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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

129-159

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Le chef de l’État, chef des armées

Héritage Bita Heyeghe


Doctorant en droit public

Université de Lorraine

IRENEE – EA 7303

« La guerre des polices fait la faiblesse, l’union fait la force »​ [1] .

Les questions relatives à la sécurité intérieure et à la défense nationale ont suscité 1

un regain d’intérêt ces dernières années en raison notamment de contextes national


et international marqués d’une part, par de vagues successives d’attentats
terroristes et d’autre part, par l’augmentation du nombre des opérations
extérieures. À l’égard du citoyen, ces événements ont conduit à exiger de l’État plus
de sécurité ; à l’égard de l’État, ils ont conduit à la dotation par ce dernier, de
moyens de sécurité supplémentaires et au renforcement de celle-ci. À travers ces
événements, c’est le rôle de l’État et principalement du président de la République,
en matière de protection de la Nation contre les attaques commises à l’intérieur de
son territoire et celles émanant de l’extérieur de celui-ci, qui a le plus retenu
l’attention. C’est autour de ce rôle présidentiel que sera menée notre réflexion.

Nous nous intéresserons précisément à ses compétences en matière militaire tant la 2

Constitution érige le président de la République au rang de « chef des armées ». Ce


qui renvoie à l’autorité qu’il exerce sur les trois principales forces militaires de la
République​ [2] . Par ailleurs, cette réflexion devra prendre en compte l’existence des
compétences militaires dont sont textuellement investies d’autres autorités au sein
de l’État. Il s’agit du chef du Gouvernement, du ministre de la défense et du chef
d’état-major des armées ; ce qui permettra d’analyser la question de la répartition
des compétences militaires entre ces différentes autorités. Dans cette architecture,
le Parlement est souvent présenté comme « [faisant] pâle figure »​ [3] alors qu’il est
l’institution qui doit contrôler l’action du Gouvernement sous toutes ses formes.
Au-delà de ces autorités politiques et militaires de la défense, il faut souligner la
part active que prennent des autorités civiles dans l’organisation institutionnelle de
la défense : préfet de zone de défense et de sécurité​ [4] , préfet délégué pour la
défense et la sécurité, préfet de région, préfet de département et maire​ [5] .

Si les écrits portant sur la fonction militaire en général et du chef de l’État en 3

particulier (dont la présente étude signale l’existence​ [6] ) abondent, le sujet que nous
proposons de traiter se justifie particulièrement et ce, pour deux principales
raisons. La première, la prise en compte de la dernière campagne présidentielle au
cours de laquelle les candidats à la magistrature suprême ont émis d’importantes
propositions en matière de politique de défense. La seconde, la récente actualité
politique sur le domaine des armées, qui a permis de révéler la forte implication du
chef de l’État dans celui-ci. Ces deux raisons invitent à consacrer quelques

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développements sur ce sujet pour questionner notamment la forme que prendra


l’exercice des compétences militaires sous l’actuel quinquennat.

Ces éléments de contexte ayant été rappelés, il ne reste plus qu’à s’interroger sur la 4

fonction militaire du chef de l’État. Autrement dit, à quoi cette fonction renvoie-t-
elle en théorie et en pratique ? Quelles questions juridiques et politiques conduit-
elle à se poser ?

Pour répondre à ces interrogations, nous pouvons recourir à deux idées majeures. Il 5

y’a tout d’abord celle de l’affirmation (I) qui vérifiera que le chef de l’État bénéficie
de prérogatives en matière des armées. Une fois ces prérogatives affirmées, se
dégagera ensuite l’idée de la confrontation (II) en raison de l’investissement
d’autres autorités dans le domaine des armées.

I - L’affirmation

Cette affirmation rendra compte tout d’abord, de l’attribution au chef de l’État, des 6

prérogatives en matière des armées (A). Elle conduira ensuite à s’intéresser à la


matérialisation de ces prérogatives (B).

A - L’attribution au chef de l’État des prérogatives en matière des


armées

L’attribution au chef de l’État, des prérogatives en matière des armées procède d’un 7

certain nombre d’énoncés textuels. Les uns ont une portée constitutionnelle (1), les
autres relèvent de la loi- lato sensu (2).

1 - Les énoncés textuels de portée constitutionnelle

Les énoncés textuels de portée constitutionnelle qui signalent la compétence du 8

chef de l’État en matière de défense nationale sont profus. À côté de cette profusion
textuelle, il faut surtout souligner leur diversité, risque d’une « potentielle
concurrence »​ [7] car cette diversité est « créatrice d’imprécisions et susceptible
d’autoriser des interprétations variées voire opposées »​ [8] . Qu’à cela ne tienne, nous
pouvons décliner lesdits énoncés dans un ordre croissant.

Les prérogatives de défense nationale sont « immédiatement » évoquées dès le 9

second titre de la norme constitutionnelle fixant les attributions du président de la


République​ [9] . En effet, l’article 5 alinéa 2 dispose que le président de la République
est « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect
des traités ». Cette disposition peut être interprétée comme impliquant le chef de
l’État non pas directement dans le domaine de la défense, mais l’y consacrant au
titre d’une « clause générale »​ [10] en raison notamment de la direction de l’État qu’il
est censé assurer ; elle révèle la responsabilité générale qui lui incombe en matière
de protection des institutions, des intérêts fondamentaux de la Nation, des
personnes et des biens​ [11] .

L’implication directe du président de la République en matière de la défense 10

apparaît quant à elle, d’une part, à travers les dispositions de l’article 13 de la


Constitution qui lui attribuent la compétence de nomination « aux emplois
militaires de l’État ». Ce pouvoir de nomination est d’une importance capitale en ce
que, le choix par le président de la République, des cadres des armées est souvent
opéré généralement en fonction de sa vision de la défense et de la politique qu’il
prétend mener en ce domaine. Elle est d’autre part précisée par l’article 15 aux
termes duquel le président de la République est investi comme « chef des armées ».

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C’est ici le fondement par excellence de la fonction militaire du président de la


République qui rappelle à bien des égards le « caractère étatique de la défense »​ [12]
à propos duquel les auteurs tels que Bodin, Hobbes, Locke, Rousseau, Hegel, Carré
de Malberg, Weber etc., ont développé des théories encore d’actualité de nos jours.
Des illustrations relativement récentes peuvent également être présentées sur ce
sujet​ [13] . La conséquence qu’emporte la fonction ainsi proclamée par l’article 15 est
la présidence par le chef de l’État, des « conseils et comités supérieurs de la Défense
nationale ». Enfin, l’article 16 dont le contenu est similaire sur certains aspects à
celui de l’article 5 (précédemment évoqué), élargit les pouvoirs du président de la
République en matière défense, lesdits pouvoirs sont eux-mêmes très larges. En
effet, en vertu de cet article, le président de la République doit défendre et protéger
les institutions, l’indépendance de la Nation et son intégrité territoriale, garantir
l’exécution des engagements internationaux, veiller au fonctionnement régulier des
pouvoirs publics constitutionnels en cas d’interruption. Ainsi, cet article autorise la
concentration entre les mains du chef de l’État, de tous les pouvoirs en raison de
circonstances exceptionnellement graves auxquelles l’État peut être confronté
(crises sociales généralisées, catastrophes naturelles, insurrection, invasions du
territoire national, guerre, attaques terroristes etc.). Julien Thomas analyse cette
attribution de prérogatives comme une « dictature temporaire vouée à assurer le
salut public »​ [14] . Cela revient à préciser ce qui suit : l’application de l’article dit
« des pleins pouvoirs », est exceptionnelle​ [15] , circonscrite aux cas d’extrême
urgence. Elle ne peut être permanente et enfin, ne peut être arbitrairement décidée.
La Constitution apporte quelques indications sur ce dernier point en disposant que
« le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances,
après consultation officielle du Premier ministre et des Présidents des assemblées
ainsi que du Conseil constitutionnel » et « il en informe la Nation par message ».
Dès lors, le recours « aux pleins pouvoirs » doit être nécessairement justifié.

Au demeurant, l’article 52 de la Constitution fait valoir les attributions du chef de 11

l’État pour négocier et ratifier les traités. Cela sous-entend les traités et accords
ayant une dimension militaire, en dépit d’une mention expresse dans ledit article
52 ou encore dans l’article 53 en ce sens. À l’instar des autres dispositions
constitutionnelles présentées autour des attributions du président de la
République, chef des armées, celle intéressant les traités et accords militaires
auxquels l’État français est partie, permet au président de la République d’affirmer
la capacité militaire de la France sur la scène internationale, ainsi que de participer
à l’élaboration de la stratégie de défense internationale et de contribuer à la sécurité
et à la paix internationales.

De l’exposé des textes constitutionnels relatifs aux attributions du chef de l’État 12

dans le domaine des armées qui précède, il faut retenir la diversité de leur contenu.
Ils sont toutefois animés par une vision univoque, révélatrice du rôle central du
chef de l’État en matière de défense nationale. À ces textes d’ordre constitutionnel,
s’ajoutent d’autres dispositions normatives.

2 - L’énoncé d’autres dispositions normatives

D’autres textes fondent également la compétence du président de la République en 13

matière militaire. De ce point de vue, nous pouvons signaler de façon nuancée


l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense​ [16] .
Nuancée parce que cette ordonnance – désormais abrogée et pour l’essentiel
codifiée​ [17] « [affirmait plutôt] l’éminence de la fonction du Premier ministre et du
gouvernement en matière de défense et l’importance de la prise de décision
collégiale »​ [18] au détriment de celle du chef de l’État qui apparaissait peu
conséquente​ [19] . Ce n’est qu’incidemment, par le biais de son intervention au sein

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du conseil supérieur de la défense que le président de la République « capte » la


compétence en matière de défense puisque l’ancien article 8 de l’ordonnance
précitée disposait (son contenu demeure d’actualité aujourd’hui) que les réunions
desdits conseils se déroulent sous la présidence du chef de l’État. Nul doute que
c’est au cours de ces réunions que le président de la République exerce une
influence sur la décision finale à prendre.

Pour sa part, le Code de la défense en ses parties législative et réglementaire, 14

conforte sans ambiguïté, le président de la République dans ses attributions en


matière des armées en lui consacrant un titre​ [20] avant d’énumérer celles du
Premier ministre. À l’instar de ce qui a été dit plus haut lors de la présentation de
l’ancienne ordonnance du 7 janvier 1959, c’est dans le cadre de la formation
plénière du conseil de défense et de sécurité nationale, que le chef de l’État
s’affirme comme chef des armées​ [21] . D’autres « normes portant création […], du
conseil national du renseignement​ [22] , du conseil des armements nucléaires​ [23] , […],
sont volontiers interprétées comme des textes habilitant le [président] de la
République à décider de la politique de la défense »​ [24] .

Pour finir, certaines dispositions du Code de la sécurité intérieure peuvent 15

également être évoquées pour servir de fondement aux attributions du président de


la République en matière de défense et de sécurité. En effet, les dispositions de
l’article L. 111-1 dudit Code, après avoir rappelé que « la sécurité est un droit
fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et
collectives », font peser ce « devoir » sur l’État qui doit « [l’] assurer (la sécurité) en
veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions
et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre
publics, à la protection des personnes et des biens ». Ces dispositions, qui
rappellent à bien des égards celles des articles 5 et 16 de la Constitution, peuvent
être analysées comme posant une mission générale de protection que l’État doit
remplir. Elles constituent dès lors, des références favorables à l’intervention du
président de la République qui, force est de le souligner, incarne au premier chef,
l’État. Pour s’en persuader, nous pouvons citer notamment l’investissement non
négligeable du président de la République dans la gestion de crise causée par des
attentats terroristes répétitifs qui ont récemment bouleversé et ému la Nation​ [25] .

Si les textes relatifs à la matière militaire sont en général abondants, force est de 16

constater la ténuité et la brièveté de ceux intéressant le chef de l’État dans sa


fonction de chef des armées. Cet état de fait pourrait faire accroire à une relégation
de celui-ci dans ce domaine. Pour autant, cette fonction de chef des armées se
vérifie par la présidence par ce dernier, de certaines instances de décisions dont
nous savons qu’elles constituent d’importants lieux de définition des politiques de
la défense et d’élaboration de la stratégie qui les accompagne. La manière dont elle
se matérialise permet aussi de la vérifier.

B - La matérialisation des prérogatives présidentielles en matière


des armées

Il ne fait plus aucun doute que le chef de l’État dispose de prérogatives en matière 17

des armées ce qui le conduit à s’impliquer directement dans les politiques y


relatives et aucune question relevant de ce domaine ne saurait lui échapper. C’est la
raison pour laquelle, il importe de s’intéresser à la manière dont ces prérogatives
sont mises en œuvre. À cette question, une réponse simple peut-être apportée : la
mise en œuvre des prérogatives présidentielles en matière des armées prend la
direction de la prééminence. Cette prééminence prend davantage appui sur la
pratique institutionnelle (1), elle tend par ailleurs à faire l’objet d’une défense au

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niveau politique (2).

1 - Une prééminence présidentielle institutionnellement établie

Nous présentons généralement la Constitution de la Ve République comme une 18

Constitution « [instaurant] en France un système de pouvoir politique original »​ [26] .


Cette originalité puiserait sa source dans l’association de « deux institutions et
principes que le droit constitutionnel considérait jusque-là comme
antinomiques »​ [27] . Au-delà, c’est souvent le caractère des nouvelles institutions
qu’elle met en place qui suscite autant la réflexion que des critiques. Ledit caractère
réside notamment dans la « solidité » des institutions et l’attribution à une (seule)
autorité, des prérogatives « fortes » de protection de la Nation. Prérogatives que
viendra confirmer l’élection de cette autorité (le président de la République), par
« un collège plus vaste que le Parlement »​ [28] . De ce fait, l’exercice des pouvoirs en
matière de police et de défense en est nécessairement impacté.

Au regard de cette brève présentation de la Ve République, il apparaît que sa 19

conception institutionnelle bénéficie principalement au président de la République


tant « le système politique [qu’elle met en place] fut très tôt marqué du sceau
présidentiel »​ [29] . Construite sur le modèle du régime parlementaire, ce qui suppose
un partage de pouvoir entre le chef de l’État et le chef du Gouvernement, nous
constatons en revanche que « la fonction des armées […] est un des domaines où la
dyarchie a le plus évolué dans un sens présidentiel qui n’était pas celui des
rédacteurs de la Constitution »​ [30] . Par ailleurs, l’aspect symbolique de la fonction
de chef de l’État amplifierait sa prééminence institutionnelle. Il est en effet
considéré comme l’autorité qui incarne la légitimité de l’État et assure sa
continuité, garantit la souveraineté du peuple et l’unité nationale. En outre, il veille
au respect des principes et valeurs de la République, protège les symboles
fondamentaux de la Nation (drapeau, devise, l’hymne national etc.). C’est la raison
pour laquelle, il dispose de certaines fonctions capitales (représentation,
promulgation des lois, nomination aux hautes fonctions publiques etc.), ce qui
conduisit à Maurice Duverger à le qualifier de « monarque républicain ».

L’intervention du chef de l’État prime donc en matière des armées. Plusieurs 20

auteurs s’accordent en effet, à souligner cette prééminence. Par exemple, Lucie


Sponchiado avance que « la précellence présidentielle [s’est] rapidement
installée »​ [31] ce qui a conduit à « une pratique présidentialiste en matière de
défense »​ [32] ; Florent Baude et Fabien Vallée affirment pour leur part, que « le chef
de l’État est incontestablement l’autorité prééminente en matière de défense »​ [33] .
Enfin, Julien Thomas évoque « la place incompressible du Chef de l’État »​ [34] dans
le domaine de la défense. Autant d’éléments qui permettent de mettre en relief le
rôle central du chef de l’État en matière des armées, rôle dont il mesure tant
l’ampleur que la gravité​ [35] .

Cette prééminence présidentielle en matière des armées étant affirmée, 21

intéressons-nous aux raisons qui la justifieraient​ [36] . Nous notons, à ce stade de la


réflexion, que ces justifications sont diverses, elles révèlent que la prééminence du
chef de l’État en matière militaire est solidement ancrée dans la pratique
institutionnelle de la Ve République. Poursuivons notre réflexion sur ce point en
analysant matériellement les domaines d’affirmation de la prééminence
présidentielle. À cet égard, un certain nombre de domaines relatifs aux armées
permettent de signaler l’affirmation de la suprématie présidentielle. Sans prétendre
à l’exhaustivité, nous pouvons mettre en évidence les principaux domaines qui
permettent de rendre compte de cette suprématie. À lecture de certaines
dispositions (notamment constitutionnelles) et à l’observation de la pratique, cette

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suprématie tient en la mise en œuvre de deux types de pouvoirs : le premier est le


pouvoir de nomination, le second est le pouvoir décisionnel.

Relativement au pouvoir de nomination, nous pouvons tout d’abord y mener une 22

réflexion générale qui sera suivie d’une réflexion plus centrée. La réflexion
générale, elle permet d’aborder la question l’exercice, par le chef de l’État de son
pouvoir de nomination dans un cadre général, celui fixé par l’article 8 alinéa 2 de la
Constitution qui dispose que « sur proposition du [Premier ministre], le président
de la République nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs
fonctions ». Pour sa part, la réflexion centrée, nous conduit à souligner
l’implication précise du président de la République en matière militaire puisqu’il
est mentionné à l’article 13 alinéa 2 de la Constitution, qu’en plus de la nomination
« aux emplois civils », il procède à celle des « emplois militaires de l’État ». Ce
pouvoir de nomination permet au chef de l’État de peser dans le choix des cadres
des armées en commençant tout d’abord par le ministre de la défense, autorité
ministérielle qui doit lui correspondre non seulement politiquement mais surtout
d’un point de vue de fiabilité et de loyauté. De ce fait, il veillera à ce que la
proposition que lui fait le Premier ministre soit conforme à ces attentes. Dans tous
les cas, il est rare (et surtout en période de concordance des majorités) que le choix
d’un ministre de la défense soit laissé à la seule discrétion du chef du
Gouvernement. Ensuite, relativement au pouvoir décisionnel, c’est à ce niveau que
la suprématie présidentielle prend davantage d’intensité tant « le pouvoir d’action
du chef de l’État […] est vaste et multiforme »​ [37] . Ce « pouvoir d’action » recouvre
notamment le « choix doctrinal et stratégique »​ [38] de défense, « la ratification des
traités portant ou ayant des implications sur la défense »​ [39] , « [l]’envoi des
militaires en opérations à l’étranger »​ [40] (les opérations extérieures- OPEX) et
« [l]’ordre d’engagement des forces nucléaires »​ [41] .

Concernant le « choix doctrinal et stratégique », il renvoie à l’influence que le chef 23

de l’État exerce sur « la définition de la doctrine de défense »​ [42] et nous notons à ce


sujet, que les différents chefs d’État qui se succèdent à l’Élysée apportent chacun
leur vision sur les questions de défense. Selon Florent Baude et Fabien Vallée,
« leurs interventions publiques, interviews et discours politiques dont certains sont
entrés dans l’histoire »​ [43] permettent d’en témoigner. L’exposé de cette vision
« [trouvent par exemple] une traduction dans des lois ordinaires, de finance et de
programmation militaire »​ [44] . Fait également partie du « choix doctrinal et
stratégique », la fixation par le président de la République de l’emploi de l’arme
nucléaire​ [45] , c’est son « pré carré », sa mise en œuvre repose sur des décrets​ [46] . En
outre, l’intervention du président de la République n’est pas non plus écartée
lorsque, les relations bilatérales que la France noue avec d’autres États sont en lien
avec la défense nationale​ [47] , il dispose dans ce domaine, de la compétence de
ratification.

C’est surtout le pouvoir de décision du chef de l’État en matière d’engagement des 24

forces armées nationales à l’étranger qui retient le plus souvent l’attention. Non
seulement parce que le capital humain de l’armée est mobilisé​ [48] , mais surtout en
raison du fait que cet engagement interroge par ailleurs sur la performance des
équipements militaires et les éventuelles répercussions (à court, moyen ou long
terme) pour l’intégrité du territoire national. Ledit engagement des militaires dans
les OPEX repose sur l’existence d’un accord bilatéral conclu entre la France et l’État
bénéficiaire de l’intervention ; l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations
unies, d’une résolution​ [49] ; d’une attaque contre l’armée française ; d’une agression
armée émanant d’un État étranger et perpétrée sur une partie du territoire de la
République ; d’une demande des autorités d’un État ; de la violation massive des
droits fondamentaux de l’homme dans un État étranger.

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Au fond, ces OPEX, pour lesquels le chef de l’État français engage ces forces 25

armées, ont vocation à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales,


il ne s’agit pas de la guerre stricto sensu dont l’article 35 de la Constitution
subordonne la « déclaration » à l’autorisation du Parlement​ [50] . Le recours à ces
opérations relève de la « décision solitaire du chef de l’État »​ [51] , autrement dit, il
dispose en la matière, d’un « fort » pouvoir discrétionnaire. Cela se manifeste
autant particulièrement dans les situations de fait majoritaire que celles de
discordance de majorités même si nous pouvons noter au cours de ces dernières,
une certaine tendance du Premier ministre à opposer au président de la République
une « codécision »​ [52] . De l’histoire politique relative l’emploi de ce « fort » pouvoir
discrétionnaire du chef de l’État, il y résulte que presque tous les chefs d’État en ont
usé. Sans vouloir faire une économie exhaustive sur la question, nous pouvons nous
rapporter aux récents emplois dudit pouvoir​ [53] . Soulignons tout simplement par
ailleurs, que l’envoi des forces armées françaises dans des conflits militaires, a
concerné un certain nombre de zones (notamment d’Europe, d’Afrique et d’Orient),
la politique militaire (guerre d’Algérie)​ [54] et elle aura pour sa part, marqué les
esprits et (peut-être) inspiré celle des chefs d’État de la Ve République. Ainsi, il faut
retenir, de la prééminence dont bénéficie le président de la République en matière
des armées, que celle-ci prend encore tout son sens en ce que d’une part, « la
politique de défense est définie en conseil de ministres »​ [55] et d’autre part, par la
présidence par ce dernier, des comités de défense et de sécurité nationale​ [56] .

La prise en compte de la pratique institutionnelle nous a ainsi permis de mettre en 26

évidence la prééminence du président de la République en matière des armées.


Pour être tout à fait complet sur la réalité d’une telle prééminence, il est intéressant
de consacrer quelques développements à sa déclinaison au niveau politique.

2 - Une prééminence présidentielle politiquement défendue

Nous proposons d’analyser ici, le « discours politique » sur la défense nationale 27

ainsi que les « actions » de dimension politique entreprises dans ce domaine. Cela
nous conduira à deux séries de développements. La première série mettra en
évidence la catégorie de personnalités politiques à laquelle s’applique cette analyse ;
la seconde s’intéressera à l’intérêt que cette catégorie accorde aux questions de
défense et à la manière dont elles le transcrivent. Pour ce faire, nous pouvons
présenter les propositions émises en matière de défense par les candidats lors de la
dernière élection présidentielle​ [57] . Celles émises par l’actuel chef de l’État nous
intéresseront davantage. Au cours de notre étude, certains exemples de positions
adoptées antérieurement par d’anciens présidents de la République pourront être
présentés selon leur pertinence.

La récente convocation à l’élection présidentielle a permis aux candidats à la 28

magistrature suprême d’exposer leur vision en matière de défense et de sécurité et


ce, en se référant notamment aux événements tragiques menaçant la sécurité
nationale et internationale. À la lecture de leurs propositions présidentielles​ [58] ,
nous remarquons qu’il existe peu de clivages entre elles, les candidats étant tous
unanimes sur l’idée de garantir plus de sécurité aux citoyens — de façon urgente —,
d’assurer davantage la défense du territoire national et d’accorder plus de moyens
aux forces de l’ordre chargées de la mettre en œuvre. Selon eux, les politiques de
défense doivent être capables d’assurer « l’indépendance de la France », de garantir
sa « souveraineté », « la paix » ainsi que de défendre « les intérêts vitaux de la
Nation » et des personnes​ [59] . C’est dans ce contexte que l’actuel président de la
République avait formulé d’importantes propositions dépassant le seul cadre
national et c’est effectivement cela qui nous intéresse aujourd’hui.

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Au niveau national, le candidat, devenu président, s’était engagé à « donner aux 29

armées les moyens d’assurer la souveraineté stratégique de la France » tant elles ne


cessent d’être engagées dans des opérations extérieures. Cela se fera aux moyens
d’une augmentation « progressive » « [du] budget de la défense à 2 % du PIB en
2025 » et du renouvellement des équipements militaires. S’y ajoutait l’ambition
pour ce dernier de « [renforcer] la cyberdéfense » qui permettrait « [d’entraver] les
attaquants cyber »​ [60] . Enfin, il avait manifesté sa volonté de « conforter les liens
entre la nation et les armées » ce qui nécessite notamment un encouragement pour
la réserve opérationnelle et la garde nationale ainsi que la création « [d’] un service
militaire obligatoire et universel ». À bien des égards, ces propositions semblent
marquées par des objectifs d’efficacité, de performance, de stratégie et de
compétitivité qu’il assignait à la politique de défense. Cette vision managériale de
l’armée, si elle apparait positive, interroge toutefois sur sa compatibilité avec le
fonctionnement traditionnel de l’administration militaire. En tout état de cause,
lorsqu’elle est retenue, elle devrait s’accompagner d’une dotation conséquente de
moyens aux armées et avoir le souci (final) de protéger au mieux la Nation.

Officiellement installé à l’Élysée, le chef de l’État met en œuvre ses attributions en 30

matière militaire avec beaucoup de sérénité, de gravité​ [61] , de stratégie​ [62] voire de
dirigisme​ [63] . Quelques exemples suffisent pour illustrer la rapide appropriation par
l’actuel président de la République, de la fonction militaire : tout d’abord la lente et
solennelle remontée du tapis rouge qu’il fit dans la cour d’honneur de l’Élysée ainsi
que le regard très appuyé qu’il manifestât en direction d’un détachement et de la
musique de la Garde républicaine​ [64] ; ensuite le parcours du président des
Champs-Élysées à bord du véhicule de commandement militaire​ [65] et enfin, le
premier déplacement présidentiel qu’il effectuât à l’hôpital d’instruction des armées
de Percy, à l’endroit des soldats blessés au cours des opérations extérieures. Par
tous ces gestes forts, le président de la République entend affirmer sa sensibilité
pour les questions militaires et établir un lien de confiance avec les armées. Par
ailleurs, bien plus que par des gestes, le président de la République a défendu sa
fonction militaire par des mots à la veille du 14 juillet dans un discours qu’il
prononça à l’Hôtel de Brienne​ [66] au cours duquel il dit aux responsables militaires :
« je suis votre chef »​ [67] . Ces mots résument pertinemment comment l’actuel chef
de l’État se représente le domaine des armées et la direction qu’il entend lui
donner. Certains lui ont d’ailleurs accolé l’étiquette de « Président jupitérien »​ [68] .

À l’échelle internationale, les propositions de l’actuel locataire de l’Élysée 31

apparaissaient des plus novatrices, elles reposent sur l’idée d’une gestion commune
de la défense européenne​ [69] . Nous pouvons en présenter les traits les plus saillants.
Partant du constat selon lequel l’action « pour une Europe de la défense [était]
devenue indispensable », il s’était engagé à favoriser la coordination des opérations
extérieures françaises avec celles des alliés européens de l’État français ; cela
mobilisera un « Quartier Général européen permanent » qui en assurera le suivi et
la planification. N’est pas en reste, la création d’un Conseil de sécurité européen
« composé de militaires, diplomates et experts du renseignement » dans le but de
« conseiller les décideurs européens ». Enfin, les dépenses financières relatives à
cette gestion commune seront également partagées puisqu’un « Fonds européen de
défense » devrait voir le jour. La finalité de ce projet est de créer une véritable force
de défense européenne tant les grandes puissances militaires européennes sont
engagées dans de nombreux conflits et cela pose la question des coûts à assumer,
l’entretien des équipements et surtout celle du capital humain. Si ces propositions
semblent intéressantes, leur traduction en actes reste encore très attendue et ce
d’autant plus que le domaine de la de défense et de sécurité commune (PSDC)​ [70]
relève d’un processus décisionnel intergouvernemental et nécessite ainsi l’accord
unanime de tous les partenaires européens.

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

L’exposé de ces quelques propositions présidentielles ont conduit à affirmer que le 32

domaine de la défense est saisi par la politique. Leur contenu révèle au fond que ce
domaine doit être attribué au président de la République​ [71] qui entend s’y investir
incontestablement. Par ailleurs, en dehors de l’exposé de celles-ci, l’ensemble des
développements qui précèdent a surtout permis de vérifier l’affirmation des
prérogatives présidentielles en matière militaire. L’attribution de telles prérogatives
procède de l’énoncé d’un certain nombre de textes de portée constitutionnelle et
législative. Toutefois, l’investissement du chef de l’État comme chef des armées
n’est pas sans interroger sur l’articulation de cette compétence à celle également
attribuée par des textes, au sein de l’Exécutif et de l’État, à d’autres autorités. De ce
fait, le domaine militaire semble marqué par une sorte de confrontation.

II - La confrontation

L’évocation de cette confrontation suppose de s’intéresser tout d’abord à 33

l’articulation des prérogatives du chef de l’État à celles reconnues au Gouvernement


en matière des armées (A), ensuite à celles reconnues au chef d’état-major des
armées (B).

A - L’articulation des prérogatives du chef de l’État à celles


reconnues au Gouvernement en matière des armées

À l’origine, l’articulation des compétences en matière de défense nationale reposait 34

sur l’idée du partage de celles-ci entre le chef de l’État et le Premier ministre.


Cependant, influencée par la pratique institutionnelle (antérieurement évoquée),
cette articulation semble désormais marquée par la rivalité entre les deux têtes de
l’Exécutif (1). Au-delà, il faut encore souligner que la forte implication du président
de la République dans le domaine des armées tend à fragiliser la compétence du
ministre chargé de la défense nationale, ce denier pouvant subir un certain
cantonnement (2).

1 - Le constat d’une rivalité en matière des armées entre les deux têtes
de l’Exécutif

C’est devenu un lieu commun que de reconnaître qu’à l’origine​ [72] , la matière 35

militaire relève très largement de la compétence du Premier ministre. Les


expressions doctrinales utilisées pour en témoigner sont aussi nombreuses que
diverses. Par exemple, Marie-Thérèse Viel parle de « la prééminence juridique du
Premier ministre en matière militaire »​ [73] ; Thibaud Mulier évoque « l’habilitation
du Premier ministre à décider de l’emploi de la force armée »​ [74] ; Lucie Sponchiado
pour sa part, affirme « la prééminence primoministérielle et gouvernementale
originelle »​ [75] . Mais nous savons également que dans le domaine de la défense, « le
droit et la pratique ont progressivement évolué en faveur du [président de la
République] »​ [76] ce que critiquent certains auteurs car pour eux, l’intervention du
président de la République dans le domaine de compétences du Premier ministre
est « illégale »​ [77] et « non conforme aux règles de droit »​ [78] . Ainsi, l’articulation des
prérogatives du chef de l’État dans la conduite des affaires militaires à celles
également attribuées au chef du Gouvernement, semble difficile, elle fait apparaître
des tensions mais surtout une rivalité entre les deux têtes de l’Exécutif.

Cette rivalité est d’abord d’ordre textuel​ [79] , elle peut ensuite se traduire 36

factuellement. La rivalité d’ordre textuel, met en scène la difficile combinaison des


articles 5 et 15 de la Constitution qui investissent le président de la République de
fonctions militaires, avec les articles 20 et 21 du même texte qui respectivement

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

mettent à la disposition du Gouvernement la force armée et fait du Premier


ministre le responsable de la défense nationale. Dès lors, se pose la question de
savoir quel est le véritable titulaire des prérogatives militaires. Cette question ne
peut recevoir de réponse catégorique, elle nécessite plutôt un travail
d’interprétation des textes dont nous ne présenterons pas l’exposé ici​ [80] . Nous
pouvons tout simplement souligner, qu’il se dégage de l’esprit de ces articles, deux
types d’autorités : l’autorité de « direction des forces armées » incarnée par le chef
de l’État et l’autorité de « disposition des forces armées » attribuée au Premier
ministre sans qu’une solution claire ne soit apportée par les textes à la question de
savoir laquelle de ces deux autorités prime sur l’autre. Sur cette question, bien que
le Conseil constitutionnel ait récemment « tranché »​ [81] en faveur du président de la
République, le débat est loin d’être clos.

Cette rivalité peut par ailleurs se traduire dans les faits. Pour l’aborder, nous 37

proposons d’analyser les rapports entre le chef de l’État et le chef de Gouvernement


selon qu’il s’agisse de la période de concordance de majorités ou celle dite de
cohabitation. C’est donc à la mesure de l’intensité de cette rivalité que nous
consacrerons quelques lignes. En effet, en période de concordance des majorités, la
rivalité entre les deux chefs de l’Exécutif en matière des armées est quasi-
inexistante, les désaccords entre eux dans ce domaine n’étant pas exposés sur la
scène publique, le Premier ministre restant loyal à l’égard du président de la
République. De ce fait, le chef de l’État reste le « patron de la défense »​ [82] et « il
définit [à ce titre] les grandes orientations en matière de défense et prend toutes les
décisions d’importance »​ [83] ; cela peut être analysé comme une volonté pour le chef
de l’État de s’arroger le monopole de la stratégie militaire​ [84] . L’actuel chef de l’État
semble avoir adopté cette position. En effet, dès son installation à la présidence de
la République, il n’a cessé d’envoyer de « signaux forts » en direction des armées et
s’affirme dans les faits, comme un « chef d’État stratège », fixant la vision générale
de l’action militaire et laissant le soin au Gouvernement de l’appliquer. Ce constat
émérite l’attention en ce que, contrairement à ses prédécesseurs, il n’a aucune
expérience militaire et il n’a pas effectué son service militaire​ [85] . En dépit d’un
service militaire non accompli, c’est avec beaucoup de détermination que le chef de
l’État entend exercer les prérogatives qui sont les siennes.

La réponse donnée par l’actuel Premier ministre, Édouard Philippe lors des 38

questions au Gouvernement semble confirmer l’absence de divergence (et donc de


rivalité) entre lui et le chef de l’État en matière des armées puisque ses propos
attestent de la prééminence du président de la République dans ce domaine​ [86] .
Ainsi, pouvons-nous conclure qu’en situation de fait majoritaire, la rivalité entre le
président de la République et son Premier ministre est muette en matière des
armées, chacune des deux autorités de l’Exécutif s’employant à mettre en œuvre ses
prérogatives conformément à la pratique du système politique​ [87] .

Or, la période de discordance des majorités (dite de cohabitation)​ [88] conduit à une 39

approche relativement nuancée tant nous pouvons y relever quelques rivalités entre
le chef de l’État et le Premier ministre sur les questions de défense. En effet, on
retiendra de l’histoire politique et institutionnelle de la Ve République que certains
Premiers ministres de la cohabitation avaient exprimé dès leur prise de fonction,
leur volonté de s’affirmer en matière de défense​ [89] . Ces déclarations des Premiers
ministres n’ont pas manqué d’être rétorquées par les chefs d’État en exercice​ [90] .
Ainsi, si sous la cohabitation, les Premiers ministres manifestent une réelle volonté
de s’affirmer dans le domaine de la défense nationale face au président de la
République revendiquant lui aussi, ses attributions en matière militaire ; on
dénombre peu de succès de ces derniers dans leur entreprise​ [91] , la prééminence
présidentielle parvient à s’imposer en dépit du fait que certaines questions relatives

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

à la défense, font l’objet d’une réflexion commune entre le chef de l’État et le chef
du Gouvernement. Jusque là, aucune action de blocage émanant d’un Premier
ministre de la cohabitation n’a été relevée, ce dernier prenant soin de ne pas
empiéter sur les prérogatives du chef de l’État.

L’articulation des prérogatives du chef de l’État en matière des armées à celles 40

reconnues au Premier ministre dans le même domaine, conduit à une situation de


rivalité. Évanescente voire quasi-inexistante en période de concordance des
majorités, cette rivalité est évidente sous la cohabitation nonobstant le fait que,
d’une part, les Premiers ministres ne parviennent pas à plier le président de la
République dans ce domaine et d’autre part, acceptent de facto sa prééminence.
Cette question de l’articulation des prérogatives présidentielles dans les affaires
militaires se pose en outre lorsqu’on prend en compte l’existence du ministre
chargé de la défense nationale.

2 - Le risque de cantonnement du ministre chargé de la défense


nationale

Généralement connu du grand public à l’instar de ses homologues de l’Intérieur et 41

de la Justice, le Ministère de la défense nationale​ [92] constitue un des lieux de


décisions où l’État régalien se déploie particulièrement non seulement lorsqu’il doit
défendre ses intérêts fondamentaux contre les menaces produites à l’intérieur de
son territoire mais aussi parce qu’il doit garantir l’intégrité de son territoire contre
les attaques qui peuvent émaner de l’extérieur de celui-ci. Or, si les compétences
dévolues au ministre chargé de la défense ont fait l’objet d’une « clarification »​ [93] ,
elles n’ont cessé d’être amoindries. En effet, depuis un décret du 15 juillet 2009​ [94] ,
la responsabilité en matière « d’exécution de la politique militaire »​ [95] lui échappe
au profit notamment du chef d’état-major des armées (CEMA). Depuis lors, il ne
dispose plus que de la compétence de préparation et de mise en œuvre de la
politique de défense conformément aux directives données par le Premier
ministre​ [96] . Ce décret a ainsi conduit à une réduction du champ d’action du
ministre de la défense. La conséquence la plus manifeste en est que, d’une part, le
ministre chargé de la défense ne dispose pas de compétences dites opérationnelles
(celles-ci relèvent au sens de l’article R. 3121-1 du Code de la défense​ [97] , de la
compétence du CEMA) et d’autre part, il se limite à la gestion des armées. La
lecture des dispositions posant ses compétences peut induire en erreur tant elles
apparaissent très larges, en réalité, il faut les interpréter comme posant à l’égard du
ministre, des compétences d’attributions auxquelles il doit s’en tenir. Florent Baude
et Fabien Vallée soulignent particulièrement cet aspect​ [98] .

L’accession au Gouvernement d’une nouvelle majorité politique a récemment 42

suscité un regain d’intérêt sur le rôle du ministre de la défense en matière des


armées. En effet, sous l’actuelle présidence de la République, un fait marquant a
mérité l’attention et fait l’objet de plusieurs commentaires. Il s’agit du changement
de dénomination du ministère de la défense nationale. Ce ministère est désormais
dénommé « Ministère des Armées »​ [99] . Si le fait n’est pas totalement inédit sous la
Ve République (en ce qu’il institue non plus un Ministre de la défense mais des
armées), il n’apparaît pas moins rare​ [100] . Ce changement de dénomination emporte
deux conséquences majeures. La première est que, les compétences du ministre se
limitent aux aspects administratifs et budgétaires de la défense, ce qui conduisit
Kevin Alleno à considérer que l’actuel ministre des armées​ [101] ne dispose pas de
véritables pouvoirs, elle « manque de poids politique » pour peser dans les
politiques de défense, elle serait plutôt une « super DRH des armées »​ [102] ; la
nomination successive de deux ministres au Ministère des Armées sans expérience
militaire mais compétentes en matière budgétaire​ [103] , permet d’en attester. La

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

seconde marque la volonté du chef de l’État de s’investir pleinement non seulement


dans ce domaine précis mais surtout de se réserver des prérogatives en matière de
défense nationale, les propos tenus par ce dernier devant les officiers des armées :
« je suis votre chef » s’imposent par la force de l’évidence​ [104] ; sa stratégie se révèle
également à ce niveau. La mutation de Jean-Yves Le Drian​ [105] , « homme influent »
en matière de défense, au Quai d’Orsay, constitue aussi une de ses illustrations.

Face à une telle réduction du champ d’action du ministre des armées et un 43

recentrage de ce domaine aux mains du président de la République (qui en réalité,


en assure le pilotage), il est permis de s’interroger sur l’ampleur actuelle de son rôle
mais plus encore à son avenir sous le présent quinquennat. À y regarder de plus
près, nous pouvons avancer que l’action du ministre des armées risque d’être
cantonnée à la préparation et à la mise en œuvre de la politique de la défense. Mais
il s’emploiera surtout à remplir les responsabilités qui sont les siennes à l’égard du
président de la République et du chef du Gouvernement dans une logique
d’exécution​ [106] . En somme, le changement de dénomination du ministère de la
défense et la captation par le président de la République du domaine des armées, ne
remettent pas en cause l’utilité du ministre affecté à celui-ci mais posent plutôt la
question du détenteur « réel » du pouvoir dans ce domaine. Pour ce qui le
concerne, le ministre des armées demeurera sans conteste le chef de
l’administration militaire qui, à ce titre, en assure la direction et dispose du pouvoir
réglementaire​ [107] , son implication dans la défense des affaires militaires
(notamment pour les questions relatives au vote des lois de programmation
militaire) lui permet de conserver une place stratégique en matière des armées.

En dehors de l’articulation des compétences en matière militaire entre le chef de 44

l’État et le Gouvernement (Premier ministre, ministre des armées), la question se


pose par ailleurs lorsque l’on prend en compte les attributions non négligeables en
la matière, du chef d’état-major des armées.

B - L’articulation des prérogatives du chef de l’État à celles


reconnues au chef d’état-major des armées

Figurant parmi les plus hautes autorités militaires de l’État, le chef d’état-major des 45

armées (CEMA) bénéficie d’importantes compétences dont l’étendue est


considérable en matière d’organisation de la défense nationale. Pour autant, le
domaine de compétences de cette autorité n’est pas à l’abri de l’intervention du chef
de l’État, chef des armées. Par conséquent, les rapports entre ces deux autorités
peuvent être sujets à tension, le rappel de l’actualité des faits confirmera nos
propos. En tout état de cause, nous pouvons relever que l’intervention du chef de
l’État dans les affaires militaires peut impacter la compétence du CEMA dans deux
principaux domaines : d’une part, celui de l’orientation générale des armées et
d’autre part, celui de la conduite des politiques opérationnelles de la défense (1). Ce
qui s’apparente à une « concurrence » du chef de l’État n’est pas sans favoriser un
éclatement entre les deux autorités « suprêmes » des armées (2).

1 - L’intervention du chef de l’État dans l’orientation générale et la


politique opérationnelle de défense

L’autorité du chef de l’État en matière d’organisation générale et de politique 46

opérationnelle de défense est incontestable, nous avons pu au cours des précédents


développements, mis en évidence par exemple les prérogatives qui sont les siennes
concernant l’engagement des forces armées à l’étranger, nous verrons plus loin que
c’est sous son autorité que le chef d’état-major des armées assure ses
responsabilités d’emploi des forces et de commandement des opérations militaires.

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

L’objectif des lignes subséquentes n’est pas de détailler cette politique


opérationnelle de défense, nous nous s’intéresserons non seulement à l’intervention
du président de la République dans celle-ci, puisqu’il y a un droit de regard en y
fixant les grandes orientations et objectifs mais également à l’influence qu’il peut
exercer sur elle, ainsi qu’aux questions qu’elle peut soulever eu égard à la place du
CEMA dans les opérations militaires.

D’emblée, il faut considérer que l’intervention présidentielle dans la politique 47

opérationnelle de défense affermit sa primauté dans ce domaine, le pouvoir


décisionnel dont il dispose en est l’instrument. Pour vérifier l’intervention du chef
des armées dans la politique militaire opérationnelle, nous pouvons encore mettre
en relief ici, quelques propositions présidentielles qu’avaient formulées les
candidats à l’élection présidentielle​ [108] . Au-delà, nous retiendrons simplement deux
opérations de défense à savoir l’engagement des forces et la participation des forces
armées nationales à l’Organisation du traité de l’Atlantique du nord (OTAN).

Venons-en maintenant aux opérations de défense précédemment retenues pour 48

notre étude. S’agissant de l’engagement des forces, nous rappelons que la décision
d’y recourir relève exclusivement du président de la République, son influence dans
ce domaine est très forte. Cet engagement de forces est fréquemment opéré en vue
de maintenir ou rétablir la paix dans des pays en conflits​ [109] . Nous voulons insister
ici sur le fait que, la décision de déployer les forces armées nationales sur les
territoires étrangers peut ne pas emporter la conviction de certaines autorités
notamment du CEMA, du moins lorsqu’il estime que les aptitudes requises pour
remplir leurs missions ne sont pas réunies​ [110] . Or, le domaine des opérations
militaires se caractérise par la mainmise présidentielle. C’est encore au président de
la République qu’échoit la décision de retirer ou non les troupes engagées à
l’étranger. Il en va de même de la participation des forces armées françaises aux
commandements militaires intégrés telle l’OTAN ; il s’agit pour les États membres
de s’associer en vue de la résolution pacifique des différends en mettant leurs forces
armées à la disposition de cette puissance militaire commune, nécessaire pour la
gestion des conflits. Cette intégration des forces armées nationales est un moyen
pour l’État français d’affirmer sa souveraineté et son indépendance mais surtout de
« prouver » sa capacité militaire à l’échelle internationale​ [111] .

Ce point nous conduit à aborder la dernière élection présidentielle qui a permis aux 49

différents candidats de se positionner sur les politiques internationales de défense.


Ainsi, au cours de leur campagne, certains candidats avaient également affiché
leurs critiques à l’égard de la participation de l’armée française aux opérations
militaires collectives, ils avaient l’ambition de retirer la France de l’organisation
militaire intégrée​ [112] . Les engagements de l’actuel président de la République
étaient quant à eux favorables à l’intégration française dans cette organisation. À ce
titre, il s’était engagé à créer « une Europe de la défense »​ [113] dont les opérations
s’appuieraient autant sur les « centres nationaux de commandement que sur
l’OTAN »​ [114] . Cet engagement marque sa volonté de favoriser le libre échange entre
les partenaires européens en matière de défense. Cela permettrait à l’industrie
militaire française de se développer davantage mais surtout d’obtenir de parts de
marché​ [115] .

Ces quelques développements qui précèdent se sont intéressés à la place du 50

président de la République dans la politique opérationnelle de défense. Il en résulte


qu’il dispose d’une importante autorité sur les opérations militaires du point de vue
notamment des décisions qu’il peut prendre dans ce domaine. L’exposé de certaines
propositions présidentielles de 2017 a permis de confirmer cet état de fait. Face à
cette implication présidentielle, il ne serait pas surprenant que le CEMA soit éclipsé

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

en raison d’une trop forte influence présidentielle dans un domaine pour lequel il
bénéficie également de compétences. Cela est encore plus difficile à gérer lorsque
cette influence prend l’allure d’une « concurrence ».

2 - La « concurrence » présidentielle, source d’éclatement au sein de


l’État

Parmi les autorités militaires dénombrables au sein de l’État, le chef d’état-major 51

des armées (CEMA) bénéficie d’une place non négligeable dans l’organisation
institutionnelle de la défense. Peuvent en témoigner tout d’abord, l’histoire portant
sur la genèse de ladite autorité​ [116] , ensuite le renforcement de ses attributions
depuis 1962​ [117] et enfin, les abondants travaux portant sur elle​ [118] .

Pour ne s’intéresser précisément qu’à ses principales attributions, il importe 52

d’indiquer que le CEMA les met en œuvre soit « sous l’autorité du Président de la
République et du Gouvernement », en ce sens, il est respectivement le
« responsable de l’emploi des forces [et] assure le commandement des opérations
militaires » et le « conseiller militaire du Gouvernement »​ [119] ; soit « sous l’autorité
du ministre de la Défense » (des armées), à ce titre, il intervient dans le comité
exécutif ministériel chargé de conseiller le ministre de la défense sur le choix à
opérer pour l’exercice de ses attributions​ [120] . Mais c’est surtout pour sa compétence
en matière de commandement des opérations militaires que le CEMA est connu et
prend davantage de l’ampleur dans la hiérarchie militaire. En effet, c’est sur le
fondement de cette compétence qu’il formule au président de la République et au
Gouvernement, des directives et veille à l’adaptation des forces armées aux
éventuelles évolutions qui peuvent survenir en matière militaire.

L’étendue des compétences dévolues au CEMA ne se limite pas aux aspects 53

opérationnels de la défense ; il faut encore compter son implication dans les


questions budgétaires concernant le secteur militaire dont il est le garant. De ce
point de vue, c’est la réforme des armées intervenue en 2005 dont la
« cohérence »​ [121] de celles-ci était le « leitmotiv »​ [122] , qui élargit ses attributions.
Elle a aboutit à une « évolution des pratiques militaires et administratives allant
dans le sens d’une concentration de l’ensemble des compétences opérationnelles et
budgétaires au sein de la fonction du CEMA »​ [123] . Prenant acte de la révision
générale des politiques publiques (RGPP) initiée en 2007, le Livre blanc sur la
sécurité et la défense de 2008 va confirmer le renforcement du rôle du CEMA en
matière budgétaire​ [124] . De ce fait, le CEMA veille au-delà du besoin humain et
matériel, à la capacité financière des armées afin que celle-ci soit en adéquation
avec les attentes dont elles sont l’objet​ [125] . Cette compétence est désormais ancrée
dans la pratique, elle a semble-t-il, permis au pouvoir politique de nouer de liens
étroits avec le secteur militaire et inversement, en tant qu’elle signale sa volonté
d’affirmer la spécificité des missions de défense et partant, de son budget​ [126] .

Nous constatons toutefois, que ce domaine d’intervention du CEMA​ [127] n’échappe 54

pas à la « précellence »​ [128] du chef de l’État. Cette dernière procède, ainsi que nous
l’avons vu antérieurement, des engagements qu’il prend dans le domaine de la
défense en général et de celui des armées en particulier ; ce qui le conduit à une
forte implication dans cette matière. Cette implication présidentielle dans des
champs d’action relevant précisément du CEMA peut s’analyser comme une
« concurrence » de celui-ci et interrogerait bien évidemment sur la répartition des
compétences entre ces deux autorités militaires « suprêmes ». L’actualité politique
nous permet de rendre compte de cette dernière, tant elle a donné lieu à un
éclatement au plus haut niveau de l’État. En effet, à la suite de la publication, par la
Cour des comptes de son Rapport d’audit sur les finances publiques​ [129] , le

[130]

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

Gouvernement a annoncé des coupes budgétaires (des économies)​ [130] dans tous les
ministères y compris celui des armées. Cette décision a suscité des remous au sein
de l’administration militaire. Concernant cette administration, la décision
gouvernementale a été soumise à l’arbitrage du chef de l’État, ce dernier a confirmé
le choix opéré par le Gouvernement.

Concerné au premier chef par ces questions budgétaires intéressant le domaine 55

dont il est « chargé de diriger, coordonner, contrôler et arbitrer »​ [131] , le chef d’état-
major des armées a exprimé son désaccord sur la décision gouvernementale,
confirmée par le président de la République. Il l’a signalé notamment lors de son
audition à huis clos devant la Commission de la défense de l’Assemblée
nationale​ [132] . Le CEMA remettrait en cause sa relégation dans le processus
décisionnel étant donné qu’il n’a pas été consulté avant cette prise de décision, les
mises au point avec le président de la République n’ayant été faites qu’après coup.
Le discours du chef de l’État à l’Hôtel de Brienne la veille du 14 juillet portant
recadrage des armées (en réalité, du CEMA) ne va pas améliorer la situation, elle va
plutôt précipiter l’éclatement au plus haut niveau de l’État même si au cours du
défilé du 14 juillet, les deux protagonistes avaient fait fi d’avoir mis un terme aux
tensions.

Cet éclatement va survenir quelques jours plus tard par la démission du CEMA de 56

ses responsabilités militaires. Ce fait est insolite sous la Ve République​ [133] , jamais
l’affrontement entre le domaine militaire et le domaine politique n’a été aussi étalé
sur la scène publique et été aussi marquant. Au fond, le CEMA conçoit les coupes
budgétaires imposées aux armées comme une « exaspération » tant des politiques
ont antérieurement rationalisé les dépenses de la défense mais surtout comme une
« injustice » d’autant plus que l’armée est de plus en plus mobilisée sur le terrain,
qu’il s’agisse des opérations extérieures ou de « l’emploi des forces terrestres sur le
territoire national »​ [134] (par exemple l’opération Sentinelle). La réduction de ses
moyens financiers ne lui permettrait donc pas de remplir efficacement sa mission.
À ce sujet, le CEMA avait en effet déclaré que : l’armée avait « déjà tout donné » et
la situation n’était « pas tenable »​ [135] , sortant ainsi de l’obligation de réserve et de
discrétion imposée aux militaires. Au-delà, la décision du chef de l’État semble être
en contradiction avec ses annonces de campagne portant sur le renforcement des
moyens de la défense et notamment de porter son budget à 2 % du PIB à l’horizon
2025. Si celui-ci a rappelé que les économies demandées au ministère des armées
n’entamaient en rien ses engagements de campagne, qui seront tenus, ses
explications n’ont pas rassuré les armées.

Pour finir, quelques enseignements peuvent être tirés des tensions qui ont éclaté 57

entre les deux autorités militaires « suprêmes » de l’État. Premièrement, ces


tensions confirment le caractère « jupitérien » de l’actuelle présidence de la
République. Le président de la République entend en effet avoir un droit de regard
et de décision sur toutes les questions relatives à la vie de la Nation et ce, en
s’appuyant sur ses engagements de campagne. Deuxièmement, elles invitent à
considérer qu’à l’avenir, la prise de décisions en matière de défense devrait
davantage être précédée d’un véritable échange et d’un consensus entre les
autorités politiques et les autorités militaires, les situations de crise auxquelles
l’État est actuellement confronté l’exigent, la responsabilité et l’efficacité de notre
armée en dépendent. Enfin, ces tensions révèlent un nouveau départ dans les
rapports entre le chef d’État et le CEMA. Sans forcer le trait, force est de constater
l’émergence d’une nouvelle doctrine sur les rapports entre ces deux autorités
militaires, doctrine fixée par le chef de l’État lui-même qui manifeste explicitement
son affirmation en matière de défense. Dans ce cas de figure, l’autorité du CEMA
n’est certes pas substantiellement remise en cause mais elle doit désormais se

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concilier voire s’aligner sur celle du président de la République. Gageons que


l’actuel CEMA​ [136] ait pris acte de ce changement.

Cette étude s’est intéressée à la fonction militaire du chef de l’État. De façon 58

générale, sa construction a reposé sur la prise en compte des contextes national et


international marqués par la menace et des attaques terroristes à la suite desquels,
le citoyen attend de l’État l’affirmation de son autorité et une protection accrue. En
particulier, elle s’est attachée à l’actualité politique concernant le secteur des
armées.

Au terme de celle-ci, il apparaît que « la reconnaissance d’un pouvoir entièrement 59

personnel du président de la République comme chef des armées ne peut plus être
niée »​ [137] , la pratique institutionnelle de la Ve République l’a confirmée voire
amplifiée, l’emportant par conséquent sur le texte même de la Constitution dont
l’interprétation purement littérale conduirait à considérer qu’il attribue de larges
compétences militaires au chef du Gouvernement. Ce pouvoir présidentiel en
matière des armées prend une allure particulière sous l’actuel quinquennat tant,
depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République a
multiplié de gestes et positions « forts » témoignant de sa mainmise dans le
domaine de la défense nationale. Cela a permis de réinterroger sur l’articulation de
ses prérogatives d’une part, à celles reconnues au Gouvernement (Premier ministre
et ministre des armées) et d’autre part, entreprise inédite, à celles dont est investi le
chef d’état-major des armées qui, en raison d’un désaccord avec le chef de l’État sur
le budget des armées, a décidé de démissionner générant une crise au sein de l’État.

Ainsi, il semblerait qu’une nouvelle doctrine ait vu le jour à l’Élysée en matière de 60

défense. Elle laisse une place importante au chef de l’État pour fixer les principales
orientations et priorités de politique de défense et pour décider de leur mise en
œuvre. Elle concerne aussi les rapports que ce dernier entretient avec les autres
autorités militaires qui doivent désormais accorder leurs compétences à la décision
présidentielle. Cet état de fait questionne sur l’avenir de l’exercice par le « chef des
armées », de ses prérogatives. Comment ses prérogatives vont-t-elles évoluer dans
le temps ? Quelle sera leur réception tant par les autres autorités militaires que les
chefs d’État qui le succéderont à la présidence de la République ? Quelle
interprétation en fera le personnel politique en général et le citoyen (notamment les
parlementaires) en particulier ?

Pour l’heure, nous pouvons affirmer que l’actuel « chef des armées » exerce ses 61

prérogatives tel « un dictateur moderne ». Si les contextes national et international


nécessitent un chef charismatique, les questions de défense nationale exigent bien
plus qu’une simple collaboration mais une meilleure intégration de ses différents
acteurs. L’efficacité de l’armée française et son rayonnement international en
dépendent.

[1] Ch. VIGOUROUX, Du juste exercice de la force, Odile Jacob, 2017, p. 272.

[2] Il s’agit de la force terrestre (Armée de terre), la force navale hauturière (Marine nationale) et la force
aérospatiale (Armée de l’air). Aux côtés de celles-ci, s’ajoute une force militaire relativement
spécifique : la Gendarmerie nationale. En effet, depuis la loi n° 2009-971 du 03 aout 2009 relative à la
Gendarmerie nationale, cette force militaire est rattachée au Ministère de l’Intérieur tout en étant
placée sous l’autorité du Ministère de la défense, ses personnels ont toutefois conservé leur statut
militaire.

[3] V. sur ce point : G. BERGOUGNOUS, « Les compétences du Parlement en matière de défense », in B.


MATHIEU et M. VERPEAUX (dir.), Les compétences en matière de défense sous la Ve République, 2016,
Dalloz, pp. 51-66. L’auteur souligne toutefois que les compétences du Parlement sont « retrouvées » en
matière de défense à l’issue de la révision constitutionnelle de 2008, pp. 58-s.

[4] En complément à la présentation faite par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, Paris, Ellipses,

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2012, pp. 331-340. V. sur cette autorité civile militaire : O. RENAUDIE, « Les préfets de zone de défense
et de sécurité : quelles (r)évolutions ? », in Ch. VALLAR et X. LATOUR (dir.), Le droit de la sécurité et de la
défense en 2013, PUAM, 2014, pp. 79-86.

[5] Classification empruntée à F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 331-350.

[6] L’auteur rend compte de l’existence des écrits (non exhaustifs) suivants : B. CHANTEBOUT, « Le
président de la République, chef des armées », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs, Mélanges
P. PACTET, Dalloz, 2003, pp. 569-577 ; J. CASTILLO MAROIS, « Controverse sur la suprématie du
président de la République en matière de défense nationale », RFDC, 2017/2, n° 110, pp. 343-366 ; S.
COHEN, « Le Président, chef des armées », Pouvoirs, n° 58, 1991, pp. 33-40 ; M.–T. VIEL, « La répartition
des compétences en matière militaire », RDP, 1993, pp. 163-195 ; J. THOMAS, « Controverse sur la
répartition constitutionnelle des compétences en matière de Défense », VIe Congrès de l’AFDC,
Montpellier, 2005, (http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes1/THOMAS2.pdf),
consulté le 05/07/2017 ; J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, Paris, 2011 ; F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, 2012, op. cit., 1035 p. ; B. MATHIEU et M. VERPEAUX (dir.), Les compétences
en matière de défense sous la Ve République, Dixième Printemps de droit constitutionnel, Dalloz, Paris,
2016 (v. précisément les articles de L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la
défense nationale », pp. 27-45, et de G. BERGOUGNOUS, « Les compétences du Parlement en matière
de défense », pp. 51-65).

[7] J. THOMAS, « Controverse sur la répartition constitutionnelle des compétences en matière de


Défense », VIe Congrès de l’Association française de droit constitutionnelle, Montpellier, 2005, p. 2,
(http://www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes1/THOMAS2.pdf), consulté le 15/07/2017.

[8] Ibid.

[9] V. Titre II : Le Président de la République, Constitution du 4 octobre 1958.

[10] J. THOMAS, « Controverse sur la répartition constitutionnelle des compétences en matière de


Défense », article précité.

[11] Nous pouvons y faire un certain rapprochement avec la jurisprudence du Conseil d’État, du 8 août
1919 (Labonne, Rec., p. 737) qui a affirmé la compétence du chef de l’État, titulaire du pouvoir
réglementaire général pour édicter, même en l’absence de toute habilitation législative, des mesures
de police à caractère général et ayant vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire national.

[12] F. BAUDE et, F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit, p. 103.

[13] Nous pouvons citer d’abord le discours (2e) du général de GAULLE prononcé à Bayeux en juin 1952 :
« de la défense ! C’est là, en effet, la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se
détruire lui-même », (Discours et messages. Dans l’attente, février 1946 - avril 1958, Plon, Paris, 1970, p. 527),
ensuite les Livres blancs sur défense et la sécurité par exemple celui de 2008 qui énonce que « défendre
la population et le territoire [relève] du devoir et de la responsabilité de premier rang de l’État » (Livre
blanc sur la défense et sécurité nationale, 17 juin 2008. Depuis cette date, d’autres Livres blancs ont été
élaborés voir notamment celui de 2013, Paris, Direction de l’information légale et administrative).

[14] J. THOMAS, « Controverse sur la répartition constitutionnelle des compétences en matière de


Défense », article antérieurement cité. L’auteur souligne que « la plus grande difficulté posée par
[l’article 16 repose] sur l’appréciation des circonstances dans lesquelles les pleins pouvoirs peuvent
être mis en œuvre ».

[15] Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, l’article 16 n’a été mis en œuvre qu’une seule fois
après la tentative du coup d’État organisé par des généraux en Algérie française en 1961 (Décision du
23 avril 1961, JORF, n° 97 du 24 avril 1961, p. 3874). Cette application a pris fin le 29 septembre 1961
(Décision du 29 septembre, JORF, n° 230, 30 septembre, 1961, p. 8963).

[16] Ordonnance n° 59-147.

[17] Abrogée par l’ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du Code de
la défense.

[18] L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la défense nationale », p. 33, in B.


MATTHIEU et M. VERPEAUX (dir.), Les compétences en matière de défense sous la Ve République, Dixième
Printemps de droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 2016.

[19] Sur cette question, v. infra.

[20] V. le Code de la défense parties législative et réglementaire (Partie 1, Livre 1er, Titre II : Le Président de
la République, Chef des armées).

[21] Article R. 1122-2 du Code de la défense, modifié par le décret n° 2009-1657 du 24 décembre 2009 (article
1er) relatif au conseil de défense et de sécurité nationale et au secrétariat général de la défense et de la
sécurité nationale.

[22] Articles R. 1122-6 à R. 1122-7 du Code de la défense.

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[23] Articles R. 1122-9 à R. 1122-10 du même Code.

[24] L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la défense nationale », p. 39, article
précité.

[25] Attentats de 2015 : notamment ceux de Charlie Hebdo (mise en place du plan Vigipirate, mobilisation
des forces de l’ordre et de sécurité-opération Sentinelle) ; les attentats du 13 novembre 2015 qui ont été
commis à Paris et dans la périphérie (par exemple la première attaque a eu lieu au stade de France où
se joua le match de football France-Allemagne, match auquel assistait le Président de la République
d’alors, François Hollande). Eu égard à la gravité de la situation, le chef de l’État réunit le
gouvernement en cellule de crise, l’état d’urgence est décrété dans la nuit. Le Parlement est réuni en
Congrès le 16 novembre. En 2016, suite à l’attentat de Nice au soir du 14 juillet, le plan Vigipirate est
rehaussé ainsi que d’autres dispositifs de sécurité ; le recours à la réserve opérationnelle est demandé
par le Président de la République, l’état d’urgence est prolongé.

[26] V. CONTANTINESCO et S. PIERRÉ-CAPS, Droit constitutionnel, 6e éd., Puf, 2013, p. 331.

[27] Ibid.

[28] Ibid.

[29] L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la défense nationale », p. 37,


antérieurement cité.

[30] J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, Paris, LGDJ, 2011, p. 37. Ce point sera discuté dans d’autres
développements au cours de notre étude.

[31] Ibid.

[32] Ibid.

[33] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, p. 198, op. cit.

[34] J. THOMAS, « Controverse sur la répartition constitutionnelle des compétences en matière de


Défense nationale », VIe du Congrès de l’AFDC, 2005, p. 13, antérieurement cité.

[35] Nous aurons l’occasion de justifier cette allégation.

[36] De ce point de vue, plusieurs justifications ont été avancées pour conforter « l’autorité prééminente »
du Président de la République : v. notamment la formulation de la théorie dite du « domaine réservé »
attribuée à Jacques CHABAN-DELMAS alors président de l’Assemblée nationale (F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 199) ; celles prenant en compte l’existence « d’une tradition
trentenaire » (c’est l’argument qu’avait mis en avant le comité consultatif pour la révision de la
Constitution dit comité Vedel. Pour plus d’informations sur ce sujet, V. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de
la défense, op. cit., pp. 201-202 ; ou encore l’affirmation d’une « coutume constitutionnelle » (c’est la
position des Professeurs B. CHANTEBOUT, O. GOHIN, H. PORTELLI et d’H. PAC, v. également pour
la présentation des idées de chacun de ces auteurs, F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit.,
p. 202).

[37] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 252.

[38] Ibid.

[39] Ibid.

[40] Ibid.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 252.

[44] Ibid.

[45] Les auteurs donnent l’exemple notamment du discours de Strasbourg du général de Gaulle, du 23
novembre 1961 ; l’allocution du même auteur prononcée à l’École militaire le 15 février 1963. Tout
comme le discours du président Jacques Chirac sur la professionnalisation des armées, prononcé à
l’École militaire le 23 février 1996 ou encore pour finir, le discours du président Nicolas Sarkozy relatif
à la défense et sécurité nationale, prononcé à la Porte de Versailles le 17 juin 2008. Pour cet ensemble
d’exemples, voir la précisément la page 253. V. les articles R. 1411-1 et R. 1411-5 et suivants du Code de la
défense.

[46] À l’origine, le décret n° 64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques.

[47] On rappelle l’article 52 de la Constitution évoqué dans d’autres développements de la présente étude.

[48] Ce qui impose un inventaire assez approfondi quant aux capacités dont dispose notre armée pour

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intervenir à l’étranger. La question se pose par ailleurs sur un ordre plus familial puisqu’en
s’engageant dans des conflits armés, les militaires laissent leurs familles respectives, ces dernières
peuvent ne pas les revoir.

[49] En application du chapitre VII de la Charte des Nations unies.

[50] Pour quelques indications sur l’intervention du Parlement en matière de défense, v. G.


BERGOUGNOUS, « Les compétences du Parlement en matière de défense », in B. MATHIEU et M.
VERPEAUX (dir.), Les compétences en matière de défense sous la Ve République, Dixième printemps de droit
constitutionnel, antérieurement cité, pp. 51-66.

[51] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 257.

[52] On fait particulièrement allusion à la troisième cohabitation (1997-2002) qui intervint sous la
présidence de Jacques Chirac, Lionel Jospin étant désigné comme Chef du Gouvernement. Ce dernier,
avait affirmé le 16 septembre 1997, que : « la décision de recourir à la force ne saurait être aventurée.
Elle relève des plus hautes autorités de l’État, du président de la République et du Gouvernement »,
Jean-Dominique Merchet, « Le Premier ministre balise son territoire militaire […] », Libération, 16
septembre 1997 (http://www.liberation.fr/france-archive/1997/09/16/le-premier-ministre-balise-son-
territoire-militaire-hier-dans-le-var-jospin-s-est-fait-presenterl-a_214152 /consulté le 13/08/2017).

[53] On peut retenir les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Respectivement d’une
part, l’envoi des soldats français en avril 2011 en Côte d’ivoire (avec l’appui de la communauté
internationale) en pleine crise postélectorale dont les principaux protagonistes étaient le Président
sortant GBAGBO et le Président considéré élu OUATTARA ; l’engagement des forces armées en mars
2011 au cours de la révolution libyenne ; d’autre part, le lancement en janvier 2013 de l’opération
militaire française au Mali et celle intervenue en décembre 2013 en République centrafricaine.

[54] Pour cet ensemble de considérations, nous renvoyons pour plus de détails, à l’ouvrage de J. MASSOT,
Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, 2011, lecture de la Deuxième partie notamment : L’engagement
des forces, pp. 83- s.

[55] Article L. 1111-3 du Code de la défense.

[56] Pour rappel, v. l’article L. 1121-1 du Code de la défense précité.

[57] Pour cette présentation, nous renvoyons aux travaux menés sur la base des programmes présidentiels
2017 par les chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine) dans un blog dirigé par Elodie Derdaele,
Maître de conférences au sein de ladite Université
(http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/01/les-candidats-et-leur-programme.html). Le
lecteur pourra consulter précisément une des contributions de l’auteur à ce blog : H. BITA HEYEGHE,
« Défense et Sécurité : quelle place dans les programmes présidentiels de 2017 ? »
(http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/04/defense-et-securite-quelle-place-dans-les-
programmes-presidentiels-de-2017.html consulté le 13/08/2017).

[58] On écarte de notre champ d’analyse, certains candidats à l’élection présidentielle en raison de
l’absence de proposition concrète en matière de sécurité et de défense : Nathalie Arthaud, Jean-Luc
Mélenchon et Philippe Poutou.

[59] À ce sujet, v. par exemple les propositions de François Asselineau (Union Populaire Républicaine),
Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès), François Fillon (Les Républicains), Jean Lassalle (candidat
indépendant), Marine Le Pen (Front National) et d’Emmanuel Macron (En Marche !) : le blog des
chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine), précité.

[60] C’est également la proposition qu’avait émise le candidat Jean Lassalle pour qui, la cyberdéfense
devrait constituer une quatrième force militaire.

[61] Ce d’autant plus que l’adresse du Président du Conseil constitutionnel (Laurent FABIUS) lors de la
cérémonie d’investiture au Palais de l’Élysée (14 mai 2017) a été très révélatrice de la fonction
présidentielle : « vous êtes aussi et d’abord l’homme de notre pays, chargé de le représenter partout en
métropole et outre-mer, en Europe et dans le monde. Président de la République française, chef de
l’État, chef des armées, Président d’une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, chargé
de la protéger, de la faire progresser, d’en incarner les valeurs et la langue, et de la rassembler »
(http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/publications/contributions-
et-discours/2017/ceremonie-d-investiture-au-palais-de-lelysee.148989.html, consulté le 23/072017).

[62] Ce point sera abordé ultérieurement.

[63] Pour d’autres exemples sur « l’implication personnelle » (F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op.
cit., p.253) d’anciens chefs d’État en matière de défense (période récente), v. N. SARKOZY, « Préface »
au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, p. 9, Odile Jacob, La Documentation française, juin
2008 et François Hollande, « Préface » au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, p. 7, Direction
de l’information légale et administrative, Paris, 2013.

[64] V. ce contenu vidéo : (http://www.lepoint.fr/presidentielle/passation-des-pouvoirs-hollande-macron-


entre-le-protocole-et-l-emotion-13-05-2017-2127143_3121.php consulté le 15/07/2017).

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

[65] V. (http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/14/de-bercy-a-lelysee-emmanuel-macron-na-pas-change-
de-voiture_a_22085633/consulté le 15/07/2017). De ce point de vue, le nouveau président de la
République est en totale rupture avec la pratique adoptée jusque-là par ses prédécesseurs qui s’y
étaient rendus à bord de véhicules civils, excepté la remontée à pied de Valéry Giscard d’Estaing.

[66] Il s’agit du siège du ministère de la Défense nationale (actuellement dénommé ministère des Armées).

[67] V. l’article de K. ALLENO, « Les Armées, un ministère sans défense ? », 19 juillet 2017, disponible en
ligne sur le site de The Conversation (http://theconversation.com/les-armees-un-ministere-sans-
defense-81228 consulté le 15/07/2017).

[68] Qualificatif souligné par K. ALLENO précité. Le président de la République avait également évoqué
lui-même ce qualificatif lors d’une interview accordée à Challenges en octobre 2016 alors qu’il n’était
pas encore candidat à la présidentielle (https://www.challenges.fr/electionpresidentielle-
2017/interview-exclusive-d-emmanuel-macron-je-ne-crois-pas-au-president-normal_432886 consulté
le 15/07/2017).

[69] À ce sujet, le candidat « d’En Marche ! » alléguait la nécessité pour la France et ses partenaires
européens, de fournir « un effort en commun », celui-ci constitue la « clef » de la performance de leurs
politiques de défense face aux autres grandes puissances militaires (notamment les États-Unis et la
Chine).

[70] V. l’article 42 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

[71] Nous pouvons encore signaler quelques passages des propositions présidentielles émises par les
autres candidats qui permettent de vérifier cette assertion. Par exemple Jacques CHEMINADE
annonçait explicitement : « le prochain président de la République sera confronté à des défis majeurs
pour assurer la défense de notre pays » ; pour sa part, François ASSELINEAU avait posé l’interdiction
de « toute privatisation dans le secteur de la Défense et de la Sécurité nationale ». C’est également
l’idée que partageait Jean LASSALLE qui souhaitait « revoir tous les grands contrats de l’État […] et les
renégocier, ou réinternaliser les fonctions privatisées ou sous-traitée à tort » selon lui.

[72] Nous faisons ici référence notamment aux travaux préparatoires de la Constitution de 1958 et à
l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense (désormais abrogée mais
pour partie codifiée).

[73] M.-T. VIEL, « La répartition des compétences en matière militaire », RDP, p. 163, 1993. En l’espèce,
l’auteur analyse minutieusement la répartition des compétences en matière militaire au sein de
l’Exécutif. Très critique, elle considère que le Premier ministre est la seule autorité compétente en la
matière, le Président de la République n’y intervient qu’à l’aide « des décrets illégaux ».

[74] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », commentaire des décisions du Conseil constitutionnel QPC (respectivement décision n°
2014-432 du 28 novembre 2014 et décision n° 2014-450 du 27 février 2015), LPA, n° 142,2015, p. 3.

[75] L. SPONCHIADO, « Le chef des armées et le responsable de la défense nationale », article


antérieurement cité.

[76] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », article précité. Il est fait référence d’une part, aux décrets du 18 juillet 1962 relatifs à
l’organisation de la défense nationale et du décret du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes
stratégiques et d’autre part, à la pratique institutionnelle de la Ve République.

[77] M.-T. VIEL, « La répartition des compétences en matière militaire », p. 163, article précité.

[78] Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et l’Élysée, le Conseil constitutionnel a
tranché ! », p. 1, précité.

[79] V. également sur ce point. CASTILLO MAROIS, « Controverse sur la suprématie du président de la
République en matière de défense nationale », article cité en introduction de la présente étude, pp.
351-356.

[80] Nous renvoyons aux travaux (notamment) de J. THOMAS sur cette question : « Controverse sur la
répartition constitutionnelle des compétences en matière de Défense », VIe Congrès de l’AFDC,
Montpellier, 2005, pp. 6-10, antérieurement cité.

[81] Par le biais de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant notamment sur l’emploi de la
force armée (décisions n° 2014-432 du 28 novembre 2015 et n° 2014- 450 du 27 février 2015), le Conseil
constitutionnel a en effet jugé qu’en matière d’emploi de la force armée, « le Gouvernement décide
sous l’autorité du président de la République », « l’autorité effective de la décision d’y recourir […]
revient au président de la République », v. Th. MULIER, « Emploi de la force armée : entre Matignon et
l’Élysée, le Conseil constitutionnel a tranché ! », LPA, n° 142, 2015, p. 3, antérieurement cité.

[82] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 204.

[83] Ibid.

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[84] Depuis les mandats présidentiels du général De Gaulle, les présidents de la République qui se sont
succédé ont tous capté la matière militaire reléguant en quelque sorte le chef du Gouvernement au
rôle d’exécutant de la politique de défense fixée par eux. En ce qui concerne le général De Gaulle et les
présidents de la République qui l’ont succédé (par exemple Valéry Giscard D’Estaing, François
Mitterrand, Nicolas Sarkosy), nous proposons la lecture des exemples donnés par F. BAUDE et F.
VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 204-208.

[85] La fin du service militaire est intervenue en 1997 (Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du
service national) à la suite d’une intervention télévisée du président de la République Jacques CHIRAC
(22 février 1996) annonçant la réforme de la défense.

[86] Dans sa réponse, le Premier ministre avait considéré en effet qu’en intervenant dans les affaires des
armées, le président de la République « est dans son rôle » et qu’il est « l’autorité légitime » dans ce
domaine, v. Public Sénat (https://www.publicsenat.fr/article/politique/macron-de-villiers-chacun-est-
dans-son-role-assure-edouard-philippe-76215 consulté le 13/08/2017).

[87] Nous pouvons rappeler la décision du président de la République Nicolas SARKOZY en 2007 de
réintégration de la France dans l’OTAN avant la fin de son mandat. En réaction à cette décision, une
motion de censure avait été déposée par l’opposition. Le Premier ministre pour sa part, avait en 2009,
engagé la responsabilité de son Gouvernement en application de l’article 49 alinéa 1 de la Constitution
(http://www.assemblee-nationale.fr/13/dg/dg1519.asp consulté le 28/08/2017). Cet exemple résume
pertinemment notre pratique politique : le président de la République est certes le responsable de la
décision en matière de défense mais il revient au Gouvernement de la défendre et de l’assumer devant
la Représentation nationale.

[88] Pour rappel, la cohabitation s’est produite trois fois sous la Ve République (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-
2002).

[89] C’est le cas par exemple de Jacques Chirac en 1986 (Discours de Suippes, 10 juillet 1986, v. « Chronique
constitutionnelle française », Pouvoirs, n° 40, p. 186. Au cours de son allocution, le Premier Ministre
avait annoncé le vote d’une loi de programmation militaire en remplacement de celle votée en 1984) ;
d’Edouard Balladur en 1993 (Propos retranscrits sur France 3, 2 juin 1993. V. sur ces propos, l’ouvrage
de J. GICQUEL et J.-E. GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, 22e éd., Paris,
Montchrestien, 2008, p. 502.) et enfin, de Lionel Jospin en 1997 (V. sur ce point, M.-E. MALOUINES,
Deux hommes pour un fauteuil. Chronique de la cohabitation, 1997-2001, Paris, Fayard, 2002, pp. 27-31).

[90] V. respectivement les réponses des présidents de la République de ces périodes : François Mitterrand
(Visite qu’il effectua au camp du Caylus, le 13 octobre 1986, v. Chronique constitutionnelle française,
Pouvoirs, n° 41, p. 217) et (http://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00047/14-juillet-1994-le-
dernier-defile-du-president-francois-mitterrand.html consulté le 28/08/2017) ; Jacques Chirac
(Intervention télévisée à l’occasion de la fête du 14 juillet 1997, in Notes et études documentaires, 5066-
5069, Paris, La Documentation française, 1998, p. 47).

[91] Selon F. BAUDE et F. VALLÉE (Droit de la défense, op. cit., p. 211.), on ne dénombre « qu’un cas unique,
datant de [décembre] 1999, où le Premier ministre — en l’occurrence Lionel Jospin — s’oppose avec
succès au président — Jacques Chirac — qui souhaitait, en application de l’accord franco-ivoirien de
défense, envoyer des troupes au secours du président Konan Bédié ».

[92] L’organisation de l’administration centrale de ce Ministère est fixée par le décret n° 2009-1178 du 5
octobre 2009 portant organisation de l’administration centrale du ministère de la Défense.

[93] L’expression est empruntée à F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 303.

[94] Décret n° 2009-869 relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d’état-major des armées
et des chefs d’état-major de l’armée de terre, de la marine et de la marine.

[95] Qui lui avait été attribuée par un décret n°2005-506 du 19 mai 2005 fixant les attributions du ministre
de la défense (décret désormais abrogé et pour partie codifié au Code de la défense).

[96] Article R. 1142-1 du Code de la défense. Cela renvoie entre autres à « l’organisation des armées ainsi
que des directions et services du ministère », à « la programmation des effectifs, des équipements et
des infrastructures […] », la définition de « la politique des ressources humaines et veille au respect
des droits et obligations des militaires », à la conduite de « la politique internationale de défense » etc.

[97] Aux termes de cet article : « Le chef d’état-major des armées assiste le ministre dans ses attributions
relatives à l’emploi des forces. Il est responsable de l’emploi opérationnel des forces » et « Sous
l’autorité du Président de la République et du Gouvernement, et sous réserve des dispositions
particulières relatives à la dissuasion, [il] assure le commandement des opérations militaires ».

[98] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 302. Le libellé d’une des parties consacrée au
Ministre de la défense est à ce sujet assez révélateur : « B. Ministre de la Défense, gestionnaire des
armées ». V. par ailleurs, le décret n° 2017-1073 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre des
armées, JORF, n° 0123 du 25 mai 2017 texte n° 12.

[99] Nous notons l’existence d’un tel Ministère sous le Gouvernement provisoire de la République
française (GPRF), sous l’influence du général de GAULLE ; la IVe République en comptait également.

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

[100] Nous soulignons à l’appui des travaux de F. BAUDE et F. VALLÉE (Droit de la défense, op. cit., p. 287),
quand bien même il ne s’agit pas du Ministère en lui-même, que « le décret de nomination du premier
Gouvernement de la Ve République (Gouvernement Debré, 8 janv. 1959-14 avr. 1962) fait mention d’un
[…] ministre des Armées ». Cela va se poursuivre jusqu’à la présidence de Georges Pompidou et du
Gouvernement Messmer II (2 avril 1973 à 27 février 1974). Pour plus de détails, v. l’ouvrage précité, pp.
287-288.

[101] Il s’agit de Florence Parly, nommée à ce poste depuis le 21 juin 2017 en remplacement de Sylvie
Goulard.

[102] K. ALLENO, « Les Armées, un ministère sans défense ? », The Conversation, 19 juillet 2017
(http://theconversation.com/les-armees-un-ministere-sans-defense-81228 consulté le 20/072017).

[103] Il s’agit de Sylvie Goulard et de Florence Parly.

[104] Pour rappel, allocution prononcée à l’Hôtel de Brienne, siège du Ministère des Armées, le 13 juillet
2017.

[105] L’ancien ministre de la défense a été en fonction à ce poste de façon ininterrompue au cours du
précédent quinquennat.

[106] Nul doute que cette exécution correspondra à la rigueur budgétaire programmée. Nous notons que
l’audit réalisé par la Cour des comptes sur l’état des finances publiques (qui a révélé un déficit de 8
milliard) a conduit le Gouvernement à imposer des coupes budgétaires à tous les ministères.

[107] CE, Section, 7 février 1936, n° 43321, JAMART, Rec., p. 172.

[108] À ce sujet, nous remarquons que cet aspect de la défense (politique opérationnelle) a été très peu et
diversement abordé par les candidats. Sur les onze candidats, seuls cinq ont pu livrer quelques
indications. Certaines d’entre elles allaient dans le sens d’une remise en cause de la politique
opérationnelle en cours (Propositions de François Asselineau : « mettre fin à l’opération Sentinelle ») ;
d’autres au contraire révélaient la nécessité de poursuivre des opérations militaires notamment sur le
territoire national en accordant une priorité particulière aux moyens humains et matériels
(Propositions de Jacques Cheminade, François Fillon, Jean Lassalle et de l’actuel président de la
République), v. le blog des chercheurs de l’IRENEE (Université de Lorraine) antérieurement cité.

[109] Pour une présentation plus détaillée sur cette question, v. notamment l’ouvrage de J. MASSOT, Le chef
de l’État, chef des armées, antérieurement cité, LGDJ 2011, pp. 85-139.

[110] C’est le cas par exemple de la réticence manifestée par lui, le Premier ministre et le ministre de la
défense dans la perspective du déclenchement de l’opération « Turquoise » qui eut lieu le 22 juin 1994
pour mettre fin au génocide des Tutsi au Rwanda. Cette opération militaire, mise en œuvre par la
France, a été autorisée par une Résolution 929 du Conseil de sécurité de l’ONU. En dépit de cette
réticence, c’est bien la volonté du Président de la République qui s’imposât le 15 juin 1994 à l’issue d’un
conseil restreint quelques jours avant la décision des instances internationales.

[111] Cependant, nous notons que sa réalisation n’a pas toujours été aisée : de retour au pouvoir en 1958, le
général De GAULLE avait en effet, remis en cause l’intégration des forces armées de la République
dans le commandement intégré de l’OTAN. Cela se concrétisa entre autres, par le retrait le 7 mars 1959
des « forces navales de Méditerranée du commandement de l’OTAN », le refus de « l’installation sur
son sol [la France] de rampes de lancements pour les missiles américains et d’armes nucléaires pour
les bombardiers de l’US Air Force » etc. Pour plus amples informations, v. J. MASSOT, Le chef de l’État,
chef des armées, op. cit., p. 117. C’est sous la présidence de François Mitterand qu’un début de
rapprochement entre les forces françaises et celles de l’OTAN a été initiée lors de la crise dite
euromissiles, pour aboutir finalement sous la présidence de Nicolas Sarkosy (officiellement le 17 mars
2009 à la suite d’un vote à l’Assemblée nationale et lors du Sommet de l’OTAN de Strasbourg-Kehl des
3 et 4 avril de la même année). Pour plus de développements sur cette question, v. notamment : Jean
MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, op. cit., citant H. VÉDRINE, Les mondes de François Mitterrand,
Paris, Fayard, 1996, pp. 347-s. (Chapitre X : « Nouvelles querelles franco-américaines »). On indique
qu’une nouvelle édition de cet ouvrage existe depuis 2016 du même auteur (Les mondes de François
Mitterrand, À l’Élysée 1981-1995, Paris, Fayard, 28 septembre 2016, 784 p).

[112] C’était par exemple la proposition de campagne de François Asselineau, Jacques Cheminade, Nicolas
Dupont-Aignan, Jean Lassalle, et de Marine Le Pen. Selon eux, les forces armées nationales devraient
davantage être recentrées à l’intérieur du pays où elles sont de plus en plus sollicitées ainsi, il serait
contre productif d’en accentuer l’épuisement. Ils considèrent encore que le ralliement de ces forces à
l’OTAN conduit à la France à s’engager « dans des guerres qui ne sont pas les siennes » (Marine Le
Pen, pour ne citer qu’elle). V. leurs propositions sur le blog des chercheurs de l’IRENEE (Université de
Lorraine) antérieurement cité : (http://www.programmespresidentiels2017.com/2017/01/les-
candidats-et-leur-programme.html consulté le 13/08/2017).

[113] V. son programme de campagne sur le blog précité.

[114] Ibid.

[115] À cet effet, le chef de l’État procède en compagnie de son ministre des armées, par exemple à des

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

visites au sein d’importantes industries de défense dans le but notamment de se doter de nouvelles
techniques mais surtout de proposer à la vente, des Rafales et autres armes de confection française.

[116] Dès les fondements de la Ve République, on distingue deux autorités des armées : le chef d’état-major
général de la défense nationale — CEMGDN (décret n° 59- 262 du 7 février 1959) et le chef d’état-major
général des armées — CEMGA (décret n° 59-267 du même jour). Très rapidement (surtout après le
putsch d’Algérie qui ébranlera le CEMGDN), le CEMGA acquiert de nouvelles compétences (chef
d’état-major interarmées-décrets n° 62-809 du 18 juillet 1962) et les attributions du Secrétaire général
de la défense nationale pour être définitivement désigné CEMA. Pour de plus amples informations
sur cette autorité militaire, v. respectivement : J. MASSOT, Le chef de l’État, chef des armées, LGDJ, 2011,
pp. 54-s. et F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., pp. 313-s.

[117] V. également les ouvrages précités.

[118] V. notamment, J.-M. PRIVAT, Le chef d’état-major des Armées, thèse de doctorat, Paris V, 1997 ; J.-Ph.
DOUIN, « Du rôle du chef d’état-major des armées », RDN, août-septembre 1998 ; Ph. VIAL « La genèse
du poste de chef d’état-major des armées. Entre nécessité et inquiétude, de la veille de la Première
Guerre mondiale à la fin de la guerre d’Indochine », RH. arm., 248, 2007 ; Y. BOYER, « L’état-major des
armées, un outil d’exception », RDN, mai 2007 ; H. LE RICHE, « L’état-major des armées au service de
nos armes », RDN, mai 2007.

[119] Article R. 3121-1 du Code de la défense.

[120] Article R. 1142-2 du même Code. Et pour une présentation exhaustive sur les attributions qu’il exerce
sous l’autorité du ministre de la défense, lire l’article R. 3121-2 du même Code.

[121] Tiré des propos de Michèle Alliot-Marie alors ministre de la défense (Conseil des ministres, 18 mai
2005), cité par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 315.

[122] Ibid. Les auteurs notent par ailleurs que cette cohérence « peut ressortir du décret n° 2005-520 qui fait
à la fois mention de la [« cohérence capacitaire des opérations d’armement », de la « cohérence des
travaux prospectifs conduits dans les domaines stratégiques, opérationnels et technologiques », de la
cohérence financière », de la cohérence physico-financière » et de la « cohérence de l’organisation des
armées ».

[123] I. EULRIET, 2007 cité par F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 316.

[124] On peut y lire : « le renforcement des compétences du CEMA sera poursuivi, notamment dans le
domaine budgétaire et des programmes d’armement […] ».

[125] Le chef d’état-major des armées participe d’ailleurs à la préparation du budget de la défense et
propose au ministre des priorités à prendre en compte lors de l’allocation des crédits.

[126] Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la défense, affirmait sur cette question que le budget de la
défense « n’est pas un budget comme les autres : il est la condition de notre sécurité, la manifestation
de la France à remplir son rôle international et un apport important à la vie économique […] » (in F.
CORNUT-GENTILLE, Avis n° 1114 relatif au projet de loi de finances pour 2004, T. VIII, Défense, Crédits
d’équipements, Assemblée Nationale, 9 octobre 2003, p. 47).

[127] Nous insistons sur ce domaine d’intervention du CEMA conformément au cadre d’étude retenu.

[128] L’expression est empruntée à L. SPONCHIADO : « Le chef des armées et le responsable de la défense
nationale », p. 36, article antérieurement cité dans la présente étude.

[129] Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017
(https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-06/20170629-RSPFP.pdf consulté le 08/08/2017).

[130] D’un montant de 850 millions d’euros pour cette année.

[131] F. BAUDE et F. VALLÉE, Droit de la défense, op. cit., p. 316.

[132] Ses propos ont été malheureusement rapportés publiquement d’où la polémique autour du budget de
la défense.

[133] On a enregistré jusque là, que la démission de chefs de certaines branches d’armée (marine, armée de
l’air et armée de terre). V. les quelques références que donne Ph. VIAL dans Le Monde Politique, N.
GUIBERT, « Démission du chef d’état-major Pierre de Villiers, un fait sans précédent depuis 1958 », 19
juillet 2017, (http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/07/19/demission-du-chef-d-etat-major-
pas-de-precedent-comparable-depuis-1958_5162273_823448.html consulté le 10/08/2017).

[134] J.-B. JEANGÈNE VILMER, « Les dix principaux enjeux de défense du prochain quinquennat », Défense
et Sécurité internationale, n° 128, mars-avril 2017, p. 41. Depuis les attentats terroristes de 2015, 7000
hommes sont mobilisés pour l’opération Sentinelle.

[135] V. « Budget : le gros coup de gueule du chef d’état-major des armées », 13 juillet 2017, Le Point,
(http://www.lepoint.fr/politique/budget-un-general-ulcere-par-les-economies-imposees-aux-armees-
13-07-2017-2143038_20.php consulté le 10/08/2017) et « Budget défense : le coup de gueule du chef

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Le chef de lʼÉtat, chef des armées 17/01/2018 10(36

d’état-major des armées », 12 juillet 2017, Challenges


(https://www.challenges.fr/entreprise/defense/budget-defense-le-coup-de-gueule-du-chef-d-etat-
major-des-armees_486846 consulté le 10/08/2017).

[136] En remplacement du général Pierre de Villiers démissionnaire, le général François Lecointre a été
nommé chef d’état-major des armées par le président de la République.

[137] R. DRAGO, « Le Chef des Armées de la IIe à la Ve République », Revue administrative, n° 292, 1996, p. 380.

Français Cette étude s’intéressera aux questions relatives à la sécurité intérieure et à la


défense. Ces questions ont suscité un regain d’intérêt ces dernières années eu égard
aux contextes national et international marqués par des événements tragiques
(notamment les attentats terroristes). Ces événements exigent de l’État plus
d’autorité pour la défense de son territoire et des citoyens. Ainsi, notre réflexion
sera construite par ailleurs autour de la fonction de « chef des armées » du
président de la République pour rendre compte d’une part, de la récente actualité
politique la concernant et pour interroger d’autre part, sur son avenir sous l’actuel
quinquennat ainsi que son articulation aux attributions également accordées à
d’autres autorités en matière militaire.

English This study will be interested in the questions concerning the internal security and
concerning the defense. These questions aroused a renewed interest these last years
in view of the national and international contexts marked by tragic events (in
particular terrorist attacks). These events require from the State more authority for
the defense of its territory and the citizens. So, our reflection will be besides built
around the function of “chief of the armies” of the president of the Republic to
report on one hand, of the recent current events (politics) concerning her and to
question on the other hand, its future under the current five-year term as well as its
joint in the attributions also granted to other authorities in military material.

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