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Ethique, bien être et

bonheur en entreprise
La prise en compte de l’éthique
(du bien-être et du bonheur) en entreprise
Rappel de la problématique
Rappel de la question : une entreprise peut-elle se soucier d’autre chose que de son intérêt (que de son profit)
dans ses rapports avec ses salariés (éthique dans l’entreprise) ou avec ses autres parties prenantes (éthique de
l’entreprise) ? Autrement dit, une autre éthique que l’éthique utilitariste est-elle possible en entreprise ?

Se poser la question de la possibilité d’une autre éthique que celle de l’intérêt suppose de ne pas s’inscrire dans
le paradigme utilitariste qui postule que les hommes ne sont mûs que par l’intérêt. C’est pourquoi nous
mobiliserons le paradigme du don, qui, tout en ne niant pas l’intérêt comme motif puissant de l’action, s’ouvre à
d’autres motivations et à d’autres éthiques possibles que celle de l’intérêts.

Après avoir interrogé l’éthique des entreprises telle qu’elle se déploie dans l’histoire (paternalismes) et le
monde aujourd’hui (Etats-Unis, Japon, France), nous allons aborder les critiques formulées à l’encontre de cette
invocation de l’éthique par les entreprises.
Rappel des objectifs du cours (Eprel)

•- Connaître les modalités de la prise en compte de la dimension éthique de


et dans l'entreprise et notamment leurs aspects historique (paternalismes)
et culturelle (Etats-Unis, Japon, France)
•- Comprendre les critiques formulées à l'encontre de l'ambition de cette
prise en compte
•- Connaître quelques éléments des débats qui portent sur les fondements
d'une éthique non utilitariste  dont peuvent se réclamer les promoteurs du
dialogue social (Habermas et son éthique communicationnelle, ou Mauss et
l'éthique du don agonistique)
La tentation éthique du capitalisme
Comprendre les critiques formulées à l'encontre de l'ambition de cette prise en compte

L’éthique représente un enjeu L’auteur montre ainsi que le « désir » d’éthique


incontournable pour les firmes est largement dépendant des conditions sociales
internationales, du fait de la pression des salariés et de l’existence de collectifs de
croissante de l’opinion publique. Mais quelle travail partageant des mêmes « valeurs ». Ainsi,
en est sa perception par les salariés ? Ne leur la formulation par la direction d’une éthique à
apparaît-elle pas comme une préoccupation laquelle les individus devraient s’identifier n’est
secondaire ou une question managériale ni suffisante pour emporter l’accord et
abstraite ? l’adhésion des salariés, ni gage en elle-même de
Cet ouvrage – alliant une approche théorique cohésion sociale.
et une enquête d’envergure sur une grande
entreprise publique – pose ainsi des questions
fondamentales : comment et pourquoi le
Anne Salmon, La système capitaliste produit-il des valeurs
tentation éthique du
capitalisme, La
sociales ? Entre adhésion et résistance,
Découverte, 2007 quelle est la réception de ce discours par les
salariés ?
Les questions ; les réponses
Contexte : l’ouverture à la concurrence s’accompagne du passage d’EDF d’une entreprise publique
remplissant une mission de service public à une société anonyme visant la maximisation du profit (et
la rémunération des actionnaires)
Comment comprendre la formalisation de l’éthique à EDF ?
Cette formalisation vient compenser de manière illusoire l’étiolement d’une éthique informelle
étayée sur des pratiques professionnelles remises en cause par des méthodes managériales reposant
sur la rationalisation et l’individualisation du travail (cf. p. 171)
Comment les salariés ont reçu cette éthique ?
Perçue comme censément décrire les pratiques telles qu’elle sont, elle a généré des résistances en
raison de l’écart entre le discours et les pratiques réelles. Perçue comme un guide pour l’action
précisant les pratiques telles qu’elles devraient être, elle a laissé les salariés sceptiques. Dans les
deux cas, elle n’a pas eu l’effet escompté en termes de mobilisation. (pp. 156-157)
Pourquoi la charte éthique a-t-elle peu mobilisé ?
Parce que ce n’est pas l’éthique qui produit le groupe, mais le groupe qui produit l’éthique. Seuls les
membres d’ un groupe déjà soudé peuvent désirer croire dans des valeurs qu’ils incarnent
collectivement.(p. 173, Durkheim)
EDF : d’une éthique à une autre

1946 : création d’EDF par la Hypothèse sous-jacente :


loi de la nationalisation. Durkheim : la morale ne
Entreprise publique produit pas le groupe. La
morale suppose la groupe,
2004 : changement de statut. elle en est l’émanation et
Société anonyme. Ouverture l’expression.
du capital
«  les valeurs n’auraient en
elles-mêmes qu’une très
faible puissance à cimenter
un groupe qui ne serait aps
déjà constituer; C’est du
collectif, de la multiplicité et
de la vivacité des relations
qui s’y développent, du
temps pour l’affection et
pour les conflits, que peut
émerger un désir de se
référer aux mêmes valeurs et
de se réguler » (pp. 140-141)
EDF : d’une éthique à une autre
Réflexions et inflexions éthiques

1994 : politique d’expansion internationale. 1ère réflexion sur la


formalisation de l’éthique
Références : cadre juridique (Loi 1946) et histoire du service public.
Pas de diffusion interne (pas de visée de cohésion)
Cinq valeurs susceptibles de guider les comportements : écoute, équité, honnêteté et transparence,
solidarité, sens des responsabilité
Efficacité économique recherchée (diminution des coûts)
Mais l’activité repose sur une autre base que le profit : principe = vente au prix de revient
Expansion économique limitée par les principes de service public :
• Participation minoritaire dans les entreprises étrangères
• Subordination de la politique internationale à la politique étrangère de la nation
EDF : d’une éthique à une autre

1995 : « Ensemble notre identité »


Pas de référence à la loi de 1946
Mobiliser l’esprit de service public à des fins de cohésion. Diffusion en interne.
Trois dimensions :
« Valeurs individuelles » : conscience professionnelles, esprit de service, intégrité, etc
« Comportement d’entreprises » : respect des engagements vis-à-vis de l’Etat, des collectivités, des
partenaires, respecter l’environnement
« Comportements individuels »: agir en homme et en femme responsables, avoir le sens de l’effortet
du travail bien fait, avoir une attitude d’accueil etc…
EDF : d’une éthique à une autre

2003 : lancement de la démarche éthique


Charte éthique largement diffusée en interne et en externe. Trois textes :
•Valeurs du groupe : respect de la personne, respect de l’environnement, performance, solidarité,
intégrité. Présentées comme sources d’engagements individuels et collectifs. Leurs déclinaisons :
•Les principes d’action collective
•Memento éthique du groupe. « aide au comportement individuel dans les situations professionnelles à
risques » (conflits d’intérêts, corruption, cadeaux etc… )

Délégation de l’éthique et à la déontologie chargé de sa mise en œuvre


•Relais : directeurs de branche, de division ou de filiale
•En réfère au Comité d’éthique du Conseil d’Administration

•Présentée comme « un des atouts majeurs pour la construction du groupe, sa différenciation
concurrentielle et son développement sur le marché européen et mondial »
EDF : d’une éthique à une autre
Hypothèse de l’auteur : il existe des liens entre le positionnement sur un marché concurrentiel et la
formalisation de l’éthique

Changement d’objectif :
« Il ne s’agit plus de produire de l’électricité pour tous les usagers selon les valeurs d’égalité et de
liberté d’accès aux bien essentiels, mais de vendre un produit/service au client selon ses désirs et ses
moyens » (p. 104)

Qui entraîne des changement organisationnels :


Cela « modifie en profondeur les pratiques professionnelles, mais aussi les relations de travail, les
solidarités et le sentiment de partager un socle à peu près stable de références communes » (Ibid.)

Qui eux-mêmes s’accompagnent d’un changement du rapport à l’éthique :


1994 : réaffirmation de l’éthique du service public qui marque les limites au-delà desquelles le projet
du groupe n’étaient plus légitimes » (p. 105)
1995 et 2003 : « ce caractère contraignant des valeurs de service public a sérieusement été atténué au
profit d’une visée de maintien de la cohésion sociale pour accompagner les changements » (p. 105)
Années 1995 : Morcellement et
destabilisation des solidarités
1995 : diffusion d’un document redéfinissant les orientations stratégiques visant à mobiliser
•Rhétorique évolutionniste : adaptation à l’environnement nécessaire à la survie
•Réthorique qui fait référence à la nation et à l’esprit de service public
•Rhétorique économique autour de la contribution à la richesse nationale et des capacités industrielles

Angoisse de morcellement (1)


Sentiment de reconnaissance inégale de la contribution à la construction de l’avenir. Paroles p. 121
•Valorisation des cadres, des commerciaux, des jeunes;
•Dévalorisation des agents de maîtrise, des techniciens, des anciens
Crainte de morcellement de l’entreprise. Paroles p. 122
•Développement des activités lucratives
•Vente/sous-traitance des activités moins lucratives

Destabilisation des solidarités (2) liés à trois réactions identitaires.


Etre. Ceux qui disent vouloir renouer avec l’esprit de service public, au risque de passer pour des résistants au chgt
Avoir. Ceux qui se replient sur les acquis sociaux au risque de passer pour de vulgaires utilitaristes
Faire. Ceux qui se réfugient dans la charte éthique. au risque de passer pour ds traitres

Effet : pas d’adhésion au projet mais pas de résistance en raison de (1) et (2).
Années 2000 : attachement au collectif de
travail vs dépersonnalisation des relations
Années 2000 : poursuite des réorganisations et formalisation de l’éthique
Attachement (nostalgique) au collectif de travail
Produire, une fin. Service public = solidarité, droit à l’énergie. « Ce qui primait : produire de l’électricité ». Parole p. 133
Sens du travail. « Je savais pourquoi je venais travailler » « Pour les personnes, pour le public, pour les Français » (p. 135)
« Par delà les finalité d’intérêt général,(…) une finalité contenu dans le travail lui-même », un « finalité intrinsèque du
travail » (p. 136). Une « dimension affective ». « Un esprit convivial ». Paroles p. 138.
L’éthique. « L’éthique (…) est intégrée dans les actions » (p. 137) « Encastrement de l’éthique dans l’action » (p.
140)« L’intégration dans l’entreprise (…) C’est elle qui entrainait l’adoption de l’entreprise et non l’inverse ». Parole p.
139.

Dépersonnalisation des relations


Produire, un moyen. Aujourd’hui « la production [est devenue] un moyen en vue d’un fin extérieure à elle-même : le
gain » (p. 134)
Sens du travail. « J’ai l’impression de travailler pour des actionnaires » Parole p. 141« Un processus sépare les moyens des
fins dans l’activité elle-même (;..) en associant à l’effort et au travail une récompense » (p. 134). Finalité extrinsèque.
« Des formes plus contractuelles « p. 147)
L’éthique. « On est individualiste ». Parole p. 143. « L’intérêt comme mobile principal » est socialement « construit »(p.
145) par cette organisation du travail. « Disparition de la vie sociale et de la vie morale » (p. 143 ).
Dans ce contexte : quelles réactions inspire
la charte éthique ?
Cela dépend de la manière dont elle est interprétée.

1.Quand la charte est perçue comme désignant « ce qui est », alors elle est « vivement
critiquée » (p. 156)

Artifice, supercherie, double langage visant à masquer la réalité


« Réactions violentes » « Malaise diffus teinté de tristesse »

2.Quand la charte est perçue comme désignant « ce qui devrait-être », alors « les salariés sont
« plus attentistes » (p. 157)

Compromis entre différentes valeurs.


Boussole possible à condition que des contrôles soient opérés pour s’assurer que le cap est
tenu. Parole p. 158.

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