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INSTITUTION ADMINISTRATIVES AU BENIN ET VIE ECONOMIQUE

Chargé du cours:
Drs, Alex ATIOUKPE

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Introduction Générale

La vie publique est constituée d’institutions animées par des


personnalités et des agents commis dans un but d’intérêt
général. Les institutions publiques sont créées par les textes
juridiques en conformité avec la loi fondamentale ou constitution.
Il existe plusieurs catégories d’institutions dans la sphère
publique :
 Les institutions politiques
 Les institutions administratives
 Les institutions juridictionnelles et judiciaires.

La vie publique étant un complexe, l’interrelation entré les divers


organes ou acteurs qui l’animent est l’une de ses caractéristiques
essentielles.
D’abord, l’étude des institutions publiques met en parallèles le
droit constitutionnel et de droit Administratif. Si le premier a
pour objet l’étude des Etat sous l’angle de leurs institutions et du
fonctionnement de celles-ci, le second s’occupe du statut et du
fonctionnement des organes de l’administration ainsi que le
régime juridique de ses activités. Ce n’est pas pour autant que le
droit administratif ne subit pas les influences du droit
constitutionnel. IL est forcément établi des traverses qui créent la
jonction entre le droit administratives sont des moyens au service
du pouvoir exécutif. La nécessité de doter le pourvoir exécutif
d’institutions chargées d’accomplir les missions de service public
ou d’exercer les prérogatives de puissance publique était plus
ancienne que le besoin d’organisation de la vie publique autour

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de règles fondamentales régissant la vie des pouvoirs politiques.
Aujourd’hui le plateau est à la renverse car, les pouvoirs des
Administrations tirent leur légitimité première des règles
régissant les pouvoir.
Ensuite les institutions juridictionnelles font partie également
des institutions publiques. Nul doute que la justice a été et
demeure encore un pouvoir institué. En effet, la justice avec le
Parlement et le gouvernement constituent les trois foyers du
barbecue étatique. La justice est étatique. Elle fait partie de
L’Etat si bien qu’on ne saurait concevoir un Etat sans institution
judiciaire. Pour lui, qui était membre du parlement de bordeaux,
administrer la justice était la tâche la plus ancienne de tout
gouvernement. Il est vrai, l’évolution du pouvoir judiciaire dans le
temps n’a plus suivi exactement ce Profil car, c’est à travers
l’exercice des prérogatives gouvernementales que l’autorité de
l’Etat apparut de la manière la plus visible. Cependant,
l’émergence de l’Etat de droit et la démocratie sociale font de la
justice indépendante et crédible, les droits fondamentaux de la
personne humaine se trouveraient dépourvus de garantie ; l’Etat
de droit en serait malade. Et ce qui fait le propre des systèmes
démocratiques contemporains, c’est la possibilité pour toute
personne dont la cause est compromise, de se faire entendre par
un juge afin que, comme l’avait déjà souligné la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme, l’Homme oppressé par la
tyrannie ne soit pas limité à trouver autre ressource d’action que
la vengeance. Comme l’a affirmé Geneviève GUIDICELLI
-DELAGE (Le propre du pouvoir judiciaire est d’être inverti de la
fonction de juger. Cette fonction se matérialise dans un acte, qui

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porte suivant le contentieux ou les juridictions, le nom de
décision, jugement ou sarrète, et qui se distinguent
fondamentalement des actes des pouvoirs législatif et exécutif,
par des attributs qui lui sont propre).
Mais tout n’est pas aussi simple qu’on le pense. Pour une bonne
compréhension des institutions administratives et
juridictionnelles, il faut pénétrer l’univers de leur identité
juridique. Cela permet de s’apercevoir que tout ce qui est
administratif ou juridictionnelle n’est pas juridique. Ainsi, toute
institution administrative et juridictionnelle n’est pas une
personne juridique. Ce sont seulement certains organismes
administratifs et juridictionnels qui sont des personnes
juridiques capables de poser des actes pouvant produire des
effets de droit.
L’étude des institutions administratives objet du présent cours
vise à conduire l’étudiant à comprendre l’univers des institutions
qui animent et encadrent la vie publique.

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CHAPITRE 1: les institutions administratives au Bénin
Section 1 : Notion d’institution administrative
Du mot latin ad-ministrare, qui signifie servir, l’Administration
apparait de tout temps comme un ensemble d’organes et
d’argents mis au service de l’intérêt généal. Selon AUBY et
DUCO-ADER, « l’Administration est l’ensemble organismes qui,
sous l’autorité du gouvernement, sont appelés à assurer les
multiples tâches d’intérêt général qui incombent à l’Etat ».En tant
que telle l’activité administrative est proche de la fonction
gouvernementale mais s’en distingue. Comme l’a affirmé DRAGO,
« Les missions de l’administration ne sont jamais initiales mais
toujours secondes ; elles consistent à exécuter les tâches que les
organes fondamentaux de l’Etat lui confient. L’administration
apparaît donc toujours comme l’ensemble des moyens
permettant d’exécuter les décisions du pouvoir politique ».
Paragraphe 1 : Administration et personne administrative
L’administration se définit comme l’ensemble des organismes qui
sous l’autorité du pouvoir exécutif sont appelés à assurer les
multiples tâches d’intérêt général qui incombent à l’Etat. Les
instructions administratives désignent donc l’ensemble des
organes qui permettent à l’administration de remplir sa fonction.
L’administration a un but et pour atteindre ce but elle utilise des
moyens. Tout cela n’est pas possible si une fiction juridique ne
permet pas de donner un statut à l’organisation mise en place.
L’administration est une organisation juridique par laquelle des
autorités sont conçues pour exécuter une mission dans l’intérêt
général. Dans cette organisation, on attribue le statut de

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personne juridique à certains organismes pour leur permettre de
bénéficier de droit et de remplir certaines obligations.
Ces organismes sont de plusieurs sortes :
 En premier lieu, l’Etat est le plus important organisme de
l’administration. C’est d’abord lui qui détient la souveraineté sur
l’ensemble des sujets habitants son territoire.
 En second lieu, les collectivités locales dont le législateur
béninois n’en a créé qu’une seule forme : la commune.
 En troisième lieu, les organismes spéciaux créés pour gérer
certains aspects de l’intérêt général : un établissement public par
exemple.
Ces organismes s’appellent : personne administratives ou
personne morales de droit public. Les unes ont une assise
territoriale (Etat, commune etc.), les autres ont une assise de
spécialité se leur compétences (Etablissement public : faculté,
SONEB) et ne gèrent qu’une fraction du service public à laquelle
il est attribuée une personnalité morale. Chaque organismes
administrative ou personne administrative ou encore personne
morale de droit public est gérée par des organes internes à
chacun d’eux. On entend donc par organes administratifs, des
instances de pouvoir ou de compétence au sein d’une personne
administrative.
Traditionnellement, on distingue les organes exécutifs, les
organes délibérants, les organes de contrôle et les organes
juridictionnels. L’ensemble de ces organes constituent les
institutions administratives, qu’ils concernent les collectivités
territoriales (Etat et commune) ou les entités administratives
spéciales (les Etablissement publics).

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Notion de personnalité administrative
La personnalité juridique, c’est l’aptitude d’une personne
physique (individu) ou d’une groupement ou organisation à
être un sujet de droit. Le sujet de droit est titulaire de droit
et d’obligations. En droit, il existe deux types de personne
juridique. Les individus (personnes humaines) acquièrent
dès leur naissance la personnalité juridique. Mais on peut
également doter les groupements de cette aptitude à être
sujet de droit : on ne parle de personne moral.
Les organismes administratifs sont des personnes morales.
On les désigne par l’expression « personnes administrative ».
La personnalité administrative est alors l’aptitude d’un
organisme public administratif à être sujet de droit.

Paragraphe 2 : Les critères d’identification des personnes


administratives
On a tenté d’une manière ou d’une autre de définir les critères
permettant d’identifier les personnes administratives. Seulement
la vanité de cette entreprise s’est révélée dans l’insuffisance de
chaque critère à pouvoir identifier convenablement la réalité de la
personne administrative.
Pour certains, la personne administrative est une entité juridique
créée par une personne publique. Cela ne suffit pas car il faut
vérifier son but. Pour d’autres auteurs, la personne
administrative est celle dont le but est d’intérêt général. Cela ne
suffit pas encore et il faut vérifier la force de sa puissance.
Certains auteurs ne trouvent de personne administrative que
celle disposant de prérogatives exorbitantes de droit commun.

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Aucun de ces critères n’a de valeur absolue. Judicieusement,
l’identification de la personne administrative ne peut se faire
qu’au moyen d’un faisceau d’indices qui peuvent s’administrer
simultanément ou individuellement selon le cas. Si l’on se réfère
à la méthode cartésienne, pour surmonter les difficultés relatives
à l’identification des personnes administratives, il est tout simple
de se référer à l’instrument qui les a créées. A cet égard, la
qualification de la personne administrative peut tout aussi bien
résulter du texte de sa création ou des textes qui sont appelés à
la régir, soit que celui-ci définisse l’institution comme une
personne morale de droit public soit que ceux-là permettent de
dégager l’intention du législateur. Ce qui est certain est que les
institutions administratives sont donc de plus en plus générées
par les institutions politiques. Si certaines institutions sont
directement prévues par la constitution, d’autres par contre
émanent de la loi. Et, le pouvoir exécutif peut, pour les besoin
d’intérêt général, créer des institutions à qui il confie une
mission.
L’étude des institutions administratives s’insère dans ce sérail la
vie publique dans la société démocratique. Aussi bien les
organismes purement administratifs que ceux dotés du pouvoir
de trancher les litiges ou de rendre justice au nom de l’Etat
participent tout de la catégorie très large des institutions
publiques. Ces instituent un monde vivant : des personnes
morales (Etat, département, communes, établissements publics)
au nom desquelles agissement des personnes physiques émettent
des actes juridiques, contractent des droits et des obligations,
disposent de biens.

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Distinction des personnes administratives des individualités
administratives non personnalisées
Dans l’aménagement des institutions administratives, il est
parfois nécessaire de conférer partiellement les éléments de la
personnalité morale à certaines unités administratives sans pour
autant les doter de l’aptitude à être sujet de droit. Il en est ainsi
des ministères et de certains organismes administratifs dont les
statuts affirment qu’ils ne sont pas dotés de la personnalité
morale.
Les ministères ne sont pas une entité juridique distincte de
l’Etat. Ils n’agissent qu’au nom et pour le compte de l’Etat. La
signature des engagements pris par un ministre est l’expression
d’un pouvoir qui lui est délégué par le chef du gouvernement qui
représente l’Etat.
Distinction des personnes administratives territoriales des
collectivités de droit public non personnalisées
Pour savoir si une collectivité crée par le droit est une personne
administrative ou pas, il aura fallu simplement se référer aux
textes juridiques l’ayant créé.
Les collectivités territoriales trouvent leur base dans les lois sur
administration territoriale. Si les textes disent d’une entité
territoriale, qu’elle est dotée de la personnalité juridique ou
administrative, cela suffit pour comprendre qu’il s’agit d’une
personne administrative. Lorsque les textes sont restés muet ou
refusent une telle aptitude juridique à l’entité, on est alors en
présence d’une collectivité de droit public non personnalisée. Tel
est le cas des arrondissement et des quartiers et villages en Droit
béninois.

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Au-delà de ces clarifications, convient-il de souligner que les
règles et principes qui gouvernent, la vie des institutions
administratives sont les fruits d’une évolution lente dans le cadre
du système français d’administration publique dont a hérité le
droit béninois. Par conséquence, il faut bien voir dans les
institutions administratives, des institutions de la sphère
publique.
Section 2 : Les institutions administratives, institutions de
la sphère publique.
La vie des institutions administratives se déroule dans un
univers particulier : les problèmes d’administrations ne sont pas
eux-mêmes spécifiques. Administrer c’est gérer ; c’est appliquer
des règles à des situations, c’est prendre des mesurer ; c’est
trouver des solutions aux problèmes ; c’est également créer, sans
le vouloir, des problèmes. La gestion des affaires publiques
soulèvent au même titre que celles des organisations privées des
problèmes similaires. Mais ici, les problèmes sont résolus de
façon spécifique en raison du caractère d’intérêt général de
l’activité administrative.
Aux règles du droit privé fondées sur l’égalité des sujets de droit,
se substitue un droit à base d’inégalités appelé tantôt droit du
service public tantôt droit de la puissance publique.
L’administration, en raison de la mission d’intérêt général dont
elle est invertie, dispose de prérogatives exorbitantes du droit
commun, celles-ci la placent en position de supériorité par
rapport aux administrés.
Didier TRUCHET affirme que :<< La puissance publique
s’exprime par des pouvoirs ou des prérogatives qui sont propres à

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l’Administration : les prérogatives de puissance publique. Elles
s’imposent dans l’intérêt général aux personnes privées >>. Avant
tout, cette force qui caractérise l’Administration ne découle que
de la volonté politique des dirigeants dont il est parfois difficile
d’identifier la casquette administrative pure et la casquette
politique. Mais cela n’implique guère une politisation de
l’administration car, au sien de l’appareil de l’état, les institutions
administrative bénéficient d’une autonomie statutaire pour mieux
asseoir leurs compétences techniques.
En tout état de cause, comme les institutions politique qui
gouvernent la cité ou qui l’animent, les institutions
administratives sont des institutions de la sphère publique. Cette
commune appartenance à un même univers introduit des
relations entre ces deux catégories. Les institutions
administratives dépendent des institutions politiques tout en
demeurant distinctes.
Paragraphe1 – Rapport entre institutions politiques et
institutions administratives
Les institutions politiques ont des influences certaines sur les
institutions administratives. Cette relation découle de diverses
données. Les institutions administratives ne sont pas animées
par une philosophie spécifique. Les institutions administratives
sont réglées par un droit spécifique, mais il n’existe pas de droit
pur.
A- Les influences
Les institutions juridiques dépendent toujours de certaines
idéologies, d’une certaine conception philosophique et les
institutions politiques et administratives n’échappent pas à cette

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règle. Les impliquent, toutes deux, certaines options quant au
droit conféré à la puissance publique, quant aux relations qui
s’établissent entre celle-ci et les citoyens. Les choix opérés sur ce
point dans le texte constitutionnel peuvent pas ne pas réagir sur
les institutions politique, ils ne connaissent pas les mêmes
institutions administratives. Dans un milieu donné, ce sont, en
règle générale, le même principe qui inspire la construction des
institutions politiques et des institutions administratives.
1-Les institutions administratives n’ont pas de finalité
propre.
Les institutions administratives ne trouvent pas leur finalité en
elles même.
Elles doivent agir dans l’intérêt général, tel qu’il est défini par les
organes politiques. Les institutions administratives ont pour but
de permettre à la volonté politique de se concrétiser, d’entrer en
application de manière effective. Il ne suffit pas au parlement de
voter une loi définissant les règles sur le recrutement dans
l’année, il faut qu’il existe un service administratif pour établir les
listes de recrutement, un autre pour enrôler effectivement les
recrues ou les contraindre à se présenter en utilisant au besoin
la forme publique. L’administration est ainsi le moyen
d’exécution de la décision politique. Il lui appartient d’en définir
les modalités d’application et de mettre son appareil à son service
pour en Assurer la réalisation. Cette subordination de
l’administration au pouvoir politique est assurée de manière
organique.
2- Le rattachement de l’Administration au pouvoir exécutif

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Traditionnellement, l’administration est rattachée au pouvoir
exécutif et les organes du pouvoir exécutif (Président de la
République, Premier ministre, ministre), c’est-à-dire des organes
politiques, sont en même temps les chefs de l’administration. Ils
peuvent ainsi, grâce à l’autorité dont ils disposent sur elle,
assurer que la décision politique sera effectivement appliquée par
l’administration.
B- L’autonomie des institutions administratives
Malgré leur dépendance à l’égard des institutions politiques, les
institutions administratives possèdent une certaine autonomie,
qui peut s’expliquer par des considérations sociologiques et
juridiques. Si d’un point de vue sociologique l’Administration
publique forme un monde à part, au plan du droit, il n’est
toujours pas aisé de faire une nette démarcation entre les rôles
du gouvernement et ceux de l’Administration. On peut donc
parler d’une relative autonomie des institutions administratives.
1- L’Administration publique, un monde particulier

Sociologiquement, l’administration a tendance à former un milieu


particulier replié sur lui-même, rebelle aux interventions des
organes politiques. Le recrutement particulier des fonctionnaires,
les compétences qui leur appartiennent, l’aptitude technique
qu’ils possèdent les amènent à faire prédominer, de préférence,
dans la gestion des affaires publiques, leur volonté sur celle du
pouvoir politique.
Cette tendance est renforcée par le rattachement de
l’administration au pouvoir exécutif. Très souvent, ce dernier n’a
pas de volonté politique particulière et il s’en remet à

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l’administration qui, au lieu d’exécuter, décide et acquiert une
volonté propre. Ce caractère n’est pas très affirmé dans les
régimes, où l’essentiel du pouvoir est concentré dans l’Assemblée
et où l’exécutif a vraiment pour mission de faire exécuter la
volonté politique de l’assemblée. Il est en revanche très accusé
dans les régimes, de plus en plus nombreux aujourd’hui, qui
dotent l’exécutif d’importantes prérogatives et en font un pouvoir
autonome. L’administration dispose alors d’une très grande
autonomie, dans la mesure, évidemment, où les organes
politiques, qui sont à sa tête, la laissent disposer de prérogatives
dont ils sont en droit pur les titulaires.
2- Les difficultés de démarcation des rôles

Juridiquement, le clivage entre la décision qui reviendrait aux


organes politiques et l’application effective de celle-ci, qui serait le
fait de l’administration ne peut s’effectuer de manière nette.
Entre la décision de déclaration de guerre, éminemment
politique, et l’envoi d’un convoi de munitions en tel point du
front, qui relève des organes d’exécution, s’intercalent quantité
d’acte, dont il est difficile de déterminer à priori la nature
politique ou administrative. Cette absence de séparation nette
entre la politique et l’administratif conduit les institutions
administratives à sortir de leur rôle d’instrument d’exécution,
beaucoup plus qu’elle n’amène les institutions politiques à
entreprendre sur les prérogatives des administrateurs.
Si les institutions administratives modernes se dégagent, à partir
de 1789, c’est parce que les révolutionnaires, ne se sentant plus
liés par le passé, détruisent tous les archaïsmes contenus dans

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les structures de l’Ancien Régime. Ils débarrassent la
personnalité de l’Etat de la conception féodale qui continuait
jusqu’alors à l’obscurcir. Enfin et surtout, le nouveau principe de
la souveraineté nationale qui remplace l’idée de la souveraineté
monarchique, implique une révision fondamentale des structures
administratives qui existent jusqu’alors.
Paragraphe2 : Genèse des institutions administratives
L’histoire des institutions administratives remonte à l’ancien
régime en France où la royauté s’était efforcée à mettre sur pied
au début du 18e siècle une administration dite moderne avec la
création de certains corps d’agents publics au service de la
royauté (intendants, commis des ponts et chaussées, etc.).
Mais, c’est fondamentalement en 1899 qu’il faut situer la genèse
d’une administration de type républicain instaurée par les
acteurs de la Révolution française avec des principes directeurs
qui vont demeurer jusqu’à nos jours mais dont l’application
pratique a été freinée ou modulée au fil des âges sous l’effet de
l’avènement de l’Etat de droit, la démocratie et
l’interventionnisme étatique qui a détrôné l’Etat libéral. Au fait
depuis la Révolution française, les principes fondamentaux sont
les mêmes mais ils n’ont pas recouvert en tout le même contenu.
A- Les principes directeurs des institutions administratives
issus de la Révolution française

La pensée révolutionnaire a introduit dans la culture


institutionnelle française l’idée de séparation des pouvoirs et la
nécessité de protéger les libertés contre l’arbitraire. Ces idées ont
servi de fondements à l’émergence des principes directeurs des

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institutions administratives. Le premier principe est la
soumission à la loi. Le second est l’autonomie de l’administration.
1- Le principe de soumission à la loi.

Le législateur représentant la volonté générale est considéré avec


bienveillance. On estime qu’il est le meilleur garant des libertés
individuelles. Il en résulte une confiance illimitée placée en lui et
par conséquent la majesté de la loi et l’absence de tout contrôle
sur elle. Il en résulte surtout l’idée de la subordination de tous et
de tous les pouvoirs et notamment celle de l’exécutif à la loi.
Cette idée a pour corollaire le principe affirmé par les
constituants, selon lequel le pouvoir législatif possède un
monopole dans l’édition des règles de droit générales et
impersonnelles, principe qui aboutit à refuser au pouvoir exécutif
la possibilité de pendre des règlements.
« Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire,
mais seulement des proclamations conformes aux lois pour
ordonner ou en rappeler l’exécution ».
2- Le principe de l’autonomie du pouvoir administratif

La séparation des pouvoirs a pour conséquence l’affirmation d’un


pouvoir exécutif autonome auquel l’administration se trouve
rattachée.
Dans la constitution du 3 septembre 1871, le Roi, titulaire du
pouvoir exécutif, est le chef suprême de l’administration et au
soin de veiller au maintien de l’ordre et de la tranquillité publique
(prérogative de police), à l’exécution de la lois.il est le chef
suprême de l’armée de terre et de l’armée navale. Il nomme les

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principaux agents publics, il fait délivrer les lettres patentes,
brevets et commissions aux fonctionnaires publics.
Sous le régime de la Convention, malgré la confusion des
pouvoirs, en fait, un pouvoir exécutif apparait dans les comités
de (Salut Public) et il exerce des pouvoirs de même nature que
ceux conférés du Roi en 1871. La constitution de l’an III ratifie
ces pratiques en restaurant le pouvoir exécutif dans des termes
voisins de ceux du texte fondamental de 1871.
Sous tous ces régimes, malgré les dispositions constitutionnelles
et les actes des Assemblées, l’exécutif exerce l’absence
d’invitation du législateur. Ce dernier, malgré sa volonté de tout
embrasser, est obligé de fermer les yeux sur ces interventions de
l’exécutif quand il ne les sollicite pas.
L’administration naît, du fait de la séparation des pouvoirs, dans
la mouvance du pouvoir exécutif. Chargée de veiller à l’exécution
des lois, elle doit également faire respecter l’ordre et la
tranquillité publics. Elle dispose d’une certaine prérogative de
réglementation et, le cas échéant, de la force publique. Les
révolutionnaires veillent à la sauvegarde en droit du principe de
séparation des pouvoirs et de l’autonomie du pouvoir exécutif qui
en résulte.
Aussi défendent-ils aux tribunaux judiciaires de s’immiscer dans
l’action des administrations. Les litiges administratifs ne peuvent,
dès lors, être résolus que par l’administration elle-même. C’est là
une des conséquences les plus curieuses de cette séparation des
pourvois. Etablie pour garantir la protection des droits
individuels, elle aboutit à les compromettre. L’administration se
trouve juge et partie.

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B- Les principes directeurs de l’administration
contemporaine

La soumission au droit et à la règle de droit ainsi que l’adaptation


continue aux mutations intervenues dans la vie socio-
économique et culturelle sont de nouveaux repères de
l’administration contemporaine.
1- L’Etat de droit et la primauté de la loi

C’est la protection du citoyen contre l’arbitraire de


l’administration qui est le point de mire de l’ensemble du système
administratif aujourd’hui. Elle est d’ailleurs d’une légitimité
constitutionnelle. Déjà le préambule de la constitution du 11
décembre 1990 affirme la détermination du peuple béninois de
créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste dans lequel les
droits fondamentaux de l’homme, les libertés publiques, la
dignité de la personne humaine et la justice sont garantis,
protégés et promus comme condition nécessaire au
développement véritable et harmonieux de chaque béninois tant
dans sa dimension temporelle, culturelle que spirituelle. Cette
disposition préambulaire conduit à une subordination de
l’administration au droit et au juge.
Cela est davantage renchéri par la possibilité accordée au citoyen
de saisir la Cour constitutionnelle contre les actes règlementaires
censés porter atteintes aux droits fondamentaux de la personne
humaine et aux libertés publiques.
En tout état de cause, le constituant béninois appelle tous les
citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction

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publique à l’accomplir avec conscience, compétence, probité,
dévouement et loyauté dans l’intérêt et le respect du bien
commun. C’est une donne qui encadre sérieusement l’action des
autorités administratives.
2- L’adaptions aux mutations

Aujourd’hui l’Etat est interventionniste. L’Administration l’est


davantage. L’intérêt général a pris de nouvelles formes suite aux
bouleversements intervenus dans le monde économique et
socioculturel.
Les institutions administratives .doivent s’adapter
continuellement aux mutations intervenues dans leur
environnement. Egalité, continuité et adaptabilité sont devenues
une triarchie intégrée qui gouverne la gestion administrative.
Les institutions administratives emploient un personnel diversifié
et nombreux. Cependant, ce sont quelques uns seulement les
hommes mis au service des institutions qui disposent réellement
du pouvoir de prendre des décisions. Ces personnes s’appellent
les autorités administratives.
On entend par autorité administrative un organe ou agent qui a
le pouvoir d’édicter des actes administratifs unilatéraux au nom
de la personne morale à laquelle il appartient. A la recherche des
critères d’identification des autorités administratives, on se réfère
aux textes qui les instituent ou aux règles dégagées de la
jurisprudence administrative à ce propos.
Le fait de disposer du pouvoir réglementaire est le premier des
critères. C’est d’ailleurs le plus déterminant. Ainsi, sont exclus de
la catégorie des autorités administratives, les organes et agents

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qui n’ont qu’une tâche de préparation, de conseil, d’application
ou d’exécution. De même les organes consultatifs qui n’ont
aucun pouvoir de décision ne sont pas des autorités
administratives.
Pour mieux comprendre le monde des institutions de
l’administration centrale de l’Etat, il convient de s’intéresser
d’abord aux autorités qui les représentent et les services qu’elles
dirigent.
Section 1 : Les autorités centrales de l’Etat
Le président de la république et les ministres sont les autorités
administratives centrales.
Paragraphe 1. Le président de la république
La direction de l’Administration appartient au Président de la
République en vertu des dispositions de l’article 54 de la
constitution du 11 décembre 1990.
A- En temps normal

En temps normal, le président de la république participe de trois


manières à l’administration publique :
1- Le contrôle de l’action administrative au niveau le plus
élevé

Selon les dispositions de l’article 54 de la constitution du 11


décembre 1990, le pouvoir réglementaire général appartient au
président de la république. Le domaine du règlement est précisé
par l’article 100 de la même constitution qui dispose que : les
matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire. Il s’agit d’un pouvoir réglementaire

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autonome qui signifie que les règlements peuvent être pris de
manière initiale par le président de la république pour régler des
affaires qui ne relèvent pas du domaine de la loi tel que délimité
par l’article 98 de la constitution.
Mais la loi peut prévoir des règlements d’application qui ne sont
pas du règlement autonome. Ainsi, en vue de l’exécution d’une
loi, le législateur peut avoir prévu que telle ou telle autorité
administrative devra prendre un acte d’application (un décret ou
un arrêté).
2-La nomination des ministres, responsables des départements
ministériels, et plus hauts emplois civils et militaires ;
2- L’exercice du haut commandement militaire

Etant le chef suprême des armées, et en président à ce titre le


conseil supérieur de la défense nationale le président de la
république dispose du pouvoir d’engager les troupes au front.
B -En période exceptionnelle
Le président de la république, en utilisant les articles 102 et 68
de la constitution du 11 décembre 1990, peut démontrer qu’il est
le véritable chef de l’administration par la force des mesures qui
sont –normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis
de la cour constitutionnelle. Elles entrent en vigueur dès leur
publication mais deviennent caduques si le projet de loi de
ratification n’est pas déposé devant l’Assemblée Nationale avant
la date fixée par la loi d’Habitation.

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1. A L’expiration du délai mentionné au premier alinéa du
présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées
que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif).
Paragraphe 2.Les ministres
Les membres du gouvernement s’appellent ministres. Mais il faut
faire la nuance entre Premier Ministre et ministre.
A- Le statut du Premier Ministre

Le statut du premier ministre varie selon les régimes.


1- Dans les régimes parlementaires ou semi-présidentiels :
exemple de la France

Dans les régimes ou le Premier Ministre est


constitutionnellement établi, il est chef du gouvernement. En
cette qualité, en temps normal, le premier ministre dirige l’action
du gouvernement et est responsable de la défense national.
Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation,
dispose de l’administration et de la force armée.
C’est le premier ministre qui est donc formellement le chef de
l’administration. Il est, notamment, chargé de la coordination des
différents services, de l’arbitrage entre les ministres et de
l’impulsion générale du gouvernement.
Le premier ministre a l’initiative des lois dont il assure l’exécution
et exerce le pouvoir réglementaire, sous réserve des pouvoirs du
chef de l’Etat L’exécution les lois comprend des tâches diverses
comme la publication des lois, l’emploi de la contrainte pour faire
respecter leur exécution, plus généralement le maintien de

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l’ordre, l’organisation et le bon fonctionnement des services
publics.
Le Premier Ministre nomme aux emplois civils et militaires
supérieurs, sous réserve des pouvoirs du président de la
république.
Les actes du primer ministre (décrets, arrêtés) sont contresignés,
le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution.
2- Dans le système béninois : premier ministre, ministre
d’Etat …

Au Bénin le régime politique est de type présidentiel. C’est le


Président de la République qui est à la fois, chef de l’Etat et chef
du gouvernement. Il n’y a donc pas de place à un poste de
premier ministre chef du gouvernement. Cependant, le Président
de la République en tant que chef du gouvernement a la faculté
de nommer un ministre à qui il attribue discrétionnairement le
titre de premier Ministre. Ce Premier Ministre n’est pas chef du
gouvernement. Mais il peut s’occuper de la coordination de
l’action gouvernement ale et bien d’autres affaires selon le bon
vouloir du chef du gouvernement.
En lieu et place d’un premier Ministre, le président de la
République, chef du gouvernement peut nommer des ministres
d’état, attribution honorifique accordée à certains membres de
gouvernement en raison de la personnalité qui les remplit ou du
degré de confiance ou de technicité des collaborateurs nommés.
Premier ministre et ministre d’Etat sont tous des ministres et
exercent leur fonction sous la responsabilité du Président de la
république.

23
B - les ministres
Les ministres ont un double rôle, politique et administratif :
Politique en tant que membres du gouvernement et administratif
en tant que responsable de service ministériels (ministères,
départements ministériels).
Ils sont les supérieurs hiérarchiques de leurs administrations et
exercent donc le pouvoir disciplinaire sur les personnels.
Ils prennent les décisions concernant la gestion des services, la
conclusion des contrats, et représentent l’Etat en justice pour les
affaires qui relèvent de leur compétence.
Ils exercent le pouvoir réglementaire sous la forme d’arrêtés et de
circulaire réglementaires. Dans l’exercice de leurs compétences
ils sont soumis à l’arbitrage du Premier Ministre et du président
de la République (cas de la France) ou seulement du Président de
la République (cas du Bénin).
Les ministres délégués et secrétaires d’Etat auprès du Président
de la République, ils ne sont pas autonomes.
Section 2 : les services de l’Administration de l’Etat
Les administrations civiles de l’Etat se composent généralement
d’administrations centrales et de services déconcentrés.
Désormais, les administrations centrales n’ont plus en principe,
qu’une compétence d’attribution : leurs attributions sont
subsidiaires par rapport aux attributions des services
déconcentrés qui sont de droit commun.
Sont confiées aux administrations centrales les missions qui
présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu de
la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial. Ace titre elles
assurent au niveau national un rôle de conception, D’animation,

24
d’orientation, d’évaluation et de contrôle. Elles participent à
l’élaboration des projets de loi et de décret, préparent et mettent
en œuvre les décisions du gouvernement et de chacun des
ministres.
Stricto sensu les administrations ne comprennent pas les
services de la présidence de la République. Mais du fait de leur
importance, notamment lorsque la présidence de la république
peut s’appuyer sur une majorité parlementaire, on ne peut les
oublier.
Paragraphe 1- Les services de l’administration centrale de
l’Etat
Il faut faire une distinction entre les services de la présidence et
le département ministériel.
A- Les services de la présidence de la République et de la
Primature

1- Le secrétariat général de la Présidence/ Secrétariat


Général du

Gouvernement
Le secrétariat général a un rôle très important. Il est doté d’une
compétence générale pour étudier les affaires qui sont soumises
par le Président de la République pour préparer les décisions et
veiller à leur exécution.
Il est dirigé par un secrétaire général, éventuellement assisté d’un
secrétaire général adjoint, et comprend des conseillers techniques
et chargés de mission. Les conseillers techniques sont
généralement chargés de superviser plusieurs ministres et les

25
chargés de mission, sous la responsabilité d’un conseiller
technique, suivent généralement les affaires d’un ministère.
Le secrétariat général du gouvernement a été en France en 1935.
Il est dirigé par un secrétaire général et comprend des chargés de
mission. Il prépare le travail gouvernemental, notamment les
réunions interministérielles et les conseils des ministres. Il est
l’intermédiaire permanent entre les ministères et le chef du
gouvernement. Il accuse réception des projets de lois et des actes
à délibérer en conseil des ministres. Il veille à l’exécution des
décisions du conseil et se charge de leur publicité. Il informe
juridiquement les ministres sur les textes applicables.
2- Le cabinet du Président et ses collaborateurs spécialisés

Le Cabinet du Président de la République est composé de deux


entités : le Cabinet civil et le Cabinet militaire.
a- Le Cabinet civil

Dirigé par un directeur de cabinet assisté d’un chef de cabinet il


est chargé d’organiser la vie quotidienne, privée et publique, du
président de la République (budget, gestion du personnel,
audiences, réceptions, déplacements, sécurité, communication,
etc.…).
Des conseillers techniques et /ou chargés de mission spécialisés
peuvent travailler au sein du cabinet et traiter certaines affaires
techniques (par exemple, décentralisation et aménagement du
territoire).
Le secrétariat particulier s’occupe notamment du courrier
Le Cabinet Militaire

26
Dirigé par un général et comprenant des officiers supérieurs il
conseille le président de la République qui est
constitutionnellement responsable de la défense nationale.
En France, le président de la république a un cabinet civil et
dispos d’un Etat-major particulier tandis que le Premier Ministre,
responsable de la défense dispose d’un Cabinet militaire aux
côtés de son Cabinet civil.
NB : De nombreux service sont rattachés à la Présidence ou à la
primature selon le cas, soit directement soit par l’intermédiaire
d’un ministre délégué ou un secrétaire d’Etat. Il s’agit de : la
direction des journaux Officiels, le service d’information et de la
documentation.
B- Les ministères et départements ministériels

Tous les services administratifs de l’Etat sont, sauf exceptions,


rattachés à un ministère ou secrétariat d’Etat.
1- Le cabinet
Il est composé des collaborateurs personnels directs du ministre
ou du secrétaire d’Etat, avec un directeur de cabinet, un chef de
cabinet, des conseillers techniques, des chargés de mission, des
attachés. Le cabinet est chargé de préparer les décisions du
ministre ou du secrétaire d’Etat et de veiller à ce qu’elles soient
exécutées par les services administratifs.
2 LES directions et services

Les bureaux, comprenant des agents publics dirigés par des


sous-chefs et chefs de bureaux, peuvent être regroupés en
sections constituant une sous-direction, ou constituent

27
directement une sous-direction. Les sous-directions sont
regroupées dans un service ou une direction. Les services et
directions, dirigés par un chef de service ou directeur, peuvent
être rattachés à un secrétariat général, dirigé par un secrétaire
général, ou une direction générale, dirigée par un directeur
général.
Le ministre, lorsqu’un texte le prévoit expressément, peut
déléguer sa compétence et sa signature aux directeurs ou chefs
de service, qui peuvent sous-déléguer aux sous-directeurs, qui
peuvent sous-déléguer aux chefs de bureaux.
Paragraphe 2- Les services déconcentrés de d’Etat
Les services déconcentrés gèrent les missions étatiques qui ne
relèvent pas de la compétence des administrations centrales, leur
compétence est de droit commun. Les services déconcentrés de
l’Etat sont les services administratifs des diverses
circonscriptions administratives de l’Etat qui subdivisent le
territoire national : (départements, communes, arrondissements).
Ils sont de deux catégories : les services à compétence générale.
A – les services déconcentrés à compétence spéciale
Il s’agit des services déconcentrés des différentes administrations
centrales qui sont généralement regroupés au niveau
départemental ou au niveau régional dans des directions ou
services. Une organisation particulière subsiste pour la justice
(ressort des cours d’appel, l’éduction (académies) et les armées
(Délégations militaires départementales).
Les préfets sont les représentants directs de chacun des
ministres ou secrétaires d’Etat dans leur circonscription
respective avec les exceptions suivantes : -les tribunaux

28
judiciaires (procureur général), les tribunaux administratifs, les
chambres régionales des comptes, les services de l’inspection du
travail lorsqu’ils assument des fonctions d’application du droit du
travail (directeur) ;
- Les services fiscaux (directeur), les services comptables
(trésorier-payeur général) ;
- le recteur et l’inspecteur d’académie ; échappent à l’autorité du
préfet pour ce qui concerne les missions pédagogiques
d’éducation, mais relèvent de son autorité pour ce qui est de la
programmation des équipements.

Enfin, pour des raisons opérationnelles les services des armées


échappent totalement à l’autorité du préfet. Au Bénin des
Délégués militaires de département sont nommés pour
coordonner le service militaire au niveau des départements.
B- Les services déconcentrés à compétence générale

L’Administration territoriale de l’Etat s’exerce dans le cadre du


département.
1- Le département, circonscription administrative de l’Etat

Le législateur béninois a prévu un niveau de déconcentration du


pouvoir d’Etat : c’est le département. Le département est la
circonscription administrative de l’Etat en République du Bénin.
Il ne jouit ni de la personnalité juridique, ni l’autonomie
financière.
Le Bénin est divisé en douze départements administrés par des
représentants de d’Etat, les préfets.

29
Les préfets sont assistés d’une Conférence Administrative
Départementale et appuyés par un Conseil Départemental de
Concertation et de Coordination.
Le service déconcentré général de l’Etat au niveau départemental
s’appelle préfecture.
2- Le préfet

Le préfet est nommé dans la fonction par décret du président de


la République en conseil des ministres. Le préfet dépend
totalement du gouvernement. Il relève hiérarchiquement du
Ministre chargé de l’administration territoriale. Il est nommé par
décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre
dont il relève. Mais dans la pratique, étant entendu que le Préfet
représente le Chef du Gouvernement au niveau départemental
dans l’exercice des fonctions administratives, c’est le Chef de
l’Etat qui choisit dans la plupart des cas ses préfets. La
proposition du ministre de tutelle peut n’être qu’une formalité de
trompe-oeil.
Le préfet est à la fois le représentant juridique de l’Etat dans le
département et le représentant politique du gouvernement, qu’il
informe et dont il exécute la politique, notamment économique et
sociale.
Il est assisté dans l’exercice de ses fonctions d’un secrétaire
général, des chefs des services déconcentrés de l’Etat (Directeurs
départementaux des ministères sectoriels), ainsi que des services
de la préfecture’’.
Le préfet dirige les services administratifs de l’Etat.

30
Pour faire exécuter les lois et règlements, le préfet dispose de ses
propres services administratifs et assure la direction, sauf les
exceptions indiquées ci-dessus, des services déconcentrés
spécialisés. Il est l’unique ordonnateur secondaire des dépenses
de l’Etat dans le département. Il assure la gestion des biens
immobiliers et mobiliers de l’Etat dans le département. Il préside
de plein droit toutes les commissions des services de l’Etat dans
le département. Il nomme certains agents publics et est
préalablement informé quant à la nomination des autres. Il
propose les notations des chefs de services déconcentrés. Le
préfet coordonne sous l’autorité des ministres concernés, les
services déconcentrés des administrations civiles de l’Etat dans le
département, à l’exception des organes judiciaires, des receveurs
départementaux des finances dans leurs fonctions de comptables
publics et du délégué du contrôleur financier en matière de
contrôle des finances de l’Etat.
La gendarmerie et la police sont placées sous l’autorité du préfet,
dans leur mission de sécurité et de maintien de l’ordre ainsi que
les unités concourant au secours dans leur mission de protection
civil.
Le préfet de département préside la conférence administrative
départementale. Constitué par le collège des directeurs et chefs
des services déconcentrés de l’Etat.
3- La conférence administrative

La conférence administrative départementale est un organe de


proposition, de mise en cohérence et de suivi des actions et
activités des structures déconcentrées de l’Etat au niveau du

31
département. Elle examine les conditions de mise en œuvre
des politiques de l’Etat dans le département et notamment les
conditions d’organisation et de fonctionnement des services.
Selon les dispositions du décret organique, la conférence
administrative départementale se réunit obligatoirement une fois
par mois. Elle peut avoir des réunions extraordinaires en cas de
nécessité soit à l’initiative de son président, soit à la demande de
la moitié au moins de ses membres.
Les activités de la conférence administrative départementale font
l’objet d’un rapport trimestriel par le Préfet au Ministre chargé de
l’administration territorial avec ampliation aux autres ministres.
Il ne faut pas confondre la conférence administrative, un outil au
service de la déconcentration avec le Conseil départemental de
concertation et de coordination qui lui est un organe au service
de la décentralisation.
4- Le Conseil départemental de concertation et de
coordination

Il est obligatoirement consulté sur les programmes de


développement économique, social et culturel des communes et
sur la mise en cohérence de ceux-ci avec les programmes
nationaux.
Le Conseil départemental de concertation et de coordination est
présidé par le préfet du département et est composé en outre des
maires de toutes les communes relevant du département et leurs
adjoints, un représentant de l’Union départementale des
producteurs, un représentant de la chambre consulaire

32
départementale, un représentant de la fédération départementale
des associations des parents d’élèves.
Il se réunit en deux sessions ordinaires par an. Toutefois, il peut
être convoqué en session extraordinaire sur convocation du
préfet. Aucune session ne peut excéder trois jours.

33
LA JUSTICE COMME FONCTION ESSENTIELLE DE L’ÉTAT

Il faut que l’État organise une manière de gérer les litiges,


trancher les prétentions respectives des parties quand elles
estiment que leurs droits ont été bafoués. La fonction de juger est
assurée par un service public, car la justice sert à satisfaire un
intérêt général. Il est donc nécessaire qu’une personne
impartiale, qui tire de la loi ses pouvoirs, vienne se prononcer sur
les prétentions respectives des parties : la jurisdictio. Cela
renvoie à l’imperium, le fait que l’État puisse imposer le respect
d’une décision : la décision est assortie d’une décision exécutoire.
L’article 4 du code civil sanctionne le juge qui se soustrairait à
son devoir de juger : interdiction du déni de justice. « Le juge qui
refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de
l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de
déni de justice. »

LA NOTION D’INSTITUTION JUDICIAIRE.

Les institutions judiciaires ont pour caractéristique de


prendre des actes juridictionnels. Ce sont des jugements ou des
décisions, des arrêts, voire des sentences. Ce qui en fait la
caractéristique est qu’elles sont assorties de l’autorité de la chose
jugée : une fois le litige tranché, cette décision s’impose de
manière définitive aux parties, une fois toutes voies de recours
épuisées. Elles sont exécutoires, on pourra en obtenir l’exécution,
par la force si nécessaire. Par cette décision juridictionnelle le

34
juge tranche un litige, terme non synonyme de « différend. » Un
litige est l’opposition de prétentions en vertu d’une règle de droit.
Le juge tranche ces litiges, ce qui va permettre une certaine
cohérence du droit national dans la mesure où la loi est la même
pour tous. L’institution juridictionnelle peut renvoyer à
l’ensemble des juridictions : cours et tribunaux. On distingue
alors trois types de justice, correspondant à trois types de litige
pouvant survenir dans un État :
- Justice civile : tranche un litige entre deux particuliers.
Elle renvoie les particuliers devant des tribunaux civils comme le
TI, le TGI, et au sommet la cour de cassation. - Justice
administrative : justice qui tranche les litiges entre l’État (l’État
central, les administrations locales etc.) et les particuliers.
Elle est mise en œuvre par les tribunaux administratifs qui ont à
leur tête le Conseil d’État.
- Justice pénale : entre l’État et un particulier. Réprime les
infractions pénales qui ont pu être commises sur le territoire de
l’État par l’application d’une sanction. Il y a les tribunaux de
police pour les infractions les moins importantes, les tribunaux
correctionnels, la cour d’assise et enfin la cour de cassation en sa
chambre criminelle.
On doit classer ces trois justices en deux ordres : un ordre
administratif et un ordre judiciaire (justice civile et pénale,
avec à leur tête la cour de cassation.) Ces deux grands ordres
sont nettement séparés afin de mieux respecter la séparation des
pouvoirs dans la mesure où l’on veut éviter que le juge judiciaire
se prononce sur les actes de l’administration. Le tribunal des

35
conflits est destiné à trancher les litiges de compétences entre le
juge judiciaire et le juge administratif.
Il faut aussi évoquer les autorités administratives
indépendantes. L’institution juridictionnelle renvoie aussi aux
caractéristiques communes, des principes communs à ces
différents types de juridiction. Cela renvoie aussi à tous les
acteurs de la justice, qui contribuent à l’élaboration du jugement.
Nos institutions judiciaires vont être régies par des textes
propres. Les institutions judiciaires sont régies par le Code de
l’Organisation Judiciaire (COJ) et le Nouveau Code de Procédure
Civile (NCPC.) On peut aussi trouver le code du commerce ou le
code du travail (notamment au niveau des prud’hommes.) Les
principes qui gouvernent la justice civile ont souvent émané au
départ de la jurisprudence. Depuis 2000 existe comme source
écrite du droit administratif un code de la justice administrative
en matière administrative. En matière pénale, on utilise le code
de procédure pénale. Des principes ne sont pas codifiés, comme
ceux qui relèvent du statut des magistrats de l’ordre
administratif, dont le statut est régi par une ordonnance.
La justice étatique que l’on vient de décrire est celle qui tranche
les litiges en droit, mais il y a d’autres manières de trancher les
litiges en France comme au Bénin: les modes alternatifs de
règlement des litiges (MARL).
La conception libérale du monopole de la justice étatique.
Dans une optique libérale, l’État admet que certains litiges
puissent être tranchés par les particuliers eux-mêmes.
Modes Alternatifs de Règlement des Litiges : MARL.

36
1) Les modes alternatifs de règlement des litiges.

Le juge tranche normalement les litiges en droit, mais ce mode de


règlement n’est pas obligatoire. Cela renvoie donc à la
conciliation, à la médiation et à l’arbitrage. La phase de
conciliation, dans la période révolutionnaire, était obligatoire
avant tout passage devant la justice. Mais cela est vide apparu
idéaliste et ces modes alternatifs de règlement des litiges ne sont
donc plus obligatoires, sauf principalement en matière de
prud’hommes. Ces dernières années, devant l’engorgement des
tribunaux, le législateur est venu favoriser ces MARL.
On a concilié la médiation et la conciliation d’une part, et
l’arbitrage d’autre part. La médiation et la conciliation sont des
modes non juridictionnels de règlement des litiges, au contraire
de l’arbitrage.
a) La médiation et la conciliation comme modes non
juridictionnels de règlement des litiges.
Ce sont des techniques de rapprochement des points de vue des
parties qui aboutissent à un acte qui sera une convention ou une
renonciation, mais n’étant pas des actes juridictionnels.
On a voulu avoir recours à ces modes non juridictionnels de
règlement des litiges car parfois le différend n’est pas d’ordre
juridique et peut renvoyer à des questions matérielles. Si l’on
prend l’hypothèse d’une grève, conflit et non litige, on ne
demande pas l’application du droit en vigueur auquel on préfère
une discussion à l’amiable. De même, quand deux personnes ne
lisent pas la règle de droit de la même manière, il peut parfois
sembler plus opportun de tenter un rapprochement des points de

37
vue. De plus, il est parfois préférable de résoudre un litige
autrement qu’en droit. On peut aussi observer que la justice se
contractualise de plus en plus : de plus en plus de tentative pour
parvenir à des solutions d’accord entre les parties. Jean
Carbonnier (juriste français du 20ème siècle) dénonçait cette
fascination pour les MARL. En 2001, les maisons de la justice et
du droit ont été instituées dans le ressort des TGI, afin que les
justiciables profanes puissent avoir des connaissances plus
étendues de leurs droits pour permettre une solution à l’amiable.
Modes non juridictionnels de conciliation : le juge est parfois
associé à ces modes alternatifs. Ils peuvent prendre une forme
judiciaire ou extrajudiciaire.
Les formes de conciliation judiciaire : Tout juge peut tenter
d’opérer un rapprochement des parties (article 12 du NCPC.) S’il
réussit, il constatera que le litige n’existe plus et par conséquent
ne se prononcera pas par voie de jugement. Dans les institutions
comme le TI, les tribunaux de proximité ou les prud’hommes, il y
a un préalable de formation de conciliation avant d’entrer en
phase de jugement. Le juge peut aussi nommer un conciliateur
judiciaire (depuis 1978), qui est un tiers désigné par des juges et
qui aidera les parties à rapprocher leurs points de vue afin de
trancher le conflit à l’amiable. On peut aussi œuvrer par voie de
médiation et de conciliation en dehors de toute saisie de juge et
sans faire appel au conciliateur judiciaire : pour arriver à ce que
chacune d’elles renonce à aller devant les tribunaux. Ce mode
non juridictionnel de la conciliation et de la médiation connaît
des exemples dans les trois types de justice. En justice civile, le
législateur a voulu les promouvoir par deux réformes : une loi du

38
18 décembre 1998 qui a étendu les mécanismes d’aide juridique
aux situations de conciliation (assistées de leurs avocats, les
parties peuvent donc avoir plus d’aide juridique), et une
nouveauté avec une procédure qui permet de donner à la
conciliation force exécutoire. La conciliation est particulièrement
utilisée dans les assurances, en droit privé.
En droit administratif, la conciliation parait moins évidente (un
fort et un faible), mais il a toujours existé des formes de MARL
dans la mesure où l’on demande souvent au particulier d’utiliser
le recours hiérarchique, gracieux : on se tourne vers l’auteur de
la décision (recours gracieux) ou vers le supérieur en tentant
d’obtenir de sa part le retrait de sa décision en montant qu’elle
est illégale ou inopportune. Ce sont des décisions d’opportunité
qui vont parfois conduire l’auteur de la décision à la retirer, le
litige n’est donc pas tranché en droit. On constate aussi que les
MARL sont utilisées à travers la figure du médiateur de la
République, membre des Autorités Administratives
Indépendantes (AAI), institutions créées en 1973 en s’inspirant
d’un modèle suédois (Ombudsman) qui sert d’intermédiaire entre
l’administration et les particuliers mais n’étant pas l’émanation
des tribunaux (il est indépendant.) Ce médiateur est donc
indépendant de tout tribunal et va proposer des solutions pour
faire face au litige constaté, soit en droit, soit en équité si le
résultat de l’application de la décision administrative peut
amener des effets choquants. En droit pénal aussi, ces MARL ont
une certaine place. Il existe des procédures de transaction pénale
qui permettent à des particuliers de « négocier » leur peine avec
l’administration en entrant dans une phase de négociation

39
amiable, dont la marge est tout de même réduite, l’infraction
ayant été commise.
b) Les modes juridictionnels de règlement des litiges.

L’arbitrage permet de faire appel à un juge non étatique choisi


par les parties dans une convention. C’est un mode juridictionnel
car la décision est imposée par un juge non étatique, tiers
impartial, qui tranche en droit ou en équité. La décision qu’il
rend, la sentence arbitrale, est assortie de l’autorité de la chose
jugée. Elle pourra donc faire l’objet de voie de recours si les
parties ont pensé à cette éventualité. Cet arbitrage est une
dérogation seulement partielle de l’emprise de l’État sur la
justice. Il va être recherché par les parties car il présente certains
avantages :
- On n’a pas à assumer la lenteur des tribunaux.
- Permet une certaine discrétion de la décision : empêche la
publicité de la décision, par exemple dans le cas d’un litige entre
une entreprise et un particulier. Les parties, dans le contrat par
lequel elles se soumettent à l’arbitrage, acceptent par avance la
solution apportée par le juge chargé de l’arbitrage, décision
assortie de l’autorité de la chose jugée. Les parties décident de
régler cela avant le litige par une clause compromissoire dans
laquelle elles énoncent que tels types de litiges seront réglés par
l’arbitrage.
Dérogation partielle au monopole de l’État sur la justice.
C’est une dérogation au monopole de la justice dans la mesure
où la qualité de juge est attribuée à une personne privée n’ayant
pas le statut de juge, de magistrat. C’est un juge privé choisi par

40
les parties. De plus, en se soumettant à l’arbitrage, les parties
renoncent aux principes qui régissent le procès, qui sont autant
de garanties pour les justiciables. Les garanties procédurales
régissant l’arbitrage sont plus souples que celles régissant la
justice étatique. Enfin, l’arbitre peut trancher le litige en droit,
mais les parties peuvent lui demander de statuer en amiable
compositeur, c'est-à-dire de statuer en équité. Notons par ailleurs
qu’il n’existe pas de jurisprudence arbitrale. Cette dérogation
n’est que partielle dans la mesure où, d’abord, si l’on s’en
rapporte aux textes, c’est la loi qui permet de recourir dans
certains cas à l’arbitrage. La loi définit le domaine de la clause
compromissoire. Ce domaine est défini selon les époques de
manière plus ou moins favorable. Il est actuellement défini par
l’article 2061 du code civil, modifié en 2001 : « Sous réserve des
dispositions législatives particulières, la clause compromissoire
est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité
professionnelle. »
La sentence arbitrale revêt l’autorité de la chose jugée, mais
pas force exécutoire. Pour une sentence arbitrale, soit elle est
appliquée spontanément, soit les parties sont réticentes et il faut
demander à un juge étatique de donner force exécutoire à la
sentence en vertu de la procédure d’exequatur. Seul le juge le
peut car il dispose seul de l’imperium et de la jurisdictio.
Il s’agit d’un « Ordre d'exécution, donné par l'autorité judiciaire,
d'une sentence rendue par une justice privée, exemple :
exequatur des sentences arbitrales. » La régulation des litiges est
parfois conçue autrement, quand ils sont tranchés par les AAI.

41
2) La fonction de régulation des autorités administratives
indépendantes.
Elles ont émergé dans les années 1970 en marge de notre
organisation juridictionnelle divisée en deux ordres, à un moment
où l’État voulait se dégager en partie de l’économie. L’État a donc
souhaité déréglementer certains secteurs de l’économie en
confiant leur réglementation à des Autorités Administratives
Indépendantes. Ces AAI se veulent à la fois indépendantes de
l’administration, ainsi que de l’ordre judiciaire et de ses
institutions. Indépendance relative quand on sait que les recours
face à leurs décisions se font le plus souvent devant les cours
d’appel ou les cours administratives d’appel. Il en existe environ
35 en France aujourd’hui, qui interviennent principalement dans
le domaine des libertés fondamentales et dans le domaine de la
régulation économique. On peut ainsi citer en matière de
régulation économique le Conseil de la Concurrence (fixe les
règles en matière de concurrence), l’Autorité des Marchés
Financiers (contrôle notamment toutes les sociétés cotées), et
l’Autorité de Régulation des Télécommunications.
En ce qui concerne les libertés fondamentales, on peut citer la
Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) ou la
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.
On observe que les AAI ont tendance à proliférer. Récemment
s’est créée la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations
et pour l’Égalité. Elles nient bien souvent le principe de la
séparation des pouvoirs, en vertu de leur indépendance
présumée. Elles ont bien souvent un pouvoir d’édiction des
normes (pour réguler le secteur dans lequel elles interviennent),

42
de contrôler leur bonne application et de prendre des sanctions
en cas de non-respect de ces normes. On peut ainsi citer le
Conseil de la Concurrence qui prend régulièrement des décisions
afin de briser le non-respect d’une règle qu’il a édicté. Elles
fonctionnent de manière collégiale. Le Conseil Constitutionnel a
nié qu’il s’agisse de véritables juridictions. En réalité, cela est
plus complexe, et certains les qualifient de quasi-juridictions.
Elles se voient appliquer certains principes procéduraux,
notamment inspirés de la CEDH : motivation de la décision par
exemple. L’article 6-1 de la CEDH a vocation à s’appliquer dans le
droit interne. En matière pénale, cette convention exige que les
litiges soient tranchés par un juge impartial en respectant le
principe de publicité notamment. La Cour Européenne des Droits
de l’Homme a été saisie afin de savoir si l’on pouvait confier une
affaire à une AAI. Elle a répondu par l’affirmative en disant que
l’État pouvait remettre le soin à des AAI de trancher certains
conflits, à condition qu’il existe devant leurs décisions un recours
devant la justice étatique ; ce qui existe en France. Cela explique
pourquoi l’État a confié à ces AAI des pouvoirs quasi-
juridictionnels.
LA TRAME DE LA SCENE JUDICIAIRE
La justice apparaît comme un théâtre immense où des drames
humains se jouent. Certaines règles sont propres à la fonction
juridictionnelle, on pense ici à l’impartialité des juges, au
principe contradictoire.
LES PRINCIPES D’ORGANISATION DU SYSTEME JUDICIAIRE
ET LES RAPPORTS ENTRE LES JURIDICTIONS.

43
La loi fondamentale du Bénin en ses articles 125, 126 et 127
dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par la Cour suprême,
les cours et tribunaux créés conformément à la présente
Constitution.
La justice est rendue au nom du Peuple Béninois. Les juges ne
sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à l'autorité de
la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles. Le Président de
la République est garant de l'indépendance de la justice. Il est
assisté par le Conseil supérieur de la Magistrature ».
A travers ces dispositions, le peuple béninois a accordé à la
justice, depuis la Conférence Nationale des Forces Vives de la
Nation, une place de choix. La justice est désormais considérée
comme un facteur de sécurisation des investissements qui
favorise l’intégration économique, la croissance et le
développement.

Les rapports entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs exécutif et


législatif sont placés sous le sceau de l’indépendance. Cette
indépendance est garantie par un statut particulier de la
magistrature.
A priori, les pouvoirs législatifs et judiciaires sont relativement
différents, le législatif est en amont et le juge est seulement la «
bouche de la loi » pour citer Montesquieu. Le législateur édicte
des normes de portée générale, le magistrat l’applique aux cas
particuliers.
Cela implique l’interdiction des arrêts de règlement (article 5 : Il
est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition

44
générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.)
Les décisions de justice n’ont que l’autorité relative de la chose
jugée : autorité entre les parties au procès. Le juge est soumis à
la loi, mais les dispositions de l’article 4 du code civil amènent à
nuancer ce propos car le juge ne peut se cacher derrière
l’obscurité de la loi. Il serait sous le coup du déni de justice
(article 4 : Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence,
de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice), qui relève du pénal. Il a une
certaine marge de liberté, si l’interprétation que les juges donnent
de la loi ne plaît pas au législateur, il lui appartient de compléter
les dispositions de la loi antérieure. Il arrive que le législateur
prenne des lois rétroactives pour briser une jurisprudence le
dérangeant.
A l’inverse, il peut arriver que la jurisprudence prenne certaines
initiatives afin d’inciter le législateur à réformer certains
domaines. L’indépendance du judiciaire et de l’exécutif se
retrouve dans le fait que le juge judiciaire ne peut être sollicité
pour connaître de la légalité d’un acte de l’administration. Cela
permet d’éviter que les autorités interfèrent avec l’administration.
Cette indépendance va se traduire par les modalités de
recrutement des juges. Les juges judiciaires sont recrutés par
concours (ENM), au mérite. On observe que les procédures
d’avancement des magistrats sont étroitement contrôlées par le
Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui évite que l’exécutif
n’interfère dans ce domaine. Les magistrats du siège (tranchent
les litiges) sont inamovibles, ce qui leur donne une certaine
indépendance : le pouvoir exécutif ne peut décider de déplacer un

45
magistrat afin de le faire taire. Ce sont donc des fonctionnaires
avec un régime propre qui assure leur indépendance vis-à-vis des
autres pouvoirs.
Les principes de fonctionnement propres aux institutions
judiciaires
La liberté du droit d’agir en justice et ses implications.
Liberté fondatrice : conséquences, exigences de bonne justice. Il
faut garantir une certaine égalité entre les parties en présence, et
un droit de recours au juge. La liberté d’agir en justice traduit le
caractère facultatif qu’elle revêt : c’est le justiciable qui choisit s’il
souhaite agir ou non, la manière dont il entend mener l’action,
etc. Parfois le ministère public exerce lui-même certaines actions
quand l’ordre public est en cause : notamment en matière pénale.
Mais parfois aussi en matière civile. En matière pénale, c’est
l’État qui enclenche l’action car on considère que l’infraction
vient troubler l’ordre public. Il décide alors de l’opportunité des
poursuites.
Il existe aussi, au-delà du principe d’opportunité des poursuites,
un droit à se constituer partie civile : la victime demande la
réparation civile de l’action qu’elle a pu subir. Cela va déclencher
l’action publique ; quand bien même le ministère public n’aurait
pas estimé qu’il fut opportun de lancer une action. Le recours à
l’action en justice est facultatif pour le demandeur, mais pas
pour le défendeur. Cette liberté n’est pas illimitée : abus d’agir en
justice (il faut avoir intérêt à agir.)
La liberté d’agir : certaine immunité de celui qui déclenche
l’action. Mais celui qui ferait cela pour nuire à son adversaire ou
de façon téméraire (chances de succès nulles), ou de façon

46
simplement dilatoire (agit simplement pour reculer le moment de
paiement d’une dette, etc.)
Abus du droit d’agir en justice. Consacré par la jurisprudence :
compensation pour la victime de cet abus. Et en matière pénale :
amende civile lorsqu’il est caractérisé.
Oralité ou procédure écrite ?
L’oralité ne figure pas parmi les caractéristiques communes de
toutes nos juridictions. Cela vient du fait qu’il faudrait tout
insérer dans les conclusions, ce qui serait peu pratique. La
procédure est dite écrite lorsque ce sont les écrits que lit le juge
et sur lequel le juge devra statuer sous peine de déni de justice.
Si la procédure est orale, les écrits sont presque superflus. Pour
se défendre, la tâche se complique…
Devant les juridictions françaises comme béninoises il nous faut
distinguer le contentieux privé, pénal et administratif.
Contentieux privés (litiges entre particuliers) : différent selon que
l’on soit devant la juridiction de droit commun (TGI) ou devant les
juridictions d’exception.
Droit commun : procédure écrite. Il faut un avocat. Les
plaidoiries sont peu importantes. Une loi de 2005 est venue dire
que le juge peut dispenser les parties d’une plaidoirie quand il n’y
a pas d’intérêt. Juridictions d’exception : souvent procédure
orale. Favorise proximité juge/justiciable. Cela diminue les frais
de procédure, le justiciable n’a pas toujours besoin de se faire
assister. Cela peut faire mieux ressortir les tenants du litige. Les
conclusions écrites ne sont donc pas nécessaires. Cela permet
pour les justiciables de soumettre au dernier moment un
argument.

47
Contentieux pénaux : on pourrait distinguer deux moments, car
place est laissée à l’écrit et à l’oral.
- La phase d’instruction : moment de poursuite pour réunir les
preuves contre la personne poursuivie. C’est ici la matière écrite
qui domine (même auditions de témoins : retranscrites par écrit.)
- La phase de jugement : procédure orale, la personne poursuivie
s’exprime en dernier et on voit que les prévenus, témoins et
experts sont entendus à la barre.
Nuance : ce caractère écrit de l’instruction a été critiqué dans
l’affaire d’Outreau et on cherche à laisser une certaine place aux
avocats.

Contentieux administratifs : c’est la procédure écrite qui domine,


dans la mesure où cela concerne les contestations envers les
actes de l’administration, qui sont généralement des écrits. De
plus, certains contentieux soumis aux juridictions
administratives, notamment les Recours pour Excès de Pouvoir
(REP), sont très techniques, ce qui laisse dominer là encore
l’écrit. Le CE, dans un certain nombre de décisions a rappelé que
les juridictions administratives ne peuvent être saisies que si les
moyens sont des écrits. On ne parle pas de plaidoirie en matière
administrative, mais d’observation orale.

L’ORGANISATION JUDICIAIRE DU BENIN


Le développement économique est au cœur de toutes les
préoccupations. Les décideurs politiques qui doivent apporter les
réponses idoines aux demandes et attentes de tous genres des

48
populations ainsi que les opérateurs économiques dont la raison
d’être est le développement des affaires et la prospérité
économique ne cessent de s’interroger sur les conditions
nécessaires à l’atteinte d’un développement durable. La recherche
d’un partenariat public- privé en est une illustration. Dans ce
cadre, on se demande de plus en plus, quelle participation le
secteur de la justice, considéré - à tort- pendant longtemps
comme uniquement dépensier, peut avoir dans le développement
économique de la nation. C’est à cette problématique que la
présente étude tentera une approche de réponse.
Mais avant, il convient de noter que la primauté du droit, la
reconnaissance et la protection des droits fondamentaux des
citoyens sont des acquis de la démocratie assurés dans leurs
principes par des institutions et des mécanismes juridictionnels
appropriés. La justice a une fonction de régulation des conflits et
des tensions sociales. La notion de justice est universelle et
constitue le socle de toute société humaine.
Dans la mythologie grecque, Thémis, la justice immanente, est
représentée sous la forme d’une femme (vertu), portant un
bandeau sur les yeux (impartialité) qui d’une main tient une
balance (équité) et de l’autre un glaive (pouvoir de trancher les
litiges ou de sanctionner).
C’est la représentation que nous avons sur nos palais de justice
actuels. Ce mythe rappelle que la justice est toujours une
conquête de la civilisation sur la violence, de l’apaisement sur la
vengeance sans fin et de la stabilité sur le chaos. Or le chaos
n’est pas une situation propice au développement des affaires. En
effet, aucune initiative de promotion économique n’a de chance

49
de succès sans un environnement favorable à la compétitivité, au
développement de réseaux de partenariat économique, sans la
sécurité et la prévisibilité juridique et judiciaire.
L’accès à la justice, dans sa triple dimension géographique,
financière et intellectuelle, constitue sans conteste l’un des
défis majeurs auxquels les pouvoirs publics sont confrontés
en ce qu’il s’agit d’offrir à chaque justiciable la possibilité de faire
valoir ou défendre ses droits et intérêts légitimes et d’en obtenir
la réponse dans un délai raisonnable. La nature et la finalité de
la justice, d’une bonne justice, supposent la compétence avérée
et des qualités éthiques de ses acteurs, l’efficience de ses
institutions, ainsi que l’aptitude du service public de la justice à
constituer une forteresse protectrice des citoyens contre les
insécurités de tous ordres, à garantir le respect des droits et des
libertés fondamentales, la paix, la stabilité, toutes conditions
nécessaires à l’éclosion des initiatives créatrices.
Au Bénin, le secteur de la justice est encore tributaire de
moyens matériels, financiers et humains insuffisants, tellement
le système judiciaire demeure malgré tout étranger et distant des
attentes et préoccupations quotidiennes des populations, leur
apparaissant comme un secteur incompréhensible, un territoire
réservé aux initiés, une zone illisible, inquiétante et remplie
d’incertitudes pour ceux qui y recourent.
Dans un premier temps on abordera l’Organisation Judiciaire du
Bénin, dans un second temps on présentera les Acteurs de la
Justice.

50
I. LES JURIDICTIONS ORDINAIRES
1. La Cour Suprême
Conformément à l’article 131 alinéa 1er de la constitution du 11
décembre 1990, la Cour Suprême est la plus haute juridiction de
l’Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de
l’État. Elle est également compétente en ce qui concerne le
contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour
Suprême ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent
au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, ainsi qu’à toutes les
juridictions. La Cour Suprême reçoit obligatoirement ampliation
de tous les actes pris dans le cadre de l’exercice du pouvoir
réglementaire. Elle est consultée par le Gouvernement, plus
généralement, sur toutes les matières administratives et
juridictionnelles. Se trouvant au sommet de l’ordre judiciaire, la
Cour Suprême est chargée d'assurer l'unité du droit national par
l'unité de la jurisprudence. Elle est dirigée par un président
nommé pour une durée de cinq ans par le Président de la
République après avis du président de l’Assemblée Nationale,
parmi les magistrats et les juristes de haut niveau ayant au
moins quinze ans d’expérience professionnelle.
Il est inamovible pendant la durée de son mandat
renouvelable une seule fois. Le ministère public est représenté
auprès de cette institution par un procureur général et des
avocats généraux. Conformément aux directives de l’UEMOA, la
Chambre des Comptes est appelée à être érigée en Cour des
Comptes, pour un meilleur contrôle des comptes des comptables
publics et de l’utilisation des ressources financières et matérielles
de l’Etat. Toutefois, en ce qui concerne le contentieux relatif à

51
l’application des Actes Uniformes pris dans le cadre de
l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires (OHADA), le pourvoi en cassation relève de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) dont le siège est à
Abidjan en Côte d’Ivoire. De même, le recours préjudiciel dans les
litiges réglés par l’application et l’interprétation du droit UEMOA
est exercé devant la Cour de Justice de l’UEMOA dont le siège est
Ouagadougou au Burkina Faso.
La Cour Suprême est composée d’une chambre
administrative, d’une chambre judiciaire, d’une chambre des
comptes, d’un parquet général et d’un greffe central. La chambre
administrative est juge de droit commun en premier et dernier
ressorts des décisions prises en conseil des ministres. Elle est
juge de cassation de toutes les décisions rendues par les
juridictions d’appel et par les juridictions statuant en premier et
dernier ressorts sur les actes pris par les autorités
administratives déconcentrées.
La chambre judiciaire se prononce sur les pourvois en cassation
pour incompétence, violation de la loi ou de la coutume dirigée
contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par
toutes les juridictions de l’ordre judiciaire et les décisions des
conseils d’arbitrage des conflits collectifs de travail.
La chambre des comptes juge les comptables publics, sous
réserve de la compétence en premier ressort des chambres des
comptes des cours d’appel. Elle juge les comptes qui lui sont
rendus par les personnes qu’elle a déclarées comptables de fait,
statue sur les appels formulés contre les jugements prononcés à
titre définitif par les chambres des comptes des cours d’appel.

52
Elle assiste le parlement et le gouvernement dans le contrôle de
l’exécution des lois de finances et vérifie la régularité des recettes
et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques.
La Cour Suprême comprend : le président, trois présidents de
chambres, des conseillers, un procureur général, des avocats
généraux, des auditeurs, le greffier en chef, des greffiers et des
assistants de chambres. Aux termes de l’article 1er de la loi
n°2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures
applicables devant les formations juridictionnelles de la Cour
Suprême, l’introduction d’un pourvoi en cassation ou d’un
recours contentieux administratif ne suspend pas l’exécution du
jugement ou de la décision attaquée en matière d’état des
personnes, en cas de faux incidents, en matière
d’immatriculation foncière et en matière pénale.
Le ministère d’avocat est obligatoire pour introduire un
recours ou suivre tout pourvoi devant la Cour Suprême, sauf en
matière de recours pour excès de pouvoir. Toutefois, le défenseur
au pourvoi ou à un recours, ainsi que l’Etat lorsqu’il est
demandeur devant la haute juridiction, ne sont pas tenus de
constituer avocat. De même, le demandeur est tenu, sous peine
de déchéance, de consigner au greffe de la Cour une somme de
quinze mille francs cfa dans le délai de quinze jours à compter de
la mise en demeure qui lui en sera faite par lettre recommandée
ou notification administrative, sauf demande d’assistance
judiciaire dans le même délai. Sont dispensés de la consignation :
- les personnes morales de droit public ;
- les justiciables admis au bénéfice de l’assistance judiciaire ;

53
- les condamnés à une peine d’emprisonnement en matière
correctionnelle ou de simple police, qu’elle soit assortie de sursis
ou non ;
- les condamnés à une peine criminelle ;
- les travailleurs et employeurs en matière sociale, conformément
aux dispositions du code de travail en vigueur.
En cas de rejet du pourvoi ou du recours, la somme est acquise
au Trésor.
Devant les chambres administrative et judiciaire, la procédure est
écrite : dès l’enregistrement du pourvoi ou du recours au greffe,
le greffier en chef adresse le dossier au président de la Cour
Suprême qui saisit la chambre compétente dont le président
désigne un conseiller rapporteur. Celui-ci prend alors la direction
de la procédure, en ordonne communication aux autorités
compétentes, procède à toutes mesures d’instruction qu’il estime
nécessaires et assigne aux parties en cause un délai pour
produire leurs mémoires. Ce délai ne peut être inférieur à un
mois, sauf en cas d’ordonnance abréviative de délai prise par le
président de la Cour Suprême suite à la requête de la partie
intéressée et après avis motivé du président de chambre. Le
dossier est déposé au greffe aux fins de communication à assurer
aux parties sans dessaisissement. Lorsque des pièces dudit
dossier sont en plusieurs copies certifiées conformes,
communication en est effectuée aux autres parties par voie
administrative ou par lettre recommandée avec accusé de
réception. Le dossier est réputé en état lorsque les mémoires et
pièces ont été produits ou que les délais pour les produire sont
expirés. Alors, le conseiller-rapporteur rédige son rapport et son

54
projet de décision et fait transmettre le dossier au parquet
général. Dans les affaires complexes, il peut être désigné un
conseiller contre rapporteur. Celui-ci étudie alors le dossier,
rédige si nécessaire un contre-rapport et un projet de décision
alternatif, puis transmet le dossier au président de chambre qui
en informe le président de la Cour Suprême aux fins de
convocation de l’assemblée plénière. Le rôle des affaires retenues
pour l’audience est affiché au greffe. Les avocats constitués et les
parties sont avisés de la date de l’audience par les soins du
greffe. La Cour Suprême statue, le rapporteur et le ministère
public entendus. Les séances du jugement sont publiques, sauf
prononcé de huis-clos. Les arrêts rendus sont contradictoires en
dépit de l’absence éventuelle des parties en cause ou de leurs
défendeurs. Pour gagner du temps, il est institué à la Cour
Suprême une procédure d’examen préalable des requêtes ou
pourvois en vue de déterminer les recours susceptibles d’être
dispensés d’instruction ou les recours abusifs. Ainsi, lorsqu’au
vu de la requête introductive d’instance ou du pourvoi, il apparaît
que la solution de l’affaire est d’ores et déjà certaine ou que le
pourvoi est manifestement irrecevable, le président de la chambre
peut décider qu’il n’y a pas lieu à instruction. Il transmet alors le
dossier au parquet, puis le fait enrôler.
Lorsque le recours se révèle abusif, la Cour peut prononcer
à l’encontre du requérant une amende dont le montant varie de
cinquante mille à cinq cent mille francs CFA. En cas d’erreur
matérielle, les décisions de la Cour Suprême sont rectifiées par la
chambre qui les a rendues, sur simple requête de la partie la plus
diligente ou du procureur général. Sauf dispositions

55
particulières, le pourvoi en cassation doit être exercé dans un
délai de trois mois à compter du prononcé de l’arrêt ou du
jugement. A l’égard des arrêts et jugements rendus par défaut, le
délai du pourvoi court à compter de la signification de l’arrêt ou
du jugement à personne ou à domicile.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite, signée et indiquant
la décision querellée. L’avocat ou la partie fait, remet ou adresse
cet écrit au greffe de la juridiction qui a rendu ladite décision.
Il peut être formé par simple lettre dûment signée postée ou
recommandée ou recommandée avec accusé de réception, la date
d’envoi portée sur le cachet de la poste étant considérée comme
date du pourvoi.
Le pourvoi peut également être exercé par une télécopie (fax), un
télégramme, un télex ou un courrier électronique, la date
d’émission étant considérée comme celle du pourvoi. Dans ces
cas, la recevabilité du pourvoi est subordonnée à la confirmation
de la déclaration dans un délai d’un (01) mois à compter de la
date d’émission. L’indication de la décision attaquée est
obligatoire, quel que soit le mode ou la forme du pourvoi.
En dehors des règles générales de procédure ci-dessus rappelées,
il existe certaines dispositions spécifiques à chaque chambre qu’il
ne paraît pas nécessaire d’exposer dans le présent document.
2. Les juridictions de fond
Sous l’empire de la loi du 09 décembre 1964, la carte judiciaire
du Bénin était composée d’une cour d’appel et de huit tribunaux
de première instance. La loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant
organisation judiciaire en République du Bénin a introduit
d’importantes innovations dont notamment l’extension du double

56
degré de juridiction au contentieux administratif et la création de
la chambre des comptes au sein des cours d’appel. De même, elle
a créé de nouvelles juridictions faisant passer à trois le nombre
de cours d’appel et à vingt-huit le nombre des tribunaux de
première instance.
2.1. Les cours d’appel
Les cours d'appel sont des juridictions de second degré installées
au sud (Cotonou) avec juridiction sur les départements du
Littoral, de l’Atlantique, de l’Ouémé et du Plateau, au centre
(Abomey) ayant compétence sur les départements du Zou, des
Collines, du Mono et du Couffo et au nord (Parakou) dont le
ressort couvre les départements du Borgou, de l’Alibori, de
l’Atacora et de la Donga. Elles connaissent des appels interjetés
contre les décisions rendues, en premier ressort, par les
tribunaux de première instance et jugent les affaires criminelles
en formation de cour d'assises avec le concours des jurés choisis
au sein des populations.
Chaque cour d’appel comprend au moins :
- une chambre civile et sociale ;
- une chambre administrative ;
- une chambre de droit traditionnel ;
- une chambre correctionnelle ;
- une chambre des comptes ;
- une chambre d’accusation ;
- une chambre commerciale.
La cour d’appel est composée d’un premier président, de
présidents de chambres et de conseillers, d’un procureur général,
d’avocats généraux, de substituts généraux, d’un greffier en chef

57
et de greffiers. Des vérificateurs peuvent être nommés à la
chambre des comptes de la cour d’appel selon la même procédure
que la nomination des magistrats.
Le premier président de la cour d’appel est le chef de la
juridiction. A ce titre :
- il préside les audiences solennelles et les assemblées générales ;
- il préside en outre les audiences de son choix ;
- il établit le roulement des conseillers et fixe leurs attributions ;
- il surveille le rôle et distribue les affaires ;
- il pourvoit au remplacement d’un conseiller empêché ;
- il est l’ordonnateur du budget de la cour ;
- il contrôle le fonctionnement du greffe.
En accord avec le procureur général près la cour d’appel :
- il convoque la cour pour les assemblées générales ;
- il surveille la discipline de sa juridiction ;
- il surveille et réglemente le service intérieur de la cour ;
- il assure le fonctionnement du service de statistique des affaires
de la cour ;
- il représente la cour dans son ressort.
En matière civile de droit traditionnel, les cours d’appel siègent
avec l’assistance obligatoire des assesseurs représentant la
coutume des parties.
En matière administrative, la cour d’appel est compétente pour
connaître en dernier ressort du contentieux de tous les actes
émanant des autorités administratives de son ressort. Relèvent
de ce contentieux :
- les recours en annulation pour excès de pouvoir des autorités
administratives ;

58
- les recours en interprétation des actes des mêmes autorités sur
renvoi des autorités judiciaires ;
- les litiges de plein contentieux mettant en cause une personne
morale de droit public, sauf les exceptions prévues par la loi ;
- les réclamations des particuliers pour les dommages causés par
le fait personnel des entrepreneurs concessionnaires et
régisseurs de l’administration ;
- le contentieux fiscal.
La procédure en matière administrative est celle prévue par le
code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et
des comptes.
En matière des comptes, la cour d’appel est compétente pour
apurer et arrêter les comptes :
- des communes et des établissements communaux ;
- des établissements départementaux dotés ou non de la
personnalité morale.
Cette compétence s’exerce à l’égard des collectivités locales
relevant du ressort de la cour d’appel, des établissements et
organismes dont le budget ou le chiffre d’affaires est inférieur ou
égal à cinq cent millions (500.000) millions de francs.
La procédure devant la chambre des comptes de la cour d’appel
est celle suivie devant la chambre des comptes de la Cour
Suprême. Les chambres administratives et des comptes des
cours d’appel ne sont pas encore fonctionnelles, faute de
ressources humaines et matérielles, ceci plus de dix ans après la
mise en vigueur de la loi. Auprès de chaque cour d’appel, le
ministère public est représenté par un procureur général et des
substituts généraux.

59
Dans toutes les matières, la cour d'appel statue en présence
du procureur général ou de son représentant, avec l'assistance
d'un greffier. Le délai dans lequel l’appel peut être exercé court à
compter du prononcé pour les décisions contradictoires et de la
notification ou de la signification pour les décisions de défaut et
les décisions réputés contradictoires. Ce délai est d’un (01) mois
en matière contentieuse et de quinze (15) jours en matière
gracieuse.
L’appel est interjeté par déclaration écrite ou par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception adressé au greffe
de la juridiction qui a rendu la décision, lorsque la procédure a
été introduite au tribunal de première instance par requête.
L’appel est formé par exploit d’huissier lorsque la procédure a été
enclenchée au tribunal de première instance par assignation.
Enfin, compte tenu des spécificités de la cour d’assises, son écho
dans l’opinion et de l’impact attendu de ses décisions, il convient
de s’attarder sur le déroulement d’une audience d’assises.
En effet, une cour d'assises est établie au siège de chaque
cour d’appel. Elle est compétente pour juger les personnes
accusées d’avoir commis un crime. Les crimes sont le répertoire
d'infractions les plus graves (assassinat, meurtre,
empoisonnement, rapt, viol, vol en bande, avec arme ou par
effraction, détournement de deniers publics...). Elle est aussi
compétente pour juger les infractions connexes à un crime qui
serait l'infraction principale. Sa compétence est définie à l'article
207 du code de procédure pénale.
Les crimes sont les infractions passibles d'une peine de réclusion
ou de détention criminelle allant de 10 ans à la perpétuité. La

60
cour d’assises tient deux sessions ordinaires par an et peut
ordonner une ou plusieurs sessions supplémentaires. Les
infractions qualifiées crimes commises par les mineur(e)s sont
jugées par une cour d’assises spéciale.
Composition :
La cour d'assises se compose de trois magistrats professionnels :
un président ayant rang de conseiller à la cour d'appel et deux
assesseurs et d'un jury composé de quatre citoyens tirés au sort
à partir d’une liste annuelle disponible au niveau de la cour
d’appel. Les jurés composant le jury sont tirés au sort, au début
de chaque affaire sur les listes du jury criminel établies tous les
ans dans chaque cour d’appel. Au fur et à mesure que les noms
sont tirés au sort, la défense peut en récuser trois et le ministère
public deux. Des jurés supplémentaires peuvent également être
tirés au sort afin de remplacer ceux des jurés qui pourraient être
victimes d'un empêchement en cours de procès. Les jurés
supplémentaires ne participent pas aux délibérations et leur
nombre est décidé par le président en fonction de la durée prévue
du procès. Avant de leur faire prendre place aux côtés de la cour,
dans l’ordre désigné par le sort, le président adresse aux jurés
debout les propos suivants :
« Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes
d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui
seront portées contre l’accusé (ou les accusés), de ne trahir ni les
intérêts de la défense, ni ceux de la société ; de n’écouter ni la
haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous
décider d’après les charges et les moyens de défense suivant
votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et

61
la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de
conserver le secret des délibérations, même après la cessation de
vos fonctions ». Chacun des jurés et éventuellement les jurés
supplémentaires appelé individuellement par le président répond,
en levant la main : « Je le jure ». C’est alors qu’il déclare le jury
définitivement constitué, en prélude aux débats. Le juré reçoit
une indemnité journalière de session. Devant la cour d'assises, le
ministère public est représenté par un magistrat du parquet
appelé avocat général par référence aux magistrats portant ce
titre à la cour d’appel. Il défend les intérêts de la société, requiert
l'application de la loi, soutient l'accusation et propose une peine,
ou bien sollicite l'acquittement lorsque les circonstances l’exigent.
Le greffier assiste la cour, note le déroulement des débats, met en
forme et authentifie la décision.
2.2. Les tribunaux de première instance
Les tribunaux de première instance sont compétents en
matière civile, commerciale, correctionnelle, sociale et
administrative. Ils connaissent en premier et dernier ressort des
actions civiles et commerciales jusqu’à la valeur de deux cent
mille francs CFA en principal et cinquante mille francs CFA en
revenus annuels calculés en rente. Les décisions relatives aux
affaires portant sur des montants plus élevés sont susceptibles
d'appel. Les tribunaux de première instance comprennent un
président, un ou des vice-présidents, un ou des juges
d’instruction, des juges, un procureur de la République, des
substituts, un greffier en chef et des greffiers.
Le président du tribunal est le chef de la juridiction. A ce titre :
- il préside toutes les audiences de son choix ;

62
- il fixe les attributions des juges du siège ;
- il distribue les affaires et surveille le rôle ;
- il pourvoit au remplacement à l’audience d’un juge empêché ;
- il est l’ordonnateur du budget de la juridiction ;
- il contrôle le fonctionnement du greffe de la juridiction ;
En outre, avec l’accord du procureur de la République :
- il convoque l’assemblée générale du tribunal ;
- il surveille la discipline de la juridiction ;
- il fixe le règlement intérieur du tribunal ;
- il assure le fonctionnement du service de statistique du tribunal
;
- il établit un rapport annuel, le fait adopter en assemblée
générale du tribunal et l’adresse au président de la cour d’appel.
Les tribunaux de première instance sont juges de droit commun
en matière pénale, civile, commerciale, sociale et administrative.
En matière administrative, ils connaissent en premier ressort du
contentieux de tous les actes émanant des autorités
administratives de leur ressort. Relèvent de ce contentieux :
- les recours en annulation pour excès de pouvoir des décisions
des autorités administratives ;
- les recours en interprétation des actes des mêmes autorités sur
renvoi des autorités judiciaires ;
- les litiges de plein contentieux mettant en cause une personne
morale de droit public, sauf les exceptions prévues par la loi ;
- les réclamations des particuliers pour les dommages causés par
le fait personnel des entrepreneurs concessionnaires et
régisseurs de l’administration ;
- le contentieux fiscal.

63
La procédure en matière administrative est celle prévue par le
code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et
des comptes.
En matière civile de droit traditionnel, les tribunaux de
première instance siègent avec l’assistance obligatoire des
assesseurs représentant la coutume des parties.
On distingue deux catégories de tribunaux à savoir les tribunaux
de première instance de première classe qui siègent dans les
chefs-lieux des communes à statut particulier (Porto-Novo,
Cotonou, Parakou) et les tribunaux de première instance de
deuxième classe qui sont créés dans les communes ordinaires.
Au niveau de chaque tribunal, il est nommé un juge spécialement
chargé des questions de l’enfance.
Le tribunal est saisi par requête écrite adressée au président
pour les actions personnelles ou mobilières dont l’intérêt
pécuniaire n’excède pas cinq cent mille francs cfa. Cette requête
est dûment signée ou revêtue des empreintes digitales de son
auteur. Elle peut également être signée et introduite par son
avocat. Le demandeur peut aussi adresser sa requête par la poste
et solliciter d’être entendu sur commission rogatoire lorsqu’il
réside hors du ressort territorial de la juridiction saisie. Il peut
demander à être jugé sur pièces. Le tribunal peut également être
saisi par voie d’assignation, un acte formalisé par l’huissier de
justice. Contrairement à l’article 42 de la loi 2001-37 du 27 août
2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin qui
prescrit la formation collégiale pour l’examen des affaires, les
juridictions de première instance siègent ordinairement à juge
unique ne réservant la formation collégiale qu’à quelques

64
dossiers dits sensibles (cas des dossiers impliquant des
personnalités publiques ou des affaires ayant une connotation
politique). Il convient de préciser que le ministère public est
représenté auprès de chaque tribunal de première instance par
un procureur de la République et des substituts.
Actuellement, sur les vingt-huit tribunaux de première instance
prévus par la loi, huit étaient opérationnels depuis de longues
années (Porto-Novo, Cotonou, Ouidah, Lokossa, Abomey,
Parakou, Kandi, Natitingou), celui d’Abomey-Calavi est
fonctionnel depuis janvier 2010, enfin ceux d’Allada, de Pobè,
d’Aplahoué, de Savalou et de Djougou, théoriquement mis en
service en 2012, attendent d’être pleinement opérationnels. Bien
qu’ayant été pourvues en personnel minimum, ces juridictions -
faute de maisons d’arrêt proches, de budget adéquat et du
minimum de matériels de bureau complétant l’effort des
partenaires techniques et financiers - passent actuellement pour
des éléphants blancs, au grand dam des partenaires qui ont
financé la construction et l’équipement de la plupart de ces
infrastructures.
2.3. Les tribunaux de première instance siégeant en matière
sociale
Aux termes de l’article 242 de la loi n° 98-004 du 27.01.1998
code du travail en République du Bénin, « Le tribunal du travail
est composé :
- d’au moins un magistrat, président ;
- d’un greffier ;
- d’un assesseur employeur et d’un assesseur travailleur pris
parmi ceux qui figurent sur les listes établies par les

65
organisations d’employeur et de travailleur les plus
représentatifs… ».
A ce jour, les magistrats statuent sans le précieux concours
des assesseurs employeur et travailleur. Ceci donne parfois lieu,
en matière de licenciement par exemple, à des décisions qui ne
tiennent pas toujours compte de l’environnement économique du
pays et de la nécessité de maintenir la viabilité des entreprises
créatrices d’emplois et de richesse. Par arrêté
n°120/MFPTRA/MJLDH/DC/SGM/DGT/DRPSS/SPCNT/ SA du
16 mars 2006, il a été établi une liste d’assesseurs (employeurs
et travailleurs) auprès de la cour d’appel de Cotonou, des
tribunaux de première instance de première classe de Cotonou,
Porto-Novo, Parakou et des tribunaux de première instance de
deuxième classe de Ouidah et d’Abomey. Des modules de
formation ont été exécutés au profit de ces assesseurs afin de
leur permettre d’assurer, dans leurs spécialités, la plénitude de
leur fonction auprès des juridictions respectives.
Mais faute de suivi et jusqu’au mois d’Avril 2013, ces assesseurs
n’ont pu encore prêter serment et siéger dans les formations de
jugement en matière sociale. Pour tenter de corriger cette
situation, en plus de la nécessité de la mise en application
effective des dispositions prévoyant le concours des assesseurs,
n’y aurait-il pas lieu de prévoir, comme dans certains pays, dans
le cursus de la formation initiale des auditeurs de justice, une
courte immersion de ceux-ci dans l’entreprise pour une
sensibilisation à la culture des entreprises ? Cette immersion
devrait donner aux futurs magistrats une vue d’ensemble des

66
stratégies et moyens de l’entreprise, en l’impliquant dans les
processus décisionnels.

II. LES JURIDICTIONS SPECIALISEES


Nous avons regroupé sous cette rubrique deux hautes
juridictions qui, bien que ne relevant pas de l’organisation
judiciaire du Bénin ont néanmoins leur place dans
l’ordonnancement juridique.
1. La Cour Constitutionnelle
La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat
en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité
des lois et garante des droits fondamentaux de la personne
humaine et des libertés publiques. Elle régule le fonctionnement
des institutions et l’activité des pouvoirs publics.
La Cour Constitutionnelle est composée de sept membres dont
quatre sont nommés par le Bureau de l’Assemblée Nationale et
trois par le président de la République pour un mandat de cinq
ans renouvelable une seule fois.
Elle peut être saisie sur toute loi non seulement par le Président
de la République ou tout membre de l’Assemblée Nationale avant
promulgation, mais également par tout citoyen, soit directement,
soit en vertu de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant
une juridiction. Elle peut se prononcer d’office sur la
constitutionnalité des lois et de tout texte réglementaire censés
porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine
et aux libertés publiques. Les décisions de la Cour
Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et
s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles,

67
militaires et juridictionnelles. Le sursis à statuer consécutif à
l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant une juridiction
et la non maîtrise du délai dans lequel la Cour Constitutionnelle
statue constituent une source de lenteur dans l’examen des
dossiers soumis aux juridictions du fond.
2. La Haute Cour de Justice
La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président
de la République et les membres du gouvernement à raison de
faits qualifiés de haute trahison, d’infraction commise dans
l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ainsi que
pour juger leurs complices en cas de complot contre la sûreté de
l’Etat. Elle est composée des membres de la Cour
Constitutionnelle à l’exception de son président, de six députés
élus par l’Assemblée Nationale et du Président de la Cour
Suprême. Elle élit en son sein son président. La décision de
poursuite puis la mise en accusation est votée à la majorité des
deux tiers des députés composant l’Assemblée Nationale.
L’instruction du dossier est effectuée par la chambre d’accusation
de la cour d’appel ayant juridiction sur le lieu du siège de
l’Assemblée Nationale. La complexité du mécanisme de sa saisine
explique qu’à ce jour aucune affaire n’a été jugée par cette
juridiction dont la pertinence est sujette à controverse.

LES ACTEURS DE LA JUSTICE BENINOISE


I. LE MINISTERE EN CHARGE DE LA JUSTICE
Le MJLDH est l’organe de l’Etat chargé d’assurer le service public
de la Justice et de gérer les cours et tribunaux au Bénin. Il a
pour mission la consolidation de l’Etat de droit, l’enracinement de

68
la démocratie, l’amélioration des performances de la Justice ; il
est aussi le conseiller juridique du gouvernement.
Le Ministère de la Justice, de la Législation et des Droits de
l’Homme s’acquitte de ses différentes missions en s’appuyant sur
un ensemble de services soit directement rattachés au ministre
(Inspection Générale du Ministère, Cellule de Communication,
Secrétariat Particulier ainsi qu’un Cabinet dirigé par un directeur
avec un ensemble de conseillers techniques et chargés de
missions), soit assurant la coordination et la permanence des
activités du ministère par le biais d’un Secrétariat Général du
Ministère, des directions Centrales, des Directions Techniques,
des Cours et Tribunaux, des Services extérieurs, des
Commissions et Comités sous tutelle.
Parmi les structures directement rattachées au ministre de la
Justice, il y a lieu de faire une place spéciale à l’Inspection
Générale du ministère venue malencontreusement remplacer
l’Inspection Générale des Services Judiciaires.
En effet, sur proposition de l’inspecteur général d’Etat, le Conseil
des Ministres en sa séance du mercredi 15 juin 2011 a adopté
une réforme des inspections générales des ministères aux fins de
rendre plus transparente la gestion des finances publiques. A cet
égard, les cadres devant animer les inspections générales devront
relever des structures, de contrôle des finances.
Or, au Bénin comme ailleurs notamment en France et dans les
pays de tradition judiciaire française, l’Inspection Générale du
Ministère de la Justice n’a pas seulement compétence pour gérer
les fonds publics mais aussi joue un rôle majeur dans
l’administration de la justice.

69
L’Inspection Générale du Ministère de la Justice ne s’occupe pas
seulement de la gestion des fonds des greffes et du budget du
ministère, mais a un rôle pédagogique qui est de vérifier et de
contrôler par des inspections régulières, le bon fonctionnement
des cours d’appel et des tribunaux.
Les Directions Centrales quant à elles sont au nombre de trois :
La Direction des Ressources Humaines (DRH) assure
notamment la gestion, la formation, le recyclage, le
perfectionnement, l’utilisation rationnelle du personnel en
collaboration avec les directions concernées et l’évaluation des
besoins en personnel ;
La Direction des Ressources Financières et du Matériel (DRFM)
notamment chargée de la gestion et de l’utilisation des ressources
financières et matérielles du Ministère ; à ce titre, elle centralise
les besoins de la Chancellerie, des juridictions, des services
extérieurs ainsi que des structures sous tutelle et élabore l’avant-
projet de budget du ministère en liaison avec la Direction de la
Programmation et de la Prospective.
La Direction de la Programmation et de la Prospective (DPP)
chargée, en liaison avec les autres Directions Centrales et
Techniques du ministère de la planification stratégique, de
l’élaboration des projets et programmes, de la mobilisation des
financements ainsi que de la centralisation des informations
relatives à la gestion des projets et programmes en cours
d’exécution. Cette direction, qui compte en son sein un Service
des Statistiques et des Etudes Prospectives, assure le Secrétariat
Technique du Système Intégré de Production, d’Analyse et de
Gestion des Statistiques du Ministère (SIPAGeS). Compte tenu de

70
ses attributions, la DPP est l’interlocuteur privilégié des
Partenaires Techniques et Financiers qui interviennent dans le
secteur de la Justice.
Quant aux Directions Techniques, elles sont au nombre de cinq :
La Direction de la Législation, de la Codification et des Sceaux
(DLCS) qui, outre ses attributions spécifiques en matière
législative, de codification, d’étude de toutes les questions
concernant la réglementation, la fabrication, l’utilisation des
sceaux et des armoiries de l’Etat, assure le Secrétariat Permanent
de la Commission Nationale de Législation et de Codification ;
La Direction des Affaires Civiles et Pénales (DACP)
spécialement compétente pour l’étude de toutes les questions
intéressant l’accès à la justice, le fonctionnement des
juridictions, l’exécution des décisions de justice et la mise en
œuvre de l’entraide judiciaire internationale. Compte tenu de la
complexité et de la multiplicité des missions qui lui sont
dévolues, cette direction est structurée en cinq services (Affaires
civiles, commerciales et de la Nationalité, Affaires pénales et des
grâces, Casier Judiciaire National, Professions juridiques et
Judiciaires, Jurisprudence et Statistique).
La Direction de l’Administration Pénitentiaire et de l’Assistance
Sociale (DAPAS) chargée de la réglementation, de l’organisation et
du contrôle de l’application des différents régimes d’exécution des
peines, de la gestion des personnels et des équipements affectés à
ces tâches ainsi que l’assistance sociale des personnes de tous
âges concernées par des procédures judiciaires.
La Direction de la Protection Judiciaire de l’Enfance et de la

71
Jeunesse(DPJEJ) a pour mission la réglementation, l’organisation
et la mise en œuvre de la politique nationale de l’éducation
surveillée et de la protection de la jeunesse. Elle est chargée de
régler toutes questions relatives à la protection de l’enfance et de
l’adolescence en conflit avec la loi ou en danger moral en dehors
de toute instance judiciaire, à l’habilitation des personnes,
établissements, services ou organismes publics ou privés pour la
mise en œuvre des mesures de garde ou d’actions éducatives
ordonnées par l’autorité judiciaire.
La Direction des Droits de l’Homme est chargée de la
promotion, de la vulgarisation, de la protection et de la défense
des droits de l’homme. Elle a, entre autres missions de veiller à
l’élaboration des rapports périodiques d’application des
instruments internationaux en matière des droits de l’homme et
à leur présentation devant les institutions internationales
compétentes. Sur le plan administratif, toutes les juridictions du
fond sont couvertes par le Ministère de la Justice qui joue un rôle
d'animation, d'impulsion et de coordination de leurs activités. Le
Ministère de la Justice est également chargé de leur fournir les
ressources humaines et matérielles, l'équipement et les moyens
nécessaires. Par ses services compétents il contrôle leur bon
fonctionnement, sans pouvoir donner d'instructions formelles
aux magistrats du siège, qui sont indépendants. Le budget
annuel du secteur de la justice dépend donc de la maîtrise des
besoins réels de ses divers compartiments par les responsables
du ministère et leur capacité à négocier les financements
nécessaires, avec la compréhension bienveillante des cadres du
ministère des finances. Bien entendu, tout cela doit être porté par

72
la volonté politique exprimant clairement la vision que les
gouvernants ont de la Justice qu’ils désirent pour la République
du Bénin. En effet, sans vision, on ne peut progresser et comme
l’a dit Nelson Mandela « une vision qui ne s’accompagne pas
d’action n’est qu’un rêve, une action qui ne découle pas d’une
vision est du temps perdu, une vision suivie d’action peut
changer le monde ».
II. LES FONCTIONNAIRES DE LA JUSTICE
1. Les Magistrats
Les Magistrats sont des fonctionnaires exerçant des fonctions
d’autorité au nom de l’État. Ils sont actuellement formés par
l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM). Ils
sont intégrés dans le corps de la Magistrature par un décret du
Président de la République sur proposition du Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice. Ils jouissent de certains privilèges destinés
à garantir l’indépendance de la fonction en même temps qu’ils
sont soumis à des obligations déontologiques importantes dont
témoigne la formule de leur serment ci-après :
« Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les
exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et
des lois, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne
donner aucune consultation à titre privé, de ne prendre aucune
position publique sur les questions relevant de la compétence de
la cour ou du tribunal, et de me conduire en tout en digne et
loyal magistrat »
Le statut de la magistrature est organisé par la loi n° 2001-35 du
21 février 2003. Aux termes de l’article 126 de la Constitution, «
la justice est rendue au nom du peuple béninois. Les juges ne

73
sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de
la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles ». On distingue
généralement au niveau des juridictions deux catégories de
magistrats : les magistrats du parquet et les magistrats du siège.
Le ministère public (procureurs généraux, procureurs de la
République et substituts) est désigné comme étant « le parquet »
dans le jargon judiciaire.
Le mot viendrait de l'ancien français, où il signifiait « petit
parc ou enclos ». L'origine de l'emploi du mot dans ce sens n'est
pas connue avec certitude, mais l'hypothèse la plus probable est
que ces magistrats étaient séparés des magistrats du siège dans
une sorte de « parc ».
Quant à l'appellation de « magistrature debout », elle vient du fait
que les magistrats du ministère public se levaient pour prendre
la parole, et notamment pour « prendre leurs réquisitions »,
pendant que les magistrats du siège « magistrature assise »
restent assis tout le temps de l'audience.
1.1. Les magistrats du parquet
Les magistrats du ministère public ne constituent pas un corps
administratif distinct de celui des magistrats du siège. Les uns et
les autres, sont issus des mêmes concours, de la même école de
formation et intégrés par promotions dans le même et unique
corps de la magistrature. Il s’agit simplement d’un jeu de rôle en
vertu duquel au sein d'une même juridiction, les "parquetiers"
remplissent seulement des fonctions différentes de celles qui sont
dévolues aux magistrats du siège. D’ailleurs, le statut de la
Magistrature ne s'oppose pas à ce qu'au cours du développement
de sa carrière, un magistrat puisse souhaiter obtenir d'être muté,

74
d'une fonction du siège, à une fonction du parquet et
réciproquement. Mais cette mutation doit se conformer au plan
de carrière qui fait correspondre les grades avec des emplois
donnés ou des fonctions spécifiées. Contrairement à une idée
populaire, les fonctions des magistrats du parquet ne sont pas
limitées aux affaires pénales. Le parquet joue un rôle important
dans certaines affaires civiles. Il en est ainsi en particulier dans
toutes les affaires relatives à l’état civil, en matière d’exécution
des décisions de justice et autres causes communicables dans
lesquelles il peut prendre des conclusions écrites.
Hormis leurs fonctions dans les juridictions, les magistrats du
parquet, comme les magistrats du siège peuvent être affectés au
ministère de la justice.
1.2. Hiérarchie
Le ministère public a une organisation hiérarchique très poussée.
Chaque membre d'un parquet doit obéir à son supérieur au sein
du même parquet. Les parquets des juridictions de première
instance sont soumis au parquet général, qui est lui dans un lien
de subordination hiérarchique avec le ministre de la Justice.
Si les magistrats du parquet sont liés par les instructions écrites
de la hiérarchie, à l’audience cependant leur parole est libre.
C’est la mise en œuvre de l’adage selon lequel « la plume est
serve, mais la parole est libre ». Mais il convient d’engager une
profonde réflexion sur l’indépendance et l’autonomie des
magistrats du parquet pour une justice plus indépendante et
plus objective. Cette préoccupation est d’ailleurs largement
partagée par les systèmes judiciaires d’expression francophone.
1.3. Indivisibilité du parquet

75
Une des spécificités du parquet est qu'il est indivisible : chaque
membre représente l'ensemble et les membres du parquet sont
donc interchangeables. Si un membre fait un acte, tout le
parquet est engagé. Lors d'un procès, les magistrats du parquet
peuvent se remplacer mutuellement sans bloquer la procédure,
ce qui est interdit aux magistrats du siège sous peine de nullité
du jugement.
1.4. Irresponsabilité du parquet
Une autre spécificité est l'irresponsabilité du parquet : un
magistrat du parquet n'est responsable que de ses fautes
personnelles, mais ne peut pas être condamné aux dépens
comme un autre demandeur quand il perd un procès. Il ne peut
non plus être poursuivi ni pour injure ni pour diffamation pour
des propos tenus durant les audiences. Il ne peut être récusé
qu’en matière civile pour des raisons tirées de la proximité
familiale, filiale ou amicale, de la proximité économique ou de la
proximité fonctionnelle conformément à l’article 425 du code de
procédure civile, commerciale, administrative, sociale et des
comptes.
1.5. Rôle
Le rôle du ministère public est de défendre les intérêts de la
société, l'ordre public et l'application de la loi. Il représente les
intérêts de la société et pour cela exerce l'action publique (c'est-à-
dire les poursuites en tant que demandeur, en intervenant
durant le procès comme une partie principale). Il agit tant
pendant la phase d'instruction que pendant celle de jugement.
Les services de la police judiciaire (PJ) sont à la disposition du
ministère public pour la recherche des infractions, ce qui lui

76
permet ensuite de décider ou non le déclenchement de l'action
publique.
Il dispose d'un choix quand il a eu connaissance d'une plainte ou
d'une dénonciation:
soit d'engager des poursuites ;
soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux
poursuites;
soit de classer sans suite la procédure dès lors que les
circonstances particulières liées à la commission des faits le
justifient.
Ce choix est appelé « opportunité des poursuites ».
S'il choisit de déclencher l'action publique, le ministère public
aura la charge de requérir l'application de la loi. Il disposera des
voies de recours au même titre que le prévenu ou les parties
civiles. Le ministère public est aussi chargé de l'exécution des
peines une fois que celles-ci sont définitives. Il assiste également
aux commissions d'application des peines, notamment sur
l'octroi des libérations conditionnelles. Il serait sûrement
souhaitable que les magistrats du parquet motivent toute
décision de classement sans suite prise en tant que juges de
l’opportunité des poursuites et que, parallèlement, un système
soit mis en place pour permettre aux justiciables d’exercer un
recours contre cette décision dans l’intérêt d’une justice juste,
équitable et objective.
1.6. Les magistrats du siège
Deux caractéristiques essentielles sont liées au statut du
magistrat du siège : ce sont l’indépendance et l’inamovibilité.
1.7. Indépendance

77
L’indépendance de la justice, entendue à la fois comme
l’indépendance des juges et des juridictions vise à assurer
l’autonomie du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs
politiques (l’exécutif et le législatif) et les pouvoirs de fait (les
média, les parties au procès et leurs arsenaux de moyens de
pression) ; c’est à la fois la condition nécessaire de la promotion
de l’Etat de Droit et le moyen de sa sauvegarde. Elle se trouve
également au fondement de la sécurité juridique, elle-même
condition du développement économique.
Cependant, la problématique de l’indépendance de la justice,
celle du juge, réglée en principe par la constitution et les lois, se
heurte souvent aux moyens humains et matériels inadéquats,
aux réalités de la vie quotidienne particulièrement dans nos
sociétés africaines où les pressions d’ordre familial, ethnique ou
religieux sont omniprésentes, à côté des pressions d’ordre
économique voire financier que tous les pays du monde peuvent
connaître.
Pour ce qui est du Bénin, le statut de la magistrature
accorde quelques avantages pécuniaires et des indemnités dont
toutes ne connaissent pas à ce jour une effectivité, or la vertu a
un prix qu’il faut accepter de payer.
En fin de compte, seule importe, avant tout, la séparation
fonctionnelle qui place le juge et ses missions à l’abri des
ingérences extérieures, d’où qu’elles puissent venir, tout ceci bien
adossé à la responsabilité au sens éthique, c’est-à-dire la
conscience qu’a le juge de ce qu’est son devoir, ce devoir auquel
les manquements entraînent la perte méritée du respect de soi-
même.

78
1.8. Inamovibilité
Les magistrats du siège sont inamovibles. Il s’agit d’une des
garanties statutaires en vertu de laquelle le magistrat du siège ne
peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle,
même en avancement ou promotion.
Le principe de l’inamovibilité du juge est institué pour prévenir
l’ingérence du pouvoir politique dans l’exercice de la justice par le
jeu des mutations-sanctions.
Les atteintes aux principes d’indépendance et d’inamovibilité sont
régulièrement dénoncées par les magistrats, tant au niveau des
nominations qu’au sujet des sanctions prises à l’encontre des
juges, notamment dans le cadre des procédures disciplinaires.
La Déclaration et le plan d’action du Caire adoptés en 1995 par
la conférence des ministres de la justice de l’Organisation
Francophone (OIF) incitent pourtant les Etats francophones à
éliminer « toute entrave à l’indépendance des magistrats,
premiers garants d’une Justice accessible et efficace, en leur
assurant les moyens statutaires et matériels nécessaires à
l’exercice de leurs fonctions…». La Cour Constitutionnelle
béninoise a également affirmé avec force la nécessité de respecter
le principe d’indépendance de la Justice dans des affaires où le
pouvoir politique tentait de contenir l’appareil judiciaire. La Cour
précisa en effet que «le respect du principe de l’inamovibilité exige
que le magistrat ait été individuellement consulté à la fois sur les
nouvelles fonctions qui lui sont proposées et les lieux précis où il
est appelé à les exercer…Les éléments de cette consultation
constituent les conditions de la procédure minimale exigée pour

79
la garantie de l’indépendance des magistrats du siège ». cf DCC
n°97-033 du 10.06.97.
Le Conseil d’Etat sénégalais est allé dans ce sens en annulant
pour illégalité (méconnaissance du principe d’inamovibilité des
magistrats) deux décrets présidentiels qui avaient procédé à des
affectations/sanctions de magistrats. Cf CC Sen 23.06.93
L’inamovibilité ne doit pas être regardée comme un privilège du
juge, mais elle constitue plutôt une des garanties de
l’indépendance de la justice.
Elle ne doit pas non plus signifier immobilisme du juge. Il faut
admettre que le principe d’inamovibilité n’est pas
fondamentalement incompatible avec les besoins du service
public de la justice. Il n’est par exemple pas toujours souhaitable
qu’un magistrat soit maintenu à son poste pour une période très
longue, ne serait-ce que pour des besoins de mobilité. Cette
raison n’est malheureusement pas parfois celle qui motive les
décisions de mutations dont les magistrats font l’objet. Le
déroulement de la carrière des magistrats est régi par un plan de
carrière dont le respect stricte devrait pouvoir limiter les
contestations et les suspicions de plus en plus grandes qui
entourent les affectations des magistrats.
1.9. Plan de carrière des magistrats
Les magistrats sont classés dans la catégorie A échelle 1. Leur
carrière se déroule en douze échelons répartis en cinq grades
dont trois grades normaux, un grade classe exceptionnel et un
grade hors classe. Le grade initial comporte quatre échelons et il
suffit d’une ancienneté de deux ans pour passer d’un échelon à
un autre. Le grade intermédiaire comporte trois échelons et une

80
ancienneté de deux ans est requise pour passer d’un échelon à
un autre. Le grade terminal comporte trois échelons et une
ancienneté de trois ans est requise pour passer d’un échelon à
un autre. Le grade classe exceptionnel comporte un échelon
franchissable au bout de trois ans pour accéder au grade hors
classe. Conformément à l’article 43 du statut de la magistrature,
aucun magistrat ne peut être promu au grade terminal et grade
hors classe, s’il n’a occupé trois postes différents dans les
juridictions lorsque son immobilisme résulte de son propre fait.
L’avancement en grade a lieu au choix et à l’ancienneté au profit
des magistrats inscrits en raison de leur mérite au tableau
d’avancement. Le mérite s’apprécie sur la base de notes chiffrées
et des appréciations circonstanciées sur la valeur professionnelle
et morale de chaque magistrat par les chefs de juridictions (pour
les magistrats en service dans les juridictions), par le Garde des
Sceaux suite aux appréciations formulées par les chefs
hiérarchiques (pour les magistrats en service dans
l’administration centrale du ministère de la justice).
La notation des magistrats en position de détachement est
assurée par les autorités des structures ou organismes dont ils
relèvent. Le passage d’un grade à un autre est une promotion
constatée dans l’ordre d’inscription au tableau par décret du
Président de la République, sur proposition du Conseil Supérieur
de la Magistrature saisi par la commission d’avancement dont la
composition est la suivante :
Président : le Garde des Sceaux, ministre de la Justice ou son
représentant ;
Membres :

81
- le président de la chambre judiciaire de la Cour Suprême ;
- le procureur général près la Cour Suprême ;
- les présidents des cours d’appel ;
- les procureurs généraux près les cours d’appel ;
- deux magistrats dont un du parquet, tous deux étant élus par
leurs pairs pour une durée de deux (02) ans renouvelables ;
- un représentant du ministre chargé de la Fonction Publique ;
- un représentant du ministre chargé des Finances ;
Le passage d’un échelon à un autre à l’intérieur d’un même grade
est constaté par arrêté du Garde des Sceaux.
Conformément à l’article 37 de la loi n°2001-35 du 21 février
2003 portant statut de la magistrature, les emplois susceptibles
d’être attribués aux magistrats compte tenu de leurs grades sont
établis comme ci-après :
1°) parmi les magistrats de grade initial, sont nommés :
- les juges et substituts des tribunaux de première instance ;
- les vice-présidents des tribunaux de première instance de
deuxième classe ;
- les magistrats en service à l’administration centrale de la
Justice ;
2°) parmi les magistrats du grade intermédiaire, sont nommés :
- les juges d’instruction des premiers cabinets des tribunaux de
première instance de première classe ;
- les présidents et procureurs des tribunaux de première instance
de deuxième classe ;
- les directeurs adjoints à l’administration centrale de la Justice ;
3°) parmi les magistrats du grade terminal, sont nommés :

82
- les juges d’instruction des premiers cabinets des tribunaux de
première instance de première classe ;
- les directeurs à l’administration centrale de la Justice ;
- les conseillers et substituts du procureur général à la cour
d’appel ;
- les présidents, vice-présidents et procureurs des tribunaux de
première instance de première classe ;
- les inspecteurs des services judiciaires ;
4°) parmi les magistrats de classe exceptionnelle et du grade
terminal dernier échelon, sont nommés :
- les présidents des cours d’appel ;
- les procureurs généraux près les cours d’appel ;
- l’inspecteur général adjoint des services judiciaires ;
- les substituts du procureur général près la Cour Suprême ;
5°) parmi les magistrats de grade hors-classe, sont nommés :
- le procureur général près la Cour suprême ;
- les avocats généraux près la Cour Suprême ;
- l’inspecteur général des services judiciaires ;
Le Conseil Supérieur de la Magistrature est l’instance supérieure
chargée de la surveillance du respect des règles professionnelles
des magistrats, de l’évolution de leur carrière et de la discipline
du corps.
« Le Conseil Supérieur de la Magistrature institué par l’article
127 alinéa 2 de la Constitution du 11 décembre 1990 comprend :
a) Les membres de droit :
1- le Président de la République, Président ;
2- le président de la Cour Suprême, premier vice-président ;

83
3- le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, deuxième vice-
président ;
4- les présidents de chambre de la Cour Suprême, membres ;
5- le procureur général près la Cour Suprême, membre ;
6- le président de la cour d’appel, membre ;
7- le procureur général près la cour d’appel, membre ;
b) Les autres membres :
1- une personnalité extérieure à la magistrature connue pour ses
qualités intellectuelles et morales, membre ;
2- deux magistrats dont un du parquet, membres ;
Les membres, autres que ceux de droit, sont nommés par décret
du Président de la République.
En cas de pluralité de cours d’appel, la désignation du président
de la cour d’appel, ainsi que celle du procureur général près cette
cour, prévus aux points 6 et 7 du présent article, se fait par
tirage au sort ».
L’article 2 de la même loi organique dispose :
« Les deux magistrats prévus à l’article 1er point 9, ont chacun
un suppléant.
Les titulaires et les suppléants sont désignés par l’assemblée
générale des magistrats, parmi les magistrats ayant au moins dix
ans d’expérience professionnelle.
La personnalité extérieure à la magistrature et son suppléant
sont nommés, sur une liste de trois personnes, établie par le
Bureau de l’Assemblée Nationale.
La durée de fonction des personnes prévues dans le présent
article est de quatre (04) renouvelable une fois.

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Le renouvellement de ce mandat doit intervenir au moins un
mois avant son expiration ».
La faute disciplinaire du magistrat est appréciée par le Conseil
qui peut, conformément à l’article 58 de la loi n°2001-35 du 21
février 2003 portant statut de la magistrature, prononcer le cas
échéant, les sanctions ci-après :
a) sanctions du premier degré
1- l’avertissement écrit ;
2- le blâme ;
3- le déplacement d’office ;
4- le blocage d’avancement d’échelon pour un an ;
5- la suspension sans traitement pour une durée ne pouvant
excéder
30 jours ;
6- la radiation du tableau d’avancement ;
b) sanctions du second degré
1- l’exclusion temporaire des fonctions pour une période ne
pouvant excéder six mois ;
2- l’abaissement d’échelon ;
3- la rétrogradation ;
4- la mise à la retraite d’office ;
5- la révocation sans suspension des droits à pension
Le pouvoir disciplinaire est exercé à l’égard des magistrats, y
compris ceux en position de détachement suite à la dénonciation
au Conseil Supérieur de la Magistrature par le Garde des Sceaux,
ministre de la Justice des faits motivant la poursuite.
A ce jour, diverses sanctions ont été prononcées par le Conseil

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Supérieur de la Magistrature, avec plus d’une vingtaine de cas de
révocation, notamment à l’issue de l’examen du dossier dit « des
frais de justice criminelle ».
Il est à déplorer qu’il n’existe à ce jour aucun recueil des avis et
décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature du Bénin
statuant en matière disciplinaire et permettant de connaître les
motifs des diverses sanctions prononcées. Tout se déroule dans
une relative opacité. La disponibilité d’un tel document aurait
mis les magistrats en état de mieux connaître les exigences
pratiques de leur état. De même, les justiciables s’informeraient
des conditions d’exercice impartial de la justice, ce qui
contribuerait à asseoir leur confiance en cette institution. Le
même recueil pourrait servir également à la formation des futurs
magistrats et à la réflexion continue du corps sur son éthique.
Les divers conseils supérieurs de la magistrature dont la mission
essentielle et première est d’assurer le bon fonctionnement du
service public de la justice et la garantie de l’indépendance des
magistrats sont généralement suspectés de connivence avec le
pouvoir en place et ne disposent, le plus souvent, d’aucune
crédibilité, aussi bien au sein de la magistrature elle-même (des
nominations et mutations-sanctions sont de plus en plus
dénoncées) qu’auprès des populations de plus en plus attentives
aux décisions rendues par la justice de leurs pays.
En dehors de ses attributions en tant que conseil de discipline
des magistrats, le Conseil supérieur de la Magistrature assiste le
Président de la République dans sa mission de garant de
l’indépendance de la Justice. A cet effet, il est consulté sur toute

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question concernant l’indépendance de la magistrature et la
sécurité des juges.
Il est habilité à faire au Président de la République, toute
proposition de nature à garantir aux magistrats de bonnes
conditions de travail. Il donne son avis sur la nomination des
magistrats, étudie les dossiers de grâce et les transmet avec son
avis motivé au Président de la République.
En 2010 comme en 2011, on compte 158 magistrats dans les
juridictions contre un effectif identique de 128 greffiers sur les
mêmes années. Environ le tiers (36%) des magistrats se trouve à
Cotonou.

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