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01/03/2023 21:23 Fiche 6 | L’audition libre et la garde à vue | Cairn.

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Fiche 6 | L’audition libre et la garde à vue


Thomas Lebreton
Dans
Procédure pénale
(2022), pages 87 à 112

Chapitre

L’essentiel en 1 clin d’œil

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L es individus susceptibles d’être entendus dans le cadre d’une enquête de police font, pour
l’essentiel, partie de l’une des trois catégories suivantes :
1

–   les plaignants qui, malgré certaines formulations malheureuses du CPP, ne sont pas à ce
stade de la procédure considérés comme étant des « victimes » puisqu’une décision de justice
définitive n’a pas encore reconnu qu’elles avaient subi les conséquences dommageables
d’une infraction ;
–   les témoins, entendus au sens large ;
–   les suspects.

L’audition des plaignants ne pose aucune difficulté et n’appelle pas de précision particulière si 3
ce n’est qu’ils doivent, au cours ou au terme de leur audition, être informés de leurs droits
(art. 10-2 du CPP).

L’audition des témoins est, en principe, réalisée sans contrainte ce qui signifie que les 4
enquêteurs ne peuvent les obliger à rester sur place et qu’ils ne peuvent en aucun cas les placer
en garde à vue (art. 62, al. 1, du CPP). Toutefois, et par exception, si un témoin ne consent pas à

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se tenir à leur disposition, les forces de l’ordre peuvent le retenir pour une durée maximale de
4 heures (art. 62, al. 2, et 78, al. 2, du CPP).

Au cours de l’audition d’un témoin, lorsqu’apparaissent à son encontre des raisons plausibles 5
de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction et qu’il devient donc
suspect, l’intéressé doit être entendu en audition libre du suspect ou être placé en garde à vue
(art. 62, al. 3, du CPP). Néanmoins, si ce témoin devenu suspect était entendu dans le cadre de
la rétention des témoins lorsque les raisons plausibles sont apparues, il devrait nécessairement
être placé en garde à vue et ne pourrait pas être entendu en audition libre (art. 62, al. 4, du
CPP).

Exemples

Bertrand est entendu comme témoin dans le cadre d’une enquête portant sur la
destruction involontaire d’un bien par explosion (art. 322-5, al. 1, du CP) sans que les
forces de l’ordre n’aient eu à recourir à une rétention à son encontre. Pendant cette
audition, les gendarmes sont contactés par deux personnes ayant assisté aux faits et
qui dénoncent Bertrand comme étant l’auteur de l’infraction. Du fait de l’apparition
de ces raisons plausibles, les gendarmes vont désormais entendre Bertrand en
audition libre ou le placer en garde à vue.
Intervenant dans une épicerie fine du VIIIe arrondissement de Paris, l’Office central
de lutte contre le travail illégal (OCLCTI) interpelle les deux gérants pour des faits de
travail dissimulé, fraude fiscale et traite des êtres humains. Une jeune femme se
trouvant sur place et faisant part de son souhait de quitter rapidement les lieux est
retenue par un OPJ. Transportée sous la contrainte dans les locaux de l’Office,
l’intéressée dit vouloir conserver le silence. Deux heures plus tard, les gérants
déclarent aux enquêteurs que la jeune femme n’est autre que l’une des
organisatrices du réseau. En raison de l’apparition de raisons plausibles et
considérant qu’elle était entendue dans le cadre d’une rétention, celle-ci ne pourra
être entendue qu’en garde à vue.

Au-delà du cadre juridique d’audition, certaines dispositions viennent protéger les témoins qui 6
peuvent :

–   déclarer l’adresse du commissariat plutôt que la leur dans les actes de la procédure, et ce,
sur autorisation du procureur (art. 706-57, R. 53-22 et s. du CPP) ;
–   témoigner anonymement dans le cadre des enquêtes portant sur un crime ou sur un délit
puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement en cas de danger pour leur vie ou leur intégrité
physique. Le JLD, saisi par requête motivée du parquet, doit préalablement autoriser ce
témoignage anonyme (art. 706-58, 706-60, R. 53-27 et s. du CPP).

L’audition des suspects répond à des règles beaucoup plus rigoureuses. En effet, dans la mesure 8
où ceux-ci sont présumés innocents et qu’ils sont susceptibles de s’incriminer par des aveux ou
d’incriminer autrui, leurs auditions sont soumises à des règles strictes, tant sur les droits dont
ils disposent que sur les règles procédurales à respecter.

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La présence de l’avocat au cours de ces auditions est essentielle dans la mesure où le dernier 9
alinéa de l’art préliminaire du CPP énonce qu’« en matière criminelle et correctionnelle, aucune
condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a
faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »

Notons dès ici que le suspect, qu’il soit entendu en audition libre ou en garde à vue, peut être 10
confronté à ses complices, à ses coauteurs, aux plaignants ou à des témoins. Sous réserve que le
suspect (art. 63-4-2 du CPP) ou le plaignant (art. 61-2 et 63-4-5 du CPP) en fasse la demande,
l’avocat peut assister à la confrontation.

Les suspects peuvent être entendus dans le cadre d’une audition libre (I) ou d’une garde à 11
vue (II).

I. Audition libre du suspect

Créée en 2011, l’audition libre du suspect, parfois appelée « audition du suspect libre », est 12
encadrée par les art. 61-1, 62 et 77 du CPP.

Elle peut être mise en œuvre dans le cadre des enquêtes préliminaire ou de flagrance pour 13
toute infraction c’est-à-dire, et à la différence de la garde à vue, même pour les délits qui ne
sont pas punis d’une peine d’emprisonnement et pour les contraventions.

L’audition libre concerne les individus à l’encontre desquels il existe des raisons plausibles de 14
les soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Elle n’a aucune durée
maximale.

Une audition libre ne peut, en aucun cas, être immédiatement mise en œuvre à la suite d’une 15
interpellation puisque, comme nous l’avons vu (cf. Fiche 5), l’arrestation, et donc la coercition,
ne peut conduire qu’au placement en garde à vue (art. 61-1, dernier al., du CPP). Tout
menottage ou toute contrainte à monter dans un véhicule de police prohibe l’audition libre
immédiate d’un suspect [1]. Une contrainte ayant été exercée, le suspect doit en effet pouvoir
bénéficier des droits plus larges qu’offre la garde à vue. Par ailleurs, le principe de l’audition
libre repose sur le plein consentement à l’audition de la personne concernée.

Lorsqu’une personne suspectée est contrôlée par les forces de l’ordre, elle ne peut donc être 16
immédiatement entendue en audition libre qu’à la condition d’avoir accepté de suivre de son
plein gré les auteurs du contrôle.

Considérant qu’aucune contrainte n’est ici exercée, les droits de la personne entendue en 17
audition libre sont moins importants que ceux offerts à la personne gardée à vue. Elle doit être
informée de :

1. la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction sur laquelle elle est entendue
et qu’on la suspecte d’avoir commise ;
2. du droit de quitter les locaux où elle est entendue à tout moment. C’est ici la différence
fondamentale entre l’audition libre et la garde à vue ;
3. du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence ;
4. du droit d’être assistée par un interprète ;
5. du droit d’être assistée d’un avocat, choisi ou commis d’office, si elle est entendue dans le
cadre d’une enquête portant sur un crime ou sur un délit puni d’emprisonnement
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(l’assistance de l’avocat est exclue en matière contraventionnelle et pour les délits non
punis d’emprisonnement) ;
6. du droit de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.

Dans l’hypothèse où la personne entendue fait l’objet d’une mesure civile de protection, le 19
tuteur, le curateur ou le mandataire d’une sauvegarde de justice doit être avisé (art. 706-112-2
du CPP).

Lorsqu’apparaissent un ou des éléments nouveaux relatifs à l’infraction pour laquelle le suspect 20


libre est entendu, les forces de l’ordre peuvent le placer en garde à vue, que ce soit :

–   sur décision de l’OPJ qui découvrirait des éléments de preuve au cours de l’audition ;
–   ou sur décision du parquet qui peut apporter des éléments nouveaux en faisant
notamment état du passé pénal de la personne entendue.

II. La garde à vue

La garde à vue (GAV), est prévue par les art. 62-2 et s. du CPP dans le cadre de l’enquête de 22
flagrance auxquels l’art. 77 du CPP renvoie s’agissant de l’enquête préliminaire.

Il s’agit d’un acte privatif de liberté par lequel un OPJ maintient une personne à sa disposition 23
pour les nécessités d’une enquête. Rappelons, une fois encore, que si une contrainte a été
exercée à son encontre, le suspect ne peut être entendu que dans le cadre d’une GAV [2].

Une fois les conditions du placement en GAV détaillées (A), seront évoqués la durée de cette 24
mesure (B), les droits offerts à la personne placée en GAV (C), le mécanisme de l’art. 65 du CPP
relatif à l’audition sur des faits distincts (D) et les nullités pouvant affecter cette mesure (E).
Enfin, sera envisagée l’issue de la garde à vue (F).

A. Conditions
Le placement en garde à vue d’un suspect suppose la réunion de quatre conditions. 25

▸ Agissant de sa propre initiative ou sur instruction du parquet, seul un OPJ peut placer un 26
individu en garde à vue (art. 63 du CPP). Le placement en GAV par un APJ ou un APJa est donc
irrégulier.

▸ L’individu doit être soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit passible 27


d’emprisonnement. Sont donc exclus les contraventions et les délits qui ne sont pas punis
d’emprisonnement.

Exemple

La garde à vue est exclue pour les infractions de violences volontaires n’ayant pas entraîné
d’incapacité totale de travail (art. R. 624-1 du CP) ou ayant entraîné une incapacité totale
de travail d’une durée inférieure ou égale à 8 jours (art. R. 625-1 du CP).

Ces deux infractions, sauf à se voir appliquer une circonstance aggravante, sont
effectivement des contraventions, respectivement de la 4e et de la 5e classe.

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▸ Doit être établie l’existence d’une ou plusieurs « raisons plausibles » de soupçonner que 28
l’individu a tenté de commettre ou a commis une infraction. Seuls les suspects pouvant donc
être placés en GAV, les témoins ne sont pas concernés. Cette ou ces raisons plausibles peuvent
se déduire [3] :

d’indices matériels ;
de la mise en cause de la personne par le plaignant, un coauteur, un complice ou un
témoin ;
du comportement anormal de la personne ;
de la présence de la personne sur les lieux de l’infraction au moment où elle a été
perpétrée ;
de déclarations de la personne que contrediraient des constatations faites par les
enquêteurs ;
de raisons plausibles qu’avait l’intéressé de commettre l’infraction (mobile), etc.

▸ La garde à vue doit être l’unique moyen de parvenir à un ou plusieurs des objectifs fixés par 30
l’art. 62-2 du CPP :

1. permettre l’exécution des investigations rendant nécessaires la présence ou la


participation de la personne. On pense à la présence de la personne gardée à vue lors
d’une perquisition effectuée à son domicile, à la réalisation de prélèvements sur sa
personne, à son audition, à l’organisation d’une confrontation avec le plaignant, etc. ;
2. garantir la présentation de la personne devant le procureur afin qu’il examine la suite à
donner à l’enquête. Même si le placement en GAV n’est pas un préalable obligatoire au
défèrement [4], une GAV peut donc être mise en œuvre uniquement pour déférer un
suspect [5] ;
3. empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels. La GAV peut dès
lors viser à éviter que le suspect ne maquille une scène de crime ou qu’il détruise des
indices avant que ne soient opérées une perquisition ou des constatations ;
4. empêcher que l’individu fasse pression sur les témoins ou victimes ainsi que sur leur
famille ou leurs proches. On pense tout particulièrement aux infractions commises au
préjudice de victimes vulnérables que sont, par exemple, les infractions de proxénétisme,
de traite des êtres humains ou de violences conjugales ;
5. empêcher la concertation avec un complice ou un coauteur. En matière de délinquance et
de criminalité organisée, comme dans les trafics de stupéfiants, il est essentiel, dans la
recherche de la vérité judiciaire, que chaque membre du réseau puisse livrer sa version
des faits avant de connaître celle de ses complices ou coauteurs ;
6. garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit ;
7. ou, en cas de prolongation de la durée de la GAV, permettre d’assurer un défèrement
dans les juridictions où il n’existe pas de dépôt (art. 63, II, du CPP).

Saisies d’une requête en nullité, les juridictions sont tenues de vérifier que la motivation de la 32
GAV correspond bien à l’un des objectifs de l’art. 62-2. Pour procéder à ce contrôle, la
juridiction doit se situer au moment du placement en garde à vue de la personne concernée [6].
Lorsque les forces de l’ordre se trompent dans leurs procès-verbaux en indiquant par erreur un
ou plusieurs objectifs inadaptés de l’art. 62-2 du CPP, les juridictions peuvent opérer une
rectification en relevant le ou les objectifs utiles [7].

B. Durée
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La GAV s’exécute sous le contrôle du parquet qui peut, à tout moment, ordonner que la 33
personne gardée à vue lui soit présentée ou qu’elle soit remise en liberté (art. 62-3 du CPP).

Elle est d’une durée initiale de 24 heures maximum (art. 63, II, du CPP). 34

Concernant le point de départ de la GAV, il convient de distinguer deux types de placement. 35

▸ Le placement effectif correspond à l’apparition de la contrainte et donc à l’interpellation.


À compter du placement effectif, les droits doivent être notifiés à la personne gardée à
vue sans délai et les délais relatifs à leur mise en œuvre commencent à courir.
▸ Le placement théorique correspond au moment où la personne s’est tenue à la disposition
des forces de l’ordre, et ce, même sans contrainte. Le placement théorique fait courir le
délai de 24 heures. La personne gardée à vue ayant pu se tenir à la disposition des forces
de l’ordre avant qu’une contrainte n’apparaisse à son encontre, il convient de faire
rétroagir la durée de GAV et donc de déduire le temps qu’elle a librement passé à leur
disposition.

Exemples

Luc est suspecté de harcèlement sexuel. Disposant de peu d’indices contre lui, les
enquêteurs décident de l’entendre en audition libre, ce à quoi Luc consent.
L’audition libre débute à 11 heures. À 13 heures, pris de remord, Luc avoue les faits. Il
est alors placé en GAV par l’OPJ.

Le placement théorique est fixé à 11 heures et le placement effectif a lieu à 13 heures.


Les forces de l’ordre interviennent sur les lieux d’un accident mortel de la
circulation. La scène est confuse puisque de multiples véhicules sont impliqués.
À 7 heures, sur le fondement de l’art. 61, al. 1, du CPP, l’OPJ fait interdiction à la
vingtaine de personne présentes sur place de s’éloigner du lieu des faits pendant
qu’il procède aux premières constatations.

Après avoir entendu plusieurs témoins, examiné la disposition des véhicules et visionné
les premières images d’une caméra de vidéosurveillance, l’OPJ estime que Medhi est le
conducteur du véhicule ayant causé l’accident. À 10 heures, il lui passe les menottes et le
fait conduire dans les locaux du commissariat.

Le placement théorique est fixé à 7 heures et le placement effectif a lieu à 10 heures.

En application d’une vision unitaire de la GAV, doivent, à peine de nullité à grief présumé [8], 37
être imputées sur la durée de la GAV, les durées des GAV antérieures prises sur les mêmes faits
(art. 63, dernier al., du CPP).

Exemple

Le 7 mars, Mario est placé en GAV pour un vol par effraction commis la veille. Il est libéré
après 5 heures de GAV et l’enquête préliminaire se poursuit. Trois mois plus tard,
l’exploitation génétique d’un prélèvement réalisé à partir d’un masque abandonné sur le
lieu des faits par l’un des cambrioleurs révèle l’ADN de Mario.

Mario est de nouveau placé en GAV pour cette même affaire. La durée de cette seconde

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GAV est d’une durée maximale de 19 heures (24 heures desquels sont déduites les 5 heures
de la première GAV).

Il en va de même des éventuelles retenues et rétentions qui auraient précédé la GAV. 38

Exemple

Léa fait l’objet d’un contrôle d’identité de police administrative. Elle n’a aucun document
sur elle et ne parvient pas à justifier de son identité. Elle est alors placée en retenue pour
vérification d’identité à 15 heures. Dans le cadre de la retenue, les policiers, autorisés en
cela par le parquet, proposent à Léa de donner ses empreintes digitales et de se faire
photographier. À 16 heures 30, Léa refuse. L’OPJ la place en GAV pour l’infraction de refus
de signalisation.

Les délais pour mettre en œuvre les droits commencent à courir à 16 heures 30, heure du
placement en GAV de Léa. Le délai de 24 heures de la GAV commence rétroactivement à
courir à 15 heures. Au maximum, Léa se trouve donc placée en GAV jusqu’au lendemain
15 heures.

La durée des GAV antérieures pour des faits distincts ne s’impute pas sur la GAV en cours sauf 39
si les deux GAV se succèdent immédiatement ou que la seconde intervient dans un délai très
proche (ce délai est en pratique souvent fixé à 24 heures).

Exemples

Le 16 mai à 6 heures, Andrew est placé en GAV pour s’expliquer sur des faits de
conduite d’un véhicule sous l’emprise de produits stupéfiants. À 13 heures, le
procureur décide de mettre en œuvre une alternative aux poursuites pour ces faits.
À 13 heures, cette première GAV est levée mais les enquêteurs placent
immédiatement Andrew en GAV pour une seconde affaire, cette fois relative à des
faits de violences conjugales. La durée maximale de cette seconde GAV, qui a
commencé à 13 heures, est de 17 heures (24 heures moins les 7 heures de la première
GAV).
Le 18 mai à 6 heures, Sakina est placée en GAV pour s’expliquer sur des faits de
conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique. À 13 heures, le procureur
décide de lever la GAV et fait remettre une convocation à Sakina en vue d’une
ordonnance pénale.

Le 19 mai à 15 heures, les enquêteurs placent Sakina en GAV pour une affaire relative à des
faits d’abus de confiance faisant l’objet d’une enquête préliminaire. La durée maximale de
cette seconde GAV est de 24 heures (les 7 heures de la GAV du 16 mai ne sont pas déduites
de cette durée maximale car 24 heures se sont écoulées entre les deux GAV).

Pour les seules infractions punies d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an, 40
la durée de la garde à vue peut être prolongée d’une seconde période de 24 heures (art. 63, II, du
CPP) portant ainsi la durée maximale totale de la GAV à 48 heures.
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La prolongation de garde à vue, dite « PGAV », est une décision écrite et motivée [9] prise par le 41
procureur de la République, ou, lorsqu’une information judiciaire est ouverte, par le juge
d’instruction. Le procureur n’a pas besoin de se faire présenter la personne gardée à vue pour
prolonger la mesure de GAV. Les enquêteurs doivent toutefois recueillir les observations de
l’intéressé et les communiquer au parquet qui les prendra en compte pour décider de prolonger
ou non la GAV. Par exception, le parquet peut décider de se faire présenter la personne (en
personne ou par le biais d’une visioconférence) avant de prendre sa décision de prolonger ou
non la garde à vue.

La décision du parquet de prolonger une GAV peut régulièrement être prise plusieurs heures 42
avant la fin des premières 24 heures [10]. Le procureur n’a dès lors pas à attendre le dernier
moment pour se décider. Sous peine de nullité d’intérêt privé à grief présumé [11], l’OPJ doit
notifier au suspect les droits propres à la prolongation que sont le droit à un nouvel entretien
avec son avocat et le droit à un nouvel examen médical.

Comme nous le verrons ultérieurement (cf. Fiche 9), la GAV mise en œuvre dans le cadre de 43
certaines procédures dérogatoires peut exceptionnellement être prolongée jusqu’à 96 heures et
même 144 heures.

C. Droits de la personne gardée à vue


La garde à vue étant une mesure particulièrement attentatoire aux libertés individuelles, de 44
nombreux droits sont offerts aux personnes qui en font l’objet.

1. Avis au parquet
Le procureur, magistrat judiciaire et donc garant des libertés individuelles, doit être avisé de 45
tout placement en GAV (art. 63, I, du CPP). C’est un droit effectif de la personne gardée à vue
dans la mesure où le parquet peut, à tout moment, décider de lever une GAV qu’il jugerait
irrégulière ou inopportune (art. 62-3, al. 2, du CPP).

On parle d’« avis parquet » qui peut être effectué par l’OPJ par tout moyen (appel téléphonique, 46
mail, fax, etc.). Cet avis doit préciser l’identité de la personne gardée à vue, l’heure du
placement, le ou les motifs de placement (art. 62-2 du CPP) ainsi que la qualification juridique
des faits, c’est-à-dire l’infraction que l’intéressé est suspecté d’avoir commise. Au terme de la
GAV, le procureur peut librement changer la qualification retenue par les enquêteurs et n’est
donc pas lié par celle visée par l’OPJ.

La loi indique que cet avis doit être réalisé « dès le début de la mesure » sauf « circonstance 47
insurmontable » [12].

Ont été considérés comme constitutifs d’une circonstance insurmontable, l’interpellation d’un 48
très grand nombre d’individus [13] ou le transport à l’hôpital de la personne interpellée qui se
trouvait dans un état de « grande excitation » [14]. À l’inverse, l’audition préalable de témoins n’a
pas été considérée comme constitutive d’une circonstance insurmontable justifiant un
retard [15].

Hors circonstance insurmontable, une jurisprudence très casuistique prend en compte des 49
circonstances particulières mais non insurmontables : erreur dans le numéro de téléphone de
la permanence [16], délai de présentation à l’OPJ par des APJ [17], etc.

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Le délai pour aviser le parquet court à partir du placement effectif, c’est-à-dire de 50


l’interpellation [18]. L’heure de notification des droits ou, lorsque la personne est interpellée par
un APJ, un APJa ou un particulier, l’heure de présentation à l’OPJ sont donc indifférentes [19].

Concernant le délai dans lequel l’avis au parquet doit être réalisé, la Cour de cassation a 51
développé une jurisprudence très casuistique et a pu valider des avis réalisés 53 minutes [20],
1 heure [21] ou même 2 heures 32 [22] après le placement effectif tout en sanctionnant, dans
d’autres arrêts, des avis adressés 1 heure 15 [23] voire 45 minutes après le placement [24].

Au vu de cette jurisprudence, un avis au parquet fait plus de 45 minutes, voire une heure, après 52
le placement effectif en GAV doit être considéré, sauf circonstance insurmontable, comme
irrégulier. Cette irrégularité constitue une nullité d’intérêt privé à grief présumé [25].

2. Notification des droits


La personne gardée à vue a le droit de se voir notifier les raisons de son placement en GAV ainsi 53
que ses droits (art. 63-1 du CPP).

Sauf circonstances insurmontables, la notification doit être réalisée dès le placement effectif et 54
tout retard constitue une nullité d’intérêt privé à grief présumé [26]. S’agissant du délai admis,
les jurisprudences susvisées applicables au délai de l’avis parquet sont transposables à la
notification des droits.

S’agissant des circonstances insurmontables, il est considéré que l’état d’ébriété de la personne 55
placée en garde à vue justifie que ses droits ne lui soient pas immédiatement notifiés et qu’ils
ne le soient que lorsqu’elle aura dégrisé [27]. De même, la recherche d’un interprète [28] ou la
nécessité de prodiguer des soins à la personne gardée à vue [29] peuvent justifier que ses droits
ne lui soient notifiés qu’ultérieurement.

Au titre de la notification, la personne gardée à vue est informée : 56

▸ de son placement en GAV ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des


prolongations dont celle-ci peut faire l’objet (art. 63-1, 1°, du CPP).
▸ de la qualification, du lieu et de la date de l’infraction qu’elle est suspectée d’avoir
commise ainsi que du motif de placement en GAV (art. 63-1, 2°, du CPP).

Si la qualification évolue au cours de la GAV, l’OPJ doit la notifier à la personne gardée à vue 58
sous peine d’irrégularité sanctionnée par une nullité soumise à grief [30]. Lorsque plusieurs
infractions sont reprochées à la personne gardée à vue, toutes doivent lui être notifiées [31].
À défaut, une telle omission caractérise une nullité d’intérêt privé soumise à la preuve d’un
grief qui ne sera établi que si l’intéressé s’incrimine sur ces faits omis au cours d’auditions [32].
Le cas échéant, seules ces dernières auditions et les actes dont elles sont le support nécessaire
seront annulés [33].

L’omission d’une circonstance aggravante établie et connue des enquêteurs dès le début de la 59
GAV, de nature à entraîner une requalification criminelle des faits délictuels qui ont été
notifiés, entraîne le prononcé d’une nullité d’intérêt privé à grief présumé du fait de l’absence
d’enregistrement audiovisuel des auditions qui résulte de la qualification délictuelle retenue [34].

▸ des droits inhérents à la GAV (art. 63-1, 3°, du CPP) que sont le :
1. droit de faire prévenir un proche et son employeur (ainsi que le consulat pour les
individus de nationalité étrangère) et éventuellement de communiquer avec eux ;
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2. droit d’être examiné par un médecin ;


3. droit à l’assistance d’un avocat ;
4. droit à l’assistance d’un interprète ;
5. droit de consulter certaines pièces ;
6. droit de présenter des observations au magistrat envisageant de prolonger la GAV ;
7. droit, au cours des auditions, de faire des déclarations, de répondre aux questions
et de se taire.

À défaut de raison impérieuse tenant aux circonstances de l’espèce, et sous peine de nullité, les 61
enquêteurs ne peuvent recueillir les déclarations spontanées d’un individu qui n’a pas été
informé de son droit de se taire et d’être assisté par un avocat [35].

En revanche, l’absence de signature du procès-verbal de notification ne constitue pas une cause 62


de nullité s’il résulte de la procédure que la personne gardée à vue a bien été informée de ses
droits [36].

3. Remise de la déclaration des droits


L’individu placé en garde à vue doit se voir remettre une déclaration des droits (art. 803-6 du 63
CPP). Il s’agit d’un document écrit récapitulant ses droits.

4. Assistance d’un avocat


Dès le début de la GAV, la personne gardée à vue a le droit d’être assistée d’un avocat (art. 63-3- 64
1, al. 1, du CPP). Cet avocat peut être désigné à tout moment, et ce, même en cours
d’audition [37], par la personne gardée à vue ou par ses proches régulièrement avisés [38].

L’avocat : 65

a. doit être informé par l’OPJ de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle
porte l’enquête (art. 63-3-1, al. 4, du CPP) ;
b. peut consulter certaines pièces du dossier [39] (art. 63-4-1, al. 1, du CPP) :
1. procès-verbal de placement en GAV,
2. procès-verbal de notification des droits,
3. éventuel certificat médical,
4. procès-verbaux des auditions et confrontations auxquelles son client a pris part ;
c. peut s’entretenir pendant 30 minutes au maximum avec son client au début de la GAV et à
l’occasion de chacune des prolongations (art. 63-4 du CPP) ;
d. peut assister aux auditions et confrontations si son client en fait la demande (art. 63-4-2,
al. 1, du CPP), et ce, même si ce dernier, qui ne le voulait pas initialement, a changé
d’avis [40] ;
e. peut prendre des notes au cours des auditions et confrontations (art. 63-4-2, al. 1, du CPP)
ainsi qu’au cours de la consultation des pièces du dossier, pièces dont il ne peut toutefois
pas demander ou réaliser une copie (art. 63-4-1, al. 1, du CPP) ;
f. peut poser des questions à l’issue de chaque audition ou confrontation sauf si l’OPJ ou
l’APJ ayant dirigé la mesure s’y oppose lorsque les questions sont de nature à nuire au bon
déroulement de l’enquête (art. 63-4-3, al. 2, du CPP) ;
g. peut faire des observations écrites à l’issue de l’entretien de 30 minutes et de chaque
audition ou confrontation (art. 63-4-3, al. 3, du CPP) ;

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h. doit être informé à chaque fois que son client est transporté dans un autre lieu, mais dans
les seuls cas où celui-ci doit être entendu, participer à une reconstitution ou faire l’objet
d’une parade d’identification [41] (art. 63-4-3-1 du CPP). La personne gardée à vue ne
pourra être entendu sur les lieux du déplacement que si l’avocat a été avisé (art. D. 15-5-6
du CPP) ;
i. peut assister aux reconstitutions et aux parades d’identification si son client en fait la
demande (art. 61-3 du CPP).

Lorsque la personne gardée à vue a demandé à être assistée d’un avocat pendant les 67
confrontations ou les auditions, la première d’entre elles, sauf si elle porte uniquement sur les
éléments d’identité [42], ne peut débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai
de 2 heures, dit « délai de carence » (art. 63-4-2, al. 1, du CPP). Ce délai court à partir du moment
où l’avocat a été prévenu. Sauf si la personne gardée à vue a demandé à changer d’avocat, un
nouveau délai de carence ne court pas à l’occasion des auditions postérieures.

Par décision écrite et motivée faisant suite à une demande de l’OPJ, le parquet peut autoriser 68
que l’audition débute sans attendre l’expiration du délai de 2 heures lorsque les nécessités de
l’enquête exigent une audition immédiate de la personne (art. 63-4-2 du CPP).

Ce même article permet au procureur, par décision écrite et motivée, de retarder l’intervention 69
de l’avocat lors des auditions ou confrontations pour des raisons impérieuses. D’une durée de
12 heures, ce report est renouvelable par autorisation du JLD. Dans les mêmes conditions, le
parquet peut s’opposer à la consultation, par l’avocat, des procès-verbaux d’audition de son
client.

Les enquêteurs doivent tout mettre en œuvre pour prévenir l’avocat choisi ou commis d’office. 70
Ils n’ont toutefois qu’une obligation de moyen et non de résultat [43]. Ainsi, dès lors que les
enquêteurs ont vainement tenté de joindre l’avocat désigné par la personne gardée à vue, ils ne
sont pas tenus de faire appel à un avocat commis d’office si la personne gardée à vue ne le
demande pas [44].

Seul le bâtonnier ayant qualité pour désigner un autre défenseur en cas de conflit d’intérêts 71
(art. 63-3-1, al. 5, du CPP), les enquêteurs ne peuvent pas refuser de contacter l’avocat choisi et
imposer un avocat commis d’office à la personne gardée à vue [45].

5. Faire prévenir des tiers


L’individu gardé à vue a le droit de faire prévenir (art. 63-2, I, du CPP) : 72

–   un proche (personne avec laquelle il vit habituellement, parent en ligne directe, frère ou
sœur) ;
–   ainsi que son employeur ;
–   de même que les autorités consulaires de son pays, s’il est de nationalité étrangère.

Sauf en cas de circonstance insurmontable, ces personnes doivent être avisées dans les 74
3 heures à compter du moment où l’individu gardé à vue a formulé la demande. Cette demande
peut donc ne pas être exprimée dès le début de la GAV.

Le procureur peut décider que ces avis seront différés pendant un délai qu’il fixe voire qu’ils ne 75
seront pas délivrés du tout lorsque cela s’avère indispensable au recueil ou à la conservation des
preuves ou pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une

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personne. On pense au cas où la personne gardée à vue ne doit pouvoir faire avertir des
membres de sa famille dont l’interpellation est programmée sous peu ou qui pourraient être
tentés de faire disparaître des éléments de preuve dans un logement avant que ne soit opérée
une perquisition.

Sauf circonstance insurmontable, le tuteur, le curateur ou le mandataire d’une sauvegarde de 76


justice doit être avisé dans les 6 heures à compter du moment où il apparaît que la personne
gardée à vue fait l’objet d’une telle mesure de protection (art. 706-112-1 du CPP) [46]. Ils peuvent
demander que soient exercés les droits que le majeur protégé n’a pas souhaité exercer. Le
parquet peut là aussi décider d’écarter ou de différer cet avis. En cas de doute sur l’existence
d’une mesure de protection, le parquet doit faire procéder à des vérifications [47] et, par
exemple, obtenir l’acte de naissance de la personne gardée à vue sur lequel cette mesure doit
être mentionnée (art. 444 du Code civil).

6. Communiquer avec un proche


L’OPJ peut autoriser la personne gardée à vue à communiquer, par écrit, par téléphone ou lors 77
d’un entretien physique, avec l’un des tiers qu’il est autorisé à faire prévenir.

Cet entretien, qui n’est donc pas automatique, est d’une durée de 30 minutes maximum. Il est 78
mis en œuvre à un moment et selon des modalités fixées par l’OPJ, qui peut d’ailleurs y assister
(art. 63-2, II, du CPP).

7. Examen médical
À l’occasion de chacune des tranches de 24 heures de garde à vue, l’individu gardé à vue dispose 79
du droit d’être examiné, dans les 3 heures à compter de sa demande, par un médecin qui
procède à toute constatation utile et se prononce sur la compatibilité de la mesure avec son état
de santé (art. 63-3 du CPP). Si le médecin considère la GAV incompatible avec l’état de santé de
l’intéressé, le parquet doit immédiatement lever la GAV sous peine de nullité d’intérêt privé à
grief présumé [48].

L’OPJ, le parquet et les proches de l’intéressé peuvent également demander à faire examiner la 80
personne gardée à vue par un médecin mais, l’examen n’étant pas ici sollicité par la personne
gardée à vue, le délai contraint de 3 heures n’est pas applicable [49].

8. Assistance d’un interprète


Dans l’hypothèse où ce serait nécessaire, la personne gardée à vue a le droit d’être assistée d’un 81
interprète (art préliminaire et 63-1 du CPP).

9. Consultation de pièces
L’individu placé en GAV, qu’il soit ou non assisté d’un avocat, peut consulter certaines pièces de 82
la procédure (art. 63-4-1 du CPP). Il s’agit des mêmes pièces que celles auxquelles l’avocat peut
accéder.

S’agissant d’un simple droit de consultation, la personne gardée à vue ne peut pas prendre de 83
notes à la différence de l’avocat [50].

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10. Présenter des observations


La personne gardée à vue peut présenter des observations lorsque la prolongation de la GAV 84
dont il fait l’objet est envisagée (art. 63-1, 3°, du CPP).

11. S’exprimer ou garder le silence


Au cours de ses auditions, la personne placée en GAV a le droit de faire des déclarations, de 85
répondre aux questions ou de garder le silence (art. 63-1, 3°, du CPP). Elle est toutefois tenue de
décliner son identité au préalable.

Le droit de garder le silence est l’un des corollaires indispensables du droit de ne pas s’auto- 86
incriminer. Il faut bien comprendre que si la personne gardée à vue refuse de s’expliquer tant
sur les faits qui lui sont reprochés que sur les éléments à charge que lui présentent les
enquêteurs, les policiers ne peuvent l’y contraindre. Néanmoins, les juridictions de jugement
seront in fine libres d’interpréter, le plus souvent négativement, cette attitude.

12. Enregistrement audiovisuel


La personne gardée à vue suspectée d’avoir commis des faits de nature criminelle a droit à 87
l’enregistrement audiovisuel de ses auditions et confrontations (art. 64-1 du CPP). Comme
nous le verrons (cf. Fiche 21), les GAV dont font l’objet les mineurs sont, elles, toutes filmées, et
ce, quelle que soit la nature des faits sur lesquels elles portent.

L’enregistrement permet de s’assurer que la personne gardée à vue n’a pas subi de pression 88
mais vise également à empêcher que l’intéressé ne vienne ultérieurement contester avoir tenu
les propos retranscrits sur les procès-verbaux.

Lorsque l’enregistrement ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, les 89
forces de l’ordre sont tenues, à peine de nullité, de le mentionner dans le procès-verbal
d’audition, en faisant précisément état de la nature des difficultés rencontrées [51], et doivent
immédiatement en aviser le procureur [52].

Par exception, les auditions réalisées en dehors des locaux de police ou de gendarmerie, comme 90
dans une chambre d’hôpital, n’ont pas à être enregistrées [53].

On notera qu’a récemment été jugé que l’enregistrement de la parole des personnes gardées à 91
vue dans le cadre des reportages journalistiques caractérise une atteinte à l’intimité de la vie
privée à laquelle ils ne sont pas en mesure de s’opposer [54].

13. Droit de suite


Enfin, au terme de la GAV, si la personne est remise en liberté sans qu’une décision ait été prise 92
sur l’action publique par le procureur, elle doit être informée des dispositions de l’art. 77-2 du
CPP sur le fondement desquelles elle peut demander à consulter le dossier de la procédure
un an plus tard en vue de formuler des observations (art. 63-8 du CPP).

Il faut comprendre qu’au terme d’une garde à vue, le procureur peut orienter les poursuites 93
(cf. Fiche 10) mais également laisser se poursuivre l’enquête.

D. Audition sur des faits distincts


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Lorsque les enquêteurs interrogent un individu sur certains faits et qu’ils veulent l’entendre sur 94
d’autres infractions, l’art. 65 du CPP prévoit un mécanisme d’audition sur faits distincts.

Il peut s’agir d’entendre l’intéressé sur des infractions liées à la procédure pour laquelle il est en 95
garde à vue ou de l’interroger sur une procédure distincte.

Exemples

Lors de son placement en GAV, l’OPJ du commissariat de Privas notifie à Karim les
infractions de rébellion (art. 433-6 du CP) et d’outrage à personne dépositaire de
l’autorité publique (art. 433-5, al. 2, du CP) qui justifient cette mesure. Quatre heures
plus tard, Karim s’en prend violemment à la personne avec laquelle il partage sa
cellule dont il n’a pas supporté d’apprendre l’homosexualité. Ayant recours à l’art. 65
du CPP, l’OPJ lui notifie son placement en GAV pour violences à raison de
l’orientation sexuelle de la victime (art. 222-13, 5° ter, du CP).
Antonio est placé en GAV dans les locaux de la section de recherches de Lyon pour
des faits de réduction en esclavage et d’exploitation d’une personne réduite en
esclavage (art. 224-1A et 224-1B du CP). Apprenant le placement en GAV d’Antonio,
les fonctionnaires de police du commissariat de Bron se présentent dans les locaux
de la section de recherches et ont recours à l’art. 65 du CPP pour l’entendre sur des
faits d’évasion d’une personne bénéficiant d’une semi-liberté (art. 434-27 et 434-29,
2°, du CP) dans le cadre d’une procédure qu’ils diligentent depuis 3 mois.

Bien plus souple que l’ancienne « garde à vue supplétive » supprimée par la loi du 27 mai 2014, le 96
mécanisme procédural de l’art. 65 du CPP, qui suppose une information immédiate du parquet
lorsqu’il est mis en œuvre [55], prévoit une notification allégée des droits :

–   information sur les faits reprochés (qualification, date et lieu présumés des faits) ;
–   droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de garder le silence ;
–   droit à être assisté d’un interprète ;
–   droit d’être assisté par un avocat [56].

Une fois ces droits notifiés, les forces de l’ordre peuvent entendre la personne gardée à vue sur 98
les faits autres que ceux pour lesquels elle a été placée en GAV.

Le recours à l’art. 65 ne vient pas créer une seconde garde à vue. Ce faisant, le prononcé de la 99
nullité de la garde à vue entraîne la nullité des auditions faites sur le fondement de l’art. 65 [57].

E. Les nullités de la garde à vue


L’idée n’est pas d’être ici exhaustif sur les conséquences qu’entraîne le non-respect du cadre 100
procédural de la garde à vue.

Référez-vous à la fiche relative aux exceptions (cf. Fiche 14) mais également à la jurisprudence 101
de votre CPP qui détaille les sanctions encourues en cas de manquement à telle ou telle
disposition procédurale relative à la GAV.

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Relevons, malgré tout, que la garde à vue est le terrain privilégié des nullités substantielles 102
d’intérêt privé avec présomption de grief. Une telle sanction est prévue s’agissant des
irrégularités suivantes :

–   information tardive du parquet hors circonstance insurmontable [58] ;


–   dépassement de la durée maximale de la GAV [59] ;
–   défaut ou retard de notification des droits hors circonstance insurmontable [60] ;
–   poursuite de la garde à vue d’un individu dont l’état de santé est jugé incompatible avec la
mesure [61] ;
–   défaut d’enregistrement audiovisuel hors circonstance insurmontable [62] ;
–   défaut de notification du droit de garder le silence [63] ;
–   défaut d’indication des motifs du placement en garde à vue dans l’avis adressé au
parquet [64] ;
–   refus par l’OPJ, alléguant un conflit d’intérêts, d’informer l’avocat choisi par la personne
gardée à vue [65] ;
–   défaut d’accès par l’avocat aux pièces de la procédure sauf circonstance
insurmontable [66] ;
–   individu entendu en GAV alors que les objectifs de l’art. 62-2 du CPP auraient tout aussi
bien pu être atteints en audition libre [67] ;
–   défaut d’avis au parquet en cas de mobilisation de l’art. 65 du CPP [68], etc.

La jurisprudence maintient toutefois des nullités substantielles d’intérêt privé sans 104
présomption de grief dès lors qu’il n’y a pas d’atteinte aux droits de la défense. Les irrégularités
suivantes sont concernées :

–   défaut de production d’un certificat médical à la suite d’un examen prescrit par l’OPJ [69] ;
–   défaut de mention du lieu présumé de l’infraction lors de la notification des faits à la
personne gardée à vue [70] ;
–   défaut de notification de l’une des infractions dont est soupçonnée la personne gardée à
vue [71] ;
–   défaut de remise de la déclaration des droits de l’art. 803-6 du CPP [72] ;
–   retard dans la notification de la modification de qualification d’une infraction dont est
soupçonnée la personne gardée à vue [73], etc.

L’issue de la garde à vue


Au terme d’une garde à vue diligentée dans le cadre d’une enquête de police, le suspect peut 106
être remis en liberté ou déféré devant le procureur de la République.

Le défèrement (souvent écrit à tort « déferrement ») est un acte de procédure régi par les art. 63-8 107
et 393 du CPP consistant à faire présenter un individu par les forces de l’ordre à un magistrat au
tribunal.

Comme nous le verrons (cf. Fiche 10), le parquet, une fois qu’il s’est fait présenter l’intéressé au 108
terme d’un défèrement, peut décider de mettre en œuvre une convocation par procès-verbal,
une comparution à délai différé, une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité,
une comparution immédiate ou une ouverture d’information judiciaire.

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Le défèrement d’un individu intervient au terme de la GAV ou de la rétention dont il fait l’objet. 109
Entre la levée de la garde à vue et sa présentation à un magistrat, le suspect est donc privé de
liberté. Une rétention est en effet mise en œuvre.

La présentation au magistrat doit avoir lieu le même jour que la levée de la GAV (art. 803-2 du 110
CPP) mais, par exception, elle peut intervenir dans les 20 heures pour les seules juridictions
équipées d’un dépôt de nuit (art. 803-3 du CPP) que sont les tribunaux judiciaires de Paris,
Bobigny et Créteil [74]. Dans ce dernier cas, le procureur doit justifier de circonstances ou de
contraintes matérielles rendant nécessaire le placement au dépôt du suspect [75].

Exemple

Le conducteur d’un véhicule est interpellé en flagrance après avoir commis des faits de
refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter dans des circonstances exposant
directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente (art. L. 233-1-1 du Code de la route).

Après 45 heures de garde à vue, le parquet décide de se faire présenter le mis en cause.

La garde à vue est alors levée à 18 heures et le suspect est conduit dans les locaux du
tribunal judiciaire.

Le procureur devra se faire présenter l’intéressé avant minuit pour lui faire part des suites
qu’il réserve à cette procédure.

Dans l’hypothèse où l’intéressé aurait été conduit dans les locaux des tribunaux judiciaires
de Paris, Créteil ou Bobigny, le suspect serait placé au dépôt de nuit et le procureur
pourrait le rencontrer jusqu’au lendemain à 14 heures (expiration du délai de 20 heures
ayant commencé à courir à compter de la levée de la GAV, c’est-à-dire à 18 heures la veille).

Approfondir
− J.-B. Perrier et B. Rebstock, « La garde à vue et l’audition libre », Gazette du palais, coll.
« Guide pratique », 1re éd., 2020, 300 p.
− J. Leroy, « Garde à vue », J.-Cl. Procédure pénale, art. 53 à 73, fasc. 30.
− M. Jacquelin, « Audition libre », Rép. pén. et proc. pén.
− S. Pellé, « L’audition libre : réflexion sur quelques angles morts des droits de la
défense », Recueil Dalloz, 25 févr. 2021, p. 356.
− V. Tellier-Cayrol, « Audition libre et garde à vue des personnes vulnérables : deux pas en
avant, un pas en arrière », Gaz. Pal., 3 sept. 2019, p. 66.

Exercice

1. Le 12 mars, à la suite de la plainte déposée par André Masséna, son voisin, Joachim
Murat est convoqué par les policiers du commissariat de Lens dans le cadre d’une
enquête de flagrance portant sur des faits de menaces de mort réitérées proférées la
veille.

Il se présente à 11 heures et son audition commence immédiatement. À 14 heures et


après les avoir contestés, Joachim Murat reconnaît ces faits de menaces et déclare
qu’il n’en peut plus d’André Masséna dont le chien aboie à toutes les heures du jour
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et de la nuit. Outré que son voisin ait pu porter plainte contre lui, il déclare même
qu’il a la ferme intention de se rendre prochainement chez André pour « lui casser la
gueule ».

À 14 heures 30, un OPJ du commissariat place Joachim Murat en garde à vue. Le


procureur de la République de Béthune est immédiatement avisé. Joachim Murat
est informé de l’infraction qui lui est reprochée et ses droits lui sont notifiés à
15 heures 10.

Joachim Murat demande à bénéficier de l’assistance d’un avocat commis d’office. Ce


dernier se voit refuser par l’OPJ le droit de consulter la plainte déposée par André
Masséna mais s’entretient avec son client pendant 30 minutes puis assiste à ses
auditions. À 19 heures, voyant que la mesure de garde à vue dure plus longtemps
qu’il ne l’imaginait, Joachim Murat demande à faire prévenir sa grand-tante chez
qui il vit. Cette dernière est prévenue téléphoniquement à 21 heures 30.

Sur instruction du procureur, la garde à vue est levée à 12 heures le 13 mars. Joachim
Murat se voit remettre par l’officier de police judiciaire une convocation pour être
jugé le 15 mai prochain par le tribunal correctionnel de Béthune.
2. Le 11 août à 5 heures 30, des APJ de la brigade de gendarmerie de Valdahon sont en
patrouille sur le ressort de leur circonscription. Alors qu’ils circulent dans la
campagne, leur attention est attirée par un véhicule, moteur et phares allumés,
stationné sans occupant sur le rebord de la chaussée à proximité d’une forêt.
Progressant discrètement à proximité de ce véhicule, les gendarmes aperçoivent un
individu muni d’un briquet et de liquide inflammable en train de tenter de mettre
feu à des broussailles.

Réalisant la présence des forces de l’ordre, l’intéressé prend la fuite en courant.


Rattrapé par un militaire, l’intéressé se débat et lui porte un coup de coude. Le
gendarme parvient à le maîtriser à l’aide d’une clé de bras et lui passe les menottes.

L’individu est alors transporté à la brigade de gendarmerie où il est présenté à l’OPJ


de permanence. Connaissant l’intéressé qui n’est autre que Louis Davout, sapeur-
pompier volontaire originaire de la commune, l’OPJ décide de l’entendre
immédiatement, sans le placer en garde à vue, au sujet des infractions de tentative
d’incendie de forêt aggravé (art. 322-6, al. 2, du CP) et de rébellion (art. 433-6 du CP).

Louis Davout est avisé de l’ensemble de ses droits prévus par l’art. 61-1 du CPP.

■ Appréciez la régularité de ces auditions et garde à vue.

Corrigé
1. ▸ Encadrée en flagrance par les art. 61-1 et 62 du CPP, l’audition libre du suspect peut être 112
mise en œuvre à l’égard de tous les individus à l’encontre desquels existent des raisons
plausibles de les soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction quelle
qu’elle soit.

En l’espèce, Joachim Murat a été entendu par les fonctionnaires de police de Lens à partir de 113
11 heures dans le cadre d’une audition libre. Des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir
commis l’infraction de menace de mort réitérée existaient puisque son voisin a porté plainte
contre lui.

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Sous réserve que ses droits issus de l’art. 61-1 du CPP lui aient bien été notifiés, l’audition libre 114
de Joachim Murat est régulière.

▸ Le placement en garde à vue (GAV) d’un suspect suppose : 115

–   l’intervention d’un officier de police judiciaire (OPJ) (art. 63 du CPP) ;


–   que le suspect soit soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit passible
d’emprisonnement ;
–   qu’existent contre lui une ou plusieurs « raisons plausibles » de soupçonner qu’il a commis
ou tenté de commettre une infraction ;
–   que cette mesure soit l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs fixés par l’art. 62-2
du CPP.

Lorsqu’apparaissent un ou des éléments nouveaux sur l’infraction pour laquelle le suspect libre 117
est entendu, les forces de l’ordre peuvent le placer en GAV.

En l’espèce, Joachim Murat a été placé en GAV par un OPJ pour un délit passible 118
d’emprisonnement que sont les menaces de mort réitérées (art. 222-17, al. 2, du CP). Des
raisons plausibles existent contre lui au regard de ses aveux et de la plainte d’André Masséna.
S’agissant des objectifs de l’art. 62-2 du CPP, semblent caractérisés les 4° (éviter une pression
sur la victime qu’il dit vouloir violenter) et 6° (mesure nécessaire pour faire cesser le délit). Le
fait qu’il ait d’abord été entendu en audition libre ne fait pas obstacle au placement en GAV de
Joachim Murat dès lors que, du fait de ses aveux, est apparu un élément nouveau contre lui.

Le placement en GAV de Joachim Murat est régulier. 119

▸ S’agissant de ses droits, la personne gardée à vue : 120

–   doit voir le procureur être avisé du placement en GAV dès le début de la mesure (art. 63, I,
al. 2, du CPP) ;
–   doit, dès le placement effectif, se voir notifier les raisons de son placement en GAV ainsi
que ses droits (art. 63-1 du CPP) ;
–   peut bénéficier de l’assistance d’un avocat qui n’a le droit de consulter que certaines
pièces du dossier (art. 63-4-1, al. 1, du CPP),
–   peut faire prévenir un proche. Ces personnes doivent être prévenues dans les trois heures
à compter de la demande formulée par la personne gardée à vue (art. 63-2, I, du CPP), etc.

En l’espèce, le procureur a été avisé du placement en GAV dès 14 heures 30. Les droits de 122
Joachim Murat ne lui ont été notifiés qu’à 15 heures 10, soit 40 minutes après le début de la
mesure. Si la jurisprudence rendue sur le délai au cours duquel ses droits doivent être notifiés à
la personne gardée à vue n’est pas unifiée (Crim., 7 mars 2007, n° 06-84292 ayant validé
53 minutes ; Crim., 22 janv. 2013, n° 10-87021 ayant validé une heure ; Crim., 24 mai 2016, n° 16-
80564 ayant censuré 45 minutes), il semble qu’il faille considérer qu’est irrégulière la
notification faite plus de 45 minutes après le placement effectif en GAV. N’étant pas visée par
l’art. 63-4-1, al. 1, du CPP, la plainte de la victime ne fait pas partie des pièces de la procédure
que peut consulter l’avocat intervenant dans le cadre d’une GAV. La personne gardée à vue peut
faire prévenir un proche et, notamment, une personne avec laquelle elle vit habituellement ce
qui est bien le cas de la grand-tante de Joachim Murat. Celle-ci a été prévenue 2 heures 30 après
la demande de la personne gardée à vue et donc bien pendant le délai de 3 heures.

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Sous réserve de l’appréciation de la juridiction qui pourrait considérer que le délai de 123
notification des droits de 40 minutes est excessif, ce qui conduirait au prononcé d’une nullité
substantielle d’intérêt privé avec grief présumé (Crim., 31 mai 2007, n° 07-80928), les droits de
Joachim Murat ont été respectés.

▸ La GAV est d’une durée maximale de 24 heures (art. 63, II, du CPP). S’agissant du point de 124
départ de la GAV, le placement théorique correspond au moment où la personne s’est tenue à la
disposition des forces de l’ordre, et ce, même sans contrainte. Ce placement théorique fait
courir le délai de 24 heures. Il est à distinguer du placement effectif qui correspond à
l’apparition de la contrainte.

En l’espèce, Joachim Murat a été placé en GAV le 13 mars à 14 heures 30. Il s’agit du placement 125
effectif qui, comme nous l’avons vu, fait courir les délais tenant aux droits de la personne
gardée à vue. En revanche, Joachim Murat s’est tenu à la disposition des forces de l’ordre à
compter de 11 heures, heure qui correspond au placement théorique faisant courir le délai de
24 heures. La GAV, qui n’a pas été prolongée, expirait donc à 11 heures le 13 mars. Elle ne
pouvait dès lors pas se poursuivre jusqu’à 12 heures. Le dépassement de la durée maximale de la
GAV constitue une nullité substantielle d’intérêt privé à grief présumé (Crim., 17 mars 2004,
n° 03-87739). Néanmoins, la convocation en justice remise à un suspect par un OPJ sur
demande du parquet n’est pas atteinte par la nullité de la GAV au terme de laquelle elle a été
remise (Crim., 18 sept. 2012, n° 12-80526).

Ayant duré 25 heures, la GAV non prolongée dont a fait l’objet Joachim Murat est irrégulière et 126
pourra être annulée. Le tribunal est toutefois valablement saisi car la convocation remise n’est
pas atteinte par la nullité de la GAV. Pour apprécier sa culpabilité, le tribunal correctionnel ne
pourra pas s’appuyer sur les déclarations de Joachim Murat tenues au cours de la GAV puisque
ses auditions seront annulées.

2. L’audition libre est un cadre d’audition qui ne peut jamais être immédiatement mis en œuvre 127
à la suite d’une interpellation. En effet, le dernier alinéa de l’art. 61-1 du CPP prévoit que
l’arrestation, et donc la contrainte, ne peuvent conduire qu’au placement en GAV du suspect. Le
recours au menottage ou à toute autre forme de contrainte exclut, dès lors, l’audition libre
immédiate d’un suspect. Une contrainte ayant été exercée, le suspect doit pouvoir bénéficier
des droits plus larges qu’offre la GAV. L’audition libre d’un individu interpellé peut être annulée
(Crim., 6 novembre 2013, n° 13-84320).

En l’espèce, Louis Davout a été interpellé par les gendarmes de Valdahon qui ont dû avoir 128
recours à la contrainte physique et au menottage pour le transporter dans les locaux de la
brigade. Ce faisant, l’OPJ ne pouvait pas l’entendre dans le cadre d’une audition libre et aurait
dû, soit le placer en GAV, soit lui remettre une convocation à comparaître en vue d’une audition
libre ultérieure.

L’audition libre de Louis Davout est irrégulière. Elle pourra être annulée. 129

Notes

[1] En l’absence de contrainte, les forces de l’ordre peuvent entendre un suspect en audition libre
même si toutes les conditions de la garde à vue sont réunies (Crim., 13 nov. 1996, n° 96-82087
et 96-83708, PB).

[2] CPP, art. 61-1 et 73 ; circ. JUSD1412016C du 23 mai 2014, § 1.2.2.


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[3] § I.1 de la circ. JUSD0230009C du 10 janv. 2002 auquel renvoie le § I.2 de la


circ. JUSD0230056C du 19 mars 2002.

[4] Crim., 19 janv. 2005, n° 04-81455.

[5] Crim., 24 juin 2015, n° 14-86731.

[6] Est censurée la GAV justifiée par le seul 2° de l’art. 62-2 du CPP alors que la personne gardée à
vue disposait de nombreuses garanties de représentation et qu’il avait par le passé toujours
déféré aux convocations qui lui étaient remises (Crim., 7 juin 2017, n° 16-87588, PB).

[7] Crim., 28 mars 2017, n° 16-85018, PB.

[8] Crim., 13 févr. 1996, n° 95-85538, PB.

[9] Le défaut de motivation constitue une nullité d’intérêt privé à grief présumé (Crim., 9 mai
2001, n° 01-82104, PB).

[10] Crim., 20 déc. 2000, n° 00-86499, PB.

[11] Crim., 1er déc. 2015, n° 15-84874, PB.

[12] Crim., 11 oct. 2000, n° 00-82238, PB.

[13] 2e Civ., 19 févr. 2004, n° 03-50025, PB.

[14] Crim., 27 nov. 2007, n° 07-83786.

[15] Crim., 31 mai 2007, n° 07-80928, PB.

[16] Crim., 26 mars 2014, n° 13-87764.

[17] Crim., 24 oct. 2017, n° 17-84627 (il faut comprendre que dans l’immense majorité des cas, les
effectifs de voie publique procédant à des interpellations en flagrant délit sont constitués
d’APJ et d’APJa qui présentent ensuite le suspect à un OPJ qui décide de placer ou non
l’intéressé en GAV).

[18] Crim., 6 déc. 2000, n° 00-86221, PB ; Crim., 31 mai 2007, n° 07-80928, PB ; Crim., 29 mars 2017,
n° 16-82763 et 09-82511.

[19] Crim., 7 janv. 2009, n° 08-83428.

[20] Crim., 7 mars 2007, n° 06-84292.

[21] Crim., 22 janv. 2013, n° 10-87021.

[22] Crim., 3 avr. 2001, n° 01-80939.

[23] Crim., 20 mars 2007, n° 06-89050, PB.

[24] Crim., 24 mai 2016, n° 16-80564, PB.

[25] Crim., 24 nov. 1998, n° 98-82496, PB.

[26] Crim., 24 mai 2016, n° 16-80564, PB.

[27] Crim., 16 avr. 2019, n° 18-82932.

[28] 2e Civ., 4 juill. 2002, n° 01-50005, PB.

[29] Crim., 17 mai 2000, n° 00-81149.

[30] Crim., 15 oct. 2019, n° 19-82380, PB (le grief ne sera établi que si le suspect s’incrimine au cours
de l’audition ayant précédé la notification).
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[31] Crim., 16 juin 2015, n° 14-87878, PB.

[32] Crim., 2 nov. 2016, n° 16-81716, PB.

[33] Crim., 31 oct. 2017, n° 17-81842, PB.

[34] Crim., 29 sept. 2020, n° 20-80509, PB (il s’agissait en l’espèce de la qualité de personne
dépositaire de l’autorité publique du mis en cause, constitutive d’une circonstance aggravante
venant criminaliser l’infraction de faux en écriture publique).

[35] Crim., 25 avr. 2017, n° 16-87518, PB.

[36] Crim., 12 janv. 2000, n° 99-86687.

[37] Crim., 5 nov. 2013, n° 13-82682, PB.

[38] Est nulle la garde à vue au cours de laquelle l’OPJ n’informe pas l’individu gardé à vue de la
désignation d’un avocat par un de ses proches, et ce, afin qu’il puisse la confirmer (Crim.,
4 oct. 2016, n° 16-81778, PB). Seul le proche régulièrement avisé peut désigner un avocat : le
père d’une personne gardée à vue est irrecevable à désigner un avocat dès lors que celle-ci
avait fait prévenir sa mère (Crim., 19 oct. 2021, n° 21-81569, PB).

[39] Le fait que l’avocat n’ait pas accès à l’entier dossier de la procédure pendant la GAV a été jugé
conforme à la Constitution (Cons. const., 18 nov. 2011, n° 2011-191/194/195/196/197 QPC) et au
droit européen (CE, 11 juill. 2012, n° 349752 ; Crim., 19 sept. 2012, n° 11-88111, PB ; Crim., 15 juin
2016, n° 15-86043, PB) considérant que l’accès à la procédure est garanti devant les juridictions
d’instruction et de jugement.

[40] Crim., 5 nov. 2013, n° 13-82682, PB.

[41] Aussi appelée « tapissage », la parade d’identification consiste à présenter au plaignant ou au


témoin, alors placé derrière une glace sans tain, le suspect et des individus qui lui ressemblent
aux fins de reconnaissance.

[42] On parle d’audition de « grande identité » qui est donc possible hors la présence de l’avocat.

[43] Circ. JUSD1113979C du 23 mai 2011, § III.5.2.

[44] Crim., 22 janv. 2013, n° 10-87021.

[45] Crim., 21 oct. 2015, n° 15-81032, PB.

[46] Aucune nullité n’est encourue si les enquêteurs ignoraient que l’intéressé faisait l’objet d’une
mesure de protection (Crim., 11 déc. 2018, n° 18-80872, PB).

[47] Crim., 19 sept. 2017, n° 17-81919, PB.

[48] Crim., 27 oct. 2009, n° 09-82505, PB.

[49] Crim., 25 mai 2016, n° 16-80379, PB.

[50] Circ. JUSD1412016C du 23 mai 2014, § 2.1.1.

[51] Crim., 3 avr. 2007, n° 06-87264, PB.

[52] Crim., 26 mars 2008, n° 07-88554, PB.

[53] Crim., 11 juill. 2012, n° 12-82136, PB.

[54] Crim., 21 avr. 2020, n° 19-81507, PB.

[55] Crim., avis, 30 mars 2021, n° 20-86407.

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[56] La personne gardée à vue peut à nouveau s’entretenir pendant une durée maximale de
30 minutes avec son conseil lorsqu’il est recouru au mécanisme de l’art. 65 du CPP. La
personne gardée à vue et son avocat peuvent toutefois y renoncer expressément ou
tacitement (Crim., 2 mars 2021, n° 20-85491, PB).

[57] Crim., 14 nov. 2019, n° 19-83285, PB.

[58] Crim., 10 mai 2001, n° 01-81441, PB.

[59] Crim., 17 mars 2004, n° 03-87739, PB.

[60] Crim., 31 mai 2007, n° 07-80928, PB ; Crim., 24 mai 2016, n° 16-80564, PB.

[61] Crim., 27 oct. 2009, n° 09-82505, PB.

[62] Crim., 22 juin 2010, n° 10-81275, PB.

[63] Crim., 7 juin 2011, n° 11-81702, PB.

[64] Crim., 25 juin 2013, n° 13-81977, PB.

[65] Crim., 21 oct. 2015, n° 15-81032, PB.

[66] Crim., 17 nov. 2015, n° 15-83437, PB.

[67] Crim., 7 juin 2017, n° 16-87588, PB.

[68] Crim., avis, 30 mars 2021, n° 20-86407.

[69] Crim., 25 févr. 2003, n° 02-86144, PB.

[70] Crim., 27 mai 2015, n° 15-81142, PB.

[71] Crim., 2 nov. 2016, n° 16-81716, PB.

[72] Crim., 7 févr. 2017, n° 16-85187, PB.

[73] Crim., 15 oct. 2019, n° 19-82380, PB.

[74] Le délai de 20 heures court à compter de la levée de la GAV et non de l’instruction donnée par
le magistrat de lever la mesure ou de l’arrivée effective du mis en cause au dépôt (Crim.,
26 oct. 2004, n° 04-84550, PB).

[75] Crim., 13 juin 2018, n° 17-85940, PB.

Plan
I. Audition libre du suspect

II. La garde à vue


A. Conditions
B. Durée

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01/03/2023 21:23 Fiche 6 | L’audition libre et la garde à vue | Cairn.info
C. Droits de la personne gardée à vue
D. Audition sur des faits distincts
E. Les nullités de la garde à vue
L’issue de la garde à vue

Auteur
Thomas Lebreton

Magistrat

Substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre

Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2023


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