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129-159
Université de Lorraine
IRENEE – EA 7303
particulier (dont la présente étude signale l’existence [6] ) abondent, le sujet que nous
proposons de traiter se justifie particulièrement et ce, pour deux principales
raisons. La première, la prise en compte de la dernière campagne présidentielle au
cours de laquelle les candidats à la magistrature suprême ont émis d’importantes
propositions en matière de politique de défense. La seconde, la récente actualité
politique sur le domaine des armées, qui a permis de révéler la forte implication du
chef de l’État dans celui-ci. Ces deux raisons invitent à consacrer quelques
Ces éléments de contexte ayant été rappelés, il ne reste plus qu’à s’interroger sur la 4
fonction militaire du chef de l’État. Autrement dit, à quoi cette fonction renvoie-t-
elle en théorie et en pratique ? Quelles questions juridiques et politiques conduit-
elle à se poser ?
Pour répondre à ces interrogations, nous pouvons recourir à deux idées majeures. Il 5
y’a tout d’abord celle de l’affirmation (I) qui vérifiera que le chef de l’État bénéficie
de prérogatives en matière des armées. Une fois ces prérogatives affirmées, se
dégagera ensuite l’idée de la confrontation (II) en raison de l’investissement
d’autres autorités dans le domaine des armées.
I - L’affirmation
Cette affirmation rendra compte tout d’abord, de l’attribution au chef de l’État, des 6
L’attribution au chef de l’État, des prérogatives en matière des armées procède d’un 7
certain nombre d’énoncés textuels. Les uns ont une portée constitutionnelle (1), les
autres relèvent de la loi- lato sensu (2).
chef de l’État en matière de défense nationale sont profus. À côté de cette profusion
textuelle, il faut surtout souligner leur diversité, risque d’une « potentielle
concurrence » [7] car cette diversité est « créatrice d’imprécisions et susceptible
d’autoriser des interprétations variées voire opposées » [8] . Qu’à cela ne tienne, nous
pouvons décliner lesdits énoncés dans un ordre croissant.
l’État pour négocier et ratifier les traités. Cela sous-entend les traités et accords
ayant une dimension militaire, en dépit d’une mention expresse dans ledit article
52 ou encore dans l’article 53 en ce sens. À l’instar des autres dispositions
constitutionnelles présentées autour des attributions du président de la
République, chef des armées, celle intéressant les traités et accords militaires
auxquels l’État français est partie, permet au président de la République d’affirmer
la capacité militaire de la France sur la scène internationale, ainsi que de participer
à l’élaboration de la stratégie de défense internationale et de contribuer à la sécurité
et à la paix internationales.
dans le domaine des armées qui précède, il faut retenir la diversité de leur contenu.
Ils sont toutefois animés par une vision univoque, révélatrice du rôle central du
chef de l’État en matière de défense nationale. À ces textes d’ordre constitutionnel,
s’ajoutent d’autres dispositions normatives.
Si les textes relatifs à la matière militaire sont en général abondants, force est de 16
Il ne fait plus aucun doute que le chef de l’État dispose de prérogatives en matière 17
réflexion générale qui sera suivie d’une réflexion plus centrée. La réflexion
générale, elle permet d’aborder la question l’exercice, par le chef de l’État de son
pouvoir de nomination dans un cadre général, celui fixé par l’article 8 alinéa 2 de la
Constitution qui dispose que « sur proposition du [Premier ministre], le président
de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs
fonctions ». Pour sa part, la réflexion centrée, nous conduit à souligner
l’implication précise du président de la République en matière militaire puisqu’il
est mentionné à l’article 13 alinéa 2 de la Constitution, qu’en plus de la nomination
« aux emplois civils », il procède à celle des « emplois militaires de l’État ». Ce
pouvoir de nomination permet au chef de l’État de peser dans le choix des cadres
des armées en commençant tout d’abord par le ministre de la défense, autorité
ministérielle qui doit lui correspondre non seulement politiquement mais surtout
d’un point de vue de fiabilité et de loyauté. De ce fait, il veillera à ce que la
proposition que lui fait le Premier ministre soit conforme à ces attentes. Dans tous
les cas, il est rare (et surtout en période de concordance des majorités) que le choix
d’un ministre de la défense soit laissé à la seule discrétion du chef du
Gouvernement. Ensuite, relativement au pouvoir décisionnel, c’est à ce niveau que
la suprématie présidentielle prend davantage d’intensité tant « le pouvoir d’action
du chef de l’État […] est vaste et multiforme » [37] . Ce « pouvoir d’action » recouvre
notamment le « choix doctrinal et stratégique » [38] de défense, « la ratification des
traités portant ou ayant des implications sur la défense » [39] , « [l]’envoi des
militaires en opérations à l’étranger » [40] (les opérations extérieures- OPEX) et
« [l]’ordre d’engagement des forces nucléaires » [41] .
forces armées nationales à l’étranger qui retient le plus souvent l’attention. Non
seulement parce que le capital humain de l’armée est mobilisé [48] , mais surtout en
raison du fait que cet engagement interroge par ailleurs sur la performance des
équipements militaires et les éventuelles répercussions (à court, moyen ou long
terme) pour l’intégrité du territoire national. Ledit engagement des militaires dans
les OPEX repose sur l’existence d’un accord bilatéral conclu entre la France et l’État
bénéficiaire de l’intervention ; l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations
unies, d’une résolution [49] ; d’une attaque contre l’armée française ; d’une agression
armée émanant d’un État étranger et perpétrée sur une partie du territoire de la
République ; d’une demande des autorités d’un État ; de la violation massive des
droits fondamentaux de l’homme dans un État étranger.
Au fond, ces OPEX, pour lesquels le chef de l’État français engage ces forces 25
ainsi que les « actions » de dimension politique entreprises dans ce domaine. Cela
nous conduira à deux séries de développements. La première série mettra en
évidence la catégorie de personnalités politiques à laquelle s’applique cette analyse ;
la seconde s’intéressera à l’intérêt que cette catégorie accorde aux questions de
défense et à la manière dont elles le transcrivent. Pour ce faire, nous pouvons
présenter les propositions émises en matière de défense par les candidats lors de la
dernière élection présidentielle [57] . Celles émises par l’actuel chef de l’État nous
intéresseront davantage. Au cours de notre étude, certains exemples de positions
adoptées antérieurement par d’anciens présidents de la République pourront être
présentés selon leur pertinence.
matière militaire avec beaucoup de sérénité, de gravité [61] , de stratégie [62] voire de
dirigisme [63] . Quelques exemples suffisent pour illustrer la rapide appropriation par
l’actuel président de la République, de la fonction militaire : tout d’abord la lente et
solennelle remontée du tapis rouge qu’il fit dans la cour d’honneur de l’Élysée ainsi
que le regard très appuyé qu’il manifestât en direction d’un détachement et de la
musique de la Garde républicaine [64] ; ensuite le parcours du président des
Champs-Élysées à bord du véhicule de commandement militaire [65] et enfin, le
premier déplacement présidentiel qu’il effectuât à l’hôpital d’instruction des armées
de Percy, à l’endroit des soldats blessés au cours des opérations extérieures. Par
tous ces gestes forts, le président de la République entend affirmer sa sensibilité
pour les questions militaires et établir un lien de confiance avec les armées. Par
ailleurs, bien plus que par des gestes, le président de la République a défendu sa
fonction militaire par des mots à la veille du 14 juillet dans un discours qu’il
prononça à l’Hôtel de Brienne [66] au cours duquel il dit aux responsables militaires :
« je suis votre chef » [67] . Ces mots résument pertinemment comment l’actuel chef
de l’État se représente le domaine des armées et la direction qu’il entend lui
donner. Certains lui ont d’ailleurs accolé l’étiquette de « Président jupitérien » [68] .
apparaissaient des plus novatrices, elles reposent sur l’idée d’une gestion commune
de la défense européenne [69] . Nous pouvons en présenter les traits les plus saillants.
Partant du constat selon lequel l’action « pour une Europe de la défense [était]
devenue indispensable », il s’était engagé à favoriser la coordination des opérations
extérieures françaises avec celles des alliés européens de l’État français ; cela
mobilisera un « Quartier Général européen permanent » qui en assurera le suivi et
la planification. N’est pas en reste, la création d’un Conseil de sécurité européen
« composé de militaires, diplomates et experts du renseignement » dans le but de
« conseiller les décideurs européens ». Enfin, les dépenses financières relatives à
cette gestion commune seront également partagées puisqu’un « Fonds européen de
défense » devrait voir le jour. La finalité de ce projet est de créer une véritable force
de défense européenne tant les grandes puissances militaires européennes sont
engagées dans de nombreux conflits et cela pose la question des coûts à assumer,
l’entretien des équipements et surtout celle du capital humain. Si ces propositions
semblent intéressantes, leur traduction en actes reste encore très attendue et ce
d’autant plus que le domaine de la de défense et de sécurité commune (PSDC) [70]
relève d’un processus décisionnel intergouvernemental et nécessite ainsi l’accord
unanime de tous les partenaires européens.
domaine de la défense est saisi par la politique. Leur contenu révèle au fond que ce
domaine doit être attribué au président de la République [71] qui entend s’y investir
incontestablement. Par ailleurs, en dehors de l’exposé de celles-ci, l’ensemble des
développements qui précèdent a surtout permis de vérifier l’affirmation des
prérogatives présidentielles en matière militaire. L’attribution de telles prérogatives
procède de l’énoncé d’un certain nombre de textes de portée constitutionnelle et
législative. Toutefois, l’investissement du chef de l’État comme chef des armées
n’est pas sans interroger sur l’articulation de cette compétence à celle également
attribuée par des textes, au sein de l’Exécutif et de l’État, à d’autres autorités. De ce
fait, le domaine militaire semble marqué par une sorte de confrontation.
II - La confrontation
1 - Le constat d’une rivalité en matière des armées entre les deux têtes
de l’Exécutif
C’est devenu un lieu commun que de reconnaître qu’à l’origine [72] , la matière 35
Cette rivalité est d’abord d’ordre textuel [79] , elle peut ensuite se traduire 36
Cette rivalité peut par ailleurs se traduire dans les faits. Pour l’aborder, nous 37
La réponse donnée par l’actuel Premier ministre, Édouard Philippe lors des 38
Or, la période de discordance des majorités (dite de cohabitation) [88] conduit à une 39
approche relativement nuancée tant nous pouvons y relever quelques rivalités entre
le chef de l’État et le Premier ministre sur les questions de défense. En effet, on
retiendra de l’histoire politique et institutionnelle de la Ve République que certains
Premiers ministres de la cohabitation avaient exprimé dès leur prise de fonction,
leur volonté de s’affirmer en matière de défense [89] . Ces déclarations des Premiers
ministres n’ont pas manqué d’être rétorquées par les chefs d’État en exercice [90] .
Ainsi, si sous la cohabitation, les Premiers ministres manifestent une réelle volonté
de s’affirmer dans le domaine de la défense nationale face au président de la
République revendiquant lui aussi, ses attributions en matière militaire ; on
dénombre peu de succès de ces derniers dans leur entreprise [91] , la prééminence
présidentielle parvient à s’imposer en dépit du fait que certaines questions relatives
à la défense, font l’objet d’une réflexion commune entre le chef de l’État et le chef
du Gouvernement. Jusque là, aucune action de blocage émanant d’un Premier
ministre de la cohabitation n’a été relevée, ce dernier prenant soin de ne pas
empiéter sur les prérogatives du chef de l’État.
Figurant parmi les plus hautes autorités militaires de l’État, le chef d’état-major des 45
notre étude. S’agissant de l’engagement des forces, nous rappelons que la décision
d’y recourir relève exclusivement du président de la République, son influence dans
ce domaine est très forte. Cet engagement de forces est fréquemment opéré en vue
de maintenir ou rétablir la paix dans des pays en conflits [109] . Nous voulons insister
ici sur le fait que, la décision de déployer les forces armées nationales sur les
territoires étrangers peut ne pas emporter la conviction de certaines autorités
notamment du CEMA, du moins lorsqu’il estime que les aptitudes requises pour
remplir leurs missions ne sont pas réunies [110] . Or, le domaine des opérations
militaires se caractérise par la mainmise présidentielle. C’est encore au président de
la République qu’échoit la décision de retirer ou non les troupes engagées à
l’étranger. Il en va de même de la participation des forces armées françaises aux
commandements militaires intégrés telle l’OTAN ; il s’agit pour les États membres
de s’associer en vue de la résolution pacifique des différends en mettant leurs forces
armées à la disposition de cette puissance militaire commune, nécessaire pour la
gestion des conflits. Cette intégration des forces armées nationales est un moyen
pour l’État français d’affirmer sa souveraineté et son indépendance mais surtout de
« prouver » sa capacité militaire à l’échelle internationale [111] .
Ce point nous conduit à aborder la dernière élection présidentielle qui a permis aux 49
en raison d’une trop forte influence présidentielle dans un domaine pour lequel il
bénéficie également de compétences. Cela est encore plus difficile à gérer lorsque
cette influence prend l’allure d’une « concurrence ».
des armées (CEMA) bénéficie d’une place non négligeable dans l’organisation
institutionnelle de la défense. Peuvent en témoigner tout d’abord, l’histoire portant
sur la genèse de ladite autorité [116] , ensuite le renforcement de ses attributions
depuis 1962 [117] et enfin, les abondants travaux portant sur elle [118] .
d’indiquer que le CEMA les met en œuvre soit « sous l’autorité du Président de la
République et du Gouvernement », en ce sens, il est respectivement le
« responsable de l’emploi des forces [et] assure le commandement des opérations
militaires » et le « conseiller militaire du Gouvernement » [119] ; soit « sous l’autorité
du ministre de la Défense » (des armées), à ce titre, il intervient dans le comité
exécutif ministériel chargé de conseiller le ministre de la défense sur le choix à
opérer pour l’exercice de ses attributions [120] . Mais c’est surtout pour sa compétence
en matière de commandement des opérations militaires que le CEMA est connu et
prend davantage de l’ampleur dans la hiérarchie militaire. En effet, c’est sur le
fondement de cette compétence qu’il formule au président de la République et au
Gouvernement, des directives et veille à l’adaptation des forces armées aux
éventuelles évolutions qui peuvent survenir en matière militaire.
pas à la « précellence » [128] du chef de l’État. Cette dernière procède, ainsi que nous
l’avons vu antérieurement, des engagements qu’il prend dans le domaine de la
défense en général et de celui des armées en particulier ; ce qui le conduit à une
forte implication dans cette matière. Cette implication présidentielle dans des
champs d’action relevant précisément du CEMA peut s’analyser comme une
« concurrence » de celui-ci et interrogerait bien évidemment sur la répartition des
compétences entre ces deux autorités militaires « suprêmes ». L’actualité politique
nous permet de rendre compte de cette dernière, tant elle a donné lieu à un
éclatement au plus haut niveau de l’État. En effet, à la suite de la publication, par la
Cour des comptes de son Rapport d’audit sur les finances publiques [129] , le
[130]
Gouvernement a annoncé des coupes budgétaires (des économies) [130] dans tous les
ministères y compris celui des armées. Cette décision a suscité des remous au sein
de l’administration militaire. Concernant cette administration, la décision
gouvernementale a été soumise à l’arbitrage du chef de l’État, ce dernier a confirmé
le choix opéré par le Gouvernement.
dont il est « chargé de diriger, coordonner, contrôler et arbitrer » [131] , le chef d’état-
major des armées a exprimé son désaccord sur la décision gouvernementale,
confirmée par le président de la République. Il l’a signalé notamment lors de son
audition à huis clos devant la Commission de la défense de l’Assemblée
nationale [132] . Le CEMA remettrait en cause sa relégation dans le processus
décisionnel étant donné qu’il n’a pas été consulté avant cette prise de décision, les
mises au point avec le président de la République n’ayant été faites qu’après coup.
Le discours du chef de l’État à l’Hôtel de Brienne la veille du 14 juillet portant
recadrage des armées (en réalité, du CEMA) ne va pas améliorer la situation, elle va
plutôt précipiter l’éclatement au plus haut niveau de l’État même si au cours du
défilé du 14 juillet, les deux protagonistes avaient fait fi d’avoir mis un terme aux
tensions.
Cet éclatement va survenir quelques jours plus tard par la démission du CEMA de 56
ses responsabilités militaires. Ce fait est insolite sous la Ve République [133] , jamais
l’affrontement entre le domaine militaire et le domaine politique n’a été aussi étalé
sur la scène publique et été aussi marquant. Au fond, le CEMA conçoit les coupes
budgétaires imposées aux armées comme une « exaspération » tant des politiques
ont antérieurement rationalisé les dépenses de la défense mais surtout comme une
« injustice » d’autant plus que l’armée est de plus en plus mobilisée sur le terrain,
qu’il s’agisse des opérations extérieures ou de « l’emploi des forces terrestres sur le
territoire national » [134] (par exemple l’opération Sentinelle). La réduction de ses
moyens financiers ne lui permettrait donc pas de remplir efficacement sa mission.
À ce sujet, le CEMA avait en effet déclaré que : l’armée avait « déjà tout donné » et
la situation n’était « pas tenable » [135] , sortant ainsi de l’obligation de réserve et de
discrétion imposée aux militaires. Au-delà, la décision du chef de l’État semble être
en contradiction avec ses annonces de campagne portant sur le renforcement des
moyens de la défense et notamment de porter son budget à 2 % du PIB à l’horizon
2025. Si celui-ci a rappelé que les économies demandées au ministère des armées
n’entamaient en rien ses engagements de campagne, qui seront tenus, ses
explications n’ont pas rassuré les armées.
Pour finir, quelques enseignements peuvent être tirés des tensions qui ont éclaté 57
personnel du président de la République comme chef des armées ne peut plus être
niée » [137] , la pratique institutionnelle de la Ve République l’a confirmée voire
amplifiée, l’emportant par conséquent sur le texte même de la Constitution dont
l’interprétation purement littérale conduirait à considérer qu’il attribue de larges
compétences militaires au chef du Gouvernement. Ce pouvoir présidentiel en
matière des armées prend une allure particulière sous l’actuel quinquennat tant,
depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République a
multiplié de gestes et positions « forts » témoignant de sa mainmise dans le
domaine de la défense nationale. Cela a permis de réinterroger sur l’articulation de
ses prérogatives d’une part, à celles reconnues au Gouvernement (Premier ministre
et ministre des armées) et d’autre part, entreprise inédite, à celles dont est investi le
chef d’état-major des armées qui, en raison d’un désaccord avec le chef de l’État sur
le budget des armées, a décidé de démissionner générant une crise au sein de l’État.
défense. Elle laisse une place importante au chef de l’État pour fixer les principales
orientations et priorités de politique de défense et pour décider de leur mise en
œuvre. Elle concerne aussi les rapports que ce dernier entretient avec les autres
autorités militaires qui doivent désormais accorder leurs compétences à la décision
présidentielle. Cet état de fait questionne sur l’avenir de l’exercice par le « chef des
armées », de ses prérogatives. Comment ses prérogatives vont-t-elles évoluer dans
le temps ? Quelle sera leur réception tant par les autres autorités militaires que les
chefs d’État qui le succéderont à la présidence de la République ? Quelle
interprétation en fera le personnel politique en général et le citoyen (notamment les
parlementaires) en particulier ?
Pour l’heure, nous pouvons affirmer que l’actuel « chef des armées » exerce ses 61
[1] Ch. VIGOUROUX, Du juste exercice de la force, Odile Jacob, 2017, p. 272.
[2] Il s’agit de la force terrestre (Armée de terre), la force navale hauturière (Marine nationale) et la force
aérospatiale (Armée de l’air). Aux côtés de celles-ci, s’ajoute une force militaire relativement
spécifique : la Gendarmerie nationale. En effet, depuis la loi n° 2009-971 du 03 aout 2009 relative à la
Gendarmerie nationale, cette force militaire est rattachée au Ministère de l’Intérieur tout en étant
placée sous l’autorité du Ministère de la défense, ses personnels ont toutefois conservé leur statut
militaire.
[4] En complément à la présentation faite par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, Paris, Ellipses,
2012, pp. 331-340. V. sur cette autorité civile militaire : O. RENAUDIE, « Les préfets de zone de défense
et de sécurité : quelles (r)évolutions ? », in Ch. VALLAR et X. LATOUR (dir.), Le droit de la sécurité et de la
défense en 2013, PUAM, 2014, pp. 79-86.
[5] Classification empruntée à F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 331-350.
[6] L’auteur rend compte de l’existence des écrits (non exhaustifs) suivants : B. CHANTEBOUT, « Le
président de la République, chef des armées », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs, Mélanges
P. PACTET, Dalloz, 2003, pp. 569-577 ; J. CASTILLO MAROIS, « Controverse sur la suprématie du
président de la République en matière de défense nationale », RFDC, 2017/2, n° 110, pp. 343-366 ; S.
COHEN, « Le Président, chef des armées », Pouvoirs, n° 58, 1991, pp. 33-40 ; M.–T. VIEL, « La répartition
des compétences en matière militaire », RDP, 1993, pp. 163-195 ; J. THOMAS, « Controverse sur la
répartition constitutionnelle des compétences en matière de Défense », VIe Congrès de l’AFDC,
Montpellier, 2005, (http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes1/THOMAS2.pdf),
consulté le 05/07/2017 ; J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, Paris, 2011 ; F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, 2012, op. cit., 1035 p. ; B. MATHIEU et M. VERPEAUX (dir.), Les compétences
en matière de défense sous la Ve République, Dixième Printemps de droit constitutionnel, Dalloz, Paris,
2016 (v. précisément les articles de L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la
défense nationale », pp. 27-45, et de G. BERGOUGNOUS, « Les compétences du Parlement en matière
de défense », pp. 51-65).
[8] Ibid.
[11] Nous pouvons y faire un certain rapprochement avec la jurisprudence du Conseil d’État, du 8 août
1919 (Labonne, Rec., p. 737) qui a affirmé la compétence du chef de l’État, titulaire du pouvoir
réglementaire général pour édicter, même en l’absence de toute habilitation législative, des mesures
de police à caractère général et ayant vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national.
[13] Nous pouvons citer d’abord le discours (2e) du général de GAULLE prononcé à Bayeux en juin 1952 :
« de la défense ! C’est là, en effet, la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se
détruire lui-même », (Discours et messages. Dans l’attente, février 1946 - avril 1958, Plon, Paris, 1970, p. 527),
ensuite les Livres blancs sur défense et la sécurité par exemple celui de 2008 qui énonce que « défendre
la population et le territoire [relève] du devoir et de la responsabilité de premier rang de l’État » (Livre
blanc sur la défense et sécurité nationale, 17 juin 2008. Depuis cette date, d’autres Livres blancs ont été
élaborés voir notamment celui de 2013, Paris, Direction de l’information légale et administrative).
[15] Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, l’article 16 n’a été mis en œuvre qu’une seule fois
après la tentative du coup d’État organisé par des généraux en Algérie française en 1961 (Décision du
23 avril 1961, JORF, n° 97 du 24 avril 1961, p. 3874). Cette application a pris fin le 29 septembre 1961
(Décision du 29 septembre, JORF, n° 230, 30 septembre, 1961, p. 8963).
[17] Abrogée par l’ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du Code de
la défense.
[20] V. le Code de la défense parties législative et réglementaire (Partie 1, Livre 1er, Titre II : Le Président de
la République, Chef des armées).
[21] Article R. 1122-2 du Code de la défense, modifié par le décret n° 2009-1657 du 24 décembre 2009 (article
1er) relatif au conseil de défense et de sécurité nationale et au secrétariat général de la défense et de la
sécurité nationale.
[24] L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la défense nationale », p. 39, article
précité.
[25] Attentats de 2015 : notamment ceux de Charlie Hebdo (mise en place du plan Vigipirate, mobilisation
des forces de l’ordre et de sécurité-opération Sentinelle) ; les attentats du 13 novembre 2015 qui ont été
commis à Paris et dans la périphérie (par exemple la première attaque a eu lieu au stade de France où
se joua le match de football France-Allemagne, match auquel assistait le Président de la République
d’alors, François Hollande). Eu égard à la gravité de la situation, le chef de l’État réunit le
gouvernement en cellule de crise, l’état d’urgence est décrété dans la nuit. Le Parlement est réuni en
Congrès le 16 novembre. En 2016, suite à l’attentat de Nice au soir du 14 juillet, le plan Vigipirate est
rehaussé ainsi que d’autres dispositifs de sécurité ; le recours à la réserve opérationnelle est demandé
par le Président de la République, l’état d’urgence est prolongé.
[27] Ibid.
[28] Ibid.
[30] J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, Paris, LGDJ, 2011, p. 37. Ce point sera discuté dans d’autres
développements au cours de notre étude.
[31] Ibid.
[32] Ibid.
[36] De ce point de vue, plusieurs justifications ont été avancées pour conforter « l’autorité prééminente »
du Président de la République : v. notamment la formulation de la théorie dite du « domaine réservé »
attribuée à Jacques CHABAN-DELMAS alors président de l’Assemblée nationale (F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 199) ; celles prenant en compte l’existence « d’une tradition
trentenaire » (c’est l’argument qu’avait mis en avant le comité consultatif pour la révision de la
Constitution dit comité Vedel. Pour plus d’informations sur ce sujet, V. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de
la défense, op. cit., pp. 201-202 ; ou encore l’affirmation d’une « coutume constitutionnelle » (c’est la
position des Professeurs B. CHANTEBOUT, O. GOHIN, H. PORTELLI et d’H. PAC, v. également pour
la présentation des idées de chacun de ces auteurs, F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit.,
p. 202).
[38] Ibid.
[39] Ibid.
[40] Ibid.
[41] Ibid.
[42] Ibid.
[44] Ibid.
[45] Les auteurs donnent l’exemple notamment du discours de Strasbourg du général de Gaulle, du 23
novembre 1961 ; l’allocution du même auteur prononcée à l’École militaire le 15 février 1963. Tout
comme le discours du président Jacques Chirac sur la professionnalisation des armées, prononcé à
l’École militaire le 23 février 1996 ou encore pour finir, le discours du président Nicolas Sarkozy relatif
à la défense et sécurité nationale, prononcé à la Porte de Versailles le 17 juin 2008. Pour cet ensemble
d’exemples, voir la précisément la page 253. V. les articles R. 1411-1 et R. 1411-5 et suivants du Code de la
défense.
[46] À l’origine, le décret n° 64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques.
[47] On rappelle l’article 52 de la Constitution évoqué dans d’autres développements de la présente étude.
[48] Ce qui impose un inventaire assez approfondi quant aux capacités dont dispose notre armée pour
intervenir à l’étranger. La question se pose par ailleurs sur un ordre plus familial puisqu’en
s’engageant dans des conflits armés, les militaires laissent leurs familles respectives, ces dernières
peuvent ne pas les revoir.
[52] On fait particulièrement allusion à la troisième cohabitation (1997-2002) qui intervint sous la
présidence de Jacques Chirac, Lionel Jospin étant désigné comme Chef du Gouvernement. Ce dernier,
avait affirmé le 16 septembre 1997, que : « la décision de recourir à la force ne saurait être aventurée.
Elle relève des plus hautes autorités de l’État, du président de la République et du Gouvernement »,
Jean-Dominique Merchet, « Le Premier ministre balise son territoire militaire […] », Libération, 16
septembre 1997 (http://www.liberation.fr/france-archive/1997/09/16/le-premier-ministre-balise-son-
territoire-militaire-hier-dans-le-var-jospin-s-est-fait-presenterl-a_214152 /consulté le 13/08/2017).
[53] On peut retenir les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Respectivement d’une
part, l’envoi des soldats français en avril 2011 en Côte d’ivoire (avec l’appui de la communauté
internationale) en pleine crise postélectorale dont les principaux protagonistes étaient le Président
sortant GBAGBO et le Président considéré élu OUATTARA ; l’engagement des forces armées en mars
2011 au cours de la révolution libyenne ; d’autre part, le lancement en janvier 2013 de l’opération
militaire française au Mali et celle intervenue en décembre 2013 en République centrafricaine.
[54] Pour cet ensemble de considérations, nous renvoyons pour plus de détails, à l’ouvrage de J. MASSOT,
Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, 2011, lecture de la Deuxième partie notamment : L’engagement
des forces, pp. 83- s.
[57] Pour cette présentation, nous renvoyons aux travaux menés sur la base des programmes présidentiels
2017 par les chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine) dans un blog dirigé par Elodie Derdaele,
Maître de conférences au sein de ladite Université
(http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/01/les-candidats-et-leur-programme.html). Le
lecteur pourra consulter précisément une des contributions de l’auteur à ce blog : H. BITA HEYEGHE,
« Défense et Sécurité : quelle place dans les programmes présidentiels de 2017 ? »
(http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/04/defense-et-securite-quelle-place-dans-les-
programmes-presidentiels-de-2017.html consulté le 13/08/2017).
[58] On écarte de notre champ d’analyse, certains candidats à l’élection présidentielle en raison de
l’absence de proposition concrète en matière de sécurité et de défense : Nathalie Arthaud, Jean-Luc
Mélenchon et Philippe Poutou.
[59] À ce sujet, v. par exemple les propositions de François Asselineau (Union Populaire Républicaine),
Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès), François Fillon (Les Républicains), Jean Lassalle (candidat
indépendant), Marine Le Pen (Front National) et d’Emmanuel Macron (En Marche !) : le blog des
chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine), précité.
[60] C’est également la proposition qu’avait émise le candidat Jean Lassalle pour qui, la cyberdéfense
devrait constituer une quatrième force militaire.
[61] Ce d’autant plus que l’adresse du Président du Conseil constitutionnel (Laurent FABIUS) lors de la
cérémonie d’investiture au Palais de l’Élysée (14 mai 2017) a été très révélatrice de la fonction
présidentielle : « vous êtes aussi et d’abord l’homme de notre pays, chargé de le représenter partout en
métropole et outre-mer, en Europe et dans le monde. Président de la République française, chef de
l’État, chef des armées, Président d’une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, chargé
de la protéger, de la faire progresser, d’en incarner les valeurs et la langue, et de la rassembler »
(http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/publications/contributions-
et-discours/2017/ceremonie-d-investiture-au-palais-de-lelysee.148989.html, consulté le 23/072017).
[63] Pour d’autres exemples sur « l’implication personnelle » (F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op.
cit., p.253) d’anciens chefs d’État en matière de défense (période récente), v. N. SARKOZY, « Préface »
au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, p. 9, Odile Jacob, La Documentation française, juin
2008 et François Hollande, « Préface » au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, p. 7, Direction
de l’information légale et administrative, Paris, 2013.
[65] V. (http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/14/de-bercy-a-lelysee-emmanuel-macron-na-pas-change-
de-voiture_a_22085633/consulté le 15/07/2017). De ce point de vue, le nouveau président de la
République est en totale rupture avec la pratique adoptée jusque-là par ses prédécesseurs qui s’y
étaient rendus à bord de véhicules civils, excepté la remontée à pied de Valéry Giscard d’Estaing.
[66] Il s’agit du siège du ministère de la Défense nationale (actuellement dénommé ministère des Armées).
[67] V. l’article de K. ALLENO, « Les Armées, un ministère sans défense ? », 19 juillet 2017, disponible en
ligne sur le site de The Conversation (http://theconversation.com/les-armees-un-ministere-sans-
defense-81228 consulté le 15/07/2017).
[68] Qualificatif souligné par K. ALLENO précité. Le président de la République avait également évoqué
lui-même ce qualificatif lors d’une interview accordée à Challenges en octobre 2016 alors qu’il n’était
pas encore candidat à la présidentielle (https://www.challenges.fr/electionpresidentielle-
2017/interview-exclusive-d-emmanuel-macron-je-ne-crois-pas-au-president-normal_432886 consulté
le 15/07/2017).
[69] À ce sujet, le candidat « d’En Marche ! » alléguait la nécessité pour la France et ses partenaires
européens, de fournir « un effort en commun », celui-ci constitue la « clef » de la performance de leurs
politiques de défense face aux autres grandes puissances militaires (notamment les États-Unis et la
Chine).
[71] Nous pouvons encore signaler quelques passages des propositions présidentielles émises par les
autres candidats qui permettent de vérifier cette assertion. Par exemple Jacques CHEMINADE
annonçait explicitement : « le prochain président de la République sera confronté à des défis majeurs
pour assurer la défense de notre pays » ; pour sa part, François ASSELINEAU avait posé l’interdiction
de « toute privatisation dans le secteur de la Défense et de la Sécurité nationale ». C’est également
l’idée que partageait Jean LASSALLE qui souhaitait « revoir tous les grands contrats de l’État […] et les
renégocier, ou réinternaliser les fonctions privatisées ou sous-traitée à tort » selon lui.
[72] Nous faisons ici référence notamment aux travaux préparatoires de la Constitution de 1958 et à
l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense (désormais abrogée mais
pour partie codifiée).
[73] M.-T. VIEL, « La répartition des compétences en matière militaire », RDP, p. 163, 1993. En l’espèce,
l’auteur analyse minutieusement la répartition des compétences en matière militaire au sein de
l’Exécutif. Très critique, elle considère que le Premier ministre est la seule autorité compétente en la
matière, le Président de la République n’y intervient qu’à l’aide « des décrets illégaux ».
[74] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », commentaire des décisions du Conseil constitutionnel QPC (respectivement décision n°
2014-432 du 28 novembre 2014 et décision n° 2014-450 du 27 février 2015), LPA, n° 142,2015, p. 3.
[76] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », article précité. Il est fait référence d’une part, aux décrets du 18 juillet 1962 relatifs à
l’organisation de la défense nationale et du décret du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes
stratégiques et d’autre part, à la pratique institutionnelle de la Ve République.
[77] M.-T. VIEL, « La répartition des compétences en matière militaire », p. 163, article précité.
[78] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », p. 1, précité.
[79] V. également sur ce point. CASTILLO MAROIS, « Controverse sur la suprématie du président de la
République en matière de défense nationale », article cité en introduction de la présente étude, pp.
351-356.
[80] Nous renvoyons aux travaux (notamment) de J. THOMAS sur cette question : « Controverse sur la
répartition constitutionnelle des compétences en matière de Défense », VIe Congrès de l’AFDC,
Montpellier, 2005, pp. 6-10, antérieurement cité.
[81] Par le biais de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant notamment sur l’emploi de la
force armée (décisions n° 2014-432 du 28 novembre 2015 et n° 2014- 450 du 27 février 2015), le Conseil
constitutionnel a en effet jugé qu’en matière d’emploi de la force armée, « le Gouvernement décide
sous l’autorité du président de la République », « l’autorité effective de la décision d’y recourir […]
revient au président de la République », v. Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et
l’Élysée, le Conseil constitutionnel a tranché ! », LPA, n° 142, 2015, p. 3, antérieurement cité.
[83] Ibid.
[84] Depuis les mandats présidentiels du général De Gaulle, les présidents de la République qui se sont
succédé ont tous capté la matière militaire reléguant en quelque sorte le chef du Gouvernement au
rôle d’exécutant de la politique de défense fixée par eux. En ce qui concerne le général De Gaulle et les
présidents de la République qui l’ont succédé (par exemple Valéry Giscard D’Estaing, François
Mitterrand, Nicolas Sarkosy), nous proposons la lecture des exemples donnés par F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 204-208.
[85] La fin du service militaire est intervenue en 1997 (Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du
service national) à la suite d’une intervention télévisée du président de la République Jacques CHIRAC
(22 février 1996) annonçant la réforme de la défense.
[86] Dans sa réponse, le Premier ministre avait considéré en effet qu’en intervenant dans les affaires des
armées, le président de la République « est dans son rôle » et qu’il est « l’autorité légitime » dans ce
domaine, v. Public Sénat (https://www.publicsenat.fr/article/politique/macron-de-villiers-chacun-est-
dans-son-role-assure-edouard-philippe-76215 consulté le 13/08/2017).
[87] Nous pouvons rappeler la décision du président de la République Nicolas SARKOZY en 2007 de
réintégration de la France dans l’OTAN avant la fin de son mandat. En réaction à cette décision, une
motion de censure avait été déposée par l’opposition. Le Premier ministre pour sa part, avait en 2009,
engagé la responsabilité de son Gouvernement en application de l’article 49 alinéa 1 de la Constitution
(http://www.assemblee-nationale.fr/13/dg/dg1519.asp consulté le 28/08/2017). Cet exemple résume
pertinemment notre pratique politique : le président de la République est certes le responsable de la
décision en matière de défense mais il revient au Gouvernement de la défendre et de l’assumer devant
la Représentation nationale.
[88] Pour rappel, la cohabitation s’est produite trois fois sous la Ve République (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-
2002).
[89] C’est le cas par exemple de Jacques Chirac en 1986 (Discours de Suippes, 10 juillet 1986, v. « Chronique
constitutionnelle française », Pouvoirs, n° 40, p. 186. Au cours de son allocution, le Premier Ministre
avait annoncé le vote d’une loi de programmation militaire en remplacement de celle votée en 1984) ;
d’Edouard Balladur en 1993 (Propos retranscrits sur France 3, 2 juin 1993. V. sur ces propos, l’ouvrage
de J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 22e éd., Paris,
Montchrestien, 2008, p. 502.) et enfin, de Lionel Jospin en 1997 (V. sur ce point, M.-E. MALOUINES,
Deux hommes pour un fauteuil. Chronique de la cohabitation, 1997-2001, Paris, Fayard, 2002, pp. 27-31).
[90] V. respectivement les réponses des présidents de la République de ces périodes : François Mitterrand
(Visite qu’il effectua au camp du Caylus, le 13 octobre 1986, v. Chronique constitutionnelle française,
Pouvoirs, n° 41, p. 217) et (http://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00047/14-juillet-1994-le-
dernier-defile-du-president-francois-mitterrand.html consulté le 28/08/2017) ; Jacques Chirac
(Intervention télévisée à l’occasion de la fête du 14 juillet 1997, in Notes et études documentaires, 5066-
5069, Paris, La Documentation française, 1998, p. 47).
[91] Selon F. BAUDE et F. VALLÉE (Droit de la défense, op. cit., p. 211.), on ne dénombre « qu’un cas unique,
datant de [décembre] 1999, où le Premier ministre — en l’occurrence Lionel Jospin — s’oppose avec
succès au président — Jacques Chirac — qui souhaitait, en application de l’accord franco-ivoirien de
défense, envoyer des troupes au secours du président Konan Bédié ».
[92] L’organisation de l’administration centrale de ce Ministère est fixée par le décret n° 2009-1178 du 5
octobre 2009 portant organisation de l’administration centrale du ministère de la Défense.
[93] L’expression est empruntée à F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 303.
[94] Décret n° 2009-869 relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d’état-major des armées
et des chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de la marine.
[95] Qui lui avait été attribuée par un décret n°2005-506 du 19 mai 2005 fixant les attributions du ministre
de la défense (décret désormais abrogé et pour partie codifié au Code de la défense).
[96] Article R. 1142-1 du Code de la défense. Cela renvoie entre autres à « l’organisation des armées ainsi
que des directions et services du ministère », à « la programmation des effectifs, des équipements et
des infrastructures […] », la définition de « la politique des ressources humaines et veille au respect
des droits et obligations des militaires », à la conduite de « la politique internationale de défense » etc.
[97] Aux termes de cet article : « Le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions
relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces » et « Sous
l’autorité du Président de la République et du Gouvernement, et sous réserve des dispositions
particulières relatives à la dissuasion, [il] assure le commandement des opérations militaires ».
[98] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 302. Le libellé d’une des parties consacrée au
Ministre de la défense est à ce sujet assez révélateur : « B. Ministre de la Défense, gestionnaire des
armées ». V. par ailleurs, le décret n° 2017-1073 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des
armées, JORF, n° 0123 du 25 mai 2017 texte n° 12.
[99] Nous notons l’existence d’un tel Ministère sous le Gouvernement provisoire de la République
française (GPRF), sous l’influence du général de GAULLE ; la IVe République en comptait également.
[100] Nous soulignons à l’appui des travaux de F. BAUDE et F. VALLÉE (Droit de la défense, op. cit., p. 287),
quand bien même il ne s’agit pas du Ministère en lui-même, que « le décret de nomination du premier
Gouvernement de la Ve République (Gouvernement Debré, 8 janv. 1959-14 avr. 1962) fait mention d’un
[…] ministre des Armées ». Cela va se poursuivre jusqu’à la présidence de Georges Pompidou et du
Gouvernement Messmer II (2 avril 1973 à 27 février 1974). Pour plus de détails, v. l’ouvrage précité, pp.
287-288.
[101] Il s’agit de Florence Parly, nommée à ce poste depuis le 21 juin 2017 en remplacement de Sylvie
Goulard.
[102] K. ALLENO, « Les Armées, un ministère sans défense ? », The Conversation, 19 juillet 2017
(http://theconversation.com/les-armees-un-ministere-sans-defense-81228 consulté le 20/072017).
[104] Pour rappel, allocution prononcée à l’Hôtel de Brienne, siège du Ministère des Armées, le 13 juillet
2017.
[105] L’ancien ministre de la défense a été en fonction à ce poste de façon ininterrompue au cours du
précédent quinquennat.
[106] Nul doute que cette exécution correspondra à la rigueur budgétaire programmée. Nous notons que
l’audit réalisé par la Cour des comptes sur l’état des finances publiques (qui a révélé un déficit de 8
milliard) a conduit le Gouvernement à imposer des coupes budgétaires à tous les ministères.
[108] À ce sujet, nous remarquons que cet aspect de la défense (politique opérationnelle) a été très peu et
diversement abordé par les candidats. Sur les onze candidats, seuls cinq ont pu livrer quelques
indications. Certaines d’entre elles allaient dans le sens d’une remise en cause de la politique
opérationnelle en cours (Propositions de François Asselineau : « mettre fin à l’opération Sentinelle ») ;
d’autres au contraire révélaient la nécessité de poursuivre des opérations militaires notamment sur le
territoire national en accordant une priorité particulière aux moyens humains et matériels
(Propositions de Jacques Cheminade, François Fillon, Jean Lassalle et de l’actuel président de la
République), v. le blog des chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine) antérieurement cité.
[109] Pour une présentation plus détaillée sur cette question, v. notamment l’ouvrage de J. MASSOT, Le chef
de l’État, chef des armées, antérieurement cité, LGDJ 2011, pp. 85-139.
[110] C’est le cas par exemple de la réticence manifestée par lui, le Premier ministre et le ministre de la
défense dans la perspective du déclenchement de l’opération « Turquoise » qui eut lieu le 22 juin 1994
pour mettre fin au génocide des Tutsi au Rwanda. Cette opération militaire, mise en œuvre par la
France, a été autorisée par une Résolution 929 du Conseil de sécurité de l’ONU. En dépit de cette
réticence, c’est bien la volonté du Président de la République qui s’imposât le 15 juin 1994 à l’issue d’un
conseil restreint quelques jours avant la décision des instances internationales.
[111] Cependant, nous notons que sa réalisation n’a pas toujours été aisée : de retour au pouvoir en 1958, le
général De GAULLE avait en effet, remis en cause l’intégration des forces armées de la République
dans le commandement intégré de l’OTAN. Cela se concrétisa entre autres, par le retrait le 7 mars 1959
des « forces navales de Méditerranée du commandement de l’OTAN », le refus de « l’installation sur
son sol [la France] de rampes de lancements pour les missiles américains et d’armes nucléaires pour
les bombardiers de l’US Air Force » etc. Pour plus amples informations, v. J. MASSOT, Le chef de l’État,
chef des armées, op. cit., p. 117. C’est sous la présidence de François Mitterand qu’un début de
rapprochement entre les forces françaises et celles de l’OTAN a été initiée lors de la crise dite
euromissiles, pour aboutir finalement sous la présidence de Nicolas Sarkosy (officiellement le 17 mars
2009 à la suite d’un vote à l’Assemblée nationale et lors du Sommet de l’OTAN de Strasbourg-Kehl des
3 et 4 avril de la même année). Pour plus de développements sur cette question, v. notamment : Jean
MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, op. cit., citant H. VÉDRINE, Les mondes de François Mitterrand,
Paris, Fayard, 1996, pp. 347-s. (Chapitre X : « Nouvelles querelles franco-américaines »). On indique
qu’une nouvelle édition de cet ouvrage existe depuis 2016 du même auteur (Les mondes de François
Mitterrand, À l’Élysée 1981-1995, Paris, Fayard, 28 septembre 2016, 784 p).
[112] C’était par exemple la proposition de campagne de François Asselineau, Jacques Cheminade, Nicolas
Dupont-Aignan, Jean Lassalle, et de Marine Le Pen. Selon eux, les forces armées nationales devraient
davantage être recentrées à l’intérieur du pays où elles sont de plus en plus sollicitées ainsi, il serait
contre productif d’en accentuer l’épuisement. Ils considèrent encore que le ralliement de ces forces à
l’OTAN conduit à la France à s’engager « dans des guerres qui ne sont pas les siennes » (Marine Le
Pen, pour ne citer qu’elle). V. leurs propositions sur le blog des chercheurs de l’IRENEE (Université de
Lorraine) antérieurement cité : (http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/01/les-
candidats-et-leur-programme.html consulté le 13/08/2017).
[114] Ibid.
[115] À cet effet, le chef de l’État procède en compagnie de son ministre des armées, par exemple à des
visites au sein d’importantes industries de défense dans le but notamment de se doter de nouvelles
techniques mais surtout de proposer à la vente, des Rafales et autres armes de confection française.
[116] Dès les fondements de la Ve République, on distingue deux autorités des armées : le chef d’état-major
général de la défense nationale — CEMGDN (décret n° 59- 262 du 7 février 1959) et le chef d’état-major
général des armées — CEMGA (décret n° 59-267 du même jour). Très rapidement (surtout après le
putsch d’Algérie qui ébranlera le CEMGDN), le CEMGA acquiert de nouvelles compétences (chef
d’état-major interarmées-décrets n° 62-809 du 18 juillet 1962) et les attributions du Secrétaire général
de la défense nationale pour être définitivement désigné CEMA. Pour de plus amples informations
sur cette autorité militaire, v. respectivement : J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, 2011,
pp. 54-s. et F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 313-s.
[118] V. notamment, J.-M. PRIVAT, Le chef d’état-major des Armées, thèse de doctorat, Paris V, 1997 ; J.-Ph.
DOUIN, « Du rôle du chef d’état-major des armées », RDN, août-septembre 1998 ; Ph. VIAL « La genèse
du poste de chef d’état-major des armées. Entre nécessité et inquiétude, de la veille de la Première
Guerre mondiale à la fin de la guerre d’Indochine », RH. arm., 248, 2007 ; Y. BOYER, « L’état-major des
armées, un outil d’exception », RDN, mai 2007 ; H. LE RICHE, « L’état-major des armées au service de
nos armes », RDN, mai 2007.
[120] Article R. 1142-2 du même Code. Et pour une présentation exhaustive sur les attributions qu’il exerce
sous l’autorité du ministre de la défense, lire l’article R. 3121-2 du même Code.
[121] Tiré des propos de Michèle Alliot-Marie alors ministre de la défense (Conseil des ministres, 18 mai
2005), cité par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 315.
[122] Ibid. Les auteurs notent par ailleurs que cette cohérence « peut ressortir du décret n° 2005-520 qui fait
à la fois mention de la [« cohérence capacitaire des opérations d’armement », de la « cohérence des
travaux prospectifs conduits dans les domaines stratégiques, opérationnels et technologiques », de la
cohérence financière », de la cohérence physico-financière » et de la « cohérence de l’organisation des
armées ».
[123] I. EULRIET, 2007 cité par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 316.
[124] On peut y lire : « le renforcement des compétences du CEMA sera poursuivi, notamment dans le
domaine budgétaire et des programmes d’armement […] ».
[125] Le chef d’état-major des armées participe d’ailleurs à la préparation du budget de la défense et
propose au ministre des priorités à prendre en compte lors de l’allocation des crédits.
[126] Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, affirmait sur cette question que le budget de la
défense « n’est pas un budget comme les autres : il est la condition de notre sécurité, la manifestation
de la France à remplir son rôle international et un apport important à la vie économique […] » (in F.
CORNUT-GENTILLE, Avis n° 1114 relatif au projet de loi de finances pour 2004, T. VIII, Défense, Crédits
d’équipements, Assemblée Nationale, 9 octobre 2003, p. 47).
[127] Nous insistons sur ce domaine d’intervention du CEMA conformément au cadre d’étude retenu.
[128] L’expression est empruntée à L. SPONCHIADO : « Le chef des armées et le responsable de la défense
nationale », p. 36, article antérieurement cité dans la présente étude.
[129] Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017
(https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/20170629-RSPFP.pdf consulté le 08/08/2017).
[132] Ses propos ont été malheureusement rapportés publiquement d’où la polémique autour du budget de
la défense.
[133] On a enregistré jusque là, que la démission de chefs de certaines branches d’armée (marine, armée de
l’air et armée de terre). V. les quelques références que donne Ph. VIAL dans Le Monde Politique, N.
GUIBERT, « Démission du chef d’état-major Pierre de Villiers, un fait sans précédent depuis 1958 », 19
juillet 2017, (http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/07/19/demission-du-chef-d-etat-major-
pas-de-precedent-comparable-depuis-1958_5162273_823448.html consulté le 10/08/2017).
[134] J.-B. JEANGÈNE VILMER, « Les dix principaux enjeux de défense du prochain quinquennat », Défense
et Sécurité internationale, n° 128, mars-avril 2017, p. 41. Depuis les attentats terroristes de 2015, 7000
hommes sont mobilisés pour l’opération Sentinelle.
[135] V. « Budget : le gros coup de gueule du chef d’état-major des armées », 13 juillet 2017, Le Point,
(http://www.lepoint.fr/politique/budget-un-general-ulcere-par-les-economies-imposees-aux-armees-
13-07-2017-2143038_20.php consulté le 10/08/2017) et « Budget défense : le coup de gueule du chef
[136] En remplacement du général Pierre de Villiers démissionnaire, le général François Lecointre a été
nommé chef d’état-major des armées par le président de la République.
[137] R. DRAGO, « Le Chef des Armées de la IIe à la Ve République », Revue administrative, n° 292, 1996, p. 380.
English This study will be interested in the questions concerning the internal security and
concerning the defense. These questions aroused a renewed interest these last years
in view of the national and international contexts marked by tragic events (in
particular terrorist attacks). These events require from the State more authority for
the defense of its territory and the citizens. So, our reflection will be besides built
around the function of “chief of the armies” of the president of the Republic to
report on one hand, of the recent current events (politics) concerning her and to
question on the other hand, its future under the current five-year term as well as its
joint in the attributions also granted to other authorities in military material.