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UNIVERSITE DU SUD TOULON VAR ANNEE 2024

FACULTE DE DROIT
LICENCE II
Pascal Oudot

Thème n° 3 : Le fait générateur de responsabilité I.


Le fait personnel - la faute
La faute n’est pas « le fruit d’un effort de dialectique, ou
le produit du génie passager d’un être mortel ; elle est
faite de l’expérience des siècles ».
H. De Page.

Préliminaire - La place de la « faute délictuelle » en droit de la responsabilité


Conditions de mise en œuvre Moyens de défense
de la responsabilité
Faute (art. 1240 - ancien art. 1382)
- Le fait illicite ← Les faits justificatifs
- L’imputabilité morale ? ← Les causes de non-imputabilité
morale ?
Lien de causalité ← Cause étrangère (faute de la
victime)
Dommage

Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile - 29 juillet 2020


Art. 1240 : « Chacun est responsable du dommage causé par sa faute »
Art. 1242 : « Constitue une faute la violation d'une prescription légale ou réglementaire, ainsi que le manquement
au devoir général de prudence ou de diligence. »

Projet de loi de réforme de la responsabilité civile présenté - 13 mars 2017


Art. 1241 : « On est responsable du dommage causé par sa faute. »
Art. 1242 : « Constitue une faute la violation d'une prescription légale ou le manquement au devoir général de
prudence ou de diligence. »

Avant-projet « Catala » de réforme du droit des obligations (2005)


Art. 1352 : « Toute faute oblige son auteur à réparer le dommage qu’il a causé.
Constitue une faute la violation d’une règle de conduite imposée par une loi ou un règlement ou le manquement
au devoir général de prudence ou de diligence.
Il n’y a pas faute lorsque l’auteur se trouve dans l’une des situations prévues aux articles 122-4 à 122-7 du Code
pénal (Définissant les faits justificatifs). »
Art. 1353 : « La faute de la personne morale s’entend non seulement de celle qui est commise par un représentant,
mais aussi de celle qui résulte d’un défaut d’organisation ou de fonctionnement ».

Projet « Terré » (2011)


Art. 5 : « La faute consiste, volontairement ou par négligence, à commettre un fait illicite.
Un fait est illicite quand il contrevient à une règle de conduite imposée par la loi ou par le devoir général de
prudence et de diligence. »

Conseil constitutionnel – Déc. N° 99-419 DC du 9 nov. 1999.


Considérant 70 : « Considérant, enfin, comme cela résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article 515-7 du
code civil, que le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement
subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture ; que, dans ce dernier cas, l'affirmation de la
faculté d'agir en responsabilité met en œuvre l'exigence constitutionnelle posée par l'article 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

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I. La faute objective : aujourd’hui !
A. Le fait illicite
La faute est « un manquement à une obligation préexistante ».
M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, 1899
1. La définition de « l’illicite »
a. Le fait support de l’illicite
- Le fait d’une personne, physique ou morale
• Doc. 1 : Civ. 2e, 17 juillet 1967, Gaz. Pal. 1967, II, 235, note Ch. Blavoët, RTDCiv., 1968,
149, obs. G. Durry.
- Les manifestations du fait personnel
• Doc. 2 : Civ. 2e, 18 mars 2004 - N° de pourvoi : 03-10600 - La faute d’abstention ou de
commission.
Cass. 27 février 1951 - Branly
« Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Attendu que la faute prévue par les articles 1382 et 1383 peut résulter aussi bien dans une abstention que dans un
acte positif ; que l’abstention même non dictée par la malice et l’intention de nuire, engage la responsabilité de
son auteur lorsque le fait omis devait être accompli en vertu d’une obligation légale, règlementaire ou
conventionnelle, soit aussi dans l’ordre professionnel, s’il s’agit notamment d’un historien, en vertu d’une exigence
d’une information objective. »
• Doc. 3 : Civ. 2e, 15 décembre 2011 - N° de pourvoi : 10-27952 - La faute volontaire ou
d’imprudence.

b. L’illicéité du fait commis


- La violation d’un devoir ou d’une norme de comportement
• Doc. 4 : Cass. ass. plén. 6 oct. 2006, JCP 2006, II, 10181, avis Gariazzo et note M. Billiau ;
RTDCiv. 2007, p. 115, obs. J. Mestre et B. Fages, p. 115, obs. P. Jourdain, p. 123 ; D. 2006,
2825, note G. Viney - La violation d’une obligation contractuelle ayant des effets préjudiciables
aux tiers.
• Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile - 29 juillet 2020
Art. 1234 : « Lorsque l’inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander
réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge
pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs mentionnés à la section 2 du chapitre II du présent
sous-titre.
Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat et ne disposant d’aucune autre
action en réparation pour le préjudice subi du fait de sa mauvaise exécution, peut également invoquer, sur le
fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un
dommage. Les conditions et les limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les
contractants lui sont opposables ».

• Projet de loi de réforme de la responsabilité civile - 13 mars 2017


Art. 1234 : « Lorsque l'inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander
réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge
pour lui de rapporter la preuve de l'un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.
Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le
fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un
dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants
lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est
réputée non écrite. »

Art. 1342 de l’avant-projet « Catala » de réforme du droit des obligations du 22 sept. 2005
« Lorsque l'inexécution d'une obligation contractuelle est la cause directe d'un dommage subi par un tiers, celui-ci
peut en demander réparation au débiteur sur le fondement des articles 1362 à 1366. Il est alors soumis à toutes les
limites et conditions qui s'imposent au créancier pour obtenir réparation de son propre dommage.

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Il peut également obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, mais à charge pour
lui de rapporter la preuve de l'un des faits générateurs visés aux articles 1352 à 1362. »
• Doc. 5 : Civ. 3e, 18 mai 2017, n° 16-11.203 ; D. 2017. 1225, note D. Houtcieff ; RDI 2017.
349, obs. P. Malinvaud ; RTD civ 2017. 666, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 2017. 651, obs. H.
Barbier.
• Doc. 6 : Com. 10 sept. 2013, n° 12-19356 - Faute déontologique et faute civile.
- Cas particuliers
• Doc. 7 : Civ. 3e, 31 mars 2005 - N° de pourvoi : 03-20012 - L’abus de droit.
• Doc. 8 : Civ. 1re, 3 février 2011 - N° de pourvoi : 09-71711 - Les délits de presse.

2. L’appréciation de l’illicite
Lecture : H. Mazeaud, La « faute objective » et la responsabilité sans faute, D. 1985, Chron., p. 13.

La responsabilité civile n’étant pas une punition, principe fortement réaffirmé par M. le Premier avocat général
Cabannes, la faute civile doit s’apprécier in abstracto. Peu importe, par exemple, que la conscience d’un médecin,
auteur d’un dommage, ne lui reproche rien ; il doit réparer si un autre médecin, dans les mêmes circonstances,
aurait agi différemment.
C’est ce qu’on exprime souvent en disant que la faute civile est une faute « objective », par opposition à la faute
« subjective » qui nécessite une recherche subjective, une analyse de l’état d’âme de l’agent. En affirmant que la
« faute objective » suffit à engager la responsabilité civile, on démarque nettement cette responsabilité de la
responsabilité morale ; on « déculpabilise » la faute civile.
Il faut préciser. L’appréciation in abstracto (la recherche de la faute objective) exige la comparaison de l’auteur
du dommage à celle d’un type abstrait (le bonus pater familias de l’art. 1137 c. civ.). Mais cela ne signifie pas
qu’aucun élément concret n’entrera en ligne de compte : pour juger si un médecin a commis une faute, on se
demandera non seulement ce qu’aurait fait un médecin type, un médecin avisé, mais ce que ce médecin aurait fait
dans les mêmes circonstances.
On tiendra compte certainement des circonstances « externes », c’est-à-dire étrangères à l’auteur du dommage, par
exemple, l’urgence de l’intervention chirurgicale. Mais on ne tiendra pas compte des circonstances « internes »,
car ce serait revenir à l’appréciation in concreto, rechercher la culpabilité de l’agent, sonder sa conscience. Il peut
être parfois délicat de distinguer entre circonstances « externes » et « internes » ; du moins ne peut-on pas hésiter
pour les particularités d’ordre psychologique qui influent sur la raison de l’agent : on ne saurait en tenir compte.
On ne comparera donc pas la conduite d’un fou à celle d’un fou, la conduite d’un infans à celle d’un infans, ce qui
les ferait déclarer exempts de faute et, de ce fait, irresponsables, mais à celle d’un individu sensé et l’on décidera
qu’ils ont commis une faute lorsqu’une personne sensée n’aurait pas agi comme eux.
C’est ce qu’a compris, pour les déments, le législateur de 1968. C’est ce qu’affirme aujourd’hui, pour les enfants,
l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.
Affirmation capitale car elle a une portée générale ; elle s’applique à tout le domaine de la responsabilité civile,
mettant un terme au débat entre partisans de l’appréciation in concreto et défenseurs de l’appréciation in abstracto.
Les seconds peuvent crier victoire : la faute exigée par l’art. 1382 c. civ. est une « faute objective », une faute
appréciée in abstracto.
Mais ne faut-il pas en conclure que le fondement traditionnel de la responsabilité civile a disparu ? Cette
responsabilité civile a disparu ? Cette responsabilité n’est-elle pas devenue une responsabilité sans faute ?
La grande habilité des partisans e la théorie du risque consistait à feindre de croire que la faute civile est une « faute
subjective », non une « faute objective » ; la nécessité d’un examen de conscience de l’agent empêche donc dans
bien des cas d’allouer réparation à la victime ; d’où l’urgence pour le législateur de supprimer la faute comme
condition de la responsabilité civile.
Obligés de reconnaître leur erreur, les défenseurs du risque soutiennent alors que la responsabilité pour « faute
objective » est une « responsabilité objective ». Confusion que peut excuser le vocabulaire, mais confusion
certaine :
La responsabilité dite « objective » prônée par la théorie du risque est une responsabilité sans faute : chacun doit
réparer les conséquences de ses actes, qu’ils soient ou non fautifs ; le mot « faute » est rayé de l’art. 1382 c. civ. ;
aucun jugement de valeur n’a besoin d’être porté sur la conduite de l’auteur du dommage.
Or, la situation est toute différente si l’on admet la « faute objective » comme condition de la responsabilité civile.
Il est inexact d’affirmer que, dans ce cas, chacun répond de ses actes, quelle que soit leur valeur : un jugement doit
être porté sur ces actes ; il faut apprécier s’ils sont bons ou mauvais, s’ils engagent ou non la responsabilité. Le
médecin ne sera pas toujours tenu d’une obligation de réparation ; sa conduite sera jugée par comparaison à celle
d’un autre médecin placé dans les mêmes circonstances « externes ». La responsabilité pour « faute objective »
n’est donc pas une « responsabilité objective » ; elle n’est pas une responsabilité sans faute ;

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Il serait inexact par conséquent de voir dans les arrêts de l’Assemblée plénière un pas vers la responsabilité sans
faute ou « responsabilité objective » ou théorie du risque. M. le Premier avocat général Cabannes, après avoir
demandé que la jurisprudence « s’oriente vers la dissociation souhaitable de la responsabilité et de la faute », a
terminé par ses mots : « Puissent vos décisions constituer une étape, marquer un jalon pour, ensuite, frayer
largement le chemin à la responsabilité objective, facilitant ainsi et devançant l’œuvre du législateur ». Puisse au
contraire l’avenir démentir ce vœu !
Sans doute, dans le domaine des accidents de la circulation, le Gouvernement a déposé un projet de loi créant, une
responsabilité objective qui, à vrai dire, n’est même plus une responsabilité puisque le défendeur répondra d’actes
dont la cause lui est étrangère (fautes de la victime, cas de force majeure). Mais l’Assemblée plénière n’a rien créé
de tel : elle a seulement défini la faute civile et a maintenu cette faute comme fondement de la responsabilité ».

B. Les faits justificatifs


Les faits justificatifs sont des faits prouvés par le défendeur qui enlèvent a posteriori le caractère illicite de l’acte
commis. Ils établissent que le fait reproché était légitimement justifié.
Parmi ces causes de justification on recence : 1) L’ordre ou la permission de la loi, 2) Le commandement de
l’autorité légitime, 3) La légitime défense, 4) L’état de nécessité, 5) Le consentement de la victime - et la question
de l’acceptation des risques, 6) La force majeure (c.f., thème n° 1).
• Doc. 9 et 10 : Civ. 2e, 16 nov. 2000 - N° de pourvoi : 98-20557, à comparer avec : Civ. 2e, 4
nov. 2010 - N° 09-65947, JCP, G, 2011, note 12, obs. D. Bakouche ; JCO, G, 2011, 435, note 6, obs.,
C. Bloch ; D. 2011, p. 690, note J. Mouly ; RCA 2011, étude 3, S. Hocquet-Berg - L’acceptation des
risques
• Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile - 29 juillet 2020
Art. 1257 : « La fait dommageable ne donne pas lieu à responsabilité lorsqu’il était prescrit par des dispositions
législatives ou réglementaires, commandé ou permis par l’autorité légitime, ou rendu nécessaire par la légitime
défense ou par la sauvegarde de la personne ou d’un bien, dès lors que les moyens employés étaient proportionnés
à la gravité du dommage.
Néanmoins, lorsque le fait dommageable était justifié par la sauvegarde d’un intérêt autre que celui de la victime,
celle-ci a droit à réparation ».
• Projet de réforme de la responsabilité civile - 13 mars 2017
Art. 1257 : « Le fait dommageable ne donne pas lieu à responsabilité lorsque l’auteur se trouve dans l’une des
situations prévues aux articles 122-4 à 122-7 du code pénal. »
• Avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile lancé à la consultation le 29 avril 2016
Art. 1257 : « Le fait dommageable ne donne pas lieu à responsabilité pour faute lorsqu’il était prescrit par des
dispositions législatives ou réglementaires, imposé par l’autorité légitime ou commandé par la nécessité de la
légitime défense ou de la sauvegarde d’un intérêt supérieur.
Ne donne pas non plus lieu à responsabilité le fait dommageable portant atteinte à un droit ou à un intérêt dont la
victime pouvait disposer, si celle-ci y a consenti. »

II. La faute subjective : hier et demain peut-être…


A. L’imputabilité morale
Selon une doctrine universelle, essentiellement pénaliste, les faits justificatifs ou causes objectives de justification,
se distinguent des causes de non imputabilité ou causes subjectives d'irresponsabilité.
Imputer, issu du latin « imputare », consiste à pouvoir reprocher à quelqu'un, à mettre sur son compte, l'acte
dommageable, en raison de son aptitude à être responsable. A l'inverse, permettre à quelqu'un d'invoquer une cause
de non imputabilité, c'est lui donner la possibilité de se disculper en fonction de considérations inhérentes à sa
personne.
La notion de cause de non imputabilité a pu être précisée, affinée. Les « causes de non imputabilité physique » qui
ôtent à l'agent toute liberté d'action dans l'accomplissement de l'acte, se distinguent des « causes de non
imputabilité morale » qui privent l'être humain d'une raison suffisante pour accomplir un acte (P. JOURDAIN,
Recherche sur l'imputabilité en matière de responsabilité civile et pénale, Thèse Paris II, 1982 ; Répertoire
notarial, précité, Fasc. 120-1, 121 et 161 et Les principes de la responsabilité civile, connaissance du droit, Dalloz,
1998, p. 65 et svtes et p. 71 ; Les principes de la responsabilité civile, 4ème éd. Dalloz, Connaissance du droit, p.
73 et p. 80 : l'auteur propose de considérer la force majeure comme étant la seule cause de non imputabilité
physique. La démence, l'infantia, quant à elles, ont pu constituer des causes de non imputabilité morale).

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Cette possibilité de séparer les causes de non imputabilité postule l'adoption d'une conception dualiste de
l'imputabilité. L'imputabilité se présente sous deux formes, deux aspects, deux degrés : l'imputabilité physique,
d'une part, fondée sur la liberté de faire et d'agir avec spontanéité et l'imputabilité morale ou intellectuelle d'autre
part, fondée sur la liberté de vouloir, impliquant l'existence d'un choix de l'acte accompli, après l'exercice de la
délibération qu'il requiert.

B. Les causes de non imputabilité morale


• Doc. 11 et 12 : Cass. A.P., 9 mai 1984, Derguini et Lemaire (2 arrêts).
• Doc. 13 : Cass. 2e civ., 4 oct. 2012, n° 1021612.
• Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile - 29 juillet 2020
Art. 1255 : « Sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime privée de discernement
n’a pas d’effet exonératoire. »
• Projet de loi de réforme de la responsabilité civile - 13 mars 2017
Art. 1255 : « Sauf si elle revêt les caractères de la force majeure, la faute de la victime privée de discernement n’a
pas d’effet exonératoire. »
• Avant-projet « Catala » de réforme du droit des obligations (2005)
Art. 1350 : « La victime est privée de toute réparation lorsqu’elle a recherché volontairement le dommage. »
Art. 1351 : « L’exonération partielle ne peut résulter que d’une faute de la victime ayant concouru à la production
du dommage. En cas d’atteinte à l’intégrité physique, seule une faute grave peut entraîner l’exonération partielle.
»
Art. 1351-1 : « Les exonérations prévues aux deux articles précédents ne sont pas applicables aux personnes
privées de discernement. »
• Projet « Terré » (2011)
Art. 6 : « L’auteur d’un fait illicite qui cause à autrui un dommage alors qu’il était dépourvu de discernement n’en
est pas moins obligé à réparation. »
Art. 47, al. 2 : « Celui qui a contribué à la réalisation de son propre dommage alors qu’il était dépourvu de
discernement ne peut voir sa créance de réparation réduite. »

***
Lectures conseillées :

Ancel (P.)
- Retour sur l’arrêt de l’Assemblée pélnière du 6 octobre 2006, à la lumière du droit comparé, Etudes offertes à
Geneviève Viney, Liber amicorum, LGDJ, 2008, 23
Blaevoet (Ch.)
- La place du normal et de l’anormal dans le droit, Gaz. Pal. 22 mars 1966, Doctrine p. 65.
Bloch (C.)
La reconnaissance de la cessation de l’illicite comme fonction autonome de la responsabilité civile, JCP, G, 2016,
Supplément au N° 30-35, 25 juillet 2016, p. 5.
Cappello (A.)
- La faute civile et la violation des règles régissant une activité sportive ou professionnelle, RTDCiv., 2013, p. 777.
Carbonnier (J.)
- Le silence et la gloire, D. 1951, Chr. 159.
Girard (B.)
La responsabilité civile dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Jus Politicum, n°
21[http://juspoliticum.com/article/La-responsabilite-civile-dans-la-jurisprudence-du-Conseil-constitutionnel-
1253.html].
Jacques (Ph.)
- Faute déontologique et faute civile, notamment contractuelle, RLDC 2006, 2211, p. 5.
Martin (G. J.)
- Précaution et évolution du droit, D. 1995, Chron., p. 299.
Pierre (Ph.)
- La place de la responsabilité objective : Notion et rôle de la faute en droit français, 2009, grerca.univ-
rennes1.fr/digitalAssets/268/268674_ppierre.pdf
Viney (G.)
- Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle, faute inexcusable et faute lourde, D. 1975, Chron., p. 263.
- La réparation des dommages causés sous l’empire d’un état d’inconscience : un transfert nécessaire de la
responsabilité vers l’assurance, JCP, 1985, I, 3189.
***
5
Exercices :

1. Faire les fiches d’arrêt de Doc. 1, Doc. 3, Doc. 4, Doc. 5, Doc 6, Doc. 7, Doc. 8, Doc. 10,
Doc 11 et 12.

2. Faire le commentaire de Ass. plén. 13 janv. 2020, Doc. 14.

***

Doc. 1
Cour de cassation - chambre civile 2 - 17 juillet 1967
Publié au bulletin CASSATION.

SUR LE PREMIER MOYEN : VU L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL ;


ATTENDU QUE, SELON L'ARRET ATTAQUE PARTIELLEMENT INFIRMATIF, LAURENT X..., QUI EXECUTAIT, EN QUALITE
D'OUVRIER DE L'ENTREPRISE X... ET FILS, LES TRAVAUX DE PLATRERIE DANS UN IMMEUBLE QUE CONSTRUISAIT LA
SOCIETE GUYOMARD ET COMBA, ET UTILISAIT UN MONTE-CHARGE APPARTENANT A LADITE SOCIETE QUE
MANOEUVRAIT COMBA L'UN DES ASSOCIES, FUT TUE PAR LA CHUTE, AU COURS DE CETTE MANOEUVRE, DE LA
POTENCE SUR LAQUELLE ETAIT AMENEE LA POULIE DU MONTE-CHARGE DONT UN ELEMENT VINT LE FRAPPER A LA
TETE ;
QUE LES CONSORTS X... ONT DEMANDE, NOTAMMENT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, LA
REPARATION DU DOMMAGE A LA SOCIETE GUYOMARD ET COMBA ;
QUE LA CAISSE PRIMAIRE DE SECURITE SOCIALE DES ALPES-MARITIMES EST INTERVENUE A L'INSTANCE ;
ATTENDU QUE, POUR REJETER LA DEMANDE, LES JUGES DU SECOND DEGRE ENONCENT QU'UNE PERSONNE MORALE
NE POUVAIT ETRE RECHERCHEE SUR LE TERRAIN DE LA FAUTE ET QUE SEULE LA PERSONNE PHYSIQUE A QUI AVAIT
ETE CONFIE LE MONTE-CHARGE ETAIT SUSCEPTIBLE DE L'ETRE ;
ATTENDU QU'EN SE DETERMINANT PAR UN TEL MOTIF, ALORS QUE LA PERSONNE MORALE REPOND DES FAUTES DONT
ELLE S'EST RENDUE COUPABLE PAR SES ORGANES ET EN DOIT LA REPARATION A LA VICTIME SANS QUE CELLE-CI SOIT
OBLIGEE DE METTRE EN CAUSE, SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1384, ALINEA 5, LESITS ORGANES PRIS COMME
PREPOSES, LA COUR D'APPEL N'A PAS LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;
PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR L'AUTRE MOYEN : CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU
ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE LE 6 AVRIL 1965 ;

Doc. 2
Cour de cassation - chambre civile 2 - Audience publique du jeudi 18 mars 2004 - N° de pourvoi: 03-10600
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 octobre 2002), que Florian X..., âgé de dix ans et qui séjournait chez ses
grands-parents, M. et Mme Guy X..., a été brûlé par de l'essence qui a enflammé son pantalon alors qu'il jouait
avec d'autres enfants ; que ses parents, M. et Mme Jean-Luc X..., ont assigné les grands-parents en réparation ;
Attendu que M. et Mme Jean-Luc X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes dirigées contre
M. et Mme Guy X..., alors, selon le moyen, que commettent une faute les grands-parents d'un enfant mineur,
investis d'un devoir de surveillance, qui lui laissent un accès facile au bidon d'essence se trouvant dans un cabanon
non fermé à clé, à l'origine du préjudice subi (violation de l'article 1382 du Code civil) ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'enfant, qui était âgé de dix ans au moment de l'accident et se trouvait depuis
trois semaines chez ses grands-parents, était doué de discernement et ne nécessitait plus une surveillance de tous
les instants, et qu'aucun élément ne révélait qu'il aurait été indiscipliné ou turbulent, ou que sa témérité aurait
imposé une vigilance plus stricte ; qu'il n'est pas établi qu'un moyen de mise à feu se fût trouvé à proximité du
bidon d'essence à l'origine du dommage subi par l'enfant, qui n'était resté que quelques instants sans surveillance,
ou que celui-ci en ait eu un en sa possession ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que les grands-parents n'avaient pas
commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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Doc. 3
Cour de cassation - chambre civile 2 - Audience publique du jeudi 15 décembre 2011 - N° de pourvoi: 10-
27952 - Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :


- Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 octobre 2010), que M. X... a fait une chute en s'entraînant sur le circuit
de moto-cross appartenant à l'association Amis moto verte de Belleville (l'AMV), alors qu'il n'en était pas
membre et ne disposait pas de la licence couvrant les risques liés à ce sport ; que blessé lors de cet accident, il a
fait assigner cette association et son assureur, l'Association pour l'assurance confédérale (APAC), ainsi que la
caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône, devant un tribunal de grande instance en
responsabilité et indemnisation de son préjudice ; que la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF)
est intervenue volontairement à l'instance ;
- Attendu que l'AMV, l'APAC et la MAIF font grief à l'arrêt de dire que l'AMV a commis des fautes de
négligence et d'imprudence engageant sa responsabilité et de les condamner, en conséquence, à indemniser les
préjudices subis par M. X... à hauteur de 50% et à lui verser une indemnité provisionnelle, alors, selon le moyen:

1°/ que le défaut d'interdiction d'accès ou de panneau rappelant l'interdiction d'accès à un circuit de moto-cross
qui, pour un motocycliste averti, n'est pas un lieu spécialement dangereux, ne caractérise aucune négligence
fautive de la part de l'association propriétaire ; qu'en retenant que l'AMV a commis une faute envers M. X... pour
ne pas lui avoir interdit physiquement l'accès à son circuit de moto-cross et l'avoir laissé s'entraîner, tout en
constatant que ce dernier était un motocycliste averti, qui pratiquait ce sport depuis plusieurs années dans un club
et n'ignorait pas devoir être membre effectif d'un club avec paiement de la cotisation et licencié, pour pratiquer
son sport, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

2°/ que si l'association propriétaire d'un circuit privé de moto-cross a l'obligation contractuelle envers les sportifs
adhérents de vérifier qu'ils remplissent les formalités nécessaires pour pénétrer sur le circuit, en revanche, elle ne
commet aucune négligence en ne vérifiant pas la situation d'un non-adhérent qui pénètre en connaissance de
cause sur le circuit sans autorisation ; qu'en retenant que l'AMV a commis une négligence fautive en ne vérifiant
pas la situation de M. X... dont elle ne pouvait ignorer qu'il n'avait pas retourné les formulaires nécessaires pour
régulariser son inscription, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;

3°/ que l'obligation de sécurité qui pèse sur l'organisateur d'un circuit à l'égard des usagers est une simple
obligation de moyens, de sorte que le manquement de l'association à ses obligations ne peut être déduit de la
simple survenance d'un accident ; qu'en n'ayant ni caractérisé ni constaté que le circuit présentait, compte tenu de
négligences de l'AMV, un danger particulier, en raison de son état ou de ses conditions d'exploitation le jour de
l'accident, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de manquement de l'AMV à son obligation de sécurité de
moyens, a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;

4°/ qu'il n'existe pas de lien de causalité direct entre la tolérance ayant permis à un motocycliste expérimenté de
s'entraîner sur un circuit sans être adhérent de l'association et l'accident dont il a été victime, causé par sa seule
maladresse, en l'absence de constatation que le circuit était le jour de l'accident dangereux compte tenu de son
état ou de ses conditions d'exploitation ; qu'en décidant que le seul fait pour l'AMV d'avoir laissé M. X... pénétrer
sur le terrain et s'entraîner sans avoir rempli les formalités nécessaires se trouvait de manière directe et exclusive
à l'origine de sa chute et des préjudices en résultant, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du c. civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'AMV se devait de vérifier la situation des utilisateurs du circuit ; qu'elle ne
s'est pas préoccupée de celle de M. X... qui a pu pénétrer sur le terrain sans aucun contrôle et procéder à
plusieurs entraînements sans être inquiété par les responsables de l'AMV ; que l'AMV ne pouvait ignorer que M.
X... n'avait pas retourné les formulaires qui lui avaient été remis et qu'en conséquence, il ne pouvait ni pénétrer
sur le terrain ni a fortiori procéder à ses entraînements ; qu'il est par ailleurs constant que M. X..., de juin à
novembre 2006, s'est entraîné à plusieurs reprises notamment les week-end, ce qui ne pouvait pas manquer
d'attirer l'attention des responsables ; qu'une telle négligence est fautive ; que si le terrain avait été correctement
surveillé, si les responsables de l'AMV avaient contrôlé les coureurs pour s'assurer qu'ils étaient membres
effectifs du club et titulaires d'une licence d'assurance, M. X... n'aurait pas pu venir courir sur le terrain ; que,
malgrè sa parfaite connaissance de ses obligations, M. X... n'a jamais envoyé les formulaires nécessaires à son
inscription et n'a pas souscrit une nouvelle licence pour l'année concernée ; qu'une telle attitude est constitutive
d'une faute de nature à réduire son droit à indemnisation à hauteur de 50% ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la
portée des éléments de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a pu déduire que l'AMV avait commis, sur le

7
fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, des fautes de négligence et d'imprudence ayant concouru à la
survenance de l'accident ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, et nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme
tel, irrecevable, en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé en sa deuxième ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Doc. 4
Cour de Cassation - Assemblée plénière - Audience publique du 6 octobre 2006

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2005), que les consorts X... ont donné à bail un immeuble
commercial à la société Myr'Ho qui a confié la gérance de son fonds de commerce à la société Boot shop ;
qu'imputant aux bailleurs un défaut d'entretien des locaux, cette dernière les a assignés en référé pour obtenir la
remise en état des lieux et le paiement d'une indemnité provisionnelle en réparation d'un préjudice d'exploitation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la société Boot shop, locataire-
gérante, alors, selon le moyen, "que si l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de
fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause un
préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle, encore faut-il, dans ce cas, que le tiers établisse
l'existence d'une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel ; qu'en
l'espèce, il est constant que la société Myr'Ho, preneur, a donné les locaux commerciaux en gérance à la société
Boot shop sans en informer le bailleur ; qu'en affirmant que la demande extra-contractuelle de Boot shop à
l'encontre du bailleur était recevable, sans autrement caractériser la faute délictuelle invoquée par ce dernier, la
cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil" ;

Mais attendu que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'ayant relevé, par motifs propres
et adoptés, que les accès à l'immeuble loué n'étaient pas entretenus, que le portail d'entrée était condamné, que le
monte-charge ne fonctionnait pas et qu'il en résultait une impossibilité d'utiliser normalement les locaux loués,la
cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements des bailleurs au locataire-gérant du
fonds de commerce exploité dans les locaux loués, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les 2ème et 3ème moyens, dont aucun ne serait de nature à permettre
l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Doc. 5
Cour de cassation - chambre civile 3 - Audience publique du jeudi 18 mai 2017
N° de pourvoi: 16-11203 - Publié au bulletin Cassation partielle

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Dalkia France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des
copropriétaires de la clinique Axium et la société G2E ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2015), que la copropriété clinique Axium est
composée notamment du lot n° 7 situé dans le bâtiment A, propriété de la SCI Hydraxium et donné à bail à la
société Axium Kinésithérapie, du lot n° 1 situé dans le bâtiment B et d'autres lots n° 2 à n° 6, situés au sous-sol
du bâtiment A, propriété de la société Holding d'Aix-en-Provence et donnés à bail à la société Sorevie Gam ;
qu'en 2004, la société Sorevie Gam et le syndicat des copropriétaires ont fait réaliser, dans le bâtiment A, des
travaux de chauffage, climatisation et traitement de l'eau, par le groupement constitué par la société Dalkia
France et la société Faure ingénierie, des études étant confiées à la société G2E ; qu'une première instance a
opposé la société Sorevie Gam aux sociétés Dalkia France, Faure ingénierie et G2E ; qu'en 2007, invoquant une
importante condensation dans les locaux du lot n° 7, la SCI Hydraxium et sa locataire, la société Axium
Kinésithérapie, ont, après expertise, assigné en indemnisation le syndicat des copropriétaires et la société
Holding d'Aix-en-Provence qui a appelé en garantie les sociétés Dalkia France et G2E ;

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Attendu que, pour déclarer la société Dalkia France responsable de la condensation anormale dans le lot n° 7,
rejeter ses appels en garantie et la condamner à paiement, l'arrêt retient qu'il résulte de la convention du 5 avril
2004 que la société Faure ingénierie et la société Dalkia France se sont engagées solidairement à l'égard de la
société Sorevie Gam à livrer un ouvrage conforme aux prévisions contractuelles et exempt de vices, qu'en
manquant à cette obligation, la société Dalkia France a commis une faute à l'origine de la condensation anormale
et que cette faute engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de la SCI Hydraxium et de la société Axium
Kinésithérapie ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui, tirés du seul manquement à une obligation contractuelle de résultat de
livrer un ouvrage conforme et exempt de vices, sont impropres à caractériser une faute délictuelle, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Dalkia France responsable de la
condensation anormale ayant affecté le local abritant la piscine dépendant du lot 7 entre le mois de novembre
2004 et le mois de mai 2011, rejette ses appels en garantie dirigés contre le syndicat des copropriétaires de la
clinique Axium, la société G2E et la société Holding d'Aix-en-Provence, condamne la société Dalkia France à
payer à la SCI Hydraxium une indemnité de 18 909,73 euros en réparation des dommages matériels causés à son
local par la condensation, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2014, condamne la société
Dalkia France à payer à la société Axium Kinésithérapie une indemnité de 180 000 euros en réparation de son
préjudice économique, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2014, l'arrêt rendu le 12
novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points,
la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant
la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée

Doc. 6
Cour de cassation - chambre commerciale - Audience publique du mardi 10 septembre 2013
N° de pourvoi: 12-19356 - Publié au bulletin Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Audit gestion révision et expertise comptable de l'Océan indien (la
société AOI), créée en 1987 par M. X..., exerce une activité d'expertise comptable dans l'île de la Réunion et
dispose de plusieurs cabinets répartis dans le département et notamment à Saint-Denis, Le Port et Saint-Gilles ;
que cette société et M. X... ont recherché la responsabilité des sociétés Sofidex, Gescore et Compta Sud, qui
toutes trois ont un cabinet à Saint-Gilles, en leur reprochant des actes de concurrence déloyale ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société AOI et M. X... font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes contre la société Compta
Sud, alors, selon le moyen :

1°/ que constituent des actes de concurrence déloyale les transferts de dossiers de certains clients effectués d'une
société d'expertise comptable à une autre en méconnaissance des règles déontologiques de la profession d'expert-
comptable ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'un acte de concurrence déloyale cause nécessairement un préjudice à sa victime ; qu'en affirmant que les
transferts de dossiers des clients de la société AOI effectués au profit de la société Compta Sud en
méconnaissance de l'article 14 du code des devoirs professionnels des experts-comptables, qu'elle constatait, et
qui constituaient des actes de concurrence déloyale, n'auraient pas causé de préjudice à la société AOI, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'un manquement à une règle de déontologie, dont l'objet est de fixer les devoirs des membres
d'une profession et qui est assortie de sanctions disciplinaires, ne constitue pas nécessairement un acte de
concurrence déloyale ; que l'arrêt constate que les trois sociétés poursuivies n'ont pas respecté la règle
déontologique applicable à l'activité d'expert-comptable, selon laquelle le membre de l'ordre qui est appelé à
remplacer un confrère dans la tenue de la comptabilité d'un client ne peut accepter sa mission qu'après en avoir
informé ce confrère ; qu'ayant retenu que cette faute déontologique ne peut constituer un acte de concurrence
déloyale que s'il est établi qu'elle est à l'origine du transfert de clientèle et relevé que tel n'est pas le cas de la
seule violation alléguée dès lors que l'absence d'envoi de la lettre exigée avant le transfert du dossier n'est pas à
l'origine de celui-ci et de l'éventuel détournement de clientèle, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que

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le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour dire que les sociétés Gescore et Sofidex ont commis des actes de concurrence déloyale envers
la société AOI, l'arrêt retient que, s'il peut être admis que la clientèle d'un cabinet d'expertise comptable ne soit
pas captive et puisse s'attacher à un salarié expert-comptable dudit cabinet et le suivre lorsqu'il s'installe ailleurs,
il n'est pas acceptable qu'une nouvelle société d'expertise bénéficie d'une augmentation significative de clientèle
résultant de l'activité antérieure d'une société préexistante sans aucune contrepartie financière ; qu'il relève que la
société Gescore a été créée par M. Y..., expert-comptable qui avait travaillé quelques années plus tôt pour la
société AOI, qu'elle a embauché trois salariés de la société AOI, dont M. Z..., qui exerçait depuis mai 1997 les
fonctions de directeur administratif du bureau AOI de Saint-Gilles et qui a usé de moyens déloyaux en
démarchant par téléphone des clients de cette société, et qu'elle a bénéficié d'une augmentation considérable de
son chiffre d'affaires en liaison avec l'arrivée de la clientèle en provenance d'AOI, postérieurement à l'embauche
de salariés de cette société ; qu'il ajoute que le même constat peut être fait en ce qui concerne la société Sofidex,
qui a le même dirigeant que la société Gescore et qui a gagné huit clients de la société AOI dès lors qu'elle a
embauché Mme A... qui exerçait les fonctions d'aide-comptable chez AOI depuis le 2 novembre 1999 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, le
démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre, dès lors que ce démarchage
ne s'accompagne pas d'un acte déloyal, la cour d'appel, qui a constaté un simple transfert de clientèle sans relever
un tel acte de la part des salariés concernés, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen unique du pourvoi
principal :
CASSE et ANNULE

Doc. 7
Cour de cassation - chambre civile 3 - Audience publique du jeudi 31 mars 2005 - N° de pourvoi: 03-20012
Publié au bulletin Rejet.

Sur le troisième moyen :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 8 septembre 2003), que les époux X... ont vendu à Mme Y... un appartement
situé dans un immeuble en copropriété ; que celle-ci les a assignés en paiement de diverses sommes en raison d'un
vice caché affectant le bien vendu ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt qui accueille les demandes de Mme Y..., de les condamner à payer à
celle-ci des dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée, alors, selon le moyen, qu'en condamnant M.
et Mme X... au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, sans aucunement caractériser à leur
encontre une faute de nature à faire dégénérer en abus leur droit de se défendre en justice, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des conclusions d'appel que les époux X... aient critiqué expressément
le bien-fondé de la condamnation prononcée par le tribunal de ce chef ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait
et de droit, et partant, irrecevable ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission
du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Doc. 8
Cour de cassation - chambre civile 1 - Audience publique du jeudi 3 février 2011 - N° de pourvoi: 09-
71711 - Publié au bulletin Cassation partielle

Sur le moyen unique :


Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'au mois de juillet 2007, un article, intitulé "Quick (accompagné de la représentation de l'enseigne)
Enquête Hygiène alimentaire bafouée... Dans les cuisines d'un restaurant Quick", est paru dans la revue mensuelle
"Entrevue", portant le numéro 180, accusant la société France Quick de mettre la santé des consommateurs de ses
produits en péril, en raison de l'inobservation des règles d'hygiène au sein de l'ensemble de ses restaurants ; que le
21 septembre 2007, la société France Quick, la société Le Roc restauration exploitant le restaurant Quick et le

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syndicat Avenir franchise qui regroupe les franchises Quick ont assigné en diffamation M. X..., directeur de la
publication du magazine "Entrevue" ainsi que la Société de conception de presse et d'édition, en sa qualité d'éditeur
;
Attendu que pour prononcer la nullité des assignations délivrées, la cour d'appel a énoncé qu'il est constant que les
assignations critiquées poursuivent les mêmes faits sous des qualifications différentes, à titre principal comme
diffamatoires au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, à titre subsidiaire comme constitutifs d'une
faute civile au visa de l'article 1382 du code civil, que, même présenté sous cette forme subsidiaire, ce cumul
d'actions soumises à des procédures radicalement différentes, qui ne permet pas à la partie poursuivie de connaître
avec certitude les faits qui lui sont reprochés, ni d'organiser sa défense en conséquence, équivaut à une absence de
qualification au sens de la loi précitée sur la liberté de la presse, qu'à cet égard, la circonstance que M. X... et la
SCPE ont notifié une offre de preuve dans les formes de la loi sur la presse démontre seulement l'obligation que
ceux-ci ont eue de se défendre sur ce terrain, alors que cette procédure spécifique était inopérante dans le cadre
d'une action qui était aussi fondée sur le droit commun de la responsabilité civile, que s'il est certain que cette
obligation faite à la partie poursuivante dès le début de la procédure de donner aux faits leur exacte qualification
risque, en cas d'erreur de sa part sur ce point, de la priver d'un recours effectif eu égard notamment au bref délai
de la prescription en matière de presse, cette atteinte à ses droits est justifiée en l'espèce par les exigences tout aussi
protégées de la liberté d'expression, qu'enfin, contrairement à ce qui est allégué, les assignations contestées, qui
visent à titre subsidiaire à engager la responsabilité civile des personnes défenderesses, ne comportent pas
seulement le visa erroné ou surabondant de l'article 1382 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, quand la citation est valable dès lors que, par le visa de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881
réprimant le délit imputé, elle ne laisse aucune incertitude sur son objet exact ni ne peut provoquer, dans l'esprit
des intéressés, aucun doute sur les faits qui leur sont reprochés, peu important la référence à titre subsidiaire à
l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE

Doc. 9
Cour de cassation - chambre civile 2 - Audience publique du jeudi 16 novembre 2000 - N° de pourvoi: 98-
2055 - Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 8 décembre 1997), qu'au cours d'un match de football amical, M. X... a reçu
un coup de coude au visage, lui occasionnant la perte de plusieurs dents ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes en responsabilité et indemnités contre
M. Y..., auteur du coup et son assureur, la compagnie Rhin et Moselle Groupe Allianz, alors, selon le moyen :
1° que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence
ou son imprudence ; qu'en écartant la responsabilité de M. Y... aux motifs qu'il avait blessé M. X... par maladresse
et non par faute de jeu ayant entraîné une sanction sportive, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales
de ses constatations de fait et a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
2° qu'en toute hypothèse, celui qui participe à un jeu de sport collectif est réputé n'accepter que les risques normaux
y afférents ; qu'en l'espèce, au cours du match de football amical, la faute de maladresse de M. Y... qui a donné à
M. X... un coup de coude au niveau de la mâchoire occasionnant la perte de plusieurs dents excédait les risques
normaux de ce jeu ; qu'en décidant le contraire et en mettant à la charge de la victime la preuve d'une faute
caractérisée intentionnelle ou lourde, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le dommage a été causé au cours d'un match de football, qu'il résulte des
attestations produites que le geste de M. Y... était une maladresse qui ne révélait aucune agressivité ou malveillance
de M. Y... à l'égard de M. X... et qu'aucun manquement aux règles du sport et à la loyauté de la pratique du sport
n'a été commis ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que M. Y... devait
être exonéré de toute responsabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.

Doc. 10
Cour de cassation - chambre civile 2 - Audience publique du jeudi 4 novembre 2010 - N° de pourvoi: 09-
65947 - Publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

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Attendu que la victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article
1384, alinéa 1er, du code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui
être opposée son acceptation des risques ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 4 janvier 2006, Bull. 2006, II, n° 1) que
M. X..., alors qu'il pilotait une motocyclette au cours d'une séance d'entraînement sur un circuit fermé, a été
heurté par la motocyclette conduite par M. Y..., dont le moteur appartenait à la société Suzuki France et les
autres éléments à la société Bug'Moto ; que, blessé, il a assigné M. Y..., la société Suzuki France, la société
Bug'Moto, le GIAT Team 72, préparateur de la moto de M. Y..., en indemnisation, en présence de la caisse
primaire d'assurance maladie de Paris et de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, tiers payeurs;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que l'accident est survenu entre des
concurrents à l'entraînement, évoluant sur un circuit fermé exclusivement dédié à l'activité sportive où les règles
du code de la route ne s'appliquent pas, et qui avait pour but d'évaluer et d'améliorer les performances des
coureurs ; que la participation à cet entraînement impliquait une acceptation des risques inhérents à une telle
pratique sportive ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE.

Doc. 11
Cour de cassation - Assemblée plénière - Audience publique du mercredi 9 mai 1984 - N° de pourvoi: 80-
93481 - Publié au bulletin Rejet

Sur le premier moyen :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 juillet 1980), statuant sur renvoi après cassation, que la jeune Fatiha X...,
alors âgée de 5 ans, a été heurtée le 10 avril 1976 sur un passage protégé et a été mortellement blessée par une
voiture conduite par M. Z... ; que, tout en déclarant celui-ci coupable d'homicide involontaire, la Cour d'appel a
partagé par moitié la responsabilité des conséquences dommageables de l'accident ;
Attendu que les époux X... Y... font grief à l'arrêt d'avoir procédé à un tel partage alors, selon le moyen, que, d'une
part, le défaut de discernement exclut toute responsabilité de la victime, que les époux X... soulignaient dans leurs
conclusions produites devant la Cour d'appel de Metz et reprises devant la Cour de renvoi que la victime, âgée de
5 ans et 9 mois à l'époque de l'accident, était beaucoup trop jeune pour apprécier les conséquences de ses actes ;
qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision
; alors, d'autre part, et en tout état de cause, que la Cour d'appel n'a pu, sans contradiction, relever, d'un côté,
l'existence d'une faute de la victime et, d'un autre côté, faire état de l'irruption inconsciente de la victime ; alors,
enfin, que la Cour d'appel relève que l'automobiliste a commis une faute d'attention à l'approche d'un passage pour
piétons sur une section de route où la possibilité de la présence d'enfants est signalée par des panneaux routiers,
qu'ayant remarqué de loin les deux fillettes sur le trottoir, il n'a pas mobilisé son attention sur leur comportement
; qu'en ne déduisant pas de ces énonciations l'entière responsabilité de M. Z..., la Cour d'appel n'a pas tiré de ses
propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement ;
Mais attendu qu'après avoir retenu le défaut d'attention de M. Z... et constaté que la jeune Fatiha, s'élançant sur la
chaussée, l'avait soudainement traversée malgré le danger immédiat de l'arrivée de la voiture de M. Z... et avait
fait aussitôt demi-tour pour revenir sur le trottoir, l'arrêt énonce que cette irruption intempestive avait rendu
impossible toute manoeuvre de sauvetage de l'automobiliste ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier si la mineure était
capable de discerner les conséquences de tels actes, a pu, sans se contredire, retenir, sur le fondement de l'article
1382 du Code civil, que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Z..., à la réalisation
du dommage dans une proportion souverainement appréciée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les époux X... reprochent à l'arrêt d'avoir déduit de la somme de 4404,50 francs allouée à M. X... père
à titre de préjudice matériel, la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (C.P.A.M.) de Thionville soit
la somme de 2435 francs tout en condamnant le prévenu à payer à la C.P.A.M. la somme de 2435 francs, montant
des prestations servies à l'occasion de l'accident survenu à la jeune Fatiha ; alors que, lorsqu'un accident de droit
commun dont un assuré social a été la victime est imputable à un tiers, l'action en remboursement des organismes
de Sécurité Sociale s'exerce dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, à l'exclusion, s'il
s'agit d'un accident mortel, de la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants-droit ; que dès lors,
la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire et violer le principe de la réparation de l'intégralité du préjudice,

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condamner tout à la fois le tiers responsable M. Z..., et le père de la victime à rembourser à la Caisse le montant
des prestations servies à l'occasion de l'accident survenu à l'enfant Fatiha ;
Mais attendu qu'ayant, compte tenu du partage de responsabilité, évalué le montant du préjudice matériel subi par
M. X..., l'arrêt, sans se contredire, a déduit à bon droit de la somme ainsi déterminée la créance de la Caisse
Primaire d'Assurance Maladie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois formés contre l'arrêt rendu le 9 juillet 1980 par la Cour d'appel de Nancy ;

Doc. 12
Cour de cassation - Assemblée plénière - Audience publique du mercredi 9 mai 1984 - N° de pourvoi: 80-
93031 - Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique du pourvoi de Y... Jacky, A... Emery et de la S.A. Etablissements A... :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 1980), que, le 10 août 1977, Dominique X..., âgé de treize ans, a été
mortellement électrocuté en vissant une ampoule sur une douille ; que M. Y..., ouvrier électricien de la S.A.
Etablissements A... dont Emery A... est le dirigeant ayant, une dizaine de jours auparavant, exécuté des travaux
d'électricité dans l'étable où se sont produits les faits, les consorts X... ont cité MM. Y... et A... devant le Tribunal
correctionnel ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré Y... coupable du délit d'homicide involontaire, de l'avoir
condamné à 500 francs d'amende avec sursis et d'avoir alloué diverses réparations aux parties civiles, la S.A.
Etablissements A... étant déclarée civilement responsable, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'obligation de
vérifier l'absence d'inversion de fils sur la boîte de jonction, écartée par les premiers juges, ne résultait ni du contrat
d'entreprise, ni d'un quelconque règlement comme le soulignaient en outre les conclusions, qui précisaient que Y...
avait constaté, après le rebranchement, que le courant passait normalement en aval ; alors que, d'autre part,
l'application de l'article 319 du Code pénal suppose que l'existence d'un lien de causalité entre la faute du prévenu
et le décès de la victime soit certaine que ce lien ne découle pas des constatations de l'arrêt qui, sans démentir que
le montage utilisé dans la ferme était interdit, a relevé la faute de la victime, ayant omis de couper le courant ;
Mais attendu que, pour caractériser la faute de Y..., l'arrêt retient qu'une inversion de fils électriques maintenant la
douille sous tension et constatée dans la boîte de jonction qui desservait le local, est en rapport direct avec
l'électrocution et que le prévenu a reconnu ne pas avoir, après son intervention effectué la vérification facile et
instantanée qui s'impose à tout électricien pour s'assurer de l'absence d'une telle inversion de fils ; D'où il suit que
le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi des époux Jean X..., des époux Joseph X... et de Aimé Z... :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir relaxé un dirigeant de société du chef d'homicide involontaire alors,
selon le moyen, d'une part, qu'un dirigeant de société a une obligation légale de contrôle et de direction de son
entreprise et doit, par sa surveillance, prévenir toute infraction de ses préposés aux règlements ; qu'en statuant
ainsi, sans rechercher si "les compétences" de l'ouvrier ayant effectué des travaux non conformes aux règles de
l'art s'étendaient au devoir de contrôle et de surveillance incombant au dirigeant de la société, la Cour d'appel n'a
pas légalement justifié sa décision ; alors, d'autre part, que les parties civiles avaient fait valoir dans leurs
conclusions d'appel, que le dirigeant de la société, en établissant la facture des travaux sur les indications de son
préposé, avait dû se renseigner sur la nature et la consistance desdits travaux et devait connaître la non-conformité
de ceux-ci aux règles de l'art, notamment en ce qui concerne l'obligation de poser des prises de terre dans les
bâtiments d'exploitation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions concernant l'une des causes de
l'accident mortel survenu, la Cour d'appel a "méconnu" les dispositions de l'article 593 du Code de procédure
pénale ;
Mais attendu que l'arrêt, qui n'avait pas à répondre à de simples arguments, retient souverainement que les travaux
d'électricité effectués n'excédaient pas la compétence de l'ouvrier qui en était chargé et n'imposaient pas au chef
d'entreprise de venir vérifier le travail de son employé ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen du pourvoi des époux Jean X..., des époux Joseph X... et de Z... :
Attendu que les parties civiles font grief à l'arrêt d'avoir déclaré Y... responsable pour moitié seulement des
conséquences de l'accident alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent retenir à l'encontre d'un enfant
de treize ans, décédé par électrocution à la suite de travaux défectueux dans l'installation électrique de la ferme de
ses parents, une faute ayant contribué à la réalisation de son propre dommage, sans rechercher si ce mineur avait
la capacité de discerner les conséquences de l'acte fautif par lui commis ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aucune indication ne pouvant être déduite de la position de l'interrupteur rotatif,
Dominique X... aurait dû, avant de visser l'ampoule, couper le courant en actionnant le disjoncteur ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de
discerner les conséquences de son acte, a pu estimer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil que la victime

13
avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Y..., à la réalisation du dommage dans une proportion
souverainement appréciée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois formés contre l'arrêt rendu le 28 mai 1980 par la Cour d'appel de Douai

Doc. 13
Cour de cassation - chambre civile 2 - Audience publique du jeudi 4 octobre 2012 - N° de pourvoi: 10-
21612 - Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué et les productions, que Simon X..., alors âgé de 5 ans, a été heurté et
blessé par un camion conduit par M. Y..., préposé de la société Adam, assurée auprès de la société Groupe Azur,
aux droits de laquelle vient la société Covea Fleet, alors qu'il s'élançait sur la chaussée à la poursuite d'un ballon,
sortant de la propriété de M. Z... où il passait l'après-midi ; que M. et Mme X..., agissant en leur nom personnel
et en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Simon, Juliette et Lucie (les consorts X...) ont
assigné en indemnisation la société Adam et son assureur ; que ces derniers ont appelé en garantie M. Z..., en
invoquant sa faute de surveillance à l'égard de la victime, ainsi que la société De Dietrich et son assureur, la
société Rhin et Moselle, aux droits de laquelle est venue la société Assurances générales de France, devenue
Allianz, en invoquant l'implication d'un véhicule de cette société assurant le transport de ses salariés, immobilisé
à l'aplomb de la propriété de M. Z... pour déposer une passagère au moment de l'accident ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter la charge intégrale de la réparation des
préjudices subis, alors, selon le moyen, que la faute d'un mineur peut être retenue à son encontre même s'il n'est
pas capable de discerner les conséquences de son acte ; qu'en affirmant que M. Z... ne peut se prévaloir d'une
faute de désobéissance de l'enfant au motif inopérant que celui-ci était inconscient du danger qu'il courait, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le jeune Simon X... avait été accueilli en compagnie d'autres enfants au
domicile de M. Z... à un goûter ; qu'ils avaient joué au football dans la cour dont M. Z... avait fermé le portail
ainsi que le portillon, celui-ci l'étant par un loquet sans cependant être verrouillé ; que le portail faisait office de
but ; qu'à deux reprises, le ballon était passé dans la rue au-dessus du portail, qu'il était allé le récupérer une fois
et l'un des enfants une autre fois ; qu'il leur avait expliqué le danger encouru ; que M. Z..., qui était chargé de la
surveillance du jeune Simon et dont la défaillance est démontrée, ne peut se prévaloir d'une quelconque
désobéissance de l'enfant ; que celui-ci, âgé de 5 ans, était tout à son jeu avec ses camarades du même âge ; qu'il
appartenait à M. Z..., au vu des événements de l'après-midi, du jeune âge des enfants et de leur agitation toute
naturelle, de prendre les mesures qui s'imposaient pour empêcher toute sortie dans la rue ;

Que de ces seules constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que M. Z..., dont la faute de
surveillance était établie, ne pouvait se prévaloir d'une faute de l'enfant pour s'exonérer de sa responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1382 du code civil et R. 414-4 du code de la route ;

Attendu que pour condamner M. Z... à supporter la charge intégrale de la réparation des préjudices subis et de le
débouter de ses conclusions tendant à ce qu'il soit jugé que M. Y... a commis une faute engageant sa
responsabilité et celle de son assureur, l'arrêt énonce que le camion conduit par M. Y... circulait à faible allure au
moment de l'accident ; que ce dernier n'a manqué à aucune disposition des articles susvisés du code de la route
en opérant le dépassement de la camionnette de la société De Dietrich arrêtée dans sa voie de circulation pour
laisser descendre une passagère ; qu'aucun véhicule ne venant en sens inverse, il ne peut lui être reproché de ne
pas s'être arrêté derrière cette camionnette ; qu'il a immédiatement freiné en arrivant à hauteur de l'avant du
véhicule qu'il dépassait en voyant plusieurs jeunes enfants sortir en courant d'une propriété située à droite ;
qu'aucun défaut d'attention n'est caractérisé ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Y... n'avait pas commis une faute
d'imprudence en procédant à une manoeuvre de dépassement sans s'assurer que celle-ci ne présentait aucun

14
danger, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 1382 et 1251 du code civil et R. 417-9 du code de la route ;

Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande en garantie dirigée contre la société De Dietrich, l'arrêt énonce
qu'il résulte des déclarations des autres protagonistes faites au cours de l'enquête que le conducteur de la
camionnette de transport en commun De Dietrich avait arrêté son véhicule à droite, dans sa voie de circulation à
hauteur de la maison de M. Z... pour laisser descendre côté trottoir une passagère ; que tant le conducteur de la
camionnette, M. A..., que sa passagère, Mme B..., ont confirmé que les feux de détresse de la camionnette étaient
en fonction pendant cet arrêt ; qu'il résulte de ces éléments que M. A..., en arrêtant momentanément sa
camionnette à droite, le temps de déposer une passagère, n'a commis aucune faute ; qu'il n'est pas davantage
établi que cet arrêt aurait dépassé le temps nécessaire à celui de la descente de Mme B... et aurait été
anormalement long ; que l'interdiction de stationner dans la rue où l'accident s'est produit ne faisait pas obstacle à
l'arrêt légitime d'une durée limitée au temps nécessaire à la descente de Mme B... ; qu'aucun arrêt dangereux n'est
caractérisé ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. A..., en immobilisant une camionnette de
transport sur une voie de circulation interdite au stationnement, n'avait pas privé le conducteur de l'autre véhicule
impliqué d'une visibilité satisfaisante, alors que tout véhicule à l'arrêt doit être placé de manière à ne pas
constituer un danger pour les usagers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des
textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux premières branches du deuxième moyen :

Met hors de cause, sur leur demande, M. Jean-Claude X..., Mme Martine C..., épouse X..., agissant en leur nom
personnel et ès qualités, et Mme Juliette X... (les consorts X...) ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les sociétés de Dietrich et Allianz IARD ; CASSE ET ANNULE

Doc. 14
Arrêt n°651 du 13 janvier 2020 (17-19.963) - Cour de cassation - Assemblée plénière

I. Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 5 avril 2017), la société Industrielle sucrière de Bourbon, devenue la société
Sucrerie de Bois rouge (la société de Bois rouge), et la société Sucrière de la Réunion (la société Sucrière) ayant
pour objet la fabrication et la commercialisation du sucre de canne, ont conclu, le 21 novembre 1995, un protocole
aux fins de concentrer le traitement industriel de la production cannière de l’île sur deux usines, celle de Bois rouge
appartenant à la société de Bois rouge et celle du Gol appartenant à la société Sucrière, en exécution duquel chaque
usine était amenée à brasser des cannes dépendant de son bassin cannier et de celui de l’autre. A cet effet, elles ont
conclu, le 31 janvier 1996, une convention de travail à façon déterminant la quantité de sucre à livrer au commettant
et la tarification du façonnage. Antérieurement, le 8 novembre 1995, avait été conclue une convention d’assistance
mutuelle en période de campagne sucrière entre les deux usines de Bois rouge et du Gol « en cas d’arrêt accidentel
prolongé de l’une des usines ».
2. Dans la nuit du 30 au 31 août 2009, un incendie s’est déclaré dans une usine électrique de la centrale thermique
exploitée par la société Compagnie thermique de Bois rouge (la Compagnie thermique) qui alimentait en énergie
l’usine de Bois rouge, entraînant la fermeture de cette usine pendant quatre semaines. L’usine du Gol a assuré une
partie du traitement de la canne qui aurait dû l’être par l’usine de Bois rouge.
3. La société QBE Insurance Europe limited (la société QBE), assureur de la société Sucrière, aux droits de laquelle
vient la société QBE Europe, ayant indemnisé son assurée de ses pertes d’exploitation, a, dans l’exercice de son
action subrogatoire, saisi un tribunal à l’effet d’obtenir la condamnation de la société de Bois rouge et de la
Compagnie thermique à lui rembourser l’indemnité versée.
4. Par jugement du 13 avril 2015, sa demande a été rejetée.
5. Par arrêt du 5 avril 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.
6. Par arrêt du 9 avril 2019, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, saisie du
pourvoi formé par la société QBE, a renvoyé son examen à l’assemblée plénière de la Cour.

II. Examen des moyens

15
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter son recours en paiement dirigé à l’encontre de la société de Bois
rouge, alors :
« 1°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes clairs et précis impliquant sans
équivoque la volonté de renoncer ; qu’en l’espèce, il ne résulte d’aucun des documents, conventions ou accords
passés entre les sociétés Sucrière de la Réunion et Sucrerie de Bois rouge une renonciation de la première à agir
contre la seconde en raison du préjudice pouvant résulter de l’exécution de la convention d’assistance ; qu’en
refusant à la compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un
recours à l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge au motif qu’elle ne pouvait avoir davantage de droits
que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la Réunion ne pouvait
exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil
(dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
2°/ qu’une convention d’assistance, quel que soit son fondement juridique, n’interdit pas à l’assistant d’exercer
un recours contre l’assisté pour le préjudice causé par l’assistance ; qu’en l’espèce, pour refuser à la
compagnie QBE, subrogée dans les droits de la société Sucrière de la Réunion, d’exercer un recours à
l’encontre de la société Sucrerie de Bois rouge, la cour d’appel a retenu que la société QBE ne pouvait avoir
davantage de droits que son assuré et qu’en raison des conventions conclues entre elles, la société Sucrière de la
Réunion ne pouvait exercer d’action contre la société Sucrerie de Bois rouge ; qu’en statuant ainsi , la cour
d’appel a violé l’article 1134 du code civil (dans son ancienne rédaction, devenu 1103) ;
3°/ qu’en toute hypothèse, le préjudice subi par la société Sucrière de la Réunion en raison de la défaillance de
l’usine de la société Sucrerie de Bois rouge ne résidait pas uniquement dans l’obligation dans laquelle s’était
trouvée la première de prêter assistance à la seconde, mais également dans l’impossibilité dans laquelle s’était
trouvée la société Sucrerie de Bois rouge de remplir ses obligations contractuelles envers la société Sucrière de
la Réunion concernant le travail à façon ; qu’à ce titre, la convention d’assistance ne pouvait être opposée au
recours de l’assureur ayant dédommagé son assuré contre la société Sucrerie de Bois rouge à raison de
l’inexécution contractuelle ; qu’en déboutant la société QBE de l’intégralité de ses demandes contre la société
Sucrerie de Bois rouge au seul motif de l’existence de conventions d’assistance, la cour d’appel a entaché sa
décision d’une insuffisance de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. La cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation du protocole et de la convention
d’assistance, jugé que ces deux conventions procédaient entre les deux sociétés sucrières de la même démarche
de collaboration et, recherchant la commune intention des parties, a retenu que celles-ci s’étaient entendues pour
la mise en oeuvre de l’une et de l’autre de ces conventions à la suite de l’arrêt complet de l’usine de Bois rouge
privée d’alimentation en énergie.
9. Considérant qu’une telle entraide conduisait à la répartition des cannes à brasser prévue au protocole en cas de
difficulté technique et s’exécutait à l’aune de la convention d’assistance mutuelle, elle a pu en déduire, par une
décision motivée, que la société QBE, qui ne détenait pas plus de droits que son assurée, ne pouvait utilement
invoquer une faute contractuelle imputable à la société de Bois rouge.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. La société QBE fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes dirigées contre la Compagnie thermique, alors :
« 1°/ que le fournisseur d’énergie est tenu d’une obligation de résultat dont la défaillance suffit à caractériser
l’inexécution contractuelle et à engager sa responsabilité vis-à-vis de son cocontractant ; qu’en l’espèce, la
responsabilité contractuelle de la Compagnie thermique de Bois rouge était engagée du seul fait de la cessation
de fourniture d’énergie à la société Sucrerie de Bois rouge, du 30 août au 28 septembre 2009 ; qu’en décidant
que la faute, la négligence ou l’imprudence de la Compagnie thermique de Bois rouge à l’origine de sa
défaillance contractuelle n’était pas établie et qu’en conséquence, la société QBE Insurance ne pouvait
utilement invoquer la responsabilité délictuelle de cette dernière, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code
civil (devenu l’article 1231-1) ;
2°/ que subsidiairement, les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci
lorsqu’elle leur a causé un dommage, sans avoir à apporter d’autre preuve ; qu’en l’espèce, la société QBE
Insurance, subrogée dans les droits de son assurée, la société Sucrière de la Réunion, a invoqué l’exécution
défectueuse de ses obligations par la société Compagnie thermique de Bois rouge qui a manqué à son obligation
de fournir à la société Sucrerie de Bois rouge l’énergie dont elle avait besoin pour faire tourner ses usines, cette
inexécution entraînant un préjudice conséquent pour la société Sucrière de la Réunion ; qu’en estimant que la
société QBE Insurance ne pouvait utilement invoquer la responsabilité délictuelle de la Compagnie thermique
de Bois rouge dès lors qu’aucune négligence ou imprudence de la Compagnie thermique de Bois rouge à

16
l’origine de sa défaillance contractuelle n’était établie, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans
sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du même code :
12. La Cour de cassation retient depuis longtemps le fondement délictuel ou quasi délictuel de l’action en
réparation engagée par le tiers à un contrat contre un des cocontractants lorsqu’une inexécution contractuelle lui
a causé un dommage.
13. S’agissant du fait générateur de responsabilité, la Cour, réunie en assemblée plénière, le 6 octobre 2006 (Ass.
plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) a retenu « que le tiers à un contrat peut
invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage ».
14. Le principe ainsi énoncé était destiné à faciliter l’indemnisation du tiers à un contrat qui, justifiant avoir été
lésé en raison de l’inexécution d’obligations purement contractuelles, ne pouvait caractériser la méconnaissance
d’une obligation générale de prudence et diligence, ni du devoir général de ne pas nuire à autrui.
15. Jusqu’à une époque récente, cette solution a régulièrement été reprise par les chambres de la Cour, que ce
soit dans cette exacte formulation ou dans une formulation très similaire.
16. Toutefois, certains arrêts ont pu être interprétés comme s’éloignant de la solution de l’arrêt du 6 octobre 2006
(3e Civ., 22 octobre 2008, pourvoi n° 07-15.692, 07-15.583, Bull. 2008, III, n° 160 ; 1re Civ., 15 décembre
2011, pourvoi n° 10-17.691 ; Com., 18 janvier 2017, pourvois n° 14-18.832, 14-16.442 ; 3e Civ., 18 mai 2017,
pourvoi n° 16-11.203, Bull. 2017, III, n° 64), créant des incertitudes quant au fait générateur pouvant être
utilement invoqué par un tiers poursuivant l’indemnisation du dommage qu’il impute à une inexécution
contractuelle, incertitudes qu’il appartient à la Cour de lever.
17. Aux termes de l’article 1165 susvisé, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne
nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.
18. Il résulte de ce texte que les contrats, opposables aux tiers, ne peuvent, cependant, leur nuire.
19. Suivant l’article 1382 susvisé, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
20. Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à
l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage.
21. Il importe de ne pas entraver l’indemnisation de ce dommage.
22. Dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage
qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.
23. Pour rejeter la demande de la société QBE contre la Compagnie thermique, l’arrêt retient que la société
Sucrière est une victime par ricochet de l’interruption totale de fourniture de vapeur de la Compagnie thermique
à l’usine de Bois rouge qui a cessé de fonctionner, et que, cependant, la faute, la négligence ou l’imprudence de
la Compagnie thermique, à l’origine de sa défaillance contractuelle, n’est pas établie.
24. En statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d’appel,
qui a constaté la défaillance de la Compagnie thermique dans l’exécution de son contrat de fourniture d’énergie à
l’usine de Bois rouge pendant quatre semaines et le dommage qui en était résulté pour la société Sucrière,
victime de l’arrêt de cette usine, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
25. En conséquence, elle a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE

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