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RÉPUBLIQUE DU BENIN

*********
MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURE ET DE
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
*********************

UNIVERSITÉ D’ABOMEY CALAVI

******************************
ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES,
POLITIQUES ET ADMINISTRATIVES
**********

MÉMOIRE DE FIN DE FORMATION POUR L’OBTENTION


DU DIPLOME DE MASTER II RECHERCHE

OPTION : Droit Privé Fondamental

**********
PROTOCOLE DE RECHERCHE :
SUJET :

La preuve scientifique devant le juge pénal

Année académique d’inscription 2020 – 2021

Réaliser par :
Sous la direction de :
Agossou Armand BOLOUVI Moktar Adamou

: (66 01 28 94 / 64 28 02 41) Agrégé des facultés de droit


Doyen de la faculté de droit de
l’université de Parakou
PROTOCOLE :

Sujet : La preuve scientifique devant le juge pénal

A. Contexte de l’étude
1. Annonce du sujet

Dans sa mission de protection des atteintes ou des violations à la loi, le juge


n’est pas toujours convaincu par les faits matériels qui lui sont soumis pour
rendre sa décision. Il apparait souvent utile pour lui de recourir à plusieurs
modes de preuves parmi lesquelles figure les preuves scientifiques. En effet,
établir la véracité des faits ou des actes est l’une des préoccupations les plus
épineuses de la procédure pénale. La preuve est la pierre angulaire de la
répression pénale, elle permet de déterminer la culpabilité ou non d’un suspect.
Le principe de la liberté de la preuve se justifie par l’objectif d’efficacité et de
répression assignés à la procédure pénale1 et des difficultés auxquelles on fait
face dans l’établissement de la vérité des faits juridiques. Complément
indispensable du principe de la liberté de la preuve, le principe de l’intime
conviction a été inscrit à l’article 427 2 du code de procédure pénale, lequel après
avoir prévu que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve a
corrélativement édicté que « le juge décide d’après son intime conviction ».3
Ainsi, la liberté de preuve en matière pénale est aussi bien celle des parties que
du juge.

L’appréciation de la preuve scientifique par le juge peut être remise en cause


en raison des erreurs que peuvent contenir ces preuves en dépit de la fiabilité
dont on peut prétendre d’eux. Le juge n’est pas lié par les preuves mais les
preuves scientifiques peuvent influencer sa décision et remettre en cause sa
souveraineté et son intime conviction. C’est dans ce sens que le présent sujet
1
Aurélie (B-W.) et Jean-Christophe (S-P.) (DIR.), la preuve pénale, problèmes contemporains en droit
comparé, édition l’harmattan, 2012.
2
Article 447 du code de procédure pénale du Bénin.
3
Serge (G.), Procédure pénale, lexisNexis Litec 6e édition, Paris, 2010, page 525.

2
s’intéresse à la preuve scientifique devant le juge pénale. Une bonne
compréhension du sujet nécessite la définition de ses termes.

2. Définition des termes

Pour mieux cerner le sujet il est nécessaire de clarifier les mots suivants :
preuve, scientifique, juge et pénal avant de revenir aux expressions preuve
scientifique et juge pénal. L’importance de la définition de ces deux expressions
réside dans le fait qu’ils constituent le socle de notre étude, ceux sur quoi tous
les débats porteront.

Le code de procédure pénal du Bénin4 ne donne aucune définition à la notion de


preuve. Etymologiquement, le mot preuve est dérivé du verbe prouver, issu du
latin probare, prouver, démontrer, essayer, examiner, vérifier, reconnaître,
reconnaître comme bon. Le mot preuve désigne un fait, un témoignage, un
raisonnement qui permet d’établir de manière irréfutable la vérité ou la réalité de
quelque chose.5

Selon le vocabulaire juridique, la preuve est la démonstration de l’existence


d’un fait (matérialité d’un dommage) ou d’un acte (contrat, testament) dans les
formes admises ou requises par la loi. Le système des preuves légales est le
régime probatoire dans lequel la loi, écartant en partie le régime ordinaire de la
preuve judiciaire (fondé sur la liberté de la preuve et l’intime conviction) règle
elle-même la charge, l’admissibilité ou la valeur de la preuve, notamment en
établissant des présomptions en exigeant tel mode de preuve pour tel acte ou tel
fait ou en fixant la force probante d’un mode de preuve. La preuve littérale (ou
par écrit) est une preuve administrée au moyen de la production d’un écrit (sur
papier ou support électronique). La preuve testimoniale est une preuve reposant
sur des témoignages, sur les déclarations orales de tiers; preuve par témoins à
laquelle est assimilée (pour son admissibilité) la preuve par présomption et
4
Loi n° 2012-15 du 18 Mars 2013 portant code de procédure pénal en République du Bénin
5
Dictionnaire la toupie, www.toupi.or/Dictionnaire, consulté le 29/03/2022 14h 45

3
indices6. Prouver c’est faire reconnaître pour vrai ; faire apparaître comme
certain ; démontrer ; établir en fait ; apporter la démonstration d’une allégation ;
faire voir la réalité d’un fait ; apporter la démonstration d’une allégation ; faire
voir la réalité d’un fait.7

La preuve peut se définir comme une démonstration aux fins de persuader de


l’exactitude d’un fait allégué en vue de faire prévaloir un droit 8. On a précisé
aussi que « la preuve est aussi le procédé par lequel un fait ou un droit
controversé et douteux acquiert par le moyen du jugement qui l’entérine la
valeur d’une vérité »9. Domat disait que la preuve est «ce qui persuade l’esprit
d’une vérité »10. Faustin Hélie voit dans la preuve pénale « tout moyen
juridique d’acquérir la certitude d’un fait ou d’une proposition »11

Est scientifique ce qui concerne les sciences, qui appartient aux sciences.

Ainsi, les preuves scientifiques objet de la présente étude sont l’ensemble des
preuves qui se basent sur un savoir scientifique ou sur des principes
scientifiques12. Il s’agit des modes de preuves dérivés des sciences dites dures. 13

6
Gérard (C.), Vocabulaire Juridique, Association Henri CAPITAN, PUF QUADRIGE, 12ème édition, Paris, 2018,
page 802
7
Idem. p. 1748
8
LARGUIER (J.), La preuve d’un fait négatif, R.T.D.C., 1953, 5 cité par Jean (P.), Procédure Pénale, 14 e
édition, CUJAS 2008/ 2019 p. 363
9
LEVY-BRULH (H.), La preuve judicaire, Rivière, Paris, 1964, p.7, idem.
10
DOMAT (J.), Les lois civiles dans un ordre naturel, éd.1771, p. 204, idem.
11
Faustin (H.), Traité de l’instruction criminelle, t. IV, Bruxelles, Bruylant- Christophe et compagnie, 1866,
n°1763 cité dans Jean (P.), « Certaines preuves scientifiques devant la Cour européenne des droits de
l’homme », p.29, https://ssl.editionsthemis.com/upload/revue/article/20662 02-Pradel Tap.pdf consulté le
1er avril 2022 à 10h 30min
12
Définition donnée par le Black's Law Dictionary (9th ed. 2009), base de données Westlaw International,
voir « evidence » et « scientific evidence », cité par Audrey MICHEL, le recours au mode de preuve
scientifique dans le contentieux constitutionnel des droits et libertés, thèse, l’université Aix Marseille
faculté de droit et de science politique, 2017, p. 224
13
Vuille (J.), Biedermann (A.), Une preuve scientifique suffit-elle pour fonder une condamnation Pénale ?,
Revue de droit suisse, décembre 2019, Vol. 138/5, pp. 491–512. , https://www.google.com/url?
sa=t&source=web&rct=j&url=https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_BD2F156A5EEF.P001/REF
%23:~:text%3DNous%2520conclurons%2520que%252C%2520malgr%25C3%25A9%2520des,condamnation
%2520p%25C3%25A9nale%2520(partie
%2520G).&ved=2ahUKEwjeqIXMisP3AhUK9BoKHYJxD2AQFnoECAUQBg&usg=AOvVaw1pNG6lN0H9FjwOVX
AQtUpm consulté le 1er avril 2022 à 11h 20min

4
La preuve technique et scientifique se définit comme celle qui est récoltée par le
moyen de technologies ou bien grâce à l’intervention de techniciens qui sont
chargés d’analyser les traces.14 Il s’agit de faire appel à toutes les techniques
contemporaines éprouvées pour faciliter l’imputabilité d’une infraction à son
auteur présumé.15 Il existe deux types de preuves scientifiques : d’une part il
y a les études en sciences sociales, d’autre part, il y a les études en sciences
exactes.

Selon Gérard Cornu, le juge est au sens générique toute juridiction, quels que
soient son degré dans la hiérarchie(juge de première instance, juge d’appel,
juge de cassation), son pouvoir (juge du droit, juge du fond, juge du
provisoire), l’origine de son investiture (juge de l’État ou nommé par les
parties), sa composition(collégiale ou non) ou même l’ordre auquel elle
appartient (juge administratif ou juge judiciaire, et au sein de l’ordre judiciaire,
juge civil ou juge pénal, etc.) ; tout organe doté d’un pouvoir
juridictionnel (du pouvoir de dire le droit, de trancher un litige) ; en ce sens sont
des juges, la Cour de cassation, la cour d’appel, la cour d’assises, l’arbitre.
Il s’agit plus spécialement du magistrat du siège, par opposition aux magistrats
du parquet. C’est celui qui est compétent pour trancher, celui qui connait
l’affaire.16

Est pénal ce qui se rapporte aux peines proprement dites (sanctions répressives)
aux faits qui encourent ces peines et à tout ce qui concerne la répression de ces
faits.17

La présente étude porte sur le juge pénal, il s’agit des juges qui connaissent
des affaires pénales, dont la fonction consiste à se prononcer sur la

14
Le droit pénal face à la preuve technique et scientifique, www.cabinetaci.com , consulté le 31 mars 2022
09h 45
15
Bernard (B.), Haritini (M.), Droit pénal général et procédure pénale, 21e édition, Dalloz, Paris 2018, p.329
16
Gérard (C.), Vocabulaire Juridique, Association Henri CAPITAN, PUF QUADRIGE, 12ème édition, Paris, 2018,
page 582
17
Gérard (C.), idem page 1593

5
participation de l’individu aux agissements reprochés et sur la peine
qu’appellent ces agissements. Elle est confiée aux « magistrats du siège », qui
doivent faire preuve d’une parfaite objectivité, pesant attentivement le pour et le
contre, afin de ne sacrifier, comme dit l’article 304 du code de procédure pénale,
« ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse ».18

3. Délimitation du sujet

Le champ spatial de cette étude est la république du Bénin. Bien que cette
étude ait comme champ spatial la république du Bénin des recours seront fait au
droit comparé pour appréhender les solutions envisagées dans d’autres
législations. Pour ce qui ait du champ temporel, cette étude prendra en compte le
droit positif béninois à partir du renouveau démocratique des années 90 à nos
jours. Concernant le champ matériel, la présente étude s’intéresse au juge pénal
ce qui exclut le juge intervenant dans d’autre matière, tel que le juge intervenant
en matière civile ou administrative. Il prend en compte l’appréciation que le
juge répressif fait des preuves scientifiques lorsqu’elles sont utilisées devant lui
dans un litige.

B. Histoire et philosophie du sujet

Pendant de longs siècles, la preuve s’effectua par des moyens simples ou


surnaturels. Des moyens simples ont toujours existé, comme l’audition d’un
témoin, « ce qui ne demandait point d’art ni d’effort de raisonnement » 19,
ou l’interrogatoire. Des moyens toutefois insuffisants si l’on songe que le témoin
peut avoir oublié des faits ou subir des pressions et que la personne suspectée
ou poursuivie peut mentir 20, d’où une série de règles d’exclusion de la
18
Bernard (B.), Haritini (M.), Droit pénal général et procédure pénale, 21e édition, Dalloz, Paris 2018, p.275
19
Pierre- François (M.V.), Institutes au droit criminel ou principes généraux sur ces matières, suivant le droit
civil canonique et la jurisprudence du Royaume, avec un Traité particulier des crimes, Paris, Le Breton, 1757,
p. 303. Cité dans Jean (P.), « certaines preuves scientifiques devant la Cour européenne des droits de
l’homme », p. 30, https://ssl.editionsthemis.com/upload/revue/article/20662 02-Pradel Tap.pdf consulté le 1er
avril 2022 à 10h 30min
20
L’aveu était si important dans un système de preuves légales que se développa la torture pour l’obtenir.
Cette odieuse pratique a disparu au milieu du XVIII e siècle avant d’être interdite par le roi Louis XVI en 1787.

6
preuve dont raffolait le droit anglais à partir du XVII e siècle, par exemple à
propos de l’interdiction du ouï- dire (« hearsay evidence »)21.

À ces moyens, s’ajoutaient, du moins durant le Haut Moyen Âge, les ordalies
consistant pour la partie accusée à se soumettre rituellement à une épreuve
physique au cours de laquelle Dieu, étant censé intervenir, désignait à l’issue
de l’épreuve si l’accusé était coupable ou innocent. Par exemple, l’accusé
était obligé de prendre quelques instants un fer rougi au feu. La plaie était
ensuite recouverte d’un pansement scellé et au bout de trois jours, si la blessure
était en voie de guérison, l’individu était déclaré innocent. Sous les coups
conjugués de l’Église et de la doctrine, un tel moyen de preuve disparut à
partir du XIIe siècle.22

Par la suite on a connu une révolution scientifique au XIX e siècle avec les
découvertes scientifiques. Une forte cohorte de médecins, anesthésistes,
chirurgiens et physiciens apparut23. Mathieu Orfila (1787-1853) est l’un des
fondateurs de la toxicologie. Le 14 mai 1881, le professeur Brouardel obtient du
conseil général de Paris l’établissement d’une salle d’autopsie et d’un
laboratoire de chimie affectés aux recherches médico-légales. Simultanément
en 1879, un modeste policier, Alphonse Bertillon, invente l’anthropométrie
judiciaire et se trouve à l’origine des fichiers. Dans les années 1880, le magistrat
autrichien Hans Gross fonde véritablement la criminalistique, suivi par le
Français Edmond Locard. La preuve pénale scientifique est née, qui doit
évidemment être conçue non pas comme un nouveau mode de preuve, à côté de

Idem
21
Il s’agissait d’encadrer le principe de la liberté de la preuve (intime conviction), alors qu’en droit continental
européen, la preuve à cette époque était légale, d’où il résulte que les règles d’exclusion n’avaient guère
d’intérêt. Cependant, à partir du milieu du XVIIIe siècle, les juges (du moins en France) avaient déjà rallié
l’intime conviction. Sur le ouï- dire en common law, voir : Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de
preuve et de procédure pénales, 20 e éd., Cowansville, Thémis et Yvon Blais, 2013, n° 783 et suiv, ibid
22
Adhémar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire
depuis le XIII e siècle à nos jours, Frankfurt am Main, Verlag Sauer et Auvermenkg, 1969.ibid.
23
Sur ce courant, on lira la thèse remarquable de Jean- Raphael Demarchi, Les preuves scientifiques et le
procès pénal, préface de Coralie Ambroise- Castérot, Paris, LGDJ, 2012, n o 15 et suiv. Ibid.

7
l’aveu, du témoignage et de l’indice, mais comme un nouveau moyen de
recueillir l’une de ces preuves, notamment l’aveu.

À partir du milieu du XXe siècle, la preuve scientifique fait de nouveaux


progrès, en vérité des pas de géant. Un chercheur anglais, Alex Jeffreys,
découvre le procédé de l’empreinte génétique qui se fonde sur la présence, dans
chaque cellule vivante de notre organisme, d’une molécule d’ADN (acide
désoxyribonucléique). Le principe est celui d’une comparaison entre l’ADN
recueilli sur une personne et celui d’une ou plusieurs autres. La preuve par
ADN rend de grands services aux praticiens, mais pas dans toutes les affaires,
évidemment.24 Va ainsi apparaître tout une batterie de procédés scientifiques
prenant appui sur le corps humain. Il s’agit avant tout de l’empreinte génétique,
mais aussi de l’empreinte digitale, des analyses de sang, d’urine ou d’air expiré.

C. La problématique
1. Faire un état des lieux

Au terme des dispositions de l’article 447 du code de procédure pénale du


Bénin, « or le cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être
établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.

Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au
cours des débats et contradictoirement discuté devant lui».

Cette disposition du code de procédure pénal est la reprise de l’article 427 du


code de procédure pénal français. Il met en relief le principe de la liberté dans la
production et dans l’appréciation de la preuve. Le principe de la liberté de
preuve permet en premier lieu de se fonder sur tout mode de preuve. 25
L’accusation peut établir par tout mode de preuve le bien fondé de ses
24
La preuve scientifique est surtout utilisée pour les affaires de violence où des traces peuvent apparaître
(sang, sperme, cheveux…). En revanche, en matière économique et financière, la preuve scientifique a peu
d’intérêt, sauf en des cas exceptionnels, par exemple pour prouver la présence de traces biologiques sur un
document. Ibid.
25
Martine (H-E.), Procédure pénale, 2e édition, Vuibert, Paris, 2008, p.154

8
prétentions. Le principe de la liberté des preuves suppose en deuxième lieu
qu’aucune des preuves n’a juridiquement de supériorité par rapport aux
autres. Dans la pratique, il peut certes être attribué plus de valeur à certaines
d’entre elles (notamment les preuves scientifiques), mais la loi n’établit aucune
hiérarchie en la matière.26 Toutes les preuves ont, sauf exception, la même
valeur quelle que soi la nature de l’infraction en cause. 27 Sauf précisions
législatives contraires, le juge peut pareillement fonder sa décision sur tout mode
de preuves alors même que la loi paraîtrait privilégier l’un d’eux 28 : tel est le cas
notamment des preuves scientifiques (éthylomètre ou éthylotest, cinémomètre
etc.) prévues en matière de conduite en état d’ivresse. Une haleine sentant
fortement l’alcool, des yeux brillants, une élocution bégayante et des
explications embrouillées peuvent fonder une condamnation en état d’ivresse.29
La liberté de preuve suppose en troisième lieu qu’une preuve peut être
combattue par une autre, qu’elle soit de même nature ou non. Le juge
répressif n’est lié par aucun mode de preuve et décide d’après son intime
conviction. Il doit toujours agir souverainement dans le sens de la découverte de
la vérité, il doit apprécier le plus rationnellement possible les éléments de preuve
dont il dispose. La décision du juge n’est conditionnée à l’existence d’aucune
preuve spécifique, c’est-à-dire sans laquelle il ne peut rendre une décision en
dépit de l’existence d’autres modes de preuve, sauf les cas ou une expertise est
obligatoire dans le domaine ou lorsque la loi prévoit une preuve légale. Il doit
prendre en compte les circonstances dans lesquelles les faits ce sont produits
pour l’appréciation. Cet article évoque également le principe du contradictoire
qui garantie aux parties de prendre connaissance des arguments de droit, de fait
et des preuves sur lesquelles l’autre partie se fonde. Le juge doit également
fondé sa décision sur les éléments contradictoirement débattus. Le principe du

26
Op. cit .157-158
27
Frédéric (D.), François (F.) et Thomas (J.), Précis de droit pénal et de procédure pénale, PUF, Paris, 2001, p.
588
28
Crim, 28 novembre 2001, letinier, Juris-Data, n° 012603. idem
29
Crim, 12 Avril 1995, Maria-Anibal, pourvoi 94-84. 888. Idem

9
contradictoire qui prévoit que les preuves soient débattus exige normalement du
juge une certaine connaissance des méthodes ayant concourus à l’obtention de
ces preuves. Alors que seules l’expert ou la police scientifique sait comment les
preuves ont été recueillies. En effet, l’expert ou l’agent de la police scientifique
procède en homme de science en faisant des analyses scientifiques ou
techniques en fonction des éléments dont il dispose afin de donner un avis
scientifique sur les faits au juge. Quant au juge, il lui revient d’analyser
consciencieusement l’avis de l’expert et le confronter aux autres éléments dont il
dispose afin de rendre une décision éclairée.

En raison de la fiabilité présumée qu’on reconnait aux preuves scientifiques


puisqu’elles relèvent des sciences exactes, il semble que l’appréciation que les
juges font de ces preuves scientifiques ne soit pas celle auxquelles on s’attend.
Les juges semblent accorder une plus grande valeur aux preuves scientifiques
alors même qu’il n’y pas une hiérarchie entre les modes de preuve. C’est le cas
des empreintes digitales et génétiques dont beaucoup clame la fiabilité. Le
problème avec ces preuves c’est qu’elles ne prouvent pas toujours directement
que la personne qu’on soupçonne soit réellement l’auteur de l’infraction. Bien
que d’autres indices peuvent amener le juge à conclure de la culpabilité du
suspect. Mais le fait de retrouver l’empreinte digitale d’une personne suspectée
sur la scène de crime ne prouve que la présence de cette personne sur les lieux à
un moment ou un autre de la commission de l’infraction, si tant est que
l’empreinte n’a pas été indirectement posée sur les lieux de l’infraction. C’est
également le cas d’un examen balistique qui prouve que les balles retrouvées
dans le corps de la victime d’un homicide ont été tirées par une arme à feu
retrouvée dans le domicile du suspect, ce qui n’est pas une preuve absolue de la
culpabilité de la mise en cause. Cela ne peut emporter la preuve scientifique de
l’imputabilité ou de la non-imputabilité de l’infraction. Croire que l’exploitation
des indices par le laboratoire de police scientifique puisse toujours résulter une

10
preuve irréfutable de cette imputabilité c’est adopté une attitude non pas
scientifique mais « scientiste».30 La grande question doit être celle de savoir
comment établir le lien étroit entre la personne suspectée et la commission de
l’infraction, question à laquelle les traces peuvent ne pas répondre. Puisque la
preuve de l’élément matériel porte, en second lieu, sur le lien entre les faits et
telle personne que l’on entend poursuivre. C’est la preuve de l’imputabilité. 31
Ces modes scientifiques de preuve ne sont pas aussi infaillibles car des erreurs
peuvent se produire lors du processus analytique. Ainsi, un échantillon peut être
mal étiqueté ou deux prélèvements peuvent être échangés, des erreurs de lecture
des analyses peuvent se produire. L’affaire Grégory est l’une des affaires les
plus tristement célèbre concernant la police scientifique. En l’espèce, le jeune
garçon est enlevé et retrouvé sans vie en 1984. Les premières études
graphologiques des lettres de menaces adressées au père désignent son cousin
germain. Les secondes études graphologiques affirment que la mère en serait
l’auteur. Et en novembre 2009, l’affaire est à nouveau révélée au grand jour car
les progrès de la science désignent un nouveau responsable, celui dont les traces
ADN ont été relevées sur la ficelle liant les bras et les jambes de l’enfant défunt.
L’affaire Outreau met en scène un juge d’instruction qui se trouve
confronté à des témoignages déroutant d’enfants faisant part de sévices
sexuelles d’une violence extrême. Comment discerner le vrai du faux propos
tenus par des mineurs incontestablement en danger. Les experts
psychiatriques n’ont pas eu d’avis péremptoires et unanimes sur la question.
Peut on le leur reprocher alors que leur profession ne permet pas d’apporter
au juge une certitude inébranlable conforme aux attentes de la justice ? Au
delà de la polémique dans laquelle il serait aisé d’entrer, il faut prendre
conscience que la justice n’est plus seulement légitimée par la science, elle peut
aussi être décrédibilisée par le doute inhérent à cette science. 32 Le point névra !
30
Bernard (B.), Haritini (M.), Droit pénal général et procédure pénale, 21e édition, Dalloz, Paris 2018, p.329
31
Martine (H-E.), Procédure pénale, 2e édition, Vuibert, Paris, 2008, p.150
32
Hélène (A.), Doute scientifique et vérité judiciaire, Mémoire de Master de droit pénal et sciences pénales,
Université Panthéon-Assas, 2010, p.8

11
lgique de la confrontation de la justice aux sciences, de l’élaboration de la vérité
judiciaire aux données scientifiques incertaines ; réside dans un paradoxe. La
recherche du juste équilibre entre le doute scientifique et les exigences de la
vérité judiciaire n’est pas sans difficulté. A tel point que les experts, les
magistrats, et les médias mettent en lumière le déséquilibre à la moindre faille
révélée du système judiciaire clamant alors à l’ardente « erreur judiciaire ».33

2. Poser le problème

La question centrale de cette étude est de savoir : quelles sont les mesures que le
juge doit prendre pour assurer une bonne appréciation des preuves scientifiques
afin de garantir l’efficacité dans la répression des infractions ?

D. Objectif

La présente étude vise à assurer une bonne appréciation des preuves


scientifiques par le juge pénal pour garantir plus d’efficacité dans la répression
des infractions afin d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

E. Intérêt du sujet
1. Intérêt théorique ou scientifique du sujet

L’intérêt théorique de cette étude réside dans le fait que la preuve scientifique
occupe une place importante dans la procédure pénale de nos jours, en raison de
l’émergence des sciences et techniques. Ce qui se manifeste par la naissance de
la police scientifique et technique qui veille à la recherche d’élément probant par
l’utilisation des procédés modernes d’investigation. C’est le cas de l’empreinte
digitale, de l’empreinte génétique, d’analyse d’urine, de sang, d’air expiré, la
balistique et plusieurs autres méthodes de la criminalistique moderne permettant
de rassembler des preuves. Autrement cette étude nous permet d’appréhender les
grandes avancées de la science qui aide grandement dans les procès pénaux.

33
Hélène (A.) op.cit p.6-7

12
L’appréciation de la preuve scientifique est l’un des plus grands enjeux de la
procédure pénale de notre époque. Ainsi, cette étude pourra contribuer à
l’approfondissement des réflexions concernant l’appréciation des modes
scientifiques de preuve par le juge. Ce sujet s’inscrit dans les préoccupations
scientifiques du Professeur Jean- Raphael Demarchi qui s’intéresse dans sa
thèse aux preuves scientifiques et le procès pénal 34. Ce sujet est d’actualité en
raison de ce que le juge est très souvent soumis à l’appréciation des preuves
scientifiques dans plusieurs affaires, ce qui nécessite l’approfondissement des
réflexions à cet effet.

2. Intérêt pratique ou sociale du sujet

L’intérêt social de cette étude réside dans le fait que tout citoyen peut être
concerné par une infraction même s’il n’est pas forcement l’auteur et la
connaissance des modes scientifiques de preuves ainsi que l’appréciation dont
ils peuvent faire objet par le juge peut être indispensable. Cette étude est d’un
intérêt capital pour le juge qui doit respecter un certains nombre de principe
dans l’appréciation des preuves scientifiques même s’il jouit d’une liberté dans
l’appréciation des preuves. Ce sujet intéresse le législateur qui peut par une
législation spécifique encadrer les preuves scientifiques dans le procès pénal.

F. Méthodologie

Plusieurs méthodes d’analyse seront utilisées dans cette étude. Ainsi, la méthode
systémique nous permettra d’analyser le processus d’appréciation des preuves
et de prise de décision du juge. La méthode exégétique permettra d’examiner
les dispositions légales relatives à l’appréciation des preuves et l’application que
le juge en fait face aux preuves scientifiques. La méthode comparative nous
guidera vers d’autres droits positifs plus évolué que le notre en matière de
preuve scientifique afin de trouver des solutions plus rationnelles au problème.
34
Jean- Raphael (D.), les preuves scientifiques et le procès pénal, thèse, préface de Coralie Ambroise-
Castérot, Paris, LGDJ, 2012

13
G. Les deux grandes parties envisagées

En raison de l’importance des preuves scientifiques dans le procès pénal de


nos jours, et des difficultés qu’on peut constater dans l’utilisation de ces preuves
dans le processus conduisant à la décision juge, cette étude s’articulera autour
de deux grandes idées. D’une part on abordera, la preuve scientifique : une
preuve indispensable pour la décision du juge (Partie I) et d’autre part, La
preuve scientifique : une preuve discutable dans le processus de raisonnement et
de prise de décision du juge (Partie II).

ESSAI DE PLAN DE REDACTION :

Partie I : La preuve scientifique : une preuve indispensable pour la décision du


juge

Chapitre 1: Une preuve légalement prévue

Section 1: Les acteurs intervenants dans la recherche des preuves scientifiques

Paragraphe 1: La police scientifique et technique

A- La mission de la police scientifique et technique

B- Les moyens utilisés pour recueillir les preuves

Paragraphe 2 : Les experts

A- La mission de l’expert

B- Les moyens utilisés pour recueillir les preuves

Section 1 : Le domaine des preuves scientifiques

14
Paragraphe 1 : Les infractions nécessitant le recours aux preuves scientifiques

A- Les infractions d’atteinte aux personnes

B- Les infractions d’atteintes aux biens

Paragraphe 2 : Les domaines de recherche des preuves scientifiques

A- L’empreinte digitale et génétique

B- Les autres domaines de recherche des preuves scientifique

Chapitre 2 : Une preuve indispensable à l’efficacité de la justice pénale

Section 1 : Les garanties d’efficacité des preuves scientifiques

Paragraphe 1 : Le contrôle des opérations d’expertises

A- L’encadrement des opérations d’expertise

B- Le contrôle du juge et des parties

Paragraphe 2 : Les avancées scientifiques en matière de preuve

A- Les raisons justifiant l’utilisation des preuves scientifiques

B- Les preuves scientifiques de fiabilité avérée (l’ADN et la dactyloscopie)

Section 2 : L’importance des preuves scientifiques dans la procédure

Paragraphe 1 : Les phases antérieures au procès

A- La phase d’enquête (la recherche de la vérité)

B- La phase d’instruction ou / la recherche d’une bonne décision

Paragraphe 2 : La phase processuelle (lors du procès)

A- La phase d’établissement de la vérité des faits (lors des débats)

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B- La phase décisionnelle (au service de la décision du juge, le juge doit
exploiter les preuves fournies pas la police ou l’expert ; l’efficacité de la
décision du juge)

Partie II : La preuve scientifique : une preuve discutable dans le processus de


raisonnement et de prise de décision du juge

Chapitre 1 : L’influence des preuves scientifique sur la décision du juge

Section 1 : L’emprise des preuves scientifiques sur le processus d’appréciation

Paragraphe 1 : L’obstacle des preuves scientifiques à la bonne appréciation

A- L’obstacle des preuves scientifiques à l’intime conviction du juge

B- L’abandon des preuves traditionnelles au profit des preuves scientifiques

Paragraphe 2 : L’obstacle des preuves scientifiques aux principes gouvernant


l’appréciation des preuves

A- Le principe de la présomption d’innocence

B- Le principle in dubio pro reo

Section 2 : L’emprise des preuves scientifiques sur la conviction du juge

Paragraphe 1 : L’incertitude de la réponse de la preuve scientifique à la question


du juge

A- La prise en compte de la seule existence d’une preuve scientifique

B- L’aveugle prise en compte de l’avis de l’expert

Paragraphe 2 : La fiabilité incertaine des preuves scientifiques

A- Le doute (incertitude) scientifique

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B- Les erreurs judiciaires

Chapitre 2 : La nécessité pour le juge de rendre une justice efficace face aux
preuves scientifiques

Section1 : La nécessité pour le juge de relativiser la fiabilité des preuves


scientifiques

Paragraphe 1 : La nécessité de compléter les preuves scientifiques par d’autres


moyens

A- La nécessité d’établir un lien étroit entre le présumé et la commission de


l’infraction en présence de preuve scientifique l’incriminant

B- La vérification de la concordance de la preuve scientifique avec les autres


moyens de preuves

(Évaluer la crédibilité de la preuve scientifique en fonction de l’ensemble des


éléments de preuves disponible ou présentée et de la question à trancher par le
juge)

Paragraphe 2 : La prise en comptes des circonstances entourant l’évènement

A- La prise en comptes des circonstances du déroulement des faits

B- La prise en compte des circonstances de prélèvement et d’analyse des


preuves scientifiques

Section 1 : La nécessité d’une bonne appréciation des preuves

Paragraphe 2 : Le juge et les opérations d’expertise

A- Le renforcement du contrôle des opérations d’expertise par le juge

B- Le renforcement des conditions d’admissibilité ou de recevabilité des


preuves scientifiques devant le juge (la jurisprudence Daubert)
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Paragraphe 1 : Le respect par le juge des principes gouvernant l’appréciation des
preuves scientifiques

A- L’appréciation des preuves selon l’intime conviction du juge

B- La présomption d’innocence et le principe in dubio pro reos

H. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

A-Ouvrages généraux :

Bernard (B.), Haritini (M.), Droit pénal général et procédure pénale, 21e
édition, Dalloz, Paris 2018

Serge (G.), Procédure pénale, lexisNexis Litec 6e édition, Paris, 2010,

Jean (P.), Procédure Pénale, 14e édition, CUJAS 2008/ 2019

18
Frédéric (D.), François (F.) et Thomas (J.), Précis de droit pénal et de procédure
pénale, PUF, Paris, 2001

Frédéric (D.), Laurence (L-C.), Traité de procédure pénale, Economica, 2091p

Jean (P.), Procédure pénal, Cujas, 16ème éditions, 903p

Serge (G.), Jacques (B.), Procédure pénal, Lexis Nexis ,5ème éditions

B-Ouvrages spécialisés :

Jean- Raphael (D.), les preuves scientifiques et le procès pénal, thèse, préface
de Coralie Ambroise- Castérot, Paris, LGDJ, 2012, 385p

Aurélie (B-W.) et Jean-Christophe (S-P.) (DIR.), la preuve pénale, problème


contemporains en droit comparé, édition l’harmattan, 2012

C-Texte de loi :

Loi n° 2012-15 du 18 Mars 2013 portant code de procédure pénal en République


du Bénin

Décret n°2016-136 du 17 Mars 2016 portant création attribution et


fonctionnement des unités spécialisées à la police nationale

Loi n° 57- 1426 du 31 décembre 1957 instituant un code de procédure pénal en


France

E– Thèses et Mémoires :

BOUKARI KADIRI (F.), l’expertise pénale en droit béninois, Mémoire de


Master II Droit privé fondamental, FADESP, Ecole doctorale, UAC, 2013-2014,
93p.

Hélène (A.), Doute scientifique et vérité judiciaire, Mémoire de Master de droit


pénal et sciences pénales, Université Panthéon-Assas, 2010, 115p.
19
Marie-Marc (R.A.C Q.), l’administration de la preuve par empreinte génétique
face à la protection des droits de la personne pénalement poursuivie, Mémoire
au fin d’obtention du diplôme d’étude approfondie (DEA), Chaire UNESCO
des droits de la personne et de démocratie, UAC, 2011-2012,154p.

Audrey (M.), le recours au mode de preuve scientifique dans le contentieux


constitutionnel des droits et libertés, thèse, l’université Aix Marseille, faculté de
droit et de science politique, 2017,643p

F- Dictionnaire :

Gérard (C.), Vocabulaire Juridique, Association Henri CAPITAN, PUF


QUADRIGE, 12ème édition, Paris, 2018

G-Jurisprudences :

Crim, 28 novembre 2001, letinier, Juris-Data, n° 012603

Crim, 12 Avril 1995, Maria-Anibal, pourvoi 94-84. 888.

I- Webographie :

Dictionnaire la toupie, www.toupi.or/Dictionnaire, consulté le 29/03/2022 14h


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Le droit pénal face à la preuve technique et scientifique,


https://www.cabinetaci.com , consulté le 31 mars 2022 09h 45

Jean (P.), « certaines preuves scientifiques devant la Cour européenne des


droits de l’homme », https://ssl.editionsthemis.com/upload/revue/article/20662
02-Pradel Tap.pdf consulté le 1er avril 2022 à 10h 30min

J. Vuille, A. Biedermann, « Une preuve scientifique suffit-elle pour fonder une


condamnation Pénale ? », Revue de droit suisse, décembre 2019, Vol. 138/5,
pp.491512 ,https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://
20
serval.unil.ch/resource/serval:BIB_BD2F156A5EEF.P001/REF%23:~:text
%3DNous%2520conclurons%2520que%252C%2520malgr
%25C3%25A9%2520des,condamnation%2520p%25C3%25A9nale
%2520(partie
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&usg=AOvVaw1pNG6lN0H9FjwOVXAQtUpm consulté le 1er avril 2022 à
11h 20min

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