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African Yearbook
of International Law

Annuaire Africain de Droit


International
VOLUME 21
2015

Published under the auspices of the African Foundation


for International Law

Publié sous les auspices de la Fondation Africaine pour


le Droit International

Edited by / Sous la direction de

Abdulqawi A. Yusuf

LEIDEN | BOSTON

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Contents
Table des Matières

PART 1
Special Theme: Selected Papers on International Law and
Development in Africa Presented at the 2015 aail Conference,
Libreville (Gabon)

Introductory Remarks 3
Robert S.M. Dossou

1 Foreign Direct Investment Protection in Africa – Contemporary Legal


Aspects between bits and brics 5
Oliver C. Ruppel and Frida Shifotoka

2 L’impact des organisations régionales d’intégration sur le


développement économique de l’Afrique : Regards croisés sur
l’expérience de la ceeac et de la cedeao 57
Rostand Banzeu

3 Défis intergénérationnels pour l’Afrique subsaharienne: est-il possible de


concilier l’urgence du développement et l’urgence de la protection de la
planète? 92
Thierry Ngosso

4 The Limitations Environmental Protection Duty Places on Investment


Treaty Making and Interpretation: Perspectives from Ghana 110
Dominic N. Dagbanja

5 Accord de partenariat économique entre l’Union Européenne et


l’Afrique de l’Ouest : Droit international économique, droits humains
indivisibles et économie politique 168
Didier Prince-Agbodjan

6 Les accords bilatéraux d’investissement signés par le Maroc avec


d’autres pays africains et leurs incidences sur le développement
économique 195
Mohamed Oudebji

7 The Law of the Sea’s Role in Steering Africa’s Blue Economy 214
Tafadzwa Pasipanodya
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viii Contents

8 How to Unleash the Economic Potential of Women in Africa –


Challenges and Opportunities in the Context of the Post-2015
Agenda 226
Romy Klimke

9 L’impact des conflits armés et du terrorisme sur le développement


socio-économique de l’Afrique 271
Gérard Aïvo

PART 2
Notes and Comments / Notes et Commentaires

General Articles/ Articles Généraux

10 The International Criminal Section of the African Court of Justice,


Human and Rights: An Appraisal 297
Gino J. Naldi and Konstantinos D. Magliveras

PART 3
Documents

11 Protocol on the Establishment of the African Monetary Fund 345

12 Protocole Relatif à la Création du Fonds Monétaire Africain 349

13 African Union Convention on Cross-Border Cooperation (Niamey


Convention) 353

14 Convention de l’Union Africaine sur la Coopération Transfrontalière


(Convention de Niamey) 362

15 African Charter on the Values and Principles of Decentralisation,


Local Governance and Local Development 371

16 Charte Africaine sur les valeurs et les principes de la décentralisation,


de la gouvernance locale et du développement local 388

Index of Persons 407


Index of Locations 409
Analytical Index 411

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chapter 9

L’impact des conflits armés et du terrorisme sur le


développement socio-économique de l’Afrique

Gérard Aïvo*

Introduction

« Aucun ordre social n’est possible dans un système de justice privée où p ­ révaut
la loi du plus fort et le conflit permanent de tous contre tous »1. Cette affirma-
tion presque axiomatique du Professeur Robert Kolb concernant une réalité
générale fait penser à une autre à propos du continent africain. Il s’agit de celle
du Professeur Philippe Hugon qui affirme que : « Alors que le développement
est un processus long et endogène, l’Afrique est le continent des conflits, de
l’urgence et des tsunamis silencieux »2. Or, comme le précise avec pertinence
Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
(onu), dans son Rapport de 2005 : « il n’y a pas de développement sans sécuri-
té, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il n’y a pas de sécurité, ni de
développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés »3. Si la sécurité
comme une des conditions primaires du développement a toujours été une
évidence, à l’inverse, le développement comme une des garanties de la sécuri-
té, l’était moins.
Le développement peut être défini comme :

l’ensemble des progrès sociaux, économiques et culturels auxquels as-


pirent les peuples. C’est un processus de transformation qui accompagne

* Gérard Aïvo est Docteur en droit public de l’université Jean-Moulin Lyon 3 (France) et de
l’Université de Genève (Suisse), Enseignant-Chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi
­(Bénin), et Chercheur associé au Centre de droit international de l’Université Lyon 3.
1 Kolb R., « Considérations générales sur la violence et le droit international », Annuaire fran-
çais des relations internationales, vol. 6, 2005, p. 28.
2 Hugon P., « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique », Afrique contempo-
raine, n° 218, 2006, p. 33.
3 Rapport du Secrétaire général de l’ONU : « Pour une liberté plus grande : développement, sé-
curité et respect des droits de l’homme pour tous », Document des Nations Unies, A/59/2005,
p. 6.

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272 Aïvo

la croissance dans une évolution à long terme. Ce processus est étroite-


ment lié au progrès4.

Quant à la sécurité, elle est perçue comme : « l’état d’un sujet (individuel ou
collectif) qui s’estime non menacé ou dispose de capacité de réponses face à
des dangers réels ou anticipés »5.
La question de l’interdépendance de ces notions se pose avec acuité dans
les pays sous-développés, notamment sur le continent africain en proie à des
conflits armés récurrents depuis la décolonisation des années 1950–1960, et
au terrorisme international depuis les années 1990. L’Afrique, relativement
épargnée jusque-là, est même devenue le « nouvel eldorado » du terrorisme
international suite au « printemps arabe » qui a conduit au début de l’année
2011 au basculement de certains pays arabes tels que la Tunisie et l’Egypte dans
des troubles internes sévères, et d’autres tels que la Libye, le Yémen et la Syrie
dans des conflits armés internes.
Un conflit armé peut être défini comme un affrontement armé entre deux
ou plusieurs Etats, ou des hostilités armées au sein d’un Etat entre les forces ar-
mées du gouvernement et des forces armées dissidentes ou des groupes armés
rebelles, ou uniquement entre des groupes armés6. Quant au terrorisme, il a
une connotation essentiellement politique qui lui confère une certaine sub-
jectivité, induisant une difficulté définitionnelle consensuelle et satisfaisante.
Cependant, des définitions parcellaires ou sommaires existent7 et permettent
d’avoir une idée de la notion. Selon le géostratège Gérard Chaliand, le terror-
isme désigne l’emploi de la terreur le plus souvent à des fins politiques ou reli-
gieuses8. Pour Jean Salmon, il s’agit d’un

fait illicite de violence grave commis par un individu ou un groupe d’indi-


vidus, agissant à titre individuel ou avec l’approbation, l’encouragement,
la tolérance ou le soutien d’un Etat, contre des personnes ou des biens,
dans la poursuite d’un objectif idéologique, et susceptible de mettre en
danger la paix et la sécurité internationales […]9.

4 Muberankiko G., La contribution de la décentralisation au développement local, Paris, L’Har-


mattan, 2013, p. 13.
5 Hugon P., op. cit., p. 33.
6 Cf. David E., Principes de droit des conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 69.
7 Cumin D., « Tentative de définition du terrorisme à partir du jus in bello », Revue de science
criminelle et de droit pénal comparé, 2004, pp. 11–30.
8 Chaliand G., Les stratégies du terrorisme, Desclées de Brouwer, Paris 2002, 250p.
9 Salmon J. (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 1081.
Il faut préciser que le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau et n’est pas non plus

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 273

Quant à l’ONU, à travers le Groupe de personnalités de haut niveau créé par


Kofi Annan à la veille de la célébration du 60ème anniversaire de l’Organi-
sation, elle propose – comme « définition consensuelle » – de qualifier de
terrorisme

tout acte, outre les actes déjà visés dans les conventions en vigueur sur
les différents aspects du terrorisme, les Conventions de Genève et la ré-
solution 1566 (2004) du Conseil de sécurité, commis dans l’intention de
causer la mort ou des blessures graves à des civils ou à des non combat-
tants, qui a pour objet, par sa nature ou son contexte, d’intimider une
population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation in-
ternationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire10.

Il faut dire que le terrorisme se distingue des conflits armés par sa méthode
et ses finalités, même si la frontière entre les deux notions devient de plus en
plus poreuse en raison du recours à la terreur par les belligérants dans certains
conflits armés11. En principe, les conflits armés sont régis par le droit interna-
tional humanitaire, alors que le terrorisme est soumis au droit international
des droits de l’homme. Cependant, en raison de l’enchevêtrement des deux
phénomènes dans certains contextes tels que les conflits en Irak, en Syrie, en
Palestine, en Libye, en Somalie et au Mali, l’application cumulative des deux
branches du droit international s’impose selon la Cour internationale de Jus-
tice (cij)12.

l’apanage de groupes islamistes. En Europe, de nombreuses campagnes de terreur ont été


le fait de mouvements comme la Fraction Armée rouge (raf) en Allemagne, les Brigades
rouges en Italie, l’ETA en Espagne ou l’IRA en Irlande du Nord, qui agissaient pour des
motifs politiques ou séparatistes. Cf. Ferragu G., Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 441p.
10 Voir le paragraphe 164 du Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les
menaces, les défis et le changement, Document des Nations Unies A/59/565, 2 décembre
2004.
11 C’est le cas par exemple des conflits en Irak, en Syrie, en Palestine, en Libye, en Somalie,
au Mali, etc.
12 La Cour internationale de Justice l’a affirmé dans son avis consultatif du 8 juillet 1996 sur
la Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, et confirmée dans celui sur les
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur sur le territoire palestinien occupé. Dans
ce dernier avis, la Cour déclare : « Israël conteste que le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
qu’il a signé l’un et l’autre, soient applicables au territoire palestinien occupé », au mo-
tif que seul le droit international humanitaire convient à ce type de conflit, alors que
« [d]ans les rapports entre droit international humanitaire et droits de l’homme, trois
situations peuvent dès lors se présenter : certains droits peuvent relever exclusivement

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274 Aïvo

Il faut dire que ces deux thématiques, conflits armés et terrorisme, ont susci-
té un intérêt scientifique certain et ont fait l’objet d’une littérature foisonnante
notamment sur les aspects concernant leurs causes, leurs manifestations et
leurs conséquences humanitaires13, mais la doctrine s’est très peu intéressée
à leurs impacts socio-économiques, surtout en Afrique. Or, la multiplication
des conflits armés et le développement exponentiel du terrorisme ont des
conséquences dramatiques sur la stabilité des pays africains et entravent leur
développement structurel, institutionnel, social et économique14. On peut cit-
er les cas de conflits armés en Angola, au Nigéria, en République Démocratique
du Congo, en Sierra Leone, au Libéria, en Somalie, en Côte d’Ivoire, en Libye,
au Mali, en République Centrafricaine, et d’autres encore. A l’observation, il ap-
parait que ce sont, à quelques exceptions près15, des pays dotés d’importantes
ressources naturelles comme la République démocratique du Congo (rdc),
l’Angola, la Sierra Léone, le Congo-Brazzaville, le Nigéria, le Soudan et le

du droit international humanitaire ; d’autres peuvent relever exclusivement des droits de


l’homme ; d’autres enfin peuvent relever de ces deux branches du droit international ». Cf.
c.i.j., avis sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur sur le territoire palesti-
nien occupé, 9 juillet 2004, paras. 102–106.
13 Cf. entre autres, Djiena Wembou M.-C., Fall D., Droit international humanitaire. Théorie
générale et réalités africaines, Paris, L’Harmattan, 2000, 432p. ; Aïvo G., Le statut de com-
battant dans les conflits armés non internationaux. Etude critique de droit international
humanitaire, Bruxelles, Bruylant, 2013, 514p. ; Sassoli M. et Bouvier A., Un droit dans la
guerre ? vol. i., Genève, cicr, 2003, 396p. ; David E., Principes de droit des conflits armés,
Bruxelles, Bruylant, 2002, 994p. ; Kolb R., Ius in bello. Le droit international des conflits
armés, Helbing- Lichtenhahn, Bâle, Bruylant, Bruxelles, 2003, 313p. ; Biad A., Droit interna-
tional humanitaire, Paris, Ellipses, 2006, p. 30 ; Stewart J.G., « Towards a single definition of
armed conflict in international humanitarian law: A critique of internationalized armed
conflict », ricr, n° 850, 2003, pp. 313–350 ; Tigroudja H., « Quels droit(s) applicable(s) à la
‘guerre au terrorisme’ » ?, a.f.d.i., 2002, pp. 81–102 ; Sandoz Y., « L’applicabilité du droit in-
ternational humanitaire aux actions terroristes », in Flauss J.-F., Les nouvelles frontières du
droit international humanitaire, op. cit., pp. 41–77 ; Martin J.-C., Les règles internationales
relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruxelles, Bruylant, 2006 ; Cumin D., « Tentative
de définition du terrorisme à partir du jus in bello », Revue de science criminelle et de droit
pénal comparé, 2004, pp. 11–30.
14 Le préambule du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union
africaine du 9 juillet 2002 l’affirme clairement en ces termes : « Préoccupés par les conflits
armés qui continuent de sévir en Afrique et par le fait qu’aucun facteur interne n’a autant
contribué au déclin socio-économique du continent et aux souffrances des populations
civiles que le fléau des conflits au sein de nos Etats et entre nos Etats […] ».
15 Le Mali et la Somalie ont connu la guerre civile sans être des pays particulièrement riches.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 275

S­ ud-Soudan ; ou des pays ayant un fort potentiel de développement en raison


des ressources agricoles, comme la Côte d’Ivoire (premier producteur mondial
de cacao), qui sont les plus touchés par l’instabilité et l’insécurité. Cette funeste
réalité n’a d’ailleurs pas échappé au Conseil de sécurité des Nations Unies qui
dénonce dans sa résolution 1625 du 14 septembre 2005, le lien entre ressources
économiques et conflit armé, et affirme sa détermination à lutter contre ce
phénomène.
En revanche, le développement du terrorisme sur le continent n’obéit pas
au même paradigme, car les motivations religieuses y jouent un rôle central,
même si ses manifestations impactent aussi la stabilité politique et le dével-
oppement économique des pays affectés.
Il convient alors de s’interroger sur l’impact réel des conflits armés et du
terrorisme sur le développement socio-économique du continent africain. Ces
deux phénomènes entravent-ils le développement des pays concernés ?
La réponse à ces interrogations implique l’analyse des problèmes
économiques (i) et sociaux (ii) que posent ces deux phénomènes au
­développement de l’Afrique.

1 Les impacts économiques

La plupart des économistes sont d’accord pour dire qu’après l’Europe, l’Amé-
rique et l’Asie, la prochaine zone de croissance et d’émergence économiques
dans les prochaines décennies est le continent africain16. Cependant, il faut
se rendre à l’évidence que le défi majeur de l’Afrique, depuis la décolonisation
jusqu’à aujourd’hui, est la stabilité politique sans laquelle aucune réforme éco-
nomique de fond ne peut être efficace et, par conséquent, le développement ne
peut être projeté de façon crédible et réaliste. Les conséquences économiques
des conflits armés et du terrorisme sur le développement des pays africains
s’observent sur les plans matériels (A) et des indicateurs économiques (B).

16 Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, Rapport économique sur
l’Afrique 2007. Accélérer le développement de l’Afrique par la diversification, Nations Unies,
2007 ; Bissog M., Chroniques pour l’émergence d’une Afrique rayonnante, Paris, L’Harmat-
tan, 2013, 196p. ; Ekanza S.-P., L’Afrique et le défi du développement. Des indépendances à la
mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2014, 130 p. ; Remondo M., Sur le chemin du développe-
ment de l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2014, 217p. ; Kouassi R.N., Les chemins du développe-
ment de l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, 256p.

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276 Aïvo

1.a Des dommages matériels


L’insécurité générée par les conflits armés et le terrorisme participe à la pau-
périsation des peuples qui en sont victimes comme on a pu l’observer dans
certains pays dans le monde. Seulement, en Afrique, cette insécurité n’est pas
circonscrite et passagère, elle est contagieuse et persistante. Les effets immé-
diats de ces deux phénomènes sont les dégâts matériels et humains. Mais ce
sont les premiers qui, il faut le signaler, ont une incidence certaine et directe
sur l’économie du ou des pays victimes. Il convient de préciser que les dom-
mages matériels qu’occasionnent les conflits armés sur l’économie des Etats
sont plus prégnants que ceux que génère le terrorisme.
En effet, les conflits armés entrainent la destruction des biens civils et mili-
taires. Si la destruction des seconds est licite au regard du droit international
humanitaire, celle des premiers est prohibée17. Mais l’observation des conflits
armés post-guerre froide montre qu’ils entrainent plus de destruction de biens
civils que de biens militaires : ce sont notamment des habitations, des entre-
prises, des institutions administratives, des infrastructures routières, des indus-
tries, des champs, des villes et villages entiers. Ces dégâts qui ont g­ énéralement
un coût financier très élevé, souvent chiffrés en des centaines de milliards
de francs cfa en termes de reconstruction, appauvrissent les pays africains
qui en sont victimes, comme c’est le cas au Mali, en Somalie, en République
­Centrafricaine18, et en République démocratique du Congo19. Ces pays, minés

17 Articles 25 et 27 du Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur


terre ; et Article 48 du Protocole i de 1977 additionnel aux Conventions de Genève de 1949.
18 Plus de 500 millions de dollars ont été investis par la communauté internationale pour
l’aide humanitaire et sécuritaire à la République Centrafricaine. Cf. (http://www.un.org/
press/fr/2014/CS11264.doc.htm). Pour la reconstruction du pays, le fonds « Bêkou » créé
en juillet 2014 par la Commission européenne, dispose d’un budget initial de 64 millions
d’euros. Parmi les pays contributeurs, on mentionnera la France, l’Allemagne et les Pays-
Bas. Dans un communiqué officiel du 26 mai 2014, la Commission européenne a annoncé
qu’elle allait accroître son aide à la Centrafrique en octroyant au total 72 millions d’euros.
Cf. (http://www.diplomatie.gouv.fr/).
19 Le document de stratégie de la Commission européenne consacré à la République démo-
cratique du Congo pour la période 2008–2013 a mobilisé un montant de 584 millions d’eu-
ros pour la reconstruction du pays. De plus, elle compte parmi les principaux bailleurs de
fonds de cette région: depuis 2003, elle a consacré 300 millions d’euros à des programmes
d’aide humanitaire, de réinsertion et de développement des capacités et a récemment
renforcé son soutien, notamment par des initiatives européennes et une collaboration
étroite avec les Nations Unies Cf. « Relations de l’U.E. avec la République Démocratique
du Congo », document disponible sur le site de l’Union européenne : (http://eeas.europa
.eu/congo_kinshasa/index_fr.htm) ; Vircoulon T., (dir.), Les coulisses de l’aide internatio-
nale en République démocratique du Congo, Paris, L’Harmattan, 2010, 186p.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 277

par la guerre, économiquement exsangues, sont presque systématiquement


obligés de s’endetter auprès des institutions financières internationales telles
que la Banque mondiale, le Fond monétaire international, la Banque africaine
de développement, ou de solliciter l’aide internationale auprès de l’ONU, de
l’Union européenne ou de certains pays occidentaux20. Ces ressources sont
difficilement mobilisables ou ne le sont que partiellement ; ce qui ralentit la
reconstruction des pays concernés. Cependant, le cas du Mali fait exception
car la conférence internationale des donateurs pour la reconstruction et le
développement du Mali, tenue le 15 mai 2013 à Bruxelles, a généré 3,250 mil-
liards d’euros, soit plus de 2100 milliards de F cfa, au lieu des deux milliards
d’euros initialement prévus. Toutefois, le budget global de la reconstruction du
pays est évalué à 4,34 milliards d’euros dont la différence doit être financée par
les ressources financières nationales. De plus, la promesse de financement des
donateurs ne s’est pas encore totalement concrétisée. Par exemple, seulement
3 millions des 11 millions de dollars nécessaires à la reconstruction des mauso-
lées de Tombouctou, dans le nord du Mali, détruits par les djihadistes pendant
leur occupation de cette ville en 2012, ont pu être mobilisés21. Il ressort donc
que les dégâts matériels qu’occasionnent les conflits armés en Afrique grèvent
lourdement l’économie encore fragile des pays africains en guerre.
Comparativement aux conflits armés, le terrorisme entraine d’une manière
générale moins de dégâts matériels, mais plus de traumatisme, c’est-à-dire plus
d’effets psychologiques. C’est ce qui fait dire à juste titre à Raymond Aron que
le terrorisme est une « action de violence dont les effets psychologiques sont
hors de proportion avec les résultats purement physiques »22.
Cependant, avec l’avènement de « l’hyperterrorisme » en 2001, l’on se rend
compte que l’effet psychologique de la terreur peut permettre aux terror-
istes de causer des pertes financières très importantes à certains Etats. A titre
illustratif,

les attentats du 11 septembre ont provoqué des pertes humaines et ma-


térielles bien supérieures à celles de toute autre attaque terroriste de
l’histoire contemporaine. La destruction de biens matériels a été estimée
dans les comptes nationaux à 14 milliards de dollars pour les entreprises

20 La France a promis 280 millions d’euros à la reconstruction du Mali.


21 Jacquemot P., « Reconstruction du Mali : quels enjeux ? », Institut des Relations Inter-
nationales et Stratégiques, 17 mai 2013 (http://www.iris-france.org/43739-reconstruction
-du-mali-quels-enjeux/) ; « La Suisse aide à reconstruire les mausolées de Tombouctou »,
Tribune de Genève, 4 avril 2015.
22 Aron R., Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Levy, 1962, p. 176.

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278 Aïvo

privées, 1.5 milliard de dollars pour les entités relevant de l’État et des col-
lectivités locales et 0.7 milliard pour l’État fédéral. Les dépenses de sau-
vetage et de déblaiement ainsi que les frais connexes ont été estimés à au
moins 11 milliards de dollars. La pointe de Manhattan a perdu environ 30
pour cent de ses superficies de bureau et de très nombreuses entreprises
ont disparu. Près de 200 000 emplois ont été anéantis ou délocalisés hors
de New York City, au moins temporairement23.

Certains auteurs estiment que les coûts directs de ces attaques du World Trade
Center aux États-Unis d’Amérique sont estimés entre 25 et 60 milliards de dol-
lars24. Ces importants dégâts matériels et financiers ont permis de prendre
conscience de la capacité de destruction massive des groupes terroristes
contemporains partout dans le monde.
En Afrique, ce sont les pays hautement touristiques qui sont les plus affec-
tés. En effet, lorsque les groupes terroristes attaquent les hôtels, les centres
commerciaux, les infrastructures balnéaires dans des pays dont l’économie
est essentiellement basée sur le tourisme tels que la Tunisie25, l’Egypte26, le
Kenya27, cela entraine un manque à gagner financier très important pour ces
pays. Il en est de même au Mali lorsque les mouvements du mnla, d’Ansar

23 ocde, « Les conséquences économiques du terrorisme », Rapport disponible sur Inter-


net : (http://www.oecd.org/fr/eco/perspectives/1935306.pdf), consulté en juillet 2015.
24 Frey B.S., Lüchenger S. et Stutzer A., « L’impact économique du terrorisme », Revue de
Politique Economique, novembre 2005, p. 5.
25 Par exemple, le 26 juin 2015 un attentat terroriste perpétré sur une plage de la région
tunisienne de Sousse, où est installé un complexe hôtelier de luxe, fait 38 morts. Le but
était clairement de faire fuir les touristes étrangers qui avaient recommencé à fréquenter
le pays après les soulèvements du « Printemps arabe » de 2011, et de fragiliser l’économie
du pays. Cet attentat intervient environ trois mois après celui contre le Musée du Bardo.
Selon Jeune Afrique, le secteur du tourisme représente 7% du pib du pays, et fait directe-
ment vivre près de 400 000 personnes, soit 3% à 4% de la population du pays. Ces atten-
tats apparaissent alors comme un coup dur contre l’économie de la Tunisie. En quatre
ans, la fréquentation a chuté de plus de 12%, selon les chiffres du ministère du tourisme
tunisien. En 2014, 6 millions de personnes ont visité le pays, contre 6,9 millions de tou-
ristes en 2010. Cf. Rainfroy C., « Attentat de Tunis : quel impact pour le tourisme ? », Jeune
Afrique, 20 mars 2015.
26 Grandmaitre M.-C., « Egypte, une économie asphyxiée, une destination délaissée », Revue
Perspective Monde, 1er avril 2014.
27 Au Kenya où les touristes affectionnent particulièrement les safaris, ce sont les centres
commerciaux et les marchés qui ont été attaqués par les Shebab. Le plus spectaculaire fut
l’attaque contre le Centre commercial « Mall Westgate » très fréquenté par les touristes et
les résidents étrangers à Nairobi, le 21 septembre 2013, faisant 67 morts.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 279

Dine et d’AQMI ont détruit en 2012, au nord du pays, les monuments histo-
riques classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO et qui at-
tirent des milliers de touristes étrangers chaque année. Cette pratique n’est pas
spécifique aux mouvements terroristes en Afrique, elle s’observe également en
Irak et en Syrie où le groupe Etat Islamique en Irak et au Levant (eiil) procède
à la destruction systématique des moments historiques considérés comme
« anti-islamiques ».
Ces pratiques visent à faire fuir les touristes occidentaux que les groupes
terroristes considèrent comme des « infidèles aux mœurs légères » qui con-
tribuent à la corruption morale des cultures locales. Il apparait clairement que
les attentats contre les hôtels, les infrastructures balnéaires et la destruction
des monuments historiques et culturels affectent le développement du tour-
isme et des activités économiques connexes dans les pays cités, entravant ainsi
leur croissance économique.

1.b Des entraves à la croissance économique


Les conflits armés et le terrorisme ont des conséquences néfastes sur la crois-
sance économique de certains pays africains.
Concernant les conflits armés, l’insécurité qu’ils induisent, au mieux con-
tribue à « ankyloser » le potentiel économique de certains pays comme
l’Angola et la Côte d’Ivoire. Au pire, elle enfonce d’autres davantage dans le
sous-développement,­comme le Mali, la Guinée Conakry, la République
démocratique du Congo, la Somalie, la République centrafricaine. Au lieu
d’être un acteur majeur de la mondialisation en raison de ses ressources na-
turelles considérables et du potentiel de sa jeune population, l’Afrique en est
plutôt la victime principale. Malgré ses importantes ressources naturelles dont
dépendent les pays industrialisés notamment occidentaux, l’Afrique pèse
moins de 3% du commerce mondial28.
Le rôle fondamental que jouent les ressources naturelles dans le déclenche-
ment ou la pérennisation des conflits armés en Afrique ne fait plus aucun
doute. Elles suscitent la convoitise aussi bien des Etats tiers que des mouve-
ments rebelles. En effet, dans certains conflits armés internes, les motiva-
tions des groupes rebelles ne sont pas seulement politiques, elles sont aussi
économiques. Ce type de « conflit mercantile » se déroule généralement dans
les pays riches en ressources naturelles. Ainsi, au lieu d’être un levier de dével-
oppement économique de ces pays, ces ressources deviennent des facteurs de

28 Mboungou V., « Commerce international : le poids insignifiant de l’Afrique », Afrique Ex-


pansion, 26 mai 2011, disponible en ligne (http://www.afriqueexpansion.com), consulté
en mai 2014.

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280 Aïvo

déstabilisation et de conflits meurtriers, comme l’illustrent les conflits en An-


gola, au Soudan, au Tchad, au Congo Brazzaville, en rdc, en Sierra Leone et au
Libéria29.
Dans les six premiers pays cités, c’est surtout la convoitise suscitée par les
ressources pétrolières qui est à l’origine des conflits qui les ont ravagés et qui
continuent encore de ravager certains d’entre eux. Par exemple, dans le cas
du Soudan, le groupe rebelle Mouvement pour la Justice et l’Egalité (jem), es-
timant la région du Darfour exclue des bénéfices de l’exploitation du pétrole
soudanais, a attaqué en 2007 les installations pétrolières de Hajlil et de Rahaw
exploitées par une compagnie chinoise30. Il en est de même en Angola où les
rebelles de l’Union pour l’Indépendance Totale de l’Angola (unita) avaient
pour ambition de prendre le contrôle des régions pétrolières et diamantifères
du pays. Le cas de l’Angola est particulièrement intéressant car la guerre civile
angolaise a duré de 1975 à 2002 et a paralysé économiquement le pays qui n’a
pu exploiter son potentiel économique et ses importantes ressources naturel-
les. Après la fin du conflit en 2002, et en à peine une décennie, le pays occupe
désormais le deuxième rang des pays africains exportateurs de pétrole (1,71
million de barils par jour en 2013) juste derrière le Nigéria (2 millions de baril
par jour), et ambitionne de devancer celui-ci dans les prochaines années31.
Dans le cas de la République démocratique du Congo, le conflit qui s’y
déroule depuis 1998 a considérablement handicapé son développement
économique, l’enfonçant chaque année un peu plus dans la pauvreté. Or, le
pays regorge de ressources naturelles considérables et variées : manganèse (20
milliards de tonnes), cassitérite (750 millions), diamant (730 millions), lithium
(175,5 millions), niobium (150 millions), cuivre (110 millions), or (40 millions),
zinc (20 millions), fer (15 millions), cobalt (10,5 millions), uranium, caoutchouc,
bitumes (asphaltes et goudron), étain, gaz méthane, souffre32, etc. C’est cette

29 Contrairement aux autres pays cités, ce ne sont pas les ressources énergétiques qui ont
aiguisé les appétits et exacerbé le conflit en Sierra Leone et au Libéria, mais surtout les
ressources diamantifères dont la commercialisation a permis de financer d’autres conflits
dans la région. La commercialisation de ces diamants mondialement connus sous le vo-
cable de « diamants de sang » est interdite par l’Accord de Kimberley adopté en mars 2002
et entré en vigueur en janvier 2003. Cf. (http://www.kimberleyprocess.com/).
30 La Chine, premier client du pétrole soudanais, est soupçonnée de soutenir les autorités
gouvernementales.
31 Agence France Presse, « L’Angola rêve d’être le premier producteur de pétrole en Afrique »,
Le Parisien, 29 avril 2014, disponible en ligne (http://www.leparisien.fr), consulté en avril
2014.
32 Kinua M., Ressources du Congo rdc, 2010. Document disponible en ligne (http://www
.partisocialistecongolais.com/index.php?option=com_content&task=view&id=19&Ite-
mid=35), consulté en mai 2014.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 281

abondance de richesses naturelles convoitées non seulement par les groupes


rebelles congolais et nombre de multinationales, mais aussi par certains pays
voisins, qui est la cause principale de la pérennisation du conflit congolais.
L’implication militaire de six pays voisins, à savoir le Zimbabwe, l’Angola, la
Namibie (soutenant le gouvernement congolais), le Rwanda, le Burundi et
l’Ouganda (aux cotés des groupes rebelles), a aggravé le conflit et l’a transfor-
mé en un conflit régional déstabilisant ainsi toute la région des Grands Lacs33.
Après près de 15 ans de conflit armé, le plus meurtrier du continent (5 millions
de morts), la République démocratique du Congo est aujourd’hui politique-
ment instable, institutionnellement faible et économiquement exsangue, clas-
sée par la Banque mondiale parmi les pays les plus pauvres de la planète34.
A propos de l’impact chiffré des conflits armés sur l’économie africaine, Ki-
nimo René Yabile affirme que :

Plusieurs études ont montré le coût économique des conflits pour le dé-
veloppement de l’Afrique (Hiik, 2006). Ainsi, selon le rapport d’Oxfam, le
Raial et Saferworld (2007), environ 300 milliards de dollars ont été per-
dus, depuis 1990, en Algérie, en Angola, en Côte d’Ivoire, en République
Démocratique du Congo (rdc), en République du Congo, en Érythrée, en
Éthiopie, au Ghana, en Guinée, au Libéria, au Rwanda, en Sierra Leone,
en Afrique du Sud pour ne citer que ceux-là. Les pertes de l’Afrique dues
aux guerres civiles et insurrections s’élèvent à environ 18 milliards de dol-
lars par an. Ces conflits réduisent, en moyenne, l’économie africaine de
15%35.

Ces données témoignent de l’ampleur des conséquences néfastes des conflits


sur le développement en Afrique.
Quant au terrorisme, ses effets sur le développement économique des pays
victimes ne sont pas négligeables. Le recours à la terreur par les groupes ter-
roristes à travers les actes kamikazes, les attentats suicides, les enlèvements
notamment des étrangers36, crée une situation de panique généralisée qui
entraine la fuite des capitaux. Il convient de citer l’exemple des mouvements

33 Aïvo G., « La sécurité énergétique en situation de conflit armé », in Doumbé-Billé S., Défis
énergétiques et droit international, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 319.
34 La Banque mondiale “Doing Business 2012” classe la rdc en 178ème position sur 183 pays.
35 Kinimo R.Y., « Impact du conflit armé sur l’accentuation de la pauvreté en Côte d’Ivoire »,
European Scientific Journal, vol. 9, n°8, mars 2013, p. 77.
36 On peut citer par exemple l’enlèvement d’Hervé Gourdel, d’origine française, le 21 sep-
tembre 2014 en Algérie par le groupe terroriste Jund Al-Khilafa qui a procédé à sa
décapitation.

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282 Aïvo

terroristes du delta du Niger qui attaquent les compagnies étrangères et les in-
stallations pétrolières au Nigeria37. De même, les attentats du groupe terroriste
Boko Haram contre les entreprises nationales, mais surtout étrangères, les en-
lèvements de nationaux et d’étrangers, les attentats suicides dans les marchés
et les lieux publics38 ne sont pas de nature à faciliter le développement des ac-
tivités économiques au Nigéria et dans les autres pays africains tels que le Niger,
la Mauritanie, le Cameroun39 où le mouvement étend sa politique de la terreur.
L’on sait que l’insécurité est mauvaise pour les affaires parce qu’elle est
préjudiciable à la sécurisation des investissements. Les enlèvements, notam-
ment d’occidentaux, visent justement à les dissuader de venir investir dans
les pays en question, à limiter l’occidentalisation des cultures locales et à
créer une économie parallèle de financement du terrorisme, c’est-à-dire
« l’économie des rançons ». Or, les économies africaines ont, plus qu’ailleurs,
besoin d’importants investissements dans les différents domaines de la santé,
de l’éducation, de l’énergie, du transport, de l’agriculture, de l’industrie, pour
amorcer leur développement économique.
Au regard de ce qui précède, il ressort qu’aussi bien en période de conflit
armé qu’en situation de terrorisme la sécurité des ressources naturelles et
des activités économiques de l’Etat ne peut pas toujours être assurée, dans
la mesure où lorsque les groupes rebelles ou terroristes occupent une par-
tie du territoire national, ils exploitent anarchiquement les ressources qui
s’y trouvent.­Les exemples de la République démocratique du Congo40, de la

37 Les groupes « Niger Delta People’s Volunteer Force (ndpvf) » et le « Movement of Eman-
cipation of the Niger Delta (mend) » ont organisé depuis 2006 des attaques contre les
installations pétrolières situées dans le Delta du Niger tout en exploitant illégalement
le pétrole qui s’y trouve. Or l’économie du Nigeria est dépendante de l’exploitation du
pétrole qui est sa principale ressource naturelle. Ce qui n’est pas rassurant pour les in-
vestisseurs et affaiblit le statut de puissance régionale du pays. Le Nigeria est le premier
producteur de pétrole du continent avec 2,2 millions de barils par jour et dispose des
dixièmes réserves mondiales. Il possède également les huitièmes réserves mondiales de
gaz. Cf. Sautreuil N., Delta du Niger : une lecture à l’échelle régionale d’un conflit interne
violent, Mémoire de Master 1 Relations internationales, Sécurité et Défense, Université
Jean Moulin Lyon 3, 2011, pp. 6–37.
38 Vicky A., « Aux origines de la secte Boko Haram : groupe religieux marginal dopé par la
misère, Boko Haram sème le chaos au Nigeria », Le Monde Diplomatique, avril 2012, dispo-
nible en ligne (http://www.monde-diplomatique.fr/2012/04/VICKY/47604), consulté en
juillet 2015.
39 Ngassam N.R., « Le Cameroun sou la menace de Boko Haram », Le Monde Diplomatique,
janvier 2015.
40 Rapport final du Groupe d’experts de l’ONU sur l’exploitation illégale des ressources natu-
relles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, 2002.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 283

Libye41, de la Sierra Leone42 et du Nigeria43 en témoignent. Une grande partie


de l’argent de la commercialisation illégale de ces ressources est investie dans
l’armement et dans divers trafics. Face à des mouvements bien armés, certains
gouvernements n’hésitent pas à faire appel aux mercenaires ou aux sociétés
militaires privées (smp)44. Mais faute de moyens financiers pour rétribuer ces
sociétés militaires privées, il arrive que certaines d’entre elles se fassent payer
sur une partie des ressources naturelles et économiques des pays pauvres où
elles interviennent45 et ce, avec la complicité des chefs de guerre et au détri-
ment de la population civile. A ce propos, l’on peut mentionner les cas des con-
cessions diamantifères en Sierra Leone et de la gestion de centrales pétrolières
en Angola46 sans oublier les moyens financiers et logistiques considérables
que déploient les Etats dans la lutte anti-terroriste.

41 Les rebelles occupaient entre autres les ports de Zwitina, d’Al-Hariga, de Ras Lanouf et
d’Al-Sedra, situés à l’Est du pays (la région du Cyrénaïque). Cela a entrainé la chute de
la production de 1,5 million avant la crise à 250 000 barils/jour. Cf. Agence France Presse,
« Libye : le pouvoir négocie avec les rebelles pour débloquer les ports pétroliers », Jeune
Afrique, 3 avril 2014.
42 Par exemple, l’ancien président libérien et chef de guerre Charles Taylor a été jugé par
le Tribunal spécial pour Sierra Leone. Reconnu coupable de crimes de guerre et crimes
contre l’humanité dont le trafic de « diamants du sang » et d’armes commis en Sierra
Leone entre 1996 et 2002, il est condamné à 50 ans de prison le 30 mai 2012 (tssl, Case
No. SCSL-03-01-T, para. 103) ; condamnation confirmée en appel le 26 septembre 2013. La
commercialisation de ces « diamants du sang » est interdite par l’Accord de Kimberley
adopté en mars 2002 et entré en vigueur en janvier 2003.
43 Sautreuil N., Delta du Niger : une lecture à l’échelle régionale d’un conflit interne violent, Mé-
moire de Master 1 Relations internationales, Sécurité et Défense, Université Jean Moulin
Lyon 3, 2011, pp. 6–37.
44 Sur les activités des sociétés militaires et de sécurité privées dans de nombreuses zones
de conflit, voir Adams T., Private Military Companies : Mercenaries for the 21st Century,
in : Bunker R.J. (éd.), Non-State and Future Wars, Frank Cass, Londres, 2003, pp. 54–67 ;
Hugo F., Lobjois P., Les mercenaires de la République, éd. Nouveau Monde, Paris, 2009,
pp. 224–226 et 355–412.
45 Cf., Olsson C., « Vrai procès et faux débats : perspectives critiques sur les argumentaires de
légitimation des entreprises de coercition para-privées », Conflits et Cultures, n°52, 2003,
pp. 20–21.
46 Selon Olsson C., « ces pratiques sont facilitées par les liens financiers et personnels étroits
existants entre certaines entreprises militaires et des entreprises d’extraction de res-
sources naturelles ». C. Olsson, op. cit., p. 20. Sur cette question, voir également Banegas
R., « De la guerre au maintien de la paix, le nouveau business mercenaire », Critique inter-
nationale, n°1, automne 1998, pp. 179 et ss.

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284 Aïvo

Tout ceci participe à la transformation de l’économie de développement en


économie de guerre47, compromettant le développement économique et so-
ciale harmonieux de certains Etats concernés.

2 Les impacts sociaux

Il convient ici d’analyser notamment les conséquences sociales, y compris les


dégâts humanitaires des conflits armés et du terrorisme, qui ont une incidence
économique sur le développement en Afrique. Il s’agit précisément de leurs
impacts sur les moyens de subsistance (A) et le développement humain (B)
des populations.

2.a Des conséquences sur les moyens de subsistance des populations


Les conflits armés et le terrorisme ont des conséquences sociales qui ont des
répercussions sur la situation économique des personnes victimes. Ce ne sont
donc pas seulement les droits civils et politiques des populations qui sont
violés par les belligérants et les groupes terroristes48 mais aussi leurs droits
économiques, sociaux et culturels. La principale conséquence sociale est l’im-
possibilité ou la difficulté pour les citoyens de vaquer à leurs occupations quo-
tidiennes génératrices de revenue, ce qui entraine l’augmentation, d’une part,
du chômage et de la pauvreté et, d’autre part, de la criminalité.
En effet, l’insécurité générale qui découle les conflits armés, qu’il s’agisse
de conflit armé interne ou de conflit armé international, fait qu’aussi bien les
entreprises publiques et privées que les institutions de l’Etat sont contraintes
à l’arrêt de leurs activités ou fonctionnent au ralenti. Il en est de même pour
les commerçants individuels et autres prestataires de service formels ou in-
formels. L’Etat lui-même se retrouve souvent dans l’incapacité de payer les
salaires des fonctionnaires en raison de la dégradation des finances publiques.
Le conflit armé en Côte d’Ivoire en constitue une parfaite illustration car selon
Kinimo René Yabile :

47 En période de conflit armé, le budget militaire augmente considérablement au détriment


des investissements sociaux. Pour plus de précision entre la guerre et l’économie, voir
Kempf O., Guerre et économie : de l’économie de guerre à la guerre économique, Paris, L’Har-
mattan, 2013, 276p. ; Daguzan J.F., Lorot P. (dir.), Guerre et économie, Paris, Ellipses, 2003,
222p. ; Routier T., « Guerre et économie : une relation fusionnelle », Paris, février 2009,
disponible en ligne (http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-868_fr.html), consulté en
juillet 2015.
48 Bata P.Th., « L’impact du terrorisme sur les droits civils et politiques en Afrique », Ex Ca-
thédra, n°39, mars 2013, p. 8.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 285

La situation des finances publiques s’est dégradée passant d’un excédent


de 0,9% du pib en 2001 à un déficit de 0,7% en 2002, pour s’établir à un
déficit de 0,8% en 2003. On enregistre une réduction considérable des
investissements étrangers, un préjudice de plus de 200 milliards de F
cfa subi par le secteur privé en 2004 ; sur 26 000 entreprises déclarées
avec 550 000 emplois avant 2002, en raison des crises successives, le pays
ne comptait plus que 13 124 entreprises en 2006 pour moins de 300 000
emplois, soit une baisse de l’offre de 44% des emplois du secteur privé
moderne au cours de la période 2002–2006 (cnps, 2008). Cet environ-
nement a enregistré une augmentation du taux de chômage (passant de
6,2% en 2002 à 15,7% en 2008) couplée de la dégradation des conditions
d’existence des ménages49.

Cette réalité n’a pas échappé à l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimen-
tation et l’Agriculture (fao) qui affirme dans son rapport de 2005 que :

Les conflits armés ont des répercussions aussi bien au niveau des moyens
d’existence des particuliers que de l’économie, dans son ensemble. Ils sont
synonymes d’insécurité alimentaire et entravent l’exécution des services
sociaux. Ils intensifient la pauvreté et la faim; privent les enfants d’école;
alourdissent le fardeau des responsabilités et la charge de travail des
femmes; augmentent la mortalité infantile et maternelle; contribuent à
la propagation du vih/sida, du paludisme et d’autres maladies et alour-
dissent les mesures prophylactiques et curatives; sont préjudiciables à
l’environnement, restreignent l’accès à l’eau potable et aux installations
d’assainissement et forcent les personnes déplacées à vivre dans des
abris insalubres et surpeuplés; ils minent la gouvernance, épuisent les
ressources nationales et creusent la dette nationale, entravant ainsi les
efforts déployés en vue d’atteindre les huit Objectifs du Millénaire pour
le développement50.

Ainsi, il apparait clairement que les conflits armés affectent négativement la


vie sociale des populations et compromettent leur avenir.

49 Kinimo R.Y., « Impact du conflit armé sur l’accentuation de la pauvreté en Côte d’Ivoire »,
op. cit., pp. 78–79.
50 Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la fao, Rapport de la trente-unième ses-
sion, 23–26 mai 2005 : « Conflits et développement : un défi pour la réalisation des objectifs
du millénaire », p. 2.

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286 Aïvo

Dans le cas du terrorisme, seuls certains secteurs économiques sont particu-


lièrement touchés. Il s’agit, on l’a dit, des secteurs hôteliers et touristiques qui
voient leur clientèle se réduire considérablement, car les touristes, craignant
les attentats, préfèrent d’autres destinations touristiques plus sécurisées dans
d’autres pays pour leurs vacances ou leur repos. Ce fut le cas lors de la « décen-
nie de la terreur »51 en Algérie entre 1990 et 2000. C’est aussi actuellement le
cas en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Kenya et au Mali.
Ainsi, en période de conflit armé et de terrorisme d’une certaine ampleur,
les hôtels et autres centres de loisir, les entreprises privées et les institutions
publiques sont souvent obligés de mettre une partie importante ou la totalité
de leur personnel au chômage technique ou carrément de les licencier pour
cause de faillite. Cette situation entraine la hausse du chômage et la paupérisa-
tion des populations livrées aux affres de la famine.
Il faut dire que la suite logique de l’augmentation du chômage et de la
­pauvreté dans ce contexte est l’accroissement exponentiel de la criminalité en
raison de l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat par les groupes rebelles ou ter-
roristes. En effet, la raréfaction des moyens de subsistance amène certains des
nouveaux chômeurs et autres désœuvrés à se livrer à des actes criminels pour
survivre. Cela ouvre la voie à tous les trafics, aux pillages des ressources de
l’Etat et des biens des populations civiles souvent abandonnées à elles-mêmes,
aux viols, aux enlèvements et aux assassinats. Par exemple, lors du conflit en
Somalie, l’économie formelle s’est complètement détériorée au profit du dével-
oppement de la piraterie maritime menée par des groupes criminels. Très
dépendant de l’aide humanitaire internationale, la Somalie était devenue pen-
dant un certain moment un « Etat défaillant »52 sans gouvernement central ni
structure institutionnelle viable avec une population sévèrement touchée par
la famine. Même encore aujourd’hui, le pays peine à mettre en place des insti-
tutions fortes capables d’impulser son développement socio-économique en
raison de l’influence grandissante des mouvements terroristes Shebabs.

51 Aïvo G., « Les formes de développement du terrorisme en Afrique », Ex Cathédra, n°39


mars 2013, p. 2.
52 Sur S., « Les Etats défaillants », Commentaire, n° 112, hiver 2005, pp. 891–899. Les « Etats
défaillants » ou « Etats faillis » sont des Etats faibles en faillite économique, politique et
institutionnelle. Cette faiblesse rend le gouvernement fragile, instable, vulnérable et inca-
pable de faire face efficacement à la moindre crise, favorisant ainsi de fait l’émergence de
groupes armés capables de lui disputer l’autorité de l’Etat, la gestion des affaires publiques
et le monopole de la violence légitime. Sur la notion « d’Etat failli », cf. également Thurer D.,
« The ‘failed State’ and international Law », ricr, n° 836, décembre 1999, pp. 731–761.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 287

On peut également citer le cas du conflit en Côte d’Ivoire où la pauvreté


a augmenté de 4,75%53, et surtout celui en République Centrafricaine qui
a aggravé les problèmes économiques que connait déjà ce pays avec des
mois d’arriérés de salaires non payés aux fonctionnaires malgré la perfusion
économique de l’Union européenne et de l’ONU. Cela a généré très vite une
criminalité endémique dans le pays.
Ces conséquences socio-économiques des conflits armés et du terrorisme,
auxquelles sont confrontés les pays africains, sont aggravées par les dégâts
humanitaires.

2.b Des dégâts humanitaires préjudiciables au développement humain


Le développement économique durable d’un pays ne peut se réaliser sans la
prise en compte du bien-être des citoyens et de l’épanouissement de toutes
les couches sociales qui compose le peuple. Le développement humain peut
être défini comme tout processus de progrès qui vise le bien-être de la per-
sonne humaine en lui garantissant ses besoins fondamentaux et l’amélioration
de son environnement sociale et physique. Le développement économique
qui s’inscrit dans cette optique aboutit à un développement durable qui as-
sure le présent et préserve l’avenir54. Vu sous cet angle, les conflits armés et
le terrorisme sont antinomiques au développement humain car leurs pre-
mières conséquences sont des dégâts humanitaires qui se traduisent par de
nombreuses pertes en vie humaine et la destruction des biens des populations
civiles souvent livrées à elles-mêmes dans un environnement de haine, de pré-
dation et de privation.
Concernant les conflits armés, les pertes peuvent se chiffrer à des centaines
de milliers voir des millions de morts. En dehors des deux guerres mondiales55,­
les guerres civiles sont plus meurtrières que les conflits armés internationaux56.

53 Cf., Kinimo R.Y., « Impact du conflit armé sur l’accentuation de la pauvreté en Côte
d’Ivoire », op. cit., p. 72.
54 Pour plus de détails sur la notion, voir Duflot E., Lutter contre la pauvreté, Tome 1 : le dé-
veloppement humain, Paris, Seuil, 2015 ; Pallanca J.-L., Agir pour un développent humain
solidaire, Presse universitaire de Bordeaux, 2002, 196p.
55 Les pertes en vies humaines de la Première Guerre mondiale sont estimées à environ 9
millions, essentiellement des militaires, cf. le site du centre régional de documentation
pédagogique de Champagne-Ardenne (http://www.crdp-reims.fr/memoire/bac/1GM/
connaissances/bilan.htm). Le nombre morts de la Seconde Guerre mondiale est situé
entre 40 et 60 millions dont plus de la moitié était des civils, cf. le site de l’Académie de
Besançon (http://artic.acbesancon.fr/histoire_geographie/College/doccollege/troisieme/
H3NaBil.rtf), consulté en août 2015.
56 Par exemple, la première guerre du Golfe contre l’Irak (août 1990 à février 1991) n’a fait que

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288 Aïvo

En raison du caractère souvent ethnique ou communautaire de ces conflits qui


induisent une participation massive des populations civiles aux hostilités en
violation du principe de distinction entre civil et combattant, les pertes en vies
humaines dues à des massacres les plus barbares, atteignent rapidement des
sommets, surtout en Afrique.
C’est le cas du génocide au Rwanda et des conflits au Soudan et en Répub-
lique démocratique du Congo. D’après l’enquête diligentée en 2000 par le gou-
vernement rwandais et dont les résultats ont été publiés en 2001, le nombre
de morts est estimé à un million soixante onze milles (1.071.000)57. De même,
le conflit au Soudan a fait deux millions (2 000 000) de morts environ58, tan-
dis que celui en République Démocratique du Congo, le plus meurtrier, a fait,
entre août 1998 et avril 2007, environ cinq millions quatre cents milles (5 400
000) morts selon le Rapport 2007 de l’International Rescue Committee (irc)59.
L’autre incidence de ces conflits est l’enrôlement massif des enfants dans les
groupes armés, faisant ainsi d’eux des « enfants-soldats » facilement manipu-
lables et capables de commettre les crimes les plus atroces en raison de leur
naïveté et leur méconnaissance des règles et dangers de la guerre. Ces atrocités
entrainent des centaines de milliers, voir des millions de déplacés internes et
de réfugiés. En 2009, le hcr a estimé le nombre des personnes déplacées dans
le monde à 27 millions60. Selon le Département fédéral des affaires étrangères
suisse,

aujourd’hui, environ 200 millions de migrants se trouvent sur les routes


– ce qui correspond à 3% de la population mondiale. Parmi eux, le Haut
commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comptait, à la fin de
l’année 2007, 67 millions de déplacés forcés, dont 16 millions de réfugiés.

446 morts du côté de la coalition américaine et 170 000 à 250 000 morts irakiens (essentiel-
lement des militaires). Cf. « Le bilan de la guerre du Golfe », Le Monde diplomatique, ar-
chives 1990–2000, disponible en ligne (http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/irak/
bilan-guerre). La guerre russo-géorgienne d’août 2008 aurait fait 1008 morts selon le Cour-
rier International du 14 août 2009, disponible en ligne (http://www.courrierinternational
.com/breve/2009/08/14/bilan-humain), consulté en août 2015.
57 Cf. (http://www.afrique-express.com/archive/CENTRALE/rwanda/rwandapol/291ladiffi
culte.htm), consulté en août 2015.
58 Cf. (http://www.courrierinternational.com/breve/2011/02/11/des-combats-font-16-morts
-au-sud-soudan), consulté en août 2015.
59 International Rescue Committee (irc), « Mortality in the Democratic Republic of Congo »,
disponible en ligne (http://www.rescue.org/special-reports/congo-forgotten-crisis).
60 hcr, « Personnes déplacées internes », disponible en ligne (http://www.unhcr.fr/pages/
4aae621d3b0.html), consulté le 15 août 2011.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 289

Ces personnes – en majorité des femmes et des enfants – qui ont été for-
cés de fuir la guerre, les violences ou les catastrophes naturelles, sont ex-
trêmement vulnérables et leur survie dépend souvent de la protection et
de l’assistance internationale61.

Démunis et vulnérables, soumis aux affres de la faim, ces derniers se mettent


en quête d’un minimum de mieux-être et de sécurité. Cela les met à la merci
des exploitants de la misère humaine qui profitent économiquement de leur
vulnérabilité à travers des réseaux de prostitution, de trafic d’êtres humains
ou d’organes humains. L’une des activités les plus lucratives dans ce contexte
est celle à laquelle se livrent les passeurs qui font miroiter aux réfugiés une
vie meilleure en Occident, mais conduisent la majorité d’entre eux à une mort
certaine en mer méditerranée62.
Cette économie parallèle de la misère n’est pas l’apanage des conflits ar-
més. Les dégâts humanitaires du terrorisme produisent aussi leurs réseaux
d’exploitation économique de la détresse humaine, mais pas avec la même
ampleur. En effet, en dehors des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis
d’Amérique qui ont fait environ trois milles (3 000) morts, les attentats terror-
istes font largement moins de morts comparativement aux conflits armés. Ici,
ce sont plutôt les dégâts psychologiques qui sont les plus importants. Il y a
l’endoctrinement d’une partie des populations, notamment les jeunes qui sont
enrôlés dans les groupes terroristes pour commettre des attentats suicides.
Mais il y a surtout le traumatisme que subissent les membres des familles des
victimes tuées ou enlevées et la terreur répandue au sein de la population. Il
convient de citer a titre illustratif les attentats devenus actuellement répétitifs
en Libye, au Mali et au Nigeria avec leurs lots d’enlèvement dont le plus spec-
taculaire fut l’enlèvement de deux cents soixante seize (276) jeunes filles lycée-
nnes de Chibok par Boko Haram au Nigeria le 14 avril 201463. Ces enlèvements
permettent aux groupes terroristes de tirer des gains financiers importants

61 Document disponible sur le site du Département fédéral des affaires étrangères suisse
(http://www.eda.admin.ch/eda/fr/home/topics/human/hum/refco.html), consulté en
septembre 2011.
62 Il y aurait environ 2 millions de personnes qui essaient chaque année d’entrer illégale-
ment sur le territoire de l’Union européenne, dont 2000 périssent en Méditerranée et au-
tant dans l’Atlantique. Cf., Ziegler J., « Les réfugiés de la faim », Le Monde diplomatique,
mars 2008, p. 14.
63 Selon Amnesty International, depuis début 2014 à avril 2015, au moins 2000 femmes et
jeunes filles ont été enlevées par Boko Haram dont certaines sont soumises à l’escla-
vage sexuel, et d’autres contraintes au combat. Voir en ligne (http://www.amnesty.fr/
Nos-campagnes).

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290 Aïvo

à travers les rançons demandés aux familles ou à l’Etat64. Dans ce contexte,


la peur de se faire tuer ou d’être enlevé, fait que les populations des régions
particulièrement touchées se terrent chez elles. Ce qui ne favorise pas leur
épanouissement personnel65 car cette insécurité les empêche d’avoir accès au
soin, à l’éducation, à la nourriture et à l’eau ; bref, de jouir du minimum vital.
Cette situation est attentatoire aux droits fondamentaux, à la dignité et
au développement humain des victimes des conflits armés et du terrorisme
car elle entraine leur paupérisation. Or, l’augmentation de la pauvreté est un
terreau propice à la multiplication des candidats au Jihad et à l’enrôlement
des jeunes dans les hostilités armées66. La pauvreté facilite l’enrôlement des
enfants-soldats dans les groupes armés et l’endoctrinement religieux et poli-
tique aussi bien des enfants que des adultes. Cette situation crée finalement
un cercle vicieux où la pauvreté favorise le terrorisme et la guerre, puis ces
derniers accentuent l’insécurité et la misère entravant ainsi le développement
humain des populations victimes.

Conclusion

Au regard de l’analyse qui précède, il ressort que depuis les indépendances,


la majorité des pays africains sont confrontés à une instabilité et une insécu-
rité qui affectent leur développement socio-économique. Cette situation qui
était principalement due à la multiplication des conflits armés, notamment
les guerres civiles, s’est aggravée par l’essaimage des réseaux terroristes sur le
continent à partir de la fin de la guerre froide. La multiplication des conflits
armés et l’accroissement du terrorisme en Afrique ont un impact négatif sur
l’économie africaine à travers les dégâts matériels couteux et les entraves aux
investissements étrangers. Ils engendrent également des traumatismes et fa-
vorisent la pauvreté qui sont préjudiciables au développement économique,
sociale et humain des populations victimes.

64 Selon le journal Le Parisien, Boko Haram aurait reçu 2,4 millions d’euros en 2013 pour la
libération de 7 otages français (la famille Moulin-Fournier). Voir en ligne (http://www
.leparisien.fr/).
65 Cf., Assemblée générale de l’ONU, « Les conséquences des conflits armés sur l’épanouis-
sement des enfants doit être au cœur des préoccupations nationales », Communiqué de
Presse, 9 mai 2002 (http://www.un.org/press/fr/2002/AG1287.doc.htm), consulté en août
2015.
66 Vicky A., « Aux origines de la secte Boko Haram : groupe religieux marginal dopé par la
misère, Boko Haram sème le chaos au Nigeria », Le Monde Diplomatique, avril 2012 (http://
www.monde-diplomatique.fr/2012/04/VICKY/47604), consulté en juillet 2015.

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Impact des conflits armés et du terrorisme sur l’afrique 291

Les pays africains et les organisations régionales africaines, qui ont finale-
ment compris la nécessité de coordonner leurs efforts dans la lutte contre le
terrorisme et autres facteurs conflictogènes, doivent renforcer leur coopération
à travers une solidarité plus accrue pour éradiquer la pauvreté et la mal gouver-
nance qui en sont des terreaux fertiles. Les moyens économiques, techniques,
logistiques et humains adéquats sont également nécessaires pour le maintien
de la paix car l’Afrique ne peut exploiter tout son potentiel économique et
peser dans les relations internationales qu’après avoir rempli les deux condi-
tions primaires du développement que sont la paix et la sécurité. Dans cette
optique, la volonté politique affichée récemment par les gouvernements du
Nigeria, du Tchad, du Cameroun, du Niger, du Bénin et d’autres pays africains
de mettre en commun leurs moyens et de définir des stratégies communes
pour bouter le groupe terroriste Boko Haram67 hors du continent relève du
pragmatisme et du bon sens.

67 Le groupe terroriste Boko Haram s’est récemment rebaptisé « Organisation Etat Isla-
mique en Afrique », faisant ainsi allégeance au Mouvement terroriste international « Etat
islamique en Irak et au Levant (eiil) » très actif actuellement en Irak et en Syrie.

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