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La « guerre contre le terrorisme » ou « contre la terreur » désigne le concept


géopolitique développé par l’administration américaine au lendemain des
attentats du 11 septembre 2001 pour établir et organiser la solidarité
internationale face au péril constitué par la montée du terrorisme islamiste 1.
Cette solidarité s’est exprimée au sein de l’OTAN dès le lendemain du 11
septembre, faisant jouer la clause de solidarité de l’article 5 du traité de
Washington, en considérant que les attentats constituaient une attaque
contre les dix-neuf pays de l’Alliance. Le 28 septembre, le Conseil de sécurité
des Nations-Unies votait la résolution 1 373, appelant les États à une
coopération accrue dans la prévention et la répression du terrorisme
international et à la mise en œuvre de mesures supplémentaires pour
prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, la
préparation et le financement de tout acte terroriste.

2L’action internationale, où les États-Unis jouent un rôle moteur, peut


prendre une forme directe visant au démantèlement des organisations
terroristes, impliquant, le cas échéant, des actions militaires sur le territoire
d’États relevant de « l’axe du Mal », selon l’expression utilisée par G. W. Bush
lors du discours sur l’état de l’Union de 2002 pour désigner les pays
soutenant le terrorisme international. Elle prend également une forme
indirecte, par les pressions exercées sur les États pour qu’ils se conforment
aux nouveaux dispositifs internationaux de lutte contre le terrorisme, et par
une coopération active dans les domaines du renseignement, de la police, de
la justice et de la défense. Cette coopération comporte un volet d’aides
financières et techniques visant à renforcer la capacité des États à lutter
contre le terrorisme sur leur propre territoire et à mener des actions
concertées face à un ennemi commun s’organisant en des réseaux
transnationaux. Enfin, la réflexion s’étend à la question des conditionnalités
politiques de l’éradication du terrorisme dans le monde arabe et musulman,
aboutissant sous l’influence des courants néo-conservateurs à l’initiative
américaine pour le « Grand Moyen-Orient » (GMO), et renforçant la
dimension paradoxale de l’action internationale contre le terrorisme au regard
des valeurs de la démocratie et des droits de l’Homme.

3Pour plusieurs raisons, les États du Maghreb central considérés ici,


constituent une pièce importante – et agissante – de ce dispositif
international de lutte contre le terrorisme. En témoignent le regain d’intérêt
des États-Unis pour la région, amorcé en 1998 en matière économique par
l’initiative Eizenstat (devenue depuis le partenariat économique des États-
Unis avec l’Afrique du Nord), et le renforcement du volet sécuritaire du
partenariat euro-méditerranéen. Algérie, Maroc et Tunisie sont d’abord
directement ciblés, sur leur territoire, par le terrorisme islamiste, avant et
après le 11 septembre 2001, marque d’un danger de l’intérieur, queue de la
comète de l’islamisme radical des années 1980 et 1990, mais dont les
acteurs s’inscrivent dans des réseaux internationaux. Ensuite deux autres
vecteurs d’implication des États de la région dans la guerre contre le
terrorisme doivent être pris en considération. Le territoire, notamment les
zones sahariennes et ses frontières maritimes où le contrôle étatique est un
exercice malaisé, est susceptible de servir de base arrière pour la préparation
et le soutien logistique d’actions terroristes dans le monde occidental et dans
les autres pays de la région. La nationalité ou l’origine d’un État du Maghreb
de certains auteurs d’attentats ou membres de réseaux islamistes, ont pu
susciter des collaborations internationales.

 2 Ainsi la loi tunisienne du 10/9/2003 est « relative au soutien des efforts internationaux de
lutte (...)

4Outre la prise en considération de ces données objectives sur le caractère


tangible de la menace terroriste pour la région et sur sa nécessaire
implication dans la lutte menée par la « communauté internationale » contre
le terrorisme, les gouvernants maghrébins se sont engagés résolument, pour
ne pas dire engouffrés, dans ces partenariats sécuritaires en raison des
opportunités de consolidation qu’ils présentaient pour les pouvoirs en place.
Alors même que la scène politique maghrébine connaissait des évolutions
spectaculaires, dans le sens de l’ouverture politique, particulièrement au
Maroc et en Algérie, mais qui fragilisaient simultanément le pouvoir, la
« transition démocratique » coïncidant avec un délicat processus de
succession politique (les militaires-Bouteflika, Hassan II-Mohamed VI, et la
perspective de la succession en Tunisie en raison des dispositions
constitutionnelles relatives à la durée des mandats présidentiels), les
gouvernants ont pleinement tiré parti des effets d’aubaine de la guerre contre
le terrorisme déclenchée par Georges Bush au lendemain du 11 septembre
2001. Dans le cadre des traités internationaux de lutte contre le terrorisme et
des résolutions adoptées par l’ONU, les trois États ont pu instaurer des
législations qui restreignent sévèrement les libertés publiques et mettent en
cause l’exercice des droits fondamentaux, sous couvert de leur « soutien aux
efforts internationaux de lutte contre le terrorisme »2. Les modalités
d’application de ces nouveaux textes confirment un coup d’arrêt sinon un
recul du processus démocratique qui, il est vrai, n’est pas spécifique à la
région. Ce processus était redevable d’une double impulsion, interne à
travers les revendications portées par les acteurs de la scène politique
nationale et de la société civile, et externe, véhiculée par la multiplication des
relations de partenariats internationaux accompagnées de conditionnalités
politiques, mettant les États de la région sous tension et les conduisant bon
an mal an à ratifier les dispositifs internationaux de protection des droits de
l’Homme. Or, la guerre contre le terrorisme a eu pour effet d’établir un
décrochage dans les dispositifs internationaux entre ceux qui sont consacrés
à l’éradication du terrorisme et ceux qui visent à promouvoir les droits de
l’homme et les libertés politiques, décrochage qui affaiblit les seconds au
profit des premiers. La réactivation de ce second levier externe du processus
démocratique passe nécessairement par une mise en cohérence du droit
international dont les États de la région sont également des acteurs.
Les nouveaux dispositifs nationaux de lutte anti-
terroriste et leurs usages
 3 Interview du président Ben Ali au Figaro, 2/8/1994.

5L’effet d’aubaine a d’abord une dimension rétrospective. Les attentats du 11


septembre 2001 et l’engagement consécutif de la communauté internationale
dans la lutte contre le terrorisme confortent les États du Maghreb dans leurs
combats passés contre les « mouvements intégristes », alors même que
« l’intégrisme enfante le terrorisme »3. Ce point a été particulièrement
souligné par les présidents Ben Ali et Bouteflika, dans les jours qui ont suivi
les attentats. Par ailleurs, les représentants des États maghrébins dans les
enceintes internationales ne manquent pas de rappeler le peu de soutien de
la communauté internationale dans les épreuves que la région a connues
dans la précédente décennie :

 4 Rapport présenté par l’Algérie au Comité contre le terrorisme en application du paragraphe


6 de la (...)

« Ayant longtemps souffert des ravages du terrorisme, souvent dans l’indifférence,


parfois avec la complaisance de certains secteurs de la communauté internationale
l’Algérie espère une reconnaissance et un soutien à ses propres efforts pour lutter
contre un fléau transnational qui la vise directement 4. »

 5 « Nous tenons à rappeler l’appel que nous avions lancé, dès le début des années 1990, en
faveur de (...)

6Dans le même sens, le président Ben Ali insiste régulièrement à travers ses
déclarations publiques sur la continuité de son action sur ce sujet, indiquant
qu’il avait, dès le début des années 1990, appelé à l’établissement d’un code
de conduite international contre le terrorisme 5. Les positions marocaines
paraissaient plus nuancées, en raison du contrôle (supposé) de la monarchie
sur le champ religieux, et de l’intégration des islamistes dans le champ
politique institutionnel.

De nouveaux dispositifs adoptés sur le registre


unanimiste
 6 Sihem Bensedrine, « Vote de la loi antiterroriste et contre le blanchiment de l’argent en
Tunisie. (...)

7Si le contexte international donnait des coudées franches aux gouvernants


pour renforcer leurs législations anti-terroristes, la survenance d’attentats sur
le territoire national (attribués dans les deux cas à la mouvance d’Al-Qaïda)
a, au Maroc et en Tunisie, accéléré le mouvement, en permettant l’adoption
de nouveaux textes sur le registre unanimiste. Quelques mois après l’attentat
contre la synagogue de Djerba, du 11 avril 2002, qui fera dix-neuf morts dont
onze touristes allemands, le gouvernement tunisien prépare un projet de loi
de lutte contre le terrorisme et le blanchiment de l’argent qui sera transmis
au Conseil constitutionnel le 4 juin 2003, puis soumis à l’examen du
Parlement durant l’été, et promulgué par le président Ben Ali le 10 décembre
2003. Le texte est adopté par la chambre des députés à la quasi-unanimité,
les partis d’opposition ralliant la majorité parlementaire, et parmi ceux-ci le
parti Attajdid, ancien parti communiste tunisien, qui prétendait pourtant
s’engager dans une véritable posture oppositionnelle. Seul fait exception
Mokhtar Jallali, avocat et député de l’UDU, qui dénonce notamment le
caractère vague de la rédaction du texte sur la définition du terrorisme (et ne
sera pas réélu aux échéances électorales suivantes) 6. C’est également dans
ce contexte qu’intervient la réforme de la constitution approuvée par
référendum (26 mai 2002) permettant au président Ben Ali de se représenter
aux élections présidentielles et de briguer un quatrième mandat, qu’est
supprimé le ministère des droits de l’Homme, dont l’administration est
rattachée au ministère de la Justice (septembre 2002), et que le chef de
l’État procède à de nouvelles nominations au ministère de l’Intérieur.

 7 Voir le rapport du Maroc au Comité antiterroriste du Conseil de sécurité des Nations-Unies


du 27/1 (...)

 8 Voir l’interview d’Abdelhamid Amine, président du réseau national d’opposition à la loi anti-
terro (...)

 9 Sur la procédure, Brahim Mokhliss, « Législation. La loi anti-terroriste est désormais


applicable (...)

 10 Jean-Claude Santucci, « Le pouvoir à l’épreuve du choc terroriste : entre dérives


autoritaires et (...)

8Au Maroc, les attentats de Casablanca du 16 mai 2003, qui ont causé la
mort de quarante-cinq personnes, vont changer la donne politique,
permettant au gouvernement de faire passer un projet de loi dont l’issue
parlementaire paraissait bien compromise. Alors que dans un premier temps,
les pouvoirs publics marocains n’avaient pas jugé bon de modifier la
législation nationale dans le cadre de la résolution 1 373, considérant que le
dispositif en place, avec une répression pénale particulièrement rigoureuse,
était suffisamment efficace7, la découverte en juin 2002 (avec l’aide des
États-Unis) d’un réseau terroriste composé en partie de Marocains projetant
des attentats contre les navires de l’OTAN circulant dans le détroit de
Gibraltar, et au Maroc même dans des centres urbains et des lieux
touristiques, a contribué à modifier la position des autorités marocaines. Un
projet de loi de lutte contre le terrorisme était adopté en conseil des
ministres le 23 janvier 2003 et déposé sur le bureau des assemblées.
D’emblée, ce projet a suscité une vive opposition des organisations des droits
de l’Homme qui se sont regroupées dans un réseau national contre le projet
de loi anti-terroriste8. Il en va de même au sein du Parlement, où le Parti de
la justice et du développement (PJD) à orientation islamiste, pourtant dans la
mouvance de la majorité parlementaire, conduit l’opposition au projet et se
retire des débats en commission, rejoint par la Gauche socialiste unifiée
(GSU). Dans ce contexte peu favorable, le projet est retiré le 21 avril 2003.
Mais il est à nouveau présenté en urgence au lendemain des attentats de
Casablanca, avec quelques amendements. Le ministre de la Justice,
Mohamed Bouzoubaâ, justifie l’urgence en estimant que la publication de ce
projet de loi dans un bref délai est la meilleure réponse aux attentats
terroristes commis le 16 mai. Selon le ministre, « l’élaboration de ce projet
de loi par le gouvernement a pour but de protéger notre pays contre les
crimes terroristes qui constituent une menace pour la sécurité du monde
entier », et elle s’inscrit dans le cadre de la légalité internationale et des
conventions relatives au terrorisme ratifiées par le Maroc 9. La loi marque la
fin d’une époque : « la fin de l’ère du laxisme, face à ceux qui exploitent la
démocratie pour porter atteinte à l’autorité de l’État et à ceux dont les idées
représentent le terreau pour semer les épines de l’ostracisme » (Mohamed
VI, discours du 29 mai 2003) ; la fin de « l’illusion d’un Maroc pouvant se
prévaloir d’un certain exceptionnalisme dans la gestion pacifique des enjeux
de société et d’une certaine immunité contre les dangers de la contagion
islamiste10. »

9Comme en Tunisie, le registre unanimiste fonctionne parfaitement. Le PJD


affaibli et menacé – à quoi servent des partis islamistes s’ils ne sont pas un
contre-feu efficace au terrorisme ? – fait volte-face (comme il le fera
également après l’arbitrage royal sur la réforme de la moudawwana jusque là
paralysée par les discordes à l’intérieur de la majorité parlementaire) et le
texte est adopté à l’unanimité par la Chambre des représentants le 21 mai,
puis le 27 mai par la Chambre des conseillers, où seule la Confédération
démocratique du travail (CDT) s’abstient. En conséquence, à l’instar de la
Tunisie, les organisations des droits de l’Homme se trouvent désormais
isolées dans leur combat contre ce texte, sans relais dans le champ politique
institutionnel.

 11 Luis Martinez, « La guerre civile en Algérie », Paris, Karthala, coll. Recherches


internationales, (...)

10Le cas de l’Algérie est un peu différent. La situation de « guerre


civile »11 qui a prévalu durant les années 1990, « années de plomb », a
conduit les autorités algériennes à concevoir de manière précoce, un
dispositif exhaustif de lutte contre le terrorisme :

 12 Rapport national sur la mise en œuvre de la résolution 1 373 (2001) du Conseil de


sécurité. Répons (...)

« L’Algérie est l’un des rares pays à avoir mis en place, dès l’apparition du
phénomène terroriste, un dispositif juridique étoffé en vue de le prévenir et de le
combattre. Le cadre législatif et réglementaire a été progressivement amélioré et
adapté pour mieux prendre en charge l’évolution des activités terroristes et leur
nature transnationale. L’arsenal juridique existant couvre l’ensemble des activités
liées au terrorisme et répond aux besoins de la coopération internationale 12. »

11L’Algérie aurait en quelque sorte anticipé le processus international,


connaissant dix ans à l’avance une situation que l’ambassadrice des États-
Unis à Alger n’hésitera pas à assimiler à celle à laquelle l’administration
américaine est confrontée depuis le 11 septembre 2001 :
 13 Entretien exclusif avec Mme Janet Sanderson, ambassadrice des États-Unis à Alger, La
Tribune, 18/6 (...)

« Vous avez malheureusement plus d’expérience en ce qui concerne le terrorisme. Il


est difficile de trouver un Algérien qui n’ait pas été touché par le terrorisme. Aux
États-Unis, les évènements du 11 septembre étaient un choc et je ne veux pas sous-
estimer l’impact de ces évènements chez nous et chez vous. Vous avez perdu
tellement de gens en une décennie. Il est dommage que nous et les autres pays
soyons entrés dans cette lutte, dans ce conflit, plus tardivement 13. »

12Exemplarité algérienne, donc, qui justifiera un partenariat privilégié avec


les États-Unis (cf. infra). Dès 1992, le Haut Comité d’État mis en place à la
suite de l’interruption du processus électoral, établit – dans une période où
les institutions issues de la représentation nationale sont suspendues – une
législation anti-terroriste particulièrement rigoureuse (décret législatif 92-03
du 30 septembre 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme)
dont les dispositions seront largement reprises et complétées par les
ordonnances 95-10 et 95-11 du 25 février 1995, portant réforme du Code
pénal et du Code de procédure pénale. Si bien que les nouvelles législations
marocaine et tunisienne ont pu apparaître comme un alignement sur le
dispositif algérien, avec lequel elles présentent de fortes similarités. Le
législateur algérien n’est cependant pas resté inactif après le 11 septembre
complétant le cadre législatif de la lutte contre le terrorisme par une loi 05-01
du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment
de l’argent et le financement du terrorisme, ce texte venant dans le
prolongement de la Convention internationale pour la répression du
financement du terrorisme ratifiée par l’Algérie le 23 décembre 2000, ainsi
que de la résolution 1 373 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Des législations ambiguës, porteuses de périls pour les


droits de l’Homme et les libertés publiques
 14 Intervention de la FIDH à la 36e CADHP : lutte anti-terroriste et droits de
l’Homme, www.fidh.org.

13La principale ambiguïté concerne le champ d’application des dispositifs


antiterroristes. La définition du terrorisme dans les législations des trois pays
est extrêmement large, « faisant craindre une criminalisation d’activités
relevant de l’action politique ou associative contestataire »14. Ainsi le
législateur tunisien avait dès 1993 ajouté un article 52 bis au code pénal,
qualifiant d’acte de terrorisme « toute infraction en relation avec une
entreprise individuelle ou collective ayant pour but de porter atteinte aux
personnes et aux biens, par l’intimidation ou la terreur » ainsi que les « actes
d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels que soient les
moyens utilisés ». La rédaction peu limpide de l’article 4 de la loi du 10
décembre 2004 n’est guère plus rassurante :

« Est qualifiée de terroriste, toute infraction quels qu’en soient les mobiles, en
relation avec une entreprise individuelle ou collective susceptible de terroriser une
personne ou un groupe de personnes, de semer la terreur parmi la population, dans
le dessein d’influencer la politique de l’État, […] de troubler l’ordre public, la paix ou
la sécurité internationale, de porter atteinte aux personnes et aux biens, de causer
des dommages aux édifices abritant des missions diplomatiques, consulaires ou des
organisations internationales, de causer un préjudice grave à l’environnement, […]
ou de porter préjudice aux ressources vitales, aux infrastructures, aux moyens de
transport et de communication, aux systèmes informatiques ou aux services
publics. »

 15 Le projet de loi « anti-terroriste » porte un nouveau coup aux droits humains, Note
d’Amnesty Inte (...)

 16 L’atteinte volontaire à la vie des personnes ou à leur intégrité, ou à leurs libertés,


l’enlèvemen (...)

 17 Op. cit. ; voir aussi Driss El Yazami, « Maroc : éviter la tentation autoritaire », La lettre de
l (...)

 18 Ibid., Sur la notion de complicité et ses dérives, Abdelhamid Amine, op. cit.

 19 Document CCPR/C/79/Add.95, 18/8/1998, § 11.

 20 Ainsi, « entraver la circulation ou la liberté de mouvement sur les voies et occuper les
places pu (...)

14L’article 6 reprenant les termes du texte de 1993 soumet au même régime


« les actes d’incitation à la haine ou au fanatisme racial ou religieux quels
qu’en soient les moyens utilisés », disposition dont on peut imaginer sans
difficultés les usages possibles face à la propagande des islamistes radicaux,
mais aussi contre la presse. Ainsi que le souligne Amnesty International, « la
loi ne limite pas la définition de l’acte aux moyens utilisés, et plus
précisément à l’utilisation de moyens violents », et « ne définit pas des
expressions telles que terroriser la population, influencer la politique de
l’État »15. L’exercice de la liberté d’expression pour réclamer un changement
de politique de l’État pourrait, dans ce cadre, être aisément qualifié d’acte
terroriste. Des observations similaires ont été faites relatives à la rédaction
de l’article 218-1 du Code pénal marocain (loi n° 03-03) qui établit une
longue liste d’infractions16 et les qualifient d’actes de terrorisme
« lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise
individuelle ou collective ayant pour but l’atteinte grave à l’ordre public par
l’intimidation, la terreur ou la violence ». Comme le relève Omar
Bendourou17, le droit à manifestation (largement pratiqué au Maroc) devient
d’un usage périlleux, dès lors que des débordements le font entrer dans le
champ d’application de la loi. De même, la répression de l’apologie d’actes
terroristes peut avoir des effets inhibants sur la liberté de la presse, quand
cette dernière entreprend d’analyser les causes du terrorisme 18. Ainsi que le
signalait le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies dans ses
observations finales sur l’Algérie, en 1998 19, la définition du terrorisme et de
la subversion que donne l’ordonnance de 1995 « se prête aux abus ». Selon
l’article 87 bis de l’ordonnance « est considéré comme acte terroriste ou
subversif tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la
stabilité et le fonctionnement normal des institutions » par un ensemble
d’actions dont la liste est très similaire à celle des infractions visées par la loi
marocaine, avec quelques spécificités liées au contexte algérien des années
199020. Ainsi, les trois pays semblent bien relever du constat dressé par la
Commission internationale des juristes :

 21 Federico Andreu-Guzman, « Nouveaux défis et vieux dangers », Terrorisme et droits de


l’Homme, n° 2 (...)

« Plusieurs législations nationales établissent des définitions légales du délit de


terrorisme en termes vagues, nébuleux, et imprécis, ce qui permet de criminaliser
des actes légitimes et/ou licites au regard du droit international, ainsi que des formes
légitimes d’exercice des libertés fondamentales, d’opposition politique et/ou sociale
pacifique. Ce type d’incriminations porte atteinte au principe de légalité en matière
de crimes et de délits, nullum crimen sine lege (qui) prescrit que les définitions
légales des infractions pénales doivent être strictes et dépourvues de toute
équivoque et ambiguïté21. »

15Dans la démarche des autorités judiciaires, la qualification juridique


d’« acte terroriste » peut donc être aisément mobilisée, avec de lourdes
conséquences quant à l’arsenal des peines applicables, à la mise en œuvre
des droits de la défense, à la protection des droits fondamentaux et des
libertés publiques.

 22 Art. 87 bis 1 et 2 du Code pénal (ordonnance 95-11 du 27/2/1995) pour l’Algérie ; art.
218-7 du Co (...)

 23 Art. 87 bis 8 du Code pénal (ordonnance 95-11) Algérie ; art. 7 de la loi du 10/12/2003
(Tunisie).

16Pour la détermination des peines applicables aux actes terroristes, les trois
législations adoptent une démarche similaire : définition d’infractions
spécifiques, comme l’incitation au terrorisme, son apologie, son financement,
la création d’organisation terroriste, l’adhésion et la participation à ces
organisations (sur le territoire national et à l’étranger), l’usage d’armes,
d’explosifs et de munitions, etc. et des (lourdes) peines s’y rapportant ;
l’aggravation des peines pour l’ensemble des crimes et délits commis en
relation avec un acte terroriste (peine de mort quand la peine initialement
prévue est la réclusion perpétuelle, réclusion perpétuelle se substituant à la
réclusion à temps de longue durée, doublement pour d’autres peines) 22 ; le
prononcé de peines à minima pour ces mêmes infractions 23.

 24 Art. 51 du Code de procédure pénale (ordonnance 95-10 du 27/2/1995) pour l’Algérie ;


art. 80-4 du (...)

 25 Amnesty International « déplore cette durée de détention préventive sans réexamen par
une autorité (...)

 26 Ibid. La loi tunisienne (art. 60) ne prévoit aucune garantie relative à la remise d’individus
et à (...)

 27 Art. 40, 48 et 49 de la loi tunisienne.


 28 Art. 22 de la loi tunisienne.

 29 Code de la justice militaire, décret du 10/1/1957, chapitre 1, art. 5 à 8, modifié par la loi
2000 (...)

17La portée des droits de la défense est singulièrement restreinte par la


durée de la garde à vue, qui peut être prolongée jusqu’à douze jours en
Algérie et au Maroc24. La législation tunisienne prévoit que les procureurs de
la République « décident, le cas échéant, de prolonger la garde à vue » (art.
35), sans préciser de manière explicite que les dispositions de l’article 13 du
Code pénal, limitant cette durée à six jours, s’appliquent ici 25. La loi
marocaine dispose également que la communication entre l’avocat et son
client en garde à vue peut être retardée par le ministère public, pour une
durée n’excédant pas six jours. En matière de perquisitions et de visites
domiciliaires, les législations algérienne et marocaine écartent un certain
nombre de garanties traditionnelles ayant trait aux heures légales de
perquisition et à l’accord et à la présence de la personne chez laquelle
l’opération a lieu. Parmi les limitations du droit à la vie privée, on citera
encore les dispositions de la loi marocaine relatives à l’interception des
communications téléphoniques ou des communications effectuées par tout
moyen de communication à distance, sur simple ordre du Procureur général
du Roi, en cas d’extrême urgence (art. 108 du code de procédure pénale).
Sur les atteintes aux garanties procédurales, les organisations de défense des
droits de l’Homme pointent également le choix d’une juridiction unique pour
connaître des infractions terroristes (Tribunal de grande instance de Tunis,
Cour d’appel de Rabat), les modalités de l’extradition 26, les normes
protectrices pour les témoins (anonymat et absence de confrontation) et les
magistrats, officiers de police judiciaire, agents de l’autorité publique,
auxiliaires de justice, (absence du prévenu et des personnes protégées à
l’audience et usage des techniques audiovisuelles) 27, ou l’impossibilité pour
les avocats de se prévaloir du secret professionnel dans leurs relations avec
les prévenus28. Ces garanties sont enfin mises à mal par d’autres voies : le
maintien de l’état d’urgence établi par un décret du 9 février 1992, en
Algérie ; l’usage des tribunaux militaires en Tunisie, compétents pour juger
les civils accusés de crimes contre la sûreté de l’État 29.

18Le financement du terrorisme, associé au blanchiment de l’argent, renvoie


à un autre pan très important des nouvelles législations maghrébines anti-
terroristes, impulsé par la résolution 1 373 et la résolution 1 390 (2002)
adoptée par le Conseil de sécurité le 16 janvier 2002, – complétée depuis par
la résolution 1 617 (2005) – qui dispose que les États doivent :

« […] bloquer sans délai les fonds et autres avoirs financiers ou ressources
économiques (d’Oussama Ben Laden, des membres de l’organisation d’Al-Qaïda, et
des organisations associées) et veiller à ce que (ceux-ci) ne soient rendus
disponibles, directement ou indirectement, pour les fins qu’ils poursuivent, par leurs
citoyens ou par une personne se trouvant sur leur territoire ».

 30 Dont les dispositions sont largement similaires à celles des lois algériennes et tunisiennes.
Voir (...)
19Par ailleurs, les trois États ont ratifié la Convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme, adoptée par l’Assemblée générale
de l’ONU le 9 décembre 1999. La lutte contre le financement du terrorisme et
le blanchiment d’argent fait l’objet de la section II de la loi tunisienne du 10
décembre 2003, d’une loi spécifique en Algérie (loi du 6 février 2005), de
dispositions particulières dans la loi 03-03 au Maroc ainsi que d’un nouveau
projet de loi qui doit être soumis au Parlement lors de la session de
printemps 200630.

 31 Art. 87 bis de l’ordonnance 95-11 du 25/2/1995, et art. 17 et 18 de la loi 05-01 du


6/2/2005 pour (...)

 32 Art. 69 à 72 de la loi du 10/12/2003.

20Outre les lourdes sanctions du financement du terrorisme prévues par les


lois anti-terroristes, les nouvelles législations financières ont pour objet la
mise en place d’un dispositif général de surveillance des mouvements
financiers, permettant d’identifier les flux suspects, soupçonnés d’être liés à
une entreprise terroriste, et l’établissement de mesures de sauvegarde,
faisant obstacle aux opérations incriminées. Ainsi, les trois législations
prévoient-elles des mesures prononcées par les autorités judiciaires, de gel,
de saisie, de confiscation des fonds et avoirs liés aux activités terroristes et
de suspension des opérations suspectes 31. De même, elles établissent, dans
un but préventif, des règles prudentielles s’appliquant aux banques et aux
établissements financiers : vérification de l’identité des clients et des
donneurs d’ordres ; obligation d’utilisation des circuits bancaires et financiers
pour toute opération supérieure à un certain montant, et fixation d’un plafond
pour les versements en espèces ; règles de conservation des documents
relatifs aux opérations et à l’identité des clients. La loi tunisienne énonce
également des règles prudentielles s’appliquant à l’ensemble des personnes
morales : règles d’abstention dans la réception de fonds dont l’origine n’est
pas certaine, ou de subventions et de fonds en espèces dépassant un
montant établi par la loi ; passage par un intermédiaire agréé résident en
Tunisie pour la réception de fonds en provenance de l’étranger ; règles
comptables relatives à la tenue des comptes et à leur conservation, aux
opérations de recettes et de virements en rapport avec l’étranger (copie de
l’inventaire à la Banque centrale de Tunisie). Le ministère des Finances peut
soumettre les personnes morales suspectées à autorisation préalable pour
toute réception de virement en provenance de l’étranger, et demander aux
autorités judiciaires de faire procéder par voie d’ordonnance à un audit
externe de leurs comptes32.

 33 Art. 595-1 du Code de procédure pénale.

 34 Art. 10 de la loi du 6/2/2005 (Algérie).

 35 Art. 82 de la loi tunisienne ; chapitre IV de la loi marocaine.


21Les dispositifs de veille consistent en premier lieu en des obligations, à la
charge des banques et des établissements financiers, d’information des
autorités administratives et judiciaires sur la demande de ces dernières. La loi
marocaine exige de répondre dans un délai de trente jours aux demandes de
renseignements sur des opérations et des mouvements de fonds soupçonnés
d’être liés au financement du terrorisme 33. Mais la principale innovation qui
figure dans les lois algériennes et tunisiennes, ainsi que dans le projet de loi
marocain, consiste à faire des banques, des établissements financiers, et des
membres des professions financières des acteurs directs de l’identification
des opérations suspectes, dans le cadre d’une procédure de « déclaration de
soupçon ». Dès lors qu’une opération est suspecte, « effectuée dans des
conditions de complexité inhabituelle, ou injustifiée, ou sans justifications
économiques, ou à objet illicite »34, les établissements ou les personnes
physiques assujettis sont soumis à une obligation de déclaration à un
organisme financier spécialisé créé à cet effet : Cellule de traitement du
renseignement financier en Algérie, établie de manière anticipée par un
décret exécutif 02-127 du 7 avril 2002 ; Commission des analyses financières
en Tunisie (art. 78 et sv. de la loi du 10 décembre 2003). L’organisme
spécialisé reçoit la déclaration, prend les mesures conservatoires (suspension
de l’opération, gel des fonds) et d’investigation, puis transmet le dossier au
Procureur de la République, quand l’opération est susceptible de constituer
une infraction. Les établissements ne peuvent utilement invoquer le secret
bancaire ou professionnel pour se soustraire à cette obligation. En
contrepartie, ils sont protégés contre toute poursuite de leurs clients pour les
informations transmises « de bonne foi » dans le cadre de cette procédure.
Le non-respect de l’obligation de déclaration de soupçon est sanctionné par
des amendes, une peine d’emprisonnement allant de un à cinq ans (Tunisie).
Une procédure disciplinaire peut être engagée par la commission bancaire
algérienne à l’égard des établissements défaillants dans leurs systèmes
internes de contrôle en matière de déclaration de soupçon. L’une des
attributions des organismes spécialisés créés par les deux lois consiste à
établir les procédures de détection et de déclaration des transactions
suspectes que les assujettis devront mettre en œuvre pour ne pas encourir
les sanctions évoquées ci-dessus. Les deux organismes, composés de
représentants des administrations publiques concernées et d’experts, qui
travaillent en relation étroite avec la Banque centrale, ont au surplus des
fonctions d’études et de recherche, de mise en place de banques de données,
de préparation de la réglementation, et interviennent dans la coopération
internationale en matière de lutte contre le financement du terrorisme 35.

 36 Sur la donne marocaine, et les problèmes spécifiques de l’économie du cannabis et des


flux transfr (...)

 37 Pour une analyse de la configuration économique de la violence en Algérie, et l’intégration


des gr (...)

 38 Abashi Shabamba, op. cit., on trouvera également dans cet article des développements
intéressants (...)
 39 Il faudra attendre le décret exécutif 06-05 du 8/1/2006, relatif à la déclaration de
soupçon, pour (...)

22Même si les deux lois soumettent l’ensemble de la procédure à de strictes


conditions de confidentialité, assorties de sanctions pénales, et prohibent
l’usage des informations obtenues, à d’autres fins que celles prévues par la
loi, ces nouveaux dispositifs signifient un recul du secret bancaire qui n’a pas
manqué de susciter de vives inquiétudes. Dans des pays où l’État contrôle
déjà étroitement le secteur bancaire, et où la lutte politique s’inscrit
volontiers dans le registre de la corruption économique, et ceci d’autant plus
que les circuits financiers sont opaques, des usages dérivés de ces dispositifs
sont envisageables. Ils sont donc susceptibles de fragiliser plus encore la
position des opérateurs politiques et économiques vis-à-vis du pouvoir, qui
lui-même pourrait s’inquiéter de retournements postérieurs de ces usages à
son détriment. Davantage, le poids des secteurs informels dans l’économie
pose le problème de l’applicabilité de réglementations qui, aux standards
internationaux, conduiraient à emprisonner une partie significative de la
population36. D’où la difficulté à construire une législation à portée à la fois
générale (le blanchiment de l’argent) et spécifique (la lutte contre le
terrorisme), même si les deux objets se recoupent plus ou moins 37. On
comprend bien, dans ce contexte, la réaction dubitative des professions
financières devant la perspective de mise en œuvre de procédures, où
l’obligation de résultat n’est pas bien loin d’une obligation de moyens, elle-
même particulièrement difficile à définir 38, et qui sont susceptibles de les
impliquer de manière visible dans les luttes politiques au sommet du pouvoir.
La gestation malaisée du projet de loi marocain et des textes d’application de
la loi algérienne donne des indications sur les résistances à la mise en place
de ce pan financier de la lutte contre le terrorisme 39.

 40 Voir Anouar Kousri, « Une loi pour les non terroristes », Al Maoukif, 16/1/ 2004.

 41 Cf. « L’autre face du terrorisme : l’alliance par les chèques », Al-Hadath, 29/5/2002.

 42 Sur ces points, voir : les rapports annuels pays d’Amnesty International, Tunisie, de 2003
à 2006, (...)

23Le législateur tunisien déclare que « les infractions terroristes ne sont en


aucun cas considérées comme des infractions politiques » (art. 59 de la loi du
10 décembre 2003). L’inverse n’est pas sûr. Les premières indications sur
l’application des nouveaux dispositifs décrits plus haut relatifs au Maroc et à
la Tunisie, semblent confirmer les alarmes des organisations de défense des
droits de l’homme. C’est au titre des dispositions relatives au blanchiment de
l’argent et au financement du terrorisme que les pouvoirs publics tunisiens
ont pu bloquer les subventions accordées par des institutions étrangères au
profit d’ONG indépendantes (Ligue tunisienne de défense des droits de
l’Homme, Institut arabe des droits de l’Homme, Association tunisienne des
femmes démocrates)40. Sur le même registre, la presse populaire en langue
arabe, largement contrôlée par le pouvoir, invoque des liens financiers entre
une partie de l’opposition politique et le mouvement islamiste En-Nahda 41.
Par ailleurs, les organisations de défense des droits de l’Homme ont dénoncé
la multiplication des procès « inéquitables » engagés au titre de la loi anti-
terroriste, concernant une cinquantaine de personnes, notamment un groupe
d’internautes de Zarzis, mais aussi des « groupes » de jeunes de l’Ariana, de
Kelibia, de Bizerte, etc., donnant lieu à de lourdes condamnations. Les effets
de la loi, par l’imprécision de la définition de l’acte terroriste permettant des
qualifications abusives, par la mise en cause des droits de la défense dans
des procédures qui n’offrent plus de garde-fous aux pratiques de la torture
(durée de la garde à vue, protection de l’anonymat des forces de police,
entraves au travail des avocats), sont particulièrement incriminés 42. Selon le
Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT),

 43 Communiqué du CNLT, à l’occasion de la journée de solidarité avec les internautes de


Zarzis, 10/2/ (...)

« […] la question du terrorisme est politiquement instrumentalisée en vue de


légitimer une politique sécuritaire qui cible en priorité les jeunes, et fournir une
matière au rapport périodique sur la lutte anti-terroriste présenté par le
gouvernement tunisien aux instances concernées des Nations-unies 43. »

 44 Voir les documents suivants de la Fédération internationale des ligues des droits de
l’Homme (FIDH (...)

 45 Voir Reporters sans frontières, Maroc. Rapport annuel 2004, www.rsf.org.

24Au Maroc, des observations similaires ont pu être formulées sur la relation
entre la mise en application de la loi du 28 mai 2003 et le déroulement des
procédures judiciaires consécutives aux arrestations massives – deux mille
personnes selon les sources officielles – intervenues à la suite des attentats
de Casablanca44. Mais, par les usages qui ont pu en être fait dans le domaine
de la presse écrite, la législation marocaine a suscité d’autres inquiétudes,
apparaissant comme l’un des instruments – dans un contexte général à la
région de durcissement des codes de la presse – d’un coup d’arrêt au
processus de libéralisation politique. Ainsi, en juin 2003, plusieurs
responsables de la presse marocaine font l’objet de poursuites sur la base de
la loi 03-03 : Mustapha Alaoui, directeur de l’hebdomadaire arabophone Al
Ousboue, poursuivi « pour apologie d’un crime terroriste par voie de
publications exposées à la vente », en raison de la reproduction du texte
d’une organisation inconnue, Assaïqa, qui revendique la préparation de trois
des cinq attentats de Casablanca, et condamné le 11 juillet à un an de prison
avec sursis ; Mohamed El-Hourd, directeur de
l’hebdomadaire Asharq (Oujda), condamné à trois ans de prison ferme, pour
avoir publié un texte d’un islamiste, Zakkaria Boughrara, faisant l’éloge de
« l’action et du mouvement jihadiste au Maroc ». Curieusement deux autres
journalistes, Abdelmajid Ben Tahar, rédacteur en chef d’Asharq, et Mustapha
Kechini, directeur d’un autre hebdomadaire d’Oujda, Al-Hayat Al-Maghrebia,
seront également condamnés pour les mêmes faits, mais sur une autre base
légale, pour « incitation à la violence »45.

25Aussi peut-on tirer un bilan négatif, en termes de démocratie et de droits


de l’Homme au Maghreb, des retombées internationales des attentats du 11
septembre 2001. Ce recul, qui se manifeste dans les droits nationaux et les
pratiques sécuritaires des pouvoirs publics, et par la fragilisation des
oppositions politiques et des organisations nationales des droits humains,
s’inscrit étroitement dans les nouvelles configurations internationales,
caractérisées par une dualisation des dispositifs juridiques et de coopération,
entre le pôle sécuritaire et le pôle des droits humains.

L’inscription de la lutte anti-terroriste dans des


dispositifs internationaux sous tension
 46 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 109-117.

26La résolution 1 373 est une première illustration de ce décrochage des


dispositifs. Elle appelle les États à lutter contre le terrorisme par divers
moyens : ériger en infractions graves dans leur législation les actes de
terrorisme et leur financement ; geler les fonds des organisations terroristes ;
s’abstenir de leur apporter un appui ; prendre des mesures pour prévenir les
actes terroristes ; satisfaire à des obligations en matière d’assistance,
d’entraide judiciaire, administrative et policière, de contrôle des frontières, de
documents d ‘identité et de voyage, d’échange d’informations opérationnelles
et de renseignements ; traduire en justice toute personne qui participe à un
acte terroriste ; refuser de donner l’asile ou le statut de réfugié à ceux qui
financent, appuient, ou commettent des actes de terrorisme. Elle crée un
Comité chargé de la lutte contre le terrorisme (CTC), composé de tous les
membres du Conseil de sécurité, chargé de suivre la mise en œuvre de la
résolution par les États. Ceux-ci doivent soumettre au CTC un rapport sur les
suites données à la résolution. La résolution 1 377 du 12 novembre 2001
charge également le CTC d’examiner les moyens de fournir aux États une
assistance technique, en coopération avec les organisations
intergouvernementales régionales et sous-régionales, pour la mise en œuvre
des obligations de la résolution 1 373. Et la résolution 1 535 (2004) établit
une direction du CTC qui fournit au Comité les avis d’experts dans le cadre de
ses missions, et facilite la fourniture de l’assistance technique aux États. Mais
la résolution 1 373 se caractérise également par des « lacunes »46 : des
références minimales au droit international en matière de droits de l’Homme ;
l’absence de définition juridique du terrorisme, ce qui conduit les États à
s’appuyer sur leurs législations nationales ou des dispositifs régionaux guère
plus favorables (cf. infra) ; l’absence de contrôle du CTC sur la compatibilité
des mesures prises par les États avec les normes et obligations de droit
international, le CTC n’ayant d’ailleurs pas formulé de requête vis-à-vis des
États en cette matière. N’étant pas soumis à des conditionnalités relatives
aux droits de l’Homme, la quasi-totalité des États membres (dont ceux du
Maghreb) ont satisfait à leurs obligations, et produit leurs rapports dans de
très brefs délais.

 47 Rapport du Haut-Commissaire des Nations-Unies, 2002, cité par F. Andreu-Guzman,


p. 109-110.

 48 Sur le déséquilibre dans l’application des dispositifs sécuritaires et des droits de l’Homme,
voir (...)
 49 Federico Andreu Guzman, op. cit., p. 116-117. Sur les évolutions plus récentes, cf.
conclusion.

27Or, les Nations Unies sont mal armées pour répondre au défi que
constitueraient « les graves problèmes en matière de droits de l’Homme
auxquels pourrait donner lieu une mauvaise interprétation de la résolution
1 373 »47, en raison des déficiences des contrôles exercés en application des
différents traités relatifs aux droits de l’Homme. Le contrôle, que ce soit dans
le cadre des comités créés par ces traités ou des procédures spéciales de la
commission des droits de l’Homme, se heurte à de nombreux obstacles.
L’efficacité de ces dispositifs, à la plupart desquels ont adhéré les États du
Maghreb, dont notamment celui du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, est mise en cause par la faiblesse des moyens dédiés au
contrôle, la durée des procédures, l’« immense retard dans la présentation
des rapports », la capacité limitée de traitement des dossiers par les
comités48. De plus, une majorité des États ayant ratifié le Pacte (dont les
États du Maghreb) n’étant pas parties aux protocoles facultatifs, la modalité
de contrôle la plus efficace, par voie de saisine individuelle, est fermée.
Certes, des premières tentatives – timides – ont été entreprises pour
réarrimer au niveau onusien, les droits de l’homme aux questions
sécuritaires49.

28La résolution 1 373 a également été un facteur d’accélération de la


ratification par les États du Maghreb des treize instruments internationaux
relatifs à la lutte contre le terrorisme, alors que la situation est beaucoup
moins satisfaisante pour ceux relatifs aux droits de l’Homme (non-ratification
des protocoles additionnels, ou maintien des réserves). Mais une autre
conséquence du 11 septembre et du désarmement onusien sur les droits de
l’Homme, alarmante selon les organisations des droits humains, a consisté en
l’évolution des dispositifs régionaux de lutte contre le terrorisme, et leur
ratification par les États maghrébins, ce qui n’est pas une bonne nouvelle
pour l’exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux dans la
région.

 50 Inauguré en octobre 2004 par le président Bouteflika, à l’occasion de la tenue de la


deuxième réun (...)

 51 Sur les différentes dimensions de ce leadership, voir Fayçal Oukaci, « Une conférence à
Alger sur (...)

 52 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 149-153 ; voir aussi Commission internationale de


juristes, « (...)

29La convention de l’OUA adoptée en juillet 1999 sur la prévention et la lutte


contre le terrorisme (dite convention d’Alger) est entrée en vigueur le 6
décembre 2002. La conférence africaine sur le terrorisme tenue à Dakar en
octobre 2001 a appelé à la ratification de la convention, qui a été signée par
quarante six pays et ratifiée par trente quatre, dont l’Algérie et la Tunisie,
mais naturellement pas le Maroc. Ce texte a fait l’objet d’un protocole
additionnel adopté à Addis-Abéba le 8 juillet 2004, visant à établir des
mécanismes et des organes de mise en œuvre de la convention. Un Plan
d’action a été adopté lors de la réunion intergouvernementale de haut niveau
de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme (Alger,
septembre 2002). Il prévoit notamment la création d’un Centre africain
d’études et de recherches sur le terrorisme (CAERT), dont le siège est à
Alger50. L’Algérie s’appuie sur l’Union africaine pour faire reconnaître un
leadership régional dans la lutte contre le terrorisme, – leadership qui ne
saurait lui être contesté par le Maroc dans cette enceinte – et se poser en
interlocuteur privilégié des États-Unis et de l’Europe dans les coopérations
internationales51. Mais la convention et son protocole additionnel donnent
lieu à de vives critiques, tant elle paraît menaçante par certaines de ses
dispositions pour la démocratie et les droits de l’Homme. Outre la définition
de l’acte terroriste en des termes particulièrement vagues et flous, elle ouvre
la porte à la criminalisation de l’exercice des libertés fondamentales,
d’oppositions politiques et sociales, remettant en cause l’exercice du droit de
grève. Elle assimile l’insurrection au terrorisme, ce qui élimine la frontière
entre délit politique et acte terroriste. Elle ne comporte pas de clauses de
non-refoulement. Quant au Protocole additionnel, il ne mentionne pas de
dispositions donnant compétence aux organes de l’Union pour assurer la
compatibilité des mesures adoptées par les États avec leurs obligations en
matière de droits de l’Homme52.

 53 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 154-158 ; Amnesty International, « La convention


arabe de lut (...)

 54 Sur une comparaison entre les deux conventions, voir Saïd Irhaï, « Les organismes
régionaux arabo- (...)

 55 Sur les évolutions récentes de la Charte, voir Commission internationale des juristes, « Le
proces (...)

 56 Parmi les instruments de coordination, figure également le Conseil des ministres arabes
de l’intér (...)

 57 À cette occasion, l’OCI crée un Comité chargé de la lutte contre le terrorisme, dont les
attributi (...)

30Des critiques de même nature sont adressées à la convention de


l’Organisation de la conférence islamique (OCI) pour combattre le terrorisme
international (Ouagadougou, 1er juillet 1999) et à la convention arabe de lutte
contre le terrorisme adoptée le 22 avril 1998 au Caire par le Conseil des
ministres de la justice de la Ligue arabe 53, qui présentent de fortes
similarités, mais aussi quelques différences 54, et auxquelles sont parties les
trois États du Maghreb central. Alors que ces conventions ont pu susciter des
réticences initiales, notamment au Maroc pour la convention de la Ligue
arabe, le nouveau contexte issu des attentats du 11 septembre a fait tomber
les préventions. Les conventions ont été ratifiées, alors que par comparaison
la Charte arabe des droits de l’Homme reste en déshérence 55. Elles ont
constitué dans une certaine mesure des textes de référence pour les lois
nationales. Par ces instruments contestés 56, les États de la région
coordonnent leurs politiques sécuritaires et tentent de définir une position
commune vis-à-vis des instances onusiennes et des initiatives occidentales
relatives au monde arabo-musulman. Les principaux points d’accord que l’on
retrouve tant dans la Déclaration et le Plan d’action de Kuala Lumpur sur le
terrorisme international, adopté par l’OCI en avril 2002 57, que dans les
conclusions du sommet arabe de Tunis (Déclaration sur le processus de
réforme et de modernisation, 23 mai 2004), auxquelles font écho les débats
de ratification des conventions dans les parlements maghrébins, ont trait à la
nécessité d’établissement d’un code de conduite international, à la distinction
qui doit être opérée entre terrorisme et droit des peuples – y compris la lutte
armée – à combattre l’occupation (la question palestinienne), au refus de
l’amalgame entre terrorisme et religion ou nation (l’assimilation du terrorisme
à l’Islam et au monde arabe).

31À l’instar des Nations-Unies, les puissances occidentales ont procédé à une
dissociation des registres de leurs actions et de leurs coopérations au
Maghreb et au Moyen-Orient, entre la lutte contre le terrorisme et la
promotion de la démocratie et des droits de l’Homme. Cette disjonction
contribue à affaiblir le second registre.

 58 C’est dans le cadre de cette initiative que le numéro deux du Groupe salafiste pour la
prédication (...)

 59 Le rapport 2004 va dans le même sens, constatant les « impressionnants gains dans la
lutte contre (...)

32Au lendemain du 11 septembre, les États-Unis ont manifesté un intérêt


tangible et nouveau pour le Maghreb et le développement d’une coopération
militaire dans la région. Les responsables de l’administration américaine ont
fait des tournées régulières au Maghreb, avec des visites de haut niveau
(Colin Powell en 2003, Donald Rumsfeld en 2006). Des visites d’État ont été
organisées à Washington, pour les chefs d’État de la région. La lutte contre le
terrorisme a constitué le principal objet des relations américano-maghrébines
et la question des droits de l’Homme a été abordée sur le mode mineur. Les
États-Unis ont décerné un fort satisfecit à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie,
pour leur contribution à la lutte contre le terrorisme international, relevant
l’antériorité au 11 septembre de leur engagement dans cette voie et leurs
succès dans l’éradication du terrorisme intérieur. Selon Donald Rumsfeld, les
trois États sont « des partenaires constructifs » des États-Unis dans la lutte
contre le terrorisme. Outre des collaborations bilatérales activées, se
traduisant notamment par l’échange de renseignements et le transfert de
présumés terroristes maghrébins des USA vers leur pays d’origine, les États-
Unis ont entamé une coopération régionale opérationnelle dans le cadre
du Trans-Saharan Counterterrorism Initiative (TSCTI), associant quatre pays
du Maghreb (à l’exception de la Libye), et cinq pays au sud du Sahara (Mali,
Niger, Nigéria, Sénégal, Tchad). Elle fait suite à l’initiative Pan-Sahel (mars
1992), qui ne concernait que quatre États subsahariens, et avait mobilisé des
moyens très modestes58. La TSCTI vise à mettre en œuvre une stratégie
d’ensemble en matière de sécurité régionale, visant à la sécurisation des
frontières contre les infiltrations terroristes. Elle concerne principalement les
zones sahariennes, qui font partie des zones à faible contrôle étatique,
susceptibles de devenir de nouveaux « sanctuaires » pour les groupes
terroristes dans la mouvance d’Al-Qaïda. Une première action conjointe
(Fintlock, 2005) a été réalisée durant l’été 2005, consistant en manœuvres
conjointes (800 soldats américains et 2 000 soldats africains) et en sessions
de formation. Mais le dispositif est léger, et l’on en comprend les raisons. Car
l’exercice diplomatique paraît périlleux, d’une coopération en matière de
sécurité entre États maghrébins dans des zones où les contentieux inter-
étatiques sont particulièrement lourds, avec en premier lieu la question du
Sahara occidental. De même, une aide militaire américaine sous forme de
livraisons d’armes à l’un des États du Maghreb pourrait affecter de fragiles
équilibres régionaux. La question de l’implantation d’une base américaine au
pourtour de la zone saharienne relève de la même problématique. Comme
cela a déjà été évoqué à travers l’étude de son action dans le cadre de
l’Union africaine, la lutte contre le terrorisme est l’un des vecteurs par
lesquels l’Algérie tente d’asseoir un leadership régional. Et cette démarche
semble relayée par l’administration américaine, si l’on se réfère au rapport
2003 du département d’État sur le terrorisme à travers le monde, qui qualifie
l’Algérie de « leader régional actif et agressif dans la lutte globale contre le
terrorisme »59. Une autre illustration du positionnement de l’Algérie comme
tête de pont de la lutte contre le terrorisme en Afrique peut être trouvée dans
la tenue récente (février 2006) à Alger d’un séminaire international sur la
lutte contre le terrorisme, réunissant les représentants de huit pays africains
– le Maroc étant toujours absent, ainsi que la Mauritanie – avec des
partenaires américains et européens, sous l’égide du CEART et du Centre
d’études stratégiques sur l’Afrique du département d’État. L’Algérie tire
également des fruits de ce partenariat avec les États-Unis sur le plan
intérieur, le département d’État ayant décidé en mars 2003 de faire figurer le
GSPC (après le GIA) sur sa liste des organisations terroristes étrangères.

 60 Voir Ridha Kefi, « Entre amis, on se dit tout », Jeune Afrique, 22-28/2/2004.

 61 Qui ne constituent pas un front uni contre l’initiative Grand Moyen-Orient, comme l’avait
montré l (...)

 62 Où l’on retrouve les vieux débats sur le développementalisme, et la relation entre


développement p (...)

 63 Au dernier sommet de Manama, l’Égypte a émis des réserves sur le financement des ONG
par le Fonds (...)

 64 Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Maroc, Mauritanie, Tunisie.

33Un soutien aussi vigoureux des États-Unis aux gouvernants maghrébins


dans leur lutte contre le terrorisme a une contrepartie. La seconde voix de
l’Amérique, celle de la démocratie et des droits de l’Homme, n’est guère
audible. Il est particulièrement malaisé de dresser des satisfecit sur les
résultats de la « guerre contre le terrorisme », et de mettre en cause dans un
même mouvement les modes d’action et les instruments de cette guerre. La
visite du président Ben Ali à Washington en février 2004, et les entretiens
avec le président Bush, et le secrétaire d’État Colin Powell qui ont mis en
exergue l’exemplarité tunisienne dans la lutte contre le terrorisme et évoqué
les « préoccupations (américaines) quant aux réformes politiques, à la liberté
de la presse et à d’autres domaines dans lesquels la Tunisie pourrait faire
davantage »60 montrent les limites de l’exercice. Des remarques similaires
peuvent être formulées sur l’initiative américaine pour le « Grand Moyen-
Orient » qui inclut les États du Maghreb et vise à définir une stratégie globale
pour la région, associant l’OTAN pour le volet défense, le G8 et l’Union
européenne pour le volet économique. En s’appuyant sur les rapports sur le
développement arabe du PNUD, mais en omettant leurs analyses sur les
effets liberticides de la lutte contre le terrorisme, l’initiative tente de
réarrimer le pan droits de l’Homme au pan sécuritaire. Le terrorisme
trouverait sa source dans l’absence de droits politiques et économiques. La
lutte contre le terrorisme passerait donc par la démocratisation du Moyen-
Orient et l’organisation d’élections libres. On sait l’accueil pour le moins
mitigé fait à l’initiative au Maghreb et au Moyen-Orient, au sein même des
oppositions politiques, hostiles à une démocratisation « décrétée » et
imposée de l’extérieur, avec en toile de fond les résultats de l’intervention
américaine en Afghanistan et en Irak. Du côté des États arabes 61,
l’argumentaire qui a été développé face aux analyses américaines,
notamment à l’occasion des deux « Forums de l’avenir » organisés dans le
cadre de l’initiative Grand Moyen Orient à Rabat en décembre 2004 et à
Bahreïn en novembre 2005, mais aussi dans d’autres enceintes
internationales, repose sur l’énoncé de préalables à la démocratisation :
préalable du dénouement des crises régionales (Irak, conflit israélo-
palestinien) ; préalable du développement économique de la région 62. Aussi,
les mécanismes relatifs à l’aide au processus de démocratisation via les ONG
ont-ils suscité de vifs débats63, et les résultats des deux Forums furent eux-
mêmes pour le moins mitigés. L’initiative américaine suscite une égale
défiance de l’Union européenne, qui craint que les États-Unis englobent les
instruments européens de coopération – principalement le Partenariat euro-
méditerranéen – dans leur approche géopolitique du Moyen-Orient, et fassent
reposer sur l’Europe le financement de l’initiative. Cette défiance s’exprime
encore vis-à-vis du pan sécuritaire de l’initiative GMO, que les États-Unis
souhaitent développer à travers l’OTAN qui n’apparaît pas comme
l’instrument approprié d’une telle coopération, selon les Européens. Ceux-ci
participent cependant à la relance, certes modeste, du Dialogue
méditerranéen inauguré en 1994 qui réunit l’OTAN et sept pays de la rive
sud64 sur les questions de sécurité en Méditerranée. Cette relance est
intervenue au sommet d’Istanbul (29 juin 2004), suivi de deux réunions des
ministres des Affaires étrangères (décembre 2004) et des ministres de la
Défense (février 2006). Elle doit déboucher sur une coopération pratique plus
étroite dans la lutte contre le terrorisme, par le partage du renseignement et
la perspective de participation des États de la rive sud à l’opération maritime
de l’OTAN, Active Endeavour, de sécurisation de la circulation en
Méditerranée.

 65 Les trois accords de partenariat avec l’Algérie, le Maroc et la Tunisie contiennent un


article qui (...)
 66 Les accords sont accompagnés de résolutions annexes du Parlement européen identifiant
des points d (...)

 67 Rached Khechana, « L’Europe et les libertés maghrébines », Al-Hayat, 25/10/2004.

 68 L’une des parties au conflit (l’État d’Israël) participant au Processus, et les États
européens ay (...)

34Mais l’Union européenne, et les États membres principaux partenaires du


Maghreb, sont eux-mêmes confrontés aux affres du paradoxe démocratique
de la lutte contre le terrorisme, – la démocratie est à la fois le problème et la
solution –, et ont procédé à un découplage de leurs partenariats avec le
Maghreb et les pays de la rive sud. Le processus de Barcelone et les accords
d’association qui en résultent sont au cœur de la contradiction, faisant tenir
ensemble un volet sécuritaire et un volet droits de l’Homme 65. Ce second
volet qui trouve sa concrétisation dans les programmes MEDA, dans
l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’Homme, permet
de financer l’avancée du processus démocratique au Maghreb et les ONG
nationales. Il est aussi à l’origine d’un dispositif de surveillance des États de
la région dans la mise en œuvre de la démocratie et des droits de l’Homme,
par le jeu des rapports périodiques sur l’application des accords, où le
Parlement européen joue un rôle important 66. Certes, ces dispositions n’ont
jamais remis en cause les accords et, selon certains observateurs, « l’Europe
n’a pas pris au sérieux l’application du troisième volet de l’accord
d’association relatif aux droits de l’Homme »67. Il n’en demeure pas moins
que le troisième volet a largement contribué aux difficultés de mise en œuvre
du Processus de Barcelone. Le déroulement du dernier Sommet de Barcelone
(27-28 novembre 2005) est illustratif de ces difficultés. Ainsi, l’absence des
chefs d’État et de gouvernements arabes a pu être analysée comme une
réponse aux pressions européennes en faveur de la démocratie et des droits
de l’Homme. Les représentations du monde arabe ont développé
l’argumentaire de la priorité donnée au développement économique dans le
partenariat (avec les résultats modestes que l’on sait) et d’une approche
gradualiste de la démocratisation. Si un accord a été trouvé sur la rédaction
d’un « code de conduite contre le terrorisme », ce texte renvoie la définition
juridique du terrorisme aux travaux de l’Assemblée générale des Nations
Unies, ce qui est une manière de passer la main sur une question essentielle.
Enfin, plusieurs États arabes ont tenté, sans succès, d’obtenir l’introduction
d’une mention au droit à la résistance en cas d’occupation de même qu’à
l’autodétermination, par référence à la situation des Palestiniens 68. Le conflit
israélo-palestinien a pesé jusqu’au terme du Sommet, empêchant la
rédaction d’une déclaration finale.

 69 Qui est la grande absente de ces recompositions des coopérations internationales face au
terrorism (...)

 70 Sur ce volet particulièrement important de la lutte anti-terroriste qui n’est pas traité ici,
voir (...)
 71 Il faut ajouter que, outre le 5+5, il existe un second dispositif de coopération sécuritaire,
hors (...)

35Le découplage du partenariat est intervenu avec la relance du dialogue


euro-méditerranéen 5+5, associant cinq pays de la rive nord (Espagne,
France, Italie, Malte, Portugal) et les cinq pays de l’Union du Maghreb Arabe
(UMA)69, au sommet de Tunis, les 5 et 6 décembre 2003. Cette
« coopération renforcée », prévue dans les traités de l’Union, permet de
contourner les écueils (droits de l’Homme, conflit israélo-palestinien) qui ont
conduit à l’enlisement du Processus de Barcelone. La déclaration finale est
une ferme condamnation du terrorisme sous toutes ses formes. Elle porte
principalement sur les questions de sécurité et de stabilité en Méditerranée
occidentale, et fait une brève référence aux « valeurs communes » de
démocratie, des droits de l’Homme et de promotion de l’État de droit. Une
place importante est consacrée aux politiques migratoires et aux migrations
clandestines en relation avec les politiques sécuritaires, qui seront l’un des
axes forts des coopérations dans le cadre du 5+5 70. Deux réunions du 5+5
ministres de la Défense, à Paris en décembre 2004 et à Alger en décembre
2005, ont permis de définir un plan d’action portant sur les domaines de la
surveillance maritime (faire échec à l’utilisation des océans à des fins
terroristes), de la protection civile et de la sûreté aérienne, et treize
initiatives multilatérales devant déboucher sur une mutualisation des
moyens71.

36Le tableau qui vient d’être dressé, où la guerre contre le terrorisme met
sous tension les dispositifs internationaux et nationaux de protection des
droits de l’Homme, qui vaut pour le Maghreb, mais renvoie aussi à un constat
plus global, permet de saisir les enjeux et les difficultés de l’entreprise
onusienne d’établir un cadre général à la lutte anti-terroriste qui ne sacrifie
pas la démocratie et les droits humains. Certes, des progrès sensibles ont été
accomplis au cours de l’année 2005, dans l’entreprise de rapprochement
entre les deux dispositifs de la lutte anti-terroriste et de protection des droits
de l’Homme. Le point 85 du Document final du Sommet mondial 2005
dispose que :

« Les États doivent veiller à ce que les mesures qu’ils prennent pour combattre le
terrorisme soient conformes à leurs obligations au regard du droit international, en
particulier le droit international des droits de l’Homme, le droit international des
réfugiés, et le droit international humanitaire. »

 72 Sur ces points, voir le rapport du Secrétaire général, présenté à l’Assemblée générale des
Nations (...)

 73 Sur les positions en présence, « Terrorisme : le projet de convention générale continue de


suscite (...)

37En juillet 2005, la Commission des droits de l’Homme a nommé un


rapporteur spécial sur la protection et la promotion des droits de l’Homme et
des libertés fondamentales dans la lutte anti-terroriste. Celui-ci a présenté
son premier rapport à l’Assemblée générale, le 26 octobre 2005. Il signale,
qu’après une période de réticences, la Commission contre le terrorisme a
commencé à inclure dans ses décisions les préoccupations relatives aux droits
de l’Homme. Enfin, la résolution 1 624 (2005), relative à l’incitation à
commettre des actes terroristes, met l’accent sur l’obligation qui incombe aux
pays de respecter les normes internationales relatives aux droits de
l’Homme72. Mais la pièce essentielle du dispositif, l’adoption d’une convention
générale sur le terrorisme, définissant l’acte de terrorisme et garantissant la
protection des droits de l’Homme, continue de manquer. Les travaux de la
VIe commission de l’Assemblée générale sur la préparation du texte de la
convention, qui devaient s’achever à l’échéance de décembre 2005, ont de
nouveau achoppé sur les désaccords relatifs à la définition du terrorisme. Ils
ont vu réapparaître les divergences sur la distinction entre terrorisme et lutte
pour l’autodétermination, que l’OCI et un certain nombre d’États, notamment
du monde arabe, veulent voir inscrite dans la convention. La notion de
« terrorisme d’État » fait également débat73. La condamnation pour la
première fois par tous les États membres de « tous les actes de terrorisme
quels qu’en soient les motifs, où qu’ils soient commis et quels qu’en soient les
auteurs », lors du Sommet mondial de 2005, avait pu susciter quelques
espoirs. L’ambivalence des relations entre démocratisation et lutte anti-
terroriste risque de se perpétuer… quelque temps encore.

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Notes

1 Voir « Guerre contre le terrorisme», Encyclopédie Wikipédia, http://fr.wikipedia.org.

2 Ainsi la loi tunisienne du 10/9/2003 est « relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre
le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent ».

3 Interview du président Ben Ali au Figaro, 2/8/1994.

4 Rapport présenté par l’Algérie au Comité contre le terrorisme en application du paragraphe 6 de la


résolution 1 373 (2001) du Conseil de Sécurité (27/12/2001). Dans son rapport auprès du même comité
daté du 26/12/2001, la Tunisie a déclaré qu’elle n’avait pas « attendu les évènements du 11/9/2001
pour prendre les mesures nécessaires en vue de lutter contre le terrorisme » et qu’elle « s’y est opposé
de façon résolue sur son territoire et a réussi à lui faire face ».

5 « Nous tenons à rappeler l’appel que nous avions lancé, dès le début des années 1990, en faveur de
l’établissement d’un code de conduite international pour faire face à ce phénomène et le combattre »,
discours du président Ben Ali, Tunis, 11/9/2002.

6 Sihem Bensedrine, « Vote de la loi antiterroriste et contre le blanchiment de l’argent en Tunisie. Une
loi terroriste », Kalima, n° 21, www.kalimatunisie.com/Num21.

7 Voir le rapport du Maroc au Comité antiterroriste du Conseil de sécurité des Nations-Unies du


27/12/2001. Sur ce point, voir également Omar Bendourou, « La lutte contre le terrorisme et la loi au
Maroc. Lecture de la loi relative à la lutte contre le terrorisme », communication au colloque « Le
terrorisme international et le droit », Rabat, 25/3/2005, www.pcb.ub.es.
8 Voir l’interview d’Abdelhamid Amine, président du réseau national d’opposition à la loi anti-terroriste,
« Le Maroc n’a pas besoin de cette loi», La Gazette du Maroc, 3/3/2003.

9 Sur la procédure, Brahim Mokhliss, « Législation. La loi anti-terroriste est désormais applicable », Le
Reporter, 5 juin 2003, www.lereporter.ma.

10 Jean-Claude Santucci, « Le pouvoir à l’épreuve du choc terroriste : entre dérives autoritaires et


tentation de l’arbitraire », Annuaire de l’Afrique du Nord, 2003, Paris, CNRS Éditions, 2005, p. 245.

11 Luis Martinez, « La guerre civile en Algérie », Paris, Karthala, coll. Recherches internationales, 1998,
429 p.

12 Rapport national sur la mise en œuvre de la résolution 1 373 (2001) du Conseil de sécurité.
Réponses (du gouvernement algérien) aux observations du comité contre le terrorisme,
15/8/2002, www.algeria-un.org.

13 Entretien exclusif avec M me Janet Sanderson, ambassadrice des États-Unis à Alger, La Tribune,
18/6/2003.

14 Intervention de la FIDH à la 36e CADHP : lutte anti-terroriste et droits de l’Homme, www.fidh.org.

15 Le projet de loi « anti-terroriste » porte un nouveau coup aux droits humains, Note d’Amnesty
International à l’Union européenne. Conseil d’association UE-Tunisie,
30/9/2003, http://web.amnesty.org.

16 L’atteinte volontaire à la vie des personnes ou à leur intégrité, ou à leurs libertés, l’enlèvement ou la
séquestration des personnes ; la contrefaçon ou la falsification des monnaies ; les destructions,
dégradations ou détériorations ; le détournement, la dégradation de moyens de transports ; le vol et
l’extorsion de biens ; la fabrication, la détention, le transport, la mise en circulation, ou l’utilisation
illégale d’armes, d’explosifs ou de munitions ; les infractions relatives aux systèmes automatisés de
traitement de l’information ; le faux et la falsification en matière de chèques ; la participation à une
association formée en vue de la préparation ou de la commission d’un des actes de terrorisme ; le recel
du produit d’une infraction de terrorisme. Il faut également ajouter à cette liste l’apologie d’actes de
terrorisme (art. 218-2), l’introduction dans l’environnement de substances mettant en péril la santé de
l’homme et des animaux (art. 218-3), et les différents modes de financement du terrorisme (art. 219-4).

17 Op. cit. ; voir aussi Driss El Yazami, « Maroc : éviter la tentation autoritaire », La lettre de la FIDH,
n° 64, avril-mai 2003.

18 Ibid., Sur la notion de complicité et ses dérives, Abdelhamid Amine, op. cit.

19 Document CCPR/C/79/Add.95, 18/8/1998, § 11.

20 Ainsi, « entraver la circulation ou la liberté de mouvement sur les voies et occuper les places
publiques par attroupement », « attenter aux symboles de la Nation et de la République et profaner les
sépultures », ou encore « faire obstacle au fonctionnement des institutions publiques ou porter atteinte à
la vie ou aux biens de leurs agents, ou faire obstacle à l’application des lois et règlements ».

21 Federico Andreu-Guzman, « Nouveaux défis et vieux dangers », Terrorisme et droits de l’Homme,


n° 2, Commission internationale des juristes, Occasionnal papers, n° 3, mars 2003, p. 110-111.

22 Art. 87 bis 1 et 2 du Code pénal (ordonnance 95-11 du 27/2/1995) pour l’Algérie ; art. 218-7 du
Code pénal (loi 03-03 du 28/5/2003) pour le Maroc ; art. 8 de la loi du 10/12/2003 pour la Tunisie (pour
les seules amendes).
23 Art. 87 bis 8 du Code pénal (ordonnance 95-11) Algérie ; art. 7 de la loi du 10/12/2003 (Tunisie).

24 Art. 51 du Code de procédure pénale (ordonnance 95-10 du 27/2/1995) pour l’Algérie ; art. 80-4 du
Code de procédure pénale (loi 03-03) pour le Maroc. Avant 2003, la durée de la garde à vue était limitée
à huit jours au Maroc.

25 Amnesty International « déplore cette durée de détention préventive sans réexamen par une
autorité judiciaire» Rapport UE, 30 septembre 2003, précité.

26 Ibid. La loi tunisienne (art. 60) ne prévoit aucune garantie relative à la remise d’individus et à leur
extradition, quel que soit la législation du pays qui a émis la demande.

27 Art. 40, 48 et 49 de la loi tunisienne.

28 Art. 22 de la loi tunisienne.

29 Code de la justice militaire, décret du 10/1/1957, chapitre 1, art. 5 à 8, modifié par la loi 2000-56 du
13/5/2002. Cette pratique à été réactivée à la fin des années quatre-vingt-dix, en vue de traduire en
justice les islamistes présumés, et plus particulièrement ceux ayant fait un séjour à l’étranger pour
« avoir servi, en temps de paix, une organisation terroriste opérant à l’étranger » (art . 123, Code de la
justice militaire).

30 Dont les dispositions sont largement similaires à celles des lois algériennes et tunisiennes. Voir Aniss
Maghri, « Blanchiment de l’argent : les détails du projet de loi », La vie économique, consultable
sur www.casafree.com.

31 Art. 87 bis de l’ordonnance 95-11 du 25/2/1995, et art. 17 et 18 de la loi 05-01 du 6/2/2005 pour
l’Algérie ; art. 595-2 du Code de procédure pénale (loi 03-03) pour le Maroc ; art. 87 et 94 de la loi
tunisienne du 10/12/2003.

32 Art. 69 à 72 de la loi du 10/12/2003.

33 Art. 595-1 du Code de procédure pénale.

34 Art. 10 de la loi du 6/2/2005 (Algérie).

35 Art. 82 de la loi tunisienne ; chapitre IV de la loi marocaine.

36 Sur la donne marocaine, et les problèmes spécifiques de l’économie du cannabis et des flux
transfrontaliers à partir du Nord marocain, voir Abashi Shabamba, « Blanchiment : lesbanquiers dans
l’expectative », L’Économiste, 28/2/2006.

37 Pour une analyse de la configuration économique de la violence en Algérie, et l’intégration des


groupes radicaux dans l’économie informelle, voir Miriam R. Lowi, « Algérie 1992-2002 : une nouvelle
économie politique de la violence », Maghreb-Machrek, n° 175, printemps 2003, p. 61-62.

38 Abashi Shabamba, op. cit., on trouvera également dans cet article des développements intéressants
sur les effets discriminants des nouvelles réglementations bancaires en matière de concurrence.

39 Il faudra attendre le décret exécutif 06-05 du 8/1/2006, relatif à la déclaration de soupçon, pour que
la principale disposition de la loi du 6/2/2005 soit applicable. Voir Tarek Hafid, « Loi relative à la lutte
contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme. Un texte qui reste inapplicable », Le
Soir d’Algérie, 25/1/2005.
40 Voir Anouar Kousri, « Une loi pour les non terroristes », Al Maoukif, 16/1/ 2004.

41 Cf. « L’autre face du terrorisme : l’alliance par les chèques », Al-Hadath, 29/5/2002.

42 Sur ces points, voir : les rapports annuels pays d’Amnesty International, Tunisie, de 2003 à
2006, http://web.amnesty.org ; le rapport 2004 de Reporters sans frontières sur la Tunisie, www.rsf.og ;
les communiqués de presse du Comité national pour les libertés en Tunisie (CNLT), consultables sur les
sites www.tunezine.org et www.geocities.org . Selon le CNLT, au début 2006, douze affaires
« terroristes » sont en cours d’examen au niveau de l’instruction, impliquant plus de cent vingt jeunes,
dans toutes les régions du pays.

43 Communiqué du CNLT, à l’occasion de la journée de solidarité avec les internautes de Zarzis,


10/2/2006.

44 Voir les documents suivants de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
(FIDH) : « Les dérives arbitraires de la lutte anti-terroriste : la FIDH appelle les autorités marocaines au
respect des droits », 21/9/2003 ; « Comité contre la torture », 2/11/2003 ; « Les autorités marocaines à
l’épreuve du terrorisme : la tentation de l’arbitraire », 9/2/2004 ; « Le Comité des droits de l’Homme
Nations-Unies rappelle au Maroc ses obligations au regard des droits de l’Homme dans la lutte contre le
terrorisme », 11/11/2004, www.fidh.com. Voir également le rapport Maroc 2004 d’Amnesty International
et « Maroc : les droits humains à la croisée des chemins », Human Rights Watch, octobre 2004, vol. 16,
n° 6.

45 Voir Reporters sans frontières, Maroc. Rapport annuel 2004, www.rsf.org.

46 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 109-117.

47 Rapport du Haut-Commissaire des Nations-Unies, 2002, cité par F. Andreu-Guzman, p. 109-110.

48 Sur le déséquilibre dans l’application des dispositifs sécuritaires et des droits de l’Homme, voir
Amnesty International, document diffusé lors de la commission africaine des droits de l’Homme et des
peuples, octobre 2002, www.fidh.org.

49 Federico Andreu Guzman, op. cit., p. 116-117. Sur les évolutions plus récentes, cf. conclusion.

50 Inauguré en octobre 2004 par le président Bouteflika, à l’occasion de la tenue de la deuxième


réunion intergouvernementale de haut niveau.

51 Sur les différentes dimensions de ce leadership, voir Fayçal Oukaci, « Une conférence à Alger sur le
terrorisme en 2006 », L’Expression, 26 décembre 2005, consultable sur www.algeria-watch.org.

52 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 149-153 ; voir aussi Commission internationale de juristes,
« Protection des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme », intervention orale, Commission
africaine des droits de l’Homme et des peuples, Dakar, 23/11-7/12/2004.

53 Federico Andreu-Guzman, op. cit., p. 154-158 ; Amnesty International, « La convention arabe de


lutte contre le terrorisme. Une grave menace pour les droits humains », document public, janvier
2002, http://web.amnesty.org ; voir aussi Rapport arabe sur le développement arabe 2003, PNUD,
2003.

54 Sur une comparaison entre les deux conventions, voir Saïd Irhaï, « Les organismes régionaux arabo-
islamiques à l’aube du XXIe siècle », www.upmf-grenoble.fr/espaceeurope/publications.
55 Sur les évolutions récentes de la Charte, voir Commission internationale des juristes, « Le processus
de modernisation de la Charte arabe des droits de l’Homme : des régressions inquiétantes », Rapport de
position, 20/12/2003.

56 Parmi les instruments de coordination, figure également le Conseil des ministres arabes de l’intérieur
(CIMA), qui a tenu sa vingt-troisième session à Tunis en janvier 2006.

57 À cette occasion, l’OCI crée un Comité chargé de la lutte contre le terrorisme, dont les attributions
consistent à formuler des recommandations visant notamment à accélérer la mise en œuvre d’un code
de conduite international contre le terrorisme.

58 C’est dans le cadre de cette initiative que le numéro deux du Groupe salafiste pour la prédication et
le combat (GSPC), Amari Saifi, a été arrêté au Tchad en mars 2004, puis transféré vers l’Algérie, en
dépit de l’absence d’accords bilatéraux entre les deux pays permettant un tel transfert, selon des
responsables du ministère américain de la Défense.

59 Le rapport 2004 va dans le même sens, constatant les « impressionnants gains dans la lutte contre
le GSPC et le GIA », et la « forte collaboration (de l’Algérie) aux efforts américains en matière de contre-
terrorisme ». Par ailleurs, la presse algérienne évoque la possibilité de l’installation d’un centre régional
de la CIA à Alger.

60 Voir Ridha Kefi, « Entre amis, on se dit tout », Jeune Afrique, 22-28/2/2004.

61 Qui ne constituent pas un front uni contre l’initiative Grand Moyen-Orient, comme l’avait montré le
sommet de la Ligue arabe de Tunis, les « petits » États de la région étant plus réceptifs à la démarche
américaine.

62 Où l’on retrouve les vieux débats sur le développementalisme, et la relation entre développement
politique et développement économique.

63 Au dernier sommet de Manama, l’Égypte a émis des réserves sur le financement des ONG par le
Fonds de l’Avenir, créé à l’occasion et doté de 100 millions de dollars, exigeant que les fonds alloués
aillent aux seules ONG agréées par les autorités ce qui a empêché l’adoption d’une déclaration commune,
au terme du Forum. On renverra également sur ce point aux pratiques des États maghrébins, et
particulièrement de la Tunisie, évoquées plus haut.

64 Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Maroc, Mauritanie, Tunisie.

65 Les trois accords de partenariat avec l’Algérie, le Maroc et la Tunisie contiennent un article qui
qualifie « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme » d’ « élément
essentiel de l’accord ».

66 Les accords sont accompagnés de résolutions annexes du Parlement européen identifiant des points
de référence pour l’évaluation future du respect des clauses des droits de l’Homme.

67 Rached Khechana, « L’Europe et les libertés maghrébines », Al-Hayat, 25/10/2004.

68 L’une des parties au conflit (l’État d’Israël) participant au Processus, et les États européens ayant
des positions divergentes sur le conflit, les conditions d’un consensus sur ce point ne risquaient pas
d’être réunies. En revanche, les États arabes ont obtenu satisfaction sur le thème de l’amalgame.
L’accord exclut toute association « entre le terrorisme et une nation, une culture ou une religion ».

69 Qui est la grande absente de ces recompositions des coopérations internationales face au terrorisme.
70 Sur ce volet particulièrement important de la lutte anti-terroriste qui n’est pas traité ici, voir
Delphine Perrin, « Le Maghreb sous influence : le nouveau cadre juridique des migrations
transsahariennes », Maghreb-Machrek, n° 185, automne 2005, p. 59-80.

71 Il faut ajouter que, outre le 5+5, il existe un second dispositif de coopération sécuritaire, hors
processus de Barcelone : la Conférence des ministres de l’Intérieur des pays de la Méditerranée
occidentale (CIMO), qui a tenu sa douzième conférence à Paris au mois de mai 2006, établissant une
coordination entre les deux rives sur les questions du terrorisme, de la criminalité organisée, et de
l’immigration clandestine.

72 Sur ces points, voir le rapport du Secrétaire général, présenté à l’Assemblée générale des Nations-
Unies, « S’unir contre le terrorisme : recommandations pour une stratégie antiterroriste mondiale », et
plus particulièrement le point 6, « Défendre les droits de l’Homme dans le contexte du terrorisme et de la
lutte anti-terroriste ».

73 Sur les positions en présence, « Terrorisme : le projet de convention générale continue de susciter
des divergences », Centre de Nouvelles de l’ONU, dépêche du 7/10/2005, www.un.org.
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References

Bibliographical reference
Jean-Philippe Bras, « Le Maghreb dans la « guerre contre le terrorisme » : enjeux juridiques et politiques
des législations « anti-terroristes » », L’Année du Maghreb, II | 2007, 447-467.

Electronic reference
Jean-Philippe Bras, « Le Maghreb dans la « guerre contre le terrorisme » : enjeux juridiques et politiques
des législations « anti-terroristes » », L’Année du Maghreb [Online], II | 2005-2006, Online since 08 July
2010, connection on 08 November 2020. URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/153 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.153
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This article is cited by

 Tamburini, Francesco. (2018) Anti-Terrorism Laws in the Maghreb Countries: The Mirror of a
Democratic Transition that Never Was. Journal of Asian and African Studies, 53.
DOI: 10.1177/0021909618779613

 Oiry-Varacca, Mari. Gauthier, Lionel. (2011) La place Jemaa el-Fna au « printemps


marocain ». EchoGéo. DOI: 10.4000/echogeo.12720

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Author

Jean-Philippe Bras
CESJ, Université de Rouen

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