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SCIENTIFIQUE
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UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI
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THEME
INTRODUCTION GENERALE 4
Sections1 : Le droit au juge légal : un droit aux contours flous dû à une absence de définition.
28
Section 2 : L'accès à la justice : une voie limitée pour le justiciable camerounais. 41
CONCLUSION GENERALE 91
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 93
Sigles et abréviations
Al : alinéa
CE : Conseil d'état
Ed : édition
P : Page
INTRODUCTION GENERALE
Le droit à la justice est un droit de l'homme. Dans un article célèbre publié en 1984, Karel
VASAK souligne l'existence de trois générations des droits de l'homme : les droits de la
première génération tendant à la réalisation de l'idéal de liberté, ceux de la seconde génération
qui tendent à l'idéal d'égalité et enfin ceux de la troisième génération qui tendent à l'idéal de
fraternité et de solidarité. Ce sont ces trois générations de droits qui forment le corps des
droits de l'homme1(*). Mais que faut-il entendre par droits de l'homme ?
Il n'existe pas à proprement parler « une définition satisfaisante des droits de l'homme »2(*).
Nous pouvons néanmoins en retenir deux.
La première empruntée du Doyen Yves MADIOT présente les droits de l'homme comme des
droits subjectifs qui traduisent dans l'ordre juridique les principes naturels de justice qui
fondent la dignité de la personne humaine3(*).
La seconde tirée du lexique des termes juridiques, conçoit les droits de l'homme comme des
droits inhérents à la nature humaine, donc antérieurs et supérieurs à l'Etat, et que celui-ci doit
respecter non seulement dans l'ordre des buts mais dans l'ordre des moyens.
Malgré des différences de formulations, ces deux définitions se rejoignent sur un point : les
droits de l'homme sont des droits naturels.
Le droit à la justice est ainsi un droit naturel qui figure dans les droits de la première
génération dite « Droit de la liberté ». Il s'agit précisément d'une liberté publique qui s'entend
comme « des droits de l'homme reconnus, définis et protégés juridiquement »4(*). Ce sont des
droits de l'homme que la consécration par l'Etat a fait passer du domaine du droit naturel à
celui du droit positif.
Quel est cependant le contenu du droit à la justice ? Au coeur de la notion du droit à la justice,
se trouvent l'idée de droit et l'idée de justice.
Le droit d'abord, recouvre deux sens. Dans son sens objectif, c'est un ensemble de règles
régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Dans son sens subjectif,
le droit est une prérogative attribuée à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir
d'une chose, d'une valeur ou d'exiger d'autrui une prestation5(*).
La justice quant à elle désigne ce qui est juste ; rendre la justice consiste essentiellement à dire
ce est juste dans l'espèce concrète soumise au tribunal6(*)
Le droit à la justice de manière générale peut être défini comme une disposition « reconnue
par la loi à une personne impliquée dans une situation de fait de voir son cas apprécié par un
juge, organe indépendant »7(*), sur la base d'une règle de droit clairement définie.
Le droit à la justice a d'abord été proclamé par des textes internationaux et régionaux.
Au plan régional notamment en Afrique, tous les pays africains parmi lesquels le Cameroun,
ont ratifié la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) du 27 au 28
juin 1981 dont l'article 7 alinéa a reconnaît à toute personne « le droit de saisir les juridictions
nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et
garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ».
Tous ces instruments reconnaissent le droit d'accès à la justice mais restent muets sur la
caractéristique de la règle de droit qui sera appliquée au justiciable dès qu'il sera admis en
justice. Ce droit est aussi reconnu par des textes nationaux.
Mais pourquoi le droit à la justice mérite-t-il que l'on s'y attarde ? C'est que l'importance
croissante attachée aux droits de l'homme dans l'Etat de droit n'a pas manqué de placer au
premier plan un droit qui apparaît comme une « condition de l'effectivité des règles
juridiques »10(*). Il s'agit donc de voir si le Cameroun qui est un Etat qui se réclame de la
démocratie respecte les exigences démocratiques, celles qui ont pour finalité de «mettre
l'homme au coeur de la justice »11(*). Ou au contraire si les acteurs de la justice sont restés à
l'ombre de leur pratiques malgré la reforme constitutionnelle de 1996 qui viserait simplement
à faire bonne figure auprès de la Communauté Internationale. A ce propos l'Organisation des
Nations Unies (ONU) affirme que « la meilleure façon de garantir les droits et les libertés
proclamés est de les incorporer à la constitution ou à une autre loi fondamentale non soumise
à une altération par le procédé législatif ordinaire ».12(*) En d'autres termes, la mise en
oeuvre du droit à la justice au Cameroun tient-elle compte du nouveau discours des droits de
l'homme ?
Cette situation, pour le moins inquiétante, mérite alors une attention particulière. Comment
comprendre cette ascendance de la justice privée ? Est-ce en raison de la perte de confiance
des citoyens dans l'accomplissement par l'Etat de sa fonction de protection des droits et
libertés constitutionnelles consacrées par le droit à la justice ? Ou de l'ignorance par les
citoyens de l'existence d'un droit à la justice et les prérogatives qu'ils détiennent en vue de la
rendre dynamique ? Ou enfin, est-elle consubstantielle à l'élaboration de la règle de droit ?
Toutes ces questions révèlent l'importance d'une analyse sur le thème du Droit à la justice au
Cameroun.
En effet, elle contribuera à la compréhension du progrès, mais surtout des limites et du
dysfonctionnement de la justice et de permettre ipso facto, d'éviter que les autorités politiques,
et même certains juristes n'exagèrent les progrès enregistrés depuis la loi n° 96/06 du 18
janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Et, par conséquent, inviter
tous les acteurs de la justice (autorités, justiciables, magistrats, avocats, etc....) à améliorer le
fonctionnement et l'organisation juridictionnelle dans toutes ses composantes.
Dans un souci de clarté et d'efficacité, nous limiterons notre champ d'analyse aux juridictions
de droit commun parmi lesquelles nous ne retiendrons que les juridictions de droit moderne ;
les juridictions traditionnelles (tribunal coutumier, tribunal de 1er degré, alcaly court,
customary court) n'étant pas, selon l'article 26 de l'ordonnance de 26 Août 1972 portant
organisation judiciaire des structures permanentes. Ces structures, transitoires, sont devenues
permanentes. Au niveau des juridictions modernes, nous ne parlerons pas de la justice non
étatique car elle cherche simplement à assurer l'extinction du litige. Il ne s'agit pas d'une
application rigoureuse du droit mais de la recherche d'une solution acceptée et acceptable par
tous
Conduire une réflexion en science juridique, nécessite que soit explicitée une méthode. En ce
qui concerne le thème sur le « Droit à la justice au Cameroun », nous adopterons la méthode
juridique d'une part et la méthode comparative d'autre part.
Il s'agit de l'étude du droit écrit, de la norme juridique au sens strict, et plus spécifiquement du
droit positif tel qu'il ressort de l'armature législative. Elle permettra de nous appesantir sur le
sens des lois, les conditions d'exercice du droit à la justice, le cadre et la compétence des juges
fixés par le législateur.
En d'autres termes, il s'agira d'une prospection pour découvrir les cohérences et les
incohérences des textes législatifs.
Cette seconde composante nous permettra d'apprécier la démarche du juge, lorsqu'il est,
confronté à une situation où il doit donner une solution prévue par la norme juridique.
Par ailleurs, le Cameroun n'est pas un Etat isolé et les problèmes auxquels il est confronté ne
lui sont pas spécifiques. Il serait de ce fait important de voir comment le législateur et les
juges se comportent dans d'autres pays. D'où la méthode comparative.
Celle-ci donnera à notre étude un intérêt à la fois scientifique et pratique, car à l'aide de ces
exemples, nous en sortirons les divergences et les similitudes.
C'est donc pour cette raison que notre étude se construira autour deux pôles :
Dans le second pôle, nous tenterons d'établir un lien entre la fixation des normes et sa mise en
pratique. Il nous sera ainsi donné le mécanisme de mise en oeuvre des normes juridiques par
les différents acteurs de la justice.Cette fois-ci, nous essayerons de déceler, prioritairement,
les éléments qui rendent difficile la mise en oeuvre du droit à la justice.
Première Partie : La préparation du droit à la justice, une épreuve quasi ratée par le législateur
camerounais.
* 4 Lexique des termes juridiques, 14è édition. Paris Dalloz, 2003, p.228.
* 5 Ibid.p.228.
* 7 RIDEAU Joël, Le droit au juge dans l'union Européenne, Paris, LGDJ, 1998, p. 7.
* 9 Une volonté de taire les contre verses doctrinales sur la valeur du préambule.
L'évocation de la préparation du droit à la justice s'inscrit dans une logique de préséance. Pour
que « l'homme frustré de sa liberté d'aller et de venir (...) menacé dans ses droits et libertés
fondamentaux ... »,2(*)1 puisse saisir le juge et exiger de lui rendre justice, celle-ci doit être
préparée. Préparer la justice, c'est « la mettre dans une disposition favorable au but qu'on veut
atteindre »2(*)2. Ainsi au niveau de l'Etat on note une absence de sécurité due à une
formulation défaillante des normes juridiques (Chapitre1). A cette absence de sécurité, vient
s'ajouter l'incertitude du droit au juge dans le système législatif camerounais. (Chapitre2).
Quelle que soit la source des normes juridiques, ce qui est important dans un système
juridique, c'est la qualité de la norme produite, car « la législation est l'outil principal dont
dispose un gouvernement qui cherche à influencer le sens et la vitesse du changement
social »16(*), qui est le respect accru des droits fondamentaux.
Une législation de bonne qualité est une législation efficace ; et une législation efficace est
celle qui produit l'effet social attendu. L'effet attendu est la préservation de la sécurité
juridique et la confiance des citoyens. La règle de droit doit, ce faisant être prévisible. Or tel
est loin d'être le cas au Cameroun (section 1). Cependant, dans le cas particulier de la loi
fondamentale qu'est la constitution, on note l'existence de plusieurs lacunes (section 2).
Pour François OST et Benoît JADOT17(*), la question qu'on doit poser au législateur
camerounais dès la première formulation d'une velléité législative, est de savoir si cette loi
préserve la sécurité juridique et la confiance légitime des citoyens.
S'il faut laisser au juge le soin de clarifier des règles laconiquement énoncées et imprécises
(A), il est indéniable que ce choix de M. OLINGA entraînera comme résultat la rigidité et
l'arbitraire dans leur application (B).
L'ordre public est défini au sens strict comme une disposition du droit à laquelle il est
impossible de déroger. Au sens large, il désigne l'ensemble des règles qui régissent la vie en
société édictées dans l'intérêt général. Une règle est dite d'ordre public lorsqu'elle est
obligatoire et s'impose pour des raisons impératives de protection, de sécurité ou de
moralité24(*).
Doit-on réduire l'insécurité sociale au prix d'une insécurité juridique ? Telle est la question
que l'on se pose lorsqu'on parcourt la loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien
de l'ordre. Cette loi a vu le jour en réponse à la recrudescence du grand banditisme en cette
période. Pourtant M. KITIO Edouard estime que c'est une « loi apparemment bonne, mais
dont l'application pratique ne manque pas de susciter des remous sociaux, notamment sur ses
dispositions concernant l'atteinte aux libertés individuelles »25(*). Cette assertion mérite tout
de même d'être nuancée car la loi sur le grand banditisme26(*), sans avoir d'une part clairement
défini ce qu'il faut entendre par « grand banditisme », « grand bandit », et d'autre part
distingué le « grand bandit » du « bandit », laisse la porte ouverte aux abus de toute sorte. Ce
qui serait plutôt opportune même si le combat contre l'insécurité est légitime.
Cependant, elle énumère une liste de mesures que les autorités administratives ont
compétence de prendre « en tout temps et selon le cas », dans des opérations de maintien de
l'ordre27(*). Plus grave encore, la liste des autorités administratives habilitées à prendre ces
mesures est trop large. Du simple agent de l'administration au gouverneur de province28(*),
chacun peut, pour les besoins d'ordre public, déclencher la répression du grand banditisme.
Cette situation est d'autant plus déplorable que l'Etat camerounais, dans des discours officiels,
montre son engagement à poursuivre inexorablement le processus de « Démocratisation de la
vie politique nationale »29(*). Le Professeur Maurice KAMTO parle à ce sujet d'un « non sens
du discours officiel »30(*). Pourtant de l'avis du Doyen RIVERO, les citoyens doivent avoir la
certitude « qu'ils ne feront pas l'objet, notamment de la part du pouvoir, des mesures
arbitraires les privant de leur liberté matérielle, telles qu'arrestation et détention »31(*).
* 21 RIDEAU Joël, (sous la direction de) le droit au juge dans l'Union Européenne,
Paris, LGDJ, 1798, P2.
* 22 Définition du petit Larousse, encyclopédie illustrée, paris, Larousse BORDAS.
* 25 KITIO Bernard. `' La garde à vue administrative pour grand banditisme et respect
des droits de l'homme au Cameroun'' Application de la loi n° 90/ 054/ du 19
décembre 1990 sur le maintien de l'ordre, jurisdis périodique, n°30 Avril mai juin 97,
pp. 47-56.
* 30 KAMTO Maurice, Pouvoir et droit en Afrique noire, Essais sur les fondements du
constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noirs francophone, Paris, LGDJ, 1987, P.
350.
* 31 RIVERO Jean, Les libertés publiques, les droits de l'homme, 8ème éd. Tome I,
Paris, P.U.F., 1997, P. 262.
Le droit pénal ne sera pas entendu ici au sens large. C'est-à-dire « la branche du droit positif
qui détermine les actes punissables, les sanctions qui frappent leurs auteurs et les autorités et
formes qui président l'application de ces sanctions »32(*). Nous ne retiendrons ici que les actes
punissables et les sanctions qui frappent leurs auteurs. A ce propos, la lecture du code pénal
camerounais33(*) nous offre un aperçu de nombreuses infractions vaguement formulées. Pour
plus de clarté, nous n'analyserons pas toutes ces infractions, les remarques concernant l'une
d'entre elles pouvant valoir pour les autres.
Pourtant, dans la loi du 18 janvier 1996, hormis le sacro-saint principe de la non rétroactivité
des lois, le préambule a également consacré le principe de la légalité criminelle. De nos jours,
la légalité doit dépasser le seul cadre de la mention dans les textes pour aboutir à la
consécration de textes clairs et précis. Pour Koering-Joulin et SEUVIC J.F. la légalité des
temps modernes ne devrait plus se limiter à la production des textes ; elle doit répondre
désormais à des «qualités qui tiennent à la prévisibilité pénale »35(*). A quoi servirait-il
d'affirmer la légalité des délits et des peines si par des formules imprécises, les rédacteurs de
la loi ouvraient la porte « à un arbitraire judiciaire qu'on prétend empêcher »36(*) ?
Le législateur camerounais doit aller jusqu'au bout de son effort. Le véritable problème qui se
pose désormais est que le législateur n'est pas isolé dans sa démarche. Pendant que certains
auteurs décrient la situation, d'autres parmi lesquels M. PUECH, estiment que « la précision
des lois ne doit pas s'entendre comme celle d'une horloge, parce qu'une précision trop grande
énerverait la répression »37(*).
Que la précision énerve la répression, nous sommes d'accord ; mais entre légalité et illégalité
il n'y a pas de demi-mesure. Ce qui se situe à mi-chemin entre les deux est aléatoire et par
conséquent, est source de rigidité et d'arbitraire dans son application.
La loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 sur le maintien de l'ordre au Cameroun a donné lieu à
de nombreux égarements. Ceux-ci surviennent du fait qu' « il s'applique à un individu qui n'a
pas encore commis l'infraction soupçonnée et dont on est pas sûr qu'il aurait pu le
commettre »39(*). Un arrêté préfectoral n°336/AP/L11/BC du 06 novembre 1996 portant garde
à vue de certaines personnes pour incitation à la grève et trouble à l'ordre public illustre
parfaitement la situation40(*). Les faits de l'espèce méritent d'être rappelés.
Au cours du mois de novembre 1996, une rumeur selon laquelle certains ouvriers de la société
HEVECAM41(*) projetaient une grève en vue de réclamer des indemnités de privatisation a été
lancée, des tracts incitant les ouvriers à la grève étaient affichés un peu partout dans la
plantation. Le jour prévu pour la grève, tous ceux qui s'étaient absentés avaient été interpellés.
Certains ont seulement été interpellés parce qu'ils ont été trouvés sur la place publique, sans
être mêlés à aucune manifestation.
Le Préfet ordonnait la garde à vue administrative de neuf personnes arrêtées suivant l'arrêté
susvisé. Les neuf personnes traduites par le parquet au Tribunal de Première Instance Kribi
pour coaction d'entrave à la liberté de travail (articles 74 et 255 du code pénal) et placées sous
mandat de dépôt ont été déclarées non coupables du chef d'accusation et relaxées pour faits
non établis à leur encontre. Mais si dans cette affaire le juge s'en est sorti grandi par la
justesse de sa décision, l'administration par contre s'est trouvée ridiculisée. Toutefois, la tâche
du juge n'est pas toujours aisée lorsqu'il doit se prononcer dans certaines situations.
2- La peine éventuelle du juge face à des lois imprécises.
Le législateur n'a pas facilité la tâche au juge lors de la formulation de plusieurs infractions.
Pour continuer avec l'infraction de sorcellerie, il n'a pas prévu des éléments matériels
irréfutables pouvant permettre au juge d'apprécier la culpabilité du présumé accusé. Selon le
Professeur François ANOUKAHA, les juges se fondent alors principalement sur « le
témoignage de l'entourage du suspect, car les aveux sont très rares »42(*). Méthode aléatoire, à
la limite dangereuse, celle-ci explique les erreurs judiciaires qui se multiplient. Des personnes
peuvent faire l'objet de vengeance, d'autres sont pointés du doigt par simple jalousie, on se
sert facilement des témoins. De simples objets usuels quotidiens peuvent être retrouvés chez
le présumé sorcier et être qualifiés d'objets maléfiques.
En tout état de cause, la tâche du juge se complique devant une telle situation. Et tout compte
fait, la thèse de M. PUECH et de M. OLINGA qui soutenait que des lois imprécises peuvent
être adoptées dans l'espoir d'être corrigées par le juge43(*), ne semble pas satisfaisante, en tout
cas est sujette à critique.
Qu'elle soit administrative ou pénale, la norme doit être corrigée tout au long de sa vie. Il y va
de la bonne « performance législative »44(*) et de la sauvegarde des libertés individuelles.
Mais il semble que le législateur camerounais se satisfait des imperfections actuelles, car il ne
songe pas à moderniser le code pénal adopté depuis 1967 et modifié à maintes reprises. A ce
malencontreux écueil, s'ajoute le fait que la loi même édictée, peut être ignorée par ses
destinataires.
* 38 SOLER (S) "La formulation actuelle du principe" "nullum crimen, RSC, 1952
pp.11 et sq, in MINKOA SHE Adolphe, op cit. p.145.
* 42 MONYOL à MBOUSSI, cité par BANGRE (H), op. cit. , Africa.com du 26 Août
2004.
La connaissance du droit passe par son existence préalable (A). Elle doit être ensuite publiée
dans un journal d'annonce légale (B).
Il est donc urgent que le Cameroun se dote d'un code de procédure pénale propre à combler
tous ces vides juridiques. Le nouveau code actuellement en examen devant l'Assemblée
Nationale, devra prendre en compte les lacunes de l'ancien code d'instruction criminelle hérité
de la colonisation. Cependant il serait loisible pour l'efficacité juridique d'impliquer d'autres
acteurs dans l'élaboration de la loi.
Avant son adoption, les destinataires de la règle de droit peuvent collaborer à son élaboration.
Celle-ci a toujours été fondée au Cameroun sur une logique de distanciation. Si de temps en
temps les juristes sont consultés par le législateur, le reste de la population est marginalisé.
Selon MM. Dominique Darbon et Jean du Bois de Gaudusson « malgré un discours officiel
prétendant associer étroitement le peuple au processus de création du droit, l'élaboration de
la dernière constitution a été de bout en bout soigneusement, contrôlée par le pouvoir »50(*).
En 1980, la Mauritanie a également été le théâtre d'une vaste campagne d'information dont le
but était la diffusion du projet de constitution et la collecte des suggestions émanant du pays
réel53(*).
Le Cameroun pourrait imiter l'opération avec succès. Dans le cas contraire, la règle de droit
sera toujours considérée comme celle d'une élite. Si le pouvoir prend l'audace de mener
l'opération, la publication de la règle de droit ne sera plus que la finalisation de ce que nous
pourrions appeler « prépublication » commencée par l'association du peuple à l'élaboration.
* 51 Ibid., p. 36.
* 52 Ibid., p. 36.
Dans les Etats africains en général, la publication des normes n'est pas la chose la mieux
partagée. M. TIMOTHEE ADALIN, alors Ministre de la fonction publique du Bénin, se
plaignait déjà en ces termes sur le déficit d'informations qui caractérise les Etats africains :
« les textes législatifs et réglementaires statutaires ne sont généralement pas disponibles, d'où
les incertitudes dans leur application sont source de difficultés pour les usagers »54(*).
Au Cameroun, l'on note souvent une absence du journal officiel, journal d'annonce légale de
publication des lois. Celle-ci est sinon due aux interruptions permanentes de l'imprimerie
nationale du moins à l'incurie des autorités. Il faut noter que l'imprimerie nationale a le
monopole de l'impression du journal officiel. Les propos de M. Célestin MONGA, alors
enseignant à l'université de Yaoundé, dans une lettre ouverte au Président de la République du
Cameroun, Paul BIYA sont forts révélateurs. « Je vous (...) signale que nous sommes peut
être le seul pays au monde où les lois votées ne sont même pas publiées dans le Journal
Officiel comme le prévoit la Constitution parce que l'imprimerie nationale, dont c'est la
principale attribution est en état de cessation de paiement. Est-ce vraiment sérieux ? »55(*).
La publication doit par ailleurs être faite en des termes clairs et compréhensibles par les
acteurs consommateurs. « Car la portée sociale de la loi, selon le Professeur DARBON
Dominique dépend des activités de transmission et d'interprétation de différents
intermédiaires »56(*). Une mauvaise interprétation de la règle peut occasionner le désintérêt de
certains acteurs qui l'ignoreront délibérément ou non.
La règle « nul n'est censé ignorer la loi » est un principe général de droit qui signifie que dès
qu'une loi est publiée, toute personne est présumée connaître sinon son contenu du moins son
existence. De ce fait, personne ne doit prendre pour prétexte l'ignorance de la loi pour se
soustraire à son application.
Au Cameroun, pour appliquer ce principe, on distingue selon que l'individu est à Yaoundé,
capitale politique de l'Etat camerounais, chef lieu de la province du Centre ou dans les
provinces. Si l'individu est dans la capitale, il est censé être au courant le jour même de la
publication. Dans le cas contraire, il a un jour franc.
Naturellement c'est un principe qui joue contre les justiciables, car il n'est basé sur aucune
analyse scientifique. Comme le souligne René DEGNI SEGUI ce n'est qu' « une présomption
de connaissance de la loi »57(*).
Ce système est tellement dangereux qu'au Cameroun comme dans la plupart des pays
africains, la connaissance du droit est souvent éparse, vague, inexacte et surtout repartie de
façon inégalitaire. Si certains sont attirés par le droit (les juristes, magistrats), les autres
individus58(*) considèrent le droit comme une matière dont l'accès n'est réservé qu'aux seuls
initiés59(*).
Il serait de ce fait nécessaire de trouver un moyen pour intéresser à la loi tous les acteurs
potentiels de justice. La multiplication des journées portes ouvertes pour une vulgarisation des
mécanismes fondamentaux du service public de la justice en général et de la loi en particulier
est à encourager. Les bases ont été jetées au Cameroun, du 25 au 29 octobre 1999 dans tous
les chefs lieux de province. La direction des assises était assurée par les présidents des cours
d'appel à l'exception de la cérémonie tenue à Yaoundé la capitale politique du Cameroun sous
la présidence du Ministre de la justice, garde des sceaux. Pourtant, l'initiative n'a duré que le
temps d'une fleur
Tout compte fait, la sécurité juridique du justiciable passe par la prévisibilité de la norme
juridique. Mais elle ne l'est pas moins par la valeur qui est réservée aux droits de l'homme
consacrés par la constitution qui comporte de nombreuses lacunes.
La notion de constitution est apparemment simple, mais en réalité complexe60(*). Celle-ci est
traditionnellement définie comme la Charte suprême d'un Etat qui fixe et décrit les modalités
de fonctionnement des institutions représentatives. Le Conseil constitutionnel français a fait
progresser la définition, en considérant comme constitution non seulement les articles de la
constitution proprement dite, mais l'ensemble des dispositions de la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789.61(*) La constitution est donc désormais un document ouvert
destiné à acquérir de nouveaux droits de l'homme, et non figé « dans un document unique ».
Cette réalité se manifeste dans la définition proposée par Olivier DUHAMEL et Yves MENY.
Pour eux, la Constitution est devenue de nos jours un acte vivant ouvert à la création continue
des droits et libertés62(*). Ils doivent être désormais à l'abri de toute violation63(*).
Contrairement à la France, le Cameroun a opté pour une Constitution écrite dans un document
unique. La proclamation des droits fondamentaux est préambulaire. Et, la reconnaissance de
la valeur de ces droits a connu des péripéties en fonction des régimes politiques en place.
Malgré cette proclamation, l'on déplore un droit de saisine de la juridiction constitutionnelle
limité (paragraphe1), et le risque avéré de l'adoption et de l'application des lois liberticides
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un droit de saisine de la juridiction
constitutionnelle limité.64(*)
Le Titre 7 de la loi constitutionnelle révisée du 18 janvier 1996, crée un Conseil
constitutionnel. Selon l'article 46 du même titre, « le Conseil Constitutionnel est l'instance
compétente en matière de constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des lois. Il est
l'organe régulateur du fonctionnement des institutions ».
Le Conseil Constitutionnel camerounais naît ainsi avec deux vices rédhibitoires : sa saisine est
limitée à certaines autorités politiques (A), avec un apparent élargissement aux Présidents des
exécutifs régionaux (B).
Le Conseil constitutionnel ne peut pas s'auto-saisir. Mis à part les cas de saisine automatique
(pour les Règlements des assemblées ou les lois organiques), il exerce le contrôle du respect
de la Constitution sur les lois ou les traités uniquement lorsqu'ils lui sont déférés par les
autorités habilitées à le saisir.
Contrairement à la constitution française, la loi révisée n° 96/06 18 janvier 1996 n'a pas
étendue le droit de contrôle au Premier ministre.
Le droit de saisine du Conseil constitutionnel reste assez restreint et ne peut être exercé qu'a
priori, c'est-à-dire avant qu'une loi ne soit promulguée ou avant qu'un traité ne soit ratifié.
Les citoyens camerounais ne peuvent pas demander le contrôle de constitutionnalité des lois
en vigueur à l'occasion d'un litige les concernant, comme c'est le cas dans d'autres pays.
Pourtant l'Etat de droit ne se résume plus de nos jours à la simple légalité. On le mesure
également à l'aune de la protection des droits du citoyen. Le Bénin a réalisé la nécessité et
élargi le champ de saisine. En vertu de l'article 122 de la loi constitutionnelle béninoise, le
simple citoyen peut déférer devant la Cour constitutionnelle, une loi liberticide. Cet
élargissement fait de La Cour constitutionnelle béninoise, une véritable juridiction, et non un
organe politique comme cela semble être le cas au Cameroun, même s'il fait ressortir son
caractère juridictionnel. Les Présidents des exécutifs régionaux peuvent également saisir le
Conseil constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en cause.
Les collectivités territoriales sont un nouveau né de la loi révisée du 18 janvier 1996. L'article
55 de cette loi dispose que « les collectivités territoriales sont les régions et les communes.
Elles s'administrent par des conseils élus ». Ces derniers sont qualifiés de Président des
exécutifs régionaux. L'article 47 alinéa 2 leur ouvre le droit de saisine du Conseil
constitutionnel. Cependant, ce droit n'est qu'apparent.
En effet, la chance de retrouver les membres du parti au pouvoir à la tête du Conseil est
grande. De plus, un conseillé récalcitrant peut facilement être éjecté par le Président de la
République. En vertu de l'article 59 alinéa 1, le Conseil régional peut être suspendu par le
Président de la République.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de ce droit reste illusoire. Depuis l'entrée en vigueur de la loi
révisée du 18 janvier 1996, les régions ne sont pas encore effectives. De ce fait, on doit à la
vérité dire que la renaissance des libertés attendue depuis longtemps n'a pas comblé toutes les
attentes des justiciables. La mise en place de certains aspects de la nouvelle constitution est
encore à venir. Combler ces lacunes, au même titre qu'empêcher l'application des lois
liberticides, doit rester la priorité du Cameroun afin de se réclamer légitimement être un Etat
de droit. .
Définie par la constitution française de 1958 comme le texte que vote le parlement, dans les
limites de son domaine de compétence, et sous le contrôle du Conseil Constitutionnel, la loi a
longtemps semblé détenir le pouvoir absolu. Elle était seule capable de limiter la liberté, et
d'incarner la souveraineté exercée par les représentants du peuple. La loi ne se définissait
alors que par son auteur, le parlement, et son domaine, comme la volonté générale était sans
limite. Cette conception est ancrée dans l'histoire philosophique et politique.
HANS KELSEN dans son ouvrage majeur, une théorie pure du droit65(*), a dégagé une
approche théorique et procédurale. Pour lui, la norme suprême se définit comme l'hypothèse à
partir de laquelle les normes trouvent leur validité, en fonction de la conformité à la norme qui
leur est immédiatement supérieure ; par conséquent, il faut pouvoir s'assurer que la loi est
conforme à la constitution au moment même où elle est votée.
B- L'écran législatif.
Au Cameroun, la loi n'exprime pas toujours la volonté générale. Elle fait souvent écran entre
l'acte administratif et la constitution. Lorsqu'il y a contradiction entre celle-ci et la loi, et que
l'acte administratif est conforme à l'une ou à l'autre, le juge administratif, dans sa décision, se
doit de donner la préférence à l'une ou à l'autre. C'est cette situation que le professeur NLEP
résume parfaitement quand il écrit que « lorsque la loi votée par le législateur fait écran
entre les normes constitutionnelles et l'acte de l'autorité administrative, le juge peut appliquer
l'une ou l'autre »67(*).
Au Cameroun, ce phénomène est très vivant en matière de protection des droits
fondamentaux. L'exemple peut être tiré du `'droit à la justice'' et du droit qu'ont les
collectivités traditionnelles de désigner leurs chef traditionnels selon leurs propres coutumes.
Alors que ces principes sont constitutionnellement énoncés, il existe deux lois dans
l'ordonnancement juridique susceptibles d'entraver l'intervention du juge dans le règlement
des litiges concernant la désignation des chefs traditionnels.
Par une loi n° 79/17 du 30 Juin 1979, le législateur Camerounais énonce que « Les
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées
devant l'autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et en dernier
ressort ». L'instance juridictionnelle est donc dessaisie de tout litige au profit de l'autorité
administrative, en l'occurrence le ministre de l'administration territoriale.
Toutefois, un espoir est permis dans ce contexte pour la garantie des droits, car le juge
camerounais estime que le recours pour excès de pouvoir peut être introduit contre tout acte
administratif même sans texte le prescrivant.
Le phénomène de l'écran législatif n'est donc pas, au Cameroun une hypothèse d'école, et
constitue l'un des obstacles au droit au juge en général et au juge administratif en particulier.
L'importance du juge dans la protection des droits fondamentaux n'est plus à démontrer. Son
véritable rôle, qui est de rendre la justice, commence dès l'accès du justiciable à la justice
(section 2). Mais l'accès n'est pas possible sans l'existence concrète des cas d'ouverture de la
possibilité d'action. Cela suppose que le justiciable potentiel jouisse d'un droit fondamental :
celui de disposer d'un droit de recours devant l'autorité compétente, en l'espèce l'autorité
judiciaire. Le professeur Pierre COUVRAT dit à ce propos qu'aujourd'hui le droit au juge est
une composante nécessaire du droit à la justice69(*). Mais le droit au juge ne doit pas se
confondre avec l'accès à la justice qui n'en n'est qu'une composante. Pour M. Jean-Marie
RAINAUD, le droit au juge dépasse le droit à l'accès à la justice70(*). Le droit au juge est donc
en définitive « la prérogative reconnue par la loi à une personne impliquée dans une situation
de fait de voir son cas apprécié par le juge organe indépendant ».71(*)
Le droit au juge ne figure pas de manière explicite dans la loi constitutionnelle camerounaise
de 1996. Seule une analyse du 10ème alinéa du préambule qui dispose que « la loi assure à
tous les hommes le droit de se faire rendre justice » nous fait penser qu'implicitement le
constituant l'a souligné. Une justice qui ne peut logiquement qu'être rendue par le juge. Mais
de quel juge s'agit-il ? Du juge judiciaire ? Du juge administratif ou du juge constitutionnel?
Cette distinction est anachronique car, de nos jours, de par le nouveau discours des droits de
l'homme en vogue depuis les années 1990, le juge administratif a vocation à devenir le
véritable juge. L'on peut simplement déplorer une absence définition du juge légal en droit
camerounais qui fait de ce droit un droit aux contours flous (section1).
* 65 KELSEN HANS, une théorie pure du droit, Paris LGDJ, 1999, p.34.
* 67 Ibid , pp.78-89.
* 68 Ibid. pp.78-89.
* 69 COUVRAT Pierre, `' l'accès à la justice et ses obstacles,. In'' l'effectivité des
droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone op cit. , .pp. 257-
261.
* 71PRADEL Jean `' le droit au juge dans la procédure pénale française'', In RIDEAU.
Joël, op. cit., pp 23-32.
Le juge légal est un magistrat dont les activités sont organisées par la loi.La constitution
allemande définit la notion du juge légal en son article 101 alinéa 1, comme « le tribunal en
tant qu'entité institutionnelle, la chambre qui statue et le juge individuel compétent pour le
cas d'espèce »72(*). La Cour Constitutionnelle allemande a par ailleurs donné à l'article 101,
alinéa 1 un contenu matériel plus large. Selon sa jurisprudence, l'article 101 « garantit non
seulement le juge, mais exige également qu'il n'existe que des tribunaux conformes à des
exigences de la constitution »73(*). Cela implique que le seul juge indépendant et
exclusivement soumis à la loi soit accepté comme juge légal. En partie d'accord avec la
définition de la Cour Constitutionnelle, Laurence BOURGOGUE-LARSEN estime que « la
détermination du juge doit être faite antérieurement au fait générateur de la saisine »74(*).
Cependant l'on déplore le fait que la procédure civile et commerciale soit établie par l'arrêté
n° 6750 du 16 décembre 195478(*).
Le rôle de la jurisprudence y est aussi très important. Ces sources distinguent généralement le
déclenchement de la poursuite par les personnes physiques (1) et le déclenchement par les
groupements (2).
De manière générale, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime né et actuel,
au succès ou au rejet d'une prétention, la qualité pour le faire et la capacité. Les limites autres
que celles-ci ne doivent être que des limites raisonnables, poursuivant un but légitime et
répondant au principe de proportionnalité.
Mais l'on s'aperçoit qu'au Cameroun, il existe des limites implicite et explicite déplorables.
D'une part, la saisine du juge administratif est subordonnée par exemple à un recours gracieux
préalable dont le destinataire est mal défini. Le recours gracieux préalable (RGP) est défini
comme « une requête émanant d'un justiciable potentiel et adressée à une autorité
administrative désignée à cet effet, pour lui demander de reconsidérer le contenu ou la forme
d'un acte administratif dont le bien fondé est contesté »79(*).
Il est un préalable à la phase contentieuse et peut constituer une limite importante du point de
vue du droit à la justice. La législation camerounaise opère une détermination quelque peu
confuse des autorités habilitées à recevoir le RGP, pour le compte de l'Etat et pour les
collectivités publiques locales et les établissements publics. En dehors de l'exigence des délais
assortie de la règle de l'identité d'objet entre le recours préalable et le recours contentieux, du
caractère d'ordre public affecté au recours, commun aux ordres judiciaires et administratifs, le
juge administratif se montre très sévère dans l'hypothèse d'une confusion quant à l'autorité
administrative compétente pour recevoir le RGP.
C'est ainsi que dans l'arrêt n° 108/CFJ/CAM du 8 décembre 1970 MOUTACKIE Joseph
Lebrun contre Etat du Cameroun, le requérant se voit supprimer sa licence d'exploitation de
débits de boisson par une décision administrative. Il saisit d'un recours gracieux (R.G.P)
préalable, le vice premier ministre chargé de la salubrité et des débits de boisson.
Le juge déclare irrecevable le recours contentieux aux motifs qu'il appartenait au premier
ministre de connaître du RGP du requérant.
Des auteurs critiquent cette manière d'appliquer la loi par le juge administratif camerounais.
Pour Henri Jacquot « il est abusif de priver un requérant de toute possibilité de recours
contentieux parce qu'il a mal dirigé son recours gracieux préalable. Le juge devrait lui
accorder une prorogation de délai pour lui permettre de réparer son erreur. Cette règle
depuis admise pour le recours contentieux, lorsqu'un requérant saisit par mégarde une
juridiction incompétente, pouvait être sans dommage étendue au recours gracieux
préalable »80(*). Cette prescription n'aura pas reçu d'échos, et la sévérité du juge ira croissante
consacrant ainsi un véritable refus du droit au juge au potentiel justiciable.
Le droit au juge est quelque peu refusé à l'étranger.Le préambule de la loi du 18 janvier
dispose pourtant que « la loi assure à tous les hommes, le droit de se faire rendre justice ».
L'élargissement de ce droit à tous peut être analysé comme la volonté d'inclure les étrangers
dans le concert des bénéficiaires. C'est d'ailleurs une recommandation de l'article 10 de la
DUDH de 1948 qui dispose que « toute personne a droit à ce sa cause soit entendu par un
tribunal ». C'est donc un droit à propos duquel il n'est pas possible d'établir une distinction
entre nationaux et étrangers ; il y a une idée d'égalité.
Malheureusement, l'étranger doit fournir la caution judicatum solvi pour saisir le juge, Celle-
ci est prévue par les articles 73 et 74 du code de procédure civile81(*) . Facteur indéniable
d'inégalité et de discrimination, la caution judicatum solvi a été abrogée dans certaines
législations notamment en France. Cette pratique était justifiée pour garantir le paiement
d'éventuels dommage intérêts.
Les tribunaux français ont ainsi abandonné progressivement l'exigence de la caution83(*). Et,
ce revirement aura des incidents sur l'exequatur84(*) des décisions étrangères en France
Après la prise de position des tribunaux français, le législateur français ne pouvait pas rester
trop longtemps insensible. La caution a ainsi été abrogée par la loi du 9 juillet 197585(*), car
elle paraissait de plus en plus anachronique86(*).
Pour prendre le cas d'une limite explicite, la Cour de Sûreté de l'Etat, juridiction spéciale dont
la compétence est élargie au mineur de plus de 14 ans, a institué un véritable obstacle au
principe du double degré de juridiction. En effet l'article 6 de la loi n° 90/060 du 19 décembre
1990 qui crée la Cour de Sûreté de l'état, dispose que « la Cour de sûreté de l'état statue par
arrêt en premier et en dernier ressort.Les décisions ne sont pas susceptibles d'appel, mais de
pourvoi en cassation. L'article 9 précise que tout déclaration d'appel faite au Greffe ne peut
être enregistrée, ni faire l'objet d'une transmission ».87(*) . Qu'en est-il pourtant du recours fait
par les groupements ?
* 77 PRADEL Jean `' Le droit au juge dans la procédure pénale française', in RIDEAU
Joël, pp.23-32.
* 80 Henri Jacquot, cité par NLEP Roger. Gabriel ,in ZBIGNIEW Paul Ndime Nlep, op
cit., p 268
* 84 Injonction émanant d'une autorité d'un Etat qui a pour vertu d'incorporer à l'ordre
juridique étatique qu'elle représente, un élément extérieur à celui-ci.C'est aussi une
décision par laquelle un tribunal de grande instance donne force exécutoire à une
sentence arbitrale, désigne aussi l'objet ou l'effet de la décision.Voir lexique des
termes juridiques, op. cit , p.336.
* 86 Ibid., P 299.
L'intérêt du procès peut rejaillir sur un ensemble d'individus, des membres d'un groupe, c'est-
à- dire d'une collectivité considérée comme une entité abstraite qui dépasse la somme des
intérêts individuels de ses membres.
La législation accorde le droit au juge aux groupements à but non lucratif (syndicats,
associations, ordres professionnels) dès lors qu'ils sont dotés de la personnalité juridique ou
morale, pour la défense de leur propre intérêt en tant que groupement : par exemple une
atteinte au patrimoine.
La jurisprudence est très réticente lorsque le groupement invoque non un intérêt personnel,
mais des intérêts collectifs de la collectivité qu'il prétend représenter. Selon une jurisprudence
traditionnelle de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) « on ne saurait
accepter le principe selon lequel une association, en sa qualité de représentant d'une
catégorie d'entrepreneurs, serait individuellement concerné par un acte affectant les intérêt
généraux de cette catégorie ».88(*)
Cette prise de position éviterait que, par leur mission, les groupements ne deviennent
concurrents du ministère public qui a le monopole de la défense des intérêts généraux et
sociaux. C'est aussi pour cette raison qu'au Cameroun comme en France, les établissements
publics peuvent exercer un recours pour la protection de leur patrimoine et non pour un intérêt
social et moral.
Cette théorie qui s'est développée au fil des années est une théorie qui fait du concept de
l'intérêt général, un concept « faux » car presque toutes les infractions peuvent nuire aux
intérêts propres d'une personne ou d'un groupement. De l'avis de Jean PRADEL, cette
conception a sinon disparu du moins est en recul89(*) . La jurisprudence décide aujourd'hui
qu'il y à la fois atteinte à l'intérêt général et à l'intérêt particulier90(*). Par ce détour, le juge
admet le recours des groupements. Le législateur français par une loi du 26 mai 1992, BC,
n°211, admet le recours des associations qui ont un intérêt général, à la condition qu'elles
soient déclarées depuis au moins 5 ans.
C'est le développement des droits de l'homme qui doit donner un aspect de plus en grande
importance à l'action des associations. Ainsi, une association peut ester en justice pour la
protection du corps humain, une composante du droit à la santé (lutte contre la toxicomanie),
pour l'intégrité corporelle, la moralité (lutte contre les violences sexuelles).
Mais la catégorie des groupements n'est pas unitaire. A la suite de la Charte Africaine des
droits de l'homme et des peuples, la Constitution camerounaise a proclamé son attachement à
la protection des minorités, des groupes autochtones et de la famille91(*).
Le problème qui se pose est de savoir s'il faut reconnaître la personnalité juridique ou morale
à ces trois entités dont les contours n'ont pas été clairement définis par exemple à un recours
pour violation du droit à l'intimité familiale ? Des minorités peuvent-elles revendiquer les
droits ?
Au Cameroun, si la jurisprudence est réticente en matière du recours exercé par la famille, elle
a au contraire fait application de la protection des minorités dans le jugement n°59/CS-CA du
18 Juillet 1996, Roger DELORE EPALE/SDF92(*). Il s'agit ici du respect de la composante
sociologique des circonscriptions administratives.
La complexité des rapports entre les membres d'une famille motiverait le juge camerounais
dans sa réticence. On estime que le chef de famille si besoin est, peut exercer le recours.
Sur un tout autre plan, on peut logiquement se demander s'il existe un privilège au droit au
juge international pour le justiciable camerounais. L'on serait tenté de répondre par
l'affirmative, s'il est vrai que « la loi assure à tous le droit de se faire rendre justice ».
Cependant aucune loi ne prévoit expressément cette possibilité.
* 90 Cass. Crim, 26 octobre 1994. Cité par PRADEL jean, in RIDEAU Joël, op. cit. ,
pp.23-32.
* 92 Arrêt cité par NLEP Roger Gabriel, in Le juge de l'administration et les doits
fondamentaux dans l'espace Francophone, op cit., pp.78-79.
* 93 PRADEL Jean, in RIDEAU Joel , op. cit., pp. 23-32.
La renonciation est possible lorsqu'on considère le droit au juge comme une faculté95(*).
Cependant, l'on pourrait logiquement se poser la question de savoir si le droit au juge doit
faire l'objet d'une renonciation. A la vérité, s'il s'agit d'une éventuelle action en responsabilité
civile, la satisfaction du demandeur par une transaction par exemple, peut faire l'objet d'une
renonciation.
La suspicion est grande quand il s'agit d'une action en responsabilité pénale dont la
conséquence peut être la condamnation de son auteur à des peines d'emprisonnement.
Au Cameroun, ce genre de renonciation n'est pas souvent que le fait du justiciable. En effet
celui-ci fait souvent l'objet de multiples pressions. Celles-ci sont l'oeuvre de certaines
personnes ou certains groupes qui l'obligent à agir contre sa volonté. Il s'agit des sectes
religieuses pour des raisons occultes, des communautés autochtones, de la famille. Celles-ci
isolent l'individu à des degrés divers et le privent des moyens effectifs pour exercer ce droit
fondamental qu'est le droit à la justice96(*). Le droit de changer de juge est aussi une
composante importante du droit à la justice.
Des dispositions juridiques doivent permettre à l'individu de changer de juge lorsqu'il n'est pas
satisfait. A cet effet, il faut saluer l'effort que la législation camerounaise a fourni, en
prévoyant la possibilité de récuser le juge, le principe du double degré devant certaines
juridictions, la possibilité pour le justiciable de décliner les juridictions coutumières pour les
juridictions modernes. Cette dernière mesure est un excellent moyen d'intéresser le justiciable
à la justice moderne. Mais, le législateur n'est pas allé jusqu'au bout de l'effort. Le contentieux
administratif et constitutionnel nous offre de parfaites illustrations.
En matière constitutionnelle, les voies de recours sont fermées au simple citoyen sauf en
matière électorale où la Cour Constitutionnelle peut être saisie par tout candidat, tout parti
politique ayant pris part à l'élection.Il s'agit des élections législatives et de l'élection
présidentielle.En ce qui concerne les élections municipales, c'est la chambre administrative
qui a compétence. Si l'article 48 de la loi du 18 janvier 1996 est très large en donnant cette
possibilité, l'article 50 alinéa 1 dispose quant à lui que « les décisions du Conseil
Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et
à toutes les autorités administratives (...) ainsi qu'à toute personne physique ou morale ».
Certes, les membres du Conseil Constitutionnel sont choisis parmi les personnalités de
réputation professionnelle établie, jouissant d'une intégrité morale et d'une compétence
reconnue101(*). Mais ils ne sont pas infaillibles. Ce d'autant plus qu'ils sont nommés par le
Président de la République envers lequel ils voudront montrer leur gratitude.
Si le droit de changer le juge peut parfois être refusé au justiciable, celui-ci doit au contraire,
lorsqu'il est dans la position du mis en cause, être rapidement soumis au juge.
Le procès pénal est, de tous les procès, le plus délicat. C'est le lieu où il faut chercher à
concilier la protection de la société et la préservation des droits du délinquant.
Cependant, le procès commence généralement dans les postes de police, ou les brigades de
gendarmerie, à la suite de la plainte de la victime, d'une dénonciation faite par un tiers ou
d'une découverte par les membres de la police judiciaire. Le poste de police est le siège des
tracasseries pour le délinquant, car la police travaille généralement en l'absence de contrôle
du parquet102(*). Première institution de surveillance, les policiers considèrent une enquête à
leur niveau comme leur affaire et refusent d'ouvrir leurs locaux. Cette absence de
collaboration laisse libre cours à de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux du
délinquant : atteintes à son intimité103(*) (A), atteintes aux libertés (B)
Malgré la ratification de ce texte par l'Etat camerounais, le respect de l'intimité n'est pas
évident.
L'officier camerounais outrepasse ses droits. Il fait des perquisitions sans mandat de justice, et
même sans décliner son identité.Ces pratiques des policiers font peur aux camerounais. Les
perquisitions qui se font parfois sans respect des heures légales (de 6h à 18 h), transforment
souvent de nombreux innocents en coupables. Il suffit qu'un policier entre et introduise dans
le domicile du suspect, une pièce qui sera déterminante dans la recherche des preuves.
L'exemple le plus illustratif est celui du procès de M. Senfo TOKAM, alors étudiant à
l'Université de Yaoundé. Celui-ci fut accusé de possession d'une fausse carte d'identité
scolaire délivrée par un lycée.Cette carte semble avoir qui été introduite dans ses affaires pour
pouvoir le faire taire, en organisant une parodie de procès au Tribunal de Première Instance de
Yaoundé. En effet, il était militant d'un Syndicat des Etudiants (Le Parlement) et était aimé de
tous ses camarades. Son arrestation était donc planifiée, une arrestation arbitraire pour faire
taire l'expression politique104(*). Conduire au mutisme politique est une atteinte aux libertés.
* 102 NKOU MVONDO Prosper `'La privation des libertés au suspect: droit de
l'homme et sécurité du justiciable dans la procédure pénale Camerounaise, op.cit.;
pp, 509-530.
* 103 Caractère de ce qui est intime, secret.L'intimité dans sa définition juridique fait
allusion à la vie privée d'un individu.
* 104 ETEKI. OTABELA Marie Louise, `'le Totalitarisme des Etats africains : le cas du
Cameroun, Paris, l'Harmattan, 2001, Etudes Africaines, p.520 -
La garde-à-vue est définie comme la détention sous contrainte d'une personne suspecte aux
fins d'audition dans les locaux de police judiciaire105(*). Elle se caractérise par la contrainte
résultant d'une interpellation. Elle est à distinguer de la rétention aux fins d'audition et de
vérification d'identité. La garde- à- vue telle que pratiquée au Cameroun offre un mauvais
spectacle.
Prévue pour 24 heures renouvelables trois fois par le Procureur, la garde- à- vue dure parfois
des semaines. Comme le constate M. NKOU MVONDO, le contact est rompu entre la police
judiciaire et le magistrat du parquet106(*). Pourtant l'article 9 alinéa 3 du PIDCP dispose que «
tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court
délai devant un juge ou une autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».
Les policiers agissent à leur guise en l'absence du parquet. Les locaux de la police judiciaire
sont donc le terrain fertile des atteintes aux libertés, le théâtre des pratiques regrettables107(*).
En effet, plus d'une dizaine de détenus sont souvent agglutinés dans un local de 3 à 4 mètres,
passant des nuits entières sans s'asseoir, encore moins se coucher. Le local n'est pas aéré et est
dépourvu de toilettes. Les gardés à vue sont parfois obligés de se soulager au sol108(*). Le
suspect qui entre dans la cellule n'est pas toujours sûr de sortir en bonne santé ou vivant.
Tous ces actes sont facilités par l'impossibilité pour le suspect de consulter un avocat en droit
camerounais. La procédure pénale camerounaise héritée de la colonisation est restée figée sur
cette position, alors que la France l'a abrogée par une loi du 4 janvier 1993. Le droit américain
a été le premier à s'engager sur cette voie avec le célèbre arrêt Miranda contre l'Etat
d'Arizona.109(*) Pour Yves Marie Morissette, le moyen le plus efficace de remédier à ces
pratiques consiste à étendre à la phase initiale de l'enquête policière, le droit d'être assisté par
un avocat.
La situation est d'autant plus grave que le gardé à vu est souvent arrêté sans motif valable. La
police camerounaise a pris l'habitude « des rafles »110(*). La victime passe un séjour dans les
locaux de la police sans que les raisons de son arrestation ne lui soient notifiées. Pourtant
l'alinéa 2 de l'article 9 du PIDCP dispose que « tout individu sera informé au moment de son
arrestation, des raisons de cette arrestation... » La police avance souvent des questions de
sécurité et d'enquête. Mais la raison est que le séjour à l'hôtel de la police n'est pas gratuit.
Pour en sortir, il faut payer des frais qui remontent à trois mille (3000 FCFA). Tel semble être
l'objectif caché d'une police qui est de tout temps accusée de corruption111(*).
Les auteurs du PIDCP se sont comportés en véritable prophètes lorsqu'ils ont prévu dans
l'article 9 alinéa 3, la possibilité pour celui qui « privé de sa liberté par arrestation ou
détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans
délai sur la légalité de la détention et cordonne sa libération si la détention est illégale »112(*).
Comme en écho, l'ordonnance 72/4 du 26 Août 1972 modifié par la loi n° 89/019 du 19
décembre 1989, donne compétence au Tribunal de Grande Instance (TGI) de connaître des
requêtes tendant à obtenir en matière non administrative, l'interdiction à toute personne ou
autorité, d'accomplir un acte pour lequel elle est légalement incompétente (order of
prohibition) ou des requêtes tendant à obtenir, toujours en matière non administrative,
l'accomplissement par toute autorité d'un acte qu'elle est tenue d'accomplir en vertu de la loi
(order of Mandamus). Mais le TGI n'est pas compétent pour les gardes-à-vue administratives.
L'on comprend donc la fierté de M. KITIO Edouard devant la création par décret n° 90/1459
du 8 novembre 1990 du comité national des droits de l'homme et de libertés113(*), qui viendrait
pallier ce phénomène déplorable. Cependant, le Comité ne prend aucune décision visant à
faire cesser les violations des libertés. Il dresse de simples rapports d'observation des
commissariats, brigades de gendarmerie, et même des établissements pénitentiaires où se
déroule la détention provisoire.
Le Cameroun est par ailleurs doté aujourd'hui d'une Commission Nationale des Droits de
l'homme depuis la loi n°2004/16 DU 22 JUILLET 2004.
* 107 MORISSETTE Yves-Marie, `'l'accès à la justice comme moyen et comme fin `',
in l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté
francophone, op. cit., pp.263-293. ,
* 109 Cité par Morisette Yves-Marie, in l'effectivité des droits fondamentaux, op cit.,
pp. 263-293.
3- La détention provisoire
La détention provisoire est une incarcération de l'inculpé dans une maison d'arrêt pendant tout
ou partie de la période allant du début de l'instruction préparatoire au jugement définitif. Elle
est plus grave pour les libertés que la garde- à- vue. Le droit d'être soumis au juge se fait
encore « plus puissant encore ». Toutes les mesures de mise en détention et de prolongation
ne peuvent être prises que par le juge ; mais la procédure est moins bien organisée que celle
de la garde -à -vue.
La plupart des détenus sont donc ceux qui ne sont pas encore jugés. La détention fait peser sur
l'individu une présomption de culpabilité entraînant parfois un risque de plus forte
condamnation. Le juge est parfois obligé de prendre des décisions avec des peines couvrant la
période de la détention préventive, évitant par là un éventuel recours en réparation du
préjudice subi par le détenu.115(*).
Par ailleurs, les lieux de détention, les prisons sont de terribles mouroirs. Construites à
l'époque coloniale pour près de 800 détenus, elles accueillent de nos jours, dans un état
vétuste, près de 3000 personnes. Les régisseurs dépassés confient souvent la charge de
surveillance à certains prisonniers. Ayant désormais des statuts particuliers, ceux-ci
deviennent des techniciens de la torture.
L'accès à la justice suppose une action faite par l'auteur d'une prétention afin d'être entendu
par le juge pour qu'il la dise bien ou mal fondée119(*). Pour l'adversaire, l'action est le droit de
discuter le bien fondé de cette prétention. Il correspond pour le demandeur à la concrétisation
du droit d'agir par l'introduction d'une demande en justice. L'accès à la justice non seulement
se caractérise au Cameroun par la persistance des limites juridico institutionnelles (Paragraphe
1) mais encore par des limites sociologiques (Paragraphe 2).
L'on ne saurait passer sous silence des efforts qui sont consentis par l'Etat camerounais pour
rapprocher la justice du justiciable123(*). Malgré ses efforts, le juge camerounais demeure
toujours éloigné du justiciable.
L'auteur met ici en exergue le risque de disparition de l'unité de juridiction sur l'étendue du
territoire national. En effet, la décentralisation organise sur le territoire national des
circonscriptions administratives autonomes, c'est-à-dire au sein desquelles les populations ont
des droits et une certaine capacité à décider d'« elles même de certaines affaires publiques,
des affaires dites de proximité »127(*)
Une telle institution n'est pour le moment pas souhaitable, d'autant plus que rien ne laisse
entrevoir la mise en oeuvre des régions créées par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
par suite, de l'avis des autorités camerounaises, de l'absence de moyens financiers.Une
déconcentration serait donc appropriée, surtout que celle -ci est simple et vise tout simplement
à répartir sur le territoire national les juridictions dans les circonscriptions administratives,
prolongement vers la périphérie du pouvoir central128(*).C'est sans doute ce que voudrait
suggérer le Professeur SAWADOGO.
Le législateur camerounais a cru devoir résoudre le problème en créant dans chaque province
des tribunaux administratifs129(*). Mais ils sont jusqu'à présent ineffectifs. La portée de
l'oeuvre de décongestion des tribunaux est limitée par une loi d'application introuvable130(*)
qui permettrait aux institutions de fonctionner pleinement. L'autre fait majeur est la retombée
de l'éventuel recours en cassation exercé devant la Cour d'appel. Une affaire cassée peut être
renvoyée devant une autre Cour d'appel plus éloignée que celle de circonscription du
justiciable. Celui-ci se voit de ce fait contraint de débourser de l'argent supplémentaire pour le
voyage et parfois l'hébergement. Un coût qui vient s'ajouter à celui du procès qui est déjà pour
le justiciable une véritable gageure.
* 122 DEGNI SEGUI René ; `' L'accès à la justice et ses obstacles, in l'effectivité des
droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, op. Cit. , pp 241
- 245
* 124 DEGNI SEGUI René, l'accès à la justice et ses obstacles, ibid., pp241-245,
* 91 -L'axe lourd Douala Yaoundé est réputé pour les accidents qu'on y enregistre.
* 126 VITU A.une nouvelle juridiction d'exception : la cour de sûreté de l'Etat, RSC,
1994, p.1cité par MINKOA SHE Adolphe, op. cit., p.252.
* 128Ibid., pp.128-154.
* 129 Article 42 alinéa 2 de la loi du 18 janvier 1996.
2- La cherté du procès.
Mais la gratuité, du reste mal comprise des Africains perd tout sont sens devant les frais
élevés de l'instance que l'assistance justiciable limitée ne peut compenser132(*) (Honoraires
d'avocats et d'experts, timbres, consignations, frais et dépens. Le justiciable n'arrive pas en
général à évaluer le coût total du procès. L'on assiste régulièrement à « l'abandon du procès ».
La situation est si préoccupante que M. SOCKENG Roger s'est demandé « à quoi bon parler
de service public de la justice, si à la longue, la majorité se trouve dans l'impossibilité de
faire valoir ses droits pour des raisons d'ordre financier »133(*). Les riches, les plus puissants
et les mieux organisés ont dans l'ensemble un accès facile et disposent de service de meilleure
qualité.
* 134 Pour les conditions d'admission voir SOCKENG Roger, op cit. , p.23 et 24.
Contrairement aux membres de la Cour suprême, vêtus de leurs toges ronges aux couleurs
rouges et coiffées de perruques blanches, les magistrats des juridictions inférieures et les
avocats se vêtissent des toges noires. Si l'accoutrement des premiers ne suscite généralement
pas beaucoup de commentaire, peut être parce qu'ils sont éloignés et peu fréquentés par les
justiciables, celui des magistrats et des avocats inspire un certain sentiment de peur ou de
crainte à l'égard du juge et de tout ce qui représente l'administration138(*).
Le juge et l'avocat drapés dans leurs toges, rappellent le mauvais souvenir de l'administration
coloniale. Georges Ripert a pu qualifier cette toge de « costume maintenu dans sa forme
antique »139(*).
Comme la plupart des pays dans le monde, La justice camerounaise est stigmatisée à cause du
langage hermétique dont elle se sert. C'est un langage réservé aux seuls initiés du droit. Un
langage que Georges Ripert a qualifié « d'archaïque »141(*). Il contribue à isoler davantage une
grande frange de la population villageoise déjà en majorité analphabète. M Pierre
COUVRAT142(*) n'est pas du tout d'accord avec la position de George Ripert ; il pense que «
les juristes ont leur langage, difficilement intelligible, mais qui correspond à une exigence de
précision et qu'il n'est pas possible de banaliser ce langage. Une simplification poussée
aboutirait nécessairement à des imprécisions et à des erreurs »143(*)
Le justiciable est-il donc condamné à rester à l'écart de la justice ? Pour pallier cette difficulté
des interprètes ont été mis à la disposition des justiciables dans les tribunaux. Mais le
problème est que ces interprètes n'entrent en fonction que lors du procès. Comment le
justiciable s'y prendra-t-il pour y arriver ? Et même lorsqu'il réussi à y arriver, la transmission
d'information légale est toujours problématique. Le message est parfois déformé, et
l'interprète ne trouve pas toujours des mots justes pour traduire144(*).
Des efforts doivent être faits dans le sens de l'amélioration de l'accès à la justice par
l'explication correcte des démarches à entreprendre et la simplification du langage judiciaire.
On verra dès lors si la renonciation à la justice relève du seul fait des facteurs sociologiques.
Le manque de confiance vis-à-vis de la justice moderne (1) entraîne le refus de recourir aux
juridictions d'Etat (2).
1 - Le manque de confiance
Par préjugé, à tort ou à raison, les justiciables s'avouent souvent vaincus lorsqu'ils pensent
qu'ils auront affaire à la justice. Plusieurs raisons sont avancées. D'abord l'ignorance du droit
due à l'absence de publication .Pour Filiga Michel SAWADOGO « la grande majorité des
justiciables ne peut pas recourir à la justice étatique en raison de leur méconnaissance du
droit étatique, qui ne semble pas répondre à leur attente»145(*). Cependant l'absence de
publication ne justifie pas tout. Il existe au moins dans le système juridique camerounais, des
lois publiées que les justiciables n'arrivent ni à lire ni à comprendre. Ils se posent un problème
d'alphabétisme. Le Cameroun est composé d'une population en grande majorité analphabète.
Pourtant, les langues de travail sont le français et l'anglais..
Une autre raison avancée et non des moindres est la corruption qui gangrène les milieux
judiciaires. Le Professeur KAMTO relève à ce sujet « qu'on comprend alors le
désenchantement et la désaffection des justiciables encore enracinés dans la culture
traditionnelle, ou peu fortunés, devant cette justice négociable et monnayable, qui accrédite si
souvent cette maxime du fabuliste français, selon que vous serez puissant ou misérable, les
jugements de la Cour vous rendront blanc ou noir . Les justiciables se résolvent donc à se
faire justice car vis à vis de la justice étatique le doute s'est installé dans l'esprit des
justiciables »146(*) Ceux-ci préfèrent ne plus recourir à la justice moderne.
* 139 RIPERT Georges, `' les forces créatrices du droit, LGJD, Paris, 2e édition, 1955,
p.11.
* 140 Les bamilékés sont une tribu de l'Ouest - Cameroun qui célèbre les funérailles
chaque week-end. Durant ce temps tout le monde est drapé dans une tenue noire.
La somme de plusieurs tenues donne une vue cynique.
* 143GRIFFITHS (J), `' une le législation efficace, une approche comparative `', la
création du droit, in DARBON Dominique et DUBOIS de GAUDUSSION jean, (S la
Direction de), op. Cit., pp.41 - 72.
* 144 Par exemple lorsqu'on demande voulez-vous vous constituer partie civile ? Le
justiciable pense qu'on lui demande quelle somme d'argent il veut.Il répond donc au
juge que ce n'est que lui seul qui est capable de savoir ce qui est bon pour lui.
Pour Madame Yves Marie MORISETTE, « il se crée ainsi des zones de résistance à la
justice. Certaines sectes religieuses, des communautés autochtones, la famille isolent
l'individu qui a engagé ou a l'intention d'engager le procès et le privent des moyens effectifs
pour exercer ses droits fondamentaux »148(*). Cette attitude est souvent adoptée au nom des
traditions établies.
Les traditions qui font que la communauté préfère des solutions négociées ou amiables au
procès à l'occidental qui tranche et fait des gagnants et des perdants. Pour le justiciable
africain en général, mieux vaut un « mauvais arrangement qu'un bon procès ».
Un regard innocent permettrait de louer les efforts qu'opère le Constituant camerounais pour améliorer la
qualité de la justice. Le moyen utilisé est avant tout le réaménagement du statut juridique des magistrats. C'es
ainsi que les autorités camerounaises151(*) se félicitent de l'érection de l'autorité judiciaire en « un pouvoir
judiciaire enfin là !»152(*) Il ressort de ces propos que la dénomination de l'autorité judiciaire était, avant la
réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996, un handicap à l'éclosion de la liberté du juge. Par conséquent "le
pouvoir judiciaire" lui donnerait « un regain de vitalité » ainsi que le mentionne Me Douala MOUTOME :
« aujourd'hui ... les acteurs de la chose judiciaire se doivent de se convertir aux contraintes d'un pouvoir
judiciaire enfin là...Fini donc cet attentisme inhibant qui permettait à beaucoup d'entre-vous de n'entreprendr
aucune action lorsque même l'évidence l'imposait de façon éblouissante...Cessez d'être à la solde de ceux qui
n'ont rien à voir avec vous »153(*).
Certains auteurs ne sont pas pour autant d'accord avec cet optimiste « éblouissant » de Me Douala MOUTOM
Pour Alioune BADARA FALL, autorité judiciaire ou pouvoir judiciaire, les deux notions ne sont que la volon
de consécration de la théorie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu par les pays africains que l'ancienn
métropole leur a léguée154(*). Sévère est M. Jean Calvin ABA'A OYONO pour qui, « parler de pouvoir
judiciaire n'est qu'une technique rédactionnelle qui ne signifie pas nécessairement que son détenteur est plus
prépondérant, plus respecté, plus craint et moins invulnérable que ne le serait le détenteur de l'autorité...
Autorité et pouvoir ne s'excluent pas de manière significative »155(*). L'observation attentive du statut des
magistrats au Cameroun (section 1) et le déroulement des procès (section 2) empêchent tout triomphalisme.
Lors des colloques et pendant les conversations entre individus, on s'est toujours plaint de la partialité des jug
africains en général et camerounais en particulier. Parfois c'est à tort, car le juge camerounais a souvent fait
preuve de courage156(*) pour assurer une fonction particulièrement difficile dans les conditions politiques et
sociales pesantes, en faisant respecter le droit et en assurant une véritable protection des libertés publiques157(
mais il ne s'agit cependant que de quelques exceptions. Le fléau demeure malgré tout (Paragraphe 1). Toutefo
il y a lieu de relativiser les causes de ce phénomène devenues classiques dans les Etats africains (Paragraphe 2
Cette distinction a été faite dans l'arrêt PIERSAK c/ Belgique le 1er octobre 1992 où le juge a distingué entre
"une démarche subjective" essayant de déterminer ce que tel juge pensait dans son for intérieur, en telle
circonstance et une démarche objective amenant à rechercher s'il offrait des garanties suffisantes pour exclure
cet égard tout illégitimité159(*).
Des textes internationaux et régionaux ne cessent de rappeler aux magistrats la nécessité d'offrir aux justiciab
un procès équitable160(*). Le juge a donc l'obligation de rester neutre et de n'accorder aucun privilège à aucune
des parties en présence au procès. Mais la crédibilité du juge camerounais est sérieusement battue en
brèche161(*). Les origines de l'absence de crédibilité sont statutaires et liées à la proclamation vertueuse par le
constituant camerounais de l'indépendance des magistrats (A) et à l'absence du principe de l'inamovibilité (B)
Cette indépendance est organisée de manière spéciale et identique dans l'article 5 du décret n° 95/048 du 8 ma
1995 portant statut de la magistrature. Pour certains auteurs, l'indépendance implique que le juge a une image
dans la société caractérisée par la neutralité, l'objectivité, l'impartialité, la loyauté, l'honnêteté, la dignité et
l'abnégation163(*).
Le juge administratif et le magistrat du parquet ne semblent pas bénéficier de cette indépendance car le titre V
ne traite que du juge judiciaire, magistrat du siège. Il reste que malgré le privilège dont jouit ce dernier, toutes
ces catégories de juges sont caractérisées par une dépendance vis-à-vis de l'exécutif (1) et du « pouvoir social
(2).
Le juge administratif est par présomption soupçonné de partialité en faveur de l'Administration, car comme le
dit le Professeur François CHEVALLIER « les justiciables s'expliquent mal que l'existence de cet ordre de
juridiction spécial à l'administration soit totalement étrangère à toute idée de privilège »164(*). La dépendance
du magistrat du siège est évidente malgré son statut. C'est ce que M. Jean Calvin ABA'A OYONO qualifie de
« trompe l'oeil constitutionnel »165(*). Le magistrat du siège est soumis à des pressions politiques de toute sort
Les pouvoirs publics cherchent à maîtriser l'appareil judiciaire en faisant complètement fi des principes
constitutionnels d'indépendance166(*). Cette petite phrase de Me Douala MOUTOME en dit long : « cessez d'ê
à la solde de ceux qui n'ont rien à voir avec vous » 167(*) . Plus gênante est la situation des procureurs de la
République qui, selon l'article 3 du décret n° 95/048 du mars 1995 portant statut de la magistrature, sont
hiérarchiquement subordonnés au ministre de la justice, garde des sceaux ; des propos de M. Douala
MOUTOME sont révélateurs une fois de plus : «en attendant de changer le système judiciaire, le juge est
entièrement indépendant, le magistrat du parquet est tenu à certaines obligations qui atténuent quelque peu s
indépendance »168(*).
Même si les procureurs échappent parfois à l'emprise du ministre de la justice en vertu de l'adage selon lequel
plume est serve et la parole libre, aucun ordre de magistrats n'échappe au Président de la République qui est
garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Pour M. Jean Calvin ABA'A OYONO, c'est « une curieuse
manière d'allouer le gardiennage de l'indépendance d'un pouvoir d'Etat à un autre alors que les deux se vale
constitutionnellement »169(*).
Le Professeur KAMTO affirme pourtant que « l'indépendance du juge camerounais n'est pas menacée par le
pouvoir politique»170(*). Cette affirmation est sujette à caution. En effet, le principe d'inamovibilité, gage d'une
plus grande indépendance du juge est inconnu du constituant camerounais, ce qui le met à la merci de la
manipulation du pouvoir politique.Cependant, le magistrat camerounais est aussi menacé par le pouvoir socia
* 149 BADARA FALL Alioune `'le statut du juge en Afrique, numéro spécial, revue électronique Afril
n°3/2003, PP.2-34.
* 150 NATHALIE FRICERO et BERNARDINI (sous la direction), Le droit au juge devant les juridictio
civiles, in Rideau Joël, le droit au juge dans l'union Européenne, op. cit., p.15.
* 151 Me Douala MOUTOME alors ministre de la justice garde des sceaux, lex-lata, n° 23- 24 février
mars 1996 p 13, in ABA'A Oyono Jean Calvin, les mutations de la justice à la lumière du
développement constitutionnel de 1996, Afrilex 2000/ 2001 pp .1- 23.
; pp.1-23.
* 156 ETEKI OTABELA Marie Louise, op cit., p.516. Elle a fait l'éloge du juge lors du procès du jeune
étudiant SENFO Tokam, arrêté arbitrairement en 1991 lorsqu'il était étudiant à l'université de
Yaoundé 1.
* 159 COULON Jean Mairie, premier président de la Cour d'Appel de paris, http.www.en.m.justice.fr
* 164 CHEVALIER François, " le droit au juge devant les juridictions administratives, in le droit au jug
dans l'union Européenne, op. cit., p 188 .
Dès l'accession du Cameroun à l'indépendance196(*), les premières constitutions établies par les
nouveaux gouvernants affirment l'indépendance de la justice et le respect de la séparation des
pouvoirs. Mais les proclamations vertueuses ne sont pas totalement réalisées à cause de
l'existence du parti unifié, l'Union nationale Camerounaise (UNC) crée le 11 juin 1966 par le
président Ahmadou AHIDJO. Il y avait donc une forte concentration du pouvoir entre les
mains du pouvoir exécutif, lui même dominé par un chef d'Etat omnipotent197(*). C'est
pourquoi M. Alioune BADARA FALL affirme que « les dispositions constitutionnelles et
législatives relatives aux droits de l'homme et aux libertés publiques ne pouvaient
valablement s'appliquer et être respectées, car le juge, à quelques exceptions près, ne pouvait
assurer convenablement sa mission »198(*).
Cependant les choses n'ont pas évolué pour garantir au juge camerounais un climat plus
favorable à son indépendance. Peut être a t-il encore en mémoire le souvenir de l'époque du
parti unique ? D'ailleurs, de l'avis de M. Achille MBEMBE, « la peur du juge camerounais
s'explique comme celle du justiciable, par une société camerounaise nourrie depuis des
lustres de la sève de l'autocratie, de la répression et de l'asservissement de l'homme»199(*).
Aux méthodes de répression forte, ont succédé des procédés doux. Mme. Marie Louise
OTABELA révèle qu'« à l'époque c'était vraiment la terreur (...). Aujourd'hui la désolation a
pris la relève. Vingt ans après vous préférez appeler cela la corruption »200(*).M. Jean Paul
PASSERON constate qu'« en définitive, la justice en Afrique noire reste et restera marquée
par le régime d'unité de pouvoir qui confie le rôle essentiel au chef de l'Etat, érigé en
véritable guide de la nation animant un parti unique ou dominant, majoritaire à l'Assemblée
et pouvant éliminer sans rencontrer d'obstacles toute opposition susceptible de nuire à la
cohésion nationale, au développement du pays »201(*).
Dans cette situation, le juge camerounais ne peut appliquer de manière correcte la règle de
droit et participer de manière satisfaisante à la réalisation de l'Etat de droit. La tâche est ardue
pour lui, puisqu'en plus de conquérir une réelle indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, il
faut qu'il fasse pour lui-même un examen de conscience.
1- La personne du magistrat.
. Les juges rendent souvent des mauvaises décisions motivées par la recherche de la
promotion. Ainsi par exemple, pour plaire à l'Administration en faisant taire les journalistes,
les juges rendent souvent des décisions dont les quantum des peines visent à "tuer" les média
et à les mettre en état de détresse matérielle202(*). D'autres causes de l'impartialité du juge sont
consécutives au rapport qu'il entretient avec les justiciables.
Comment un juge peut-il se rendre crédible lorsqu'il est « prompt à s'adonner à la séduction
des femmes en instance de divorce et venues au tribunal à cet effet »204(*) ?
* 204 YONABA Salif, cité par BADARA FALL Alioune, op. cit., p 16.
Le procès est le cadre privilégié et dynamique des institutions judiciaires206(*). Les différents
animateurs sont généralement les parties elles-mêmes, les magistrats (du siège et/ou du
parquet), les avocats, des greffiers et les interprètes. Cette procédure devra se dérouler dans un
temps relativement court, à moins que l'affaire nécessite suffisamment de temps pour la
recherche des éléments de preuve. Aussi, le juge est-il obligé de respecter les règles
organisant la procédure avec ses multiples écueils.Il faut aussi compter sur le dilatoire. La
justice commence à souffrir d'une lenteur (paragraphe 1), à laquelle viennent s'ajouter
beaucoup d'autres maux dont l'irrespect des droits de la défense du justiciable (paragraphe 2).
En Europe, la diligence des plaideurs fait d'ailleurs partie des éléments pris en considération
par la Cour Européenne des droits de l'homme pour l'appréciation du délai raisonnable de la
procédure209(*).
1- Le laxisme du juge camerounais.
* 209 " Cour Européenne des Droits de l'homme, 29 février 1991, Vernillo C/ France
D. 1992 p 333, cité par FRICERO BERNARDINI Nathalie, in Joël Rideau, op. cit.,
pp.11-21.
Sur un tout autre plan, l'absence d'autonomie budgétaire est une cause de la lenteur judiciaire.
La justice doit par exemple, pour rémunérer le personnel ou acheter du matériel, attendre la
dotation du ministère de la justice. Cette attente peut constituer un blocage dans le traitement
des dossiers ;
L'insuffisance du personnel ici a un double sens. Il s'agit d'un manque qualitatif et quantitatif
de personnel.
Au sens quantitatif, les magistrats sont en nombre insuffisant216(*). Pour tout le Cameroun
l'école de magistrature ne forme que vingt cinq (25) magistrats tous les deux ans217(*).
Pourtant chaque année, il y a des décès et des retraités au sein du service public de la justice.
Ce qui crée un vide que le recrutement tardif des nouveaux magistrats ne peut combler. On
assiste à contrario à un engorgement du prétoire. Les magistrats en fonction sont parfois
dépassés et préfèrent classer les dossiers sans suite.
Dans le sens qualitatif, l'on note une absence de spécialisation des magistrats. Elle contribue à
la léthargie des contentieux, surtout administratif218(*), où les seuls magistrats de formation
privatiste se démultiplient. M. ABA'A OYONO note ainsi comme conséquence une lecture
superficielle des dossiers,219(*) qui selon M. Alioune BADARA FALL, implique que « le juge
est incapable de fixer une jurisprudence fiable »219(*).
Cette situation déplorable provoque des inégalités de traitement des parties qui peuvent se
permettre d'attendre plus longtemps un jugement. Il est néanmoins réconfortant de savoir
qu'un effort est fourni pour améliorer le traitement égal des parties au procès. Les principes
relatifs aux droits de la défense sont respectés, même si le fossé à combler reste énorme.
Il est cependant à craindre que le principe n'ait aucune portée réelle (A) malgré la clarté de sa
rédaction. Les droits de la défense implique que par ailleurs, les débats entre magistrats et
justiciable se fassent en public (B).
"Les droits de la défense" font partie de ce que Henry ROUSSILLON appelle "Le noyau
dur"221(*) des droits fondamentaux.Ce statut dont bénéficie les Droit de la défense n'aura pas
un effet dissuasif automatique sur le législateur. En effet, la mauvaise expérience que nous
avons eue à propos du "droit à la justice"en général incite à la prudence.
Son effectivité dépendra donc de la qualité du contrôle de constitutionnalité des lois par la
Conseil Constitutionnel. Pour M. ABA'A OYONO, il ne faut pas s'y tromper, un contrôle
efficace est difficilement réalisable222(*), car l'exclusivité de la saisine est accordée aux seuls
« Président de la République, au Président de l'Assemblée Nationale »,223(*) « dans une société
au sein de laquelle les dirigeants se remettent difficilement en cause, cela ne permet pas
d'assurer la censure des lois inconstitutionnelles »224(*).
Quoi qu'il en soit, la défense qui s'organise dans un débat contradictoire doit être publique.
* 223 Article 122 de la constitution du Bénin dispose que tout citoyen peut saisir la
cour constitutionnelle.
* 224 Dans la tradition africaine le chef ne peut mal faire.Le même phénomène a
tendance à se répercuter au niveau du pouvoir institué.
Contrairement à certains Etats, le droit au procès public n'est pas expressément consacré par
la constitution camerounaise du 18 janvier 1996226(*). Il ressort implicitement de
l'interprétation du préambule, lorsque celui-ci recommande dans l'un de ses alinéas, de
conduire le procès « dans le strict respect des droits de la défense »227(*).
En effet, la publicité des débats permet de s'assurer que le justiciable s'est réellement défendu,
et qu'il n'a pas subi des tortures. Pour Mme. Laurence Bourgorgue-LARSEN, « La publicité a
une double finalité dans un Etat de droit : le contrôle public de la justice et la confiance dans
les tribunaux » 228(*).
Cependant, en dépit de l'utilité reconnue au caractère public des débats, certains auteurs
pensent que ce n'est pas une « panacée »229(*), car des « décisions meilleures peuvent se
prendre dans des espaces fermés »230(*). L'opposition se manifeste avec vigueur devant la
tendance moderne qui suggère qu'il faut porter le débat dans les médias. Pour M. Henry
ROUSSILLON, ce n'est pas forcément le meilleur moyen de parvenir à une justice sereine
Tout compte fait, la publicité des débats ne se limite pas à l'installation d'un décor public.
Certaines conditions déforment le caractère public du procès dans les tribunaux camerounais.
Il s'agit d'un problème relatif à toute l'administration camerounaise. En effet, la justice
camerounaise souffre de la vétusté des infrastructures et du manque d'équipements
adéquats231(*). L'on note par exemple que dans certaines salles d'audience qui sont assez
grandes, il y a une absence de sonorisation pour véhiculer le message à l'audience séparée des
acteurs de justice par une distance considérable. Pis encore, les plafonniers devenus des nids
de bestioles en tout genre, fatigués de tourner à longueur de journée manifestent leur
mécontentement par la production de bruits assourdissants. Ces bruits gênent
considérablement l'auditoire qui ne perçoit pas l'utilité de « ces scies à moteur ».
L'on pouvait espérer que l'effort de l'Etat camerounais, fait pour désengorger les tribunaux
pallie cette insuffisance. Mais la construction de nouveaux tribunaux,231(*) offre le même
spectacle. Il est temps que l'Etat pense à moderniser la justice, pour que les juges offrent
toujours une meilleure prestation, qui ne s'arrête pas à la sentence. Elle va jusqu'à l'exécution
du jugement.
L'exécution des décisions de justice dans un pays est, selon Montesquieu l'indicateur de l'Etat
de droit232(*). L'un des critériums pour apprécier si tel Etat peut être qualifié d'un Etat de droit ,
est le sort réservé aux décisions de justice,car, « la décision n'a de sens que si après avoir été
rendue, elle est par la suite exécutée »233(*). La justice privée étant prohibée,la mise en oeuvre
de l'exécution de justice découle d'une procédure simple pour aboutir au droit lésé. En effet,
« il ne peut y avoir Etat de droit là où n'existent pas de mécanismes » clairs « destinés à
assurer l'exécution des décisions rendues par les cours et les tributaires »234(*).
Dans la plupart des cas, les décisions rendues par les juridictions d'instance peuvent être
contestées dans un certain délai devant la Cour d'Appel, on parle de décision rendue en
premier ressort. Dans d'autres cas, l'appel n'est pas possible. On parle de décision rendue en
dernier ressort. Cependant le justiciable peut bénéficier d'un pourvoi en cassation devant la
Cour Suprême235(*).
Généralement, les recours sont suspensifs236(*). C'est-à-dire que la décision doit rester
inexécutée. Mais une fois que tous les délais sont expirés sans qu'il y ait eu recours, la
décision devient définitive. On dit donc qu'elle a acquis autorité de la chose jugée.
L'autorité de la chose jugée signifie que « ce qui a été jugé définitivement ne peut plus être
remis en question, ni directement, ni indirectement, ni par voie d'action, ni par voie
d'exception »237(*). Le greffier en chef va donc par sa signature la rendre exécutoire.
Dès cet instant, celui qui a été condamné devra payer par exemple les dommages intérêts que
le tribunal aura fixé, régler au trésor le montant de l'amende à lui infligée ou être conduit en
prison. Ces actes sont qualifiés de l'exécution des décisions de justice.
Sur un tout autre plan, elle illustre les difficultés que pose la mise en oeuvre des décisions de
justice. Montesquieu affirme que quand il visite un pays, il n'examine pas si les lois sont
bonnes, mais plutôt si elles sont exécutées ou non, car la loi est partout sage239(*).
Malgré le secours apporté au droit positif par l'Acte Uniforme OHADA du 10 avril 1998
portant organisation des procédures simplifiées et des voies d'exécution240(*), l'application des
décisions de justice n'est pas évidente. Les difficultés d'exécution des décisions de justice
varient selon que celles-ci sont rendues par les juridictions nationales (section 1) ou émanent
des juridictions ou des institutions étrangères (section 2).
* 230 ROUSSILLON Henri prend l'exemple des fameux accords Israélo-palestinien qui
ont été passés en dehors de la maison de verre de l'ONU, dans un obscur hôtel
norvégien. Pour lui il n'est pas sûr que la participation du juge à la douloureuse
gestation de la loi ait beaucoup à gagner à se dérouler au grand jour.
* 232 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois I, Folio, essais, Paris, Edition Gallimard,
1995, P. 185.
* 234 SALEM OULD BOUBOUTT Ahmed, Les voies d'exécution contre les personnes
publiques en droit mauritaniens, in l'effectivité des droits fondamentaux dans les pays
de la communauté francophone, op. cit., p. 583.
* 235 Selon l'article 38 alinéa de la loi du 18 janvier 1996, la Cour Suprême est la plus
haute juridiction de l'Etat en matière judiciaire, administrative et de jugements des
recours ne sont pas suspensifs.
* 236 Les décisions du juge administratif sont en général revêtues de la formule
exécutoire ; « La république demande et ordonne... » In Martin Akendengne, op cit,
p. 376.
* 239 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois I, Folio, essais, Paris, Edition Gallimard,
1995, p. 185.
Le « contentieux de pleine juridiction » offre des pouvoirs plus larges qui permettent si besoin
est de prononcer les condamnations pécuniaires.Que ce soit le contentieux de l'excès de
pouvoir destiné à « assurer le rétablissement de la légalité qui est indivisible »248(*), ou de
plein contentieux, le recours devant l'assemblée plénière (chambre d'appel de la cour
suprême) n'est pas suspensif. Toutefois, il est à déplorer la désinvolture de l'Administration
dans l'application, des décisions de justice. Exécuter contre l'Administration est un exercice
difficile (A), si bien que l'on se demande comment la faire plier (B).
1-Les difficultés.
« Les actes annulés pour excès de pouvoir sont réputés n'être jamais intervenus » ; cela veut
dire que l'annulation a un effet rétroactif, non seulement l'acte n'existe plus, mais encore il
doit être considéré comme n'ayant jamais existé.
Ainsi donc, dans le cas où est annulée une décision ayant occasionné l'éviction du service d'un
fonctionnaire, ou d'un agent public (révocation ou admission à la retraite) il doit être réintégré
dans la fonction publique comme s'il n'a jamais cessé de poursuivre sa carrière. Le grade et
échelon auxquels il serait parvenu s'il était resté en fonction doivent lui être attribués d'office,
sans aucune demande de l'intéressé. Le Professeur René CHAPIUS parle d'une réintégration
effective249(*) .
Mais l'application de la règle est peu évidente dans la plupart des pays africains. En effet, à
cause des « mouvements pro-démocratiques » des années 1990, de nombreux fonctionnaires
et agents de l'Etat ont été évincés de leurs fonctions, parce que ayant milité dans un parti autre
que celui au pouvoir. Dans un pays où l'allégeance au « chef » est considérée comme une
révélation divine.
Pourtant l'exécution de la justice doit être exercée avec célérité. Plusieurs exemples illustrent
la mauvaise foi de l'administration dans le non respect des principes de la chose jugée, dans la
réintégration des fonctionnaires à l'issu des contentieux normatifs.
* 246 C.E. Section. 25 septembre 1970 Commune de Batez-sur mer, cité par
CHAPUIS René, op cit. , p. 540.
Entre temps il est affecté à Kribi.Mais son acte d'affectation ne lui est pas notifié.Il y reprend
néanmoins son service le 15 octobre 1983, comme l'atteste le Délégué provinciale de
l'Agriculture du Centre-sud dans sa correspondance n° 87/L/CF/DPACS/SAF/SP du 10
décembre 1983, répondant ainsi à la lettre n°06156/MINAGRI/DAG/SP/SAF du02 décembre
1983 du Ministre de l'Agriculture.
Telles sont les raisons qui vont le pousser à solliciter de la Chambre Administrative de la
Cour Suprême l'annulation de l'arrêté incriminé. L'Etat s'oppose sans succès à la prétention du
requérant, car selon la Cour, « on ne peut parler d'abandon de poste pour la période allant du
1er novembre 1982 au 15 octobre1983 » parce que « en notifiant pas la décision d'affectation
à M.MBARGA Symphorien, celui-ci était dans l'impossibilité de l'exécuter ».
C'est ainsi qu'au Bénin, l'Affaire CLEMENT HOUENOTIN est une illustration parfaite.
Le Sieur Clément HOUENOTIN , alors Directeur de la télévision nationale du bénin et de
l'Agence Bénin Presse, a été révoqué par un décret n° 96-517 du 21 novembre 1996, portant
nomination de Monsieur SOUMAILA à son poste. La Cour Constitutionnelle dans sa décision
DCC 99-029 du 17 mars 1999 a jugé que le décret était inconstitutionnel, car le Sieur
HOUENOTIN n'a pas été en mesure d'exercer son droit à la défense comme le recommande
vivement l'article 124 de la constitution de la République du Bénin. Le gouvernement n'a pas
cru devoir respecter la décision 99-029 du 17 mars 1999. Malgré le rappel de la Cour
Constitutionnelle dans une décision du 13 Août 2001, attirant l'attention du gouvernement sur
la violation de l'article 124 de la constitution, la décision est restée inexécutée251(*). Est -on
finalement en mesure de faire plier l'administration ?
Ainsi dans le cas de la sanction à l'encontre d'un fonctionnaire, l'administration doit, même si
ce n'est pas dans l'immédiat, proposer un plan de réintégration du fonctionnaire, accepter par
le juge, qui évitera le bouleversement soudain de l'ordre public
Sur un tout autre plan, on peut aussi faire recours au Médiateur de la République258(*). En
France par exemple, l'administration récalcitrante s'expose à la réprobation publique si elle
n'exécute pas les jugements prononcés contre elle, car l'opinion sera informée de son mauvais
vouloir par un rapport spécial du Médiateur259(*) publié au journal officiel en vertu de la loi du
3 janvier 1973. Cependant, ce procédé aura t-il un effet dans un pays « autocratique » où les
dirigeants sont certains malgré tout sûrs d'être réélus ? En attendant que la situation
s'améliore, plaidons au moins pour que l'administration s'acquitte de ses dettes pécuniaires.
La loi française du 16 juillet 1980, complétée par la loi du 22 juin 1994 ainsi que les décrets
du 11 avril 1988 et du 22 juin 1994, a rappelé l'administration française à l'ordre. Elle prescrit
que « la somme dont le bénéficiaire du jugement est créancier doit être mandatée dans le délai
de principe de ce mois à compter de la notification du jugement. Le bénéficiaire peut dès lors
obtenir le paiement de sa créance au trésor public. Il faut que le jugement soit passé en force
de la chose jugée et que le bénéficiaire donne effectivement le montant à payer260(*) .
L'Etat de droit, défini au sens large comme une situation résultant, pour une société de sa
soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée, et au sens restreint
comme le nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du droit est
réellement garanti aux sujets de droit, notamment contre l'arbitraire261(*), se caractérise par la
reconnaissance des libertés publiques et l'énoncé des droits fondamentaux262(*). Cette
reconnaissance ne s'affirme pas seulement pendant le procès, mais aussi après la sentence. Les
lois ont cependant prévu des mécanismes libéraux qui retardent l'exécution (A). D'autres
obstacles sont liés à la mauvaise foi des particuliers. (B).
* 254 L'article 537 alinéa 2 du code civil justifie l'insaisissabilité des biens du domaine
public.
* 255 TGI de Yaoundé, jugement n° 471 du 27/7 1972 Affai re. SACIA C\ SOAEM et
SCCE.
* 260 CHAPUIS René, op cit. , p848, selon lui, le délai est porte à 6 mois
* 262 LEWALLE Paul, les voies d'exécution à l'encontre des personnes publiques, in
l'effectivité des droits fondamentaux dans l'espace francophone, op.cit. , p.595.
En dehors des décisions assorties d'exécution provisoire et les ordonnances de référés, les
décisions de justice sont susceptibles de recours selon les délais clairement spécifiés par la loi.
Ils se posent en termes d'opposition selon qu'on est dans une décision par défaut et d'appel
lorsque l'exécution a été réputée contradictoire. Mais le délai de grâce accordé aux justiciables
arrive souvent à l'exécution délibérée de la décision par des justiciables profanes. Si la voie de
recours est exercée dans un délai imparti par la loi, l'exécution est suspendue jusqu'à ce que
l'instance de recours statue autrement. C'est ce que le Professeur Guillaume DRAGO qualifie
d' « Obstacles positifs à l'effectivité des sanctions »265(*). Ils sont positifs parce qu'ils protègent
les droits de la violation des droits fondamentaux.
Ainsi en cas de décision assortie d'exécution provisoire ou de référé, le seul moyen pour
arrêter l'exécution est la voie des défenses à exécution. Il en est ainsi puisque les ordonnances
de référé s'exécutent toujours par provision266(*). Dans cette situation il y a risque de rejet des
défenses à exécution, si l'appel n'a pas été préalablement fait. Mais des divergences sont
visibles à ce niveau. Selon un membre de la (CCJA), les dispositions de l'arrêt KARNIB267(*)
rendu par la même cour doivent s'entendre que dès lors que l'exécution a commencé, les
juridictions internes ne peuvent plus la suspendre. L'arrêt semble dire pour les défenses à
exécution que les dispositions de l'article 32268(*) sont d'ordre public alors que la rédaction
suggère une faculté.
Il en est de même lorsqu'un pourvoir a été formé. On parlera plutôt de sursis à exécution. Ceci
parce que en droit camerounais le pourvoi n'est pas suspensif, il l'est exceptionnellement en
matière d'état de personne.
Celui qui ne forme pas donc un sursis à exécution après un arrêt de la Cour d'appel payera la
cause du procès et n'aura que la voie probante de la répétition de l'indu, si la Cour Suprême
venait à casser et annuler l'arrêt pour lequel il a payé. Cependant, certains justiciables n'ont
pas contrairement, à celui qui a payé, la possibilité de la faire, lorsqu'il s'agit d'une
recommandation expresse de la sentence judiciaire. L'exécution est alors poursuivie aux
risques du créancier à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer
intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu'il y ait lieu de relever la faute de
sa part.
Le condamné peut bénéficier du délai de grâce, véritable obstacle accordé par le président du
tribunal dans l'intérêt et sur la base de principes généraux de droit.
* 268 ARRËT KARNIB, ibid., in Répertoire des décisions de la CCJA. 2- Le gel de l'exécution de
la décision de justice par l'octroi du délai de grâce.
Il est courant que le débiteur en mal de trésorerie sollicite du juge le délai de grâce pour
pouvoir honorer son engagement.
Ce délai de grâce est conjointement organisé au Cameroun par le code civil269(*) et par l'Acte
uniforme relatif à l'Organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement des créances et
des Voies d'Exécution de l'OHADA en son article 40. En effet, l'article 1244 du code civil
alinéa 1 dispose que « compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins
du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années reporter ou échelonner le paiement
des sommes dues ». Même si ces dispositions ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments, la
situation du justiciable créancier est fort compromise.
Des mécanismes sont bel et bien prévus pour les décisions juridictionnelles ayant force
exécutoire. Celle-ci est une apposition de la formule exécutoire soit judiciaire, soit
administrative sur l'expédition, la copie exécutoire qu'on appelle généralement grosse
exécutoire272(*).
Au Cameroun, comme dans plusieurs pays, les huissiers sont les officiers ministériels qui ont
le monopole, surtout en matière civile et commerciale, dans la réalisation de l'exécution des
décisions de justice273(*). En dehors de la détention carcérale, l'huissier de justice a le droit de
faire plier le justiciable redevable, récalcitrant ou insolvable.
Cependant, la mission de l'huissier de justice est délicate. Au Cameroun, l'huissier est dans
l'imaginaire populaire, une personne qui n'a pour rôle que de saisir les biens, aller les vendre
et profiter des retombées de cette vente. Il est chaque jour pointé du doigt, parfois menacé de
mort, dans le ressort territorial où il officie.
Le manquement du parquet de lui prêter main forte en lui associant un officier de police
judiciaire (OPJ) engage sa responsabilité,274(*) parce qu'il doit procéder à la même vérification,
et prêter mains fortes275(*).
L'Etat est interpellé dans la bataille à travers l'article 29 de l'Acte uniforme OHADA relatif
aux voies d'exécution des titres exécutoires qui dispose que l'Etat doit faciliter le travail des
huissiers. Cette sollicitation est nécessaire à cause de la résistance opposée par celui contre
lequel l'exécution est pratiquée. Généralement, on requiert de l'Etat l'exécution forcée.
L'exécution forcée dans un délai raisonnable est la résultante de l'astreinte.Celle-ci est une
somme que le juge ajoute à la condamnation principale, à payer par jour ou par moi, afin de
contraindre le débiteur à s'exécuter. Le manquement de l'Etat à cette obligation engage sa
responsabilité.
L'arrêt COUITEAS276(*) en est une parfaite illustration. Par jugement rendu en date du 13
février 1908, un tribunal Suisse a ordonné « le maintien en possession du sieur COUITEAS
des parcelles de terres du domaine de Tabia-el Houbir, dont la possession lui avait été
reconnue par l'Etat, et lui a conféré `' le droit d'en faire expulser tous les occupants''. Le
requérrant a demandé à plusieurs reprises aux autorités compétentes l'exécution de cette
décision. Mais le gouvernement français lui a toujours refusé le concours de la force militaire
reconnue indispensable pour réaliser cette opération de justice en raison des troubles graves
que susciterait l'expulsion de nombreux indigènes de terres dont ils s'estiment légitimes
occupants depuis un temps immémorial. »
C'est donc un mécanisme qui connaît des limites. Les voies d'exécution selon le Professeur
Gérard COUCHEZ277(*) sont parfaitement adaptées à des sommes d'argent. On ne peut faire
exécuter en nature une obligation de faire. Le seul mode d'exécution satisfaisant pour un
créancier justiciable est l'exécution en nature c'est-à-dire exactement l'objet de l'obligation.Les
difficultés inhérentes à l'exécution des décisions de justice rendues au Cameroun, sont aussi
visibles au niveau de la reconnaissance des décisions étrangères.
* 276 LONG M., WEIL P., BRAIBANT G., DELVOVE P., GENEVOIS B., `'les grands
arrêts de la jurisprudence administrative'', 12ème édition DALLEY, 1999, p 8948. CE,
30 novembre 1923, COUITEAS, REC. 789.
* 277 T.C, 8 février 1873, BLANCO, GAJA, 13ème édition, paris Dallez, 2001,
p.2. Section 2 : Une difficile reconnaissance des décisions étrangères au
Cameroun.
La sentence une fois rendue, même venant d'une juridiction étrangère n'est réellement efficace
que si son exécution est immédiate.l'efficacité peut être définie comme le « caractère d'une
règle de droit qui produit l'effet voulu, qui est appliquée réellement »278(*).
L'efficacité des décisions étrangères, qui est donc la réalisation concrète de la décision de
justice se heurte à la procédure d'exequatur (Paragraphe 1) des jugements et sentences
étrangers ainsi qu'à la procédure d'extradition (paragraphe 2) des condamnations pénales.
L'exequatur est défini comme une « procédure qui permet de faire déclarer exécutoire dans
un Etat un jugement ou une décision arbitrale ou autre rendu dans un autre Etat »279(*).C'est
donc une décision par laquelle un tribunal donne force exécutoire à un jugement ou une
décision arbitrale. La procédure d'exequatur, le moyen par lequel la partie au bénéfice de
laquelle la décision (ordonnance) a été rendue, obtient le droit de pratiquer des mesures
(saisies, inscriptions hypothécaires) pour parvenir à l'exécution forcée du jugement ou de la
décision des arbitres. Il ressort de cette définition que la procédure concerne aussi bien les
décisions des juridictions étrangères (A) que la sentence arbitrale (B) mais en des termes
différents.
Les décisions exemptes d'exequatur sont des décisions des juridictions internationales créées
par les conventions dont le Cameroun est partie.Il s'agit de celles qui émanent de la
(CCJA)280(*). La CCJA qui peut donc être considérée comme une «décision offshore » ou
mieux « la cour suprême fédérale », pour emprunter l'expression du professeur
POUGOUE281(*) En effet l'article 41 sur le règlement de procédure de la Cour Commune de
justice et d'Arbitrage dispose que « l'arrêt de la CCJA a force obligatoire à compter du jour
de son prononcé ».
Celles de la Cour Internationale de justice (CIJ), celles de la Cour Pénale internationale (CPI),
ainsi que celles des tribunaux pénaux internationaux ad hoc (Tribunal pénal international par
l'ex Yougoslavie, Tribunal pénal international pour le Rwanda).
La question de l'efficacité des jugements étrangers a toujours été très délicate. Au moment des
indépendances, les Etats Africains ont signé la convention OCAM dont l'objet portait sur la
coopération judiciaire des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA).
En France, en l'absence d'une disposition législative, le juge français, après avoir longtemps
pratiqué le système de révision, a opéré une rupture par l'arrêt MUNZER282(*). Cet arrêt pose
les cinq conditions que devrait remplir une décision étrangère pour être efficace.
L'efficacité d'un jugement étranger au Cameroun requiert ainsi des conditions générales et une
condition spécifique.
- Le respect du principe du contradictoire qui veut qu'au cours du jugement chaque partie au
procès puisse répondre de ce qui lui est reproché.
- Le respect de l'ordre public international.La notion d'ordre public fait allusion soit à la
procédure suivie devant le tribunal étranger, soit à la possibilité de laisser se produire au
Cameroun les effets d'une situation née à l'étranger.
L'une des caractéristiques du commerce international est la possibilité pour les parties de
soumettre la connaissance de leur litige à des arbitres. Celle-ci peut résulter d'une clause
compromissoire insérée dans la convention d'arbitrage avant la naissance du litige, ou résulter
du compromis d'arbitrage à la suite d'un litige né.
Une sentence arbitrale ne peut faire l'objet d'une exécution forcée sans exequatur285(*). Le
système de la convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales
étrangères, adoptée à New York par la conférence des Nations Unies, le 10 juin 1958, entrée
en vigueur le 24 septembre 1959, et à laquelle le Cameroun est partie retiendra notre attention.
L'article 5 de cette convention traite de la reconnaissance et de l'exécution .Il fait mention du
cas du refus de l'exequatur en cas de demande de preuves, et les conditions du refus en cas du
constat fait par l'Etat lui-même.
- que les parties à la convention visée à l'article 2 (la convention d'arbitrage) étaient, en vertu
de la loi à elle applicable frappées d'incapacité, ou ladite convention n'est pas valable en vertu
de la loi à laquelle les parties l'ont subordonnée, ou, à défaut en vertu de la loi du pays où la
sentence a été rendue ; ou
-que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n'a pas dûment été informée de la
désignation de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage,ou qu'il lui a été impossible de ,pour une
raison ou une autre, de faire valoir ses moyens ;ou
- que la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n'entrant pas dans les
prévisions de la clause compromissoires, ou qu'elle ne contient des décisions qui dépassent les
termes du compromis ou de la clause compromissoire...
- que la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d'arbitrage n'a pas été conforme à la
convention des parties ou, à défaut de convention, qu'elle n'a pas été conforme à la convention
du pays où l'arbitrage a eu lieu ; ou
- que la sentence n'est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été annulée ou
suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d'après la loi duquel, la
sentence a été rendue.
- que d'après la loi de son pays, l'objet du différend n'est pas susceptible d'être réglée par voie
d'arbitrage ; ou
* 278 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, (sous la direction de), France, PUF,
1996, p 334.
* 279 http://www.lawperationnel.com/Dictionnaire_Juridique/Exequatur.htm
* 281 Article 2123 du code civil et 509 du code de la procédure droit inter pénale,
Pierre Mayer, 6 édition Montchrestien, puis p. 262.
La jurisprudence Soering est appliquée par plusieurs pays même en l'absence de convention
bilatérale entre les pays en jeu.
* 286 http://www.justice.gouv.fr/motscles/mce16.htm.
* 288 YVES CARLIER Jean, .Protection internationale des droits de l'homme, cours
polycopié, CHAIRE UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA
DEMOCRATIE, Université d'Abomey-calavi, 2004/2005, pp.73-86.
2 - Le refus en présence d'une loi fixant le régime d'extradition entre l'Etat camerounais et un
Etat étranger.
En vertu des articles 21 et 22 de la loi n 64/LF/13 du 26 juin 1961 fixant le régime
d'extradition, la Cour d'appel en chambre judiciaire a clos et a rendu en date du 08 février
1997 (n° 337/cor) , une affaire entre le Ministère public/demande d'extradition du
gouvernement Rwandais au gouvernant Camerounais concernant 8 Rwandais289(*). Par
correspondance n° 130 bis / 03- 001/CAB en date du 15 mars 1996, le Ministre rwandais des
affaires étrangères et de la coopération a demandé au Ministre des relations extérieures du
Cameroun d'arrêter et d'extrader au Rwanda, les 8 Rwandais sus cités, suite à un mandat
d'arrêt international délivré par la justice Rwandaise.
La Cour s'est basée sur les motifs principaux et accessoires. Pour les premiers, la Cour visite
les dispositions de l'arrêt Soering. On retrouve d'ailleurs l'une de ces dispositions à l'article 29
nouveau de la loi fixant le régime d'extradition, qui dispose qu'aucune personne ne peut être
extradée vers un pays ou il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la
torture ; alors que les ordres nationaux de Kigali ne cachent pas leur détermination d'appliquer
la sanction capitale aux interpellés.
Par ailleurs, le tribunal international pour le Rwanda, après investigation a prononcé un non
lieu sur le cas des huit Rwandais détenus. Alors que la résolution 955 du Conseil de Sécurité
qui a créé le tribunal pénal international pour le Rwanda, et son règlement de procédure,
dispose que cette juridiction prime sur les juridictions nationales. Il serait donc mal venu de
permettre aux juridictions nationales rwandaises de connaître les mêmes faits à l'encontre des
huit Rwandais.
Pour le reste, le ministère public soutien que la demande d'extradition n'a pas été formulée par
voie diplomatique comme l'exige l'article 15 de la loi sur l'extradition, que la demande est
d'autant plus irrégulière et irrecevable.
2- Un exemple illustratif.
Le Cameroun n'a pas encore, du moins en ce qui concerne l'extradition d'un chef d'Etat, connu
une affaire saisie par la politique. Mais l'on pense logiquement qu'à la lumière de ce qui se
passe dans d'autres pays, que ce pays ne serait épargné si la situation se présentait. Dans notre
démarche comparative, nous prendrons l'exemple de Sénégal où la demande d'extradition de
l'ex-chef de l'Etat tchadien vers la Belgique suscite un débat juridique passionné à Dakar et
dans le monde.
Le 7 octobre 2005, des victimes tchadiennes ont débarqué à Dakar pour témoigner des
exactions perpétrées par le régime d'Hissène Habré, entre 1982 et 1990. Leur porte parole a
été précédé par celui de l'Association des victimes des crimes et répressions politiques au
Tchad (AVCRP)
Le chef de l'État sénégalais, est apparu très mesuré dans ses propos depuis le début de
l'affaire. IL s'est contenté de déclarer que « les choses se passeront dans le respect de l'État de
droit ». En d'autres termes, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dakar va statuer sur
la demande d'extradition déposée par la Belgique. En cas de réponse positive, le Président de
la République Sénégalaise, Abdoulaye Wade appréciera et décidera en dernier ressort s'il faut
extrader ou non.
Les activistes des droits de l'homme se disent sceptiques sur la bonne volonté des autorités
sénégalaises et estiment que celles-ci ne verraient pas d'un mauvais oeil un refus d'extradition
de la chambre d'accusation, ce qui mettrait un terme définitif à la procédure.
Nous avons dans nos développements abordé un certain nombre d'aspects théoriques et
pratiques du Droit à la justice au Cameroun. Il est apparu que, de manière générale, le Droit à
la justice au Cameroun, comme dans la plupart des pays africains, est un droit peu effectif. De
la rédaction de la règle de droit à l'exécution des décisions de justice, la modernisation du
système judiciaire camerounais illustre un processus d'élargissement prudent. Luc
SINDJOUN a dit à ce propos que tout le mécanisme est inscrit « à la croisée des libertés
publiques et de la sauvegarde de la marge de manoeuvre autoritaire marquant l'empreinte du
contrôle étatique »290(*)(*).
Toutefois, les justiciables se méfient de plus en plus de la justice moderne. Cette méfiance de
la population à l'égard de la justice a- t-elle lieu d'être de nos jours ? Certainement car la
justice est trop lente et les décisions de justice sont rarement effectives.
Tout compte fait, une réforme de la justice ne peut laisser la question dans l'ombre.Cette
reforme doit être réalisée à tous les niveaux.
Au niveau de la population, l'éducation pour tous et les dispositifs d'accès à la justice sont à
envisager, car comme nous l'avons vu, le droit camerounais est fortement élitiste.
Les prisons ne sont pas en reste. Nos prisons et nos centres de détention sont indignes d'un
pays "civilisé". L'Etat doit mettre sur pied un vaste programme de reconstruction des centres
pénitentiaires et réformer la politique carcérale. Le détenu reste et demeure une personne qui a
un droit inaliénable. Il est de ce fait nécessaire de respecter ses droits sociaux, et de créer des
établissements spéciaux pour les détenus qui ne sont pas encore jugés292(*)(*).
Dans le cas particulier de l'exécution des décisions de justice, l'on peut se demander en
regrettant ce qu'il y a lieu de faire lorsque celles-ci demeurent inexécutées après l'épuisement
de tout recours. La justice n'est-elle pas le dernier des services publics, celui vers lequel on se
tourne lorsque tous les autres ont craqué ?
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Textes législatifs
1-Constitution
2- Ordonnances
Ordonnance 72/4 du 26 Août 1072 portant organisation judiciaire modifiée par la loi n°
89/019 du 29 décembre 1989 modifié par la loi N° 95/058 du 19 décembre1990
(CAMEROUN)
3- Décrets
4- Codes
Code civil, 101e édition, Paris Dalloz, 2002 2078 P FRANCOIS (Jacob) TISSERANT (A),
VERNANDET (Guy), WIEDERKEHR (C), HENRY Xavier (avec le concours de)
VI Jurisprudences
Affaire COUITEAS, CE, 30novembre1923,in LONG (M), WEIL (P), BRAIBANT (G),
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Arrêt MIRANDA C/ ARIZONA, in YVES CARLIER JEAN, Protection matérielle des droit
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Mémoires :
Séminaire :
KOFFI AHADZI, "Droits de l'homme et développement", DEA CHAIRE UNESCO des droits
de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey-Calavi, 2004-2005.
Cours
GERARD (Philippe), Philosophie des droits de l'homme, DEA CHAIRE UNESCO des droits
de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey Calavi, 2004-2005.
Revue et Périodiques.
VIII- Webibliographie
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http://www.google.fr/search?hl=fr&q=executer+une+d%C3%A9cision+de+justice+contre+l
%27administration+au+cameroun
TABLE DE MATIERES
INTRODUCTION GENERALE 4
B- L'écran législatif. 25
CHAPITRE II : LE DROIT AU JUGE DANS LE SYSTEME LEGISLATIF
CAMEROUNAIS : UN DROIT INCERTAIN. 27
Sections1 : Le droit au juge légal : un droit aux contours flous dû à une absence de définition.
28
3- La détention provisoire 40
2- La cherté du procès. 43
1- La personne du magistrat. 59
1-Les difficultés. 71
2-Le renforcement des mécanismes de pression pour le respect des décisions de justice par
l'administration. 74
2 - Le refus en présence d'une loi fixant le régime d'extradition entre l'Etat camerounais et un
Etat étranger. 87
CONCLUSION GENERALE 91
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 93