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Chapitre 2.

Le permis de construire, instrument de contrôle du respect de la


réglementation d’urbanisme.
Avant de décider d’accorder ou de refuser un permis de construire, l’autorité détentrice du
pouvoir de décider examine si le projet de construction respecte bien les normes urbanistiques
et, de ce fait, procède à un contrôle du respect par les pétitionnaires de la réglementation en
vigueur en la matière.
Le permis de construire relève à la fois de la compétence des autorités centrales et des
autorités municipales en droit ivoirien, mettant en évidence l’idée d’une compétence partagée
(S. 1), alors même que la réforme de 2003-2005 ambitionnait de décentraliser la matière. On
assiste, depuis 2015, à un rétropédalage et à un retour vers la centralisation, qui laisse,
néanmoins, une petite marge de manœuvre aux autorités locales. Partiellement centralisée,
partiellement décentralisée, telle apparaît, aujourd’hui, la compétence relative au permis de
construire. Il faut dire que la mise en place du Guichet Unique du Permis de Construire
(GUPC), à la suite du décret n° 2015-195 du 24 mars 2015 portant création, attributions,
composition et fonctionnement de ce Guichet Unique, a fondamentalement bouleversé les
procédures et les règles qui encadrent l’instruction et la délivrance du permis. La portée des
compétences reconnues aux différentes autorités (centrales et locales), en la matière, mérite
alors d’être précisée (S. 2).
Section 1. Une compétence partagée
Le permis de construire est un document de base destiné à assurer l’application des règles
d’urbanisme et à contrôler l’utilisation qui est faite des sols urbains par les acteurs de la scène
urbanistique. En Côte d’Ivoire, les compétences qui y sont attachées sont exercées à la fois
par les maires, autorités locales, et par les représentants de l’État, au contraire de la France,
par exemple, où la loi de 1983 sur la décentralisation des compétences d’urbanisme a
transféré aux communes dotées d’un Plan d’Occupation des Sols le pouvoir de délivrer les
autorisations de bâtir.
La France et la Côte d’Ivoire se distinguent à ce sujet. Dans ce dernier pays en effet, le permis
de construire ne relève pas que de la compétence de la commune; la délivrance des permis
relève de la compétence partagée du maire et du ministre chargé de la construction, aux
termes de l’article 15 nouveau du décret n° 2016-49 du 10 février 2016 modifiant les articles
13, 14, 15, 16 alinéa 2, 21 et 22 du décret n° 92-398 du 1er juillet 1992 portant réglementation
du permis de construire, tel que modifié par le décret n° 2014-363 du 12 juin 2014. Il faut
distinguer alors le permis de construire municipal du permis de construire ministériel.
Toute personne qui projette de construire doit donc obtenir une autorisation du maire de sa
commune ou du ministre de la construction, avant de le faire. En effet, le permis de construire
doit être obtenu et affiché sur le chantier avant le début des travaux. Ceci traduit et révèle le
caractère obligatoire du permis de construire.
En Côte d’Ivoire, le nombre de permis effectivement délivrés par les communes et par l’État
est souvent présenté comme étant peu élevé. Ceci peut être expliqué par les pratiques urbaines
populaires destinées à contourner ou méconnaître la réglementation. Le phénomène est dû

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également à « l’analphabétisme juridique » des administrés qui ne savent pas toujours que
l’obtention d’un permis doit nécessairement précéder les opérations de construction sur le sol
urbain, ainsi qu’il ressort des dispositions de l’article premier de la loi n° 65-248 du 4 août
1965, relative au permis de construire, complétée par la loi n° 97-523 du 4 septembre 1997.
Selon cet article, « Quiconque désire entreprendre une construction, à usage d’habitation ou
non, doit au préalable, obtenir un permis de construire. Cette obligation s’impose aux
personnes morales de droit public, comme aux personnes morales de droit privé. Le même
permis est exigé pour les clôtures, les modifications extérieures apportées aux constructions
existantes, les reprises de gros œuvres, les surélévations ainsi que pour les travaux entraînant
modification de la destination du bâtiment et de la distribution intérieure sur des points visés
par les règlements sanitaires ».
En France, au contraire, le permis de construire est l’autorisation la plus familière et la plus
répandue par laquelle se concrétise quotidiennement le droit de l’urbanisme : il se délivre
chaque année entre 300 000 et 400 000 permis de construire, après la vérification de la
conformité des projets de construction à la réglementation d’urbanisme.
Toutefois, ce nombre élevé de permis de bâtir délivré annuellement par les communes
françaises ne saurait étonner, dans la mesure où la France compte plus de trente-six mille
communes. La Côte d’Ivoire en a nettement moins. Mais ce qui, à nos yeux, explique
davantage ce décalage réside moins dans le nombre des communes que dans l’écart
démographique qui sépare la France de la Côte d’Ivoire.
La différence de situation qui en résulte se justifie amplement, vue sous cet angle, même si on
peut soutenir par ailleurs, que si l’on reste à la comparaison entre les deux pays, c’est le ratio
entre population, efforts de construction et fraudes qui explique également les différences
observées.
La dévolution de pouvoirs au maire en matière de permis de construire, on le devine, a des
conséquences qu’il importera de relever, après en avoir présenté la teneur ou la consistance.
La loi n° 2003-308 du 7 juillet 2003, portant transfert et répartition des compétences de l’Etat
aux collectivités territoriales, confère à la commune le droit d’instruire et de délivrer les
permis de construire des maisons d’habitation et des immeubles10. A la suite de cette
législation, le décret n° 2005-261 du 21 juillet 2005, fixant les modalités d’application en
matière d’urbanisme et d’habitat, s’est voulu précis sur la portée de cette compétence
municipale. L’article 14 de ce texte énonce, en effet, que « La commune a compétence pour
instruire les dossiers et délivrer sur son territoire, les permis de construire des bâtiments à
usage d’habitation et des immeubles ne dépassant pas le niveau R + 3 ». Le décret précité du
10 février 2016 ne remet pas totalement en cause ce principe. Il faut, néanmoins, observer que
l’instruction des dossiers de demande de permis de construire relève maintenant de la
compétence du GUPC, y compris pour les permis de construire municipaux. Malgré tout, les
maires restent compétents pour délivrer les permis pour les bâtiments et immeubles ne
dépassant pas le niveau R+3, et ne comportant pas de sous-sol.
L’analyse de ces dispositions laisse apparaître le constat suivant : les compétences
d’urbanisme, spécifiquement attribuées aux communes ivoiriennes dans le cadre du permis de

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construire, se limitent juridiquement à des pouvoirs dont l’exercice doit être antérieur aux
travaux pour lesquels sont sollicitées les autorisations de bâtir. Par conséquent, les organes
exécutifs de ces communes, c’est-à-dire les maires, ne sont plus compétents en dehors de ce
cadre formel. C’est dire que la délivrance des certificats d’urbanisme et des certificats de
conformité, tels que prévus à l’article 22 nouveau du décret du 10 février 2016, ne relève pas
de la compétence des maires, mais plutôt des services compétents du GUPC, qui est un
service de l’Etat et qui apparaît ainsi comme la pierre angulaire de la procédure. A titre
indicatif, notons que le certificat d'urbanisme est un document qui indique, avant la
construction, les règles d'urbanisme applicables sur un terrain donné et permet de savoir si
l'opération immobilière projetée est réalisable. Quant au certificat de conformité, il s’agit
également d’un acte délivré par l’administration, en l’occurrence le GUPC, pour constater,
après la construction, la conformité des travaux exécutés aux plans et règlements approuvés ;
en clair, l’acte de conformité atteste que le constructeur a respecté la réglementation
d’urbanisme et le plan de construction autorisé par l’administration.
En définitive, le dépôt des dossiers de demande de permis de construire auprès des services du
GUPC permet aux autorités compétentes d’exercer deux types de compétences. Il s’agit,
d’une part, du pouvoir d’instruire le dossier présenté par le pétitionnaire et, d’autre part, du
pouvoir de lui délivrer ou de lui refuser le permis. Nous polariserons l’analyse sur ces deux
points.
Paragraphe 1. L’instruction du dossier présenté par le pétitionnaire
Selon le professeur SAVY, on entend par instruction de la demande, l’ensemble des
opérations permettant à l’administration de s’assurer de la conformité ou de la compatibilité
de la construction envisagée avec les règles d’urbanisme applicables au lieu prévu pour son
implantation.
Par conséquent, l’instruction d’une demande de permis de construire, ainsi que le note M.
DRIARD, n’a qu’un seul but : préparer une décision d’acceptation ou de refus et assurer la
parfaite légalité de la décision qui sera prise.
Avec le décret précité du 10 février 2016 et l’arrêté n° 280/PM/CAB du 12 avril 2016, portant
fixation des délais, coûts et procédures applicables au Guichet Unique du Permis de
Construire, la question de l’instruction des permis de construire est désormais parfaitement
réglementée.
Ainsi, aux termes des articles 13 et 14 nouveaux du décret du 10 février 2016, dans le district
autonome d’Abidjan, les dossiers de demande de permis de construire sont déposés au guichet
unique du permis de construire. A l’intérieur du pays, les dossiers de demande de permis de
construire sont déposés auprès des guichets déconcentrés du ministère en charge de la
construction et de l’urbanisme. L’instruction des dossiers de demande de permis de construire
selon la localisation ou la nature du projet est assurée par le guichet unique du permis de
construire. Les services du guichet unique du permis de construire comprennent
obligatoirement un architecte, un ingénieur en bâtiment et tous les acteurs publics et privés
intervenant dans la procédure de délivrance du permis de construire. Les membres du GUPC

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disposent de la délégation de pouvoirs nécessaires à l’instruction et à la délivrance des actes
du dossier de demande du permis de construire lui-même.
Les dossiers de demande de permis de construire sont instruits selon les cinq classes suivantes
:
- Classe 1 : les constructions qui ne nécessitent pas de permis de construire. Cette classe de
bâtiments concerne les plans types relevant du social mis à disposition par le ministère en
charge de la construction et de l’urbanisme ;
- Classe 2 : les constructions à faible facteur de risque. Cette classe est relative aux bâtiments
de type habitation rez-de-chaussée et R+1 ne comportant pas de sous-sol ;
- Classe 3 : les constructions avec facteur de risque moyen. Elle concerne les bâtiments de
type habitation de niveau R+2 et R+3 maximum ne comportant pas de sous-sol ;
- Classe 4 : les constructions avec facteur de risque élevé. Il s’agit ici des bâtiments recevant
du public, les établissements et installations classés, les programmes immobiliers, les
bâtiments ne dépassant pas deux niveaux de sous-sol et tout autre bâtiment de niveau
supérieur à R+3 et inférieur à R+10 ;
- Classe 5 : les constructions avec facteur de risque très élevé. Tous les bâtiments de plus de
deux niveaux de sous-sol et tout autre bâtiment de niveau supérieur ou égal à R+10.
Aux termes de l’article 13 de l’arrêté précité du 12 avril 2016, pour les dossiers complets, le
service de réception des demandes du GUPC délivre à l’usager un récépissé qui mentionne
tous les documents qui y sont contenus et la date de communication de la suite à lui réserver.
Les dossiers incomplets sont remis au demandeur en vue d’être complétés. L’article 17 de
l’arrêté dispose que « le dossier de demande de Permis de Construire est transmis à la
Commission du permis de construire, pour instruction ». Selon les dispositions de l’article 26
de l’arrêté, « Pour les projets de classe 2 et 3 relatifs au permis de construire municipal, les
délais concernant uniquement la délivrance du permis de construire sont fixés à 54 jours
maximum. Le coût maximum du permis municipal est de 199 mille francs CFA ». Et l’article
27 ajoute que « Le régisseur du GUPC reverse la somme de 50 mille francs CFA à la Mairie
pour la signature de chaque permis de construire ».
Pour ce qui concerne les projets de classe 4 et 5 relatifs au permis de construire ministériel, il
faut indiquer que, d’après l’arrêté du 12 avril 2016, les délais concernant uniquement la
délivrance du permis de construire sont fixés à 54 jours maximum. Le coût maximum de la
délivrance du permis ministériel est de 249 mille francs CFA (article 32).
En dépit de ces délais et coûts raisonnables, il n’en demeure pas moins que les constructions
sans permis sont légions en Côte d’Ivoire. Les propriétaires de terrains à bâtir ne font pas
toujours le nécessaire pour obtenir de l’administration le permis de construire, qui, seul, les
autorise à construire, l’Arrêté de Concession Définitive – ACD – (autrefois appelé Titre
foncier ou Certificat de Propriété) n’étant pas une autorisation de bâtir, mais plutôt un acte
attestant d’un droit de propriété sur un terrain donné. L’ACD et le Permis de construire sont
donc deux actes administratifs différents, qui n’ont ni le même objet ni la même fonction. Par

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conséquent, les constructions sans permis ne sont pas à l’abri de mesures de démolition prises
par les autorités compétentes. Elles peuvent être démolies, faisant ainsi resurgir ce que le
Professeur KOBO appelle « l’urbanisme du bulldozer », dont l’objet est de mettre fin aux
constructions anarchiques.
Malgré tout, en droit ivoirien, les décisions prises par l’autorité administrative pour
sanctionner les constructions non autorisées n’échappent pas au contrôle du juge de la
légalité, en l’occurrence la Chambre administrative de la Cour suprême. En effet, encourt
annulation une mise en demeure de démolition pour défaut de permis de construire, lorsque le
constructeur se trouve nanti d’un permis tacite par suite du silence gardé par l’administration
plus de deux ans après, en cas de sursis à statuer, ou de six mois, en cas de demande de permis
de construire. Tel est le principal enseignement de l’arrêt n° 35 du 19 mars 2014, KOFFI
Konan c/ Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, rendu par la Chambre administrative
de la Cour suprême de Côte d’Ivoire. Il ressort de cette jurisprudence qu’en matière de permis
de construire, le silence de l’administration, à l’expiration d’un certain délai après une
demande d’autorisation de construire, vaut octroi d’un permis tacite. Cette solution
audacieuse s’explique, non seulement par des arguments de texte, mais aussi par le droit de
propriété en cause. Le respect dû à ce droit constitutionnel a pour effet que l’inertie de
l’administration profite au demandeur du permis de construire.
En France également, la notion de permis de construire tacite fait fortune et semble trouver
dans le droit jurisprudentiel une certaine renommée. En effet, selon un arrêt récent rendu par
21 le Conseil d’État, la confirmation de la demande de permis de construire par le
pétitionnaire, à la suite d’un refus annulé, fait courir un délai de trois mois à l’expiration
duquel le silence gardé par l’administration fait naître un permis de construire tacite.
Voir CE, 28 déc. 2018, req. n° 402321, Association du Vajra Triomphant Mandarom
Aumisme.
Au surplus, ainsi que le rappelle la jurisprudence de la Chambre Administrative de la Cour
suprême de Côte d’Ivoire, avec son arrêt n° 12 du 25 janvier 2012, Mairie de Treichville c/
Ministre de la Construction, la mise en demeure de démolition des constructions servie par
l’administration aux constructeurs est illégale, lorsqu’elle ne leur laisse pas au moins 45 jours
pour leur permettre d’exercer un recours administratif et juridictionnel.
En clair, de même que le juge ivoirien peut annuler un permis de construire (voir Chambre
administrative de la Cour suprême de Côte d’Ivoire : arrêt n° 4 du 4 décembre 1964,
Compagnie France –Afrique c/ Commune d’Abidjan et sieur ABDULATIF FAKRY ; arrêt n°
139 du 19 décembre 2012, SCI LAMA c/ Gouverneur du District d’Abidjan), de même il peut
annuler une décision prise pour sanctionner une construction non autorisée, s’il estime qu’elle
viole la loi.
Paragraphe 2. La délivrance du permis de construire
Aujourd’hui selon nos enquêtes, en moyenne 350 permis sont délivrés par an. 2 ou 3% des
constructions sont autorisées par l’Administration. Cela signifie que près de 98 % des
constructions réalisées se font en dehors des voies légales.

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Selon l’article 15 nouveau du décret du 10 février 2016, « les décisions relatives aux
demandes de permis de construire sont prises par arrêté sur avis du guichet unique du permis
de construire. L’arrêté est pris :
- par le ministre chargé de la construction, pour les projets de construction de classes 4 et 5 ;
- par le maire, pour les projets de construction de classes 2 et 3 ».
L’article 16 alinéa 2 nouveau du décret ajoute que « Lorsque la délivrance du permis de
construire relève de la compétence du maire, conformément aux dispositions de l’article 15
nouveau du présent décret, la décision ne pourra être prise que sur avis conforme des services
compétents du guichet unique du permis de construire ».
Il reste à préciser, s’agissant des maires, s’ils délivrent les autorisations de bâtir au nom de la
commune ou au nom de l’Etat, surtout que, contrairement à la loi de 2003 et au décret de
2005, précités, les services municipaux n’instruisent plus les dossiers de demande de permis
de construire. Il peut arriver, évidemment, que l’autorité municipale soit amenée à délivrer le
permis au nom de l’Etat, en raison de son double statut qui implique, inévitablement, un
dédoublement fonctionnel. Le maire, en effet, est une autorité municipale certes, mais il est
également un agent de l’Etat dans sa commune13. Les nouveaux textes (décret et arrêté de
2016, précédemment cités) qui vont dans le sens de la (re)centralisation de la procédure
d’instruction et de délivrance du permis sont particulièrement silencieux sur ce point, qui doit
être précisé.
Quoi qu’il en soit, il importe de situer la portée des compétences reconnues aux autorités
étatiques et municipales en matière de permis de construire.
Section 2. La portée des compétences reconnues
L’attribution de compétences au maire et au ministre de la construction et de l’urbanisme, en
matière de permis de construire, apparaît déséquilibrée, au profit de l’Etat. Les maires sont
ainsi relégués au second plan et jouent un rôle marginal dans la procédure. Au contraire de
l’Etat qui joue un rôle prépondérant.
Paragraphe 1. Le rôle marginal des maires
Au regard des nouveaux textes de 2016 (décret et arrêté), les maires ne se contentent que de
prendre une décision lorsque la Commission du Permis de Construire, qui un service du
GUPC, a fini d’instruire le dossier de demande du permis. Cette décision consistera à
accorder ou à refuser d’accorder le permis sollicité. Mais, en la matière, les maires n’ont pas
les mains libres, ils n’ont pas de pouvoir discrétionnaire, mais exercent plutôt une compétence
liée, dans la mesure où ils prennent la décision sur avis conforme des services compétents du
GUPC, ce qui les oblige donc à suivre l’avis émis par ces services. Les maires deviennent
comme des exécutants, des commis de l’administration centrale ; ils n’ont pas leur mot à dire.
On assiste ainsi à une forme de recentralisation d’une matière qui a été pourtant décentralisée,
dans le cadre de la réforme initiée en 2003 et 2005.
Au demeurant, avec la forte centralisation de la procédure, on se demande bien si les maires
n’interviennent pas plus comme des agents de l’Etat que comme des représentants de leurs

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communes. Il faudrait particulièrement réfléchir à la question, d’autant plus que sur la scène
urbanistico-foncière, l’Etat occupe une place prépondérante.
Paragraphe 2. Le rôle prépondérant de l’Etat
Dans la procédure d’instruction et de délivrance du permis de construire, l’Etat joue un rôle
prépondérant, à plus d’un titre. En effet, le GUPC est un service du Ministère de la
construction et de l’urbanisme. Le rôle de ce service est très important, puisqu’il intervient à
tous les niveaux de la procédure, aussi bien pour réceptionner les dossiers de demande de
permis, que pour les instruire ou effectuer les contrôles nécessaires avant, pendant et après les
travaux de construction. La décision d’accorder ou non le permis est prise par le ministre de la
construction et de l’urbanisme, en ce qui concerne les grands travaux ou les constructions de
grande envergure, ce qu’on appelle communément les gros œuvres. Il s’agit précisément des
bâtiments de classes 4 et 5, déjà évoqués. Le ministre a, dans ce domaine, un pouvoir
discrétionnaire, il n’exerce pas une compétence liée. Certes, il prend sa décision sur avis du
GUPC, mais en aucun cas il n’est lié par cet avis, qui n’est pour lui qu’un avis consultatif,
obligatoire, mais pas conforme. Cela signifie que le ministre de la construction et de
l’urbanisme a l’obligation de solliciter l’avis du GUPC, mais en aucun cas il n’est obligé de le
suivre, pouvant ainsi prendre une décision contraire à cet avis.
Par ailleurs, la délivrance des certificats d’urbanisme et des certificats de conformité relèvent
des services du GUPC, ce qui confirme l’idée d’une forte centralisation de la procédure.
ADDENDA : Les effets du permis de construire
Le permis de construire est, au sens juridique du terme, « un acte créateur de droit ». Sa
délivrance confère à son bénéficiaire le droit de réaliser les constructions pour lesquelles il a
été obtenu. Ce droit subsiste même en cas de modification des règles d’urbanisme. De
nouvelles conditions ne peuvent être imposées au bénéficiaire du permis de construire. Il
confère une certaine stabilité à son titulaire en ce qu’il gèle, pour sa durée de vie, les règles
d’urbanisme.
On rappellera, par ailleurs, que si le permis de construire est une autorisation individuelle, il a
un caractère réel. Il n’est pas lié à la personne qui le demande. Il peut faire l’objet d’une
transmission en cas de vente ou cession du terrain. Ainsi que le précise l’arrêt n° 239 du 30
décembre 2015, GNAN Mathieu et autres contre Mairie de Cocody, rendu par la Chambre
administrative de la Cour suprême, « cette circonstance - la transmission du permis par le
pétitionnaire à l’acquéreur du terrain pour lequel il a été obtenu- n’est pas, par elle-même, de
nature à rendre le permis de construire illégal ».
Le permis de construire est opposable à l’administration qui est tenue de le respecter. Certes,
elle assure le contrôle de sa mise en œuvre, à travers un droit de visite sur les chantiers pour
vérifier les travaux et relever, éventuellement, les infractions aux prescriptions du 24 permis,
mais l’administration ne peut ni le modifier ni le retirer, même s’il se révèle illégal, que dans
le délai du recours contentieux, conformément au régime de retrait des actes administratifs
défini par le vénérable arrêt n° 2 du 22 juillet 1981, El Hadj Bakary Koné.

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Mais, le permis de construire n’est pas pour autant un blanc-seing. Il n’autorise pas son
bénéficiaire à faire tout ce que bon lui semble. D’abord, le bénéficiaire ne peut légalement en
jouir qu’en se conformant au projet qui a été autorisé. Si tel n’est pas le cas, il commet une
infraction qui, à défaut de permis de régularisation ou permis modificatif, peut entraîner
l’infliction des peines d’amende, voire de prison, en plus des mesures matérielles de mise en
conformité par le juge pénal.
Ensuite, en cas d’illégalité, c’est-à-dire de permis obtenu en violation de la réglementation
d’urbanisme, il peut être annulé par la Chambre administrative si elle est saisie, dans le délai,
d’un recours pour excès de pouvoir par ceux qui y ont intérêt, notamment les voisins ou les
associations de protection de l’environnement et du cadre de vie.
Par ailleurs, les effets du permis de construire sont temporaires. Il est périmé si les
constructions ne sont pas entreprises dans un délai d’un an à compter de sa délivrance ou si
les travaux sont interrompus pendant au moins deux ans (art. 4 de la loi sur le permis de
construire). Tout naturellement, le permis de construire devient caduc lorsque les travaux pour
lesquels il a été obtenu sont achevés. Dans l’arrêt n° 02 du 20 janvier 2016, Dame GAYE
Djessou, la Chambre administrative a jugé illégale la décision de l’administration annulant, en
2013, un permis de construire obtenu en 1993 et sur le fondement duquel des maisons avaient
été entièrement bâties depuis lors. De telles décisions son regardées comme superflues,
superfétatoires.
Le permis de construire, qu’il soit tacite ou exprès, a des effets limités à l’égard des tiers. En
effet, il est toujours accordé sous réserve des droits de ceux-ci.
Le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers
Si le permis de construire est opposable à l’administration et prémunit son bénéficiaire des
changements de règles et des revirements de l’administration, il n’en va pas de même à
l’égard des particuliers. D’abord, ceux-ci peuvent contester son bien-fondé en exerçant un
recours pour excès de pouvoir à son encontre devant la Chambre administrative. Le recours en
annulation reste recevable tant que le permis de construire obtenu n’aura pas fait l’objet d’une
publicité adéquate par son affichage sur le chantier. C’est la mention des références du permis
ainsi que le numéro du titre foncier « sur un panneau apposé de façon apparente et visible de
la voie principale », aux termes de l’article 19 du décret du 1er juillet 1992, qui constitue la
publication et fait courir le délai contentieux à l’égard des tiers.
Parallèlement à l’annulation des autorisations de construire devant le juge de la légalité, les
particuliers peuvent demander au juge du plein contentieux, en l’occurrence le Tribunal de
Première Instance, de condamner l’administration à leur allouer des indemnités en réparation
des préjudices qu’ils estiment avoir subis du fait de permis de construire illégaux.
On rappellera, toutefois, que, ayant pour seul objectif d’assurer la conformité des travaux
qu’il autorise avec la réglementation d’urbanisme, le permis de construire ne peut être utilisé
pour le respect des règles de droit privé. Il est un mécanisme de droit administratif qui porte
sur les rapports entre la puissance publique et le propriétaire-constructeur ; il ne 25 s’intéresse
pas directement aux règles de droit privé régissant les rapports de personne privée à personne

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privée. Délivré toujours sous réserve des droits des tiers, le permis de construire ne saurait
être refusé pour un motif tiré de la violation de ces droits (voir arrêt n° 239 du 30 décembre
2015, GNAN Mathieu et autres). C’est aussi la position de la jurisprudence du Conseil d’Etat
français (CE, 18 juin 1969, Sieur GIAUME – Rec., p. 321 ; CE, 28 octobre 1974, Sieur
DAMBRON – Rec., p. 521). Le permis de construire étant délivré sous réserve des droits des
tiers, ceux-ci ne sauraient demander la démolition de constructions, au seul motif qu’elles ont
été édifiées sans permis de construire. Ils ne peuvent obtenir la démolition qu’à la condition
d’établir une infraction aux servitudes d’urbanisme ainsi que l’existence d’un préjudice
personnel devant le juge civil (voir Cass. civ., 17 novembre 1971, Buscail, in les Grands
Arrêts du Droit de l’Urbanisme, 4e édition, n° 36).
Lorsqu’elle délivre un permis de construire, l’administration ne prend nullement partie dans
les rapports de droit privé que le bénéficiaire peut avoir avec les propriétaires de terrains
voisins. En d’autres termes, la détention d’un permis de construire ne relève pas son
bénéficiaire de ses obligations de droit privé. Non seulement le permis de construire ne saurait
valoir titre de propriété, en cas de construction sur le terrain d’un tiers, mais de plus, il ne peut
limiter les droits que les voisins tiennent d’un plan d’urbanisme ou de lotissement.
Au terme de la jurisprudence, les tiers sont recevables à intenter contre le constructeur, devant
le juge civil, une action en démolition ou en indemnisation du préjudice que leur cause une
construction édifiée en violation d’une servitude d’urbanisme. La Chambre Judiciaire de la
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, à l’instar des juridictions françaises, admet que les
particuliers lésés - et non seulement les collectivités publiques – sont recevables à faire cesser
les préjudices et troubles que leur causent personnellement les violations des règlements et
servitudes d’urbanisme (voir Cour Suprême Chambre Judiciaire, 30 avril 1976 (n° 14/76),
KACOU Joseph c/ GOUE Salia, in Revue Ivoirienne de Droit, 1977, n° 1 et 2, p. 19).
Bien évidemment, lorsqu’une construction a été édifiée en méconnaissance des droits des
tiers, ceux-ci peuvent demander aux juridictions civiles sa démolition ou l’allocation
d’indemnités réparatrices. La jurisprudence française donne même à voir qu’un propriétaire
peut, en tout état de cause et sans avoir à invoquer une violation quelconque d’une règle
d’urbanisme, intenter contre son voisin une action en réparation si la construction édifiée par
ce dernier excède les inconvénients normaux de voisinage (Cass. Civ., 27 mai 1975, S.A.
Général Foods France Café légal ; Cass. Civ., 4 février 1976, Veuve Dedieu).
Mécontent d’une construction, un tiers peut, non seulement saisir le juge civil, mais aussi se
constituer partie civile devant le juge pénal pour déclencher la poursuite ou pour se joindre à
elle en vue d’obtenir la réparation du préjudice qu’il subit, soit en nature, par la démolition de
l’ouvrage litigieux, soit par l’allocation d’une indemnité. La construction sans permis de
construire ou la méconnaissance des prescriptions du permis, quand il a été obtenu,
constituent des infractions qui peuvent être poursuivies devant le juge pénal. Par nature, le
contentieux pénal vise à sanctionner les infractions.
Les textes d’urbanisme, bien qu’édictés en vue de l’intérêt général, peuvent être invoqués, à
leur profit, par les particuliers qui peuvent déclencher l’action pénale, dès lors que l’exécution

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de travaux de construction en méconnaissance des prescriptions légales leur cause un
préjudice direct et personnel.
Les particuliers, en engageant des actions civiles ou pénales contre les constructions sans
permis de construire ou qui en méconnaissent les prescriptions et les permis illégaux,
contribuent puissamment au respect et à la crédibilité de la réglementation d’urbanisme. En
26 défendant leurs intérêts propres ou particuliers par la saisine des juridictions, ils défendent
aussi l’intérêt général. En la matière, intérêt général et intérêts particuliers se trouvent
étroitement imbriqués. Ce faisant, se trouve réalisée la vocation de l’urbanisme : être l’affaire
de tous et de chacun.
On achève ici l’étude de l’urbanisme réglementaire pour débuter celle de l’urbanisme
opérationnel.
NB : Pour compléter la réflexion, voir les articles 11 à 28 du Code ivoirien de la construction
et de l’habitat du 26 juin 2019.

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