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La légitimité des opérations et interventions humanitaires

Technical Report · May 2020


DOI: 10.13140/RG.2.2.35244.49285

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Mariana Caye Velho


Sciences Po Grenoble
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La légitimité des opérations et
interventions humanitaires
Le rôle de la communauté internationale dans le
maintien de la paix dans une perspective libérale
Mariana Caye Velho


INTRODUCTION
Le maintien de la paix et de la sécurité est au centre des relations internationales.
Conceptuellement, la paix et la sécurité ne peuvent plus être considérées
exclusivement en termes de relations entre les États, car ce qui caractérise notre
époque est le rôle des conflits internes. Ces conflits internes se caractérisent par leur
durée, leur complexité et leur propension à se transformer en crises humanitaires. En
raison de la nouvelle situation de conflit, l’intervention internationale se produit
actuellement dans un environnement impliquant d’importantes forces civiles et
militaires ayant pour tâche d’imposer la paix et l’action humanitaire.
Avec la fin de la guerre froide, il y a eu un changement notable dans la
diplomatie interventionniste, qui s'est éloignée de l'interventionnisme purement
géopolitique pour se diriger vers le soutien des demandes humanitaires visant à
alléger la souffrance humaine. D'un point de vue purement normatif de la loi et de la
morale, ce changement de pratique interventionniste est un développement bienvenu.
(FALK, 1995)

DEFINITION
Il est difficile de trouver une définition reconnue unanimement de
l'"intervention humanitaire". L’intervention humanitaire peut être définie comme
l’utilisation de la force par un groupe d’États pour prévenir ou mettre fin à des
violations graves et systématiques des droits fondamentaux par un gouvernement
contre sa population. (MAC ALLISTER, 2009)
Pour le Comité International de la Croix-Rouge, il est contradictoire de parler

d’intervention humanitaire, c’est plutôt « une intervention armée, incluant souvent un


ordre du jour politique ». L’Amnistie Internationale définit l’intervention humanitaire
comme « une intervention militaire extérieure visant à mettre fin à une crise
humanitaire ou relative aux droits humains ».

ARGUMENT MORALE
Au centre de cet argument se trouve l'opinion selon laquelle le bien-être
humain n'est pas défini par des lieux géographiques ou culturels, que les frontières
nationales, ethniques ou de genre ne devraient pas déterminer les limites des droits ou
des responsabilités pour la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Ainsi,
pour certains, l’être humain a des obligations morales résultant de son humanité
commune. (MAC ALLISTER, 2008)
En guise de condition à une intervention humanitaire moralement légitime, la
majorité des partisans de l'intervention humanitaire considèrent qu'un gouvernement
qui commet des atrocités contre des personnes - génocide ou crimes contre l'humanité
-, des situations d'anarchie, de tyrannie et d'effondrement de l'ordre sont des
conditions moralement suffisantes pour déclencher un acte d'intervention humanitaire
afin de prévenir ou de mettre fin à une violation massive des droits individuels
perpétrée contre des personnes innocentes.
Fernando Tesón accorde à Kant que les citoyens d’un État dirigé par un tyran
ont la responsabilité d’aider à mettre fin à leur situation. L’optique du traité de paix
perpétuelle de Kant, pour qui paix et liberté s’impliquaient mutuellement, de telle
sorte que le meilleur espoir pour la paix dans notre monde dépendrait de l’expansion
de la liberté partout à travers le monde, c’est-à-dire de l’instauration de régimes libres
et démocratiques et du renversement des régimes autoritaires. L'intervention
humanitaire, est un outil permettant de déplacer le degré de liberté politique dans le
prolongement de la coercition politique vers l'absence extrême d'ordre ou vers la
suppression gouvernementale de la liberté individuelle. (TESÓN, 2005)

ARGUMENT THEORIQUE
Les interventions sont quelquefois requises pour garantir un niveau minimal
d'autonomie et de dignité individuelle aux personnes vivant dans les pays touchés
dans une condition où les droits fondamentaux ne sont pas respectés. Si les objectifs

2
des parties concernées sont bons, c'est-à-dire si l'intervention armée est entreprise au
nom de la juste cause et non pour satisfaire d'autres motifs masqués, si l'intervention
humanitaire est utilisée en dernier recours et proportionnellement à la situation traitée,
alors ce n'est pas la guerre elle-même qui est pertinente, mais ces résultats. Les
raisons invoquées pour justifier la guerre sont les clés qui permettent de déterminer la
justesse d'une guerre.
La compréhension large de ce que doivent être les droits protégés par
l’éventualité d’une intervention conduit ces interprètes à considérer, par exemple, que
le droit de participer à des élections libres ou celui d’être libéré d’une tyrannie
constitue, au même titre qu’un génocide, un motif légitime d’intervention. F.R. Tesón
appelle « humanitaire » toute intervention visant à provoquer la chute d’un tyran, à
condition que le but soit de remplacer le régime honni par un régime démocratique.
Le renversement de Kadhafi était donc l’une des « mesures nécessaires » autorisées
par la résolution du Conseil de sécurité. Ce n’était pas une fin en soi – c’est en cela
qu’il ne s’agissait pas d’une intervention pro-démocratique – mais un
moyen. (VILMER, 2012)

ARGUMENT POLITIQUE
Souvent, les critiques de l’intervention humanitaire utilisent l’argument de
l’instabilité comme pretexte contre la pratique internationale vers les pays qui font
face à un enjeu interne, quoi qu'il en soit. Néanmoins, lorsque les tensions internes
d'un État sont représentées comme menaçantes aux niveaux régional ou international,
alors l'intérêt des États, dans une optique de stabilité, peut être d'intervenir pour
contenir la menace. Les guerres dans l’est du Congo, en Somalie, au Soudan, au
Tchad et en République centrafricaine menacent la stabilité de l’ensemble de
l’Afrique centrale et orientale, sans compter la vie de dizaines de millions de
personnes. L’effondrement de certains États ouvre la porte à l’installation sur leur
territoire de groupes armés ou terroristes dont les actions peuvent entraîner de graves
conséquences. (COULON, 2008)
Coups d’État, élections, révoltes ont plongé l’Haiti dans le chaos et provoqué
l’exode de dizaines de milliers de personnes sans ressources. L’ONU a autorisé entre
1990 et 2001 sept interventions humanitaires en différentes étapes de la crise

haïtienne afin de soutenir politiquement et économiquement la transition vers un


régime plus stable.
L’intervention au Kosovo a donné lieu à une vaste prise en charge de ce
territoire par l’ONU, l’OTAN, l’UE et l’OSCE. Là, une catastrophe humanitaire a été
évitée et, comme en Bosnie, les organisations internationales ont entrepris de
reconstruire le territoire et de soutenir un processus politique qui a mené à
l’indépendance en février 2008. (COULON, 2008)

ARGUMENT JURIDIQUE
L'intervention humanitaire repose sur l'idée que les États ont le « droit
d'ingérence » ou même la « responsabilité de protéger » comme un outil juridique
pour mettre en place leur rôle d'intervenant dans un État pour aider à protéger une
population souffrant de graves et massives violations du droit international et des
droits fondamentaux touchant des individus. Il est une action collective entreprise par
l'entremise du Conseil de sécurité et conformément au Chapitre VII Paragraphe 139
de la Charte: « il incombe à la communauté internationale dans le cadre de
l’organisation des nations unies de mettre en oeuvre les moyens diplomatiques,
humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés afin d’aider à protéger les
populations civiles du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des
crimes contre l’humanité […] lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadéquats et
que les autorités nationales n’assurent manifestement pas la protection de leur
population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les
crimes contre l’humanité »
La responsabilité de protéger soutient que les États ne sont pas entièrement
libres d’agir à l’intérieur de leur territoire ; ils sont contraints par le droit international
puisque tout État a l'obligation de protéger sa population du génocide, des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité. La souveraineté des États est ainsi redéfinie
par la « souveraineté responsable ».
L’utilisation de la force dans le but de « maintenir la paix et la sécurité
internationales » est la prérogative du Conseil de Sécurité des Nations Unies et doit
recevoir son assentiment pour être légale. L’intervention armée peut être justifiée
lorsqu’il existe une cause juste, qu’il soit basée sur la bonne intention, qu’il
correspond au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif de protection humaine

4
défini et autorisée par le Conseil de Sécurité. L’intervention ne peut être justifiée que
si elle a des chances raisonnables de faire cesser ou d’éviter les souffrances qui l’ont
motivée. Par conséquence, Vilmer affirme que jamais le but humanitaire n’est
prioritaire dans les opérations d’intervention humanitaire.

ARGUMENT SCIENTIFIQUE
De nouvelles études soulignent que l’intervention internationale, en particulier
les opérations de paix de l’ONU aux visées multidimensionnelles, produit des
résultats positifs mesurables et quantifiables. Ainsi, deux études de la Rand
Corporation ont comparé le rôle des États-Unis dans la reconstruction des États
depuis 1945 et celui de l’ONU depuis 1960 lors de ses opérations de paix ou de
consolidation de la paix : Les conclusions sont limpides : « sur les huit situations
gérées par l’ONU, sept sont pacifiées. Sur les huit situations gérées par les États-Unis,
quatre sont pacifiées. » (DOBBINS, 2005)
Une recherche du Human Security Centre de Vancouver sur la décroissance
des situations de violence et de non-respect des droits de l'homme dans le monde au
cours des 15 années précédentes illustre le rôle bénéfique des interventions
internationales de l'ONU. De son côté, l'OCDE a pris un ensemble de principes pour
encadrer l'engagement dans les États vulnérables, en appelant la communauté
internationale à rester "au moins dix ans" en activité pour renforcer les institutions
majeures.

CONCLUSION
Le constat de ces interventions conduit à un ensemble de constats. La
principale chance d'éviter des troubles profonds est généralement la prise en charge
par les États d'un rôle préventif rigoureux. Ce mécanisme peut se traduire par une
présence symbolique, une assistance économique importante et des services
diplomatiques intermédiaires constructifs aux États en difficulté. Une fois que les
résultats du conflit sont dans le point mort ou que les antagonistes ont perdu toute
crédibilité vis-à-vis de la situation de lutte armée, l'action diplomatique extérieure et
les forces militaires peuvent contribuer à encourager et à appliquer un processus de
paix. (FALK, 1995).

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