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UNIVERSITE HASSAN II

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ECONOMIQUES


ET SOCIALES, AIN SBBA

Cours de Droit des entreprises en difficulté

Troisième Conférence

Semestre 5

2022/2023

BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Toujours dans le cadre de la première partie relative aux procédures extra-judiciaires,
et après avoir examiné la prévention interne, on va s’attarder à l’étude de la prévention
externe faisant office du chapitre suivant.

Chapitre 2 : La prévention externe


La prévention externe peut être ouverte de deux façons différentes. La première
réside dans le cas où le dépistage anticipé des faits de nature à compromettre la continuité
de l’exploitation de l’activité de l’entreprise s’avère insuffisant ou n’aboutit pas à un
résultat positif, le président du tribunal est averti de cette situation, soit par le commissaire
aux comptes, par un associé, ou le chef de l’entreprise qui ont déclenché une procédure de
prévention interne. Cette voie est prévue à l’article 548 et 549 alinéa 1, du code de
commerce.

La seconde relève du président du tribunal de commerce. En effet, ce dernier peut


également déclencher la prévention externe lorsqu’il est tenu informé par acte, document
ou une procédure, ou même par la rumeur publique qu’une entreprise, sans être, en
cessation des paiements, connait des difficultés, juridiques, économiques, financières ou
sociales ou elle présente des besoins ne pouvant pas être couverts par un financement
normal. C’est la voie indiquée par l’article 549, alinéa 1 du code de commerce.

Il faut souligner que l’intervention du président du tribunal de commerce dans la


procédure de prévention externe, est de nature particulière qui déroge à celle prévue par
les règles générales de procédure.

En effet, la mission du président du tribunal de commerce, s’inscrit, en effet, dans le


cadre des missions récentes attribuées aux juridictions commerciales dans le domaine de la
finance et des affaires : c’est un rôle interventionniste au profit des entreprises en
difficulté.

Par ailleurs, la procédure de prévention externe est régie par les articles de 549 à 559,
qui délimitent son champ d’application et la procédure lui est afférente (section1), la
désignation du mandataire spécial (section2), et la procédure de conciliation (section3).

Section 1 : Le champ d’application

Le législateur marocain a adopté une approche progressive concernant le traitement


extra-judiciaire des difficultés que les entreprises peuvent faire face, en faisant impliquer
tout organe se rapportant à la gestion ou à l’administration.

3
Ceci étant, si la prévention interne vise à faire participer les non dirigeants afin
d’attirer l’attention des dirigeants et les mettre en face de leur responsabilité, la prévention
externe, s’articule autour de l’intervention considérable du président du tribunal de
commerce, afin de trouver une solution avec les créanciers de l’entreprise conformément à
des procédures visant le redressement de la situation critique de l’entreprise afin d’éviter
qu’elle se trouve en cessation des paiements.

Ce qui signifie l’élargissement de son domaine d’application (sous-section 1) et la


mise en place de procédures bien organisées afin de réaliser les objectifs qui lui ont été
assignés (sous-section 2).

Sous-section 1 : L’étendue de la procédure externe

D’emblée, il est lieu de remarquer en vertu de l’article 549 du code de commerce, que
la transition de la prévention interne à la prévention externe s’est accompagnée de
l’élargissement du champ d’application.

En effet, si la prévention interne s’applique uniquement aux sociétés commerciales et


les groupements d’intérêt économique à caractère commercial, la prévention externe reçoit
application en plus des entreprises suscitées, aux commerçant personnes physiques
pouvant rencontrer des difficultés ou des faits de nature à compromettre la continuité de
leurs activités et les conduisant, par la suite, à la cessation des paiements.

L’article 549 dispose que : « la procédure de la prévention externe………….adapté


aux possibilités de l’entreprise ».

Si le droit français ne donne plus d’importance à la forme de l’entreprise économique


assujettie au régime de la prévention externe, le droit marocain, n’a pas pu se libérer,
même avec les réformes de 2014 et de 2018, de cette approche conservatrice qui limite le
champ d’application des procédures de la prévention externe.

Ainsi, le droit français, en vertu de l’article L 611-1 du code de commerce français a


fait bénéficier aux dispositions relatives à la prévention externe : « les personnes morales
de droit privé, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle, agricole ou
indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou
réglementaires ou dont le titre est protégé, en plus bien sûr, les sociétés commerciales, et
les groupements d’intérêts économiques, et les entreprises commerciales ou artisanales.

3
Sous-section 2 : Les procédures de la prévention externe : la convocation du chef de
l’entreprise

Reposant sur la rapidité, la procédure de prévention externe n’est pas une procédure
contentieuse. Elle vise la remédiation immédiate aux difficultés afin que l’entreprise
récupère sa bonne santé économique et que les répercussions entrainées s’effaceront
promptement.

Cette procédure doit également être discrète, car toute divulgation de sa crise est
susceptible de porter atteinte au crédit de l’entreprise. Les difficultés seraient alors
accrues.

Le président du tribunal, dès qu’il est tenu informé, de l’existence de difficultés


résultant de faits de nature à compromettre la continuité de l’entreprise, ou encore en cas
d’échec des tentatives relatives à la prévention interne, par les entreprises qui en
bénéficiaient, procède immédiatement à la convocation du chef de l’entreprise à son
cabinet soit de son initiative ou sur demande de ce dernier.

Mais le président du tribunal de commerce, peut également, procéder à une telle


convocation, dans le cas où il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une société
commerciale ou entreprise individuelle commerciale fait face à des difficultés de nature à
compromettre la continuité de son exploitation, afin d’envisager les mesures susceptibles à
redresser la situation de l’entreprise.

Notons, à ce sujet, que la loi 73/17, en reprenant le texte ancien, n’a pas assorti
l’inobservation du chef de l’entreprise de la convocation du président du tribunal d’aucune
sanction, ce qui prive le président du tribunal de toute autorité sur le chef de l’entreprise,
sauf dans la cas où il constate que l’entreprise est en cessation des paiements, dans ce cas,
il renvoie l’affaire au tribunal afin de prononcer l’ouverture de la procédure judiciaire de
traitement.

Par ailleurs, le président du tribunal dispose d’un large pouvoir d’investigation après
la rencontre du chef de l’entreprise. Ainsi l’article 552 du code de commerce lui a accordé
la possibilité d’obtenir communication des informations de nature à lui donner une exacte
information sur la situation économique et financière de l’entreprise et ce de la part des
différentes parties qui s’y rapportent, qu’elles soient interne comme :

- Le commissaire aux comptes


- Les représentants des salariés, les délégués des salariés ou l’inspecteur de
travail

3
Ou externes comme :

- Les administrations publiques (le service des impôts et la sécurité sociale)


- Les établissements de crédit et les organismes assimilés.
- Les organismes financiers ou toute autre partie

Toutes ces parties sont déliées du secret professionnel à son égard.

La finalité poursuivie par la première formalité relative à la prévention externe est de


permettre au président du tribunal d’avoir une exacte information sur la situation de
l’entreprise par différents canaux,

- De ce qu’il est tenu informé


- Des explications qu’il obtient du chef de l’entreprise
- Des informations qu’il a pu recueillir des diverses parties ayant un rapport avec
l’entreprise et son activité.
Mais, si le président du tribunal a envisagé la nécessité d’avoir plus d’informations,
ou s’il lui est avéré des indices permettant de remédier aux difficultés, il peut
désigner un tiers en la qualité de mandataire spécial.

Section 2 : La désignation du mandataire spécial : mandataire ad-hoc

Le droit marocain a permis, en vertu de l’article 550 du code de commerce, au


président du tribunal, et après avoir entendu le chef de l’entreprise et recueilli les
informations suffisantes sur la situation de l’entreprise et formé par conséquent une idée
exacte sur la nature et la gravité des difficultés, de désigner un tiers, nommé par le
législateur : Mandataire spécial (Mandataire ad-hoc en droit français), comme une forme
récente de la médiation régie en vertu de la loi 73/17.

L’article 550 dispose que « s’il apparait que les difficultés de l’entreprise sont
susceptibles d’être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers à même de réduire les
oppositions éventuelles qu’elles soient d’ordre social, entre les associés ou les partenaires
habituels de l’entreprise, ainsi que toutes les difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation de l’entreprise, le président du tribunal le désigne en qualité de
mandataire spécial et il lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir ».

La lecture des dispositions de cet article permet de révéler la vision récente du droit
marocain, concernant les nouveaux rôles confiés au président du tribunal.

Après avoir été mis au cœur des crises que les entreprises, relevant du ressort de sa
compétence, peuvent faire face, à travers l’accomplissement des investigations sur leur
situation, et l’audition de leurs dirigeants, il est sollicité après tout cela, de s’impliquer
3
efficacement dans le processus de recherche de solution à ces crises et de leur remédiation
possible en lui reconnaissant le droit de désigner un tiers en tant que mandataire spécial,
avec des missions définies et des délais fixés par le président du tribunal.

Les conditions requises pour la désignation du mandataire spécial peuvent être


résumées comme suit :

- L’entreprise ne doit pas être en cessation de paiements.


- L’entreprise doit être susceptible de se redresser,
- l’entreprise doit être viable et peut surmonter définitivement un accident de
parcours.

Ceci requiert que le président du tribunal se soit rassuré de la volonté ferme du chef
de l’entreprise de redresser la situation de son entreprise et que l’intervention du
mandataire spécial va lui prêter concours à réduire les oppositions éventuelles concernant
l’attitude des créanciers comme consentir de nouveaux délais pour recouvrir leurs créances
ou la réduction de leur montant ainsi que tout ce qui se rapporte avec les partenaires de
l’entreprise en ce qui concerne la fourniture des matières premières ou des services ou les
partenaires qui procèdent à la vente de produits de l’entreprise.

Le mandataire spécial ne peut être désigné qu’à la demande du chef de l’entreprise


conformément à l’article 549, 4ème alinéa, qui dispose que « le président du tribunal
désigne le mandataire spécial ou le conciliateur sur proposition du chef d’entreprise ».
Ceci dit, le président du tribunal ne dispose pas de l’autorité de désignation du mandataire
spécial de son propre initiative.

Contrairement au droit français, le droit marocain n’a pas abordé les limites du
pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne l’acceptation ou le refus de la
demande de désignation du mandataire spécial. Et si le droit français n’a pas organisé
l’institution du mandataire spécial qu’avec la loi de 1994, et l’a repris avec la loi 2005, les
juridictions françaises ont en fait recours, même en l’absence d’un texte législatif sous la
loi de 1985.

Suite à la souplesse qui marque la procédure externe, le législateur marocain n’a pas
restreint le pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne la détermination de la
personne du mandataire spécial. Or, afin de garantir l’impartialité et la moralité du
mandataire spécial désigné, le droit français a, en vertu de l’article L-611-13, énuméré un
certain nombre d'incompatibilités. À titre d'exemples, la mission de mandataire ad hoc ne
peut être exercée :
3
- ni « par une personne ayant, au cours des vingt-quatre derniers mois, perçu, à
quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un
paiement de la part du débiteur ou d'une personne qui en détient le contrôle ou
est contrôlée par lui…
- ni par un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis
moins de cinq ans
Quoi qu’il en soit, le mandataire spécial peut être un bureau d’études économiques et
financières, il pourrait être un juriste, un praticien habilité, et ce en fonction de la
gravité des difficultés, de la taille de l’entreprise ou la nature de son activité.

De même le législateur n’a pas aussi fixé de délais pour accomplir sa mission, c’est
parce qu’il ne résulte à sa désignation aucun effet juridique à l’égard aussi bien des
débiteurs que des créanciers.

Son rôle se limite à élaborer un rapport au président du tribunal, l’informant de la


situation exacte concernant la possibilité de redressement des difficultés ou non, afin que
le président du tribunal décide de poursuivre la procédure de prévention externe ou y
mettre fin.

En cas d’échec du mandataire spécial dans sa mission, il en adresse, sans délais, un


rapport au président du tribunal. En cas de réussite, il en adresse un procès-verbal qui n’a
pas besoin d’être validé par le président du tribunal, ni soumis à une formalité de publicité.

Le mandataire spécial pourrait avoir besoin, afin de réussir sa mission, à la


prolongation du délai. Le président du tribunal pourrait y procéder, après accord du chef
de l’entreprise. Le chef de l’entreprise peut à tout moment, demander au président du
tribunal de mettre fin à la mission du mandataire spécial.

Section 3 : La procédure de conciliation

Dans le cadre des procédures de prévention externes mises en place par le droit
marocain aux entreprises en difficulté, on trouve la procédure de conciliation qui a
substitué à celle du règlement amiable étant, prévu par le livre V du code de commerce de
1996.

Elle est considérée comme l’une des attributions spécifiques du président du tribunal
de commerce dans le cadre de ses attributions générales concernant les procédures extra-
judiciaire des difficultés de l’entreprise.

Sous-section 1 : Les conditions d’ouverture de la procédure de conciliation

3
N’étant pas en cessation des paiements1, l’entreprise doit, néanmoins, connaitre des
difficultés économiques ou financières ou si elle a des besoins ne pouvant être couverts par
un financement normal. C’est ce qui ressort de l’article 551 alinéa 1.

Cette disposition comporte une expression générale afin d’éviter toute discussion.

- Les difficultés économiques et financières vont souvent de pair.


- La loi n’exige pas que les difficultés soient graves, durables ou renouvelées,
cependant la conciliation amiable n’aura pas lieu si les difficultés sont minimes ou
passagères, la désignation d’un mandataire « ad-hoc » est alors suffisante.
- La preuve de l’existence de ces difficultés s’effectue librement mais, la tenue
d’une comptabilité prévisionnelle, permettra d’établir que les besoins courants ne pouvant
pas être couverts par un financement normal.
- A la condition des difficultés, s’ajoute celle relative à l’obligation pour le chef
de l’entreprise de déterminer les besoins de financement ainsi que les moyens d’y faire
face.
1- La présentation d’une requête du chef de l’entreprise comportant un exposé de
la situation financière, économique et sociale de l’entreprise, le besoins de financement
ainsi que les moyens d’y faire face (551. Al.2)
2- La constitution d’une conviction ferme pour le tribunal de commerce
concernant la situation de l’entreprise, l’importance des difficultés auxquelles elle fait
face, et son appréciation de l’importance des moyens proposés par le chef de l’entreprise
afin d’y faire face, ainsi que l’appréciation des besoins épineux de l’entreprise dans cette
circonstance pour l’ouverture de la procédure de conciliation.

C’est pour cette raison que le droit marocain, a permis au président du tribunal,
nonobstant toutes dispositions législatives contraires, d’obtenir communication, de tous
renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique
et financière de l’entreprise et ce de la part du commissaire aux comptes s’il en existe, les
représentants des salariés, les administrations de l’Etat et les autres personnes de droit
public, les établissements de crédit et les organismes assimilés, les organismes financiers
ou toute autre partie.

1
Or, en droit français, l'ouverture d'une procédure de conciliation peut être demandée :

– soit par une entreprise éprouvant « une difficulté juridique, économique ou financière,
avérée ou prévisible » (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce
français) ;

– soit par une entreprise se trouvant d'ores et déjà en cessation de paiement mais depuis
moins de quarante-cinq jours (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce
français).
3
Il peut également désigner un expert afin d’établir un rapport sur la situation
économique, sociale et financière de l’entreprise.

La désignation du conciliateur par le président du tribunal, est considérée comme une


annonce du début des actes procéduraux spécifiques de la conciliation.

Le président du tribunal de commerce peut désigner directement le conciliateur sans


le besoin de désigner le mandataire spécial toutes les fois qu’il apprécie que les
circonstances de la conciliation sont convenables.

Sous-section 2 : La désignation du conciliateur et la durée de sa mission

A la demande du chef d’entreprise, le président du tribunal procède à la désignation


du conciliateur, et à la différence du mandataire spécial, l’article 553, fixe la durée de la
mission du conciliateur dans trois mois renouvelables une seule fois à la demande de ce
dernier.

Les motifs de délimitation de la durée de la mission du conciliateur en 6 mois au


maximum, sachant que cette durée est d’ordre public, les parties ne peuvent convenir
autrement (ni la prolonger, ni la réduire) peuvent être regroupés comme suit :

- Il découle de la désignation du conciliateur, et pour qu’il réussisse sa mission,


de demander au président du tribunal de commerce la suspension provisoire
des poursuites individuelles contre le débiteur, qui ne peuvent se poursuivre
pour longue durée, ce qui porterait atteinte aux droits des créanciers, alors que
la procédure de conciliation est non contradictoire.

- L’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de désigner le


conciliateur, comme toutes les ordonnances relatives aux procédures de
traitement extra-judiciaire de difficultés de l’entreprise, n’est susceptible
d’aucun recours.

Le droit marocain, aurait pu limiter le pouvoir du président du tribunal de commerce


quant à la désignation du conciliateur, sachant que la mission qui lui a été assignée et les
pouvoirs qui lui sont octroyés exigent que cette mission soit confiée à celui qui répond aux
conditions d’impartialité, d’objectivité et d’indépendance, afin que ses suggestion soient
acceptées par le débiteur et les créanciers auxquelles seront sollicités de présenter des
sacrifices au profit de l’entreprise au détriment de leurs intérêts.

3
En revanche, le droit français a prévu, en vertu de l’article L-611-13, du code de
commerce, que la mission du conciliateur ne peut être exercée par

 une personne ayant au cours des 4 derniers mois, perçu à quelque titre que ce
soit directement ou indirectement une rémunération ou un paiement de la part
du débiteur,
 tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est
contrôlée par lui.

Dans le même sens, le droit marocain a laissé la question de la détermination des


honoraires du conciliateur au pouvoir du président du tribunal qui doit recevoir au
préalable l’acceptation du chef de l’entreprise suite à l’impossibilité de faire recours contre
les ordonnances du président du tribunal de commerce et faute de disposition juridique y
afférente.

Sous – section 3 : L’Effort accompli par le conciliateur afin de conclure la


convention de conciliation

En application de l’article 554 du code de commerce, parmi les attributions du


président du tribunal de commerce, lors de la désignation du conciliateur, la détermination
de la mission de celui-ci. Il n’a, cependant, pas la possibilité de lui fixer un délai en dehors
de celui prévu par la loi : trois mois renouvelables une seule fois, à la demande du
conciliateur et après acceptation du chef de l’entreprise ; et ce contrairement à ce qui a été
prévu pour le mandataire spécial.

Afin d’accomplir et réussir sa mission, le président du tribunal communique,


conformément au même article au dernier alinéa, au conciliateur toutes les informations
dont il dispose concernant la situation de l’entreprise et le cas échéant, les résultats de
l’expertise accomplie conformément à l’article 552 du code de commerce.

En pratique, il reste que la conclusion de l'accord amiable dépendra dans une large
mesure de sa force de persuasion et de son sens de la diplomatie pour convaincre les
créanciers de l'entreprise à participer à son redressement.

Il faut, par ailleurs, relativiser le caractère amiable et consensuel pouvant être attribué
au traitement extra-judiciaire des difficultés que l’entreprise pourrait y faire face, c'est-à-
dire de la forte présence de la liberté de la volonté d’y adhérer ou non. Cette liberté n’est
pas absolue.

C’est ainsi que l’article 555 du code de commerce, a attribué, au conciliateur afin
qu’il réussisse sa mission de négociation avec les créanciers, des pouvoirs spécifiques lui

3
permettant de les contraindre, afin qu’ils s’impliquent, positivement, dans sa mission de
conciliation surtout s’il estime que l’entreprise a besoin d’une courte ou moyenne durée
pour qu’elle se rétablisse.

En premier lieu, le législateur a doté le conciliateur de poursuivre une méthodologie


reposant sur la négociation avec les principaux créanciers en les motivant afin de conclure
une convention de conciliation.

De plus, le législateur marocain a permis, comme son homologue français, au


conciliateur ou au chef d’entreprise lorsqu’il estime que la suspension provisoire des
procédures est susceptible de faciliter la conclusion d’une convention avec les créanciers,
de saisir le président du tribunal, qui peut, après l’audition des principaux créanciers, de
rendre une ordonnance fixant la durée de la suspension dans un délai qui ne doit pas
dépasser la durée de l’accomplissement du conciliateur de sa mission.

La finalité poursuivie par cette suspension est d’interdire les créanciers ou certains
d’entre eux de réaliser des saisies ou constituer des garanties sur les biens de l’entreprise
pendant cette période.

C’est ainsi que l’article 555, alinéa 2, du code de commerce dispose que l’ordonnance
décidant la suspension provisoire des procédures suspend et interdit toute action judiciaire
engagée par tout créancier d’une créance antérieure à l’ordonnance susvisée, visant :

- L’injonction du débiteur de payer une somme d’argent


- La résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

L’ordonnance prononçant la suspension provisoire, interdit, sous peine de nullité, le


remboursement totale ou partiel de toute créance antérieure, ou le paiement aux cautions
qui s’acquitteraient les créanciers, lorsque ces garanties sont constituées antérieurement à
cette décision ainsi que l’accomplissement d’un acte en dehors de la gestion normale de
l’entreprise ou l’octroi d’une hypothèque ou gage sans autorisation du président du
tribunal.

Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux créances relatives aux contrats de
travail.

Par ailleurs, le conciliateur n’a pas la faculté de s’immiscer dans la gestion de


l’entreprise, il ne remplace pas le chef de l’entreprise dans la gestion, il ne l’aide même
pas dans les actes de gestion. Il peut, toutefois lui prêter conseil du fait qu’il ne soit pas
possible d’aboutir à la conclusion d’une convention avec les créanciers si la gestion de
l’entreprise n’est pas raisonnable.

3
Comme la procédure de conciliation revêt, en principe, un caractère volontaire pour
les créanciers et le débiteur, l’entreprise n’étant pas encore en cessation des paiements, les
efforts du conciliateur peuvent aboutir à convaincre tous les créanciers ou les principaux
parmi eux de s’y impliquer. Le président du tribunal serait, alors, en mesure de
l’approuver.

Dans le cas où seuls les principaux créanciers ou certains parmi eux, s’engagent dans
la conciliation, le président du tribunal dispose de la faculté de l’approuver ou non, sachant
que les créanciers parties à la convention de conciliation, bénéficieront du privilège de
conciliation.

La mission du conciliateur prend fin en cas de la conclusion de la conciliation en


vertu d’un acte écrit, signé par le débiteur et les créanciers qui l’ont accepté ainsi que le
conciliateur, ce document est déposé au secrétariat greffe.

Suite aux caractères de discrétion, de rapidité et de souplesse qui marquent la


prévention externe généralement et la convention de conciliation particulièrement, cette
dernière ne peut être portée qu’à la connaissance des parties concernées ainsi qu’au
tribunal auprès duquel, est déposée la convention de conciliation.

Concernant le rapport d’expertise établi par l’expert, force est de souligner qu’il ne
doit être communiqué qu’au tribunal et au chef d’entreprise débiteur.

Sous-section 4 : Les effets de la conciliation

La convention de conciliation produit, en dépit de son caractère spécifique, les effets


du contrat prévus conformément aux règles du droit commun, ainsi que des effets spéciaux
prévus au livre V du code de commerce. C’est ce qui la démarque de la transaction régie
conformément aux règles du D.O.C.

On distingue, en ce sens, entre les effets relatifs au débiteur (A) et les effets propres
aux créanciers (B)

A- A l’égard du débiteur

I- En cas d’exécution de la convention de conciliation.

Le débiteur est tenu, conformément à la convention de conciliation, approuvée par le


président du tribunal, de redresser la situation de l’entreprise.

Les créanciers peuvent stipuler dans la convention des clauses tendant la bonne
marche de l’entreprise par l’obligation de désigner un contrôleur de gestion.

3
Le débiteur doit l’informer et s’y référer dans les cas prévus dans la convention, sans
toutefois, que l’entreprise soit mise sous tutelle.

Le débiteur demeure libre et dispose de toutes les prérogatives que lui confère le droit
de propriété en cas de l’entreprise individuelle ou les statuts en cas de l’entreprise, société
commerciale.

II- En cas d’inexécution de la convention de conciliation

En cas de manquement des engagements stipulés dans la convention de conciliation,


la responsabilité contractuelle du débiteur serait engagée, et par conséquent il serait
suffisant de demander la résolution de la convention au président du tribunal de
commerce, avec la déchéance des délais accordés en vertu de la conciliation, et ce à
l’égard des créanciers, parties à la convention, ainsi que ceux que le président du tribunal a
fixé des délais.

Le président du tribunal est seul compétent d’apprécier si l’inexécution de l’accord de


conciliation par le débiteur, nécessiterait la résolution de la convention ou non ; et ce
contrairement à ce qui a été prévu avant la loi 73/17 ou la compétence relevait à la
juridiction commerciale du fond et non à son président.

Notons aussi que si le législateur marocain ne prévoyait pas, avant l’entrée en vigueur
de la loi 73.17, l’ouverture immédiate de la procédure judiciaire, sauf en cas de cessation
des paiements, la nouveauté apportée par la loi 73/17, consiste en le passage direct à la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cas d’inexécution de
conciliation.

B - A l’égard des créanciers

I- Les créanciers parties à l’accord de conciliation

a- Le privilège de conciliation

Les créanciers, parties à la conciliation ont accepté de prêter concours à l’entreprise


deux services :

- La réduction de leurs créances antérieures ou leur report.


- La présentation de fonds pour alimenter la trésorerie de l’entreprise ou la
fourniture de marchandises ou services dont le paiement serait reporté.

3
En contrepartie, ils bénéficieront du privilège de conciliation, lequel leur permet
d’être payés par priorité sur leurs contributions, avant tous les autres créanciers.

b- La suspension provisoire des poursuites :

Pour les créanciers faisant parties à la conciliation, l’interdiction d’agir en justice en


vue d’exécuter sur les biens du débiteur ou de poursuivre toute procédure à son encontre.

Cette interdiction concerne seulement les créances concernées par la conciliation.


Ceci dit, tout engagement au profit des créanciers non concernés par la conciliation donne
à leur titulaire les droits de demander sa réalisation.

Ne sont pas concernés, les engagements résultant des vices cachés ou droits
patrimoniaux ne dépendant pas du seul paiement.

II- Les créanciers ne participant pas à la conciliation

Ils ont le droit d’être payés dans les délais impartis ou dans des délais octroyés au
débiteur par le président du tribunal à la demande du débiteur.

La non-participation à la convention de conciliation ne signifie pas qu’ils pourront


obtenir, obligatoirement les créances dans leurs délais. Le droit a permis au président du
tribunal de fixer de nouveaux délais si l’intérêt de l’entreprise l’exige.

Si le législateur a misé sur la procédure de conciliation en tant que procédure extra-


judiciaire de traitement, cette dernière pourrait courir des risques qui peuvent rapprocher
l’ouverture de la procédure judiciaire.

Ces risques sont liés à l’inobservation de la discrétion sur laquelle repose la


prévention, car le prononcé de l’ordonnance de la suspension provisoire des procédures
conformément à l’article 555 du code de commerce a pour conséquence la diffusion de sa
situation au public.

D’autant plus que faute d’adhésion de tous les créanciers à la conciliation est
susceptible de causer immédiatement la cessation des paiements pour l’entreprise.

Il faut souligner par ailleurs, que le fait de priver les créanciers d’intenter recours
contre les ordonnances du président du tribunal trouve sa justification dans le principe de
donner la priorité aux intérêts de l’entreprise dont la situation est comprise.

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