Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Troisième Conférence
Semestre 5
2022/2023
BEL-AMIN SAMIR
Enseignant chercheur à la FSJES Ain Sebaa
Toujours dans le cadre de la première partie relative aux procédures extra-judiciaires,
et après avoir examiné la prévention interne, on va s’attarder à l’étude de la prévention
externe faisant office du chapitre suivant.
Par ailleurs, la procédure de prévention externe est régie par les articles de 549 à 559,
qui délimitent son champ d’application et la procédure lui est afférente (section1), la
désignation du mandataire spécial (section2), et la procédure de conciliation (section3).
3
Ceci étant, si la prévention interne vise à faire participer les non dirigeants afin
d’attirer l’attention des dirigeants et les mettre en face de leur responsabilité, la prévention
externe, s’articule autour de l’intervention considérable du président du tribunal de
commerce, afin de trouver une solution avec les créanciers de l’entreprise conformément à
des procédures visant le redressement de la situation critique de l’entreprise afin d’éviter
qu’elle se trouve en cessation des paiements.
D’emblée, il est lieu de remarquer en vertu de l’article 549 du code de commerce, que
la transition de la prévention interne à la prévention externe s’est accompagnée de
l’élargissement du champ d’application.
3
Sous-section 2 : Les procédures de la prévention externe : la convocation du chef de
l’entreprise
Reposant sur la rapidité, la procédure de prévention externe n’est pas une procédure
contentieuse. Elle vise la remédiation immédiate aux difficultés afin que l’entreprise
récupère sa bonne santé économique et que les répercussions entrainées s’effaceront
promptement.
Cette procédure doit également être discrète, car toute divulgation de sa crise est
susceptible de porter atteinte au crédit de l’entreprise. Les difficultés seraient alors
accrues.
Notons, à ce sujet, que la loi 73/17, en reprenant le texte ancien, n’a pas assorti
l’inobservation du chef de l’entreprise de la convocation du président du tribunal d’aucune
sanction, ce qui prive le président du tribunal de toute autorité sur le chef de l’entreprise,
sauf dans la cas où il constate que l’entreprise est en cessation des paiements, dans ce cas,
il renvoie l’affaire au tribunal afin de prononcer l’ouverture de la procédure judiciaire de
traitement.
Par ailleurs, le président du tribunal dispose d’un large pouvoir d’investigation après
la rencontre du chef de l’entreprise. Ainsi l’article 552 du code de commerce lui a accordé
la possibilité d’obtenir communication des informations de nature à lui donner une exacte
information sur la situation économique et financière de l’entreprise et ce de la part des
différentes parties qui s’y rapportent, qu’elles soient interne comme :
3
Ou externes comme :
L’article 550 dispose que « s’il apparait que les difficultés de l’entreprise sont
susceptibles d’être aplanies grâce à l’intervention d’un tiers à même de réduire les
oppositions éventuelles qu’elles soient d’ordre social, entre les associés ou les partenaires
habituels de l’entreprise, ainsi que toutes les difficultés de nature à compromettre la
continuité de l’exploitation de l’entreprise, le président du tribunal le désigne en qualité de
mandataire spécial et il lui assigne une mission et un délai pour l’accomplir ».
La lecture des dispositions de cet article permet de révéler la vision récente du droit
marocain, concernant les nouveaux rôles confiés au président du tribunal.
Après avoir été mis au cœur des crises que les entreprises, relevant du ressort de sa
compétence, peuvent faire face, à travers l’accomplissement des investigations sur leur
situation, et l’audition de leurs dirigeants, il est sollicité après tout cela, de s’impliquer
3
efficacement dans le processus de recherche de solution à ces crises et de leur remédiation
possible en lui reconnaissant le droit de désigner un tiers en tant que mandataire spécial,
avec des missions définies et des délais fixés par le président du tribunal.
Ceci requiert que le président du tribunal se soit rassuré de la volonté ferme du chef
de l’entreprise de redresser la situation de son entreprise et que l’intervention du
mandataire spécial va lui prêter concours à réduire les oppositions éventuelles concernant
l’attitude des créanciers comme consentir de nouveaux délais pour recouvrir leurs créances
ou la réduction de leur montant ainsi que tout ce qui se rapporte avec les partenaires de
l’entreprise en ce qui concerne la fourniture des matières premières ou des services ou les
partenaires qui procèdent à la vente de produits de l’entreprise.
Contrairement au droit français, le droit marocain n’a pas abordé les limites du
pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne l’acceptation ou le refus de la
demande de désignation du mandataire spécial. Et si le droit français n’a pas organisé
l’institution du mandataire spécial qu’avec la loi de 1994, et l’a repris avec la loi 2005, les
juridictions françaises ont en fait recours, même en l’absence d’un texte législatif sous la
loi de 1985.
Suite à la souplesse qui marque la procédure externe, le législateur marocain n’a pas
restreint le pouvoir du président du tribunal en ce qui concerne la détermination de la
personne du mandataire spécial. Or, afin de garantir l’impartialité et la moralité du
mandataire spécial désigné, le droit français a, en vertu de l’article L-611-13, énuméré un
certain nombre d'incompatibilités. À titre d'exemples, la mission de mandataire ad hoc ne
peut être exercée :
3
- ni « par une personne ayant, au cours des vingt-quatre derniers mois, perçu, à
quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un
paiement de la part du débiteur ou d'une personne qui en détient le contrôle ou
est contrôlée par lui…
- ni par un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis
moins de cinq ans
Quoi qu’il en soit, le mandataire spécial peut être un bureau d’études économiques et
financières, il pourrait être un juriste, un praticien habilité, et ce en fonction de la
gravité des difficultés, de la taille de l’entreprise ou la nature de son activité.
De même le législateur n’a pas aussi fixé de délais pour accomplir sa mission, c’est
parce qu’il ne résulte à sa désignation aucun effet juridique à l’égard aussi bien des
débiteurs que des créanciers.
Dans le cadre des procédures de prévention externes mises en place par le droit
marocain aux entreprises en difficulté, on trouve la procédure de conciliation qui a
substitué à celle du règlement amiable étant, prévu par le livre V du code de commerce de
1996.
Elle est considérée comme l’une des attributions spécifiques du président du tribunal
de commerce dans le cadre de ses attributions générales concernant les procédures extra-
judiciaire des difficultés de l’entreprise.
3
N’étant pas en cessation des paiements1, l’entreprise doit, néanmoins, connaitre des
difficultés économiques ou financières ou si elle a des besoins ne pouvant être couverts par
un financement normal. C’est ce qui ressort de l’article 551 alinéa 1.
Cette disposition comporte une expression générale afin d’éviter toute discussion.
C’est pour cette raison que le droit marocain, a permis au président du tribunal,
nonobstant toutes dispositions législatives contraires, d’obtenir communication, de tous
renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique
et financière de l’entreprise et ce de la part du commissaire aux comptes s’il en existe, les
représentants des salariés, les administrations de l’Etat et les autres personnes de droit
public, les établissements de crédit et les organismes assimilés, les organismes financiers
ou toute autre partie.
1
Or, en droit français, l'ouverture d'une procédure de conciliation peut être demandée :
– soit par une entreprise éprouvant « une difficulté juridique, économique ou financière,
avérée ou prévisible » (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce
français) ;
– soit par une entreprise se trouvant d'ores et déjà en cessation de paiement mais depuis
moins de quarante-cinq jours (voire les articles : L. 611-4, L. 611-5 du code de commerce
français).
3
Il peut également désigner un expert afin d’établir un rapport sur la situation
économique, sociale et financière de l’entreprise.
3
En revanche, le droit français a prévu, en vertu de l’article L-611-13, du code de
commerce, que la mission du conciliateur ne peut être exercée par
une personne ayant au cours des 4 derniers mois, perçu à quelque titre que ce
soit directement ou indirectement une rémunération ou un paiement de la part
du débiteur,
tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est
contrôlée par lui.
En pratique, il reste que la conclusion de l'accord amiable dépendra dans une large
mesure de sa force de persuasion et de son sens de la diplomatie pour convaincre les
créanciers de l'entreprise à participer à son redressement.
Il faut, par ailleurs, relativiser le caractère amiable et consensuel pouvant être attribué
au traitement extra-judiciaire des difficultés que l’entreprise pourrait y faire face, c'est-à-
dire de la forte présence de la liberté de la volonté d’y adhérer ou non. Cette liberté n’est
pas absolue.
C’est ainsi que l’article 555 du code de commerce, a attribué, au conciliateur afin
qu’il réussisse sa mission de négociation avec les créanciers, des pouvoirs spécifiques lui
3
permettant de les contraindre, afin qu’ils s’impliquent, positivement, dans sa mission de
conciliation surtout s’il estime que l’entreprise a besoin d’une courte ou moyenne durée
pour qu’elle se rétablisse.
La finalité poursuivie par cette suspension est d’interdire les créanciers ou certains
d’entre eux de réaliser des saisies ou constituer des garanties sur les biens de l’entreprise
pendant cette période.
C’est ainsi que l’article 555, alinéa 2, du code de commerce dispose que l’ordonnance
décidant la suspension provisoire des procédures suspend et interdit toute action judiciaire
engagée par tout créancier d’une créance antérieure à l’ordonnance susvisée, visant :
Cependant, cette interdiction ne s’applique pas aux créances relatives aux contrats de
travail.
3
Comme la procédure de conciliation revêt, en principe, un caractère volontaire pour
les créanciers et le débiteur, l’entreprise n’étant pas encore en cessation des paiements, les
efforts du conciliateur peuvent aboutir à convaincre tous les créanciers ou les principaux
parmi eux de s’y impliquer. Le président du tribunal serait, alors, en mesure de
l’approuver.
Dans le cas où seuls les principaux créanciers ou certains parmi eux, s’engagent dans
la conciliation, le président du tribunal dispose de la faculté de l’approuver ou non, sachant
que les créanciers parties à la convention de conciliation, bénéficieront du privilège de
conciliation.
Concernant le rapport d’expertise établi par l’expert, force est de souligner qu’il ne
doit être communiqué qu’au tribunal et au chef d’entreprise débiteur.
On distingue, en ce sens, entre les effets relatifs au débiteur (A) et les effets propres
aux créanciers (B)
A- A l’égard du débiteur
Les créanciers peuvent stipuler dans la convention des clauses tendant la bonne
marche de l’entreprise par l’obligation de désigner un contrôleur de gestion.
3
Le débiteur doit l’informer et s’y référer dans les cas prévus dans la convention, sans
toutefois, que l’entreprise soit mise sous tutelle.
Le débiteur demeure libre et dispose de toutes les prérogatives que lui confère le droit
de propriété en cas de l’entreprise individuelle ou les statuts en cas de l’entreprise, société
commerciale.
Notons aussi que si le législateur marocain ne prévoyait pas, avant l’entrée en vigueur
de la loi 73.17, l’ouverture immédiate de la procédure judiciaire, sauf en cas de cessation
des paiements, la nouveauté apportée par la loi 73/17, consiste en le passage direct à la
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cas d’inexécution de
conciliation.
a- Le privilège de conciliation
3
En contrepartie, ils bénéficieront du privilège de conciliation, lequel leur permet
d’être payés par priorité sur leurs contributions, avant tous les autres créanciers.
Ne sont pas concernés, les engagements résultant des vices cachés ou droits
patrimoniaux ne dépendant pas du seul paiement.
Ils ont le droit d’être payés dans les délais impartis ou dans des délais octroyés au
débiteur par le président du tribunal à la demande du débiteur.
D’autant plus que faute d’adhésion de tous les créanciers à la conciliation est
susceptible de causer immédiatement la cessation des paiements pour l’entreprise.
Il faut souligner par ailleurs, que le fait de priver les créanciers d’intenter recours
contre les ordonnances du président du tribunal trouve sa justification dans le principe de
donner la priorité aux intérêts de l’entreprise dont la situation est comprise.