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Ce cours vise à aider les étudiants de première année de droit à se familiariser avec les
exercices les plus fréquents dans les facultés de droit au Sénégal. En effet, selon les traditions
facultaires, les techniques utilisées peuvent différées. Dès lors, les étudiants ne doivent pas
s’étonner de voir par ailleurs d’autres méthodes de commentaire, de dissertation etc.
Cependant, ils devront s’efforcer au respect des techniques, méthodes et canevas sus
indiqués.
L’attention doit être attirée sur le fait que l’objectif de cette introduction à la
méthodologie n’a pas pour objectif d’apprendre la méthodologie aux étudiants mais plutôt
de leur permettre d’acquérir les rudiments nécessaire à l’accomplissement de tous ces
exercices. L’apprentissage de la méthodologie étant une quête inlassable, un souci
permanent pour tout juriste. Cette quête et ce souci devront être votre boussole et votre
viatique. La RIGUEUR doit être votre credo.
Chapitre 1 : La dissertation
Qui se précipite sur son stylo pour écrire sans avoir réfléchi
Pour qui trouver un plan relève du pur hasard
Qui croit que le style juridique est nécessairement pompeux et obscur
Qui écrit douze pages sans jamais aller à la ligne
La dissertation (du latin disserere, exposer des raisonnements, des idées liées les unes aux
autres) correspond à la mise en œuvre d’un discours ordonné et cohérent à propos d’un
problème envisagé dans sa dimension juridique. Les maîtres mots de cet exercice sont
l’exhaustivité et la rigueur. Exhaustivité, parce qu’il faut aborder tous les aspects importants
du sujet. Rigueur, parce qu’il faut éviter les hors sujets et veiller à ce que les développements
correspondent à ce qui a été annoncé par la problématique exposé dans l’introduction et les
intitulés du plan.
1. L’introduction
« L’ordre affranchit la pensée » René DESCARTES
Le terme introduction vient du latin intro ducere qui signifie conduire dedans. L’introduction
sert à conduire à l’intérieur du sujet. Elle est une partie intermédiaire entre le sujet et les
développements qu’il appelle. Il s’agit, par une analyse des termes de l’intitulé de formuler au
mieux la question posée et d’en délimiter le champ. Cette première étape suscite un certain
nombre questionnement.
Système en entonnoir
-Amener le sujet
Il s’agit de partir du général au particulier. En d’autres termes cette étape consiste à placé le
sujet dans son contexte (juridique, économique social, historique etc.)
Cette tâche consiste à éclairer le contenu du sujet. En général, les sujets sont formulés de façon
énigmatique. Poser le sujet, c’est formuler le sujet la sujet de façon plus clair ; il est même
conseillé de le reformuler.
Les termes du sujet doivent être explicités : pourquoi tel terme a été employé et pas un autre, à
quel champ sémantique renvoi tel ou tel terme, etc. Tous les mots du sujet doivent être analysés,
jusqu’aux articles (analyser l’emploi du singulier ou du pluriel, de l’article défini ou indéfini,
etc.) De l’analyse précise des termes du sujet on peut alors déduire la problématique.
-Problématique
C’est la question centrale que soulève le sujet et qui va imprégner tout le développement qui
suivra. Parfois, la question que vous devez traiter est directement posée dans le sujet. Il
convient alors de répondre précisément à la question posée. Exemple : la jurisprudence
constitue-t-elle une source de droit ? En général, ce genre de sujet invite l’étudiant à
prendre personnellement position. D’autres fois, la question que vous devez exposer n’est pas
clairement exprimée dans le sujet. Dans cette hypothèse, il ne vous appartient pas d’inventer
n’importe quelle problématique. La problématique préexiste certainement, et vous devez la
retrouver à travers le sujet. En général, elle a été exposée en cours et elle figure dans les
manuels.
- L’intérêt du sujet
Une fois la problématique soulevée, il faut insister sur l’intérêt du sujet. Il s’agit de répondre à
la question : « pourquoi dois-je parler de ce sujet ? ». Si le sujet a été donné, c’est qu’il est
important. Il faut donc rechercher pourquoi le sujet a été donné et le dire franchement. Ces
intérêts, souvent liés à des développements d’actualité, peuvent être d’ordre pratique et/ou
théorique :
Ce sont les implications théoriques du sujet à savoir : les débats qui se sont soulevés (ce sont
les controverses doctrinales), lorsque les principes juridiques traduisent une évolution
particulière (de la législation, des mœurs, de la société…).
L’intérêt pratique
L’intérêt pratique se découvre la plupart du temps en cherchant à imager des cas d’application
concrets des règles juridiques en cause. On peut alors montrer que la question envisagée se pose
fréquemment, que les solutions à dégager intéressent beaucoup de personnes ou commandent
des conséquences (économiques, sociologiques…) importantes. Faire apparaître, quand c’est
possible, l’actualité des problèmes renforce considérablement le dynamisme de la dissertation ;
mais n’extrapolez surtout pas !
Vous voilà en possession de votre problématique qui prend le plus souvent la forme d’une
question. Le plan n’est autre que la réponse en deux points à cette question. M ais il ne s’agit
pas seulement de dire quelle articulation a été choisie ; il faut justifier ce plan. On doit
commencer par exprimer l’idée ou les idées essentielles animant le sujet ; puis on annonce
l’ordonnancement de la démonstration. Le plan adopté doit apparaître comme une conséquence
logique et naturelle des principes antérieurement dégagés.
En première année, vous pouvez vous satisfaire de phrases assez simple comme : dans un
premier temps, puis dans un second, ou, dans une première partie nous traiterons telle chose et
puis telle autre dans une seconde. M ais il faudra assez vite dépasser ce stade car il n’apporte
pas de réelle satisfaction sinon celle de mettre en parallèle deux idées principales
-Annonce du plan (deux parties) : plan bateau, plan chronologique, plan technique-plan d’idée.
2. Le plan
Le plan est commandé par le sujet, ou, plus précisément, par l’idée directrice que vous avez
dégagée. Il convient donc d’adopter un plan qui suive une ligne directrice claire, que l’on
s’attache à respecter et à démontrer.
En droit, le plan se structure en deux parties, deux sous-parties. Ce qui fait un total de .... 4
sous parties. Si vous avez lu attentivement ce qui précédait, vous devez vous souvenir que, lors
Ce travail doit aboutir à plan qui devra avoir pour résultat ce qui suit :
J’annonce ce dont je vais parler dans ma première sous-partie (A), puis dans ma seconde sous-
partie (B).
J’annonce ce dont je vais parler dans ma première sous-partie (A), puis dans ma seconde
sous-partie (B).
(Pas de conclusion)
Il ne faut jamais perdre de vue que la dissertation sert à faire une démonstration. Il ne s’agit ni
d’un catalogue de connaissances, ni d’une récitation de cours. On doit donc toujours expliquer
pourquoi on évoque tel ou tel point et montrer qu’il sert à démonter l’idée développée dans la
problématique.
Contrairement à la forme, le fond ou le contenu est fonction du sujet qui vous est donné. M ais
il y a quelques règles essentielles qui ne changent pas. Elles sont relatives à la rédaction ou la
formulation du contenu et son développement.
Faites des phrases courtes et simples. Les phrases courtes rendent le contenu dynamique, léger
et maintient l’attention du correcteur ou du lecteur. Les phrases simples rendent la dissertation
plus claire et compréhensible. Vous éviterez ainsi de perdre le lecteur. Généralement tout se
passe en trois temps : je vais dire quelque chose, je dis la chose en question, voilà ce que je
voulais vous dire. Il faut exprimer vos intentions, les réaliser et les résumer.
Privilégiez une idée par partie, mais une idée importante peut être accompagnée d’autres idées
accessoires. Le risque reste que des idées accessoires peuvent être hors sujet.
Il n’est pas possible de schématiser ou d’aller plus en profondeur pour deux raisons : la première
c’est qu’il existe une multitude de sujet et que chaque sujet peut être traité différemment. C’est
selon l’importance que l’on accorde à telle ou telle idée.
En d’autres termes, en matière de cas pratique, il n’est pas mis une attention particulière sur la
bonne solution au cas d’espèce, mais sur la valeur du raisonnement du candidat. Les critères
d’évaluation sont plus relatifs aux arguments servis par le candidat. L’essentiel est qu’il ne
s’agit pas forcément d’offrir au correcteur la solution la plus probable, mais d’évoquer et de
traiter l’ensemble des solutions possibles avant de choisir en conclusion la solution qui se trouve
être la plus pertinente.
Il faut donc retenir que toutes les hypothèses probables doivent être traitées en expliquant toutes
les étapes du raisonnement.
Dans un cas pratique, il n’est pas demandé au candidat de préciser lequel des protagonistes lui
semble dans son bon droit, ou quel arrangement lui paraît équitable. On lui demande plutôt de
trouver la solution imposée par la loi ou, plus largement, par le droit positif en vigueur ;
autrement dit, la solution qu’apporterait un tribunal si le cas lui était donné à juger. Il doit
découvrir les règles applicables et les mettre en œuvre comme s’il était juge.1
La solution d’un cas pratique ne s’invente pas. C’est pourquoi des connaissances précises sont
requises et nécessaires pour être en mesure de fournir des réponses exactes. Le cas pratique ne
peut par conséquent être résolu sans avoir appris et compris la matière théorique sur laquelle il
porte. Il faut dès lors faire preuve de rigueur et de précision. Il faut éviter de tomber dans le
piège que le cas pratique est un exercice très facile, surtout lorsque les solutions aux questions
juridiques de l’espèce sembles évidentes ; cet exercice requiert le respect d’une forme bien
précise et différentes étapes importantes pour la résolution effective du cas soumis au candidat.
La forme des sujets proposés est variable. En effet, il y a ce qu’on appelle un cas pratique
« mystique » et une autre forme de cas pratique plus ouvert, qui offre au candidat la chance de
connaitre à l’avance les questions auxquelles il doit apporter des solutions. Le cas « mystique »
en revanche est conçu de tel sorte qu’il revient au candidat lui-même de scruter l’exercice afin
de relever les différentes questions juridiques soulevées par le cas d’espèce ; donc les différentes
hypothèses possibles. C’est par suite de ce travail qu’il trouvera les solutions qui s’imposent.
Par ailleurs, il faut remarquer que dans certains exercices, ceux qui les proposent collent à
l’actualité jurisprudentielle et construisent les cas pratiques en s’inspirant des décisions de
justice rendues pendant l’année en cours. Dans cette hypothèse, il faut faire attention à ne pas
se focaliser sur l’arrêt dont vous connaissez la solution. Cette dernière n’est qu’une hypothèse
1 I. DREFENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit, Paris, Dalloz, 8 e édition, 2012, p. 160.
Dans d’autres exercices, en revanche, celui qui vous évalue préfère se détacher de l’actualité
pour insister sur les thèmes fondamentaux afin de disposer d’une plus grande marge de
manœuvre dans l’évaluation de vos qualités de juriste.
Il faut préciser enfin qu’il est possible qu’on vous propose plus d’un cas pratique.
Les étapes préliminaires les plus importantes sont : la lecture attentive du ou des cas, et le
résumé des faits.
La lecture est une étape fondamentale dans les exercices juridiques. IL en est ainsi du cas
pratique. Il est donc nécessaire, pour une bonne compréhension du ou des cas d’espèce, de les
lire avec une attention particulière. Cette lecture vous permettra d’abord de comprendre les
principaux problèmes soulevés par le cas, ensuite à souligner les faits les plus importants. Cette
lecture doit être faite de façon intégrale, c’est-à-dire que vous devez lire l’ensemble des
questions posées dans le cas. S’il s’agit de plusieurs cas, la lecture attentive de l’ensemble des
cas est nécessaire afin de voir le degré d’imbrication qui existe entre eux. C’est cette lecture et
relecture attentive des faits qui vous permettra d’affiner votre compréhension du cas,
compréhension plus que prépondérante dans la résolution du cas. Il faut aussi schématiser les
faits pour mieux les comprendre car, des fois, l’énoncé raconte une petite histoire, qui n’est pas
toujours claire dès la première lecture ; elle peut même apparaître fort embrouillée.
Cette étape n’est pas l’occasion de reproduire intégralement les faits afin de gagner en nombre
de pages. Il s’agit ici de relever les faits pertinents pour la résolution du cas. En effet, tout n’est
important dans un cas pratique. Pour les besoins d’une histoire cohérente, certains détails sont
parfois donnés mais qui n’ont aucune importance pour la résolution du cas pratique. Il s’agit
dès lors d’opérer un tri entre les faits inutiles et les faits pertinents. Ces derniers sont ceux qui
permettrons objectivement de vérifier que les conditions de la règle de droit sont établis ou non.
Cependant, le candidat ne doit relever que les faits qui sont évoqués dans le cas d’espèce. Il ne
doit point en inventer.
En outre, il est préférable de dépersonnaliser les faits. Vous devez garder une certaine généralité
car ce qui importe c’est la solution juridique qui sera donnée au cas.
La résolution du cas pratique exige un résonnement bien défini. Son respect scrupuleux est gage
de solutions exactes. C’est ainsi qu’il faut : qualifier juridiquement les faits, relever le ou les
problèmes de droit, la règle ou le corps de règles applicables, appliquer la règle ou le corps de
La qualification juridique est une opération intellectuelle, un résonnement qui consiste à passer
du fait au droit. C’est la traduction d’un fait en termes juridiques. Qualifier, c’est nommer en
termes juridiques. On qualifie des faits, ou une situation, en les exprimant en termes juridiques
et abstraits, afin de les rattacher aux cas prévus et règlementés par la loi. C’est la qualification
juridique des faits qui permet d’exposer la situation juridique sur laquelle on va raisonner. Pour
présenter l’exposé des faits, au début du devoir, exprimez-vous donc en juriste. Il faut donc
exposer les faits pertinents par ordre chronologique et nommer les personnes, les actes, les
événements en termes juridiques et abstraits. Vous devez utiliser la terminologie des textes
applicables, de la jurisprudence relative à la question, de vos cours et manuels. On peut agir par
syllogisme : le mineur. On peut également agir par analogie : quand les termes sont vagues ou
qu’il manque un élément de précision ; le Professeur attend de l’étudiant qu’il confronte les
différents raisonnements possibles.
Après cette étape, vous devez forcément aboutir aux questions. Il faut dégager et formuler un
ou plusieurs problèmes de droit. Ceci est nécessaire lorsque les questions n’ont pas déjà été
posées et en termes techniques et précis.
Ces règles sont évidemment des sources du droit. Il peut s’agir dès lors : de textes légaux, de
jurisprudence, d’une doctrine, de principe de droit. Retenez que vous devez être
raisonnablement en mesure d’expliquer de manière approfondie les points de droit utiles à la
solution.
2. La résolution du cas
Du fait au droit et retour. Une fois la qualification opérée, il reste à rechercher la ou les solutions.
Ce qui compte dans un cas pratique c’est la réponse concrète à la question de fait. Dit autrement,
plus que rendre justice avec une majuscule, en brandissant une règle générale et impersonnelle,
il s’agit de rendre justice aux parties avec un petit « j ».
Après l’exposé de la règle de droit vient la confrontation de la règle aux faits de l’espèce. M ême
si cette étape peut avoir l’impression d’être évidente, il faut s’y attarder peu ou prou. Car, il faut
désormais démontrer en quoi les conditions de la règle de droit sont réunies en l’espèce.
Retenez que le cas pratique vous appelle surtout à être structuré et réfléchi. Par conséquent, le
devoir n’a pas besoin d’être long. Il faut être rigoureux et argumenter juridiquement.
Notons que dans la pureté des termes, un arrêt est une décision d’une Cour d’appel, d’une Cour
de cassation ou d’une Cour suprême (ce peut être aussi une décision du T ribunal des conflits ou de la
Cour de justice de l’UEMOA). Néanmoins l’expression « commentaire d’arrêt » est consacrée même
lorsqu’il s’agit d’une décision rendue par une juridiction du premier degré telle que le tribunal régional
ou le tribunal départemental, qu’on doit appeler « jugement » ou si c’est le Conseil constitutionnel,
« décision ».
Pratiqué le plus souvent au sein de travaux dirigés, le commentaire d’arrêt tend à éveiller puis à
développer le sens du raisonnement juridique. Le commentaire d’arrêt surtout ne doit ni sombrer dans
une inutile paraphrase, ni devenir un prétexte à une vaine récitation d’une branche du cours. Il s’agit
d’un exercice particulier qui ne doit pas être confondu avec d’autres travaux qui, bien qu’unis à lui par
une certaine parenté, revêtent des caractères différents. Il en va ainsi de la dissertation, de la note d’arrêt,
des conclusions, de la rédaction d’une décision de justice, du cas pratique et du texte d’ordre législatif.
Le commentaire d’arrêt, à vocation essentiellement didactique, ne doit pas être confondu avec
les notes ou les observations qui figurent souvent, à la suite de décisions, dans les recueils de
jurisprudence. Ces dernières sont, avant tout, œuvre de professeurs ou de praticiens du droit, spécialistes
de la question à propos de laquelle a été rendue la justice. L’arrêtiste, de par son expérience est très libre
dans ses commentaires et n’est pas forcément limité par la rigueur de la méthodologie.
Le commentaire d’arrêt ne doit pas être confondu non plus avec les conclusions présentées par
le Ministère public. Ces dernières consistent en un avis donné sur l’application de la loi, le cas échéant
dans une affaire civile. Il s’agit d’un point de vue défendu au nom de l’intérêt général, à l’occasion d’une
affaire particulière. Il est fréquent que les conclusions, présentées pour les litiges posant un problème
juridique important, soient publiées. De telles conclusions, le plus souvent d’excellente qualité, tendent
à obtenir une solution dans un sens déterminé. Différent est le commentaire d’arrêt ou de jugement. Ce
dernier doit, selon un développement et une articulation propre, recouvrir un examen et une approche
critique de la décision rendue.
La rédaction d’une décision de justice peut permettre de tester les aptitudes d’une personne à la
science juridique. Il s’agit là de la mission fondamentale du juge. Cette activité suppose une parfaite
maitrise des exigences et du langage du droit. Elle nécessite surtout une grande familiarisation du
rédacteur du jugement ou de l’arrêt avec la pratique judiciaire. Une telle tâche se situe, d’évidence, en
amont du commentaire dont elle est susceptible de faire l’objet.
L’exercice dit « cas pratique » est un genre également différent. A partir d’une simple relation
des faits, il est demandé à l’étudiant, dans un travail ordonné, de formuler les problèmes juridiques posés
Des textes d’ordre législatif (loi, projet de loi, décret, convention d’ordre internationale etc.)
peuvent également faire l’objet d’une étude. L’effort doit alors porter vers l’analyse et la portée du
document examiné. Le souci du commentaire est, bien entendu, tout aussi présent dans ce type de
réflexion. Toutefois, si les qualités requises du juriste doivent être, là encore, mises en œuvre, les points
d’appui de la démarche ne sont pas les mêmes. Ainsi le commentaire d’un article du COCC, article 118
par exemple, porte sur une règle de droit, à l’état pur. De son côté, le commentaire d’une décision trouve
sa matière dans l’application de cette norme juridique.
Ces précisions étant faites, la méthode proposée procède d’une double idée. D’une part, un
commentaire d’arrêt obéit dans ses grands principes, aux règles générales qui gouvernent l’élaboration
d’une œuvre juridique quelle qu’elle soit. De ce fait, il sera conseillé de réaliser le travail en plusieurs
étapes. Ces approches successives devront logiquement porter sur le sujet lui-même qu’il convient
d’appréhender, les réponses qu’il faut rechercher, le plan à dégager et, enfin, la rédaction finale du
travail. D’autre part, exception faite de sa rédaction à propos de laquelle il ne peut être donné que
quelques conseils généraux applicables à tout exercice quel qu’en soit le type, le commentaire d’arrêt
est une œuvre suffisamment originale pour que soient dégagées des règles propres relatives à chaque
stade de sa conception.
Pour saisir avec un plus grand degré de précision les arcanes du commentaire d’arrêt, il faudra
comprendre et délimiter le sujet (I) rechercher des éléments de réponse (II), élaborer le plan (III) pour
enfin commencer la rédaction (IV). Les étapes suivantes seront étudiées mais avant d’en venir à la
méthodologie en tant que telle du commentaire d’arrêt, il serait important de préciser certains éléments
de forme, que l’on pourrait également appelés des clefs pour comprendre un arrêt (Chapitre
préliminaire).
A la différence d’une dissertation dont il faut saisir les mots clés pour comprendre le cercle dans
lequel notre action va porter, le commentaire d’arrêt comporte un nombre important de termes
techniques, ésotériques et parfois surannés, doublé d’une rédaction particulière répondant à des normes
particulières. Ainsi, après de brèves observations concernant le vocabulaire (a), seront exposées les
règles fondamentales qui gouvernent les structures d’une décision de justice (b) pour en déduire
quelques conseils pratiques tendant à faciliter la lecture d’un arrêt (c).
A. Le vocabulaire
Si le droit a la réputation d’une discipline ésotérique pratiquée par une caste d’initiée, c’est en grande
partie dû au vocabulaire utilisé. T ermes techniques, « jargonneux », vieux français et latinismes se le
disputent aux termes irrévérencieux et inadéquats. Bien que ceci ne soit pas une particularité du droit,
toute discipline scientifique exprimant ses concepts dans un vocabulaire spécifique, un effort de
modernisation du langage juridique se faisait sentir afin de mieux rapprocher la justice du justiciable.
Dès lors, en France, une Commission de modernisation du langage juridique fut mise en place afin
de rechercher les moyens de rendre le langage judiciaire plus clair, plus moderne, plus intelligible et
plus français. Ses travaux ont porté sur plusieurs points dont les suivants les expressions latines (1), les
archaïsmes et locutions surannées (2).
Actor sequitur forum rei………….Le litige doit être porté devant le tribunal du domicile du défendeur
Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur…………L’enfant conçu est
considéré comme nait quand son intérêt est en cause
Pater est quem justae nuptiae demonstrant…………….. Est présumé père le mari de la mère
De cujus……………………………… Le défunt
Dura lex, ced lex……………………. La loi est dure mais c’est la loi
Une dameuse ne constitue pas un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1 er de la loi du 5
juillet 1985.
20 mars 1996.
Cassation.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Commenté [T1]: Un pourvoi en cassation doit être fondé
sur des moyens qui sont des arguments de droit que l’on
Vu l’article 1 de la loi du 5 juillet 1985 ;
er
reproche à la décision de la Cour d’appel.
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 avril 1994, entre les parties, par la Commenté [T9]: La décision du juge
cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz.
- Solution du litige
2Plus précisément dans les facultés de droit d’Afrique noire francophone membres du CAMES.
3On montrera dans la méthodologie qui suit en quoi consiste véritablement un commentaire.
4 En effet, il faut souligner que le commentaire d’arrêt obéit, pour ce qui est de l’introduction, à une
Il faut présenter l’auteur, la date, la nature du texte, le plan du texte, l’idée générale du
texte, justifier le plan, et enfin l’annoncer. Afin de permettre aux étudiants de mieux mémoriser
ces différentes étapes de l’Introduction, on utilise l’acronyme AD. NA. PI. JA. M ais il ne s’agit
pas simplement de passer par ces étapes pour justifier du respect des exigences profondes de
cette formalité.
Ne soyez surtout pas l’étudiant qui dit « l’auteur de ce texte, c’est le législateur ». Si
cette affirmation n’est pas fausse en soi, il lui manque l’élégance chère au juriste. Ne soyez pas
également l’étudiant qui, pour parler de la nature du texte, dit « ce texte est de nature
didactique ». Passons sur l’absurdité de la déclaration pour relever ici également qu’une
formulation plus heureuse peut exister.
Les exemples peuvent être multipliés à volonté de formulations inappropriées. En guise
d’exemple et pour éviter les impairs relevés ci-dessus et tant d’autres, donnons l’exemple de
l’introduction au commentaire de l’article 1er du Code de la famille.5
5 « La personnalité commence à la naissance et cesse au décès.- Cependant l’enfant peut acquérir des droits du
jour de sa conception, s’il nait vivant.- La date de la conception d’un enfant est fixée légalement et de façon
irréfragable entre le 180 ème et le 300 ème jour précédant sa naissance. »
2. Le commentaire linéaire
Il consiste à suivre le texte ligne après ligne, alinéa après alinéa afin d’en dégager la
teneur exacte. L’utilisation de cette méthode exige du candidat de scruter chaque mot, chaque
En dehors des exigences de forme, dire tout ce que l’auteur a dit comporte aussi
nécessairement une déclinaison dans le fond.
Cette partie concerne ce que l’on appelle le commentaire en tant que tel. Dans les phases
précédentes, le candidat n’a fait que dire et expliciter ce que l’auteur a dit. Parce que le
commentaire, c’est d’abord ce que dit le texte et ensuite seulement ce que vous en pensez. C’est
seulement à ce moment que commence le commentaire (A) qui lui-même obéit à une certaine
rigueur (B).
Commenter revient dans le fond à prendre position sur les propos et déclarations du
texte. Après avoir respecté toutes les étapes de l’exercice du commentaire, commence une
deuxième phase dans la laquelle il faut discuter et analyser le texte.
1. La discussion du texte
Discuter veut dire dissiper, examiner et même secouer. Il s’agit dans cette étape
« d’examiner par un débat » tout ce que l’auteur a dit. Discuter le texte est une manière de
montrer que vous en avez bien compris les enjeux, et vous êtes capable de voir ses limites. La
discussion est donc le prolongement naturel de l’explication.
La discussion peut faire l’objet d’une partie à part. Il est aussi possible de l’intégrer
directement aux analyses, notamment lorsqu’elle porte sur des points particuliers plutôt que sur
la générale du texte.
Ce n’est pas « l’auteur tout entier que vous discutez, mais le texte. Exercez votre esprit
critique mais restez humble. Rien n’est plus désastreux, après une explication de qualité
moyenne, qu’une critique qui se veut féroce et qui ne fait que renforcer le sentiment que vous
n’avez pas compris le texte. Le principe général de l’explication est le suivant : La discussion
repose sur une problématisation du texte. Cela consiste à repérer dans le texte une tension
interne, éventuellement une contradiction, qu’il fallait dans un premier temps laisser de côté,
pour justifier le propos du texte.
- A partir de simples arguments logiques, parce que vous y voyez une contradiction.
- En y apportant des éléments nouveaux, parce que vous y voyez des lacunes ou des
oublis.
- En montrant qu’il partage des présupposés communs avec ce qu’il croit critiquer.
- En vous appuyant sur les thèses d’un autre courant de la doctrine.
Il faut distinguer entre la problématique voulue par l’auteur et contenue dans son texte
et la problématisation que vous lui faites subir dans le texte. Cela revient à dire qu’il faut
toujours distinguer trois niveaux d’argumentation. Ce qu’il a dit, ce qu’il en pense et la
discussion du texte. Les philosophes parlent de la « doxa » c'est-à-dire la norme ou la valeur
critiquée par l’auteur, s’il s’agit d’un texte ; la thèse « para-doxale » de l’auteur, celle qui est
énoncée dans le texte et enfin votre critique du texte, c'est-à-dire la discussion en tant que telle.
S’il s’agit d’un texte législatif, la discussion doit être faite en comparant la « doxa », la
norme, à l’évolution de la société actuelle. Ce que dit le texte est-il toujours actuel ? Doit-on le
modifier ? La discussion du texte doit être le moment de la remise en question de la thèse
« doxale » ou « para-doxale ». Le commentaire doit nécessairement passer par cette étape.
Pour ne pas oublier qu’il s’agit bien d’un commentaire et non d’une dissertation, il est
important de toujours s’astreindre à la rigueur suivantes.
Il ne faut pas hésiter, chaque fois que de besoin de retourner au texte, en citer des
passages pour mieux montrer que vous ne faites pas une démonstration sur un sujet théorique.
Cela peut se matérialiser dans le texte avec les expressions suivantes : « on comprend
l’auteur…le juge…l’article X… lorsqu’il dispose…dit…affirme que… » ou bien quand on ne
partage pas l’avis, on peut affirmer cela clairement dans le texte avec une affirmation en citant
le texte.
La transition est une exigence dans tous les exercices en droit. Elle apparait comme une
marque d’élégance dont l’atteinte doit être poursuivie par l’apprenti juriste.
- Qui considère le commentaire de texte comme une planche de salut pour celui qui ne
sait rien
- Qui ne sait pas lire, ne veut pas lire, et d’ailleurs n’a jamais eu la curiosité de lire ni la
Constitution, ni un article du Code de la famille ou du COCC.
- Qui paraphrase, redit, développe, répète, amplifie le contenu du texte…mais n’y ajoute
rien.
- Qui laisse le texte sous son coude et se lance dans une dissertation aussi périlleuse
qu’inutile.
Bibliographie indicative
6 I. DEFRENOIS-SOULEAU, Je veux réussir mon droit, Méthodes de travail et clés du succès, Paris, Dalloz, 2012,
8 ème éd. 238 p., p. 179.