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Séance 3 et 4

Licence fondamentale
Filière : droit privé en langue française
Semestre : 5

Cours
Droit des
entreprises en
difficulté
ALOUI BOUCHTA
« Enseignant chercheur à la faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales de Fès

Année universitaire : 2019-2020

1
Titre II. La prévention externe des difficultés des
entreprises
Dans le cadre de ce titre on va traiter successivement les axes suivants :
- Le droit d’alerte du président du tribunal de commerce ;
- La procédure du mandataire spécial ;
- La procédure de conciliation.
Chapitre I. Le droit d’alerte du président du tribunal de
commerce
L e système de la prévention externe a été qualifié de judiciaire, car il est lui-même a
été judiciarisé par le législateur de 1996, puisqu’il est exercé par l’autorité judiciaire
préventive. Ce système a été encore qualifié d’interventionniste, puisqu’il est déclenché par
l’intervention du président du tribunal de commerce à travers la prévention externe.
Cette question de la judiciarisation se justifie également sur le fondement des
dispositions de l’article 549 du code de commerce qui prévoit que, le président du tribunal de
commerce peut parfois procéder à la convocation du chef d’entreprise, « lorsqu’il résulte de
tout acte, document ou procédure, qu'une entreprise, sans être en cessation des paiements,
connaît des difficultés juridiques, économiques, financières et sociales ou des besoins ne
pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l' entreprise ». L’objet de
cette convocation est d’envisager des mesures propres à redresser leur situation.
Et encore plus, le principe de cette intervention suscite une sorte de dialogue et appel
une réflexion ainsi qu’une réaction des dirigeants prévenus des difficultés de leur entreprise.
En revanche, le président du tribunal n’intervient pas dans la vie de l’entreprise, mais agi
comme révélateur des difficultés de l’entreprise, tout en ordonnant le chef d’entreprise
d’envisager des mesures tendant à redresser la situation de leur entreprise. Bien que le
législateur ait entrainé une certaine judiciarisation de la prévention externe. Son rôle se borne
à agir comme tuteur des entreprises en difficulté en suscitant une prise de conscience de la
direction1.
Cette intervention est articulée autour de deux mécanismes semblent essentiels à la
conceptualisation de l’intervention du président du tribunal : l’un tourné vers l’interprétation
du pouvoir d’investigation du président (section I), l’autre s’attache, après ses investigations,
à son pouvoir décisif (section II).
Section I. Les critères de l’intervention du président du
tribunal de commerce
Il importe de conserver un équilibre entre la nécessité d'informer le président du
tribunal, qui doit être en mesure d'exercer la mission dont il est investi par la loi et le respect
de l'indispensable liberté d'entreprendre et de gérer dans une économie de marché.
La loi, en effet, ne définit pas les indices permettant de déceler l’apparition d’une
situation préoccupante, n’organise pas l’activation de ces signaux d’alerte ni la collecte ou la

1
SAINT-ALARY-HOUIN ©, op.cit., p.100.

2
transmission de l’information au président du tribunal, c’est à ce dernier d’organiser
un système de veille. L’efficacité du dispositif d’alerte prévu par la loi est ainsi subordonnée à
la mise en œuvre des moyens de détection pertinents.
Dans ce cadre, en accord avec l’esprit de développement du système de la prévention
externe, il semble nécessaire pour les tribunaux de commerce, avec un soutien logistique
quotidien de leur greffe2, de mettre en place des cellules de détection et deprévention des
difficultés des entreprises3. C’est à travers des réunions une fois par mois, que certains
intervenants disposant d’informations complémentaires les unes aux autres, à l’égard des
entreprises situées dans le ressort de la juridiction. Cette cellule devra comprend en général,
outre un magistrat conseiller, un représentant du ministère public, le directeur de
l’établissement local de la Banque, le receveur divisionnaire des impôts, le représentant du
trésorier payeur général, ainsi que le greffier de la juridiction. Recoupant les informations
détenues par l’ensemble des intervenants, la cellule est susceptible de détecter les entreprises
dont les difficultés peuvent justifier une action de prévention initiée par le président du
tribunal de commerce.
Sur la base des données recueillies, le président de la juridiction peut, en vertu de
l’article 549, décider de convoquer les dirigeants de l’entreprise dont les difficultés ont été
détectées, afin d’envisager de concert les mesures propres à redresser la situation.
Cette consécration législative n’a pas entrainée un usage fréquent et répandu de ce
droit de la prévention externe, notamment pour des raisons matérielles. Car, l’exploitation des
informations reçues par le greffe suppose des moyens et une organisation. Or, les cellules de
prévention devraient être développées, afin d’atteindre un intérêt certain à la méthode de
prévention-anticipation par le président du tribunal de commerce. C’est pourquoi le
législateur a souhaité renforcer ce droit de la prévention externe, tout en lui conservant un
caractère confidentiel4. Cette double démarche facilite le déclenchement de la prévention
externe par le président du tribunal (paragraphe I) et justifie cette intervention, grâce aux
moyens d’informations à la disposition du président du tribunal de commerce (paragraphe II).
Paragraphe I. Les critères de déclenchement de la
prévention externe
Le titre II du livre V du code de commerce, modifié et complété par la loi n°73-17,
organise la prévention externe. Or, conformément aux termes de l’article 549 du code de
commerce, la prévention a pour finalité le traitement par anticipation pour éviter la
liquidation.
A ce propos, le premier alinéa de l’article 549 du code de commerce dispose que, « la
procédure de la prévention externe est ouverte devant le président du tribunal de commerce
dans le cas prévu à l’article précédent ou lorsqu’il résulte de tout acte, document ou
procédure qu’une entreprise, sans être en cessation des paiements, connait des difficultés
juridiques, économiques, financières et sociales ou des besoins ne pouvant être couverts par
un financement adapté aux possibilités de l' entreprise ».

2
PASCAL BEDER, prévention et détection auprès du tribunal de commerce, doctrine, Rev.Pro.Coll., n°3,
septembre 2004, p. 179.
3
SAINT ALARAY HOUIN ©, G.JAZOUTES, C.MASCALA, O.STAES, op.cit., p. 28.
4
Cf., article 549 al 5 de la loi n°73-17 qui dispose ici que : « il est tenu de conserver la confidentialité de la
procédure de prévention externe dans toutes ses mesures ». Notant ici encire que le caractère confidentiel de
la procédure d’alerte externe permet de ne pas porter atteint au crédit de l’entreprise et à la confiance de
ses partenaires.

3
Le domaine d’intervention du président du tribunal de commerce n’est pas donc sans
limites. En effet, l’exercice de son droit de révélation est subordonné au respect de deux
conditions. Dans la nouvelle loi n°73-17 du 19 Avril 2018 le législateur a réédifiai ces
conditions afin de faciliter l’exercice de ce droit à l’égard d’un plus grand nombre
d’entreprises. Ces conditions sont énoncées dans l’alinéa 1 de l’article 549 du code de
commerce. L’une d’elles est relative aux entreprises visées (A). L’autre a trait aux difficultés
rencontrées par ces entreprises qui constituent le critère de déclenchement de la prévention
externe (B).
A. Les entreprises assujetties à la prévention externe
Aux termes du premier alinéa de l’article 549 du code de commerce, la procédure de
prévention externe est ouverte devant le président du tribunal de commerce lorsqu’il résulte
qu’une « entreprise connait des difficultés (…) ». Or, on entend ici par le terme « entreprise »,
conformément aux termes de l’alinéa 2 de l’article 546 de la loi n°73-17, « le commerçant
personne physique ou les sociétés commerciales ». C’est pourquoi le droit de la prévention
externe a été étendu, pour le président du tribunal de commerce à ces catégories sans aucune
référence à l’importance de ces entreprises.
L’utilité de ce mode d’alerte devrait justifier l’intervention du président du tribunal de
commerce auprès des sociétés commerciales et des commerçants personnes physiques. Ils
étaient donc un objet commercial. Ils relèvent donc de la compétence judiciaire du président
du tribunal de commerce5.
On observera immédiatement ici que les possibilités d’intervention du président du
tribunal de commerce sont considérablement accrues, car le dispositif mis en place par la loi
n°73-17 ne concerne ni les entreprises individuelles dont l’objet d’activité est civil, ni les
personnes morales de droit privé (sociétés civiles ou associations). Les agriculteurs
individuels sont également exclus du domaine de la prévention externe. Ces exclusions se
justifient peu, car c’est précisément dans ces structures économiques que « les contrôles de
gestion font le plus souvent défaut ».
Toutefois, l’exercice de ce droit d’intervention à la vie des unités économiques doit
être justifié par l’existence des difficultés rencontrées par l’une de ces entités.
B. Les difficultés de nature permettant le déclenchement
de la prévention externe
Face à l’accroissement des défaillances d’entreprises, le législateur confie au président
du tribunal de commerce une mission de prévention des difficultés d’entreprise, visant à
détecter les risques en agissant en amont du traitement judiciaire, contribuant aussi à la
sauvegarde des entreprises et à la préservation des emplois.
Et pourtant le moment optimal pour déclencher une procédure de prévention externe
est particulièrement malaisé à déterminer : si la procédure est déclenchée trop tôt, elle risque
non pas de prévenir, mais de provoquer des difficultés en suscitant la méfiance des partenaires
de l’entreprise (banques, fournisseurs, etc.). À l’inverse, si elle est déclenchée trop tard, elle
risque de ne pas permettre de remédier aux difficultés. Aussi est-ce la raison pour laquelle le
législateur a choisi de retenir une définition générale et souple de la notion d’élément
déclencheur de la procédure : il s’agit de difficultés « de nature à compromettre la continuité
de l’exploitation» de l’entreprise, ce que l’on a coutume d’appeler les « clignotants », comme
le défaut de paiement de cotisations fiscales ou sociales.
5
Cf., Art., 549 al. 1, C.Com.

4
Si le critère d’intervention du président du tribunal de commerce est unique (2), son
appréciation apparait encore difficile à saisir l’opportunité de cette intervention (1).

1. Le pouvoir d’appréciation des difficultés de nature à


compromettre la continuité d’exploitation
Les difficultés qui justifient le déclenchement de la prévention externe ont également
été redéfinies par la loi n°73-17 du 19 Avril 2018 afin de laisser au président du tribunal une
large liberté dans l’appréciation de l’opportunité de son intervention. Mais l’effectivité de
cette intervention dépend, avant tout, de l’exploitation des informations qui sont à la
disposition de son titulaire afin d’avoir connaissance des difficultés rencontrées par
l’entreprise.
L’intervention du président du tribunal de commerce était subordonnée à la
constatation dans les comptes des sociétés commerciales ou des commerçants personnes
physiques, d’une perte inférieure au quart du montant des capitaux propres en fin d’exercice 6,
ce qui amène ici les juges à adopter des solutions conformes à l’esprit de la loi et non pas à sa
lettre. En reformulant la lettre de ce texte de loi, le législateur a, également, assoupli ce critère
d’intervention du président du tribunal de commerce par la loi n°73-17, puisqu’il suffit, en
vertu du premier alinéa de l’article 549 du code de commerce, que l’entreprise concernée
connaisse « des difficultés juridiques, économiques, financières et sociales ou des besoins de
financement ne pouvant être couverts par des financements adaptés aux possibilités de
l’entreprise ». Pour le président ait la possibilité d’user de son pouvoir de convocation. La
formule actuelle a pour elle l’avantage de la simplicité et laisse une grande place au pouvoir
d’appréciation du président.
Notant ici encore que la référence à la continuité d’exploitation a pour effet
d’harmonisée les critères de déclenchement de la prévention interne avec ceux de la
prévention externe. Toutefois, l’appréciation et la mise en œuvre de ce critère d’alerte peut
varier selon les titulaires du droit d’alerte en fonction de leur position.
Il est à signaler que le texte de loi donne beaucoup plus de précision sur « la nature
des difficultés » en cause. Mais, il s’agit ici un paradoxe entre deux expressions opposées à
savoir : le président peut-il apprécier « la nature des difficultés » ou « les difficultés de
nature » ? A l’origine le président doit d’abord connaitre la nature des difficultés et, ensuite,
des difficultés de nature à compromettre la continuité d’exploitation. Si les mots ont un terme,
il faut préciser le terme « nature ». Le texte de loi ne doit pas pris à la lettre « la nature des
difficultés », mais seulement parle d’une manière claire « des difficultés de nature ». Il semble
qu’il apparait d’apporter une certaine complémentarité entre les deux expressions afin
d’éclairer encore plus le champ d’application du texte de loi, ce qui facilite aussi aux
détenteurs du droit d’alerte leur mise en œuvre.
2. La preuve d’intervention du président du tribunal de
commerce
Le critère de la rupture de la continuité d’exploitation concerne en principe de la
prévention interne à la charge des commissaires aux comptes, conformément aux termes de
l’article 547 alinéa 1. Le critère retenu est donc le même que celui qui justifie l’intervention
du commissaire aux comptes. La seule différence est d’ordre terminologique, car le législateur
du 19 Avril 2018 emploi dans l’article 549 alinéa le terme « difficultés » pour le
6
V., en ce sens, Art., 357 de la loi n°17-95 relative aux S.A.

5
déclenchement de la prévention externe, alors pour la prévention interne, il a utilisé à la fois le
concept « faits » et celui « des difficultés », conformément aux termes de l’alinéa 1 de l’article
547.
C’est dire d’ailleurs ici que, le motif permettant au président de la juridiction de
convoquer les dirigeants est très large. Il faut observer cependant que le président ne peut
fonder cette intervention sur une simple information de nature informelle. Mais, assez
curieusement, le premier alinéa de l’article 549 de la nouvelle loi exige que la preuve des
difficultés résulte d’un « acte, document ou procédure (…)». Il faut qu’il y ait à l’origine de la
convocation que cette énumération ne doit pas être interprétée de manière restrictive.
Comme tous les critères, ils sont arbitraires, d’où la mise en place avec l’assistance du
greffe d’un certain nombre de clignotants : inscriptions de privilèges et nantissements ; perte
de plus de la moitié du capital social ; capitaux propres négatifs ; non dépôt des comptes
annuels ; injonction de payer à répétition ; demande de prorogation de l’assemblée générale.
Ou encore : alerte des commissaires aux comptes dans sa deuxième phase ; courrier du
parquet, de l’inspection du travail, des représentants du personnel, des salariés, des créanciers,
des actionnaires.
Le souci de législateur est de permettre le plus largement possible la convocation du
chef d’entreprise auprès du président de la juridiction. Il avait été envisagé de réduire le
champ d’application de la convocation en la limitant non seulement au seul cas de l’existence
d’acte ou document comptable publiés au registre de commerce et des sociétés, mais aussi à la
publication de privilèges ou encore les assignations en paiement.
Or, le principe de cette intervention ne constitue pas une phase contentieuse, car le
président du tribunal ne joue ici qu’un rôle uniquement préventif. Rien, en effet, en dehors de
menaces plus ou moins voilées pour le cas où se révèle ou se révélerait une cessation des
paiements7, n’oblige le chef d’entreprise à déférer à la convocation du président du tribunal
qui agit en dehors de tout « impérium judiciaire8 ».
Il semble que l’intérêt de limiter le creusement rapide du passif devrait justifier le
renforcement des moyens publics mis à la disposition des juridictions de commerce à cette
fin.
Paragraphe II. L’information du président du tribunal de
commerce avant la convocation du chef d’entreprise
La connaissance des difficultés peut, ici encore, et selon l’alinéa 1 de l’article 549 du
code de commerce, résulter de « tout acte, document ou procédure ». Le président peut avoir,
par différentes voies, connaissance des éléments susceptibles de révéler l'existence de
difficultés de nature à justifier son intervention et, pour le moins, de lui fournir des
informations sur la situation financière, économique et juridique du débiteur.
Il semble que, c’est au président du tribunal de commerce qu’il appartient parfois de
déterminer les principaux signes révélateurs des difficultés que rencontre une entreprise, et

7
Il est à noter ici que l’entreprise ne soit pas en état de cessation des paiements, car l’impossibilité de faire
face au passif exigible avec l’actif disponible est le prélude à l’ouverture d’une procédure de redressement
ou de liquidation judiciaire, si le redressement s’avère manifestement impossible. Il convient néanmoins
que le débiteur qui ne se trouve pas dans un état de cessation des paiements, n’ait pas demandé
l’ouverture d’une procédure de règlement amiable. On peut tout de même craindre une cessation des
paiements imminente, au moment où ledit acte ou document révèle ces difficultés. Cf., D.GIBIRILA,
op.cit., p. 86.
8
P.LE CANNU, M.JEANTIN, op.cit., p. 42.

6
notamment aux travers des informations qui lui sont transmises en amont. Le principe de cette
intervention est le fruit de l’existence des difficultés de nature à compromettre la continuité
d’exploitation d’entreprise. Il est averti soit par les dirigeants de l’entreprise, soit par les
commissaires aux comptes, qu’a vainement déclenchés une procédure de prévention interne9.
L’information du président peut, également, provenir du commissaire aux comptes
lorsqu’il aura lui-même déclenché l’alerte ou avoir une origine informelle (salaires,
fournisseurs, concurrents…, etc.). Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra au président
du tribunal de corroborer ce qui pourrait n’être que des rumeurs par une analyse des
informations proposées par le greffe sur l’entreprise en cause. Si les difficultés révélées lui
paraissent compromettre la continuité de l’exploitation, le président du tribunal peut exercer
son droit d’alerte.
C’est dire d’ailleurs ici que l’information du président est un paradoxe, car si l’article
547 du code de commerce avait imposé que l’information du président ne sera s’effectuée
qu’à défaut de délibération de l’assemblée générale, ou malgré les décisions prises par cette
assemblée la continuité d’exploitation demeure compromise, le président du tribunal, qu’en
est informé par le commissaire aux comptes qu’une entreprise connait des difficultés
d’exploitation, ne peut intervenir que trop tard.
Les nouvelles orientations en la matière de la prévention amènent ici à l’esprit qu’il
apparait d'opposer au commissaire aux comptes l’obligation d’informer le président du
tribunal de commerce du déroulement de la procédure d’alerte lorsque celle-ci était parvenue
au stade de la délibération du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.
Mais, les commissaires aux comptes s’interrogeaient sur le contenu précis de
l’information que devaient fournir au président de la juridiction commerciale. Fallait-il lui
transmettre tous les détails de ladite procédure ou suffisait-il de porter à sa connaissance la
seule existence de la procédure d’alerte ?
En dépit de l’absence d’un texte de loi qui prévoyait une information détaillée, une
alternative avait suggérée par la compagnie française des commissaires aux comptes en
l’occurrence « copies de tous les documents utiles (…) ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont
conduit à constater l’insuffisance des décisions prises 10». Mais cette alternative ne sera se fait
que lorsque l’alerte avait atteint le stade de la délibération de l’assemblée générale et que le
commissaire aux comptes avait considéré que les décisions prises ne permettaient pas
d’assurer la continuité de l’exploitation.
En effet, toutes ces hésitations devraient être balayées par une certaine logique, afin
d’éviter que le président n'intervienne ni trop tôt, ni trop tard. Désormais, le commissaire aux
comptes semble informer le président du tribunal dès que le dirigeant ne répond pas à sa
demande d’explication ou encore dès que la réponse du dirigeant ne permet pas d’être assurée
de la continuité d’exploitation. Dans ce cas d’espèce, le devoir d’alerte du commissaires aux
comptes sera mieux encadré vis-à-vis des présidents des tribunaux de commerce, en levant
expressément le secret professionnel qui s’impose normalement a eu lorsqu’il rend compte de
l’échec de leur démarche, et en prévoyant la transmission au même président du courrier
invitant les dirigeants à faire délibérer le conseil d’administration ou de surveillance sur les
problèmes soulevés par le commissaire aux comptes. Ainsi, un extrait du procès-verbal des
délibérations devrait être communiqué au président de la juridiction et ce par lettre
9
V., en ce sens, art 547, C.Com.
10
Cet avis de la compagnie française des commissaires aux comptes est cité par, A.BRUNET, art.précit.,
REMAC, n°10 et 11, 2010, p. 62.

7
recommandée avec demande d’avis de réception, dans les huit jours qui suivent la réunion du
conseil. Aujourd’hui, le président n’est informé qu’après la délibération, si elle a
effectivement eu lieu.
Naturellement, le fait que le président de la juridiction est maintenant informé de façon
détaillée et circonstanciée au début de la procédure d’alerte, ne dispense pas le commissaire
aux comptes de compléter les informations à fournir au président lorsque, à l’issue de l’alerte,
il constate que malgré la réunion de l’assemblée générale la situation demeure compromise.
Si l’on veut que l’alerte lancée par le commissaire aux comptes débouche sur des
mesures concrètes de redressement, il serait souhaitable de la connecter solidement à
l’intervention du président de commerce. Mais il faut également se souvenir que la prévention
consiste à agir en temps utile, avant que les difficultés ne deviennent trop graves et, par
conséquent, rebelles à toute mesure de redressement. Il faut donc aussi s’intéresser aux
techniques propres à assurer le redressement de l’entreprise.
Mais, comme ces techniques ne sont pas véritablement spécifiques de la prévention
des difficultés, il importe de déterminer celles qui sont compatibles avec la logique de
prévention des difficultés.
Section II. Les conséquences de l’intervention du président
du tribunal de commerce
Le président du tribunal de commerce peut convoquer les dirigeants pour que soient
envisagés les mesures propres à redresser la situation de l’entreprise ou pour expliquer leur
défaillance dans le dépôt des comptes. C’est une simple faculté qui lui est offerte et qu’est
utilisé de manière variable selon les juridictions. Une fois encore, le résultat de l’alerte
dépendra du succès du dialogue ouvert avec la direction.
Paragraphe I. La convocation du chef d’entreprise
L’alinéa 2 de l’article 549 du code de commerce prévoit le président fait convoquer
immédiatement le chef d’entreprise à son bureau, soit sur sa propre initiative, soit sur la
demande du chef d’entreprise. Cette convocation est, matériellement, effectuée par le greffier
du tribunal. Elle est envoyée d’avance avec une note par laquelle le président expose les faits
qui ont motivé son initiative.
Or, ce texte n’indique pas la nature de l’intervention du président. Ce n’est
certainement pas un acte juridictionnel. Elle ne peut être qualifiée ni de jugement, ni
d’ordonnance. Face à cette ambiguïté de la nature d’intervention du président du tribunal de
commerce, une partie de la doctrine française penche qu’il s’agit ici d’un « acte
d’administration judiciaire 11 ». Ou encore un acte innommé démontrant la nouvelle fonction
d’un juge « d’entraineur12».
Dans le cas où le représentant légal de la personne morale ou le chef d’entreprise ne
répond pas à la convocation, le texte de loi ne prévoit aucune sanction. La pratique prévoit
l’établissement d’un procès-verbal de carence aux fins d’application des dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 549 du code de commerce. Cette disposition permet au président de la
juridiction, à l’issue de l’entretien, d’obtenir des informations précisées dans ce texte de loi.
Une lettre recommandée avec demande d’avis de réception est préférable pour une
seconde convocation, dans l’hypothèse où la première serait restée sans effet. Cette forme est
requise pour qu’un procès-verbal de carence puisse être dressé en l’absence de réponse. A ce

11
Cf., SAINT-ALARY-HOUIN ©, op.cit., p. 103.
12
Cf., P. LE CANNU, M.JEANTIN, op.cit., p. 42.

8
procès-verbal doit alors joint l’accusé de réception de la convocation. La copie de cette
notification est immédiatement notifiée par les soins de greffe au représentant légal de
l’entreprise par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. Le procès-verbal
établit doit être déposé au greffe et ne peut être communiqué qu’aux autorités judiciaires et
aux personnes ou organismes communiqués par le président de la juridiction en application de
l’alinéa 2 de l’article 549 du code de commerce, c’est-à-dire aux autorités faisant l’objet d’une
demande d’information de la part du président.
L’établissement d’un procès-verbal de carence constitue la seule mesure dont dispose
le président du tribunal dans cette hypothèse. Il ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte et ne
peut infliger aucune sanction au dirigeant récalcitrant. L’efficacité de cette convocation
repose donc sur l’autorité reconnue au président du tribunal.
Il serait possible, dans cette hypothèse, de prévoir que, après une mise en demeure par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le président du tribunal aurait la
faculté de nommer d'office un administrateur provisoire, dont la mission pourrait être
rapidement stoppée s'il s'avérait que le silence du dirigeant n'était dû qu'à sa négligence ou son
indifférence, tandis que la situation économique de l'entreprise ne justifierait pas de mesures
particulières.
Généralement, les dirigeants ont, cependant, intérêt à montrer de la bonne volonté car,
par la suite, si les difficultés s’amoncellent et si la société sont soumises à une procédure de
redressement et, a fortiori, de liquidation judiciaire, leur responsabilité sera beaucoup plus
aisément recherchée et établie. Le président peut, en outre, suggérer au tribunal de saisir
d’office de l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire mais il ne dispose
pas personnellement du droit de saisine.
Paragraphe II. Les résultats d’intervention du président
du tribunal de commerce
La loi n°73-17 obligeait les dirigeants à indiquer les mesures qu’ils envisageaient pour
redresser la situation. Désormais, la formulation prévue par le deuxième alinéa de l’article 549
est moins coercitive. A lecture de ce texte de loi, on trouve seulement que les dirigeants sont
convoqués, soit par le président du tribunal de commerce, soit à travers une demande de ces
derniers contenant la nature des difficultés à compromettre la continuité d’exploitation ainsi
que les moyens d’y faire face à cette situation. Cette convocation est effectuée aussi en vue de
recueillir l’avis du chef d’entreprise à ce sujet, pour que soit envisagée les mesures propres à
redresser la situation de l’entreprise.
Or, cette convocation a pour but, et ce, à travers une concertation du président et des
dirigeants, éventuellement accompagnés par leurs conseils, avocats ou expert-comptable, de
parvenir à un sauvetage de l’entreprise en difficulté. Dans la plupart des cas, ce sont de
véritables plans de redressement qui sont bâtis et rarement de simples moratoires. Ils
supposent souvent des augmentations de capital et la recherche des partenaires économiques
nouveaux.
Précisions ici encore que cette rencontre avec le chef d’entreprise, donne lieu, en
pratique, à l’établissement d’un procès-verbal signé par les parties et par le président du
tribunal, mais qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien. Ainsi que l’identité des
personnes présentes en vue de préserver la confidentialité de la prévention externe. Ce procès-
verbal est déposé au greffe du tribunal de commerce.
Le succès de ce dialogue dépend, en effet, du charisme du président du tribunal de
commerce, de son autorité et de son influence. La réussite de ces techniques de prévention

9
fondées sur le dialogue, la négociation et la diplomatie, est étroitement subordonnée à la
personnalité de ceux qui les mettent en œuvre.
Il demeure que l’intervention des présidents de tribunaux de commerce s’avère
difficile car les entreprises comprennent souvent mal leur rôle. Car selon eux entrer dans la
zone du tribunal, c’est entrer dans la zone du risque. Et encore plus, cette intervention
paraitrait parfois inefficace, car le critère retenu, de par sa gravité, est tardif et l’entreprise se
trouve dans un état très proche de la cessation des paiements.
Après cet entretien avec le chef d’entreprise, le président du tribunal à la possibilité, et
ce, conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 549 du code de commerce, de
procéder à la désignation :
- soit d’un mandataire spécial et lui confié une mission d’intervention afin de
réduire les oppositions éventuelles des partenaires habituels de l’entreprise,
- soit d’un conciliateur qui aura pour mission principale de faciliter la
conclusion d’un accord avec les créanciers, selon le cas.
Chapitre II. La décision de la désignation d’un mandataire
spécial
La décision de recourir à la désignation d’un mandataire spécial est une nouvelle voie
d’action laissée à la seule initiative du président du tribunal de commerce. Celle-ci l’a
mentionnée, à l’alinéa 3 de l’article 549 du code de commerce, d’autant qu’il constitue
souvent la voie d’aiguillage vers la procédure du règlement négocié.
A cet effet, l’alinéa 1 de l’article 550 de la loi n°73-17 prévoit que, « (…) le président
du tribunal de commerce le désigne en qualité de mandataire spécial, il lui assigne une
mission et un délai pour l’accomplir ».
La définition du mandat spécial repose actuellement sur deux éléments : le mandataire
est désigné par le président du tribunal, décidant seul ; sa mission est également déterminée
par lui seul, sans cadre ni limitatif, ni impératif. Mentionné au livre V pour mémoire, afin
qu’il soit reconnu, il complète ainsi les cas où la loi prévoit la désignation d’un mandataire de
justice pour une mission précise, par exemple, pour convoquer l’assemblée des actionnaires à
la suite d’une demande en justice.
Aucune autre contrainte ne s’impose quant à la qualité, aux titres, à l’origine
professionnelle, à la rémunération, à la durée de la mission de la personne désignée en tant
que mandataire spécial, ou encore à la situation de l’entreprise elle-même.
La souplesse de ce dispositif constituant le gage de son utilité, le nouvel article 550 de
la nouvelle loi n°73-17 a pour objet de lui conférer toute la noblesse législative qui lui revient,
en faisant l’objet d’un article à part entière, sans rigidifier inopportunément pour autant son
régime juridique.
Contrairement à la lettre du texte en vigueur, muet sur la question, le présent article ne
prévoit pas que le président du tribunal ne peut nommer de mandataire spécial qu’à la
demande du dirigeant. Il est ainsi accordé au président du tribunal de commerce un pouvoir
d’appréciation souverain quant à la désignation d’un mandataire spécial avec la possibilité
pour ce dernier de « s’autosaisir ». Même si cette faculté pouvait présenter quelque intérêt,
dans le prolongement d’une convocation n’ayant pas abouti, ou dans le cas où l’abstention du
chef d’entreprise résulterait de son ignorance de la loi ou de sa mauvaise appréciation de la
situation plutôt que d’un refus explicite de se tourner vers le tribunal de commerce, fût-ce
dans le cadre d’une procédure confidentielle et souple. Mais il est vrai qu’imposer d’office un
mandataire spécial à une entreprise, avec l’obligation subséquente de le rémunérer, représente

10
en l’occurrence une intrusion importante du juge dans la vie des affaires, d’autant qu’aucun
texte ne définit l’objet du mandat.
L’intervention du mandataire spécial peut, dans la rédaction de l’actuel article 550,
être considérée comme limité aux cas des seules entreprises pouvant, par ailleurs, bénéficier
de l’intervention du président du tribunal de commerce. Il s’agit, en l’occurrence, des
entreprises commerciales ou des commerçants personnes physiques.
Pour être efficace il s’agit d’aligner le régime du mandat spécial sur celui de la
procédure de conciliation, qu’il s’agisse du régime d’incompatibilité pour des raisons
déontologiques, de l’exigence d’une assurance spécifique au titre de la responsabilité civile,
sur l’opportunité de laquelle nous reviendrons aux textes relatives au règlement amiable dans
ce contexte, et professionnelle ou de l’encadrement des modalités de rémunération.
Le recours à ce dispositif reste largement ouvert tant en ce qui concerne les critères de
déclenchement de cette procédure (section I) et de déroulement de ladite procédure (section
II).
Section I. Les critères de déclenchement de la procédure
du mandataire spécial
La question de déclenchement de la procédure du mandataire est dominée par
l’intervention du président du tribunal de commerce, car on trouve actuellement à la lumière
du premier alinéa de l’article 550 que, ce déclenchement ne peut intervenir qu’à l’initiative du
président du tribunal de commerce. Et si cette précision est nouvelle à l’époque de la réforme
de 1996. Or, à l’état actuel du texte de loi, à travers la réforme effectuée par la loi n°73-17, ce
déclenchement peut aussi intervenir qu’à la demande du débiteur, conformément aux termes
de l’alinéa 5 de l’article 545 de la nouvelle loi.
De ce qui précède, l’article 550 de la nouvelle loi pose ici un certain de critères tant en
ce qui concerne les personnes assujetties et les personnes chargées de déclenchement de la
procédure du mandataire spécial (paragraphe II), tant en ce qu’il s’agit des difficultés qui
justifient le recours à la désignation d’un tel mandataire (paragraphe I).
Paragraphe I. Les critères objectifs de déclenchement de la
procédure du mandataire spécial
L’article 549 du code de commerce parle seulement « des difficultés susceptibles
d’être aplanies » et « des oppositions éventuelles », sans aucunes autres précisions Or, ces
deux formules légales constituent ici les clefs de la désignation d’un tel mandataire spécial,
mais il n’est pas parfois aisé pour l’autorité judiciaire préventive de prévoir une appréciation
correcte de ces deux critères de déclenchement de cette procédure, sauf à espérer par les
potentialités offertes par les mécanismes d’interprétations juridiques. Et face à une telle
ambigüité, le cadre de cette mesure de prévention peut donc être librement adapté en fonction
de la situation de chaque débiteur.
Même si aucune condition juridique n’est expressément prévue par le législateur de
1996, l’économie générale de ce texte de loi et, en particulier, l’obligation qui incombe à tout
chef d’entreprise de déclarer son état de cessation des paiements en déposant le bilan,
semblent signifier, a contrario, que le mandat spécial est réservé aux entreprises qui ne sont
pas en état de cessation des paiements, ni encore en situation de difficultés réelles.
Dans cette logique, le dirigeant qui présente une telle demande doit fournir au
président du tribunal les éléments qui attestent du fait que, l’entreprise est aussi en mesure de
faire face au passif exigible avec son actif disponible.

11
Or, les éclaircissements amènent ici à l’esprit de procéder, d’une part, à l’appréciation
« des difficultés susceptibles d’être aplanies » (A). D’autre part, l’accent tendra encore à
clarifier « les oppositions éventuelles » (B).
A. premier critère : « les difficultés susceptibles d’être
aplanies »
Aux termes de l’article 549 du code de commerce dispose que, « s’il apparait que les
difficultés de l’entreprise sont susceptibles d’être aplanies (…) ». À la lecture de ce texte de
loi, on dira que la décision de désignation d’un mandataire spécial est largement fondée sur un
pouvoir d’appréciation du chef de la juridiction qui expose, à ce propos, les raisons qui la
motivent. Or, cette désignation a, toutefois, vocation à intervenir très en amont des difficultés
réelles et en particulier en amont de la cessation des paiements. Et si les mots ont un sens, il
apparait donc nécessaire d’éclairer ce qu’on peut entendre par l’expression « (…) des
difficultés susceptibles d’être aplanies (…) ». Car, il s’agit ici un concept très vague. Sauf à
espérer que les interprétations mènent ici que l’entreprise soit en situation des difficultés très
légères, soit qu’elle est en celle de difficultés prévisibles.
Mais, rien n’interdit, et notamment en raison de l’existence des difficultés réelles, le
président du tribunal de procéder à la désignation d’un tel mandataire, à la condition que
l’entreprise ne soit encore en état de cessation des paiements. Si tel est le cas, la demande en
redressement ou liquidation est impérative à peine de sanction. Si tel n’est pas le cas, la seule
désignation du mandataire n’a évidemment pas pour but de l’interrompre et ne saurait
dispenser le chef de la juridiction de le désigner en tant que tel, avant la survenance de la
cessation des paiements.
Le président du tribunal possède aussi un pouvoir d’investigation large, qui leur
permet d’anticiper sur la situation exacte de l’entreprise, sous peine de ne pas perdre le temps
et de prendre le risque de la désignation d’un tel mandataire, alors que l’entreprise est déjà en
situation de paiement. Ce pouvoir d’investigation est effectué notamment à travers le recours
à l’alinéa 1 de l’article 548 et l’article 552 du code de commerce.
Reste à savoir si la pratique utilisera cette nouvelle faculté, ce qui semble peu
probable, à la fois parce qu’elle suppose une demande du débiteur et parce qu’on voit mal que
la mission qui pourrait être impartie au mandataire, sauf peut-être dans les cas particuliers, par
exemple lorsqu’aucun administrateur n’est désigné.
B. Second critère : «la réduction des oppositions
éventuelles soit : sociales ou entre associés ou celles des
partenaires habituels (…)»
Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 550 de la loi n°73-17 portant réforme du livre V
du code de commerce du 1er Aout 1996, prévoit ici que s’il apparait que les difficultés de
l’entreprise sont susceptibles d’être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers à même de
réduire « (…) les oppositions éventuelles soit sociales ou entre les associés ou celle des
partenaires habituelles de l’entreprise (…) ». Or, on entend ici par « oppositions », lorsqu’on
ressent, et ce par anticipation, que la situation de l’entreprise est en cours de dégradation, et
qui elle n’est pas encore en mesure d’honorer éventuellement ses engagements contractuels,
les partenaires refusent parfois de continuer de faire des transactions avec l’entreprise, dès que
cette dernière commence de ne pas payer les dettes qui pèse sur elle. Mais si les mots ont un
sens, il faut aussi préciser ce qu’on peut entendre par le vocable « éventuelles ». Cette
expression prête ici à l’interprète qu’il s’agit des difficultés éventuelles ou autrement dit

12
difficultés prévisibles. Dire des difficultés éventuelles, c’est dire encore que la décision de
désignation d’un mandataire spécial ne serait se fait que lorsque l’entreprise éprouve des
difficultés prévisibles.
Aussi a-t-on pu dire d’ailleurs que, cette formule légale désigne qu’il s’agit ici trois
critères qui permettra parfois, et ce, dans la mesure du possible, de procéder à la désignation
d’un spécial :
En ce qui concerne le critère de la réduction « des oppositions éventuelles de nature
sociales » qui désigne qu’il s’agit ici pour le mandataire spécial de traiter des « conflits
sociaux ». Or, la mise en place d’un système de prévention efficace suppose ici une démarche
de la mise en participation des représentants des salariés au redressement préventif des « faits
sociaux ». C’est dire ici que la mission du mandataire spécial devra être articulée autour de la
mise d’un plan de redressement de ces conflits sociaux, et ce, notamment à travers la
participation des représentants des salariés. Cela veut dire ici encore que l’intérêt social est au
cœur du concept de la prévention. Car il est impossible de maintenir les emplois sans pouvoir
sauvegarder l’entreprise. Ceci dire également que l’intérêt capital des salariés réside dans la
sauvegarde de l’entreprise, puisqu’elle conditionne la protection de leurs emplois.
S’agissant alors le critère de la réduction « des oppositions éventuelles (…) entre les
associés (…) ». Tels que les mésententes ou les mésintelligences entre les associés.
Enfin, le critère de la réduction « des oppositions éventuelles des partenaires
habituels » désigne qu’il s’agit ici des partenaires avec lesquels l’entreprise peut effectuer des
engagements et des transactions commerciales. Au fil du temps, ces partenaires sont devenus
créanciers dans le cas où l’entreprise commence à ne pas exécuter ses engagements, qu’il soit
de nature commerciale ou financière, envers de ces derniers. Si ce concept ne pose pas de
problème au niveau de la qualification juridique, celui « (…) des oppositions éventuelles
(…) » a le mérite d’une appréciation draconienne, car il constitue, dans ce cadre, l’élément
clé de déclenchement de la procédure du mandataire spécial.
Or, le législateur marocain a essayé donc d’organiser une démarche de prévention, à
travers notamment des modes conventionnels de traitement de ces oppositions, et ce sous
l’égide de l’autorité judiciaire préventive. Ce qui entraine, par conséquent, une certaine
judiciarisation de la procédure du mandataire spécial. Cette judiciarisation s’inscrivait
davantage dans la recherche des solutions de nature à réduire ces oppositions. Et celles, bien
évidemment, qui sont de nature à assurer la préservation de la continuité d’exploitation de
l’entreprise, en tant qu’intérêt suprême.
C’est dire d’ailleurs ici que, cette intervention d’un tiers à la vie de l’entreprise aura ici
pour finalité majeur d’éviter la menace de révocation éventuelle des partenaires habituels de
l’entreprise
Paragraphe II. Les critères subjectifs de déclenchement de
la procédure du mandataire spécial
La question de déclenchement de cette procédure se pose aussi sur le plan subjectif,
car on trouve dans l’état actuel du texte de loi que cette désignation ne serait se fait que
lorsque les entreprises assujetties à la procédure du mandataire spécial remplies, tout d’abord,
les conditions prévues la loi (A) et que la désignation d’un tel mandataire spécial ne serait se
fait, ensuite, qu’à l’initiative du président du tribunal de commerce ou par les personnes
habilitées à demander le président de procéder à la désignation d’un mandataire spécial (B).

13
A. Les entreprises assujetties à la désignation du
mandataire spécial
Le premier alinéa de l’article 546 de la novelle laisse à penser que ce dispositif était
ouvert uniquement aux commerçants personnes physiques et aux sociétés commerciales.
Or, la disjonction de la procédure du mandataire spécial en un article indépendant
n’est pas anodine. Intégrée jusqu’à présent dans le chapitre II du titre II relatif « à la
prévention externe», cette procédure était limitée aux seules entreprises pouvant bénéficier les
dispositions du Livre V du code de commerce de commerce.
En effet, cette indépendance normative de la procédure du mandataire spécial en un
seul article, laisse aussi l’interprète de pencher que celle-ci est applicable à toutes les
entreprises en difficulté et sans condition de temps. En revanche, cette question de temps
révèle un problème énorme de la détermination du périmètre de déclenchement et de
déroulement de la procédure du mandataire spécial. Car, il ne s’agit plus de déclencher une
procédure à l’égard d’une entreprise alors qu’elle était en cessation des paiements et n’est plus
encore d’admettre à un mandataire d’exercer une mission sans l’enfermer dans aucun délai.
Ce délai est actuellement relevé, selon l’article 550 de la novelle, du pouvoir
d’appréciation large du président du tribunal de commerce. Et seul compétent afin de
déterminer la nature des entreprises qui peuvent bénéficier ce dispositif législatif. Car, le texte
de loi vise seulement que si « (…) les difficultés de l’entreprise sont susceptibles d’être
aplanies (…) », sans pour autant préciser l’ampleur et la teneur des difficultés. Or, cette
expression prête ici à l’interprète qu’il s’agit ici des entreprises dont la nature des difficultés
concernent les oppositions éventuelles de nature sociales ou bien des oppositions entre les
associés ou encore celles des partenaires habituels de l’entreprise.
Cette disjonction a ainsi le mérite d’une qualification, selon la doctrine française,
d’« expressis verbis13». Or, le caractère séquentiel et chronologique de chacune des
procédures conventionnelles destinées autant de fois à la prévention et au redressement
amiable de la situation de l’entreprise.
C’est dire d’ailleurs ici que, ce dispositif est ouvert aux commerçants, personnes
physiques ou morales, dont la situation n’est pas irrémédiablement comprise et dont l’activité
qu’ils exercices relève de la compétence du président du tribunal de commerce. Car, le fait
que le texte législatif dispose que cette désignation émane d’office par le président du tribunal
ne doit pas, dans ce contexte, conduire à réduire son champ d’application, mais ce que le
concept même d’entreprise n’a plus encore une signification juridique particulière, et même si
le Livre V du code de commerce a fait tant de fois et continue à faire une référence à la notion
d’entreprise.
B. Les personnes chargées du déclenchement de la
procédure du mandataire spécial
Aux termes de l’article 550 du code de commerce qui prévoit, en ce sens, que, la
désignation du mandataire spécial émane du président du tribunal de commerce (1). Cette
possibilité de déclenchement pourra aussi être effectuée par les créanciers ou encore par le
débiteur (2).
1. Le déclenchement de la procédure par le président du
tribunal de commerce

13
Cf., F.X. LUCAS, H. LECUYER, op.cit., p. 17.

14
L’énoncé du dispositif législatif stipule dans ce contexte que, la lettre du premier
alinéa de l’article 550 du code de commerce dispose que, « (…) le président du tribunal le
désigne (…) ». Or, la formule légale prête ici à l’interprète que cette désignation se fonde
parfois sur l’initiative du président du tribunal. À ce propos, cette formule légale offre
clairement et expressément une possibilité pour le président du tribunal de s’autosaisir.
En effet, ce pouvoir d’auto-saisine bien qu’il présente quelque intérêt, notamment dans
le prolongement des convocations qui n’ont pas encore abouti, ou en raison bien évidemment
de la méconnaissance ou de la méfiance des dirigeants à l’égard de la loi. Il présente aussi un
inconvénient, car il a convenu d’imposer d’office un mandataire spécial à une entreprise, avec
l’obligation de le rémunérer, parait parfois antimonique avec l’efficience de ce traitement
préventif.
Une telle orientation amène ici l’interprète d’évoluer la réflexion vers la liberté de
déclenchement de la procédure du mandataire spécial. Cette liberté est effectuée, notamment à
travers la mise en place d’une démarche d’extension des critères de déclenchement aux
parties, et aura pour objectif mais aussi comme nécessité de renforcer l’attractivité de cette
procédure, ce qui la rendre encore plus volontiers que contraignante.
Quoi qu’il en soit, il semble qu’il est opportun de laisser au représentant de
l’entreprise le monopole de la saisine du président du tribunal. Cette règle participe de la
volonté de conserver à ce mode de traitement des difficultés son caractère souple et
volontaire.
En outre, on voit mal l’intérêt en pratique de désigner un tel mandataire sans
l’adhésion du dirigeant, et peut-être serait-il bienvenu que le débiteur puisse mettre fin à la
mission du mandataire spécial.
2. Le déclenchement de la procédure mandataire spécial
par le débiteur
La loi n°73-17 s’oriente aujourd’hui vers l’extension des critères de déclenchement
du mandat spécial aux créanciers de l’entreprise. Cette extension est effectuée à travers les
termes de cinquième alinéa de l’article 545 de la loi citée qui prévoit ici que le débiteur soit
personne physique ou morale a le droit de demander au tribunal d’ouvrir l’une des procédures
de prévention conformément aux conditions prévues au livre V du code de commerce.
Section II. La désignation du mandataire spécial
Le mandataire spécial est désigné par ordonnance du président du tribunal rendue sur
requête. Cela signifie que l’attribution de la désignation d’un tel mandataire n’est confiée
qu’au président du tribunal de commerce (paragraphe I) et, ensuite, l’accent sera mis sur le
statut juridique organisant la fonction du mandataire spécial (paragraphe II).
Paragraphe I. Les critères juridiques relatifs à la
désignation d’un mandataire spécial
Le président du tribunal de commerce compétent est celui dans le ressort duquel le
débiteur a : déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité, s’il s’agit d’une personne
physique ; immatriculé son siège, s’il s’agit d’une personne morale. A défaut de siège au
Maroc, le tribunal compétent est celui dont le ressort duquel se trouve le centre principal de
ses intérêts à l’étranger.
Toutefois, pour les personnes morales qui ont transféré leur siège dans les six mois
ayant précédé la demande, le président de la juridiction dans laquelle se trouvait le siège

15
initial demeure seul compétent. Ce délai court à compter de l’inscription modificative au
registre du commerce et des sociétés du siège initial.
Cette compétence confiée ainsi au président de la juridiction deux pouvoirs semblent
essentiels : il s’agit, d’une part, un pouvoir d’appréciation (A) et, d’autre part, un pouvoir
décisif quant à la désignation du mandataire spécial (B).
A. Le pouvoir d’appréciation du président du tribunal de
commerce
Dire ici que le président du tribunal de commerce qui possède la compétence
exclusive en matière de la désignation du mandataire spécial, c’est dire encore que cette
compétence confie à ce dernier un double pouvoir avant de prendre une telle désignation : il
s’agit, d’une part, d’un pouvoir d’appréciation de la requête des partie (1) et, d’autre part, un
pouvoir décisif notamment pour la désignation d’un tel mandataire spécial (2).
1. Le pouvoir d’appréciation lié à l’examen des
propositions du chef d’entreprise
Aux termes du quatrième alinéa de l’article 549 du code de commerce le président du
tribunal de commerce désigne un mandataire spécial à travers une proposition du chef
d’entreprise. Mais cette désignation ne serait se fait qu’après l’examen, par le président, de
ladite proposition, ce qui accorde ici à ce dernier un pouvoir d’appréciation souverain quant à
l’examen de la proposition du chef d’entreprise.
Or, ce pouvoir d’appréciation se fonde ici sur le principe selon lequel, la désignation
du mandataire spécial ne serait se fait qu’en présence des raisons qui l’ont motivée. Ainsi, une
telle désignation relève de la compétence du président du tribunal de commerce, dont la
compétence territoriale est bâtie sur les mêmes critères juridiques que la conciliation, la
sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire.
Après avoir exposé les raisons qui l’ont motivée et après une entrevue avec son auteur
lui permettra de se faire préciser les circonstances qui sont à l’origine de la démarche 14. Il est
aussi nécessaire pour le chef d’entreprise d’exposer la nature des difficultés rencontrées, les
mesures proposées pour y remédier, l’engagement de ne pas être en état de cessation des
paiements. Tout en figurant en annexe de cette demande : un plan de financement, un compte
de résultat prévisionnel, un état des créances et des dettes, la liste des principaux créanciers,
l’état actif et passif des sûretés, les comptes annuels, un état des cessions d’actifs immobilisés
intervenus dans les derniers mois, un état des inscriptions de privilèges et un extrait de K-bis,
un projet du plan de restructuration15.
La demande de désignation peut avoir des objets variés : il peut s’agir de résoudre un
conflit de nature sociale au sein de l’entreprise, une mésentente entre associés, des difficultés
avec des fournisseurs, des problèmes d’ordre bancaire ou financier.
Dans ces cas d’espèces, le président du tribunal dispose un large pouvoir
d’appréciation des propositions du chef d’entreprise. S’il leur apparait que ces mesures sont
de nature à apporter des remèdes nécessaires à la situation de l’entreprise. Le président du
tribunal doit décider la suite de la procédure.
2. Le pouvoir d’appréciation lié au choix de la personne
du mandataire spécial

14
Cf., J.P. SORTAIS, op.cit., p. 48.
15
Cf., L.LETHIELLEUX, op.cit., p. 41.

16
Le président conserve, selon l’état actuel de l’article 550, un pouvoir d’appréciation
souverain au niveau de choix de la personne du mandataire spécial, sous réserve, bien
évidemment, de vérifier qu’il remplit les règles d’incompatibilités et d’interdictions.
Or, on observe que le mandataire puisse être choisi sur une liste établie par la chambre
des métiers et de l’artisanat, lorsque l’entreprise était immatriculée au répertoire des métiers.
Bien que cette proposition laisse au président la possibilité de désigner une personne non-
inscrite sur cette liste. Or, l’adoption d’une telle disposition imposait de l’appliquer à d’autres
catégories et surtout qu’il était préférable de laisser toute liberté de choix à la juridiction16.
Descendons un pas et observons ici encore que, le texte législatif est aussi silencieux
sur les compétences professionnelles, techniques ainsi que l’expertise du mandataire spécial,
afin de choisir une personne capable d’exécuter la mission dont elle a été confiée. Le texte de
loi prévoit seulement que l’intervention de ce mandataire ne peut se faire que dans le but
« (…) de réduire les oppositions éventuelles (…)17» ; tels que les oppositions des banques, des
établissements financiers, des fournisseurs, des associés, des salariés, etc.
Aussi a-t-on pu dire que le président du tribunal possède un pouvoir d’appréciation
large quant au choix de la personne du mandataire spécial. Mais, ce choix dépend de la nature
de la mission et de la nature des difficultés rencontrées par l’entreprise. Il est donc nécessaire
au président du tribunal de choisir en qualité du mandataire spécial une personnalité reconnue
pour sa compétence professionnelle et sa connaissance du monde d’entreprise.
Toutefois, le succès de cette mission dépend du charisme du mandataire spécial, de
son influence sur les partenaires de l’entreprise. La réussite de ces techniques fondées sur le
dialogue, la négociation et la diplomatie, est étroitement subordonnée à la personnalité de ce
qui les met en œuvre. Ce qui explique ici que le président fait souvent recours à la désignation
des hommes d’affaires, des experts comptables, des avocats d’affaires et toutes personnes qui
leur paraitra capables d’envisager des mesures destinées à redresser et à corriger les
oppositions éventuelles.
B. La notification de la décision de nomination du
mandataire spécial
Dans le cas où le président du tribunal de commerce décide la désignation d’un
mandataire spécial. Cette décision doit être notifiée au chef d’entreprise, alors que celle le
nommant est notifiée à l’intéressé par le greffier. Ce mandataire doit immédiatement
communiquer au président son refus ou son acceptation et, dans cette dernière hypothèse, lui
adresser une attestation sur l’honneur18.
Cette décision de la désignation d’un mandataire spécial ne donne lieu à aucun
dessaisissement du débiteur ou du dirigeant, lequel conserve l’intégralité de ses pouvoirs
économiques et juridiques. Le mandataire désigné assure un appui à l’action du débiteur,
spécialement dans le domaine financier en conduisant un processus de négociation avec les
principaux créanciers; mais c’est le débiteur qui conclura l’accord avec ces derniers19.
Et encore plus, la décision de la désignation du mandataire ne peut faire l’objet
d’aucune publicité légale et demeure confidentielle. C’est là son principal atout, tant il est vrai
que la dispersion de l’information pourrait porter atteinte au crédit de l’entreprise et par là

16
Cf., PH. R. GALL, op.cit., p. 47.
17
C.Com., art 549.
18
Cf., D.GIBIRILA, op.cit., p. 94.
19
Cf., D.VIDAL, op.cit., p. 81 ; D.GIBRILA, op.cit., p. 94

17
même rendre plus difficile la réalisation de la mission; c’est sans doute le motif déterminant
qu’a conduit le législateur à maintenir et officialiser cette procédure en dépit du
perfectionnement qu’il apporte à la procédure de la conciliation.
Paragraphe II. La mise en place d’un statut de mandataire
spécial
L'absence de statut particulier ainsi que la liberté laissée, par défaut, au président du
tribunal de commerce laisse à penser que l'unique critère de désignation d'un mandataire
spécial est celui de sa compétence20. Dès lors, sa profession importe peu et l'on peut imaginer,
encore que l'usage n'en soit pas établi, qu'un notaire, qu'un avocat, qu'un affairiste, qu’un
comptable ou un établissement de crédit, disposant de compétences nécessaires puissent, à
l'occasion, être nommés mandataire spécial.
Outre une exigence de compétence reconnue, le mandataire spécial qui serait choisi
parmi les non-professionnels des procédures collectives devrait n'avoir aucun lien avec la
société dans laquelle il interviendrait et donc être totalement étranger au débiteur, et ce, à côté
des critères de neutralité et de moralité.
L’examen doit ici porter sur deux points semblent essentiels à l’amélioration du statut
juridique du mandataire spécial : l’un s’attache à l’éclaircissement de l’obligation de
confidentialité du mandataire spécial (A), l’autre est tourné vers la détermination de la durée
et de la mission du mandataire spécial (B).
A. L’obligation de confidentialité du mandataire spécial
La réforme issue de la loi n°73-17 sur les entreprises en difficulté prévoit que
l’obligation de confidentialité s’applique au mandataire spécial. A cet égard, l’obligation de
confidentialité du mandataire spécial a été clairement affirmée par le cinquième alinéa de
l’article 549 de la loi citée.
En effet, eu égard à la difficulté psychologique que pourraient avoir les débiteurs à
effectuer une démarche volontaire les conduisant vers le juge, le caractère confidentiel de la
procédure du mandataire spécial est un atout essentiel dans la réussite des mesures de
restructurations. C’est pourquoi le cinquième alinéa de l’article 5449 du code de commerce
vise qu’il est tenu de conserver la confidentialité de la prévention externe en toutes ses
mesures.
La violation de cette obligation de confidentialité doit pouvoir trouver sa réparation sur le
terrain de la responsabilité civile, notamment par l’octroi de dommages et intérêts et non plus
par des sanctions pénales21, s’il en résulte un préjudice pour l’une des parties à l’accord de
négociation, spécialement le débiteur. Et encore plus que ces deux sanctions puissent se
cumuler si le mandataire est soumis de par sa profession au secret professionnel.
Le recours à la notion de confidentialité est lié à une volonté de dépénaliser le droit
des affaires, illustrée par les textes les plus récents, tout en assurant une sanction réelle en cas
de violation, dans la mesure où les violations du secret professionnel ne sont pas toujours
poursuivies. En outre, le recours au secret professionnel dans le cadre de cette procédure est
certainement excessif compte tenu des sanctions susceptibles d’être infligées. En outre, cette
obligation de confidentialité est relayée par l’obligation au secret professionnel pénalement

20
A.CHOUKRI-SBAII, op.cit., p. 242.
21
Encore que ces deux sanctions puissent se cumuler si le mandataire est soumis de par sa profession au
secret professionnel.

18
sanctionnée à laquelle sont astreintes certaines personnes, comme en matière de la procédure
de conciliation.
La jurisprudence a, également, précisée que l’établissement de crédit, cessionnaire de
la créance par bordereau Dailly, ne commet pas de faute à assigner le débiteur cédé. Sans en
informer le cédant ou son mandataire spécial.
B. La durée, la mission et la rémunération du mandataire
spécial
Le nouveau texte législatif prévoit ici encore que le président du tribunal définit,
comme il entend, et ce, dans une ordonnance, la mission du mandataire spécial (1). Cette
ordonnance détermine aussi les conditions de la rémunération du mandataire spécial et la
durée de l’exercice de sa mission (2).
1. La nature juridique de la mission du mandataire
spécial
Le premier alinéa de l’article 549 dispose désormais que le président du tribunal de
commerce détermine la mission du mandataire spécial22. Il semble que cette mission sera
fonction des explications du débiteur et du dossier en cause. Aussi sa mission est-elle
parfaitement adaptée aux besoins de l’entreprise23.
Le mandataire spécial est toujours investi d’une mission limitée dans son objet et liée
à des circonstances particulières qui peuvent être très variées24: difficulté de remplacer un
dirigeant décédé, opposition entre deux groupes d’associés, non convocation de l’assemblée
générale ordinaire d’approbation des comptes.
Lorsqu’il intervient, plus particulièrement, dans le cadre de la prévention des
difficultés financières d’une entreprise. Il s’agira essentiellement pour le mandataire
d’analyser les difficultés et d’apporter une mission d’assistance au débiteur. Généralement sa
mission consiste25:
- à l’assister dans ses négociations, à rapprocher les parties et à rechercher, sans
formalité impérative, un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers (banques,
fournisseurs...) pour mettre au point un plan de financement prévisionnel satisfaisant à
court et à moyen terme ;
- à convoquer une assemblée générale des associés ou des membres de la personne
morale en vue de les inciter à reconstituer les capitaux propres ou à augmenter le
capital social ;
- à organiser l’entrée dans le capital social de nouveaux investisseurs ;
- à assister le chef d’entreprise dans la mise en place d’un plan de restructuration et/ou
d’un plan social.
Mais en général, le mandataire spécial veillera à s’en tenir strictement à la mission
confiée par le président du tribunal. En cas de doute, il en demandera une interprétation, selon
la technique procédurale de la requête en interprétation.

22
C.Com., art., 549.
23
Cf., E.DOUHAIRE, le rôle du mandataire ad-hoc et du conciliateur, in la prévention des difficultés des
entreprises. Analyse des pratiques juridiques, PU Aix-Marseille, 2004, p. 123. Cité par, PH.R. GALLE,
op.cit., p. 48.
24
Cf., S. BIENVENUE, art. précit., L.O.C.E.D., n°31, décembre 2007, p. 21.
25
M. JEANTIN, P. LE CANNU, op.cit., 7e éd., n°80 ; TH.MONTERAN, art.précit., Gaz.proc.Coll., Spéc.,
125 année, n°250 du 7 et 8 septembre 2005. P. 9.

19
Tout dépendra évidemment de la nature des difficultés rencontrées. Au demeurant,
rien n’interdit au cours de mission de solliciter une modification de la mission, sur demande
du débiteur, voire du mandataire spécial, mais, en ce cas, avec l’accord du débiteur, compte
tenu de la nature contractuelle du dispositif.
Sa mission consiste principalement à rechercher des solutions négociées. Son rôle
étant de servir d’intermédiaire entre le chef d’entreprise en difficulté et ses créanciers pour
tenter de parvenir à un accord en vue de règlement du passif moyennant une éventuelle
restructuration du capital et souvent à obtenir des concessions auprès des créanciers. Il
suggère éventuellement la restructuration financière ou juridique de l’entreprise. Le
mandataire spécial veille particulièrement à la sécurité juridique des parties dans
l’accomplissement de mesures envisagées. Il s’agit, par exemple, de se rapprocher dans les
meilleurs délais de l’actionnaire unique, faire voter une augmentation de capital, se
rapprocher des fournisseurs, des distributeurs, négocier des délais de paiements.
Le mandataire spécial informera le président du tribunal de toute fraude commise par
l’entreprise ou l’un de ses partenaires, ainsi que de tout événement nouveau ou nouvellement
connu de lui, qui serait susceptible d’entrainer des modifications ou fin de sa mission,
notamment l’état de cessation des paiements. Le mandataire spécial devra rendre compte de la
mission au président du tribunal et informer le chef d’entreprise de ses constatations et
conclusions sur les difficultés de l’entreprise.
Il semble que le contenu de cette mission doit être déterminée en accord avec le
débiteur, à la fois parce que ce dernier le rémunère mais également parce que la mise en place
de ce dispositif repose sur la seule finalité, c’est que de sauver l’entreprise en difficulté. De
surcroit, la réussite du mandat spécial parait peu probable sans sa participation. Pour autant le
mandataire doit rester indépendant des parties.
2. La durée et la rémunération du mandat spécial
La procédure de définition des émoluments serait rigoureusement encadrée, tout en
tenant compte du caractère à la fois partiellement contractuel et partiellement judiciaire des
missions considérées. Le principe ainsi retenu combinerait en conséquence la volonté des
parties sur la base des exigences de la mission, et, en cas de désaccord, tout d’abord la
décision du président du tribunal compétent, puis son éventuelle contestation devant le
premier président de la cour d’appel du ressort.
Il est à souligner dans ce contexte que le texte de loi ne précise guère les conditions de
la rémunération du mandataire spécial (a), et la durée d’exercer leur mandat n’est enfermée
dans aucun délai (b).
a. La rémunération du mandataire spécial
Le texte issu de la loi n°73-17 portant réforme du livre V du code de commerce du
er
1 Août 1966 les conditions de la rémunération sont fixées par le président du tribunal, après
avoir recueilli l’avis du débiteur, dans l’ordonnance qui le désigne.
En effet, l’ordonnance de désignation du mandataire spécial doit préciser les critères
sur la base desquels la rémunération est arrêtée, son montant maximal et le montant des
éventuelles provisions. L’accord du débiteur est recueilli par écrit préalablement à la
désignation du mandataire spécial et est annexé à l’ordonnance de nomination.
L’accord du débiteur est donc indispensable au stade initiale du processus et il
continue de l’être au cas où, par la suite, le mandataire spécial estime au cours de sa mission
que le montant maximal de la rémunération initialement déterminé est insuffisant. Le

20
président du tribunal fixe alors les nouvelles conditions de rémunération, après avoir recueilli
l’avis du débiteur. Si le débiteur ne donne pas son accord, il est mis fin à la mission du
mandataire spécial.
De ce constat, il s’agit de déduire que le débiteur n’est pas seulement un avis
consultatif comme le prévoyait le texte, mais que son accord est nécessaire sur les conditions
de rémunération. L’objectif est d’éviter que le recours à ce mandataire est tellement couteux
aux yeux des petites entreprises, qu’il risquerait d’être voué à l’échec dès le départ.
La mesure de la rémunération, en cas de désaccord, à l’aune des seules diligences
strictement nécessaires pourrait constituer un obstacle sérieux à la prise en compte des
résultats de la procédure dans la rémunération, parfois utilisée aujourd’hui, et être interprétée
de manière paradoxale : si la mission échoue, il pourrait être argué du fait qu’aucune des
actions réalisées par le mandataire spécial n’était nécessaire à l’accomplissement de sa
mission. Aussi pourrait éventuellement être préférée une formulation plus proche de celle
prévue pour les activités analogues auprès des tribunaux, du type de celle, plus large, prévue
pour la rémunération des avocats. A ce propos, les honoraires sont fixés à défaut de
convention, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des
frais exposés, de la notoriété de l’avocat et des diligences de celui-ci. De même, il pourrait
apparaître légitime de permettre que, à l’instar des honoraires des avocats, les rémunérations
des mandataires et conciliateurs puissent comprendre une partie complémentaire en fonction
du résultat obtenu ou du service rendu.
Mais, finalement, il apparaît plus simple, compte tenu du nombre limité de personnes
susceptibles d’être désignées par le tribunal, que la rémunération reste soumise à la procédure
actuelle, dans laquelle le président fixe, en accord avec le débiteur, les conditions de
rémunération du mandataire, au moment où il le désigne. Autrement dit, la rémunération n’est
arrêtée qu’à l’issue de sa mission. Il s’agit donc, dans un premier temps, de fixer la façon dont
la rémunération pourra, dans un second temps, être objectivement déterminée, en fonction des
diligences nécessitées par l’accomplissement de sa mission.
En particulier aucun barème de rémunération n’est mis en place par le législateur. Ce
qu’il apparait délicat d’établir un barème de rémunération qui puisse s’appliquer à toutes les
interventions, le principe amiable s’accommodant mal, au demeurant, d’un système
d’honoraires imposés26.
L’ordonnance du président du tribunal arrêtant la rémunération du mandataire spécial
est notifiée par le greffier au débiteur, au mandataire spécial ainsi qu’à l’expert. Elle peut
être frappée, tant par le débiteur que le mandataire spécial, d’un recours devant le premier
président de la cour d’appel et qu’est soumis au régime applicable aux ordonnances rendue en
matière de taxe.
En visant la décision arrêtant la rémunération du mandataire spécial, le texte n’est pas
clairement bien déterminé. Ce texte postule deux interprétations. Il ne fait aucun doute que les
décisions visées par l’article 549 du code de commerce sont concernés, à savoir les décisions
portant sur la rémunération du mandataire spécial, qu’il s’agit de fixer cette rémunération au
moment de la désignation ou de l’arrêter à l’issue de la mission.
La cour de cassation française avait d’ailleurs déjà admis la possibilité d’un tel recours
devant le premier président de la cour d’appel. Et, en ce sens, le nouveau texte législatif
français ne fait que reprendre cette jurisprudence.

26
Cf., PH.R. GALL, op.cit., p. 58.

21
Mais cette interprétation semble là encore devoir être rejetée, au point que le texte ne
prévoyait aucune possibilité de recours au moins uniquement pour les décisions prises dans le
cadre de l’article 549, c’est-à-dire relatives à la rémunération du mandataire spécial.
Ici encore, le texte est silencieux sur la question des personnes ayant qualité pour
exercer ce recours. Il est évident que le débiteur est visé, et il en est de même du mandataire
spécial qui, à titre d’indication, souhaiterait de contester le montant de sa rémunération tel
qu’il est arrêté au début ou à l’issue de sa mission. Mais la question peut se poser de savoir si
un associé ou un créancier pourrait exercer ce recours, s’il estime par exemple que la
rémunération de ce mandataire est trop élevée. Reste à espérer que le législateur n’a pas en
apporter des réponses claires à ces questions. En revanche, si la rémunération de mandataire
spécial n’est pas bénéficiée de l’encadrement législatif prévu, celui-ci semble demeurer au
niveau réglementaire, comme c’est aujourd’hui le cas, pour l’expert désigné, pour établir un
rapport sur la situation de l’entreprise, puisque cette désignation incombe au seul président du
tribunal.
b. La durée de la mission du mandataire spécial
A la différence du conciliateur désigné pour trois mois, plus un à sa demande, la
mission du mandataire spécial n’est pas enfermée dans aucuns délais légaux, ce qui laisse au
président du tribunal de commerce une très grande liberté quant à la fixation de ce délai. Car
l’alinéa 1 de l’article 550 de la nouvelle prévoit seulement que le président du tribunal assigne
une mission au mandataire et « un délai pour l’accomplir ». Comme autrefois, cette
désignation pourra de facto constituer un moyen de préparer un accord parfois difficile à
obtenir dans le délai de trois mois prévu par la procédure de conciliation.
A l’inverse, saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure de la conciliation, le
président du tribunal pourra sans doute comme auparavant préférer opter pour le recours à la
désignation du mandataire spécial, et si cela ne suffit ne pas, ouvrir ultérieurement une
procédure de conciliation. Encore conviendra-t-il que le débiteur accepte de faire les
demandes correspondantes puisque l’ouverture de la procédure du règlement amiable repose
sur ses initiatives.
Pour l’essentiel, l’ordonnance rendue par le président du tribunal fixe librement la
durée de la mission du mandataire spécial. Elle peut être prorogée en fonction de l’évolution
de l’affaire (alinéa 2 de l’article 550), ce qu’est un facteur de souplesse et une grande
différence avec la procédure de conciliation dont la durée est limitée à trois mois, prorogeable
pour un mois au maximum. C’est pourquoi en pratique les présidents commencent par la
désignation d’un mandataire spécial avant d’entrer en conciliation.
C’est dire d’ailleurs ici que l’un des intérêts majeurs du mandat spécial, pour les
praticiens, tient à son absence de limitation de durée. Et aucun texte de loi ne permet au
débiteur de demander au président du tribunal de mettre fin à la mission du mandataire
spécial.
Section III. L’issue de la procédure du mandat spécial
Presque toutes les issues sont terminées par la conclusion, normalement si les parties
manifestes la volonté de conclure un protocole d’accord, pour faire simple nous essayerons ici
de distinguer les issues normales du mandat spécial qui se termineront notamment par la
conclusion d’un accord de négociation (paragraphe I), des autres issues qui se termineront par
un échec (paragraphe II).

22
Paragraphe I. La conclusion d’un accord du mandat
spécial
Lorsque la mission du mandataire consiste à rechercher un accord entre le débiteur et
ses principaux créanciers, elle peut aboutir à l’obtention de délais de paiement et/ou de
remises de dettes.
L’accord qui intervient ainsi peut avoir un contenu plus large et prévoir diverses
mesures de restructuration industrielle, financière et sociale : cession de branches d’activités,
fermetures de sites, redéploiement du personnel, augmentation du capital ou entrée dans le
capital de nouveaux investisseurs, consolidation de la dette bancaire.
En fonction du contenu des négociations (simples délais ou restructuration complète
de l’entreprise), le document qui formalise l’accord amiable sera succinct ou comportera une
centaine de pages. Là encore, la souplesse prévaut. A ce propos, ce formalisme pose un
problème aussi bien au niveau de qualification de leur nature juridique (A) d’une part, qu’au
niveau de leur sécurisation juridique (B).
A. La nature juridique du formalisme de l’accord du
mandat spécial
Suite aux négociations réalisées avec tous les acteurs concernés, il est en mesure
d'aboutir à un accord qui sera rédigé par les conseils ou, à défaut, par le mandataire. On se
limitera à rappeler qu’il peut se terminer par la résolution des difficultés selon les modalités
diverses27.
L’accord amiable ne fait pas l’objet d’une homologation par le tribunal et n’est soumis
à aucun formalisme : il peut s’agir d’une simple lettre adressée au débiteur par ses créanciers
ou de la conclusion d’un véritable contrat, appelé un protocole d’accord et signé de toutes les
parties.
Souvent, les parties souhaitent formaliser davantage leur accord, il devra être soumis
soit au constat du président, décision gracieuse dont les conséquences seront très limitées, soit
à l'homologation, ce qui introduit un risque car la décision de l'homologation sera publiée.
Mais pour que les créanciers de la nouvelle monnaie bénéficient du privilège, il devra y avoir
une homologation de l'accord. Mais cette solution ne sera se fait que lorsque le mandat spécial
est ainsi transformé en règlement amiable.
Toute la négociation est préparée dans le mandat spécial, qui offre beaucoup de
souplesse et de confidentialité. Mais comme une homologation de l’accord est nécessaire,
laquelle n’est prévue par les textes que dans le cadre de règlement amiable, on passe au stade
de règlement amiable ne serait-ce que pour bénéficier de cette homologation de l’accord.
Aujourd’hui, les règlements amiables qui nous sont connus principalement utilisés
pour homologuer un accord discuté en mandat spécial. Cette procédure fait intervenir le
tribunal de commerce, notamment avec la désignation du mandataire par son président, puis
lors de la clôture du mandat ainsi qu’au moment où il se transforme en règlement amiable
pour son homologation. Mais il est vrai que dans une procédure amiable typique, le chef
d’entreprise ne se rend pas au tribunal puisque les avocats mènent les démarches. Le rôle du
tribunal est important en ce sens qu’il officialise la présence du mandataire spécial. Le
passage au tribunal cautionne, mais n’est pas alors traumatisant.
Les principales modifications qu’il apparait d’apporter à l’actuel texte de loi dans les
pratiques des tribunaux ont trait à la disposition relative aux effets nouveaux attachés à
27
Cf., PH.R. GALL, art.précit., L.P.A., n°138, 12 juillet 2006, p. 15.

23
l’homologation. En effet, l’homologation devrait réduire les craintes des établissements
financiers d’être poursuivis pour soutien abusif. Ce point est important pour un investisseur
ou un établissement financier. S’exposer au-delà même de son propre engagement, du fait des
actions en comblement de passif ou en responsabilité qui représentent une perte potentielle
bien supérieure aux choix initiaux faits par les établissements financiers, constitue
évidemment un élément préjudiciable à leur incitation à financer une entreprise. Les effets
nouveaux attachés à l’homologation s’avèrent donc importants.
B. Le choix des modes de sécurisation de l’accord de
négociation
La question qui se pose ici est naturellement de savoir : qui va faire le choix entre le
constat d’accord ou l’homologation par le tribunal ? Pour répondre à cette question, il apparait
nécessaire de faire un choix crucial entre la confidentialité et la sécurité.
Si l’on préfère la confidentialité, on dira simplement que, ce choix ne sera pas dicté
par le chef d’entreprise ou par ses conseils, mais bien par ceux qui vont libérer les apports
nouveaux, car ils risquent d’exiger l’homologation du tribunal. En revanche, les conséquences
de la publicité de cette homologation risquent de créer une insécurité financière ou
commerciale. Les tiers, les fournisseurs et les clients ne seront pas informés du contenu de
l’accord, mais uniquement de la situation de crise que traverse l’entreprise.
Cette perte relative de confidentialité se justifie pleinement par la recherche de la
sécurité des tiers intéressés, qui doivent pouvoir avoir connaissance de ces garanties et
privilèges, tout particulièrement dans le cadre du mandat spécial comme celui du règlement
amiable28.
Si l’on opte pour la sécurité, on part par l’idée selon laquelle que, dans le cadre du
mandat spécial, on peut simplement demander au président du tribunal de commerce qu’il soit
donné force exécutoire à l’accord, conformément aux dispositions de droit commun. On n’est
pas obligé de passer en règlement pour obtenir une force exécutoire. Il apparait de rester sous
la forme contractuelle, sans aucune autre possibilité.
Or, comme il a été relevé, cette sécurité juridique restreignant les droits des tiers,
privés par la suite du droit de demander l’annulation d’actes contraires à leur intérêt, ne peut
être obtenu sans une mesure de publicité, ouvrant le droit à l’exercice des voies de recours.
L’intention du législateur semble consister à vouloir le sécuriser juridiquement pour le
rendre opposable aux tiers. Il faut donc désormais, non plus une simple décision d’un
président de tribunal qui n’a pas de force judiciaire, mais un jugement, opposable aux tiers
concernés. Le problème tient à ce que, dès lors que l’on passera par un jugement, apparaîtra le
risque, au nom de la sécurité juridique, de créer une sorte d’insécurité financière, économique
ou commerciale. L’accord résultera en effet d’un jugement qui sera rendu après consultation
des parties concernées, notamment des instances représentatives du personnel.
Après un certain délai, le jugement sera notifié et publié, dans les publications que l’on
connaît bien en matière de droit des sociétés par exemple. Tous les tiers en auront alors
connaissance – l’ensemble des fournisseurs et notamment les assureurs-crédit. L’accord étant
ainsi connu, il est à craindre que les tiers, fournisseurs ou assureurs-crédit, suppriment alors le
crédit fournisseur dont bénéficiait l’entreprise. Le crédit fournisseur ramené à zéro crée une
insécurité financière car il entraîne une augmentation importante du besoin en fonds de
roulement, qu’il faudra peut-être prévoir dans la négociation préalable. Ainsi, au nom de la

28
Cf., PH.R. GALLE, art.précité, L.P.A., n°138, 12 juillet 2006, p. 15.

24
sécurité juridique, il y a lieu de penser que l’on pourrait accroître l’insécurité financière en
déclenchant des besoins nouveaux de financement.
Supprimer la confidentialité comporte donc un risque. La confidentialité qui existait
jusqu’à présent devrait être conservée pour que le mandataire spécial soit pleinement efficace.
Les mandats spéciaux qui ont vraiment réussi n’ont quasiment pas été connus des tiers. Cela a
constitué leur force.
Paragraphe II. L’échec de la conclusion d’un accord de
mandat spécial
Pour en terminer, reste à évoquer brièvement les autres issues du mandat spécial,
issues heureuses ou malheureuses, ou pour le moins inattendues, qui peuvent être regroupées,
dans ce contexte, en deux hypothèses semblent essentielles à savoir :
- la première hypothèse regroupe deux axes : le premier axe est liée au refus de
constatation ou d’homologation de l’accord ; le second axe est celui où lorsque
le débiteur demande la fin de la mission du mandataire spécial (A) ;
- la deuxième hypothèse : l’échec dans la recherche de l’accord (B).
A. La fin de la procédure à la demande du débiteur
Dans un premier temps, le débiteur à la possibilité de demander au président du
tribunal de commerce de mettre fin à la mission du mandataire spécial, parce que leur
rémunération lui parait trop élevée, ou encore parce que ses difficultés se sont estompées ou
parce qu’il pense pouvoir les résoudre seul.
Il peut aussi préférer une procédure de redressement judiciaire préventive, afin de
bénéficier la suspension des poursuites de ses créanciers, cette suspension apparaissant
indispensable dans le cadre de la recherche d’un accord.
Toutes ces solutions, sans être nécessairement opportunes, n’en reste pas moins à la
discrétion du débiteur, sauf si la fin résulte de la demande du mandataire spécial, mais là
encore indirectement le débiteur a refusé ses propositions. Mais comme on le constate, ces
issues ne sont pas nécessairement malheureuses ; elles peuvent fort bien s’inscrire dans un
processus de traitement des difficultés.
Encore faut-il que le chef d’entreprise démontre que l’entreprise n’est toujours pas en
état de cessation des paiements et que les difficultés qui avaient justifié la désignation du
mandataire spécial ont disparu ou ont cessé.
Dans un second temps, le processus s’est bien passé et un accord a été trouvé. Dans le
cadre du mandat spécial, rien à signaler, l’accord ayant vocation à rester sous la forme
contractuelle sans autre possibilité, sauf à recourir à la procédure de la conciliation afin de le
faire constater ou homologuer. Ce qui suppose ici une sorte de transformation du mandat
spécial à la procédure de conciliation.
B. L’échec dans la résolution des difficultés d’entreprise
La deuxième hypothèse suppose que les processus n’aboutissent pas à un accord,
pour diverses raisons. Auquel cas, l’impossibilité de parvenir à un accord avec les principaux
créanciers de l’entreprise peut parfois conduire le mandataire spécial, en cas d’échec de sa
mission, de présenter immédiatement et sans délai un rapport au président du tribunal (alinéa
2 de l’article 550). Ce dernier mettant fin à sa mission et à la procédure. Sa décision est alors
notifiée au débiteur et elle n’est pas susceptible de recours.
S’il ressort du rapport du mandataire spécial que le débiteur n’est pas encore en état de
cessation des paiements, et que les négociations effectuées n’aboutissent pas à un accord, le

25
recours à la procédure de conciliation reste ouvert ou bien le président décide, et ce en accord
avec le chef de l’entreprise, soit le remplacement du mandataire, soit la prolongation de la
durée de la mission du mandataire spécial (alinéa 3 de l’article 550).
Si le mandataire spécial constate que l’entreprise est en état de cessation des
paiements, le tribunal statue d’office sur l’ouverture d’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire.
Un peu dans le même esprit, le mandat spécial peut également prendre fin suite à la
demande du mandataire spécial si celui-ci estime indispensable les propositions qu’il a faites
au débiteur mais rejeter par lui.
Chapitre III. La procédure de conciliation
La procédure de conciliation a été créée par la loi n°73-17 du 19 Avril 2018, afin de
remplacer le règlement amiable institué par le livre V du code de commerce du 1 er Août 1996.
Or, la finalité de la conciliation s’inscrivait, désormais, dans une démarche qui permettra un
sauvetage aussitôt de l’entreprise en difficulté, et ce, notamment en dehors de toute décision
de la justice, de manière rapide et confidentielle.
Ainsi, le président du tribunal de commerce est saisit sur une simple requête du chef
d’entreprise aux fins de désignation d’un conciliateur. Celui-ci a pour mission principale de
rapprocher les parties, débiteur et ses créanciers, en vue de parvenir à un accord de
conciliation selon lequel en contrepartie de sacrifices financiers consentis par les créanciers, le
débiteur s’oblige, en parallèle, à prendre des mesures de redressement. Ces mesures sont,
parfois, facilitées par le recours à la suspension provisoire des poursuites et des voies
d’exécution de la part des créanciers parties à l’accord de conciliation pendant toute la durée
de son exécution.
Le traitement des difficultés est donc contractuel, discret, facultatif et d’une extrême
simplicité. Or, l’accord de conciliation est considéré selon SAINT-ALARY-HOUIN ©
comme « un acte collectif, marqué d’intuitu personae et à caractère onéreux29 ».
A l’instar du livre V du code de commerce de 1996 qui avait donné une coloration
plus judiciaire au règlement amiable tout en permettant au président du tribunal de commerce
d’ordonner la suspension provisoire des poursuites des créanciers, la loi n°73-17 a rétablit son
caractère contractuel en rendant l’homologation de l’accord toujours facultative.
La procédure de conciliation constitue ici comme ailleurs une innovation majeure de la
réforme effectuée par la loi n°73-17, tout en privilégiant des mesures de redressement
négociées par rapport à des mesures judiciaires. Cette procédure est régit, actuellement, par
les articles 551 à 559 qui décrivent les conditions de déclenchement, de déroulement et, à
défaut, de dénouement de ladite procédure devant le président du tribunal de commerce ou
son délégataire.
Ces textes législatifs remaniés par la loi citée montrent certainement l’intérêt
qu’accorde le législateur au traitement amiable des difficultés de l’entreprise. Or, les auteurs
de la réforme ont ici pour objectif de rendre le redressement amiable plus souple et plus
attractif à la fois pour le débiteur et pour ses créanciers.
Dans ce cadre, on va examiner successivement les conditions de déclenchement
(section I), de déroulement (section II) et de dénouement (section III) de la procédure de
conciliation.

29
Cf., SAINT-ALARY-HOUIN ©, op.cit., p.

26
Section I. Le déclenchement de la procédure de
conciliation
Le premier alinéa de l’article 551 du code de commerce pose ici un certain nombre des
critères de déclenchement de la procédure de conciliation à savoir : il détermine tout d’abord
les conditions de fond (paragraphe I) et, ensuite, les conditions de forme de déclenchement de
la procédure de conciliation (paragraphe II).
Paragraphe I. Les conditions de fond de déclenchement de
la procédure de la conciliation
Dans ce cadre, on va traiter tout d’abord les personnes assujetties à la procédure de
conciliation (A) et, ensuite, les critères de déclenchement de la procédure de conciliation (B).
A. Les entreprises assujetties à la procédure de
conciliation : qui ?
Aux termes du premier alinéa de l’article 551 qui stipule, en ce sens, que « la
procédure de conciliation est ouverte devant toute entreprise (…) », quelle que soit sa forme,
personne physique ou morale, mais dont l’objet d’activité, exige que l’article 546 alinéa 1,
doit être impérativement de nature purement commerciale.
Cette formule légale implique que l’ouverture d’une procédure de conciliation
s’applique seulement aux personnes qui exercices une activité commerciale. Le juge peut
donc ouvrir la procédure dès lors qu’il constate l’accomplissement d’actes de commerce par
l’entreprise et l’exercice habituel d’une profession commerciale.
Sous l’empire de la réforme de 1996, bien que toute entreprise ait, en principe, accès à
la procédure de conciliation. En réalité, seuls les entreprises ayant une dimension économique
importante en bénéficiant, pratiquement, la conciliation, car il convenait que l’entreprise en
difficulté ait élaboré des comptes prévisionnels. La solution paraissait injustifiée est surtout
inopportune des seuils très élevés au-delà desquels la comptabilité prévisionnelle devenait
obligatoire. Cette restriction du domaine du règlement amiable en excluait la plupart des PME
qui ne tiennent qu’une comptabilité rétrospective. Alors que la loi n°73-17 n’a pas prévu de
seuil particulier pour accéder à la procédure de conciliation.
B. Les critères de déclenchement de la procédure de
conciliation : quand ?
Le premier alinéa de l’article 551 du code de commerce stipule que l’entreprise qui en
sollicite le bénéfice doit remplir un certain nombre des conditions à savoir :
- L’absence de cessation des paiements (a) ;
- Eprouve des difficultés économiques et financières (b) ;
- Les besoins de financement ne pouvant être couverts par un financement
adapté aux possibilités de l’entreprise (c).
a. Le premier critère : absence de cessation des paiements
Les termes du premier alinéa d l’article 551 conduisent actuellement au principe
selon lequel, l’ouverture d’un règlement amiable est possible pour les entreprises qui
« (…)sans être en cessation des paiements (…) ». Sous cette rédaction, la procédure de
conciliation ne saurait être décidée à propos d’entreprises dont les difficultés n’apparaissent
pas sérieuses. Il faut que l’on puisse légitiment craindre un état futur de la cessation des
paiements si la situation ne s’améliore pas. En tout état de cause, cette procédure ne peut, à
l’heure actuelle, être ouverte si le débiteur est déjà en état de cessation des paiements. Le

27
législateur a, en effet, estimé que la conciliation devait être une mesure de prévention de la
cessation des paiements et, qu’en conséquence, il devait cesser lorsque cette dernière était
avérée.
C’est dire d’ailleurs ici que les domaines d’applications de la procédure conciliation, de
redressement et de liquidation judiciaire sont donc nécessairement disjoints. Il s’agit donc là
un préalable imposé par le deuxième alinéa de l’article 575, préalable de surcroit dangereux
par le retard qu’il risque d’engendrer en contradiction avec la volonté affichée d’accélérer
l’ouverture des procédures collectives30.
Or, la pratique a montré que lorsque survient la cessation des paiements, l’accord
intervenu entre le débiteur et ses créanciers dans le cadre de la conciliation devient caduc, car
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit obligatoirement être demandée en
vertu de l’actuel article 575 du code de commerce.
Il est à souligner que les présidents de juridiction se gardent de toute désignation d’un
conciliateur lorsque l’entreprise ne se trouve pas état de cessation des paiements. A défaut,
l’absence des mesures drastiques représentées par l’ouverture d’une procédure de
redressement conduirait inéluctablement à la ruine définitive de l’entreprise et donc à la
liquidation judiciaire. Il doit y avoir des chances sérieuses de redressement de la situation tant
au niveau du règlement des dettes qu’à celui de la rentabilité économique en général. Sous
l’empire du livre V du code de commerce du 1er Août 1996, il a été jugé que les comptes
produits devaient faire apparaitre que la situation de l’entreprise n’était pas définitivement
compromise.
En effet, la fixation de la cessation des paiements à une date antérieure au jugement
d’ouverture produit des effets juridiques importants et, le cas échéant, défavorables aux
créanciers qui auraient accepté d’aménager le règlement de leurs créances dans le cadre d’un
accord de conciliation, éventuellement homologué par le président du tribunal. En effet, un
régime de nullités est actuellement organisé par les articles 681 et suivants du code de
commerce qui peut avoir pour conséquence de rendre nuls et non avenus des actes prévus
dans l’accord de conciliation.
La conciliation ne peut être accordée que s’il apparait possible de rétablir définitivement
la situation par un étalement du passif. Plus le passif est éclaté sur de nombreux créanciers,
plus l’accord sera difficile à négocier et à obtenir. Une multitude de créanciers pour des
sommes faibles voire infimes rendra impossible toute perspective réelle de l’accord de
conciliation. Il vaut mieux, si tel est le cas, de passer par l’ouverture d’une procédure
collective c’est-à-dire par une procédure curative plus efficace et décisive, à moins que l’on
puisse envisager un apport de capitaux extérieurs.
Mais lorsqu’il y a cessation des paiements, ou pour reprendre les termes de l’article de
575 du code de commerce, lorsque l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif
exigible avec son actif disponible, le tribunal ouvre une procédure de redressement judiciaire.
C’est dire dans ce cadre d’analyse que la limite extrême sera d’abord l’absence cessation des
paiements qui apparait exclusive à la procédure de conciliation.
On remarquera ici à juste titre que, dans sa demande, le débiteur doit annexer la situation
de l’actif réalisable et disponible et du passible exigible des trois derniers exercices, si les

30
Sauf au créancier à assigner aussitôt après avoir demandé la nomination d’un conciliateur, sans
attendre le rejet de la demande. Mais ne se serait-ce pas une faute, sinon une fraude à la loi ?

28
documents ont été établis31. Ainsi, un accord de conciliation réussi permettra d’éloigner une
cessation des paiements latente. Il semble que c’est la raison de l’accord.
b. Le second critère : les difficultés rencontrées
La procédure de conciliation visée par le premier alinéa de l’article 551 du code de
commerce suppose que la personne qui en fait la demande éprouve « des difficultés
économiques ou financières », sans être en état des cessations des paiements.
Or, cette formule légale désigne ici que la procédure de conciliation est accessible à des
personnes qui rencontrent des difficultés non seulement prévisibles mais aussi avérées, à la
condition qu’elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements. Cela signifie, ici
encore, que la cessation des paiements constitue le seul critère qui permettra de distinguer les
procédures amiables et les procédures judiciaires.
Les difficultés rencontrées sont variées :
Sur le plan Financier, tels que : les retards de paiements, absence de trésorerie,
insuffisance de fonds de roulement…, etc.
Sur le plan économique, tenant notamment à la nature des marchandises achetées ou
livrées, ou aux délais de livraison.
Sur le plan Juridiques, d’une manière directe, supposons qu’une entreprise
concessionnaire se voit menacée de perdre la concession qui définit son activité, qu’un sous-
traitant de capacité perdre le bénéfice du contrat de sous-traitance, que l’exploitant d’un droit
de propriété industrielle se voit judiciairement menacé d’une action en contrefaçon, que le
produit fabriqué soit menacé d’interdiction, ou bien les modalités d’exécutions ou de
modification de certains contrats. La menace s’exprime directement sur le plan juridique,
mais elle comporte en germe des incidences sur les performances de l’entreprise, et
corrélativement, sur un équilibre financier. D’une manière indirecte, un conflit entre associés
peut laisser subsister et prospérer l’entreprise, à telle enseigne que les tribunaux peuvent
refuser de prononcer la dissolution judiciaire d’une société pour juste motif dès lors que
l’entreprise sociale n’est pas paralysée. Dans d’autres cas : il suffit aussi de supposer que le
conflit entre associés porte atteinte au fonctionnement régulier des organes sociaux.
c. Le troisième critère : les besoins de financements ne
pouvant être couverts par un financement adapté aux
possibilités de l’entreprise
Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 550 du code de commerce, la procédure ne peut
être ouverte que si les comptes prévisionnels font apparaitre « des besoins ne pouvant être
couverts par des financements adaptés aux possibilités de l’entreprise ». La formule légale
était particulièrement large et vague. Or, seule la difficulté financière pouvait être anticipée.
Désormais, c’est l’une ou l’autre de ces difficultés juridique, économique ou financière qui
peut être avérée ou prévisible. Le législateur a accentué l’anticipation des difficultés de toute
nature et favoriser ainsi les chances de succès de la conciliation.
Or, la recherche d’une définition présente ici peu d’intérêt. L’idée est qu’il apparait de
procéder à un examen total des besoins financiers de l’entreprise : financement du cycle
d’exploitation, investissement, coût sociaux, restructuration des capitaux propres comme la
lourdeur des frais financiers ou de l’inadéquation du crédit possible au crédit souhaitable, par
exemple du court terme pour des investissements à longs termes. Si la demande est

31
Cf., Cf., Y. CHAPUT, op.cit., p. 134.

29
prématurée, le président n’y donnera pas suite. Les créanciers ne subissent que les restrictions
qu’ils acceptent.
Certes, ces besoins peuvent permettre parfois un certain développement de
l’exploitation d’une entreprise. Mais, il semble qu’ils doivent être déterminants pour le
redressement de la situation de l’entreprise, car ces besoins sont parfois le prélude à une
provocation d’une difficulté à court terme si l’on ne réagisse assez tôt.
Paragraphe II. Les conditions de forme de déclenchement
de la procédure de conciliation
Le président du tribunal est saisi sur simple requête par le représentant de l’entreprise
(chef d’entreprise ou organe légal de représentation de la personne morale).
A. la requête de la conciliation
En principe, la saisine du président du tribunal de commerce pour le déclenchement de
la procédure de la conciliation ne peut être effectuée que par le débiteur, à travers les termes
de second alinéa de l’article 551 et du cinquième alinéa de l’article 545 du livre du code de
commerce complété par la loi n°73-17
Or, la procédure de conciliation n’est, ainsi, envisageable que si la personne qui en
sollicite le bénéfice entend prendre des mesures de redressement, ce qui suppose qu’elle ne se
trouve pas dans un état irrémédiablement compromise. Le second alinéa de l’article 551
exige, en effet, que la requête du débiteur doive, en principe, être écrite, et expose les
éléments suivants :
- La situation financière, économique et sociale ;
- les besoins de financement ;
- les moyens d’y faire face ;
- les mesures de redressement envisagées ;
- les délais de paiement ou les remises de dettes souhaitables.
La requête doit être accompagnée d’un certain nombre de documents susceptibles
d’éclairer le président du tribunal sur la situation exacte de l'entreprise :
- les états de synthèse du dernier exercice comptable ;
- l’énumération et l’évaluation de tous les biens mobiliers et immobiliers de
l’entreprise ;
- la liste des créanciers et des débiteurs avec l’indication de leur résidence, le
montant de leurs droits, créances et garanties à la date de cessation des
paiements.
Le débiteur devra, aussi, produire un extrait d’immatriculation au registre du
commerce et des sociétés s’il est commerçant. Le cas échéant, la requête précise la date de
cessation des paiements.
Et l’alinéa 1 de l’article 554 rappelle que la mission du conciliateur a pour objet de
favoriser la conclusion d’un accord destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Le chef
d’entreprise doit persuader le président du tribunal qu’avec « un financement adapté aux
besoins de l’entreprise », ainsi que « les moyens d’y faire face », ceci afin de surmonter les
difficultés qui peuvent, parfois, être considérées comme passagères. A ce propos, et pour ce
faire, il se peut que les comptes prévisionnels faisant apparaitre un point de retour vers
l’équilibre financier et pourront être présentés à l’appui de la requête, en vue d’obtenir la
désignation d’un conciliateur et d’entamer le processus d’élaboration de l’accord de
conciliation.

30
Or, le chef d’entreprise n’est plus parfois obligé de proposer des remèdes, car il ne
peut présenter que, le cas échéant, « les moyens » de faire face aux difficultés rencontrées. Le
conciliateur désigné par le tribunal aura pour mission de les aider à bâtir un accord de
conciliation ou bien évidemment de redressement amiable de la situation de l’entreprise, car il
peut désormais formuler toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise.
B. Les prérogatives du président du tribunal de commerce
a. L’information du président du tribunal
Le président du tribunal dispose, tout d’abord, pour avoir une meilleure information
sur la situation de l’entreprise, des possibilités prévues pour les procédures de l’alerte engagée
à son initiative telles qu’elles sont définies à l’article 549 auquel 552 al. 1 renvoi
expressément. Or, le président du tribunal dispose cette possibilité après même l’ouverture de
la procédure de conciliation.
A ce propos, l’article 552 al.1 stipule, en ce sens, que le président du tribunal peut,
nonobstant toute disposition législative contraire, obtenir communication des renseignements
de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de
l’entreprise, par le commissaire aux comptes, s’il en existe, ou le représentant du personnel,
les administrations de l’Etat et les autres personnes de droit public ou les établissements de
crédit et les renseignements indiqués dans son jugement ou les renseignements financiers.
Le président du tribunal peut aussi charger un expert d’établir un rapport sur la
situation économique, sociale et financière de l’entreprise et, nonobstant toute disposition
législative contraire, obtenir des établissements bancaires ou financiers tout renseignement de
nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de
l’entreprise.
La rémunération de l’expert est déterminée par le président en accord avec le débiteur
qui doit en assumer la charge. Le président ne peut fixer que la rémunération de l’expert et
non celle de la société d’audit que l’expert se serait adjointe.
Or, la différence entre les renseignements obtenus dans le cadre de la procédure
d’alerte et ceux de la conciliation à une logique : en procédure d’alerte il suffit de savoir si
l’entreprise est en difficulté, alors qu’en conciliation il s’agit de résoudre la difficulté,
l’information devra alors plus exhaustive. Par exemple, si l’entreprise dispose d’une ouverture
de crédit non utilisée, ou bien si un projet de restructuration de la dette est en cours
d’instruction, la banque pourra le faire savoir.
b. La décision du président du tribunal
Le refus d’ouvrir la procédure de conciliation
Le président peut refuser d’ouvrir la procédure de conciliation dans deux hypothèses :
d’une part, si la situation ne caractérise par une difficulté définie par la loi, d’autre part, si à
l’inverse, la situation est trop grave, et notamment si l’entreprise est en cessation des
paiements, ce qui le conduit au redressement judiciaire, ou encore si sa situation est
irrémédiablement compromise, justifiant alors la liquidation judiciaire32, conformément aux
disposition des articles 578 § 2 et 651 indiqués ci-dessous.
La décision d’ouvrir la procédure de conciliation
S’il apparait au président, à partir des investigations effectuées conformément aux
dispositions de l’article 552 et l’exposé du chef d’entreprise annexé d’une requête d’ouverture

32
Cf., article 553 alinéa 2.

31
de la procédure de conciliation que les difficultés de l’entreprise sont susceptibles d’être
aplanies à travers les mécanismes de la procédure de conciliation, ouvre cette procédure et
désigne un conciliateur dans un délai n’excédant pas trois mois, prorogeable d’un mois à la
demande de ce dernier.
La décision qui statue sur l’ouverture de la procédure de conciliation est notifiée par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception au requérant et au conciliateur, lequel
fait connaitre son acceptation ou son refus. En cas d’acceptation, le conciliateur adresse au
président une attestation sur l’honneur qu’il se conforme à la règle d’interdiction et
d’incompatibilité.
C. Le statut juridique du conciliateur
Le choix du conciliateur
Le président du tribunal de commerce n’est plus totalement libre du choix de la
personne du conciliateur, car le chef d’entreprise peut, à travers l’alinéa 4 de l’article 549 de
la nouvelle loi n°73-17, lui en proposer un et a le droit de récuser celui qu’il a choisi. En
principe, le président choisit, en accord avec le chef d’entreprise, un administrateur judiciaire
ou un expert en diagnostic d’entreprise, c'est-à-dire un professionnel.
En pratique, sont désignées des personnes en raison de leur compétence ou de leur
notoriété : expert-comptable, gestionnaires, avocats-conseils, magistrats consulaires,
professeurs. Mais il ne s’agit pas de cadre de l’entreprise.
La rémunération du conciliateur
La fonction du conciliateur, en vertu de l’alinéa 4 de l’article 549 du livre V du code de
commerce, implique une rémunération de ce dernier. La somme allouée est fixée par le
président de la juridiction en accord avec le chef d’entreprise au moment de la désignation du
conciliateur, et ce, notamment en fonction des diligences strictement nécessaires à
l’accomplissement de leur mission, et elle comprend les critères sur la base desquels la
rémunération sera arrêtée, mais également son montant maximal et le montant des provisions.
Une fois qu’elle a été fixée, cette somme d’argent est consignée en caisse du tribunal de
commerce.
La durée de la mission du conciliateur
En vertu du terme de l’alinéa 2 de l’article 553 du livre V du code de commerce, le
président désigne un conciliateur dans un délai n’excédant pas trois mois, prorogeable d’un
mois à la demande de ce dernier. Or, cette limitation drastique de la durée de la conciliation
est ici justifiable :
- Elle permet, d’une part, de motiver les parties prenantes, débiteur et créancier, de ne
pas perdre de temps, c’est donc de favoriser les chances de redressement conventionnel des
difficultés de l’entreprise ;
- Elle évite, d’autre part, le risque de confusion ou de recoupement avec une situation
pouvant justifier l’ouverture d’une procédure collective, risque au demeurant accentué avec la
possibilité d’accueillir à la conciliation d’une entreprise qu’est en cessation des paiements.
A l’expiration de cette période, la mission du conciliateur prend fin de plein droit et
une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois qui suivent. Et si avant
l’expiration de cette période, une demande d’homologation a été formée, la mission du
conciliateur et la procédure sont prolongés jusqu’à la décision définitive du tribunal.
L’obligation de confidentialité du conciliateur

32
Les procédures négociées ont fait la preuve de leur efficacité, parce qu’elles
interviennent en amont des procédures collectives, et parce qu’elles bénéficient d’une certaine
confidentialité33. Comme tel est le cas de la prévention interne, et toujours dans l’optique de
préserver les chances de redressement de la situation de l’entreprise en difficulté, le
législateur assure une certaine confidentialité à la procédure de conciliation.
Cette préservation de la confidentialité de la prévention externe et, par conséquent,
de la conciliation à laquelle est assujetti le conciliateur, est assurée par l’alinéa 5 de l’article
549 du livre V du code de commerce qui stipule en ce sens qu’il est tenu de préserver la
confidentialité de la prévention externe, y compris la conciliation, dans toutes ses mesures.
Or, le nouveau texte ne ferait plus référence au « secret professionnel », mais à la «
confidentialité ». Le texte de loi a étendu cette obligation au conciliateur. Même si le texte de
loi est muet sur la question. La solution consistant ici à substituer l’obligation de
confidentialité au secret professionnel a été étendue à la conciliation34.
Et encore plus, l’alinéa 2 de l’article 557 du livre V du code de commerce, le
législateur a institué une obligation de confidentialité de l’accord de conciliation. Or,
l’obligation de confidentialité est, quant à elle, de nature purement civile. Sa violation ne peut
donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêt au profit de la personne à laquelle a causé un
préjudice.
Le texte de loi a vocation à s’appliquer même si l’accord amiable a été homologué
par le tribunal. Dans ce cas, la publication du jugement est assurée, il n’en va pas de même du
contenu de l’accord qui reste confidentiel et qui n’est pas déposé au greffe du tribunal.
Les personnes appelées au règlement amiable seront d’abord le conciliateur, les
créanciers et le débiteur. Il s’agira en outre du président du tribunal et de l’expert, s’il en a été
désigné un. Mais il pourra également s’agir des cautions, qui seraient appelées à l’accord.
Seules les personnes appelées à l’accord de conciliation pourront prendre
connaissance du contenu de l’accord amiable, c’est ce que précise l’alinéa 2 de l’article 557
du code de commerce, selon lequel l’accord ne peut être communiqué qu’aux parties
signataires et à l’autorité judiciaire.
Il résulte de cette obligation de confidentialité qu’il ne sera pas possible de demander
la communication de l’accord amiable qui lève la confidentialité à l’égard de l’autorité
judiciaire, ne permet pas la remise en cause de cette solution, car la levée de la confidentialité
est strictement encadrée. Le code de commerce qui prévoit la communication de l’accord à
l’autorité judiciaire, en application de l’alinéa 2 l’article 557 du code de commerce, c'est-à-
dire lorsque le tribunal statue sur l’ouverture d’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire.
Section II. Le déroulement de la procédure de conciliation

Paragraphe I. la recherche d’un accord de conciliation


entre les parties

A. La mission du conciliateur

33
A.EL HAMMOUMI, les difficultés de l’entreprise: essai d’analyse des dispositions légales et pratiques des
tribunaux marocains (loi n°15-95 du 1er Août 1996 formant code de commerce), éd., 2003, p. 33.
34
Avis de J.CHARTIER, rapport n° 2099, précit., p. 20 ; rapp., X. DE ROUX, n° 2095, précit., p. 145 ;
rapp.,J.-J.HYEST, n°335, précit., p. 129.

33
Le conciliateur a pour mission « d’aplanir des difficultés économiques et financières et
de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers35». Que faut-il entendre par
l’expression : « d’aplanir des difficultés économiques et financières» de l’entreprise. Cette
rédaction apparaît à la fois maladroite et imprécise. Or, la formule légale n’implique
nullement l’immixtion du conciliateur dans la gestion de l’entreprise ou la représentation de
cette dernière dans les négociations devant aboutir à l’accord de conciliation. Ceci pour dire
que le conciliateur n’intervient pas dans les actes ou dans l’exploitation du débiteur, mais
simplement créer et maintenir l’ambiance nécessaire au rapprochement des parties, à animer
la négociation vers un accord auquel il n’est nullement partie, et à la conclusion de ce dernier,
sans aller au-delà. Elle doit être adaptée au cas particulier, puisque l’ordonnance de
nomination du conciliateur « énonce les chefs de sa mission36».
B. La proposition des solutions par le conciliateur
Le nouveau texte de loi limite la mission du conciliateur à la recherche de la
conclusion d’un accord entre le débiteur et ses créanciers, c'est-à-dire à la mise en place des
propositions se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité
économique et de l’emploi.
Il s’agit donc de proposer aux principaux créanciers des remises ou des délais
compatibles avec la capacité d’autofinancement de l’entreprise. L’appréciation est beaucoup
plus difficile lorsque l’entreprise génère des pertes. Il convient dès lors de prendre les
dispositions nécessaires afin de résorber celle-ci, du moins si cela est possible. Ce qu’il
apparait ici préférable d’apprécier le délai permettant de rétablir une situation d’exploitation
équilibrée et afin d’apurer la situation antérieure.
C’est dire ici que la mission du conciliateur s’apparente à celle d’un médiateur
facilitateur de l’émergence d’un accord, le conciliateur à une mission plus directive puisqu’il
peut-être l’initiateur de propositions.
Les propositions ont pour vocation à être adressées au débiteur et à lui seul, pour
ensuite, avec son accord, discuter de leur éventuelle adoption avec les créanciers. Toutefois, si
le conciliateur estime que ces propositions sont indispensables, la question peut se poser de
savoir s’il ne doit pas demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission.
Ce pouvoir de proposition ne transformera pas le conciliateur en dirigeant de fait, à
moins qu’il n’impose ses décisions au débiteur et aux autres parties à la négociation.
Paragraphe II. Les prérogatives du conciliateur

A. Le recours aux informations tenues par le président du


tribunal de commerce
1. La communication des informations au conciliateur
Le conciliateur peut obtenir toute information utile auprès du débiteur et du président
de la juridiction37. Le conciliateur peut également obtenir du président « les
38
renseignements » dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l’expertise visée à
l’article 552 ».

35
Cf., C.Com. Art. 554, al. 1.
36
M.JEANTIN, P. LE CANNU, op.cit., p. 77.
37
Cf., Art., 554 al. 2, C.Com.
38
Art. 554, al. 2, C.Com.

34
Le conciliateur n’a pas de pouvoir propre d’investigation. Tout le succès de sa mission
dépend de son autorité morale et de son sens de la diplomatie. Il doit, à travers la persuasion,
convaincre les créanciers de faire confiance au débiteur et de lui permettre, notamment par un
soutien financier, de sauver l’entreprise.
Son rôle est de proposer au débiteur des mesures de redressement que de faire accepter
par les créanciers, notamment les banques, des remises des dettes et des délais de paiement.
2. L’information du président du tribunal de déroulement
de la procédure de conciliation
Si le conciliateur est en mesure de présenter un rapport au président du tribunal en cas
d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur est également appelé à rendre compte à
celui qui l’a désigné, c’est-à-dire au président du tribunal, de l’état d’avancement de sa
mission et formuler toutes observations utiles sur les diligences du débiteur. Le président de la
juridiction de commerce ayant, pour sa part, le pouvoir, le cas échéant, de procéder à
l’ouverture du redressement judiciaire à l’issue immédiate d’un règlement amiable dont il
aurait constaté l’échec.
Cette information du juge marque le contrôle judiciaire exercé par ce dernier sur le
conciliateur, qu’a une mission de persuasion, sous le regard du président du tribunal. Encore
conviendra-t-il de définir selon quel rythme cette information doit être donnée.
Certains ont pu s’interroger sur l’ambiguïté du rôle du conciliateur vis-à-vis du
dirigeant de l’entreprise, compte tenu de cette obligation de rendre compte au président du
tribunal, alors que l’ouverture de la procédure du règlement amiable résulte d’une demande
spontanée du dirigeant considéré. Il est admis de relever que, si cette obligation existait
effectivement déjà dans le texte applicable dans la réforme de 1996, cette dernière a
précisément fait le choix d’y mettre fin, enlevant en pratique tout contrôle du juge sur le
règlement amiable, pour lui conserver un caractère contractuel.
Le conciliateur engage sa responsabilité civile pour toutes les fautes imprudence ou de
négligences commises dans l’exercice de sa mission. Mais, en pratique, la preuve de sa faute
est difficile à rapporter car il ne s’oblige pas à conclure l’accord auquel il demeure étranger et
la jurisprudence est quasi-inexistante en ce domaine.
B. Les mesures de nature à favoriser la conclusion d’un
accord de conciliation

1. Le recours à la suspension provisoire des poursuites


La possibilité d’ordonner une suspension provisoire des poursuites, pendant la durée
de la négociation du règlement amiable signifie que si le conciliateur estime qu’une
suspension provisoire des poursuites est de nature à faciliter la conclusion de l’accord de
règlement amiable, il peut saisir, à cette fin, le Président du Tribunal. Après avoir recueilli
l’avis des principaux créanciers, le Président peut rendre une ordonnance fixant la suspension
pour une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur39. C’est donc le
conciliateur qui a, seul, la faculté de demander au président du tribunal de suspendre les
poursuites.
En pratique, les conséquences de la suspension provisoire des poursuites sont au
nombre de trois:

39
Cf., article 555 alinéa 1.

35
- La suspension paralyse toutes les actions en justice de la part de tous les
créanciers, même non parties au règlement amiable, dès lors que la créance a
une origine antérieure à l’ordonnance de suspension provisoire des poursuites
et tend, soit à la condamnation du débiteur au paiement du somme d’argent,
soit à la résolution d’un contrat pour non-paiement d’une somme d’argent40 (se
référer à l’article 555 alinéas 1, 2).
- Par voie de conséquence, la suspension provisoire des poursuites paralyse les
voies d’exécution opérées sur les meubles et les immeubles du débiteur par les
créanciers concernés.
Enfin, cette ordonnance qui prononce la suspension provisoire des poursuites interdit
au débiteur de :
- payer, en tout ou partie, une créance quelconque née antérieurement à cette
décision, ou de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées
antérieurement à cette décision ;
- de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de l’entreprise ;
- de consentir une hypothèque ou nantissement.
Cette interdiction de payer ne s’applique pas aux créances résultant des contrats de travail.
2. Les délais de paiements
L’alinéa 2 de l’article 556 comporte une mesure destinée ici à favoriser la conclusion
de l’accord de conciliation mais qu’est moins contraignant que les mesures de suspension
provisoire des poursuites. Ce texte de loi prévoit ici que, « le président du tribunal peut (…)
accorder au débiteur les délais de paiement prévus par les textes en vigueur pour les créances
non incluses dans l' accord ».
Le débiteur, tout comme ses garants, peut ainsi bénéficier de délais de grâce pour des
dettes non concernées par l’accord de conciliation.
3. Les remises des dettes
Dans le but de faciliter la participation des créanciers publics dans l’accord de
conciliation, ces derniers peuvent consentir des remises des dettes, ainsi que des concessions
de rang de privilège ou d’hypothèques ou l’abandon de ces sûretés. Il en résulte que ces
organismes publics tout en accordant des remises des dettes participent activement au succès
de l’accord de conciliation, à condition que les administrations fiscales ne peuvent consentir
des remises sur le nominal des créances que pour les impôts directs.
En ce qui concerne les impôts directs, ces remises ont portée aux majorations, intérêts
de retard, pénalités et amendes ce qui peut, tout de même, faciliter le succès du redressement.
L’examen de ces remises de dettes par les créanciers fiscaux ou sociaux est effectué
par la commission des chefs de services financiers qui, en cas de conciliation, est saisi par le
débiteur lui-même après l’ouverture de la procédure de conciliation. Or, il n’est plus
nécessaire que ces remises soient décidées concomitamment à celles qu’accordent des
créanciers privés ce qui devrait grandement faciliter ce type de remises.
Paragraphe III. La négociation de l’accord amiable avec
les créanciers de l’entreprise
La recherche d’un accord amiable suppose une négociation entre le débiteur et ses
créanciers mais désormais outre ses créanciers d’autres partenaires peuvent être invités à

40

36
s’asseoir à la table de négociation (A). Mais l’un des efforts les plus importants qu’envisage le
conciliateur dans le cadre de la procédure du règlement amiable est lié à la négociation des
nouvelles créances (B), tout en mettant des nouvelles incitations en faveur des partenaires du
débiteur qui acceptent de consentir des efforts dans le cadre de l’accord amiable.
A. La négociation avec les anciens créanciers
L’accord amiable peut être conclut avec tous les créanciers. Mais, il peut aussi réunir
« les principaux créanciers », ainsi que si le conciliateur l’estime utile « ses contractants
habituels ». La détermination de ceux-ci dépendra de l’activité et du secteur économique dans
lequel évolue l’entreprise et, selon les cas, prédomineront des fabricants, des grossistes, des
sous-traitants. Or, les salariés peuvent aussi participer à l’accord en renonçant à une partie de
leur rémunération ou à des avantages acquis.
A l’instar de ces créanciers et quelle que soit la nature de l’entreprise concernée, les
créanciers institutionnels peuvent aussi participer à l’accord de conciliation : le trésor,
l’administration fiscale, la CNSS, les banques. L’accord ne sera viable que si le conciliateur
parvient à les inciter à aider l’entreprise en difficulté.
En tout état des causes, la participation des créanciers à l’accord sera libre, volontaire.
Certes, il n’y a pas ici une égalité entre ces créanciers, car les sacrifices consentis ne sont pas
les mêmes pour tous les partenaires à l’accord et doivent avoir été voulus par les créanciers.
Or, l’ensemble de ces créanciers n’accordent pas les mêmes efforts financiers. Puisque la
négociation sera effectuée séparément avec chacun d’eux. Cela veut dire ici que la procédure
n’est pas égalitaire et collective.
B. La négociation avec des nouveaux créanciers
La loi n°73-17 a créé, à travers les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 558, un
nouvel atout en vue de favoriser la conclusion d’un accord de conciliation, au profit des
créanciers qu’ont fait « un apport en trésorerie ou un apport de bien ou de service dans
l’accord homologué ». Conformément aux termes de l’alinéa 2 de l’article 558 de la loi citée,
cette participation des nouveaux créanciers dans l’accord de conciliation s’étend, aussi, aux «
personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer
la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payés pour le prix de ce bien ou de
ce service, bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service ».
Or, le même texte ajoute que, « les créanciers signataires de l’accord ne peuvent
bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours
antérieurs à l’ouverture de la conciliation », et qu’elle ne s’applique pas « aux apports
consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de
capital ».
C. L’impossibilité de parvenir à un accord de conciliation
En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un
rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de
conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur. De même, le conciliateur peut demander au
président du tribunal de mettre fin à sa mission lorsqu’il estime indispensables les
propositions faites par lui au débiteur et que celui-ci les rejetées. Et à tout moment, le débiteur
peut aussi demander le président du tribunal de mettre fin à la procédure de conciliation.
Selon sa situation financière, le débiteur peut éventuellement demander l’ouverture
d’une procédure collective. En cas de cessation des paiements, le tribunal peut aussi se saisir
d’office en vue de prononcer le redressement, voire la liquidation judiciaire de l’entreprise.

37
Section III. Les effets de l’accord de conciliation
Toute conclusion de l’accord produit des effets identiques. Car les parties sont tenues
de respecter les engagements indiqués dans l’accord de conciliation et ne produit pas d’effets
à l’égard des tiers (paragraphe I). Mais l’accord de conciliation produit aussi des effets liés à
la formalisation de l’accord de conciliation (paragraphe II).
Paragraphe I. les effets communs de l’accord de
conciliation

A. Les effets à l’égard des parties


La conclusion de l’accord de conciliation engage les parties signataires dans les termes
de ce qu’a été conclu. Conformément aux termes de l’alinéa 1 de l’article 559 de la nouvelle
loi « l’accord suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en justice, toute
poursuite individuelle tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur dans le but
d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet. Il suspend les délais impartis aux
créanciers à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents à ces créanciers ».
Autrement dit, l’accord de conciliation interdit aux créanciers de poursuivre le
débiteur en paiement des créances qui font l’objet de l’accord. Et, bien plus, les intérêts échus
de ces créances ne peuvent produire des intérêts. En conséquence, le nouveau texte de loi
prévoit que l’accord « suspend les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance ou de
résolution des droits afférents à ces créanciers ».
L’objet des poursuites individuelles envisagées par le texte de loi porte à la fois sur
les biens meubles ou immeubles du débiteur. Mais, l’alinéa 1 de l’article 559 arrête seulement
les actions en paiement des créances qui font l’objet de l’accord de conciliation. Ce texte de
loi exclut plusieurs autres actions :
- d’abord, les actions qui poursuivent un but autre que le paiement d’une somme
d’argent, actions en résolution, action en nullité, action en rescision, action en
revendication, action en garantie des vices cachés ;
- ensuite, il écarte les créances qui ne sont pas inclus dans l’accord de
conciliation, soit que le créancier n’y soit pas partie, soit que le créancier a
signé l’accord mais limite son sacrifice à certaines créances ;
- enfin, le texte de loi n’interdit pas au créancier dont la créance est incertaine
d’agir en justice pour en faire reconnaitre l’existence ou en faire fixer le
montant.
Cette suspension s’applique seulement pendant « la durée d’exécution de l’accord ».
C’est dire que la formule légale désigne ici que le délai est uniforme et que tous les créanciers
sont soumis sur pied d’égalité.
A l’instar des sacrifices accordés par les créanciers, le débiteur doit, en contrepartie,
exécuter tous les engagements qu’il a souscrit dans l’accord de conciliation. Cela veut dire ici
que l’accord de conciliation à un caractère synallagmatique. Autrement dit, le chef de
l’entreprise est tenu, d’abord, de respecter le plan de redressement amiable qu’a négocié avec
les créanciers et, ensuite, effectuer les restructurations promises dans l’accord de conciliation.
Enfin, procéder aux licenciements prévus dans l’accord de conciliation.
Reste ici encore à préciser que, les parties doivent exécuter l’accord de conciliation
tout en gardant la bonne foi. A défaut, ils doivent d’engager leur responsabilité en cas

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d’inexécution ou de mauvaise exécution. Les parties sont tenues, enfin, à une obligation de
confidentialité en ce qui concerne l’accord de conciliation.
B. Les effets à l’égard des tiers

1. Les effets à l’égard des créanciers non-signataires de


l’accord de conciliation
L’accord de conciliation ne produit aucun effet vis-à-vis des tiers qui n’y sont pas
parties de l’accord de conciliation. C’est l’application ici du principe de la relativité des
conventions. C'est-à-dire que les créanciers qui n’ont pas signé l’accord peuvent exercer des
poursuites individuelles ou des voies d’exécution et constituer des sûretés.
Les tiers ont également la possibilité de déclencher la procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire en cas de cessation des paiements.
L’alinéa 2 de l’article 556 prévoit ici que de tels délais pourraient être imposés par le
président du tribunal de commerce, si, au cours de la durée d’exécution de l’accord de
conciliation, le débiteur était mis en demeure ou poursuivi par l’un des créanciers appelés à la
conciliation dans le but d’obtenir le paiement d’une créance qui n’a pas fait l’objet de
l’accord. C’est le principe de l’application des délais de grâce.
2. Les effets à l’égard des cautions
L’accord de conciliation produit aussi des effets à l’égard des cautions. En raison du
caractère accessoire du cautionnement, l’article 1154 du DOC41énonce que, « (…) la remise
de la dette accordée au débiteur libère la caution (...) ». Il était admis que les cautions
solidaires pouvaient se prévaloir des délais et des remises alors que la caution d’une entreprise
en difficulté pouvait se prévaloir des délais et des remises accordés à celle-ci lors d’une
procédure de conciliation.
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 559 de la nouvelle loi qui prévoit en ce sens que
les cautions, soient solidaires ou non, dont la créance est cautionnée par eux dans l’accord de
conciliation, bénéficient la suspension provisoire des actions. La règle est générale et
s’applique aux personnes, physiques ou morales, aux codébiteurs solidaires, ou aux personnes
ayant fourni une sûreté personnelle (cautionnement simple ou solidaire, garantie autonome)
ou affecté ou cédé un bien en garantie (cautionnement réel). Cette caution concerne aussi tous
les coobligés, les cautions et les garants autonomes, personnes physiques ou morales.
Paragraphe II. Les effets relatifs à la formalisation de
l’accord de conciliation
L’accord de conciliation peut être simplement passé par écrit. Il produit alors simplement
les effets d’un contrat. La constatation dans un écrit permet de s’en ménager une preuve. Par
contre, des conséquences importantes s’attachent à sa constatation par le président du tribunal
de commerce et plus encore à son homologation par ce dernier.
A. L’accord constaté par le président du tribunal de
commerce
Aux termes de l’article 556 du code de commerce énonce que, « l’accord entre le chef
d’entreprise et les créanciers est constaté dans un écrit signé par les parties et le conciliateur.

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Aux de l’article 1154 qui dispose que, « la remise de la dette accordée au débiteur libère la caution, celle
accordée à la caution ne libère pas le débiteur, celle accordée à l'une des cautions, sans le consentement des
autres, libère celle-ci pour la part de la caution à qui la remise a été accordée ».

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Ce document est déposé au greffe ».L’objet de l’intervention du président serait ici limité, car
il lui reviendrait seulement de « constater » l’accord intervenu entre les parties.
Or, l’intervention du juge aurait pour conséquence de donner force exécutoire à l’accord
amiable. C’est ce caractère qui différencierait l’accord amiable non soumis au juge de
l’accord amiable constaté par ce dernier. In fine, l’avantage de cette formalité est d’offrir aux
parties la possibilité de conférer un caractère exécutoire et solennel à leurs engagements
réciproques, ce qui permet au débiteur et à ses créanciers de solliciter du président du tribunal
qu’il « constate » l’accord intervenu.
En effet, la décision du juge permettra de procéder, le cas échéant, à l’exécution forcée de
l’accord dans l’hypothèse où l’une des parties contractantes ne respecterait pas ses obligations
contractuelles. En ce sens, la procédure de « constatation » de l’accord devant le président du
tribunal présenterait une plus grande sécurité juridique pour les parties contractantes.
En dernier lieu, l’ordonnance constate l’accord n’est pas soumise à publication et n’est pas
susceptible de recours. Elle mit fin, automatiquement, à la procédure de conciliation.
B. L’homologation de l’accord par le président du tribunal
de commerce
Conformément aux orientations de la nouvelle législation de 2018 qui introduit ici une
différence entre les accords de conciliation. Or, les conditions d’homologation de l’accord de
conciliation intervenu entre le débiteur et ses créanciers sont définies actuellement par
l’article 556 de la nouvelle. Cette disposition distingue deux hypothèses :
- lorsque l’accord amiable a été conclu par « l’ensemble des créanciers », le
président du tribunal est tenu de l’homologuer ;
- lorsque l’accord amiable n’a été conclu que par « les principaux créanciers » du
débiteur, le président du tribunal à la faculté de l’homologuer.
Dans ce cadre, on traiter, tout d’abord, les conditions d’homologation de l’accord de
conciliation (1) et, ensuite, les effets d’homologation de l’accord de conciliation (2).
1. Les conditions d’homologation de l’accord de
conciliation
A la demande du débiteur, le tribunal homologue l’accord obtenu si trois conditions sont
réunies :
- le débiteur n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin.
C’est une solution de sauvetage qui est mise en place ;
- les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de
l’entreprise ;
- l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.
Le président du tribunal ne peut statuer sur l’homologation de l’accord de conciliation
qu’après avoir entendu où dûment appelé en chambre du conseil les parties (débiteur et
créanciers). Il peut aussi entendre toute personne dont l’audition lui parait utile.
Le jugement statuant sur l’homologation de l’accord est déposé au greffe où tout
intéressé peut en prendre connaissance et il fait l’objet d’une publicité. Il est notifié au
débiteur, aux créanciers signataires et aux personnes qui s’en prévaloir, c'est-à-dire aux
garants. Il est communiqué au conciliateur, au ministre public et au commissaire aux comptes
si le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes.
Cette homologation judiciaire modifie la nature juridique de l’accord de conciliation
qui n’est plus simplement de nature contractuelle. Elle accuse son caractère procédural et

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judiciaire. Et encore plus, elle assure le caractère confidentiel de l’accord. A ce propos,
l’alinéa 2 de l’article 557 de la nouvelle dispose en ce sens que, « en dehors de l'autorité
judiciaire à qui l'accord et le rapport d'expertise peuvent être communiqués, l'accord ne peut
être communiqué qu'aux parties signataires et le rapport d'expertise qu'au chef d'entreprise ».
Certes, c’est le jugement qu’est publié et non l’accord lui-même. Toute personne peut prendre
connaissance de l’accord au greffe du tribunal et, d’autre part, le jugement tout en ne
reprenant pas les termes de l’accord, mentionne les garanties et privilège constitués pour en
assurer l’exécution. Il précise les montants garantis par le privilège de l’article 558 de la
nouvelle loi.
2. Les effets d’homologation de l’accord de conciliation
L’homologation n’augmente pas la force de conciliation qui demeure celle d’un contrat.
En réalité, la loi n°73-17 lui attachait des effets concrets de nature à protéger les créanciers et
à favoriser le débiteur. Ces effets ont été aussi étendus à l’accord constaté. L’homologation
conserve cependant des avantages spécifiques pour les créanciers comme pour le débiteur.
a. Les effets de l’homologation à l’égard des créanciers

- L’éviction des nullités de l’acte passé en période suspecte


La sécurité des créanciers assurée par plusieurs dispositions. En premier lieu, il n’est plus
possible de considérer que l’entreprise se trouvait en état de cessation des paiements au
moment où elle a passé l’accord homologation. Le tribunal ne pourra, en cas d’ouverture
ultérieure d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, reporter la cessation
des paiements à une date antérieure à la conclusion de l’accord afin d’annuler l’acte passé en
période suspecte.
Les créanciers sont ainsi certains d’échapper à l’annulation des actes inclus dans l’accord
homologué. En revanche, des paiements des dettes échues pourraient être contestés par le
biais d’une action paulienne.
- Le privilège de la conciliation « new money »
En second lieu, la loi n°73-17 a créé, à travers les dispositions de l’alinéa 1 de l’article
558, un privilège au profit des créanciers qu’ont fait « un apport en trésorerie ou un apport
de bien ou de service dans l’accord homologué ». Ce privilège a été étendu, notamment à
travers les termes de l’alinéa 2 de l’article 558 de la loi citée, aux « personnes qui fournissent,
dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de
l’entreprise et sa pérennité, sont payés pour le prix de ce bien ou de ce service, bénéficient du
même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service ».
Or, le même texte ajoute que, « les créanciers signataires de l’accord ne peuvent
bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours
antérieurs à l’ouverture de la conciliation », et qu’elle ne s’applique pas « aux apports
consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de
capital ». Il faut en déduire, par conséquent, que le privilège s’applique aux apports faits en
compte-courant par les associés.
Ce privilège incite les créanciers à jouer un rôle qui favorise la conclusion d’un accord
de conciliation en leur donnant une priorité de paiement à la demande à la double condition
qu’il s’agisse « un nouveau apport en trésorerie ou d’un nouveau bien ou service » et qu’il ait
pour but d’assurer « la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité ». Le critère du
privilège est donc « téléologique » et pas seulement « chronologique ».

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b. Les effets de l’homologation à l’égard du débiteur
L’homologation de l’accord de conciliation a une conséquence favorable pour le débiteur.
L’accord homologué entraine la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des
chèques mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant l’ouverture de la
procédure de conciliation.
Le débiteur justifie la levée de l’interdiction d’émettre des chèques auprès de
l’établissement de crédit qu’est à l’origine auprès de cette mesure par le remise d’une copie du
jugement homologuant l’accord, à laquelle il joint un relevé des incidents de paiement.
L’établissement de crédit informe alors la Banque Al Maghreb de la levée de cette
interdiction aux fins de régularisation.
Section IV. L’échec de l’accord de conciliation
Le débiteur peut demander de mettre fin à la procédure de conciliation, à tout moment,
sans motif. De son côté, le conciliateur peut aussi saisir le président du tribunal de commerce
s’il n’est pas parvenu à la conclusion de l’accord de conciliation et le président met fin à sa
mission et à la procédure de conciliation. Mais lorsque celui-ci a été passé, il doit être exécuté.
Le tribunal, avec l’accord du débiteur, peut désigner le conciliateur en qualité de
commissaire à l’exécution de l’accord afin de veiller à ce que l’accord constaté ou homologué
soit respecté.
A défaut d’exécution, l’alinéa 3 de l’article 559 de la nouvelle loi envisage ici deux
situations :
- la résolution pour l’inexécution des engagements pris dans l’accord homologué d’une
part (paragraphe I) ;
- la cessation de l’accord en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire (paragraphe II).
Paragraphe I. la résolution de l’accord de conciliation
Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 559 de la nouvelle loi qui prévoit à ce propos que,
en cas d’inexécution des engagements résultant de l’accord, le président du tribunal prononce
par une ordonnance qui n’est pas susceptible de recours, la résolution de celui-ci ainsi que la
déchéance de tout délai de paiement accordé.
Il convient de préciser ici les conditions (A) et les conséquences de cette résolution
(B).
A. Les conditions de la résolution
La résolution de l’accord de conciliation peut être prononcée par le président du
tribunal de commerce pour l’accord constaté et par le tribunal pour l’accord homologué à la
requête de « l’une des parties » à l’accord.
La demande de résolution de l’accord constaté ou homologué doit être formée par
assignation et toutes les parties à l’accord ainsi que les créanciers auxquels des délais de
paiement ont été imposés doivent être mis en cause par le demandeur, le cas échéant, sur
injonction du tribunal.
La résolution peut aussi être demandée « en cas d’inexécution des engagements
résultant de l’accord ». L’alinéa 3 de l’article 559 n’est plus fait aucune distinction selon la
nature de l’obligation inexécutée. Mais il s’agit généralement de l’inexécution des
engagements financiers pris par le plan de conciliation. La résolution peut enfin être
prononcée en cas d’inexécution d’engagements sociaux, économiques ou juridiques.

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B. Les effets de la résolution
La nouvelle loi ne précise pas les conséquences de la résolution de l’accord de
conciliation. L’alinéa 3 de l’article 559 de la nouvelle loi précise seulement que le président
du tribunal de commerce prononce « la résolution de l’accord » et, de manière facultative,
« la déchéance de tout délai de paiement accordé ».
Généralement, la résolution de l’accord de conciliation rétroagit. Car le texte de loi a pris
le soin d’affirmer la possibilité d’une déchéance de tout délai de paiement, y compris des
délais de grâce imposés aux tiers non parties à l’accord, laquelle est la conséquence normale
de la rétroactivité.
Cette disposition conduirait à penser que les autres stipulations de l’accord demeurent et,
notamment, les remises de dettes. Or, cette solution n’entraine pas parfois l’ouverture d’une
procédure judiciaire automatique.
Paragraphe II. Fin de l’accord de conciliation en cas
d’ouverture d’une procédure de redressement ou de la
liquidation judiciaire
La nouvelle loi sanctionnait l’inexécution des engagements résultants l’accord de
conciliation par l’ouverture parfois automatique des procédures de redressement judiciaire.
Cette mesure avait été déclarée par l’alinéa 3 de l’article 559 de la nouvelle loi qui énonce à
ce propos que « l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire »
qui met fin de plein droit à l’accord de conciliation constaté ou homologué en application des
dispositions de texte précité.
L’ouverture d’une procédure de redressement ou de la liquidation judiciaire est
considérée comme une sanction de l’inexécution de l’accord de conciliation, et lorsqu’elle
intervient, elle met fin à celui-ci. Car, le président prononce la résolution de l’accord de
conciliation sans distinction entre l’accord constaté et l’accord homologué, et ce, en cas
d’inexécution par le débiteur de ses engagements.
A un autre niveau, mais rejoignant les précédant propos, en cas d’ouverture d’une
procédure de sauvegarde, le tribunal n’est pas tenus par les solutions retenues dans le cadre de
l’accord de conciliation. Dans ce cas d’espèce, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs
créances et suretés, déduction faite des sommes perçues sans préjudice de l’application du
nouveau privilège dit de « new money ». Il est mis fin aux sacrifices qu’ils ont consentis et
corrélativement le débiteur est délié de ses engagements pour l’avenir puisque l’accord perd
sa force obligatoire. L’accord prend fin et les actes qui l’ont précédé et qui lui sont liés sont
caducs.

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