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L’action administrative

Leçon 6 : Les principes du service public


Jean-Marie Pontier

Table des matières


Section 1. Introduction................................................................................................................................................p. 2
Section 2. Les principes classiques applicables aux services publics.................................................................p. 3
§1. Le principe de continuité des services publics .............................................................................................................................p. 3
A. Appréciation de la continuité........................................................................................................................................................................................p. 3
B. Valeur juridique du principe de continuité....................................................................................................................................................................p. 4
§ 2. Le principe d'égalité et le service public .....................................................................................................................................p. 5
A. L'égale admissibilité aux emplois publics.................................................................................................................................................................... p. 5
B. L'égalité des usagers devant le services public.......................................................................................................................................................... p. 7
§ 3. Le principe de neutralité ............................................................................................................................................................. p. 8
A. Le principe de neutralité et les agents du services..................................................................................................................................................... p. 9
B. Le principe de neutralité et les usagers.................................................................................................................................................................... p. 10
§ 4. Le principe de mutabilité............................................................................................................................................................ p. 10
A. Signification du principe de mutabilité....................................................................................................................................................................... p. 11
B. Portée du principe de mutabilité................................................................................................................................................................................ p. 11
Section 3. Les nouveaux principes du services public........................................................................................ p. 13
§1. Le principe de transparence........................................................................................................................................................ p. 13
A. Caractéristiques du principe de transparence........................................................................................................................................................... p. 13
B. La transparence dans l'édiction des actes unilateraux.............................................................................................................................................. p. 14
1. La publicité des actes....................................................................................................................................................................................................................................... p. 14

2. L'information des administrés............................................................................................................................................................................................................................p. 15

§ 2. Le principe de participation........................................................................................................................................................ p. 16
A. L'évolution de la participation.....................................................................................................................................................................................p. 16
B. Formes et valeur de la participation.......................................................................................................................................................................... p. 17
C. Les domaines de la participation............................................................................................................................................................................... p. 18

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Section 1. Introduction
Les principes sont ce qui commande une action ou une organisation, ils orientent la manière de se comporter,
ils fixent une règle pour l'action.

Les principes existent dans tous les domaines, qu'il s'agisse du domaine des sciences dites exactes ou de
celui des sciences sociales. On les trouve donc logiquement en droit, et ces principes sont très nombreux.

Les services publics sont également soumis à un certain nombre de principes, en ce sens que leur organisation
mais surtout leur fonctionnement doivent répondre à un certain nombre d'exigences représentées par ces
principes. Ces derniers ont été dégagés progressivement par le juge administratif ainsi que, à une époque plus
récente, parfois par le législateur, qui a tendance, désormais, à multiplier les principes

Certains de ces principes sont traditionnels, ce qui ne veut pas dire qu'ils n'évoluent pas et qu'ils ne se
renouvellent pas. D'autres, énoncés plus récemment, correspondent à de nouvelles exigences de notre temps,
les attentes des citoyens à l'encontre de l'administration s'étant tout naturellement transformées avec les
transformations de la société.

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Section 2. Les principes classiques
applicables aux services publics

Par principes classiques il faut entendre les principes que le juge a dégagés au fur et à mesure que des
questions relatives aux services publics lui étaient soumises. Ce sont aussi des principes sur l'énoncé desquels
un accord se fait sans difficultés (l'accord sur l'énoncé n'impliquant pas l'accord absolu sur le contenu).

Un auteur, Louis Rolland, a systématisé ces principes, d'où le nom de « lois de Rolland » qu'on leur donne
quelquefois, étant entendu qu'il ne faut évidemment pas comprendre le terme de « lois » dans son sens
habituel. Ces principes sont au nombre de trois, leur importance, comme on va le voir, n'est pas tout à fait
la même.

§1. Le principe de continuité des services


publics
Le principe de continuité des services publics est toujours présenté en premier, en raison de l'importance qu'il
présente pour toute société : la continuité des services publics c'est, d'une certaine manière, la continuité de
l'Etat, l'absence de continuité c'est le signe d'une faillite de l'Etat

A. Appréciation de la continuité
Il convient de se demander ce qu'est et ce que représente la continuité avant de s'interroger sur la valeur
juridique de continuité.

Que veut-on dire lorsque l'on parle de continuité ?

• En premier lieu, il faut relever que la notion de continuité n'est pas propre aux services publics, elle
dépasse le service public. On trouve en effet la notion de continuité en droit constitutionnel, avec la
notion d' « affaires courantes ». Celle-ci signifie qu'un gouvernement démissionnaire ne peut plus prendre
de décisions importantes pour le pays, néanmoins, et selon la formule consacrée, il doit continuer à «
expédier les affaires courantes ». Expédier les affaires courantes c'est, par exemple, continuer à payer
les fournisseurs de l'administration, les agents de l'Etat, etc. On n'imagine pas que, à partir du moment
où un gouvernement est démissionnaire, plus aucune décision ne peut être prise, ce serait la paralysie
de l'Etat. La notion d'affaires courantes est l'expression de ce principe de continuité, elle a d'ailleurs été
consacrée par le juge administratif dans une décision importante de 1952 (CE 4 avr. 1952, Syndicat
régional des quotidiens d'Algérie, Rec. p. 210).

• En deuxième lieu, le simple bon sens commande de dire que le principe de continuité ne peut pas être
apprécié de la même manière pour tous les services : pour certains services le principe de continuité sera
plus exigeant que pour d'autres services, tout dépend de l'importance de la fonction exercée. Certains
services doivent fonctionner de manière continue, la nature même des missions assurées implique qu'il
n'y ait aucune interruption dans le fonctionnement du service.

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En revanche pour d'autres services publics, pour la majorité même des services publics, on admet que
le principe de continuité ne signifie pas la permanence de fonctionnement, ce qu'implique le principe de
continuité est plutôt la régularité de fonctionnement du service, avec des horaires d'ouverture au public, des
« permanences » (qui ne sont pas la permanence) certains jours : les bibliothèques, les services sociaux, les
écoles, fonctionnent de cette manière-là, qui est d'ailleurs également la manière de fonctionner des entreprises
privées.

• En troisième lieu l'appréciation de la continuité d'un service est fonction de différents facteurs, qui peuvent
naturellement évoluer avec le temps. S'agissant par exemple des services ouverts au public, ce qui est le
cas d'un grand nombre de services publics, des horaires réguliers d'ouverture ne suffisent pas à assurer
la continuité si ces horaires ne sont pas adaptés : les horaires d'heures normales de travail, par exemple,
sont de moins en moins adaptés car les administrés se trouvent précisément eux-mêmes au travail durant
ces heures d'ouverture, les horaires décalés sont indispensables pour que ces administrés puissent
accomplir les démarches indispensables (d'où, d'ailleurs, et de manière justifiée, le développement des
procédures par internet, qui permet de se dégager des contraintes horaires). Cela signifie également,
puisque tout ne peut être mis sur internet, et n'y est d'ailleurs pas, même lorsque cela serait possible
(il y a un coût à cette opération, la numérisation des livres, par exemple, prend du temps), que ce qui
pouvait paraître satisfaisant autrefois ne l'est plus nécessairement aujourd'hui : les horaires d'ouverture
des bibliothèques, qu'elles soient universitaires ou municipales, ne prennent pas suffisamment en compte
les besoins des usagers. Il peut en être de même pour les transports en commun, métro, bus, tramways,
qui, le soir venu, ont un fonctionnement ralenti.

• En quatrième lieu, cela montre qu'il peut y avoir opposition entre des intérêts divergents, les intérêts
des personnels et les intérêts des usagers. Normalement le service public devrait compris comme étant
d'abord le service du public. Ce n'est pas toujours le sentiment qu'éprouvent les usagers, les personnels
défendant d'abord leurs intérêts propres (conditions de travail par exemple). L'opposition est accentuée,
voire exacerbée, dans le cas de grève. Le droit de grève est reconnu aux agents, on verra plus loin qu'il
a une valeur juridique équivalente à celle du principe de continuité. Mais, quoi qu'il en soit, en cas de
grève la continuité du service est affectée, voire est interrompue, au profit des personnels et au détriment
des usagers.

B. Valeur juridique du principe de continuité


Les juges ont été amenés à se prononcer sur la valeur juridique du principe de continuité, compte tenu
notamment du fait que ce principe s'oppose au droit de grève, qui a reçu, dans le Préambule de 1946, une
valeur constitutionnelle.

C'est précisément à propos d'une loi réglementant le droit de grève au sein du service public de la
radiodiffusion-télévision que le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le principe de continuité, et il
a déclaré, dans sa décision 105-DC du 25 juillet 1979 que le législateur pouvait apporter les limitations
nécessaires au droit de grève « en vue d'assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de
grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle ». Les choses sont donc désormais claires, le
principe de continuité des services publics a, selon le Conseil constitutionnel, une valeur constitutionnelle.

Le Conseil d'Etat a été conduit tout naturellement à se prononcer, lui aussi, sur le principe de continuité du
service public, dans des situations caractérisées par l'interruption du service, la question posée étant de savoir
quels sont les pouvoirs de l'autorité administrative dans un tel cas. La décision de principe, en la matière,
demeure celle rendue par le Conseil d'Etat en 1950 (CE Ass. 7 juill. 1950, Dehaene, Rec. p. 426, RDP 1950, p.
691, concl. Gazier) à propos de mesures de suspension de fonctionnaires d'autorité (en l'espèce des chefs de
bureau de préfecture) par le ministre de l'intérieur à la suite d'une grève intervenue en 1948. Le Conseil d'Etat
fut confronté, pour la première fois, à la disposition du Préambule consacrant le droit de grève. Le Préambule
déclare que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Ayant rappelé cette

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formule, le Conseil d'Etat que par là le constituant « a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation
nécessaire entre la défense des intérêts professionnels dont la grève constitue une modalité et la sauvegarde
de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ». Et il déclare que « en l'absence de cette
réglementation la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations
qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux
nécessités de l'ordre public ; (...) en l'état actuel de la législation, il appartient au gouvernement, responsable
du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne
ces services, la nature et l'étendue desdites limitations ».

On peut tirer de la jurisprudence du Conseil d'Etat trois enseignements.

• En premier lieu, la grève des agents publics est licite, elle est reconnue par une norme constitutionnelle
comme par les lois, mais il faut rappeler que ce ne fut pas toujours le cas dans le passé, il fut un temps
où la grève des fonctionnaires était illégale, c’est encore le cas, aujourd’hui, dans certains pays.
• En deuxième lieu, le droit de grève qui appartient à tout fonctionnaire doit cependant se concilier avec le
devoir de réserve qui s'impose à tout agent public (V. en ce sens CE 12 oct. 1956, Dlle Coquand, Rec.
p. 362, l'incitation par voie de tracts et de harangues, même en dehors du service, à une grève politique,
constitue une faute disciplinaire).
• En troisième lieu, même lorsque la grève est licite, l'autorité administrative peut prendre les mesures
destinées à éviter, selon la formule de Dehaene, « un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre
public »<CITATION/> (V. par ex. CE Ass. 4 fév. 1966, Syndicat unifié des techniciens de la RTF, Rec.
p. 81, CJEG 1966 p. 121, concl. Bertrand).

Il convient également de relever que la formule du Constituant de 1946 comporte deux aspects :

• d'une part elle affirme et consacre le droit de grève mais,


• d'autre part, elle ajoute que ce droit « s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Or cette
seconde partie de la formule a souvent été oubliée.

Sous la Quatrième République, le législateur, souvent impuissant, n'a pas osé adopter cette législation
générale qui était appelée par la disposition du Préambule, et plus le temps s'écoulait, plus il paraissait difficile
d'adopter une loi mettant en oeuvre la disposition du Préambule : cette loi aurait apporté nécessairement des
limitations au droit de grève, et cette idée se heurtait à l'opposition unanime des syndicats. Sous la Cinquième
République des lois ont bien été adoptées, mais aucune d'entre elles ne constitue la législation générale
impliquée par la disposition constitutionnelle. Tel est le cas, notamment, de la loi du 31 juillet 1963, relative à
certaines modalités de la grève dans les services publics (l'expression « certaines modalités » indique bien
qu'il ne s'agit pas d'une législation générale ; V. en ce sens CE Ass. 4 fév. 1966, Syndicat unifié des techniciens
de la RTF, précité). C'est pourquoi, faute pour le législateur d'avoir édicté cette législation générale, le Conseil
d'Etat a maintenu l'essentiel de la jurisprudence Dehaene (CE Sect. 17 mars 1997, Fédération nationale des
syndicats du personnel des industries de l'énergie électrique, nucléaire et gazière, Rec. p. 90)

§ 2. Le principe d'égalité et le service public


S'agissant du service public, le principe d'égalité trouve les traductions suivantes

A. L'égale admissibilité aux emplois publics


Les services publics, pris au sens organique de l'expression, sont gérés par des agents publics.

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Le principe d'égale admissibilité aux emplois publics est donc un principe essentiel de fonctionnement de ces
services.

L'histoire de l'administration montre qu'un certain nombre d'atteintes ont été portées à ce principe d'égale
admissibilité aux emplois publics, et ce sont les efforts pour supprimer ces atteintes qui sont à rappeler.

Parmi les nombreuses atteintes auxquelles on peut songer, l'une de celles qui, encore aujourd'hui, ont entraîné
des politiques de correction, est l'atteinte à raison du sexe<REGLE_PRATIQUE/> c'est-à-dire, concrètement,
les discriminations opérées à l'encontre des femmes. Le problème de l'égalité entre hommes et femmes est
évidemment loin de se limiter aux questions de recrutement dans les différentes fonctions publiques, c'est un
problème général de société, et le législateur, ainsi que le constituant lui-même, sont intervenus pour tenter
de régler cette question. S'agissant de notre domaine, et de la fonction publique plus spécialement, il faut
également relever, avant d'examiner l'évolution qui s'est produite, que la question de l'égalité a été plutôt mieux
résolue dans la fonction publique que dans le secteur privé : les différences de salaires, notamment, subsistent
dans le secteur privé, alors qu'elles n'existent plus au sein des différentes fonctions publiques.

• A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, encore, le juge administratif se montre
compréhensif à l’égard de l’administration lorsque celle-ci écarte une femme, ne contrôlant pas les motifs
par lesquels l’administration prend sa décision. Il faut signaler, pour comprendre ces décisions, qu’à cette
époque il n’existe évidemment pas de statut de la fonction publique, et que, parallèlement, le législateur,
celui de la troisième République, se refuse obstinément à reconnaître le droit de vote aux femmes.
• Un deuxième stade de l'évolution est représenté par la décision Demoiselle Bobard (CE 3 juill. 1936,
Rec. p. 721) dans laquelle le juge affirme « l'aptitude légale aux emplois dépendant des administrations
centrales des ministères », tout en reconnaissant au gouvernement le droit de décider des restrictions à
l'admission et à l'avancement du personnel féminin « si des raisons de service (le) nécessitent », le juge
ne contrôlant toujours pas ces raisons. Ministre de l'éducation nationale c/Mme Buret, Rec. p. 556).
• Le troisième stade de l'évolution est représenté par l'adoption du premier statut de la fonction publique,
le 19 octobre 1946, prohibant toute discrimination en dehors des « dispositions spéciales » résultant de
statuts particuliers. Le juge administratif va adapter sa jurisprudence en conséquence, déclarant que le
gouvernement ne peut apporter de dérogations au principe d'égalité des sexes que « dans le cas où la
nature des fonctions exercées ou les conditions d'exercice de ces fonctions exigent de telles dérogations
», celles-ci étant au surplus désormais appréciées « sous le contrôle du juge » (CE Ass. 6 janv. 1956,
Syndicat national autonome du cadre d'administration générale des colonies, Rec. p. 4, Rev. adm. 1956
p. 33, concl. Laurent).

Les statuts ultérieurs de la fonction publique se sont largement inspirés des formules jurisprudentielles. Le
statut général actuel de la fonction publique affirme le principe d'égalité, sous la seule réserve de la possibilité
de procéder à des recrutements distincts pour les hommes et les femmes lorsque « l'appartenance à l'un ou
l'autre sexe constitue une condition déterminante pour l'exercice des fonctions », et le juge a appliqué ces
dispositions au recrutement des corps d'instituteurs et d'institutrices, des professeurs d'éducation physique et
sportive, des personnels de services extérieurs de l'administration pénitentiaire et de certains corps de la police
nationale (CE 16 avr. 1986, CFDT, Rec. p. 104, concl. Boyon). Cependant, la CJCE a estimé ces recrutements
distincts non justifiés par la directive du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de
traitement entre hommes et femmes (CJCE 30 juin 1988, Commission c/France, aff. 318/86). En application de
cette jurisprudence, le Conseil d'Etat a notamment annulé le refus qui avait été opposé à la candidature d'une
femme à une affectation dans un emploi d'enseignant spécialisé dans une maison d'arrêt (CE 7 déc. 1990)

Une deuxième série d'atteintes que l'on peut relever au principe d'égalité est représentée par les atteintes
portées à raison des opinions politiques des intéressés. On sait très bien que les discriminations idéologiques
et politiques sont intrinsèquement liées à la nature autoritaire ou totalitaire d'un régime politique, mais les
démocraties ont-elles aussi, à lutter contre la tentation de telles discriminations. La jurisprudence en ce
domaine est particulièrement claire, elle est représentée par un arrêt de principe remarquable par la méthode
utilisée par le juge.

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Jurisprudence
Il s'agit de la célèbre affaire Barel (CE 28 mai 1954, Ass., Barel, Rec. p. 308, concl. Letourneur) : le sieur
Barel s'était vu refuser la possibilité de présenter le concours d'entrée à l'ENA, le motif réel, mais non avoué,
de ce refus étant son appartenance au parti communiste ; malgré les dénégations du ministre, le juge annula
le refus en déclarant que s'il appartient au ministre chargé d'arrêter la liste des candidats admis à concourir,
« d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats présentent les garanties requises pour l'exercice des
fonctions auxquelles donnent accès les études poursuivies à l'Ecole nationale d'administration et s'il peut, à
cet égard, tenir compte de faits et manifestations contraires à la réserve que doivent observer ces candidats,
il ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité de tous les Français aux emplois et fonctions publics,
écarter de ladite liste un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques ».

Dans le même ordre d'idée, et dans le prolongement de Barel, le dossier du candidat qui présente un concours
ne doit comporter aucune mention de ses opinions politiques ou de son appartenance syndicale (CE 28
sept. 1988, Mermenghi, Rec. p. 316), pas plus d'ailleurs que de ses convictions philosophiques ou religieuses.

Les convictions religieuses, ou plus exactement l'état religieux, ont représenté une autre forme d'atteinte
au principe d'égalité. Sur ce point la jurisprudence administrative a été beaucoup moins assurée et moins
respectueuse de ces convictions : dans une décision de 1912 (CE 10 mai 1912, Abbé Bouteyre, Rec. p. 553,
concl. Helbronner) le Conseil d'Etat avait admis que le ministre de l'instruction publique avait pu légalement
écarter du concours un membre du clergé. Cette décision, déjà fort critiquable en son temps (elle aboutit à
faire des ministres du culte des « citoyens de seconde zone ») ne paraît plus représentative de l'état du droit
et doit être considérée comme caduque (un jugement du TA de Paris du 7 juill. 1970, Spagnol, Rec. p. 851, a
d'ailleurs annulé le refus d'admettre un ecclésiastique à participer au concours d'agrégation d'anglais). Dans
un avis du 21 septembre 1972 (EDCE n° 55, p. 422) l'assemblée générale du Conseil d'Etat déclare : « si les
dispositions constitutionnelles qui ont établi la laïcité de l'Etat et celle de l'enseignement imposent la neutralité
de l'ensemble des services publics et en particulier la neutralité du service de l'enseignement à l'égard de
toutes les religions, elles ne mettent pas obstacle par elles-mêmes à ce que des fonctions de ces services
soient confiées à des membres du clergé ».

B. L'égalité des usagers devant le services public

Un autre aspect du principe d'égalité est celui du principe d'égalité des usagers devant le service public.

Ainsi que l'on peut s'en douter, cette question a donné lieu à une abondante jurisprudence. Le principe d'égalité
qui régit le fonctionnement des services publics a été clairement consacré, en tant que principe général du
droit, par le Conseil d'Etat dans sa décision (vue dans les développements relatifs aux principes généraux du
droit) du 9 mars 1951,Société des concerts du Conservatoire . Le juge a reconnu que les usagers avaient un
intérêt suffisant - au sens juridique du terme - pour attaquer, par la voie du recours pour excès de pouvoir,
des décisions administratives relatives au fonctionnement d'un service public dans une décision très célèbre
(CE 21 déc. 1906,Syndicat des propriétaires et contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli, Rec. p. 962,
concl. Romieu).

Le principe d'égalité devant les services publics donne lieu à une jurisprudence complexe, car il signifie - ce
qui peut apparaître comme l'expression du bon sens mais est en réalité très difficile à mettre en oeuvre - que
les personnes doivent être soumises aux mêmes règles, mais à condition de se trouver dans une situation
identique à l'égard du service public. Et c'est cette notion de situation identique qui soulève de nombreuses
interrogations, car elle n'est pas aisée à apprécier.

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En d'autres termes, des différences de traitement entre les usagers sont justifiées si elles tiennent à la
différence de situation des usagers, ou à des considérations d'intérêt général relatives au fonctionnement du
service.

Ces différences se traduisent fréquemment par des différences de tarification.

Jurisprudence
Le Conseil d'Etat a précisé les conditions de la légalité de différences de tarifs dans une affaire célèbre,
celle du bac (avant qu'il n'y ait un pont) entre La Rochelle et l'île de Ré. Le conseil général, qui exploitait
le bac, avait institué trois tarifs, un tarif préférentiel pour les habitants de l'île de Ré, un autre tarif pour les
habitants de Charente-Maritime, et un troisième tarif, le plus élevé, pour les autres utilisateurs du bac. Le
Conseil d'Etat considère que les habitants de l'île de Ré se trouvent dans une situation différente des autres
usagers justifiant des tarifs préférentiels (on comprend la chose, puisque les habitants de l'île sont obligés
de venir sur le continent, ne serait-ce que pour le ravitaillement), mais qu'il n'y a pas de différence entre les
habitants du département de Charente-Maritime et ceux des autres départements (ce qui se comprend tout
aussi bien, le conseil général avait peut-être pensé que les habitants des autres départements n'étaient pas
des électeurs ...). La formule utilisée par le Conseil d'Etat est la suivante : ' La fixation de tarifs différents pour
un même service rendu à diverses catégories d'usagers ou d'un ouvrage public implique, à moins qu'elle
ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation
appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou
de l'ouvrage commande cette mesure (CE Sect., 10 mai 1974 Denoyez et Chorques, , Rec. p. 274). L'histoire
ne s'est pas tout à fait arrêtée là car le législateur a adopté une loi, la loi du 12 juillet 1979, légalisant les
différenciations tarifaires pour les bacs et les ponts à péage. Cette loi a été déférée au Conseil constitutionnel,
lequel a déclaré qu'une loi prévoyant de telles discriminations n'était constitutionnelle que si elle était justifiée,
soit par « une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation de l'ouvrage d'art », soit
par « la situation particulière de certains usagers » (CC n° 79-107 DC du 12 juill. 1979), l'idée étant la même
que celle consacrée par le juge administratif, mais la formulation étant un peu différente.

Le fonctionnement des services publics locaux a donné lieu à une jurisprudence relative aux différenciations
tarifaires que des collectivités territoriales (essentiellement des communes, car ce sont elles qui sont le plus
concernées) avaient instituées. Ces communes ont eu recours à deux critères de différenciation entre les
usagers. Le premier critère a été celui des ressources financières des familles des élèves. Après avoir, durant
un temps, différencié la réponse selon la nature du service, en admettant cette différenciation pour les services
publics sociaux (CE 20 janv. 1989, Centre communal d'action sociale de la Rochelle, Rec. p. 8, à propos d'une
crèche) et en la refusant pour les services publics culturels (CE 26 avr. 1984, Ville de Tarbes, Rec. p. 119),
le Conseil d'Etat a admis de telles différenciations pour l'ensemble des services publics locaux (CE Sect. 29
déc. 1997, Commune de Gennevilliers, Rec. p. 499, RFDA 1998 p. 539, concl. Stahl, à propos des tarifs d'une
école de musique).

De la même manière, pour ces services publics locaux, le Conseil d'Etat admet les différenciations tarifaires
fondées sur la domiciliation des intéressés : s'agissant d'une cantine scolaire, les tarifs peuvent être plus élevés
pour les élèves domiciliés hors de la commune que pour les élèves dont les familles ont leur résidence sur
le territoire de la commune (CE Sect. 5 oct. 1984, Commissaire de la République de l'Ariège, Rec. p. 315,
concl. Delon), à condition, toutefois, que les tarifs les plus élevés n'excèdent pas le prix de revient du repas
(la solution est la même pour les écoles de musique : le tarif le plus élevé ne doit pas dépasser le coût annuel
par élève de l'établissement).

§ 3. Le principe de neutralité

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Le principe de neutralité est présenté par certains auteurs comme une conséquence du principe d'égalité, et
est rattaché par eux à ce dernier.

Cependant, d'une part le principe de neutralité ne se confond pas systématiquement avec le principe d'égalité,
d'autre part il ne met pas l'accent sur les mêmes exigences : dans le principe d'égalité, ce qui est mis en avant
ce sont les droits des usagers à l'égard du service, dans le principe de neutralité ce sont plutôt les devoirs du
service à l'égard des usagers. Il est donc préférable de traiter le principe de neutralité à part, en l'envisageant
du côté des agents et du côté des usagers.

A. Le principe de neutralité et les agents du services


Les agents qui collaborent à un service public doivent respecter le « devoir de stricte neutralité qui s'impose à
tout agent collaborant à un service public » (CE 3 mai 1950, Demoiselle Jamet, Rec. p. 247).

La neutralité doit être envisagée essentiellement dans les rapports de l'agent avec les usagers, mais on peut
également y faire entrer la réserve dont doivent faire preuve les agents à l'égard de l'institution elle-même.

Jurisprudence
C'est, par exemple, au nom du principe de neutralité, que le juge a estimé en l'espèce non respecté, qu'a
été annulée une décision autorisant l'organisation dans un lycée de réunions par de groupements politiques
d'élèves (CE 8 nov. 1985, Rudent, Rec. p. 316, RFDA 1986 p. 630, concl. M. Laroque). Le principe de
neutralité s'oppose également à ce que les formulaires de candidature à des concours (mais cela vaut
plus largement pour les emplois) comportent des demandes de renseignements portant sur les opinions
confessionnelles, syndicales ou politiques (CE 4 nov. 1996, Confédération nationale des groupes autonomes
de l'enseignement public, Rec. p. 430). Il interdit encore que des emblèmes religieux (exemple un crucifix)
soient apposés dans les bâtiments publics (CAA Nantes 4 fév. 1999, Association civique Joué Langueurs).

La neutralité est également représentée par le principe d'impartialité dont doivent faire preuve non seulement
les agents des services publics mais les organismes et les institutions publics : l'impartialité est une « obligation
», ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel, et cette obligation s'applique aux juridictions comme aux
organes administratifs.

Jurisprudence
Dans la décision Didier (CE Ass. 3 déc. 1999, Didier, RFDA 2000, p. 584, concl. Seban) le Conseil d'Etat
rappelle que le principe d'impartialité est énoncé à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de
l'homme. Le principe d'impartialité résulte donc, tantôt de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits
de l'homme, tantôt de règles purement internes, sans que cela entraîne de différences sensibles.

On peut rapprocher également du principe d'impartialité l'obligation de réserve qui pèse sur tout agent public.

Cette obligation de réserve est orientée vers l'Etat, ou la collectivité publique plus généralement, et non vers
les usagers. Elle implique que le fonctionnaire doit faire preuve de loyauté à l'égard des pouvoirs publics :
l'agent peut ne pas être d'accord avec les dirigeants du pays, ou de la collectivité, mais il doit exécuter les
ordres qui lui sont donnés et accomplir le mieux possible ses tâches, son désaccord éventuel il l'exprime dans

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les bulletins de vote. La loyauté n'est pas le loyalisme, qui impliquerait, pour les agents, de devoir partager les
idées politiques des dirigeants (cela existe dans des pays qui ne sont évidemment pas des démocraties).

B. Le principe de neutralité et les usagers


C'est, de nouveau, de manière privilégiée dans les établissements d'enseignement que la question de la
neutralité s'est présentée. Dans les années 80 la question s'est posée sous un jour nouveau, auquel n'avaient
manifestement pas songé les autorités publiques qui, au départ, ont été prises un peu de court, l'affirmation
de convictions religieuses. Les pouvoirs publics, marqués par une histoire républicaine caractérisée par les
conflits avec l'Eglise catholique qui s'étaient conclus avec la loi de séparation de 1905, ont été surpris par
l'affirmation de convictions islamiques se traduisant par ce que l'on a appelé improprement le « port du foulard
» par des jeunes filles dans les établissements scolaires. Les réactions à ce phénomène ont été diverses,
certaines élèves ont été exclues de l'établissement dans lequel elles se trouvaient en raison du port de ce
vêtement, ce qui a impliqué une intervention des pouvoirs publics. Le gouvernement a, selon une (bonne)
habitude, demandé l'avis du Conseil d'Etat. Celui-ci a, le 27 novembre 1989, rendu un avis équilibré et assez
remarquable dans lequel il rappelle à la fois le principe de laïcité de la France et le nécessaire respect de
la liberté de conscience, suggéré des solutions de compromis. Des circulaires ministérielles ont été prises à
destination des établissements scolaires pour leur indiquer la conduite à tenir.

Le Conseil d'Etat a eu également à se prononcer, mais sur le plan contentieux, à propos de mesures prises par
des directeurs d'établissements scolaires à l'encontre de jeunes filles ne se conformant pas aux dispositions
du règlement intérieur de l'établissement. Conformément à une jurisprudence traditionnelle, mais également
à la position qu'il avait adoptée dans l'avis précité, le juge a annulé les dispositions d'un règlement intérieur
interdisant le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou autre, d'ordre religieux, politique ou philosophique,
en raison du caractère général et absolu de l'interdiction (CE 12 nov. 1992, Kherouaa, Rec. p. 389, RFDA
1993 p. 112, concl. Kessler). En revanche, il a admis la légalité de l'exclusion définitive de deux élèves qui
avaient refusé, lors d'un enseignement d'éducation physique, d'ôter le foulard qu'elles portaient en signe
d'appartenance religieuse, car le port de ce foulard était « incompatible avec le bon déroulement des cours
d'éducation physique » et la décision définitive d'exclusion avait été prise « en raison des troubles que leur
refus a entraînés dans la vie de l'établissement, aggravés par les manifestations auxquelles participait le père
des intéressées à l'entrée du collège » (CE 10 mars 1995, M. et Mme Aoukili, AJDA 1995 p. 332, concl. Aguila).

Le législateur a estimé nécessaire d'intervenir et a adopté la loi du 15 mars 2004, qui comporte un article unique
ainsi rédigé : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenus par lesquels
les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, est interdit » (pour la petite histoire on
retiendra que des débats pittoresques, mais non inutiles, ont eu lieu au Parlement sur le point de savoir s'il
convenait de garder le terme d' « ostentatoire », qui figurait dans la circulaire ministérielle du 20 septembre
1994, ou d'adopter le terme d' « ostensible », ce qui a été finalement le choix du législateur). Le Conseil d'Etat,
saisi d'un recours en annulation contre une circulaire d'application de cette loi, considéré que ladite loi n'était
pas contraire à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (CE 8 oct. 2004, Union française
pour la cohésion nationale, Rec. p. 367, RFDA 2004 p. 977, concl. Keller).

§ 4. Le principe de mutabilité
Le législateur de notre temps n'a plus les illusions du législateur révolutionnaire qui croyait établir des lois pour
les siècles à venir, les lois n'ont qu'un temps, elles doivent être adaptées aux circonstances et aux nouvelles
exigences. Ce serait d'ailleurs plutôt l'inverse qui se produit aujourd'hui, la loi étant frappée d'instabilité et de
précarité, ainsi que le Conseil d'Etat l'a relevé dans son rapport de 1991.

Ce qui vaut pour la loi vaut à plus forte raison pour les actes pris par l'administration.

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A. Signification du principe de mutabilité

Ce qui mute c'est ce qui se transforme, et c'est pourquoi on peut aussi bien parler du principe d'adaptation,
le changement étant opéré, normalement, en vue d'adapter la réglementation aux nouvelles considérations
(d'ordre politique ou autre). Et, normalement aussi, l'adaptation est faite pour améliorer.

Le principe de mutabilité, ou d'adaptation, s'explique facilement. L'administration a en charge les services


publics, organisés, ainsi que nous l'avons observé précédemment, en vue de satisfaire les intérêts publics tels
qu'ils sont définis par les organes et les autorités compétents en vertu de la Constitution pour ce faire. Elle
apprécie donc ce que sont ces intérêts, et si elle estime que leur satisfaction appelle un changement dans
les réglementations elle peut apporter les modifications jugées utiles. On peut relever à cet égard les points
suivants.

• Tout d'abord, et ainsi que l'observait un commissaire du gouvernement, le juge n'exerce qu'un contrôle
minimum (on verra dans une leçon ultérieure ce que recouvre cette notion de contrôle minimum) sur «
l'appréciation portée par l'administration des conditions dans lesquelles les besoins du public peuvent
être satisfaits » (concl. Massot sur CE Sect. 18 mars 1977, Chambre de commerce de la Rochelle et
autres, Rec. p. 153). Cela signifie que l(administration peut modifier les conditions de fonctionnement
du service, ou encore le mode de gestion du service, par exemple en passant d'une gestion publique à
une gestion privée, ou l'inverse. Cela n'empêche pas les intéressés de contester, s'ils y ont un intérêt,
la mesure de modification.

• Ensuite, l'administration peut procéder à la modification, soit par voie unilatérale, soit par voie
conventionnelle. L'autorité administrative compétente peut, de sa propre initiative, procéder à la
modification jugée nécessaire, notamment lorsqu'il s'agit de la modification d'une réglementation. C'est
la situation la plus fréquente, l'administration procédant, notamment, aux changements nécessités par
l'adoption d'une loi nouvelle. Les citoyens ne peuvent, en effet, se prévaloir d'un droit au maintien d'une
réglementation (V., par ex. la décision du CE Sect. 27 janv. 1961, Vannier, Rec. p. 60, concl. Kahn, dans
laquelle le juge déclare, à propos de la suppression des émissions de télévision en 441 lignes que ce
service peut être supprimé, même si c'est avant - compte tenu d'un incendie ayant détruit l'émetteur - la
date prévue par voie réglementaire). Le changement peut résulter également d'un accord, plus ou moins
formalisé. D'une part, en effet, en ce qui concerne les relations avec les collectivités territoriales, l'Etat a
cherché à développer ce que l'on peut appeler la contractualisation, afin de mieux assurer la satisfaction
d'un certain nombre de services publics. D'autre part, l'Etat a cherché à « associer », d'une manière
ou d'une autre, les citoyens à la prise de décisions afin que les décisions administratives soient mieux
comprises et mieux appliquées (V. infra, les nouveaux principes du service public).

• Enfin, si l'administration peut, sous réserve naturellement de la légalité des mesures qu'elle prend,
apporter des modifications à l'organisation ou au fonctionnement des services, sa liberté est limitée sur
deux points. D'une part, l'administration ne peut supprimer un service si celui-ci a un caractère obligatoire
(ce caractère obligatoire pouvant découler de la Constitution, pour les services publics constitutionnels,
ou de la loi). D'autre part, l'administration doit, dans certains cas, procéder au changement, tel est
le cas lorsque, en application de la jurisprudence Compagnie Alitalia (3 fév. 1989), précitée, l'autorité
administrative, saisie d'une demande d'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y faire droit, que ce
règlement ait été illégal dès l'origine ou qu'il le soit devenu par suite du changement de circonstances.

B. Portée du principe de mutabilité


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Le principe de mutabilité a surtout des effets à l'égard des usagers du service, mais il convient de distinguer
selon la nature du service public concerné.

Les usagers des services publics administratifs se trouvent le plus souvent dans une situation légale et
réglementaire par rapport au service et tel est le cas,

Les usagers des services publics à caractère industriel et commercial se trouvent soumis, eux aussi, au
principe de mutabilité et, par exemple, le juge a estimé que, du fait de la transformation profonde des conditions
économiques résultant de la crise pétrolière, certaines lignes aériennes avaient perdu leur justification, et que la
compagnie Air Inter (absorbée, depuis, par Air France) avait pu fermer en priorité les lignes les plus déficitaires
(CE Sect. 18 mars 1977, Chambre de commerce de La Rochelle et autres, Rec. p. 153)

Qu'il s'agisse de services publics administratifs ou de services publics à caractère industriel et commercial, les
usagers ne sont pas pour autant dépourvus de moyens d'actions.

Ils ont droit, notamment au « fonctionnement normal du service », tant que celui-ci n'a pas été réorganisé ou
n'a pas été supprimé (s'il peut l'être), et peuvent contester les mesures de réorganisation du service (ex. CE 25
juin 1969, Vincent, Rec. p. 334 : modification des horaires d'ouverture et de fermeture des bureaux de poste).
Par ailleurs de telles mesures de réorganisation ne sont légales que si elles ne rétroagissent pas, et cela vaut,
en particulier, pour les dispositions financières qui régissent ces services :

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Section 3. Les nouveaux principes du
services public
Une précision préalable doit être apportée : les nouveaux principes dont il est question ci-après ne sont pas
assimilables aux principes qui viennent d'être examinés, notamment parce qu'ils n'ont pas, ou pas encore, à
la fois la précision et surtout la valeur des précédents. C'est pourquoi, d'ailleurs, il n'existe pas de « liste »
incontestable de ces nouveaux principes, que chacun croit voir émerger et dont certains reçoivent d'ores et
déjà, ou recevront peut-être, dans l'avenir, une confirmation législative ou réglementaire.

Dans son rapport de 1995, Service public, services publics : déclin ou renouveau, le Conseil d'État évoque,
parmi les enjeux à clarifier, l'élucidation et l'enrichissement des principes du service public et cite le principe
d'égalité, les principes d'adaptation et de continuité, les principes de neutralité et de laïcité, le principe de
participation, les principes de transparence et de responsabilité, les principes de simplicité et d'accessibilité.
On peut s'arrêter sur deux de ces principes, en raison de la référence qui y est faite assez fréquemment, on
pourrait presque parler de « mode », sans attribuer à ce terme de sens péjoratif : une mode peut correspondre
à un besoins, c'est souvent le cas.

§1. Le principe de transparence


A. Caractéristiques du principe de transparence
Dans l'énumération du rapport du Conseil d'Etat, précité, il paraît incontestable que, dans certains cas, on a
bien affaire à des principes nouveaux. Il en est ainsi du principe de transparence. Le Conseil d'État illustre ce
principe par référence à un certain nombre de lois adoptées par le législateur depuis la fin des années 1970 : loi
du 6 janvier 1978 (dite "informatique et libertés") ; loi du 17 juillet 1978 qui consacre, notamment, le droit d'accès
aux documents administratifs ; loi du 11 juillet 1979 sur la motivation de certaines décisions administratives.
Le décret du 28 novembre 1983 est également invoqué à l'appui de ce principe. Celui-ci recouvre en fait,
selon cette analyse, l'amélioration des rapports entre les administrés et l'administration. Il se présente donc
de manière assez vague.

Mais l'affirmation du principe de transparence n'est pas seulement nationale.

"La contribution la plus visible (et certaine) du droit communautaire au développement et à la formation des
obligations de service public se manifeste (...) en matière de progrès de l'exigence de transparence" (J.-F.
Flauss, L'influence du droit communautaire sur le droit administratif français, II, LPA 16 janv. 1995), cette
exigence ne paraissant cependant s'appliquer, selon les auteurs, qu'aux services publics ayant une activité
d'entreprise au sens du Traité, soit les SPIC (CJCE 7 mars 1990, GB-INNO-BM et Confédération du commerce
luxembourgeois, Rec. 683). Avec cette obligation de transparence, celle de sécurité, J.-F. Flaus parle de
nouvelles "lois" du service public qui pourraient avoir un effet sur la notion française de service public.

La protection des droits des administrés, exigence fondamentale des sociétés modernes, est conditionnée par
la connaissance des actes de l'administration.

La notion de publicité des actes est essentielle à la réalisation de la transparence, elle s'applique aux actes
unilatéraux comme aux relations contractuelles. La protection des droits de la défense, la motivation des actes

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administratifs, peuvent être considérées comme entrant dans ce principe très général qu'est le principe de
transparence.

Ces deux aspects seront analysés dans le chapitre sur les actes unilatéraux.

B. La transparence dans l'édiction des actes


unilateraux
La transparence est entendue de plus en plus largement, et l'on parle de « droit à la transparence ».
Selon Y. Jegouzo ce droit engloberait « l'essentiel des procédés qui ont visé à améliorer les relations entre
l'administration et les administrés, c'est-à-dire non seulement ceux qui tendent à lever le secret administratif,
mais aussi ceux qui tendent à faire peser sur l'administration l'obligation d'accompagner son action de mesures
de publicité ou d'information active ou d'y associer les administrés notamment par la consultation ».

1. La publicité des actes


Le premier facteur ou la première condition de la transparence, c'est la publicité qui est donnée aux actes
pris par l'autorité administrative. Cette publicité s'oppose au secret de l'administration. Ce secret fut une
caractéristique de ce que l'on appelle, en France, l'Ancien Régime, c'est-à-dire toute la période qui précède
la Révolution française. Aujourd'hui encore, dans un certain nombre de pays dans le monde, les décisions
de l'administration ne sont pas publiées, les citoyens n'ont pas une connaissance directe des actes de
l'administration, ce qui confère à celle-ci une supériorité sur les citoyens, met ces derniers dans la quasi
impossibilité de contester les décisions administratives. Il ne s'agit plus, alors, de pouvoir discrétionnaire mais
d'un pouvoir arbitraire.

En France il convient de distinguer selon qu'il s'agit des actes de l'administration locale, c'est-à-dire de
l'administration décentralisée, ou des actes des autorités de l'Etat.
• En ce qui concerne les actes des autorités locales, le législateur a toujours été très soucieux d'éviter
l'arbitraire dans l'édiction des actes. Lorsque il existait une tutelle de l'Etat sur les collectivités locales,
soit jusqu'en 1982, le problème ne se posait guère du point de vue de l'administration (il pouvait en
revanche se poser pour les citoyens) : les actes des autorités locales n'étaient exécutoires qu'après avoir
été approuvés par le préfet, lequel avait un rôle de vérification de la conformité à la loi de ces actes et
c'était la décision du préfet qui pouvait, éventuellement, être déférée au juge administratif.
Depuis 1982, et la suppression de la tutelle administrative, les actes des collectivités territoriales n'ont plus
besoin de l'approbation du préfet. Ils n'acquièrent cependant force exécutoire que si, pour tous les actes quels
qu'ils soient, une publicité est donnée à ces actes. Faute de cette publicité l'acte n'est pas exécutoire (pour un
certain nombre d'actes de ces collectivités, les plus importants, il faut, au surplus, que l'acte ait été transmis
au représentant de l'Etat, celui-ci exerçant un contrôle administratif sur l'acte en question et pouvant le déférer
au juge administratif s'il le juge illégal).

Cette publicité prend généralement la forme d'une publication qui est opérée par insertion dans le bulletin de
la collectivité, la loi imposant à un certain nombre de collectivités de tenir un registre de ses délibérations. Par
ailleurs la loi peut imposer d'autres modes de publicité parallèlement ou à la place de la publication,
cette publicité prenant la forme d'un affichage dans les locaux de la collectivité. Dans certains cas une
double publicité est imposée. C'est ainsi que dans le cas des permis de construire - mais qui ne sont pas
des actes réglementaires - la loi impose à la fois l'affichage en mairie et l'affichage sur le terrain.

• En ce qui concerne les actes émanant de l'Etat, il faut distinguer selon les types d'actes.
• S'il s'agit de décrets, et sauf cas très particuliers, la publicité ne soulève aucun problème, elle
est assurée par la publication au Journal officiel de la République française. Jusqu'à une période
récente, on pouvait cependant s'interroger sur l'effectivité de cette publicité, en ce sens que si, ainsi
qu'on l'affirme facilement en France, « nul n'est censé ignorer la loi », en pratique le Journal officiel

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n'était guère lu par les « Français moyens », seuls les juristes, et les administrations concernées,
ayant soin de le lire. Cependant la situation s'est très nettement améliorée, depuis environ trois
ans, et la mise en ligne systématique du Journal officiel sur le site Légifrance, désormais bien au
point et facile d'emploi.
• En ce qui concerne les autres actes la question est beaucoup plus nuancée. Tous les arrêtés ne
sont pas publiés au Journal officiel, ou le sont avec retard, l'argument invoqué étant l'engorgement
de ce dernier du fait de la multiplication des textes. C'est là un problème beaucoup plus de fait
que de droit, et auquel il est difficile de donner des réponses vraiment satisfaisantes. Une autre
illustration de cette difficulté peut être donnée à propos des schémas de services collectifs. Ces
derniers sont théoriquement importants puisque, même s'ils n'ont pas de caractère prescriptif, ils
sont supposés définir les équipements à réaliser dans tous les domaines et les aménagements
à opérer. Ces schémas ont fait l'objet d'une publication au Journal officiel, mais cette publication
est seulement relative au décret approuvant les schémas. Ces derniers constituaient un ensemble
beaucoup trop volumineux pour pouvoir être publiés au JO puisque ils totalisent plus de 1600
pages. Il faut se reporter à une édition particulière du JO, l'édition des documents administratifs,
pour avoir connaissance de ces schémas (les documents administratifs ne sont pas mis en ligne).

Dans un certain nombre de cas la question de la publicité n'apparaît que par le biais d'un litige porté devant la
juridiction administrative, le juge étant alors amené à préciser l'étendue de l'exigence de publicité.

Jurisprudence
Ainsi, dans une affaire où un arrêté avait prévu certaines primes au profit de certains personnels et avait été
publié dans la revue de l'Ecole nationale de la santé publique (ENSP), le juge a estimé que la publicité était
insuffisante et a exigé une publicité « raisonnable ». C'est donc le juge qui est, en dernière analyse, le gardien
de l'exigence de transparence dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire et précise l'étendue de l'obligation
d'information qui incombe à l'administration.

2. L'information des administrés

Si l'on inclut les mesures d'information dans la transparence administrative, de nombreuses mesures peuvent
être considérées comme entrant dans la mise en oeuvre de ce droit à la transparence.

• La première mesure d'information est la publicité à donner aux décisions prises par une autorité publique.
La loi est, en dehors des normes constitutionnelles qui soulèvent d'autres problèmes, la norme la plus
importante pour les citoyens puisque émanant de la volonté nationale (ou/et populaire), et elle est
supposée être connue de tous. C'était là plus une pétition de principe qu'une réalité, malgré l'existence,
dans les pays d'Europe, d'un Journal officiel comportant les lois applicables. A notre époque d'autres
mesures de publicité sont indispensables, et on ne comprendrait pas qu'il n'existe pas de sites officiels
où n'importe qui peut, gratuitement, consulter en ligne le journal officiel comme, d'ailleurs, les travaux
préparatoires aux lois dans les assemblées. De ce point de vue des progrès considérables ont été
accomplis partout en Europe.

Mais la publicité ne concerne pas seulement les lois, pour lesquelles elle est tellement évidente, dans un pays
démocratique, qu'elle ne se discute guère. En réalité l'essentiel des normes n'est pas constitué par la
loi mais pour les normes infra législatives, c'est-à-dire les règlements et, plus encore, les circulaires,
instructions et autres notes de service. En pratique on observe en effet que, dans la plupart des pays, les
agents publics se réfèrent d'abord, non pas à la loi mais aux circulaires d'application. Et, bien que ces circulaires
ne concernent en principe pas les administrés, d'une part il peut arriver qu'elles soient réglementaires ou à

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caractère impératif, pour reprendre la terminologie du Conseil d'Etat français, d'autre part, si l'on estime que
la transparence inclut le droit de savoir comment fonctionne l'administration, alors il paraît souhaitable que les
citoyens connaissent les circulaires en question. La difficulté tient à ce que ces circulaires se comptent, pour
la France (mais probablement en est-il de même pour la plupart des grands pays) et le journal officiel ne les
publie pas toutes. Il faut aller rechercher les bulletins officiels pour trouver ces circulaires et autres mesures
d'ordre intérieur, et encore toutes ne sont pas publiées, pour des raisons parfois obscures.

L'exigence de transparence vaut également pour les décisions de justice, car si celles-ci ne sont pas
accessibles aux citoyens on peut considérer que la démocratie n'est pas vraiment réalisée : dans certains
pays, par exemple, il existe une cour constitutionnelle, mais les arrêts de celle-ci ne sont jamais publiés, et ne
sont pas communicables, ce qui entretient naturellement une suspicion à la fois sur la qualité des décisions et,
surtout, sur l'indépendance de la juridiction. Les sites officiels ont, de ce point de vue, grandement amélioré
la transparence.

• L'information recouvre encore d'autres mesures possibles. Parmi celles auxquelles peuvent être
sensibles les citoyens se trouve l'identification des agents ou des autorités qui ont pris une décision.
L'anonymat a été une sorte de marque de fabrique de l'administration, il est caractéristique d'un univers
que l'on qualifie volontiers de « kafkaïen ». En France, la loi du 12 avril 2000 sur l'amélioration
des relations entre l'administration et les citoyens a levé de manière générale l'anonymat des
fonctionnaires. Désormais toute personne a le droit de connaître le nom, le prénom, la qualité et
l'adresse (professionnelle bien entendu) de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire
qui le concerne. Ces indications doivent figurer sur les correspondances adressées aux citoyens par
l'administration. Cette exigence s'applique aux fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales, des
établissements publics à caractère administratif, le personnel des organismes de sécurité sociale et le
personnel des organismes chargés de la gestion d'un service public administratif.

• L'information en vue de la transparence peut encore porter sur les comptes des autorités administratives
et des organismes aidés ou subventionnés. La transparence comporte ainsi un volet de « transparence
financière » qui est lui-même double.
• D'une part, les autorités administratives qui tiennent des comptes doivent mettre ces derniers à la
disposition des citoyens. Des dispositions en ce sens existaient en France depuis plusieurs années
en ce qui concerne les budgets des collectivités publiques, notamment ceux des collectivités
territoriales.
• L'exigence de publicité a été étendue aux organismes de sécurité sociale, pour lesquels elle
concerne la mise à disposition du public des comptes des caisses de sécurité sociale ainsi que les
documents qui intéressent les citoyens, ainsi qu'aux organismes de droit privé bénéficiant d'une
subvention publique, l'utilisation de deniers publics par ces derniers justifiant cette mesure.

§ 2. Le principe de participation
Le principe de participation est surabondamment invoqué par les pouvoirs publics, comme par ceux qui les
critiquent, chacun en appelle à la participation, à plus de participation, et nombreuses sont les lois qui prévoient,
sous une forme ou sous une autre, une participation, la dernière loi adoptée en la matière étant une loi du
27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la
Charte de l'environnement (V. ci-après)..

A. L'évolution de la participation
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La participation des citoyens (des sujets, à l'époque) n'était pas, autrefois, entièrement inconnue : on en
trouve une application ancienne, et particulière, avec les "associations syndicales", ni véritables associations,
ni syndicats au sens où nous l'entendons aujourd'hui, destinées à la lutte contre les inondations, à l'irrigation,
aujourd'hui, en plus, à la lutte contre les incendies de forêts, l'adhésion pouvant être obligatoire (dans le cas
d'une association obligée) ou la sortie interdite (dans le cas d'une association autorisée).

La participation a été, historiquement, revendiquée dans le domaine politique, peu dans le domaine
administratif. Cette limitation de la participation à la vie administrative tient à plusieurs facteurs : le fait que,
longtemps, elle ne parut guère utile parce que l'État intervenait peu dans la vie des citoyens ; la réticence,
critiquable mais explicable, des administrations ; le fait, aussi, que le "circuit politique" est un "circuit ascendant"
tandis que le "circuit administratif" est un "circuit descendant de l'intérêt général déterminé par la loi aux intérêts
particuliers" (J. Boulouis).

La participation aux services publics, à laquelle les auteurs anciens n'attachaient guère d'importance, est
devenue essentielle pour des raisons inverses des précédentes : les services publics se sont multipliés et
le citoyen est en permanence en relations avec eux ; "l'administration de commandement" est de moins en
moins acceptée, une bonne exécution d'une décision est celle qui emporte l'adhésion des intéressés ; les
progrès de la démocratie, ou les exigences d'une plus grande démocratisation, appellent un développement
de la participation.

B. Formes et valeur de la participation


La participation des citoyens au fonctionnement des services publics peut prendre plusieurs formes, associant
plus ou moins étroitement les intéressés à la décision qui sera prise. Le stade le moins contraignant est celui
de la consultation, mais celle-ci a des effets plus ou moins prononcés :
• spontanée ou facultative, la consultation laisse toute la liberté à l'administration ;
• obligatoire, elle contraint l'administration à prendre l'avis exigé, tout en la laissant libre de sa décision ;
• avec l'avis conforme, elle est tenue de suivre l'avis (cette hypothèse étant assez rare).

La participation peut être une association à la prise de décision. Cette collaboration entre les citoyens et
les services publics peut se réaliser à travers plusieurs procédés.
• On a parlé de cogestion pour désigner la gestion associée des caisses de sécurité sociale. .
• Un autre procédé, utilisable à l'échelon local, est le référendum (lequel n'est pas seulement applicable
dans le domaine politique). Les pouvoirs publics, et plus encore les élus locaux, sont réticents, pour ne
pas dire hostiles, à l'égard de ce procédé.
La loi du 6 février 1992 avait prévu, dans certains cas, le référendum de consultation (le référendum de décision
demeurant exclu). Cette solution ne pouvait perdurer, le référendum étant un procédé de démocratie directe
qui, au moins à l’échelon local, présente un réel intérêt. C’est pourquoi lors de la réforme constitutionnelle de
2003 un article nouveau a été introduit, l’article 72-1 qui prévoit, notamment, la possibilité pour les collectivités
territoriales de recourir, sous certaines conditions, au référendum de décision. Les dispositions relatives à
l’organisation du référendum sont codifiées aux articles L.O. 1112-1 et s. du Code général des collectivités
territoriales (V. infra).

La participation au fonctionnement des services publics présente des avantages :

• elle est un facteur de démocratie, de meilleure compréhension réciproque et, par là, de paix sociale ;
• elle garantit une meilleure exécution des décisions, donc est un facteur d'efficacité.

Elle comporte aussi des inconvénients :

• il peut s'agir d'une fausse participation, ce qui accentue les tensions au lieu de les atténuer, d'un moyen,
pour l'administration, de se décharger de ses responsabilités ;
• il y a aussi un risque de dissolution du pouvoir de décision, donc des responsabilités (en cas de procédure
complexe faisant intervenir de multiples organismes appelés successivement à donner leur avis) ; .

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• enfin la participation ne supprime pas l'opposition, parfois irréductible, entre l'intérêt général et les intérêts
particuliers

Un phénomène a largement joué dans la revendication, d'abord, la réalisation, ensuite, d'une participation des
citoyens aux services publics, c'est le phénomène associatif. Ce dernier, longtemps plus faible en France
que dans les pays anglo-saxons, s'est largement développé avec, aujourd'hui, environ 500 000 associations
dans notre pays (25 000 associations nouvelles se créant chaque année).

Avantages de la participation au fonctionnement Inconvénients de la participation au


des services publics fonctionnement des services publics
• Facteur de démocratie
• Fausse participation
• de meilleure compréhension
réciproque • Risque de dissolution du pouvoir de
décision
• de paix sociale
• Ne supprime aps l'opposition entre l'intérêt
• Meilleure exécution des décisions
général et l'intérêt particulier
• dont un facteur d'efficacité

C. Les domaines de la participation


Le domaine de l'aménagement de l'espace et de l'urbanisme est un de ceux qui appellent la participation et
les procédures ont été réformées pour être plus conformes aux exigences de notre temps. L'enquête, qui est
une procédure assez ancienne en droit français, prévue, à l'origine, dans une hypothèse principale, celle de
l'expropriation, a été étendue à d'autres domaines. Plus de 8000 enquêtes ont lieu chaque année. Une réforme
du 14 mai 1976 a prévu un plus grand nombre de lieux accessibles au public appelé à donner son opinion, et
un délai minimum d'enquête. La loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et
à la protection de l'environnement a porté la durée de l'enquête à un mois (pouvant être prolongé de 15 jours),
modifié le statut des commissaires enquêteurs pour accroître leur crédibilité et leur indépendance, donné la
possibilité, nouvelle, de provoquer des réunions publiques.

La loi dite « démocratie de proximité », du 27 février 2002, a institué des « conseils de quartier », établis, ainsi
que leur nom l'indique, à l'échelon du quartier. Ces conseils de quartier sont obligatoires dans les communes
de plus de 80 000 habitants et plus, facultatifs dans les autres. Le conseil municipal en fixe la dénomination,
la composition et les modalités de fonctionnement. Ces conseils de quartier peuvent être consultés par
le maire et peuvent lui faire des propositions sur toute question concernant le quartier ou la ville. Le conseil
municipal peut affecter aux conseils de quartier un local et leur allouer chaque année des crédits pour leur
fonctionnement.

La loi organique du 1er août 2003 a organisé le référendum local et la consultation des citoyens. Ces
dispositions figurent aujourd'hui dans le titre unique qui ouvre le code général des collectivités territoriales
(CGCT) intitulé « Libre administration des collectivités territoriales » dans un chapitre 2 dénommé «
Participation des électeurs aux élections locales ». Selon l'article L.O. 1112-1 du CGCT l'assemblée délibérante
d'une collectivité territoriale peut soumettre à référendum tout projet de délibération tendant à régler une
affaire de la compétence de cette collectivité. C'est ainsi le référendum décisionnel - à l'égard duquel certains
éprouvaient des doutes quant à sa légalité, estimant que seul le référendum de consultation était possible -
qui a été consacré par le législateur. Naturellement ce référendum est entouré de conditions et de garanties,
et ne peut - ce qui est logique et normal - intervenir dans n'importe quel domaine.

Dans le domaine économique, on a cherché à associer les usagers à la gestion de certains services. En
particulier la philosophie des entreprises publiques (qu'elles gèrent ou non un service public) repose sur l'idée
de "représentation des intérêts", parmi lesquels figurent, outre l'État et le personnel, les usagers. Mais la
représentation des usagers a été difficile à organiser (comment définir la catégorie des usagers ? Tout citoyen
est un usager potentiel de la SNCF, par ex. Comment désigner les représentants des usagers ?) et s'est

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révélée décevante. Dans certaines entreprises, la catégorie des usagers a été remplacée, dès lors, par celle
des "personnalités qualifiées".

Cela vaut aussi dans le domaine culturel (avec, par ex., les maisons des jeunes et de la culture (MJC),
les centres culturels, les festivals, etc.) et dans le domaine sportif, où les associations sont extrêmement
nombreuses et ne peuvent subsister, dans bien des cas, que grâce aux subventions versées par la collectivité

Cela vaut encore dans le domaine de l'environnement (mettre domaine de l'environnement en bleu, comme
domaine culturel). Celui-ci appelle la participation, en raison de la sensibilité particulière de nos contemporains
aux questions qui le concernent. La Charte de l'environnement consacre dans son article 7 le droit pour
toute personne de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel rendues sur QPC ayant déclaré contraires à cet article 7
certaines dispositions du code de l'environnement, les pouvoirs publics ont estimé nécessaire d'intervenir par
le biais d'une loi. Le texte a pour objet, selon l'exposé des motifs du projet, "en tirant les conséquences de
la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, de donner à l'article 7 de la Charte de l'environnement
toute sa portée, afin de permettre aux citoyens de s'impliquer de façon concrète et utile dans le processus
d'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'envirionnement". La loi adoptée à cette fin est
la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public
défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement.

Principes du Service Public


Principe d'égalité
Principes d'adaptation et de continuité
Principes de neutralité et de laïcité
Principe de participation
Principes de transparence et de responsabilité
Principes de simplicité et d'accessibilité

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