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Organisation judiciaire
loi 1-74-338 du 15 juillet 1974 fixant l’organisation judicaire du royaume
tel qu’il a été modifié et complété

Séance 3

Présentation animée par Professeur


LEGDALI TARIK
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III. Evolution historique de la justice au Maroc

Il est d’usage de scinder l’évolution de l’organisation judiciaire au Maroc en trois phases :


 Avant le protectorat (A),
 Pendant le protectorat (B)
 Après le recouvrement de l’indépendance (C).
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II. La justice en tant que service public
A. La période antérieure au protectorat

Avant le protectorat, la justice marocaine était composée de la justice du chrâa, exercée par le qadi, et la justice laïque, rendue
par les pachas dans les villes et les caïds dans les tribus, au nom du Sultan.
1. La justice du chrâa
 Juge de droit commun, le qadi rend la justice en appliquant le droit musulman issu du Saint Coran (la loi du chrâa).
 Sa compétence au civil était universelle. Les parties pouvaient se défendre seules ou assistée d’un mandataire (Oukil).
Elles pouvaient produire, pour leur défense, des fétouas ou consultations rédigées par un Mufti ou interprète de la loi.
 L’affaire est instruite à l’audience et la sentence est ensuite rédigée et enregistrée. Cependant, le juge ne s’occupe pas de
l’exécution, les voies d’exécution sur les biens n’étant pas connues en droit musulman coutumier
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II. La justice en tant que service public
A. La période antérieure au protectorat

2. Les juridictions laïques


On peut distinguer à cet égard les juridictions du makhzen (a) et celles coutumières amazighes (b).
a. Les juridictions makhzen
 A l’origine, les pachas et caïds n’assuraient que les fonctions administratives. Cependant, ceux-ci se sont vus plus tard attribuer
des fonctions judiciaires, exclusivement en matière pénale, empiétant ainsi progressivement sur les domaines de compétence du
qadi. L'intervention de ce dernier s’est limitée au final aux questions d’état des personnes, aux successions et aux affaires
immobilières régies exclusivement à l’époque par le droit musulman.
 Ceci étant, le plaideur pouvait demander à être jugé par le tribunal du chrâa. Mais dans la pratique, les justiciables préférait les
juridictions des pachas et caïds, plus expéditives, simples et moins formalistes.
b. La justice coutumière amazighe
 Les tribus amazighes avaient conservé leur organisation indépendante en matière de règlement des conflits.
 Leurs litiges étaient résolus par voie arbitrale sur la base du droit coutumier amazigh en dehors de l’autorité du makhzen
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
A. La période antérieure au protectorat

3. Les tribunaux rabbiniques


 Les affaires concernant les marocains de confession juive sont traitées par des tribunaux rabbiniques. Même si la
compétence de ces tribunaux confessionnels devait être limitée, en principe, aux affaires relevant du statut personnel et
des successions, elle s’étendait dans la pratique à tout type de litige.
4. Les privilèges de juridiction
Les Européens, qui en toute logique ne pouvaient être soumis à la justice du chrâa, n’étant pas musulmans, ne se
soumettaient quasiment pas, non plus, aux juridictions makhzen. Ils bénéficiaient d’un privilège de juridiction régi par un
régime de capitulation qui fonctionnait comme suit :
 Lorsque le litige opposait deux personnes de même nationalité, l’affaire est du ressort du consul du pays en question ;
 Lorsque le litige opposait deux personnes de nationalités différentes, chaque consul applique à son concitoyen la
législation de son pays. Dans la pratique, on composait souvent une juridiction comprenant les consuls des différentes
parties et on appliquait au litige une législation convenue entre lesdits consuls ;
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
A. La période antérieure au protectorat

 Lorsque le litige opposait un marocain musulman à un étranger, la juridiction compétente est celle de la partie défenderesse,
tout en privilégiant les étrangers :
 Si l’étranger était demandeur, il devait saisir la juridiction marocaine, mais le juge marocain était assisté du consul
étranger ;
 Si le marocain était demandeur, il devait s’adresser au consul du pays dont le défendeur porte la nationalité. Le ressortissant
marocain était alors assisté d’un juge marocain ou de son représentant.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
B. La phase du protectorat

Le Maroc était divisé pendant la période du protectorat en trois zones :


 la zone du Sud où la France exerçait, en vertu du traité signé le 30 mars 2012, son protectorat ;
 la zone Nord et du Sahara dominée par l’Espagne ;
 la zone de Tanger soumise à une administration internationale.
A ces trois zones correspondaient trois types d’organisations judiciaires différentes. Et dans chaque zone, les tribunaux
makhzen coexistaient avec les juridictions française, espagnole ou internationale.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
B. La phase du protectorat

1. L’organisation judiciaire dans la zone sous protectorat français


Dans cette zone, qui est la plus importante, on retrouvait les tribunaux anciens (a) et les tribunaux français dits aussi
modernes (b).
a. Les tribunaux anciens
 Il s’agit des juridictions qui existaient bien avant le protectorat, à savoir les tribunaux chrâa ou du qadi, les
tribunaux des pachas et caïds et les tribunaux confessionnels rabbiniques. Ces différents tribunaux, compétents
en matières civile, pénale et commerciale quand il s’agit des litiges opposant des marocains, étaient chapeautés
par le haut tribunal chérifien.
 L’administration exerçait son autorité sur ces tribunaux via les pachas et caïds qui représentaient le pouvoir
central.
 Il est à signaler aussi que des tribunaux coutumiers avaient été créés en 1930 avec pour vocation de traiter les
litiges sur la base de la coutume en zones amazighes. Cependant, ces juridictions étaient contestées par le
mouvement national qui reprochait au protectorat de vouloir soustraire une frange de la population à la loi
musulmane et semer ainsi la division parmi les marocains (le fameux dahir berbère).
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
B. La phase du protectorat

b. Les tribunaux français


 Les tribunaux français se composaient des tribunaux de paix, des tribunaux de première instance et d’une cour d’appel sise
à Rabat. Ils connaissaient des matières civiles, pénales, commerciales et administratives. Les pourvois en cassation étaient
portés devant la Cour de cassation de Paris.
 Ces tribunaux étaient saisis par tous les plaideurs, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit
moderne (droit des affaires, droit de la propriété intellectuelle et industrielle, etc.). Ils appliquaient ainsi les textes du
protectorat, dont une partie est publiée en 1913, notamment le DOC, les codes de procédure civile et pénale, le dahir
formant code de commerce, etc.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
B. La phase du protectorat

2. L’organisation judiciaire dans la zone sous occupation espagnole


 A côté des tribunaux préexistant, les espagnoles avaient mis en place dans la zone nord des tribunaux dits « khalifiens » qui
comprenaient, à l’instar de la zone du sud, les tribunaux de paix, les TPI et une cour d’appel installée à Tétouan.
 Ces juridictions organisées sur le modèle espagnol appliquaient des lois inspirées du droit espagnole (procédures civile et
pénale, code des obligations et contrats, code de commerce, etc.). Ces textes datent pour la plupart de 1914.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
B. La phase du protectorat

3. L’organisation judiciaire dans la zone internationale de Tanger


 Cette zone était soumise au régime international fixé par la convention de Tanger du 18 décembre 1923 qui avait été
signée entre la France, l’Espagne et le Royaume-Uni.
 La justice était rendue dans cette zone par une juridiction appelée « tribunal mixte » de Tanger où siégeaient des juges
Français, Espagnoles et Anglais, chargés de traiter les litiges impliquant les ressortissants des puissances étrangères. Cette
juridiction appliquait des textes spéciaux tels que le code sur la condition civile des étrangers dans la zone.
 Cette juridiction a été réformée en 1953 en lui substituant une juridiction qui comprenait un tribunal de paix, un tribunal
criminel et une cour d’appel. Au total, 12 magistrats y siégeaient : 2 français, 2 espagnoles, un britannique, un marocain,
un belge, un italien, un néerlandais, un suédois, un américain et un portugais. Ces juges sont nommés par dahir du Sultan,
sur proposition de leurs gouvernements respectifs.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

Il est d’usage de scinder cette phase en deux périodes : la première s’étale du recouvrement de l’indépendance à la loi du 26
janvier 1965 relative à l’unification et à l’arabisation des juridictions (1) alors que la deuxième couvre la période postérieure à
ladite loi (2).
1-De l’indépendance à la loi d’unification et d’arabisation
 Le recouvrement de l'indépendance le 3 mars 1956 a eu pour conséquence l’abolition du traité du protectorat français et de
la domination espagnole ainsi que la fin du régime international régissant la zone de Tanger, sans pour autant éliminer la
diversité des juridictions citée ci-dessus. Pour gérer cette situation complexe, le législateur a instauré dans un premier
temps la régionalisation des tribunaux.
 les tribunaux makhzen sont érigés en tribunaux de droit commun composés des tribunaux régionaux et des tribunaux du
sadad. L’ordre administratif (représenté par l’autorité exercée par les Caïds et Pachas) est séparée de l’ordre judiciaire. De
même, les tribunaux coutumiers sont supprimés. Enfin, le haut tribunal chérifien est remplacé en 1957 par la Cour
suprême. Les tribunaux de type français sont devenus des tribunaux modernes.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

 A Tanger, l’ex-juridiction internationale a fusionné avec le tribunal de droit commun (dahir du 1er avril 1957). De même,
une cour d’appel y est créée. De même, dans la zone du Nord sous domination espagnole, la compétence des tribunaux
khalifiens fut transférée aux juridictions de droit commun (dahir du 12 août 1958). En guise de cour d’appel, le ressort
territorial de la Cour d’appel de Tanger a été étendu pour couvrir tous les tribunaux régionaux du Nord (Tétouan et Nador,
en plus de Tanger) en plus des 12 tribunaux du sadad de la même zone. L’ancienne cour d’appel de Tétouan a été
supprimée.
 Malgré l’importance de cet effort de réaménagement du système judiciaire, la dualité de celui-ci (coexistence des
juridictions de droit commun avec celles dites modernes) n’a pu être évitée. Il a fallu ainsi attendre l’avènement de la
réforme de 1965 pour se lancer dans l’œuvre d’unification et d’arabisation de la justice.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

 La loi du 26 janvier 1965 fut la première loi d’envergure votée par le Parlement marocain. Son article premier dispose que
« sont unifiés, en vertu de la présente loi, sur l’ensemble du territoire du Royaume, toutes les juridictions
marocaines, à l’exception du tribunal militaire et de la haute cour de justice mentionnée au titre VII de la
Constitution ».
 Le système judiciaire ainsi unifié comprend désormais : les tribunaux du sadad, les tribunaux régionaux, les cours d’appel
et la cour suprême (article 2 de la loi susmentionnée).
 Les affaires rabbiniques sont en premier ressort de la compétence des tribunaux du sadad et en second ressort des tribunaux
régionaux. Ainsi les tribunaux modernes, les tribunaux du chrâa et les tribunaux rabbiniques ont été définitivement intégrés
dans les tribunaux de droit commun (sadad et régionaux).
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

 Les tribunaux du sadad ont remplacé les tribunaux de paix (l’équivalent des juridictions de proximité dans la configuration
actuelle). Ils connaissaient des statuts personnels (musulmans et israélites en plus des affaires civiles. Les tribunaux
régionaux, qui ont absorbé les anciens tribunaux de première instance, constituent les véritables tribunaux de droit
commun.
 Cette organisation judiciaire a été complétée par le décret royal du 3 juillet 1967 qui a instauré les tribunaux sociaux pour
se substituer aux tribunaux du travail qui furent institués par un dahir du 30 décembre 1957 en remplacement des Conseils
de prud’homme dont l’institution remontait à 1929.
 En plus de l’œuvre d’unification, la loi du 26 janvier 1965 a institué la marocanisation et l’arabisation de la justice. A ce
titre, l’article 4 de ladite loi disposait que « nul ne peut exercer les fonctions de magistrat auprès des juridictions
marocaines s’il n’est de nationalité marocaine ». De même, l’article 5 ajoutait que « seule la langue arabe est admise
devant les tribunaux marocains, tant pour les débat et les plaidoiries que pour la rédaction des jugements ».
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

2. La réforme de juillet 1974 et les réformes postérieures


Le système judiciaire a subi en 1974 une réforme d’envergure avec la publication de nouveaux textes relatifs à l’organisation
judiciaire, à la procédure civile, ainsi que des dispositions transitoires en matière de procédure pénale.
Les principaux apports de cette réforme majeure et néanmoins inattendue, sont :
 la substitution des juridictions communales et d’arrondissement (voir chapitre II) aux tribunaux du sadad ;
 le retour de l’ancienne appellation « tribunaux de première instance » qui remplace désormais la dénomination «
tribunaux régionaux » et leur nombre a été augmenté passant de 16 à 54 ;
 la généralisation du principe du juge unique au niveau des tribunaux de première instance.
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

 Il a fallu attendre 1993 pour assister à une autre réforme de taille, à savoir la création des tribunaux administratifs institués
par la loi n° 41.90. La chambre administrative de la Cour suprême statuait en appel des jugements de ces tribunaux,
jusqu’à la création des Cour d’appel administrative en 2008, régis par la loi n° 80.03. Dans le même mouvement, des
juridictions de commerce ont été instituées en 1998 par la loi n° 53.95.
 Une autre réforme importante est intervenue avec la suppression de la Cour spéciale de justice, qui était spécialisée dans
les affaires de corruption, détournement et dilapidation des fonds publics et la concussion. Les attributions de cette
juridiction d’exception ont été transférées aux sections financières instituées au sein de quatre cours d’appel.
 En août 2012, la loi n° 42.10 est venue changer la donne en remplaçant les juridictions communales et d’arrondissements
par les juridictions de proximité. Celles-ci ont la particularité d’être confiée à des juges de carrière au lieu des juges non
professionnels qui siégeaient dans les juridictions communales et d’arrondissement. Par la même réforme, des chambres
d’appel sont créées au sein des TPI pour statuer en appel sur les jugements des TPI dont le montant ne dépasse pas 20.000
dirhams
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III. Evolution historique de la justice au Maroc
C. La phase de l’indépendance

Signalons enfin qu’un projet de loi régissant l’organisation judiciaire est en cours d’examen au Parlement. Ledit projet
constitue une véritable refonte de la loi en vigueur. Il apporte des aménagements substantiels à l’organisation judiciaire,
notamment :
 la suppression des chambres d’appel créées au sein des TPI ;
 la création de sections spécialisées en matière administrative et de commerce au sein des TPI, ayant les mêmes
compétences que celles reconnues aux tribunaux administratifs et des tribunaux de commerce, pour davantage de proximité
;
 unification du parquet au niveau des juridictions de premier degré, sous la supervision du TPI ;
 extension du périmètre des affaires soumises au juge unique en matière de la famille ;
 Le projet rationalise également l’exercice des recours pour exception d’incompétence matérielle (le tribunal y statue par
jugement séparé non susceptible de recours) et précise un certain nombre de droits des justiciables ainsi que les règles
d’organisation et de fonctionnement en interne des tribunaux.
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MERCI POUR VOTRE ATTENTION

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