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UNIVERS ITE AS S ANE S ECK DE ZIGUINCHOR

UFR des S ciences Economiques et S ociales

Département de Droit des Affaires

COURS DE METHODOLOGIE JURIDIQUE

Par Pr. Jean Louis CORREA, Agrégé des facultés de Droit

Université Assane S eck de Ziguinchor

Ce cours vise à aider les étudiants de première année de droit à se familiariser avec les
exercices les plus fréquents dans les facultés de droit au Sénégal. En effet, selon les traditions
facultaires, les techniques utilisées peuvent différées. Dès lors, les étudiants ne doivent pas
s’étonner de voir par ailleurs d’autres méthodes de commentaire, de dissertation etc.
Cependant, ils devront s’efforcer au respect des techniques, méthodes et canevas sus
indiqués.

Ce cours comprend plusieurs parties. La première partie sera réservée à la


dissertation juridique ; la deuxième partie au cas pratique, la troisième partie au
commentaire de décision de justice plus communément appelé commentaire d’arrêt ; La
quatrième partie enfin est réservée à la technique du commentaire de texte, en général.

L’attention doit être attirée sur le fait que l’objectif de cette introduction à la
méthodologie n’a pas pour objectif d’apprendre la méthodologie aux étudiants mais plutôt
de leur permettre d’acquérir les rudiments nécessaire à l’accomplissement de tous ces
exercices. L’apprentissage de la méthodologie étant une quête inlassable, un souci
permanent pour tout juriste. Cette quête et ce souci devront être votre boussole et votre
viatique. La RIGUEUR doit être votre credo.

Chapitre 1 : La dissertation

Chapitre 2 : Le cas pratique

Chapitre 3 : Le commentaire d’arrêt

Chapitre 4 : Le commentaire de texte

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 1


Chapitre I : La dissertation juridique
Ne soyez pas l’étudiant qui…

 Qui se précipite sur son stylo pour écrire sans avoir réfléchi
 Pour qui trouver un plan relève du pur hasard
 Qui croit que le style juridique est nécessairement pompeux et obscur
 Qui écrit douze pages sans jamais aller à la ligne

La dissertation (du latin disserere, exposer des raisonnements, des idées liées les unes aux
autres) correspond à la mise en œuvre d’un discours ordonné et cohérent à propos d’un
problème envisagé dans sa dimension juridique. Les maîtres mots de cet exercice sont
l’exhaustivité et la rigueur. Exhaustivité, parce qu’il faut aborder tous les aspects importants
du sujet. Rigueur, parce qu’il faut éviter les hors sujets et veiller à ce que les développements
correspondent à ce qui a été annoncé par la problématique exposé dans l’introduction et les
intitulés du plan.

La dissertation juridique comporte souvent une introduction (1) et un développement (2), la


conclusion étant une étape peu familière dans le cadre de cet exercice.

1. L’introduction
« L’ordre affranchit la pensée » René DESCARTES

« Sans technique, le don n’est rien qu’une sale manie ».

Le terme introduction vient du latin intro ducere qui signifie conduire dedans. L’introduction
sert à conduire à l’intérieur du sujet. Elle est une partie intermédiaire entre le sujet et les
développements qu’il appelle. Il s’agit, par une analyse des termes de l’intitulé de formuler au
mieux la question posée et d’en délimiter le champ. Cette première étape suscite un certain
nombre questionnement.

 Qui, quoi et comment ?


 De quoi on parle ?
 Pourquoi on en parle ?
 Comment on en parle ?

Système en entonnoir

L’introduction comporte sept (7) parties :

-Amener le sujet

Il s’agit de partir du général au particulier. En d’autres termes cette étape consiste à placé le
sujet dans son contexte (juridique, économique social, historique etc.)

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-Poser le sujet

Cette tâche consiste à éclairer le contenu du sujet. En général, les sujets sont formulés de façon
énigmatique. Poser le sujet, c’est formuler le sujet la sujet de façon plus clair ; il est même
conseillé de le reformuler.

-Définir des termes du sujet

Les termes du sujet doivent être explicités : pourquoi tel terme a été employé et pas un autre, à
quel champ sémantique renvoi tel ou tel terme, etc. Tous les mots du sujet doivent être analysés,
jusqu’aux articles (analyser l’emploi du singulier ou du pluriel, de l’article défini ou indéfini,
etc.) De l’analyse précise des termes du sujet on peut alors déduire la problématique.

-Délimitation du sujet (s’il y a lieu)

L’introduction peut servir également à évacuer certaines questions marginales ou qui ne


présente pas d’intérêt pour l’étude que l’on voudrait faire. Il s’agit de situer progressivement la
question à traiter dans l’ensemble de la matière, en centrant jusqu’à la cerner avec précision la
question soulevée. Toutefois, la délimitation ne doit être un prétexte, pour écarter des éléments
(que l’on ne maitrise pas) qui mérite d’être traités. Elle doit être nécessaire. Cela signifie que
lorsque le sujet est assez clair et précis, l’opération de délimitation n’est d’aucune utilité.

-Problématique

C’est la question centrale que soulève le sujet et qui va imprégner tout le développement qui
suivra. Parfois, la question que vous devez traiter est directement posée dans le sujet. Il
convient alors de répondre précisément à la question posée. Exemple : la jurisprudence
constitue-t-elle une source de droit ? En général, ce genre de sujet invite l’étudiant à
prendre personnellement position. D’autres fois, la question que vous devez exposer n’est pas
clairement exprimée dans le sujet. Dans cette hypothèse, il ne vous appartient pas d’inventer
n’importe quelle problématique. La problématique préexiste certainement, et vous devez la
retrouver à travers le sujet. En général, elle a été exposée en cours et elle figure dans les
manuels.

Eventuellement, si vous avez du mal à dégager la problématique, essayez de reformuler le


sujet sous forme interrogative en utilisant des formules variées : « Quelle est l’influence de
… ? » ; « A quoi sert … ? » ; « Comment fonctionne … ? » ; « Quelle est la portée de
… ? »……..

- L’intérêt du sujet

Une fois la problématique soulevée, il faut insister sur l’intérêt du sujet. Il s’agit de répondre à
la question : « pourquoi dois-je parler de ce sujet ? ». Si le sujet a été donné, c’est qu’il est
important. Il faut donc rechercher pourquoi le sujet a été donné et le dire franchement. Ces
intérêts, souvent liés à des développements d’actualité, peuvent être d’ordre pratique et/ou
théorique :

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Intérêt théorique :

Ce sont les implications théoriques du sujet à savoir : les débats qui se sont soulevés (ce sont
les controverses doctrinales), lorsque les principes juridiques traduisent une évolution
particulière (de la législation, des mœurs, de la société…).

L’intérêt pratique

L’intérêt pratique se découvre la plupart du temps en cherchant à imager des cas d’application
concrets des règles juridiques en cause. On peut alors montrer que la question envisagée se pose
fréquemment, que les solutions à dégager intéressent beaucoup de personnes ou commandent
des conséquences (économiques, sociologiques…) importantes. Faire apparaître, quand c’est
possible, l’actualité des problèmes renforce considérablement le dynamisme de la dissertation ;
mais n’extrapolez surtout pas !

-Justification et annonce du plan

Vous voilà en possession de votre problématique qui prend le plus souvent la forme d’une
question. Le plan n’est autre que la réponse en deux points à cette question. M ais il ne s’agit
pas seulement de dire quelle articulation a été choisie ; il faut justifier ce plan. On doit
commencer par exprimer l’idée ou les idées essentielles animant le sujet ; puis on annonce
l’ordonnancement de la démonstration. Le plan adopté doit apparaître comme une conséquence
logique et naturelle des principes antérieurement dégagés.

L’essentiel consiste donc à expliquer pourquoi la présentation retenue s’impose.


L’annonce proprement dite se limite à la phrase dans laquelle vous ferez apparaître entre
parenthèse le I et le II du plan. Ex : ...............(I), ...................(II).

En première année, vous pouvez vous satisfaire de phrases assez simple comme : dans un
premier temps, puis dans un second, ou, dans une première partie nous traiterons telle chose et
puis telle autre dans une seconde. M ais il faudra assez vite dépasser ce stade car il n’apporte
pas de réelle satisfaction sinon celle de mettre en parallèle deux idées principales

-Annonce du plan (deux parties) : plan bateau, plan chronologique, plan technique-plan d’idée.

2. Le plan
Le plan est commandé par le sujet, ou, plus précisément, par l’idée directrice que vous avez
dégagée. Il convient donc d’adopter un plan qui suive une ligne directrice claire, que l’on
s’attache à respecter et à démontrer.

Concrètement : le plan est la réponse à la problématique posée.

En droit, le plan se structure en deux parties, deux sous-parties. Ce qui fait un total de .... 4
sous parties. Si vous avez lu attentivement ce qui précédait, vous devez vous souvenir que, lors

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de la recherche de notre problématique, nous avons regroupé nos idées en 4 catégories. Celles-
ci correspondent aux 4 sous parties. M ais pour réaliser le plan, ces 4 catégories doivent être
contenues dans deux grandes catégories. De telle sorte que :

Catégorie 1 regroupe Une sous-catégorie, Une seconde sous-catégorie,

Catégorie 2 regroupe Une sous-catégorie, Une seconde sous-catégorie.

Ce travail doit aboutir à plan qui devra avoir pour résultat ce qui suit :

S tructure du Plan d’une dissertation juridique

I. Le titre de ma PREM IERE PARTIE

J’annonce ce dont je vais parler dans ma première sous-partie (A), puis dans ma seconde sous-
partie (B).

A. Le titre de ma première sous-partie.

Je fais une transition pour annoncer la seconde sous-partie.

B. Le titre de ma seconde sous-partie.

Je fais une transition pour annoncer la SECONDE PARTIE.

II. Le titre de ma SECONDE PARTIE.

J’annonce ce dont je vais parler dans ma première sous-partie (A), puis dans ma seconde
sous-partie (B).

A. Le titre de ma première sous-partie.

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Je fais une transition vers ma seconde sous-partie.

B. Le titre de ma seconde sous-partie.

(Pas de conclusion)

3. Le développement (la rédaction proprement dit)

Il ne faut jamais perdre de vue que la dissertation sert à faire une démonstration. Il ne s’agit ni
d’un catalogue de connaissances, ni d’une récitation de cours. On doit donc toujours expliquer
pourquoi on évoque tel ou tel point et montrer qu’il sert à démonter l’idée développée dans la
problématique.

Contrairement à la forme, le fond ou le contenu est fonction du sujet qui vous est donné. M ais
il y a quelques règles essentielles qui ne changent pas. Elles sont relatives à la rédaction ou la
formulation du contenu et son développement.

Faites des phrases courtes et simples. Les phrases courtes rendent le contenu dynamique, léger
et maintient l’attention du correcteur ou du lecteur. Les phrases simples rendent la dissertation
plus claire et compréhensible. Vous éviterez ainsi de perdre le lecteur. Généralement tout se
passe en trois temps : je vais dire quelque chose, je dis la chose en question, voilà ce que je
voulais vous dire. Il faut exprimer vos intentions, les réaliser et les résumer.

Privilégiez une idée par partie, mais une idée importante peut être accompagnée d’autres idées
accessoires. Le risque reste que des idées accessoires peuvent être hors sujet.

Il n’est pas possible de schématiser ou d’aller plus en profondeur pour deux raisons : la première
c’est qu’il existe une multitude de sujet et que chaque sujet peut être traité différemment. C’est
selon l’importance que l’on accorde à telle ou telle idée.

Pour quelques conseils de rédaction: soigner l’écriture, l’orthographe et l’expression ;


proscrire les abréviations, les sigles et les schémas ; éviter les familiarités ; ne pas employer
le mot « je », mais plutôt « nous », « on », « il » ; éviter l’emploi de verbes dans les intitulés ;
éviter les répétitions ; aller à ligne pour chaque idée nouvelle, enchaîner les phrases de
manière logique ; enfin, relire la copie.

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 Teste de connaissance

Répondre aux questions suivantes

1. Qu’est-ce qu’une dissertation juridique ?


2. Quelles sont les parties d’une dissertation ?
3. A quoi sert une introduction dans une dissertation ?
4. En quoi consiste l’intérêt du sujet ?
5. La délimitation est-elle toujours nécessaire ?
6. En quoi consiste la justification du plan ?
7. Quelle est l’importance du plan ?
8. Comment est structuré le plan de la dissertation juridique ?

10. La dissertation juridique comporte-t-elle une conclusion.

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Chapitre II : Le cas pratique
Le cas pratique met le candidat dans la situation d’un avocat ou d’un consultant juridique
approché pour une affaire présentant des difficultés juridiques. Cet exercice permet au candidat
de montrer à son correcteur ses capacités de raisonnement, de construction et de réflexion.

En d’autres termes, en matière de cas pratique, il n’est pas mis une attention particulière sur la
bonne solution au cas d’espèce, mais sur la valeur du raisonnement du candidat. Les critères
d’évaluation sont plus relatifs aux arguments servis par le candidat. L’essentiel est qu’il ne
s’agit pas forcément d’offrir au correcteur la solution la plus probable, mais d’évoquer et de
traiter l’ensemble des solutions possibles avant de choisir en conclusion la solution qui se trouve
être la plus pertinente.

Il faut donc retenir que toutes les hypothèses probables doivent être traitées en expliquant toutes
les étapes du raisonnement.

Dans un cas pratique, il n’est pas demandé au candidat de préciser lequel des protagonistes lui
semble dans son bon droit, ou quel arrangement lui paraît équitable. On lui demande plutôt de
trouver la solution imposée par la loi ou, plus largement, par le droit positif en vigueur ;
autrement dit, la solution qu’apporterait un tribunal si le cas lui était donné à juger. Il doit
découvrir les règles applicables et les mettre en œuvre comme s’il était juge.1

La solution d’un cas pratique ne s’invente pas. C’est pourquoi des connaissances précises sont
requises et nécessaires pour être en mesure de fournir des réponses exactes. Le cas pratique ne
peut par conséquent être résolu sans avoir appris et compris la matière théorique sur laquelle il
porte. Il faut dès lors faire preuve de rigueur et de précision. Il faut éviter de tomber dans le
piège que le cas pratique est un exercice très facile, surtout lorsque les solutions aux questions
juridiques de l’espèce sembles évidentes ; cet exercice requiert le respect d’une forme bien
précise et différentes étapes importantes pour la résolution effective du cas soumis au candidat.

 Les types d’exercices

La forme des sujets proposés est variable. En effet, il y a ce qu’on appelle un cas pratique
« mystique » et une autre forme de cas pratique plus ouvert, qui offre au candidat la chance de
connaitre à l’avance les questions auxquelles il doit apporter des solutions. Le cas « mystique »
en revanche est conçu de tel sorte qu’il revient au candidat lui-même de scruter l’exercice afin
de relever les différentes questions juridiques soulevées par le cas d’espèce ; donc les différentes
hypothèses possibles. C’est par suite de ce travail qu’il trouvera les solutions qui s’imposent.

Par ailleurs, il faut remarquer que dans certains exercices, ceux qui les proposent collent à
l’actualité jurisprudentielle et construisent les cas pratiques en s’inspirant des décisions de
justice rendues pendant l’année en cours. Dans cette hypothèse, il faut faire attention à ne pas
se focaliser sur l’arrêt dont vous connaissez la solution. Cette dernière n’est qu’une hypothèse

1 I. DREFENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit, Paris, Dalloz, 8 e édition, 2012, p. 160.

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parmi tant d’autres et dans le cas pratique, on attend de vous que vous retraciez l’ensemble du
raisonnement.

Dans d’autres exercices, en revanche, celui qui vous évalue préfère se détacher de l’actualité
pour insister sur les thèmes fondamentaux afin de disposer d’une plus grande marge de
manœuvre dans l’évaluation de vos qualités de juriste.

Il faut préciser enfin qu’il est possible qu’on vous propose plus d’un cas pratique.

 Les étapes préliminaires

Les étapes préliminaires les plus importantes sont : la lecture attentive du ou des cas, et le
résumé des faits.

- La lecture attentive du ou des cas proposés :

La lecture est une étape fondamentale dans les exercices juridiques. IL en est ainsi du cas
pratique. Il est donc nécessaire, pour une bonne compréhension du ou des cas d’espèce, de les
lire avec une attention particulière. Cette lecture vous permettra d’abord de comprendre les
principaux problèmes soulevés par le cas, ensuite à souligner les faits les plus importants. Cette
lecture doit être faite de façon intégrale, c’est-à-dire que vous devez lire l’ensemble des
questions posées dans le cas. S’il s’agit de plusieurs cas, la lecture attentive de l’ensemble des
cas est nécessaire afin de voir le degré d’imbrication qui existe entre eux. C’est cette lecture et
relecture attentive des faits qui vous permettra d’affiner votre compréhension du cas,
compréhension plus que prépondérante dans la résolution du cas. Il faut aussi schématiser les
faits pour mieux les comprendre car, des fois, l’énoncé raconte une petite histoire, qui n’est pas
toujours claire dès la première lecture ; elle peut même apparaître fort embrouillée.

- Le résumé des faits :

Cette étape n’est pas l’occasion de reproduire intégralement les faits afin de gagner en nombre
de pages. Il s’agit ici de relever les faits pertinents pour la résolution du cas. En effet, tout n’est
important dans un cas pratique. Pour les besoins d’une histoire cohérente, certains détails sont
parfois donnés mais qui n’ont aucune importance pour la résolution du cas pratique. Il s’agit
dès lors d’opérer un tri entre les faits inutiles et les faits pertinents. Ces derniers sont ceux qui
permettrons objectivement de vérifier que les conditions de la règle de droit sont établis ou non.

Cependant, le candidat ne doit relever que les faits qui sont évoqués dans le cas d’espèce. Il ne
doit point en inventer.

En outre, il est préférable de dépersonnaliser les faits. Vous devez garder une certaine généralité
car ce qui importe c’est la solution juridique qui sera donnée au cas.

 Les étapes de la résolution proprement dite du cas pratique.

La résolution du cas pratique exige un résonnement bien défini. Son respect scrupuleux est gage
de solutions exactes. C’est ainsi qu’il faut : qualifier juridiquement les faits, relever le ou les
problèmes de droit, la règle ou le corps de règles applicables, appliquer la règle ou le corps de

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règles au cas d’espèce ; ainsi, du résultat de cette application découlera la conclusion, autrement
dit la solution recherchée.

La combinaison de ces différentes étapes du raisonnement permette de déduire deux étapes


fondamentales à savoir : la qualification juridique des faits et la résolution du cas. Le traitement
d’un cas pratique suppose donc : c’est d’une part la qualification des faits, d’autre part la
résolution du cas.

1. La qualification juridique des faits

La qualification juridique est une opération intellectuelle, un résonnement qui consiste à passer
du fait au droit. C’est la traduction d’un fait en termes juridiques. Qualifier, c’est nommer en
termes juridiques. On qualifie des faits, ou une situation, en les exprimant en termes juridiques
et abstraits, afin de les rattacher aux cas prévus et règlementés par la loi. C’est la qualification
juridique des faits qui permet d’exposer la situation juridique sur laquelle on va raisonner. Pour
présenter l’exposé des faits, au début du devoir, exprimez-vous donc en juriste. Il faut donc
exposer les faits pertinents par ordre chronologique et nommer les personnes, les actes, les
événements en termes juridiques et abstraits. Vous devez utiliser la terminologie des textes
applicables, de la jurisprudence relative à la question, de vos cours et manuels. On peut agir par
syllogisme : le mineur. On peut également agir par analogie : quand les termes sont vagues ou
qu’il manque un élément de précision ; le Professeur attend de l’étudiant qu’il confronte les
différents raisonnements possibles.

Après cette étape, vous devez forcément aboutir aux questions. Il faut dégager et formuler un
ou plusieurs problèmes de droit. Ceci est nécessaire lorsque les questions n’ont pas déjà été
posées et en termes techniques et précis.

La qualification permet d’identifier la règle ou le corps de règles pertinents pour la résolution


du cas d’espèce. Pour la règle ou le corps de règles, il s’agit de faire une description et une
explication des règles applicables à la situation juridique que vous avez dégagée. Ce sont ces
règles qui apportent les principes de solution et qui justifient vos réponses.

Ces règles sont évidemment des sources du droit. Il peut s’agir dès lors : de textes légaux, de
jurisprudence, d’une doctrine, de principe de droit. Retenez que vous devez être
raisonnablement en mesure d’expliquer de manière approfondie les points de droit utiles à la
solution.

2. La résolution du cas

Du fait au droit et retour. Une fois la qualification opérée, il reste à rechercher la ou les solutions.
Ce qui compte dans un cas pratique c’est la réponse concrète à la question de fait. Dit autrement,
plus que rendre justice avec une majuscule, en brandissant une règle générale et impersonnelle,
il s’agit de rendre justice aux parties avec un petit « j ».

Après l’exposé de la règle de droit vient la confrontation de la règle aux faits de l’espèce. M ême
si cette étape peut avoir l’impression d’être évidente, il faut s’y attarder peu ou prou. Car, il faut
désormais démontrer en quoi les conditions de la règle de droit sont réunies en l’espèce.

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Une dernière étape dans la résolution du cas est la solution, ou autrement appelée conclusion.
Dans cette étape, le candidat doit conclure en précisant si oui ou non la personne qui la sollicité
(son client) peut obtenir gain de cause. Il doit clairement dire quel est le fondement qui a le plus
de chance d’aboutir ou affirmer que la prétention n’a aucune chance d’être retenues par les
juges. Il s’agit donc pour le candidat d’aboutir aux solutions imposées par le droit positif.

Retenez que le cas pratique vous appelle surtout à être structuré et réfléchi. Par conséquent, le
devoir n’a pas besoin d’être long. Il faut être rigoureux et argumenter juridiquement.

A retenir : Les différentes étapes sont :

1. Résumer les faits,


2. qualification juridique des faits,
3. la ou les questions de droit,
4. la ou les règles ou principes de droit applicables,
5. M ise en corrélation entre les règles et les faits,
6. Conclusion ou solution

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Chapitre III : Le commentaire d’arrêt en droit privé
Le commentaire d’arrêt ou commentaire de décision de justice est l’un des exercices les plus
fréquents durant les études de droit. Souvent très redouté par les étudiants, sa réputation d’exercice
difficile lui vient de plusieurs facteurs tels que le langage utilisé (latinisme, archaïsme, langage technique
propre au droit), la procédure, la syntaxe (grammaire et conjugaison, décision écrite en une seule phrase)
et très souvent aussi la longueur du texte qui peut dérouter l’apprenti juriste. La difficulté du
commentaire d’arrêt tient au fait également que les étudiants, les débutants notamment, se représentent
confusément le travail que l’on attend d’eux. L’obstacle est aggravé par le fait que, souvent, ils savent
mal lire un arrêt et plus encore déterminer le contenu du commentaire. Lire un arrêt est, sans aucun
doute, pour un non initié, un exercice particulièrement déroutant.

Déterminer le contenu du commentaire suppose de surmonter une hésitation. Deux tendances


constituent, en effet, l’une et l’autre, un travers à éviter. Faut-il au prétexte de ne pas s’éloigner de l’arrêt,
se satisfaire d’une paraphrase qui, pour si habile qu’elle soit, ne permet ni d’éclairer ni d’apprécier la
solution retenue par le juge ? Faut-il au contraire, au motif d’élever le débat, proposer au lecteur une
dissertation purement théorique en relation plus ou moins directe avec les problèmes précis que pose
l’arrêt? La bonne formule en définitive est une solution de compromis. Un bon dosage doit être fait entre
les données de fait et de droit, incluses dans la décision elle-même, qui doivent constituer la toile de
fond et les connaissances théoriques qui doivent servir à enrichir les développements pour permettre
l’explication et justifier un jugement de valeur.

Notons que dans la pureté des termes, un arrêt est une décision d’une Cour d’appel, d’une Cour
de cassation ou d’une Cour suprême (ce peut être aussi une décision du T ribunal des conflits ou de la
Cour de justice de l’UEMOA). Néanmoins l’expression « commentaire d’arrêt » est consacrée même
lorsqu’il s’agit d’une décision rendue par une juridiction du premier degré telle que le tribunal régional
ou le tribunal départemental, qu’on doit appeler « jugement » ou si c’est le Conseil constitutionnel,
« décision ».

Pratiqué le plus souvent au sein de travaux dirigés, le commentaire d’arrêt tend à éveiller puis à
développer le sens du raisonnement juridique. Le commentaire d’arrêt surtout ne doit ni sombrer dans
une inutile paraphrase, ni devenir un prétexte à une vaine récitation d’une branche du cours. Il s’agit
d’un exercice particulier qui ne doit pas être confondu avec d’autres travaux qui, bien qu’unis à lui par
une certaine parenté, revêtent des caractères différents. Il en va ainsi de la dissertation, de la note d’arrêt,
des conclusions, de la rédaction d’une décision de justice, du cas pratique et du texte d’ordre législatif.

Commentaire d’arrêt et dissertation

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La dissertation est une composition juridique portant sur un sujet d’ordre théorique. Ce dernier
est généralement libellé de manière concise (la possession d’état par exemple). Il peut prendre aussi la
forme d’une question (Peut-on parler d’un déclin de la faute en droit civil ?). Le thème peut également
revêtir les traits d’une comparaison (comparer les prérogatives des personnes physiques et celles des
personnes morales). La dissertation constitue un exercice qui obéit à des règles spécifiques,
principalement d’articulation et de synthèse. Elle s’éloigne du commentaire d’arrêt en ce qu’elle ne
constitue pas un travail portant directement sur un texte de nature juridique.

Commentaire d’arrêt et note d’arrêt

Le commentaire d’arrêt, à vocation essentiellement didactique, ne doit pas être confondu avec
les notes ou les observations qui figurent souvent, à la suite de décisions, dans les recueils de
jurisprudence. Ces dernières sont, avant tout, œuvre de professeurs ou de praticiens du droit, spécialistes
de la question à propos de laquelle a été rendue la justice. L’arrêtiste, de par son expérience est très libre
dans ses commentaires et n’est pas forcément limité par la rigueur de la méthodologie.

Commentaire d’arrêt et conclusions

Le commentaire d’arrêt ne doit pas être confondu non plus avec les conclusions présentées par
le Ministère public. Ces dernières consistent en un avis donné sur l’application de la loi, le cas échéant
dans une affaire civile. Il s’agit d’un point de vue défendu au nom de l’intérêt général, à l’occasion d’une
affaire particulière. Il est fréquent que les conclusions, présentées pour les litiges posant un problème
juridique important, soient publiées. De telles conclusions, le plus souvent d’excellente qualité, tendent
à obtenir une solution dans un sens déterminé. Différent est le commentaire d’arrêt ou de jugement. Ce
dernier doit, selon un développement et une articulation propre, recouvrir un examen et une approche
critique de la décision rendue.

Commentaire d’arrêt et rédaction d’une décision de justice

La rédaction d’une décision de justice peut permettre de tester les aptitudes d’une personne à la
science juridique. Il s’agit là de la mission fondamentale du juge. Cette activité suppose une parfaite
maitrise des exigences et du langage du droit. Elle nécessite surtout une grande familiarisation du
rédacteur du jugement ou de l’arrêt avec la pratique judiciaire. Une telle tâche se situe, d’évidence, en
amont du commentaire dont elle est susceptible de faire l’objet.

Commentaire d’arrêt et cas pratique

L’exercice dit « cas pratique » est un genre également différent. A partir d’une simple relation
des faits, il est demandé à l’étudiant, dans un travail ordonné, de formuler les problèmes juridiques posés

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par l’affaire et de proposer la ou les solutions qui paraissent, en l’espèce, fondées. De la sorte, le
diagnostic des questions à évoquer et les modes de présentation de la réflexion, à certains égards
relativement proches du commentaire d’arrêt, n’obéissent pas exactement aux mêmes règles. Dans le
cas pratique, la matière juridique doit être, dans sa totalité, mise en évidence. Un arrêt, en revanche,
fournit, plus ou moins abondamment, et des éléments de fait et des règles de droit.

Commentaire d’arrêt et commentaire de texte d’ordre législatif

Des textes d’ordre législatif (loi, projet de loi, décret, convention d’ordre internationale etc.)
peuvent également faire l’objet d’une étude. L’effort doit alors porter vers l’analyse et la portée du
document examiné. Le souci du commentaire est, bien entendu, tout aussi présent dans ce type de
réflexion. Toutefois, si les qualités requises du juriste doivent être, là encore, mises en œuvre, les points
d’appui de la démarche ne sont pas les mêmes. Ainsi le commentaire d’un article du COCC, article 118
par exemple, porte sur une règle de droit, à l’état pur. De son côté, le commentaire d’une décision trouve
sa matière dans l’application de cette norme juridique.

Ces précisions étant faites, la méthode proposée procède d’une double idée. D’une part, un
commentaire d’arrêt obéit dans ses grands principes, aux règles générales qui gouvernent l’élaboration
d’une œuvre juridique quelle qu’elle soit. De ce fait, il sera conseillé de réaliser le travail en plusieurs
étapes. Ces approches successives devront logiquement porter sur le sujet lui-même qu’il convient
d’appréhender, les réponses qu’il faut rechercher, le plan à dégager et, enfin, la rédaction finale du
travail. D’autre part, exception faite de sa rédaction à propos de laquelle il ne peut être donné que
quelques conseils généraux applicables à tout exercice quel qu’en soit le type, le commentaire d’arrêt
est une œuvre suffisamment originale pour que soient dégagées des règles propres relatives à chaque
stade de sa conception.

Pour saisir avec un plus grand degré de précision les arcanes du commentaire d’arrêt, il faudra
comprendre et délimiter le sujet (I) rechercher des éléments de réponse (II), élaborer le plan (III) pour
enfin commencer la rédaction (IV). Les étapes suivantes seront étudiées mais avant d’en venir à la
méthodologie en tant que telle du commentaire d’arrêt, il serait important de préciser certains éléments
de forme, que l’on pourrait également appelés des clefs pour comprendre un arrêt (Chapitre
préliminaire).

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I. Compréhension et délimitation du sujet

A la différence d’une dissertation dont il faut saisir les mots clés pour comprendre le cercle dans
lequel notre action va porter, le commentaire d’arrêt comporte un nombre important de termes
techniques, ésotériques et parfois surannés, doublé d’une rédaction particulière répondant à des normes
particulières. Ainsi, après de brèves observations concernant le vocabulaire (a), seront exposées les
règles fondamentales qui gouvernent les structures d’une décision de justice (b) pour en déduire
quelques conseils pratiques tendant à faciliter la lecture d’un arrêt (c).

A. Le vocabulaire
Si le droit a la réputation d’une discipline ésotérique pratiquée par une caste d’initiée, c’est en grande
partie dû au vocabulaire utilisé. T ermes techniques, « jargonneux », vieux français et latinismes se le
disputent aux termes irrévérencieux et inadéquats. Bien que ceci ne soit pas une particularité du droit,
toute discipline scientifique exprimant ses concepts dans un vocabulaire spécifique, un effort de
modernisation du langage juridique se faisait sentir afin de mieux rapprocher la justice du justiciable.

Dès lors, en France, une Commission de modernisation du langage juridique fut mise en place afin
de rechercher les moyens de rendre le langage judiciaire plus clair, plus moderne, plus intelligible et
plus français. Ses travaux ont porté sur plusieurs points dont les suivants les expressions latines (1), les
archaïsmes et locutions surannées (2).

1. Les expressions latines


Le Code civil français, dont est issue l’essentiel de notre règlementation notamment le COCC,
n’emploie aucune expression latine. Le législateur les évite aussi. Leur exemple peut être suivi d’autant
mieux qu’elles peuvent être remplacées par des expressions françaises sans perdre de leur valeur. Il est
vrai qu’à une certaine époque utiliser des latinismes était la preuve d’une grande érudition. Cette
utilisation a comme conséquence également d’éloigner les justiciables de la justice. C’est pourquoi la
commission a proposé quelques exemples de traduction.

Accessorium sequitur principale………………L’accessoire suit le principal

Actor sequitur forum rei………….Le litige doit être porté devant le tribunal du domicile du défendeur

Actori incumbit probatio………………….La preuve incombe au demandeur

Affectio societatis……………………. ……………….Intention de s’associer

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 15


Electia una via, non datur recursus ad altram……….une fois la juridiction civile saisie le recours à la
juridiction pénale devient impossible

Error communis facit jus………………………L’erreur commune fait le droit

Fraus omnia corrumpit…………………………La fraude corrompt tout

Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur…………L’enfant conçu est
considéré comme nait quand son intérêt est en cause

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans……………….Nul ne peut se prévaloir de sa propre


turpitude

Nulla poena sine lege……………………. Pas de peine sans loi

Pater est quem justae nuptiae demonstrant…………….. Est présumé père le mari de la mère

Ad nutum…………………………… En son gré

Ad litem…………….. …………….Pour le procès

Damnum emergens………………..Perte éprouvée

Lucrum cessens……………………Manque à gagner

De cujus……………………………… Le défunt

Ex aequo et bono………………………En équité

Exceptio non adimpleti contractus…………………….Exception d’inexécution

In bonis…………………………….Maitre de ses biens

In limine litis……………………..Dès le début de la procédure

Intuitu personae……………………En considération de la personne

Penitus extranei……………………..Complètement étranger

Post nuptias………………………..Après mariage

Pretium doloris………………………Indemnisation de la douleur

Prorota temporis……………………….Au prorata du temps

Res nullius……………………………..Chose sans propriétaire

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 16


Ultra petita…………………………… Au-delà de l’objet de la demande

Infra petita……………………………En deçà de l’objet de la demande

Dura lex, ced lex……………………. La loi est dure mais c’est la loi

2. Les archaïsmes et locutions surannées

Concernant le vocabulaire français, la commission propose la suppression des locutions


archaïques et surannées. Celles-ci peuvent être remplacées par les exemples suivants :

Le sieur X……………………………. Monsieur X


La dame Y……………………………. Madame Y
La demoiselle Z……………………….Mademoiselle Z
La veuve N……………………………Madame veuve N ou Mme N
Emender……………………………….Réformer
Es qualités de tuteur…………………… En qualité de tuteur
Es privé nom………………………… ..En son nom personnel
Agissant poursuites et diligences de son gérant…………….Représenté par son gérant
Exploit………………………………….Acte d’huissier de justice
Jugement ou arrêt querellé………………….Jugement ou arrêt attaqué
Condamne en tous les dépens……………….Condamne aux dépens
Ouï M. X… en son rapport, en leurs conclusions et plaidoiries Me Z…et Me Y…, le Ministère
public entendu…………….Après avoir entendu le rapport de M. X…, les avocats et le
ministère public.
Il échet……………………………….Il échoit, il convient ou il incombe

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 17


UN ARRET DE LA COUR DE CASSAT ION

Publié au Bulletin civil

Civ.2 e, 20 mars 1996, Bull. civ. II, n°67, p. 42

ACCIDENT DE LA CIRCULAT ION.- Véhicule à moteur - Définition.- Dameuse.

Une dameuse ne constitue pas un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1 er de la loi du 5
juillet 1985.

20 mars 1996.

Cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Commenté [T1]: Un pourvoi en cassation doit être fondé
sur des moyens qui sont des arguments de droit que l’on
Vu l’article 1 de la loi du 5 juillet 1985 ;
er
reproche à la décision de la Cour d’appel.

Commenté [T2]: Un pourvoi peut être constitué de


Attendu que cette loi s’applique aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un plusieurs moyens qui lui-même sera subdivisé en branches,
véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques ; c’est-à-dire en sous arguments.

Commenté [T3]: Il s’agit du visa, c’est le texte sur la base


Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que Mme Gauer a fait une chute sur un trottoir alors duquel la décision sera cassée. En d’autres termes, les juges
qu’un ouvrier de la société ET M y effectuait des travaux à l’aide d’un engin de damage dépourvu de d’appel n’ont pas fait une bonne application de ce texte. A
roues et qu’il manipulait par la manche ; que, blessé, elle a demandé réparation de son préjudice à cette chaque fois que vous verrez un visa, il faudra considérer qu’il
s’agit d’un arrêt de principe.
société et à son assureur, la Caisse d’assurances mutuelle du bâtiment ;
Commenté [T4]: Voilà le principe dont la Cour de cassation
Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt énonce que la dameuse, disposant d’un moteur va vérifier l’application
permettant de produire des vibrations nécessaires pour tasser le sol et animer son déplacement, doit être Commenté [T5]:
considérée comme un véhicule terrestre à moteur ; Commenté [T6]: La Cour rappelle les faits. Il faut rappeler
que la Cour de cassation est juge du droit et non des faits.
Qu’en statuant ainsi, alors que cet outil ne constituait pas un véhicule au sens du texte susvisé, la cour
Commenté [T7]: Il s’agit de la solution de l’arrêt attaqué.
d’appel en a violé les dispositions ;
Commenté [T8]: La solution donnée par la Cour de
PAR CES MOT IFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : cassation.

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 avril 1994, entre les parties, par la Commenté [T9]: La décision du juge
cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 18


SECTION I : Les étapes de l’introduction à un Commentaire d’arrêt

- Une phrase d’attaque


C’est une étape nécessaire mais non obligatoire. Celle-ci permet à travers une
phrase courte et sensée de relier le thème de l’arrêt à un principe théorique général.
Cependant, si l’étudiant n’a pas de phrase d’attaque, il est préférable de passer à
la deuxième étape directement.
- Les faits
Il s’agit de rappeler ici ce qui oppose les parties. S’il s’agit d’un arrêt de la
Cour de cassation, celle-ci rappelle les faits en se basant sur la décision des juges
du fond. Le rappel des faits doit être succinct et ne donner lieu à aucun
travestissement.
- Procédure

Quel est le chemin processuel que l’affaire a suivi pour en arriver à la


juridiction suprême, le cas échéant. Après la première instance, la Cour d’appel,
il y a la Cour de cassation ou Cour suprême. Très souvent, avec des formules telles
« selon l’arrêt confirmatif attaqué » ou selon l’arrêt infirmatif attaqué » il est
possible de connaitre la solution de l’arrêt des juges de première instance. Lorsque
l’arrêt attaqué est dit confirmatif, cela signifie qu’il confirme le jugement de
première instance. Par contre, lorsqu’il est dit que l’arrêt est infirmatif, cela
signifie qu’il infirme le jugement de première instance.
- Argument (s) et prétention (s) des parties
Pour trouver le ou les arguments des parties, il faut se baser sur le ou les
moyens, lorsqu’il s’agit d’un arrêt de cassation. Les moyens sont les arguments
formulés techniquement selon des exigences légales. Ils peuvent être multiples,
tout comme il peut y en avoir qu’un seul. Soulignons aussi qu’un moyen peut être
subdivisé en plusieurs branches.
La prétention, c’est tout simplement ce que veut le demandeur. Il souhaite, la
cassation de la décision, la condamnation à des dommages et intérêts, l’exécution
forcée, le paiement d’une façon générale. Les arguments doivent servir la
prétention.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 19


- Problème juridique
Il s’agit du problème de droit tel que posé devant la juridiction. A quelle question
les juges devaient-ils répondre ? Ce n’est donc pas « le problème de l’étudiant »
en ce sens qu’il ne doit pas aller le sortir de son imagination ou de ses
connaissances livresques. L’étudiant doit avoir la capacité d’abstraction
nécessaire pour se représenter les débats devant la Cour. Comment sortir le
problème juridique dans un arrêt ? Il faut mettre en perspective, la solution du
litige, les moyens et la solution de l’arrêt attaqué. En mettant en crise ces différents
éléments, l’étudiant peut avoir une idée du problème de droit.
Le problème juridique ne doit :
- Jamais contenir le nom des parties au litige ;
- Jamais mentionner de date ou de lieu ;
- Jamais excéder une longueur raisonnable.
Le problème juridique doit :

- Etre suffisamment clair et précis ;


- Etre formuler de façon générale et abstraite pouvant s’appliquer à toute
situation

- Solution du litige

Il s’agit de dire quelle réponse la Cour a apporté au problème de droit. En


disant « à la question ainsi posée, la Cour a répondu par…en disant…en
statuant… », etc.
- Justification et annonce du plan
La justification et l’annonce du plan sont les dernières étapes de l’introduction du
commentaire d’arrêt. La justification est la partie permettant de rappeler les
raisons qui justifient le choix du plan de travail, le choix de la démarche entreprise
pour traiter le commentaire. Il s’agit, en justifiant, d’exposer les deux idées
maitresses de qui ferons l’objet des développements ; donc de l’idée maitresse de
chaque grande partie. Quant à l’annonce du plan, il s’agit simplement d’exposer
les deux grandes parties du développement. Il s’agit de faire simplement une
phrase qui reprend les intitulés.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 20


Chapitre IV : Le commentaire de texte.
Introduction
Parmi les exercices usités dans les Facultés de droit,2 il en est un qui s’appelle « Commentaire »
et qui présente la particularité d’être très peu connu dans sa véritable nature par les étudiants.
La méthodologie qui sera décrite dans ses lignes permettra à l’étudiant de se rendre compte
qu’il s’agit en définitive d’un exercice abordable, si ce n’est un exercice très facile.
Le commentaire en soi peut porter sur plusieurs supports. Il peut s’agir du commentaire
d‘un texte de doctrine, du commentaire d’une décision de justice ou d’arrêt ou du commentaire
d’une disposition constitutionnelle ou législative plus communément appelée commentaire
d’article.
Quel que soit l’objet sur lequel porte le commentaire, il obéit, dans la phase du
commentaire proprement dit 3, aux mêmes impératifs.4 La méthodologie contenue dans ce
fascicule vaut particulièrement pour le commentaire de texte, article ou doctrine, dans toutes
les phases de l’exercice. Concernant le commentaire d’arrêt, uniquement pour le corps du
devoir et non pour l’introduction.
Sous le bénéfice de toutes ces observations, l’étude de la méthodologie du commentaire
ne peut être faite sans comprendre l’objectif pédagogique poursuivi dans le cadre de cet
exercice. En effet, le commentaire consiste en un exercice purement didactique et
pédagogique. Contrairement à la dissertation qui est un exercice de démonstration, dans le
commentaire il s’agit d’expliquer et d’expliciter les idées d’autrui (législateur, doctrine ou
juge). La dissertation est une démonstration alors que le commentaire est une explication.
Comment expliquer l’idée d’autrui, les propos d’autrui, la décision du juge si on ne sait pas de
quoi autrui parle ? C’est pourquoi l’exercice du commentaire passe nécessairement par
reprendre ce que dit le texte soumis à notre commentaire. Il faut dire tout ce que le texte a dit.
Sans cela, il n’y a pas de commentaire.
M ais s’il ne s’agissait que de cela, l’exercice ne s’appellerait pas commentaire. Il
s’agirait tout simplement d’une morne paraphrase. L’exercice impose de donner son avis sur

2Plus précisément dans les facultés de droit d’Afrique noire francophone membres du CAMES.
3On montrera dans la méthodologie qui suit en quoi consiste véritablement un commentaire.
4 En effet, il faut souligner que le commentaire d’arrêt obéit, pour ce qui est de l’introduction, à une

méthodologie propre, différente de la méthodologie du commentaire de texte.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 21


les propos d’autrui. La combinaison de ces deux phases donne ce que l’on appelle le
commentaire.
Pour réussir le genre, il est tout aussi important de respecter les canons de l’introduction
du commentaire de texte. En effet, l’autre spécificité de cet exercice, c’est que son introduction
obéit à un canevas particulier qu’il est de rappeler avant d’en venir au fond.
Dès lors, le commentaire en droit peut aisément être résumé en ces deux mouvements.
Il s’agit toujours dans une première phase de dire tout ce que le texte a dit, ce que l’on peut
résumer en disant « tout ce qu’il a dit » (I) et dans une seconde phase, on donne son avis, c’est
la phase du commentaire proprement dit que l’on peut résumer par « tout ce que j’en pense »
(II). Tout ceci en respectant une introduction particulière (chapitre préliminaire).

Chapitre préliminaire : L’introduction du commentaire de texte

L’introduction à un commentaire de texte obéit à des critères bien précis différents de


ceux de la dissertation. Les étapes exigées visent à renseigner sur plusieurs éléments permettant
de bien renseigner sur la situation en général du texte.

Il faut présenter l’auteur, la date, la nature du texte, le plan du texte, l’idée générale du
texte, justifier le plan, et enfin l’annoncer. Afin de permettre aux étudiants de mieux mémoriser
ces différentes étapes de l’Introduction, on utilise l’acronyme AD. NA. PI. JA. M ais il ne s’agit
pas simplement de passer par ces étapes pour justifier du respect des exigences profondes de
cette formalité.
Ne soyez surtout pas l’étudiant qui dit « l’auteur de ce texte, c’est le législateur ». Si
cette affirmation n’est pas fausse en soi, il lui manque l’élégance chère au juriste. Ne soyez pas
également l’étudiant qui, pour parler de la nature du texte, dit « ce texte est de nature
didactique ». Passons sur l’absurdité de la déclaration pour relever ici également qu’une
formulation plus heureuse peut exister.
Les exemples peuvent être multipliés à volonté de formulations inappropriées. En guise
d’exemple et pour éviter les impairs relevés ci-dessus et tant d’autres, donnons l’exemple de
l’introduction au commentaire de l’article 1er du Code de la famille.5

5 « La personnalité commence à la naissance et cesse au décès.- Cependant l’enfant peut acquérir des droits du
jour de sa conception, s’il nait vivant.- La date de la conception d’un enfant est fixée légalement et de façon
irréfragable entre le 180 ème et le 300 ème jour précédant sa naissance. »

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 22


 « Cette disposition soumise à notre étude est un article extrait du code
de la famille du Sénégal.
 Il convient de rappeler qu’avant l’accession du Sénégal à la
souveraineté interne survenue effectivement en 1960, le code civil français
de 1804 était applicable au Sénégal. Mais juste après les indépendances, le
législateur sénégalais a entamé une procédure d’élaboration d’un code
sénégalais des personnes et de la famille qui a aboutit a la loi 72-61 du 12
juin 1972 entrée en vigueur le 1er janvier 1973. C’est de ce présent code
d’où est issu l’article premier soumis à notre commentaire.
 Par ailleurs, la constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 à travers
les dispositions des articles 67 et 76 a procédé à la répartition des matières
propres à chaque pouvoir. Il apparait clairement à la lecture de l’article 67
que le droit des personnes et de la famille et entièrement réservé au
domaine du pouvoir législatif. Par conséquent, les dispositions de l’article
premier du code la famille soumise à notre étude ont une nature purement
législative.
 Le code de la famille est lui-même scindé en huit livres dont le
premier est consacré à l’étude des personnes constitue la source d’où est
tiré l’article premier. L’article premier peut être scindé en trois alinéas.
Dans le premier alinéa le législateur évoque la question du commencement
et de la cessation de la personnalité. Dans le deuxième alinéa, il évoque la
question de la possibilité pour l’enfant d’acquérir des droits à la
conception. Dans le troisième et dernier alinéa, le législateur fixe la date
de la conception.
 La combinaison de ces différentes idées permet d’affirmer que l’idée
générale de ce texte est la durée de la personnalité.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 23


 Le législateur à travers les dispositions de l’article premier, réalise
un équilibre qui tient compte de la personnalité juridique des personnes
physiques en générale ainsi que de celle des personnes conçues.
 C’est pourquoi, le commentaire de cette disposition devrait nous
conduire d’abord à voir l’étude de la personnalité juridique(I), et ensuite, à
l’étude de la possibilité pour l’enfant d’acquérir des droits à sa
conception(II).

I. Tout ce qu’il a dit


Quel que soit le support du texte (arrêt, texte de doctrine, article) le commentaire impose
de dire tout ce que « l’auteur » à dit. Cette exigence se décline doublement, dans la forme(A)
et dans le fond (B).

A. La déclinaison dans la forme


Cela signifie d’abord et avant tout que le plan doit refléter ce que le texte a dit. Il y a
deux manières de refléter cette exigence. D’abord, on peut faire un commentaire linéaire ou un
commentaire composé ou synthétique.

1. Le commentaire synthétique ou composé


Le commentaire synthétique ou composé est celui dans lequel, le candidat, tout en
reprenant ce que le texte a dit, se permet d’en faire la synthèse afin d’en dégager la substance.
Dans ce type de démarche, le candidat reprend les idées forces de l’auteur dans son plan. Cette
démarche présente des avantages et des inconvénients. Du point de vue des avantages, elle
montre une certaine « maturité » et un grand esprit de synthèse. Cette démarche est souvent
utilisée par les apprenants faisant preuve de beaucoup d’autonomie.
Prenons l’exemple de l’article 1832 du Code civil français, il dispose « la société est instituée
par deux ou plusieurs personnes… ». Dans une démarche synthétique on pourrait avoir comme
titre « La société : une manifestation de volontés ».
Cependant, cette démarche présente un inconvénient majeur consistant en un risque de
dénaturation de la pensée d’autrui. Dans pareille situation, le candidat court le risque d’un hors
sujet. Pour ces risques là, il est préférable de procéder par un commentaire linéaire.

2. Le commentaire linéaire
Il consiste à suivre le texte ligne après ligne, alinéa après alinéa afin d’en dégager la
teneur exacte. L’utilisation de cette méthode exige du candidat de scruter chaque mot, chaque

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 24


verbe, les ponctuations, les conjonctions de coordination, les articles et pronoms etc. En somme,
il s’agit de revoir la structure grammaticale de la phrase. Lorsque l’on adopte la méthode du
commentaire linéaire, aucun mot ne doit être laissé au hasard. On doit coller au texte, lui faire
un marquage serré, « homme à homme ».
Cette méthode devra déboucher nécessairement par l’usage des mots du texte pour la
construction du plan. Reprenons l’exemple de l’article 1832 du Code civil français « la société
est instituée par deux ou plusieurs personnes… », En adoptant une démarche linéaire, cela
impose le titre suivant : « L’institution de la société ». Autre exemple, l’article 4 de l’Acte
uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE dispose « la société est créée par deux ou
plusieurs personnes… ». En adoptant la méthode du commentaire linéaire, on doit avoir le titre
suivant : « La création de la société ». Dans la forme, le plan doit épouser les contours et le
contenu du texte soumis à votre commentaire.
Cette méthode présente des avantages et des inconvénients. Au titre des inconvénients,
on peut citer une proximité gênante avec le texte laissant transparaitre une certaine paraphrase,
et une trop grande facilité quelque fois culpabilisante. M ais elle présente le gros avantage de ne
pas permettre les hors sujet. Le lecteur ou le correcteur pourra tout reprocher au candidat sauf
de n’avoir pas dit ce que le texte a dit. Il a aussi le mérite de la simplicité. La méthode du
commentaire linéaire, parce que moins risquée, et s’adossant au texte parait la plus adaptée aux
nouveaux apprenants en droit. Notre adhésion est emportée par cette méthode. Nous la
conseillons et la recommandons vivement aux étudiants des cycles Licence et M aster et même
au-delà.

En dehors des exigences de forme, dire tout ce que l’auteur a dit comporte aussi
nécessairement une déclinaison dans le fond.

B. La déclinaison dans le fond


Cela signifie que le candidat doit toujours commencer son travail, dans le corps du
devoir, par ce que dit l’auteur. Ceci lui impose de toujours citer ou renvoyant au texte à
commenter d’abord (1) afin d’éviter de faire un autre exercice appelé dissertation (2).

1. La citation ou le renvoi liminaire au texte à commenter


Cette figure de style est empruntée au mouvement que fait l’oiseau en quittant le sommet
pour s’intéresser au bas mais pour toujours mieux retrouver le sommet. Appliqué à l’exercice
de commentaire, le vol plané exige du candidat qu’il commence son exercice toujours en citant
le texte soumis à son commentaire. S’il s’agit d’un arrêt dire par exemple « la Cour de cassation
estime que M . X a commis une faute en ce qu’il a refusé d’obtempérer à l’ordre donné par son

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 25


supérieur hiérarchique » ou bien s’il s’agit d’une disposition législative dire « aux termes de
l’article 1er du COCC « l’obligation lie le débiteur à son créancier ». Rappelons que l’exercice
étant un commentaire, les sous parties doivent être tirées du texte à commenter. Ce faisant, on
ne doit pas avoir de difficulté à trouver la partie du texte à citer. Si cette difficulté existe ou
persiste, on doit se rendre à l’évidence, l’exercice auquel le candidat s’adonne est une
dissertation.

2. Les fonctions de la citation ou du renvoi liminaire au texte à commenter


Il ne s’agit pas seulement de citer pour citer. Cette exigence joue une fonction
importante parce que permettant de rappeler qu’il s’agit de commenter autrui. M ais il ne s’agit
pas seulement de sacrifier à une exigence méthodologique, il faut en tirer des conséquences. La
première est d’expliquer et d’expliciter tous les mots et concepts utiliser par l’auteur. Reprenons
l’exemple de l’article 1er du COCC « l’obligation lie le débiteur à son créancier », il faudra ici
expliquer « obligation », « lie », « débiteur », « créancier ». La définition de ces concepts doit
être tirée des cours et lectures du candidat. Il faut expliquer et expliciter, c’est la fonction
pédagogique du commentaire en droit.
Cette étape est importante parce que sans le savoir le candidat peut rapidement glisser
vers une dissertation. C’est le cas lorsque le candidat procède à des développements sans au
préalable citer le texte soumis à son commentaire. L’exercice étant un commentaire, il est
impérieux de dire d’abord ce que le texte dit, de bien l’expliciter avant de passer à un autre
stade. Autrement, il s’agit d’une dissertation.
M ais le commentaire à proprement parler n’a pas encore commencé avec l’explicitation
obligatoire des mots et concepts du texte. Il ne commence que lorsque le candidat dit ce qu’il
pense du texte et tout ce qu’il pense du texte (II).

II. Tout ce que j’en pense

Cette partie concerne ce que l’on appelle le commentaire en tant que tel. Dans les phases
précédentes, le candidat n’a fait que dire et expliciter ce que l’auteur a dit. Parce que le
commentaire, c’est d’abord ce que dit le texte et ensuite seulement ce que vous en pensez. C’est
seulement à ce moment que commence le commentaire (A) qui lui-même obéit à une certaine
rigueur (B).

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 26


A. La phase proprement dite de commentaire

Commenter revient dans le fond à prendre position sur les propos et déclarations du
texte. Après avoir respecté toutes les étapes de l’exercice du commentaire, commence une
deuxième phase dans la laquelle il faut discuter et analyser le texte.

1. La discussion du texte

Discuter veut dire dissiper, examiner et même secouer. Il s’agit dans cette étape
« d’examiner par un débat » tout ce que l’auteur a dit. Discuter le texte est une manière de
montrer que vous en avez bien compris les enjeux, et vous êtes capable de voir ses limites. La
discussion est donc le prolongement naturel de l’explication.
La discussion peut faire l’objet d’une partie à part. Il est aussi possible de l’intégrer
directement aux analyses, notamment lorsqu’elle porte sur des points particuliers plutôt que sur
la générale du texte.

Gardez bien en mémoire :

Ce n’est pas « l’auteur tout entier que vous discutez, mais le texte. Exercez votre esprit
critique mais restez humble. Rien n’est plus désastreux, après une explication de qualité
moyenne, qu’une critique qui se veut féroce et qui ne fait que renforcer le sentiment que vous
n’avez pas compris le texte. Le principe général de l’explication est le suivant : La discussion
repose sur une problématisation du texte. Cela consiste à repérer dans le texte une tension
interne, éventuellement une contradiction, qu’il fallait dans un premier temps laisser de côté,
pour justifier le propos du texte.

Vous pouvez discuter le texte :

- A partir de simples arguments logiques, parce que vous y voyez une contradiction.
- En y apportant des éléments nouveaux, parce que vous y voyez des lacunes ou des
oublis.
- En montrant qu’il partage des présupposés communs avec ce qu’il croit critiquer.
- En vous appuyant sur les thèses d’un autre courant de la doctrine.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 27


2. La place de la discussion dans l’explication du texte

Il faut distinguer entre la problématique voulue par l’auteur et contenue dans son texte
et la problématisation que vous lui faites subir dans le texte. Cela revient à dire qu’il faut
toujours distinguer trois niveaux d’argumentation. Ce qu’il a dit, ce qu’il en pense et la
discussion du texte. Les philosophes parlent de la « doxa » c'est-à-dire la norme ou la valeur
critiquée par l’auteur, s’il s’agit d’un texte ; la thèse « para-doxale » de l’auteur, celle qui est
énoncée dans le texte et enfin votre critique du texte, c'est-à-dire la discussion en tant que telle.
S’il s’agit d’un texte législatif, la discussion doit être faite en comparant la « doxa », la
norme, à l’évolution de la société actuelle. Ce que dit le texte est-il toujours actuel ? Doit-on le
modifier ? La discussion du texte doit être le moment de la remise en question de la thèse
« doxale » ou « para-doxale ». Le commentaire doit nécessairement passer par cette étape.

B. La rigueur du commentaire proprement dit

Pour ne pas oublier qu’il s’agit bien d’un commentaire et non d’une dissertation, il est
important de toujours s’astreindre à la rigueur suivantes.

1. Retourner au texte chaque fois que de besoin

Il ne faut pas hésiter, chaque fois que de besoin de retourner au texte, en citer des
passages pour mieux montrer que vous ne faites pas une démonstration sur un sujet théorique.
Cela peut se matérialiser dans le texte avec les expressions suivantes : « on comprend
l’auteur…le juge…l’article X… lorsqu’il dispose…dit…affirme que… » ou bien quand on ne
partage pas l’avis, on peut affirmer cela clairement dans le texte avec une affirmation en citant
le texte.

2. Faire une transition pour annoncer la sous partie suivante

La transition est une exigence dans tous les exercices en droit. Elle apparait comme une
marque d’élégance dont l’atteinte doit être poursuivie par l’apprenti juriste.

Dans le commentaire de texte, la transition prend un accent particulier. En effet, comme


le plan du commentaire épouse les contours du texte à commenter, si ce n’est qu’il en reprend
la forme et les mots, il est fortement recommandé dans cet exercice de faire une phrase de
transition pour amorcer la partie qui suit. M arque d’élégance dans les autres exercices, la
transition est une étape plus que fondamentale dans le commentaire. Elle permet de montrer la
logique qu’il y a dans le plan en articulant parfaitement le fond à la forme.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 28


Remarques conclusives

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 29


Après toutes ces explications, j’espère que vous ne serez pas l’étudiant…6

- Qui considère le commentaire de texte comme une planche de salut pour celui qui ne
sait rien
- Qui ne sait pas lire, ne veut pas lire, et d’ailleurs n’a jamais eu la curiosité de lire ni la
Constitution, ni un article du Code de la famille ou du COCC.
- Qui paraphrase, redit, développe, répète, amplifie le contenu du texte…mais n’y ajoute
rien.
- Qui laisse le texte sous son coude et se lance dans une dissertation aussi périlleuse
qu’inutile.

Bibliographie indicative

6 I. DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit, Méthodes de travail et clés du succès, Paris, Dalloz, 2012,
8 ème éd. 238 p., p. 179.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 30


- Samba THIAM ; M ayatta Ndiaye M BAYE, La méthodologie en droit, Cours à
l’intention des étudiants de 1ère année de l’UCAD, disponible sur
www.ucad.sn/facultededroit consulté le 17/08/10
- André DUNES, La documentation juridique, Paris, Dalloz 1997
- Jean-Pierre GRIDEL, A propos de la dissertation et du cas pratique, Paris, Dalloz,
1986 Gilles
- GOUBEAUX et Philippe BIHR, Les épreuves écrites en droit civil, Paris, L.G.D.J., août
2005
- Adel JOM NI, Cours introduction à la recherche documentaire – Licence 1, UFR Droit,
M ontpellier I
- Roger M ENDEGRIS ; Georges VERM ELLE, Le commentaire d’arrêt en droit privé,
Paris, Dalloz, 4ème éd., 130p.
- Isabelle DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit : Méthodes de travail et
clés du succès, Paris, Dalloz, 8ème éd., 2012, 238 p.
- Alphonse d’HERBELOT; Stéphane RIALS, De l’enseignement du droit, Dalloz, 2013,
tiré à part.

Pr. Jean Louis CORREA, UAS Z 2015/2016 31

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