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Ouguergouz Fatsah. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples : Présentation et bilan d'activités (1988-
1989). In: Annuaire français de droit international, volume 35, 1989. pp. 557-571;
doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1989.2917
https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1989_num_35_1_2917
LA COMMISSION AFRICAINE
DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES :
PRESENTATION ET BILAN D'ACTIVITES (1988-1989)
Fatsah OUGUERGOUZ
1 — Organisation de la Commission
(6) Doc. O.U.A. AFR/COM/HPR.I (II). Le Règlement intérieur a été approuvé en mai 1988
par la Conférence dans sa résolution AHGVRés. 176 (XXIV); il a été publié en anglais in Human
Rights Law Journal, Vol. 9, Nos 2-3, 1988, pp. 333-349.
(7) Cette composition restreinte est à comparer avec celle de la Commission Européenne
des Droits de l'Homme qui comprend un membre par Etat partie (art. 20 de la Convention
Européenne), La lourdeur qu'aurait impliquée la représentation de chaque Etat partie (l'O.U.A.
compte 50 Etats membres) justifie très certainement une telle solution; la Commission
Interaméricaine des Droits de l'Homme ne comprend également qu'un nombre de membres (7) très inférieur
à celui des Etats membres de 1'O.E.A. ou parties à la Convention Américaine (partie II de la
résolution VIII de la Cinquième Réunion de Consultation des Ministres des Affaires Etrangères
créant cette commission, Santiago-du-Chili, août 1959, et article 34 de la Convention Américaine).
(8) Ainsi, comme dans les systèmes européen et américain, les commissaires- sont élus par
les organes pléniers de l'organisation régionale intéressée (article 21 de la Convention Européenne
et article 36 de la Convention Américaine); les Etats non parties aux instruments en question
participent donc au vote au même titre que les Etats qui en sont parties. L'article 30 (4) du
Pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques réserve, pour sa part, aux seuls
Etats parties la participation à l'élection des membres du Comité des Droits de l'Homme.
(9) La mention d'un article sans mention de l'instrument de référence renvoit à la Charte
Africaine.
(10) Cette condition a pour conséquence de limiter le choix des Etats en la matière. La
Convention Américaine (article 36), pour sa part, exige simplement que les candidats soient des
ressortissants d'un Etat membre de l'O.E.A.. Quant à la Convention Européenne (article 21), elle
n'exige pas non plus que les commissaires aient la nationalité d'un Etat partie, ni même celle
d'un Etat membre du Conseil de l'Europe; la même règle est également applicable aux membres
de la Cour Européenne qui comprend actuellement un juge canadien (Ronald Saint-Jones Mac-
donald) présenté par le Liechtenstein.
LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME 559
le Centre et l'Ouest de l'Afrique (11). Les commissaires sont élus pour une
période de six années, sont rééligibles et siègent à titre personnel (12). On
aurait pu craindre ici que, comme le prévoit l'article 21 de la Charte
Constitutive de 1'O.U.A. à propos des commissions spécialisées, la Commission ne
soit exclusivement composée de ministres ou de plénipotentiaires des Etats
parties; bien que créée «auprès de l'Organisation de l'Unité Africaine»
(art. 30), la Commission ne constitue donc pas une de ces «commissions
spécialisées» dont le statut est réglé par les articles 20 à 22 de la charte
susmentionnée. Le statut des commissaires a d'ailleurs été aménagé de manière
à leur assurer une certaine indépendance. Tout d'abord, selon l'article 34,
ils peuvent être présentés par un Etat dont ils ne sont pas ressortissants;
cela rend possible le recrutement de candidats qui, pour des raisons
politiques ou autres, n'ont aucune chance d'être présentés par leur pays. Ensuite,
une fois élu, un commissaire ne peut être démis de ses fonctions que si, de
l'avis unanime des autres membres de la Commission, «il a cessé de remplir
ses fonctions pour toute autre cause qu'une absence de caractère temporaire,
ou se trouve dans l'incapacité de continuer à les remplir» (art. 39 (2)). Cette
quasi-inamovibilité des commissaires est le gage le plus évident de leur
indépendance à l'égard des Etats (13); celle-ci est renforcée par la jouissance
des privilèges et immunités diplomatiques prévus par la convention du même
nom de FO.U.A. (art. 43).
On remarquera cependant que la Charte Africaine ne contient pas de
clause d'incompatibilité de fonctions. Outre sa motivation politique évidente
- les Etats voulant sans aucun doute pouvoir compter sur leur représentant
à la Commission - un tel silence a, semble-t-il, également une justification
pratique; prévoir une incompatibilité de fonctions aurait en effet limité le
champ de recrutement des candidats dans des pays pauvres en personnel
qualifié.
La Commission élit parmi ses membres un Président et un
Vice-Président pour une période de deux années renouvelable (art. 42) (14). Le
Secrétaire de la Commission est pour sa part désigné par le Secrétaire Général
de l'O.U.A. qui fournit également le personnel et les moyens nécessaires au
fonctionnement de la Commission (art. 41 ) (15). Selon l'article 25 du Rè-
— pour
(11)l'Afrique
Ont été du
élusNord,
: Ali Mahmoud Abou Hadiyah (Libye) et Ibrahim Ali Badawi El Sheikh
(Egypte),
— pour l'Afrique Australe, M. D. Mokama (Botswana) et Mubanga-Chipoya C.L.C. (Zambie),
— pour l'Afrique de l'Est, Grace Stuart Ibingira (Ouganda) et Robert Habesh Kisanga (Tanzanie)
— pour l'Afrique Centrale, Gabou Alexis (Congo) et Isaac Nguema (Gabon),
— pour l'Afrique de l'Ouest, Beye Alioun Blondin (Mali), "Yôussoupha Ndiaye (Sénégal) et Souha-
rata N. Semega Janneh (Gambie), Doc. O.U.A. AFR/C0M/HPR.2 (I), Annexe II. Le commissaire
ougandais, ayant démissionné pour raisons personnelles le 25 avril 1989, a été remplacé par U.
Oji Umozurike (Nigeria); cette composition est restée inchangée à la date du 31 décembre 1989.
(12) Une fois élus et avant d'entrer en fonctions, les commissaires doivent, en séance
publique, faire le serment solennel de «bien et fidèlement remplir [leurs] fonctions en toute
impartialité», article 16 du Règlement intérieur.
(13) A comparer avec la situation des membres de la commission prévue par le Protocole
de médiation, de conciliation et d'arbitrage de l'O.U.A. du 21 juillet 1964 dont l'article IV prévoit
une possibilité de révocation de ceux-ci par la Conférence des Chefs d'Etat.
(14) Lors de sa sixième session ordinaire (Banjul, 23 octobre-4 novembre 1989), la
Commission a élu U.O. Umozurike (Nigeria), Président, et Gabou Alexis (Congo), Vice-Président, postes
jusqu'alors occupés respectivement par Isaac Nguema (Gabon) et Ibrahim Ali Badawi El-Sheikh
(Egypte).
(15) Depuis le 10 février 1989, le poste de Secrétaire de la Commission est occupé par Jean
Ngabishema Muntsinzi désigné en remplacement de Mme Esther Tchouta-Moussa.
560 LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
2e
4e
6e session
(16) :lrele
Dakar
Banjul
session
Caire(Sénégal),
(Gambie),
(Egypte),
: Addis Abeba
8-13
17-26
23 octobre-4
février
(Ethiopie),
octobre
1988
novembre
1988
2: 3enovembre
: 5e
session
1989.
session:1987
Libreville
: Benghazi
(installation
(Gabon),
(Libye),
de18-28
la
3-14
Commission)
avril 1989
1988
II — Fonctions de la Commission
(20) Amnesty International, Union des Avocats Arabes et Association Egyptienne des Nations
Unies, Final Communiqué, 26 October 1988, AFR/COM/HPR/Communiqué (IV), paragraphe 6.
(21) Comme, par exemple, Amnesty International (Londres), la Commission Internationale
de Juristes (Genève), l'Association Africaine de Droit International (Nairobi), le Centre
International de Formation à l'Enseignement des Droits de l'Homme et de la Paix (Genève), l'Union des
Avocats Arabes (le Caire), l'Association Egyptienne des Nations Unies (le Caire), l'Union des
Journalistes Africains (le Caire), le Mouvement Burkinabé des Droits de l'Homme et des Peuples
(Ouagadougou) ou encore Human Rights Internet (Cambridge, Mass.), Liste des organisations
jouissant du statut d'observateur auprès de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples, Doc. O.U.A. AFR/COM/HPR/ GEN/II.
(22) Pour le premier de ces rapports, voir la résolution AHG/Rés. 176 (XXIV) de la Conférence.
562 LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
(Dakar, 8-13 février 1988), elle a en effet adopté un vaste programme d'action
(23) envisageant dans le détail les principaux aspects de son activité de
promotion telle qu'elle a été fixée par l'article 45 (1) de la Charte Africaine.
Ce programme prévoit principalement trois axes à son action.
La Commission a tout d'abord un rôle d'information et de recherche;
c'est là, l'activité de promotion par excellence dans la mesure où elle a pour
objet la sensibilisation de l'opinion publique africaine à la question des droits
de l'homme et des peuples. A ce propos, le rôle de la Commission consistera
notamment à
— «rassembler de la documentation, faire des études et des recherches
sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des
peuples» (24),
— «organiser des séminaires, des colloques et des conférences» (25) et à
— «diffuser des informations, encourager les organismes nationaux et
locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples» (26).
Lors de sa sixième session, la Commission a ainsi décidé de lancer la
publication d'une «Revue Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples» (27)
comme cela était déjà prévu dans son programme d'action. En matière
d'étude et d'information, celui-ci prévoit également inter alia la constitution
d'une bibliothèque africaine et d'un centre de documentation sur les droits
de l'homme, la diffusion du texte de la Charte Africaine, la diffusion
d'émissions radiophoniques et télévisées sur les droits de l'homme en Afrique,
l'intégration de l'enseignement des droits de l'homme dans les programmes
de l'enseignement secondaire, la création d'une journée africaine des droits
de l'homme, d'un prix et d'un concours sur les droits de l'homme (28).
La Commission a ensuite un rôle de conseil auprès des Etats africains.
A ce propos, elle a notamment pour mission de formuler «des principes et
règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la
jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales» (29).
Il s'agit en quelque sorte ici d'un rôle d'expertise en matière d'harmonisation
des législations nationales avec les dispositions de la Charte Africaine.
La Commission a encore pour mission de «coopérer avec les autres
institutions africaines ou internationales qui s'intéressent à la protection des
droits de l'homme et des peuples» (30); c'est là un des aspects de son activité
(23) Programme d'action de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
Doc. O.U.A. AHG/155 (XXIV), Annexe VIII.
(24) Charte Africaine, article 45 (1) littera a).
(25) id.; la Commission Africaine a par exemple organisé en collaboration avec l'Association
Africaine de Droit International un «Séminaire sur les droits de l'homme et le pouvoir judiciaire
en Afrique» à Banjul (Gambie) du 13 au 17 novembre 1989.
(26) Charte Africaine, article 45 (1) littera a). Comme exemple de tels organismes nationaux
autonomes chargés de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, on peut citer la Commission
Nationale des Droits de l'Homme créée par le gouvernement togolais le 9 juin 1987; celle-ci est
composée de 13 membres : 2 magistrats, 2 avocats, 1 député, 1 représentant du Conseil écononique
et social, 1 représentant de la jeunesse, 1 représentant des travailleurs, 1 représentante des
femmes, 1 représentant des chefs traditionnels, 1 médecin, 1 enseignant en droit et 1 représentant
de la Croix-Rouge togolaise.
(27) Final Communiqué, 4 novembre 1989, AFR/COM/HPR/VI, parag. 2.
(28) op. cit..
(29) Charte Africaine, article 45 (1) littera b).
(30) Charte Africaine, article 45 (1) littera c).
LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME 563
(31) La Charte Africaine ne précisant pas à quelle autorité les rapports périodiques des
Etats devaient être destinés, la Conférence, au cours de sa XXIVe session, a décidé de confier
expressément leur examen à la Commission et d'autoriser celle-ci à établir et à fournir aux Etats
parties des directives générales sur la forme et le contenu des rapports périodiques.
(32) L'article 62 dispose que «Chaque Etat partie s'engage à présenter tous les deux ans, à
compter de la date d'entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d'ordre
législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans
la présente Charte».
(33) Directives générales relatives aux rapports nationaux périodiques, AFR/COM/HPR. 5 (IV),
45 pp.. Ces directives sont rédigées de manière à permettre aux Etats de faire rapport sans
oublier un quelconque aspect du contenu normatif de la Charte Africaine; 7 points sont ainsi
successivement envisagés: les droits civils et politiques, les droits économiques, sociaux et
culturels, les droits des peuples, les devoirs spécifiques, l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, la suppression et la punition du crime d'apartheid et l'élimination de toutes les
formes de discrimination à l'égard des femmes.
(34) Note adressée par le Président de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples, Doc. O.U.A. AHG/165 (XXV), Annexe XIII et Lettre de rappel du Président de la
Commission, 11 avril 1989, Doc. O.U.A. AHG /165 (XXV), Annexe XIV
564 LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
(35) Ils prévoient pour leur part un engagement des Etats d'une nature différente selon la
catégorie de droits concernés. Dans le cadre du premier pacte, il s'agit d'une obligation de moyens;
son article 2 parle en effet d'une mise en oeuvre progressive des droits par l'Etat, et ce, dans la
mesure de ses ressources disponibles. Dans le cadre du second pacte, il s'agit au contraire d'une
obligation de résultat (voir son article 2).
(36) Voir également l'article 114 (1) du Règlement intérieur de la Commission.
LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME 565
(50) 7 mai 1956, Requête Grèce c. Royaume Uni, à propos de la violation de la Convention
Européenne par l'administration de Chypre.
(51) Commission Européenne des Droits de l'Homme — Documents et décisions (1955-1956-
1957), La Haye, Martinus Nijhoff, 1959, p. 133.
(52) Règlement intérieur, articles 103 (1) et 114.
(53) Voir les articles 26 et 27 de la Convention Européenne et les articles 46 et 47 de la
Convention Américaine.
568 LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
(61 ) Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Kairaba Avenue, P.O. Box
673, Banjul, The Gambia, Tel. 92964.
(62) Informations recueillies auprès des membres de la Commission. Pour sa part, le rapport
annuel d'activités adopté en juin 1989 fait état des informations suivantes : sur la totalité des
communications déjà enregistrées par la Commission soit 38, vingt-quatre auraient déjà fait l'objet
d'une décision sur la recevabilité, trois auraient fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité, six
auraient fait l'objet d'une décision sur la saisine de la Commission (étape préliminaire de filtrage
prévue par l'article 55 (2) de la Charte Africaine) et cinq feront l'objet d'un examen lors des
prochaines sessions, Corrigendum au deuxième rapport d'activités de la Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples, Doc. O.U.A. AHG/165 (XXV) Corrg..
Le chiffre de 24 communications déclarées recevables ne nous paraît cependant pas correspondre
à la réalité; il est en effet relativement élevé si l'on en juge par les statistiques relatives aux
communications examinées par la Commission lors de la dernière en date de ses sessions (Banjul,
23 octobre-4 novembre 1989): sur les 98 communications traitées, six seulement seraient dirigées
contre des Etats parties à la Charte Africaine; les autres communications seraient dirigées contre
des pays tels que l'Afrique du Sud, les Etats Unis, le Mexique, le Nicaragua, le Salvador, les
Philippines, l'Indonésie ou 1TJ.R.S.S. par exemple. Si ces informations sont exactes, 92
communications sur 98 devraient être rejetées ex officia; il resterait ensuite à examiner si les conditions
de recevabilité (épuisement des recours internes en particulier) sont remplies pour les six autres.
(63) A titre de comparaison, sur les 343 requêtes individuelles reçues durant une période
équivalente (du 5 juillet 1955 au 31 décembre 1957) par la Commission Européenne, 277 ont été
déclarées irrecevables, 15 ont été rayées du rôle et 51 étaient encore pendantes (complément
d'informations etc..) devant elle, Commission Européenne des Droits de l'Homme Documents et
décisions (1955-1956-1957), p. 133.
(64) Voir supra, note 6.
570 LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
Conclusion
La place occupée par la Commission dans le système de sauvegarde des
droits de l'homme institué par la Charte Africaine est sans aucune mesure
avec celui des commissions régionales existantes dans le cadre américain et
européen. La Commission dispose certes d'une grande liberté de manœuvre
dans l'exercice de sa fonction de promotion des droits de l'homme en Afrique
mais est par contre beaucoup plus limitée en ce qui concerne sa fonction
de protection desdits droits. Dans ce domaine, et dans la meilleure des
hypothèses, le rôle de la Commission se limite, en effet, à l'établissement d'un
rapport dont la publication lui échappe puisque celle-ci relève de la décision
discrétionnaire de la Conférence (65). Dans leur quête d'un mécanisme de
sauvegarde des droits et libertés de l'homme et des peuples, les rédacteurs
de la Charte Africaine n'ont donc pas totalement ignoré la prédilection des
dirigeants africains pour le règlement politique de leurs différends. Cette
suprématie de la Conférence sur la Commission nous révèle très clairement
que dans le domaine particulier de la protection des droits de l'homme, les
Etats africains ont manifestement préféré l'autorité du Prince à la sagesse
du Juge. La formule retenue par la Charte Africaine se situe ainsi à mi-
chemin entre la solution minimaliste du système consacré au niveau
universel par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Comité
des droits de l'homme) (66) et de celle, maximaliste, du système consacré
au niveau régional par la Convention Européenne des Droits de l'Homme
(Cour et Commission). Cette pauvreté fonctionnelle de la Commission doit
toutefois être relativisée. La Commission peut en effet exploiter très
utilement sa fonction de promotion des droits de l'homme en attachant, par
exemple, une attention toute particulière à l'examen des rapports périodiques
des Etats et à la rédaction de son propre rapport annuel d'activités dont la
publication n'est en théorie pas soumise au veto de la Conférence. Il faut
aussi beaucoup espérer de la pratique actuelle de la Commission en matière
d'examen des communications non étatiques; si celle-ci se confirmait, la
Commission aurait réussi à créer de toutes pièces sa «compétence» dans ce
domaine et amorcerait ainsi une évolution telle que l'a connue par exemple
la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme; à l'origine conçue
comme un simple organe de promotion des droits de l'homme tels que définis
par la Déclaration Américaine des Droits et Devoirs de l'Homme de
1948 (67), cette commission s'est en effet peu à peu muée en un véritable
organe de protection des droits de l'homme en élargissant ses attributions
par une interprétation courageuse de son statut (68). Le nombre relative-
(65) Charte Africaine, articles 52, 58 (2) et 59 (2). En théorie, les décisions de la Conférence
sont prises à la majorité des deux tiers des Etats membres de l'O.U.A., article 10 de la Charte
constitutive de l'O.U.A., mais dans la pratique la Conférence essaie dans la mesure du possible
de les prendre par voie de consensus.
(66) La «saisine» du Comité des Droits de l'Homme par un Etat partie au Pacte ou par un
individu est en effet conditionnée par l'acceptation préalable de la compétence de ce comité par
les Etats intéressés (article 41 du Pacte et Protocole facultatif). Mais à l'instar de la Commission
Africaine, le Comité des Droits de l'Homme n'a pas la possibilité de publier le rapport établi à
propos d'un cas particulier; il doit toutefois le communiquer aux parties intéressés, Etats ou
individus (voir également article 45 du Pacte et article 6 du Protocole facultatif).
(67) Statut de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme, articles 1 et 2.
(68) La Commission Interaméricaine présente l'originalité d'exister indépendamment de la
Convention Américaine de 1969; elle a été créée dix ans plus tôt par une résolution prise lors
d'une réunion ministérielle de l'O.E.A., Résolution VIII, Fifth Meeting of Consultation of Ministers
of Foreign Affairs, Santiago (Chile), August 12-18 1959, Final Act, O.A.S. Off. Rec. OEA/Ser.C/II
5 (English), I960, pp. 10-11.
LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME 571
Le 15 janvier 1990
(69) La Commission a toutefois demandé à la Conférence que lui soient affectés un certain
nombre de cadres administratifs comme, par exemple dans l'immédiat, deux juristes, un
documentaliste et un traducteur français-anglais, Doc. O.U.A AHG/165 (XXV), Annexe XV.
(70) Seulement trois heures par jour; on mesure l'inconfort d'une telle situation quand on
sait que les machines à écrire comme la climatisation fonctionnent à l'électricité. La solution
consisterait pour le Secrétariat à se doter d'un groupe électrogène.
(71) Doc. O.U.A. AHG/165 (XXV), pp. 2-3 (## 11-12).