacer dans les communes et dans les annexes (caïdats) pour tenir leurs
audiences.
Aujourd’hui, les tribunaux de proximité sont constitués par des juges professionnels, des
magistrats de carrière dont l’obligation fondamentale est l’application de droit positif aux
litiges et aux infractions qui leur sont soumis.
Leur compétence est limitée à tranche les petits procès civils dont le montant s’élève, à 5000
DH et à punir les simples contraventions prévues aux articles 15 et 16 de la loi 42-10 (Ex : vol
des récoltes- dégradation des fossés- jet des pierres sur les édifices d’autrui), et cela dans un
langage compréhensible et selon une procédure simplifiée.
Les tribunaux de proximité ne sont pas compétents en matière de droit de la famille et du droit
de travail, ni en matière immobilière, ni en matière d’expulsion des logements.
La juridiction de proximité statue à juge unique sans la présence du ministère public, mais en
compagnie d’un greffier. Les décisions de ce juge ne sont susceptibles d’aucune voie de
recours ordinaire ou extraordinaire. Toutefois, ses décisions peuvent être remises en cause par
une voie particulière (le recours en annulation) devant le président du tribunal de 1ère instance
qui joue dans ce cas le rôle de la cour de cassation, et cela dans les cas prévus à l’article 9 de
la loi 42-10.

B : Les tribunaux administratifs


Les tribunaux administratifs ont été créés au Maroc par le Dahir du 10-09-1993 qui a ordonné
l’exécution de la loi 41-90 adoptée par le parlement le 11-07-1991.
Cette loi qui a créé les tribunaux administratifs vise la consolidation du pouvoir judiciaire.
Le législateur marocain a procédé par étapes en commençant par instaurer des tribunaux
administratifs régionaux, tout en donnant au tribunal administratif de Rabat une compétence
particulière et en gardant un rôle important à la chambre administrative de la Cour de
cassation (Cour suprême à l’époque), qui statuait comme juridiction d’appel.

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Les tribunaux administratifs ont commencé à exercer en début mars 1994. Ils sont au nombre
de sept (Oujda, Fès, Meknès, Rabat, Casablanca, Marrakech et Agadir).
La justice est rendue par des magistrats relevant du statut de la magistrature avec une certaine
particularité relative à la mission confiée aux magistrats des tribunaux administratifs.
Ces derniers se composent de magistrats et d’un service de secrétariat greffe.
La particularité la plus importante c’est que dans les tribunaux administratifs, par différence
aux tribunaux de 1ère instance, il n’y a pas de dualité d’organisation entre la présidence, les
magistrats du siège et le service du greffe d’un côté, et le ministère public et le secrétariat du
parquet de l’autre côté. La loi parle plutôt du commissaire royal pour la défense du droit et de
la loi.
Ce dernier est désigné chaque année par le président du tribunal administratif ; il joue le rôle
du ministère public et sa présence est obligatoire dans toutes les audiences. Cet organe veille
également au fonctionnement de ces juridictions.
Le tribunal administratif siège en formation collégiale de trois magistrats.
La procédure applicable est la procédure écrite avec le concours obligatoire d’un avocat
inscrit à l’un des barreaux du Maroc.

C: Les tribunaux de commerce


Les tribunaux de commerce ont été institués au Maroc par la loi 53-95 du 6 janvier 1997 qui a
créé à la fois les tribunaux de commerce et les cours d’appel de commerce.
Les sièges de ces juridictions ont été fixés par Décret ministériel. Elles ont commencé à
fonctionner six mois après la publication du Décret ministériel dans le bulletin officiel (le
04/05/1998).
En 1998, il y avait six juridictions de commerce, et par la suite nt été ajoutées deux autres
juridictions. Actuellement le nombre de ces juridictions est de huit (Oujda, Fès, Meknès,
Rabat, Tanger, Casa, Marrakech et Agadir).
Le tribunal de commerce se compose d’un président, des vice-présidents et des juges, d’un
procureur du Roi, d’un ou de plusieurs substituts, du service de greffe et du secrétariat du
parquet. Le président désigne un juge chargé de suivre les procédures d’exécution.
Le tribunal de commerce siège en formation collégiale de trois magistrats assistés d’un
greffier. Cette juridiction peut être divisée en chambres suivant la nature des affaires dont elle
est saisie. Chaque chambre peut instruire les affaires soumises au tribunal et y statuer.
L’assemblée générale se réunit à la première quinzaine de décembre pour arrêter le nombre
des chambres, leur composition, les jours et les heures des audiences.

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Les juridictions de commerce sont compétentes pour juger l’ensemble des litiges
commerciaux tels que les actions relatives aux contrats commerciaux, au fonds de commerce,
aux effets de commerce, ainsi que les différents entre les associés d’une société commerciale.

D : Le tribunal militaire des forces armées royales


La justice miliaire est organisée au Maroc par un dahir du 10 novembre 1956 formant code de
la justice militaire.
Actuellement la Justice militaire a subi une réforme très attendue à travers la loi n° 108-13 du
10 décembre 2014 ; une réforme qui est pleinement conforme aux dispositions de la
Constitution de juillet 2011.
L'adoption de cette loi constitue une avancée majeure dans la voie de la consolidation de l'Etat
de droit, de la réforme de la justice et de la protection des droits de l'Homme.
Elle vise à harmoniser la législation nationale relative à la justice militaire avec les
dispositions de la constitution ainsi qu’avec les normes et les principes internationaux en
vigueur dans ce domaine, et à consacrer les conditions et les garanties d'un procès équitable
devant tous les tribunaux du Royaume.
La réforme introduit aussi des changements profonds visant à promouvoir la justice militaire,
en la distinguant du modèle du tribunal d'exception, et de l'inscrire parmi les institutions
judiciaires spécialisées, en ce qui concerne l'organisation, la compétence et les procédures.
Le président du tribunal militaire est désigné au commencement de chaque année judiciaire
par décret sur proposition du ministre de la justice.
Le service des tribunaux militaires est assuré par des magistrats militaires, des officiers et des
sous-officiers en qualité d’officiers-greffiers et des commis-greffiers.
Le ministère public est représenté par le procureur général du Roi près le tribunal militaire en
personne ou par l’un de ses substituts, un juge d’instruction et un greffier. Les avocats ont le
droit de plaider devant ces juridictions.
Le procureur général du Roi et ses substituts ainsi que le juge d’instruction sont nommés par
sa majesté le Roi parmi les magistrats militaires (art. 26, Loi 2014).
Ces magistrats constituent un corps autonome, ils sont soumis à un statut particulier prévu par
le dahir du 24 septembre 2015.
Alors que les magistrats du corps ordinaire relèvent du ministère de la justice, leurs
homologues militaires appartiennent à l’administration de la défense nationale.
Quant au mode de recrutement, les magistrats militaires sont désignés parmi les officiers des
FAR. Ces derniers passent un concours d’accès à la branche de formation judiciaire.

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Une fois le concours réussi, les officiers subissent une formation de deux ans qui englobe
d’un part, une formation générale à l’institut supérieur du pouvoir judiciaire et d’autre part,
une formation spéciale sous forme de stage pratique au sein du tribunal militaire.
A l’issue de cette formation les officiers des FAR passent finalement un examen de fin de
formation.
Le tribunal militaire comprend cinq chambres qui ont chacune un domaine de compétence
différent (Art. 13, Loi 2014). Il tient ses audiences à Rabat, mais il peut les tenir en tout autre
lieu sur décision du procureur général du Roi près le tribunal militaire.
Le tribunal militaire ne siège qu’en temps de paix, alors qu’en temps de guerre, les tribunaux
de guerre peuvent être constitués sur place, mais il n’y a pas de président civil dans ces
tribunaux qui sont présidés plutôt par un officier de l’armée.

Section 2. Les juridictions de second degré


Les juridictions du second degré sont constituées les cours d’appel de droit commun, les cours
d’appel administratives et les cours d’appel de commerce.

§ 1 : La cour d’appel de droit commun


La cour d’appel est une juridiction du second degré appelée à statuer sur les affaires jugées en
premier ressort par les tribunaux de 1ère instance et dont la valeur est indéterminée ou
supérieure à 20.000 DH.
La cour d’appel est présidée par un premier président qui est le chef de la cour et qui exerce sa
surveillance sur tous les magistrats du siège de la cour et sur les magistrats des tribunaux de
1ère instance du ressort de la cour. Ce premier président procède à l’inspection des tribunaux
de 1ère instance.
Le ministère public est représenté par le procureur général du Roi assisté de substituts
généraux.
Le procureur général exerce sa surveillance sur les magistrats du ministère public de la cour et
les magistrats du ministère public des tribunaux de 1ère instance du ressort de la cour. Il peut
procéder à l’inspection du ministère public de ces tribunaux.
La cour d’appel est composée de chambres spécialisées, et chaque chambre est présidée par
un président de chambre, ou à défaut, par le conseiller le plus ancien. Il existe notamment une
chambre sociale, une chambre civile, une chambre pénale ainsi que des sections des affaires
de la famille.

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La cour d’appel a également parmi ses chambres une chambre d’assises criminelles qui siège
en 1er degré en formation collégiale de trois magistrats, et en appel dans la même cour en
formation collégiale de cinq magistrats.
Récemment, les chambres financières sont créées dans les cours d’appel ; elles sont chargées
de punir les infractions d’ordre financier comme celle de la corruption, le détournement
d’argent, l’escroquerie…etc.
La cour d’appel siège en formation collégiale de trois magistrats assistés d’un greffier ; la
présence du ministère public est facultative sauf dans le cas où la loi en dispose autrement.
Les conseillers de la cour d’appel doivent se réunir à la première quinzaine de décembre pour
fixer le nombre des chambres et procéder à la répartition des affaires.

§ 2 : Les cours d’appel spécialisées

A : La cour d’appel administrative


Le législateur marocain, lors de la création des tribunaux administratifs spécialisés, a donné
compétence à la chambre administrative de la cour suprême pour statuer sur les appels
administratifs. Cette chambre jouait le rôle d’une juridiction d’appel.
Mais cette situation a créé un problème sur la nature des arrêts rendus par cette chambre
administrative en tant que juridiction d’appel.
Pour résoudre le problème, le législateur marocain a fini par instituer les cours d’appel
administratives en vertu de la loi 80/03 qui a été exécutée par le Dahir du 14/02/2006. Elles
ont entrées en fonction le 14/09/2006.
Il existe au Maroc deux cours d’appel administratives. L’une est installée à Rabat et statue sur
les appels interjetés à l’encontre des décisions des tribunaux administratifs d’Oujda, Fès,
Meknès, Rabat et Casa.
La deuxième cour d’appel est installée à Marrakech et statue sur les appels interjetés contre
les jugements rendus par les tribunaux administratifs de Marrakech et Agadir.
La cour d’appel administrative se compose d’un 1er président, des présidents de chambres et
des conseillers, en plus d’un service de secrétariat greffe.
Cette cour peut être divisée en plusieurs chambres suivant la nature des affaires.
Le 1er président désigne un commissaire royal ou plusieurs parmi les conseillers sur
proposition de l’assemblée générale pour une période de 2 ans. Ce commissaire joue le rôle
du procureur général du Roi.
La cour statue en formation collégiale de 3 magistrats et d’un greffier.

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La présence du commissaire royal est obligatoire dans toutes les audiences, mais il ne peut
pas participer aux délibérations.
La procédure devant cette juridiction est une procédure écrite, et la présence ou l’assistance
d’un avocat est obligatoire pour toutes les parties au procès.

§ 3 : La cour d’appel de commerce


Les cours d’appel de commerce ont été instaurées au Maroc en 1997 en même temps que les
tribunaux de commerce.
Il existe trois cours d’appel de commerce au Maroc. L’une est installée à Fès et statue sur les
appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par les tribunaux de commerce d’Oujda,
Fès, Meknès et Tanger. La deuxième cour est installée à Casa et statue sur les appels interjetés
à l’encontre des décisions rendues par les tribunaux de commerce de Rabat et de Casa.
La troisième cour d’appel est installée à Marrakech et statue sur les appels interjetés à
l’encontre des décisions des tribunaux de commerce de Marrakech et d’Agadir.
Chaque cour d’appel de commerce se compose d’un 1er président, des présidents de chambres
et des conseillers. Le ministère public est représenté par le procureur général du Roi assisté de
substituts généraux. Il existe un service de secrétariat greffe et un secrétariat du ministère
public.
La cour peut être divisée en chambres suivant la nature des affaires.
La cour statue en formation collégiale de 3 magistrats. La présence du ministère public est
facultative sauf dans des situations déterminées par la loi.
La procédure appliquée devant cette juridiction est la procédure écrite, et l’assistance d’un
avocat est obligatoire.
La cour se réunit en assemblée générale à la première quinzaine de décembre pour arrêter le
nombre des chambres, leur composition, les jours et les heures des audiences.

Section 3. La cour de cassation


La cour de cassation marocaine a été créée au lendemain de l’indépendance par le dahir n° 1-
57-223 du 27 septembre 1957 sous l’appellation « cour suprême ».
Elle est placée au sommet de la hiérarchie judiciaire et coiffe toutes les juridictions de fond du
Royaume. Son organisation et sa compétence sont déterminées par la loi du 15 juillet 1974
fixant l’organisation judiciaire, le code de procédure civile, certaines dispositions du Code de
procédure pénale et du Code de la justice militaire.

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Cette cour est la première manifestation de la souveraineté marocaine en matière de justice
après l’indépendance. Avant 1957, il n’y avait pas de juridiction de cassation au Maroc. La
cassation était portée soit devant la cour de cassation française, soit devant la cour de
cassation espagnole.
La cour de cassation ne constitue pas un 3ème degré de juridiction, elle n’a pas à se prononcer
sur les litiges, mais sur les décisions qui concernent les litiges. Seul le droit l’intéresse ; elle
est chargée de veiller au respect des lois par les juridictions inférieures. Elle vérifie si les
juges du fond ont bien appliqué les règles de droit au regard de l’affaire dont ils étaient saisis
et dans les questions qui leur étaient posées. Elle assure l’unité du droit dans tout le royaume.
La cour de cassation comprend un 1er président et des présidents de chambres.
Les chambres qui composent la cour de cassation et qui sont :
- La chambre civile,
- La chambre pénale,
- La chambre sociale,
- La chambre du statut personnel,
- La chambre administrative,
- La chambre commerciale.
Le nouveau projet de loi n° 38-15 sur l’organisation judiciaire prévoit la création d'une
septième chambre à la cour de cassation en l'occurrence la chambre foncière.
Le ministère public est représenté dans la cour de cassation par le procureur général du Roi
(même grade que le président) assisté par des avocats généraux.
(Substitut : 1er degré - substitut général : 2ème degré – avocat général : cassation).
La cour contient un service de greffe et un secrétariat du ministère public.
La cour de cassation siège en formation collégiale de 5 magistrats, un avocat général et un
greffier. Dans certains cas, cette collégialité est renforcée et les arrêts sont rendus par deux
chambres réunies et dans certaines affaires, par toutes les chambres réunies en assemblée
plénière.
La présence de l’avocat général représentant le ministère public est obligatoire dans toutes les
audiences. Cette obligation se justifie par le fait que la cour de cassation est amenée à donner
une interprétation de la loi, et le parquet représente l’Etat qui doit donner son avis sur
l’interprétation de la loi. Cette interprétation doit être suivie par les juridictions inférieures car
elle a force de la loi conformément à l’article 361 du code de procédure civile.
En ce qui concerne son organisation interne, la cour de cassation possède un bureau qui se
compose comme suit :

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-Le 1er président,
- Les présidents des différentes chambres,
- Les conseillers représentant chaque chambre,
- Le procureur général du roi,
- L’avocat général doyen (le substitut le plus ancien).
Ce bureau est chargé de la répartition des affaires entre les différentes chambres suivant leur
nature.

Chapitre 3. La compétence des juridictions


La compétence peut être définie comme étant le pouvoir légal donné à une juridiction pour
connaitre d’un procès. C’est l’aptitude d’une juridiction à trancher un litige.
Cette aptitude peut être examinée sous deux aspects :
-d’une part en raison de la nature du litige : c’est la compétence d’attribution, car la loi a fixé
les attributions de chaque juridiction (compétence rationae materiae) (section 1).
-d’autre part du point de vue géographique, il s’agit de déterminer parmi toutes les
juridictions d’une catégorie déterminée la juridiction qui est territorialement compétente
(compétence territoriale) (section 2).

Section 1. La compétence d’attribution


Cette compétence tient à la nature du litige. Donc, cette compétence varie d’une juridiction à
l’autre. La loi a donné attribution particulière à chaque juridiction, mais elle a pris soin par les
dispositions de l’article 25 du code de procédure civile d’interdire à toutes les juridictions du
royaume de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi ou d’un décret.

§1 : La compétence d’attribution des juridictions de premier degré

A : La compétence de la juridiction de premier degré de droit commun


(Le tribunal de 1ère instance)
La compétence d’attribution du tribunal de première instance comprend d’abord la
compétence générale du tribunal de 1ère instance (A), puis la compétence particulière du
président qui forme à lui seul ce qu’on appelle la juridiction présidentielle (B).

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La réforme du 15 septembre 2011 sur l’organisation judiciaire du Royaume a créé une
chambre d’appel au sein des tribunaux de 1ère instance, qui possède elle aussi un champ de
compétence bien défini (C).

1/ La compétence générale du TPI


Le TPI a une compétence générale qui est la conséquence du principe de la plénitude de
juridiction. Presque toutes les affaires relèvent nécessairement de la compétence du TPI, sauf
les affaires administratives qui relèvent des tribunaux administratifs et les affaires
commerciales au-delà de 20.000 DH qui relèvent des tribunaux de commerce.
La compétence du TPI est très vaste ; elle englobe les matières civiles, pénales, sociales,
immobilières, les successions, le statut personnel et les affaires commerciales jusqu’à 20.000
DH.
Avec la création des sections relatives à la justice de proximité, la compétence du TPI dans ce
domaine commence à partir de 5000 DH.

2/ La juridiction présidentielle
Le président du tribunal puise sa source dans la compétence générale du tribunal qu’il préside,
c'est-à-dire qu’il ne peut statuer que dans les matières qui sont normalement de la compétence
du tribunal de première instance.
Conformément à l’article 148 du code de procédure civile, le président statue dans des
matières présumées urgentes par la loi, dans lesquelles il peut prendre des décisions en
l’absence des parties et sans l’assistance du greffier.
Cet article donne au président une compétence qui ne touche pas le fond du litige, c'est-à-dire
que sa décision ne s’impose pas au juge du fond qui pourra statuer différemment.
Ainsi, le président peut rendre « une ordonnance sur requête » en cas de constats et
sommations sollicités par urgence. Dans ce cas, il prend une mesure favorable à un plaideur.
D’un autre côté, le président du tribunal statue en tant que « juge des référés ». Il constitue la
juridiction du droit commun du provisoire et de l’urgence.
La procédure des référés est réglementée par les articles 149 à 154 du CPC. C’est une
procédure sommaire et simplifiée et elle permet d’obtenir une décision de justice dans un
délai très court.
L’ordonnance de référé ne statue qu’au provisoire et sans préjudice de ce qui sera décidé sur
le fond. Cette ordonnance n’est pas susceptible d’opposition (art. 153 CPC) ; seul l’appel est

24
possible en tant que voie de recours, il est formé dans un délai de 15 jours et doit être jugé
d’urgence.
En outre, le président du TPI est seul compétent en matière « d’injonction de payer » prévue
aux articles 155 à 165 du CPC. Il s’agit d’une procédure accélérée permettant au créancier
des dettes certaines et reconnues en vertu d’un titre et dont le montant ne dépasse pas
1000DH, d’obtenir la condamnation de son débiteur adversaire. Si le titre de la créance est un
effet de commerce, le président du TPI n’est compétent que si le montant de la dette est égal
ou inférieur à 20.000 DH. Au-delà de ce montant, c’est le président du tribunal de commerce
qui est compétent. L’ordonnance de condamnation peut faire l’objet d’un appel de la part du
défendeur (débiteur) alors que l’ordonnance de rejet n’est susceptible d’aucun recours de la
part du créancier.
Il faut noter aussi que le président du TPI statue également en tant que juridiction de
contrôle dans les cas exceptionnels prévus par l’article 9 de la loi instituant la justice de
proximité.

3/ La chambre d’appel
La réforme du 15/09/2011 a ordonné la création de chambres d’appel au sein des tribunaux de
1ère instance. De même, les modifications qui ont intervenu sur le code de procédure civile ont
donné compétence à ces chambres d’appel pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre
des jugements rendus par le TPI et dont la valeur est égale ou inférieure à 20.000 DH, car au-
delà de ce montant c’est la CA de droit commun qui est compétente.
Sur le plan pénal, les chambres d’appel sont compétentes pour statuer sur les appels interjetés
à l’encontre des jugements concernant les délits dont les peines ne dépassent pas 2 ans
d’emprisonnement (délit de police).
Actuellement, le nouveau projet de loi n°38-15 de l’année 2016 sur l’organisation judiciaire a
prévu la suppression des chambres d’appel des TPI dans le but de décongestionner ces
derniers.
§2 : La compétence du tribunal de proximité
Le dahir du 17/08/2011 ordonnant l’exécution de la loi n°10-42 a créé la justice de proximité
et a fixé l’organisation de cette justice et la compétence des juges.
Dans le cadre de la justice de proximité, le juge exerce sa fonction soit au sein du TPI, soit
dans les centres des juges résidents.
A titre de rappel, la justice de proximité s’exerce par un juge assisté d’un greffier ou d’un
secrétaire.

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L’audience est tenue par un juge unique sans la présence du ministère public.
La procédure devant le juge de proximité est une procédure orale et totalement gratuite.
Dans le cadre civil, le juge de proximité statue sur les litiges concernant les affaires
personnelles et mobilières dont la valeur est égale ou inférieure à 5000 DH.
En revanche, le législateur a pris soin de mentionner que le juge de proximité n’est pas
compétent pour statuer en matière de statut personnel (droit de la famille), ni sur les affaires
immobilières et sociales même si la valeur du litige est inférieure à 5000 DH, ni sur les
expulsions de logements.
Sur le plan pénal, le juge de proximité est compétent pour connaitre d’un certain nombre de
contraventions prévues par les articles 15-16-17 et 18 de la loi 42-10 (violences légères,
dégradation des fossés, vol des récoltes…etc.). La peine que le juge peut prononcer est une
amende qui varie entre 200 et 1200 DH.
Il faut noter que les décisions du juge de proximité ne sont susceptibles d’aucune voie de
recours ordinaire ou extraordinaire ; mais la loi prévoit la possibilité de soumettre ses
décisions au contrôle du président de tribunal de première instance dans certains cas
mentionnés par l’article 9 de la loi de 2011 : par exemple si le juge de proximité dépasse sa
compétence ou s’il ne procède pas à la conciliation des parties avant de rendre son jugement.

§ 2. La compétence des tribunaux administratifs spécialisés


Les tribunaux administratifs sont compétents dans les matières suivantes :
*Les recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions administratives.
*Les contestations concernant les contrats administratifs.
*Les demandes en réparation de préjudices causés par les travaux et les actes de personnes du
droit public.
*Le contentieux fiscal et le contentieux concernant l’expropriation pour cause d’utilité
publique.
*Le contentieux concernant le recouvrement des créances du trésor public.
Il est important de signaler que le tribunal administratif de Rabat a une compétence
particulière qui concerne le contentieux relatif à la situation individuelle des personnes
nommées par dahir ou par décret.
Le président du tribunal administratif peut statuer conformément aux articles 148 et 149 du
CPC dans les affaires qui sont de la compétence du tribunal administratif et donc il peut
prendre soit des ordonnances sur requête soit statuer en tant que juge des référés.

26
§3. La compétence des tribunaux spécialisés de commerce
Cette compétence est fixée par les articles 5 à 9 de la loi sur les tribunaux de commerce.
En effet, le tribunal de commerce a une compétence pour gérer l’ensemble des litiges
commerciaux notamment les actions relatives aux contrats commerciaux, les litiges entre
commerçants liés à leurs activités commerciales, les actions relatives aux effets de commerce
et les affaires liées aux difficultés d’entreprises.
La compétence du tribunal de commerce commence à partir de 20.000 DH, car au dessous de
ce montant c’est la chambre commerciale du TPI qui est compétente.
Le président de ce tribunal peut prendre des ordonnances sur requête ou statuer en tant que
juge des référés dans des matières qui sont de la compétence du tribunal de commerce.
Il est compétent également en matière d’injonction de payer si le montant de la créance
dépasse 20000 dirhams.

§4. La compétence d’attribution des juridictions de second degré

A : La compétence des cours d’appel de droit commun


La cour d’appel statue sur les appels interjetés à l’encontre des décisions rendues par les
tribunaux de 1ère instance en 1er ressort ; c'est-à-dire avec la nouvelle réforme les affaires dont
la valeur est supérieure à 5000 DH.
La cour d’appel statue aussi sur les appels interjetés à l’encontre des ordonnances rendues par
le président du TPI que ce soit en matière de référés ou en matière d’injonction de payer, de
même que sur les appels interjetés à l’encontre des décisions prises par le président en matière
d’ordonnances sur requête.
La cour statue également sur les recours exercés contre les décisions prises par le conseil de
l’ordre des avocats.
La cour d’appel est aussi compétente en tant que juridiction de renvoi lorsque la cour de
cassation prononce la cassation d’un arrêt rendu par une cour d’appel et ordonne le renvoi.
La cour est compétente également en matière de règlement du juge entre deux tribunaux de
1ère instance de son ressort.
La cour est compétente aussi pour statuer sur la validité de l’élection du bâtonnier de l’ordre
des avocats et des membres du conseil de l’ordre si ces décisions sont attaquées devant cette
cour.
Par ailleurs, le 1er président de la cour d’appel est compétent en matière des référés si le litige
qui donne lieu à la procédure des référés est soumis à la cour d’appel (art. 149 CPC).

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Le 1er président est seul compétent pour statuer sur les appels interjetés contre les décisions du
bâtonnier de l’ordre des avocats lorsqu’il y a un litige sur les montants des honoraires de
l’avocat (ce qu’on appelle la procédure de taxation des honoraires).

B : La compétence des cours d’appel spécialisées

1/ La compétence de la cour d’appel administrative


La cour d’appel administrative statue sur les appels interjetés à l’encontre des décisions
rendues par les tribunaux administratifs de son ressort.
Cette cour a hérité la compétence qui était accordée à la chambre administrative de la cour
suprême.
De même, la CA administrative statue en tant que juridiction d’appel sur les appels interjetés
contre les décisions du président du tribunal administratif en matière de référés.
Par ailleurs, le 1er président de la CA administrative est compétent pour statuer en matière de
référés si le litige qui donne lieu à la procédure de référés est soumis à la CA administrative.
La procédure devant la cour est une procédure écrite, et le concours d’un avocat est
obligatoire sauf pour l’Etat marocain.

2/ La compétence de la cour d’appel de commerce


La cour d’appel de commerce est compétente pour statuer sur les appels interjetés à l’encontre
des décisions prises par les tribunaux de commerce de son ressort. Elle statue aussi sur les
appels interjetés contre les ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce soit
en matière de référés soit en matière d’injonction de payer.
En outre, la cour d’appel de commerce statue sur les appels interjetés à l’encontre des
décisions prises par le juge délégué dans le cadre de la procédure des difficultés d’entreprises.
Le 1er président de la cour d’appel de commerce est compétent en matière de référé si le litige
qui donne lieu à la procédure de référé est soumis à cette cour.
§3. La compétence de la cour de cassation
Les attributions de la cour de cassation sont nombreuses et diversifiées. La loi a cependant
limité son rôle à l’examen des seules questions de droit : elle contrôle la légalité des décisions
rendues par les juridictions de fond et assure ainsi l’unité d’interprétation jurisprudentielle.
La cour de cassation est compétente principalement dans les matières suivantes :
-Les pourvois en cassation formés contre les décisions rendues en dernier ressort par toutes
les juridictions du royaume.

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-Les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des
autorités administratives.
-Les recours formés contre les actes et les décisions par lesquels les juges excèdent leur
pouvoir.
-Les règlements de juges entre les juridictions n’ayant au dessus d’elles aucune juridiction
supérieure commune autre que la cour suprême.
-Les prises à partie contre les magistrats et les juridictions à l’exception de la cour de
cassation.

4/ La compétence du tribunal militaire des FAR


Avant la réforme du 10 décembre 2014 relative à la justice militaire, le tribunal militaire était
compétent à connaitre de toutes les infractions de droit commun commises par les militaires :
vol, homicide volontaire, viol, atteinte à l’intégrité physique…etc., ainsi que les infractions
commises par les militaires dans l’exercice de leurs fonctions comme la désertion et
l’insoumission, et enfin, les infractions commises par les personnes civiles en utilisant des
instruments militaires et les faits qui portent atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de
l’Etat.
La nouvelle loi sur la justice militaire modifie profondément le domaine de compétence du
tribunal militaire ; elle prévoit d'exclure les civils de la compétence de cette instance quels
que soient les crimes commis, ainsi que les civils employés par les FAR et les civils
complices des militaires. Il en est de même des mineurs quel que soit leur statut.
Cette nouveauté place le Maroc au rang des pays démocratiques les plus développés dans ce
domaine.
La loi prévoit également d'exclure les militaires de la compétence du tribunal militaire s'ils
commettent des crimes de droit commun. Ils seront plutôt jugés par des juridictions civiles
pour des délits de droit commun comme « la signature d'un chèque en bois ou le non
versement d’une pension alimentaire ».
Il limite cette compétence aux seules infractions militaires ainsi qu'aux infractions de droit
commun commises par les militaires uniquement en temps de guerre.
Sous un autre angle, cette réforme renforce les droits des justiciables, en créant notamment
une instance d'appel au sein du tribunal militaire, et en permettant à toute personne qui a subi
un dommage (objet d'une action publique devant le tribunal militaire) de se constituer partie
civile et d’obtenir des dommages et intérêts , ce qui n'était pas le cas auparavant. Elle permet
également aux justiciables de bénéficier dorénavant de la mise en liberté provisoire.

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Dorénavant, le tribunal militaire est composé :
-d’une chambre correctionnelle militaire de première instance qui statue sur les délits et
contraventions soumis au tribunal militaire.
-Une chambre criminelle militaire de première instance qui statue sur les crimes soumis au
tribunal militaire.
-Une chambre correctionnelle d’appel qui statue sur les appels interjetés contre les décisions
rendues par la chambre correctionnelle de première instance.
-La chambre criminelle d’appel qui connait des appels formés contre les décisions de la
chambre criminelle de première instance.
-et finalement une chambre correctionnelle militaire qui statue sur les recours contre les
ordonnances et les décisions du juge d’instruction militaire, les demandes de mise en liberté
provisoire et la nullité des actes d’instruction.
Les décisions rendues par le tribunal militaire sont prononcées, selon le grade du condamné,
par des commandants, des capitaines, colonels et lieutenants-colonels, des générals et colonels
majors. Ces décisions peuvent faire l’objet d’une opposition, un appel devant la chambre
d’appel et un pourvoi en cassation devant la cour de cassation.
Certes, la réforme de la justice militaire renforce les garanties de l'indépendance des
magistrats du corps militaire en alignant la procédure devant le tribunal militaire sur celle
appliquée devant les juridictions ordinaires, etc…

Section 2. La compétence territoriale


La compétence territoriale est l’aptitude d’une juridiction à connaitre d’un litige seulement si
ce litige est né dans une circonscription judiciaire limitée. Cette circonscription étant celle où
est domicilié le défendeur.
Donc, la compétence territoriale a un caractère d’intérêt privé car elle est instaurée dans
l’intérêt du défendeur, dans l’objectif d’une bonne administration de la justice et du
rapprochement de la justice aux justiciables.
Par conséquent, l’inobservation des règles de la compétence territoriale ont comme sanction la
nullité relative.
Les articles 27 à 30 du CPC évoquent le principe de la compétence territoriale (§1) qui souffre
de certaines exceptions (§2).

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§1 : Le principe de la compétence territoriale
Ce principe est simple et clair. La compétence territoriale appartient au tribunal du domicile
réel ou élu du défendeur. La notion de domicile a été précisée dans le CPC dans les articles
519 à 526.
Le domicile réel est le lieu où le défendeur a son principal établissement, alors que le domicile
élu est celui choisi par le défendeur.
Si le défendeur n’a ni domicile réel ou élu ni résidence au Maroc, il peut être assigné devant le
tribunal du domicile du demandeur.
S’il ya plusieurs défendeurs, le demandeur a le choix de s’adresser au tribunal du domicile de
l’un des défendeurs.
Quant aux personnes morales, elles doivent être assignées devant les juridictions dans le
ressort desquelles elles ont leur siège social.
Dans le contexte de la compétence territoriale, il est important de signaler que la cour de
cassation étant unique, sa compétence s’étend sur tout le territoire marocain. Alors que pour
les cours d’appel, ce principe ne soulève aucun problème parce que chaque cour est
compétente pour statuer sur les appels interjetés contre les décisions rendues par les
juridictions comprises dans son ressort.

§2 : Les exceptions au principe


Il ya des exceptions absolues qui sont en contradiction totale avec le principe (A), et il y a
également des exceptions qui sont des simples options, c'est-à-dire qui présentent une
possibilité de choix donnée au demandeur d’assigner soit selon les règles du principe défini
(devant le tribunal du domicile du défendeur), soit devant un autre tribunal qui n’est pas celui
découlant du principe (B).

A/ Les exceptions absolues


- En matière immobilière, la seule juridiction compétente est le tribunal de la situation de
l’immeuble.
- En matière de contrat dans lesquels l’Etat est partie, c’est le tribunal du lieu où le contrat a
été signé qui est compétent.
- En matière d’impôts directs et de taxes principales, l’action est portée devant le tribunal du
lieu où l’impôt ou la taxe est due.

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- En matière de succession, le tribunal compétent est celui du lieu où la succession a été
ouverte.

B/ Les simples options


- En matière mixte portant sur la contestation d’un droit réel et d’un droit personnel, l’action
peut être portée soit devant le tribunal de la situation de l’immeuble, soit devant le tribunal du
domicile du défendeur.
- En matière de pension alimentaire, le demandeur a le choix d’assigner soit devant le tribunal
de son propre domicile, soit devant le tribunal du domicile du défendeur.
- En matière de réparation de dommages, le demandeur a le choix entre le tribunal du lieu où
le fait dommageable s’est produit, ou devant celui du domicile du défendeur ou de l’un des
défendeurs en cas de pluralité.

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