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N° 3292 – La Cour internationale de justice

Date de fraîcheur : 1 Février 2021

Tiphaine DEMARIA
Maître de conférences – Aix-Marseille université
Membre du Centre d’études et de recherches internationales et communautaire (CERIC)

1. Éléments clés

La Cour internationale de justice (CIJ) est l’organe judiciaire des Nations Unies (Charte des Nations Unies, art. 92), et un des organes principaux de cette
organisation (ibid., art. 7§ 1). C’est la seule juridiction internationale permanente à vocation universelle et compétence générale. Elle succède à la Cour
permanente de Justice internationale. Elle siège au Palais de la Paix, à La Haye, aux Pays-Bas.

Tous les États membres des Nations Unies sont parties au Statut de la Cour, lui-même annexé à la Charte. La CIJ est composée de 15 membres de nationalités
différentes, et ne connaît que les différends entre États. Le principe fondamental guidant sa compétence est celui du consensualisme : l’accord de l’État à voir
une affaire tranchée par la Cour de La Haye est toujours nécessaire. Les États parties au Statut de la Cour s’engagent à en respecter les décisions, et elles le
sont généralement (Charte des Nations Unies, art. 94).

La Cour a également une fonction consultative, lui permettant de donner un avis sur toute question juridique que lui poseraient l’Assemblée générale des Nations
Unies, le Conseil de sécurité et parfois les autres organes ou institutions spécialisées de l’ONU.

2. Textes de référence

Charte des Nations Unies

Statut de la CIJ, annexé à la Charte des Nations Unies

Règlement de la CIJ

Instructions de procédure

3. Bibliothèque LexisNexis

3.1. Fascicules JurisClasseur

JCl. Droit international, fasc. 215, 216, 217, 218, 300

3.2. Revues JurisClasseur

Journal du droit international (Clunet), « Chronique de jurisprudence de la Cour internationale »

Connaissances

1. Généralités

La CIJ succède à la Cour permanente de Justice internationale, qui commença son travail en 1922, au cœur des années folles, et partagea le triste sort de la
Société des Nations. Elle fut pourtant une grande réussite institutionnelle de l’entre-deux guerre, statuant sur 29 affaires contentieuses et presqu’autant d’avis
consultatifs.

Le principe d’une cour internationale est accepté dès Dumbarton Oaks (1944). Il existe une indéniable continuité entre les deux juridictions, car leurs statuts sont
quasiment similaires, et parce que la CIJ n’hésite pas à se référer aux décisions de devancière.

Elle fonctionne depuis avril 1946, et son Statut compte actuellement 193 États parties, pour atteindre la quasi-universalité. Elle est la seule juridiction
internationale permanente à vocation universelle et compétence générale.

2. Organisation de la Cour

2.1. Composition de la Cour

2.1.1. Les juges élus

Les 15 juges « ordinaires » de la Cour sont élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies. Les deux organes se
prononcent indépendamment et à la majorité absolue. Les candidatures sont présentées via les « groupes nationaux » de la Cour permanente d’arbitrage. Les
prétendants doivent disposer d’une haute considération morale, ainsi qu’une « compétence notoire en matière de droit international » (Statut de la CIJ, art. 2). En
outre, les électeurs « assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde » (ibid.,
art. 9).

En pratique, la composition suit approximativement celle du Conseil de sécurité :

chacun des membres permanents du Conseil de sécurité dispose d’un magistrat de sa nationalité ;

6 sièges sont accordés aux États africains et asiatiques ;


2 aux États d’Amérique latine ;

2 pour l’Europe orientale

5 juges européens et autres (JCl. Droit international, fasc. 215, n° 65).

Les juges sont rééligibles, disposent de privilèges et immunités diplomatiques nécessaires à l’exercice de leur fonction, et n’exercent aucune autre activité
politique ou professionnelle. Une controverse est née suite à la publication d’une étude montrant que de nombreux juges participaient à des arbitrages d’
investissements durant leur mandat. En 2018, le président de la Cour, le juge Yusuf, a indiqué que cette pratique prendrait fin. Ils siègent pour 9 ans, le
renouvellement de la Cour étant d’un tiers tous les 3 ans.

Conseil : Les élections organisées en novembre 2017 ont abouti à une issue inhabituelle. En effet, si l’élection des juges R. Abraham (France), Abdulqawi
Yusuf (Somalie), Antônio Augusto Cançado Trindade (Brésil) et Nawaf Salam (Liban) fut acquise assez aisément, l’Assemblée générale et le Conseil de
sécurité n’ont pu tomber d’accord sur l’attribution du dernier siège. Le Conseil de sécurité désignant C. Greenwood (Royaume-Uni), et D. Bhandari (Inde)
ayant la faveur de l’Assemblée. Tous deux briguaient une réélection. C’est finalement le juge indien qui a obtenu le siège suite au désistement de son
adversaire. Il s’agit de la première fois depuis la création de la Cour que le Royaume-Uni ne compte de représentant à La Haye, et seulement la seconde fois
qu’un membre permanent du Conseil de sécurité de dispose pas de juge de sa nationalité (depuis la Chine entre 1967 et 1984).

2.1.2. Les juges ad hoc

Si un État partie à une procédure contentieuse (et même en principe pour certaines procédures consultatives) ne dispose pas de juge de sa nationalité, lui est
accordée la possibilité de désigner un juge ad hoc, un membre occasionnel pour un litige particulier. Le magistrat concerné n’a pas impérativement la
nationalité de cet État. Plus encore, et comme tous les membres de la Cour, il accomplit ses attributions « en pleine impartialité et en toute conscience » (Statut
de la CIJ, art. 20), et peut se prononcer en défaveur de l’État qui l’a désigné, ce qui est arrivé occasionnellement. Ce fut le cas de Mme Bastid, dans l’affaire de la
Demande en révision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (CIJ, 10 déc. 1985, Tunisie c/ Jamahiriya arabe
libyenne : Rec. 1985, p. 247 et s.).

Dans l’hypothèse où plusieurs États sont considérés comme faisant « cause commune », il ne peut être désigné qu’un seul magistrat ad hoc (Statut de la CIJ,
art. 20). À titre illustratif, l’affaire du Sud-Ouest africain (CIJ, 18 juill. 1966, Éthiopie et Libéria c/ Afrique du Sud ; exceptions préliminaires : Rec. 1962, p. 321).

En 2013, la Cour a procédé à la jonction de deux affaires opposant le Costa Rica au Nicaragua, alors même que le premier État avait désigné un juge ad hoc
différent pour chacune de ces instances. Finalement, le juge ad hoc B. Simma a démissionné de ses fonctions (Certaines activités menées par le Nicaragua dans
la région frontalière (Costa Rica c/ Nicaragua ; Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c/ Costa Rica, CIJ, 16 déc. 2015 :
Rec. 2015, § 20)).

2.2. Fonctionnement de la Cour

La Cour statue normalement en séance plénière. Les décisions sont prises à la majorité des juges présents, le président disposant d’une voix prépondérante en
cas d’égalité, qui permît à Max Hubert, alors président de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), de trancher la célèbre affaire du Lotus (CIJ,
7 sept. 1927, France c/ Turquie ; Série A, n° 10). La CIJ dispose de la possibilité de constituer différentes formations restreintes. Une « chambre verte » pour
les questions environnementales a ainsi été créée, mais jamais utilisée. En revanche, des chambres spéciales (pour une affaire déterminée) ont souvent
fonctionné.

Un président et un vice-président sont élus par les membres de la Cour (V. Règlement de la CIJ, art. 10 et s.). La présidente actuelle est Mme Joan E.
Donoghue (États-Unis d’Amérique). M. Kirill Gevorgian (Fédération de Russie) est vice-président. Enfin, la Cour est assistée et administrée par un greffe. Depuis
2000, le greffier est Philippe Couvreur, de nationalité belge. Il est remplacé le 1er juillet 2019 par Philippe Gautier, ancien greffier du TIDM.

3. Compétence de la Cour

La Cour exerce une compétence contentieuse et une compétence consultative, c’est-à-dire la faculté de rendre des avis. Même lorsqu’elle exerce cette deuxième
activité, elle « ne peut pas se départir des règles essentielles qui dirigent son activité de tribunal » (CPJI, 23 juill. 1923, Finlande c/ Russie, Statut de la Carélie
orientale, Série B, n° 5, p. 29).

3.1. Compétence contentieuse

La CIJ règle, conformément au droit international, les différends qui lui sont soumis (Statut de la CIJ, art. 38). Sa compétence repose essentiellement sur deux
piliers : l’ouverture de son prétoire aux seuls États et l’expression d’un consentement.

3.1.1. Compétence ratione personae

Seuls les États peuvent ester devant la Cour, selon l’article 34 du Statut (Statut de la CIJ, art. 34). La qualité de partie au Statut est également requise (Statut
de la CIJ, art. 35), étant entendu que les membres des Nations Unies sont ipso facto parties à ce dernier (Charte des Nations Unies, art. 93). Ce point fut
discuté avec une certaine gravité dans une série d’affaires concernant la dissolution de l’ex-Yougoslavie (JCl. Droit international, fasc. 216, n° 6).

Les États non membres de l’ONU peuvent adhérer au Statut, comme la Suisse ou le Liechtenstein avant qu’ils soient parties à la Charte, conformément à l’
article 93n° 2 du même document (Charte des Nations Unies, art. 93 § 2). L’Assemblée générale décide alors des conditions de cette adhésion, sur
recommandation du Conseil de sécurité. Généralement, il est demandé à l’État concerné d’accepter les dispositions du Statut, de se conformer à l’article 94 de la
Charte, et de participer aux frais de la Cour.
En outre, certains, même non parties au Statut, peuvent ester devant la Cour suivant les conditions fixées par le Conseil de sécurité dans sa 9e résolution de
1946. Cette situation est d’une pleine actualité, la Palestine ayant déposé une déclaration à ce titre le 4 juillet 2018 puis une requête contre les États-Unis
en septembre à propos du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Enfin, « une instance peut être valablement introduite par un État contre un autre État qui, sans être partie au Statut, est partie à une telle disposition particulière
d'un traité en vigueur, et ce indépendamment des conditions réglées par le Conseil de sécurité dans sa Résolution 9 (1946) » (Application de la convention sur le
génocide, ordonnance : Rec. 1993, p. 14, n° 19). Cette dernière situation, qui semble être un reliquat du Statut de la CPJI, est limitée aux traités conclus avant l’
entrée en vigueur du Statut : l’exception « ne s’applique qu’aux traités en vigueur à la date de l’entrée en vigueur du Statut et non aux traités conclus depuis
cette date » (Licéité de l’emploi de la force : CIJ, Serbie et Monténégro c/ Belgique, exceptions préliminaires, arrêt : Rec. 2004, p. 324, n° 113), ce qui en fait une
hypothèse aujourd’hui marginale.

Attention : La Cour n’est compétente que pour connaître des différends entre États. Les personnes physiques et morales, si une action directe leur est
reconnue dans certains prétoires internationaux (comme la Cour EDH), n’y ont jamais accès. Ils ne peuvent non plus y être poursuivis, comme à la Cour
pénale internationale qui siège également à La Haye. Il est possible que les intérêts de ressortissants soient au cœur d’une affaire soumise à la Cour, et
notamment par l’intermédiaire de la protection diplomatique (JCl. Droit international, fasc. 218, n° 55 et s.), ou plus généralement lorsqu’ils défendent les
intérêts de leurs nationaux. Ainsi de nombreuses affaires portent le nom de ces personnes ou de ces entreprises. Ce fut le cas, par exemple, de l’affaire ELSI
(CIJ, 20 juill. 1989, Elettronica Sicula, États-Unis d'Amérique c/ Italie : Rec. CIJ 1989, p. 15).

Sur une base purement quantitative, les États ayant le plus recouru, comme demandeur ou dans le cadre d’un compromis, sont l’Allemagne (5 affaires), la
Belgique (idem), les États-Unis (10 affaires), la France (6 affaires), la Libye (5 affaires), le Nicaragua (8 affaires), la RDC (5 affaires), le Royaume-Uni (8 affaires)
et la Serbie (8 affaires, mais très liées).

3.1.2. Consentement

Selon l’article 36 du Statut, la compétence de la Cour « s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus
dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur » (Statut de la CIJ, art. 36). L’expression d’un consentement est donc la condition
première de sa compétence. La juridiction internationale est par principe facultative. En effet, si les États ont l’obligation de régler pacifiquement leurs
différends (Charte des NU, art. 33), rien ne leur impose (sauf éventuellement eux-mêmes !) le recours à une juridiction plutôt que l’arbitrage, la conciliation, la
médiation ou la négociation directe.

La CPJI a très tôt affirmé que « la juridiction de la Cour dépend de la volonté des Parties » (CIJ, 26 avr. 1928, Droit des minorités en Haute Silésie (écoles
minoritaires), Allemagne c/ Pologne ; Série A, n° 15, p. 22). Dans l’affaire l’Or monétaire pris à Rome en 1943, la CIJ déclare qu’il est un « principe de droit
international bien établi et incorporé dans le Statut, à savoir que la Cour ne peut exercer sa juridiction à l'égard d'un État si ce n'est avec le consentement de ce
dernier » (CIJ, 15 juin 1954, l’Or monétaire pris à Rome en 1943, Italie c/ France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, et États-Unis d’
Amérique ; question préliminaire : Rec. 1954, p. 32). Partant, cette exigence n’obéit pas à un formalisme excessif (CIJ, 25 mars 1948, Détroit de Corfou,
Royaume-Uni c/ Albanie ; Exceptions préliminaires : Rec. 1948, p. 27).

Il est coutume de distinguer 4 modalités d’expression du consentement : la soumission d’un compromis de juridiction, l’existence d’une clause
compromissoire, la clause d’acceptation générale et le forum prorogatum.

Compromis

Le compromis est l’acte par lequel 2 États soumettent un différend à la Cour par un accord, pour un litige qui est déjà né et actuel. La Cour a pu préciser que
tout « compromis d'arbitrage constitue un accord entre États qui doit être interprété selon les règles du droit international général régissant l’interprétation des
traités » (Sent. arb. 31 juill. 1989, Guinée c/ Sénégal : Rec. 1991, p. 69. – V. généralement L.-C. Marion, RGDIP 1995, p. 257 et s.).

Clause compromissoire

Une clause compromissoire se trouve dans un traité. En substance, elle affirme souvent que « tout différend relatif à l’interprétation ou l’application de la présente
convention qui pourrait s’élever entre les Parties […] pourra être soumis à la Cour internationale de Justice […] ». À la différence du compromis, cette clause
apparaît dès la signature du traité, et la base de compétence existe a priori, avant que le différend ne survienne. Le plus souvent, ces clauses sont présentes
dans des conventions thématiques, comme celle sur le génocide de 1948 (art. IX) ou la torture de 1984 (art. 30). Il existe également, mais elles sont rares, des
conventions générales sur le règlement pacifique des différends, comme l’Acte général d’arbitrage de 1928. L’annuaire 2013-2014 de la Cour indique que plus de
300 traités renvoient à sa compétence, ayant à l’esprit que les clauses qui se référaient à la CPJI sont toujours applicables pour la CIJ (Statut de la CIJ, art. 37)
. Néanmoins, les États émettent souvent des réserves à ces dispositions.

Conseil : Dans le cas d’une clause compromissoire, comme d’une déclaration facultative (ci-dessous), il est possible de parler de « juridiction obligatoire »
de la Cour, le consentement étant donné a priori et ne nécessitant pas d’acceptation ultérieure, mais simplement une requête de l’État demandeur. Toutefois,
les clauses compromissoires comportent souvent certaines conditions, comme l’obligation de négociation préalable. Les États pourront alors soulever des
exceptions préliminaires pour contester la compétence de la Cour.

Clause facultative de juridiction obligatoire

On l’appelle parfois « clause d’option ». Il s’agit d’un acte unilatéral par lequel l’État reconnaît de lui-même la compétence de la Cour. Son régime juridique est
précisé à l’article 36, § 2 du Statut. Il s’agit d’une acceptation générale, voulant que tout État ayant accompli une procédure similaire puisse saisir la Cour par
requête unilatérale. Cependant, peu d’États y ont recours : sur 193 États parties au Statut, 72 déclarations sont en vigueur. Parmi les membres du Conseil de
sécurité, seule la déclaration de la Grande-Bretagne est aujourd’hui d’actualité. La France et les États-Unis ont décidé de prendre leurs distances avec la Cour,
en retirant leurs déclarations suite, respectivement, aux affaires des Essais nucléaires (CIJ, 20 déc. 1974, Nouvelle-Zélande c/ France) et des Activités militaires
et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci (CIJ, 27 juin 1986, Nicaragua c/ États-Unis).

De nombreuses clauses facultatives contiennent des « réserves », des limitations posées a priori à la compétence de la Cour, qui peuvent être temporelles
comme matérielles (V. JCl. Droit international, fasc. 216). Elles sont diversement formulées, mais, par exemple, certaines déclarations excluent la compétence de
la Cour pour les faits se rattachant à la défense nationale. D’autres excluent la compétence de la Cour relativement à l’interprétation ou l’application d’un traité
multilatéral lorsque, dans l’affaire soumise, l’intégralité des Parties n’est pas présente à l’instance (« Réserve Vandenberg »).

Attention : Pour que la Cour soit valablement saisie sur la base de l’article 36, § 2, il est nécessaire que les 2 États aient accompli cette formalité, selon le
principe de réciprocité. De même, leurs déclarations doivent coïncider matériellement : ainsi un État peut se prévaloir des « réserves » effectuées par son
adversaire (CIJ, 6 juill. 1957, Certains emprunts norvégiens, France c/ Norvège : Rec. 1957, p. 27).

Forum prorogatum

Le forum prorogatum est le principe par lequel la CIJ déduit du comportement de l’État, après la requête, qu’il consent à la compétence de la Cour même si la
base initiale est formellement inexistante ou insuffisante. Cette modalité fut notamment reconnue dans l’affaire du Détroit de Corfou (CIJ, 25 mars 1948,
Albanie c/ Grande-Bretagne ; op.cit., p. 27) opposant l’Albanie à la Grande-Bretagne, ou encore l’affaire Haya de la Torre (CIJ, 13 juin 1951, Colombie c/ Pérou :
Rec. 1951, p. 78).

Conseil : L’article 38 du Règlement de la Cour met en œuvre une forme particulière de forum prorogatum permettant à un État d’ouvrir une procédure sans
base de compétence initiale, mais « offrant » à l’autre une possibilité d’exprimer son consentement. Ce n’est que dans ce cas que l’affaire est inscrite au
rôle. Cette procédure a été appliquée dans l’affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide en matière pénale (CIJ, 4 juin 2008, Djibouti c
/ France : Rec. 2008, p. 205 et s.).

3.2. Compétence consultative

La CIJ peut rendre des avis consultatifs sur « toute question juridique » (Statut de la CIJ, art. 65). À la différence de la fonction contentieuse, ils ne peuvent être
demandés que par des organisations internationales ou des organes des Nations Unies (Charte des Nations Unies, art. 96. – Statut de la CIJ, art. 65). En
premier lieu, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité disposent d’une faculté générale de commander des avis, bien que l’opportunité fut plus volontiers
saisie par l’Assemblée que le Conseil (un seul avis demandé, dans l’affaire des Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du
Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité : Rec. 1971, p. 16).

D’autre part, les autres organes de l'Organisation et institutions spécialisées peuvent recevoir une autorisation de l’Assemblée générale, leur conférant « le droit
de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité ». L’Assemblée a ainsi confié cette
compétence à de nombreux organes (comme le Conseil économique et social : ECOSOC) ou institutions spécialisées telles l’Organisation des Nations unies pour
l’éducation, les sciences et la culture (UNESCO) ou encore l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Attention : Conformément à l’article 96, cette dernière organisation s’est vu refuser un avis consultatif car la question dépassait le cadre de ses activités (CIJ,
avis, 8 juill. 1996, Licéité de l'utilisation d'armes nucléaires dans un conflit armé : Rec. 1996, p. 84, n° 31).

La Cour a été amenée à se prononcer sur des questions délicates d’un point de vue politique, comme l’avis relatif aux Conséquences juridiques de l’
édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (CIJ, avis, 9 juill. 2004 : Rec. 2004, p. 136), ou encore l’avis sur la conformité au droit international
de la déclaration d’indépendance du Kosovo (CIJ, avis, 22 juill. 2010 : Rec. 2010, p. 403). En 2019, elle a statué sur la licéité du processus de décolonisation de
Maurice, et a constaté que le Royaume-Uni n’avait pas respecté ses obligations internationales (CIJ, avis, 25 févr. 2019).

Cependant, qu’une question « revête par ailleurs des aspects politiques, comme c'est, par la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui viennent
à se poser dans la vie internationale, ne suffit pas à la priver de son caractère de ‘question juridique’ » (CIJ, avis, 8 juill. 1996, Licéité de l'utilisation d'armes
nucléaires dans un conflit armé : Rec. 1996, p. 73).

Notons néanmoins que la Cour voit dans son pouvoir de donner des avis une compétence discrétionnaire. Elle peut donc décider, s’il existe des « raisons
décisives », d’opposer un refus à une demande d’avis (CIJ, avis, 30 mars 1950, Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie (première phase) : Rec. 1950, p. 72 – CIJ, avis, 23 oct. 1956, Jugements du tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contre L'Unesco : Rec. 1956,
p. 86).

4. Déroulement de l’instance

4.1. En matière contentieuse

4.1.1. Généralités

La procédure

Elle se déroule en 2 phases : une phase écrite, constituée par le dépôt de mémoires et des pièces écrites, ainsi qu’une phase orale, même si cela n’est
nullement obligatoire. Dans au moins deux affaires (l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo) et certaines
activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), seules des pièces écrites ont été déposées pour la phase d’évaluation du
préjudice. Les parties sont représentées par des agents et des conseils. Le principe général est ici de préserver l’égalité entre les parties. En matière de preuve,
il appartient à chaque État de soutenir ses propres allégations (CIJ, 11 nov. 2013, Temple de Préah Vihéa, Cambodge c/ Thaïlande : Rec. 1962, p. 16).
La Cour dispose également de pouvoirs d’instruction, comme de demander une expertise. Elle a même pu « descendre sur les lieux » dans l’affaire du Projet
de barrage Gabcikovo-Nagymaros (V. les remarques de J.-M. Thouvenin, AFDI, 1997, p. 333 et s.).

Non-participation

Il est arrivé qu’une partie ne défende pas ses intérêts. Ainsi, l’Iran, lors de l’affaire des otages, ne s’est pas présenté devant la Cour (Personnel diplomatique et
consulaire des États-Unis à Téhéran : Rec. 1980, p. 3). Cependant, l’absence de la partie concernée n’affecte pas la validité de l’arrêt (Statut de la CIJ,
art. 53). De même, l'État reste partie au procès et sera lié par la décision. La Cour doit alors « remplacer » en quelque sorte le défendeur, mais cette obligation
est limitée, elle n’a pas « la tâche d'en vérifier l'exactitude dans tous les détails [...]. Il suffit que, par les voies qui lui paraissent appropriées, la Cour acquière la
conviction que ces conclusions sont fondées » (CIJ, 25 mars 1948, Détroit de Corfou, Royaume-Uni c/ Albanie ; Exceptions préliminaires : Rec. 1949, p. 248).

4.1.2. Procédures incidentes

Les procédures incidentes sont nombreuses. Nous ne pourrons donner ici que quelques indications générales.

Intervention

Lorsqu’un État estime qu’une affaire est susceptible d’affecter ses droits et intérêts d’ordre juridique, il peut exposer ses vues à la Cour en adressant une
requête à fin d’intervention (art. 62-1 du Statut). De la même manière, l’article 63 lui donne un droit « lorsqu'il s'agit de l'interprétation d'une convention à laquelle
ont participé d'autres États que les parties en litige ». À titre illustratif, V. CIJ, ord., 6 févr. 2013, Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c/ Japon),
déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande : Rec. 2013, p. 3.

Mesures conservatoires

La Cour dispose du pouvoir d’indiquer, à la demande des parties ou d’office, des mesures urgentes visant à préserver les droits des États dans le litige qui lui est
soumis. « La Cour doit se préoccuper de sauvegarder les droits que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement reconnaître, soit au
demandeur, soit au défendeur » (CIJ, 10 oct. 2002, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria : Rec. 1996, vol. II, p. 22).

Exemple : Par exemple, dans une série d’affaires, il a été demandé aux États-Unis de suspendre l’exécution de ressortissants étrangers (V. CIJ, 5 févr. 2003,
Avena et autres ressortissants mexicains, Mexique c/ États-Unis, mesures conservatoires, ordonnance : Rec. 2003, p. 77).

Une mesure similaire a été prescrite dans l’affaire Jadhav, ressortissant indien condamné à mort au Pakistan pour espionnage (CIJ, ord., 18 mai 2017, aff.
Jadhav, Inde c/ Pakistan, demande en indication de mesures conservatoires : Rec. 2017, p. 231).

Dans l’affaire Gambie c/ Myanmar, à propos du génocide des Rohingyas, la Cour a demandé à la Birmanie de prendre les mesures nécessaires afin de
prévenir les atteintes à l’intégrité physique des membres de cette minorité (CIJ, ord., 23 janv. 2020, Application de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Gambie c/ Myanmar)). Elle a même demandé à cet État de rendre des rapports périodiques indiquant les mesures prises
pour remplir ses obligations. À partir de 2021, sera créée à l’intérieur de la Cour une commission ad hoc de trois juges afin d’assurer le suivi de la mise en
œuvre des mesures indiquées dans une affaire.

La Cour doit tout d’abord examiner sa compétence prima facie. Cet examen ne préjuge en rien de sa « réelle » compétence, qui sera examinée dans une phase
ultérieure. Il est arrivé que la Cour, indiquant des mesures conservatoires et donc se reconnaissant prima facie compétente, se déclare ensuite incompétente au
stade des exceptions préliminaires (CIJ, 1er avr. 2011, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,
Géorgie c/ Fédération de Russie, exceptions préliminaires, arrêt : Rec. 2011, p. 70).

La Cour examine ensuite s’il y a des droits plausibles en cause susceptible d’être protégés (CIJ, Obligation de poursuivre ou d’extrader Belgique c/ RDC : Rec.
2009, p. 151), et s’il y a un lien entre ces droits revendiqués et les mesures demandées. Ensuite, c’est l’existence d’une urgence, d’un risque réel et
imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige qui fait l’objet de l’attention des magistrats (CIJ, 29 juill. 1991, Passage par le Grand-Belt,
Finlande c/ Danemark : Rec. 1991, p. 17).

Les ordonnances en indication de mesures conservatoires sont obligatoires. C’est la position de la Cour en l’affaire LaGrand (CIJ, 27 juin 2001, Allemagne c/
États-Unis : Rec. 2001, p. 506), dans laquelle un ressortissant allemand fut exécuté aux États-Unis, en contrariété avec les mesures indiquées.

Exceptions préliminaires

Il n’est pas rare que les États invoquent des exceptions préliminaires visant à contester la compétence de la juridiction, ou la recevabilité de la requête. La
procédure des exceptions, examinées in limine litis, est un véritable « procès dans le procès », faisant souvent l’objet d’un arrêt séparé (même si l’examen des
exceptions peut être joint au fond de l’affaire). C’est à la Cour qu’il revient de trancher cette question, car elle a la « compétence de sa compétence ». Bien sûr, le
but d’une exception soulevée est généralement de faire en sorte que l’affaire ne soit pas tranchée au fond, et par là même une décision potentiellement
défavorable tant sur plan juridique que politique. En règle générale, on conteste la validité ou la pertinence du titre de compétence soulevé (possibilité d’activer la
clause compromissoire ou la déclaration facultative) ; ou des conditions particulières de recevabilité d’une requête (cas, par exemple, de la protection
diplomatique). Au total, dans au moins une quarantaine de requêtes la Cour n’a pas statué en raison de ces exceptions.

Exemple : On trouvera un bon d’exemple d’exceptions préliminaires « réussies » dans trois affaires intitulées Obligations relatives à des négociations
concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire, opposant les Îles Marshall aux Royaume-Uni, à l’Inde et au Pakistan.
La Cour a accueilli les arguments des défendeurs et donc refusé d’examiner l’affaire au fond. Selon les juges, il n’existait pas de « différend » au moment du
dépôt de la requête, car les Îles Marshall n’avaient pas soulevé de griefs suffisamment précis à l’encontre de ces États. L’opposition de vues entre les parties,
nécessaire à la compétence de la Cour, n’était donc pas constituée (CIJ, 5 oct. 2016, arrêt : Rec. 2016, p. 833).
Demandes reconventionnelles

Le régime des demandes reconventionnelles est fixé par l’article 80 du Règlement. Il est possible, alors qu’un État est défendeur au cours d’une procédure, qu’il
soumette lui-même des conclusions visant par exemple à engager la responsabilité de l’État à l’origine demandeur. Il est nécessaire que la demande relève de la
compétence de la Cour et soit en lien (de « connexité directe ») avec l’objet de la demande initiale.

Exemple : Pour illustration, la Cour a déclaré recevables les demandes reconventionnelles dans l’affaire Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et
le Nigeria (CIJ, 11 juin 1998, Cameroun c/ Nigeria : Rec. 1999, p. 983). Pour la Cour, les demandes reconventionnelles portaient sur des faits de même
nature, commis le long de la frontière entre les deux États, et poursuivaient le même but juridique, justifiant ainsi qu’elles soient traitées dans la même
instance.

4.1.3. Décisions de la Cour

Après les tours de pièces écrites et de plaidoiries, l’affaire est mise en délibéré. Au terme d’une procédure qui est secrète, l’arrêt est adopté à la majorité absolue.

L’arrêt de la Cour est obligatoire (Charte des Nations Unies, art. 94). Mais, selon l’article 59 du Statut, « que pour les parties en litige et dans le cas qui a été
décidé », il a donc l’autorité relative de la chose jugée. L’arrêt peut porter sur les exceptions préliminaires, le fond, et parfois même le montant de la réparation
accordée pour violation du droit international (inter alia, CIJ, 19 juin 2012, Ahmadou Sadio Diallo, République de Guinée c/ République démocratique du Congo :
Rec. 2012, p. 324). Les décisions de la Cour sont généralement agrémentées d’opinions individuelles concordantes ou dissidentes, des juges de la Cour.

Il existe une procédure en interprétation des arrêts (Statut de la CIJ, art. 60). Elle vise à « éclaircir le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force
obligatoire par l'arrêt » (Demande d'interprétation de l'Arrêt du 20 novembre 1950 en l'affaire du droit d'asile : Rec. 1950, p. 402). De même, les Parties peuvent
en demander la révision, dès lors qu’un « fait nouveau » susceptible d’exercer une influence décisive sur la solution survient. L’article 61 du Statut précise les
conditions (cumulatives) de cette procédure particulièrement restrictive qui n’a jamais abouti.

4.2. En matière consultative

La procédure consultative a pour objet non plus de trancher des différends, mais de « participer à l’action de l’Organisation » (inter alia, Certaines dépenses des
Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte) : Rec. 1962, p. 155). La procédure applicable apparaît aux articles 102 et suivants du Règlement. Nous
avons déjà examiné les organes et institutions habilités à demander un avis.

La procédure s’inspire du contentieux, mais est plus souple en matière consultative. Les États et organisations internationales considérés par la Cour comme
pouvant fournir des renseignements sont invités à lui soumettre des observations. À la différence de l’arrêt, l’avis est dépourvu de toute force obligatoire. Il ne
faut toutefois pas amoindrir la grande autorité morale qui s’attache à ces décisions, qui sont généralement respectées. Il existe d’ailleurs des exceptions d’« avis
contraignants », par exemple lorsque un traité prévoit un tel caractère, qui leur est ainsi conféré « par ricochet ». C’est le cas des avis rendus dans le cadre de la
section 30 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies de 1946.

5. Conclusion

La Cour internationale de Justice est la juridiction phare de l’ordre international et du règlement pacifique et juridictionnel des différends. Elle exerce une
grande influence morale, et le rayonnement juridique de ses arrêts, comme de ses avis, est indéniable.

Malgré une période de faible activité, un regain – déjà ancien – d’attractivité pour la Cour se fait sentir. Elle a été saisie de plus de 170 affaires, dont 14 sont
pendantes en janvier 2021. Ces affaires concernent majoritairement des questions de responsabilité internationale ou de délimitation des frontières.

Pour aller plus loin :

J.-P. Cot, A. Pellet, M. Forteau, La Charte des Nations Unies. Commentaire article par article, 3e éd., Paris, Economica, 2005

G. Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice, Cambridge, Cambridge UP, 1986

G. Guyomar, Commentaire du règlement de la Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 1983

R. Kolb, La Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 2013

R. Kolb, The Elgar Companion to the International Court of Justice, Cheltenham, E. Edgar, 2016

S. Rosenne, Essays on international law and practice, Leiden, Martinus Nijhoff, 2007

M. Shaw, Rosenne’s Law and Practice of the International Court, 1920-2015, 4 Vol., 5e éd., Leiden, Brill, Martinus Nijhof

A. Zimmermann, K. Oellers-Frahm, C. Tomuschat, C. J. Tams, The Statute of the International Court of Justice : A Commentary, 2e éd., Oxford, OUP,
2012

La juridiction internationale permanente, colloque SFDI de Lyon, Paris, Pedone, 1987

B. Stern, 20 ans de jurisprudence de la Cour internationale de Justice (1975-1995), La Haye, Martinus Nijhoff, 1998.

Exercices

1. Cas pratique
1.1. Énoncé

Le 1er mai 2015, l’État Y dépose au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance au sujet du différend l’opposant à l’État Z. Y soulève, en particulier, la
violation de l’article 2, § 4 de la Charte des Nations Unies (à laquelle les 2 sont parties) et le droit international coutumier interdisant aux États de recourir à la
force. La compétence de la Cour est fondée, selon Y, par les déclarations suivantes.

Déclaration du gouvernement de l’État Z.

« L’État Z reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre État acceptant la même obligation, la compétence de la
Cour internationale de Justice sur tous les différends d'ordre juridique qui s'élèveront à l'avenir […] sous réserve que cette déclaration ne s'applique pas :

(a) aux différends dont la solution est confiée par les parties à d'autres tribunaux ; ou

(b) aux différends relatifs à des questions relevant essentiellement de la compétence nationale de Z, telle qu'elle est fixée par Z ; ou

(c) aux différends résultant d'un traité multilatéral, à moins que Z accepte expressément la compétence de la Cour […] »

Déclaration du Gouvernement de l’État Y.

« Au nom de la République du Y je déclare reconnaître comme obligatoire et sans condition la juridiction de la Cour permanente de Justice internationale »

La Cour est-elle compétente ?

1.2. Corrigé

Comme indiqué, les 2 États sont membres des Nations Unies et donc ipso facto parties au Statut de la Cour. L’expression du consentement est ici matérialisée
par 2 clauses facultatives de juridiction obligatoire. Cependant, la déclaration d’Y fait référence à la CPJI. Or, il est précisé dans le Statut (Statut de la CIJ,
art. 36n° 5) que les clauses déposées en application du Statut de la Cour permanente sont toujours opposables pour la CIJ. Cela ne semble donc pas un
obstacle à la compétence de la Cour. Il faut, en outre, examiner les conditions fixées par Z pour s’assurer de son consentement à la compétence de la Cour.

L’alinéa b) fait référence aux différends relevant de sa compétence nationale, telle que fixée par l’État Z. Ce type de limitations, dites « réserves automatiques »,
permet à l’État de se soustraire à la compétence de la Cour dès lors qu’il qualifie lui-même une situation de compétence nationale, ce qui semble incompatible
avec le Statut de la Cour, car paralyse les effets de la clause facultative et la « compétence de la compétence ». Celle-ci ne s’est cependant jamais prononcée
sur la nullité de cette clause (V. not. l’affaire des Emprunts norvégiens (op.cit.).

L’alinéa c) précise que la Cour n’est pas compétente pour les « différends résultant d'un traité multilatéral ». Communément appelée réserve « Vandenberg », elle
permet d’exclure ici l’application de la Charte des Nations Unies, traité multilatéral par excellence. Cependant, elle devrait être sans effet au sujet du droit
international coutumier. En effet, en vertu du principe d’équivalence des sources, « le fait que les principes susmentionnés, et reconnus comme tels, sont codifiés
ou incorporés dans des conventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister et de s'appliquer en tant que principes de droit coutumier » (V. Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua… op.cit., p. 424).

Sous réserve de la nullité (ou de l’absence d’invocation de l’alinéa b)), la Cour semble donc compétente au titre du droit international coutumier. (V. Fiche
pédagogique n° 3187 : Résoudre un cas pratique).

2. Dissertation

2.1. Énoncé

« La portée des décisions de la CIJ ».

2.2. Corrigé

Introduction :

Historique de la création de la Cour. Rapports avec les autres tribunaux internationaux, et de ses relations avec l’Organisation des Nations Unies. Composition de
la Cour, fonctionnement et fonctions qui lui sont conférées par le Statut (contentieuse et consultative).

L’autorité des décisions de la CIJ

L’autorité relative des arrêts de la Cour

Autorité de la chose jugée. Autorité relative. Caractère obligatoire pour les parties. Le Statut indique que la « décision de la Cour n'est obligatoire que pour les
parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». Références constantes de la Cour à ses arrêts antérieurs.

L’absence relative d’autorité des autres décisions de la Cour

Absence de caractère obligatoire des avis et des ordonnances. Exceptions pour les avis « contraignants ». Autorité morale des avis. Tendance générale de la
part des organisations à se conformer aux avis. Reconnaissance du caractère obligatoire des ordonnances en indication de mesures conservatoires et
implications.

La mise en œuvre des arrêts de la CIJ


La contestation et l’interprétation des arrêts de la Cour

Procédure d’interprétation. Conditions. Possibilité de demander des mesures conservatoires pour cette procédure. Procédure de révision. Conditions et difficultés.

L’exécution des arrêts de la Cour

La force exécutoire est traditionnellement distincte de l’autorité des arrêts. Les États doivent exécuter de bonne foi les décisions de la Cour internationale de
Justice. Cela est généralement le cas, non sans célèbres exceptions. La Charte des Nations Unies prévoit, de manière assez imprécise, un recours possible au
Conseil de sécurité en cas d’inexécution d’un arrêt de la Cour (V. Fiche pédagogique n° 3335 : Rédiger une dissertation).

Outils

1. Glossaire

différend : selon un arrêt très célèbre de 1924, « (u)n différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de
thèses juridiques ou d’intérêts entre 2 personnes » (CPJI, Concessions Mavrommatis en Palestine, Série A, n° 2, p. 11) ;

exception préliminaire : « (m)oyen invoqué au cours de la première phase d’une instance et tendant à obtenir que le tribunal saisi tranche une question
préalable avant d’aborder l’examen du fond de l’affaire, le but de l’exception étant le plus souvent d’obtenir qu’il ne soit pas passé à l’examen du fond » (
Salmon J. (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p. 474.) ;

juge ad hoc : juge désigné par une partie à une affaire devant la Cour, ne disposant pas de magistrat de sa nationalité ;

mesures conservatoires : mesures ordonnées par ordonnance, visant à préserver la situation avant un règlement du litige au fond ;

non liquet : « (im)possibilité pour le juge ou l’arbitre de statuer sur le fond de l’affaire à cause d’une insuffisance d’informations sur les faits ou faute de
base suffisante relative au droit en vigueur entre les parties pour prendre une décision » (Salmon J. (dir.), op.cit., p. 747) ;

ordonnance : décision visant à régler des points de procédure et de direction du procès, sans se prononcer sur le fond.

2. Conseils / Pièges à éviter

la Cour internationale de justice n’est jamais saisie par des individus ou des organisations non gouvernementales (ONG). Elle ne juge pas de personnes
physiques. Il ne faut donc pas la confondre avec la Cour pénale internationale, ou les mécanismes de protection des droits de l’Homme ou des
investisseurs étrangers ;

une attention particulière doit être accordée aux modalités d’expression du consentement des États, qui sont souvent assorties de restrictions ratione
temporis ou materiae.

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