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DICTIONNAIRE CRITIQUE DE LA RSE | Nicolas Postel, Richard Sobel

Théorie

Éthique des affaires

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CITÉ PAR

Éthique des affaires

Jean Pasquero

p. 196-202

TEXTE BIBLIOGRAPHIEANNEXES AUTEUR

TEXTE INTÉGRAL

1L’éthique est une branche de la philosophie. Elle se préoccupe des principes propres à guider les choix
humains en définissant des différences entre les bons et les mauvais comportements dans le cadre
général de leur vie sociale. L’éthique des affaires est un champ disciplinaire appliqué. Elle se préoccupe
des principes séparant les bons des mauvais comportements dans le cadre spécifique de la vie des
organisations. En pratique, séparer le bien du mal revient à séparer ce qui est acceptable de ce qui ne
l’est pas. Se posent alors d’emblée plusieurs questions fondamentales : qu’entend-on par acceptabilité ?
Quelle est la nature des principes qui la définissent ? Quelle est leur valeur ? Comment déterminer ces
principes ? Qui peut les déterminer ? À qui s’adressent-ils ? Qui doit les faire appliquer ? Quelle est leur
efficacité ? Quelles sanctions faut-il imposer en cas de manquements ? Quelles sont les relations entre
les principes éthiques et ceux d’autres systèmes normatifs, comme le droit, la coutume, la religion ?
Quels sont les liens entre éthique, pouvoir et marché ? Toutes ces questions reçoivent des réponses
diverses et souvent contradictoires. Le domaine de l’éthique des affaires est donc par nature polémique.

Un champ vaste et complexe

2Pour certains, l’éthique des affaires est même un oxymore, une association contre-nature entre deux
mondes qui non seulement ne peuvent que s’ignorer, mais qui plus est fonctionneraient selon des
logiques incompatibles. Cette position est fautive. Toute action organisationnelle implique des choix, et
donc des critères de choix établissant des distinctions entre formes supérieures et formes inférieures.
Cela est vrai pour chacune des fonctions de gestion, de la finance aux relations humaines. Toute décision
est ainsi encastrée dans un système éthique, que les acteurs en soient conscients ou pas. C’est la thèse
aujourd’hui reconnue de la non-séparabilité entre éthique et affaires (Harris, Freeman, 2008). La gestion
peut ainsi être conçue comme une activité d’éthique appliquée.

3Plusieurs malentendus doivent être dissipés sur le concept d’éthique des affaires. En premier lieu, s’il
fait actuellement partie de la modernité en gestion, son objet est ancien. On cite souvent le code
d’Hammourabi, au XVIIIe siècle avant notre ère. Au Moyen Âge, l’Église condamnait le prêt à intérêt et
portait un regard moralement négatif sur les marchands et le commerce. Avec l’avènement du
capitalisme industriel et de l’économie de marché se posa le problème du rôle de l’entreprise dans la
société et des abus auxquels les entreprises pouvaient se livrer. Ce questionnement s’amplifia avec
chaque crise économique et chaque nouvel abus, au point de faire l’objet d’un enseignement précoce
dans certaines écoles de gestion. Dès les années 1960 par exemple, l’ESSEC dispensait un cours
obligatoire de « morale des affaires », où étaient affirmés les principes de base d’une gestion intègre
fondée sur la confiance, le respect des lois, des contrats et celui des personnes.

4En second lieu, l’éthique des affaires déborde aujourd’hui largement le cadre de l’entreprise privée.
Une réflexion éthique croissante se développe sur les organisations publiques, y compris dans
l’Administration ou les hôpitaux, et sur les organisations du secteur non marchand, telles les
coopératives ou les syndicats. L’avènement d’un secteur hybride, porteur d’activités comme le
commerce équitable ou l’investissement responsable, a précipité la prise en compte de questions
éthiques dans la gestion en général. Il serait donc aujourd’hui plus convenable de parler d’éthique
organisationnelle, ou d’éthique de management.
5En troisième lieu, l’éthique se place au-delà de la morale, des mœurs et des lois, qui toutes trois ont
pour objet de discipliner les acteurs vers des comportements déterminés. La morale est un ensemble de
règles généralement imposées par une autorité extérieure (religion, pouvoir politique, famille) qui vise
l’intériorisation de modes d’action considérés comme supérieurs. Les mœurs sont formées de coutumes
et conventions entraînant des habitudes de comportement qui se reproduisent par imitation. Quant aux
lois, ce sont des prescriptions publiques assorties de fortes contraintes. Dans les trois cas, l’imposition
de règles est associée à des sanctions diverses d’ordre social ou pénal. Par contraste, l’éthique ne
concerne pas directement les comportements. Elle appartient plutôt au registre du jugement, soutenu
par la réflexion critique et la délibération. Dans sa version la plus abstraite, les sanctions qui la
gouvernent sont plutôt d’ordre psychologique, comme le sentiment de culpabilité.

6En règle générale toutefois, les distinctions entre morale et éthique sont ambiguës. Certains, se
référant à leur étymologie, en font des synonymes. D’autres les opposent, réservant le terme d’éthique
à l’examen de la valeur d’un comportement, et le terme de morale aux règles qui gouvernent ce
comportement lui-même. Cette confusion est accentuée par le fait que le terme anglais « business
ethics », d’où procède le concept « d’éthique des affaires », fait en général plutôt référence aux
comportements, c’est-à-dire aux règles morales de la vie organisationnelle. Une acception reconnue en
Europe est celle de EBEN (European Business Ethics Network), selon laquelle l’éthique est une réflexion
continue dans la recherche du bien commun et du bien individuel.

L’éthique dans l’organisation

7L’éthique organisationnelle doit se comprendre dans le cadre plus général des relations entre
l’entreprise et la société. Trois mécanismes fondamentaux expliquent les choix que font les acteurs dans
les entreprises : le marché, le pouvoir, et les valeurs (Pasquero, 2007). Chaque mécanisme correspond à
une logique propre, respectivement le calcul (de rentabilité), la dépendance (aux lois, aux groupes de
pression), et l’éthique (respect de principes). Aucun des trois n’est efficace sans le soutien des deux
autres. La triple crise actuelle du marché (États-Unis), de l’État (Europe) et des valeurs (partout), la crise
écologique depuis plus de cinquante ans, ou la perte de crédibilité des ONG, ont clairement indiqué les
limites de ces mécanismes de régulation sociale. Si l’intérêt, la pression et la répression sont devenus
insuffisants pour garantir l’intérêt général, peut-être le temps est-il venu de poser autrement le
problème, par exemple en repensant les modes d’action de l’organisation non pas à partir de la société,
mais à partir de l’individu et de ses valeurs. C’est dans ce questionnement que l’on peut trouver une
première cause de l’intérêt contemporain pour l’éthique des affaires.
8Cet intérêt tient aussi à d’autres causes, plus prosaïques. La peur des scandales, où tout finit par se
savoir à l’heure de la société d’information, la sévérité de lois plus strictes devant certains abus,
l’imprévisibilité des pressions moralisatrices, toutes ont également joué un rôle. Elles ont créé pour les
organisations, et en particulier pour les entreprises, un contexte d’incertitude qui a conduit leurs
dirigeants à une réflexion sur un meilleur contrôle des comportements déviants, et donc à la
moralisation de certaines pratiques aujourd’hui considérées comme inacceptables. Cette tendance est
renforcée par le contexte particulier de notre société dite « post-moderne en mal de repères ». Les
incertitudes liées aux problèmes éthiques que pose la technologie (bioéthique, nucléaire), de même que
la soif de participation de multiples parties prenantes et leur besoin de donner un sens à leur action, ont
entraîné un désarroi général qui ne peut trouver d’autre exutoire que dans la collaboration et la
responsabilisation de tous (Pasquero, 2004). La quête d’éthique serait ainsi liée à des besoins sociaux
débordant largement le cadre limité des organisations.

9Se pose alors la question de la « gestion de l’éthique » dans l’organisation. Un problème central
affleure : peut-on « gérer » l’éthique, aux deux sens de la capacité à le faire et de l’acceptabilité de le
faire ? Pour ce qui est de la première question, la réponse est aujourd’hui positive. Les recherches et la
pratique ont montré qu’il était possible d’orienter le comportement des individus par des normes
fondées sur des valeurs plutôt que par le seul pouvoir hiérarchique (O’Fallon, Butterfield, 2005). Les
stratégies de renforcement de l’éthique organisationnelle s’appuient en général sur trois éléments :
l’individu, la culture, le contexte (Trevino, Weaver, Reynolds, 2006). De l’individu, on attend qu’il
possède une conscience morale suffisante, c’est-à-dire la capacité de différencier le bien et le mal dans
les cas ordinaires, de sentir de l’attirance face au bien et de l’aversion face au mal. C’est semble-t-il le
cas de la grande majorité des acteurs. De nombreux outils ont été développés pour aider les employés à
déterminer et à améliorer leur compétence éthique. La formation nécessaire inclut généralement des
cours de conscientisation et la promotion de pratiques valorisées (codes d’éthique). Pour ce qui est de la
culture, son renforcement éthique s’appuie avant tout sur des facteurs sous le contrôle direct des
dirigeants : ceux-ci doivent donner l’exemple, par leur comportement personnel, mais aussi par les
priorités, les critères de promotion et les systèmes de récompense qu’ils favorisent, ou par le traitement
qu’ils accordent aux employés fautifs par rapport aux employés vertueux. Des systèmes formels peuvent
être mis en place, tels que le recours à la voie hiérarchique ou à des experts internes pour arbitrer les
zones grises. Quant au contexte, c’est l’élément le plus problématique. Son influence est difficile à
contrôler, car elle est indissociable de certaines perversions du système de marché. De nombreux
manquements éthiques trouvent en effet leur source dans les pressions excessives imposées par la
concurrence, soit parce qu’elles menacent la survie de l’entreprise, soit parce qu’elles servent à certains
dirigeants pour justifier leur laxisme ou leur irresponsabilité. La mondialisation peut ainsi être un facteur
d’immoralité à la fois direct (corruption) et indirect (contraintes déraisonnables de rendement), contre
lequel la barrière de l’éthique est souvent dérisoire (Greve, Palmer, Pozner, 2010).
10Reste la question de la légitimité de l’encadrement éthique des employés par la direction. La
controverse est avant tout idéologique. Pour certains analystes, toute tentative d’influencer les valeurs
des employés est une intrusion inacceptable dans leur vie privée, voire une manipulation. Le devoir de
l’employé se limiterait selon eux à sa performance économique, dans le cadre des lois existantes.
L’éthique, même camouflée sous un discours normatif, ne serait ainsi rien d’autre qu’un moyen de
contrôle supplémentaire du travail par le capital. Il ne fait pas de doute que cette appréciation
représente bien la réalité de certaines entreprises, en particulier de celles dénuées de valeurs partagées.
Elle ne couvre toutefois pas tous les cas. Dans nombre d’organisations, l’éthique des affaires est aussi,
voire surtout, un moyen de répondre à la quête de sens des employés, qui se traduit par un sentiment
gratifiant d’intégrité et de fierté personnelle et organisationnelle. En valorisant le respect d’autrui,
l’éthique des affaires peut ainsi constituer une forme de prise en charge du collectif à travers
l’individuel.

Éthique et enseignement

11Aux États-Unis, l’introduction des cours d’éthique des affaires dans les écoles de gestion a fait suite
aux grands scandales des années 1970 (corruption chez Lockheed, acceptation de l’Apartheid, désastres
environnementaux). Depuis les scandales financiers des années 2000, le mouvement s’est accentué, et
une véritable critique de la philosophie et du contenu des cours de gestion s’est emparée de la
profession. Depuis quelques années, ce questionnement s’est étendu au reste du monde.

12Ce mouvement a entraîné plusieurs conséquences dans les écoles de gestion, tant sur le contenu
normatif des enseignements, que sur les modèles théoriques et la formation des étudiants. Pour ce qui
est du contenu normatif, la conséquence la plus évidente est la prise de conscience du contenu moral de
la gestion. Il s’en est suivi une clarification, qui a conduit à l’enseignement de plusieurs modèles
éthiques jusque-là confinés aux facultés de philosophie. Étrangement, le recul qu’apporte cet
enseignement lui confère une fonction critique au sein du management. L’approche est essentiellement
pluraliste. La plupart des grandes doctrines classiques sont invoquées : utilitarisme de Mill (le plus grand
bien pour le plus grand nombre), déontologie de Kant (respect d’autrui et quête de normes
universelles), contractualisme de Rawls (égalité derrière un voile d’ignorance), théorie des vertus
d’Aristote (traits de caractère admirables), principe responsabilité de Jonas (principe de précaution
envers les générations futures), communautarisme de Taylor (consensus autour d’hyperbiens), éthique
de la discussion d’Habermas (construction collective de normes). Chacun de ces modèles correspond en
général à un type de décision différent (utilitarisme en finance, Kant ou Rawls en gestion des ressources
humaines, Aristote en leadership). Il est révélateur d’observer que le libertarisme de Robert Nozick et
surtout celui de Milton Friedman, plus médiatisé (liberté individuelle hostile à l’État), n’est pas central
dans cet enseignement. Il est généralement utilisé comme repoussoir pour valoriser les autres modèles,
car la plupart des professeurs d’éthique des affaires sont pragmatiques et tiennent le libertarisme pour
inutilement dogmatique.
13Le mouvement éthique a également favorisé la création théorique en management. L’entreprise, jadis
conceptualisée comme une fiction légale, une fonction de production, ou plus récemment un nœud de
contrats, a été redéfinie comme une communauté de contributeurs, rebaptisés « parties prenantes ».
Une nouvelle approche en a émergé, qui conçoit l’entreprise comme une arène d’arbitrages entre des
intérêts à la fois convergents et divergents. Cette théorie a fait éclater la primauté des actionnaires en
faveur de la multitude des partenaires de l’entreprise. Elle comporte un fort élément éthique, car elle
reconnaît explicitement aux parties prenantes non seulement des intérêts, mais aussi des droits, et la
liste de ces droits ne cesse de s’allonger. En ce sens, la théorie des parties prenantes représente une
percée conceptuelle majeure. Cette conception fait toutefois l’objet de controverses. En se concentrant
sur les interactions interindividuelles, cette théorie sous-estime l’influence des facteurs structurels sur
les comportements de gestion, ignorant en particulier les relations de pouvoir asymétriques. Pour
certains analystes, en particulier européens, son parti pris pour la négociation plutôt que pour la lutte
émancipatrice la condamne, tout autant que les autres théories de l’organisation, à camoufler la
véritable nature des relations entre capital et travail.

14Quant aux étudiants, l’éthique des affaires leur apporte une capacité critique qu’ils ne trouvent pas
dans leurs cours disciplinaires. La mise en évidence du caractère moral de la décision d’affaires et des
polémiques qui touchent cette question, la découverte du pluralisme des logiques de choix (où le calcul
maximisateur n’est qu’une possibilité parmi d’autres), l’apprentissage du jugement moral appliqué à soi-
même et à autrui, l’exposition à des modèles positifs de comportement mènent souvent dans la salle de
cours à une remise en question de lieux communs qui jusque-là allaient de soi. Pour certains étudiants,
le cours d’éthique leur permet de réconcilier humanisme et gestion. D’autres y découvrent que la
déontologie (« c’est honnête, donc bien fait ») peut avantageusement remplacer la morale de
l’expédient (« pas vu, pas pris »). Un troisième groupe rassemble les incrédules. De nombreux étudiants
sont ainsi convaincus pour eux-mêmes des vertus d’un comportement éthique, mais manifestent
beaucoup de scepticisme sur sa viabilité en milieu d’affaires. Un dernier groupe réunit les étudiants
totalement imperméables au discours éthique. Il serait donc imprudent d’imaginer que les quelques
heures passées en classe produiront automatiquement des comportements plus éthiques en situation
de conflit organisationnel. Toutefois, les résultats ne sont pas négligeables, et l’expérience démontre
que l’intérêt pour l’éthique varie directement avec l’âge et l’expérience professionnelle.

Les controverses

15Le champ de l’éthique des affaires est marqué par de nombreux désaccords, tant conceptuels que
politiques. Les désaccords conceptuels sont classiques. Ils concernent les sources des normes éthiques
(le sentiment inné, ou la raison), l’arbitrage entre relativisme et universalisme (un défi particulièrement
important pour les multinationales), le niveau où se situe l’éthique (individu, tendance plus européenne,
ou organisation, tendance plus nord-américaine), les relations entre éthique et pouvoir (l’équilibre entre
les deux). Ces controverses ont toutes des implications pratiques pour les organisations. L’orientation
actuelle semble être celle d’un certain syncrétisme, où la meilleure part de chaque modèle fondamental
est combinée aux autres, sans que ne soit vraiment posé le problème de la cohérence de l’ensemble. Il
est vrai que la gestion est l’art du compromis, et cela semble valoir tant pour la pratique que pour la
théorie (Cavanagh, Moberg, Velasquez, 1995).

16Plus préoccupantes sont les controverses politiques, qui se posent la question de l’utilisation de la
démarche éthique comme outil de moralisation. Trois questions retiennent l’attention. Certains
redoutent l’instrumentalisation de l’éthique comme stratégie de profit (« ethics pays »).
Particulièrement visés sont des concepts comme ceux d’éthique ou de responsabilité sociale
stratégique, qui font suite à celui de philanthropie stratégique des années 1980 (Porter, Kramer, 2006).
Quel sens peut en effet avoir un comportement éthique dont la finalité normative est détournée au
profit d’une logique de gain ou de limitation de risques ? D’autres rejettent sans ambages l’éthique des
affaires comme une idéologie perfectionnée de manipulation des employés, voire de toutes les parties
prenantes, et finalement de la société dans son ensemble. C’est le discours classique de la théorie
critique, qui tente par des voies originales de développer une éthique de l’émancipation (Boje, 2008).
Pour cette approche, l’éthique des affaires n’est au mieux qu’un exercice privé marginal et sans grand
impact sur la société. Elle constitue même une forme d’hypocrisie, car en se limitant à l’organisation,
elle évite soigneusement de prendre en compte les problèmes les plus dérangeants des sociétés de
notre temps (pollution, pauvreté, inégalités, exploitation, déclassement). Finalement, pour un troisième
groupe de critiques, c’est la question de l’inefficacité de l’éthique comme principe de régulation qui est
la plus inquiétante. Certaines études ont ainsi démontré qu’aucun des grands codes éthiques
internationaux (Pacte mondial, principes de l’OCDE, de Caux, de Sullivan) ne produisait d’effets à la
hauteur de ses ambitions (Cavanagh, 2004). D’autres études ont également remis en question l’utilité
des codes d’éthique d’entreprise, dont l’existence ne se justifierait que comme protection en cas de
procès ou comme outil de relations publiques. Faut-il alors imposer des principes d’éthique des affaires
par la loi et la coercition ? L’expérience permet d’en douter, car une telle approche est rarement
suffisante. La loi délimite les comportements individuels et sanctionne les abus criants. Elle ne peut régir
le quotidien des relations si le milieu n’est pas propice. Il reste donc un gros travail de préparation
éthique à faire sur le terrain pour assurer le succès des cadres éthiques existants.

Conclusion

17Malgré les percées théoriques et expérientielles considérables de ces dernières années, l’éthique des
affaires reste une réflexion en évolution et une quête permanente. Elle apparaît de plus en plus comme
une construction partagée, marquée par le souci du compromis entre parties prenantes, autour de
valeurs et du respect de principes à définir en commun. L’éthique des affaires ne saurait toutefois être
une panacée à tous les maux de la société actuelle, et il ne faut pas qu’elle le soit : les sociétés régulées
uniquement par les valeurs sont en général antidémocratiques. L’éthique n’est pas non plus un leurre :
de nombreuses organisations ont su traverser honorablement des tempêtes parce qu’elles pouvaient
s’appuyer sur une éthique organisationnelle forte. Ni panacée ni leurre, l’éthique organisationnelle est
avant tout une forme de respect de soi et d’autrui, et donc une forme de responsabilité envers soi-
même et les autres. Face aux faiblesses des autres modèles de régulation sociale, elle demeure la
principale voie encore sous-explorée entre le calcul et le sentiment, entre l’État et le marché, entre le
collectivisme et l’individualisme. C’est une forme de solidarité active, elle-même chargée de faiblesses,
mais qui trouve son sens dans sa complémentarité avec les autres facteurs de cohésion sociale. Sans
doute ne peut-elle à elle seule parvenir à combler le déficit moral de nos sociétés, mais, en particulier
chez les jeunes générations, elle fournit des points de repères utiles, bien en phase avec cette nouvelle
idéologie des temps modernes qu’est le développement durable.

BIBLIOGRAPHIE

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Boje D. M. (dir.) (2008), Critical theory ethics for Business and Public Administration, Charlotte, NC, IAP.

Cavanagh G. F. (2004), « Global Business Ethics ». Business Ethics Quarterly, 14 (4), p. 625-642.

Cavanagh G. F., Moberg, D. J., Velasquez M. (1995), « Making business ethics practical ». Business Ethics
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Greve H.R., Palmer D., Pozner J.-E. (2010), « Organizations gone wild: The causes, processes and
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DOI : 10.1080/19416521003654186

Harris, J. D., Freeman R. E. (2008), « The Impossibility of the Separation Thesis », Business Ethics
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O’Fallon M. J., Butterfield K. D. (2005), « A review of the empirical ethical decision-making literature
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DOI : 10.1007/s10551-005-2929-7

Pasquero J. (2004), « De l’éthique du marché à l’éthique de la responsabilité : les nouvelles formes de


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Porter M. E., Kramer M. R. (2006), « Strategy and society: The link between competitive advantage and
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Trevino L. K., Weaver G. R., Reynolds S. J. (2006), « Behavioral ethics in organizations », Journal of
Management, 32 (6), p. 951-990.

ANNEXES

Voir aussi

CSR et RSE, Droit du travail, Droits de l’Homme, Droits fondamentaux, Effectuation du droit,
Multinationale, Propriété de l’entreprise, Soft law

AUTEUR

Jean Pasquero

Du même auteur

Avant Propos in La Responsabilité Sociale de l'Entreprise, Presses universitaires du Septentrion, 2011

Introduction in Agro-ressources et écosystèmes, Presses universitaires du Septentrion, 2012


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